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Communications

Symbolique de l'argent et psychanalyse


Alain Gibeault

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Gibeault Alain. Symbolique de l'argent et psychanalyse. In: Communications, 50, 1989. L'argent. pp. 51-79;

doi : 10.3406/comm.1989.1756

http://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1989_num_50_1_1756

Document généré le 21/03/2017


Alain Gibeault

Symbolique de l'argent
et psychanalyse *

Le bonheur est la satisfaction après coup d'un désir


préhistorique. C'est la raison pour laquelle la richesse y
contribue aussi peu. L'argent n'a pas fait l'objet d'un
désir infantile.
S. Freud '

L'argent est-il indispensable au déroulement de la cure


psychanalytique ? Bien qu'il lui soit arrivé de pratiquer des cures gratuites,
Freud considérait l'argent comme un paramètre important du
processus analytique :

L'absence de l'influence correctrice du paiement présente de


graves désavantages ; l'ensemble des relations échappe au monde
réel ; privé d'un bon motif, le patient n'a plus la même volonté de
terminer le traitement 2.

La gratuité pouvait être une source insurmontable de résistance et


un obstacle majeur à la poursuite de l'analyse.
Ces remarques de Freud conservent toujours leur part de vérité.
On dit de l'argent qu'il n'a pas d'odeur, marquant ainsi le lien
privilégié entre l'argent et Panalité. En cela, il permet cette médiation
neutralisée qui, certes, favorise le refoulement des échanges primitifs
dans leur corporéité, mais en même temps en autorise les
substitutions symboliques et leur élaboration dans la cure à l'abri justement
de cette isolation du contenu sensuel et corporel.
Par ailleurs, l'argent est effectivement ce tiers chosifié qui permet
éventuellement l'aménagement tolerable de la relation trans-
férentielle et de l'érôtisme à la fois amoureux et agressif qu'elle

* Version remaniée de « La symbolique de l'argent », publié dans les Cahiers du Centre de


psychanalyse et psychothérapie, n" 12, Association de santé mentale du \nf arrondissement de Paris, printemps
1986, p. 63-99.

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Alain Gibeault

implique. Sans cette médiation, le risque est grand d'une collusion


entre l'analyste et son patient, qui annule la dimension objectale de
la relation analytique : l'analyste pourrait alors devenir ce
personnage omnipotent qui empêche toute individuation du patient, et
contraindre celui-ci à payer de sa personne plutôt qu'avec de l'argent.
Le paiement a en effet pour avantage de moduler la relation de
dépendance entre le patient et l'analyste, car, si la relation analytique
représente une situation de dépendance très grande du patient à
l'égard de l'analyste, l'argent donné par le patient permet d'inverser
cette relation de dépendance ; sous cet aspect c'est l'analyste qui
dépend du patient.
De ce point de vue, l'argent dans la cure a une fonction
symbolique qui, par sa matérialité même, viendrait pallier l'insuffisance du
médiateur fantasmatique, qu'est Y imago paternelle, en fait
indispensable à la constitution de la relation objectale, à la réduction de
l'omnipotence. Comme médiateur réel, indispensable à l'efficacité de la
cure analytique, l'argent fait ainsi écho aux origines mêmes de la
symbolisation. Le mot « symbole » (du grec sumbolon) désignait en
effet chez les anciens Grecs un objet brisé en deux (pierre, tablette),
dont la réunion (sumballô = réunir, mettre ensemble) permettait à
deux alliés ou à leurs délégués de se faire reconnaître comme liés
entre eux ; ce pacte avait été conclu par la rupture de l'objet en deux
et par son partage entre les deux personnes qui, auparavant, avaient
voulu ainsi attester de leurs liens d'alliance.
Et, pourtant, l'analyse gratuite est possible, peut-être moins en
clientèle privée, ainsi que Freud a pu en expérimenter et dénoncer les
dangers et les risques, que dans une institution qui reprendrait à son
compte la fonction médiatrice accordée à l'argent. Cela suppose
d'accorder plus d'importance à l'argent fantasmé qu'à l'argent payé et
d'évaluer à quelles conditions cette fantasmatisation peut être
favorisée ou au contraire entravée. L'expérience montre que ce n'est pas
toujours l'argent payé qui en permet l'élaboration fantasmatique.
A ces problèmes techniques correspondent des enjeux théoriques
concernant la dimension symbolique de l'argent. L'argent est-il un
symbole universel ou personnel ? Si le travail clinique montre que
l'argent est polysémique et renvoie tout aussi bien à l'oralité et à la
génitalité qu'à l'analité, pourquoi Panalité apparaît-elle, autant dans
la cure analytique que dans la culture, le réfèrent essentiel de cette
symbolisation ? Si l'on peut reconnaître l'importance de la
symbolisation relative à l'argent dans les processus sublimatoires, quel
rapport dialectique peut-on envisager entre réalité psychique et réalité
sociale ? Ce sont là autant de questions que suscite la symbolique de

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Symbolique de l 'argent et psychanalyse

l'argent dans une perspective psychanalytique, et auxquelles je


tenterai de répondre en tenant compte de la dimension à la fois
sémantique et syntaxique 3 de ce symbole essentiel à la cure analytique. La
validité ou non de l'analyse gratuite repose en partie sur les
arguments théoriques qui peuvent être retenus.

I. LA FONCTION SÉMANTIQUE DE L' ARGENT

/. U or-argent : un symbole de Vexcrément.

Freud a insisté très tôt sur la « relation intime » dans l'inconscient


entre l'or et l'argent et l'excrément. Dès les lettres à Fliess, il observe
la correspondance entre ce que les mythes et le folklore avaient déjà
noté et les productions de ses patients :

J'ai lu un jour que l'or donné par le diable à ses victimes se


transformait immanquablement en excrément ; le jour suivant, M.E.,
parlant du désir d'argent de sa bonne d'enfant, me dit tout à coup
(par le détour de Cagliostro-alchimiste Dukatenscheisser [chieur de
ducats]) que l'argent de Louise (sa bonne et son premier amour)
était toujours excrémentiel. Donc, dans les histoires de sorcières,
l'argent ne fait que se transformer en la matière dont il était
sorti \

II était ainsi conduit à mettre en parallèle une équivalence


inconsciente dans le rêve et la névrose et une équivalence rencontrée
depuis toujours dans les civilisations anciennes, dans les mythes et le
folklore. De ce point de vue, la symbolique de l'argent entrait dans le
contexte plus général d'un travail de symbolisation indépendant du
travail du rêve.
Dès l'édition de 1900 de L'Interprétation des rêves, Freud
reconnaît que « le travail du rêve en utilisant ces substitutions
n'apporte rien de nouveau ° » et qu'« il n'est point nécessaire d'admettre
l'existence dans le travail du rêve d'une activité symbolique spéciale
de l'esprit 6 ». De même que le rêveur rencontre un langage et des
objets culturels qu'il n'a pas créés, il utilise des symboles déjà « tout
préparés dans l'inconscient » :

Ce sont ceux qui satisfont le mieux aux exigences de la formation


du rêve grâce à leur figurabilité et leur liberté à l'égard de la
censure '.

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Alain Gibeault

Cette idée déjà présente dès 1900, Freud ne cessera de lui donner
une importance croissante dans les éditions successives de L
'Interprétation des rêves et de faire une part de plus en plus grande à un
travail de culture. La symbolique de l'argent n'échappe pas à cette
perspective :

Les rêves à stimulus intestinal illustrent de façon analogue le


symbolisme qui y est inhérent, et confirment en même temps la
relation entre l'or et les fèces dont l'anthropologie sociale apporte par
ailleurs de nombreuses évidences 8.

Freud remarque également que le rapport entre l'élément


manifeste et sa ou ses traductions échappe néanmoins au rêveur et révèle
une relation constante, fixe, qui fait comparer ces symboles « aux
signes sténographiques pourvus une fois pour toutes d'une
signification précise ». L'existence d'un rapport symbolique aussi stéréotypé
semble dès lors ramener l'interprétation des rêves aux anciennes
méthodes de déchiffrage qui disposaient ainsi d'une « clef des
songes » permettant de les interpréter sans tenir compte du rêveur.
D'où l'idée d'une relation bi-univoque entre le symbole et le
symbolisé :

Dans les rêves du folklore, l'or est connu de la façon la plus uni-
voque comme symbole des excréments l0.

Le facteur commun de la comparaison entre le symbole et le


symbolisé est souvent obscur et caché ; il semble fondé principalement
sur des rapports de similitude, mais aussi parfois sur des rapports de
contiguïté (par exemple, la nudité symbolisée par des habits et des
uniformes) '. Freud insiste sur l'aspect « inconscient » du terme de
comparaison entre le symbole et le symbolisé ; ce sont des
comparaisons « faites une fois pour toutes et toujours prêtes » qui échappent
aux initiatives individuelles : ces rapports symboliques sont «
identiques chez les personnes les plus différentes, malgré les différences
de langue l2 ». Le symbolisme inconscient va au-delà des différences
de personnes, de langues et de cultures ; son universalité se fonde
dans la référence constante et « monotone » au champ de la pulsion
sexuelle, dans la mesure où « la majeure partie des symboles dans le
rêve sont des symboles sexuels I3 ».

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Symbolique de l'argent et psychanalyse

2. Genèse de l'argent.

Comment s'opèrent ces déplacements en ce qui concerne l'argent ?


Le travail de Ferenczi sur l'« Ontogenèse de l'intérêt pour l'argent »,
en fait contemporain de la réflexion freudienne sur la symbolique du
rêve, permet d'approfondir la question. Ontogenèse, puisqu'il s'agit
de déterminer les facteurs qui entrent en ligne de compte dans ce
travail de symbolisation, mais qui devrait être mise en rapport avec la
phylogenèse, avec l'acquis héréditaire des générations précédentes tel
qu'il peut s'observer dans les correspondances avec la « psychologie
des peuples et de ses productions (mythes, contes, folklore) l4 ».
Ferenczi insiste sur deux ordres de facteurs. D'abord, le plaisir de
la rétention des selles, sur lequel Abraham reviendra de façon plus
explicite pour en faire la caractéristique du second stade sadique-
anal :

Les matières fécales ainsi retenues sont réellement les premières


« économies » de l'être de devenir, et comme telles restent en
corrélation inconsciente permanente avec toute activité physique ou
mentale qui a quelque chose à voir avec l'action d'amasser,
d'accumuler et d'épargner ' '.

Notons ici l'importance du déplacement selon la contiguïté et la


similitude dans le processus de représentance de la pulsion : celui-ci
obéit à la fois à la contiguïté du plaisir physique et du plaisir
psychique et à la métaphorisation du plaisir physique de retenir les selles
en plaisir psychique de retenir, d'amasser et de conserver sous ses
multiples aspects. Ferenczi insiste donc ici sur un déplacement
d'intérêt fondé sur une contiguïté et une similitude de fonction, de but
de la pulsion assurant dans les deux cas une satisfaction auto-
érotique. Si la pulsion sexuelle anale s'étaie sur le processus de la
défécation, sur un besoin de l'ordre de l'autoconservation, elle s'en
distancie par toutes les possibilités de déplacement de X action et du
but au niveau de la paire contrastée retenir-expulser.
Mais un deuxième facteur entre en ligne de compte dans le passage
de Pérotisme anal à l'intérêt pour l'argent : ce plaisir auto-érotique se
transforme en amour objectai, à partir du moment où l'intérêt de
l'enfant se déplace « de la perception intransitive de certaines
sensations organiques sur la matière même qui a provoqué ces
sensations ». L'expulsion des fèces signifie en même temps qu'elles sont
« introjectées », au sens où « elles sont considérées comme un jouet

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Alain Gibeault

précieux dont seules l'intimidation et les menaces de punition


peuvent déshabituer l'enfant l6 ».
D'où les possibilités de déplacement au niveau de l'objet par un
processus de symbolisation par le contraire : des selles odorantes,
humides, molles et ternes, l'enfant passe aux pièces d'argent
inodores, sèches, dures et brillantes. Des objets « de transition »
favorisent ce déplacement qui chaque fois substitue une qualité
contraire : on rencontre ainsi sur cette chaîne symbolique la boue
inodore qui enlève aux fèces leur odeur désagréable, le sable sec qui
leur enlève leur humidité, les pierres qui favorisent le passage du
mou au dur, pour terminer par les pièces de monnaie brillantes qui
sont le contraire des fèces ternes :

A ce moment-là, le symbole de l'argent est en gros parvenu au


terme de son développement. La jouissance liée au contenu
intestinal devient plaisir procuré par l'argent qui [...] n'est rien d'autre
que des excréments désodorisés, déshydratés et devenus brillants.
Pecunia non olet l7.

Ferenczi suppose que, dans ce mouvement, l'intérêt se porte plutôt


sur la matérialité de l'argent en tant qu'objet suscitant le plaisir des
sens que sur sa valeur économique. Pour que l'argent comme
« valeur-étalon » s'établisse, une autre genèse s'impose dont la
continuité est moins directe. Ferenczi remarque que cet investissement de
la valeur doit passer par « le respect que les adultes témoignent pour
l'argent, ainsi que la possibilité séduisante d'arriver à obtenir par ce
moyen tout ce qu'un cœur d'enfant peut désirer 18 ». C'est là un fait
d'observation courante qui ne fait que poser le problème plutôt que
l'expliciter.
De ce point de vue, Freud ira plus loin quelques années plus tard
lorsqu'il introduit le chaînon « cadeau » entre Y excrément et Yor-
argent pour rendre compte de cette ontogenèse :

L'enfant ne connaît pas d'autre argent que celui qu 'on lui donne, il
ne connaît ni l'argent gagné ni l'argent personnel, hérité.
L'excrément étant son premier cadeau, il transfère aisément son intérêt de
cette matière à cette matière nouvelle qui dans la vie se présente à
lui comme le cadeau le plus important ' .

C'est en tant qu'objet d'échange entre ses parents et lui, traduisant


un mouvement identificatoire, que l'argent acquiert une valeur
économique. Ce mouvement s'inscrit dans un investissement à la fois
narcissique et objectai des fèces : Freud précise la pensée de Ferenczi

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Symbolique de l'argent et psychanalyse

à propos de ce double investissement lorsqu'il relie l'amour objectai


pour les fèces à l'amour pour l'objet total :

La défécation fournit à l'enfant la première occasion de décider


entre l'attitude narcissique et l'attitude d'amour d'objet. Ou bien il
cède docilement l'excrément, il le « sacrifie » à l'amour pour l'objet
total, ou bien il le retient pour la satisfaction auto-érotique et, plus
tard, pour l'affirmation de sa propre volonté 20.

En tant que partie de son corps, l'enfant investit narcissiquement


l'excrément, ce qui se reportera plus tard sur l'argent ; en tant que
partie séparée de son corps, il peut l'investir de façon objectale comme
objet partiel et s'engager dans un commerce avec l'objet total où la
possession peut devenir cadeau offert et échange 21. De ce point de
vue, la valeur économique de l'argent s'inscrit davantage dans
l'échange entre les parents et l'enfant que dans la matérialité de la
monnaie, ce qui rend possibles toutes les abstractions financières.
Ferenczi soulignait d'ailleurs cette évolution « logique » de la
« faculté de penser », dans la mesure où l'« intérêt symbolique pour
l'argent » pouvait se dégager de plus en plus de la dimension sensible
de l'argent pour s'ouvrir à toutes sortes de choses qui, d'une certaine
manière, signifient valeur ou possession : papier-monnaie, actions,
livret de Caisse d'épargne, etc. 22, et l'on pourrait ajouter
aujourd'hui : chèques, cartes de crédit, etc.
En réalité, il ne s'agit pas de choisir entre deux genèses, car en fait
elles sont complémentaires et parfois source de conflit ; Ferenczi
remarque avec beaucoup de pertinence que « beaucoup de gens
signent aisément un document qui les engage à payer d'importantes
sommes d'argent et font facilement de grandes dépenses en billets de
banque, mais ils se montrent étrangement réticents dès qu'il s'agit de
débourser des pièces d'or ou même le moindre sou. Les pièces de
monnaie leur " collent " littéralement aux doigts 23 ». La matérialité
de l'argent conserverait de ses origines un plaisir erotique relatif aux
sens que perdrait l'argent comme valeur économique.

3. Symbolique de Vor-argent et refoulement.

De ce point de vue, la symbolique de l'or-argent apparaît donc


essentiellement au service du refoulement. C'est d'ailleurs ce que
Jones affirme de façon catégorique dans son article sur « La théorie
du symbolisme », en fait contemporain des réflexions de Freud et de
Ferenczi sur la question :

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Alain Gibeault

N'est symbolisé que ce qui est refoulé, et seul ce qui est refoulé a
besoin d'être symbolisé. Cette conclusion doit être regardée
comme la pierre de touche de la théorie psychanalytique 2\

A partir d'une équivalence symbolique entre deux objets liés par


un rapport d'« identification », c'est-à-dire de similitude, Jones
distingue ainsi un processus de symbolisation, correspondant à la
substitution d'un objet à un autre sans qu'il y ait changement d'affect, et
un processus de sublimation, correspondant au développement des
significations intrinsèques réelles, objectives du deuxième objet et à
la modification des affects investis dans le premier objet 2 . C'est
pourquoi il distingue le symbole de toutes les autres formes de
représentation indirecte, et en particulier de la métaphore : ils ont en
commun de faire ressortir une ressemblance de fonction ou de forme
entre des objets à l'aide d'une image, d'être fondés sur une
équivalence symbolique entre deux objets. Une même image symbolique
(l'argent, par exemple) peut ainsi être un symbole lorsqu'elle sert de
substitut à un objet inconscient (les fèces), mais cesse d'en être un à
proprement parler, pour devenir une métaphore, lorsqu'elle sert de
substitut à la censure ou aux tendances sublimées (l'argent symbole
de la richesse).
Ce qui pose toutefois problème, c'est cette façon de concevoir la
symbolisation comme l'échec de la sublimation, et non comme sa
promotion ; l'élaboration de la perte de l'objet montre au contraire
comment la symbolisation, comme processus de substitution d'une
représentation à une autre et de liaison des affects, rejoint le
processus d'inhibition de la pulsion quant au but que connote le concept de
sublimation.
Il faut avoir ici à l'esprit la genèse de la vie psychique telle que la
décrit Freud. C'est dans un même temps que naissent la pulsion à
proprement parler, l'inconscient et le fantasme, au moment où l'on
assiste au déplacement sur l'objet maternel des expériences de plaisir-
déplaisir liées à la satisfaction des besoins. Le clivage primitif entre le
moi et le monde extérieur, qui s'institue dès la reconnaissance de la
mère comme objet total différent de tout autre objet 26, constitue un
processus défensif que l'on peut faire correspondre à ce que Freud a
appelé refoulement originaire : c'est ce temps premier où la création
des fantasmes inconscients vient fixer la pulsion à ses représentants,
où s'opère la liaison des affects d'angoisse relatifs à l'absence de la
mère à des représentations qui permettent de tolérer cette absence.
Le refoulement originaire trouve sa raison d'être dans la nécessité
d'organiser en même temps les aspects libidinal et destructeur vécus
à l'égard de l'objet maternel.
C'est à partir de ce qui se joue à ce moment-là que pourra s'élabo-

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Symbolique de l'argent et psychanalyse

rer la perte de l'objet dans une perspective de néantisation et d'effroi,


comme dans la psychose, ou dans une perspective de négation de la
présence et d'angoisse-signal 2?, comme dans la névrose, et qu'il y
aura rejet et déni, ou refoulement à proprement parler. De ce point
de vue, le symbolique et, par conséquent, le langage sont liés à un
processus économique dont témoigne le travail de la pulsion. La sym-
bolisation n'apparaît pas seulement comme la substitution d'une
représentation à une autre, mais aussi et surtout comme un
mécanisme antidépresseur permettant de limiter la circulation des affects.
C'est un processus qui relie deux représentants psychiques
hétérogènes, qui lie au symbole un affect qui sans lui restera flottant.
C'est ce qu'illustre le fameux jeu de la bobine que Freud
mentionne à propos de son petit-fils. Ce jeu marque la maîtrise des affects
désagréables suscités par la disparition de la mère et témoigne de la
réussite d'un processus à travers la parole, le geste, la perception
visuelle 28. Ainsi, lorsque l'enfant dit « fort » et « da », c'est la mère
introjectée qui parle en lui. La mère dit : « parti » (fort), et l'enfant-
bobine est parti. La mère dit : « revoilà » (da), l'enfant-bobine
réapparaît. La symbolisation s'organise sur le modèle de cette
manipulation d'objet, et l'on voit comment le langage se développe au terme
de ce processus de symbolisation.
On comprend dès lors que Hanna Segal puisse décrire cette genèse
du symbole comme l'« aboutissement d'une perte » et comme « une
œuvre créatrice contenant la douleur et tout le travail du deuil » 29.
Cette description rend compte de la notion de sublimation, décrite
par Freud comme l'un des destins possibles des pulsions : le
processus d'inhibition de la pulsion quant au but, c'est-à-dire du passage
d'un but sexuel à un but non sexuel socialement valorisé auquel
renvoie le concept de sublimation, serait corrélatif d'un véritable
processus de deuil de l'objet maternel.
C'est d'ailleurs ainsi que Freud interprète le jeu de la bobine :

Le jeu était en rapport avec les importants résultats d'ordre


culturel obtenus par l'enfant, avec le renoncement pulsionnel qu'il avait
accompli (renoncement à la satisfaction de la pulsion) pour
permettre le départ de sa mère sans manifester d'opposition {".

Freud ne pouvait mieux montrer comment la sublimation est


étroitement liée au processus de symbolisation.
C'est pourquoi il n'apparaît pas très utile d'opposer, comme Jones,
symbolisme inconscient et sublimation, alors que, comme le
remarque Hanna Segal, « il y a de très grands avantages à étendre la défi-

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Alain Gibeault

nition du symbole à ceux qui sont utilisés dans la sublimation •».


D'abord, une définition plus large du mot « symbole » rejoint son
usage courant et réintègre ce qui est appelé « symbole » dans les
autres sciences et dans le langage quotidien. H. Segal note ensuite
qu'il semble y avoir une « continuité » de développement entre les
symboles primitifs, tels que Jones les décrit, et ceux utilisés dans
l'expression personnelle, la communication, la découverte, la
création, etc. Enfin, il faut admettre un concept élargi du symbolisme, si
l'on veut comprendre comment « l'intérêt de l'enfant pour le monde
extérieur est déterminé par une série de déplacements d'affects et
d'intérêts, de l'objet primitif à des objets toujours nouveaux 31 ».
Il reste néanmoins que, dans cette trajectoire où s'organise la sym-
bolisation, on peut distinguer tantôt une tendance où opère le
refoulement, tantôt une autre où au contraire peut jouer davantage la
sublimation. Les différents destins des représentants des pulsions
partielles sont ici en question. A propos de l'érotisme anal, la
symbolique de l'argent pourrait ainsi obéir à un mouvement de progressive
désexualisation et de sublimation, où la réalité sociale serait
davantage prise en compte par la réalité psychique, ou rester par contre
engagée dans une constante sexualisation, où la possession de
l'argent conserverait ses attaches avec l'érotisme anal refoulé. La cure
analytique confronterait nécessairement l'analysant à une resexuali-
sation de l'argent et à un travail éventuel de désexualisation.
A la suite de Freud et de Ferenczi, seule la primauté de la pulsion
anale a été mise en relation avec la symbolique de l'argent, dans la
perspective d'un lien univoque, en fait discutable, entre symbole et
symbolisé. Et pourtant Freud lui-même, dans « L'Homme aux
loups », complète son schéma des « transpositions de pulsions dans
l'érotisme anal » en montrant que par le chaînon cadeau, commun à
la fois à l'équation excrément-cadeau-enfant et à l'équation
excrément-cadeau-argent, l'argent peut être aussi le substitut symbolique
de l'enfant et se trouver en relation avec la pulsion génitale 32.
Le premier souvenir-écran de l'Homme aux loups se rapporte
d'ailleurs à une colère de celui-ci parce qu'il n'avait pas reçu assez de
cadeaux à Noël, ce qui renvoyait, selon Freud, à sa déception quant à
son attente d'une satisfaction anale. L'argent prit ultérieurement le
relais de ce désir d'enfant lorsqu'un jour, probablement après l'âge de
six ans, il fut très jaloux de sa sœur qu'il avait vue recevoir de son
père « deux gros billets de banque ». Resté seul avec elle, il avait
demandé sa part si vivement que sa sœur lui avait donné le tout.
D'où la conclusion de Freud :

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Symbolique de l 'argent et psychanalyse

Ce qui l'avait irrité, ce n'était pas seulement le cadeau d'argent en


lui-même, mais bien plutôt le cadeau symbolique d'un enfant, la
satisfaction sexuelle anale donnée par leur père 33.

De la même façon, il avait réclamé une part de l'héritage de sa


mère après la mort de son père, dans un mouvement qui n'est pas
sans rappeler l'Homme aux rats dans son désir de toucher une part
de l'héritage de sa mère et de réaliser ainsi son désir d'enfant 3\

II. ARGENT ET EROTISME ANAL

La symbolique de l'argent est certes polysémique, mais Pérotisme


anal possède une place privilégiée qui réclame une explication ; il
faut par ailleurs se demander si cet ancrage dans Panalité n'est pas
justement ce qui permet à ce jeu polysémique de s'organiser. Par
ailleurs, il est vrai que, de ce point de vue, l'argent n'arrive qu'après
coup et n'est pas l'objet d'un désir infantile premier ; inhérent à la
réalité sociale, il ne vient que dans un second temps offrir une
figuration à la réalité psychique.
Freud note lui-même cette dimension d'après coup à propos de
l'assimilation entre l'excrément et l'argent. L 'intérêt pour la
défécation s'éteint « dans les années de maturité » ; l'enjeu narcissique et
objectai auquel elle renvoie trouve alors un terrain favorable dans
l'intérêt pour l'argent dont Freud dit qu'il est « quelque chose de
nouveau qui a jusqu'alors manqué à l'enfant 3;i ». D'où, selon lui, le
changement de but en ce qui concerne l'aspiration antérieure ; .ou
peut-être pourrions-nous dire plutôt métaphorisation de la même
action, du même but (conserver-expulser).

/. Carine et l'intérêt pour la défécation.

Un cas d'analyse précoce devrait nous permettre de mieux suivre


ce mouvement, dans sa dimension à la fois régrédiente et progré-
diente, et de préciser le rôle de Panalité et de la symbolique de
l'argent dans ce passage de la petite enfance vers les « années de
maturité ». La petite Carine, âgée de trois ans et demi lorsqu'elle
commence son analyse avec Janine Simon 36, montre très bien l'enjeu
et le conflit que suscite la maîtrise sphinctérienne et la fonction que
peut jouer l'argent dans ce mouvement. A la cinquante-deuxième
séance, Carine commence par dessiner une maison en faisant preuve
de progrès techniques qui témoignent d'une maîtrise plus grande de

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Alain Gibeault

ses affects. Le dessin d'une petite fille avec des attributs phalliques
(cheveux et jambes) et une bouche avec des dents de loup
menaçantes provoque une régression orale et la projection de son avidité
orale destructrice (mordre et prendre le sein) sur son analyste. Elle se
récupère alors en mettant en scène une mère qui pose sa fille sur le
pot et une fille qui ne veut pas « donner sa crotte », car, si elle la
donnait, elle ne l'aurait plus dans le ventre 3?. La maîtrise sphinctérienne
(retenir les fèces) permet ainsi à l'enfant cette « persistance
narcissique » dont parle Freud 38, par laquelle il peut lutter contre le danger
de l'agression maternelle, récupérer une maîtrise et exercer une
emprise sur l'objet mises en cause par l'intensité des pulsions orales.
Les avantages de cette maîtrise sphinctérienne sont multiples. Un
début d'acting out lors de cette figuration psychodramatique de
l'apprentissage de la propreté montre comment le contrôle de l'activité
mentale et le contrôle sphinctérien sont investis de la même façon 39.
Carine veut saisir la jupe de son analyste, mais s'arrête interdite et
remarque : « Ah ! c'est vrai, ici on ne fait pas les choses, on en parle »,
énonçant ainsi la règle fondamentale de l'analyse sans que, par
ailleurs, elle lui ait jamais été formulée.
La mentalisation peut remplacer l'agi, à partir du moment où la
destructivité sadique-orale et sadique-anale est relativement
maîtrisée. De ce point de vue, la maîtrise sphinctérienne, en tant
qu'ouverture et fermeture volontaires du sphincter anal, contribue à
différencier davantage l'intérieur et l'extérieur du corps et à assurer une
fonction de restauration narcissique. Mais, en même temps, on peut
penser que c'est la liaison des affects par les représentations qui a
permis que cette maîtrise sphinctérienne puisse s'organiser et avoir
cette valeur progrédiente.
On en trouve confirmation à une séance précédente (la
vingtième) 40. Carine est prise d'une envie de déféquer en début de
séance, va aux toilettes et en revient en déclarant avec grande
satisfaction qu'elle a fait un gros caca et qu'elle a utilisé un grand
morceau de papier. Cette jubilation est rapidement mise en cause
lorsqu'elle se demande si son analyste utilise une plus grande quantité de
papier, ce qui la confronte à une rivalité inquiétante et l'oblige à
recourir à la coprolalie. Ce fantasme de pénis anal, qui obéit à
l'équation inconsciente soulignée par Freud entre l'excrément et le pénis,
lui permet néanmoins de se défendre de son sentiment d'impuissance
et d'incomplétude en tant qu'enfant et de ses désirs d'attaquer et de
prendre le pénis anal maternel, correspondant à la toute-puissance de
la maîtrise et de la possession attribuée à la mère.

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Symbolique de l 'argent et psychanalyse

La maîtrise sphinctérienne a donc bien une fonction défensive, en


ce qu'elle favorise la maîtrise des pulsions destructrices. Mais elle est
elle-même le résultat de l'élaboration des conflits psychiques, comme
en témoigne la levée de l'énurésie chez Carine. Celle-ci n'avait pas
encore acquis le contrôle du sphincter urétral, ce qui ne pouvait que
la renvoyer à l'angoisse de perdre le contrôle du sphincter anal. Dans
cette même séance, l'interprétation de l'utilisation défensive de cette
énurésie pour lutter contre ses désirs œdipiens à l'égard de son père
permet de lever ce symptôme.
De ce point de vue, la maîtrise anale en tant qu'érotisation de la
rétention favorise l'instauration d'un délai dans la recherche de la
satisfaction et le développement de P« activité fantasmatique secrète,
isolée du monde 4l ». Les processus de rétention et d'expulsion qui
s'appliquent à l'objet fécal s'étendent à la motricité volontaire, à la
pensée et au langage, et constituent l'assise du développement de la
mentalisation : le plaisir de conserver les fèces, qui est source d'un
gain narcissique, devient ainsi économiquement identique autant au
plaisir de garder et d'évoquer des souvenirs qu'à celui de penser au
lieu d'agir 42. La différenciation entre l'intérieur et l'extérieur du
corps s'organise, ainsi que le souligne M. Fain, du fait que la
défécation perd son caractère public et favorise la fantasmatisation « dans
un lieu radicalement séparé du reste de la maison familiale » et «
gardant cependant la valeur d'une liaison étroite avec cette même
maison grâce à l'acceptation de la ritualisation qu'il symbolise » 43. A
l'univers narcissique-oral ouvert et sans limites s'oppose maintenant
l'univers objectal-anal, pourrait-on dire, qui, ainsi que l'a montré
B. Grunberger, favorise le mouvement d'indépendance par rapport à
l'objet externe et de séparation entre le sujet et l'objet . Il ne s'agit
pas de dire que l'oralité est anobjectale, mais que l'érotisme anal
constitue une expérience majeure dans le mouvement d'objecta-
lisation ébauché dans l'érotisme oral.
Il ne saurait être question ici de décrire une séquence génétique,
dans le sens d'une succession de stades tels que les écrits de K.
Abraham ont pu les fixer. L'évolution d'un stade à un autre peut être
mise sur le compte de la maturation biologique qui suscite à un
moment déterminé une activité plus ou moins importante d'une zone
érogène ; mais, sur un plan clinique, la réalité de ce passage d'un
stade à un autre est secondaire par rapport à l'histoire du conflit qui
s'installe à cette occasion.
De ce point de vue métapsychologique, et non plus génétique,
l'oralité et l'analité sont moins des stades successifs que des modalités
d'investissement de l'objet, parallèles et indissociables : si l'oralité

63
Alain Gibeault

renvoie ainsi à la dimension narcissique et illimitée, l'analité


représentera la dimension objectale, ce qui permet de structurer la relation
d'objet et favorise à la fois l'apparition et le déclin de l'œdipe 45.
Dans cette optique, la dialectique du conserver/perdre inhérente à
l'érotisme anal confirme l'aptitude à la symbolisation comme
processus de liaison des affects et de maîtrise de l'excitation. Le jeu de la
bobine, considéré souvent comme l'expérience princeps qui révèle
l'institution de la symbolisation, suppose cette manipulation d'un
objet intérieur à la fois conservé et expulsé qui définit l'érotisme
anal. C'est une expérience de maîtrise qui montre que l'angoisse
d'engloutissement par l'objet propre à l'oralité (vider ou être vidé) est
ici contenue dans des limites grâce à l'utilisation d'un objet tiers.
L'encoprésie 46 témoigne a contrario d'une déficience dans
l'élaboration de ces processus psychiques, car elle constitue davantage un
surinvestissement d'un agi qui révèle un besoin immédiat de
décharge et s'oppose au déplacement psychique du plaisir de la
rétention. L'activité érotisée de la rétention des fèces et de leur
expulsion constitue en fait un frein au développement de l'activité
psychique, car elle vise davantage à pallier une défaillance dans
l'organisation des limites entre le dedans et le dehors du corps, entre le
moi et le monde extérieur 4?, qu'à favoriser un travail de
symbolisation et de sublimation de l'érotisme anal. C'est ce que confirme
d'ailleurs dans l'encoprésie le refus de séparer du monde extérieur
l'activité de défécation, qui force ainsi la présence de l'objet externe plutôt
que de favoriser la constitution de l'objet interne. C'est ce que traduit
le jeu mis en scène par Carine de la mère qui regarde déféquer sa
fille : l'absence de distance entre la mère et l'enfant qui défèque
renvoie au danger d'intrusion maternelle.
L'analyse de Carine montre très bien comment le contre-
investissement de Pérotisme anal, plutôt que son surinvestissement,
contribue au développement de la mentalisation. Après cette séance
(la vingtième) où elle se permet d'aller dans « un autre lieu » pour
déféquer et revient triomphante, elle commence à développer un
intérêt pour le métalangage : à son analyste qui lui fait remarquer
qu'on dit les « nombrils » et non les « zombries », Carine répond :
« On dit un nombril, les zombries... t'iras en classe apprendre à faire
les liaisons 48 » ; elle apprend également à différencier la
représentation de la perception, et déclare ainsi en lisant un livre d'animaux
sauvages : « Heureusement que c'est un livre, ils peuvent pas bouger,
sinon j'aurais peur 4%

64
Symbolique de l'argent et psychanalyse

2. Erotisme anal et sadomasochisme.

Il serait toutefois arbitraire de ne pas souligner le lien essentiel qui


s'établit entre l'érotisme anal et le sadomasochisme. En 1913, dans
« La disposition à la névrose obsessionnelle », Freud émet l'hypothèse
d'une organisation prégénitale de la vie sexuelle où les pulsions
partielles sont « déjà concentrées sur un choix d'objet » et dominées par
les « pulsions érotico-anales et sadiques » 50 : l'érotisme anal renvoie à
la passivité auto-érotique, centrée sur l'anus, tandis que le sadisme
reprend à son compte Y activité « due à la pulsion d'emprise » non
sexuelle pour la mettre « au service de la pulsion sexuelle » 51, qui
devient ainsi allo-érotique. Freud ne relie pas l'érotisme anal au
masochisme, mais, en 1905, dans les Trois Essais, il soulignait que
dans ce jeu de rétention/expulsion, caractéristique de l'érotisme anal,
on pouvait supposer « qu'à une sensation douloureuse s'ajoute une
sensation de plaisir intense 52 ». C'était déjà marquer le lien entre la
passivité propre à l'érotisme anal et celle qui caractérise le
masochisme érogène.
Sans reprendre toute la question du sadomasochisme 53, on peut
toutefois remarquer que, de ce fait, l'organisation du masochisme
primaire, en tant qu'investissement de la douleur relative à la
satisfaction hallucinatoire, contribue de façon essentielle à la dimension
progrédiente de l'érotisme anal comme plaisir de rétention favorisant
le délai dans la satisfaction. Par ailleurs, ce serait le sadisme qui
ouvrirait la voie à l'objet, à la fois dans le désir de le détruire et dans
celui de le dominer ; c'est pourquoi, si le sadisme peut rendre compte
du plaisir de maîtriser et de dominer l'objet dans le défi narcissique
de retenir les selles, il est également sous-jacent dans le don des
selles, qui ne se ferait pas toujours sous le signe de l'amour, mais
dans un mouvement de haine et d'attaque de l'objet. D'où l'on voit
que les buts des pulsions partielles inclus dans l'organisation
prégénitale sadique-anale peuvent opérer différentes alliances, selon le
degré d'union ou de désunion pulsionnelle : le jeu du retenir/donner
prendra des valences différentes selon qu'il sera déterminé par la
haine ou par l'amour. Dans le mouvement progrédient, le plaisir de
donner devient corrélatif du plaisir de recevoir et soutient les
processus d'introjection.
L'intégration de l'érotisme anal dans le fonctionnement du moi
suppose que les buts opposés des pulsions anales (retenir/perdre) et
des pulsions sadiques (dominer/détruire) °4 soient dialectisés plutôt

65
Alain Gibeault

que figés dans une seule direction ; on y retrouve le fonctionnement


nécessaire de la négation, comme mouvement de YAufhebung qui à la
fois conserve et supprime. L'apparition des processus de pensée
témoigne de la sublimation de l'érotisme anal et suppose de
reconnaître dans la cure cette double direction des pulsions sadiques-
anales, en soulignant la dimension positive de « conserver », et de
montrer que cette ambivalence ne s'adresse pas aux seuls objets
partiels mais également aux objets totaux 55.

3. Carine et l'intérêt pour l'argent.

C'est dans ce mouvement d'intégration de l'érotisme anal que


Carine fait référence à l'argent. A la fin de cette séance (la cinquante-
deuxième) où elle recourt à la maîtrise anale pour lutter contre son
avidité orale, elle échoue néanmoins à garder cette maîtrise : lorsque,
dans la salle d'attente, sa mère vient pour payer l'analyste, Carine
s'empare du billet et s'enfuit dans le bureau, ce qui oblige la mère à
lui reprendre le billet ; par ailleurs, prenant à témoin sa mère dans
un mouvement projectif, elle attribue à son analyste toute la
responsabilité de l'érotisme anal et lui reproche d'avoir plus que jamais
parlé de « crotte et de caca 56 ». L'argent apparaît ici comme un
substitut de la puissance anale de la mère, sans que l'on puisse en déduire
que Carine y voie une valeur économique. Il s'agit en l'occurrence
d'un acting out qui marque un mouvement de recul par rapport à
l'élaboration psychique de la séance ; mais il est tout à fait
intéressant de voir Carine, à la séance suivante (la cinquante-troisième),
reprendre la question sous la forme cette fois d'un jeu bien maîtrisé
qui consiste à fabriquer de l'argent, billets et pièces, en très grand
nombre, ce qui la conduit à réclamer de plus en plus de feuilles de
papier. C'est d'ailleurs cette maîtrise des sphincters comme lutte
contre l'effraction de l'analyste que lui interprète J. Simon, en lui
faisant remarquer que, après ce qu'elles ont dit la dernière fois, « elle
fait des grandes réserves d'argent et de caca et prend bien soin de
serrer sa bouche comme ses fesses pour que rien ne sorte 5? ».
Rétention et possession des fèces trouvent ici une représentation
symbolique dans l'accumulation de l'argent, dans une genèse qui
n'obéit probablement pas à celle décrite par Ferenczi, puisqu'il
semble que soit davantage valorisé le déplacement entre le grand
morceau de papier-toilettes et le grand nombre de feuilles de papier.
On ne peut négliger non plus l'importance d'un objet (le billet) que
possède la mère et qui s'échange entre celle-ci et l'analyste. Ce sont

66
Symbolique de l'argent et psychanalyse

là les limites d'une approche génétique et empiriste qui entend


décrire la genèse du symbolisme à partir d'une séquence réelle
procédant du concret vers l'abstrait, du matériel vers le figuré 5 , sans
expliquer ce qui rend possible ce processus de symbolisation.
L'intervention de l'argent dans l'analyse survient ici dans un
mouvement défensif et régressif de recours à l'analité comme lutte contre
l'angoisse de castration. Déjà, au début de son analyse, c'était sous-
jacent à la désignation du vagin par Carine comme une « tire-lire »,
qui marquait l'investissement anal de ses organes génitaux : si l'on
peut y voir la reprise par elle d'une « symbolique familiale » qui
valorise l'argent, cela lui sert néanmoins pour dénier la différence des
sexes, tout comme la maîtrise sphinctérienne, qu'elle possède, à la
différence de son petit frère, lui permet, ainsi que les auteurs le
soulignent, de « diminuer l'angoisse de la différence, quant à la
possession de l'objet convoité, entre les parents et elle 9 ».
L'argent prend toutefois une dimension à la fois polysémique et
économique à partir du moment où s'élabore le conflit œdipien. A la
soixante-troisième séance 60, Carine, qui a maintenant cinq ans,
évoque l'argent comme ce qui permet d'acheter des choses, mais
n'est pas inépuisable : elle grandit vite, et elle aurait besoin d'une
robe et d'un manteau neufs, mais il faut attendre d'avoir plus
d'argent. La séance tourne alors autour de deux achats importants :
le père a acheté une voiture à la mère, et celle-ci, avec l'argent du
père, a acheté des patins à roulettes à Carine. L'argent, c'est en effet
ce que donne le père à la mère, et ce qui symbolise dès lors le pénis
du père : l'argent condense à la fois le fantasme d'incorporation de
l'objet partiel (fèces, pénis) échangé par les parents et le désir œdipien
à l'égard du père dans un mouvement d'identification secondaire à
la mère comme objet total. Ainsi que le soulignent R. Diatkine et
J. Simon, Carine est ainsi conduite « à désirer ce que la mère désire à
partir de l'origine commune de ses objets dont la possession a une
telle valeur de restauration narcissique : c'est le père qui donne
l'argent, c'est le père que l'enfant désire, comme le désire sa
mere 61
On peut imaginer que l'argent pourrait symboliser tout aussi
bien l'enfant désiré du père que, de manière régressive, le sein
maternel, en parachevant l'équivalence symbolique fèces-pénis-bébé
décrite par Freud. L'organisation de l'analité favorise l'élaboration
structurante de l'œdipe qui permet à l'argent d'acquérir sa valeur
économique et polysémique. La double référence des fèces comme
possession et comme objet d'échange ritualisé avec autrui trouve
dans l'argent un substitut privilégié qui explique la relation uni-

67
Alain Gibeault

voque et exclusive que l'on a souvent voulu y voir. Mais c'est


justement cette double référence qui en autorise la symbolisation
polysémique. La dialectique de l'être et de l'avoir à laquelle renvoie
l'opposition entre les investissements liés et les investissements non
liés trouve dans l'argent une figuration après coup et permet qu'il
puisse jouer un rôle de médiation, comme l'évoque, dans le cas de
Carine, le rôle du père qui le donne.

III. LA FONCTION SYNTAXIQUE DE L'ARGENT

L'ontogenèse de la symbolique de l'argent nous a permis de saisir


ce qui est au principe de la symbolisation, à savoir la substitution
d'une représentation à une autre représentation et la liaison des
affects. Mais l'analyse de Carine nous a en même temps conduit là où
se profile Y effet de cette symbolisation, dans le rapport entre l'argent
et le rôle du père œdipien qui renvoie à la fonction médiatrice de
l'argent et à sa dimension sociale.
La symbolique de l'argent, comme phénomène d'expression
indirecte, ne serait de ce fait signifiante que dans la mesure où elle serait
liée à une structure sociale à laquelle on participe et qui prendrait la
forme d'un pacte, d'un contrat, d'une alliance. L'argent, comme
dimension essentielle du contrat analytique, a été ainsi rapproché du
sens originel du symbole dans l'image de la tessère antique. Tout
comme celle-ci, l'argent est un symbole matérialisé qui peut certes
renvoyer à des représentations qui lui confèrent ses possibilités
d'expression et de substitution par analogie ; mais, dans sa fonction
médiatrice, l'argent désignerait une loi de reconnaissance et de
différence, qui interdirait d'identifier le rapport symbolique aux termes
de la substitution.
Cette fonction syntaxique du symbole, qui a pour objet de nous
introduire à un ordre de signifiance, a été, on le sait, développée par
Lacan dans une conception de la médiation comme négativité
irréductible à toute approche ontogénétique du symbole :

Cette création du symbole [...] est à concevoir comme un moment


mythique, plutôt que comme un moment génétique. Car on ne
peut même la rapporter à la constitution de l'objet, puisqu'elle
concerne une relation du sujet à l'être, et non pas du sujet au
monde .

68
Symbolique de l'argent et psychanalyse

1. Uargent : signe et signifiant.

La publication récente d'un travail important sur l'argent et la


psychanalyse par P. Martin 64 a l'intérêt de préciser l'enjeu de cette
efficacité structurale de l'argent comme tiers médiateur. L'auteur y
dénonce, à la suite de Lacan, toute tentative de considérer
uniquement l'argent comme contenu fantasmatique aussi bien au niveau
des conduites qu'il engage (gratification, amour, haine, etc.) que des
références psychologiques (le père, la mère phallique, la mère
dévorante, etc.) et des formes anatomiques (sein, fèces, pénis). Autrement
dit, dans la relation du sujet au monde, « l'argent figure le signe d'un
échange », fondé sur le besoin, la demande, la jouissance, et sur
« leurs corollaires dans l'intersubjectivité sociale : la production, le
pouvoir, la sécurité, voire la provocation, la revendication
d'indigence » 65. L'argent payé dans la cure a pour objet d'« acheter » le
savoir, le pouvoir, la jouissance : l'argent-signe, c'est le registre
imaginaire du « commerce de l'analyse » et du « comment faire avec
l'argent en psychanalyse ».
Mais l'argent a aussi pour fonction d'être un pur signifiant qui
s'inscrit en faux contre toute idée d'une référence du signe à la chose
ou d'un rapport du signifiant au signifié : Lacan remarquait que
l'argent est le « signifiant le plus annihilant qui soit de toute
signification 66 ». Comme le souligne P. Martin, l'argent est un signifiant
primordial, qui « fait vaciller toute signification, soit tout rapport
conjectural d'une identité du sujet à l'étant 6? », pour au contraire,
tout comme chez Heidegger, révéler la différence ontologique de
l'être et de l'étant, la déhiscence de l'être, la relation du « sujet à
l'être ». L'argent dans la cure doit moins viser à combler une
jouissance toujours déçue qu'à révéler la dimension du « manque-à-être »,
celle d'une inadéquation fondamentale du sujet par rapport au désir.
Dans le registre de l'analyse, l'argent est un signifiant maître qui,
comme le Nom-du-Père et le phallus symbolique, introduit dans la
scène œdipienne la dimension du tiers, objet perdu du désir de la
mère, et marque tous les objets du signe de la castration. D'où la
conclusion :

A la fin d'une analyse, le patient n'a monnayé que le « vide » de sa


demande première : il n'a rien échangé [...]. A la limite, cet argent
ne paie plus rien h8.

Si l'argent-signe est pouvoir sur l'autre, puissance en acte,


l'argent-signifiant est pouvoir de l'Autre, dépossession totale de la

69
Alain Gibeault

visée imaginaire d'un plus-de-jouir, d'une plus-value. La question


n'est donc pas celle du « comment faire avec l'argent en
psychanalyse ? », mais plutôt : « Quelle est la place de l'argent dans
l'analyse 69 ? » Dans cette perspective, la matérialisation du geste du
paiement est essentielle à l'analyse, dans la mesure où il est le « témoin
d'une demande infinie » et renvoie le sujet à la cause même du
discours et de la demande : ce geste est un « signe sensible » qui permet
de manifester cette fonction de l'argent comme révélation du sujet à
lui-même, un sujet toutefois qui n'est pas plus quelqu 'un pour qui il
peut y avoir référence en général qu'il n'y a de quelque chose, de
réfèrent au signifiant.
On comprend dès lors que, dans cette perspective, où l'argent a
pour fonction essentielle de faire apparaître la castration symbolique,
l'idée de l'analyse gratuite soit impensable. Elle ne pourrait entraîner
que l'inhibition du discours ou la pure séduction :

Face à la règle d'abstinence, il ne resterait d'autre échange à la


demande que la passion imaginaire par quoi l'image de chacun
s'aliène en celle de l'autre °.

Cela revient à souligner le risque de collusion entre l'analyste et


l'analysant, et la nécessité d'un tiers matérialisé qui soit le « signe de
l'inter-dit, au transfert essentiel 71 ». Si certains analystes veulent
fonder la possibilité de l'analyse gratuite, il ne peut s'agir là que
d'« un fantasme à analyser » : autrement dit, si l'analysant ne paie
pas avec de l'argent, il est condamné à payer de sa personne, et
l'analyste est complice de cette situation.
Quant à l'analyse adaptée aux « économiquement faibles », avec ou
sans l'intervention d'un tiers payant, elle peut conduire à des
réaménagements symptomatiques, mais il ne peut s'agir là d'analyse : le
droit à la santé entraîne une limitation de l'analyse à la
psychothérapie, car « l'indispensable " singularité " du geste de paiement
n'évoque plus la dette de l'Un à l'Autre, mais le commerce des uns et
des autres 72 ». Le geste de paiement dans l'analyse ne peut pas plus
se référer à une demande de soins qu'à une demande de savoir : d'où
la rupture avec toute perspective qui viserait à demander des
honoraires ou « allégés par la société », comme dans l'analyse
conventionnée ou dans certaines institutions, ou encore « proportionnés à l'avoir
du patient » '3. C'est une conception de l'argent dans la cure
conséquente avec l'idée que le sujet en analyse n'a rien à voir avec
quelqu'un, avec le sujet psychologique, existentiel ou anthropologique.

70
Symbolique de l'argent et psychanalyse

2. L'argent: un symbole polysémique et personnel.

La conception lacanienne de l'argent dans la cure a pour effet de


faire apparaître des aspects importants. Il est hors de doute que les
perspectives génétiques ont souvent failli dans leur associationnisme
à faire apparaître les conditions de possibilité de la symbolisation de
l'argent. Par ailleurs, la fonction médiatrice de l'argent n'a pas
toujours été perçue par Freud, si l'on se réfère par exemple à l'Homme
aux loups : les cadeaux d'argent que celui-ci a reçus l'ont en effet
empêché d'analyser son transfert idéalisé sur Freud, comme le révèle
la tranche d'analyse effectuée avec Ruth Mack Brunswick 74. En
outre, le droit à la santé a souvent conduit à dénaturer la visée même
de l'analyse, comme en témoigne son statut dans certains pays où
elle est presque toujours remboursée par les organismes de santé.
Il reste néanmoins que l'argent est détourné de sa fonction à la fois
de symbolisation du corps et de pouvoir fantasmatique, en raison de
la connotation négative attachée par Lacan à la dimension de
l'imaginaire. D'un côté, on disqualifie la référence de l'argent au corps et
la resexualisation pour valoriser finalement son pouvoir
d'abstraction :

L'argent est un signifiant sans signification. Ce que le nez de


chacun avait dès longtemps perçu : Pecunia non olei 7".

D'un autre côté, la référence de l'argent au corps, ainsi dépossédé


de son pouvoir fantasmatique, est réintroduite au niveau du geste de
paiement, d'un acte qu'on dit essentiel au contrat analytique, mais
qui est en réalité le seul acting out autorisé par la situation
analytique :

De ce sujet, le geste du paiement marque corporellement la place


et c'est [...] pour rien '6.

Geste obligatoire qui en fait conduit à négativer la fonction


fantasmatique de l'argent au cours de l'analyse, ainsi que la référence aux
zones érogènes et aux affects, pour ne retenir que sa fonction
médiatrice, qui est davantage rapprochée d'un pouvoir abstrait imposé à
l'analysant, la nécessité de « passer par » la castration symbolique ; il
s'agit davantage d'un pouvoir qui peut parfois potentialiser le
sadomasochisme, plutôt que lever le refoulement inhérent à la symbolisa-

71
Alain Gibeault

tion de l'argent. Il n'est pas certain que, dans cette conception pure et
dure de l'analyse, la collusion tant décriée entre l'analysant et
l'analysé au nom de la fonction médiatrice de l'argent ne se retrouve pas
par cette référence à une symbolisation univoque : la fonction de
l'argent dans la cure n'a plus qu'un seul sens, finalement, celui
d'introduire à l'ordre symbolique. Au moment où l'argent acquiert ainsi
une dimension universelle et univoque, il perd sa valeur personnelle et
polysémique : l'argent contribue à ce que la structure l'emporte sur la
personne, l'abstraction sur le pouvoir fantasmatique propre à chacun.
Il est vrai, ainsi que le souligne P. Martin, que souvent P« objet du
fantasme mobilisé par l'argent » est le « désir de meurtre », c'est-à-
dire « le refus de toute filiation, l'affirmation d'être né de soi-même,
(soit la dénégation de la différence) ». L'argent comme signifiant
primordial concourt à figurer ce fantasme et à faire apparaître « le père
déjà mort, soit le père symbolique qu'énonce le Nom-du-Père 7? ».
C'est ce que la régression anale de l'Homme aux rats a pu montrer,
par exemple, puisque les obsessions autour de l'argent avaient en
particulier pour fonction de refouler le désir de meurtre inhérent au
conflit œdipien ; son analyse avec Freud lui a permis de retrouver
une filiation fantasmatique à la fois figurée et refoulée par la
symbolique de l'argent 78. Mais cette symbolique, dans sa richesse
polysémique, ne se limite pas en fait à figurer la médiation du tiers paternel
et le vœu de mort à son égard. Ce sont là les limites d'une critique de
l'empirisme génétique qui, à faire prévaloir la dimension structurale
de la médiation, s'établit dans une rupture et une coupure radicales
entre nature et culture, entre histoire et structure, entre relation du
sujet au monde et relation du sujet à l'être, entre fonction
sémantique et fonction syntaxique du symbole.

CONCLUSION

La symbolique de l'argent montre au contraire qu'elle n'est en


aucune façon une symbolique universelle et univoque. Dans la
pratique clinique l'argent a un pouvoir symbolique polysémique et,
si sa matérialité apparaît souvent indispensable pour rendre tolerable
et maniable le vécu transférentiel, elle n'est pas toujours
indispensable et peut même parfois en empêcher la fantasmatisation.
L'argent, en tant que resexualisé dans la cure, constitue l'un de ces
« pseudo-symboles » à analyser afin de retrouver le « symbole per-

72
Symbolique de l'argent et psychanalyse

sonnel 79 » du patient. L'universalité de la symbolique - qu'elle soit


d'ordre sémantique, comme chez Freud, Jones et Ferenczi dans les
années contemporaines de la polémique avec Jung, ou qu'elle soit
d'ordre syntaxique, comme chez Lacan avec la référence constante à
la castration symbolique - laisse échapper en fait ce qui constitue le
processus de symbolisation : un processus essentiellement
polysémique et individuel qui doit permettre en même temps, ainsi que
Hanna Segal Ta déjà souligné, de réunir et d'intégrer « l'intérieur
avec l'extérieur, le sujet avec l'objet et les anciennes expériences avec
les nouvelles 80 ».
Il s'agit d'un cheminement qui n'est pas toujours accompli ou
acquis, dont témoigne la symbolique de l'argent dans la cure. Il faut
pouvoir imaginer des possibilités plus ou moins ouvertes. Cette
symbolisation fermée et abstraite au départ peut tendre à se figer
toujours davantage, jusqu'à perdre sa fonction : la désunion pulsionnelle
peut entraîner, comme en témoigne la psychose, un processus de
désymbolisation, ou de symbolisation à outrance, qui, ainsi que le
remarquait Bion, en fait une expérience essentiellement privée &\
L'impossibilité d'un ancrage dans l'analité, constitutive de la
différenciation entre le sujet et l'objet, s'oppose dans ce cas au
développement de la polysémie. Le risque est également que l'argent soit
pris dans un mouvement pervers et échappe à toute symbolisation
pour conserver sa seule dimension de monnaie.
La symbolisation de l'argent, bien qu'au service du refoulement,
peut au contraire autoriser les retrouvailles avec les échanges
corporels et l'expérience concrète de chacun, et manifester sa dimension
essentiellement sociale, en laissant ses éléments s'ouvrir à de
nouvelles significations 82. C'est là que la resexualisation de l'argent dans
la cure et son élaboration fantasmatique, avec ou sans médiation
matérialisée, peuvent conduire à ce que se rejoignent symbolisation
et sublimation, réalité psychique et réalité sociale de l'argent. C'est
un travail consécutif de l'intégration de l'analité qui permet à la fois
que la symbolique de l'argent prenne sa valeur polysémique après
coup et face à l'œdipe, et qu'elle s'inscrive comme médiateur
fantasmatique renvoyant à Yimago paternelle et permettant idéalement
l'absence de sa matérialisation, comme dans les cures gratuites.
L'argent dans la cure, réel ou fantasmé, constitue ainsi un jalon
essentiel sur le chemin qui va de la symbolique sexuelle, fermée et
répétitive, à une symbolique personnelle, ouverte et non répétitive.
Ce qu'elle perd d'universel lui permet de retrouver une singularité,
une véritable concrétude, comme le révèle la redécouverte des
significations corporelles et historiques que l'argent peut prendre. Mais ce

73
Alain Gibeault

n'est pas pour autant que ce travail singulier, qui montre que la
symbolique de l'argent ne s'inscrit qu'après coup dans la sexualité
infantile, devrait être fermé à une certaine extension dont témoignent les
correspondances culturelles, le « travail de culture » de la
symbolique. Ce ne peut toutefois être l'universalité du sumbolon qui, repris
par Lacan dans sa conception du symbolique, montre le risque d'une
matérialisation qui n'est que l'envers d'une abstraction d'autant plus
grande.
Malgré l'insistance théorique à délimiter une symbolique du rêve,
qui pouvait rappeler la clef des songes, Freud n'a pas manqué de
souligner l'importance d'un travail de symbolisation individuel et du
détour par les associations du rêveur. De même, la symbolique de
l'argent suit des voies à la fois singulières et multiples, mais cela
n'exclut pas de dégager les conditions générales de son efficacité.
C'est en effet dans le même mouvement, où réalité psychique et
réalité sociale se rejoignent dans l'élaboration du conflit œdipien, que la
symbolique de l'argent trouve à la fois sa temporalité après coup et
son efficacité dans ses possibilités polysémiques. De ce point de vue,
l'ancrage dans l'analité, comme structuration de la relation d'objet,
est apparue déterminante dans ce passage de l'univocité à la
polysémie de cette symbolique. C'est peut-être ce que Freud soupçonnait
lorsque, à propos de l'Homme aux loups, il remarquait :

Nous nous sommes habitués à ramener l'intérêt qu'inspire


l'argent, dans la mesure où il est de nature libidinale et non de
nature rationnelle, au plaisir excrémentiel, et à réclamer de
l'homme normal qu'il garde ses rapports à l'argent entièrement
libres d'influences libidinales et qu'il les règle suivant les
exigences de la réalité M.

Alain Gibeault

NOTES

1 . S. Freud, « Lettre à Fliess du 1 6 janvier 1 898 », La Naissance de la psychanalyse, Paris,


PUF, 1956, p. 216.
2. S. Freud, « Le début du traitement » (1913), La Technique psychanalytique, Paris, PUF,
1967, p. 92.
3. Cf. A. Gibeault, « Symbolisme inconscient et symbolisme du langage », Revue française
de psychanalyse, 1981, t. XLV, n" 1, p. 139-159.
4. S. Freud, « Lettre à Fliess du 24 janvier 1897 », La Naissance de la psychanalyse, op.
cit., p. 166.

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Symbolique de l'argent et psychanalyse

5. S. Freud, L'Interprétation des rêves (tëoO), Paris, PUF, 1967, p. 297.


6. Ibid., p. 300.
7. Ibid., p. 346 (trad, remaniée par moi).
8. Ibid,
9. Ibid., p. 301. C'est moi qui souligne.
10. S. Freud, < Rêves dans le folklore » (1911), en collaboration avec Ernst Oppenheim,
Résultats, Idées, Problèmes, I, Paris, PUF, 1984, p. 153.
11. Dans cette dimension sémantique, la symbolisation est une association plus ou moins
stable entre deux unités de même niveau (c'est-à-dire deux signifiants ou deux signifiés). Si
la relation entre le signifiant et le signifié est immotivée mais nécessaire, celle entre le
symbole (ou symbolisant) et le symbolisé est non nécessaire, car ils existent indépendamment
l'un de l'autre ; de ce fait, la relation ne peut être que motivée selon les deux grands groupes
de l'associationnisme : la similitude et la contiguïté (cf. O. Ducrot et T. Todorov,
Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Éd. du Seuil, 1972, p. 134-135).
12. S. Freud, Introduction à la psychanalyse (1916-1917), Paris, Payot, 1973, p. 151.
13. Ibid.
14. S. Ferenczi, « Ontogenèse de l'intérêt pour l'argent » (1914), Psychanalyse, II (1913-
1919), Paris, Payot, 1970, p. 142.
15. Ibid., p. 143 ; c'est moi qui souligne.
16. Ibid. C'est Ferenczi qui a introduit dan9 la théorie psychanalytique le concept d'm-
trojection, pour désigner un processus psychique se rapportant aux pulsions et permettant
un éveil du moi. Freud reprendra ce concept et l'opposera nettement au concept de
projection : ce mouvement de différenciation entre le moi et le monde extérieur s'organisera à
partir de l'opposition entre l'introjection dans le moi de tout ce qui est source de plaisir et la
projection au-dehors de tout ce qui est source de déplaisir. \Sintrojection des fèces signifie
donc que Panalité prend sens pour le sujet et devient à la fois une source de plaisir auto-
erotique et une modalité d'échange avec le monde extérieur.
17. Ibid., p. 146. Dans cette optique, des points de rencontre entre F« ontogenèse » et la
< phylogenèse » peuvent être soulignés. Il semble en effet qu'au départ la genèse de l'argent
n'ait rien eu à voir avec les opérations d'échange. Chez Ie9 peuples primitifs, l'argent aurait
été investi d'une vertu magique et mystérieuse relative à sa qualité matérielle (sa brillance,
par exemple) et liée d'abord aux actes cultuels ; sa fonction d'échange économique serait
progressivement apparue à partir de la sélection et de la distribution des animaux sacrifiés :
« Le chemin qui mène de la thésaurisation à l'argent-signe est celui du détachement
progressif de la représentation archaïque d'une qualitas occulta de son objet matériel ; en
assumant un élément quantitatif, l'argent devient un moyen au service de l'économie > (Joachim
Schacht, Anthropologie culturelle de l'argent, Paris, Payot, 1973, p. 92).
18. S. Ferenczi, art. cité, p. 146.
19. S. Freud, t Sur les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l'érotisme
anal » (1917), La Vie sexuelle, Paris, PUF, 1969, p. 110 (c'est moi qui souligne).
20. Ibid, p. 109-110.
21. Les objets partiels correspondent aux objets visés par les pulsions sexuelles partielles
(spécifiées selon leur source, comme dans les pulsions orale et anale, ou dans leur but,
comme dan9 les pulsions de voir ou de s'exhiber) et concernent principalement des parties
du corps réelles ou fantasmées (sein, fèces, pénis) et leurs équivalents symboliques ; ils
s'opposent aux objets totaux, correspondant aux personnes en tant que telles (père, mère,
enfant). La dialectique objet partiel/objet total est au centre du conflit psychique et de la
problématique de l'avoir et de l'être, puisqu'il s'agit d'avoir l'objet partiel que possède
l'objet total pour pouvoir être l'objet total et s'identifier à lui.
22. S. Ferenczi, art. cité, p. 147.
23. Ibid, p. 148.
24. E. Jones, « La théorie du symbolisme » (1916), Théorie et Pratique de la psychanalyse,
Paris, Payot, 1969, p. 106.
25. Ibid., p. 126-127.
26. C'est lors du second semestre de la première année de la vie que s'organise le « stade
de l'objet », selon Freud, c'est-à-dire ce moment structurant où l'enfant est capable de

75
Alain Gibeault

percevoir et de se représenter sa mère comme une personne distincte et différente de tout


objet « non-mère ». L'angoisse du bébé devant l'étranger témoigne de cette expérience.
27. Dans Inhibition, Symptôme et Angoisse, Freud distingue une angoisse automatique et
traumatique relative à l'attente insatisfaisante du nourrisson par rapport à sa mère, et
correspondant à une quantité d'excitation susceptible de déborder complètement le moi, et une
angoisse-signal d'alarme qui témoigne pour le moi de la possibilité d'éprouver cette
angoisse automatique de façon atténuée et d'y faire face sans se laisser submerger. C'est à
cette capacité d'élaborer la perte de l'objet maternel, par l'organisation des fantasmes
inconscients, et de substituer une angoisse-signal à l'angoisse automatique que renvoie cette
affirmation fondamentale de Freud : « Avec l'expérience qu'un objet extérieur, perceptible,
est susceptible de mettre fin à la situation dangereuse qui évoque celle de la naissance, le
contenu du danger se déplace de la situation économique à ce qui en est la condition
déterminante : la perte de l'objet. L'absence de la mère est désormais le danger à l'occasion duquel
le nourrisson donne le signal d'angoisse avant même que la situation économique redoutée
ne se soit instaurée» {Inhibition, Symptôme et Angoisse (1926), Paris, PUF, 1968, p. 62;
c'est moi qui souligne).
28. Ce jeu de la bobine correspond à une observation décrite par Freud dans « Au-delà du
principe de plaisir » à propos d'un jeu instauré par son petit-fils en l'absence de la mère de
celui-ci : c L'enfant avait une bobine en bois avec une ficelle attachée autour. Il ne lui venait
jamais, par exemple, l'idée de la traîner par terre derrière lui pour jouer à la voiture ; mais il
jetait avec une grande adresse la bobine, que retenait la ficelle, par-dessus le rebord de son
petit lit à rideaux où elle disparaissait, tandis qu'il prononçait son o-o-o-o [pour « fort »,
c'est-à-dire « parti »] riche de sens ; il retirait ensuite la bobine hors du lit en tirant la ficelle
et saluait alors sa réapparition par un joyeux « voilà » [da] (« Au-delà du principe de plaisir »
[1920], Essais de psychanalyse, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 1981, p. 52-53).
29. H. Segal, Introduction à l'œuvre de Mélanie Klein, Paris PUF, 1969, p. 58.
30. S. Freud, « Au-delà du principe de plaisir », art. cité, p. 53.
31. H. Segal, « Notes sur la formation du symbole », Revue française de psychanalyse,
t. XXXIV, n" 4, 1970, p. 687.
32. S. Freud,** Extrait de l'histoire d'une névrose infantile (L'Homme aux loups) » (1918),
Cinq Psychanalyses, Paris, PUF, 1966, p. 387. Il faudrait donc ajouter au schéma de Freud
dans son article sur < Les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l'érotisme
anal » une flèche entre argent et enfant, en plus de celles qui marquent la symbolisation
entre le cadeau et l'argent et entre le cadeau et l'enfant (art. cité, p. 111) :

Stade d'objet

33. « L'Homme aux loups », art. cité. p. 388.


34. Cf. M. Aisenstein, « Quelques réflexions sur argent et névrose de transfert à propos de
l'Homme aux rats », Cahiers du Centre de psychanalyse et de psychothérapie, n" 11, automne
1985, p. 31-52.

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Symbolique de l'argent et psychanalyse

35. S. Freud, * Caractère et érotisme anal » (1908), Névrose, Psychose et Perversion, Paris,
PUF, 1973, p. 147-148.
36. R. Diatkine et J. Simon, La Psychanalyse précoce, Paris, PUF, 1972.
37. Ibid., p. 173-175.
38. S. Freud, « Sur les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l'érotisme
anal » art. cité, p. 110.
39. R. Diatkine et J. Simon, op. cit., p. 202.
40. Ibid., p. 67-68.
41. M. Fain, L. Kreisler et M. Soûle, L'Enfant et son corps, Paris, PUF, 1974, p. 239.
42. R. Diatkine et J. Simon, op. cit., p. 320-321. De ce point de vue, le développement de
la fantasmatisation et des processus de pensée permet de suspendre momentanément la
décharge de la quantité d'excitation correspondant à la satisfaction libidinale, et s'oppose
aux comportements et aux actes qui peuvent représenter autant de décharges immédiates
sans possibilité de délai et d'attente dans la recherche de la satisfaction. Cette distinction
entre penser et agir ressort du modèle de l'expérience de satisfaction telle que décrite par
Freud dès « L'esquisse d'une psychologie scientifique », (La Naissance de la psychanalyse,
op. cit., p. 313-396) sur le modèle de l'enfant au sein : face au besoin organique, le
nourrisson peut réagir soit de façon immédiate et inadéquate (cris, pleurs), et risquer d'être débordé
par l'afflux d'excitation, soit de façon médiate et spécifique par l'organisation de processus
de pensée qui permettent d'introduire un délai dans la satisfaction et de trouver Y* action
spécifique > ou adéquate. Selon Freud, le passage du processus primaire au processus
secondaire est dépendant d'un < bon investissement du moi », susceptible de contre-investir
la tendance à la décharge absolue de la quantité d'excitation selon le principe de plaisir.
Dans cette perspective, passages à l'acte et somatisations représentent autant de failles dans
la possibilité d'élaboration psychique et fantasmatique de cette tendance à la décharge
absolue des tensions.
43. M. Fain, L. Kreisler et M. Soûle, op. cit., p. 238-239.
44. B. Grunberger, Le Narcissisme, Paris, Payot, 1971, p. 173-174.
45. Dans Foralité, si la mère nourrit l'enfant, l'enfant ne peut que la dévorer ; les
fantasmes cannibaliques d'incorporation et les angoisses de réincorporation et
d'engloutissement par la mère le confrontent aux risques de perte des limites. Ainsi que le soulignait E.
Kestemberg dans notre groupe de recherche, c'est seulement dans l'analité que l'enfant
retrouve l'identification à la mère qui donne, dans le mouvement où donner ses matières
fécales, c'est également donner une nourriture. Cette identification à la mère qui nourrit
contribue de façon essentielle à la maîtrise du don et à l'établissement de limites entre celui
qui dévore et celui qui est dévoré.
46. Trouble consistant chez un enfant ayant dépassé l'âge normal d'acquisition du
contrôle de ses sphincters (entre deux et trois ans) à déféquer dans sa culotte plus ou moins
habituellement sans atteinte neurologique ou du sphincter anal.
47. M. Fain, L. Kreisler et M. Soûle, op. cit., p. 236.
48. R. Diatkine et J. Simon, op. cit., p. 69.
49. Ibid.
50. S. Freud, « La disposition à la névrose obsessionnelle. Une contribution au problème
du choix de la névrose » (1913), Névrose, Psychose et Perversion, op. cit., p. 193.
51. Ibid., p. 194.
52. S. Freud, Trois Essais sur la théorie de la sexualité (1905), Paris, Gallimard, 1962,
p. 80 (trad, remaniée par moi).
53. Cf. les Cahiers du Centre de psychanalyse et de psychothérapie, c Masochisme », I et II,
1982, n" 4 et 5.
54. On devine ce qui rend problématique la distinction que K. Abraham fait entre deux
étapes dans le stade sadique-anal, la plus précoce marquée par les tendances hostiles (perdre,
détruire) ; la plus tardive, par les tendances conservatrices (retenir, dominer) (K. Abraham,
« Esquisse d'une histoire du développement de la libido basée sur la psychanalyse des
troubles mentaux » [1924], Développement de la libido. Formation du caractère. Études
cliniques, Paris, Payot, 1966, p. 258-265). Car il s'agit moins de décrire deux étapes qui se
succèdent dans le temps que d'évoquer un mouvement dialectique, un conflit entre des buts

77
Alain Gibeault

opposés qui prennent tantôt une valeur progrédiente, tantôt une valeur régrédiente, selon la
prépondérance de l'amour ou de la haine. Par ailleurs, sans nier l'importance de moments de
développement avec prévalence d'un échange à un niveau corporel privilégié, l'idée de stade
anal ou de régression au stade anal suggère la possibilité d'une relation duelle d'échange
avec la mère, qui existerait en soi, alors qu'il s'agit en fait d'un fantasme défensif ayant pour
but de refouler les vœux de mort à l'égard du rival œdipien.
55. Cf. R. Diatkine et J. Simon, op. cit., p. 215.
56. Ibid., p. 175.
57. Ibid.
58. Comme dans la genèse du symbolisme décrite par Jones (cf. « La théorie du
symbolisme », art. cité, p. 96-106).
59. Ibid, p. 299.
60. Ibid, p. 190-191.
61. Ibid, p. 226.
62. L'opposition entre les investissements non liés et les investissements liés traduit la
dimension économique de la distinction freudienne entre processus primaire et processus
secondaire : dans un cas, l'énergie est libre, en ce qu'elle circule d'une représentation à une
autre selon le principe de la satisfaction la plus immédiate et la plus rapide ; dans l'autre,
l'énergie est liée, en ce qu'elle permet le délai et l'attente dans la recherche de la satisfaction.
63. J. Lacan, « Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la Verneinung de Freud »,
Écrits, Paris, Éd. du Seuil, 1966, p. 382.
64. P. Martin, Argent et Psychanalyse, Paris, Navarin, 1984.
65. Ibid, p. 16.
66. J. Lacan, € Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la Verneinung de Freud »,
art. cité, p. 37.
67. P. Martin, op. cit., p. 69-70.
68. Ibid, p. 50-51.
69. Ibid, p. 14.
70. Ibid, p. 51-52.
71. Ibid, p. 152.
72. Ibid, p. 153-154.
73. Ibid, p. 156.
74. R. Mack Brunswick, « Supplément à 1'" Extrait de l'histoire d'une névrose infantile "
de Freud » (1928), L'Homme aux loups par ses psychanalystes et par lui-même, Paris,
Gallimard, 1981, p. 268-313.
Il est intéressant de remarquer que cette tranche d'analyse avec R. Mack Brunswick se
termine entre autres par un rêve d'argent, qui à la fois rappelle les motifs de l'épisode
psychotique de l'Homme aux loups et en montre la solution. L'analyse gratuite faite avec Freud
en 1919-1920 et la collecte d'argent pendant six ans avaient, on le sait, contribué à
engendrer chez l'Homme aux loups le fantasme d'être le fils préféré de Freud et à accentuer sa
position féminine, qui trouva en particulier un mode d'expression dans son hypocondrie et
son vécu persécutoire à l'égard des médecins. Or, dans ce rêve où le patient consulte un
médecin, il accepte de payer sa consultation plutôt que d'être soigné gratuitement, au prix
toutefois d'une dépréciation et de la devise avec laquelle il paie et de la valeur du médecin.
Par ailleurs, si ce dernier essaie ensuite de donner et non de vendre à son patient de la
« vieille musique » et des « cartes postales coloriées », ce sont là des cadeaux sans valeur, tout
comme le sont devenus alors les dons de Freud. A la fin du rêve, le patient peut aussi
exprimer un désir œdipien positif à l'égard de son analyste femme [ibid., p. 298-300). Dans ce cas,
l'argent n'avait pas pu jouer son rôle médiateur, et seul le travail de désidéalisation de Freud
entrepris par Ruth Mack Brunswick avait permis à l'Homme aux loups d'élaborer son
ambivalence et de se dégager de sa passivité homosexuelle à l'égard de Freud, qui n'était pas sans
rappeler sa quête infantile pour les cadeaux et l'argent du père.
75. P. Martin, op. cit., p. 15.
76. Ibid., p. 51.
77. Ibid, p. 192.
78. Cf. M. Aisenstein, art. cité.

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Symbolique de l 'argent et psychanalyse

79. F. Pasche, « Le symbole personnel >, A partir de Freud, Paris, Payot, 1969, p. 157-179.
80. H. Segal, « Notes sur la formation du symbole >, art. cité, p. 696.
81. W.R. Bion, L'Attention et l'Interprétation (1970), Paris, Payot, 1974, p. 122.
82. Ibid., p. 117-118.
83. S. Freud, € L'Homme aux loups » (1918), art. cité. p. 379.

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