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Goubert Jean-Pierre. L'eau et l'expertise sanitaire dans la France du XIXe siècle : le rôle de l'Académie de médecine et des
congrès internationaux d'hygiène. In: Sciences sociales et santé. Volume 3, n°2, 1985. pp. 75-102;
doi : https://doi.org/10.3406/sosan.1985.1006
https://www.persee.fr/doc/sosan_0294-0337_1985_num_3_2_1006
Résumé
Jean-Pierre Goubert : L'eau et l'expertise sanitaire dans la France du XIXe siècle. Le rôle de
l'Académie de Médecine et des congrès internationaux d'hygiène.
Contrairement à une opinion fort répandue, le corps médical n'a pas joué dans la France du XIXe
siècle un rôle décisif dans l'amélioration du niveau sanitaire général. Même après 1890, il ne fit
qu'emboîter le pas lorsque les dirigeants, prenant appui sur les travaux pastoriens et sur les
techniques mises au point durant la première moitié du XIXe siècle, décidèrent de pratiquer une
politique cohérente d'hygiène collective et donc d'intéresser le corps social tout entier à l'amenée et
l'évacuation des eaux publiques. Ingénieurs, techniciens et savants - le plus souvent non médecins -
jouèrent auprès du gouvernement un rôle d'experts es santé publique et contribuèrent à édifier l'«
œuvre hygiénique » de la IIIe République. Dans un pays en pleine mutation, où était pratiquement
absente une organisation interprofessionnelle de la santé publique, le corps médical français- à
quelques exceptions près - perdit ainsi l'occasion, à la différence de pays voisins, de traiter
collectivement « l'amont de la maladie ».
Sciences Sociales et Santé - vol. III - n° 2 - juin 1985
Jean-Pierre Goubert*
Revanche
XIXe siècle,contre
la mairie-lavoir
l'Allemagne.
faitEn
pièce
Haute-Saône
à la place au
de cours
l'Eglise
du;
a) Le paludisme
b) Le choléra
c) La typhoïde
(6) La liste des prix Vernois décernés par l'Académie de Médecine entre
1884 et 1930 et consacrés à l'eau est donnée dans la bibliographie de ma
thèse de doctorat d'Etat, La conquête de Veau (...) Paris-VII, 1984 (ex.
dactylogr.), 1. 1, pp. 45-46, (à paraître chez Robert Laffont). Il en va de
même pour les résumés des séances de l'Académie de Médecine publiés
dans son Bulletin (ibid., 1. 1, pp. 47-67).
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(7) A.-J. Martin, Des épidémies et des maladies transmissibles dans leurs
rapports avec les lois et les règlements, Prix Vernois, 1890.
(8) G. Jourdan, Législation sur les logements insalubres et pouvoir des
maires en matière de salubrité, Prix Vernois, 1892.
L'EAU ET L'EXPERTISE SANITAIRE DANS LA FRANCE DU XIXe 89
(14) La liste des Actes analysés figure dans ma thèse (citée supra, n. 3)
dans le 1. 1, pp. 40-46.
(15) Denoyer, «De l'analyse des eaux potables », Congrès de Paris, 1889.
L'EAU ET L'EXPERTISE SANITAIRE DANS LA FRANCE DU XIXe 93
tiel tant pour les maisons que pour les rues. De cette
position commune découlent alors les normes de technique
sanitaire qu'ils édictent et qui concernent la construction et
l'utilisation des fosses d'aisance. Elles peuvent se résumer
selon trois principes directeurs : d'abord, un tracé simple et
suffisamment pentu des canalisations, afin d'éviter les
coudes et les pentes trop faibles qui ne permettraient pas un
écoulement rapide et continu; ensuite une chasse d'eau à
fonctionnement instantané et dotée d'une quantité
suffisante pour chaque usage (dix litres); enfin les normes
d'équipement : au moins un cabinet par étage dans les
immeubles et un par maison. Dès lors, sur les détails
techniques propres à assurer le bon fonctionnement des W.C., des
fosses mobiles et des fosses fixes, les articles se multiplient :
ainsi, Durand-Claye, continuateur de Belgrand à Paris, en
un an, écrit 14 articles sur les normes d'hygiène relatives aux
fosses fixes et 3 autres sur les fosses mobiles.
Parce qu'ils ne voient qu'abus et lacunes dans un
rapport ethnographique à l'eau et qu'ils paraissent avoir oublié
la notion (symbolique) de pureté qu'ils disjoignent de la
propreté corporelle, nombre de savants et d'ingénieurs
prononcent un discours technocratique sur l'eau. Pour autant,
leur insistance sur la pollution des eaux usées ou souillées,
leur volonté manifeste de les épurer et de s'en servir pour
féconder les terres agricoles par l'épandage marquent
suffisamment que leur discours s'appuie très fortement sur une
vision symbolique de l'eau, dotée par la grâce de la science
d'une nouvelle ambivalence, tantôt mortifère, tantôt
bénéfique, que les nouveaux savoirs distinguent et qu'ils
permettent d'inverser. L'idée de la Téxvrç ressuscite ainsi qui prend
possession de la nature pour la transformer. Et, même s'ils
ne parviennent pas à saisir les ressorts d'une vieille
civilisation agraire, savants et ingénieurs demeurent bien conscients
que leurs projets se heurtent à d'autres façons de vivre et de
mourir, d'habiter, de manger et d'entretenir son corps. C'est
pourquoi certains d'entre eux s'intéressent de si près au rôle
de l'éducation, c'est-à-dire à son pouvoir de transformation
des mœurs.
L'EAU ET L'EXPERTISE SANITAIRE DANS LA FRANCE DU XIXe 101
3) L'enseignement de l'hygiène