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Introduction

Un texte fondamental pour introduire la négation


en psychanalyse fut écrit par Freud au tournant (1925) de
ses considérations sur la deuxième topique.1 Ce texte
insiste sur un certain usage dénégatif de la négation en
psychanalyse. Le terme de Verneinung qui l’intitule est
d’ailleurs ambigu en allemand, valant tant pour la
dénégation que pour la négation au sens large.2 Cet article
ouvre à l’usage d’autres concepts négatifs que je prendrai
en considération dans cet ouvrage limité aux négations
freudiennes. Un autre ouvrage fera état des négations chez
Lacan et ouvrira sur une théorie plus large, en
l’occurrence récursive, des négations.3

1
Ce texte est daté du 15 septembre 2014.
2
S. Freud, « Die Verneinung », G. W. XIV. Je traduirai dorénavant : « La
dénégation ».
3
R.L., La récursivité des négations en psychanalyse. Les négations lacaniennes,
Lysimaque.
Dans les années 1927-1930 et jusqu’à la fin, Freud
utilisera le concept de Verleugnung (« déni, désaveu » ;
avec Lacan, je traduirai littéralement par « démenti »)
comme plaque tournante tant à propos du fétichisme, ou
plus généralement à propos des perversions, que des
psychoses.
Dans les textes des années 30, la part qui revient à
la Versagung (« frustration » ; je préfère, littéralement,
« dédit »), en référence à l’Autre, et celle qui revient au
« renoncement » (der Verzicht), en référence au sujet, sont
largement étudiées par Freud. Mais, comme pour le
démenti, ni le dédit ni le renoncement ne sont étudiés
comme tels dans un texte spécifique.
De même ce qui est antérieur à la dénégation dans
le schématisme du symbolique trouve à s’exprimer, pour
un temps, par le terme de « rejet » (« forclusion » pour
Lacan), soit la Verwerfung, avec laquelle le démenti est en
balance.
Dans ce recueil (qui aborde donc spécifiquement
les négations chez Freud), je me contenterai de
reconsidérer le mode négatif de l’organisation symbolique
à partir des éléments épars qu’on trouve sous la plume de
Freud autour de la dénégation qui est assurément une
assise essentielle de l’organisation négative du sujet de
l’inconscient.
Chapitre premier

Tableau des négations freudiennes

L’orientation symbolique de Freud

La condition de ce travail est de dire en quoi les


négations sont l’axe du système théorique freudien.1 Non
tant que Freud ait explicité cet axe, mais plutôt qu’il l’ait
mis au jour, partie par partie, au fur et à mesure de ses
découvertes dites cliniques. C’est donc une explicitation
que j’entreprends, ainsi qu’une coordination d’un certain
nombre de données « cliniques ». Négation, dénégation,
déni, désaveu, démenti, dédit, renoncement, contestation,
refus, rejet, contradiction, etc., le vocabulaire français de
la psychanalyse mêle sans trop de discernement les catégo-

1
Ce chapitre est daté de la fin des années 70.
Tableau des négations freudiennes

ries assurément conceptualisées et les notions du langage


courant. Il est vrai qu’à cet égard il ne faut pas s’attendre à
un usage toujours rigoureux du vocabulaire allemand par
Freud lui-même. Nous profiterons ainsi de l’avantage que
procure l’obligation de traduire pour nous avancer sur la
voie du concept. Mais d’abord, brossons, cette fois
rapidement, le tableau de la négation chez Freud, en
indiquant sans plus la place des grandes fonctions que
nous étudierons : la forclusion (die Verwerfung), la
dénégation (die Verneinung), le démenti (die Verleugnung),
le dédit (die Versagung), le renoncement (der Verzicht).
Et de fait, dès les premières œuvres psychanaly-
tiques de Freud, la question de la négation en clinique est
présente. Dans les Études sur l’hystérie (1895), au chapitre
rédigé par lui-même sur la « Psychothérapie de
l’hystérie », au cours de la démonstration des bénéfices à
tirer du procédé de pression de la main pour faire ressurgir
les représentations pathogènes, et à propos des différentes
formes de résistance au traitement, Freud insiste sur la
négation du retour du refoulé : en l’occurrence que le
malade ne veuille pas se l’avouer (nicht einbekennen)2. Le
nicht (ne… pas), le nichts (ne…rien) font dresser l’oreille de
Freud, qui a effectivement le plus souvent à entendre une
chose d’importance malgré une introduction qui banalise
ou dénigre. L’on saisit le processus de défense : « il

2
S. Freud, G. W. I, p. 281 – traduit par « nier » in P. U. F., 3ème édition,
1971, p. 226, par A. Berman.
Tableau des négations freudiennes

consistait à faire d’une représentation forte une faible, à


lui arracher l’affect » (G. W., p. 282), et de là transparaît la
fonction négative à l’œuvre. Mais c’est uniquement avec
les termes de verleugnen (démentir) et Verleugnung,
auxquels s’oppose anerkennen (reconnaître, p. 282), que
Freud indique la projection négative qu’il analysera plus
tard au titre de « Die Verneinung » (G. W. XIV). Il s’agit
dans tous les cas pour le patient de nier une idée en
s’appuyant sur l’interlocuteur, comme si ce dernier en
était l’auteur, ou comme si pour le moins elle ne venait
pas de l’inconscient, voire comme si elle n’avait aucune
importance ; la banalisation domine.
Cependant, dans le rêve, la négation a un caractère
particulier, note Freud dans le chapitre de la
Traumdeutung (L’interprétation du rêve, 1900) sur la
logique de la figuration du rêve (die Darstellungsmittel des
Traums) qui suit ceux sur condensation (Verdichtung) et
virement (i. e. déplacement dans les traductions
communes, Verschiebung) dans le travail du rêve (die
Traumarbeit) : « Le ne-pas-réussir-à-faire du rêve est une
expression de la contradiction, un Non (ein « Nein »), dès
lors il faut donc corriger l’affirmation antérieure que le
rêve ne peut pas exprimer le Non. »3
La contestation (bestreiten) des faits, dires,
souvenirs est une des notations que Freud rapporte dans sa

3
S. Freud, G. W. II-III, p. 342 ; P. U. F., 2ème éd., 2ème tirage 1971,
p. 290.
Tableau des négations freudiennes

contribution à la Psychopathologie de la vie quotidienne


(1901), précisant qu’à la base de l’oubli qui conditionne la
contestation c’est à une défense contre un souvenir
désagréable qu’on a affaire. Cette défense se présente donc
sous son angle négatif : das Ableugnen (G. W. IV, p. 160)
ou die Verleugnung (p. 161).
Poursuivant sa chasse et débusquant l’inconscient,
Freud retrouve chez Dora ce qu’il dit de toujours : que le
« non » est une mise en évidence du refoulement, que son
intensité est proportionnelle à celle du refoulement, et
qu’il signifie en fait le « oui » que l’on obtient quand on
poursuit le travail.4 La particule négative
(Negationspartikel) autorise ainsi à moindre frais des jeux
de mots5 rendus d’autant possibles que l’antithèse est
toujours présente sous ses deux faces du positif et du
négatif dans l’inconscient. Voilà un élément à faire entrer
en ligne de compte dans la compréhension du
« négativisme » (p. 199 ; p. 291), aussi bien que « Le sens
opposé dans les mots primitifs » (G. W. VIII, 1910).
Cherchant plus tard (1911) à interpréter le délire
de Schreber, Freud utilise ce qui est devenu un moyen
habituel : se débarrasser du revêtement (de l’habillage)
négatif (negative Einkleidung6) de la contestation

4
S. Freud, G. W. V, p. 219 ; Cinq psychanalyses, P. U. F., 3ème éd., 1967,
p. 42.
5
S. Freud, Le mot d’esprit (1905), G. W. VI, p. 83 ; Gallimard, coll. Idées,
1974, p. 123.
6
S. Freud, G. W. VIII, p. 269 ; Cinq psychanalyses, P. U. F., p. 284.
Tableau des négations freudiennes

(bestreiten) pour ne retenir que l’aspect positif du dire.


Encore faut-il considérer, comme dans « Le début du
traitement » (1913), le lien qui unit la contestation et
l’intérêt pour la personne à qui elle s’adresse, par exemple
le lien entre le « rien » (Nichts) de présent en tête pendant
la séance analytique et le transfert sur l’analyste.7
Quoi qu’il en soit, le processus primaire, noyau de
l’inconscient ne peut se permettre « ni négation, ni doute,
ni degré de certitude. Tout cela n’est introduit que par le
travail de la censure entre Ics et Pcs. La négation (die
Negation) est un substitut du refoulement de niveau
supérieur. » Dans l’Ics il n’y a que des compromis.8 C’est
ce que Freud reprend dans « L’Homme aux loups » (1918),
en note : « Il est connu qu’il n’y a pas de « Non » dans
l’inconscient ; des contraires y coïncident. La négation (die
Negation) n’est introduite que par le processus du
refoulement. »9
L’année 1924-1925 marque le début d’un intérêt
plus systématisé de Freud pour les négations : Verleugnung
dans les névroses, les psychoses et les perversions10,
Verneinung (G. W. XIV)… Avec la troisième topique,
après 1927, il n’est pas un texte où l’aspect négatif ne soit

7
S. Freud, G. W. VIII, p. 472 ; P. U. F. in La technique psychanalytique,
4ème éd. 1972, p. 98.
8
S. Freud, G. W. X, p. 285 ; in Métapsychologie, Gallimard, coll. Idées,
1968, p. 96.
9
S. Freud, G. W. XII, p. 113 ; Cinq psychanalyses, P. U. F., p. 386.
10
S. Freud, G. W. XIII, p. 364, par exemple.
Tableau des négations freudiennes

considéré plus expressément qu’auparavant. Ce ne sera


plus seulement affaire de compromis, mais aussi de
constitution subjective grâce à la négation. Je serai donc
amené à faire ressortir cette fonction : qu’il n’y a pas de
moment de la constitution subjective qui ne s’établisse sur
une modalité particulière de la négation.
Dans l’article sur les « Constructions dans
l’analyse » (1937), Freud insiste sur sa manière de prendre
le « oui » ou le « non » du patient pendant le traitement
analytique. Les « oui » et « non » explicites ne peuvent
guère fonder l’opinion du psychanalyste. Tout au plus
sont-ils des indications (qui attendent une confirmation
indirecte) sur la validité des constructions : l’analysé ne nie
(leugnen) que la complétude de l’interprétation. « L’unique
interprétation sûre de son « Non » est donc celle de
l’incomplétude. »11
Au travers de ces indications partielles, ce qui
domine c’est donc moins tant le vocable du concept que la
conception même. Sauf quelques exceptions que nous
envisagerons, la négation n’a pas a priori de terme
technique propre pour chacun de ses modes : ce qui
compte c’est la dynamique et l’économie inconscientes
dans lesquelles elle se meut et qu’elle désigne tout autant
qu’elle les détermine. Cependant, à chaque moment
conceptuel ordonnançant la subjectivation, j’adjoindrai un

11
S. Freud, G. W. XVI, p. 50 ; Psychanalyse à l’université, t. 3, n° 11, 1978,
p. 378, trad. fse reprise dans Résultats, idées, problèmes, P. U. F., t. II, 1985,
pp. 275-277.
Tableau des négations freudiennes

mode négatif particulier, toujours le même chez tout un


chacun pour ce moment logique. Aussi le vocabulaire
négatif lui-même tend-il à se fixer.
Je vais donc poser les termes (termini technici)
d’une clinique freudienne, c’est-à-dire que je vais suivre le
parcours de Freud de 1895 à 1938, en même temps que la
lecture que Lacan en fait, afin de faire ressortir les piliers
de cette démarche. L’on voudra bien considérer alors que
ladite clinique, qui se pratique en général empiriquement,
trouve toujours son fondement dans un ordre
symbolique, dont je tenterai de donner la structure
simplifiée en termes de négation. Et, dans l’ensemble de
l’œuvre, ce sont plutôt de tels concepts négatifs
particuliers que je travaillerai.

*
1.2. La négation facilite le positionnement
subjectif

La psychanalyse nécessite des prises de position.


Elles viennent déjà quasiment d’elles mêmes quand les
interlocuteurs se rangent globalement pour ou contre la
psychanalyse, p majuscule. Et si l’on reconnaît encore
facilement le parti pris dans la théorie psychanalytique, ce
n’est déjà plus le cas lorsqu’on veut repérer ce qui tient de
la prise de position dans la cure. Et je ne questionne pas
tant la position de l’analysant que celle de l’analyste. En
Tableau des négations freudiennes

intension, dans la cure, toute construction, toute


interprétation, voire toute remarque de l’analyste est
dépendante de ses choix [Je parle actuellement de
schématisme (2015).]. Bien sûr, en extension, ce qu’il en
fait savoir est a fortiori du même ordre. Quoiqu’encore il
ne faille pas confondre cette position en extension et ses
prémisses en intension : souvent la reprise théorique
censure les déterminants réels de l’acte analytique.
Mais autre chose est cette prise de position du sujet
qui consiste dans le choix de la névrose, ne serait-ce
qu’elle, ou plus généralement, pour un sujet quelconque,
le choix surdéterminé de sa position dans la structure.
L’acte cette fois échappe au sujet. Bien plus, il se constitue,
comme sujet de l’articulation d’une série d’actes
psychiques, tous dépendants d’une logique qui ne lui
appartient pas, mais dont il se fait le responsable en s’en
faisant le tenant, [depuis l’échappement récursif de tout
fondement jusqu’aux effets entièrement contingents de ses
choix (2015)]. C’est cette logique que je vais mettre en
évidence à partir de l’élaboration freudienne et particuliè-
rement dans les ratages de ses premiers temps. Et nous
verrons que chacun de ces ratages fondamentaux a partie
liée avec une structure au risque de se psychotiser, si elle
se rompt. La psychose se détermine ainsi d’un échec
symbolique [de l’intension fonctionnelle].12

12
Ce sera en fait à reconsidérer dans les autres ouvrages de cette série
Organon de la psychanalyse, surtout au livre II concernant la « Clinique
freudienne » [2015].
Tableau des négations freudiennes

Les séries d’oppositions qui établissent une logique


ont ici la matière des négations, telles que des études
linguistiques peuvent aussi, mais partiellement, en rendre
compte. [Mais, comme pour le signifiant qui diffère en
psychanalyse et en linguistique, les négations, en
impliquant l’inconscient, sont autre chose que leur
fonction dans une phrase ― même si une telle phrase peut
dès lors se complexifier d’impliquer l’inconscient (2015).]
Car la structure logique du sujet, l’inconscient, n’a pas
d’autre étoffe que celle qui se donne à entendre :
l’habillage linguistique, et son présupposé : le langage.
Évidemment, l’inconscient, sauf hypothèse cette fois
philosophique, l’inconscient au sens de Freud donc, n’a
pas d’autre existence que celle que la praxis analytique lui
alloue. De fait la psychanalyse n’a pas de raison d’être
extérieure à l’inconscient et sa problématique ; et
l’inconscient n’a donc pas d’individualité extérieure à
l’analyse. [Il prend ainsi la forme de l’échange (2015).]
Comme Freud, pour cette raison, prend toujours son
départ de sa rencontre avec un énoncé, c’est donc bien
l’implicite de cet énoncé, l’énonciation, en tant qu’acte
psychique (et le dit psychisme n’est conçu que de tels
actes), que je vise à expliciter.
Je ne développerai pourtant pas toute la continuité
logique d’une structuration subjective, mais je donnerai la
façon dont cette problématique des négations s’est posée à
moi dans le schématisme que j’en constitue. Ainsi, c’est
Tableau des négations freudiennes

ma prise de position en psychanalyse dans la suite de sa


construction que je vais aborder maintenant.
Chapitre 2

La négation en psychanalyse

L’organisation dite psychique est avant tout


symbolique.1 Et le registre symbolique est celui du
signifiant dont dépend le sujet. Dans cet ouvrage je
mettrai en évidence que le symbolique ― comme le
signifiant qui ne vaut pas en soi, mais par un autre
signifiant et pour un autre encore ― est, ne serait-ce que
pour cette raison qui met toute ontologie à distance,
d’abord constitué de négation. Aussi il importe de
développer la structure de chaque type de négation pour

1
Ce chapitre est rédigé les 30 et 31 janvier et complété le 26 juin 2014.
Comme c’est fréquent, cette introduction est plutôt conclusive, et par là
ardue. Mieux vaut que le lecteur qui s’en trouverait arrêté entre
directement dans le vif des questions par le chapitre 4. Un glossaire en fin
de volume explicite les termes qui ne consistent pas en l’axe du propos et
qui de ce fait apparaissent un peu tôt.
La négation en psychanalyse

en faire déboucher l’organisation particulière sur la


structure d’ensemble du symbolique dans la constitution
du sujet.
Je vais décrire ici brièvement ce processus, sous
l’angle des positivités en jeu, pour y revenir de façon plus
ou moins détaillée à chaque étape de l’avancée du
symbolique dans ce livre. Un second ouvrage2 complète
celui-ci, prenant ces mêmes questions non plus dans leur
différences, mais sous l’angle de leur structure commune,
permetttant de parler de négation aussi au singulier.
Pour fixer les idées, je donne dès maintenant en
cinq étapes la teneur de cette organisation symbolique du
sujet.
1. A priori le sujet est supposé ne pas être là sous sa
forme définitive du moi idéal et n’intervient à cette place,
qui lui est en même temps supposée dévolue de toujours,
que par sa condition (irréelle) de possibilité virtuelle (soit
ce que Lacan appelle Bejahung, affirmation, primaire et qui
n’est que l’incorporation de cette absence, de ce vide à
quoi aboutit, dans cette imagerie anthropologique, le
meurtre du Père, selon Freud, comme métaphore d’une
fonction d’évidement en tant que simple hypothèse à
l’œuvre). C’est autour de ce vide, et à partir de cette
hypothèse valant pour être le narcissisme fondamental,
que le sujet est amené à se construire depuis et comme

2
R.L., La récursivité des négations en psychanalyse. Les négations lacaniennes,
Lysimaque.
La négation en psychanalyse

étant cette potentialité ― mais il peut s’y refuser. Sous


l’angle de cette seule potentialité, il y a toujours déjà du
sujet, identifié à celle-ci.
2. L’affirmation proprement dite, et non plus
virtuelle, concerne le sujet, cette fois comme existant, et
auquel cas détaché de l’ensemble du monde conçu comme
monde d’objets. Nous ne sommes plus dans la potentialité
(comme principe existentiel de jouissance), mais dans la
réalité ― à laquelle le sujet peut là encore se refuser.
Ce passage de la potentialité (fondant l’existence
jouissive du sujet) à la réalité des choses, permet à ce sujet
de changer de qualité passant de sujet de la jouissance
(Lust-Ich de Freud) à sujet de (ayant trait à) la réalité
(Real-Ich).
3. La phase suivante a trait alors, pour ce sujet, au
rapport qu’il entretien avec les choses, sachant que le
fondement initial de ce sujet n’a rien d’assuré, puisqu’il
s’agit d’un non-fondement, simplement donné comme
hypothèse active. Dans ce rapport, le sujet s’implique ainsi
à reconnaître, pour en asseoir récursivement son exis-
tence, cette absence d’assurance préalable (métaphorisée
comme castration) ―, mais il peut toujours s’y refuser.
« Récursivement » a ici le sens de dépendre en retour des
conséquences de cette absence, sans revenir exactement
sur celle-ci.
4. Un second tour du (1) est nécessaire comme
pulsion à satisfaire ― sachant que l’Autre, comme monde,
ne s’y prête pas nécessairement.
La négation en psychanalyse

5. De ce second tour le sujet tire pour sa part un


regain d’existence ― du moins s’il le souhaite.

Un tel trajet se topologise ainsi.


IV. La possibilité virtuelle, soit l’hypothèse de
départ,

n’est pas sans conséquence rétrogrédiente à revenir sur


l’absence initiale dont émerge l’hypothétique comme
condition de possibilité.

Figure 2.1 : Schéma de la rétrogrédience de l’organisation


symbolique de base…
La négation en psychanalyse

C’est dire que la fonction d’hypothèse à l’œuvre est


proprement conçue en retour par ce qu’elle est censée
produire. C’est là toute sa récursivité.

Figure 2.2 : … et des liens de déconstruction impliqués


par l’hypothèse de départ comme lui étant nécessaires à
en construire les conséquences dont elle dépend. De là la
récursivité du supposé donné.
La négation en psychanalyse

2. Le sujet se distingue ainsi de ce qui, au début,


n’était pas là et de ce qui, par après, est uniquement induit
par l’hypothèse que cela soit nécessaire pour étayer, selon
cet après-coup, les conditions initiales ― alors à distance
de la stricte hypothèse de départ, car on ne saurait
compter pour rien ce que l’introduction d’une telle
hypothèse implique de conséquences dans ce qui en
devient son champ d’expérience, y compris sous l’angle de
son effacement devant ce qu’elle produit.

Figure 2.3 : Retour sur l’hypothétique donné comme de


départ, mais pour cela toujours distinct de ce qu’il aurait
pu être. Réassurance de l’hypothèse à partir de ce qu’elle
induit.
La négation en psychanalyse

3. Cette structure d’hypothèse à l’œuvre est


effectivement strictement récursive : « c’est justement de
ce qui n’était pas que ce qui se répète procède », pointe
Lacan.3

Figure 2.4 : Récursivité et décalage (1).

3
J. Lacan, Écrits, Seuil, 1966, p. 43. Je reviendrai sur une telle définition de
la récursivité à partir de la répétition.
La négation en psychanalyse

4. Et le sujet est le seul à pouvoir assumer, mais en


un clivage dès lors signifiant, une telle absence d’existence
pour en fonder sa propre existence. Ce clivage est
signifiant de ne se définir que du renvoi d’un moment à
l’autre de cette dialectique, jusqu’ici indiquée comme
opérant en termes d’aller-retour.

Ø Un a /S

Figure 2.5 : Récursivité et décalage (2).


La négation en psychanalyse

5. C’est même là (toujours par voie récursive) la


seule possibilité pour lui d’assurer son existence depuis
une telle absence de fondement.

Ø Φ Un S1 S2 a /S …

Figure 2.6 : Récursivité et décalage (3).


La négation en psychanalyse

(Ø → (Φ → Un)),
(Φ → (Un → S1)),
(Un → (S1 → S2)),
(S1 → (S2 → a)),
(S2 → (a → /S )).

Figure 2.7 : Récursivité et décalage (4).

L’on saisit ainsi, d’absence en présence, en quoi la


négation est essentielle au sujet, passant par la voie
récursive du signifiant organisé en réseau symbolique.

La négation est ainsi à la fois univoque et


plurivoque. Univoque, elle l’est du fait d’une unité de
structure valant pour tous les modes qui la font intervenir
d’étape en étape. Cette univocité est d’abord constituée de
la réversion du négatif en positif ― non sans faille (ou
barre) maintenue entre eux. Sa plurivocité dépend par
contre de la diversité de ces modes, déductibles les uns des
autres. Nous en passerons certains en revue dans les
chapitres qui suivent. Ce sont les plus fondamentaux.
Mais je voudrais souligner d’emblée, comme on a
La négation en psychanalyse

commencé à le voir, qu’en psychanalyse pour le moins la


négation prend un caractère particulier qui tient à celui du
signifiant. En effet la psychanalyse distingue le signifiant
comme récursif de son abord prédicatif en linguistique.
Dire un signifiant récursif, c’est souligner avec Lacan qu’il
ne se définit chemin faisant que de son rapport à un autre,
lequel se définit lui-même de son rapport à un autre, etc.
C’est dire aussi qu’un signifiant est récursif de se définir
par sa mise en exercice et de ce qu’il est censé induire (un
autre signifiant et non un signifié). Ce côté en abîme que
prend la définition du signifiant n’est donc qu’une
conséquence de la récursivité. Celle-ci dépend plus
exactement du fait qu’un signifiant se fonde de son renvoi
sur un autre (alors de façon linéaire) et encore plus
exactement sur de multiples autres (alors organisés en
réseau multidimensionnel). Ce renvoi répétitif est la
représentance (Repräsentanz)4 dont Freud constitue un
accès à la pulsion. Ou, plus précisément encore, la pulsion
se constitue elle-même depuis une telle représentance. Pas
étonnant que Lacan reconnaisse la fonction signifiante
dans l’organisation pulsionnelle.5 La représentance,
opérant au sein de la pulsion, est ainsi le principe même de

4
Lire R.L., La représentance, Lysimaque. Sur die Repräsentanz, voir
Sigmund Freud, G. W. X, en particulier l’article métapsychologique sur
« Le refoulement ».
5
Voir R.L., Théorie du signifiant en psychanalyse, Lysimaque. Voir ici en
annexe les définitions de la récursivité.
La négation en psychanalyse

la récursivité. Et c’est cela qui implique la répétition au


sein de la récursivité.
Je ferai donc de la récursivité la colonne vertébrale
de la négation en ses divers chapitres. Mais, pour ne pas
rédiger un ouvrage entier dès cette introduction, je me
limiterai à souligner les aspects les plus déterminants de la
négation comme fondement du signifiant, en renvoyant
l’étude systématique de chaque mode négatif, comme il
importe à la psychanalyse, aux chapitres suivants.

2.1. Les liens de négation/affirmation


avec les conditions de
forclusion/discordance du signifiant

Il s’agit d’abord de reconnaître que toute négation


n’a pas la même raison structurale que toute autre, quand
bien même sa structure est identique à celle de toute autre.
Je le préciserai à la fin de ce paragraphe. Ainsi les liens
dénégation/réaffirmation mettent-ils en place une assise
plus subjective, et plus positivement subjective, du
non-rapport intervenant localement (tel que Lacan
l’amène) entre négation et affirmation. Nous sommes là
en effet au niveau que Freud indiquait comme celui des
liens du sujet à l’idéal : sujet de l’idéal (Ideal-Ich) et idéal du
sujet (Ich-Ideal), sans que ces deux modes de rapports du
sujet à l’idéal puissent se dialectiser autrement que par un
La négation en psychanalyse

détour par le narcissisme primordial dans son propre lien


à l’objet.6

narcissisme primordial objet

idéal du sujet sujet de l’idéal


narcissisme
spéculaire

Figure 2.8 : Introduction du narcissisme.

Cette dialectique opère qui plus est par le biais des deux
axes de l’amour, amour pour l’objet et énamoration
narcissique.

amour pour l’objet


énamoration

Figure 2.9 : Les modalités princeps de l’amour.

6
S. Freud, « Pour introduire le narcissisme », G. W. X.
La négation en psychanalyse

Encore faut-il souligner que la fonction du narcissisme


primordial est d’assurer l’existence du sujet à partir de la
signifiance dont le sujet jouit (sur un mode dit phallique),
en laissant à l’Autre le soin de jouir des objets ― mais non
sans lien avec cet Autre afin d’en établir un rapport aux
objets. Et parmi ceux-ci je situe tout autant les idéals en
eux-mêmes, quand bien même ils sont relatifs au sujet.

existence objet
phallus Autre
jouissance phallique jouissance de l’Autre

Figure 2.10 : Les modes de la jouissance.


La négation en psychanalyse

narcissisme R Autre

S I

Figure 2.11 : Du narcissisme à l’Autre. Oppositions et liens


du narcissisme à l’altérité.

fonction R objets

S I

Figure 2.12 : Les liens (comme transcription) de la fonction


(en intension) avec ses extensions (objets).

Mais, comme le dit Lacan et pour y insister, « c’est


justement de ce qui n’était pas que ce qui se répète
La négation en psychanalyse

procède ». Cela établit le lien réversif de la répétition à la


récursivité.

surnuméraire répétition
vide manque
non-

rapport
faille

non-rapport
Figure 2.13 : Les modes du non-rapport. Trajet structural
de l’évidement.

Nous avons là une évolution du vide inaugural, qui


appelle par hypothèse, on le verra, à se constituer en réel.
Ainsi se module le non-rapport : de l’évidement valant
fonction par sa mise en œuvre, on passe à une faille dans la
structure, laquelle se développe en manque objectalisé qui
appelle sinon à se combler, du moins à se border au profit
d’un renversement7 du non-rapport en rapport :
(non-rapport → (non-rapport → rapport)).8

7
R.L., « Le renversement freudien », Cahiers de lectures freudiennes n° 11-
12, repris dans R.L., Commentaire de Freud, Lysimaque.
8
R.L. « Rapport et non-rapport dans le Witz », Che vuoi ? n° 30, repris
dans R.L., Die Sprache, lalangue et le langage, Lysimaque.
La négation en psychanalyse

littoral

coupure bord(s)

Figure 2.14 : Les modes du rapport. Organisation de la


coupure.

Bord(s), littoral et coupure supportent dès lors la mise en


jeu du rapport. C’est dire que ce renversement du non-
rapport en rapport conserve la trace évidée et négative de
sa constitution. Toute la structure du signifiant, du sujet et
des négations en dépend. Ou, dit autrement, toutes les
négations peuvent se donner en termes de non-rapport et
rapport. Ainsi de la dénégation.
La négation en psychanalyse

(ré)affirmation (dé)négation

non-rapport

Figure 2.15 : Le mode dénégatif. Les liens d’incorporation


de la négation dans l’affirmation.

C’est d’un tel non-rapport opérant dans la structure


même que Freud tire le réel qu’il marque de son gain de
jouissance (Lustgewinn) comme constitutif de la
jouissance.9

jouissance plus-de-jouir

Figure 2.16 : Du gain de jouissance à la jouissance.

9
Par exemple, dans Le malaise dans la civilisation, G. W. XIV, p. 436 et
passim.
La négation en psychanalyse

Lust
Lust Unlust Lustgewinn

Figure 2.17 : Constitution et destitution du gain de jouissance.

Par contre, à l’opposé de ces liens dénéga-


tion/réaffirmation, les liens démenti/reconnaissance sont
plus proches d’un rapport forclusion/discordance qui re-
prend objectalement ce qui s’était joué tout initialement
pour fonder la négation : soit le rapport forclu-
sion/affirmation première (incorporation de la fonction
Père comme présentification du vide, soit présence de
l’absence). La réaffirmation n’est qu’une façon
d’emphatiser cette affirmation première que le
discordantiel actualise depuis le porte-à-faux du non-
rapport entre affirmation et négation.
La négation en psychanalyse

rapport

discordance forclusion

affirmation négation

non-rapport

Figure 2.18 : Situation de la dialectique nécessaire à la


négation. Le rapport négatif.

De cette articulation entre rapport et non-rapport (de


discordance/forclusion à affirmation/négation), on peut
construire une présentation « scalaire » des modes de la
négation. J’en donne pour commencer un tableau
d’ensemble, uniquement compliqué par la superposition
du français à l’allemand et par l’ajout des sigles
correspondant aux désignations allemandes.
La négation en psychanalyse

forclusion
VW (Verwerfung)
rapport
incorporation dénégation
EV VN (Verneinung)
(Einverleibung)
non-rapport
affirmation démenti
(Bejahung) B VL (Verleugnung) …
rapport
dédit
(Anerkennung) AE VS (Versagung)
non-rapport
satisfaction renoncement
(Triebbefriedigung) TB VZ (Verzicht)
rapport
gain
(Lustgewinn) LG AS (Ausschlieβung)
non-rapport
introjection
IJ (Introjektion)

Figure 2.19 : Échelle des négations/affirmations freudiennes.


La négation en psychanalyse

Pour rendre plus lisible cette présentation je vais


en distinguer les éléments négatifs et positifs sous les sigles
que j’utiliserai largement dans la suite du propos,

VW

EV VN

B VL

AE VS

TB VZ

LG AS

IJ

Figure 2.20 : Présentation plus directement scalaire de la


fig. 2.19. Échelle des négations.
La négation en psychanalyse

et la dialectique étendue entre rapports et non-rapports.

rapport →
non-rapport →
rapport →
non-rapport →
rapport →

non-rapport →

Figure 2.21 : Organisation des liens négativités/positivités


selon les modes de lien en jeu. Dialectique interne aux
négations.

En substance, cela correspond à une enfilade de négations :


forclusion (déjet) → dénégation → démenti →
dédit → renoncement,
où chacune intègre les précédentes de façon progrédiente,
et les dévoile en retour par le démontage des étapes
postérieures, si je puis dire, au profit des étapes
antérieures.
La négation en psychanalyse

forclusion dénégation démenti dédit renoncement

Figure 2.22 : Déconstruction des négations.

Cette construction de l’échelle des négations, par


appui régulièrement répété sur celle qui précède, mais
procède de celle qu’on considère, est proprement
récursive.
Cette échelle se fonde ainsi sur le développement
récurrentiel d’un module nucléaire des négations.10

EV VW

B VN

Figure 2.23 : Le noyau des négations.

10
J’en développerai le schématisme dans R.L., La récursivité des négations.
Les négations lacaniennes, Lysimaque.
La négation en psychanalyse

Et ce noyau se développe ainsi (non sans renversement)


grâce au maintien des relations entre les diverses
expressions négatives que nous étudierons en détails.

renversement

AE VL VZ LG

TB VS AS IJ

Figure 2.24 : Développement du module de la négation.


Renversement symétrique des positivités et des négativités.

Celles-ci virent (métonymiquement) d’un de leurs


agencements à l’autre
La négation en psychanalyse

EV VW AE VL VZ LG

B VN TB VS AS IJ

Figure 2.25 : Virement métonymique des négations.


Développement « tensio-actif » des négations…

en se condensant (métaphoriquement).

VZ LG
AE VL
EV VW

AS IJ
TB VS
B VN

Figure 2.26 : … et leur condensation métaphorique.

Parler de condensation métaphorique, c’est dire


que certains liens, au lieu de jouer d’une barrière de
La négation en psychanalyse

contact (Kontaktschranke)11 qui fasse passage métonymique


et qui permette d’avancer, mettent en fait en place un pur
et simple saut métaphorique conduisant en tant que
barrage à une position pathologique du sujet coupé de
l’intension de la signifiance qui assure la fonctionalité de
l’ensemble. Un tel barrage est donc constitué par le côté
inamovible que prend la condensation dans sa stagnation,
au détriment des passages qui dialectisent récursivement
l’avant et l’après. Une telle position est psychotique.12
L’on verra dans la suite des chapitres quelle
importance prend cette échelle des négations dans les
rapports qu’entretiennent ses composants les uns avec les
autres. Dans le volume suivant (La récursivité des négations
en psychanalyse. Les négations lacaniennes), je reviendrai sur
l’échelle des négations pour considérer comment Lacan en
joue sans que ce soit explicite.
De ce parcours rapide, l’on retiendra donc
essentiellement pour toute négation le schématisme
quadrique sur lequel j’appuierai mon propos.

11
S. Freud, G. W. Nachtragsband ; trad. fse in Naissance de la psychanalyse,
P. U. F., 1967, p. 318 sqq.
12
R.L., « Positions subjectives données pour psychotiques. Synopsis des
psychoses », Les lettres de la S. P. F. n° 13, repris dans R.L., Conception des
psychoses. Théorie fonctionnelle des psychoses, Lysimaque.
La négation en psychanalyse

discordance forclusion

positivité négativité

Figure 2.27 : Quadricité de toute négation.

:
J’en soulignerai cependant d’ores et déjà deux
aspects. Celui du rapport (÷), et sa contrepartie de non-
rapport, et celui, autrement déterminant, de la relation
(→),

Ø VW
EV VN
B VL
AE VS
TB VZ
LG AS
IJ

Figure 2.28 : Du rapport à la relation.

telle que l’opérateur positif passe ici au négatif en


soutenant cette négativité. Mais ce sera à discuter dans le
chapitre relatif au module de la négation de La récursivité
La négation en psychanalyse

des négations en psychanalyse. Les négations lacaniennes.


J’entends bien souligner ainsi que ce module est
constamment répété. Ce qui permet de parler, je l’ai déjà
noté, de négation tant au singulier qu’au pluriel.
C’est que la récursivité, en opérant de proche en
proche, toujours en définissant la fonction en cause depuis
l’objet qu’elle est censée produire, est une affaire
d’hypothèse à l’œuvre, telle que la conséquence attendue
serve d’appui rétrogrédient et anticipatoire à ce qui
l’induit (et qui vaut dès lors comme antécédent), ce qui
l’induit de façon progrédiente et ainsi rétroactive. Ce
passage de la fonction à l’objet (sachant qu’un objet est
toujours, à mon sens, une fonction prise en extension :
c’est pour le moins un objet d’intérêt pour la fonction de
l’intérêt dont fait preuve le sujet du narcissisme
primordial) ― et inversement : de l’objet à la (sa) fonction
― est imprédicatif. À première vue récursivité et
imprédicativité sont synonymes dans leur fonctionalité
commune ― mais ces termes techniques se différencient
facilement selon le propre moment logique où leur
fonction opère.
La négation en psychanalyse

imprédicativité
récursivité prédicativités

Figure 2.29 : De la récursivité aux prédicativités. Les liens


d’imprédicativité.

Cela s’écrit en paire ordonnée (sachant que


l’imprédicativité est réversive et qu’elle est synonyme de
récursivité) :
(récursivité → (imprédicativité → prédicativité)).

2.2. Les liens asphériques que tisse la


négation

Les liens de passage des fonctions aux objets, et


vice versa, sont donc asphériques : (récursivité →
(imprédicativité → prédicativité)), du fait que
l’imprédicativité fait lien dans les deux sens. C’est aussi
La négation en psychanalyse

bien la récursivité (qui lui équivaut) qui est porteuse de


cette asphéricité.

récursivité imprédicativité prédicativité

Figure 2.30 : Asphéricité de la récursivité.

C’est identique à ce qui se joue dans les liens non-


rapport/rapport, qui sont tels que la séquence
(non-rapport → (non-rapport → rapport))
s’équivaut à son inverse :
(rapport → (rapport → non-rapport)).
Dans l’échelle des négations ces liens sont d’abord
le rapport forclusion/affirmation première, auquel mène
un hypothétique, car il ne saurait y avoir de forclusion ou
d’affirmation première de quoi que ce soit qui ne soit posé
comme déjà là, bien entendu par hypothèse, comme c’est
le cas de la fonction Père qui appelle à son incorporation.
Poser ainsi l’hypothèse de quoi que ce soit, c’est anticiper
cela de cette action de le poser qui correspond toujours à
en faire effectivement l’hypothèse. Ainsi peut-on
organiser de manière mœbienne l’opposition entre
forclusion et affirmation première, mises globalement en
La négation en psychanalyse

continuité (tout en se différenciant localement) par le


montage qu’en effectue à la fois pour les deux une seule et
même hypothèse.
Comme l’affirmation première est ce que Freud
mythifie comme présence incorporée de l’absence du Père
primordial tué, cette première condition mœbienne se
prolonge par la seconde qui associe une affirmation
proprement dite à l’incorporation du Père et une négation
à son meurtre. Le passage du rapport négation
radicale/affirmation (forclusion/incorporation) à la
relation affirmation → dé-négation, permet d’organiser un
second mode d’asphéricité, qui insiste cette fois sur
l’identification entre le oui et le non plus que sur leur
différence.
Ces mêmes liens (rapports et relations) se
retrouvent reproduits par récurrence lors de chaque étape
scalaire du montage négatif du symbolique.
Cela me donne l’occasion de souligner que le
schéma

discordance/forclusion rapport
donné comme
affirmation /négation non-rapport

indique ce que le signifiant recèle de modalité dans les


rapports qu’il instaure, non sans lien avec le registre
propositionnel (et apophantique) du non-rapport.
La négation en psychanalyse

Le non-rapport conduit ainsi au prédicatif, quand


la récursivité fait rapport en appelant par définition aux
liens, afin que la fonction qu’elle met en place s’en
alimente.

évidement non-rapport
prédicativités

S/
non-rapport

rapport
récursivité

H F

Figure 2.31 : De la dialectique rapport/non-rapport à la


dialectique récursivité/prédicativités.
La négation en psychanalyse

2.3. La littoralité de la négation

Un tel rapport asphérique entre discordance et


forclusion est qui plus est littoral : c’est l’absence du Père
qui fait valoir la présence de celui-ci en tant qu’absent.
Chacun de ces versants recouvre l’autre pour une part.
Car la fonction Père y apparaît donnée en intension par la
discordance, tout en se traduisant en objets divers qui ne
sont que la transcription extensionnelle de cette
intensionnalité. Comme c’est la même fonction, en tant
que récursive (en ce qu’elle ne s’établit qu’à partir de sa
seule opération), qui vaut dans ses domaines d’opération
intensionnelle et d’appréhension extensionnelle, le lien
entre ces avatars nécessaires de la fonction sont littoraux :
il n’est nul besoin de supposer une intervention
extrinsèque (une barrière) pour les séparer, comme il
n’était pas nécessaire d’en requérir une qui les cerne, pour
les mettre dans le même sac grâce à leur identification
comme une seule et même fonction sous deux modes. La
récursivité est discordantielle du fait du rapport différencié
qu’elle entretient asphériquement avec elle-même en
termes d’imprédicativité. Les objets qu’elle produit sont
quant à eux forclusifs en ce qu’ils mettent à distance la
fonction dont ils dépendent afin d’apparaître, dans un tel
forçage, clairement prédicatifs.
Comme, avec Lacan, l’on schématise
l’extensionalité de ces objets sous trois modes ou selon
La négation en psychanalyse

trois registres, ceux du réel, de l’imaginaire et du


symbolique, la forclusion y prend place aussi sous trois
angles, une place ainsi tenue par trois modes d’objet. Un
objet réel reste malgré sa fonctionalité proprement
inaccessible (mais différemment de la fonction en
intension), forclos, au sens propre du mot. Avec Freud,
plutôt que Kant, je dirai que c’est das Ding.13 Au niveau
imaginaire, c’est une ontologie du sujet qui est forclose, au
profit d’un complexe d’identification spéculaire. Et, dans
le symbolique, la forclusion est l’absence de signifiant en
soi et le fait qu’un signifiant ne saurait rien signifier par
soi-même (sauf délire) sans raccord avec la discordance qui
l’assure de sa signifiance par sa représentance auprès d’un
autre.
L’on retrouve ici la quadricité du schématisme de
la négation, tendue entre la discordance et les trois modes
de la forclusion.

13
R.L., La « chose » en psychanalyse, Lysimaque, 2014.
La négation en psychanalyse

discordance R forclusion

S I

Figure 2.32 : Les diverses forclusions. Simplification de la


quadricité des négations.

La discordance est ainsi intensionnelle et récursive,


en opposition mœbienne avec la forclusion comme
prédicative sous les trois modes qui nous sont habituels
depuis Lacan.

2.4. La négativité dialectique

Non seulement une dialectique existe ainsi entre


discordance et forclusion, développable sur le mode de la
paire ordonnée :
(discordance → (discordance → forclusion)),
mais cette dialectique induit en son sein la négation, ne
serait-ce qu’à en reprendre les termes de base :
(négation → (affirmation → dépassement)),
La négation en psychanalyse

comme le rappelle le non-rapport discordantiel


extensionnel entre affirmation et négation. Sous cet angle
ce qui devient déterminant est le dépassement de
l’opposition négation / affirmation, dans le fait qu’une
discordance s’établit entre elles, laquelle est proprement
productrice d’un surnuméraire à cette opposition et elle-
même produite par la tension entre ses termes.

affirmation négation

tension

Figure 2.33 : Rapppel de la structure tensionnelle du


non-rapport.
La négation en psychanalyse

production
surnuméraire

tension

Figure 2.34 : La tension discordantielle.

Cependant toute étape dans l’échelle des négations


n’est pas dialectique et certaines conservent, comme on l’a
vu, en tant que raison déterminante, leur qualité
constitutive de non-rapport, cette fois forclusif. C’est
pourquoi d’un point de vue nosologique, certaines étapes
négatives de la construction symbolique du sujet (car un
tel schéma quadrique est bien pour moi celui du sujet)
impliquent une position psychotique, si elles persistent.14
C’est en quoi Freud a fait de la Verleugnung (démenti) un
point nodal entre névrose, psychose et perversion, comme
Lacan a utilisé pour une part la Verwerfung (forclusion)

14
Ici l’on peut rejoindre les théories de Mélanie Klein.
La négation en psychanalyse

comme critère de discrimination entre névrose et


psychose.

2.5. La structure modale de la négation

La structure de la négation est au total strictement


superposable à celle des modalités :
― la discordance est nécessaire à la bonne marche
de la forclusion,
― qui en elle-même est de l’ordre d’un impossible
à articuler, quel que soit son registre propre ;
― la négativité opère donc de façon contingente
depuis la discordance,
― quand la positivité rend possible le fonctionne-
ment de l’ensemble.

discordance forclusion

positivité négativité
La négation en psychanalyse

nécessaire impossible

possible contingent

Figure 2.35 : Les modalités de la négation.

C’est bien dire que l’existence de la discordance


ouvre à la mise en tension de la positivité et de la
négativité, afin de rendre possible la productivité d’un en-
plus dont dépend, sinon strictement en retour, du moins
plus avant, la nécessité de l’intension fonctionnelle. À
cette existence proprement modale (et discordantielle), il
faut opposer et lier la forclusion, et d’abord celle
symbolique de l’apophantique qui contraint de répondre
par oui ou par non, un tiers terme étant exclu dans cette
approche.

2.6. Prédicativité du forclusif

La forclusion en effet exclut de son champ propre


― sans tenir compte de ses rapports internes
La négation en psychanalyse

discordantiels entre eux, ni de son lien à la discordance ―


toute imprédicativité.
Elle assure ainsi une dédialectisation qui souligne
son champ propre comme sphérique et prédicatif, bien
marqué par une différenciation polaire qui ne se littoralise
plus. Le non-rapport y domine, spécifié par un clivage qui
ne fait plus passage, mais introduit un barrage, une
rupture qui va du simple penchant anti-récursif à
l’autonomie radicale de l’Autre qui impose alors son jeu
au sujet de façon délirante.

2.7. Du fini et de l’indéfini

L’indéfini prolonge l’incertitude discordantielle


(quelle soit un non-croire, Unglauben, ou un indécidable)
jusqu’au transfini du forclusif réel.
Mais, comme il se doit, un tel transfini ordinal
conserve en son sein la trace de la récursivité (et de
l’évidement hypothétique) de départ. Cela s’écrit en
arithmétique :
1 = {0},
2 = {0, 1},

n = {0, 1,… n-1},
La négation en psychanalyse

comme en logique des ensembles :


Ø,
{Ø},
{Ø, {Ø}}, etc.
Alors le forclusif n’a rien de psychotisant : il conserve la
trace de sa constitution imprédicative, fondée de la
récursivité de l’évidement. Cela met en jeu la théorie
métaphorique de la castration chez Freud (Ø → Φ). Je
consacre le chapitre 14 à cette question de la forclusion
normale et pathologique.

2.8. Récursivité d’ensemble de la négation

La récursivité du signifiant infiltre ainsi la négation


par le discordantiel qui fait opérer l’énonciation. En effet
c’est le porte-à-faux « extrapyramidal » de la discordance
― en ce qu’elle renvoie toujours en avant la recherche de
son équilibre ― qui supporte la récursivité du narcissisme
primordial en se fondant sur elle-même (ainsi de proche en
proche distincte d’elle-même, sans perdre « de vue » le
maintien du même schématisme qui la constitue
proprement à chaque étape). La récursivité pousse à
l’énonciation pour s’assurer comme signifiance. Le ne de
la négation française ne se fonde ainsi que de pointer le
porte-à-faux du narcissisme primordial ― en représentant
moins le signifiant que la définition (récursive) de celui-ci
La négation en psychanalyse

― en tant que signifiance : un signifiant renvoie à un autre


pour s’en définir, mais un tel renvoi constant, i. e. répété,
reste identique à lui-même. De là l’évolutivité en
« essaim » signifiant de ce renvoi qui représente un sujet
auprès d’un autre signifiant en assurant par là (en retour)
l’existence du premier signifiant, et cela de façon
incessamment répétée, sauf coup d’arrêt donné par une
lettre ou un équivalent représentatif de celle-ci, afin qu’un
signifié soit accordé à ce signifiant ainsi marqué d’une
lettre ou d’une représentation.
(S1 → S2) ≃ (S2 → S2’),
≃… S2 → S2’ → S2’’…
= (S1 → (S1 → S2)),
= (S1 → (S1 → (S1 → S2’))), etc.

En cas de forclusion dédialectisée d’avec la


discordance, on a affaire aux facticités de Lacan ; elles
répondent aux divers champs d’une prédicativité
expansionnelle, qu’il s’agisse de science mécaniste
(taxinomie, en particulier), de groupe visant l’uniformité,
de délire proprement dit, et à l’extrême de ces facticités le
camp de concentration passant à l’extermination. L’erreur
sur la négation est toujours possible qui élimine ainsi son
fondement discordantiel au « profit » d’une réalité par
trop forclusive et dès lors factice jusqu’à l’horreur.
La négation en psychanalyse

2.9. Présentation générale des négations


freudiennes

Mais dès avant j’introduirai brièvement les


négations freudiennes les plus conséquentes, même si
toutes n’ont pas été théorisées par Freud lui-même,
comme il fit de la dénégation. Cette série est d’une telle
importance que je serai amené à la répéter sous des angles
d’abord variables, pour en souligner des facettes encore
inabordées. J’ai commencé ce chapitre par l’enchaînement
des positivités ; je le terminairai par celui des négativités.
La forclusion (Verwerfung) contrevient à la
dialectique de la signifiance (incorporation, Einverleibung,
de la dite fonction Père) que Lacan appelle Bejahung
primaire (ce concept n’existe pas comme tel dans Freud).
La dénégation (Verneinung) se fonde de cette
signifiance pour séparer ce qui est de l’ordre du sujet et ce
qui est de l’ordre de l’objet. L’affirmation (Bejahung) est
par contre le choix prédicatif de l’objet, par le sujet, cela
va de soi.
En fonction de quoi le sujet peut reconnaître
(Anerkennung) ce qu’il doit à l’incorporation de départ
sans laquelle il aurait pu ne pas advenir (c’est sous cet
angle une affaire de castration), en particulier en en
refusant le principe par démenti (Verleugnung).
Reconnaître ou démentir la menace de castration, c’est
La négation en psychanalyse

accepter ou refuser l’hypothétique de départ par quoi le


sujet ne trouve un regain d’existence, fondamentale, que
dans ce qu’un gain de jouissance fonde proprement de
jouissance comme telle (auquel cas phallique, en lien avec
la castration). Reconnaître ou démentir la menace de
castration, c’est accepter ou refuser la récursivité dans ses
réalisations.
Cette jouissance assure pulsionnellement
l’existence du sujet en obtenant satisfaction pour son
exigence de jouissance : il faut jouir des choses pour y
fonder son existence, c’est la Triebbefriedigung, la
satisfaction de la pulsion. Encore faut-il qu’à cet égard
l’Autre (les choses) ne se dédise pas (Versagung) de ce qu’il
tend à fonder par déconstruction (des choses,
précisément).
En face de ce possible dédit de l’Autre, le gain de
jouissance (Lustgewinn) n’est pas exactement assuré, du
fait que le sujet puisse lui-même y renoncer (Verzicht).

existence – JΦ J A/ – inexistence

Figure 2.36 : Les liens existentiels des jouissances.


La négation en psychanalyse

Très succinctement, on trouvera la question de la


Verwerfung (rejet, forclusion) traitée dans la présentation
du cas de l’Homme aux loups et dans la reprise du livre du
Président Schreber. La dénégation a mérité un texte
spécifique. C’est par lui ― à la suite de la lecture qu’en fit
Lacan dès son premier séminaire sténographié ― que
j’aborderai l’échelle des négations. Le démenti est
accessible dans les textes des années 1927-1930 à propos
des perversions et des psychoses. On peut le saisir à partir
de ce constat paradoxal qui amène Freud, devant
l’Acropole, à se dire que « ce que je vois là n’est pas
effectif ». La discordance passe là spécifiquement à la
forclusion ; même si cet insight ne fait pas de Freud un
psychosé, le constat est délirant (comme Freud parle de
délire aussi à propos des symptômes névrotiques). Dédit
(frustration) et renoncement apparaissent spécifiquement
dans les années 30, par exemple dans Le malaise dans la
civilisation, où la Versagung (dédit) est expressément
pointée comme le fait de l’Autre et le Verzicht
(renoncement) est celui du sujet.15
Les facticités de Lacan sont théorisées et
topologisées dans sa « Proposition du 9 octobre 1967… »16.
Elles correspondent pour moi à l’expansivité indéfinie des
registres prédicatifs extensionnels dédialectisés d’avec

15
Pour le lire en français, encore faut-il que les traductions rendent compte
corrrectement de cette opposition des concepts.
16
J. Lacan, Autres écrits, Seuil, 2001, pp. 256-258.
La négation en psychanalyse

l’intension de leur signifiance et cessant par là d’être


dialectiquement contenus, i. e. limités, par elle.

camp facticités

groupe
délire

Figure 2.37 : Schéma expansionnel des facticités.

2.10. Lalangue, pas les mots

Insister ainsi sur la structure de la négation permet


de souligner la nécessité, à laquelle Lacan s’est rendu, de
construire le concept de « lalangue » en un seul mot. Pour
en tirer à moi la définition, je dirai que lalangue est la
logique du langage : une logique telle que la négation
(comme par exemple la barre de Sheffer parmi les
connecteurs binaires) y tient un rôle essentiel.
La négation en psychanalyse

Les mots ne sont que les index de lalangue ; qui


plus est, ils la portent. Autrement dit, c’est bien d’en
reconstituer le schématisme qu’il s’agit en psychanalyse :
un schématisme sous-jacent, mais qui s’impose pour en
orienter toute conception des choses et le discours
afférent.
Sous la signifiance, récursivité à l’appui, c’est la
négation, dans son univocité cette fois, qui domine en
déterminant donc lalangue au travers d’un montage
négatif où l’hypothétique ― comme évidement opératoire
― tient une place essentielle. L’hypothèse (Annahme)
passe ainsi de la négativité inhérente à la supposition (et
relative à ce qui n’est pas acquis) à la positivité de
l’admission (Annahme) : on admet (y compris
négativement) ce qu’on peut supposer, ou ne suppose que
ce qu’on peut (positivement) admettre.
La négation en psychanalyse

Chapitre 3

Position de la négation

La question soulevée par la fonction de la négation


en psychanalyse est donc celle d’une extension, disons, du
concept de négation au-delà de l’opposition de deux
termes entre eux.32 Autrement dit, c’est à un schématisme
de la négation, plus complexe que la simple contradiction
directe, que nous avons affaire à propos de l’inconscient
en psychanalyse. Effectivement Freud est fondé à soutenir
que l’inconscient ne connaît pas la négation, si on limite
celle-ci à la contradiction annihilante. Mais l’on peut aussi
contredire Freud à cet égard. C’est, à mon sens, que
l’inconscient élargit le concept de négation en étant aussi
constitué de ces autres négations qui dépassent la contra-

32
Texte en date du 5 novembre 2014.
La négation en psychanalyse

diction, y compris la raison forclusive des choses. En cela


le concept de négation prend à son compte la récursivité
de la fonction signifiante, en jouant de littoralité,
d’asphéricité, de dialectique et d’imprédicativité. Je cher-
cherai à le mettre en évidence à partir des négations
freudiennes et j’en développerai la structure sous la forme
des éléments tirés de cette seconde série de négations que
Lacan met en œuvre.33
Au travers de son impact signifiant, aussi
constitutif de l’inconscient, c’est à la création d’un monde
que participe la négation, un monde symbolique (cela
s’entend) mais pas uniquement. La négation participe
parallèlement de ce qui donne substance au sujet, via sa
« métapsychologie » en particulier. Ce n’est donc pas
uniquement d’un monde symbolique qu’il s’agit là, mais
de ce qui s’avère induit comme fonctions, registres et
effets symboliques, eux-mêmes inducteurs au-delà,
extensivement, de ce qui peut s’inventer, toujours à neuf.
Le symbolique se développe ainsi, sans corpus
défini par avance, et dès lors le sujet, l’inconscient, le
monde de même.

33
Voir R.L., La récursivité des négations en psychanalyse. Les négations
lacaniennes, Lysimaque.
La négation en psychanalyse

3.1. La négation

La négation se fonde pour l’essentiel dans la


récursivité fonctionnelle (dite alors discordance) et moins
tant dans l’élimination des choses (dite alors forclusion)
dont ces choses se déterminent.34 De là ― comme
métonymies de cette élimination ― les choses sont elles-
mêmes forclusives vis-à-vis de la discordance. Disons
qu’entre forclusion et discordance, c’est une question
d’équilibre dialectique, lequel peut lâcher au profit de la
forclusion en un déséquilibre qu’on peut dire alors
proprement forclusif.
Certaines négations sont strictement forclusives (la
forclusion elle-même comme rejet, le démenti en ce qu’il
concerne l’échappement récursif, nommé « castration »
par Freud, le renoncement du sujet à tout supplément
objectal venant en suppléance à la discordance), d’autres
négations sont préférentiellement discordantielles
(dénégation, défaillance ou dédit,…). Ainsi la dénégation
littoralise la réversion toujours possible entre positivité et
négativité.
Mais ces négations, sauf peut-être dénégation et
renoncement, sont le fait de l’Autre et non celui du sujet.
La forclusion se rapporte à la prédication, quand la
discordance a trait à l’imprédicativité relative à la

34
Rédigé le 17 février 2012.
La négation en psychanalyse

récursivité. C’est sur cet axe qu’on pourra interpréter tout


mode négatif.

3.2. Dialectique de la négation (2)

La négation rappelle le temps dans le signifiant,


de la discordance qu’elle porte avec elle jusqu’à la
forclusion (définissant l’objet).35 Elle implique le temps
dans le signifiant sous l’impact de l’hypothèse qu’elle
constitue pour en induire un conséquent qui serve
d’appui à démonter (forclore) de façon rétrogrédiente
afin d’en produire une assise antécédente. C’est en quoi
la négation implique le temps dans tout signifiant, le
temps comme signifiance : « c’est justement de ce qui
n’était pas que ce qui se répète procède », pour insister
sur cet adage de Lacan36. Depuis l’inexistence démise de
sa radicalité opère une racine d’absence donnant
existence évidée à toute fonction, de là insaturée. La
forclusion sature la discordance. Et la négation peut
alors sauter le pas de son objectalisation saturant son
évidement, et de son idéal saturant un rapport de non-
existence (« s’il y avait [une autre jouissance] que la
jouissance phallique, il ne faudrait pas que ce soit celle-

35
Rédigé le 21 juillet 2012.
36
J. Lacan, Écrits, p. 43.
La négation en psychanalyse

là »37 et a fortiori la jouissance phallique n’a d’existence


que de cette inexistence). C’est le rejet de ce qui
pourrait être qui implique comme temps ce qui se
répète comme n’étant pas. Une concaténation
d’évidements se présente comme une suite de moments
définissables dans leur différence cependant identifiable.
L’inconscient n’est ainsi que temps intensionnel
et discordance opératoire.

3.3 Littoralité de la négation (2)

Les liens de la discordance à la forclusion sont


littoraux.38 En effet il n’ya a aucune barrière de l’une à
l’autre et seul le devenir des effets de chacune les distingue.
Ainsi la discordance renvoie à l’énonciation et la
forclusion au référent. Les effets de la discordance
correspondent à maintenir la présence du sujet de
l’énonciation dans les énoncés ; comme les effets de la
forclusion visent à rappeler le référent au sein de
l’organisation prédicative des phrases. Mais, dans les deux
cas, et le sujet de l’énonciation et le référent du discours ne
sont donnés que du fait de la mise en jeu de la parole dans
un monde de langage. En quelque sorte seule la copule a
cette valeur de littoral qui opère entre sujet et prédicat,
37
J. Lacan, Encore, texte établi, Seuil, p. 56.
38
Ces trois sous-chapitres sont datés du 1er novembre 2015.
La négation en psychanalyse

discordance et forclusion. Le champ du sujet est ainsi mis


en continuité avec le champ de l’Autre, chacun étant
tributaire de l’autre pour son organisation spécifique.

3.4. Asphéricité de la négation (2)

Cette continuité est aussi celle qui opère entre


discordance et forclusion ; elle est déterminée elle-même
comme discordance entre celles-ci

discordance discordance forclusion

Figure 3.1 : Continuité elle-même discordantielle entre


discordance et forclusion.

C’est dire qu’une coupure qui fait lien rapporte


l’une à l’autre la discordance et la forclusion, mais que
l’effectuation radicale d’une coupure qui fait barrage les
désarticule et renvoie la forclusion à ne rien soutenir
d’autre qu’une position psychosée. C’est que la structure
de la psychose est sphérique, le fait d’une coupure
La négation en psychanalyse

infranchissable. On peut aussi en parler comme rupture de


l’interaction entre discordance et forclusion. Autrement
dit, on peut définir la psychose comme une rupture
survenant au sein de la négation. De là le négativisme
présent dans la psychose.

3.5. Imprédicativité de la négation

L’imprédicativité rapporte ainsi la discordance à la


forclusion. C’est que le substantif portant la forclusion est
comme tel prédicatif et qu’il n’implique d’imprédicativité
qu’à se rapporter à la particule adverbiale discordantielle.
Cette imprédicativité est réversible et seul le ne explétif39,
comme apparemment sans usage (explétif), implique la
récursivité de la signifiance que le discordantiel porte avec
soi : sans signifiance, pas de signifiant, et d’autant moins
pour désigner un objet. Ainsi toute négation porte-t-elle
avec soi un fondement imprédicatif associant discordance
et forclusion, et seul à faire valoir la disparité entre
positivité et négativité.

39
Voir R.L., La récursivité des négations. Les négations lacaniennes,
Lysimaque.

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