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Date : 23/3/2018 16h52 Page 5/160

Sylvie Ortega Muños


Avec la collaboration
d'Emmanuelle Friedmann

Entre océan et mer noire


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© Pygmalion, département de Flammarion, 2018


ISBN : 978-2-7564-2530-6
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À Ludovic, mon seul et unique amour,


for eternity.
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Introduction

A
vec le temps, la peine ne s'estompe
pas. Chaque jour qui passe, Ludo me
manque davantage. Je pensais vieillir
à ses côtés. Aujourd'hui, je passe mes nuits à
pleurer. Je regarde nos photos longuement, lui
parle comme s'il était là, tâchant d'empêcher
mes yeux de s'embuer, et échouant, la majorité
du temps. Je me blottis encore dans ses vête-
ments, priant pour que son odeur demeure
pour toujours… Je ne parviens pas à accepter
que je ne le reverrai plus.
Pourtant, notre quotidien n'était pas
simple, la maladie avait pris une place considé-
rable dans notre couple. Il n'en demeure pas
moins qu'il était mon âme sœur, l'être que j'ai

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

le plus aimé. Sa disparition laisse un vide ter-


rible dans mon existence.
Ce livre n'est ni une thérapie, ni une cathar-
sis, c'est une souffrance. Évoquer la douleur et
les derniers instants de l'homme que j'aime ne
m'aide pas à surmonter mon désespoir, mais
je le dois à Ludo. Écrire ce livre, c'est une
promesse que je lui ai faite, celle de terminer
ce que nous avions commencé : raconter notre
magnifique histoire d'amour, notre combat
contre la bipolarité. Aujourd'hui, je veux aussi
rendre hommage à la belle personne qu'il était
et à son courage face à la maladie.
J'ai souvent eu l'impression que nous étions
les personnages d'un film d'Almodóvar, notre
vie a été haute en couleur, aussi magnifique
que tragique. Nous cherchions la vérité noyée
dans un tissu de mensonges et dans des drames
familiaux. Maintenant, je suis seule mais je
continuerai notre œuvre.

Ludo, mon amour, c'est à toi que je dédie


ce livre.
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PREMIÈRE PARTIE

Sylvie is dancing
as high as a kite1
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1. « Sylvie » par The Silencers, album Seconds of


pleasure.
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CHAPITRE 1

La famille,
c'est une vie qu'on aime bien
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J e suis très fière de mes parents, ce


sont des gens honorables qui m'ont
transmis des valeurs remarquables.
Ma mère, couturière, travaillait pour des
marques de luxe : Courrèges, Céline et Léo-
nard. Cette passion pour les vêtements l'a
amenée à devenir costumière pour des
théâtres et des écoles de danse. Toujours dis-
ponible pour discuter et jouer avec ma sœur
et moi, elle est, à mes yeux, l'incarnation de
la beauté.
Mon père, lui, travaillait dans les forces de
l'ordre et, très protecteur, symbolise la force.
Nous avons eu de la chance, mon père
gagnait confortablement sa vie et maman a pu

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

s'arrêter de travailler, quelques années, pour


s'occuper de nous.
Avec Nathalie, mon aînée de treize mois,
nous avons grandi heureuses auprès de parents
unis et très aimants.
Mon père étant andalou, nous passions
toutes nos vacances en Espagne. Je suis une
enfant du sud, j'aime la façon de vivre des
Latins très extravertis mais pas délurés et
jamais dépravés. Ce sont des gens qui ont le
sens de la famille. La joie de vivre. J'ai des
milliers de souvenirs dans ce pays, avec mes
parents, avec les enfants puis avec Ludo.
J'adore cette langue également, au point de
me demander si je ne m'exprime pas mieux en
castillan qu'en français.

Sans doute parce que nous déménagions


souvent au rythme des mutations de mon
père, nous vivions repliés sur nous-mêmes,
sur ce petit cocon, et nous ne fréquentions
que peu les autres membres de la famille.
Excepté pour les fêtes de Noël évidemment

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LA FAMILLE, C'EST UNE VIE QU'ON AIME BIEN

durant lesquelles ma mère invitait grands-


parents, oncles, tantes et cousins. Si nous ne
nous voyions pas souvent, ces moments res-
tent des souvenirs fantastiques.
En revanche, je ne saurais pas énumérer
les lieux où nous avons posé nos valises.
Aucune ville ne m'a réellement marquée
– à l'exception peut-être de Perpignan
que nous traversions à chaque retour de
vacances – car tout ce qui comptait était
d'être ensemble. Nous avons passé quelques
années à Paris, mais mes parents trouvaient
la qualité de vie médiocre, surtout pour
leurs deux petites filles. Nous avons égale-
ment vécu pas mal de très belles années en
Bretagne. Si je ne la considère pas comme
mon foyer, je garde un excellent souvenir
de cette région.

Avec Nathalie, nous avons été élevées


comme des jumelles : nous faisions absolu-
ment tout ensemble. Et cela malgré nos dif-
férences. Ma sœur est discrète et j'ai toujours
été extravertie, voire extravagante.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Petite fille, j'ai fait très tôt du théâtre et


de la danse pour dépenser cette énergie.
Entourée de ma bande de copines, je sortais
souvent mais je n'ai jamais fait de grosses
bêtises. Dès le collège, l'école m'a semblé
être une sorte de grande comédie musicale.
Je n'avais pas la langue dans ma poche, faisais
le pitre et dansais sur les tables, ce qui me
valait quelques passages en conseil de disci-
pline ! Mes parents étaient inquiets mais,
comme j'avais de bonnes notes, ils ne sévis-
saient pas. Avide de liberté, j'avais du mal
à supporter l'autorité… C'est toujours le cas
d'ailleurs.
Faire ce qui me passait par la tête et avoir
de bons résultats peut sembler contradictoire
mais j'avais trouvé un équilibre – après tout,
il est difficile de ne pas être soi, n'est-ce
pas ? Je m'exprimais mais j'ai toujours eu
du respect pour mes camarades et surtout
pour mes parents. Je ne détestais pas l'école
mais souffrais beaucoup de ces longues
heures enfermées. Je rêvais de voyager, de

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LA FAMILLE, C'EST UNE VIE QU'ON AIME BIEN

rire, de rencontrer des gens différents. Je


rêvais de prendre mon envol. Je voulais vivre
une existence qui sortirait des sentiers battus.
La vie ne m'a pas déçue.
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CHAPITRE 2

Que le spectacle commence !


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D
ès l'âge de seize ans, je travail-
lais dans un salon de coiffure
Jean-Louis David. Mes patrons
m'ont un jour emmenée assister à l'un des
shows que la chaîne organisait à Paris. Cet
événement m'a littéralement fascinée.
Au point que j'ai jugé qu'il était temps
de quitter la Bretagne – où nous vivions à ce
moment-là – pour Paris.
Une fois le bac en poche, je me suis ins-
crite en fac de droit, dans les pas de ma sœur
qui avait choisi cette filière. Je n'étais pas très
assidue, mais ces études m'ont beaucoup
intéressée. Parallèlement, j'ai continué ma
formation de coiffure et j'ai fait quelques

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

stages chez L'Oréal, Éric Stipa et Formula.


Pourtant, j'avais la conviction que je ne
m'épanouirais pas dans ce domaine. Cela m'a
tout de même servi puisque je coiffe aujour-
d'hui mes enfants et quelques amis.
Il fallait encore que je trouve ma voie.

La danse s'est imposée comme une évidence.


Puisque pendant des années j'avais pris
des cours et que j'étais passionnée d'opéra, j'ai
décidé de tenter le concours de Garnier.
Attention à ceux qui ne sont pas totalement
motivés, c'est un parcours du combattant ! Il
fallait remplir un dossier puis se rendre à un
casting. Ensuite, et seulement si on était
accepté, on passait une l'audition. À la seconde
étape, j'ai été recalée : trop grande.
C'était un coup dur. Que pouvais-je faire ?
Je pouvais travailler autant qu'il est humaine-
ment possible, rétrécir ne l'était pas. J'ai alors
pensé au Lido.
J'avais appris qu'il y avait une audition et
que l'on demandait justement des filles qui
avaient des bases de danse classique. Cette

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QUE LE SPECTACLE COMMENCE !

fois-ci, aucune remarque sur ma taille, au


contraire : les danseuses doivent mesurer
entre 1,75 m et 1,83 m. J'ai immédiatement
été prise. Et je ne peux dire qu'une chose : je
pouvais enfin danser. Le show demande
beaucoup de boulot : entraînement tous les
jours ! Et les sessions étaient bien plus épui-
santes que les représentations elles-mêmes.
D'ailleurs, je n'en faisais pas plus de deux à
quatre par semaine.
Si j'ai beaucoup aimé danser plusieurs
années dans cet endroit mythique, ce n'était
pas ma seule activité malgré la charge de
travail.

Qui se ressemble s'assemble veut l'adage :


je côtoyais beaucoup de danseurs et de man-
nequins au Palace ou aux Bains-Douches, où
je passais pas mal de temps. Là, j'ai été repé-
rée par le booker d'une agence.
When life gives you lemons, make lemonade,
dit-on. Si j'étais trop grande pour danser, je
ne l'étais pas pour ce métier.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Je n'étais pas prise systématiquement, évi-


demment, mais j'ai tout de même retenu assez
vite l'attention.

J'avais à peine vingt ans et tout ce que


j'entreprenais semblait me réussir. Comme je
l'ai mentionné – et comme tout mannequin –,
il m'est arrivé d'être jetée de certains castings,
mais, en général, ces échecs me donnaient
davantage envie de persévérer. Je me souviens
avoir plusieurs fois consolé des copines, tristes
d'avoir été recalées, contrairement à moi. Cela
ne me minait pas du tout. J'aimais ce métier,
mais ce n'était pas une passion. Je n'ai jamais
eu le sentiment de jouer ma vie sur un casting.
Je profitais de l'existence, tout simplement.
J'aimais faire la fête, mais sans excès, dans la
droite ligne de mon éducation et des valeurs
que m'avaient transmises mes parents. Et
pourtant, je dois avouer que j'ai assisté à pas
mal de débordements. Dans le milieu de la
mode, c'est no limit, on boit, on fume, on
essaie tout parce qu'on doit toujours être en

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QUE LE SPECTACLE COMMENCE !

pleine forme sans pouvoir dormir ou se


restaurer !
Heureusement, je n'ai jamais eu besoin de
quoi que ce soit pour cela. Est-ce une chance ?
Je déborde d'énergie et il ne me faut que peu
de sommeil, encore aujourd'hui.
Rassurez-vous, je ne suis pas parfaite.
D'ailleurs, l'un de mes plus gros défauts
est mon incapacité à être ponctuelle. Et
cela a commencé dès le début de ma vie
professionnelle.
C'est pour cela que l'aventure Lido s'est
arrêtée. Entre les entraînements, les représen-
tations et les castings qui commençaient à se
multiplier, mes retards étaient de plus en plus
systématiques et importants.
Un jour, la goutte d'eau… En arrivant au
cabaret en retard pour l'entraînement, je me
suis fait virer. C'était mon troisième retard de
la semaine.
Je ne pouvais pas les blâmer et je me suis
simplement dit que c'était une opportunité.
J'allais pouvoir trouver d'autres débouchés et
vivre d'autres aventures.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Puisque je n'avais pas de défilé prévu à


cette période-là, j'ai profité de ces vacances
impromptues pour aller voir mes parents en
Bretagne. Sur un coup de tête, j'ai décidé de
m'offrir une Austin mini juste avant de partir.
J'ai exigé qu'on me la livre chez eux avec un
grand nœud autour. Si mes parents étaient
furieux, avec le recul, je trouve que cette voi-
ture symbolise la façon dont j'ai mené ma
vie : j'ai toujours cédé à mes coups de tête et à
mes coups de foudre !

J'ai embarqué mon meilleur ami, Michael,


et nous avons fait un road trip à travers la
France jusqu'à Perpignan que je considérais
comme l'un des plus beaux endroits du
monde.
Sur place, nous avons vécu de petits bou-
lots en attendant les prochains contrats. J'ai
notamment des souvenirs inoubliables d'un
bar dans lequel nous avons travaillé quelque
temps. Je me suis retrouvée à préparer des
crêpes. J'obligeais Michael à manger toutes

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QUE LE SPECTACLE COMMENCE !

celles que je ratais. Ah, le temps de l'insou-


ciance. J'y ai fait également mes premières
armes de barmaid mais ça, c'est encore une
autre histoire.
Il était temps de rentrer à Paris pour la
fashion week.
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CHAPITRE 3

The model
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J e me suis dès lors concentrée sur le


mannequinat.
Après avoir intégré l'agence Élite de
John Casablancas, j'ai fréquemment travaillé
pour Gigi Akoka, grande directrice de cas-
tings, déjà dans les années 1990. Ses bureaux
étaient rue des Plantes dans le XIVe arrondis-
sement de Paris. Dans le même immeuble,
Peter Lindbergh avait son studio photo. Tous
les grands mannequins de l'époque sont
passés entre leurs mains.
Durant ces années – au cours desquelles
je voyageais énormément : Paris, Londres,
Madrid, Milan, New York, etc. –, j'ai travaillé
pour des couturiers tels Jean-Paul Gaultier,

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Kenzo, Givenchy, Yves Saint Laurent ou


Vivienne Westwood. Plus tard au cours de
ma carrière, j'ai également eu l'honneur de
défiler pour de jeunes créateurs que j'adore
tels Sébastien Payen et Ken Okada.
J'ai de magnifiques souvenirs de cette
époque.
Je pense notamment à Yves Saint Laurent.
Dans son atelier j'essayais une robe et les
petites mains – comme on les appelle – repre-
naient la robe. L'un des employés ne m'aimait
pas du tout. Il me piquait intentionnellement
avec les épingles et je ne me laissais pas faire.
Yves Saint Laurent, tout d'abord partagé entre
l'amusement et la consternation, a fini par en
avoir assez : il a fait le travail lui-même. Quel
homme incroyable !
Il nous est arrivé plusieurs fois de fumer,
allongés sur ses canapés dans son salon. On
discutait, on refaisait le monde…
J'ai toujours eu beaucoup d'admiration
pour Kenzo aussi, toujours professionnel,
fidèle, qui adorait faire la fête.

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THE MODEL

J'ai défilé avec Kate Moss et Karen Mulder,


qui méritaient amplement leur statut de top
models. Ce sont des filles géniales avec les-
quelles on sortait aux Bains-Douches ou au
Palace.
C'est à cette époque que j'ai rencontré mon
ami le photographe, Foc Kan, déjà grand pro-
fessionnel. J'ai passé également de très bons
moments au VIP de Saint-Tropez, avec Jean
Roch qui nous accueillait toujours avec une
telle gentillesse, comme le faisait Tony Gomès
au Queen et Josiane qui inventait les soirées
les plus réussies.
Oui, je fréquentais alors le monde de la
nuit mais comme je le disais, ce qui est ancré
en nous reste et j'ai toujours su résister aux
tentations.
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CHAPITRE 4

Mommy
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C'
est seulement en arrivant à
Paris que j'ai remarqué que je
pouvais plaire aux garçons,
mais eux ne m'intéressaient pas plus que cela.
J'ai d'ailleurs perdu ma virginité assez tardive-
ment – à dix-neuf ans !
Mon premier amour s'appelait Nicolas. Il
venait d'une grande famille, j'étais heureuse
avec lui, mais je n'avais pas du tout envie de
me caser. L'important pour moi, c'était de
voyager, de sortir, de travailler et j'étais loin
d'être malheureuse seule.
Quelque temps plus tard, j'ai rencontré un
acteur, Brandon ; il était beau, nous étions
heureux ensemble, je suis restée un peu plus

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

d'un an avec lui. Puis nous avons rompu d'un


commun accord.
Avec le recul, je m'aperçois que j'avais
déjà commencé à collectionner les écorchés
vifs. Comment l'expliquer ? Dégagerais-je une
lumière, une énergie qui les rassure ? J'ose
croire que ce n'étaient que des hasards de la
vie, pour me préparer à mon grand amour.

C'est lorsque j'ai attendu mon premier


enfant que j'ai cessé de sortir beaucoup. J'ai
également mis ma carrière entre parenthèses.
Je suis devenue maman deux fois. D'abord
d'une petite fille blonde, Chloé. Elle aurait
dû avoir une sœur jumelle, mais j'ai perdu le
deuxième bébé in utero. La vie est ce qu'elle
est et réserve souvent des surprises.
Heureusement, Chloé, avec ses grands yeux
verts, était un magnifique bébé et elle m'a
immédiatement comblée. Rapidement séparée
de son papa, je l'emmenais partout avec moi.
Elle était super sage, rigolote et ressemblait à
un petit bonbon. Aujourd'hui encore, elle est
mon oxygène. J'ai une chance immense car,

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MOMMY

en reprenant le travail, j'ai souvent été absente


mais elle ne m'en a jamais tenu rigueur.
Six ans plus tard, j'ai mis au monde un petit
garçon, Axel. J'ai choisi le même prénom que
le chanteur des Guns and Roses parce que je
suis une immense fan du groupe. Si, une fois
encore, mon couple n'a pas résisté au temps,
Axel, garçon magnifique, m'a apporté énor-
mément de joie.
Après sa naissance, j'ai cessé mes virées
dans les capitales européennes pour défiler.
J'ai d'ailleurs décidé de rester un moment à
Perpignan, le temps de perdre mes kilos de
grossesse – vingt-deux quand même ! Et j'étais
convaincue que c'était là que j'offrirais à mes
enfants une meilleure qualité de vie.
J'ai commencé à travailler comme barmaid
au Mex, un complexe de trois établissements
qui organisait des soirées mexicaines. On
m'avait embauchée parce que je présentais
bien et que je savais mettre l'ambiance ! Ils
l'avaient souvent constaté lorsque je venais en
tant que cliente.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Ma spécialité : je vendais de la tequila au


mètre. Le meilleur moyen pour cela était de
boire avec le client. À ceci près que, dans mon
verre, vous ne trouviez que du Schweppes.
Eh oui, ça a la même couleur et ça mousse.
Tout le monde s'étonnait que je tienne si bien
l'alcool. Mais l'apothéose de mon numéro
était tout autre. Quand je montais sur le
bar, les habitués reconnaissaient le signal et
s'approchaient. Après avoir arrosé le comptoir
d'une traînée d'alcool, j'y mettais le feu et dan-
sais au-dessus des flammes. Effet garanti !
Le Mex fermant à 2 heures du matin, mes
clients allaient ensuite dans la discothèque
juste à côté et m'y entraînaient. J'ai fini par y
travailler aussi, toujours pour animer. Eh oui,
pas de dérives mais toujours le goût de la fête
et besoin de peu de sommeil.
À force, tout le monde me connaissait et
j'avais fait mes preuves. C’est alors que l’on
m’a proposé la gestion d’une discothèque
dans le but de relancer l’activité. Je l’ai rebap-
tisée le In love. Motiver les gens pour venir
s'éclater ? Un job sur mesure ! Les seuls

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MOMMY

moments difficiles pour moi étaient lorsqu'il


fallait embaucher des gens ou gérer les rixes
qui éclataient.
Si la liberté que ce job me conférait était
grisante, les horaires pouvaient être épuisants.
Parfois, je rentrais du travail juste à temps
pour accompagner les enfants à l'école. Ce
n'est qu'ensuite que je pouvais aller me
coucher
Je ne m'inquiétais pas du lendemain,
sereine, j'étais certaine de pouvoir reprendre
quand je le voudrais. J'ai donc profité pleine-
ment de cette parenthèse provinciale.
Perpignan est devenu mon foyer pendant
presque une dizaine d'années. J'ai toujours
trouvé que c'était une ville fantastique, à la
croisée des chemins entre la mer, la montagne
et la Catalogne. Je m'y suis toujours sentie à
l'aise.
J'étais contente de mettre ma carrière sur
pause pour profiter de ma vie de famille. Mes
parents étaient très présents pour moi et pour
les enfants dont ils s'occupaient fréquemment,
surtout pendant mes déplacements.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Il a donc été simple de reprendre mon tra-


vail de mannequin ensuite. Puisqu'il se
concentrait essentiellement durant les fashion
weeks, je n'ai eu aucun souci à cumuler les
deux jobs pendant quelques années. Je prenais
mes vacances aux bons moments, lorsque je
savais que j'allais participer à des défilés, que
ce soit à Paris, Milan ou pendant le festival de
Cannes.
Et puis, je ne sais pas comment, mais de
façon insidieuse la maladie est entrée dans
ma vie. Elle se nomme anorexie.
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CHAPITRE 5

Anorexie
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J' avais déjà connu quelques épisodes


lorsque j'étais plus jeune, mais à ce
moment-là, sans que j'en aie cons-
cience, j'ai mis ma santé et ma vie en danger.
Et tout le monde le sait, l'anorexie est une
maladie dont on ne guérit jamais vraiment.
On pourrait penser que c'est mon travail de
mannequin qui m'a incitée à faire attention à
mon poids jusqu'à l'obsession, mais c'est faux.
Je ne dirais pas qu'on demande souvent aux
filles qui défilent de se nourrir suffisamment ou
de faire attention à elles, mais je dois préciser
que, lorsque j'ai été trop maigre, j'ai été black-
boulée de plusieurs castings, à Madrid notam-
ment. J'étais descendue à 30 kilos pour 1,78 m.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Dans mon esprit, il n'y avait pas de pro-


blème. J'avais la pêche, je vivais dans un
idéal de pureté. Je ne mangeais pas des jours,
des semaines durant et, lorsque je ne pou-
vais pas faire autrement, je vomissais. Je me
suis toujours arrangée pour que mes parents
ne me surprennent pas et que mes enfants ne
m'entendent pas. J'avais honte de me nourrir
devant d'autres personnes, j'avais l'impres-
sion de me purifier en jeûnant. Et pourtant,
j'aimais cuisiner pour les enfants.
J'ai été hospitalisée plusieurs fois, nourrie
par sonde. Dans ces moments-là, je n'avais
pas le droit de voir les enfants, il fallait que je
prenne quelques kilos pour avoir une permis-
sion de visite. Je réussissais à remanger un
peu, à regrossir un peu et je rechutais.
Ainsi, durant plusieurs années, j'ai souffert
de ce mal. Mes parents ont été formidables, ils
ont été pour moi et mes enfants un véritable
soutien ; ils s'occupaient de Chloé et d'Axel
lorsque j'étais hospitalisée.
Avec mon psy, j'ai beaucoup creusé pour
comprendre d'où venait ce problème, mais

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ANOREXIE

sans jamais y parvenir vraiment. Si on me


posait aujourd'hui la question : sais-tu pour-
quoi tu es devenue anorexique ? Je ne pourrais
pas répondre.
La seule chose qui a changé, c'est qu'à
présent, je sais manger et je ne me mets plus
en danger. Je crois que mon travail m'a aussi
aidée dans cette reconstruction : être manne-
quin, c'est être regardée.

Durant mon break à Perpignan, j'ai égale-


ment fait un peu de peinture, pour extériori-
ser ce que j'avais en moi. Je signais mes toiles
Cloax, en hommage à mes deux enfants,
Chloé et Axel.
Excepté quelques épisodes où la maladie
était trop présente, cette période a été plus
heureuse.
C'est peut-être pour cela que, sur un coup
de tête, en mai 2001, j'ai décidé de me marier
avec un homme rencontré à Barcelone.
Je frôlais la trentaine, lui était un peu plus
jeune. C'était un beau garçon, originaire
d'Équateur, fils d'une grande famille. Il visitait

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

la France et travaillait aux États-Unis où il


terminait ses études d'avocat. Je ne le connais-
sais que depuis un mois lorsque j'ai accepté
sa demande en mariage. La cérémonie a été
célébrée en petit comité, même mes parents
n’étaient pas au courant. (Ils apprendront
mon mariage trois mois plus tard, lorsque
je suis venue leur présenter mon mari en
Bretagne.) Il n’y avait que mes enfants, deux
témoins et une poignée d’amis qui m’ont fait
la surprise de nous rejoindre à la mairie.
Au bout de quelque temps, nous nous
sommes installés à Valence, en Espagne. J'étais
heureuse et je ne pensais pas particulièrement
au futur. Nous sommes restés trois ans
ensemble. Il ne s'est rien passé de particulier,
l'histoire s'est simplement terminée. Il voulait
un enfant, moi non, mais nous étions suffi-
samment attachés l'un à l'autre pour retarder
l'inévitable : nous avons mis dix ans à divorcer.
Aujourd'hui, je sais faire la différence entre
un coup de cœur tel que celui éprouvé pour
mon Équatorien et le véritable coup de foudre
que j'ai eu pour Ludo.

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ANOREXIE

C'est surtout ma rencontre avec ce dernier


qui m'a permis de dépasser la maladie. Une
fois que nous avons été ensemble, je n'ai plus
jamais eu d'épisode anorexique. Ensemble
nous prenions plaisir à cuisiner, à faire des
salades. Quand je l'ai rencontré, il ne savait
pas faire cuire un œuf. Je le mettais à l'éplu-
chage. La seule chose qui a perduré, c'est le
temps interminable que je mets à faire les
courses. Je regarde toujours les étiquettes
des produits durant des heures pour étudier les
moins caloriques, les moins gras…
Accaparée par notre histoire d'amour, je me
suis guérie de l'obsession du contrôle de mon
alimentation. J'étais belle dans ses yeux. Et
cela m'a suffi.
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DEUXIÈME PARTIE

Parce que c'était lui,


parce que c'était moi
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CHAPITRE 1

When a man loves a woman


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A
vec Ludo, tous les actes du quoti-
dien étaient magiques. Notre ren-
contre l'a été plus que tout.
Il y a quatorze ans à Londres, je venais de
défiler pour Vivienne Westwood lorsque des
hurluberlus parvinrent à se faufiler dans les
backstages pour nous faire des déclarations
d'amour. C'est assez fréquent et il y en a énor-
mément qui le font, pourtant, ce jour-là, j'ai
vu débarquer ce beau garçon et l'ai tout de
suite trouvé différent des autres. Il était avec
un ami, il s'est approché de moi et m'a dit à
l'oreille tout doucement, qu'en me regardant
défiler, il avait eu un immense coup de foudre.
La plupart du temps, lorsque des mecs que je

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

ne connais pas me disent cela, je ne pense qu'à


une chose : les faire dégager. Les inconnus libi-
dineux, très peu pour moi ! Mais là, j'ai été
subjuguée, hypnotisée par cet homme. Son
sourire, sa façon de me parler m'ont séduite. Il
ne cessait de me déshabiller du regard et de
me dire : « Je sais que tu vas être ma lumière,
tu seras ma femme. »
J'étais complètement déstabilisée. Je ne pou-
vais même pas aller boire un verre avec lui, nous
étions en pleine fashion week et je bossais jour et
nuit. De toute façon, j'ai toujours été d'une
nature prudente, je voulais prendre mon temps.
À aucun moment je ne me doutai de son
identité ou de sa parenté. Il m'a demandé
mon numéro de téléphone et j'ai refusé de le
lui donner. Bien sûr, j'en mourais d'envie et
je voulais le revoir, mais je ne sais pas pour-
quoi, à cet instant précis, je pensais qu'il fallait
laisser le destin décider. Et puis, je connais
les hommes, il ne faut pas leur céder tout de
suite !
Je me souviens encore avoir souri en lui
disant que je ne donnais pas mon numéro à

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WHEN A MAN LOVES A WOMAN

des inconnus. Il m'a pris la main en me


disant : « Tu as un sourire de folie dont toi
seule a le secret ! Mais de quelle planète viens-
tu pour être aussi fantastique ? » Je lui ai juste
répondu que j'avais très faim ! Il est allé immé-
diatement me chercher quelque chose. Il n'a
trouvé qu'un pain au chocolat dans un pub
– rien d'autre n'était ouvert à proximité –,
puis, il m'a enlacée, m'a fait tourner plusieurs
fois sur moi-même et m'a embrassée. J'ai senti
tellement d'amour et de tendresse dans ce bai-
ser que j'avais envie de lui dire que moi aussi
je sentais que j'allais passer le reste de ma vie
dans ses bras.
Il a attrapé une rose blanche, sur l'un des
pétales qu'il m'a glissé dans la main, il avait
inscrit son numéro, les autres il me les a
lancés en me disant doucement : « Je t'aime. »
Nous nous sommes quittés comme ça.
Entre-temps, Ludovic s'est renseigné sur
moi, il a regardé les défilés auxquels j'avais
participé, il a scruté Facebook. Moi, je ne
l'avais pas oublié non plus et, peu de temps
après, je lui ai envoyé un sms en signant « un

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

ange qui t'envoie de la lumière », histoire


de voir s'il se souvenait vraiment de moi.
Presque instantanément, il m'a répon-
du : « Ah, mais c'est Sylvie, la femme de ma
vie. »
J'étais à un moment de mon existence où
je ne cherchais pas à rencontrer quelqu'un.
Je faisais des allers-retours entre Paris et
Perpignan où étaient toujours mes enfants
et mes parents, je travaillais à Madrid et
Barcelone et j'en profitais quand j'avais un
moment pour me ressourcer à Valence. Pour-
tant je me suis attachée rapidement à Ludovic.
Peu à peu nous sommes devenus amis. Nous
avons commencé à nous appeler souvent,
nous parlions des heures.
À cette époque, il vivait à Saint-Barth.
C'était un moment compliqué pour lui.
Là-bas, il n'avait pas beaucoup de limites. En
matière ni de drogues ni de mœurs. Je crois
qu'il avait oublié ce que le mot fidélité signi-
fiait. En dehors de ça, je ne savais toujours
pas grand-chose de sa vie et m'étonnais qu'il
me dise sans cesse qu'il ne voulait pas parler

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WHEN A MAN LOVES A WOMAN

du passé, qu'il faudrait que je l'aide à oublier


la personne qu'il avait été. Je ne comprenais
pas très bien ce que cela signifiait, mais je le
lui promettais. Avec moi, il ne voulait pas se
servir de sa notoriété d'« enfant de » comme il
l'avait fait dans sa jeunesse. Il ne voulait plus
être ce bad boy mondain qui excitait les filles.
Il savait que ses histoires de cœur avaient tou-
jours été un peu compliquées à cause de ça.
Ludo se sentait très seul et avait besoin d'être
aimé. Il a longtemps cru qu'il obtiendrait ce
qu'il souhaitait en se montrant généreux.
Erreur… Mais il avait si bon cœur.
Il m'a parlé de sa dépendance à la cocaïne
assez subtilement en me demandant s'il m'était
arrivé d'en prendre. Après tout, c'était assez
fréquent dans nos milieux professionnels. Je
me souviens m'être exclamée : « Jamais ! » Et
étant anorexique, je ne pouvais pas prendre ce
risque. J'avais ajouté en riant : « Et perdre le
contrôle de moi-même, j'ai horreur de ça ! À
part le Coca, je ne suis accro à rien. » Et Ludo
avait ri gentiment.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Nous nous rapprochions mais, avant d'aller


plus loin, la première chose que j'ai faite a été
de signifier à Ludo que, tant qu'il ne serait
pas clean, rien ne serait possible entre nous.
Je crois que cette fin de non-recevoir l'a
convaincu de se soigner. Et surtout de le faire
de façon efficace.
Il est rentré à Paris, a commencé à bosser
avec son ami Lucien dans leur boutique des
Halles tout en cherchant une solution à son
addiction.

Un jour que je travaillais sur un tournage


de clip à côté des Halles, j'ai décidé de passer,
sans le prévenir, à sa boutique. Je l'ai trouvé
magnifique. Il faisait très froid et je me sou-
viens encore de sa tenue ; il portait un bonnet,
un jean, un perfecto noir et des baskets. En
m'apercevant, il a perdu tous ses moyens et
j'ai trouvé cela charmant. J'ai ressenti sa dou-
ceur et sa timidité. Il m'a offert un verre de
Coca light – il s'était souvenu de ma boisson
fétiche – et m'a invitée à dîner le soir même,
chez lui, dans le XVIe. En plein tournage,

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WHEN A MAN LOVES A WOMAN

j'allais finir très tard. Il m'a dit que je pouvais


passer à n'importe quelle heure, qu'il m'atten-
drait. Il avait l'air bouleversé que je sois venue
le voir, j'avais le sentiment que j'illuminais sa
journée. J'ai terminé le tournage du clip à
3 heures du matin, je l'ai appelé, il m'a dit :
« Je t'envoie un taxi ! »
Lorsque je suis arrivée, il patientait en bas
de son immeuble pour m'ouvrir la porte.
Il portait un jogging et des Adidas rouges. Je
l'ai trouvé très sexy. Je l'ai suivi dans ce bel
immeuble haussmannien, décoré avec de
somptueux miroirs sur les murs.
Une fois dans son appartement, j'ai tout de
suite vu une bouteille de Coca light. Encore
une fois, il avait pensé à me faire plaisir ! Je me
suis assise sur le canapé, je m'y suis tout de
suite sentie bien. J'ai observé la décoration
très épurée du salon. Soudain Ludovic a rou-
vert la porte d'entrée et m'a dit en souriant :
« Tu veux bien ressortir ? Je voudrais faire
quelque chose dont j'ai toujours rêvé, juste par
amour, pas sous le feu des projecteurs, simple-
ment parce que j'en ai envie. »

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Je ne comprenais pas du tout pourquoi il


me parlait de projecteurs, mais je n'ai pas posé
de questions. Je suis sortie et il m'a portée
jusqu'à sa chambre. Dans cette pièce non plus,
il n'y avait pour ainsi dire aucune décoration.
La pièce m'a donné l'impression d'être vierge,
il n'y avait qu'un immense lit, un écran géant
et une grande quantité de livres empilés. Sur le
mur du fond, j'ai juste vu deux photos : l'une
de ses parents – j'étais trop loin pour distin-
guer leurs visages, il m'a simplement semblé
qu'ils étaient en train de couper une pièce
montée – et l'autre d'une fillette de quatre ou
cinq ans.
Je n'ai pas vraiment eu le loisir de le ques-
tionner. Nous sommes restés dans cette
chambre pendant quatre jours.
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CHAPITRE 2

Fils de
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A
près cette petite parenthèse de bon-
heur, je suis allée chez mes parents
à Perpignan. Je me souviens que
j'avais mis une photo de Ludovic en fond
d'écran et, lorsque j'ai allumé mon ordina-
teur, ma mère s'est écriée : « Mais, c'est
Ludovic ! »
Je n'en revenais pas.
Je lui ai demandé, abasourdie, si elle le
connaissait et elle a répondu avec sérieux :
« Oui, depuis qu'il est bébé. Il a grandit, quel
beau garçon ! » Intérieurement, je me suis
décomposée. Comment pouvais-je imaginer la
vérité ? J'ai cru que nous étions cousins… parce
que notre famille est immense et que je ne

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

connais pas tout le monde. Je n'ai donc rien osé


dire et ai changé de sujet. J'étais désespérée.
Ainsi, l'histoire était trop belle pour être vraie…
De retour à Paris, j’ai compris pourquoi
mes parents le connaissaient si bien ! Après
une nuit d’amour torride, le matin, totale-
ment décoiffée, je me suis fait des couettes,
coiffure que j’affectionne quand je me réveille.
Elle me permet de rester un peu jolie sans
passer une heure devant le miroir. Ludo, une
clope au bec, m’a regardée en riant et m’a dit :
« Que tu es jolie ! Les couettes te vont à ravir ! »
Je me suis mise debout et j’ai commencé à
danser et à sauter sur le lit en criant « Ah bon,
tu aimes les couettes ? », et je ne sais pas pour-
quoi, j’ai entonné « Jolie petite Sheila », et là,
mort de rire, Ludo m’a dit : « Arrête tout de
suite de te moquer de ma mère ». Il a
commencé à chanter « J’ai un problème, je
crois bien que je t’aime ». Ce à quoi je lui ai
répondu, hilare : « Et toi, évite de te moquer
de mon oncle ! » Et il m’a tendu Fils de 1.

1. Flammarion, 2005.

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FILS DE

Ludovic, l'homme dont j'étais tombée


amoureuse, était le fils de Sheila.

Je fréquentais quelques personnalités grâce


à ma profession – impératif pour constituer
son réseau et pouvoir travailler – mais aucune
dans la musique. Sur le moment, sa notoriété
ne m'a pas semblé être un problème mais,
en lisant son livre, j'ai pris peur. Peur de ce
qu'il en dévoilait, peur de ses démons. Mais,
l'attirance, l'amour que je lui portais étaient
déjà trop forts pour que je baisse les bras. J'ai
donc décidé de me battre. Je savais que, si je
l'aidais à se débarrasser de sa dépendance,
nous allions pouvoir vivre une magnifique
histoire d'amour. Je sentais que Ludo était
prêt à lutter également. C'était un garçon fra-
gile mais pas faible, il avait énormément de
volonté.

Au fond, on pourrait dire que notre histoire


est banale. Mais Ludovic, le bébé le plus
attendu de France, avait simplement besoin
d'être aimé. C'est relativement courant qu'un

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

enfant s'éloigne ou se brouille avec ses parents,


d'autant plus lorsque c'est un enfant de stars,
mais souvent, il y a un oncle, une tante, un
frère ou une sœur, un membre de la famille
sur lequel il peut compter. On sait à quel
point avoir un soutien est important lorsque
l'on tente de sortir d'une addiction ou que l'on
lutte contre une maladie aussi compliquée
que la bipolarité.
Ludovic est né le 7 avril 1975, deux ans
après le mariage de ses parents Annie Chancel
dite Sheila et Guy Bayle dit Ringo. Ludo a
toujours évoqué une petite enfance heureuse,
il avait le sentiment d'avoir été un garçon-
net joyeux et insouciant. Ringo et Sheila se
sont séparés lorsque Ludovic allait sur ses
trois ans. Il a ensuite vécu avec sa mère tout
en continuant à voir son père régulièrement
les premières années, comme le jugement le
prévoyait. Et puis, c'est souvent le cas après
une séparation, les choses se sont compli-
quées entre ses parents. Ringo a alors complè-
tement disparu de la vie de son fils. Lorsqu'il
me parlait de son père, Ludo évoquait un

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FILS DE

homme qu'il pensait discret et qui avait,


peut-être, mal vécu sa notoriété. Aussi bien
pour Ludo que pour son père, je suis très
triste de penser que la vie ne leur a pas laissé
le temps de se retrouver.
C'est en grandissant que Ludo m'a raconté
avoir commencé à être plus angoissé, plus
torturé. Il faut dire que, très jeune, il avait eu
le sentiment d'avoir dû faire face à des situa-
tions qui le dépassaient.
Il m'avait en particulier raconté à quel point
il avait été choqué d'avoir vu sa mère sur
scène au Zénith en 1985 lorsqu'il avait dix
ans. Ce n'est que ce soir-là, qu'il a vraiment
réalisé le métier qu'exerçait sa maman. Bien
sûr, il l'avait déjà vue chanter lorsqu'elle pas-
sait à la télé, mais rien à voir avec l'ambiance
d'un concert. Annie, sur scène, était adulée
par ses fans, des hommes, des femmes qui
criaient son nom. À la fin du concert, des fans
l'avaient reconnu, lui, et lui avaient demandé
des autographes. Il avait dix ans et jamais signé
quoi que ce soit de sa vie ! Bien qu'entouré de
ses grands-parents qu'il adorait, il s'était senti

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

dépassé par les événements. C'est ce jour-là


qu'il a sans doute réalisé qu'il devrait, le reste
de sa vie, partager sa mère avec son public.
Aujourd'hui on a du mal à comprendre
que tout cela puisse choquer un enfant ; on a
l'habitude de voir des stars partout, mais à
l'époque c'était très différent ; il y avait trois
chaînes de télé et assez peu de chanteurs.
Annie était immensément connue, d'autant
qu'elle travaillait avec Claude Carrère, l'un
des deux producteurs les plus en vogue de
l'époque.
Après ce concert, la vie a repris son cours,
mais je crois que Ludo a perdu une part
d'insouciance…

Nous avons discuté durant des heures. Il


m'a parlé de lui, de son passé. Cela m'a permis
de le voir différemment, de le connaître vrai-
ment. Son mal-être profond venait surtout
du fait que, malgré lui, il était resté un person-
nage public. Il a terriblement souffert que
l'on puisse s'approprier sa vie, surtout sur les
réseaux sociaux où les gens n'ont aucune

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FILS DE

limite. À présent qu'il n'est plus là, je découvre


à mon tour ce que c'est d'être jeté en pâture
sur Internet. Cette mise en lumière forcée est
insupportable.

Ludo avait des relations compliquées avec


ses proches.
Il était un mec bien. Il consommait certes
de la drogue, mais sans jamais en proposer à
qui que ce soit, c'est assez rare pour être
remarqué ; il ne voulait pas être responsable
d'avoir incité quelqu'un à devenir dépendant
de cette merde.
Ensemble, nous avons choisi de lutter.
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CHAPITRE 3

Drugs
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L
udovic avait à peine dix-huit ans
lorsqu'il a annoncé à sa mère qu'il
avait envie de vivre à Paris. Celle-ci
a réagi impulsivement puisqu'elle l'a mis à la
porte. Elle a sans doute été profondément
blessée que son fils ait envie de quitter le
domicile. Ludovic m'a raconté cette scène
plusieurs fois. Sa mère est montée dans sa
chambre, elle a pris un grand sac et a mis
toutes ses affaires dedans puis l'a poussé
dehors. À dix-huit ans, avec quelques francs
en poche, il s'est retrouvé livré à lui-même.
Ludo s'est dit qu'il allait en profiter pour
tenter l'aventure. Une aventure qui s'est sol-
dée par un terrible accident de moto et un

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

peu plus tard par une tentative de destruction


lente avec la cocaïne.

Ludo avait déjà fait une cure de désintoxica-


tion, mais dans une clinique qui avait comme
patients une partie de la jet set et n'était pas
vraiment propice à la guérison. Le plus drama-
tique, c'est qu'il s'était senti minable d'être, à
la fin de cette cure, aussi dépendant, voire
plus, à la drogue qu'en la commençant.
Il m'a raconté qu'il avait le sentiment d'être
devenu l'homme qu'il ne voulait pas être,
colérique, parfois violent. Il était malheureux,
replié sur lui-même. En quittant l'établisse-
ment, je crois qu'il voulait en finir.
Malgré ce récit, j'y croyais : Ludo aurait la
force de lutter.

Pour l'aider, j'ai pensé que nous devrions


partir un moment pour Perpignan. C'était
une façon de l'éloigner de tous les potes qui
avaient une mauvaise influence sur lui, avec
qui il s'était défoncé.

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DRUGS

Je lui ai proposé de suivre une cure de désin-


toxication à Théza, dans les Pyrénées-Orien-
tales. Le site de la clinique était idéal : un grand
parc entouré de montagnes magnifiques.
Ludo s'est enfin senti suffisamment soutenu
et en confiance pour parvenir à entreprendre ce
travail compliqué de désintoxication.
Je suis profondément convaincue que ce
séjour l'a sauvé.
Il pouvait faire du sport, il a même créé
une équipe de volley et sympathisé avec plu-
sieurs patients – qui n'étaient pas uniquement
des toxicomanes. Il n'avait pas le droit de télé-
phoner, mais on pouvait venir le voir.
Valérie Arnaud, la femme du psy qui
m'avait aidée à me libérer de mon anorexie,
s'est occupée de Ludo dans cette clinique. Il
a accepté de se confier à elle, lui qui ne vou-
lait plus jamais entendre parler de thérapie.
Cette psychiatre était absolument formi-
dable. Elle prenait soin de limiter la quantité
de médicaments prescrits à Ludo mais surtout,
c'est durant ce séjour que le diagnostic est
tombé : bipolarité.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Il a bien sûr été très choqué de l'apprendre,


mais au moins il savait de quoi il souffrait et
il ne lui restait plus qu'à trouver, avec l'aide
du médecin, le traitement qui l'aiderait à aller
mieux.
Moi aussi je me sentais rassurée, même si
j'étais affligée qu'aucun médecin ne s'en soit
aperçu avant. C'est l'un des principaux pro-
blèmes. En moyenne, il faut dix ans pour
poser ce diagnostic ! Par méconnaissance,
parce que ce trouble peut être confondu avec
d'autres, que sais-je ? Sensibiliser l'opinion,
mais surtout le corps médical devrait être une
priorité.
Malgré tout, en quittant la clinique nous
avions déjà gagné une première bataille : Ludo
était clean.
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Date : 23/3/2018 16h52 Page 81/160

TROISIÈME PARTIE

Je t'aime, je t'aime,
je t'aimerai toute ma vie
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Date : 23/3/2018 16h52 Page 83/160

CHAPITRE 1

Our life together is so precious,


together
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Date : 23/3/2018 16h52 Page 85/160

A
ujourd'hui, on parle beaucoup de
la bipolarité. C'est la maladie du
siècle, cependant la plupart des gens
ne savent pas à quel point elle est difficile
à vivre pour le malade mais aussi pour son
entourage. Être bipolaire, ce n'est pas être
cyclothymique, ce n'est pas une question de
caractère, c'est vraiment une pathologie. Si
l'origine de cette maladie n'a toujours pas été
déterminée, on m'a affirmé qu'on ne naissait
pas bipolaire. On a simplement une prédispo-
sition héréditaire.
Avouons que le terme est moins flippant
que « psychose maniaco-dépressive » mais cela
ne change pas les faits. Le malade souffre de

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

variations de l'humeur, oscille entre dépres-


sion et période d'euphorie. Et l'une comme
l'autre peut atteindre des sommets. Et puis-
qu'il s'agit d'un trouble mental, ces change-
ments ne sont pas provoqués par des facteurs
extérieurs et on ne peut donc pas les anticiper.
Pour moi, la bipolarité, c'est l'échec de la
psychiatrie.

Vivre avec un bipolaire, c'est être abonné


aux montagnes russes. On vit sans cesse entre
océan et mer noire.
Avec Ludo, chaque journée avait sa propre
émotion. Il y avait des jours où tout se pas-
sait bien, d'autres où les choses étaient plus
compliquées, comme une personne qui a
des sautes d'humeur mais avec un curseur
asymptotique !
Nous avons lutté de toutes nos forces pour
avoir une vie la plus normale possible. Ludo
avait compris que la maladie encourageait les
addictions ; pourtant, il n'a jamais utilisé
cette excuse pour avoir été accro à la cocaïne.
J'ai admiré son courage.

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OUR LIFE TOGETHER IS SO PRECIOUS, TOGETHER

Ludo se réveillait tôt. Il appelait souvent


notre grande amie Sabrina Fraty. Ils adoraient
papoter ensemble. Il venait ensuite me
réveiller vers 7-8 heures. Nous nous remet-
tions au lit pour travailler sur notre album
dont le titre devait être Eau py home, Ludo
écrivait les musiques et nous travaillions
ensemble sur les paroles. Je devais y poser ma
voix. En général, nous ne bougions pas de la
maison avant 13 heures. Nos matins étaient
pour nous deux. On s'occupait de notre chien
Lanvin (un sharpeï-boxer), en hommage à la
couturière, parce que tous les deux sont super
classe. L'après-midi, nous aimions passer du
temps ensemble, aller dans des friperies du
Marais où nous nous achetions, pour trois fois
rien, des fringues vintage. Nous prenions un
café en terrasse, nous discutions, nous rigo-
lions. Nous étions heureux d'être ensemble.
Nous n'avions pas d'enfants en bas âge,
donc pas d'horaires, pas de règles. Mais cela
ne nous empêchait pas d'avoir une bonne
hygiène de vie, on se nourrissait bien, Ludo
ne buvait pour ainsi dire pas, et moi pas du

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

tout. Il faisait du sport, courait et faisait de la


musculation à la maison. À l'exception du
tabac, nous n'avions aucun vice. Nous sor-
tions bien sûr, mais nous aimions être seuls,
il était très rare qu'on reçoive des gens.

Je ne dis pas que tout était rose tout le


temps. Bien sûr, la bipolarité a pris une place
entre nous, mais j'aimais suffisamment Ludo
pour supporter les moments difficiles.
Un bipolaire ne gère pas ses émotions
comme tout le monde. Par exemple, comme
tous les couples, il nous est arrivé de nous
disputer pour des broutilles. Dans ces
moments-là, Ludovic était persuadé que
j'allais le quitter. Je devais sans cesse le rassurer
sur mes sentiments.
Sa peur de l'abandon prenait des propor-
tions incroyables. Un jour, en pleine fashion
week, je devais suivre un défilé pour le maga-
zine Voltem dans lequel j'écris régulièrement.
Ludo était fatigué et j'étais donc sortie seule.
Arrivée avenue Kléber où j'avais rendez-vous,
j'ai appelé Ludo qui était sur le point de

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OUR LIFE TOGETHER IS SO PRECIOUS, TOGETHER

s'endormir et je lui ai demandé de me laisser


les clés dans notre cachette habituelle car
j'avais oublié de prendre les miennes. Il s'est
endormi sans le faire et, lorsque je suis rentrée,
j'avais beau l'appeler, rien à faire, il n'enten-
dait pas. Heureusement, nous connaissions
les propriétaires de l'hôtel en face de chez nous
et ils m'ont offert une chambre. J'ai envoyé
un sms à Ludo qui s'est réveillé dans la nuit
et a débarqué dans ma chambre en hurlant. Il
avait tellement craint que je sois partie défini-
tivement que, malgré mon message et le fait
qu'il sache où me trouver, il ne pouvait pas se
calmer.
Il était comme ça, tout comme il était
capable de me dire, après avoir descendu les
poubelles, que je lui avais manqué.
Mais il n'a jamais été violent. Jamais. Je l'ai
vu s'énerver une fois, lorsqu'il était déjà clean
et qu'une de ses connaissances – une fille qu'il
avait aidée alors qu'elle était dans le même
état que lui, à l'époque – était venue lui pro-
poser de la cocaïne, des mois plus tard. C'est
la seule fois où je l'ai vu fou de rage.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Je l'aimais et j'ai pris ces défauts pour des


qualités, parce que c'était aussi un homme
doux, aimant, attentionné.
Mais qu'on ne s'imagine pas pour autant un
garçon sans caractère. Ludo était un homme
combatif et affirmé. D'ailleurs, j'ai souvent eu
le sentiment qu'il me rassurait. Nous étions
tellement fusionnels que j'en ai oublié mon
anorexie. Il était formidable avec mes enfants,
avec mes parents. Il était devenu le pilier de
notre famille. Axel et Chloé l'appelaient
Dobby, comme l'elfe de maison dans la série
Harry Potter parce qu'il était attaché à nous
comme Dobby l'était à Harry Potter.
Nous faisions des allers-retours entre Paris
– pour les fashion weeks – et Perpignan pour
les vacances, où nous retrouvions mes enfants
que Ludovic a rapidement considérés comme
les siens. Il faut dire qu'il les avait connus
jeunes : ma fille avait quatorze ans et mon fils
huit.
Ludo était toujours très triste des relations
conflictuelles qu'il entretenait avec sa maman,
il en parlait beaucoup et au fil du temps avec

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OUR LIFE TOGETHER IS SO PRECIOUS, TOGETHER

sa maladie, cette mère insaisissable, absente,


est devenue son addiction. J'imagine qu'il est
assez aisé de penser qu'il aurait simplement pu
faire le deuil d'une relation intime avec elle,
mais croire cela, c'est minorer l'impact de la
maladie et du chagrin qu'il avait de ne plus
la voir.
Encore aujourd'hui, j'ai du mal à com-
prendre comment les choses ont pu se durcir
de cette façon entre eux. Ludo aurait tellement
voulu faire la paix avec elle, pouvoir discuter,
la voir régulièrement. Je me souviens qu'un
Noël, il pleurait au téléphone, il lui disait :
« Mais enfin, même les guerres s'arrêtent à
Noël, maman je veux te voir. »
La bipolarité est assez complexe, le malade a
besoin d'être soutenu, écouté par ses proches.
Il a tenté de nombreuses fois de renouer
avec elle. D'ailleurs, il avait décidé d'écrire Fils
de pour pouvoir lui parler, lui dire combien il
l'aimait et surtout la faire réagir.
Mais attention, je veux absolument que
l'on sache que Ludo aimait Annie comme un
fils, pas comme un fan ou un amant éconduit.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Comme un fils qui avait besoin de l'amour de


sa mère pour se construire, pour avancer, pour
être heureux.

Étant donné qu'il avait peu de nouvelles,


Ludo était à l'affût de tout ce qu'on pouvait
dire sur elle, sur Internet ou dans la presse.
Il passait des nuits d'insomnie à faire des
recherches. Il lisait le moindre commentaire.
Ludo se détruisait à petit feu.
Par moments, quand son manque était trop
fort, il l'appelait des dizaines de fois simple-
ment dans l’espoir de tomber sur elle, ou il
pouvait aussi la regarder sur YouTube juste
pour entendre le son de sa voix.
Évidemment, il arrivait qu'ils se parlent au
téléphone. J'espérais que les choses changent
mais cela se passait toujours de la même
manière. La conversation commençait tran-
quillement et, je ne sais pas pourquoi, ça
dégénérait presque systématiquement. Ludo
l'invitait, lui demandait de nous accompagner
à des spectacles, lui proposait de passer…

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OUR LIFE TOGETHER IS SO PRECIOUS, TOGETHER

Elle acceptait parfois puis annulait au dernier


moment.
Il souffrait énormément de cette situation
et ne parvenait pas à s'en sortir.
C'est terrible parce que, même lorsqu'il
avait un projet qui lui tenait à cœur, cela le
minait. Il avait tendance à ne pas aller au bout
des choses non seulement parce que la maladie
l'en empêchait – les bipolaires sont souvent
très velléitaires – mais aussi parce qu'il avait
besoin de l'aval de sa mère.
D'ailleurs, si Ludo partageait notre vie quo-
tidienne sur Facebook, je sais que c'était dans
l'espoir que sa famille voie qu'il était heureux,
qu'il avait changé, qu'il était devenu une belle
personne.

Ludovic a toujours subi la notoriété de ses


parents.
Bien sûr nous n'étions pas maîtres de tout
ce que l'on pouvait dire de nous, mais nous
avons essayé d'être le plus discrets possible. Et
il est assez fréquent, dans la presse people, que
l'on voie des sous-titres ahurissants sous des

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

photos indiquant que des people sortent de


discothèque, ou font du shopping dans des
grandes enseignes, alors qu'ils sont tranquille-
ment à la maison. Qu'est-ce qu'il faudrait
faire ? Ne plus sortir ? Cela fait partie des plai-
sirs de la vie de voir des amis, d'assister à des
vernissages, à des spectacles.
Et ce n'est pas pour cela que nous menions
une vie de débauche. Bien au contraire, nous
avions une vie assez sage. On travaillait. Ludo
s'occupait de sa boutique et bossait sur
l'album. Et moi, je n'avais pas une minute
pendant les fashion weeks : lorsque je ne défilais
pas, on me demandait des articles sur les évé-
nements auxquels j'assistais. Et puis, nous ne
nous sommes jamais considérés comme des
people, à la limite des mondains. Nous avions
l'occasion d'être conviés à des événements,
grâce à nos relations mais aussi à notre bonne
humeur. Nous recevions des invitations tous
les jours, à des avant-premières, des premières
de théâtre, des concerts. Et le week-end,
nous faisions le tri. Nous n'aimions pas tout
ce qui était bling-bling et représentait la jet

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set à l'ancienne. En revanche nous aimions


beaucoup l'art sous toutes ses formes. Nous
sortions en fin de journée, vers 17-18 heures
et ensuite nous rentrions à la maison, Ludo
voulait souvent manger au restaurant. Si je
l'avais écouté, on y serait allé tous les jours.
Moi, j'ai horreur d'aller au restaurant. J'ai le
sentiment de dîner avec des gens que je ne
connais pas, un peu comme dans une cantine,
sans doute un reste de mon anorexie. Je lui
faisais tout de même plaisir de temps en temps
mais j'adorais qu'on cuisine ensemble. Sans
me vanter, je suis un vrai cordon-bleu.
Personne ne va le croire, mais c'est la réa-
lité : en dix ans, nous sommes allés deux fois
en discothèque !
Lorsque nous répondions présents aux évé-
nements, nous avions un comportement exem-
plaire. Ce sont des endroits où il y a beaucoup
à boire et beaucoup à manger mais ce n'était
pas ce qui nous séduisait. Je ne bois pas d'alcool
et Ludo se contentait d'une piscine (un verre
de vin blanc ou de champagne dans lequel il y
avait plus de glaçons que de liquide).

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

On s'habillait bien, nous aimions être


beaux l'un pour l'autre. On nous appelait les
Bonnie and Clyde et cela nous amusait
beaucoup. On était un couple glamour qui
intriguait. De plus, les photographes qui
apprécient les gens sympa, amoureux et pho-
togéniques nous aimaient bien.
On jouait le jeu, on posait. De cette façon,
nous choisissions ce que nous montrions,
nous n'étions jamais dans la presse en raison
d'un scandale.
Les soirées que nous aimions le plus
étaient les fêtes de Marcel Campion. On y
croisait tellement de gens différents, des plus
connus aux anonymes. On prenait du plaisir
à manger des frites tous ensemble.
Nous n'avons jamais revendiqué une
appartenance à la caste des « gens connus ».
Bien sûr nous avons aussi de très chers amis
plus médiatiques comme Igor Bogdanoff ou
Philippe Vecchi – il devait préfacer notre livre –
qui m'a, alors qu'il allait lui-même si mal,
apporté tant de soutien lorsque Ludo nous a
quittés, Axel Carrère, le fils Claude, qui était

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OUR LIFE TOGETHER IS SO PRECIOUS, TOGETHER

comme un frère pour mon Ludo et qui est tou-


jours à mes côtés aujourd'hui et bien d'autres.
Ce qui a toujours compté pour nous, c'est
l'âme des gens, pas leur niveau de notoriété.
Nous avons toujours eu conscience que, ce
qui était important, c'était notre intimité.
Nous étions heureux et fiers parce que nous
savions tous les deux comme il est rare de for-
mer un couple solide et harmonieux.

Plus les années ont passé, plus les gens qui


nous entouraient ont cessé de considérer Ludo
comme le fils d'une chanteuse connue, mais
bien comme Ludovic Chancel. Ceux qui le
fréquentaient depuis longtemps savaient par
où il était passé et se réjouissaient de voir
comme il allait mieux. En particulier Lucien,
qui a toujours considéré Ludo comme son fils
et qui est toujours resté proche de lui. Seule la
parution de Fils de les avait éloignés deux ans
mais Ludo savait qu'il pouvait toujours comp-
ter sur lui malgré tout. Sans doute pour faire
sensation, Ludo y avait raconté une histoire
d'amour entre eux qui n'a jamais existé.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Lucien a simplement été un mentor pour lui.


Ensemble, ils ont travaillé dans cette boutique
aux Halles que j'ai déjà mentionnée. Aujour-
d'hui, Lucien est resté proche de moi, je le
vois presque tous les jours. Il ne se remet pas
de la mort de Ludo, lui non plus.
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CHAPITRE 2

Évidemment
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N
ous avons également eu notre lot
de drames. Et cela nous a rendus
plus forts.

Il y a un peu moins de cinq ans, j'ai décou-


vert que j'attendais des jumeaux, un garçon et
une fille. Ludo était fou de joie. Il est venu à
chaque échographie, à chaque rendez-vous
chez le gynéco. Il écoutait les battements de
leurs cœurs en souriant.
Malheureusement, j'ai perdu les bébés à
cinq mois et demi de grossesse. Cela a été le
drame de notre histoire. Je me souviens que
ce jour-là Ludo m'a regardée en pleurant et il
m'a dit : « Moi, je n'ai jamais droit à rien, ni à

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

l'amour de mes parents, ni pouvoir en donner


à mes propres enfants. » Pourtant, nous avons
surmonté notre tristesse et l'épreuve nous a
encore rapprochés.
Maintenant que je suis seule, je me dis que
c'est peut-être mieux, parce que ces enfants
auraient grandi sans père, mais je ne peux
m'empêcher de penser que, si j'avais ces deux
petits êtres à mes côtés, il me resterait quelque
chose de mon Ludo.

Notre relation a toujours été magique, elle


m'a libérée de mon anorexie et Ludo a égale-
ment accompli un miracle lorsque je suis
tombée malade.
J'ai toujours été très mince mais il y a trois
ans, j'ai eu une forte fièvre et j'avais très mal au
rein. Le médecin que j'avais consulté m'avait
diagnostiqué des calculs rénaux et une pyélo-
néphrite – une infection urinaire très sérieuse.
Sous traitement, j'avais repris le travail,
mais lors d'un défilé au palais des Glaces, en
faisant les essayages, à un quart d'heure de
monter sur le podium, j'ai eu un malaise.

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ÉVIDEMMENT

Un ami journaliste m'a aidée à me remettre


sur pied et je suis parvenue à défiler quand
même, mais impossible d'aller au cocktail, je
tenais à peine debout. Ludo, extrêmement
inquiet, est venu me chercher en scooter et
nous sommes partis à l'hôpital. Moi qui
n'aimais pas trop me soigner, j'aurais eu ten-
dance à attendre, mais là, mon homme ne m'a
pas laissé le choix. Sur place, les médecins se
sont aperçus que j'avais quelque chose de
grave au rein et m'ont orientée vers l'hôpital
Pompidou.
Un scanner et une IRM plus tard, j'ai
découvert que l'un de mes reins était atrophié
de naissance. Pendant près d'un an, j'ai vécu
avec une sonde. J'ai travaillé comme ça, occa-
sionnellement, en alternant séjour à l'hôpital
et moment à la maison. Ludo a sacrifié cette
année pour moi, il a arrêté de bosser et s'est
consacré entièrement à moi. J'avais du mal à
supporter cette oisiveté forcée, mais c'est grâce
à lui que je suis parvenue à tenir, aussi bien
physiquement que moralement.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

J'ai dû subir trois opérations, la dernière a


duré plus de dix heures et je suis morte sur la
table d'opération. J'ai été réanimée et, après
six mois de convalescence, j'ai vécu ce réveil
comme une renaissance et j'ai pu dire que
j'étais guérie.
Je garde un souvenir pénible de ces mois.
À l'inverse, je crois que Ludo a adoré cette
période. Il détestait me voir souffrir mais il
se sentait utile. Il n'a eu aucune crise, nous
étions ensemble vingt-quatre heures sur
vingt-quatre. Il s'occupait de moi. Il me mas-
sait jusqu'à ce que je m'endorme. Il a été aux
petits soins pour moi jusqu'à ma cicatrice
d'opération qu'il a soignée mieux qu'une
infirmière.
Nous avons célébré ma guérison en partant
en vacances à Rosas en Espagne, puis en Italie,
à Rome. Il me semble que ce furent les
meilleures vacances de ma vie.
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CHAPITRE 3

Like a candle in the wind


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N
ous avons eu de belles années.
Par moments, Ludo avait une
crise d'angoisse terrible ou était
victime durant plusieurs jours d'une phase
dépressive mais cela ne nous empêchait pas
d'être heureux.
Malheureusement, au fil du temps, l'état
de santé de Ludo a empiré.
Nous l'avons dit, les bipolaires ont des
phases d'euphorie et ensuite de dépression.
Mais Ludo ne trouvait quasiment plus ces
moments d'euphorie. Lorsqu'il allait bien, il
était simplement lui-même, un homme doux
et gentil, plein d'amour et de compassion.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Il lui arrivait quelquefois d'être un peu


extravagant, souvent pour me montrer son
amour ou pour fêter un moment heureux qui
concernait notre petite famille.
En revanche, il pouvait être très déprimé. Il
y avait des jours où il ne pouvait plus se lever,
il n'avait plus le goût à rien. Il dormait beau-
coup. Il avait une mauvaise image de lui, il
me disait qu'il était lamentable, bon à rien,
que sa mère avait raison et il pleurait énormé-
ment. Avec les années les crises sont devenues
plus longues. Il y avait des jours où je ne pou-
vais même pas descendre chercher le courrier
ou le pain parce qu'il ne supportait pas d'être
seul. Durant ces crises d'angoisse, son regard
était moins pétillant, on sentait qu'il souffrait.
La seule chose qui le calmait, c'était de
prendre son scooter et rouler pendant des
heures sans savoir où nous allions. Je le serrais
très fort pour lui montrer combien je l'aimais.
La dernière année, ces phases de dépres-
sions étaient passées de quelques jours par an
à plusieurs semaines par mois. Dans ces
moments-là, on ne voyait personne, je ne

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LIKE A CANDLE IN THE WIND

parlais qu'à ma famille et à Lucien. En dehors


de moi, il n'y avait que lui qui parvenait à le
faire sortir pour faire des courses par exemple.
Ils revenaient parfois avec tellement de provi-
sions que j'envoyais des colis aux enfants !
Les moments de déprime pouvaient passer
comme ils étaient venus. Un matin, il se levait
et il allait bien. Je savais que, lorsque j'étais près
de lui, j'atténuais sa douleur. C'est pour cette
raison que j'avais dû laisser tomber pas mal de
contrats la dernière année – sans toutefois nous
endetter. Notre couple était trop important.
Je voyais à quel point il luttait, il voulait
s'en sortir, même si son quotidien était devenu
très noir et que les moments où il se sentait
bien étaient de plus en plus rares. Il a dû faire
plusieurs séjours à l'hôpital qui ont duré entre
deux et trois jours et je tentais de reprendre
des forces. Je ne voulais surtout pas lui mon-
trer que je pouvais être inquiète ou fatiguée.
Je n'ai jamais craqué devant lui, je le préser-
vais parce que je l'aimais et que c'était
l'homme de ma vie. Ludo n'aurait jamais sup-
porté de me voir souffrir. Quoi qu'il se passât,

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

je devais garder la face. Heureusement, il y


avait Lucien qui était là pour me soutenir
quand vraiment je n'en pouvais plus.

Avec le temps, je sentais lorsqu'une crise


approchait. Le visage de Ludo se fermait, il
partait en boucle. Il pouvait avoir, parfois,
quelques paroles blessantes envers son entou-
rage mais je savais qu'il ne le pensait pas.
Bien sûr, il prenait des médicaments mais
les médecins ne semblaient pas avoir trouvé
ce qui lui convenait. Et puis, c'est le cas pour
tout le monde, ce ne sont pas des cachets qui
peuvent remplacer un manque d'affection.
Les bipolaires veulent retrouver leur indé-
pendance et envisagent leur traitement comme
un moyen de le faire, en le gérant à leur
manière. On leur donne souvent des gouttes,
ils en rajoutent, une puis deux, puis trois, puis
dix… s'ils vont mieux, il est assez courant
qu'ils arrêtent la médication d'eux-mêmes et
rechutent et ainsi de suite.

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LIKE A CANDLE IN THE WIND

Ludo venait de prendre la décision de se


faire interner le temps de trouver le traite-
ment qui l'aiderait à aller mieux. Il avait
conscience de prendre trop de médicaments
et de ne plus y arriver.
Ce qui est terrible, c'est que c'est lors de ses
internements à l'hôpital qu'il est devenu accro
à ces médicaments. Là-bas, pour vous soigner,
on vous gave de cachets. Après plusieurs hos-
pitalisations dues à des crises d'angoisse et les
réajustements de traitement qui en décou-
laient, Ludo a eu de plus en plus de médica-
ments. Il prenait du Tertian, un médicament
qui assomme complètement, avec du Lexomil
ou du Xanax et même du Tranxène en plus de
puissants anxiolytiques et du Théralène contre
l'insomnie.
Dans ces moments de crise, ce dont Ludo
avait vraiment besoin, c'était de pouvoir par-
ler, or il ne voyait que le psychiatre du service,
complètement débordé, et donc pas plus
d'une dizaine de minutes. De plus, le discours
qu'il lui tenait l'agaçait prodigieusement : il
lui parlait de volonté. Pourtant, ces médecins

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

auraient dû être les mieux placés pour faire


comprendre que la bipolarité dépasse complè-
tement la notion de courage. Et puis, il faut
savoir qu'à l'hôpital, il y a peu de surveillance
et les malades ont tendance à se donner de
mauvais conseils, à se refiler des trucs inter-
dits, de l'alcool, les médocs, des téléphones
entre autres.
Ludo a trouvé du réconfort lorsqu'on a
changé d'hôpital. À Montsouris, j'avais tenu à
rencontrer le psychiatre qui le suivait pour
qu'il comprenne à quel point le background de
Ludo le handicapait. Il fallait aussi lui parler
de son ancienne dépendance à la cocaïne. Il a
vraiment essayé de trouver un traitement qui
l'équilibrerait et ça, ce n'était pas une mince
affaire.
Ce médecin nous a soutenus dans notre
décision de le faire hospitaliser le temps de
trouver le traitement adéquat. J'ai pensé à la
clinique de Montevideo, spécialisée dans les
addictions. On a rempli un dossier très épais,
j'avais presque l'impression que nous postu-
lions pour une grande université américaine.

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LIKE A CANDLE IN THE WIND

Au bout de trois mois, on a fini par avoir une


place, mais là-bas, les choses ont dégénéré.
Le psy a dit à Ludo qu'il ne pouvait pas faire
grand-chose pour un addict. Cela m'a mise
hors de moi, j'ai hurlé et le médecin m'a
virée de son bureau. En prenant sa lettre de
recommandation pour une autre clinique,
Ludo lui dit : « Je vous interdis de parler à
ma femme sur ce ton » mais cela ne changea
rien. La seule chose qui me console est que
ce médecin a dû quitter le centre peu de
temps après.
En rentrant, on a envoyé des dossiers dans
d'autres cliniques avec l'espoir de trouver un
endroit où il serait bien accueilli et bien soigné.
Il y avait des jours où ne pas avoir de nou-
velles le désespérait tellement, qu'il pleurait,
inconsolable.
Mais à aucun moment je n'ai vu Ludovic
baisser les bras, il voulait vivre ! Nous parlions
des projets qui nous faisaient rêver : notre
futur mariage et nos vacances.
Nous avons toujours adoré voyager et
avions l'incroyable chance d'avoir des emplois

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Date : 23/3/2018 16h52 Page 114/160

ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

du temps ajustables. Chaque année, on plani-


fiait ce qui nous faisait envie. Ensemble nous
avions été à Barcelone, à Rosas, sur la Costa
Brava et la Costa del Sol, à Madrid, aux
Canaries, à New York, à Las Vegas – où nous
nous sommes mariés –, à Saint-Barth, à
Milan, à Londres, et invités par Lucien à
Tunis ou Tel-Aviv. On aimait les beaux
hôtels, les beaux endroits.
Nous nous projetions dans ce mois d'août
2017 et avions déjà fait nos emplettes pour
les vacances, que nous devions passer avec les
enfants à Perpignan et sous le soleil d'Espagne.
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CHAPITRE 4

My heart will go on
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L
udovic est mort deux fois.
Le 5 juillet 2017, nous étions invités
à la première de Casse-Noisette où je
voulais absolument aller. Ce matin-là, nous
nous sommes réveillés relativement tôt et j'ai
tout de suite senti qu'il n'était pas en forme.
J'ai regardé mon téléphone et j'ai vu qu'il avait
posté, sur mon mur Facebook, un gentil mot
d'amour. Il avait dû se réveiller dans la nuit et
ne s'était pas rendormi. Bien qu'habituée aux
changements soudains qu'occasionne la bipo-
larité, j'étais étonnée parce que la veille nous
avions passé une super soirée avec mon
meilleur ami, Richard, photographe et styliste.
Nous avions été tous les trois invités aux

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

quarante ans du magazine Façade. Après


les réjouissances chez Colette, Ludo – qui
pourtant n'en avait jamais envie – m'a pro-
posé d'aller en discothèque. Il m'a dit : « Je
t'emmène au VIP. » J'étais très contente.
Nous y sommes allés en scooter. Et puis au
moment de monter danser, nous sommes
passés saluer notre grand ami Maurice Roux,
propriétaire du café Society juste à côté. Ludo
est resté avec lui et je suis allée au VIP m'amu-
ser en haut avec Richard et toute l'équipe de
Façade avec Kenzo et Pierre & Gilles. J'étais
super heureuse et détendue, je pensais aux
vacances, Ludo semblait aller bien. Au bout
d'un moment, Ludo est monté me rejoindre,
il souriait de me voir si joyeuse. Il avait envie
de rentrer mais j'ai négocié quelques minutes
supplémentaires et il s'est mis à discuter avec
Jean Roch…
Lorsque nous sommes arrivés à la maison, il
n'était même pas minuit. Comme tous les
soirs, nous avons choisi un film, il m'a massée
pour m'aider à m'endormir, sauf que c'était

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MY HEART WILL GO ON

toujours lui qui sombrait dans le sommeil le


premier.

Ce matin-là, donc, Ludo m'a expliqué qu'il


avait appelé plusieurs fois sa mère, sans succès.
Il s'était ensuite mis à contacter les cliniques.
Il aurait aimé avoir la certitude qu'une place
l'attendait à notre retour de vacances.
Nous étions en pleine fashion week et j'avais
un rendez-vous professionnel au Crillon
l'après-midi ; je devais assister à un défilé.
Ludo m'a expliqué qu'il préférait rester à la
maison pour se reposer. Il avait pris un médoc
pour dormir et pensait être en forme, le soir,
pour aller au spectacle. Il m'a promis qu'on se
parlerait par FaceTime, comme nous en
avions l'habitude lorsque nous étions séparés.
Dès que j'ai terminé, vers 18 heures, je l'ai
appelé. Nous devions être à la salle Pleyel une
heure plus tard, pas de réponse. J'ai insisté
plusieurs fois et j'ai commencé à paniquer
parce que Ludo décroche toujours lorsque je
l'appelle. Au bout de dix minutes, il finit
enfin par répondre. Je me suis tout de suite

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

rendu compte qu'il n'était pas dans son état


habituel, mais il m'a proposé de venir me
chercher devant le Grand Palais. Une fois
arrivé, il a refusé que je monte dans la voiture
et est descendu pour que l'on parle un
moment. J'ai compris qu'il avait pris trop de
cachets. Cela me fait d'autant plus de peine
que, pour me faire plaisir, il s'était bien habillé
comme à chaque fois que nous sortions. Il
était impeccablement coiffé et parfumé.
Je lui ai proposé immédiatement de rentrer,
je ne voulais pas qu'on puisse le voir dans un
état pareil. C'était la première fois, mais j'avais
peur. Cela ne lui était jamais arrivé qu'il se
mette dans un tel état alors que nous devions
sortir. J'avais le sentiment qu'il avait avalé tout
son traitement de nuit et il n'était même pas
19 heures ! Je me suis dit qu'il devait se sentir
affreusement mal. J'ai essayé de le réconforter
même si j'étais en colère qu'il se soit mis dans
cet état. Nous avions, tous les deux, envie de
voir ce spectacle depuis des mois.
Il m'a pris la main, s'est excusé, et je lui ai
dit : « Ce n'est pas grave, ça ira mieux demain,

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MY HEART WILL GO ON

rentrons. » En route, il était mal à l'aise, il s'est


excusé encore, j'ai tenté de le rassurer, de lui
dire que nous irions voir Casse-Noisette un
autre jour, etc. À la maison, je le trouvais un
peu agité, je sentais qu'il était très contrarié
d'avoir gâché notre soirée, et très angoissé. Je
me suis assise sur le lit pour travailler un peu,
Ludo s'est étendu à côté de moi, puis a effectué
des va-et-vient entre le lit, la cuisine et la salle
de bains. Il voulait grignoter un morceau, je
l'ai vu avaler un médicament en me disant
qu'il avait mal au ventre. Je lui ai proposé
d'appeler le médecin mais il a refusé. Il pensait
qu'il irait mieux après une bonne nuit de som-
meil. Il a posé la tête sur mes genoux et m'a dit
en sanglotant qu'il voulait absolument obtenir
une place en clinique pour ce séjour de désin-
toxication, parce qu'il n'en pouvait plus
d'ingurgiter tous ces médocs qui le flinguaient
à petit feu. Il a ajouté qu'il se sentait épuisé
d'attendre un signe de sa mère puis il m'a ser-
rée dans ses bras et m'a embrassée. Nous nous
sommes mis au lit et avons lancé un film. Il
s'est relevé et m'a dit qu'il allait se faire un café.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Il était 23 heures.
J'ai entendu sa tasse tomber par terre. Il y
eut un râle. J'ai compris qu'il essayait de
m'appeler.
Ma vie s'est arrêtée là.
La nuit est arrivée.
Plus rien n'existait.

J'ai accouru. Ce que j'ai vu m'a terrifiée.


Ludo allait très mal. J'ai immédiatement pensé
que nous allions nous rendre à l'hôpital mais à
aucun instant je n'ai imaginé qu'il allait mou-
rir. Il rampait et je l'ai aidé à s'assoir en s'ados-
sant au dressing. Il avait eu un terrible malaise
et essayait de me parler. J'ai tenté de maîtriser
la situation. Je l'ai rassuré, il m'a touché le
visage en me disant : « Je t'aime, je t'aime, je
t'aime à la folie. »
Je l'ai aidé à s'assoir puis ai composé le
numéro du SAMU…
On m'a guidée pour que je fasse les pre-
miers soins par téléphone. Je ne devais pas le
laisser s'endormir. J'ai pris son pouls. Il était
en train de convulser. Ses yeux étaient dans le

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MY HEART WILL GO ON

vide. Le médecin au téléphone m'a demandé


ce qu'il avait pris. Je lui ai dit qu'il avait pris
beaucoup de médicaments. Il y avait une
écume blanche autour de sa bouche, comme
des cachets qu'on aurait écrasés.
J'ai appelé Lucien, j'étais en pleurs. Il a
emmené le chien qui pleurait de peur. Et
enfin les pompiers sont arrivés.
Tout était irréel. Nous étions face à notre
destin.
L'équipe a été formidable.
Je criais à l'intention des pompiers : « Ne
le laissez pas partir ! » J'ai vaguement eu
conscience qu'il était en train de mourir dans
les bras de la femme qui l'aimait le plus,
comme il en rêvait. Mais il était tellement
trop tôt.
Les pompiers lui ont fait une piqûre d'adré-
naline et un massage cardiaque. Au bout de
quarante-cinq minutes, son cœur a redémarré.
J'ai eu l'impression de revivre. J'étais telle-
ment contente que j'ai serré un des pompiers
dans mes bras. Je me souviens que l'un

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

d'eux, très ému, m'a dit : « Madame, ce n'est


pas gagné. »
Évidemment, lui comprenait ce que signi-
fiait quarante-cinq minutes sans que le cer-
veau soit irrigué…
Au moment de conduire Ludo à l'hôpital,
pour ne pas le bouger, ils ont dû faire passer
le brancard par la fenêtre : c'était très impres-
sionnant. J'avais appelé ma meilleure amie,
Rosi. Elle m'attendait en bas avec Lucien. Ils
avaient peur que le pire soit survenu, je les ai
un peu rassurés. Nous avons suivi l'ambu-
lance. Arrivées à l'hôpital Georges-Pompidou,
j'étais à nouveau près de Ludo. J'essayais de
me dire que notre amour était plus fort que
tout. Et puis, il n'y a pas si longtemps, j'avais
frôlé la mort dans cet hôpital, j'étais certaine
que lui aussi allait s'en sortir.
Je ne l'ai pas quitté, sa chambre était rem-
plie de machines qui l'aidait à respirer. Je ne
savais pas ce qui m'impressionnait le plus : sa
mort quelques minutes plus tôt chez nous ou
toutes ces machines.

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MY HEART WILL GO ON

Un médecin m'a demandé de le suivre dans


son bureau et m'a expliqué que la situation
était très grave. Moi, je ne cessais de répéter
que je voulais qu'on le sauve. J'étais certaine
que c'était possible.
L'équipe médicale était d'une grande
humanité et m'a accordé le droit de rester
auprès de lui aussi longtemps que je le souhai-
tais. Je l'ai touché, je l'ai embrassé, je ne vou-
lais plus le quitter, nous nous l'étions promis.
Ludo était beau, il n'y avait pas signe de
souffrance sur son visage et cela me rassurait
un peu.
On m'a demandé s'il y avait quelqu'un
d'autre à prévenir.
Nous étions en pleine nuit et j'ai hésité
à appeler Annie. J'avais peur de l'effrayer
mais elle était sa mère et, entre mères, on se
comprend. J'imaginais ce qu'elle allait ressentir.
J'ai également hésité à contacter son père
dont nous avions retrouvé la trace quelques
mois plus tôt. J'ai attendu d'en parler à Annie.
Finalement, son père apprendra la mort de
Ludo par une amie très proche.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

À l'aube, je lui ai laissé un message, en pleu-


rant. Elle a sans doute compris que c'était très
grave puisqu'elle m'a rappelée presque immé-
diatement. Elle s'est montrée douce et m'a dit
gentiment de me calmer. Elle m'a expliqué
qu'elle était dans le Nord et qu'elle ne pouvait
pas venir tout de suite. Je lui ai raconté tout ce
qui s'était passé et elle m'a promis qu'elle allait
faire au plus vite.
Je pense qu'elle a dû être choquée par la des-
cription que je lui ai faite, parce qu'après
l'enterrement, elle a parlé à la presse d'une
photo, où on voyait son fils agonisant. Dieu soit
loué, il n'y a pas eu de photo, je n'aurais jamais
permis qu'on en fasse une à ce moment-là.

Annie est arrivée dans l'après-midi. Je suis


allée la chercher dans la cour et je l'ai emme-
née dans le bureau du médecin qui voulait
nous parler à toutes les deux.
Avec beaucoup de psychologie, il nous a
expliqué que c'était terminé, que c'étaient les
machines qui maintenaient Ludovic en vie.
Annie était très calme. Je lui ai pris la main et

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MY HEART WILL GO ON

j'ai pleuré. Je ne pouvais pas y croire. Je lui ai


dit qu'il fallait qu'elle fasse quelque chose.
J'étais tellement perdue que j'étais persuadée
qu'elle pouvait agir. Elle m'a répondu : « C'est
fini, Sylvie, il faut que tu sois forte. »

Effondré, Lucien nous a rejointes. Nous


étions tous les trois dans le couloir. Annie, en me
tenant la main, m'a demandé de ne pas pleurer.
Elle m'a expliqué doucement qu'elle avait peur
que j'empêche Ludo de partir vers la lumière. En
quittant les lieux, elle m'a promis d'être là pour
moi, après, lorsque Ludovic ne serait plus.
Malgré tout ce que les médecins m'avaient
dit, je croyais encore que tout pourrait s'arran-
ger. Dans la chambre de Ludo, assise à ses
côtés, je lui ai parlé longtemps jusqu'à ce que
le médecin me demande de rentrer chez moi,
dormir. À 5 heures du matin, à la maison, j'ai
pris une douche et je n'ai pas eu le courage de
me coucher. Je me suis changée et je suis
retournée à l'hôpital, je ne pouvais pas laisser
Ludo tout seul.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Lorsque je suis revenue, il avait été changé


de position. Comme il avait beaucoup de
fièvre son corps était plongé dans des glaçons.
C'était très impressionnant, mais il était tou-
jours aussi beau.
Un infirmier m'a expliqué que, ne sachant
pas s'il souffrait, il avait procédé à une anes-
thésie générale et lui avait donné de la mor-
phine. Une nouvelle fois, je lui ai demandé
s'il y avait une chance qu'il s'en sorte ; il m'a
répondu que son cerveau était endom-
magé, et que, s'il sortait du coma, il serait un
légume.
Sur le moment, j'ai pensé que cela m'était
égal, que je le prendrais comme il était. Après
tout ce qu'il avait traversé, son accident de
moto, le sevrage de la cocaïne, le combat
contre la maladie, je refusais l'idée qu'il
meure. Et puis au moment de l'arrêt cardiaque
qu'il avait fait à la maison, dans mes bras,
j'avais vu qu'il était effrayé. Il voulait vivre.
L'une des infirmières m'a demandé de sor-
tir de la chambre pour lui faire des soins. J'en
ai profité pour aller fumer une cigarette.

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MY HEART WILL GO ON

Dans la cour, je me suis sentie très seule.


Heureusement, je savais que ma famille devait
me rejoindre. J'avais un peu attendu avant de
les informer de ce qui se passait. Je ne voulais
pas les inquiéter. Ils aimaient tellement Ludo,
mais là, j'avais trop besoin d'eux.
À mon retour, il était au plus mal. J'ai
compris qu'il m'avait attendue pour mourir,
une deuxième fois.

Le monde s'effondrait. J'avais le sentiment


de mourir aussi.
À l'intérieur aujourd'hui encore, je suis
morte.
Je suis dans la nuit.
J'ai appelé Lucien qui est venu me cher-
cher. J'étais tellement mal qu'il m'a emmenée
aux urgences où l'on m'a fait une piqûre. Je
ne pouvais pas imaginer qu'on mette Ludo
dans un frigo, mais je n'avais pas le droit de le
veiller.
Je n'arrivais pas à arrêter de pleurer. Une
fois à la maison je me suis mise à ranger,

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

comme s'il allait revenir, pour que tout soit


propre et beau.
J'ai trouvé sa dernière tenue, sa chemise
blanche et son tee-shirt de la veille et j'ai
dormi avec pour sentir son odeur. Ma mère,
Coco, mon amie de Perpignan, ma fille et son
ami Armand m'ont rejointe à Paris.
Mon fils et mon père étaient tellement bou-
leversés, sous le choc, de ce qui s'est passé, qu'ils
sont restés dans le Sud à veiller l'un sur l'autre.
C'est à ce moment que j'ai appris qu'il allait
y avoir une autopsie parce qu'une enquête
était ouverte pour déterminer les conditions
de son décès.
Je me suis mise en relation avec le quai des
Orfèvres pour leur apporter mon aide.
Chaque jour je prenais des nouvelles de
l'avancée de l'enquête. Les policiers n'ont
même pas perquisitionné, ils n'ont pris que le
portable de Ludo et j'ai été immédiatement
mise hors de cause, ainsi que Lucien, mais on
m'a appris que sa maman avait décidé de por-
ter plainte contre X, plainte qui n'a pas été

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MY HEART WILL GO ON

retenue parce qu'il y avait déjà une enquête


ouverte.

Durant les onze jours que dura ce calvaire, je


suis allée voir Ludo, avec maman, à la morgue
tous les jours. Dès que j'arrivais, on me mettait
le corps dans une chambre funéraire, où je
pouvais me recueillir. Armand, le compagnon
de ma fille, m'accompagnait et tentait de
m'apaiser. Malgré son jeune âge, comme tout
le reste de la famille, il était exceptionnel.
Je me faisais belle pour Ludo. J'avais le sen-
timent qu'il était toujours là, puisque je
pouvais le voir et rester avec lui. Je lui deman-
dais de se réveiller. Je le trouvais toujours
aussi beau.
Au cours de ces moments partagés, je ne
pleurais plus. Quand je le quittais, c'était un
déchirement.
J'ai demandé au personnel qu'on me donne
une mèche de ses cheveux pour garder quelque
chose de lui quand on l'enterrerait.
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CHAPITRE 5

Goodbye, my love, goodbye


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L
a police nous a prévenus qu'elle
donnait son accord pour l'inhuma-
tion de Ludo.
Pour préparer ses obsèques, j'ai passé beau-
coup de temps au téléphone avec Annie. Je
lui ai dit que j'étais prête à tout prendre en
charge, mais elle tenait à ce que ce soit elle,
logique, c'est sa mère. Elle voulait savoir si
Ludovic m'avait parlé de ses dernières volon-
tés. Si je devais mourir en premier, il m'avait
dit qu'il se suiciderait et que nous ferions
mélanger nos cendres dans une urne que mes
enfants garderaient. S'il partait le premier, je
savais qu'il souhaitait être enterré avec ses
grands-parents. Sa mère n'était pas certaine

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

que ce soit possible mais elle m'a promis de


trouver une solution. Finalement, il n'est pas
avec eux, il est devant.
J'ai aussi insisté pour qu'on organise une
très belle messe, beaucoup de fleurs blanches
et un cercueil blanc, couleur symbole de
pureté et je souhaitais également que l'on
entende, en fin de cérémonie, notre chanson
préférée : le titre d'Aerosmith pour le film
Armageddon, « I don't want to miss a thing ».
Je voulais également mettre une photo de
Ludo sur le cercueil mais sa mère, sans
m'expliquer pourquoi, a refusé.
J'ai choisi sa dernière tenue. Avec maman,
je suis allée l'acheter. J'ai pris de très beaux
vêtements, ceux qu'il aurait aimé porter. Une
chemise blanche Dolce & Gabbana, un panta-
lon en jean, des bottines Weston et j'ai ajouté
à cette tenue une belle veste noire que sa mère
lui avait offerte il y a bien longtemps et qu'il
adorait.
Dans le cercueil, je l'ai trouvé un peu trop
maquillé et je lui ai enlevé un peu de rouge sur

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GOODBYE, MY LOVE, GOODBYE

les lèvres. J'ai déposé près de lui quelques


objets : une belle croix et une petite pochette
qui contenait des photos de mon père, de ma
mère, de mes enfants, de ses parents, de
Lucien et de nos chiens Lanvin et Hermès et
une de nous deux, le jour de notre mariage
à Las Vegas en mai 2013 ; j'y ai ajouté notre
contrat de mariage de Las Vegas, pour ne pas
qu'il oublie qu'on s'aimait pour l'éternité,
ainsi qu'une lettre d'amour. Je lui ai décroisé
les mains et j'ai mis notre plus belle photo de
tous les deux sur son torse.
Après le recueillement de ma famille, nous
étions seules, sa maman et moi, pour fermer le
cercueil. Je ne le lachais plus. Et puis, j'ai fini
par l'embrasser une dernière fois. Elle m'a pris
la main et m'a dit comme à l'hôpital qu'il fal-
lait que je sois forte. Sur le moment, je me suis
sentie apaisée, c'était comme si j'avais une part
de Ludo dans ma main.
Nous sommes partis en voiture, nous
devions nous retrouver à l'église Saint-
Honoré-d'Eylau à Paris où avait lieu la messe
en son honneur.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Annie m'avait expliqué que, pour échapper


aux paparazzis, nous devions passer par une
porte à l'arrière de l'église.
Je l'ai appelée une fois devant l'église mais
un des employés des pompes funèbres m'a
dit qu'elle était déjà installée. Ma famille et
moi sommes donc passées par-devant. En
chemin, j'ai croisé son attaché de presse qui
me glissa à l'oreille « courage », ses danseurs
qui avaient l'air effondré et qui m'ont, en
toute discrétion, témoigné leur amitié.

J'avais reçu les témoignages d'amitié de


proches qui n'étaient pas venus par respect,
puisque nous avions précisé que nous voulions
des funérailles dans la plus stricte intimité.
Mais j'ai constaté que ce n'était pas le cas des
opportunistes, qui n'avaient même pas été
conviés, qui voulaient simplement être sur les
photos ou qui osaient même en prendre pour
les poster ensuite sur les réseaux sociaux. Ils
étaient là pour qu'on les voie, sans aucune
éthique et n'avaient aucun respect pour notre
douleur.

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GOODBYE, MY LOVE, GOODBYE

Je me suis également sentie blessée que


cette messe, sans photo ni discours, n'ait pas
été plus personnelle.
J'étais effondrée de me dire que je quittais
Ludo pour toujours.
J'ai appris que le papa de Ludo avait préféré
l'honorer dans l'intimité. Il avait fait le même
choix que mon père et mon fils, trop accablés
pour nous rejoindre à Paris.

Nous sommes partis en voiture vers le


cimetière de Louveciennes où étaient enterrés
les grands-parents de Ludovic.
En arrivant j'ai eu un malaise et j'ai
attendu, un instant, avant de pouvoir aller
vers la tombe de mon Ludo. Je ne pou-
vais plus avancer, c'était une terrible crise
d'angoisse. J'ai envoyé mes amies Coco et
Rosi pour qu'elles préviennent que j'arrivais.
Elles sont vite revenues me dire que le cer-
cueil était déjà descendu.
Je me suis approchée lentement de la
tombe.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Ma mère et Armand me soutenaient pour


éviter que je m'effondre. J'ai jeté la rose
blanche que Lucien, dévasté, m'avait donnée
et j'ai demandé à ceux qui restaient de me
laisser un instant me recueillir. Je crois que
mes proches avaient peur que je me jette dans
le trou. C'est vrai, à cet instant, j'aurai voulu
être avec mon Ludo pour l'éternité.
Nous sommes restés plus d'une heure, le
temps que l'on répande de la terre sur le
corps de mon Ludo. Dans le cimetière, il n'y
avait plus que ma mère, ma fille et son ami,
mes amis, Sabrina, Clémence, Coco et Rosi,
Lucien, Foc et Richard.
En quittant le cimetière, j'ai compris que
je serais seule pour le restant de mes jours.

En rentrant à la maison, j'ai posté un mes-


sage sur Facebook à l'intention de Ludo :
« Il est ma lumière, je suis son soleil. Aucun
mot jamais ne pourra qualifier notre amour
immense. Je suis sa vie, il est la mienne, pour
toujours à l'infini toi et moi enlacés. Mon
petit Minou, tu es parti voir si le Paradis existe.

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GOODBYE, MY LOVE, GOODBYE

Tu étais le mien sur terre. Chaque seconde


ensemble était un conte de fées.
Tu es né un 7, ton chiffre fétiche, et tu t'en
es allé le 07/07/2017.
Je suis inconsolable. Ma douleur est
immense.
Je t'ai embrassé jusqu'à ton dernier souffle.
Je t'aime mon petit bébé d'amour, à l'infini,
toujours et pour toujours. »
Immédiatement, j'ai reçu énormément de
beaux et gentils messages de condoléances. Je
me suis rendu compte à quel point notre his-
toire avait touché les gens.

C'est alors que les attaques ont commencé.


J'étais peinée des nombreuses rumeurs plus
mensongères les unes que les autres qui circu-
laient sur le Net à propos de Ludo, de moi,
de notre couple.
Comme si perdre mon double, l'homme
de ma vie, mon âme sœur n'était pas suffi-
sant, un ou deux jours après l'enterrement, je
lis dans la presse une interview d'Annie où

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

elle dit que nous nous sommes opposées lors


de l'enterrement.
Je l'ai immédiatement appelée parce que je
ne comprenais pas pourquoi elle racontait ça.
J'avais eu, au contraire, l'impression que nous
avions fait les choses au mieux pour Ludo.
« Annie, rappelez-moi, il faut qu'on se parle,
ne laissons pas la presse nous monter l'une
contre l'autre, nous devons à Ludovic de res-
ter unies », lui ai-je dit.
Et pourtant…
Plusieurs de nos amis communs ne com-
prennent pas non plus.
J'ai lu des choses affreuses, que Ludo s'était
suicidé, qu'il prenait toujours de la cocaïne,
etc.
Toutes ces polémiques m'ont empêchée de
vivre mon deuil sereinement.
Aujourd'hui, je peux le dire, je n'étais pas
préparée à vivre tout cela. J'ai été tellement
blessée par ce déferlement de haine virtuelle
que je comprends mieux pourquoi Ludo ne
parvenait pas à guérir. C'est terrible tous
ces gens qui se lâchent, qui n'hésitent pas

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GOODBYE, MY LOVE, GOODBYE

à raconter n'importe quoi en se moquant du


mal qu'ils peuvent faire simplement parce
qu'ils se sentent protégés derrière leurs
écrans.
Internet devrait être un outil qui permet-
trait à tous d'accéder au savoir, de communi-
quer. Pas une arme de destruction massive
dans des mains de gens peu scrupuleux,
méchants, indignes. Heureusement que les
choses sont différentes dans la vie réelle.
Depuis la polémique n'est jamais retom-
bée. J'ai décidé de ne pas me laisser faire, de
répondre à tout mensonge et de porter plainte
contre toute personne qui salirait l'image
de Ludo ou la mienne. Ludo m'a fait tenir la
promesse que, s'il partait avant sa mère, je
devrais veiller sur elle si un jour elle se retrou-
vait seule et en avait besoin. Même aujour-
d'hui, je tiendrai cette promesse.
Je ne serai pas amère car j'ai reçu le plus
beau cadeau : pouvoir partager la vie de Ludo
pendant une dizaine d'années.
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CONCLUSION

I will always love you


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J' avais le sentiment que Ludo était


voué à une fin tragique. Aujour-
d'hui, je peux le dire, Ludovic est
mort de chagrin. Le chagrin de s'être senti
seul, un chagrin qui l'a tué un peu tous les
jours.
Malgré tout l'amour qu'il nous portait, il
ne parvenait pas à faire le deuil de son passé
et à surmonter des angoisses entretenues par
sa maladie.

Je ne sais pas si les gens se rendent compte


à quel point Ludo et moi avons été heureux.
S'il n'y avait pas eu sa peur de l'abandon,
j'ose le dire, Ludovic Chancel-Bayle aurait été

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

un homme absolument parfait. Malgré ses


démons, c'était un homme attachant, intelli-
gent. Ce qu'il avait vécu l'avait rendu plus
humain que n'importe qui.
Je hais les gens qui n'ont vu en lui qu'un
ancien drogué.
Et qu'on ne me dise plus jamais que j'ai
aidé Ludovic à mourir ! Jamais !

Je crois que, tout le restant de ma vie,


Ludo demeurera mon obsession.
Je me demande s'il est bien là où il est. S'il
va bien. S'il n'a pas froid.
J'ai le sentiment qu'il ne souffre plus.
Quand je me couche, tous les soirs, je lui
dis : « Bonne nuit, mon bébé. »
Avant de passer en 2018, j'avais l'impres-
sion folle qu'il allait me faire la surprise de
revenir. Je savais que c'était impossible, mais
je ne pouvais m'enlever cette idée de la tête.
Ma fille, pour me consoler, m'a dit : « Non
maman, il ne reviendra pas, mais il n'aura plus
jamais ni à souffrir, ni à mourir. Et Dobby
sera toujours avec nous. »

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I WILL ALWAYS LOVE YOU

Pour rendre hommage à Ludo, je vais conti-


nuer à vivre et à essayer d'être heureuse.

Notre mariage en France était programmé


pour mon anniversaire autour du 20 mai
2018.
Aujourd'hui, je souhaite me marier avec
Ludovic à titre posthume. Pour nous, cette
cérémonie était le symbole de notre amour
mais elle représentait aussi notre victoire sur
la maladie. On avait commencé les prépara-
tifs. J'avais déjà choisi ma robe créée par notre
ami, Stéphane Bianca. Ludo avait choisi sa
tenue avec mes enfants. Nous avions trouvé
les alliances. Nous souhaitions partir en
voyage de noces soit au Brésil soit à Venice
Beach.

Par amour pour lui, je veux tenir cette pro-


messe. Il mérite que je devienne sa femme
pour l'éternité.
Un jour, il m'avait dit en riant que le jour
de notre mariage, c'est lui qui prendrait mon

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

nom pour oublier qu'il était un fils de stars et


que ce serait la fin de ses soucis.
Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir
pour m'unir à cet homme, qui reste et restera
l'homme de ma vie.
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Remerciements

Merci à mes parents qui ont toujours été


près de moi et m'ont soutenue avec tout leur
amour dans cette terrible épreuve.
Merci à mes enfants, Chloé et Axel, mes
anges, ma raison de vivre.
Merci également à Claude Cyndecki et
à toute la troupe de Priscilla, folle du désert
de m’avoir réchauffé le cœur les soirs de
cafard.
Merci à Armand, mon futur gendre, qui a
été à mes côtés tout au long de cette épreuve.
Et merci à tous mes proches et artistes qui
se reconnaîtront.
Merci à Lucien Mamou, notre ami si cher.

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Merci à Axel Carrère, pour son amitié si


précieuse.
Je remercie aussi tous ceux qui ont été pré-
sents, tous ceux qui nous ont aimés et qui
sont toujours là pour moi.
Et enfin, j'adresse tous mes remerciements
aux éditions Pygmalion et plus particulière-
ment à mon éditrice Florence Lottin qui a cru
en ce projet et à Emmanuelle Friedmann qui
m'a écoutée avec attention, chocolat chaud et
hiboux en main !
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Table

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

PREMIÈRE PARTIE
Sylvie is dancing as high as a kite
Chapitre 1. La famille, c'est une vie qu'on
aime bien . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Chapitre 2. Que le spectacle commence ! 21
Chapitre 3. The model . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Chapitre 4. Mommy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Chapitre 5. Anorexie . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

DEUXIÈME PARTIE
Parce que c'était lui, parce que c'était moi
Chapitre 1. When a man loves a woman . 55

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ENTRE OCÉAN ET MER NOIRE

Chapitre 2. Fils de . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
Chapitre 3. Drugs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

TROISIÈME PARTIE
Je t'aime, je t'aime,
je t'aimerai toute ma vie
Chapitre 1. Our life together is so
precious, together . . . . . . . . . . . 83
Chapitre 2. Évidemment . . . . . . . . . . . . . . 99
Chapitre 3. Like a candle in the wind . . . 105
Chapitre 4. My heart will go on. . . . . . . . . 115
Chapitre 5. Goodbye, my love, goodbye . . . 133

Conclusion. I will always love you. . . . . . . 145

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

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