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Mort de Georges Moustaki, le chanteur du "Métèque"

Le chanteur, né à Alexandrie, est mort jeudi matin à Nice. Il avait fêté ses 79 ans le 3 mai.
C'était un homme en blanc, barbe assortie, longs cheveux idoines. Il faisait de la moto et
parlait avec une voix sucrée, comme il chantait. Masculin-féminin, Georges Moustaki était un
homme à femmes, qui l'adoraient. Il en avait épousé une, Yannick, dont il eut une fille, Pia,
née en 1956. Il en avait aimé certaines, il en avait adulé au moins deux : des femmes en noir,
Piaf, le moineau, qui l'asservit pour mieux le révéler, et Barbara, l'exigeante, la "longue dame
brune" raccompagnée tard dans la nuit à la sortie des cabarets.
Moustaki était à la fois profondément méditerranéen et superbement atlantique. Mais le
secret était ailleurs : "Si je suis autant connu à l'étranger, c'est que je suis très français", disait
l'inventeur d'une tour de Babel dont la clé de compréhension serait l'amour du voyage et de
l'humanité. L'auteur-compositeur "à la gueule de pâtre grec" est mort le jeudi 23 mai, à Nice,
des suites d'une longue maladie. Né le 3 mai 1934 à Alexandrie (Egypte), Yussef Mustacchi
(Georges Moustaki) était âgé de 79 ans.
Il confiait faire partie de ces êtres qui, selon la formule du critique et philosophe George
Steiner, qu'il admirait, "n'ont pas de racines, mais des jambes". Mais s'il a pu parcourir le
monde avec un appétit sans égal, tout en habitant fidèlement, depuis 1961, l'Ile Saint-Louis à
Paris, c'est qu'il est un enfant de l'Orient cosmopolite.
L'Alexandrie de la première moitié du XXe siècle est un lieu de brassage culturel. Toutes les
nationalités, et religions, s'y croisent. La chanson y est en effervescence – d'autres transfuges
viennent enrichir l'histoire de la chanson française, de Georges Guétary, né à Alexandrie, à
Claude François, né sur les bords du canal de Suez, ou Dalida, du Caire... La grande chanteuse
Oum Kalsoum, mais aussi Mohamed Abdel Wahab, Farid el Atrach ou Asmahan, inventent la
bande son de l'Egypte moderne, de la chute de la royauté égyptienne à la Révolution
nassérienne et panarabiste.
"LE CULTE DU FRANÇAIS A VITE OCCULTÉ LE GREC, LA LANGUE DE L'EXIL"
Georges Moustaki a deux parents grecs, Nessim et Sarah, "cousins germains, mais originaires
de deux îles différentes". L'artisan de la dislocation, c'est Giuseppe (Joseph, Youssef) "comme
moi", le grand-père, une légende dans la famille, qui fabriquait des gilets brodés pour les
notables égyptiens. "Il braconnait, adorait l'huile d'olive. Un jour un bateau est passé, il l'a
pris, est arrivé à Alexandrie. C'était l'Empire ottoman. Il était devenu turc, de papiers." "Je
parle mal le grec, expliquait Georges Moustaki. Mes parents sont nés en Egypte. Pour moi et
mes sœurs, le culte du français a vite occulté le grec, qui était la langue de l'exil."
M. Mustacchi dirige la Cité du livre, l'une des plus grandes librairies du Moyen-Orient. Les
célébrités y défilent. Et des Italiens, des Turcs, des orthodoxes, des juifs, des byzantins, des
orientaux… "Ce fut la plus belle de toutes les universités." Pendant la seconde guerre
mondiale, les alertes à la bombe envoient le jeune Yussef au paradis – le sous-sol, réservé aux
livres d'enfants. Devenu Georges, en hommage à Brassens, il le raconte dans un livre, Fils du
brouillard, paru en 2000, où se croisent ses souvenirs de Georges et ceux, infiniment plus
durs, de son ami Siegfried Meir, emprisonné à Auschwitz et Mauthausen.
ll y a des villes qui marquent pour toujours : Alexandrie, donc, puis Bruxelles, où Yussef
(Joseph) Mustacchi, à 20 ans, a reçu son premier cachet, pour avoir chanté et joué du piano
("mal") dans un cabaret, La Rose noire. Et puis Paris, adoptée trois ans avant l'escapade belge.
Dès 1951, il fréquente le cabaret des Trois Baudets, y découvre Brassens en première partie
d'Henri Salvador. Il chante à l'Echelle de Jacob, Brel est la vedette. Moustaki a connu Brialy
(24 ans alors) allongé, "le dos cassé après une chute sur un tournage. Allongé, mais
séducteur". L'apprenti chanteur vit alors en zigzag, fait du gymkhana dans les cabarets : Les
Trois Baudets, La Colombe, La Rose noire, Milord l'Arsouille, L'Echelle de Jacob, Le Port du
salut... "Le seul où je n'ai jamais chanté, c'est L'Ecluse. Mais j'allais y chercher Barbara pour
dîner sur l'île."
"BRASSENS ÉTAIT MON MAÎTRE, PIAF ÉTAIT MA MAÎTRESSE"
Il a rencontré tout le monde, de Brassens à Dalida. Il a présenté Harry Belafonte à Jorge
Amado, qui "adorait les photos entre amis" – Sartre, Beauvoir, des leaders africains, des
intellectuels asiatiques... L'enfant de l'Orient cosmopolite adore les familles recomposées. Il
s'emploie à les unir.
Ainsi, dans ses errances consenties, Moustaki se forge-t-il trois histoires, trois espaces
géographiques : la France, la Méditerranée, le Brésil. Moustaki, acte I, le Français : en 1952, il
ose à peine ses chansons, mais elles se remarquent, et le guitariste Henri Crolla fait le pari
qu'elles plairont à la Reine Piaf. Gagné. Il est timide, elle a de l'oreille, elle lui prend trois
chansons, enregistrées en 1958, "Eden Blues", "Les orgues de barbarie", "Le gitan et la fille"
– un super 45-tours où ils font couple, Edith Piaf chante Jo Moustaki. Puis, il lui écrit "Milord",
dont elle confie la mise en musique à Marguerite Monnot. Dès sa création en scène, "Milord"
devient un standard. Après quelques autres incunables, et un an de soumission, Georges
Moustaki déclare forfait. "Brassens était mon maître, elle était ma maîtresse."
Il compose alors pour toutes les vedettes du moment (Colette Renard, Dalida, Yves Montand,
Cora Vaucaire, Juliette Gréco, Tino Rossi, Barbara…). Il défend ensuite sous son nom son
répertoire en français sur une demi-douzaine de 45-tours ("La carte du tendre", "Dire qu'il
faudra mourir un jour", "La mer m'a donné"…). Devant l'insuccès, sa maison de disques lui
rend son contrat. Il commence à percevoir ses droits d'auteurs. "J'ai pris alors une sorte de
retraite, j'avais gagné de l'argent et, avec Piaf, je sortais d'une histoire tellement formidable
que tout, à côté, me paraissait secondaire..." Dix ans dilettante : devenir un crack aux échecs
ou au ping-pong, filer à Amsterdam pour un tableau... "Je n'avais aucune urgence. Mais, petit
à petit, je suis passé de la Jaguar à la 4 L, réduisant chaque fois mes besoins pour ne pas avoir
à travailler."
1967, c'est l'année Barbara. Pour elle, il écrit "La longue dame brune", et elle le somme de
chanter avec elle cette chanson qui les lie, lors d'une tournée épuisante. Dans sa retraite aux
dorures fléchissantes, Moustaki reçoit un coup de fil : "Une invitation pour un récital à la
cafétéria du théâtre de Caen. J'accepte. Peu après, Barbara m'appelle, me dit : 'Je vais à Caen
demain, viens avec moi, il y a quelqu'un qui y chante et que tu vas adorer'." C'était Serge
Reggiani, à qui Moustaki donnera ensuite "Sarah", "Votre fille a vingt ans", "Ma liberté"... des
carrés d'as qui le ramèneront à la vie publique. "Pendant un an, j'ai programmé des concerts
de jazz à Caen : Gato Barbieri, Michel Portal, Aldo Romano, Eddy Louiss, Daniel Humair,
Martial Solal." Pour lui, Moustaki a composé une chanson de liberté, que les maisons de
disques refusent. Elle sort enfin en 1969. Elle précède les envies d'ailleurs des orphelins de
Mai 68.
LA FIDÉLITÉ TOUJOURS AU RENDEZ-VOUS
La ballade gréco-latine plaira jusqu'à Salvador de Bahia, la ville de tous les saints, au Brésil,
l'un des points de passage préférés de Moustaki. "J'y suis arrivé par Jorge Amado, après un
court séjour à Rio, où en 1972 la chanteuse Nara Leao m'avait invité au Festival de la chanson
populaire", expliquait-il. En 1973, il adaptera en français "Aguas de Março", un hymne bossa-
nova, suivant les traces du pionnier Pierre Barouh. Trente ans après, Moustaki, l'album sorti
en 2003, commence par un hommage à Barbara écrit sur la musique Odeon, un choro célèbre
du compositeur brésilien Ernesto Nazareth. Chez Moustaki, la fidélité est toujours au rendez-
vous. Pour Vagabond, en 2005, Georges Moustaki a enregistré à Rio de Janeiro, entouré de
Paula Morelenbaum et du pianiste et compositeur Francis Hime.
Alors qu'il compose pour la fine fleur de la variété française, Georges Moustaki continue
d'essayer une carrière personnelle. Il le fait d'abord sous un nom d'emprunt, Eddie Salem, son
orchestre et ses chanteurs arabes, avec en 1960 un répertoire oriental-égyptien – puis grec
(Les enfants du Pirée) – et quelques rocks parodiques. En 1966, il part en Grèce pour la
première fois et y rencontre l'actrice et chanteuse Melina Mercouri, qui transformera par la
suite, en les chantant en grec, "Le Métèque" et "En Méditerranée", en hymnes de résistance
face à la dictature des colonels. Puis, il chante "La Pierre" du compositeur grec Manos
Hadjidakis, "L'homme au cœur blessé", "Nous sommes deux", sur des musiques de Mikis
Théodorakis. Toujours proche de l'Orient, il chante avec Areski "J'ai vu des rois serviles", joue
dans Mendiants et orgueilleux, film adapté du roman d'Albert Cossery, et ainsi de suite – en
1996, sur Tout reste à dire, c'est le flûtiste turc Kudsi Erguner qui répond présent pour un
poème chanté de Yunus Emre (XIIIe siècle).
Il se produit enfin en vedette, à Bobino à Paris en janvier 1970. Il est chaleureux, liant. Il chante
des anciennes chansons, jamais enregistrées, comme "Donne du rhum à ton homme". Les
chansons de l'album qui paraît début 1978 jalonnent une année de déplacements (San
Francisco, New York, Mexico, Tokyo, Québec, Eilat, Paris). "Vieux sage" dans "Si je pouvais
t'aider", il retrouve sa fraîcheur dans une "Elle est elle" quasi juvénile (avec la voix de sa fille
Pia Moustaki, née en 1956 – en 1988, naîtra son fils, Laurent. "Solitaire, sans état d'âme et
sans souffrance / Ma voile est gonflée de mystère / Ma cale est remplie d'innocence." Un
inlassable de la chanson.
En 2003, Moustaki publie "Moustaki", qui comporte la première chanson qu'il a composée,
"Gardez vos rêves" et, pour la première fois, son propre enregistrement de Milord, composée
jadis pour Edith Piaf. Jean-Claude Vannier donne à l'album un ton contemporain. Le dernier
album de Moustaki faisait le point sur cette question française. Pour Solitaire, Moustaki fait
main basse sur toute la jeune génération. Vincent Delerm, Cali pour des duos, Vincent Segall
pour les arrangements. Dédié à Henri Salvador, l'album rend hommage à l'âge d'or la chanson
française, et à l'amour. Il y reprend ses chansons "gold" : "Sans la nommer", "La liberté et la
fleur au fusil", "Ma solitude", "Donne du rhum à ton homme". En 2005, avec Vagabond, il
revient sur son amour pour la bossa-nova, en 2008, il intitule un disque de duos Solitaire… Le
paradoxe Moustaki.
Moustaki avait chanté partout dans le monde. De Rio à l'Olympia, de Bobino au Japon, du
Québec à l'Algérie, l'homme en blanc et à la voix suggestive, avait rassemblé. Fidèlement, car
les fidélités se créent dès l'enfance. Et quelle leçon en tirer ? Réponse de l'enfant d'Alexandrie
: "Je déclare l'état de bonheur permanent / Et le droit à chacun à tous les privilèges. Je dis que
la souffrance est chose sacrilège / Quand il y a pour tous des roses et du pain blanc."

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