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ARISTOTE

TRADUCTIONS ET ÉTUDES

OUSIA DANS LA PHILOSOPHIE GRECQUE


DES ORIGINES À ARISTOTE

Travaux du
Centre d'études aristotéliciennes
de l'Université de Liège

ÉDIlÉS PAR

A. MOTTE et P. SOMVILLE

AVEC LA COLLABORATION DE

M.-A. GAVRAY, A. LEFKA et D. SERON

Ouvrage publié avec le concours


de la Fondation Universitaire de Belgique

ÉDmONS PEETERS

LOUVAIN-LA-NEUVE - PARIS - DUDLEY, MA

2008

uu~vetsidf'!d de Navarra
::'~,::".,"·./i;,. ~ ::0 ~~:' :;iL~~vü~c~s
ARISTOTE
TRADUCTION ET ÉTUDES
COLLECTION DIRIGÉE PAR P. DESTRÉE ET PUBLIÉE PAR LE
LISTE DES AUTEURS
CENTRE DE WULF-MANSION

RECHERCHES DE PHILOSOPHIE ANCIENNE ET MÉDIÉVALE


Richard BODÉÜS, professeur à l'Université de Montréal, Département
À L'INSTITUT SUPÉRIEUR DE PHILOSOPHIE

DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN


de philosophie, CP 6128, succursale AB Centre ville, Montréal
(Québec) H3C 3J7, Canada.
Liliane BODSON, professeur honoraire à l'Université de Liège, Départe-
ment des Sciences de l'Antiquité, 7, place du 20-Août, B-4000 Liège.
Bernard COLLETfE-Dueré, chargé de recherches du FNRS, Université libre
de Bruxelles, Centre de Philosophie Ancienne, CP 175/01,50, ave-
A CIP record for this book is available from the Library of Congress.
nue F. Roosevelt, B-1050 Bruxelles.
Sylvain DELCOMMINETfE, chargé de cours à l'Université libre de Bruxelles,
Département de Philosophie et des Sciences des religions, CP 175/01,
50, avenue F.D. Roosevelt, B-1050 Bruxelles.
Pieter DE LEEMANs, chercheur post-doctoral à la Katholieke Unversiteit
Leuven, Hoger Instituut voor Wijsbegeerte, 2, Kard. Mercierplein,
B-3000 Leuven.
Pieter D'HoINE, chargé de recherches du Fonds de la Recherche Scienti-
fique (Flandre, FWO) à la Katholieke Universiteit Leuven, Hoger
Instituut voor Wijsbegeerte, 2, Kard. Mercierplein, B-3000 Leuven.
Gaëlle FIASSE, professeur adjoint, McGill University, Departmeut of Phi-
losophy, Leacock, 940, 855, Sherbrooke St. W., Montreal (Quebec)
H3A 2T7, Canada.
Marc-Antoine GAVRAY, aspirant du FNRS, Université de Liège, Dépar-
tement de Philosophie, 7, place du 20-Août, B-4000 Liège.
Guy GULDENTOPS, collaborateur scientifique à la Katholieke Universiteit
Leuven et au Thomas-Institut, Uuiversitiitsstrasse, 22, D-50923 KaIn.
Aikaterini LEFKA, chercheur à l'Université de Luxembourg et à la Towson
University (USA), maître de conférences à l'Université de Liège,
ISBN 978-90-429-1983-9 (Peeters Leuven) Département des Sciences de l'Antiqnité, 7, place du 20-Août, B-
ISBN 978-2-87723-996-7 (Peeters France) 4000 Liège.
D. 2007/0602/126 André MOTTE, professeur honoraire à l'Université de Liège, 17, rue des
Épicéas, B-4431 Ans.
© 2008, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven Geert ROSKAM, chargé de recherches du Fonds de la Recherche Scienti-
Tous droits de reproduction, de traduction ou d'adaptation, fique (Flandre, FWO), Department Klassieke Studies, Katholieke
y compris les microfilms, réservés pour tous pays. Universiteit Leuven, 21, Blijde Inkomststraat, B-3000 Leuven.
2 LISTE DES AUTEURS

t Christian RUTTEN, professeur honoraire à l'Université de Liège.


Denis SERON, cherchenr qualifié du FNRS, Université de Liège, Dépar-
tement de Philosophie, 7, place du 20-Août, B-4000 Liège. PRÉFACE
Pierre SOMVILLE, professeur honoraire à l'Université de Liège, Dépar-
tement de Philosophie, 7, place du 20-Août, B-4000 Liège.
Carlos STEEL, professeur à la Katholieke Universiteit Leuven, Roger Suivre à la trace, et à la loupe quand il le faut, les notions principales
Instituut voor Wijsbegeerte, 2, Kard. Mercierplein, B-3000 Leuven. qui ont jalonné les premiers siècles de la philosophie grecque est une
Annick STEVENS, chargée de cours à l'Université de Liège, Département entreprise qui il' épuise certes pas l'étude de cette riche matière, mais qui
de Philosophie, 7, place du 20-Août, B-4000 Liège. peut du moins y contribuer efficacement. Faute de se soumettre à un
Bruno VAN CAMP, chargé de cours à l'Université libre de Bruxelles, Phi- humble et minutieux examen des notions dans le contexte immédiat des
lologie grecque, 50, avenue Fr. Roosevelt, B-1050 Bruxelles. passages où elles affleurent et dans l'évolution que, d'une œuvre et d'un
Gerd V AN RIEL, professeur à la Katholieke Universiteit Leuven, Roger auteur à l'autre, elles peuvent subir, on court souvent le risque de céder
Instituut voor Wijsbegeerte, 2, Kard. Mercierplein, B-3000 Leuven. à des généralisations précipitées, d'ignorer les nuances et les altérations
sémantiques, voire, dans le pire des cas, de prêter aux Anciens des idées
qui leur sont étrangères. Poursuivant les enquêtes qu'il a pu mener à bien
grâce à une large collaboration interuniversitaire, - enquêtes qui ont
porté tout d'abord sur la notion d'àrropta et sur les douze autres mots
étymologiquement apparentés!, puis sur les notions d'dooç, d'!Ma et
de lloP'Pi]2, - notre Centre d'études a donc choisi cette fois de s'atta-
quer à la notion d'aDUta. La métaphore du combat n'est peut-être pas en
l'occurrence déplacée si l'on songe tout d'abord à l'ampleur de la tâche,
- quelque 1600 occurrences du mot nous attendaient, - mais surtout
à l'importance et à la difficulté de cette notion, l'une des plus abstraites
qui se puisse concevoir et dont les ramifications sémantiques sont, comme
on sait, multiples. Il suffit d'évoquer les mots ~< réalité », «existence »,
«essence », « substance» pour percevoir certains enjeux décisifs qu'im-
plique, dans l'histoire de la philosophie occidentale, l'apparition d'une
notion comme celle d'ODUta. Ajoutons que le mot présente dès l'origine
une dualité sémantique qui ne laisse pas de piquer la curiosité; le sens

J A. MOTIE et Chr. RUTIEN (éd.), avec la collaboration de L. BAULOYE et d'A. LEFKA,


Aporia dans la philosophie grecque, des origines à Aristote, Louvain-la-Neuve, Éditions
Peeters, 2001, 457 p. (coll. «Aristote. Traductions et études»). L'ouvrage comporte, en
annexes, trois études surles traductions latines et arabes d'ùnopta.
2 A. MOTIE, Chr. RUTTEN et P. SOMVllLE (éd.), avec la collaboration de L. BAULOYE,
A. LEFKA et A. STEVENS, Philosophie de laforme. Bidos, idea, morphè dans la philosophie
grecque, des origines à Aristote, Louvain-la-Neuve, Éditions Peeters, 2003 (coll. «Aristote.
Traductions et études»). L'ouvrage comporte en outre une étude sur Proclus ainsi que
trois enquêtes sur les traductions latines et arabes. On y trouvera également, p. 1-3, une
brève présentation du Centre d'études aristotéliciennes de l'Université de Liège.
4 PRÉFACE PRÉFACE 5

ontologique, en effet, vient concurrencer le sens, au départ plus courant, connaît son emploi ainsi que les différents domaines auxquels il s' ap-
de « bien de possession ». Il était intéressant de surprendre les premières plique et, dans un bilan final, à marquer compàrativement l'apport ori-
rencontres de l'Avoir et de l'Être sous cette même appellation. C'est ginal des penseurs concernés. Le présent ttavail reste ainsi fidèle à la
l'une des raisons qui nous ont incités à déborder cette fois la littérature méthode philologique mise en œuvre dans les deux ouvrages précédents.
philosophique pour sonder brièvement les œuvres des poètes, des histo- Abstraction faite du premier chapitre qui se présente un peu différem-
riens et des orateurs antérieurs à Platon ainsi que les traités les plus ment eu égard aux matières traitées, les enquêtes dont fait successive-
anciens du corpus hippocratique. En revanche, faute de trouver à nou- ment l'objet chacune des œuvres de Platon et d'Aristote progressent de
veau parmi nous des spécialistes avertis, nous avons dû renoncer à four- la manière suivante. L'indication des éditions et des traductions utilisées
nir, comme par le passé, un aperçu des traductions latines et arabes du est suivie d'un tableau des OCCUlTences (A) et d'observations relatives à
vocabulaire étudié. la grammaire ainsi qu'à l'environnement lexical (B); viennent ensuite la
Ce n'est pas la première fois qu'un travail d'une certaine ampleur est partie maîtresse qu'est l'examen sémantique' (C) ainsi que des conclu-
consacré à la notion d'oûalu, et nombreuses en tout cas sont les études sions (D). Un tableau récapitulatif des OCCUlTences, assorti de premières
partielles qu'elle a déjà suscitées. S'agissant de la littérature antérieure à observations conclusives, clôture l'examen de chacun des deux corpus 5•
Platon et du sens ontologique, la bibliographie est à vrai dire très pauvre, Le bilan général de l'enquête est dressé dans des conclusions finales. Une
comme l'est d'ailleurs aussi le nombre d'occurrences du mot. Il reste bibliographie, qui compte un peu plus de deux cents titres, mais ne pré-
qu'une enquête attentive s'imposait et qu'elle a livré, pour le corpus tend pas à l'exhaustivité, reprend les ouvrages et articles auxquels les
hippocratique en particulier, des résultats non négligeables. Quant aux notes de l'ouvrage font référence sous une forme abrégée. Un premier
études qui traitent de l'ouata chez le fondateur de l'Académie et chez le index dresse, pour chacune des œuvres de Platon et d'Aristote classées
Stagirite, la plupart d'entre elles, tantôt se limitent à une œuvre détermi- dans l'ordre alphabétique, la liste des références au mot ouata. Un
née ou à un groupe d'œuvres, tantôt portent sur un aspect particulier de deuxième index enfin répertorie les mots grecs qui, de façon significative
la notion ou s'appuient sur une sélection de passages. On peut citer, pour ou récurrente, apparaissent dans le champ sémantique d'ouata.
Platon, une étude importante3 qui embrasse bien la totalité des dialogues, On l'aura compris, c'est un instlument de travail aux assises que nous
mais qui resserre l'analyse philosophique autour de quelques grands voudrions solides, mais aux ambitions philosophiquement limitées que
thèmes choisis, ce qui n'est pas, on va le préciser, notre démarche. Il faut nous produisons ici. Le caractère analytique de l'enquête et aussi la
noter enfin que jusqu'ici aucun travail n'avait porté conjointement sur répartition du travail entre un grand nombre de collaborateurs ne permet-
ces deux grands philosophes. Manquait donc encore une étude qui, taient guère d'aller au-delà. Pour faire l'histoire des théories de l'êtte que,
explorant de façon systématique et exhaustive les occurrences d'ouata depuis Parménide, la philosophie grecque a développées, il eût fallu aussi
dans la littérature philosophique des premiers siècles, s'attache à élu-
cider, en partant des contextes, les différentes significations que peut 4 Dans cette rubrique C, référence est faite à toutes les occurrences d'oocriu dans
prendre le mot, à faire apparaître les enrichissements progressifs que l'œuvre analysée, même si chacune d'entre elles n'est pas toujours présentée in textu.
5 L'ordre de présentation des dialogues de Platon suit celui de la collection des Univer-
sités de France (Belles Lettres), ce qui n'implique pas évidemment que nous adhérions
:> R. MARTEN, OUSIA im Denken Platons, Meisenheim, Verlag Anton Hain, 1962. sans réserves au classement chronologique ainsi présumé; les dialogues réputés suspects
L'ouvrage en néerlandais de H. BERGER, Ousia in de dialogen van Plato. Een terminolo- ou apocryphes par cette collection font l'objet d'un bref examen dans l'avant-dernier
gisch onderzoek, Leiden, Brill, 1961, suit une démarche qui se rapproche de la nôtre, mais paragraphe consacré à Platon. À noter qu' OOGiu est absent des neuf œuvres suivantes:
son interprétation philosophique, nettement orientée, dépasse nos ambitions. Pour Aris~ Hippias mineur, Alcibiade, Apologie, Criton, Lysis, Lachès, Ion, Ménéxène et Euthydème.
tote, nous ne connaissons pas d'étude couvrant tous les traités. Notre travail était déjà bou- Panni les traités d'Aristote, - la présentation suit ici un ordre traditionnel: philosophie
clé lorsqu'est sorti de presse cet ouvrage collectif dont plusieurs contributions concernent, spéculative, philosophie de l'agir et philosophie du faire, - seul le traité Histoire des ani-
en tout ou en partie, la notion d'oùcriu: M. NARCY et A. TORDESILLAS (éd.), La «Méta- maux, le plus long cependant du corpus, ne contient pas d'occurrence d'oùcrîa; les œuvres
physique» d'Aristote. Perspectives contemporaines, Paris - Bruxelles, Vrin - Éditions tenues généralement pour inauthentiques n'ont pas été examinées, à l'exception des
Ousia, 2005. ' Magna moralia dont l'étude accompagne celle des deux autres traités d'éthique.
6 PRÉFACE PRÉFACE 7

étendre la recherche aux autres mots qui expriment cette notion, comme Une moira bien funeste plane sur notre Centre. Pour la troisième fois
'to EÎvut, -ro 5v, 'tà ov'tu, ainsi qu'à d'autres notions connexes. Nous consécutive, c'est par l'annonce du décès d'un collaborateur survenu
avons prêté attention à ce vocabulaire, mais uniquement lorsqu'il voisi- durant les préparatifs de l'édition qu'il nous faut clôturer cette préface.
nait avec ooala. Notre étude en appelle donc d'antres et n'entend pas Après nos collègues O. Ballériaux, en 1998, et J. Follon, en 2003, c'est
non plus remplacer celles qui existent déjà. le président d'honneur et fondateur de notre Centre d'études aristotéli-
Dès lors qu'il s'imposait de garantir à chacun la plus grande liberté ciennes, le professeur Christian Rutten, qui nous a quittés. Il est décédé,
d'expression, il était inévitable qu'apparaissent certaines différences dans inopinément, le 21 juin 2005, âgé de 74 ans. Quelques semaines aupa-
la manière de mener l'enquête, voire des divergences d'interprétation. ravant, il avait été tout heureux de pouvoir nous remettre la version
Nous n'avons pas cherché à les réduire à tout prix ni à les masquer. C'est définitive, revue et corrigée, de sa contribution au présent volume et, la
ainsi, par exemple, que les auteurs n'adoptent pas toujours les mêmes veille de son départ, il travaillait encore, pour la collection de la Pléiade,
traductions du mot ooala. À ce propos, il convient cependant de rap- à sa traduction de la Métaphysique, son livre de chevet favori depuis de
peler que l'exégète n'est pas ici dans la position du traducteur d'une nombreuses années. Animé d'un zèle scmpuleux, il donnait aussi beau-
œuvre continue, à qui est refusée la possibilité de justifier constamment coup de son temps à la direction de l'édition complète des œuvres d'Aris-
sa façon de traduire. L'important pour nous était de distinguer et de pré- tote dans cette collection, responsabilité qu'il partageait avec Jean Pépin,
ciser les sens que peut prendre le mot dans les contextes différents où disparu lui aussi quelques semaines plus tard.
il apparait. Au total, on peut dire que les contributions manifestent une Lorsque fut inauguré notre Centre d'études, plusieurs d'entre nous
large convergence, comme le montrent les conclusions générales dont s'en souviennent, Christian Rutten en avait défini le programme en
Annick Stevens a accepté la tâche délicate. ces tenues, sans rire, mais non point sans humour: «refaire le Bonitz ».
C'est un agréable devoir, pour le président actuel du Centre, Pierre Sans doute était-ce là une manière de signifier l'exceptionnelle longé-
Somville, et pour moi-même, de dire nos remerciements les plus vifs à vité dont il rêvait pour le nouveau-né. À l'époque déjà, il avait jeté en
tous nos collaborateurs, à ceux de la première heure et aussi, tout parti- pâture le mot oùcrta pour nourrir les premières enquêtes communes,
culièrement, à ceux qui ont accepté, parfois à brûle-pourpoint, de nous mais d'aucuns s'étaient récriés en implorant un rodage préalable. L'his-
dépanner en chemin. Commencé à la fin de l'année 2003, l'achèvement toire a montré que notre président-fondateur avait quelque suite dans les
de ce travail et la préparation de son édition ont connu, en effet, quelques idées. Pour que vive la mémoire de cet aristotélisant de haut vol, doublé
vicissitudes. La publication des œuvres collectives imposent souvent à d'un aristotélicien fervent, c'était donc simple justice que, dans la peine
leurs auteurs l'épreuve d'une trop longue patience. Ce fut le cas cette fois- et la reconnaissance, nous lui dédicacions ce volume.
ci et nous nous en excusons auprès d'eux. li reste que les contacts que ce
travail a pelmis ont été enrichissants et que seront vite oubliés les désagré- André MOTrE
ments endurés s'il s'avère que les enquêtes ici proposées peuvent rendre pro-président du Centre
quelque service. Nous voulons remercier aussi notre collègue Pierre Des-
trée, directeur de la collection qui accueille l'ouvrage, ainsi que le direc-
teur du Centre informatique de Philosophie et Lettres, Gérald Purnelle,
pour l'aide précieuse que, de fort bonne grâce, il a continué de nous appor-
ter. Vive est aussi notre gratitude à l'égard de la Fondation Universitaire
pour l'important subside octroyé en vue de la publication de cet ouvrage.

*
* *
NOTE INTRODUCTIVE
L'AVOIR ET L'ÊTRE: POUR UNE APPROCHE DE L'OTIIA

Pierre SOMVILLE

Avec une pensée pour Gabriel MarceL ..

Il est peu probable qu'un même mot ait pu recouvrir, sans relation
aucune, des sens aussi apparemment contradictoires que ceux qu'on nous
propose: 1) «le bien, la fortune », c'est-à-dire ce que l'on possède et
dont on peut disposer et 2) le « simple fait d'être », c'est-à-dire la dispo-
sition à s'ouvrir ainsi à toutes les subtilités de la définition. Pour avoir lié
Pythô au pourrissement et Délos à la naissance d'Apollon l , dieu de
clarté, les Grecs n'ont jamais dû croire vrairuent que l'homonymie soit
accidentelle. On pourrait multiplier les exemples. Ainsi en va-t-il sans
doute de l'oùata non moins liée à l'être qu'à l'avoir. Il est d'ailleurs peu
crédible que nos catégories factices de sens premier et de sens dérivé, de
sens matériel et de sens figuré gardent en l'occurrence quelque autorité
encore.
Tâchons cependant de voir comment le vocable s'est formé: il s'agit
d'un nom à consonance abstraite et du genre féminin. Le participe pré-
sent du verbe « être» en semble bien la matIice, substantivée en vue de
désigner un état plutôt qu'un mode transitoire. Le mot tend à stabiliser
ce que le participe seul aurait gardé de purement passager, d'intermé-
diaire, d'indéfini, voire d'occasionnel. Je n'en dirais pas autant du neutre
singulier ou surtout pluriel, mais au féminin il attend, de l'amont ou vers
l'aval, son déterminant, sans quoi il est proprement insignifiant. Le terme

J Homonymie signalée dès l'Hymne «homérique» à Apollon, les mêmes phonèmes

nu8œ!l1u8ffi dénommant le site et l'action de pourrir, comme fera le'monstre tellurique


mis à mort par le dieu. Par ailleurs, le nom de l'île est l'adjectif oflÀoç qui signifie
« clair» au masculin et le terme oEÂcpiç désigne comme adjectif féminin la «terre de
Delphes» et, comme substantif, le dauphin. Même homonymie pour rÀauKoç qui désigne,
au génitif, la chouette et, en tant qu'adjectif, la couleur de l'olive. Enfin, ,!,ux1Î, en plus
de l'âme, représente cette phalène en quoi les Grecs se sont obstinément refusés à voir
la vraie image de l'âme". Voir à ce propos mes Études grecques, p. 105-107, «Jeux de
mots et sens du sacré» et p. 69-71 « Croyances grecques et mexicaines».
10 PIERRE SOMVILLE NOTE INTRODUCTIVE 11

o6aa, en tant que tel et pris isolément, ne veut rien dire. Celui d'oilata, utilisé en marine et désignant un étai, ou étançon, étymologiquement lié,
en revanche, pointe précisément ce qui permet de dire, d'énoncer, d'ar- de plus, au verbe stare 4 Dès lors, que faire? Comment le rendre en fran-
gumenter, de définir. li exprime cet a priori ontique sans lequel ne peut çais contemporain, sans en trahir « l'essence » ? Si l'on dit fond( s) ou
se déployer aucnn discours philosophique: il ne dit pas ce qn'est une fondement, selon les cas, on perd la connotation ontologique, si fonda-
chose, mais ce sans quoi elle n'en serait pas une. li est le Grund, le mentale pourtant. .. Le terme essence pris en son sens premier, et assorti
fond ... et le fonds! Bref, son sens est foncier. d'nue brève note explicative, serait sans doute, le moindre mal.
Plus fruste et plus synthétique, le latin ne distingue pas les geures au Dans le contexte économique, le même a priori ontologique, et non
singulier du participe. La forme ens n'est d'ailleurs pas attestée, encore moins réel, nous obligera à assumer un autre risque: celui de matériali-
que César l'aurait «proposée », par analogie avec potens ... 2 • ser outrancièrement ce qui, à l'origine, se présentait comme une dispo-
Pour ce qui est de l' oilata que les Romains cherchent à transposer nibilité ... Il est vrai que dire « le bien », au singulier, garde cette liche
dans leur langue, nous apprenons, par Sénèque, que Cicéron, dans un équivoque, non sans infléchir nolens valens vers un parasitage éthique
passage perdu, aurait suggéré le beau décalque essentia, tiré sans doute qui, au plan dn vocabulaire, pourrait être des plus malvenns. On le voit,
d'une hypothétique forme archaïque du participe d'esse. C'est d'ailleurs le métier est difficile: c'est qu'il faut s'y résoudre toujours à devenir, un
à cette belle invention verbale que se rallie le correspondant de Lucilius. peu, traditore ... Mais le philosophe, - qui se doit de retourner sans
La signification en serait donc, pour lui, clairement ontologique. cesse au texte original et pour qui la traduction n'en sera jamais qu'une
Voici ce passage : béquille, - gardera bien à l'esprit la grande règle de l'unité sémantique,
{( Non celabo te: cupia, si fieri potest, propitiis aurihus tuis essentiam quitte à en moduler l'une ou l'autre harmonique selon le ton ou la gamme.
dicere ... Quid enim fiet, mi Lucili ? Quomodo dicetur ovaia res necessaria, Car il est bon que le « berger de l'Être» soit aussi quelque peu musicien
natura continens fundamentum omnium? » et rien n'empêche qu'il soit, en l'occurrence, unpastorfido.
« Je ne te le cacherai pas : je désire, si faire se peut, que tu entendes ce mot Ainsi l'énoncé de ces deux auxiliaires verbaux, apparemment contra-
essentia d'une oreille favorable ... Comment faire, mon cher Lucilius ? Com- dictoires (être et avoir), qui nous a servi de lemme doit finalement se
ment appeler autrement cette indispensable réalité, ce donné où se concentre transformer en nue sorte d'oxymore ou d'hendiadys, dont les deux termes
le fondement de toute chose3 ? »
sont subsumés par l'entité supposée qui les gouverne: Dasein dans l'un
Un accessit, donc, pour Sénèque, encore qu'il faille sans doute se et l'autre cas, préalable à toute utilisation, et même à tout usage, dans
déprendre du donble décalque qui donnerait le français « essence ». Si la l'économie du discours comme dans le discours économique. Car il
signification première en reste liée à l'être, comme le suggère Littré, soit. n'est pas d'échange sans monnaie d'échange, sans bien disponible et
N'oublions cependant pas que le terme est grevé de lourdes équivoques, donc «monnayable », de même qu'il n'est pas d'ontologie ou de méta-
depuis saint Thomas et la Scolastique jusqu'à l'existentialisme de Sartre physique qui vaille sans cet a priori de la présence.
où ne cessent, sinon de s'opposer, du moins de se démarquer l'une de Le mot res en latin, si fondamental égaiementS relève du même ordre:
l'autre, de ente et essentia, ~~ l'essence et l'existence ». «Étance» n'est celui du donné, du présent-sous-la-main, sous l'œil et sous l'esprit, - dont
pas meilleur, malgré la belle trouvaille, car c'est un terme technique déjà
4 J'emprunte, avec son accord, ses judicieuses remarques linguistiques à notre regretté
2 CABS., Anal., fr. 28 [Fumaroli] apud Priscianum [Keil, III, 239J : «Caesar non incon- collègue Christian Rutten. De plus, je m'en autorise pour rejeter le terme substantia, sub-
grue protulit ens a verbo sum, es ... quomodo a uerbo possum, potes ... patens ». tilement analysé par Jean-François Courtine dans ses emplois cicéroniens, stoïciens et
3 Ad Lucil., 58, 6. Le terme essentia dans ce passage est, il est vrai, restitué par une cor- limitrophes du Haut Moyen Âge chez Boèce ou Victorinus (<< Note complémentaire
rection (palmaire 7) de l'humaniste Muret. Les mss. donnent, en effet, la formule banalisée pour l'histoire du vocabulaire de l'être », p. 33-87).
quid sentiam à laquelle ne s'opposent ni le sens, ni la syntaxe, mais que la suite immédiate 5 On relira à ce propos les profondes remarques de Théodor Hecker (Virgile, père
du texte rend caduque: «Ciceronem auctorem huius uerbi habeo ... ». C'est moi qui souligne. de l'Occident, p. 159 et sq.) où il rapproche avec brio de la res latine d'autres termes
Voir aussi, pour une même assimilation, Quintilien (II, 14,2) où il se réfère à un certain issus de différentes cultures et non moins lestés de connotations métaphysiques: le
Plautus (inconnu ?) et Apulée (De Platane, 193): « ... oùcrlaç, quas essentias dicimus ». sense anglais et le Wesen allemand, parmi d'autres ...
12 PIERRE SOMVILLE

il appartiendra à un Lucrèce de nous dire la natura, c'est-à-dire la défi-


nition en tant qu'être, autrement dit l'essence.
Débrouillons enfin l'écheveau. Antérieure à toute distinction, l' aDala
serait donc l'expression de cette présence ontologique première qui per-
mettra de définir l'être (ou l'étant) dans la visée d'en formuler l'essence.
Ce dernier terme français ne souffrirait plus, dès lors, que d'un léger effet
de décalage chronologique daas son rendu de ce terme fondateur de la
démarche métaphysique considérée comme un bien inhérent à l'humaine
condition. Au point de jonction de l 'homme et du monde, le perçu de
l'être est bien un avoir, et réciproquement, le donné dont on dispose
ouvre désormais l'accès aux clairières que l'on sait.

CHAPITREr

APERÇU DES EMPLOIS D'OYLIA DANS


LA LITTÉRATURE ANTÉRIEURE À PLATON

Sommaire
§ 1. Poètes, historiens, orateurs
§2. Les philosophes préclassiques
§3. La collection hippocratique
§4. Bilan
§1. POÈTES, HISTORIENS, ORATEURSI

AndréMOTIE

A, DONNÉES QUANTITATIVES

Dans cette vaste littérature, oùcria n'est attesté qu'à partir du v e siècle,
chez uue douzaine d'auteurs antérieurs à Platon ou qui peuvent avoir
publié avant lui, Les occurrences passées en revue sont au nombre de
201. En voici le relevé:
Poètes'. SOPHOCLE (né c. 490) : 1 occ. 3 ; EURIPIDE (né c. 480) : 5 occ.4 ; ARIS-
TOPHANE (né c. 450) : 5 occ. 5 ; EUPOLIS (né c. 445) : 1 oce 6
Historiens7 HÉRODOTE (né c. 480) : 4 occ. 8 ; THuCYDIDE (né c. 460) : 3 occ 9 ;
XÉNOPHON (né c. 430) : 8 occ. 1O
Orateurs. ANTIPHON DE RHAMNONTE (né c. 480) : 2 occ l l ; LYSIAS (né c. 440) :
53 occ. l2 ; ANDOCIDE (né c. 440) : 6 OCC13 ; ISOCRATE (né en 436) : 45 occ. 14 ;
lSÉE (né c. 420) : 68 occ. 15

1 Le repérage des occurrences a été effectué grâce au CDRom TLG et a été vérifié,
quand c'était possible, à l'aide des lexiques.
2 La fin d'un vers, conservé sur un papyrus très mutilé (fr. la, col. 2, 1. 19 Page),
de la poétesse Corirme de Tanagra (elle pourrait bien être du Ve siècle, mais l'incertitude
subsiste) porte les lettres oumaç, qui sont sans doute la tenninaison d'un mot composé;
on ne dispose pas de contexte.
3 Trach., 911 ; le mot Où(JictÇ que portent les manuscrits ne donne pas un sens satisfai-
sant et a été corrigé en otKîaç par Pearson (Oxford, 1924), suivi notamment par A. Dain
(CUF). Reiske a proposé quant à lui ta'tiaç et Dawe 8uaiaç.
4 Hél., 1253; Héraclès, 337; Ion, 1288; fr. 354 Nauck (= fr. 8 Jouan-Van Looy);
fr. 953, 1. 30 Nauck.
5 Eccl., 729, 811, 855; Ploutos, 754, 829.
6 Fr. 216 Kock (= fr. 233 Kassel-Austin). Dans le fr. 24, 1. 1 K. (= 26 K.-A.), on ren-
contre aussi le mot oûaia, mais il s'agit d'une glose, de surcroît corrigée par les éditeurs,
et non d'une citation textuelle.
7 À partir du polygraphe Xénophon, on ne peut plus parler évidemment de «littérature
antérieure à Platon », lequel est né, comme on sait, en 428/427. Ont été retenus ensuite
les cinq orateurs attiques les plus anciens, nés au ve siècle et dont les deux derniers sont
également proches de la génération à laquelle appartient Platon.
s J, 92, 15 et 22; VI, 86, 26; VII, 28, 4 (on trouve ici l'ionien oûcrîn).
9 l, 121, 3 : VI, 9, 2 et 15, 3.
10 HelZ., V, 2, 7 ; Cyr., VlII, 4, 25 (2 DCC.) et 32; Cyn., 2, 1 et 13, 11 ; Mém., Il, 8, 3 ;
Const. Ath., 2, 16 (œuvre sans doute apocryphe).
16 ANDRÉ MOITE §1. POÈTES, HISTORIENS, ORATEURS 17

B. OBSERVATIONS SÉMANTIQUES qne l'on possède en propre et que l'on a acquis par héritage, par activité
personnelle, par don, par spoliation de l'ennemi ou encore par décision
• À deux exceptions près, qui donneront lieu ci-dessous à un examen judiciaire. Oùaia ne signifie donc pas la notion de propriété au sens
détaillé, toutes les occurreuces relevées véhiculent, sans équivoque pos- abstrait de « droit de disposer et d'user d'une chose », ni la notion de
sible, la signification économiqne d'oùaia. Selon les contextes et au possession (le fait même de posséder) ni celle d'appartenance (le fait
gré des traducteurs, le mot, presque toujours au singulier 16, reçoit de d'appartenir à quelqu'un).
nombreuses traductions: bien(s), fortune, avoir, patrimoine, richesse, Le mot n'est sans doute pas appam avant la seconde moitié du V' siècle
ressources, moyens, argent, somme, possession, propriété, actif, etc. Le et est pen répandu au départ. li est manifeste que ce sont les orateurs
mot a toujours une signification concrète; il désigne des biens matériels qui ont contribué à diffuser très largement son emploi dans un sens éco-
nomique. On n'en est d'ailleurs pas étonné, tant il est souvent question,
11 Suivant l'édition de L. GERNET (CUF, 1923), TI (Prem. Tétral.), 9, 1. 4 (p. 58) et 12,
dans les procès judiciaires, de fortune héritée, léguée, possédée, dissimu-
1 8 (p. 59). Cet Antiphon subit la peine de mort après les événements de 411. Sous son lée, surévaluée, mal acquise, réduite, perdue, dilapidée, arrachée, confis-
nom ont été transmis six discours qu'on ne peut dater avec précision. Circonstance aggra- quée, restituée. À noter une distinction, qui affleure plusieurs fois l7 , entre
vante, l'authenticité de trois d'entre eux, les tétralogies (la première est la seule œuvre qui
atteste l'emploi d'oùcrla par Antiphon), est contestée par plusieurs spécialistes, dont
les richesses apparentes (rpavepà oùaia), comme le sont les terrains et
L. Oernet. Il faudrait donc compter avec un pseudo-Antiphon, dont par ailleurs on ne sait les immeubles, et les richesses cachées (àrpavi), oùaiu), comme peuvent
rien; cet éditeur pense qu'il était à peu près contemporain du «vrai» Antiphon. Un par- l'être l'argent et les choses précieuses 18 •
tisan de l'authenticité (M. GAGARIN, The Oxford Classical Dictionary, s.v. Antiphon (1),
p. 111) estime que les Tétralogies sont les premières œuvres de cet orateur. li faut rappe-
Tant s'en faut que l'étude de ce mot dans sa signification économique
ler enfin que certains modernes considèrent qu' Antiphon de Rhanmonte et Antiphon le soit dépourvue d'intérêt!9. Mais c'est à la signification ontologique que
sophiste (cf. infra, §2, p. 6) sont le même personnage; ce n'est pas l'avis de L. Gernet s'attache principalement notre enquête. De ce point de vue, deux textes
qui, à la fin de son édition des œuvres d'Antiphon de Rhamnonte, publie aussi les frag-
ments d' Antiphon le sophiste.
méritent l'attention.
12 Suivant l'édition de L. GERNET - M. BIZOS (CUF, 2 vol., 1924-1928), le second
chiffre arabe indiquant la ligne: ID, 24, 2; 38,7. VI. 31, 2. vn, 3, 4; 25,3; 32,2. xn,
• Un des deux fragments du poète comiqne Eupolis fait nsage, semble-
20,2. XIll, 47, 2, XVI, 10, 1. xvn, 6, 5, XVID, 1,4; 6,4; 17,3; 26,4, XIX, 11, 3; t-il, du mot oùaia dans un sens élargi;
29,2; 34,4; 45,5; 46, 6; 47, 5; 52,6; 62,7. XX, 23, 3; 33,2. XXI, 13, 5; 17.2;
22,2. XXIV, 11,4; 24, 3. XXV, 26, 3, XXVI, 22, 3, XXVIlI, 2, 5. XXIX, 2, 5 ; 4, 1 ; ôç "IV Mupu8mvl KUtÉÀ"P' f]f.ÙV oiJ<riav (fr. 233 Kassel-Austin).
9,3; 11,8. XXXI, 6, 5 ; 12,3; 14,6. XXXII, 4, 3 ; 13, 10; 18.6; 23,9, XXXIV, 3, 1.
Fragments (t. II) : p. 252, l, l, 10; p. 266, xxn, 1. 3 et 7; p. 269, XXIV, 2, 2 et 4; Ce doit être le héros de Marathon, Miltiade, qui est l'antécédent du
p. 275, XXXVIlI, 5, 3 ; XXXIX, 6, 1. 246 et p. 276, 1. 266; p. 281. 8, 2. pronom relatif 0,. Le verbe Ku·raÀ.8Înro est employé fréquemment,
13 Suivant l'édition de G. DALMEYDA (CUF, 1930) : l, 74, 3 ; 118,2; 137,9. N, 15,
notamment par les orateuTs20 , dans le sens de « laisser en héritage». On
5; 26,2; 31,9.
14 Suivant 1'édition de G. MATHIEU - É. BRÉMoND (CUF, 4 vol., 1928-1962): Orat. l,
peut traduire :
2,6; 19,7; 28,4; 42, 4. IV, 105,4. VI, 63, 5 ; 67, 5. vn, 32, 4; 35,2. VIII, 13, 11 ;
« celui qui, à Marathon, nous a légué la prospérité. »
82,8; 128.5. XIV, 22, 2; 35,3. XV, 154, 7 ; 157,2 et 7; 159,6. XVI, 46, 3 et 6, XVlI,
1,4; 45, 6; 56,4, XVIII. 3. 7 ; 35,8; 48, 2; 62,7; 63,6. XIX, 3. 3 ; 5,2 et 6; 7,2;
12,4; 17,7; 18,3; 20,7; 32,4; 44.7. XX. 15, 1 ; 17,1; 20,6. Epist. VII, 8, 5. VID,
3, 6. IX, 9. 8. 17 Par ex. : LYSIAS, XXXII, 4, 3 ; fI'. XXIV, 2, 2 et 4.
15 Suivant l'édition de P. ROUSSEL (CUF, 1922) : l,l, 3 ; 10,5; 12,6; 16,5; 22,5; 18 On lira avec profit à ce propos la communication de L. GERNET, «Choses visibles
24,2; 28,3; 33,4; 34,8; 35,4; 40.2; 46,4. n, 42, 4; 62, 9; 65,6; 74,6; 80,5. et choses invisibles», p. 79-96, qui montre notamment que cette opposition fonctionne
IV, 3, 7; 7, 6; 20,2; 21,7. V, 36, 7; 37,2; 39,4; 47,2. VI, 18, 3 ; 30,3; 35,6; 36, dans le droit et aussi en philosophie.
6; 37,7; 38,3 et 7; 43, 2; 60, 1 ; 63,6. VII, 1,6; 5,3; 7,7; 9, 3 ; 14,3; 19,8; 27, 19 On trouvera des remarques intéressantes dans l'étude de R. HIRZEL, {( Oùcrl.a »,
4; 33,6, VllI, 35, 1; 37, 10; 40, 5; 42, 2; 43, 2. IX, 7. 8; 32,4; 34,9. X, 17,4; 25, p. 42-64 ; l'auteur y parcourt d'un pas rapide l'ensemble de la littérature grecque, des
4. XI, 37. 3 ; 39,6; 40, 1 et 7; 41,2; 42, 2; 44, 1; 45, 3 ; 47, l, 5 et 8 ; 48,4; 49, 5 ; origines à l'époque byzantine, prenant en compte les deux significations principales, éco-
50, 7. Fragment: p. 222, III, 1, 4. , nomique et ontologique, du mot.
16 Quelques précisions seront apportées à ce propos dans le §4. «Bilan ». 20 Par ex. : ISÉE, VIT (Apoll.), 5, 3.
18 ANDRÉ MOTTE §1. POÈTES, HISTORIENS, ORATEURS 19

Sauf à supposer un effet comique qui nous échapperait, il est difficile Ion. - Et tu m'empoisonnais, moi qui lui suis voué (ËKUtveç cpapl..ulKOlÇ
de ne reconnaître que des biens purement matériels dans cette oOrria qu'a tOV tOÛ geoû) !
léguée aux Athéniens la victoire de Marathon2l • Mais, faute de contexte, Créuse. - Tu n'étais plus à lui, tu étais à ton père CAÀÂ: OÙK' ~O'ea
il est difficile aussi de préciser à quelle richesse l'auteur pensait préci- Aol;iou, 'tatpàç 08 crou).
Ion. - Je suis né de mon père! mais j'étais bien au dieu CAÎvÎv' È'YEVO-
sément en évoquant cet héritage. La prospérité de la cité au sens le plus l'Bea 1tUtpOS' oumav Âtym (v. 1288).
large du terme? La gloire immortelle d'un peuple? Ou, plus fondamen- Créuse. - Tu l'étais, soit, tu ne l'es plus22 , j'ai pris ta place (OÙKOÛV 't-o-r'
talement encore, le fait d'être toujours là, glorieuse et prospère, de pou- ~rrea' vùv 0' sy"" crû 0' oUK8n). (vers 1282-1289)
voir persister dans ce qu'elle est? Cette dernière interprétation confére- La traduction est de H. Grégoire (CUF), et c'est lui qui souligne les
rait au mot oorria une signification quasi ontologique que l'on découvre mots « né » et « étais». Dans une note, il justifie de la manière suivante
plus sûrement dans un passage d'une œuvre tragique. sa façon de traduire :
• Euripide (Ion, 1288) emploie une fois le mot oorria dans un sens abs- «Littéralement: "Non, je suis né de mon père, (mais) je parle d'apparte-
trait, de portée ontologique, qui, de toute évidence, ne concerne plus un nance" ; ou encore: "je parle d'être (et non de naître)" ».
avoir matériel. Pour bien saisir le passage, il est indispensable de prendre C'est cette dernière interprétation, semble-t-il, qu'il convient de retenir.
connaissance du contexte. Ion n'oppose pas ici son « appartenance »23 à sa «naissance» ; celle-ci,
Représentée pour la première fois après 420, peut-être en 413, cette en effet, implique bien, elle aussi, une appartenance, celle du lien de
pièce fait d'Ion, héros éponyme des Ioniens, le fils du dieu Apollon et filiation, que Créuse s'est empressée d'ailleurs de mettre en avant: «Tu
d'une princesse athénienne, Créuse. Exposé par sa mère dans une grotte n'étais plus à Apollon, tu étais à ton père ». Le jeune homme n'entend
de l'Acropole, l'enfant a été sauvé par Hermès, à la demande de son pas nier ce lien de naissance, mais il conteste la primauté que la princesse
frère, et emmené dans le sanctuaire de Delphes où, élevé par la Pythie, athénienne lui accorde. C'est que, pour mettre en balance ses deux appar-
il a grandi dans l'ignorance complète de sa double parenté. Le vers qui tenances, il prend pour critère son oùaia, c'est-à-dire ce qui lui est
nous intéresse figure au début d'une scène finale qui fait se rencontrer propre, ce qu'il est vraiment et qu'il veut continuer d'être. Or, de ce
Ion et Créuse, venue au sanctuaire en compagnie de son mari Xauthos ~ point de vue, ce qu'il doit à son père humain, qu'hier encore il ne
afin de solliciter du dieu une descendance. Or, par un pieux mensonge, connaissait pas, est à ses yeux d'une médiocre importance, d'autant que
l'oracle d'Apollon a fait croire au mari qu'Ion était son fils, né d'une sa naissance, il vient de l'apprendre aussi, a été tout accidentelle et bien
inconnue. Apprenant cette infidélité, lourde de conséquences pour la peu glorieuse: elle est celle d'un bâtard. Au contraire, la relation intime
succession royale à Athènes, son épouse conçoit le dessein d' empoison- qu'il entretient avec Apollon depuis son plus jeune âge a vraiment fait de
ner cet enfant gênant. Le projet ayant été éventé, Ion, prêtre et gardien lui ce qu'il est aujourd'hui: son existence est entièrement et à tout jamais
du temple, a mission d'arrêter l'étrangère et se dit même disposé à
l'exécuter. L'entretien s'ouvre donc, avant que n'intervienne bientôt
22 L'argumentation sous-entendue de Créuse semble être la suivante: Ion était bien
l'heureuse reconnaissance de l'identité de chacun, dans un climat de vive jusqu'ici voué au dieu, mais, reconnu à présent comme le fils de Xouthos, - lequel
hostilité: accepte de devenir roi d'Athènes parce qu'il a désormais un héritier, - il est lui-même
destiné à la fonction royale et se trouve ainsi dégagé des liens privilégiés qui l'unissent à
Créuse. - Je t'interdis de me tuer: et je te parle, en mon nom, comme au Apollon. Mais le jeune homme n'entend nullement céder à ce nouveau destin.
nom du dieu qui me protège. 23 Marie Delcourt, pour sa part (Euripide. Tragédies complètes, p. 682) traduit très laco-
Ion. - Qu'y a-t-il de commun entre Phoibos et toi? niquement: «Fils de mon père, propriété du dieu! » (v. 1288). Cette traduction souffre
Créuse. - Je consacre mon corps et le donne à ce dieu. la même objection que la traduction par « appartenance» : un fils est aussi, de quelque
manière, «propriété» de son père. À noter que J. DIGGLE (Euripidis fabulae, t. II, 1981,
p. 359) considère que le vers 1288 est corrompu et signale les conjectures de Seidler (nœrpoç
à1toueriav Âi,yro) et de Kirchhoff (nœtpoç ànoucriat Â.6ycp). Mais pourquoi corriger le texte
21 C'est aussi l'avis de HIRZEL, «Oùcriu », p. 51. des manuscrits si oùeria, comme je m'efforce de le montrer, donne un sens satisfaisant?
20 ANDRÉ MOTTE

vouée au dieu, dans son temple24 , Je traduirais donc comme suit le vers
1288 :
§2. LES PHILOSOPHES PRÉCLASSIQUES'
«Nous naissons d'un père, il est vrai, mais c'est de mon être propre que je
veux parler. »
André MOTTE
Aussitôt après la réplique de Créuse, laquelle n'a pas saisi ou n'a pas
voulu saisir la profondeur de l'engagement du jeune prêtre et prétend le
remplacer au pied levé, Ion lui reproche d'avoir enfreint la piété, alors
Édition de référence
qu'il n'a quant à lui aucun reproche à se faire sous ce rapport:
H. DIELS et W. KRANZ, Die Fragmente der Vorsokratiker, Dublin-Zurich, Weid-
OÙK EÙ"E~ElÇ yB· "'flà 0' BÙ"B~ii ,6,' ~v (vers 1290).
rnann, 3 vol., 1960-1961.
« Tu ne respectes pas la piété, alors que mon comportement, en cette cir-
constance, était bien celui d'un homme pieux. »
Traduction
Ion place ainsi son oûcrta sous le signe de la piété. Relativement à ce J.-P. DUMONT, Les Présocratiques, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade),
qu'il est vraiment, c'est Apollon qui est son véritable père. 1988. Sauf pour les deux fragments textuels qui seront cités, nous avons uti-
On a bien affaire, dans ce vers d'Euripide, à un sens nouveau que lisé les traductions de cet auteur.
prend oûcrta : c'est la richesse intérieure d'un homme, son être profond
et non plus une simple possession matérielle. Le poète a-t-il anticipé lui-
même cette signification « ontologique » du mot ou s'inspire-t-il d'une A. DONNÉES QUANTITATIVES
opposition déjà mise en œuvre par des philosophes de son temps entre
les notions d'être et de génération, entre ce qui relève de la contingence Sub verbo oÎlcrta, l'index de W. Kranz s'est avéré très sélectif: il ne
et du changeant et ce qui porte la marque de l'essentiel et du perma- renvoie qu'à une vingtaine de textes. La consultation du CDRom TLG a
nent? Le fait qu'Euripide, le plus philosophe des trois grands tragiques, ~ permis de relever une trentaine de passages supplémentaires. Au total,
soit coutumier de ce geure d'emprunt invite à tout le moins à poser la compte tenu de la répétition du mot dans certains passages, une septan-
question. taine d'occurrences ont été examinées. Dans cet ensemble, on ne compte
Parmi les quelque deux cents occurrences d'oûcrta qui ont été exami- cependant que deux fragments textuels. Encore leur authenticité n'est-
nées, ce sont donc là les deux seuls emplois, - le second plus nettement elle pas assurée; il s'agit d'un fragment atttibué à Démocrite, qui atteste
que le premier, - s'écartant du sens économique et concret qui est en l'emploi du mot oÎlcrta dans le sens économique courant, et d'un frag-
passe de devenir courant, dans la langue judiciaire tout particulièrement. ment imputé à Philolaos, qui use du mot dans un sens typiquement philo-
Mais qu'en est-il de l'usage que les philosophes eux-mêmes ont fait de sophique. La plupart des autres occun-ences apparaissent dans des témoi-
ce mot avant Platon? gnages doxographiques 2 • Ne seront exposés ici de façon détaillée que les

! Par cette appellation, nous entendons les philosophes antérieurs à Platon que les
ouvrages cités ci-dessous de Diels-Kranz et de Dumont prennent en compte sous l'appel-
lation de « Présocratiques».
2 Dans l'édition de Diels-Kranz, comme on sait, ces témoignages sont d'ordinaire
24 Ion nourrit une conception de la prêtrise qu'on poulTait qualifier de mystique (cf. les
vers 125-140); il veut appeler Apollon son père alors même qu'il ignore encore que le repris sous la lettre A, tandis que les fragments textuels le sontsous la lettre B. TI n'est
dieu est l'auteur de ses jours. TI conçoit que sa prêtrise est à vie (v. 152 et 182) et, long- pas rare cependant que les fragments soient introduits, voire encadrés par une doxogra-
temps, il va résister à l'idée de suivre Xouthos à Athènes. Ne le feront finalement céder phie ; on ne sera donc pas étonné de trouver repris sous la lettre B plusieurs témoignages
que l'annonce qu'il est vraiment fils d'Apollon ainsi que l'insistance de la Pythie. doxographiques.
22 ANDRÉ MOTIE §2. LES PHILOSOPHES PRÉCLASSIQUES 23

témoignages pouvant fournir des indices en faveur de l'emploi d'oûcria 3 occ. (II, 81, 25 et 82, 27 et 30), A 15, Philon (II, 86, 33), A 16, Élien
par les philosophes concernés, Pour les autres témoignages doxogra- (II, 86',40); 80 PROTAGORAS, A 11, Athénée (II, 257,19); 88 CRITIAS,
phiques, on se bornera à un bref résumé et, pour les témoignages biogra- B 45, Elien, 3 occ. (II, 396, 20 et 22; 397, 1).
phiques qui usent du mot oûcria dans un sens économique, on se conten-
tera d'énumérer les références 3 • II. Sens ontologique: être, réalité, existence, essence, substance

• Fragment textuel
B, EXAMEN SÉMANTIQUE 44 PHILOLAOS, B 11, STOBÊE, Choix de textes, l, préface, 3 ; 2 occ.
(1,411,8 et 18):
I, Sens économiqne : bien matériel, argent, fortune, richesse, patrimoine ®8COpeiV 08t 1;à 8pya Kut 1;i(V oimiav 1;00 àp18JlOO Kanàv OUVaJllV anç
f:(H1V f:V 1;Çt 08KUOl .
• Fragment textuel «li faut considérer l'œuvre et l'être du nombre en fonction de la puissance
qui est présente dans la décade; »
68 DÉMOCRITE, B 82,48 (II, 160, 13):
«Heureux qui possède fortune et intelligence (oùc::ria Kat vouç), car il en L'auteur poursuit en célébrant la puissance universelle du nombre,
use bien en vue de ce qu'il faut ». guide de la vie céleste et de la vie humaine, ainsi que la puissance de
la décade, sans laquelle tout serait illimité, obscur et voilé. La nature du
Qu'il s'agisse du fond ou de la forme, cette sentence ne détonne pas
nombre est, pour tout homme, propre à accroître la connaissance, à gui-
dans les fragments moraux de l' Abdéritain. Elle n'en a pas moins été sus-
der et à enseigner en toute matière embarrassante et inconnue. Le propos
pectée, car elle appartient à une collection qui nous est parvenue sous le
est justifié de la manière suivante:
nom de Démocratès et dont l'authenticité n'est pas assurée; de surcroît,
comme l'indique Diels, elle peut apparaître comme un raccourci d'un Où yàp flç oflÂ-ov où08vl oùoÈv '[oov npuYJlu-cOOV 0(\'[8 aù1;rov noS' au'[à
oU" li1.1.m "pOS liÀÀO, si [li] ~s àptO[loS KUt à w6~m OÙ"',,.
fragment de Ménandre.
À noter qu'il est question à trois reprises, dans les témoignages biogra- « Car aucune des choses qui existent ne serait claire pour persorme, ni quant
à elle-même, ni dans sa relation avec une autre chose, si n'existait le nombre
phiques énumérés ci-dessous, de la manière, jugée peu orthodoxe, dont et son être».
Démocrite dépensa son patrimoine en voyages pour satisfaire sa curiosité
philosophique; la sentence reprise ci-dessus pourrait être comprise comme Si cet important fragment, long de 26 lignes et rédigé en dialecte
une justification de ce comportement. dorien, pouvait être tenu pour authentique, on aurait ici une attestation,
et ce serait la seule, d'un emploi d'oûcria dans un sens typiquement onto-
• Témoignages biographiques où le mot oûcria est employé dans un logique par un philosophe antérieur à Platon. Mais c'est loin d'être l'avis
sens économique unanime et un exégète aussi autorisé que W. Burkerr' a plaidé naguère,
avec de bons arguments, pour son inauthenticité.
14 PYTHAGORE, A 14, Diodore (l, 102,31) ; 18 HIPPASE, A 4, Jamblique
(l, 108, 14) ; 37 DAMON, A 6, Aristote (l, 382, 24) ; 59 ANAXAGORE, 4 Lore and Science in Ancien! Pythagorism, p. 274 (cf. la note de B. Van Camp dans
A 1, Diogène Laërce, (II, 6, 17) ; 68 DÉMOCRITE, Al, Diogène Laërce, le §3, n. 13, du présent chapitre). Contre l'authenticité, on peut notamment tirer argument
du fait que, pour signifier la notion d'être, Philolaos use ailleurs du mot ecr't"ro substantif
féminin, dérivé lui aussi du verbe 8ill1 (plus précisément de Scr't"1) et dont la si'gnification
3 La présentation des textes suivra l'ordre de l'édition de Diels-Kranz. Les chiffres avoisine cene d'oôcria; par deux fois, en effet, on rencontre dans le fragment B 6 D-K
entre parenthèses qui suivent l'indication de la lettre et du numéro du témoignage indi- (1, 408, 13 et 409, 1) l'expression 11 Ècr't"ro ûov npaYllét't"ffiv, «l'essence des choses »,
quent successivement le volume et la page concernés de l'édition de réf~rence ainsi que laquelle est éternelle et est dite requérir une connaissance divine; ce principe fondamen-
la ou les lignes où apparaît le mot ouo'ia. tal est formé des choses qui limitent et des choses illimitées, et c'est de leur accord que le
24 ANDRÉMOTfE §2. LES PHILOSOPHES PRÉCLASSIQUES 25

• Témoignages doxographiques doctrine ne sont pas invraisemblables et l'attribution du mot oùcrtU à Xéno-
phane semble ici assez nette. Il ne peut s'agir cependant d'un fragment tex-
11 THALÈs tuel, le philosophe ionien écrivant en vers. Diels ne retient pas le mot comme
faisant partie de son vocabulaire, mais on ne peut l'exclure absolument.
A 12, ARISTOTE, Mét., A 3, 983 b (1, 76, 37) : ce texte célèbre, où Aristote rend
compte de la démarche des premiers « physiciens» de façon synthétique et en
usant de ses propres catégories conceptuelles, en particulier l'opposition 22 HÉRACLITE
ouala - 1tuSOç, ne plaide pas en faveur de l'emploi du mot oùcr{u par les
A 8, AÉTlUS, l, 28, 1, 2 ace. (l, 145, 37 et 38). H. déclarait que l'essence de la
premiers philosophes. Il en va de même pour la plupart des autres témoi-
nécessité (oùcr(a d~ap~€VllC;) est le ÀOyoC; qui se répand à travers la sub-
gnages qui concernent les penseurs de l'Ionie.
stance de l'univers (ihù oùcr(a~ 't'ou nuv't'oc;).
B 91, ARISTOTE, Mét., r 5,1010 a (l, 171, 12). Selon H., il n'est pas possible de
12 ANAXIMANDRE toucher deux fois une réalité mortelle (8vrl't1l oùo-(u) dans le même état.
A 11, HIPPOLYTE, Réfutation des hérésies, l, 6 (l, 84, 3). Selon A., le temps est Diels, qui reconnaît dans la suite de ce texte plusieurs mots qu'a pu employer
ce qui borne (ôpiÇm) la génération, l'être et la corruption (yÉV8<JtÇ, oÙO'la, Héraclite, ne retient pas oùcrta panni ceux-ci, pas plus qu'il ne le fait pour le
q>SopéL). Le doxographe paraît bien imputer le mot ouata, panni d'autres, à témoignage qui précède, lequel use effectivement d'un langage technique
Anaximandre, mais l'ensemble du propos ne constitue manifestement pas un qu'on peut difficilement attribuer à Héraclite5 •
fragment. Ce témoignage tardif et isolé s'avère peu crédible.
A 30, PLUTARQUE, Propos de table, VIII, 8,4,730 E (l, 89, 2). La notion de sub- 28 PARMÉNIDE
stance humide (il hypà oùula) dont il est ici question n'est pas directement
imputée à Anaximandre, lequel n'est concerné que parce qu'il enseigne que A 25, ARISTOTE, Du Ciel, III, 1, 296 b (1, 222, 10). On ne peut inférer de ce
les hommes seraient nés à l'origine dans des poissons. commentaire critique qui parle de la substance des choses sensibles (i] t'rov
ai0'911trov oùaia) que le premier penseur de l'être et du non-être usait déjà
de la notion cl' oùcrtu. Celle-ci n'apparaît dans aucun fragment, ni dans aucune
13 ANAXIMÈNE autre doxographie. En revanche, Parménide usait abondamment de deux autres
A 5, SIMPLICIUS, Comm. à la Phys. d'Aristote, 24, 26 (1, 91, 4). Interprétation du fmIDes substantivées du verbe être: 'Co EÎVat et 't'o cv ou 't'à cV't'u. Cependant,
philosophe ionien dans un langage typiquement aristotélicien: tntoKBtjlÉVTj plusieurs témoignages relatifs à son disciple Mélissus méritent l'attention.
<pucrtç, Kutà tàç où<i(aç.
B 1, PLUTARQUE, Du premier froid, 7, 947 F (l, 95, 2). Même remarque: iiv 30 MÉLlSSOS
0\)0'1(1 opposé à nu911 KotVa.
A 5, Pseudo-ARIsTOTE, Mélissus, Xénophane, Gorgias, 2, 8, 975 b 9 (l, 262).
Rapprochement entre Mélissos et Empédocle sur certains points de doctrine,
21 XÉNOPHANE
dont celle de l'impossibilité pour l'étant ('t'o cv) de connaître une génération
A 1, DIOGÈNE LAËRCE, IX, 19 (l, 113,25). "X. dit que la réalité divine (ou.,ia (y€VEcrtÇ) en vue de l'existence (1tpO~ oùalav).
98013) est sphérique et n'est en rien semblable à l'homme. » Ces éléments de

monde s'est constitué. Dans un texte que Stobée lui attribue, Archytas de Tarente use aussi 5 À signaler encore, classé par Diels parmi les témoignages douteux ou apocryphes,

à plusieurs reprises du mot èa1cO, notamment dans la même expression ft Ècr't"œ trov le fragment B 126 a (1, 180, 5), provenant d'un commentaire anonyme du Théétète de
npU'Ylla:!cov (en substituant une fois à scr'tcO le mot maia, fonne dorienne pour oùcria); Platon et dont le texte est en partie reconstitué; il y est dit qu'Épichanne s'était fondé sur
la notion d'Ëcr1:cO est réputée par lui principe (apx:rü de même que il ~opqJcO : STOBÉE, le mobilisme d'Héraclite pour soutenir son argument du devenir. Si rien ne cesse de cou-
Ecl., l, p. 278, 1. 16, p. 279, 1. 15, p. 280, 1. 2, 9 et 13, p. 281, 1. 2 Wachsmuth. Curieu- ler et de changer quant à la forme, les substances (al oùO'iat.) sont tantôt ceci tantôt cela
sement, H. Diels et W. Kranz ne font nulle part mention de ce texte, pas même dans les suivant un flux continu. - Cet Épicharme, poète comique, né sans doute da~s le demier
Uneehte Schriften d'Archytas. Le Liddell-Seott-Jones s'y réfère, s.v. ÈCJtcO, en notant que quart du V e siècle et à qui l'Antiquité prêtait aussi des œuvres philosophiques, trouve place
ce mot est une fonne dorienne pour oûcria. Il convient d'observer cependant que plusieurs dans le corpus de Diels-Kranz sous le numéro 23 ; citant A1cimos, rhéteur du Ille siècle,
mots composés d'Ècr-ccO sont attestés dans d'autres aires linguistiques, notamment en Ionie 1?I~GÈNE LAËRCE, III, 10 (= 23 B 1-6) indique que Platon aurait beaucoup emprunté à
et en Attique: O:.1Cecr1:cO (HDT, IX, 85), cruvecr1:cO (HDT, VI, 128), euscr-ccO (HDT, I, 85 ; Eplcharrne, notamment l'idée selon laquelle il est des réalités qui sont toujours en deve-
ESCH., Ag., 647; DÉMOCRITE, 68 A 167, B 4 et 257 D.K.), KŒ1Œcr-CcO (HÉSYCHlUS, s.v., mr (yévecrtç) et auxquelles l'être (oùO'lo;) n'appartient pas (l, 195, 10). Ce témoignage, né
DÉMOCRITE, 68 B 182, conjecture de Diels). . sans doute d'une rivalité entre les cités de Syracuse et d'Athènes, n'apparaît guère fiable.
26 ANDRÉMOTIE §2. LES PHILOSOPHES PRÉCLASSIQUES 27

A 6, GALIEN, Comm. au traité hippocratique De natura hominis, in CMG, V, 9, ici d'un commentaire bien distinct du fragment et est du reste inséré dans
1, p. 17, L 16-26: 2 occ. (l, 266, 10 et 12). Selon Galien, l'auteur de ce traité une expression qui, par son aspect technique, suggère une époque posté-
hippocratiqué déclarait que se trompent les philosophes qui estiment que rieure à celle de Mélissos.
l'homme est formé à partir d'un seul des quatre éléments (crtotxEÏa). « Car
ils n'établissent pas que l'homme est un des quatre éléments, mais donnent Concluons prudemment en disant qu'il n'étonnerait pas que Mélissos
raison à la théorie de Mélissas qui estime qu'il existe aussi une unité de ait usé déjà du mot ouata.
l'homme même, sans qu'il faille qu'une quelconque unité provienne d'un des
quatre éléments, l'air, la terre, l'eau et le feu. Ce philosophe a vraisemblable- 31 EMPÉDOCLE
ment estimé qu'il existe une substance commune (Elvaî nvu oùoiav KotVftV)
qui sert de support (tl1l:0PEPÀ.T\I'ÉVT\v) aux quatre éléments, qui est non engen- A 45, AÉTIUS, l, 26, 1 (1,291,35). «E. pense que l'essence de la nécessité (où"ia
drée et indestructible (dySV1ltOV 'te acp9ap'tov) et que ses successeurs ont dva')'Kllç) est d'être la cause qui sait user des principes et des éléments ». On
appelé matière (üÎvllv). Mélissos appelle cette substance même (1"aUtllv 8' oOv a déjà rencontré cette expression à propos d'Héraclite. Elle reprend sans doute
aùtTjv Tllv oùO'lav) l'un et le tout (tO ëv Kat tO nuv). » le titre d'une question dont Aétius explorait systématiquement les réponses
données par les penseurs qu'il passe en revue.
Il n'est pas invraisemblable que l'auteur du traité hippocratique, dans A 78, ARISTOTE, Parties des animaux, l, l, 642 a (l, 299, 12). Commentaire
les propos que lui attribue Galien, utilisait déjà lui-même oUITla; on critique d'Empédocle rédigé dans un langage typiquement aristotélicien. n
verra, en effet (ci-dessous §3), que ce tenue est attesté quatre fois dans est dit que le philosophe d'Agrigente est contraint de recOlll1aître que la sub-
stance (f) où"ia) et la nature (<pueJlç) sont raison (À.6yoç).
un traité hippocratique, avec le sens de « réalité», qui pourrait convenir
B 97, IDEM, Ibidem, l, 1,640 a, 2 occ. (1,346, 10). Critique d'une conception
aussi à notre passage. L'auteur que cite Galien avait-il lui-même trouvé ce biologique d'Empédocle au nom du principe selon lequel « la génération
mot chez le disciple de Pannénide auquel il se réfère? On ne peut en déci- (11 yÉVECitÇ) est en vue de la substance (il oùaia) », et non l'inverse.
der, mais on notera que le monisme abstrait, centré sur la notion d'être, B 148-150, PLUTARQUE, Propos de table, V, 8, 2, 683 E (l, 370, 14). E. n'a pas
que défendaient les deux penseurs éléates, en opposition au monisme l'habitude de rechercher des effets esthétiques à l'aide d'épithètes gran-
dioses, mais fait voir pour chaque chose son essence (ovo-ia) et sa puissance
physique des Ioniens, était de nature à favoriser l'émergence d'une notion (OUVUl'tç).
comme celle d'ouala.
On ne peut dire de ces témoignages qu'ils offrent un indice probant de
A 11, ARISTOTE, Physique, 1,185 a (l, 267, 25). Commentaire critique - recou-
rant à la théorie des catégories, dont celle de l'oùO'la - d'une affirmation l'emploi d'ouata par ce philosophe, le mot étant d'ailleurs complètement
de Mélissos touchant le caractère illimité de l'être. absent des nombreux fragments que l'on a conservés de lui.
B 3, SIMPLICIUS, Comm. à la Phys. d'Aristote, 109, 29, 2 oce. (l, 269, 8 et 9).
«De même qu'il (Mélissos) déclare que "l'engendré à un moment donné"
(notÈ yEv6~EVOV) est limité quant à son être (nEnEpaCi~Évov tft OÙO'l~), de LES PYTHAGORICIENS
même il dit que "le toujours étant" (tO dei GV) est illimité quant à son être
(anEtpOV tfl oùaiq;), ce qu'il a énoncé clairement en disant: "Mais de même
qu'il est toujours, de même aussi faut-il qu'il soit toujours illimité" ». On peut 41 ŒNOPIDE DE Cmo
à nouveau se demander si le mot oùcrîa ne faisait pas partie du vocabulaire A 11, DIODORE DE SIcnE, l, 41, 1 (l, 395, 2). Évoquant les explications que
employé ici par Mélissus. donne ce philosophe du V e siècle au sujet du cours du Nil, Diodore emploie
B 4, IDEM, Ibidem, 110, 2 (l, 269, 13). «À la suite de l'éternel, il a placé l'expression il uypà oùo-ia pour parler des eaux du fleuve.
comme complémentaire l'illimité selon la substance (Ka'tà ti]v oùaiav) en
disant: "Rien de ce qui a commencement et fin n'est éternel ni illimité",
en sorte que ce qui en est dépourvu est illimité ». Le mot oùcrîa fait partie 42 IfipPOCRATE DE Cmo
A 5, OLYMPIODORE, Comm. sur les Météo/'. d'Aristote, 45, 24 (l, 397, 5). Pytha-
La critique moderne a pu établir que ce traité était l'œuvre de Polybe, qui fut le
6
gore affirmait que l'astre Hermès (= Mercure) et sa chevelure étaient fonnés
gendre d'Hippocrate et qui lui succéda à la tête de l'école de Cos: cf., par ex., 1. JOUANNA, de la quintessence (tK tft~ n:i:f.11ttt}.; o\)O'la.;), tandis qu'Hippocrate estimait
«Hippocrate et son temps », p. 61. ' quant à lui que seule la chevelure de l'astre appartenait au monde sublunaire.
28 ANDRÉMOTIE §2. LES PHILOSOPHES PRÉCLASSIQUES 29

Hippocrate de Chio, distinct du célèbre médecin originaire de Cos, était .un ce qui explique justement que la substance (oùaia) de toutes choses est le
astronome et géomètre de la seconde moitié du V e siècle. Comme le précIse nombre [... ]. D'autre part, ils sont les premiers à avoir posé la question de
I-P. Dumont, la quintessence était une matière particulièrement subtile échap- l'essence (tO 1"i scr't"tv) et à avoir tenté de la définir, mais de manière sim-
pant à la génération et à la corruption. Philolaos (44 B 12) parlait aussi, pliste. En effet, leur manière de définir était superficielle, et ils estimaient que
semble-t-il, d'un cinquième corps (nÉJ.l1t'tov croollU) qui fonne la coque de la le premier [tenne] répondant à la définition donnée était la substance (oùO'ia)
sphère, de même que le pythagoricien Occelos (48 A 3a), Cette théOlie appa- de la chose ... »
raît liée à la conception, que partage Aristote, d'un monde éternel supralu- B 23, IDEM, Mét" Z 2, 1028 b (l, 457, 2) : "Certains pensent que les limites du
naire et d'un monde sublunaire soumis à la génération et à la corruption. li est corps, c'est-à dire la smface, la ligne, le point et l'unité, sont des substances
difficile de savoir si Pythagore parlait déjà d'un cinquième élément. (oùO'iat), davantage encore que le corps et le solide [ ... J. » Sans doute Aris-
tote pense-t-il ici à des philosophes pythagoriciens.
B 28, IDEM, Phys., III, 4, 203 a (l, 459, 13), «En effet, tous ceux qui se sont
44 PHILOLAOS occupés sérieusement, semble-t-il, de cet aspect de la philosophie, ont rai-
A 14, PROCLUS, Comm, sur le 1" livre des Éléments d'Euclide, 130,8 (l, 402, sonné sur l'illimité (1"0 èbtetpov) en le posant comme un certain principe
23). Selon cet auteur, Philolaos aurait consacré l'angle du biangle à Cronos, (âpxil) des êtres. Les uns, comme les pythagoriciens et Platon, le tiennent
Hadès, Arès et Dionysos, dieux qu'il confondait en un seul. S'agissant de pour une chose en soi (Ku9' auto), non pour un accident (crUJlPSP'llKOÇ) rap-
Cronos, son patronage s'explique par le fait qu'il préside à toute la substance porté à quelque chose d'autre, et pensent que l'illimité est par lui-même une
aqueuse et froide (nŒcra ft uypà Kat 'Vuxpà oùaia). Ce témoignage est à substance (oùO'ia). »
rapprocher de celui de Diodore à propos d'Œnopide. Si l'on y ajoute le témoi- B 29, IDEM, Phys., III, 5, 204 a (l, 459, 31) : "ceux qui adoptent la thèse pytha-
gnage d'Olympiodore relatif à Pythagore, voici donc trois auteurs distincts goricienne paraissent tenir un propos absurde, en voulant faire de l'illimité
qui emploient le mot ovcrLa appliqué à un élément pour évoquer les théories une substance (où<rla) dans le même temps qu'ils le soumettent à la division
de trois philosophes pythagoriciens. Cette triple co'incidence peut être un en parties».
indice de l'usage du mot en ce sens dans l'école pythagoricienne.
Ces quatre textes interprétatifs, tributaires de catégories aristotéliciennes
typiques, n'imputent pas directement aux penseurs concernés l'emploi
47 ARCHYTAS 7
d'oùaiu. Il reste que l'ensemble des témoignages relatifs à cette école
A 22, ARISTOTE, Mét., H 2, 1043 a (l, 430, 26), À nouveau, la terminologie tech- philosophique (auquel s'ajoute le fragment B Il de Philolaos, dont l'au-
nique et typiquement aristotélicinne de cette doxographie ne pennet pas de
thenticité est toutefois peu probable) plaident en faveur de l'usage de
préjuger de l'emploi par Archytas du mot ovcrLa.
ce mot par certains de ses adeptes, À noter à ce propos qu'Aristote (M ét"
M 4, 1078 b = 58 B 4) observe lui-même que les pythagoriciens, avant
58 B. PYTHAGORICIENS ANONYMES
Démocrite et Socrate, avaient produit quelques définitions répondant à la
B 8, ARISTOTE, Mét" A 5, 987 a, 3 occ. (l, 453, 30, 31 et 34), "Quant aux pytha- question ,i san appliquée, par exemple, au moment favorable, au juste,
goriciens, ils ont, de la même manière [que leurs prédécesseurs], parlé de
au mariage.
deux principes [la cause matérielle et la cause efficiente], en y ajoutant toute-
fois ceci qui, reconnaissons-le, leur est propre: le limité, l'illimité et l'un, qui
ne sont pas, d'après eux, des réalités physiques (<pum::tç) autres, comme le 59 ANAXAGORE
feu, la terre ou tel autre élément; mais c'est l'illimité même et l'un même
A 71, AÉTIUS, II, 13, 3 (II, 23, 23). Selon A., l'éther environnant est igné quant
qui constituent la substance (oùaia) des choses auxquelles on les attribue,
à son essence (KatÙ tftV oùaiav).
A 93, IDEM, N, 3, 2 (II, 28, 26). À la question de savoir si l'âme est un corps et
7 Ce philosophe de Tarente n'était que de peu l'aîné de Platon, lequel 1' ad' ailleurs fré- quelle est son essence (oùaia), Anaximène, Anaxagore, Archélaos et Diogène
quenté; il serait mort v~rs 360. On rappe~era ,ici (cf. note,4) que. Stobée, dans, un text~ disaient qu'elle est faite d'air.
que ne reprennent pas Dœls et Kranz, attnbue a Archytas 1 emplOI du mot Ècn:ro et celUl
A 101 a, Michel PSELLOS, De la doctrine universelle, 15 (II, 30, 2). " A. ne pose
aussi du mot mata, fonne dorienne d'oùaia. Le même Stobée (1, 20, 3) crédite également
de l'emploi d'roaîa le pythagoricien Occelos de Lucanie, texte dont ne font pas davantage
pas l'intellect (vouç) en tant que faculté raisonnable (cppov'll<nç) chez tous les
mention les pages que consacrent D.K à ce philosophe sous le n° 48. Platoo, (Cratyle, 401 c) hommes: non qu'ils soient privés de la nature inte11igente (i) VOlltft oùO"ia),
atteste aussi l'existence de ce mot. mais ils n'en font pas toujours usage ».
ANDRÉMOTIE §2. LES PHILOSOPHES PRÉCLASSIQUES 31
30

Ces trois témoignages ne présentent pas d'indice probant concernant d'''existant'' ('"Co DV). Il pense que les substances (oùa1at) sont si petites
qu'elles échappent à nos sens; elles admettent des variations de forme (dooç),
l'usage d'Où"lu par le philosophe de Clazomènes. de figure (axfi!'u) et des différences de graudeur [ ... J. Le fait que les réalités
(oùaiat) demeurent liées pendant un certain temps s'explique par les accro-
60 ARCHÉLAOS chages et les entrelacements des corps [ ... J, » Diels-Kranz ne retiennent
comme expressa verba que les noms donnés aux )..tLKpai oùcrtm, mais il ne
BI a, PLUTARQUE, Du premier froid, 21, 954 F (II, 48, 17). L'emplo~ d'ooalu paraît pas exclu que cette dernière expression ait pu être utilisée elle aussi par
n'a pas de rapport direct avec le fragment cité de ce philosophe athemen, dIS- le philosophe pour désigner les « entités minuscules» qui fonnent les consti-
ciple d'Anaxagore. tuants permanents de tout ce qui existe, mis à part le vide.
A 38, IDEM, Comm. sur la Phys. d'Aristote, 28, 15 (II, 94, 11). Leucippe et
64 DIOGÈNE D'ApOLLONJE Démocrite, qui professaient que les principes (= les atomes) étaient illimités,
se proposaient de rendre compte des réalités et de tout ce qui les modifie
A 24, CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Le Pédagogue, l, 6, 48 (II, 57, 14). Même (n6.v'"Ca 'Cà n6.811 Kat ai oùaiut).
remarque que pour le témoignage précédent. A 42, ARlSTOTE, Mét., Z 13, 1039 a (95, 5). «Démocrite déclare qu'i! est impos-
sible que l'un soit engendré à partir du deux et le deux à partir de J'un, car il
fait des grandeurs et des atomes des substances (oùaÎ(u). »
67 LEUCIPPE
A 57, PLUTARQUE, Contre Colotès, 8, 1110 F (II, 98, 35). D. dit qu'i! y a des
A 6 ARlSTOTE, Mét., A 4, 985 b (II, 72, 18) : même remarque à nouvea~. . oùaiut illimitées (a;n:elpoç) en nombre, insécables (U'"CO)lOl) et différentes
A 8: SIMPLICIUS, Comm. sur la Phys. d'Aristote, 28, 4 (II, 74, 8). "LeucIppe dIt (ola<popoç).
que l'être n'a pas plus d'existence que le ll?n-être ~t ~ue tous deux sont éga-
lement cause des choses qui sont engendrees. Il disaIt que la substance des
A 66, AÉTlus, I, 20, 2 (II, 101, 3). De l'essence de la nécessité (nEpl OÙ"'' '
dv6.YK11Ç). Il s'agit du titre générique d'une question qu'Aétius passait en
atomes (ft 'trov a:tOJlffiv oUO'la), qu'il posai! par hypot~èse com~me compacte revue et à laquelle il faisait aussi répondre Démocrite, Cf. supra HÉRACLITE,
et pleine (vuat1'jv Kul nÀ1'jPll), est l'être (dvm) et qu elle se deplacedans le A 8, et EMPÉDOCLE, A 45.
vide, qu'il appelait non-être (Jlll DV) et dont il prétendaIt qu'l~ n'ex~ste pas A 79, CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Stromates, V, 88 (II, 104, 17). Selon Démocrite,
moins que l'être (tC DV). Tout comme lui, son compagnon Democnte pos~ ce sont les mêmes images (e'iOOJÀ-a) issues de la réalité divine (dno TftÇ esiuç
comme principes le plein et le vide ». Ce témo~gnage, en rev~nche, pourraIt oùO'(a~) qui touchent les hommes comme les êtres vivants non doués de
plaider en faveur de l'emploi d'oucria par le philosophe atomiste. raison.
A 85, AÉTIUS, II, 13, 14 (II, 105,5). À la question de savoir ce que sont les astres
(nEpi oùmaç ÜCHProV), Démocrite répondait: des pienes.
68 DÉMOCRITE A 135, THÉOPHRASTE, Du sens, 61 et 71,3 occ. (II, 117, 15; 119,30; 120, 1).
A 36, ARlSTOTE, Parties des animaux, I, 1,642 a (II, 93, 1~). «La raiso~ pour (61) «Démocrite en effet, qui fait des sensibles les affections du sens, établit
laquelle nos prédécesseurs ne sont pas parvenus à cette method~ (~ la me~o~~ des distinctions de nature pour les objets, tandis que Platon, qui fait dépendre
scientifique d'Aristote) est qu'ils n'é!ai~nt pas à mêI?e ~e ?éfmlr la qUlddIte la réalité (ai oùaLUt) des sensibles de ce qu'ils sont en soi, les rapporte aux
('tO '"Ci ~v dvat) et la substance (ouO'la). ~e pr~mI~r a s e~ app:ocher fut affections du sens». (71) Démocrite disait de l'amer qu' « il est une part de
Démocrite non certes qu'il la tînt pour necessalTe a la speculatIOn s~r la la conscience» ()..toipa cruvscrsOJç). «Aussi, compte tenu de telles affirma-
nature, mais il y a été conduit, sans le vouloir, par l'exigence de son sUJe~ ». tions, il paraîtrait contradictoire de refuser une certaine réalité naturelle (cpucrtç)
Cette méthode, poursuit Aristote, se développa a~ t~mps de S.ocrate, l~ p~lo­ aux sensibles; mais à cela s'ajoute ce qu'il a dit précédemment, quand, concé-
sophie de la nature connaissant à ce moment un declin au profit de la reflexlOn dant une figure à la réalité amère (1tlKpà oùma) ainsi qu'aux autres sensibles,
éthique et politique. Cf. Mét., M 4, 1078 b (~émo~rite a touché quelque peu il déclare qu'ils n'ont pas de réalité naturelle, » Un peu plus loin, il est dit que
à la question des définitions et s'est contente de defmlT le chaud et le frOld). Démocrite confère une certaine réalité (t1Ç oùaiu) au dur, au mou, au lourd
A 37 SIMPLICIUS Comm. sur le Traité Du Ciel d'Aristote, 294, 33, 4 occ. (II, 93, et au léger8,
22, 25, 26, 34). Les remarques que va fai;e S~plici~s sont, de son propre
aveu tirées des ouvrages d'Aristote. « Democnte estime qu~ la nature des 8 À,signaler encore deux doxographies dont l'une (68 B 142, Hiéroclès) parle de la
entités ételllelles (f! '"Crov aiOîOJv cpucnç) ?onsiste en de petites subs!at;ces §rU.l.toupytKll ooaia, qui est sans rapport avec le fragment cité de Démocrite, et dont la
(fl1Kpai oùai(1) illimitées en nombre [ ... ]. A chacune des sub~tances (ou,a1at) sec()nde (68 B 152, Plutarque) parle de l'&yvil oGaia d'où provient le feu de la foudre,
il donne le nom de "chose" ('Co osv), d'''élément compact" ('"Co VUCHOV) et rapport direct non plus avec ce philosophe.
ANDRÉ MOTIE §2. LES PHILOSOPHES PRÉCLASSIQUES 33
32

Les doxographies véhiculant le mot oûcria sont donc particulièrement doxographiques, ils fournissent tout au plus des indices en ce sens. Ceux-
abondantes dans les témoignages relatifs aux deux philosophes atomistes. ci concernent surtout certains pythagoriciens ainsi que les atomistes, aux-
Toutes ne sont certes pas également significatives pour notre enquête, quels on peut ajouter peut-être le disciple de Parménide, Mélissos, soit
mais il en est qui peuvent être considérées comme des indices conver- des penseurs qui ont été principalement actifs dans la deuxième moitié
gents. On retiendra particulièrement les textes de 67 A 8,.68 A 37, A 57, du V' siècle. Le mot pourrait avoir été utilisé eu parlant des éléments, du
A 135 ainsi que le témoignage d'Aristote indiquant que Démocrite avait nombre ou encore des atomes en tant que ces entités représentent une
commencé à s'intéresser aux définitions (68 A 36). Il ne serait pas éton- réalité fondamentale et permanente dont le monde est constitué et qui
nant que ce penseur ait fait place à ce mot dans sa terminologie. On n'en subsiste par-delà les modifications pouvant affecter celui-ci. Cette hypo-
trouve certes pas trace dans les fragments conservés, mais il convient de thèse se transformerait en une quasi certitude si les philosophes préclas-
rappeler à ce propos que les fragments qui concernent sa philosophie de siques il' avaient eu à leur disposition que le mot ouata pour amorcer une
la nature sont fort peu nombreux et peu développés. philosophie de l'être. Mais les fragments conservés, rappelons-le, témoi-
gnent qu'ils ont eu recours à des formes substantivées du verbe slfli'
(une forme infinitive au neutre, '0 dvŒt, deux formes participiales, le
80 PROTAGORAS
neutre singulier '0 av et le neutre pluriel ,il. avm) et aussi au substantif
A 16, HERMIAS, Satire des philosophes païens, 9 (11, 259, 6). Commentaire
tardif témoignant d'une conceptualisation philosophique bien postérieure à
féminin il ÈcrniJ, forme dérivée du même verbe lO • Ce substantif, qu'uti-
l'époque du sophiste (ev ,oîs "'DEal 'fis où",uS)· lisent le pythagoricien Philolaos et peut-être aussi Archytas ll , véhicule
une signification très proche de celle d'oûcria et témoigne que dans la
87 ANTIPHON LE SOPHISTE seconde moitié du V' siècle s'était déjà fait sentir le besoin d'un vocabu-
laire de l'être plus élaboré que les formes verbales substantivées déjà
BIS, ARISTOTE, Phys., 11, 1, 193 a, 2 occ. (11, 342, 7 et 12). «D'après certains,
la nature (n
cpucnç) et l'essence Ci] oùaia) des êtres naturels, c'est le sujet en usage. Pareille observation plaide à son tour en faveur de l'emploi
immanent de chacun, en lui-même informe; c'est ainsi que la nature (<p60'tç) d'oûcria par des philosophes qui, à la même époque mais sous d'autres
du lit est le bois, celle d'une statue, le bronze. Ce qui le prouve, selon Anti- latitudes, avaient fait place aussi dans leur réflexion à des problématiques
phon, c'est que si l'on enfouit un lit et si la putréfaction pouvait faire sortir semblables. On remarquera enfin que, lorsqu'il passe en revue les réalités
un rejeton, nous n'aurions pas un lit mais du bois, si bien que la disposition
auxquelles est appliqué le mot oÛcria, Aristote I2 précise que le mot « se
conventionnelle obtenue par l'art n'est qu'un accident (KUtÙ cru~~sPl1Kàç
unétpxov) et que l'essence (i] oùc:rla) est ce qui demeure continûment sous ces dit des corps simples, c'est-à-dire de la terre, du feu, de l'eau et de toutes
modifications. )} les choses de cette sorte, des corps en général, des animaux et des démons
B 26, AÉTIUs, lI, 20, 15 (lI, 343, 23). Il s'agit à nouveau du titre d'une question que les corps composent et des parties de ces choses ». Se pourrait-il
énoncée par l'auteur (1tSpt oùutaç 1i~Uou) à laquelle Antiphon était censé
répondre en disant que le soleil est un feu répandu autour de la terre dans l'air
9 Le relevé des emplois du verbe être chez les philosophes présocratiques occupe
humide. pas l120ins de sept colonnes de l'index de W. Kranz (cf. l'édition de référence, voL III,
Le premier témoignage mérite certes l'attention, mais n'est pas expli- S.Y. EÏVUl., p. 144-147). Deux sections particulières, il est utile de le savoir, concement les
formes substantivées 'Co av et 't"à oV't"u qui, à elles seules, occupent quatre colonnes. Sont
cite quant à l'emploi du mot oûcria par le sophiste lui-même. concemés par ce vocabulaire, dans des fragments textuels, non seulement Pannénide et ses
disciples Zénon et Mélissos, mais aussi Héraclite, Empédocle, Anaxagore, Démocrite,
Go~g~as, Protagoras, Prodicos, Antiphon le sophiste ainsi que plusieurs penseurs pytha-
gonclens.
C. CONCLUSION
10 Plus précisément de scr'Cl: P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue
grecq"ue, Paris, 1968, s.v. E1.fli., p, 322; selon cet auteur (ibidem), le mot oùcrtU est dérivé
Au total, il n'est donc aucun fragment textuel des philosophes préclas- du meme verbe et formé à partir du p81ticipe au féminin.
siques qui atteste de façon certaine l'emploi du mot oûcria, ni dans le li Voir ci-dessus les notes 4 et 7.
12 Mét., Ll 8, 1017 b sv., trad. de Chr. Rutten.
sens économique, ni dans un sens ontologique. Quant aux témoignages
34 ANDRÉ MOTIE

qu'aucun auteur antérieur à Platon ne soit visé dans pareil constat? À


noter du reste que l'auteur du Cratyle affinne lui-même que «ce que
nous appelons quant à nous oÙGta, certains l'appellent ÈGGta et d'autres §3. LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE
encore mGta» (401 c 3-4). Le mot ÈGGta, dont l'emploi est plus loin
réputé ancien (,6 naÂ.atov : 401 c 8-9), pennet à Platon d'opérer un rap- Bruno VAN CAMP
prochement entre oÙGta et <EG,ta. Ce rapport étant établi sur une base
purement fonnelle, la signification des mots n'est pas antrement précisée.
Mais le contexte immédiat indique à suffisance que ce ne peut être le Édition de référence
sens de « fortune, bien matériel» qui est ici concemé 13 • On peut en dire
Hippocrate. Des Vents. De l'Art, Texte établi et traduit par 1. Jouanna, Collection
antant des considérations relatives an mot mGta. Pour obscur qu'il soit, des Universités de France, Paris, 1988.
ce passage du Cratyle donue du moins à penser que, dans l'esprit du phi-
losophe, l'apparition d'uu substantif abstrait, issu de la racine du verbe
stJll, pour signifier l'idée d'être ne lui était pas imputable. A. DONNÉES QUANTITATIVES

Si l'on ne tient pas compte de quelques occurrences figurant dans des


œuvres tardives!, le mot oùcrta (OÙG(l1) se lit quatre fois dans le corpus
hippocratique, aux chapitres 2, 5 et 6 du traité De l'Art.

B. EXAMEN SÉMANTIQUE

Peu nombreuses, ces attestations revêtent néanmoins une importance


considérable. Elles font voir que le .tenne OOGta - au sens de « réalité»
« effectivité » - fait déjà partie du lexique des penseurs et des écrivain~
à une date que les travaux récents invitent à situer à l'extrême fin du
v e siècle avant notre ère2 • Le contexte des passages concernés ajoute
encore à l'intérêt des occurrences visées. L'auteur anonyme du De Arte
- un médecin, plutôt qu'un sopltiste3 - cherche à fonder la légitimité
de l'art médlcal. Il fait d'abord appel à des arguments d'inspiration éléa-
tique', avant d'invoquer, au chapitre 2, le témoignage de la vue:

l Les Préceptes et les Lettres (à Damagétos 2, à Philopémène 1 et à Hystanès) ; cf.


13 Ne serait-ce que l'expression ft TroV 1tpa:y~éttrov oùcrîu qui apparait dans le premier G.'~~NEYet W. FRO~, C:0ncordance des Œuvres hippocratiques, p. 3284-3285.
développement (401 c 5). Mais la suite confirme qu'est bien visée ici une signification Vo~ J. J0.u~A, ed. Ctt., p. 190-191, après Th. GOMPERZ, Die Apologie der Hei/-
ontologique, fût-elle encore très vague. Le mot &crcria n'est pas autrement attesté, ce qui ~unst. ~me gnechlsche ~ophiste~rede des !qnjten vorchristlichen Jahrhunderts, p. 3.
amène P. CHANTRAINE (La formation des noms en grec ancien, p. 117) à considérer qu'il eo~tra . H. DlLLER, ~< Htppokrattsche Medlzill und attische Philosophie », p. 385-409.
s'agit d'une création arbitraire de Platon. En revanche, ÔJcr1.a est attesté chez deux philo- 4 Cf. J; JOUANNA, éd. cit., p. 179-183.
sophes (cf. supra les notes 4 et 7). Pour l'exégèse de ce passage difficile, du Cratyle, voir De 1 Art, II, 1 (= Jouanna, p. 225, 1. 9-11) à rapprocher de PARMÉNIDE 28 B 2 3 et
7,1 D-K. ' , ,
les commentaires éclairants de G. ROSKAM, chap. II, §6, C, b.
BRUNO VAN CAMP
§3. LA COLLECTION HIPPOCRATIQUE 37
36

« De fait, il est absurde d'estimer que l'une des choses qui existent est En relation avec ces occurrences, il convient de dire un mot du pro-
inexistante. Car pour les choses qui n'existent pas en tout cas, quelle réa- blème c,onnexe que pose, pour le sens du terme examiné, le rapport
lité (oùO'ÎTtv) pourrait-on observer pour annoncer qu'elles existent? »5: qUi est etabh (en VI, 4) avec le nom (iSvoJ.la). Certains critiques, sui-
vis par J. Jouanna lO , voient ici un exemple de l'antithèse ouata / iSvoJ.la
Le non-étant n'a pas de réalité (oùcrhll qne le regard pourrait viser et «< réalité » / «nom »), qu'ils estiment être déjà attestée au V' siècle dans
qui permettrait d'accréditer la thèse de l'existence de ce qui n'est pas. Si l'Héraclès d'Euripide (vers 337-338)". À notre sens, cependant, ce rap-
le non-étant pouvait être vu au même titre que l'étant, il ne pourrait être prochement n'est pas probant: dans les vers cités, oùcrta nous paraît
considéré comme non-étant, car la marque distinctive de ce qui est est
~ev~ir être e~tendu, non au sens large de « réalité», mais à celui, plus
précisément de pouvoir être vu'. Oùcrt 11 se trouve donc ici lié à la vue - etrOlt, de « bIens», « fortune», comme le suggère le contexte immédiat
que celle-ci soit sensible ou intellectuelle. (cf. v. 331)12. Quant à l'autre texte allégué par J. Jouanna à l'appui de sa
Au chapitre 5, c'est l'efficacité concrète de la médecine qui garantit thèse, le fragment 11 (D-K) de Philolaos, il doit être écarté du dossier
son existence réelle (~n où<rln ~i\ç ~txv11Ç, on €oÎ'icro. ~t €crn Kaî en raison de son inauthenticité13. Même s'il n'est pas douteux que la
J.lEYo.À11)7 Au chapitre 6, enfin, le terme oùcrt11 apparaît à deux reprises, distinction entre langage et réalité a été esquissée par les Sophistes, il
en relation avec l'une des premières - et très remarquable - formula- reste que l'opposition iSvoJ.lu (<< nom ») / oucrta (<< réalité ») n'est pas
tions du principe de causalité: clairement attestée au V' siècle. L'antithèse qui s'en rapproche le plus est
«En effet, le spontané, lui, est manifestement convaincu de n'être rien; car celle qui oppose iSvoJ.la et spyov ; elle se lit, pat· exemple, aux vers 454-
pour tout fait on peut découvrir un pourquoi, et dans la mesure où il y a un 455 de l'Oreste d'Euripide (une pièce représentée en 408 av. J.-C.) :
pourquoi, le spontané n'a manifestement aucune réalité (OÙCilll), si ce n'est
en tant que nom. Au contraire, la médecine, elle, dans la mesure où elle est ?,vof!a Y,rJ.P, spyov li'OÙK sj(OUCYlV 01 'l'licOl / 01 f!TJ 'rel TalCYl aUf!<popalç
de l'ordre du pourquoi et de la prévision, a et aura manifestement toujours OVT8Ç 'l'licOl
une réalité (q>aîVB'taî 'tE Kat q>aVEl1"cn aid OUO'lll,V 8x oucra)8. » «C~ ils n'ont d'amis que le nom, sans la réalité, ceux qui ne sont pas des
amIS au moment du malheur. »
De cette brève revue des occunences hippocratiques d' oùcrta, il ressort
que ce terme admet, dès la fin du V' siècle av. J.-c., le sens de «réalité Le témoignage du traité hippocratique De l'Art, qui permet d'établir
déterminée »9. Ce qui établit cette réalité peut être soit la vue sensible pour oùaia le sens de « réalité» à la fin du Ve siècle, est donc pour nous
(il s'agit alors d'une existence de fait, observable), soit l'efficacité opé- particulièrement précieux.
ratoire (d'où l'on conclut à l'existence réelle de l'att), soit encore l'ordre
causal et la faculté de prévision rationnelle (par où l'on dépasse le simple
fait observable pour l'intégrer dans une considération d'ordre intellec-
tuel). Mis en relief par un contexte dont l'importance philosophique est
indéniable, le mot oùa[a joue en ces passages un rôle des plus frappants.
10 Cf. F. ~HE~ANN, «Eine vorplatonische Theorie der t€XVll », p. 112, n. 32;
J. JOUANNA, ed. Clt., p. 190-191 et 246, n. 7.
5De ['Art, II, 1,1. 10-12 (trad. J. Jouanna). Il TIa'tpcPov sç )lÉÀu9pov, 06 'tflç oocrtaç 1(iÀÀOl KpU'tOUC)l 'tà 0' OVO)l' Ecr9' ftJl&v
Ibidem, 1-2 (= Jouanna, 225, 12-226,2). La vue sensible est étroitement associée au
g.t~ ( ... «dans le palais de votre père: d'autres sont maîtres de se; biens (ou: « de .'la réa-
6
regard de l'esprit, 'Ywbl-rr\ç ol.lnç: De l'Art, II,1 (= Jouanna, 225,14-15), IV, 4 (= Jouanna,
lue ; >.; à ~ous, il n: r~st: que son nom ». L'Héraclès date des environs de 415 av. J.-C.
228,2-5), XI, 2 (= louanna, 237, 11-13). l
.Qç uÀÀa 'tuu'tu 'Y à.n:oÀaXro(j" O'iKIDV nu'tpôç, «qu'ils obtiennent du moins cette
7 Ibidem, V, 3 (= louonna, 228, 13-14).
8 Ibidem, VI, 4 (= Jouanna, 230, 15-20; trad. de J.1.) Les interprètes rapprochent,
part du patrimoine de leur père».
depuis Di1ler, LEUCIPPE, 67 B 2 D.K. On notera l'importance du contexte épistémologique. :Su 13 D'emont ree' par W. BURKERT, Lore and Science in Ancient Pythagoreanism, p. 274.
• r ce fragment de PHILOLAOS (44 B 11, 8), cf. supra, §2, «Les philosophes préclas-
9 Cf. encore De l'Art, II, 2 (= Jouanna, 226, 2-4) où, à défaut d'qùcriu, on trouve
SIques », C, II.
l'expression 't& ÈCv'tu (et aussi 'tà 1.L11 SÔv'tu).
§4. BILAN

André MOTIE

C'est sans doute l dans l'œuvre de l'historien Hérodote d'Halicarnasse


qu'ooaia, en l'occurrence ooatrj, apparaît pour la première fois dans la
littérature grecque; cette œuvre a vu le jour dans le troisième quart du
V' siècle. On ne peut certes exclure que le mot ait été utilisé auparavant
par un ou plusieurs auteurs dont n'ont été conservés que des fragments
ou des œuvres incomplètes. Mais l'absence d'ooaia chez Homère, chez
Hésiode et aussi chez Pindare donne du moins à penser que le mot n'a
pas connu un usage précoce dans la langue grecque. Chez les écrivains
attiques, on ne le rencontre pas avant Euripide2 , et il s'agit de pièces qui,
selon toute vraisemblance, ne sont pas antérieures à - 425 3 . Toutes les
autres attestations qui ont précédé Platon, tant chez les poètes que chez
les historiens et les orateurs, mis à part Antiphon, semblent bien pos-
térieures à cette date4 Il s'avère en outre que les premiers emplois du
mot ont été assez parcimonieux: quatre occurrences dans l'œuvre très
volumineuse du père de 1'histoire et trois occunences seulement dans les
18 tragédies conservées du poète tragique. Un même constat s'impose

l Cette réserve est dictée par les incertitudes qui pèsent sur les œuvres attribuées à
Antiphon (voir supra, §1, n. 11). Rien ne permet de décider si la première Tétralogie,
discours où figurent les deux seules occurrences ct' ouala, est antérieure ou postérieure à
l'œuvre d'Hérodote.
2 Réserve faite à nouveau pour le cas d'Antiphon. N'est donc pas prise en compte ici
l'unique occurrence qu'on rencontre dans un passage des Trachiniennes de Sophocle que
corrigent les éditeurs; cf. §l, n. 3.
3 On pense que l'Héraclès pounait dater au plus tôt de 424, l'Ion au plus tôt de 420 et
l'Hélène de 413 ; on ne peut dater les deux fragments.
4 La comédie d'Eupolis les Cités date peut-être de 420, mais les deux pièces concer-
nées d'Aristophane sont sûrement postérieures au Ve siècle. On estime généralement que
Thucydide a composé son œuvre à la fin de ce siècle. Quant aux orateurs, les discoUJs
d'Antiphon, s'il s'agit bien de lui, doivent être antérieurs à 411, date de sa condamnation
à,mort, et le discours (1) d'Andocide Sur les mystères ne peut être que postérieur à 415,
date du sacrilège dont il y est question; le discours N qui lui est attribué n'est sans doute
pas de lui et daterait du début du Ne siècle; quant à Lysias, il n'a dû commencer à
publier ses discours qu'à la fin du VI:. Le Ive siècle devait être entamé quand Isocrate et
Isée se sont mis à écrire.
40 ANDRÉ MOTIE §4. BILAN 41

pour les poètes et les historiens qui les ont immédiatement suivis. C'est verbe dftt, rappelle oùrrta par le genre et par sa signification ontolo-
aux orateurs attiques, manifestement, que l'usage du mot oùcria doit gique abstraite. On imagine mal que ces philosophes aient pu avoir,
d'avoir été popularisé progressivement dans la langue judiciaire, avec parmi les penseurs de leur temps, l'exclusivité d'un tel vocabulaire.
une fréquence qui est allée croissants. Quoi qu'il en soit, il apparaît qu'oùrrta, dont la percée, très modeste
Des deux orientations sémantiques que nous avons 1J-otées, - l'une encore durant le siècle de Périclès, témoigne peut-être d'une influence
s'appliquant à des réalités concrètes, les biens que l'on possède, l'autre ionienne (cf. Hérodote et l'auteur du traité hippocratique), pourrait bien
véhiculant une notion plus abstraite de l'être, -la seconde n'est attestée avoir déployé vers la même époque les deux orientations sémantiques
que par cinq emplois, présents chez deux auteurs seulement. Les quatre que nous lui connaissons, en sorte qu'il serait sans doute vain de se
occurrences d' oUITta que l'on découvre, avec le sens de «réalité effec- demander, en l'occurrence, laquelle des deux est dérivée de l'autre.
tive », d'« existence réelle », dans le traité hippocratique De ['Art, daté On observera à ce propos que certains composés d'oorrta dont la signi-
de l'extrême fin du Ve siècle, s'insèrent dans le contexte d'une réflexion fication se réfère typiquement à des modalités de l'idée d'être sont plus
proprement philosophique dont B. Van Camp a justement souligné le anciennement et parfois plus fréquemment attestés qne le mot simple:
remarquable intérêt. C'est qu'il était, à l'époque, des médecins de profes- nupouala, «présence », «le fait d'être là »6, ànouaîa, « absence »,
sion qui savaient faire œuvre aussi de philosophe en réfléchissant sur leur « le fait de ne pas être là » 7 , auvouaîa, « le fait d'être ensemble»,
art, tout comme on connaît, durant ce siècle, des philosophes attitrés, tels « existence en commun », « relations habituelles» 8 .
A\cméon de Crotone et Empédocle d'Agrigente, qu'intéressaient beau- L'apparition d'oùrrta semble bien avoir répondu à un besoin d'abs-
coup la médecine et sa pratique. L'emploi d'oùrrta que l'on rencontre traction, et cela dans l'une et l'autre de ses acceptions. Pour parler de
dans l'Ion d'Euripide, - une tragédie que l'on peut dater au plus tôt de leurs biens de possession, les Grecs n'ont certes pas eu à attendre que
420, - est certes plus occasionnel et plus fugace, mais la façon dont survienne ce vocable. Les termes dont ils usent le plus fréquemment à
le poète oppose ici oùcrta, avec la signification d'« être véritable », aux cette fin, et qu'oùcrta n'éclipsera jamais, sont les pluriels 'ù nl]fta,a
acquis médiocres d'une yÉVEG!Ç aléatoire ne laisse pas d'évoquer aussi et surtout 'ù xpl]fta,a, le premier évoquant étymologiquement l'idée de
l'opposition «être - génération» que l'on reucontre chez des philosophes biens acquis, le second l'idée de biens d'usage. Mais quelquefois aussi",
de cette époque. très significativement, on rencoutre, au pluriel à nouveau, le participe
On est dès lors surpris de constater qu'aucun fragment d'un philosophe substantivé du verbe être: "Cà oV"Cu, « les choses qui sont là », les choses
préclassique n'atteste à coup sûr l'emploi d'oùrrta dans un sens ontolo- dont dispose le maître de maison pour faire vivre et prospérer sa famille.
gique. Se pourrait-il que le poète tragique et l'auteur du traité De l'Art Usité presqne toujours au singulier lO , le mot oùcrta désigne bien ces
aient été non seulement les premiers, mais les seuls à faire un tel usage mêmes choses, mais il le fait à la manière d'nn singulier collectif, dont
du mot avant Platon? Cela paraît peu vraisemblable. Aussi bien a-t-on
pu trouver chez les doxographes des iudices suggérant que plusieurs 6 EseH. Perses, 169, etc. ; SOPH., ÉI., 948, Ajax, 540, Phil., 520, 936, etc. ; EUR., Ale.,
philosophes, dans la seconde moitié du V" siècle, ont peut-être précédé 606, Rée., 227 ; ARISTOPH., Thesm., 1049 ; THUCYD., VI, 86; se dit d'une personne, mais
aussi d'une chose.
également le fondateur de l'Académie dans cet emploi du mot. Dans le 7 ESCH., Ag., 1259 ; EUR., Rée., 962; THUCYD. ; 1,70.
même sens, on a fait valoir le fait que Philolaos et sans doute aussi S ESCH., El/m., 285; SOPH., Œd. C., 63, 648; RDT., II, 78, VI, 128; ARISTOPH.,
Archytas s'étaient servis du mot 1\ èrr,cù qui, pareillement dérivé du Thesm., 21, Nuées, 649, Eeel., 110.
:0 E. g. : x,:ÉN., Cyr., III, 1,3-4; LYSIA~, ft. II, 4, 4, p. 2?3 ; ISÉE, VII, 35, 4.
Le plurIel es~ rare et se rencontre uruquement chez Xenophon (2 pluriels sur 8 oce.)
5 Antiphon: 2 oce. dans 1 discours conservé sur les 6 qui lui sont attribués (dans et chez deux des cmq orateurs retenus, Lysias (7 pluriels sur 53 ace.) et Isocrate (13 sur
l'hypothèse d'un unique auteur). Andocide: 6 occ. dans 2 discours sur 4. Lysias: 44 ace. 45 occ.). Vérification faite, le pluriel n'apparaît jamais cependant que lorsque sont en
dans 19 discours sur 34 (plus 9 occ. dans les fragments). Isocrate: 45 ace. dans 15 œuvres cause les fortunes que détiennent plusieurs propriétaires différents. E. g. : XÉN., Hell., V,
(discours et lettres) sur 20. Isée: 67 occ. dans 10 discours sur 12 (plu,s 1 occ. dans un 2,7 (oi ~XOVtêÇ tÙç oûcriuç), LYSIAS, fr. XXII, 1. 3, p. 266 (tùç trov cpürov oûcrtUç),
ISOCR., XX, 20, 6 (wiç tàç oûcrtUç t:xooO'tv).
fragment).
ANDRÉ MOTIE §4. BILAN 43
42

le propre est précisément de ponvoir désigner sous une même appellation Deux témoins seulement, avant Platon, de l'emploi du mot en ce sens,
des choses qui, par nature, sont plurielles et diverses. Et c'est là une pre- voilà bien un bilan assez maigre. Sans doute peut-on en partie l'expli-
mière forme d'abstraction. quer par les aléas de la conservation des textes. Mais s'il est probable
Dans la mentalité antique la plus commune, les biens que l'on possède qu' oùcrtu fut aussi utilisé par d'autres auteurs, sa diffusion a dû rester
en propre ne sont pas ressentis comme étrangers à!' être ,que l'on est; ils limitée, comme elle le fut aussi dans le sens économique, du moins au
en sont bien plutôt comme un prolongement ou un support. Le patri- cours du V' siècle. Il reste que l'usage impressionnant que fait du mot
moine est le complément obligé de la filiation; c'est lui qui, en outre, l'auteur du traité hippocratique De ['Art laisse bien augurer des déve-
garantit l'habitacle, ce lieu où l'on peut être chez soi en sécurité, et c'est loppements sémantiques que va lui réserver la réflexion philosophique
en lui qu'un propriétaire et sa maisonnée trouvent les ressources pour des deux grands maîtres à penser auxquels sont consacrés les chapitres
subsister; le patrimoine est de surcroît lié an statut social ainsi que poli- suivants.
tique du citoyen et peut contribuer à sa gloire. Bref, le patrimoine, c'est
le socle sûr, solide comme la terre, - cet EOOÇ ù<HpuÀi;ç UlEt dont parle
Hésiode (Théog., 117), - à partir duquella vie humaine peut se déployer.
Mais, parallèlement, une tradition de sagesse se plaît à enfoncer un coin
entre ce qu'un individu possède en propre, ce qu'il a reçu en héritage et
que son zèle, le cas échéant, a pu faire fructifier, - on parlera alors de
«biens extérieurs », - et ce que lui-même est vraiment, son oùata, son
être propre, qui fait sa véritable identité. Cette oocrtu-là, qui ne se dit
jamais qu'au singulier, ne se confond plus avec les oVtU, an sens de tà
xP"iJ~Utu. Elle est plus singulière encore, plus personnelle, plus inté-
rieure et plus solide, et dès lors soustraite aux apparences immédiates
ainsi qu'aux vicissitudes du sort. C'est d'un semblable jeu sémantique
que relève l'emploi que fait Ion du mot lorsqu'il oppose son oocrtU véri-
table aux maigres liens de sa filiation chamelle.
Quelque peu différente et plus abstraite encore est la signification
que revêt oocrtU dans le traité hippocratique De ['Art. Le mot sert ici
à affirmer, à l'encontre de ceux qui la nient, 1'« existence réelle» de la
médecine en tant qu'art. Toutefois, la démonstration développée par l'au-
teur lie cette idée d'existence à la présence en toute tÉXV'l d'une forme
nettement perceptible (el80ç : II, 2 et 3), une sorte donc de structure
stable qui, en l'occurrence, doit permettre de comprendre l'efficacité de
la médecine et son aptitude à prévoir. On se rapproche par là de la notion
d'oocrtu qu'Euripide prête au jeune prêtre dans un contexte assurément
moins savant, mais qui n'en confère pas moins déjà à ce mot l'idée d'une
consistance et d'une permanence ontologiques. Oocrtu ne signifie pas
seulement l'existence effective d'une chose, mais aussi ce qui fonde cette
existence et la rend stable.
CHAPITRE II

LES EMPLOIS D'OTI:IA CHEZ PLATON


§1. DE L'HIPPIAS MINEUR AU PROTAGORAS

Geer! ROSKAM

Éditions de référence

• pour l'Euthyphron et le Criton:


B.A. DUKE, W.F. HICKEN, W.S.M. NrcoLL, D.B. ROBINSON et lC.G. STRACHAN,
Platonis opera, Tomus 1, Tetralogias I-II continens (O.C.T.), Oxford, 1995 .

• pour l'Hippias majeur, le Charmide et le Protagoras:


1. BURNET, Platonis opera, Tomus III, Tetralogias V-VII continens (O.C.T.),
Oxford, 1957 [=1903].

Autres éditious et traductious consultées


Platon. Œuvres complètes. Tome 1: Introduction - Hippias mineur - Alcibiade-
Apologie de Socrate - Euthyphron - Criton, texte établi et traduit par M. CROI-
SET (C.U.F.), Paris, 1941.
Platon. Œuvres complètes. Tome II : Hippias majeur - Charmide - Lachès -
. Lysis, texte établi et traduit par A. CROISET (C. D.F.), Paris, 1936.
Platon. Œuvres complètes. Tome III, 1re Partie: Protagoras, texte établi et tra-
duit par A. CROISET (C.U.F.), Paris, 1941.
Platon. Œuvres complètes. Tome 1: Second Alcibiade - Hippias mineur -
Premier Alcibiade - Apologie de Socrate - Criton - Euthyphron - Lachès -
Charmide - Lysis - Hippias majeur - Ion, traduction nouvelle avec des notices
et des notes par É. CHAMBRY, Paris, 1947.
Platon. Œuvres complètes. Tome II: Protagoras - Euthydème - Gorgias -
Ménéxène - Ménon - Cratyle, traduction nouvelle avec des notices et des
notes par É. CHAMBRY, Paris, 1936.
Platon. Protagoras ou Les Sophistes. Gorgias ou Sur la Rhétorique, traduit du
grec par L. ROBIN, préface de F. CHÂTELET (Idées 426), Paris, 1980.
Platon. Œuvres complètes. Tome 1. Traduction nouvelle et notes par L. ROBIN
(Bibliothèque de la Pléiade), Paris, 1950.
Hippias Majeur. Platon, Introduction et commentaire par J. LACOSTE, traduction
de V. COUSIN, revue par J. LACOSTE (Profil Philosophie), Paris, 1985.
Plato. Euthyphro - Apology - Crito - Phaedo - Phaedrus, with an Bnglish
Translation by H.N. FOWLER, [Introduction by W.R.M. LAMB], (L.C.L.),
Cambridge (MA) - London, 2001 [= 1914].
48 GEERT ROSKAM §l. DE L'HIPPIAS MINEUR AU PROTAGORAS 49

Plata. Laches - Protagoras - Mena - Euthydemus, with an English translation et technique, basé sur la distinction entre àIHp6'EPOÇ (l'un et l'autre
by W.R.M. LAMB (L.c.L.), Cambridge (MA) . London, 1999 [= 1924]. ensemble) et eKŒ'EpoÇ (chacun des deux en particulier).
Plata. Cratylus - Parmenides - Greater Hippias - Lesser Hippias, with an On peut noter en passant que, dans les dialogues de jeunesse, on trouve
English translation by H.N. FOWLER (L.C.L.), Cambridge (MA) . London,
aussi plusieurs composés du terme oouia :
1996 [= 1939J.
Plata. With an English Translation. Charmides - Alcibiades rand II - NippaI" cruvoucr{u ( « fréquentation», « entretien») : Apa!., 20 al; Ale. J, 114 d 1 et
chus - The Lovers - Theages - Minos - Epinomis, by W.R.M. LAMB (L.C.L.), 119 a 3 ; Lachès, 196 b 6 et 201 c 2; Lysis, 223 b 3 ; Nipp. ma)., 286 d 4.
London· Cambridge (MA), 1964 [= 1927]. èçoucria ( «liberté de faire une chose») : Criton, 51 d 2 ; Ale. J, 134 c 9 ;
134 e 8 et 10; 135 a 5 ; 135 b 1.
napoucria (<< présence »): Lysis, 217 b 6: 217 d 8; 217 e 7; 218 c 2.

A. DONNÉES QUANTITATIVES Étant donné que ces termes·ci n'ont pas un sens technique qui les lie
étroitement au terme oôcrîa, nous ne les prendrons plus en considération
Au total, le mot oilata n'apparaît que neuf fois dans les dix ouvrages dans ce qui suit.
pris en considération. Ce nombre assez limité semble suggérer dès le
départ qu'il s'agit d'un concept marginal et peu important dans les dia·
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES
logues de jeunesse. Mais par ailleurs, on peut noter que le contenu de la
majorité des passages semble, par son importance, compenser, à première a) Les formes
vue du moins, ce petit nombre des occurrences. Reste donc à savoir si on
peut considérer le terme oilata comme un mot·clé, directement lié au Le mot oùcrîa n'apparaît qu'au singulier; tant le nominatif1, que l'ac-
sujet principal, dans les dialogues de jeunesse. cusatif 2 , le génitif 3 et le datif4 se rencontrent. Ni le pluriel, ni le duel ne
La répartition par ouvrage est la suivante: sont représentés, ce qui n'est pas sans importance: même si l'ensemble
des dialogues de jeunesse suggère évidemment qu'on peut distinguer dif·
férentes oùcrîat, la discussion dans chacun d'eux semble porter toujours
Hippias min. sur une seule oilata spécifique. Dans cette perspective, il est intéressant
Alcibiade J de noter que les termes dooç et IOÉa ne se rencontrent pas non plus au
Apologie pluriel dans les dialogues de jeunesses.
Euthyphron 1
Criton 2 b) La syntaxe
Hippias ma}. 4 Le terme est le plus souvent accompagné de l' article6 , ce qui montre
Lysis que Socrate est à la recherche d'une oilata bien déterminée. Quatre fois
Charmide 1 sur neuf, le terme apparaît comme complément d'objet direct'.
Lachès
Protag., 349 b 4.
1
Protagoras 1 Charm., 168 d 2; Euthyphr., 11 a 8 ; Criton, 44 e 5 et 53 b 2.
2

9 3 Hip. maj., 301 b 6 et 301 e 4.


Total
4 Hip. maj., 302 c 5.
5 Cf. G. ROSKAM, « Platon, Hippias mineur, Alcibiade l, Apologie, Euthyphron, Criton,
Hippias majeur, Lysis, Charmide et Lachès », p, 68-69 et p. 76, n. 34.
Les quatre occurrences du mot oilata dans l'Hippias majeur se trouvent
6 Charm., 168 d 2; Euthyphr., Il a 7-8; Criton, 44 e 5 et 53 b 2; Hip. maj., 301 b 6;
toutes dans la même section du dialogue (300 c 9 - 303 d 10). Il s'agit 301 e 4 et 302 c 4-5 ; sans article: Hip. maj., 301 b 8 et Protag., 349 b 4.
d'une sorte de digression où Socrate développe un argument complexe 7 Charm., 168 d 2; Euthyphr., 11 a 8 ; Criton, 44 e 5 et 53 b 2.
50 GEERT ROSKAM §1. DE L'HIPPIAS MINEUR AU PROTAGORAS 51

c) Vocabulaire associé au langage quotidien et est aussi attestée chez d'autres auteurs plus ou
moins contemporains 8 •
au sens économique: Xpl]1.l1:na
Criton, 44 e 4-6 : Kat àvayKacr8roJ.lEV 11 Kat naCïŒV Lilv oùaiav àn:OPUABiv b) Le Charmide
il auxvà XPrlJ.lŒ1:a, il Kat üÂ,Ào tt rcpèç 1:0lYCotÇ nU8EtV; voir aussi Cri-
ton, 53 b 2. Après quelques faibles tentatives de définition, vite réfutées par Socrate,
Critias en arrive à définir la affieppoaUVll comme la science d'elle-même
au sens ontologique: OUVal.ltÇ et des autres sciences, et encore de l'ignorance (166 c 2-3 ; 166 e 5 -
Charm., 168 d 1-3 : I5nnsp av tTJV ÉautoÎÏ 86Vaf'lV npàs Éautà ;:Xll, où 167 a 8 ; 167 b Il - c 3). Comme d'habitude, Socrate n'est pas com-
Kat ÈKEÎVllV Ë~st 'tr)v o\Jcriav, npèç tlv il ùUvuJ.w; UÙtOU ~v ; ~oir aussi plètement convaincu'. En effet, il peut aisément attirer l'attention sur
Protag., 349 b 3-6. quelques contre-exemples, reprenant ainsi une fois de plus sa méthode
inductive, bien que celle-ci ait déjà été critiquée par Critias (165 e 3 -
d) Oppositions 166 a 2; 166 b 7 - c 3) : ni dans le cas des sens lO (p. ex. «la vue n'aper-
çoit pas la vue elle-même ni d'autres vues, mais des couleurs.» ; 167 c 8-
au sens ontologique: rru80ç
d 10), ni dans le cas des notions de relation (p. ex. « si une chose était
Euthyphr., 11 a 6 - b 1 : Ka! KlVOUVSUElS, dl Eù9u<ppcov, èpcot(bf'8VOS tà plus grande qu'elle-même, elle serait aussi plus petite» ; 168 b 2 -
ocrtoV ott no!' 80"tlV, tftv J.1ÈV oÙGÎav J..l0l Ul)'tOU où Bot'JÀEa9at Dl1 Àrocrat ,
nu60ç ct 'tt 1tBpi aD'toi) AÉyEtV, on 1t~1tOVeE "1:0\)1:0 tO ocrtoV, cptlvstcr6at
c 8), on ne peut trouver une telle situation. Ce qui mène à la thèse
ùno nétvtmv geoov' on oÈ: ov, o6nffi Bineç. suivante:
Hipp. maj., 301 b 8 : 11nét6os 11 où"iav. onnep av 'Citv euu'Cou o6va~.ttv rcpoç Éauto €xn, où Kat ÈKstVllV 8Ç8t
tTJV où"iav, npos ijv 1) ouvaf'ts aùtoÎÏ ~v: (168 d 1-3)
«Tout ce qui a une puissance propre qui se rapporte à soi-même, n'a-t-il
C. ANALYSE SÉMANTIQUE pas aussi l' ousia à laquelle cette puissance se rapporte? »

Cette thèse, exprimée, comme souvent chez Socrate, sous forme inter-
a) Le Criton rogative, est illustrée par deux exemples concrets: (a) si l'ouïe, qui est
Le Criton est le seul dialogue de jeunesse dans lequel le terme ouata toujours l'ouïe d'un son (epffiV1]), s'entend elle-même, elle doit néces-
soit utilisé au sens économique de « biens», « fortune», « richesse». sairement avoir un son (168 d 3-8), et (b) si la vue, qui est toujours la
Vers le début du dialogue, Criton essaie de persuader son ami Socrate vue d'une couleur, se voit elle-même, il faudra qu'elle ait une couleur
de s'échapper de la prison, en écartant l'objection qu'une telle fuite elle-même (168 d 9 - e 2), ce qui, évidemment, est impossible ou en tout
pourrait mettre en danger les amis de Socrate. En effet, le danger n'est cas fort douteux (168 e 3 - 169 a 1). Les deux exemples concrets aident
pas imaginaire que ces amis perdent toute leur fortune ou en tout cas à découvrir la signification du terme ouata dans ce contexte. Dans
beaucoup d'argent (11 Kat rruaav ,l'tv oll()'lav (mo~aÀstv 11 aux vù
,8 Voir notamment Xénophon, Helléniques, V, 2, 7; Cyropédie, VIII, 4, 25 et 32 ;
xp1]/1a,a ; Criton, 44 e 5-6). Plus tard, dans la célèbre prosopopée des
Memorables, II, 8, 3 ; L'art de la chasse, II, 1 et XIII, Il ; voir ci-dessus, chap. l, § 1, et
lois, le même problème réapparaît. Les lois elles-mêmes appellent l' at- R. lIIRzEL, «Oûcria », p. 43-47.
tention de Socrate sur les dangers que sa fuite peut entraîner pour ses 9 P~ur une analyse de l'argumentation de Socrate, voir, p. ex., W.Th. SCHMID, Plato's

amis: non seulement l'exil et le fait d'être privé de leur ville, mais Charmldes and the Socratic Ideal of Rationality, p. 85-104 ; et E. HALPER, « Is Knowledge
of Knowledge Possible? : Charmides, 167a-169d », p. 309-316.
aussi la perte de leur fortune (tl'tv oll()'tav ùrroÀéaUl; Criton, 53 b 1- 10 L'argument repose sur une analogie entre le génitif de l'objet et le génitif de com-
3). Cette signification du terme ouata appartenait, du temps de Platon, paraison; voir W.K.C. GUTIIRlE, A Histary of Greek Philasaphy, Vol. N: Plata, p. 161.
52 GEERT ROSKAM §1. DE L'HIPPIAS MINEUR AU PROTAGORAS 53

l'exemple de l'ouïe, la cuvalUÇ est la faculté d'entendre, l'oùcrta est le s'enseigner tant qu'on ne connaît pas sa nature (71 a 5 - b 7 16 ), dans son
son; dans l'exemple de la vue, la 8Uvcquç est la faculté de voir, l'oocrta entretien avec Protagoras, il néglige la question principale concernant la
est la couleur. On aurait pu également illustrer le principe général de la nature de la vertu, pour prêter attention à deux problèmes secondaires:
thèse avec les notions de relation: la 8Uval'tç serait alors, p. ex., la puis- (a) la vertu peut-elle s'enseigner, et (b) la veltu est-elle une ou multiple?
sance d'être plus grand, l'oùcrta serait la chose à laquelle cette puissance La deuxième question est posée deux fois dans le Protagoras:
se rapporte, i.e, ce qui est plus petit. Tout cela montre que la proposition "Cuu"C' oi3v au"Cà OiEÀ6É ).l01 àxptprnç "Ctp ÀOYCP, non:pov Ëv ).lÉv "Ci tcrnv
subordonnée relative npàç flv f] cuval'tç aù-wù ~v n'est pas, dans f] àp8~iJ, J.lopta ai; aù~f\ç ""nv f] atKaW"UVT] Kat "ro<ppo"UVT] Kat
ce contexte-ci, une explication facultative du terme oùcrtU, mais presque 6"'O<T]ç, fi ,aù,' ""'tV li vuvaYJ "ym n8yov llav,a 6v6!la~a 'où aù,où
sa définition même (Platon aurait pu dire, semble-t-il: ÈKEtVO npàç BVOÇ ovroç.
ô f] cuval'tç ao-wu ~v). Ce qui rend le tenue presque intraduisible: « Explique-moi donc nettement si la vertu est une, et si la justice, la tem-
pérance, la sainteté n'en sont que des parties, ou si toutes ces qualités que
«essence» (comme dans les traductions de Croiset et de Chambry Il),
je viens d'énumérer n~ sont que les noms d'une seule et même chose» (329
« being »12 ou « Sein »13 suggèrent un sens trop technique et ont une c 6 - d 1, traduction E. Chambry, modifiée).
connotation métaphysique qui est tout à fait étrangère au contexte,
croepiu Kat crroeppocruVll Kat dvopBia Kat olKawcruvll Kat 6crtO"CllÇ, 1tO"CE-
tandis que les traductions" natural quality» (Lamb), "character »14 et pov "CatJ"Ca, nÉVtB OVtU èvo).lata, tnt ~Vt npaY).latt f:crttv, il ~Kacr"Ccp "Crnv
« Eigenschaft »15 sont trop spécifiques et sont incompatibles avec les oV0J.la"C(Ov "Coû"Ccov UnOKEl"Cc:i nç tOlOÇ oÙ(J'ia Kat npaYJ.la ëxov ~au"CotJ
exemples qui suivent (le son il' est ni une «natural quality », ni un ouvaJ.llv ÉKacr"Cov, OÛK CV oiov "Co Ë"CBpOV aû"Crnv 10 Ë1BpOV.
« character » ni une ~< Eigenschaft »). Peut-être une traduction assez « La sagesse, la tempérance, le courage, la justice et la sainteté, sont-ce cinq
vague comme « réalité» est-elle la moins mauvaise. noms différents pour une seule et même chose, ou chacun de ces noms cor-
respond-il à une ousia distincte, à un objet ayant sa puissance propre, et tel
que l'un ne puisse être identifié avec l'autre? » (349 b 1 - 6; traduction
c) Le Protagoras A. Croiset, modifiée).
Le Protagoras est sans doute un des dialogues les plus animés dans
Par deux fois, la même alternative est proposée: ou bien la justice, la
l'œuvre de Platon. La conversation s'infléchit plus d'une fois, avant
piété, etc. ne sont que des noms différents d'une seule vertu (ce qui est
d'aboutir finalement à la conclusion que les deux protagonistes, Socrate
la conviction de Socrate: positionS), ou bien elles sont toutes des parties
et Protagoras, ont changé de position (361 a 3 - c 2). À la fin du dialogue,
de cette vertu (ce qui est défendu par Protagoras: positionP). Toutefois,
Socrate explique qu'il a posé toutes ses questions à Protagoras dans le
il est clair que, dans le deuxième passage, la question n'est pas simple-
but d'examiner ce qu'est la vertu en elle-même (Tlno~' Ècr.tv aù~6,
ment répétée, mais aussi précisée et refonnulée. En effet, Socrate y tient
f] àpE~f] ; 360 e 6-8 ; voir aussi 361 c 5). Mais tandis qu'il déclare,
compte de ce qui a été dit entre-temps par Protagoras. Ainsi, l'addition
au début du Ménon, qu'il est impossible de décider si la vertu peut
des vertus (j'oepta et àv8pela est motivée par les mots de Protagoras lui-
même (voir 329 e 5 - 330 a 2). Le seul élément qui n'ait pas encore été
11 Voir aussi M.-F. HAzEBROUCQ, Lafolie humaine et ses remèdes. Platon. Charmide
introduit est précisément la notion d'une t8toç oûcrta. Comment interpré-
ou de la modération, p. 57 ; W.Th. SCHMID, Plata's Charmides and the Socratic Ideal of
Rationality, p. 94.
ter (et traduire) cette notion dans le contexte où elle apparaît? Il est
12 Proposée par D.A. HYLAND, The Virtue of Philosophy. An Interpretation of P!ato's important de noter que la notion d' oûcria est étroitement liée au tenne
Charmides, p. 118. npaYl'a, et que ce tenne a déjà été utilisé dans la discussion précédente
13 Proposée par B. WITTE, Die Wissenschaft vom Guten und Bosen. Interpretationen zu
PIatons 'Charmides', p. 118-119.
sur la positionP (330 c 1-2 et 330 d 3-4). La référence à la 8Uval'tç propre
14 Proposée par W.K.C. GUTHRIE, A History of Greek Philosophy, Vol. IV: Plata,
p. 161 ; voir aussi T.G. TucKEY, Plato's Charmides, p. 41 : «if an activity is ta be its own
abject it must itself possess the characteristics proper ta its abject». , "V' OlT aUSSI'M'
enon, 86 d 3-6 et 100 b 4-6 ; Républ., 1, 354 b 4-6; Lachès, 190 b 7-
15 Proposée par J. KOHM, «Die Beweisführung in Platons Charmides », p. 44. c 2; Protag., 360 e 6 - 361 a 3.
GEERT ROSKAM
§1. DE L'HIPPIAS MINEUR AU PROTAGORAS 55
54

de chaque chose trouve également son origine dans le même examen « accident» (aull~e~'lK6ç) : le fait d'être aimé par tous les dieux est un
de la positionP (330 a 4 - b 1). Tous ces parallèles précis montrent que accident du pieux, quelque chose qui artive au pieux (on "é"ovee ~oi3to
~à oGtov). Le terme oorrta, par contre, a sans aucun doute la significa-
le terme oùata - qui apparaît seulement dans ce passage-ci - n'a
pas ici le sens technique d' « essence» (comme dans la traduction de tion technique d' « essence ». Il renvoie à ce que le pieux est (on oi; av ;
Chambry 17), mais plutôt le sens de « réalité» (comme dans celles de formule qui aide à préciser la signification du terme oùata) en tant que
Croiset et de Robin l8) : si la justice, la sagesse, le courage, etc., sont tous pieux. En tant que telle, l'oùata d'une chose est identique à la forme
des parties de la vertu qui est une, cela veut dire que chacune est une (stooç ou toéa) de cette chose20 • En tout cas, il est parfaitement clair
réalité propre et une chose propre avec ses propres puissances. Les impli- que Socrate lui-même considère sa question concernant la forme du
cations métaphysiques de cette position ne sont jamais discutées dans pieux (ÈpüHÔlllevoç ,à oatQv on "o~' Èa~tv; 11 a 7, ce qui renvoie
à 5 c 8 - d 7 et à 6 d 9 - e 7) comme une question concernant son
le Protagoras.
essence (11 a 7 - b 5).
d) L'Euthyphron
e) L'Hippias majeur
Dans l'Euthyphron, Socrate essaie de trouver une définition du pieux
(~à oatQv). Une des définitions qu'Euthyphron, confiant en sa propre
Si Socrate a appris quelque chose de la conversation avec Hippias
piété (4 e 4 - 5 a 2), en propose, est la suivante: le pieux est ce qui est sur la nature du beau, c'est que les belles choses sont difficiles (xaÀ.e"à
~à KaÀ.a; 304 e 8). En effet, l'illustre sophiste a proposé beaucoup de
aimé par tous les dieux (9 e 1-2; 10 d 2). Socrate objecte: une chose
n'est pas pieuse parce qu'elle est aimée par les dieux, mais elle est aimée définitions du beau - une belle fille (287 e 4), l'or (289 e 3), ce qui
par les dieux parce qu'elle est pieuse (10 a 1 - 11 a 6). Par conséquent, convient (290 d 5), devenir riche, respecté et vieux (291d 10 - e 2), l'utile
la définition d'Euthyphron se révèle problématique. En effet, elle ne (295 c 2-3) et l'avantageux (296 e 5-6; ces deux dernières définitions
relève que d'uu certain "creoç au lieu de l'oùata elle-même du pieux: sont proposées par Socrate, approuvées par Hippias) - , mais toutes ses
tentatives sont vouées à l'échec. Finalement, Socrate suggère que le
Kat KLVOUVSOeV;, (b Eùe6cppcov, Èpm'tIDIlEVOÇ tO OCHOY D'tt not' ècrtiv, beau pourrait être le plaisir qui vient de l'ouïe et de la vue (298 a 6-7 et
).lot alytou ou ~06AeO'eat 51lÂrocrm, 1tI18oç 08 n rcspt
't1l V J..l8V ouaiav
UlYtûU ÀÉ)'EtV, ott 1t81tov8s 1"OÛ1:0 1"0 OCHOV, <ptÀEÎcr8ut OTtO nŒVtmV
299 b 8 - c 2). Or, le plaisir venant de l'ouïe est beau; celui de la vue
gerov' on oÈ 6v, 0{5",0 d"eç (11 a 6 - b 1). est beau aussi, et les deux plaisirs ensemble le sont aussi (299 c 8-9). Ils
« De telle sorte, Euthyphron, qu'étant prié par moi de définir ce qu'est le ont donc quelque chose en commun qui se rencontre à la fois dans
pieux. il semble bien que tu ne veuilles pas m'en révéler l'ousia, et que tu chacun séparément et dans les deux ensemble (300 a 9 - b 1).
t'en tiennes à un simple accident: à savoir, qu'il arrive à ce qui est pieux .Cette conclusion mène à une digression sur la possibilité que deux
d'être aimé par tous les dieux. Quant à ce que le pieux est en lui-même, tu choses aient en commun (àll<P6~epot) une caractéristique qu'elles ne
n'en as rien dit jusqu'ici » (traduction A. Croiset, modifiée).
Il s'agit ici d'un passage célèbre, dans lequel la distinction entre oùata 20 RH. BERGER, Ousia in de Dialogen van Plata, 1961, p. 34 fait une distinction entre
19
et "creoç apparaît pour la première fois dans la littérature de l'Antiquité • W,o,,'W'n: «Wanneer het "vroom", de éne idea en het eidos zelf niet van
.·eIkaar v,."sc,hillen, en anderzijds de ousia de ousia van het "vroom" is, mogen de éne idea
Le terme ncreoç désigne chez Platon ce que plus tard Aristote appellera e? ~et ~ldos zelf niet zonder meer met de ousia worden geidentificeerd. » Mais une telle
:distinction ne semble pas compatible avec le fait que Socrate ne pose qu'une seule question:
Fhypothèse de BERGER, le problème de l'dooç ou de l'ioÉa du pieux (5 d 1~5 et
17Voir aussi B.A.F. HUBBARD - B.S. KARNOFSKY, Plato's Protagoras, p. 50.
9:- e 7) et celui de son oùcria (11 a 6 - b 1) seraient par contre quelque peu différents,
18Voir aussi la traduction anglaise de R.B. ALLEN, Piata's 'Euthyphro' and the Earlier
qUI es~ peu pr~b~ble, et ce qui, de toute façon, n'est jamais suggéré dans }' Euthyphron.
The01y of Farms, p. 106. W.R.M. LAMB (dans le L.C.L.) traduit par «existence ».
plus, il}aut dlstmguer - contrairement à ce que fait BERGER - entre 1"0 omov d'une
19 Voir, p. ex., W.K.c. GunllUE, A Hist01y of Greek Philasophy, Vol. IV : Plata,
et l'EÏooç!loÉa d'autre part; voir W.K.c. GUTIIRIE, A Histo/y of Greek Philosophy,
p. 113 ; J. BURNET, PIato's Euthyphro, Apology of Sacrates and Crita, edited with notes,
IV: Plato, p. 120-121.
Oxford, 1924, p. 49.
§1. DE L'HIPPIAS MINEUR AU PROTAGORAS 57
56 GEERT ROSlCAM

L. Robin (1950) : « C'est pour cela qu'il vous échappe de voir quelle gran-
possèdent ni l'une ni l'autre (~T\OÉ,EpOt), Contrairement à Socrate, Hip-
deur et quelle continuité possèdent naturellement les objets concrets de
pias nie formellement une telle possibilité: si Socrate et lui-même sont la réalité. »
tous deux justes ou injustes, ou malades, etc., il faut nécessairement que P. Woodruff (1982)26: "Because of tha! you don't realize how great they
chacun d'eux le soit aussi (300 e 8 - 301 a 7). Selon Hippias, Socrate et are - naturally continuous bodies of being. »
ses interlocuteurs habituels se trompent parce qu'ils ne considèrent pas V. Cousin (1985) : « De là vient que la grandeur et la continuité des choses
l'ensemble des choses (,à ~Èv oÀ,u ,rov 1tpuy~émûv), mais isolent le concrètes vous échappent. »
beau et coupent tout ce qui existe (ëKU'HOV ,rov ov,mv) en morceaux On a même proposé de changer le texte :
(301 b 2-5). Suit alors un passage très célèbre :
O. Apelt (1912)27 : il faut lire ITxij~a,a 'ijs üùaias, et traduire: «Daher
otà 'tuuta 0\)1;(0 ~E'YétÀa UJlÜç Àav9aVEt Kat otaVEKll (j(bJluta 'tflç oùuiaç entgehen euch so groBe und naturgemaB stetig geordnete Verhaltnisse
1'CsqmKO't"U. Kat vov 'tocroi3t6v crs ÀÉ:À:r,eev, rocrtE 0'(81 Btvai 'tt il néteoç des Seins, »
il où<riav, Tt 1tspi IlSV UJl<po'tBpa -ruûta Ëcrnv CiJla, TCspi of: BKutSPOV oiS, D. Tarrant (1920)28 : il faut lire aro~a'Ca <,à> ,ijs oùaias, et traduire Tà
il aD 7tEpl ~8V ~Kémpov, 7tEpl 08 u~<p6'CEpa ou (301 b 5 - c 2). 'tflç oùcrtaç comme: « the sum of aIl that exists ».

Ce passage, et surtout la première phrase, a donné lieu à beaucoup Il est clair en tout cas qu'il s'agit ici d'un passage complexe. Il est
d'interprétations et de traductions très différentes: important de voir que ce passage se compose de deux parties. En pre-
mier lieu, Hippias lance un reproche général à la tête de Socrate. En effet,
E. Dupréel (1922)21 : «Par là, vous idéalistes, vous méconnaissez la conti-
l'approche habituelle (cf. les termes eYm8uç (301 b 3) et u~àç (301 b 6),
nuité des êtres concrets, c'est-à-dire cette unité indéfectible qui lie à
l'essence d'un être l'ensemble de ses qualités constitutives, cette unité qui sont tous les deux généralisants) de Socrate est d'abord critiquée:
dans laquelle consiste l'individualité d'un être réalisé» (interprétation il se borne à examiner chaque chose séparément, oubliant une perspec-
plutôt que traduction). tive plus large29 • Conséquence d'une telle méthode, les <, corps grands et
G.M.A. Grube (1926)22: «Therefore you fai1 to perceive that such large continus de la réalité» lui échappent. Dans ce contexte, une traduction
bodies of being are also by nature continuous » (traduction aussi approu-
du terme oùcrtU par « essence» serait très trompeuse. Il faut rappeler que
vée par D. Tarrant23).
A. Diès (1927f4: «C'est pour cela que ces masses si grandes et si conti- . c'est Hippias qui prononce le mot30 , et que ce mot apparaît ici pour la pre-
nues que sont naturellement les essences vous échappent» (autrement dit: mière fois dans le dialogue. Hippias n'adopte donc pas un terme qui a déjà
«C'est pour cela que vous ne savez pas voir que l'essence constitue natu- été utilisé par Socrate dans un sens technique. On peut dire que toute la
rellement des masses si grandes et si continues»). formule ~EYaÀ,u Kul OtaVëKfi crffi~u,u tijç oùcrtUç précise les mots ,à
P. Shorey (1933f5 : «So the great natural continuities and corporeal tota-
oÀ,u ,rov 1tpay~a,mv (301 b 2-3). Si cette hypothèse est exacte, le mot
lities of existence escape you. »
A. Croiset (1936) : «C'est pour cela que les grandes réalités continues oùcrtU est utilisé dans le sens non technique de « réalité ». Un peu plus
des essences vous échappent» (traduction aussi approuvée par A. Diès
(1927), p. 196). 26 Voir Plata, Hippias Major, p, 26 (voir aussi p, 85-86).
H.N. Fowler (1939) : «For this reason you fail to observe that embodinlents
27 Voir Platonische Aufsiitze, p. 231, avec n. 2,
of reality are by nature so great and undivided. » 28 Voir« On the Hippias Major », p. 329; voir aussi The Hippias Major attributed ta
É. Chambry (1947) : « C'est pour cela que vous ne voyez pas que les corps Plata, p. 78.
réels sont naturellement très grands et tout d'une pièce. » 29 Cf. aussi Hip. min., 369 b 8 - c 2: dl Lancpa:tsç, dû crû 'CLVUç 1:0l0Û1:0UÇ nÀÉKStç
À6youç, KUt ùno1oul-lJ36.vcov 0 av TI 8ucrxspÉcr'CU'tov 'Cou 1ooyou, 'COûwu EXTl Ku'Cà
Cil..ltKpoV È<pamOl-lSVoç, Kat OOX o1oq:J àycovisn 'Ccp npaYl..lun nspi o'COU av 0 1ooyoç TI.
30 Plusieurs auteurs soulignent que le sophiste est négligent dans 1'usage de ses
21 Voir La légende socratique et les sources de Platon, p, 201.
22 Voir «On the Authenticity of the Hippias Maiar », p, 147. tennes; voir, parmi d'autres, H.H. BERGER, Ousia in de Dialagen van Plata, p. 47 et
23 Voir The Hippias Major attributed ta Plata, p. 78. G.M.A. GRUBE, «On the Authenticity of the Hippias Maial' », p. 147: «Hippias is pro-
24 Voir Autour de Platon, Paris, 1927. bably purposely represented as obscure. He is camouflaging his ignorance with big words
that mean very little. »
25 Voir What Plata said, p, 94.
58 GEERT ROSKAM §1. DE L'HIPPIAS MINEUR AU PROTAGORAS 59

loin, Socrate lui-même renvoie à la « théorie continue de la réalité selon Il est clair que Socrate utilise ici le terme ouata dans un autre sens que
Hippias» (otavEnl À,ÛYlP ~f\ç où"iaç Ka~à 'I",dav ; 301 e 3-4). Dans le sophiste Hippias 33 • En effet, le mot a ici la signification technique
cette parodie sarcastique, le terme oùata a évidemment la même signi- d'« essence ». Socrate est à la recherche de l'essence du beau. Comme
fication que dans la bouche d'Hippias. dans l' Euthyphron, cette essence peut être identifiée à la forme (dooç ou
Dans la deuxième phrase du passage cité plus haut, Hippias applique 100a), étant donné que Socrate lui-même souligne qu'il cherche le beau
sa critique générale de l'approche habituelle de Socrate à la discussion en soi (aù~è> ~è> KaÀ.ôv), qui orne toutes les autres choses et les fait appa-
concrète qui vient d'avoir lieu (Kat vùv K~À.. ; 301 b 7 sqq.31). Une fois raitre comme belles, chaque fois que cette forme s'y ajoute (errEtoàv
de plus, il utilise le terme oùata, associé au terme rru80ç. On pense rrpoayÉvlFat ÈKslVO ~è> dooç ; 289 d 2-4).
évidemment au passage célèbre de l'Euthyphron analysé plus haut
(11 a 6 - b 1). Cependant, dans le passage examiné ici, Hippias ne pro-
pose pas une telle distinction technique, mais il traite plutôt les deux D. CONCLUSION
termes comme à peu près équivalents 32 • En effet, les deux mots résument
les verbes dvat et rruaXEtV utilisés immédiatement avant (300 e 8 - Déjà dans l'Antiquité, Platon était connu pour sa quête philosophique
301 a 7). Par conséquent, une traduction du terme oùata par « essence » de l'oùata des choses. Sa réputation apparatt très bien dans un texte
(comme le proposent Croiset et Diès) ou même par « qualités essen- d'Albinus:
tielles » (proposée par Chambry et Cousin) se révèle une fois de plus dpÉcrKEt 'tE "Ccp qnÀocrôcp<p nEpi nuv"Coç oûnvocroDv 1'11V crKÉ'I'tV 1tOWÛ-
fort trompeuse. Le sophiste n'a que faire de la métaphysique. Il semble J.1EVOV 'tT]V oùcrtUV 1:013 n:payj.lu'toç ~ÇE'tétÇëtV, ËnEttU 1:t 1:0131:0 8ûvu'tut
préférable d'interpréter ici aussi le terme oùata dans le sens non tech- KUt <[ ).li!, "po<; Ô n <B xPi!(Jt~ov "É<pUKE KUt "po<; Ô ).li! (Prolog. 1).
nique d'« être» (comme Robin) ou de «réalité» (cf. la traduction anglaise « Ainsi le philosophe [c.-à-d. Platon] demande-t-il que, quel que soit
« l'eality » de Fowler). l'objet de la recherche entrep11se, on examine l'essence de la chose, puis
Quelques lignes plus bas, Socrate revient au sujet de sa définition du ce qu'elle peut et ce qu'elle ne peut pas, à quoi elle sert, à quoi non» (trad.
R. Le Corre34).
beau comme étant le plaisir qui vient de l'ouïe et de la vue, et précise de
nouveau ce qu'il essaie de trouver. Il rappelle que tant le plaisir de l'ouïe Pour Alcinoos, l'examen de l'oùata des choses et de ses accidents est
que celui de la vue doivent être beaux, et qu'ils doivent l'être également même la tâche fondamentale de la dialectique platonicienne35 • Beaucoup
ensemble (302 b 8 - c 4). En d'autres termes: il faut que chacun d'eux de lecteurs de Platon seraient plutôt tentés d'associer ces textes médio-
possède la même oùata et qu'ils la possèdent aussi ensemble: platoniciens aux dialogues de jeunesse36 • En effet, dans ceux-ci, Socrate
'COtytoU oy! ÉV8KU tnOÙ(ji~ '"Cft sre' ètll<ro'tspa ércoJlÉvn fPl·HIV, €'(1tSP
est sans cesse à la recherche d'une définition réelle des choses, d'une
IlIl<POtSpa Ban KuÎl-a, tUtYCn oc'tv ŒlYtÙ KUÀÙ dvm, -cn of; Ku'tà 'tà Ë'tBpa
àlWÀ.Bt1W).lÉVn ).li! (302 c 4-7). 33 Contra: A. DIÈS, Autour de Platon, p. 198 : « Ainsi la suite de la discussion conserve

« De là je concluais que, si toutes les deux ont de la beauté, c'est par l'effet au mot oûcriu le sens qu'Hippias lui-même lui a donné dans sa fameuse apostrophe et
dans les quelques phrases qui la précèdent immédiatement. Hippias et Socrate parlent,
d'une ousia qui leur appartient à l'une et à l'autre, et non d'une essence qui au fond, la même langue. »
manquerait à l'une d'elles» (traduction A. Croiset). 34 Voir« Le Prologue d'Albinus », p. 28-38.
~5 Didaskalikos, V, 156.24-26: 'tfjç otaÀEKTlKfjÇ oÈ cr'W1XElcooScr'tuwv TtyEt-cal
npo'YCov IlÈV 'to 'tllV oucriav f:mpÀÉn:etv n:unoç o-couoGv, Ën:Enu n:epi -crov crufl-
peJ3'flKô'tcov.
31 Comparer une fois de plus Hip. min., 369 b 8 - c 3, où, de la même manière, le 36 Voir, p. ex., la thèse - peu nuancée, et colorée par les arguments qu'on lit dans les
sophiste fait suivre sa critique générale de l'approche de Socrate (dû) par une application dialogues de la maturité - de R. LORIAux, L'être et la forme selon Platon, 1955, p. Il :
concrète (tn:Ei Kat vuv). «Dans ses œuvres de jeunesse, Platon avait toujours appelé du nom d"'oùcria" la réalité
32 Voir aussi P. WOODRUFF, Plato. Hippias Major, p. 86; P. FRIE~LÀNDER, Platon. profonde de chaque chose, ce que cette chose est en elle-même, par opposition aux mani-
Band II, p. 292, n. 6. festations imparfaites qu'en donnent les sens.»
60 GEERT ROSKAM

réponse à sa question fondamentale 1t Èau. L'image générale qui s'im-


pose au lecteur est que Socrate essaie de trouver 1'« essence» des choses.
Toutefois, le terme oùata apparaît remarquablement peu dans les.dia- §2. GORGIAS, MÉNON
logues de jeunesse Gamais dans l'Hippias mineur, l'Alcibiade J, l'Apolo-
gie, le Lysis et le Lachès), et quand il est utilisé, c'est le plus sonvent dans Aikateriui LEFKA
le sens économique de «fortune » (Criton) ou dans le sens de «réalité »
(Protagoras, Charmide et Hippias majeur). C'est seulement dans deux
des dialogues examinés ici, à savoir l'Euthyphron et l'Hippias majeur, Édition de référence
que le terme oûcria a la signification d' « essence». Il est intéressant de 1. BURNBT, Platonis Opera, T. III, Oxford, Oxford Uruversity Press, 1940 (2' éd.).
noter que ces deux dialogues sont aussi les seuls parmi les dialogues de
jeunesse où les termes dùoç et IÙÉa sont utilisés dans le sens ontologique Autres éditious et traductious cousultées
de «forme » (même si cela n'implique pas encore la présence de la théo- Gorgias-Ménon : texte établi et traduit par A. CROISET, avec la collaboration de
rie des Idées développée dans les ouvrages de la maturité)37. L. BODIN, Les Belles Lettres, Paris, 1923.
Évidemment, c'est un fait que la plupart des dialogues de jeunesse se Gorgias:
ressemblent dans la façon de poser la question. Mais ces grandes ressem- - ~ad. d)e M. CANTO, GF-Flammarion, Paris, 1993 (2'm, éd., corrigée et remise
blances justifient-elles qu'on cède à la tentation d'utiliser le terme oùata a Jour.
- trCansI. with notes by T.IRWIN, Clarendon Plato Series, gen, editor M.J. Woods,
lorsqu'on parle des dialogues où il n'apparaît pas? La question mène
larendon Press, Oxford, 1979.
directement à un des problèmes les plus importants qui se posent à pro- - a revised text with Introduction and Commentary by E.R. DODDS, Oxford
pos des dialogues de jeunesse. Il est très séduisant de réunir tous ces dia- Clarendon Press, 1959. '
logues dans une seule perspective, et de les iuterpréter l'un par l'autre. Ménon.: ,trad. de !"1. ,C.ANTO-SPERBER, OF-Flammarion, Paris, 1993 (2ème éd.,
Mais une telle iuterprétation est aussi très dangereuse, parce qu'elle risque comgee et remise a Jour).
de faire tort à la spécificité particulière de chaque dialogue. Somme toute,
l'approche siugularisante de Socrate, même avec l'à1topta qui en résulte,
38 A. DONNÉES QUANTITATIVES
se révèle préférable à l'exposé généralisant d'Hippias •
Dialogue Nombre d'occunences
Gorgias 2
Ménon 1

, Ces deux dialogues comptent parmi ceux qui présentent le moins


d OCCUlTences.

B, OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

a) Formes
, Tout~s les occurrences se présentent au siugulier. Dans le Gorgias il
37Voir G. ROSKAM, «Platon, Hippias mineur, Alcibiade J, Apologie, Euthyphron, s agit d un accusatif (486 c 1) et d'un génitif (472 b 6), dans le Ménon
Criton, Hippias majeur, Lysis, Charmide et Lachès », p. 72-76. (72 b 1) d'un génitif.
38 Je tiens à remercier Monsieur J. Noret, qui a corrigé soigneusement mon français.
62 AIKATERINI LEFKA §2. GORGIAS, MÉNON 63

h) Syntaxe Gorgias
_ L'accusatif est un complément de relation d'un verbe signifiant a) Sens économique
« être dépouillé de » : rrE ptcr\JÀàcr8at rràcrav "1 v où"iav (Gorgias, La deuxième occurrence d'où"ia (à l'accusatif) dans le Gorgias
486 cl). (486 c 1) revêt clairement un sens économique. Elle signifie la fortune,
Les deux génitifs sont précédés de prépositions qui font d'eux des ou « les biens», comme traduisent respectivement M. Canto et A. Croiset
compléments: . . .. . «< property» est le terme choisi par T. Irwin). C'est à Calliclès que l'on
• de lieu, accompagnant l'infinitif d'un verbe qm slgmf1e «extratre doit cet emploi vers la fin de sa longue intervention, où il défend ouver-
de» : tKP6.ÀÀEtV ).lE èK ~fi<; où"ia~ (Gorgias, 472 b 6) ; tement le « droit naturel» du plus fort. Calliclès interpelle Socrate (lequel
• de référence, pour un participe passé du verbe « questIOnner» : ).Io\J avait exprimé un avis opposé sur la justice, et avait affronté victorieuse-
èpO).l6VO\J ... rrEpi où"iaç (Ménon, 72 b 1). ment jusque-là Gorgias et Pâlos), et l'invite à laisser tomber la philoso-
phie, considérant celle-ci comme un apprentissage léger. Elle est intéres-
c) Expressions, associations, jeux de mots sante pour les jeunes, mais ne peut aider les hommes mûrs à se défendre
_ Le terme oùcria peut être accompagné par : contre leurs ennemis ni à vivre honorablement dans la cité:
• l'adjectif rràcrav (Gorgias, 486 c 1) ; «Mais comment peut-on qualifier de sage cette chose-là, Socrate, si un
• uu génitif possessif, pour indiquer quel est l'être dont l'oùcria est en art "qui prend un homme doué d'intelligence, le rend pire", incapable
question: ).IEÀhu1<; rrEpl où"iaç (Ménon, 72 b 1). d'aider ou de sauver des plus grands dangers lui-même ou qui que ce soit
d'autre, un homme que ses ennemis peuvent dépouiller de toute sa fortune
OO<JtU est associé: (n8ptcruÀucr8at nucrav -ri)v oùuiav) et qui vivra déshonoré à cause de son
• à la notion d'honneur civique: rrE ptcr\JÀàcr8at rràcrav ~fiv où"iav, manque de savoir-faire (dtEXVmç oi: iitlf!oV (fiv), dans la Cité?
(hEXVro<; 01> Iht).loV Çfiv èv ~îi rr6ÀEt (f!OI'gias, 486 cl). Un tel homme, même si c'est un peu rude à dire, il sied de le frapper sur la
• au vrai: èK ~fi<; où"la~ Kal wii aÀ1]8o\J<; (Gorgias, 472 b 6) ; tête, impunément !
• à la question ô 11 rro~' ècr~iv (Ménon, 72 b 1). Allez, mon bon, laisse-toi convaincre par moi, "achève tes discussions
et réfutations, exerce-toi à ce qui plaît aux Muses", entraîne-toi aux choses
Synonymes: qui te donneront la réputation d'un sage, et "laisse à d'autres ces finasseries"
• pio<;, pour l'occulTeuce du Gorg!as, 486.~ 1 ;, , .. - qu'il faut appeler délires ou bavardages - "à cause desquelles tu finiras
• Où"ia ).IEÀiH1]<; - ).I6ÀtHa EIVat - EV EtOO<; W\JWV arracrat par habiter une maison vide". Ne t'inspire pas des hommes qui réfutent ces
exo\Jcrtv (Ménon, 72 b 1). , _ " ,_ petites choses, mais de ceux qui ont la vie fortunée, la gloire et beaucoup
_ L'expression è1ttXEtpEt<; èKP6.ÀÀEIV ).lE EK ~1]<; oll"laç Kat ~o\J d'autres biens (Pioç KU! 06l;u KUt aÂ,Â,u 1toÂ.Â.à dyu8a) (486 b 5 - d 2)'. »
aÀ1]8oii<; (Gorgias, 472 b 6) est une métaphore. Il est évident que la fOltune ainsi que les biens matériels et sociaux en
général sont présentés par Calliclès comme les choses les plus impor-
tantes pour la vie d'un homme, celles qu'on doit acquérir et sauvegarder
C. ANALYSE SÉMANTIQUE prioritairement. L'activité philosophique ne peut rien devant les dangers
qui guettent ces biens (elle peut même les provoquer) et donc elle se
Dans ces deux dialogues, nous pouvons distinguer les deux princip~les trouve opposée au mode de vie d'un citoyen honorable.
orientations de sens du terme où"ia : d'une part, celle qu'on peut quahfter Il va de soi que ces propos ne sauraient représenter l'avis de Platon lui-
d' « économique», car elle exprime l'ensemble des possessions maté- même. Ils ne doivent pas, pour autant, être pris à la légère, comme une
rielles, « ce qu'on a », et d'autre part celle qui relève d'un sens qu'on manifestation grandiloquente du cynisme de Calliclès.
appellera« ontologique », vu qu'il se réfère à ce qu'une chose ou une per-
sonne est en réalité, à son essence propre. ' 1 Sauf indication contraire, les traductions des citations sont faites par l'auteur.
64 AIKA TERINI LEFKA §2. GORGIAS, MÉNON 65

Notons, par exemple, un point qui n'a pas été retenu par les commen- li est remarquable que tous les traducteurs et commentateurs rendent
tateurs du dialogue: la perte de l'oùc:r(u financière n'est pas sans impor- le sens d' oùcria dans ce passage par «propriété», ou ~< bien propre»,
tance politique, étant donné que les classes sociales de la démocratie qui va « être anaché» à Socrate (ou dont celui-ci « sera dépouillé»), en
athénienne (et les obligations ou les droits qui en dérivaient) étaient défi- soulignant pourtant l'usage métaphorique du terme. Comme le cadre
nies par le niveau des revenus de leurs membres. Un changement impor- de la discussion se réfère aux procédures en cours dans les tribunaux, où
tant de celui-ci entrainait une modification sérieuse du statut SOCIal. des gens peuvent se trouver privés de leur fortune, suite à de nombreux
L'« identité politique» d'un homme, inextricablement liée à son exis- témoignages contre eux, Platon présente Socrate en train d'être «expulsé»
tence propre pour l'esprit de l'Antiquité, dépend prioritairement de s?n par les «témoins» de Pôlas de son «patrimoine spirituel », c'est-à-dire,
oùc:r(u matérielle. Le « déshonneur» résultant d'un manque de saVOlr- la vérité2 • E. D. Dodds nie expressément la possibilité d'envisager ici
faire dans la gestion de sa fortune n'est pas, dès lors, une conséquence l' oùc:rta dans un sens ontologique: «1 do not think Plato intends any
purement morale. playon the philosophical sense of oùc:riu as "substance" or reality : Polus
En outre, dans le paragraphe précédant celui qui est cité ici (486 a 8 - might rob Socrates of a true opinion, but could hardly rob him of sub-
b 1), Calliclès dépeint comme une possibilité tenible l'accusation, l'arres- stantial existence »3.
tation et la mise à mort du philosophe par des hommes mauvais. L'ironie Or, nous pensons que ce dont Pâlos tente d' « expulser» Socrate est
tragique se pointe, car nous savons qu'effectivement, c'est ainsi que l'essence du sujet discuté et la vérité sur celui-ci, exprimée par un logos
Socrate a péri. Est donc bien réelle l'impuissance du philosophe à garder juste, selon les règles de la dialectique (dont Socrate se sert pour pouvoir
non seulement sa fortune, mais même sa vie. L'usage du terme ~(o<;, à définir la véritable nature des étants). Le lien du tenne wu o'À1l80u<; à
la fin du passage, comme synonyme d'oùc:r(u, peut donc être considéré ti\<; oùc:riu<; par le Kat, indique que Socrate parle de choses du même
comme comportant aussi le sens de « vie » tout court. geure et marque la différence par rapport à l'usage habituel et attendu
'4'oüaîa dans ce contexte.
b) Sens ontologique Il nous paraît que cette signification ontologique du terme étudié est
soutenue par un argument supplémentaire: dans la suite, Socrate rappelle
La première mention d' oùc:riu apparait dans le cadre de la discussion de
quel est le sujet de leur discussion. Les interlocuteurs se préoccupent de
Socrate avec Pâlos. Socrate avance que l'injuste ne saurait être heureux.
définir qui est l'homme bienheureux et qui ne l'est pas, une connaissance
Pour le réfuter, son interlocuteur lui donne des exemples de personnes qui
qni est probablement la plus importante parmi toutes (472 c 3-10). C'est
se sont emparées du pouvoir politique et l'exercent sans aucun égard pour
vraie connaissance de l'essence du bonheur humain que Socrate pense
la justice (comme le roi Archélaos de Macédoine) ; pourtant, grâce aussi
et Pâlos tente de l'en éloigner en lui opposant l'avis contraire de la
à leur impunité, tout le monde les considère comme des bienheureux.
Socrate trouve trop faible cette argumentation, utilisée couramment
dans les tribunaux:
«Mais moi, quoique seul, je n'accepte pas que tu aies raison; car tu n~
m'y obligeras pas. Mais en produisant plusieurs faux té~~ins ~ontre m<:l, L'unior,e occunence d'oùc:rtu dans le Ménon peut être clairement COill-
tu essaies de m'expulser hors de l'essence et de la venté (E1tlX at patç aussi dans un sens ontologique.
8KPétÀ.À.81V fi8 ÉK <Î\S oU<iias Kat <où àÀ.Tj80ùç). Cependant, moi, si)e ne figure au début du dialogue. Socrate, qui a manifesté son ignorance
te produis pas toi-même, quoique tu sois une seule personne, comme temom
qu'est la vertu, incite Ménan, qui se vante de le savoir, certainement
en accord avec ce que je dis, je n'estime pas que j'ai mené à son terme
comme il se doit, le sujet de notre débat (oùûÈv OlfiCll IiÇIOV MyOD fiot aux leçons dn rhéteur Gorgias, à lui dévoiler ce savoir précieux.
1t81tEpav9m nept &v uv TUdv 6 Îvoyoç Et~). Eqe cro,is q~e cela vaut pour
toi aussi, si moi je ne témoigne pas pour tOI, qUOique Je S~lS une seule per- Voir M. CANTO, Gorgias, p. 325, n. 62.
sonne; et tu peux envoyer promener tous ces autres (472 b 5 - c 3). » E.R. DODDS, Gorgias, p. 245.
§2. GORGIAS, MÉNON 67
66 AIKATERINI LEFKA

Ménon affirme cependant que la chose n'est pas aisée à définir, car il y devenir l'objet principal de son intérêt et de sa quête dialectique, en tant
a plusieurs vertus, chacune propre au sexe, à l'âge, à la situation ou à qu'essence commune à tous les étants qui appartiennent au même genre.
l'action humaine. Socrate répond, admiratif, qu'en cherchant une vertu, La vérité sur la nature des êtres est la fortune du philosophe, un bien que
il vient d'en trouver un essaim autour de Ménon. Et il pose la question: celui-ci est prêt à défendre par les armes du logos. Pour ce qui est de son
oùcria matérielle, ou même de sa vie, peu importe si ceux qui pensent
« Mais, Ménon, pour rester en accord avec cette image des essaims, si je te
demandais à propos de l'essence de l'abeille, ce qu'elle peut bien être autrement arrivent finalement à les lui prendre.
(J.lf: ÀittllÇ n:spt oÙ<Jia-; on not' ECrtlv), et que tu me disais que les abeilles La tension entre les deux aspects de l' oùcrta, externe et interne, com-
sont plusieurs et de toutes sortes, qu'est-ce que tu me répondrais, si je te mune et personnelle, se fait sentir dans le texte du Gorgias de manière
demandais: "Est-ce que tu veux dire par ceci qu'elles sont plusieurs, de dramatique.
toutes sortes et différentes les unes des autres par rapport à leur qualité d'être D'autre part, le sens ontologique du terme étudié est clairement attaché
des abeilles (1:<p J.1sÎvütaç E:tvat) ? Ou que sur ce point ne diffèrent-elles en
rien, mais bien sur autre chose, comme par exemple par la beauté, ou par la à la méthode dialectique appliquée par Socrate - qui seule, d'après lui,
taille, ou par quelque autre qualité équivalente?" (72 a 8 - b 5). " permet l'accès à sa connaissance - , même si un exposé détaillé sur cette
méthode ne figure pas dans ces deux dialogues. L'oùGla se présente
Ménon répondra qu'en tant qu'abeilles, les représentantes de cette incontestablement déjà dans ce petit échantillon comme la notion-clé de
espèce ne diffèrent en rien entre elles. l'ontologie et de l'épistémologie platoniciennes.
Même si Platon ne se servira plus du terme oÙGta dans ce dialogue, il
devient clair dès le début, par l'exemple de l' « essence de l'abeille », que
la recherche socratique s'orientera vers l'essence de la vertu. De toute
chose aussi, d'ailleurs, comme le dévoilera la suite, où sera introduite la
théorie de la réminiscence comme explication de notre possibilité de
connaître « ce qu'est» vraiment le « genre unique» auquel participent
divers étants particuliers. Un peu plus loin, Socrate se servira des termes
ev yÉ n dùoç ~aù~6v comme synonymes d'oùGta.
Dans cette seule mention de ce terme, Platon met en évidence le fait
que Socrate accepte l'existence d'une essence commune à tous les indi-
vidus qui font partie d'une espèce. La recherche dialectique est vouée à
la découverte de la vérité sur cette essence.

D. CONCLUSION

Les occurrences du terme étudié dans le Gorgias et le Ménon sont sans


doute très peu nombreuses, mais elles sont, à notre avis, représentatives des
deux orientations principales du sens. Qui plus est, elles nous dévoilent
déjà le contexte dans lequel oÙGta évoluera dans la pensée platonicienne.
Si pour la plupart des hommes l'importance de l'oùGta réside dans sa
signification économique, qui influe sur la place politique et sociale d'un
homme dans la cité, comme nous l'avons vu dans le discours de Calliclès,
le philosophe s'oppose radicalement à ces opinions. L'ooGta mérite de
§3. PHÉDON

Bernard COLLETIE-DuClé

Édition de référence
E. A. DUKE, W. F. HIcKEN, W. S. M. NICOLL, D. B. ROBINSON et J. C. G. STRACHAN,
Platonis Opera, T. l, Oxford, Oxford University Press, 1995.

Autres éditions et traductions consultées


Phédon: L. ROBIN, texte et traduction, Paris, Belles Lettres (C.U.F.), 1960.
Phédon: M. DrxSAUT, traduction, POlis, GF-Flammmon, 1991.
Phédon: P. VICAIRE, traduction, Paris, Ga11lmm'd, Tel, 1996 (= 1991).
Phaedo: D. GALLOP, traduction, Oxford, Clarendon Press, 1975.
Phaedo : C. J. ROWE, traduction and commentary, Cambridge, Cambridge Uni-
versity Press, 1998 (= 1993).

A. DONNÉES QUANTITATIVES

il Y a six occUIrences du terme OÙata dans le Phédon.

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

Le terme oÙata est tOUjOUIS utilisé au singulier. Les 6 occurrences se


répartissent selon trois cas différents :
- 3 au nominatif: OÙata (76 d 9, 78 dl, 92 d 9)
". 1 à l'accusatif: oùatav (77 a 2)
- 2 au génitif: oùataç (65 d 13, 101 c 3)
On note ainsi une prédominance de l'usage du nominatif (3 OCCUI-
rences SUI 6). prépondérance qui peut s'expliquer du fait que Platon,
. dans le Phédon, s'attache à définir le terme oùata selon une acception
nouvelle et totalement originale. Ce faisant, il se voit amené à poser
<'/"eJ:isten,ce de l'oùata, soit de manière hypothétique (cf. 76 d 7-9 : si
éanv ... "àaa Tj TOtainll oorrta), soit comme un fait démontré
70 BERNARD COLLETIE-DUCIé §3. PHÉDON 71

(cf. 92 d 9 : lanv f] où,,!a), et à faire de sa définition l'objet d'un ques- par un affranchissement des liens corporels qui enchaînent l'âme (sur ces
tionnement philosophique (cf. 78 d 1-3: afni) f] où,,!a ... 7t6~8pOV liens, cf. 60 a l, 62 b 4-5 et 65 a 1). L'âme ainsi déliée, «parce qu'elle
rorra(mûç àei 8X8t Ka~à wo~à ilaf.f.o~' aÀÀ(j)ç ... ). se concentre le plus possible en elle-même et envoie poliment promener
le corps » (65 c 7-8), « aspire <désormais> à ce qui est (ôptYll~at wù
DV~OÇ) » (65 c 9). Autrement dit, l'acte de concentration de l'âme en

C. ANALYSE SÉMANTIQUE elle-même, acte corrélatif au mouvement par lequel elle s'affranchit du
corps, la mène simultanément à aspirer à quelque chose qui ne peut être
Les 6 occurrences d' oorrta mettent toutes en jeu un sens philosophique. perçn que par elle seule et qui est 1'« être» ou «ce qui est ». C'est au
Ce sens est véritablement institué par Platon, dans le Phédon. Sans doute bout de ce raisonnement que survient alors le terme « oùcrta »! terme qui
est-il vrai, comme le souligne M. Dixsaut, que Platon a pu s'appuyer remplace manifestement celui d'« être» : ce que l'on saisit par la seule
sur le sens économique qui prévalait alors: «Dans la langue courante, pensée (cf. 65 e 3 : otavo1l8iivat), c'est, affirme Socrate, «ce qui, pour
écrit-elle, ousia signifie" ce qui appartient en propre" à quelqu'un (sa chaque chose (par exemple la grandeur, la santé, la force, bref toutes
"propriété" au sens le plus concret du mot, son "avoir"). Ce sens per- choses sans exception) constitue son ooala: ce que chacune se trouve
siste dans l'usage philosophique, à ceci près que ce qui appartient en être (7t8pi 7tav~(j)v, oiov J.l8yt8ollÇ 7ttpt, Oyt8tllÇ, lax60ç, Kat ~rov
propre à une chose, c'est son être - sa manière d'être propre, qui la aÀÀùlV tVt À6ycp a7tav~(j)v ~iiç où,,!aç Il ~llyxaV8t ËKllawv DV»>
distingue de toutes les autres - , et sa consistance: le fait d'être toujours (65 d l2-e 1 ; trad. M. Dixsaut). Le terme« oOatll », s'il renvoie à l'être
même qu'elle-même »1. Nonobstant cette filiation possible, il n'en demeure d'une chose, ne renvoie pour autant pas à rêtre en général, mais à l'être
pas moins que le sens institué dans le Phédon demeure absolument ori- compris dans une acception plus restreinte, comme cela apparaît dans les
ginal et singulier et qu'il trouve sa nécessité dans la question qui par- lignes qui suivent ce passage: ce qui! en une chose donnée, est considéré
court tout le dialogue: «comment atteindre la pensée du vrai? ». par la seule pensée, sans rintennédiaire du corps, c'est «ce qu'il y a, en
La première occurrence du telme « oOa!a» (65 d 13) survient dans elle, de plus vrai (àf.YJ8i:amwv»> (65 e 2), ou encore, ce que cette chose
le cadre très général de la définition de la philosophie - ou de l'activité est «en elle-même (ao~6) » (65 e 3).
de philosopher - comme ce qui «ne s'occupe de rien d'autre que de Ainsi présentée, l' oOatll apparaît comme l'objet propre de la pensée,
mourir et d'être mort» (64 a 5-6). Une telle assertion, qui implique c'est-à-dire comme ce que la pensée, par nature, saisit, dès lors qu'elle
l'acceptation de la mort par le philosophe, se trouve immédiatement est «en elle-même et sans mélange (m'n1\ Ka8' ao,i)v elf.tKptvd) »
éclairée par l'examen de la possibilité d'une connaissance véritable des (66 a 1-2). En tant qu'horizon de la connaissance véritable, l'oOata maui-
choses. Deux formes de connaissance sont proposées, celle qui se fait feste, corrélativement, l'objet de la connaissance - ou être - comme
par les sens, donc par l'intermédiaire du corps, et celle qui se fait sans objet purifié: penser, c'est penser l'être, non pas toutefois l'être en géné-
le corps, par la seule pensée (cf. 65 a 9 : ~iiç 'PPov1ja8(j)çj2. Or, il ral, mais l'être compris comme ce qu'une chose est «en elle-même et
apparaît rapidement que seule cette seconde forme de connaissance sans mélange (ao~à Ka8' atnà 81f.tKptvtç) » (66 a 2-3). En tant qu'ob-
constitue une connaissance véritable, car elle n'est pas entravée par les jet propre de la pensée, l'ooa!a apparaît comme l'exigence à laquelle
passions du corps ni trompée par ce dernier. La « saisie de la vérité» doit se soumettre toute entreprise qui vise à la connaissance du vrai, exi-
(cf. 65 b 9 : ~iiç àf.1l8daç Iim8~at) est donc possible, mais elle passe gence qui suscite une purification (cf. 66 d 8 et 66 e 5 : Ka8aproç) tant
de l'âme relativement au corps que de l'objet sur lequel se penche l'âme.
l M. DIXSAUT, Phédon, p. 331, n. 80. Voir également «Ousia, eidos et idea dans le
L'oOata est donc tout à la fois ce qui est visé et ce qui, à titre d'exi-
Phédon », p. 71-91, article dont la démarche a inspiré la présente étude. gence, est présupposé, dans toute recherche du vrai, dès lors que, comme
2 Sur la phronèsis comme saisie pure des essences intelligibles, voir le commentaire l'écrit Platon, « ne pas être pur et se saisir du pur, il faut craindre que ce
de M. DIXsAuT, « De quoi les philosophes sont-ils amoureux? Sur la p'hronèsis dans les
ne soit pas là chose permise» (67 b 1-2).
dialogues de Platon», p. 104-106.
72 BERNARD COLLETIE-DUCIé §3. PHÉDON 73

Les deuxième et troisième occurrences surviennent dans le cadre de Ces trois nouvelles occunences du tenne « oûcria » permettent donc
la démonstration de l'immortalité de l'âme et, au sein de celle-ci, dans d'éclaircir un peu plus le sens que recouvre une telle notion. Elles nous
l'explication, donnée par Socrate, de la réminiscence: «S'il existe, montreut, en particulier la dernière, que l'oùrr(a - comprise jusque-là
comme nous le rabâchons sans cesse, un beau, un bien, et tout ce qui comme ce qu'est une chose, son être essentiel, bref son essence -
est nne telle oùrr(a (st IlÈV errnv li 8puÀOÛllSV ùst,KaÀ6v 1É n Kat désigne un mode d'être particulier, celui de la peImanence et de l'iden-
ùya80v Kat nùrra ft 10laUtt] o;",ia) ; si nous rapportons toutes les don- tité à soi. Il convient de ne pas surdéterminer la différence existant
nées sensibles à cette oùcrta, dont nous découvrons progressivement entre l'oùcria comme « essence» (rendue par les termes ou expressions
qu'auparavant elle nous appartenait en propre (Kat ènt mtnt]v 1à èK '« être », «ce que c'est », «ce qu'une chose se. trouve être », etc.) et
1roV atrr8"rrsOlv navm ùvacpÉpollsv, 6napxoucrav np61spoV ùvsup(rr- 1',Oùata comme «mode d'être» (rendue par l'expression souvent répé-
KOV1SÇ ftlls1Épav o(irrav) ; et si c'est avec elle que nous comparous ces tée de « ce qui est même que soi-même et de la même manière»). Il
données sensibles, la conclusion s'impose: dans la mesure où ces choses apparait d'ailleurs clairement que Platon entend conserver à l'oùrr(a un
existent, existe aussi notre âme, et avant même que nous soyons nés» sens unitaire. C'est ce que l'on peut voir dans le passage suivant, où
(76 d 7-e 4; trad. M. Dixsaut, modifiée). Dans ce passage, l'oùcrta appa- Simmias rappelle la théorie de la réminiscence telle qu'elle avait été pré-
rait comme l'élément commun qui rassemble entre eux les exemples èédernment exposée: «Car on a dit à peu près ceci: notre âme existe
donnés juste avant, à savoir «un beau », «un bien », etc., en un mot, avant même d'arriver dans un corps au même titre qu'existe cette oùcria
«tout ce à quoi nous imprimons la marque "ce que c'est" (nep! anav't"(üv dont le nom signifie" ce que c'est" (èpp,,8t] yap nou O\hOlÇ ftllrov
oiç è1ttrrcppaytÇ6lls8a WÛW, 10" il errn") » (75 d 1-2). Mais que faut- ft 'l'UXT] Kat nptv elç rrrolla ùcptKÉrr8m, rorrnsp aùûjç èrrnv ft
il entendre exactement par ce « 0 Ban» ? Pour répondre à cette ques- oÙO'la exourra 1T]V è1tOlVull(av n'IV wû "il errnv") » (92 d 7-9 ; trad.
tion, la troisième occurrence nous est de peu d'utilité puisqu'elle se M. Dixsaut). Dans ce texte, l'oùrr(a, comprise au sens de mode d'être
contente de rappeler la précédente. Plus intéressante, en revanche, est .~ c'est en effet ce sens qui a été développé dans le cadre de la théorie

l'occurrence d'oùrr(a en 78 d l, puisque ce passage problématise la de la réminiscence que rappelle Simmias - , se voit identifiée comme
notion d' oùcria à travers un cadre conceptuel nouveau, celui du mode >..c,ùo·(a·-esserlce puisque Platon écrit que «son nom signifie "ce que
d'être: «Cette oûcria, - c'est de sa manière d'être dont nous rendons ». Il n'y a donc pas de différence entre l'oùcr(a comme «mode
un juste compte et lorsque nous questionnons et lorsque nous répon- » et l' oùrr(a comme « essence » : il s'agit bien plutôt de deux pré-
dons - , est-ce qu'elle se comporte toujours semblablement en restant ():enltati'om différentes d'une même notion qui s'éclairent mutuellement.
même qu'elle-même, ou est-ce qu'elle est tantôt ainsi, et tantôt autre- l'on demande: «qu'est-ce que l'essence du beau ou du bon? », on
ment? (aùûI ft oÙO'la ~ç À6yov oi8ollsV WÛ etVŒt Kat èp0l1roV1SÇ Kat êri'pc'ndra que c'est, en chacune de ces choses, ce qui toujours reste sem-
Ùl'COKptv6IlsVOl, n61spov mrrau10lç ùei exst Ka1à 1aù1à 11 aÀÀ01' et même que soi, en l'occurrence, le beau en soi et le bon en soi.
aÀÀOlç)>> (78 d 1-3 ; trad. M. Dixsaut). La réponse est donnée, immédia- il en va de la même manière si l'on s'enquiert de ce qui, en chaque
tement après, lorsqu'il apparait que «l'égal en soi, le beau en soi, le "ce m,n<? «jamais ne change et toujours conserve une fonne unique )-> : on
qu'est" chaque chose en soi-même, l'être» (78 d 3-4), donc tout ce qui té!)ondra que cela n'est rien d'autre que son essence.
possède la marque de l'oùrr(a, «sont de forme unique (IlOVOStOÉç) » . Une dernière question reste à éclaircir, celle du ou des référents de
(78 d 5) et jamais ne changent. De cette manière, il convient de com- lloùaia. Quel type de réalité désigne-t-on lorsque l'on parle d'« oùrr(a» ?
prendre que l' oùrr(a est la marque des réalités «qui restent semblables réponse la plus éclatante nous est donnée, semble-t-il, dans le passage
et mêmes qu'elles-mêmes (mrrau10lç ... Ka1à 1aù1à exstv»> (78 d 8), extrait de la présentation par Socrate de la théorie de la réminis-
réalités non composées et invisibles qui se distinguent des réalités com- : «Il va de soi que notre raisonnement présent ne porte pas plus
posées et visibles qui, elles, «jamais ne restent semblables (où8Éno1s l'égal que sur le beau en soi, le bon en soi, ou le juste, ou le pieux
mrrau10lç exst) » (78 e 5-6). en un mot, sur tout ce à quoi nous imprimons la marque "ce que c'est"
74 BERNARD COLLETIE-DUClé §3. PHÉDON 75

(TCspt <lmivtmv olç ÈTCt(HppaytÇOIlS8a WÛW, tà "il Ean") » (75 c la- qui, pendant la durée de son incorporation, s'est efforcée de se délier du
d 2; trad. M. Dixsaut). Or, «ce que c'est », on le sait désmmais avec corps. Une telle âme, explique Socrate à Cébès, «pense qu'elle doit vivre
certitude, est cela même qui est signifié par le mot « oùata » (cf. 92 d 9). ainsi sa vie durant, et qu'après avoir cessé de vivre, s'en allant rejoindre
Le référent de l'oùata est donc clairement identifié comme étant l'idée: ce qui lui est apparenté et pareil (elç tO auyyev!:ç Kat elç tO towowv),
l'égal en soi, le beau en soi, le pieux en soi, etc. Le même constat peut sera séparée des maux propres à la condition humaine » (84 b 1-3 ;
être fait si l'on examine la dernière occurrence du tenne « oùcrtŒ ». Elle trad. M. Dixsaut). Ces textes nous montrent, comme cela nous était déjà
intervient lorsque Socrate présente à Cébès sa théorie de la cause, celle "onnorll lors de l'examen de la première occurrence du tenne «oûuta »,
de la participation. Contre ceux qui pensent qu'un même effet - par que le cadre conceptuel propre à cette notion est le tout en quoi consiste
exemple, devenir « deux» - peut avoir deux causes contraires - la la pensée du vrai. En effet, si l'oùata ne correspond, à proprement par-
multiplication ou la division - , dit Socrate à Cébès, « tu t'époumoneras qu'au pôle objectif de la recherche qui prend l'être et le vrai pour
à proclamer que, pour ta part, tu ne connais aucune autre manière pour 'objet, elle n'est pas cependant sans effet sur l'âme, puisqu'elle force
chaque chose de devenir quelque chose que d'en venir à participer à celle-ci à « se concentrer en elle-même » (cf. 80 e 5 : auv1l8potcrllÉVll
l'oùata propre de chaque chose dont elle vient à participer (Kat IlÉya liv , aùt'ij elç Éaunlv) et, ce faisant, à devenir une âme pensante. Une telle
~oqnlç on OÙK oÎIT8a 1iÂ.Â.mç TCmç ËKaawv ytyvollsvov 1î IlStaaxàv découvre alors la parenté de ce qui, en elle, la lie essentiellement
tfiç iôiaç où"iaç IlKUmoU oÔ liv Ilstuaxn). Pour reprendre ce qui à ce qui est divin, pur et de forrue unique (100 8stou te Kat Ka8apoo
précède, tu diras, par exemple, que tu n'as à ta disposition aucune autre lloVOetoooç) » (83 e 2-3), à savoir cet état d'être toujours sembla-
cause du fait d'être devenu deux que d'en venir à participer à la dyade» b,lerneIlt même que soi-même et qu'on appelle «pensée ».
(101 c 2-5 ; trad. M. Dixsaut, modifiée). Comme dans le passage de
75 c 10 - d 2 reproduit plus haut, ce texte illustre l'oùata par l'exemple
d'une idée, ici la dyade ou deux en soi. On peut donc légitiment conclure
de ce que l'oùata, dans le Phédon, n'est jamais explicitement rapportée
à autre chose qu'à l'idée, ce qui, d'ailleurs, est parfaitement conséquent Dans le Phédon, l' oùata est pour la première fois définie comme
avec la définition de l' oùata comme « ce que c'est» ou comme «ce ::l'IJbj,et véritable de la connaissance, à savoir le « ce que c'est ». Elle
qu'une chose se trouve être ». Cependant, il convient de remarquer "r"pnésente l'exigence à l'aune de laquelle une pensée du vrai peut s'ins-
ce point important que l'âme se voit caractérisée, notamment en 79 d 5, , étant à la fois ce par quoi l'âme se déterruine comme âme pensante
par l'expression que Platon utilise pour caractériser le mode d'être de ce par quoi le réel se manifeste comme même que lui-même. Tout
l'oùata, à savoir celle de «demeurer même que soi-même et de la la fois visée et présupposée par la pensée, l' où"ta se révèle par une
même manière » : «Dans la proximité de ces êtres [i.e. les idées], l'âme . . de l'objet de la connaissance (lequel, de sensible devient
reste toujours semblablement même qu'elle-même, puisqu'elle est à leur {ultelligible) et entnirne, corrélativement, une purification de l'âme elle-
contact (TCSpt ÈKstVa <lst Katà tC(ùtà roaautmç EXSt, lhs wwutmv Cette âme, désormais comprise comme âme pensante, cesse
È<paTCwIlÉVll). Cet état de l'âme, c'est ce que l'on appelle la pensée et se découvre telle qu'elle est, « toujours semblablement même
(Kat 10010 aùûjç tà mi81llla <PPOVllcrtÇ KÉKÂ.lltctt) » (79 d 5-7 ; trad. ».
M. Dixsaut). L'affirmation selon laquelle l'âme, à l'instar des idées,
« reste toujours semblablement même qu'elle-même », est par ailleurs
corroborée par plusieurs passages où il est fait mention d'une parenté
ou d'un apparentement existant entre l'âme et les idées (cf. 79 d 3,
84 b 2-3 et 86 b 1-2). Toutefois, il semble bien qu'un tel apparentement
ne concerne proprement que l'âme des philosophes, à savoir une âme
§4. BANQUET

Pierre Somville

Edition de référence
1. BURNET, Platonis opera, t. II, tetralogias ill-IV continens (Scriptorum classi-
corum bibliotheca oxoniensis). Oxford. 1979 16 [= 1901].

Antres éditions et traductions consultées


t. ROBIN. Platon. Banquet, Paris, Belles Lettres (CUF), 1966 (1929).
M. MEUNIER, Platon, Banquet ou De l'amour, Paris, Payot, 1923.

iCDoNNÉES QUANTITATIVES, OBSERVATION GRAMMATICALE, EXAMEN

La senie occurrence du mot où()'ta (218 c 8), au génitif singulier, appa-


dans le discours d'Alcibiade où le panégyriste de Socrate se déclare
à mettre à la disposition de l'Ami ses biens ou ses autres amis, s'il
avait besoin :
Kui Bt n aÀ.À.o lj tliS où"iuS ti\s èflllS OÉOLO lj tillv cpiÀ.mv Tillv èflillv
(218 c 8-9).
« aussi bien que dans TI'importe quel autre cas où tu aurais besoin, soit de
mes biens, soit de mes amis» (trad. L. Robin).

est, sans aucune équivoque, celui de l'avoir.


----------------- "

§5. PHÈDRE

Pierre SOMVILLE

Editi(ID de référence
J. BURNET, Platonis opera, t. II, tetralogias ill-IV continens (Scriptorum c1assi-
corum bib1iotheca oxoniensis), Oxford, 1979 16 [= 1901].

lU"'-'O" éditions et traductions consultées


ROBIN et P. VICAIRE, Platon. Phèdre, Paris, Belles Lettres (CUF), 1983 .
. MEUNIER, Platon, Phèdre ou De la beauté des âmes, Paris, Payot, 1922.

DONNÉES QUANTITATIVES

Le dialogue comprend 9 occurrences d'ollO'(a, 1 dans le discours de


,by'sla.s, 4 dans le premier discours de Socrate, 3 dans son second discours
dans la dernière partie, dialoguée, de l'œuvre.

OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

Tous les emplois sont au singulier; on trouve 1 nominatif, 1 génitif et


.accu,;atifs; 2 fois seulement, ollO'(a est précédé de l'article (pour les
.Îérenc:es, voir le b) ci-dessous).

~1i:nvirolnn,)m"nt lexical

p<p'oJ:l'JUlle,'ot wùç l'Èv oucriav KeKHll'ÉVOUÇ l'Tt XPTtl'aO'lv aùwùç


ii)nep~'(/À(OV~IŒt (232 c 6) ;
tO'aO'tv ~ijv oucriav ÉKaO'wu (237 c 3) ;
;oucrio~v y' ëxona XpuO'où il nvoç Ii!..!..!]ç K~i]O'e(Oç (240 a 3) ;
<p()OV,etV l'Èv oucriav KeK~!]I'ÉVotç, anoÀÀul'Év!]Ç ÙÈ xa(petv (240 a 6) ;
PIERRE SOMVILLE
§5. PHÈDRE 81
80

~Àa~EPil> Ili;v rrpoç où(\"tav, ~Àa~Epil> oi; rrpoç n'Iv ~où crrollawç Le mot oucrla désigne donc bien ici l'objet de la définition, à savoir
J'essence des choses dont on parle, régulièrement oubliée. Comme le
sçtv (241 c 3) ; montre la suite du Phèdre, l'absence d'une telle préoccupation est l'un
IJfllxiiç où(\"taç ~E Kat ÀOyov ,., ÀÉyOlV (245 e 4) ; _
àxprolla~oç ~E Kat àcrXTjllémcrwç Kat àva'l111ç ~ù(\"ia ÔV~OlÇ oima des gdefs majeurs que Socrate adresse aux maîtres de rhétorique et
(247 c 7 ; à noter la belle paronomase oocrla ,,. oocra) ; témoigne du peu de souci qu'ils ont de la védté. C'est une grave lacune
qu'entend combler la méthode dialectique (cf., e.g., 265 d, et le der-
où(\"iaç 01' àllÉÀStaV àrroÀÀllllÉVTjÇ (252 a 3) ;
tijv où(\"tav OdÇEl àKpl~mç ~iiç '1")crSOlÇ winoll rrpoç ô ~o0ç ÀOyollÇ nier emploi d'oucria commenté ci-dessous).
_ L'éloge de la bonne folie dispensée par les dieux, par lequel Socrate
rrpocrolcrEl (270 e 3).
inaugure sa palinodie, l'amène rapidement à appliquer la consigne
qu'il a déjà suivie à propos de l'amour et à rechercher une juste
C. ANALYSE SÉMANTIQUE notion de la nature de l'âme en considérant ses états et ses actes
(!l.d oOv rrpmwv IJfllxiiç '1")crEOlÇ rrspi..., \86v~a rr&9Tj Kat epya,
a) Sens économique (5 occ.) tàÀTj9i;ç voiicrU! : 245 cl. Suit une longue démonstration de l'im-
mortalité de l'âme dont la conclusion est amorcée par la proposition
_ La première occurrence se rencontre dans le discours de Lysias pour
signifier les biens d'un hypothétique amant tenté d'abuser de sa
suivante:
richesse (232 c 6). 'A9avatou 08 1t8cpUcrjlÉVOtl '[013 ûcp' Bau'tou K1VOUJlÉvou, 'Vuxflç oùO'iuv
Dans trois des quatre occurreuces figurant dans le premier discours tE Kai Myov ""tOV ns ÀÉymv OUK alcrxuvEhm (245 e 3-5).
de Socrate (240 a 3, a 6; 241 c 3), oucrta désigne clairement les biens «L'immortalité de ce qui est mû par soi-même ayant été rendue manifeste,
on ne rougira pas d'affinner que c'est en cela même que consiste l'essence
que l'on possède, comme si, dans cette réplique, l'orateur se plaçait sur et la définition de l'âme. »
le terraiu même de celui qu'il veut réfuter.
_ Enfin, un des trois emplois que Socrate fait du mot dans son discours À nouveau, le mot oucria signifie bien l'essence, l'élément déterrui-
«palinodique» relève d'une même signification: la richesse que l'on nant ou, à tout le moins, un élément déterminant par lequel Socrate
perd par négligence (252 a 3). entend caractériser l'âme. Tout corps, ajoute-t-il, en qui le mouvement
provient de l'extédeur est dépourvu d'âme (aIJfUXov), tandis qu'est
b) Sens ontologiqne (4 occ.) ËIlIJfUXOV celui en qui le mouvement vient de l'intérieur et de lui-
même, car c'est en cela que consiste la <pUcrlÇ de l'âme (mç mÛ~Tjç
_ Dès le début de son premier discours, Socrate énonce une exigence
oücrTjç <pÛcrEOlÇ lJfuxiiç). Pour dire la forme de celle-ci, son tMa,
qui s'impose au départ (àpxiJ) de toute délibération: savoir (E\oÉvm)
tâche toute divine, - Socrate se contentera du procédé humain de
quel est l'objet sur lequel on délibère. Il poursuit:
l'image (q, èi; eOlKS : 246 a), celle en l'occurrence de l'attelage ailé.
ToùS Oè 1WÀÀOÙS ÀÉÀ'l9EV on oux lcra<n tltV où"iav Éxumou (237 c 3). Fait suite à cette élucidation métaphodque l'évocation de la proces-
« Or la plupart des hommes oublient qu'ils ne savent pas l'essence de sion que les âmes des dieux accomplissent dans le ciel et qui leur
chaque chose». permet de contempler les réalités gisant en dehors de la voûte céleste,
Il en résulte que, pensant la connaître, ils ne s'accordent pas au dans la « plaine de la V édté », comme il sera dit plus loin (248 b). Ce
départ de la recherche et qu'ils en paient les conséquences dans la suite. lieu supracéleste n'a jamais été et ne sera jamais célébré par un poète
Aussi bien Socrate va-t-il quant à lui commencer par dire quelle est façon qui soit digne de lui. Or voici ce qu'i! en est:
la nature de l'amour (otov ~' ecru) et quelle est sa puissance (ouva- eH Y~P àxpro~œt6ç 'tE Kat àaXll~a'ttOToç Kat àVŒtf>11ç oÔO'Îa oV'tmç o6cra,
1l1ç: 237 c 9), en sorte qu'on s'accorde préalablement sur une défini- 'l'uns KU~EpVl]tn l'ôv<jJ 8Eatlt viii, nspi ijv tO "fis I1À'l90uS Èmcrtl]I''lS
yévoç, toihov "XSl tOV Tonov (247 c 6 - ct 1).
tion (opoç : dl).
82 PIERRE SOMVlLLE §5. PHÈDRE 83

« C'est que, sans couleur, sans fonne, intangible, la réalité qui est réelle- Le premier discours de Socrate, de même, s 'y réfère trois fois sur quatre.
ment, qui ne peut être vue que par ce pilote de l'âme qu'est l'intellect et sur En revanche, dans la « palinodie » et les considérations ultérieures, que
laquelle porte l'espèce de la connaissance vraie, occupe ce lieu. » l'on peut considérer comme relevant d'une forme d'énonciation du
Par opposition aux choses visibles et tangibles qui forment le cos- «sacré »', c'est l'ordre inverse qui s'impose: trois fois sur quatre, c'est
mos, oilrria désigne donc ici la réalité intelligible, l'être réellement le sens ontologique du terme qui émerge incontestablement. Dans ce
être, que seul l'intellect peut appréhender et qui peut seule faire l'objet champ sémantique, où sont concernées l'âme et les Idées, le mot oorria
d'une connaissance vraie. La suite du mythe montre que cette réalité, est pris trois fois dans le sens technique d'essence, objet de la définition,
que certaines âmes humaines réussissent aussi à contempler, admet une et une fois dans le sens plus général d'être véritable.
pluralité: on y distingue, en effet, la Vérité (248 cl, la Justice, la Sagesse,
la Beauté (250 b, 254 b), la Pensée (250 dl. C'est donc bieu le « monde
des Idées » que Platon dépeint de la sorte, même s'il u'use pas ici du
pluriel ioÉat ou dOll pour désigner ces eutités métaphysiques.
Oilrria réapparaît une dernière fois, pourvu de sa siguification onto-
logique d'essence, dans le chapitre qui examine les conditions aux-
quelles doit satisfaire un art rhétorique authentique. Qui veut, en toute
matière, suivre les règles de l'art ne peut être comparé à un aveugle ni
à un sourd:
à1c'Aà 8fi1cov ms, liv '<1> ns "'xvn 811;O, 'TtV où"iav 8dl;€t aKpt~&S 'fis
<pucreroç 'tOUtOU n:pèç a 'toùç À6youç npocroicr8t. "Eatut ùé nOD 'VUXTt
,olho (270 e 2-5).
«il est clair, au contraire, qu'enseigner à quelqu'un l'art des discours
implique que l'on fasse voir avec rigueur l'essence et la nature de la réalité
que doivent atteindre les discours. Or cette réalité ce sera, je pense, l'âme ».

Sous l'apparente redondance de la formule Û1V oilcrlav ... ~iïç 'l'urrscoç


pointe la distinction de l'être intellectuellement perçu et formulé versus
l'être initialement donné. La suite du texte va montrer que la connaissance
de l'âme, que vise la persuasion, et la connaissance de l'objet du discours
doivent être l'une et l'autre recherchées selon le procédé dialectique de
la division en sorte que l'art de la parole puisse assurer une adaptation
réciproque des âmes et des discours.

D. CONCLUSION

La manière dont se répartissent les occurrences entre un sens écono-


mique et un sens ontologique permet de hasarder l'interprétation sui-
vante: comme dans le Banquet, les passages où oilrria signifie le bien
ou la richesse relèvent du «profane ». Lysias n'en conhaît pas d'autre.
§6. CRATYLE

Geer! ROSKAM

Édition de référence
B.A. DUKE. W.F. HICKEN. W.S.M. NICOLL. D.B. ROBINSON et J.C.G. STRA-
CHAN, Platonis opera, Tamus I, Tetralogias I-II contmens (D.C.T.), Oxford,
1995.

Autres éditions et traductions consultées


Platon. Œuvres complètes. Tome V - 2 e Partie: Cratyle, texte établi et traduit
par L. MÉRlDIER (C.U.F.), Paris, 1931.
Platon. Œuvres complètes. Tome II: Protagoras - Euthydème - Gorgias -
Ménéxène - Ménon - Cratyle, traduction nouvelle avec des notices et des
notes par É. CHAMBRY, Patis, 1936.
Platon. Œuvres complètes. Tome 1. Traduction nouvelle et notes par L. ROBIN
(Bibliothèque de la Pléiade), Paris, 1950.
Platon. Cratyle, traduction inédite, introduction, notes, bibliographie et index par
C. DAUMIER, Paris, 1998.
Cratylus - Parmenides - Crealer Hippias - Lesser Hippias, with an
English translation by RN. FOWLER (L.C.L.), Cambridge (MA) - London,
1996 [~ 1939].
!'J;/a':O. Cratylus, Translated with Introduction & Notes, by C.D.C. REEVE, India-
napolis - Cambridge, 1998.

DONNÉES QUANTITATIVES

Le tenue DOrria apparaît dix-neuf fois dans le Cratyle. Le tableau sché-


<mati,!ue suivant montre comment les occurrences du tenue se répartissent
la strucmre générale du dialogue:

17
86 GEERT ROSKAM §6. CRATYLE 87

On voit donc immédiatement que la plupart des occurrences du terme des choses. Que, malgré cela, le telme n'apparaisse pas, peut être expli-
ou cria se trouvent dans la première partie du dialogue (qui est aussi la qué par le fait qu' oùcr(a, plus haut dans le dialogue, a été lié à la pers-
plus longue). Cette partie comprend elle-même trois sections: pective héraclitéenne (par une étymologie qui ramenait le mot au verbe
Ûl8ém; 401 d 3-7) : si Socrate lui-même a suggéré qu' oùcria renvoie au
flux perpétuel des choses sensibles, il lui devenait difficile d'utiliser le
384 e 3 - 391 al: apologie de la justesse naturelle des noms 5 même mot pour développer uue théorie contraire.
391 a 1 - 421 c 2 : la section étymologique 7
421 c 3 - 427 d 8 : les noms primitifs 5
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

Dans chaque section, on peut trouver des regroupements du terme a) Les formes
ouaia: Le terme oucria apparaît au nominatif3, au génitif4 et à l'accusatifS
385 e 5 (oucria) et 386 a 4 (oucrio<;) singulier. Le datif singulier n'est pas représenté; de même, le pluriel et
386 e 1 (oucriav) et 386 e 3 (oucriav) le duel sont complètement absents.
401 c 3 (oucriav), 401 c 5 (oucria), 401 c 6 (oucriaç), 401 c 9 (oucriav)
et 401 d 3 (oucriav)
423 e 1 (oucria), 423 e 3 (oucria), 423 e 8 (oucriav), 424 b 2 (oucriav)
Le terme oucria est le plus souvent accompagné de l'article6 • Il a toutes
et 424 b 10 (oucriaç)
sortes de fonctions dans la phrase, les plus fréquentes étant celles de sujet
En dehors de ces passages, il n'y a que trois occurrences isolées du
(5 fois 7) et de complément d'objet direct (6 fois').
terme oucria dans l'entretien Socrate-Hermogène, une dans la première
section (388 c 1) et deux dans la deuxième (393 d 4 et 421 b 8). c) Vocabnlaire associé
Il faut enfin attirer l'attention sur le fait remarquable que le mot oucria
n'apparaît nulle part à la fin du dialogue, là où Socrate introduit la notion - dvat
de ce qui est beau ou bon en soi (439 c 8) et de ce qui reste toujours 423 e 3-5 : au'0 '0 XPCÙllan Kai 'TI <pmvTI OUK scrnv ou"ia nç
pareil à soi-même (439 d 5-6). II s'agit là d'un passage très célèbre, dans . ÈKa,épcp au,rov Ka~ Wtç Ii'-'-otç "àcrtv ocra fJc,im'at ,aun]ç 'ilç
lequel plusieurs commentateurs ont trouvé la première esquisse de la théo- "pOcrpi]cr8lïlÇ, wo sivat ;
rie platonicienne des Idées' - même si le caractère séparé de ces Formes 423 e 7-9: st nç au,o '00'0 Iltllstcr8at OUVatW ÈKUcr,OU, tiJv ou"iav,
y reste discutable2 • Le rêve (cf. ÔV8tpCÙHm ; 439 c 7) de Socrate sur ces YPUllllUO"i '8 Kai cruUapatç, &p' OUK av 811,-Ot €KUO"WV il scrnv.
Formes mène à une critique brève de la perspective héraclitéenne duflux 424 b 1-2: wo ovwç !;m,-aIlPuV8,at au,rov &cr'8 à"0lltllstcr8at
défendue par Cratyle. Dans un tel contexte, Platon aurait sans doute pu tiJv où"iav
utiliser le terme oucria pour souligner le caractère permanent de l'essence
, Cratyle, 385 e 5 : 393 d 4 : 401 c 5 ; 421 b 8 ; 423 e 1 et 423 e 3.
1 Voir, p. ex., G.M.A. ORUBE, Plato's Thought, p. 14: «It may be fanciful to suppose Cratyle, 386 a 4 ; 388 cl; 401 c 6 et 424 b 10.
4

that we are watching Plato' S own mind at work and the very birth of the transcendental s Craty le, 386 el; 386 e 3 ; 401 c 3 ; 401 c 9; 401 d 3: 423 e 8: 424 b 2; 431 d 3 ;
Fonns, though if he had them all clear in ms own mind it seems strange that he should not e 4.
express himself more clearly to his audience. » Cratyle, 385 e 5 ; 386 a 4 ; 386 e 3 ; 388 cl; 393 d 4 : 401 c 5 ; 401 c 6 ; 401 c 9 :
2 Caractère non séparé: p. ex. J.V. LUCE, «The Theory of ideas in the Cratylus », d 3; 421 b 7-8: 423 e 8; 424 b 2; 424 b 10; 431 d 2-3: 436 e 4; mais sans article:
p. 21-36; T,H. IRWIN, «Plato's Heracleiteanism », p. 2 et F.C. WHITE, «On Essences in el; 401 c 3 ; 423 e 1 et 423 e 3.
the Cratylus », p. 264; caractère séparé: p. ex. B. CALVERT, «Fonns and Flux in Plato's ; Cratyle, 385 e 5 ; 401 c 5 ; 421 b 8 : 423 e 1 et 423 e 3.
Cratylus », p. 32~34. ' Cratyle, 386 el: 401 c 9; 401 ct 3 ; 424 b 2; 431 d 3 et 436 e 4.
r~~~~~~~~~~~~~~

88 GEERT ROSKAM §6. CRATYLE 89

- ~s~at6n\Ç something is. At 423E Socrates asserts that aIl things have a nature, but
386 a 4 : nva ~s~at6~11~a ~fiç où"iaç does flot say anything more about it 12 • »
386 el: où"iav 8xov~â nva ~É~UtoV Dans cette perspective, continuer à chercher systématiquement la signi-
- KU6' utnâ fication d'oùGta dans le Gratyle revient peut-être à faire montre d'une
386 e 3 : KU6' utnà 1tpOç ~ftv utniiiv où"iuv (\~ptç qui va aboutir nécessairement à la ruine. Le commentateur risque
<p6cnç de partager le sort des héros tragiques. Mais il deviendrait au moins un
393 d 4 - e 7: ft où"iu ... <p6cnv ... héros. Persistons donc!
cf. aussi 386 e 3-4 : 1tpOç ~ftv uù~iiiv où"iav ... n1tSp 1tÉ<pUKSV
Otlvu).ltç h) Vapproche étymologique: où"ia, t""iu, <ù"ia et Hestia
393 d 4 - 394 c 9 : ft où"ia ... ~ftv OtlVU).ltV ... ~ftv ù6vu).ltv ... ~ftv
Otlvu).ltV .,. OtlVU).ltç ... ~n ùi: ùuvâ).lst' La VÉ).lSG1<; divine ne tarde pas. Le premier passage à examiner, dans
lequel Socrate essaie de découvrir l'étymologie du nom de la déesse Res-
~61toç
432 e 6 - 433 a 2 : le passage, qui contient le terme ~61toç, rappelle da, met le commentateur immédiatement en difficulté. Socrate propose
(de façon explicite: s\ ).lÉ).lVllGUt li vuvùft syrb KUt 'Ep).loy ÉV llÇ plusieurs arguments pour prouver qu'on peut associer le nom ~~ Hestia»
nÉyO).lSv) les mots de Socrate en 393 d 3 - e 10 (où apparait le mot au terme « oÙGta ». il est intéressant de citer ce passage complexe dans
OÙGtu)10. sa totalité:
On peut enfin signaler ici les différentes étymologies du terme oÎJGtU olov Kqt ~v 'Cou'CQ) a l1J.lsiç oùaLav KUÀ.OÔJ.lSV, datv 01 ê(J(Jiav KUÀ.oÔatv,
proposées par Socrate (401 c 3 - d 7 et 421 b 8 ; cf. infra). 01 0' aô d)(Jiav. npo)'wv J.lf:V oÛv Ku'Cà 'Co ~hspov OVOJ.lU 'Cou'Cmv 11 'Cmv
npaYJ.llhmv oÙO'la °Ecr'Cta KaÀ.staBat SXSt À.oyov, Kat on ys uÔ l1J.lstç 'Co
'Cfjç oùalŒ; J.ls'CÉXov scrnv cpaJ.lÉv, Kat Ku'Cà 'Cou'Co ôpBmç av KUÀ.OÎ'tO
<Ecr'Cla. solKuJ.lSV yàp Kat l1J.lstç 'Co nuÀ.atov ê(J(Jiav KaÀ.StV 1:TIV oùalav.
C. ANALYSE SÉMANTIQUE sn of: Kat Ka'Cà 'Càç Bucrtaç av nç èvvoi)craç llyi)crat'to oÜ'tm VOStV
'Cuu'Ca 'Coùç nBsJ.lÉvouç· 'Co yàp npo nétv'tmv Bsmv 'Cu <Ea'Cl(l npoJ'Cll npo-
Bustv eiKoç ~Ksivouç otnvsç 1"i)v nav'Cmv oùaLav ê(J(Jiav snmvoJ.laauv.
a) Introduction: une notion problématique ocrot 8' aÛ w(Jfav, crxs86v n uÔ oÔ'Cût KaS' <HpaKÀ.st'tov av l1YOtv'Co 1"à
Si on lit la littérature secondaire sur le Gratyle, on comprend vite qu'on OV1"~ iÉv_at 'Cs nétv'Cu Kat J.lÉVStV ou8Év' 'Co oÔv aÏ'ttov KUt 1"0 àpXllYOV
u(nmv f:ÎVat 'Co cbBouv, ôBev oi) KUÀ.roÇ SXStV m'no w(Jiav wvoJ.létcrBat
ne s'adonne point à l'étude du terme oOGtU dans ce dialogue sous des (401 c 3 - d 7).
auspices favorables. En effet, plus d'un commentateur a souligné que la 1. 4: scrnv: Burnet; ecr1"tav (vel È- vel s-): manuscrits; sanèiv: DaIirnier;
signification du mot n'est pas claire du tout: Eun : Badham.
« 'Essence' is also vague; my excuse here is that Plata himself is vague 1. 8 : ~crcrluv : Burnet; ecr'Cluv (vel E:-) : manuscrits
about the exact meaning of oùcria in the dialogue ll , » « Par exemple, ce que nous appelons, nous autres, ousia certains l'appellent
« Despite the fact that in the Cratylus Plato constantly talks about the essia, d'autres encore ôsia. Eh bien, en premier lieu, que l'ousia des choses
« nature (oùcrîa) of things, » he nowhere really explains what the oùcrîa of soit appelée Hestia, d'après le second de ces noms, voilà qui est logique;
et quand, d'autre part, nous disons de ce qui participe à l' ousia que cela est,
en ce sens encore Hestia est le nom juste: car nous-mêmes, semble-t-il,
9 Cf. aussi J.L. ACKRILL, «Language and Reality in Plato's Cratylus », p. 44, qui nous appelions anciennement essia l'ousia. En outre, si l'on y réfléchit à la
rattache le mot ù6vulnç employé ici aux termes dBoç et lOÉu qui se rencontrent un peu lumière des sacrifices, on interprétera ainsi la pensée de ceux qui ont établi
plus haut (389 e 3 et 390 a 6).
10 Cf. aussi M,D. PALMER, Names, Reference and Correctness in P/ato's Cratylus,
p. 1l6etp. 120·121. Voir G. ANAGNOSTOPOULOS, «Plato's Cratylus: The Two Theories of the Correct-
II Voir T.M.S. BAXTER, The Cratylus. Plato's Critique of Naming, p. 4. of Names », p. 723, n. 34.
90 GEERT ROSKAM §6. CRATYLE 91

ces noms: avant tous les dieux, c'est à Hestia la première que doivent natu- 1. Èererta: la section peut être subdivisée en quatre parties. D'abord,
rellement sacrifier les hommes qui nommèrent essia l' ousia de toutes cho~es. Socrate affirme «qu'il est logique, d'après la variante Èerata, que l'oùata
Quant aux auteurs d'ôsia, ceux-là doivent croire à peu prè,s, comme ,Hera- des choses soit appelée Hestia» (proposition 1 = Pl). Cette brève phrase
clite, que les choses qui sont se meuve~t t?utes, et que ~~n ne ~eme~re, noUS amène à faire deux remarques. Premièrement, le génitif TroV
qu'elles ont donc pour cause et pour pnnc~p~ directe,":, 1 llUpulslOll, bIen
nommée par suite ôsia » (traduction L. Méndter, modlfiee). npay).la~OlV montre que le terme oùata, toujours assez vague, ne peut
pas avoir le sens de « fortune» ou de « richesse». Deuxièmement, il est
L'argumentation de Socrate est assez obscure, et a donné lieu ,à des important de noter que pl ne porte pas sur le contenu, mais seulement
interprétations différentes, Selon Proclus, la dé<;.sse H~st!a, cause d Iden- sur l'aspect extérieur des mots. En effet, la seule chose que Socrate ait
tité pour toutes choses (muTOn\Wç alTta oùera lwertV ; Comm. sur dite jusqu'ici est que le terme Èererta est le parfait intermédiaire entre les
le Crat. CXXXIX, p. 79.16-17) conserve immaculés l'être même des termes Hestia et oùerta. Étant donné que les mots lcoyov BJ(Et ne sont
réalités ~t leur essence (Tà dvat TroV npaY).léJ.T(llV aÙTà Kaî TYtV oùertav ni expliqués ni justifiés dans ce qui suit, l'évidence de l'argument de
aJ(pavwv OtaGq:,SEt; Théologie platonicienne, VI: 22, p. 97.19-20). pl repose complètement sur la ressemblance des termes oùerta, Èerata
Mais il est clair que cette interprétation nous renseigne davant~ge sur et Hestia.
la philosophie néo-platonicienne de Proclus que sur le sens precIs du Après avoir fait le lien entre Hestia et oùerta à l'aide du terme non
passage examiné ici 13 . Panni les comme~tateurs ~odemes, ce~~s ~ter­ attique Èaerta, Socrate revient au dialecte attique (proposition 2 = P2).
prètent Hestia comme le foyer - tant d une mmson que de 1 umvel s - Si on suit le texte donné par les manuscrits (et accepté par Méridier, par
et arrivent ainsi à la théorie pythagoricienne du feu centra!,4. Une telle Chambry et par Robin), Socrate propose l'argument suivant: «Quand
interprétation semble à première vue quelque peu recberc~ée, quoiqu'elle nous désignons par Hestia ce qui participe à l' oùata, en cela encore
réussisse bien à éclairer la présence du terme ).lETEOlpoÀoym (401 b 8). ",..""a est justement nommée. » La tautologie dans la phrase est peu
D'autres proposent une interprétation purement outologique, rattac~ant élég,mte, et en outre, pz semble n'apporter rien de nouveau. Il y a deux
le nom d'Hestia au concept philosophique le plus fondamental, c:-a-d. possibles à ces difficultés. C. DaIimierl7 a proposé d'interpréter le
1'« être» (oùerta) lui-même I5 • Afin d'éviter toute généralisation bâtl;,e ~t ÉaTiav non comme l'accusatif singulier d'Hestia, mais comme
toute simplification imprudente, il faut analyser le texte dans le detaI!. l'inflinilif présent du verbe éernaOl (cernav). La phrase peut signifier
L'argument de Socrate commence par la thèse selon laquelle le ten:'e tant « qui a de la fortune paie le repas » que « ce qui participe à la
attique ooata (0 ft).lElç oùertav KaÀoÙ).lEv) appa~aî~ en ,d'a~t~e~ dIa- xé'alité régale ». Il est vrai que cette interprétation ingénieuse ne demande
lectes sous les formes ècrcria 16 ou meriu. Le terme ouata n a ICI eVldem- petit changement du texte. Cependant, on s'attendrait alors plutôt
ment aucun sens spécial. C'est le terme en lui-même qui est important, f{l.l'1lccuSlltif masculin Tàv ... ).lETÉJ(ovTa. Dans cette interprétation, le
abstraction faite de sa signification. Suit alors un examen des deux oùaia signifie ~~ fortune» ou «richesse» (ce qui reste possible,
variantes. si ce n'est pas le sens du mot oùata en Pl). Toujours selon cette
terpr';taltiolo, Socrate essaie de trouver un autre intermédiaire, cette fois-
le dialecte attique, pour prouver le lien entre Hestia et oùata, et
13 Dans son Commentaire sur le Cratyle, Proc1us précise même q~'Hestia ne d~note
trouve dans le verbe cernav lS • Une autre possibilité consiste à accep-
pas l'« essence» (oûala), mais le fait que l'essence ,demeu~e et e~t solide~en~ fondee <;ll
elle-même (r, <Ec)'tta où 't"1)v oùcriav ol1Â.oï, àÀ"Aà tllV IlOVTjV Kat crta8Bpav Yûpu<JtV EV conjecture Bernv, proposée par Bume!. Une telle conjecture mène
samu 'tllt; oocriaç; CXL, p. 80, 1-2).
14 Voir, p. ex., V. GOLDSCHMlDT, Essai sur le «Cratyle ». Contribution à ['histoire de
Platon. Cratyle, p. 230-231.
la pensée de Platon, p. 12l.
15 Voir, p. ex., D. SEDLEY, «The Etymologies in Plato's ~ratylu.~ »', p. 153. n est peut-être intéressant de noter qu'il y avait un autre lien possible, à savoir l'adjec-
16 S 1 P CHANTRAINE le tenne Ècrcria est une fonnation arbitraIre de Platon (La ""oCHt<X (Callimaque, Hymne à Délos 325) : «qui offre une belle ou bonne résidence ».
e on . , . . ' NEC INGE The Senate and CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots,
formation des noms en grec ancten, p. 117) ; VOIT auSSI • . OLL " «
the Essence: ')'Epol)cria and oocria », p. 227-228. , 1968, I, p. 322, l'adjectif « se réfère à la fois à soscr'tcO et à écr'tia»,
GEERT ROSKAM §6. CRATYLE 93
92
Toutefois, l'oilata (de toutes choses) semble d'une manière ou d'
évidemment à une interprétation ontologique: «Nous disons de ce qui
r~ '1 t' d une
participe à l'être ('fiç oÙGtaç équivaut alors à lOÙ dvat) que cela est ». a~tr~ le~ a a ~o IOn. e. prim.auté. Cela semble indiquer que le terme
Comme dans l'interprétation de C. Dalimier. Socrate est à la recherche ouata a ICI plutot la sIgmfIcatIOn d' « essence», même si le context
. d . eœ
d'un intermédiaire entre le nom Hestia et le mot oùGta. Dans cette permet pomt es Jugements péremptoires.
optique, la forme verbale EGnV est particulièrement intéressante, parce 2: dlata: cette section est plus brève, et aussi beaucoup moins problé-
qu'elle contient aussi la lettre tau. Quoique la construction grammaticale ll1auque. Selon Socrate, ceux qui utilisent la variante dlata se révèlent être
puisse ainsi sembler quelque peu heurtée - on s'attendrait plutôt à une des,"adeptes de ' la philosophie d'Héraclite, croyant que tout ce qui eXIse . t
phrase comme 7tEpt lOÙ 'fiç oÙGtaç IlE'ÉXOVlOÇ ÂÉyollEv on EGnv-, (:et Ov,et ... 7tav'et) se trouve dans un flux permanent. Plus loin dans le
cette interprétation reste somme toute préférable. Mais en tout cas, tant dJalogue,, Socrate explique l'étymologie du telme av , étroitement l'le~ au
,
dans l'interprétation de Dalimier que dans celle de Burnet, pl et pZ se t~nne oUO'tet (421 b 7-8.: ,à Di: OV Kat ft oùO'(a) dans une telle perspec-
complètent, faisant tous deux le lien entre Hestia et oilGta par un argu- uve : il fa~~ ajouter ~n IOta au mot OV, car le terme signifie à vrai dire
ment purement linguistique, tiré d'un dialecte non attique d'une part (Pl), «.allant» (t?V~: tandIs que ce qui n'est pas (OÙK av) équivaut à ce qui
et du dialecte attique d'autre part (P2). . va pas (OUK IOV) (421 b 7 - c 2). Dans le passage exanriné ici Socrate
La phrase suivante concerne encore le lien entre oùaia et Ècrcria concentre sur le terme ouaia : ceux qui partagent le mobilis~e d'Hé-
en attique: Socrate affirme que dans l'attique ancien, oilGta se disait sont convaincus, croit-il, que le principe directeur de tous les ovm
également !:GGta (proposition 3 = p3). On remarquera la particule yap, l'acl!~n de pousser (,à dl8oùv) ; c'est pour cela qu'ils l'ont appelé
qui montre clairement que Socrate présente ici un argument. Or, ce qu'il ,Meme dans une perspective héraclitéenne, l' oilGia des choses peut
dit n'est point évident. Loin d'être un argument en faveur de pz, p3 est etre conçue comme ,à alnov Kal,à àpXllYoV de ces choses mais
plutôt une hypothèse qui pouvait être corroborée par pZ. Toutefois, est chUr ~qu'une telle interprétation n'accorde pas de place à un élément
Socrate présente cette hypothèse comme argument: le fait même qu'an- stabIlile permanent.
ciennement, on ait appelé oilma !:GGta explique que dans l'attique contem- Notons ~ue le nom de la déesse Hestia est beaucoup plus proche du
porain, on trouve toujours des termes comme EGnàv (dans l'interprétation !;aO'ta que de l~ variante dlGiet. Bien plus, la déesse n'apparaît
de Dalimier) ou EGnv (dans celle de Burnet). En tout cas, en p" le terme . pas dans la sectIon concernant cOcria. En soi, cette observation ne
oilGta n'a pas non plus de signification déterminée: on reste toujours nen sur la v~le~r du point de vue héraclitéen. En effet, un adepte de
sur un plan purement linguistique. . d He~adite peut simplement regarder le nom Hestia comme
C'est seulement dans la phrase suivante (proposition 4 = P4) qu'on .corruptlOn posteneure du terme original dlaia " Par contre l'ob serva-
,.
passe d'un niveau purement linguistique à des remarques qui portent aussi
"séim,mt enco~e 1 Importance de l'argument de pl, qui concernait pré-
sur le contenu. Socrate rappelle les coutumes sacrificielles: il est natu- t" le rôle mtermédiaire du terme èGGiet.
rel que les hommes qui ont appelé l' oUGta de toutes choses !:G<Jta, aient s'avère donc que l'analyse de tout ce passage sur l'étymologie d
sacrifié à Hestia avant de sacrifier aux autres dieux. La transition d'un de la déesse Hestia soulève plus d'un problème. En outre, un~
niveau purement linguistique à un autre qui tient compte du contenu est questlOns les plus connues n'a pas encore été mentionnée ici : faut-
marquée par le parallélisme entre Ka,a ,à ... ovolla (et Ka,a lOÙlO) toute cette argumentation étymologique au sérieux, ou
d'une part, et Kma ,aç 8uGtaç d'autre part. L'argument cherche à l9
mentatelelrst-üseulement,en train de plaisanter ? Sur ce point, le com-
prouver que «ceux qui ont établi les noms pensaient ainsi », c.-à-d. qUI se llmlte a examiner la notion d' oÙGia dans le dialogue
qu'ils interprétaient eux-mêmes Hestia comme ouata 1 !:aata. En effet,
c'est parce qu'ils regardaient la déesse comme l'oùata de toutes choses
Eassage se t~nnï:te par une fonnule ironique, qui souligne une fois de plus l'igno-
que pour eux il allait de soi que le premier sacrifice lui revenait. Il est ocrate : lŒl 'Wl.ym J.lèv 811 tctln:n cbç nupà J.ll1oèv Et86trov EÎplÎcrero (401 d 7 -
clair que même en p4, la signification du terme oilata reste assez vague.
GEERT ROSKAM §6. CRA1YLE 95
94

peut se féliciter: il évite un problème difficile20 Cependant, il n' échap- )3ien qu'une telle doctrine soit évidemment attirante pour Hermogène,
pera pas à un sort tragique, car il doit bien constater que le sens du terme celui-ci hésite à l'accepter (386 a 5-7 ; cf. aussi 391 c 7-8), et Socrate le
oùata dans ce passage-ci reste très vague. La raison pnnclpale de cette persuade aisément de choisir A2: les choses ont par elles-mêmes une
absence de clarté est sans doute le fait que le terme OÙ(Jiu est ici théma- certaine oùata stable (386 d 9 - el). Elles
tisé en tant que tel: ce qui importe n'est pas le sens du terme oùata, = ne sont pas relatives à nous (où npàç f]~ù.ç; 386 e 1-2)
mais le terme lui-même. Parfois un argument semble présupposer une _ sont par elles-mêmes (KaS' at'm] ; 386 e 3)
certaine signification déterminée du tenne, certes, mais toute tentative _ ont un rapport à leur propre oilaîa (npàç TijV a{nrov oÙGiav 8XOVTU ;
pour fixer une signification précise risque aussi de nuire à ce que vise le 386 e 3-4)
contexte général. _ se conforment à leur nature (nnep nÉ<p\l1ŒV ; 386 e 4).
Comment faut-il interpréter la notion d'oilata en A2? Plusieurs
c) Le terme o'm\a dans le reste du dialogue traductions ont été proposées: «essence» (Chambry, et Méridier au
1. C'est dès le début du dialogue qu'on trouve les premières occur- 386 a 3_421 ), «being or essence» (Reeve), «réalité» (Dalimier et Robin;
rences du terme oùata. Quand Socrate commence à examiner la thèse cf. aussi la traduction anglaise « reality » de Fowler), « être » (Méridier
d'Hermogène, selon qui la justesse des noms n'est qu'une affaire de au 386 d 9 - e 4), « being 22 » et même « allgemeine Bestimmtheit23 ».
convention (v6~q> Kat Eeet ; 384 d 6-7), il introduit cette alternative: il y a trois éléments sur lesquels il nous faut revenir. Tout d'abord,
ou bien les êtres (Til ovw.) ont une ollGta qui est particulière pour îl faut tenir compte du contexte général, qui concerne la distinction KaS'
chaque individu (385 e 5-6 ; solution 1 = Ai), ou bien ils ont par eux- at'm] - npàç f]~ù.ç. Les choses sont-elles indépendantes du jugement
mêmes une certaine stabilité (~e~at6nlTa) de leur ollGia (386 a 3-4 ; de l'individu (A 2 ), ou sont-elles seulement en conséquence de ce juge-
ment (Al)? En d'autres termes: est-ce qu'on croit ou non à l'objectivité
solution 2 = A').
La première solution est liée à la doctrine célèbre de, l'~omm~­ des choses. Deuxièmement, si on croit à cette objectivité, on accorde une
mesure, défendue par Protagoras. Le sophiste ne crOit pas a 1 obJecti- stabilité (~e~at6TTJç) aux choses. Elles ne peuvent donc pas
vité des choses, mais se montre convaincu qu'une chose est ce qu'elle çhanger sous l'influence d'une perception individuelle. Finalement,
est pour l'individu qui la rencontre: telles les choses m'apparaissent, j'ouata d'une chose est liée d'une certaine manière à sa <pomç. Et ainsi
telles elles sont pour moi, et telles elles t'apparaissent, telles elles sont ouata ne dénote pas seulement l'existence objective au sens le plus abs-
pour toi (386 a 2-3). La vérité est alors que les choses sont telles qu'elles mais contient déjà une certaine interprétation plus concrète: l' oilata
paraissent à chacun (386 c 3-4; voir aussi 386 c 9 - dl). En d'~~tres chose est ce que cette chose est par nature.
termes: l'individu a en lui-même le critère des choses, et telles qu tlles intéressant de jeter un regard sur la suite de la discussion. Socrate
éprouve, telles il les croit, et il croit qu'elles sont vraies pour lui et cOlntÎlme en appliquant son raisonnement aux actions (at npaçelç).
qu'elles sont (àA,TJefi Te OteTat at'm]l Kat OVTU; Théétète, 178 b 5-7). 11 Oell,~s-'ci aussi se font selon leur propre nature et non pas selon notre opi-

est clair qu'en Ai, le terme oilata a une siguification assez générale et L'opposition est donc entre:
peu spécifiée: c'est 1'« être» des choses, dans le sen~ le plus général, qui - KU1Ù 1ijV ulmùv rp6mv et KU1Ù 1t'iV fJJl81BpaV Oô~av (387 a 1-2)
dépend _ selon le point de vue de Protagoras - du Jugement mdlvlduel. - npàç fJJliiç et ul"rov nvu lMuv rp6mv Ëxoucrat (387 d 1-2).

20 Parmi ceux qui regardent toute la section étymologique comme un jeu se trouvent, : ',21 Vair aussi V. GOLDSCHMIDT, Essai sur le «Cratyle ». Contribution à l'histoire de
p. ex., L. MÉRIDIER, p. 15~22; W.K.C. GUTHRIE, A Hist01Y ofGreek Philo~ophy. ~~lume. V, de Platon, p. 53.
p. 23-25 ; panni ceux qui la prennent au sérieux sont, p. ex., P. BOYANCE, «.La . dactn~e :' Voir T.M.S. BAXTER, The Cratylus. Plato's Critique of Naming, p. 38.
d'Euthyphron" dans le Cratyle », p. 141-144; D. SEDLEY, «The Erymalogles m Plata s , 23 Voir J. DERBOLAV, Platons Sprachphilosophie im Kratylos und in den spiiteren
p. 81, n. 4 (cf. aussi p. 39).
Cratylus », p. 140-148.
96 GEERT ROSKAM §6. CRATYLE 97

Il est clair que, sur le plan du contenu, il s'agit de la même opposition Évidemment, le même sens peut être exprimé par différentes syllabes, et
que dans l'argument précédent concemant les choses (cf. aussi 386 e 6-8 de plus, le fait qu'on ajoute ou retranche une lettre est peu important, tant
sur le lien entre les deux). Et pourtant, le terme oûcrta n'apparaîtplus ; que domine l'oùcrta de la chose montrée dans le nom (ëOlÇ av syKpa~1'jç
c'est toujours le mot <pvatç qui est utilisé, et cela montre qu' oûcrta n'est TI ft oûO',a wil rcp6.y~awç oT]Àou~évT] sv ~0 ôv6~an; 393 d 1-5).
pas indispensable pour exprimer ce que Platon veut dire. Ce qui implique Heureusement, Hermogène admet qu'il ne comprend pas cet argument
immédiatement que le terme oùaia n'était pas utilisé ici dans un sens de Socrate (393 d 6), si bien que nous recevons quelque information sup-
technique: il ne s'agit pas d'une « essence» bien déterminée et définie plémentaire. L' oOcrta d'une chose semble plus ou moins équivalente à sa
des choses, mais plutôt d'une certaine nature stable qui ne dépend pas de Mva~tç (393 e 3 ; cf. 394 b 1,4 et 7 ; 394 c 8) ou à sa <pvatç (393 e 7).
notre jugement individuel. Plus loin dans le dialogue, dans son entretien avec Cratyle, Socrate ren-
yoie une fois de plus à ce passage-ci, affirmant de nouveau qu'un nom
2. L'artisan des noms doit tenir compte de cette nature des choses.
L'instrument qu'il utilise pour nommer ces choses est le nom (ovo~a). Plus
àu une phrase peuvent énoncer quelque chose, même s'ils contiennent
un élément qui n'est pas approprié, pourvu qn'on y trouve le ~vrcoç
précisément, il se sert du nom pour instruire les autres et pour distinguer
(<< l'empreinte générale », «le caractère distinctif») de la chose dont on
les choses comme elles sont (388 b 10-11 : Oto6.crKo~év tl ÙÀÀi]Àouç
parle (432 e 3 - 433 a 2). À nouveau, la signification du terme oùcrta se
Kat ~à rcp6.y~am OtaKp(vo~ev TI "Xet). Cela mène à la définition du
nom: ovo~a apa OtOacrKaÀtKOV ~t scrnv opyavov Kat OtaKpttlKOV révèle donc être assez vague.
Jusqu'ici dans le dialogue, le mot oocrta n'est jamais utilisé dans un
~f\ç oùmaç rocrrcep npKtç ù<p6.cr~awç (388 b 13 - C 1)24. Étant donné
sens technique, et n'est jamais vraiment indispensahle. Sans aucun pro-
que cette formule renvoie immédiatement à ce qui précède, il faut conclure
blème, Socrate utilise d'autres termes (surtout <pvatç) pour exprimer à
que le mot oûcrta équivaut ici à la formule rcp6.wa~a ... TI 8Xet, et qu'il
j'leu près le même argument. À la lumière de cette observation, il est
faut traduire par «réalité (telle qu'elle est) » plutôt que par «essence ».
intéressant de signaler qu'Alcinoos, auteur d'un manuel sur la doctrine
Un argument supplémentaire en faveur de cette interprétation est
platonicienne datant de la période du médioplatonisme, parle toujours de
la comparaison rocrrcep KepKtç ü<p6.cr~awç. Comme le tissu comprend
la nature (<pvmç) des choses quand il présente la philosophie du Cratyle.
plusieurs composantes (à savoir la trame et la chaîne) et comme la navette
Pour lui, la justesse d'un nom provient de ce qu'il a été imposé en accord
sert à distinguer ces composantes si elles sont confondues (388 b 1-2;
avec la nature de la chose (~1'j yàp aÀÀo ~1'jv ôp86tT]~a elVat wil ôvo-
voir aussi Politique 282 b 1 - c 3 ; et cf. Sophiste 226 b 2-10), ainsi
~awç lj ~i]v crv~<pOlVoV ~Ù rpVfJBl .où rcp6.y~awç 8écrLV ; Didaskal. VI,
le nom sert à distinguer la réalité, qui comprend elle aussi plusieurs
160.8-10). Il faut attribuer le nom de toute chose en fonction de sa parenté
composantes (à savoir les rcp6.y~a~a). Une application stricte de la
avec la nature de cette chose (Ka~à ~O olKelov ~Ù wù rcp6.y~awç
comparaison montre que le terme oùcrta n'a pas ici le sens technique
. rpVfJBl; Ibid. VI, 160.13-14). On ne parle conectement que si on parle
d'« essence », mais qu'il doit être interprété comme «réalité », c.-à-d.
l'ensemble de plusieurs rcp6.y~am.
d'une manière qui s'accorde avec la nature des choses (n 't'à 1!:pay~a'ra
1r:éfpmœv; Ibid. VI, 160.19), et le meilleur artisan des noms est celui qui
3. La conclusion de toute cette section est que Cratyle semble avoir le nom traduirait la nature de la chose (6 crT]~a[vOlv Ot' ôvo~awç
raison: l'artisan des noms ne peut point procéder arbitrairement, mais doit rpvmv .où rcp6.y~awç ; Ibid. VI, 160.24-25), c.-à-d. le dialecticien,
avoir le regard fixé sur le nom naturel de chaque chose (390 d Il - e 5). connaît la nature des choses (,1'jv rpVfJlV ~&v Ü1t01Œt~évOlV smcrm-
~Évou ; Ibid. VI, 160.40-41). Le terme oOcrta n'apparaît qu'une seule
24 On ne sait si les deux composantes de cette définition dénotent deux fonctions
différentes (comme le pensent la majorité des commentateurs) ou s'il s'agit d'une seule fois dans cette section du Didaskalikos, à savoir dans une citation littérale
fonction (comme le croient, p. ex., J.L. ACKRILL, «Language and Reality in Plato's Cra- passage sur le nom comme opyavov OtaKptnKOv ~f\ç oùcrtaç. Alci-
tylus », p. 41-42; C. DAUMIER, Platon. Cratyle, p. 202, n. 44; cf. aussi T.M.S. BAXTER, ~bos n'utilise donc pas dans cette section le mot oûcrta au sens technique,
The Cratylus. Plato's Critique ofNaming, p. 41 et A. SILVERMAN,« Plato's Cratylus: The
Naming of Nature and the Nature of Naming », p. 35 et la n. 20). ' età juste titre: toute interprétation qui découvre dans la première pmtie
§6. CRATYLE 99
98 GEERT ROSKAM

5. Enfin, le mot oùata apparaît encore deux fois dans l'entretien de


du Cratyle une théorie plus ou moins élaborée des « essences » des
Socrate avec Cratyle. Ici, nous pourrons être bref, car les deux pas-
choses25 risque de faire dire à Platon plus qu'il ne dit.
n'apportent guère de nouveauté. Au cours de la discussion, Socrate
4. Après la section étymologique, Socrate fixe .so~ attention s~r ;n'ro,lllit une fois de plus l'artisan des noms comme quelqu'un qui se
les noms primitifs. Le nom apparaît comme une ImilatlOn par la VOlX de syllabes et de lettres pour imiter l'oll"ia des choses (431 d 2-3).
ÜÜf.lllf.la qlffiVU ; 423 b 9), mais pas de n'importe quel objet. Il ne s'agit formule renvoie à ce qui a été dit dans la discussion avec Hermo-
pas d'une imitation des sons ou des couleurs, mais d'une oûcrta. La façon (cf. 423 e 7-8; 424 a 9 - b 2 et 424 b 9-10), sans que le terme
dont la notion d'ouata est de nonveau introduite ici est très remarquable. soit davantage spécifié. Quelques pages plus bas encore, Socrate
Socrate pose explicitement la question de savoir si chaque chose a une à la section étymologique, notamment à sa thèse selon laquelle
oll<ria comme elle a une couleur, etc. (423 e 1-2), et si la couleur elle- noms signifient l' oll"ia, en partant de 1'hypothèse héraclitéenne que
même et le son ont eux aussi leur oll"ta (423 e 3-4), de même que tout se trouve dans un flux permanent (436 e 2-4). Dans ce passage
ce qui mérite l'appellation d'être (wù EtVU1 ; 423 e 4-5). Socrate conti- la signification du terme oùata n'est pas tout à fait claire, quoique
nue alors: si on pouvait imiter cette oll"ia par des lettres et des syllabes, f;al)sel.ce d'un génitif comme 1roV OV1ffiV ou 1roV npaYf.lŒ1ffiV suggère le
on montrerait de chaque chose ce qu'elle est (il Ëanv; 423 e 7-9). de «réalité » (comme dans les traductions de Méridier et de Dali-
L'artisan des noms doit donc saisir 1:0 av, de manière à en imiter l'oùGia plutôt que celui d' « essence» (comme dans celle de Chambry;
(424 a 9 - b 2). Et cette imitation de l'oll"ia, Socrate le répète une fois ,', ,"UO'o. la traduction anglaise de Reeve : «being or essence»).

de plus, se fait par des lettres et des syllabes (424 b 9-10). "
Il est clair que dans toute cette section, le sens du terme ouala est
assez proche d' « essence ». En effet, il y a un lien évident entre le verb:
dvat et son participe substantivé "Co av, ou encore avec la formule 0
Ëanv et la notion d'ouata elle-même est introduite comme si le terme le commentateur subit finalement son sort tragique. Il est obligé
n'avalt pas encore été utilisé dans tout ce qui précède. En outre, la dis- i'c"nc:lm'e que la notion d'oùata reste très vague et ambiguë dans le
tinction entre oùcria, d'une part, et son et couleur, d'autre part, rappelle Dans la plupart des passages où le terme apparaît, il ne semble
la distinction entre ouata et naSoç dans l'Euthyphl'on (11 a 6 - b 1). avoir une signification technique et bien définie. Souvent, l' oùata de
Toutefois, le terme ouata reste peut-être ici aussi quelque peu ambigu et est plus ou moins synonyme de sa nature (qlucrtç). Une théorie
vague, comme il ressort de quelques parallèles. En effet, un peu plus haut, concernant 1'« essence» de la chose semble encore absente dans
Socrate affirmait que la justesse des noms consiste à montrer chaque être ("""''''p27, bien qu'on trouve déjà quelques passages où le sens d'oùata
tel qu'il est (OllÀ.Oùv oiov ËKaa1av Èan 1roV OV1ffiV ; 422 d 2-3), e~ proche d' « essence». Nous sommes donc réduits à un non liquet
quelque pages plus bas, il répétera que cette justess: des noms est ::e qUI ce qui, en fin de compte, est un résultat peu impressionnant.
indique la chose telle qu'elle est (ilnç ÈVOEtÇE1U1 oiav Èall 1à npaYf.la; la VÉf.lEcrtÇ divine s'achève, ruinant les derniers espoirs du com-
428 e 1-2; cf. aussi 433 e 1-2). Le nom ne montre donc pas (s:ulement) ~Îltateur : il est devenu un antihéros 28 •
ce que la chose est (il Banv) mais la montre teUe qu'eUe est (oiav Èan).
Une fois de plus, la position de Socrate s'avère alors assez ambivale~te:
bien qu'il soit possible de traduire ici le mot oùaia par «essence », il ne
FOWLBR traduit même par « nature» ; ROBIN par « le réel».
faut pas y chercher une théorie bien détaillée de l' « essence » des choses. Ce qui est important pour la datation du dialogue: une telle absence peut suggérer
ig,taut pla<Cer le Cratyle dans la période dite de transition (pour un aperçu de la discus-
du dialogue, voir, p. ex., L. MÉRIDIER, Platon. Œuvres complètes, p. 46-
25 Comme celle de F.C. WHITE, «On Essences in the Cratylus », p. 262-265. Selon \ . GUTHRIE, A History of Greek Philosophy. Volume V, p. 1-2).
M.D. PALMER, Names, Reference and Correctness in Pla/o's O:atylus, p. 81, «The term tiens à remercier Monsieur J. Noret, qui a corrigé soigneusement mon français.
'ousia' may be interpreted as invoking Platonic Forms » ; cf. aUSSI p. 121-123 et p. 153-168.
§7. RÉPUBLIQUE

Sylvain DELCOMMINETIE

Édition de référence :
Respublica: S. R. SLlNGS, Oxford, Oxford University Press, 2003.

Autres éditions et traductions utilisées:


J. ADAM. texte et commentaire, 2 vol., Cambridge, University Press, 1902.
J. BURNET, Platonis Opera, Tome 4, texte, Oxford, Oxford University Press,
1902.
P. SHOREY, texte et traduction, Cambridge Mass., Harvard University Press
(Loeb), 1930.
É. CHAMBRY, texte et traduction, 3 vol., Paris, Belles Lettres (C.U.P.), 1932-
1934.
P. M. CORNFORD, traduction, Oxford, Clarendon Press, 1941.
L. ROBIN, Œuvres complètes, Tome 1, traduction, Paris, Gallimard (Bibliothèque
de la Pléiade), 1950.
P. PACHET, traduction, Paris, Gallimard (Folio), 1993.
R. WA1ERFIELD, traduction, Oxford, Oxford University Press, 1993.
G. LEROUX, traduction, Paris, GF-Flanunarion, 2002.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

République 38

Répartition par livre:

1 3
II 4
III 2
IV 0
V 1
VI 5
VII 9

Unhrersidad dt) Nav",.,.a


Servjch;;1l de BlbHotecas
102 SYLVAIN DELCOMMINETfE §7. RÉPUBLIQUE 103

B
II 5 Au génitif, on trouve des occurrences d'oùcrtu comme complément du
IX 9 nom (II, 361 b 5 ; VI, 486 a 9; VII, 534 b 4 ; IX, 591 e 3), comme
X 0 complément des verbes iin~ro (VII, 525 b 3), nuputpéro (IX, 573 el),
",eThro (IX, 585 b 11 ; IX, 585 c 8 ; IX, 585 c 13 ; IX, 585 d 3),
Étant donné la dualité de sens du terme oùcrtU (voir ci-dessous), il est comme attribut du sujet dans un génitif absolu (VI, 509 b 7), comme
difficile de tirer une quelconque conclusion de cette répartition. En génitif partitif utilisé avec les verbes OT]À.6ro (VI, 485 b 2), dVUÀ,tcrKro
revanche, si l'on anticipe sur les résultats de l'analyse sémantique qui suit, et npocr~(9T]",l (IX, 591 e 4). Les autres occurrences sont introduites
on peut constater que les occurrences du terme en son sens ontologique par les prépositions 6nép (II, 374 a 1), ",e~uçu (V, 479 c 7), 8néKelVu
sont concentrées dans les livres V à VII ainsi que dans la discussion sur (VI, 509 b 8), nept (VIII, 554 d 3) et ",e~a (IX, 578 e 4).
la valeur supérieure des plaisirs du philosophe au livre IX (cinq occur-
rences sur les neuf que contient ce livre). Dans ces passages, le sens éco-
nomique, qui domine partout ailleurs, est totalement absent. On notera EXPRESSIONS REMARQUABLES:
toutefois que le sens ontologique apparaît déjà en une occasion au moins
avant la grande discussion des livres V à VII, à savoir en II, 359 a 51. - ~fiç ",e~uçù oùcrtUç ~e KUt wu ",i) elVut (V, 479 c 7)
- 8KBÎVT]Ç ~fiç oùcrtuç Tfiç dei o(5crT]ç (VI, 485 b 1-2)
- Tà dvut ~e KUt ~i)v oùcrtuv (VI, 509 b 6-7)
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES - Tàv À.6yov EKacrwli ... ~fiç oùcrtUç (VII, 534 b 3-4)
- KuBupiiç oùcrtuç (IX, 585 b 11)
Nominatifs: 3
Accusatifs : 17, dont 1 pluriel
Génitifs: 18 C. ANALYSE SÉMANTIQUE
Datifs: o
_ Quel que soit son sens, oùcrtu s'emploie généralement au singulier. On peut distinguer deux grandes familles de sens: le sens économique
L'unique occurrence du pluriel intervient dans l'expression ~ouç ov - sx et le sens ontologique.
mç ~àç oùcrtUç (VIII, 566 a 7), qui relève du sens économique.
_ Dans ce dialogue, oùcrtU est très rarement utilisé au nominatif (auquel al Le sens économiqne
cas il occupe la fonction de sujet: VII, 534 a 3 ; VIII, 551 b 3 ; IX,
Dans son acception originelle, oùcrtu désigne la propriété, la richesse,
585 c 8) et jamaîs au datif.
_ À l'accusatif, oùcrtU a généralement la fonction de complément la fortune, les ressources, les biens, le patrimoine. Cette signification
d'objet direct: l, 329 e 4 ; l, 330 b 3 ; l, 330 d 2 ; III, 377 el; III, demeure très présente dans la République, puisqu'elle concerne non
416 d 6 ; VII, 526 e 7; VIII, 553 b 5 ; VII, 565 a 7; VIII, 566 a 7. Il moins de dix-sept occurrences sur les trente-huit que compte ce dialogue
peut aussi intervenir dans une proposition infinitive, soit comme sujet (1, 329 e 4 ; l, 330 b 3 ; l, 330 d 2 ; II, 361 b 5 ; II, 372 cl; II, 374 al;
(III, 416 c 6 ; VI, 509 b 7), soit comme attribut du sujet (II, 359 aS). III, 416 c 6 ; III, 416 d 6 ; VIII, 551 b 3 ; VIII, 553 b 5; VIII, 554 d 3 ;
Il est également utilisé avec les prépositions onép (II, 372 cl), np6ç VIII, 565 a 7 ; VIII, 566 a 7 ; IX, 573 el; IX, 578 e 4; IX, 591 e 3 ;
(VII, 523 a 3), !lnt (VII, 524 el; VII, 525 c 6), ne pi (VII, 534 a 3) IX, 591 e 4). Cela s'explique par le thème politique du dialogue, dans
lequel la question de la propriété joue un rôle important.
et KU~a (VII, 534 c 2).
En général, l'oùcrtU correspond aux possessions personnelles d'un indi-
l Selon certaines leçons, il apparaîtrait également en III, 377 e 1. VOIT n. 9 ci-dessous.
vidu quelconque, c'est-à-dire à la propriété privée (cf. oùcrtuv ... ,otuV en
SYLVAIN DELCOMTYITNETTE §7. RÉPUBLIQUE 105
104

III, 416 d 6), sur base de laquelle certains régimes politiques déterminent DV. Dans ces conditi~ns, toute tentative de distinguer entre les expres-
le niveau censitaire d'un citoyen (cf. VIII, 551 b 3) et que la cité élabo- sions 1i oùcria, -rD êÏVŒt et 'Co cv paraît vaine, en tout cas en ce qui
rée par Socrate doit exclure autant que possible. concerne la République 3• Le seul passage qui pourrait paraître impliquer
Mais oùcrîa peut aussi désigner le patrimoine de la cité elle-même une distinction entre ft oùcrîa et 1à elvm est le célèbre texte de VI
(cf. II, 374 a 1), qui réclame une armée pour être défendu. 509 b 6-7, où il est dit que par le bien, 1à elvm 18 Kat 1l']v oùGtav son;
Notons également que dans sa seule occurrence au pluriel (VIII, joints (npocrElvm) à ce qui est connu (w1:ç ytYV(j)crKollévotç) ; mais
566 a 7), le terme oùcrîa renvoie aux biens en général, c'est-à-dire à tout précisément, les passages précédemment cités suggèrent fortement que
ce qui peut être possédé dans une cité donnée, et que seule une petite cette expression doit ici être comprise comme un hendiadys 4.
partie de la population se partage dans le cadre des régimes corrompus. S'interroger sur le sens du terme oùcrîa dans la République revient
Remarquons enfin que ce premier sens d' oùcria se maintient après les donc à s'interroger sur le sens que Platon donne au verbe «être» dans
discussions des livres V à VII, où le sens philosophique domine et reçoit ce dialogue. Afin d'approcher ce sens, commençons par exaruiner le
passage où est établie la différence entre la connaissance et l'opinion
sa pleine détermination.
à partir de la différence entre leurs objets à la fin du livre V (476 e 4 -
480 a 13), bien que le terme oùcr(a n'y apparaisse qu'une seule fois (en
b) Le sens ontologiqne
479 c 7). Socrate fait admettre comme évidente par Glaucon l'équation
On peut faire rentrer dans cette catégorie les vingt et une occurrences suivante: seul est connaissable ce qui est (DV) (477 a 1), et ce qui est tota-
restantes, à savoir II, 359 a 5 ; V, 479 c 7 ; V, 485 b 2 ; VI, 486 a 9 ; lement est totalement connaissable, tandis que ce qui n'est aucunement
VI, 509 b 7 (deux fois) ; VI, 509 b 8 ; VII, 523 a 3 ; VII, 524 el; VII, est totalement inconnaissable (10 1l8V naV18À&ç av
naV18À&<; yV(j)cr10V,
525 b 3 ; VII, 525 c 6 ; VII, 526 e 7 ; VII, 534 a 3 (deux fois) ; VII, av
Ill'] 08 Il'l0aIlTI nuv111 ayv(j)crwv, 477 a 3-4). Dès lors, si l'on peut
534 b 4; VII, 534 c 2; IX, 585 b 11 ; IX, 585 c 8 (deux fois) ; IX, montrer qu'il existe certaines choses qui à la fois sont et ne sont pas,
585 c 13 ; IX, 585 d 32 celles-ci seront les objets non pas du savoir véritable, mais d'une autre
Dans tous ces cas, le terme oùcrîa correspond à la substantivation capacité (OllValltç), intermédiaire entre le savoir et l'ignorance: l'opi-
(ou plutôt à l'une des snbstantivations) du verbe elvm. Cela apparaît .nion (06ça) (477 a 6 - 478 e 6). Mais en quel sens les objets d'opinion
clairement en V, 479 c 7, où ce terme apparaît dans le groupe 1fiç 1l8mçù •..• I,euveIlt-ils être dits à la fois être et ne pas être? Sans entrer dans le détail
oùmaç 18 Kat WÙ Ill'] elvm ( « intermédiaire entre le non-être et l'être »), controverses relatives à ce passageS, il nous semble que la réponse à
ce qui snggère déjà que ft oùcrîa est équivalent à 1à elvat. Ce soupçon
trouve une confirmation dans les deux lignes suivantes, où le contraste 3 En ce sens, nous ne pouvons souscrire aux analyses de D. NAll..s, « OusÎa in the
se joue désormais entre Ill'] elvat et elvm (479 c 8-9). Bien plus, en : D~alog~e:~», p. 71-77, qui ten~e de montrer qu~ Tj oùcria n'est jamais synonyme
DV ru de 0 ~mn, sans apporter d argument convamcant à nos yeux.
479 d 3-4, le groupe tout entier est remplacé par 1l81açu ... 106 18 Ill']
Nous rejoignons ici les conclusions de D. HITCHCOCK, «The Good in Plato's Repu-
DVWÇ Kat 10Ù DVWÇ (voir déjà 477 a 6-8). On doit donc en conclure que, », p. ~9 et 86, n. 28. L. Brisson objecte que le tE qui précède le Kai dans l'expres-
dans ce passage tout au moins, les expressions 11 oùcriu, 'ro dvat et 'Co. E~vai tE Kat TIÎV oùcriav contredit cette interprétation en ce qu'il empêche
conslder~r le Kai comme un épexégétique (<< L'approche traditiOllllelle de Platon par
1à DV sont synonymes et correspondent seulement à différentes formes
F. Chermss », p. 96, n. 4). On lit pourtant exactement le contraire dans R. KÜHNER et
de substantivation du verbe être. Un passage ultérieur confirme qu'il GERTII, Ausführliche Grammatik der Griechischen Sprache, Zweiter Teil: Satzlehre,
en va bien ainsi: en IX, 585 b 11, oÙGiaç remplace DVWÇ qui apparaît . II, §522, p. 249, à savoir que lorsque deux expressions sont liées par tE Kat, «le
membre sert souvent à expliquer le premier».
deux lignes plus haut (585 b 9) ; et dans la suite du passage Gusqu'en
plus des commentaires d'ensemble sur la République, voir notamment R. E. ALLEN,
585 d 10), on observe un flottement constant entre les termes oùcrta et . from Opposites in Republic V », p. 111-124; G. VLASTOS, «Degrees of
m », p. 58-75; J. G. GOSLlNG, «Ô.6ça and ouval-nç in Plato's Republic »,
~:l~';~~; J. HINTIKKA, «Knowledge and its Objects in Plata », p. 1-30; G. SANTAS,
2 Liste à laquelle on peut ajouter III, 377 e 1, si l'on conserve cette' occurrence. ><i on Knowledge and its Objects in Plato », p. 31-51 ; N. D. SMITH, «Republic
106 SYLVAIN DELCOMMINETIE §7. RÉPUBLIQUE 107

cette question est clairement formulée par Socrate un peu plus loin, lors- Quant à ce qui est purement indéterminé, qui en ce sens n'est aucune-
qu'il dit que les objets d'opinion correspondent à des choses qui à la fois ment, il est absolument impossible de le connaître en quelque mesure que
sont et ne sont pas ce qu'on dit qu'elles sont (479 b 8-9) : par exemple, ce soit.
une chose dite belle est en réalité à la fois belle sous certains aspects L'oorria, entendue au sens qui vient d'être défini, est donc avant
et laide sous d'autres aspects, de sorte qu'à strictement parler, elle est tout l'objet du savoir, ce qui distingue celui-ci de la simple opinion; à
et n'est pas belle; et il en va de même pour toutes les choses qui sont tel point qu'en VII, 534 c 2, sont opposés deux types d'examens ou de
dites justes, pieuses, doubles, grandes ou petites, légères ou lourdes, etc. réfutations (è"éYXEtv) : celui qui se fonde sur la 06ça (Ka1:à 06çav) et
(479 a 5 - b 7)6. On voit que le verbe «être» n'est pas ici à entendre en celui qui se fonde sur l'oorria (Kat' où"iav). C'est sur cette opposition
son sens existentiel, mais en son sens copulatif; ou plus exactement, entre savoir et opinion que se fonde l'opposition entre l'être et le deve-
que même lorsqu'il est employé seul, il est toujours susceptible d'être nir (yévErrtÇ) (cf. VI, 485 b 1-3; VII, 525 b 2-3; VII, 525 c 5-6; VII,
complété par un complément". Être, pour Platon, ce n'estjaroais simple- 526 e 7-8; VII, 534 a 2-4), ce demier terme désignant l'objet de la 06ça,
ment exister de manière indétenninée: c'est au contraire toujours être le ooçarrtov. Parce qu'il n'est pas parfaitement déterminé, l'objet de
quelque chose, être déterminé d'une certaine façon. C'est l'être ainsi l'opinion n'est pas stable: il peut toujours recevoir la détermination oppo-
entendu qui est exprimé par où"ia en 479 c 7. Si les objets d'opinion à sée, et ainsi passer, selon le point de vue adopté et conformément au sens
la fois sont et ne sont pas, c'est au sens où ils ne sont jamais pleinement du mot « être» précisé ci-dessus, de l'être au non-être ou du non-être à
déterminés par une détermination quelconque, car ils admettent toujours l'être, c'est-à-dire de l'être x au ne pas être x ou inversement, ce en quoi
également la détermination opposée lorsqu'ils sont envisagés sous un consiste précisément le devenir. En revanche, l' oorria elle-même, l' oorria
autre rapport. C'est pourquoi l'opinion n'est jamais exempte d'erreur «pure » (cf. Kaeapàç où"iaç, IX, 585 b 11), étant pleinement et uni-
(JlT] àvaJlapnl~ov, 477 e 7) : même lorsqu'elle est vraie, elle est tou- quement ce qu'elle est, ne peut en aucune manière recevoir une déter-
jours également fausse dans une certaine mesure. Et c'est également mination opposée à cette détermination qu'elle est elle-même; elle
l'être ainsi conçu qui peut seul être l'objet du savoir. À la différence de demeure toujours parfaitement semblable à elle-même et est en ce sens
ceux de l'opinion, les objets du savoir sont pleinement déterminés en <<immortelle» (cf. IX, 585 c 2-3: <lEt oJloiou ... Kat àeavawu), ou plus
eux-mêmes: la justice en soi n'est que juste, la beauté en soi n'est que exactement étemelle : elle est « l'être qui est toujours » (~fiç où"iaç ~fiç
belle. Le savoir de tels objets est donc nécessairement et parfaitement àd oorrllç, VI, 485 b 2).
vrai (cf. àvaJlap~llwv, 477 e 7) : ne laissant la place à aucune pmi d'in- Le rapprochement entre l' oùma et la science (èmrr1:11Jlll) est également
détermination, ceux-ci excluent toute dimension aléatoire de leur saisie. présent en IX, 585 b Il et 585 c 8 (deuxième occurrence de cette ligne),
mais la situation est alors quelque peu différente: en effet, en 585 b Il -
476 e-480 a: Intensionality in Plato's Epistemology? », p. 427-429; G. FINE,« Knowledge .c 6, parmi les choses qui pmticipent le plus de l'oorria pure (Kaeapàç
and Belief in Republic V », p. 66-84; R. J. KETCHUM, «Plata on Real Being », p. 213-
220; N. COOPER, «Between Knowledge and Ignorance », p. 229-242; F. J. GONZALEZ, oùmaç JlE~éXEtv, 585 b 11), sont citées sans distinction comme apparte-
«Propositions or Object? A critique of Gail Fine on Knowledge and Beliet in Republic V », nant à un même genre (Elooç) l'opinion vraie (06ça à"lle1'JÇ), la science
Phronesis, 41, 1996, p. 245-275. C. HORN, «Platons epistêmê-doxa-Unterscheidung und (èmrr~1'JJlll) et l'intelligence (voGç; 585 c 1-2). C'est qu'ici, l'oorria
die Ideentheorie (Buch V 474 b - 480 a und Buch X 595 c - 597 e) », p. 291-312.
6 G. FINE, «Knowledge and Belief in Republic V », p. 70, refuse d'utiliser ce texte pour
est avant tout rapprochée de la vérité (cf. 585 c 13, 585 d 3), à laquelle
interpréter l'argument qui précède, sous prétexte qu'il s'agit d'une conclusion et non d'une l'opinion vraie participe également dans une certaine mesure - à savoir
prémisse non controversée. Cependant, il semble préférable de comprendre que tout au long précisément la mesure dans laquelle elle participe à l'être, à l'oorrla.
de l'argument, «ce qui à la fois est et n'est pas» demeure le simple nom de l'objet que
le raisonnement nous contraint à attribuer à la doxa, nom dont la signification ne se voit
Ce lien entre l'où"ia et la vérité, déjà affirmé en VII, 525 c 6, se com-
déterminée qu'une fois la conclusion atteinte. prend aisément à partir de l'interprétation de l'être proposée ci-dessus. En
7 Sur ce point, voir surtout les analyses extrêmement suggestives de L. Brown à pro- effet, degré d'être et degré de vérité sont intimement liés: plus une chose
pos du Sophiste dans son article «Being in the Sophist: A Syntactical Enquiry », p. 455-
478. Voir également l'analyse du Sophiste proposée par B. Collette ci-dessous.
est, plus le savoir qui s'y rapporte peut être vrai, et donc être un savoir
108 SYLVAIN DELCOMMINETIE §7. RÉPUBLIQUE 109

véritable; en revanche, relativement à ce qui à la fois est et n'est pas, il actuelle consistant à insister, contre l'interprétation néoplatonicielU1e,
n'est possible d'avoir qu'une opinion, qui, dans le meilleur des cas, est sur l'expression 1tpEa~Ei" KUt OUV6./lEt U1tEptXOVWç qui qualifie le
vraie, mais qui inclut néanmoins nécessairement aussi une part de faus- É1ttKEtVU ,fiç où"illç en empêchant de lire celui-ci dans le sens d'un
seté, en ce qu'elle attribue à une chose quelconque une détermination que « au-delà de l'être », sens qui est clairement contredit par les nombreux
cette chose n'a que sous un certain rapport et non pas absolument. textes qui considèrent l'Idée du bien comme une Idée parmi les autres 8 .
Objet du savoir véritable, l'où,,ill est l'objet du désir (apcoç) du phi- Socrate dit simplement que l'Idée du bien, tout en étant la source de l'être,
losophe (VI, 485 b 1-2; voir déjà V, 479 e 9 et 480 a 11, où la même ue s'y identifie pas, ce qui ne l'empêche pas pour autant elle-même d'être
fonction est attribuée à ,6 av). C'est donc vers elle qu'il faut «tirer» ~ de même que le soleil, tout en procurant aux choses visibles le deve-
l'âme des futurs gardiens si ceux-ci doivent devenir de véritables philo- nir, ne s'identifie pas au devenir, sans que cela l'empêche d'être lui-même
sophes et c'est ce but que vise tout le programme éducatif du livre VII une réalité en devenir.
(cf. 523 a 3, 524 e 1, 525 b 3, 526 e 7). Dans ce cadre, le terme ooalu Mais le terme oùatu peut également être utilisé de manière relative et
renvoie non seulement aux objets de la dialectique, mais également à non absolue, c'est-à-dire comme désignant non plus l'être en général,
ceux des sciences dianoétiques telles que les mathématiques, bref à tous mais l'être d'une chose particulière, c'est-à-dire ce qu'est cette chose,
les objets de l'intellection (VOllcrtÇ ; cf. VII, 534 a 3). Si le parcours qui son essence. C'est très clairement en ce sens qu'il est employé en II,
mène à ces objets est difficile, la récompense est à la hauteur de l'effort 359 a 5 et en VII, 534 b 4 9 • Dans les deux cas, ce dont l'oùalu est l'es-
exigé: en effet, seul le contact avec l'être pur peut réellement remplir sence est désigné par un génitif (OtKUtoaOVllç en II, 359 a 5 ; eKaawu
l'âme en comblant ce vide qu'est l'ignorance, lui procurant ainsi un en VII, 534 b 3). Il est intéressant de remarquer que cet usage d'oùatu,
plaisir incomparable, plus réel et plus vrai que tout plaisir corporel généralement considéré comme l'usage platonicien par excellence, est
(IX, 585 a 8 - e 6). très minoritaire dans la République, et que sa première occurrence est
Toutes les occurrences que nous avons examinées jusqu'à présent mise dans la bouche de Glaucon lorsqu'il prétend dévoiler «la genèse
concernent l'ooalu en général, conçue comme le mode d'être propre aux et l'essence de la justice» (ytvEatv ,E KUt où"iuv OtKUtoaOVllç, II,
objets du savoir véritable. Dans cette optique, l' ooalu peut être conçue 359 a 5) telles que se les représente la multitude. L'association de la
comme un tout (cf. 1t6.allç Ill'l,fiç [sc. OÙ"illi;], VI, 485 b 5 ; 1t6.a llç ... genèse et de l'oùatu est intéressante: pour la multitude, l'essence de la
où"iuç, VI, 486 a 9) : eUe représente un plan ontologique distinct par justice est à chercher dans sa genèse, c'est-à-dire dans les processus his-
rapport à la réalité sensible, qui doit dans sa totalité faire l'objet du désir toriques qui ont mis en place la justice positive qui règne dans les cités
du philosophe. En d'autres termes, ce que le philosophe doit désirer, ce èxistantes. Une telle conception ue peut bien entendu plus du tout avoir
n'est pas seulement telle ou telle ooalu particulière, mais l'ooalu comme après les longues discussions des livres V à VII, et lorsque Socrate
telle c'est-à-dire le mode d'être propre aux objets de connaissance, dont . déclare que le dialecticien est celui qui saisit «le 1coyoç de l'oùmll de
nou; avons vu qu'il consiste dans le fait d'être pleinement déterminé en
soi-même. C'est ce mode d'être, et non le contenu propre de chaque objet
8 Voir notamment N. R. MURPHY, The Interpretation of Plato's Republic, p. 182-183;
particulier de connaissance, qui est dispensé à ce qui est connu par l'Idée P. WHITE, A Companion to Plato's Republic, p. 180-181 ; D. HITCHCOCK, «Know-
du bien (cf. VI, 509 b 6-7). L'Idée du bien ne s'identifie cependant and its Objects in Plata », p. 90, n. 56 ; M. BALTES, «18 the Idea of the Good in
pas à l' oùalu en tant que telle (OOK où"illç avwç 100 àyu(00), mais Republic beyond Being? », p. 351-371; M. DrxsAUT, MétamO/phoses de la dia-
;l,ctique dans les Dialogues de Platon, p. 98-99; L. BruSSON, ~< L'approche traditionnelle
est encore au-delà de l'ooalu (È1ttKEtvU ,fiç OÙ"iIlÇ), la surpassant .'C' -_._.~ .. par H. F. Cherniss », p. 85-97. Voir déjà J. ADAM, The Republic of Plato,
en dignité et en puissance (1tpEG~Ei" KUt OUV6./lEt lJ1tEptxovwç) (VI, with Critical Notes, Commentary and Appendices, II, p. 62, n. ad loe.
509 b 7-9). Nous ne pouvons bien entendu nous étendre ici sur ce pas- Ce serait également dans ce sens qu'il faudrait comprendre l'occulTence d'OGata
l'expression oùc:riav ... m;pi 8EiÏJv 'tE Kat TtProrov oloi daw en Ill, 377 e 1-2 ; mais
sage célèbre et dont l'iuterprétation est particulièrement controversée: des éditeurs s'accordent à supprimer oucriav dans ce texte, d'autant plus que ce
contentons-flOUS de dire que nous sommes d'accord avec la tendance ne figure pas dans tous les manuscrits.
SYLVAIN DELCOMMINETIE §7. RÉPUBLIQUE 111
110

chaque chose» (VII, 534 b 3-4), le terme oÛc;ta est à entendre sur fond IX, 585 b 11): celle qui n'est pas entremêlée de non-être et qui est le
de tout ce qui en a été dit auparavant: l'oûc;ta est l'objet de la connais- propre des objets de connaissance véritables. Ce passage montre donc
sance par excellence, seul garant de la vérité, éternel, et par conséquent que même dans la République, OOc;tU peut avoir un sens plus général et
opposé à tout devenir. L'usage relatif de ce terme est en effet parfaite- renvoyer au mode d'être non seulement de l'intelligible, mais également
ment compatible avec son usage absolu: si être, c'est être déterminé sensible en devenir.
d'une certaine manière, connaître un être particulier, c'est connaître cette
détermination particulière qu'i! est, c'est-à-dire son essence; et une telle D. CONCLUSION
connaissance ne peut atteindre sa perfection que si elle s'exerce à l'égard L'intérêt de la République pour une enquête lexicale de ce genre réside
de ce qui est pleinement déterminé en soi-même, c'est-à-dire d'une ooc;ta dans la grande diversité des usages du terme étudié qu'elle contient. Outre
au sens propre du terme. la distinction entre usage économique et usage ontologique, on peut repé-
La dernière occurrence qu'i! nous reste à examiner (IX, 585 c 8, pre- rer au sem de ce dernier une multitude de nuances, chacune mettant en
mière OCCUlTence de la ligne) risque de paraître plus problématique, lumière un aspect particulier de la signification générale du verbe elVat
d'abord parce qu'elle intervient dans un texte controversé et certainement dont oorrta est l'une des substantivations possibles. Nous avons essayé
corrompu, déclaré « locus desperatus » par Slings dans la nouvelle édi- de montrer qu'« être » était toujours à prendre dans ce dialogue au sens
ll
tion Oxford lO Quelle que soit la cOlTection qu'on adopte , ce texte en d'être q~elqu.e chose, c'es:-à-dire d'être déterminé d'une certaine façon.
revient en effet à parler de l'oûc;ta de ce qui est toujours dissemblable, Cette determl~ahon pe~t etre ou non parfaite; mais l'oOc;tu par excel-
pour nous dire, qui plus est, que cette oûc;ta ne participe pas plus à lence est ce qm est patfattement déterminé. En tant que telle, elle se carac-
l'oùc;ta qu'à la science. Or, d'après ce qui précède, ce qui est toujours téris,e p,ar sa stabilité et son éternité, qui en font la meilleure garante de
dissemblable n'est autre que ce qui est en devenir (cf. IX, 585 b 11 - la vente et lm. co~rent l~ statut d'objet de la connaissance au sens propre
C 6). Si l'oOc;ta s'oppose au devenir, quel sens peut-il y avoir à parler - par opposlt1on a la ooça, dont l'objet, toujours entaché d'indétermi-
de l' oùc;(a de ce qui est en devenir? Bien plus, comment cette oOc;tU, nation, se caractérise au contraire par son devenir incessant. Prise dans
si elle est une ooc;ta, pourrait-elle ne pas participer à l'ooc;ta dans totalité, elle constitue donc l'objet propre du désir du philosophe,
quelque mesure que ce soit? Ce problème s'éclaircit lorsqu'on se sou- en ce qu'elle correspond au mode d'être qui seul peut procurer à celui-ci
vient que le devenir a été caractérisé précédemment comme intermédiaire la connaissance à laquelle il tend .. Mais oùc;ta peut également désigner
entre l'être et le non-être, et ce qui est en devenir comme à la fois étant l'être d'une chose particulière, auquel cas ce terme renvoie plutôt au
et n'étant pas. L'oùc;ta de ce qui devient est donc la part d'être qui est de la détermination de la chose, c'est-à-dire à ce qu'elle est son
en lui. En revanche, l' oùc;ta à laquelle cette oOc;ta ne participe pas plus essence. Toutefois, ce dernier emploi est loin d'être dominant d";'s la
qu'elle ne participe à la science est l'oûc;ta pure (cf. KaSapàç OO"tW;, République, où oùc;tU désigne beaucoup plus fréquemment le mode d'être
de ce qui est déterminé en tant que tel.
10 Voici le texte imprimé par Slings: - 'H o6v tàei Olloiou oÙGia OÙGio;ç 'Ct lliiÀ. Àov
1
11 È1ttCi'tTlI.ll1Çt IlE"CÉ'X-S1; - OÙOUllffiç. - Ti 8 ; ùÂ.T\OEiaç; - OùùÈ 10010. - Ei of;
ùÀ:r\Osiaç flnov, où Kat oùO'iaç; - 'AvuYKll (IX, 585 c 8-14).
Il La plus simple est celle proposée par J. ADAM, The Republic of Plata, Edited with
Critical Notes, Commentary and Appendices, p. 354 et 381-383, consistant à remplacer
ol101.ou par àVOl101.ou en 585 c 8. Une autre possibilité consiste à remplacer et par 11 en
585 c 13 et à lire cette ligne ft oÉ (sc. oùcria) cÏÀ.llEldaç fl'n:ov (I1EtÉXE1.), où Kat oùt1ia~
(flnov jlE"tÉXE1.), comme le propose F. M. CORNFORD, The Republic of Plato, p. 305, n. 1.
Bien qu'eUe évite l'usage explicite de l'expression àvol1oiou oôma, cette conection intro-
duit néanmoins elle aussi l'idée d'une oùcr1.a du dissemblable; car à quoi d'autre corres-
pondrait cette oôcria qui participe moins à la vérité? '
§8. PARMÉNIDE

Carlos STEEL

Édition de référence
1. BURNET, Platonis opera, Tomus III, Tetralogias V-VII continens (O.C.T.),
Oxford, 1957 [= 1903].

Autres éditions et traductions consultées


A. DIÈS, Platon. Parménide (Collection des Universités de France), Paris,
1923.
F. M. CORNFORD, Plata andParmenides. Parmenides' Way of Truth and Plata's
Parmenides, translated with an Introduction and a running Commentary,
London, 1939.
t. ROBIN, Platon. Parménide, dans Platon. Œuvres Complètes, vol. II, Paris,
1950.
H. G. ZEKL, Platon. Parmenides, Hamburg, 1972.
M. MIGLIORI et Cl. MORESCHINI, Platone. Parmenide, Milano, 1994.
L. BRISSON, Platon. Parménide, Paris, 1994.
R. E..ALLEN, Plata's Parmenides. Translation and Analysis, Oxford, 1983.
M. L. GILL et P. RYAN, Plato. Parmenides, Indianapolis / Cambridge, 1996.
G. CAMBIANO et F. FRONTEROITA, Platane. Parmenide, Bari, 1998.
S. SCOLNICOV, Plata's Parmenides, Berkeley - Los Angeles - London, 2003.

DONNÉES QUANTITATIVES

Au total, le mot oucrta apparaît cinquante-neuf fois dans ce seul


.•• ·.dmlogue. Cette fréquence montre l'importance de ce terme pour l'ar-
Ces occurrences sont très inégalement distribuées. Dans la
.l)femliè,·e partie du dialogue (qui contient la discussion aporétique au
des Formes), il n'y a que trois occurrences d'oûcrta: 133 c 4, c 9,
a 8. Toutes les autres se trouyent dans la seconde partie, qui exa-
d'une façon dialectique les conséquences qui résultent de l'hy-
.pothèl,e de l'un.
n y a aussi une seule occurrence de l'antonyme àrcoucrta (163 c 3).
114 CARLOS STEEL §8. PARMÉNIDE 115

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES E. ANALYSE SÉMANTIQUE

Le mot oùcrta apparaît au singulier, sauf daus un cas oùcrtatç (149 e 4). Toutes les occurrences véhiculent le sens ontologique de oùcrta. Vu le
Le génitif est le plus fréquent (34), suivi du nominatif (16) et de l'accu- nombre d'occurrences, une analyse de tous les usages de elvat / oùcrta
satif (8). Il n'y a qu'un seul cas de datif. Parmi les génitifs, la plupart des produirait une nouvelle monographie sur la notion de l'être daus le Par-
cas s'expliquent comme des compléments partitifs des verbes [te1sxetv ménide. Je me limiterai donc à un examen des cas les plus significatifs.
(21 fois) et [te1aÀ,a[t~uvetv (3 fois) ou des substautifs [tsSel;tç (151 e 8)
et KotvOlvta (152 a 2), ou des termes opposés ùnaÀ,À,u11EO"Sat (156 a 6) 1. Problèmes concernant l'être des Formes
et ùnoucrta (163 c 3). Dans la construction «participer» ou «ne pas par-
Daus la première partie du dialogue (Parm. 130 a- 135 b), Parménide
ticiper », le génitif oùcrta n'est jamais accompagné de l'article. Restent
soulève de nombreuses difficultés contre la théorie des Formes telle
quatre occurrences de génitifs qui se construisent comme génitifs partitifs
qu'elle est défendue par le jeune Socrate. Toutes les difficultés ré:ultent
du substantif [tspoç (144 c 1.3.6; d 3) ; une construction avec uno (144
du fait que Socrate considère les Formes comme des «réalités en soi »,
e 4) et une autre avec Ihepov dans le sens de « autre que» (143 b 4).
s~parées, de~ cho~es qui y ,particip~nt. « Tu vois donc, Socrate, en quelles
Notons que, même parmi les occurrences des accusatifs, deux formes
diffl~ultes 1 on ~ ~?gag~ ~ pos~r a part, comme Formes, des réalités qui
s'expliquent comme objets directs d'un verbe ayant le sens de «parti-
Subsl~tent en sOl (oaY] Y] anopta èuv nç mç eloY] 5vw aÙ1à KaS' aU1à
ciper» (156 a 7 : À,a[t~uvov 1e Kat ùqnèv oùcrtav), ou son contraire
Ihop1SY]1at, 133 a 8-9, trad. Diès). » Parménide reprend cette formule
(163 d 3 ùnoÀ,À,Uvat oùcrtav). La moitié des occurrences de oocrta dans
. comme prémisse de l'argumentation qui démontre que les Formes sont
ce dialogue (30 cas) se trouvent donc daus le contexte d'une discussion
inconnaissables à l'homme. En effet, si l'on admet que les Formes ont
sur la participation à l'être. une existence séparée et en soi, elles ne peuvent avoir une relation à
notre ~onnais~ance. À la Forme en soi correspondra la science en soi.
pomt de depart de cette objection est la supposition de l'êtt'e séparé
C. VOCABULAIRE ASSOCIÉ
des Formes.
Comme nous le verrons, les termes elooç et ysvoç sont utilisés daus «. Pour~u~~ cela; Pannénide ? demanda Socrate. - Parce que, Socrate, aussi
la première partie comme équivalents de oocrta daus la discussion sur ~len tOI, J Imagme, ~ue tout autre qui, pour chaque objet, pose qu'il y a un

les Formes. etre absolu et en sm, vous conviendriez qu'aucun d'eux ne se trouve en
nous!. »
Dans la seconde partie, ooata est l'équivalent nominal du verbe elVat.
Les deux formes sont parfaitement interchangeables. Une aualyse sémau- ?,crttç ~Ù'[11V ~tva KaS' ~Û'[11~ E15aa~ou oùaiuv 'Ci8e'Cat eivat. 0J1oÀorllaat
av nponov !lev J1lloe/.ttav au'Ccov eiVat 8V fJ!ltv.
tique du mot oocrta devrait donc inclure également une analyse de l'usage
substantivé de etvat. Nous avons repéré trois cas de 'rD ctvett comme On reconnaît daus cette phrase la formule citée de 133 a 8-9 avec cette
équivalent de oùata (142 d 5, 148 b 2, 160 c 8), et treize cas où le géni- ·••. !lîrrfé.rerlce que oùcriav remplace ici OVTU. La même fonnule ~e retrouve
tif wu elvat est l'équivalent de 1fiç oùataç: 136 b 6, 142 e 2, 152 a 3, p~u plus loin en 135 a 8-b 1 (mais cette fois-ci, oùcrta est accompagné
el, 154 a 7,156 a2, e8, 162a2, a8, 162b2, b4, b5, c 6. yavoç) :
cbç san rÉvoç 'Ct EKacr'Cou Kat OÙCStU aÙÛI KaS' alrtt)v
D. OPPOSITIONS
pa;m., 133 c 2-5 (trad. Ro?in mO,difiée). Pour .l~ traduction des passages cités je suis
Daus la seconde partie, oùcrta est très souvent opposé à "0 sv: cf. ~uvent celle de L. Robm. Je 1 adapte en utilIsant parfois des alternatives de Diès
142 d - 143 b. Bnsson.
CARLOS STEEL
§8. PARMÉNIDE 117
116

En fait, c'est Socrate lui-même qui a le premier utilisé la fonnule a,nü comme Socrate le dit bien, si l'on abandonne la transcendance des Formes
KUW aûté quand il a commencé sa discussion avec Zénon. «Voici ce que aucune d'elles «ne serait encore elle-même et en soi» : IIéOç yàp a~
je désire savoir, Ne crois-tu pas qu'il y a un~ Forme en soi de la si~ili­ aÙ111 mS' aU111v sn stll ; (133 c 6).
tude? » (128 e 6 - 129 al: où vOfltÇ81Ç Eivat aù,ü KaS' au,ü Ei86ç Dans son commentaire sur le Parménide 2 , Proc1us reconnaît trois
n oflotO'IlWÇ). Et à la fin de son intervention il l'exhorte : «Que l'on éléments dans l'expression oÙGta ao,iJ KaS' aU111V (128 e 6). (1) Le
commence par distinguer et mettre à part les Fonnes en soi (Olatpfiml pronom ao,o est utilisé par Platon pour désigner la simplicité de la Fonne
Xmpiç ainà KaS' au,à ,à 6tOIl) telles que similitude, dissemblance, qui n'est rien d'autre que ce qu'elle est, flOVOS10éç comme il est dit dans
pluralité, unité, repos, mouvement» (129 d 7 - el). C'est donc la même le passage cité du Banquet. De même, dans le Phédon Socrate démontre
formule que Parménide emprunte à Socrate pour en faire le point de à propos de « l'égal en soi, le beau en soi», que « chacune de ces Forme~
départ de ses critiques contre la doctrine des Fonnes. C'est en effet en est toujours ce qu'elle est, étant elle-même seulement la Fonne qu'elle est
partant de cette prémisse qu'il commence sa discussion: en soi (ds! aO,&v ËKaGWV Ô sGn, flOVOS10ÈÇ DV ao~ü KaS' au,o),
garde toujours identiquement les mêmes rapports et n'admet jamais, nulle
« Dis-moi encore, est-ce que tu admets pour ton compte la distinction dont
part, aucune altération ». (78 d 3-7). (2) L'expression Kae' au,o signi-
tu parles, mettant à part les Formes mêmes, à part ce qui _participe à ces
Fûnnes? C... ) Admets-tu, par exemple, une Forme en soi (BÎooç uù't"O KaS' fie, selon Proclus, que la Fonne est distinguée et séparée des choses qui
UlYtÔ) du juste, du beau, du bien et de toutes les autres réalités de cette y participent, les corps sensibles, les actions, mais aussi les concepts dans
sorte? " (130 b 1-3 ; 8-9). l'âme. (3) Finalement, la Fonne est caractérisée comme oOGla, ce qui
montre, touJours selon Proclus, qu'elle possède la perfection qui consiste
Dans son exposé de la doctrine des Formes, le jeune Socrate utilise les
seulement dans l'être. En effet, comme le disait déjà Platon, la Fonne,
mêmes fonnulations qu'on trouve dans les dialogues de la période
r~gal en soi, le beau en soi, c'est précisément «ce qu'est chaque chose,
moyenne pour caractériser l'être de la Ponne qui existe «en soi », sépa-
l'etre» (Phaed., 78 d 3-4 : ao,ü ,ü 'GOV, ao,ü ~ü KaÀov, ao,ü ËKamov
rée des choses multiples qui y participent. Ainsi, Socrate parle dans la
Ô sGnv, ~ü av).
République du «juste», du «beau». du «bien» comme des Formes
qui existent en soi: atl'1::o KaS' aUTO. «Chacune de ces Formes est en Si le s~n.s général de l'expression oilma ao,iJ Kae' au,ijv est clair, il
elle-même une, mais, du fait qu'elles communiquent avec les actions, reste difficile de la traduire. Voici quelques essais de traduction de 133
les corps et entre elles-mêmes, elles se manifestent partout et chacune c 3-4:
paraît comme multiple» (Resp. V 476 a 6-9). Seuls les philosophes sont
capables de s'élever jusqu'au « beau lui-même » et de le contempler « en Diès: «quiconque pose, pour chaque réalité, une existence subsistante
soi» (b IO-ll : Èn' aO,ü ,ü KaÀ.Ûv ouvatol Uvat ,6 Kal opàv KaS' en soi» ;
au~o). Les mêmes expressions se rencontrent dans le Banquet pour Cornford: «who asserts that each of them has real being "just by
déclire la vision finale de l'âme au terme de son ascension. Elle ne verra itself" » ;
plus le beau tel qu'il existe, fragmenté, distribué dans les choses qui :.KOOlill: «qui, pour chaque objet de pensée, pose qu'il est une essence
en participent, mais « la beauté se montrera à elle en elle-même et par absolue en soi» ;
elle-même, éternellement unie à elle-même dans l'unicité de sa fOlme» : «qui posez qu'il y a de chaque chose une réalité en soi» ;
(Symp., 211bl-2 : aO,ü mS' aù~ü fl6S' autoù flOVOS10ÈÇ del ôv). Le fait : «who assumes that the nature and reality of each thing exists as
que Platon laisse le jeune Socrate présenter la doctrine des Formes dans something by itself» ;
les mêmes tennes montre bien qu'il s'engage dans le Parménide dans
une véritable autocritique, critiquant en particulier ce qui est le plus pro- In Parm., II, 730.' 6-24; IV, 932, 2-6. Pourles livres I-V,je cite Proclus d'après mon
blématique dans cette doctline, à savoir la séparation des Formes comme (~:~o~d Classlcal Texts, voL l, 2007, vol. II, 2008) ; pour les livres VI-VII, je cite
1 edltlon de V. Cousin.
entités «en soi» distiuguées des choses qui y participent. Cependant,
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§8. PARMÉNIDE 119
118
Voilà une conclusion surprenante pour uu platonicien. Comment peut-
Zekl : «der ein selbstandiges Wesen eines jeden Dings als für sich seiend
on conclure du fait qu'une chose n'a aucune part au temps, qu'elle n'existe
setzt » ; pas du tout? Pareillement, on pourrait dire que si une chose n'occupe pas
Gill-Ryan: «who posits that there is for each thing some being, itself by
quelque part de l'espace, elle n'existe pas. Ce qui n'est «nulle part" et
itself ». dans aucun temps, TI' existe nullement.
Gambiano: «che ponga l'esistenza in sé e per sé di una qualche sostanza
On retrouve le même argument, mais maintenant dans un sens positif,
di ciascuu oggetto ». . . .
dans la seconde déduction qui part de l'hypothèse que l'un est. Si l'on met
Scolnicov: «who posits that each one's being is somethmg m Ilself ».
l'accent sur l'être de l'un, il faut lui attribuer toutes les catégories de
Comme on peut le constater, on rencontre chez les traducteurs l'os- l'être et finalement admettre que cet uu a part au temps et à toutes les
cillation traditionnelle entre « existence» et «essence» (<< Wesen»). dimensions de la temporalité. En effet, comme nous l'avons vu, «être"
Cornford parle de « real being », Allen utilise un hendiadys « nature and ne signifie rien d'autre que participer à l'être sous un mode temporel,
reality» et Brisson emploie le mot «réalité".; Gill-Ryan, qui n'a ~~s présent, passé ou futur.
voulu choisir, se contente de «being », ce qUI est probablement prefe- «Or, "être", est-ce autre chose que la participation à l'être au temps pré-
rable si l'on tient compte de la longue discussion qui suivra dans la sent, de même que "il fut" la signifie au temps passé, et que, à son tour,
3
seco~de partie, dans laquelle OÙ(Jiu a certainement le sens de l' être . "il sera", désigne, au futur, communion avec l'être5 ? - C'est bien cela.
- Il a, par conséquent, part au temps, du fait même qu'il a part à l'être»
(151 e 7-152 a 3).
2. Seconde partie de la discussion: l'hypothèse de l'nn
Tà 0" elVUl ano té i;,Jttv f\ !,taE!;', ou<riu, !,uil Xpovou tOU 1tUp6vtoS,
(OCHtBP tO ~v JlêtÙ tOU rcapêÀllÀu80toç Kat aÔ tO Ëcrtat IlBtÙ tau
2.1. L'être et le temps j.léÀÀovtoç o\lO'im; scr-rt Kotvcovîa; - "Ecrtt yap. - MB-réXBt Ilèv apa
Dans la dernière partie du dialogue (Parm., 137 c - 166 cl, Parménide Xpovou, êÏnêp Kat tOU Btvat.
s'engage dans une discussion dialectique sur l'hypothèse de l'un en SOl Il est évident que Platon lui-même ne pourrait jamais souscrire à la
et il analyse toutes les conclusions qui en résultent tant pour l'un que conclusion à laquelle Parménide conduit le jeune Socrate. Car, selon
pour les autres que l'un. À la fin de la première déduction, il app~aît qu~ l'être véritablement être se situe précisément en dehors de l'espace
l'un, s'il est vraiment un, ne peut être caractérisé par aucuu attnbut : Il du temps. Comme il est dit dans un passage célèbre du Timée :
n'est pas une totalité, il n'a pas de parties, il n'est pas semblable, il n'.est «Les termes il était, il sera désignent dans le temps des modalités, effets
pas dissemblable, il n'est ni en soi ni dans un autre, et ams' de sUIte. du devenir; et c'est évidemment sans y penser que nous les appliquons à
Finalement, parménide démontre que l'un n'a point part au temps et ne l'être (oùO'ia) éternel, improprement. Nous disons bien en effet qu'il était,
est et sera, mais c'est seulement il est qui, à dire vrai, lui convient; quant
se trouve en aucun moment du temps.
aux termes était et sera, c'est à propos du devenir se déroulant dans le temps
«Si donc l'un en aucune façon n'a part à aucun temps, ni dans le passé il qu'il sied de les diré. »
n'a été, ne vint à être ou n'était; ni dans le présent il ne vient à être ou n'est;
ni dans l'avenir il ne viendra à être, ne deviendra ou ne sera , )}
4 L'être véritable qui « se conserve toujours identique et immuable»
ll:illlscellde donc toutes les modalités du temps. Que faut-il alors penser
Comme «il n'y a pas moyen d'avoir part à l'être (}.ls,éxS1V OÙ(Jiuç) l'argument de Parménide, qui semble n'admettre aucune autre forme
autrement que selon l'un de ces modes», il s'ensuit que « l'un ne parti- que celle qui participe au temps?
cipe nullement à l'être" (141 e 7-10).
5 Nous citons encore la traduction de Robin, que nous corrigeons seulement sur un
: il avait traduit ousia par « existence " !
3 Notons encore qu'en 133 c 8-9 il est question des Formes «qui ont leur être» (ovGiav
37 e-38 a. Traduction de Robin modifiée sur un point: ousia est traduit par lui
ëxoucnv) seulement dans une relation mutuelle. « réalité ».
4 Parm., 141 e 4-7.
120 CARLOS STEEL §8. PARMÉNIDE 121

Les passages en question dans le Parménide constituent donc un véri- Que « cela ne puisse être vrai» selon Platon, je ne le conteste pas,
table cauchemar pour un vrai platonicien, surtout pour celui qui voit cependant ce n'est pas Platon qui parle ici, maisPannénide dans un rai-
dans le Parménide le dialogue le plus sublime de Platon. Proclus a trouvé sonnement dialectique. Or, il est évident par le contexte et le parallèle cité
une solution ingénieuse pour échapper à la conclusion que rien n'existe à la fin de la seconde hypothèse que le démonstratif wunDv se rapporte
qui ne participe de quelque manière au temps. Selon lui, la mineure de seulement aux modalités du temps.
l'argument, «il n'y a pas moyen d'avoir part à l'être (J.tE,é1(EtV oùcrtaç) Selon Luc Btisson, l'argumentation de Parménide, qui considère tout
autrement que selon l'un de ces modes » (141 e 7-8) ne se rapporte pas être comme temporel, ne se comprend que dans un contexte cosmolo-
seulement à l'analyse des modalités du temps dans la section précédente. gique « où l'être ne se conçoit que dans l'espace et dans le temps »9.
Par l'expression «selon l'un de ces modes », Parménide a voulu résumer Dans son interprétation du Parménide, le sujet de la discussion dialectique
tous les attributs qui ont été analysés dès le début de 1'hypothèse, et non ne serait pas l'un comme Fonne ou Idée, mais l'univers considéré comme
pas seulement les derniers qni concement le temps. Comme nous l'avons « un être total », tel que le considérait l'école Éléatique. Parménide
vu, Parménide a démontré successivement que l'un n'est pas un tout et ne donne pas une description cosmologique de cet univers un, mais
n'a pas de parties, qu'il n'a pas de limites, qu'il n'a pas de figure, qu'il « un inventaire des axiomes susceptibles de présider à cette description »
n'est ni en soi-même ni en autre chose, ni en repos ni en mouvement, ni (p. 72). Parmi ces axiomes se trouve la thèse que tout ce qui existe, se
identique ni différent, ni semblable ni dissemblable, ni égal ni inégal, ni trouve dans le temps et l'espace.
plus vieux ni plus jeune. Arrivé à la fin de la démonstration, il résume en Je ne souscris pas à cette interprétation. Il me semble, pour ma part, que
une expression toutes les négations précédentes. Si l'un n'est aucun de ces le sujet de la discussion est l'un comme Fonne en soi, ou chaque Fonne
attributs analysés, il faudra conclure que l'un ne participe pas à l'être, comme unité séparée!o. Mais que faut-il alors faire de l'argumentation qui
qu'il u'est pas. Car «il n'y a pas moyen d'avoir part à l'être (J.tE,é1(EtV semble réduire toute forme d'être à l'être dans le temps?
oùcr(aç) autrement que selon l'un de ces modes ». L'un se situe donc Le plus « néoplatonicien » des commentateurs modernes, F. Cornford,
au -delà de l'être7 • est lui aussi très embarrassé par ce passage. Il semble, dit-il, que Platon
L'interprétation de Proclus est ingénieuse, mais invraisemblable. Il est se contente de tirer une conclusion (<< l'un n'est pas ») d'une prémisse
impossible de comprendre le texte comme il le fait. L'argument parallèle (<< l'un n'est pas dans le temps ») qui ne peut guère permettre d'établir
à la fin de la seconde hypothèse montre que l'expression « selon l'un de cette conclusion. Produire une conclusion vraie en partant de prémisses
ces modes » se rapporte justement aux modalités du temps, et n'est pas vraies qui ne la supportent pas, semble être un raisonnement sophistique.
un résumé de tout ce qui précède. Telle n'est pas l'opinion de Cornford. Voici ce qu'il en dit :
Dans son commentaire récent, S. Scolnicov défend la même interpré- « Ta represent a true conclusion as following from true premisses, which do
tation (sans savoir qu'elle était déjà proposée par Proclus !). À propos de not by themselves entail it, is not sophistry in the usual sense. It is rather
141 e 7-8 (<< is there way in which anything could participate in being taking a short-eut, to avoid enteling on explanations which will be more in
place elsewhere. Plato could not explain everything at once; the ambiguities
other than according to one of these ? ») il écrit:
of "being" are reserved for the later Hypotheses lJ . »
«The demonstrative ["these"] must refer to aU that has preceded in Argu-
ment 1. It cannet refer only to tensed [temporal] being, immediately above. Quelle explication généreuse du texte de la part de Cornford ! Ce n'est
H it did, it would have to mean that the only way of participating in being vraiment un sophisme, mais un « raccourci» (<< short-eut»). Je crois
8
i8 participating "according to time". But this cannot be true ».

9 BRISSON, Platon. Parménide, p. 266 n. 200.


lO Cf. l'interprétation récente de F. FRONfEROTIA, MEfJE8II. La tearia platanica
idee e la participazione delle case empiriche, p. 289-295.
7 Cf. ln Pal'm .• VII. 1240. 8-20. Cf. CORNFORD, Plata and Parmenides. Parmenides' Way of Truth and Plata's Par-
8 SCOLNICOV, Plato's Parmenides, p. 91. C·merù·des .• p. 130.
122 CARLOS STEEL §8. PARMÉNIDE 123

cependant qu'un bon étudiant en dialectique chez Platon aurait considéré sont toutes négatives - , Pannénide commence maintenant par admettre
l'argument comme sophistique. Mais Comford a raison quand il insiste que la position de l'un implique qu'il « existe ».Il faut donc analyser les
sur le fait que le but pdncipal de cet exercice dialectique, qui déduit des conséquences qui suivent de l'hypothèse de l'un, s'il est.
conclusions contradictoires d'une même hypothèse, est de découvrir les
«~ttentio~ d,~nc !. V?i~i le .d~but. L'un, s'il est, y a-t-11 moyen que lui, il
ambiguïtés qui sont à la base de l'argumentation. Ainsi, dans toute la SOlt, et qu à 1 etre 11 n aH pomt part? - Pas moyen! » (Parm., 142 b 5-6).
discussion, les termes sivat et oûcria sont utilisés comme s'ils avaient "Opa olÎ Ëç dpxîlç. Ëv f:! SŒ'ttV, dpa otév 'tf: aù'to dvUt IlEV, où(ilaç of:
toujours la même signification. Les contradictions dans les conclusions !li] !lSlllXEtV ; - Oùx oi6v 1S.
incitent le lecteur à analyser les significations différentes que peut avoir
le verbe «être» dans des contextes très différents 12 • En effet, le verbe C(Ht Quelle est donc cette oùala, cet être auquel l'un est dit participer?
présente, dans la deuxième partie du Parménide, plusieurs significations: Ce ne peut être l'être même de l'un, c'est-à-dire ce qui détermine sa
1. il a la fonction de copule; 2. il désigne l'existence; 3. l'identité 1 nature ou essence d'être un. Sinon, affirmer que l'un «est» serait une
différence; 4. la vérité d'une proposition; 5. l'appartenance et la pos- simple tautologie, dire que l'un est serait l'équivalent de dire que l'un est
session. « Parménide passe à son gré de l'un à l'autre de ces sens sans un, qu'il est ce qu'i! est (un ~ un). Il faut donc admettre que «l'être
avertissement préalable, pratique qui est à la source de nombreuses Coùala) de l'un est sans être identique à l'un» (OÙKOUV Kat il où"ia wu
ambiguïtés» [3. Le dialogue offre ainsi un excellent exercice à tous ceux évàç e111 liv où mü,àv oiiaa "'Ji 8vl : 142 b 7-8). Car, comme le dit Par-
ménide, si l'ousia de l'un était identique à l'un, l'être de l'un ne serait
qui veulent pratiquer cette analyse sémantique de l'être. Il ne faut donc
pas s'étonner que, dans certains contextes, en fonction de l'argument, pas l'être qui appartient à cet un, mais simplement ce qu'est l'un lui-
Parménide utilise le verbe « être » dans un sens restdctif pour l'être même. L'un ne participerait donc pas vraiment à l'être. Cependant, la
temporel, tandis qu'à d'autres endroits la counotation temporelle n'est nouvelle fonnulation de 1'hypothèse insiste sur le fait que l'un « est », ce
qui est autre chose que de .dire que l'un est un (ce qui était le point de
pas présente l'.
départ de la première hypothèse). Pannénide démontre ainsi que « un »
et ';< être» ont chacun une signification propre, tout comme l'étranger
2.2. L'un et l'être
. d'Elée le démontre dans le Sophiste. Aux partisans de l'unité de l'être
Passons à la seconde hypothèse. Il ne s'agit pas vraiment d'une nou- ce dernier demande: « Ce quelque chose que vous dénommez" être",
velle hypothèse, mais d'une nouvelle formulation de l'hypothèse de l'un. est-il cela précisément que vous dénommez "un", usant de deux noms
Au lieu d'accentuer le caractère « absolu >? de l'un qui n'est rien d'autre pour la même chose? » (244 cl. Il démontrera que l'être est affecté du
qu' « un » et d'examiner toutes les conséquences qui en résultent - et qui caractère d'être un: c'est un tout unifié et donc pas identique à ce qui est
véritablement un (245 a-b).
Il faut donc conclure avec Parménide:
J2 Comment expliquer que des conclusions contradictoires résultent de la même hypo~
thèse? « Cià dipende dall'ambiguità semantica implicita nelle dimostrazione di Parmenide « De toute nécessité, l'être de l'un est une chose, et l'un lui-même une chose
che presuppone une costante 'sovrapposizione' dei significati che si possono attribuire al différente, s'il est vrai que l'un n'est pas l'être; mais c'est en tant qu'un
verbo essere. » (F. FRoNTEROTIA, MEeEEIE. La leOl·ia plalonica delle idee e la parti- qu'i! participe à l'être» (143 b 1-3).
cipazione delle case empiriche, p. 310).
13 Cf. L. BruSSON, p. 52. Sur l'ambiguïté sémantique du verbe « être» dans la seconde üÀÂ,o 'tt ihf:poV ~f:V àVét'YKll 'tlÎv où(ilav aù'toû dVUl, Ë'tf:pOV of: aù-ré
partie du Parménide, cf. aussi Ch. KAHN, «Sorne Philosophical Uses of 'to be' in Plato », sl1tSp !li] oùcr,a ,6 ev, ,,),).: mç ëv où<ria, !lS'Écrxsv. '
p. 105-134; FRONTEROTIA, MEeES!J:. La learia platonica delle idee e la participaziane
delle case empiriche, p. 310-312 et les annotations de la traduction italienne du Parmé- Si l'être et l'un ne sont pas identiques (où ,à aù,à il ,e où"ia Kat ,à
nide, 120-124; 139-141. Ëv), il faudra donc expliquer que l'un « est» par le fait qu'i! a part à l'être
14 Cf. CORNFORD, p. 186 : «The word 'beihg' which has hitherto been used in a wider
et que l'être est «un» par sa participation à l'un. Chacun de ces de~
sense applicable to any entity, is now confined to existence in, or at, or during, sorne
time». éléments qui constituent l'être-un pourra à son tour être analysé en deux
124 CARLOS STEEL §8. PARMÉNIDE 125

éléments: car chaque partie de l'être contiendra elle aussi deux élé- Nous connaissons donc le sujet dont nous disons qu'il n'est pas et nous
ments, l'être et l'un, et ainsi de suite. Une fois admise la distinction savons qu'il est différent de la grandeur ou des autres Formes. Voici donc
dans l'être-un entre « être» et « un », le processus de morcellement la première conclusion qui résulte de la position du non-être de l'un:
continuera à l'infini. « En premier lieu, voici assurément un point qu'il faut lui reconnaître, à ce
Le passage que nous venons d'analyser présente un intérêt particulier qu'il semble: c'est ce qu'il y a de lui connaissance; autrement, on ne sait
pour l'étude du sens d'oorria chez Platon, En effet, l'argumentatIOn pas même ce qu'on dit, quand on dit "l'un, s'il n'est pas" }) (160 d 4-6).
dialectique et la transition entre la première et la seconde hypothèse Ensuite, il faut admettre que cet un qui n'est pas, est différent des
sont basées sur l'ambiguïté entre les deux sens de l'être: être dans le autres choses, et qu'il est aussi semblable et identique. On peut le dési-
sens d'exister et être dans le sens d'identité essentielle ou nature, Si l'on gner par ~< ceci» ou « telle chose», et lui donner d'autres attributs
comprend « être» dans le sens d'identité, on ne peut tirer de lui qu'une comme dissemblable, égal, inégal. Mieux encore, cet un qui n'est pas
simple tautologie: l'un = un, Telle est la démarche de la première hypo- doit aussi participer à l'être:
thèse, qui nous force même à abandonner l' attribut ~< un» : car o~ ne
peut même pas affirmer que l'un « est» un, Dans la seconde hypothese, Kui JlTJV Kui où"iaS ys oSl ul"à JlSÛXSIV "]1 (161e3).
l'argumentation part de l'être de l'un, compris plutôt dans le sens de Le jeune Aristote est étonné devant cette conclusion inattendue:
l'existence, «D'où la nécessité de distinguer dans ce tout que constitue comment peut-on accepter que l'un, dont on nie l'être dans l'hypothèse
1'hypothèse" si l'un est", deux éléments: être et un »15. iuitiale, a lui-même part à l'oorriu? Cependant, comme le démontre
La distinction entre «être» et « un » pennet de découvrir une autre Parménide, cette conclusion est inévitable. Quand nous disons de cet un
notion fondamentale, celle de la différence. En effet, si « être » et « un » qu'il n'est pas, nous disons quelque chose de vrai. Or, si ce que nous
sont « différents» (Ë~8pOV), « ce n'est ni par être "un" que l'un est dif- disons est vrai, «il est évident que nous disons ce qui est (onu) ». Dire
férent de l'être, ni par "être" que l'être est différent de l'un, mais c'est le vrai signifie, en effet, dire ce qui est le cas; dire ce qui est faux, est
par le différent et l'autre qu'ils diffèrent l'un de l'autre, de sorte que le dire ce qui n'est pas le cas. Il s'ensuit donc que, pour pouvoir relier à cet
différent n'est identique ni à l'un ni à l'être» (143 b 2-7). Nous arn- . un le non-être, il faut qu'il possède la propriété d'être un non-étant.
vons ainsi à distinguer clairement les trois genres fondamentaux que Quand Parménide affirme de ce qui n'est pas qu'il possède la propriété
reprendront le Sophiste (254 d-258 b) et le Timée (35 a) : être, identité d'être, le verbe être et le substantif qui y correspond ne sont certaine-
et altéri(él6. ment pas utilisés dans le même sens que dans la formulation initiale de
l'hypothèse «si l'un n'est pas». Là, «être» avait un sens existentiel,
2.3. L'être de ce qui n'est pas mais quand il est dit que même l'un qui n'est pas possède la propriété
Dans la deuxième partie de son exercice dialectique (160 b-166 cl, d'être, le verbe «être» est utilisé dans un sens «véritatif ». En effet, en
Parménide examine les conséquences qui résultent de l'hypothèse que grec, le verbe «être» peut exprimer la vérité d'une proposition: une
l'un n'est pas (160 b 5ss). Cette hypothèse négative nous confronte avec proposition est vraie parce que le fait qu'elle exprime est ce qu'il en est
de nouvelles difficultés. Contre toute attente, il semble, en effet, que l'on ditl7 • C'était déjà la thèse du Parménide historique: tout énoncé vrai
puisse gratifier cet un qui n'est pas de beaucoup d'attributs. Première- concerne l'être. On ne peut penser et dire que ce qui est. En partant de
ment, lorsque nous disons que l'un n'est pas, nous savons très bien que cette définition parménidienne de la vérité, les sophistes ont argumenté
le sujet de cette hypothèse négative est différent du sujet d'une autre qu'il est impossible de formuler des propositions fausses. Car celui qui
hypothèse, comme «la grandeur n'est pas» ou «le semblable n'est pas ». dit ce qui n'est pas vrai, dit ce qui n'est pas. Mais dire ce qui n'est pas

15 Cf. L. BRISSON, Platon. Parménide, n. 208, p. 266. , 17 Cf. Ch. KAHN, «Sorne Philosophical Uses of "to be" in Plato », p. 115-117, et
16 Cf. dans ce volume les contributions sur le Timée de P. d'Home. L. BRISSON, Platon. Parménide, p. 52, n. 102.
126 CARLOS STEEL §8. PARMÉNIDE 127

équivaut à « ne rien dire ». Celui qui ne dit donc pas la vérité, ne dit rien en ayant part, ce qui est, à l'être qui consiste à "être quelque chose qui est"
du tout. Dans plusieurs dialogues, Platon critique cette explication sophis- et au non-être qui consiste à "ne pas être quelque chose qui n'est pas ", s'il
doit parfaitement être; en ayant part, ce qui n'est pas, au non-être qui
tique de la notion du faux (cf. Euthydème, 283 e - 284 c; Cratyle, 385 b; consiste à "ne pas être quelque chose qui est" et à l'être qui consiste à "être
429 d-430 a ; Théètète, 167 a-d ; 189 a-b). C'est dans le Sophiste qu'il quelque chose qui n'est pas ", s'il faut aussi que ce qui n'est pas, de son côté,
pense avoir trouvé une réponse définitive à cette erreur (261 c - 264 b), parfaitement ne soit pas. »
après avoir attaqué son père Parménide en le forçant à admettre que l'être
implique aussi le non-être (cf. 240d - 242b). Comme la composition du Pour ce passage difficile, j'ai suivi, en la modifiant, l'interprétation de
Sophiste vient après le Parménide, on peut donc comprendre l'exercice L. Robin20 . Le plus problématique est certainement l'expression oùcrtaç
dialectique au sujet de l'être et du non-être de l'un comme une prépara- wu dvat et !li] oùcrtaç 10il !li] dvat. Robin traduit «l'essence d'être»
tion à ce « parricide». Un écho de cette discussion se trouve aussi chez et« la non-essence de n'être pas ».
Aristote, De interpr. 21 a 33-34: «Quant au non-être, il n'est pas vrai Dans la n. 92, à la p. 1442, il explique que «l'essence et la non-essence
de dire que, puisqu'il est objet de l'opinion, il est; en effet, l'opinion qui correspondent respectivement à l'affirmation et à la négation, simulta-
porte sur lui est non pas qu'il est, mais qu'il n'est pas »18, nément enveloppées dans toute relation ». Mais si tel en est le sens, la
Encore une fois, il est invraisemblable que Platon, qui critique lui- traduction «essence de» se défend difficilement. Ma traduction s'inspire
même cet argument sophistique, l'accepte ici. S'il laisse Parménide de celle de Cornford, qui traduit « the being implied in "being existent"
formuler son argument sans la moindre opposition, c'est pour nous and the "not-being" implied in "not being" ».
exercer encore dans la distinction des différents sens de l'être et du Notons que Parménide parle aussi d'une participation à la non-ousia
non-être. L'argument nous conduit d'ailleurs à une conclusion absolu- de ne pas être. Dans son commentaire, Allen comprend cette expression
ment paradoxale (162 a 4 - b 3), dans laquelle il est affirmé que tant comme l'idée du non-être qui correspond à l'idée de l'être. « Just as the
ce qui est que ce qui n'est pas participent aussi bien à l'être qu'au non- existence of Unity implied participation in the Idea of Being, the non-
être. L'interprétation de ce passage pose des problèmes à chaque tra- existence of Unity implies participation in Not-being» (p. 276). Pour
ducteur et éditeur. Il faut donc le citer in extenso et le traduire avant confirmer son interprétation, il renvoie au passage 136 b, dans lequel
Parménide affirme qu'il serait possible de prendre d'autres hypothèses
de le commenter.
que celle de l'unité: la pluralité, le mouvement ou le repos, mais aussi
Ad apa ai'no oW).lOV ~XEtV toii ).lTj dv!J.t 10 dv!J.t l'Tj av, El ).lÉ>->-Et ).lT] «l'être ou le non-être ». Selon la logique de l'argument, dit Allen, « an
E:tVŒl, Ô)..wtmç rocmap 1:0 DV 'Co Ili! DV BXStV Ill) EÏvat, lva 1:sÀÉ:mç nÔ
dvat Tt. ou'uoç yàp èiv 'to n: ôv ~.lI1~tc)'"c' èiv Bill Kat 'Co Il'' DY OÙK av ~ïll, Idea of Not-Being is required if there is an Idea of Being: Being and
,.lEtÉ:Xov-cu 'to J.lBV DV oùalœ; 'tou EÏVut DV, ~·111 oùcrlaç os 'tou <!lit> s!vat Not-Being are opposites ; where things are qualified by Opposites, those
).lTj av, El ).lÉ>->-Et 1EHroç dv!J.t, 10 Iii: ).lTj OV ).lTj où<rias ).ll;v toU ).lTj Elv!J.t opposites are Ideas ». Il faut donc conclure que, si l'un est, il a part à
[).lTj] av, oùO'(as 01; toU dv!J.t ).lTj av, El Kai 10 ).lTj ov at 18>-ÉroÇ ).lTj l'idée de l'être, et que, s'il n'est pas, il a part à l'idée du non-être. Dans
EO'tat 19 , le contexte, il est invraisemblable que tel soit le sens qu'il faut donner à
«11 faut donc, si l'un doit ne pas être, posséder, pour relier à soi le non-être, l'expression oùcrtaç wil dvlit, !li] oucrtaç wil !li] dvlit. L'explication
le fait d'être quelque chose qui n'est pas; pareillement, ce qui est, doit pos-
à donner est beaucoup plus simple. Comme nous l'avons vu plus haut,
séder le fait de ne pas être quelque chose qui n'est pas, pour qu'il puisse,
de son côté, pleinement être. C'est de cette façon, en effet, que ce qui est, Parménide explique « être » comme « participer à l'ousia ». Cela ne vaut
poulTa on ne peut mieux être, et ce qui n'est pas, ne pas être: pas seulement pour être dans le sens d' « exister», mais aussi, comme le

Trad. J. TRICOT (cf. ALLEN, p. 284).


18 20 La nouvelle traduction de L. Brisson ne me convainc pas: il retrouve dans ce texte
J'ai suivi, comme Bumet et la plupart des éditeurs, les corrections de P. Shorey (sauf
19 quatr~ possibilités d'affinnation et de négation (n. 451). Mais il me semble impossible de
la suppression de einai). tradUITe le men ... de par « soit. .. soit ... ».
128 CARLOS STEEL §8. PARMÉNIDE 129

montre notre texte, dans le sens d'« être objet de connaissance» (c'est- Déjà Proclus avait remarqué que le fait que «non être » est utilisé
à-dire être uue « entity » comme le traduit Comford). Tout ce qui « est» dans deux sens différents explique la distinction entre la sixième et la
comme objet de connaissance participe donc à l'être, même s'il n'est septième, la huitième et la neuvième hypothèse. « Le non-être se dit de
pas (compris dans le sens, «s'il n'existe pas »). Les paradoxes et absur- deux façons: c'est ou bien ce qui n'est nullement, ou bien ce qui est sous
dités qui semblent résulter de la supposition que l'un n'est pas s'expli- un certain rapport, mais n'est pas sous un autre rapport» (In Parm. V,
quent par les ambiguïtés. 1035, 10-11 ; VI, 1039,31-32 ; 1041,30-33). Cependant, Proclus n'a pas
Nous pouvons donc conclure avec ce paradoxe: observé qu'on devrait faire une distinction analogue entre les différents
«Ainsi c'est l'être qui apparaît chez l'un, s'il n'est pas sens de l'être. Si dans la sixième hypothèse, l'être pouvait encore désigner
Et le non-être aussi, donc, puisqu'il n'est pas» (162 b 6-7). une «entité » qui est objet de discours, ce n'est plus possible dans la
Kat oùaia Bi! cpaive'tat 'tô) BVi, st ~1l scrnv. nouvelle formulation. « Être» signifie maintenant « exister». Pour bien
Kat Jlll oùc:ria apa, Et1tSp ~tl Ëcrnv. montrer la différence de point de départ entre les deux hypothèses et aider
le lecteur à suivre l'argument qui donne des résultats contradictoires,
Robin traduit deux fois différemment, bien que la formule grecque soit
2.4. Le non-être absolu
la même :
En suivant Parménide, nous avons déduit de l'hypothèse « si l'un n'est
Parm., 160 cl 3 : Ëv Et J.l1l san, ti XPll EÎvm ;
pas », une série de conclusions affinnatives au sujet de cet un-qui-n'est- «L'Un, s'il n'est pas, qu'en doit-il résulter? »
pas: il est différent, identique, égal, inégal, objet de connaissance, et il
Parm., 163 cl: Ëv Et J.l1l san, <pUJ.lEV, ti XPll rmpi Ull''CQU aUJ.lpuivEtv ;
participe tant à l'être qu'au non-être. Après la conclusion paradoxale que «S'il n'y a pas d'Un (telle est notre formule), qu'en doit-il pour lui résul-
nous venons de citer, Parménide se voit dans l'obligation de reprendre ter22 ? »
cette hypothèse une nouvelle fois: «L'un, s'il n'est pas, que doit-il en
résulter pour lui? » (163 cl). Cependant, cette fois-ci seulement, des L'hypothèse« l'un, s'il n'est pas» peut s'entendre en plusieurs sens:
conclusions négatives s'en suivront. Ce qui fait la différence avec la for- «s'il n'existe pas », «s'il n'est pas un », «s'il n'est pas le cas» ; tan-
mulation de l'hypothèse précédente, c'est que Parménide utilise cette fois dis que « s'il n'y a pas d'un» ne peut avoir qu'un seul sens: la négation
le verbe « être» dans un sens absolu. En effet, comme nous l'avons vu, de l'existence. Robin facilite la compréhension de l'argument, mais il
les ambiguïtés de l'hypothèse précédente s'expliquaient par le fait que le le fait en supprimant ce qui est resté chez Platon intentionnellement
sens existentiel et le sens véritatif d'« être» n'étaient pas distingués. L'un ambigu.
qui n'est pas participe à l'être pour autant qu'il est objet de connaissance Une fois admis le sens absolu de la négation de l'un, les conséquences
et de disçours vrai; il ne participe pas à l'être pour autant qu'il n'existe sont faciles à déduire. S'il n'y a même pas d'un, il n'a aucune part à
pas. Dans la nouvelle formulation (la septième hypothèse dans l'inter- l'être, il ne pourra ni naître ni périr, il ne subira ni altération, ni mouve-
prétation néoplatonicienne) ce discours ambigu sur l'être n'est plus admis. ment, ni repos. Rien ne lui appartiendra de ce qni est: ni grandeur ni
petitesse, ni égalité, ni similitude, ni altérité ni identité, ni «ceci» ou
~< Est-ce que, quand nous disons que quelque chose n'est pas, nous voulons
« de ceci».
dire qu'il n'est pas sous un certain rapport, mais qu'il est sous un autre?
Ou bien cette formule "il n'est pas", a-t-elle ce sens absolu, à savoir que, « COlll1aissance, opinion, sensation, définition ou nom ou toute autre déter-
d'aucune façon, à aucun égard, il n'est, ni sous aucun rapport il n'a part à mination qui soit, pourra-t-il se rapporter à ce qui n'est pas (164 b)? »
l'être (J.lEt8XEl où<riaç), ce qui n'est pas? - C'est au sens le plus absolu,
assurément! - Ce qui n'est pas ne saurait donc ni être, ni avoir part à l'être Dans le Sophiste, l'Étranger d'Élée démontre lui aussi qu'il est impos-
(où"I"S) en aucune façon» (163 c 3-8)2l. sible d'énoncer, de penser le non-être absolu:

21 Ma traduction est encore une version hybride, mélangeant Robin et Diès. 22 Brisson traduit deux fois «s'il n'est pas un », Diès deux fois «si l'Un n'est pas ».
130 CARLOS STEEL

«Il est impensable aussi bien qu'infonnulable, qu'inénonçable, qu'inexpli-


cable (238 c) ».
§9. THÉÉTÈTE
Les philosophes néoplatoniciens ont remarqué que la septième hypo-
thèse (qui part de la négation absolue de l'un) semble aboutir au même
Sylvain DELCOMMINETIE
résultat que la première (qui part de la position absolue de l'un). Cepen-
dant, ils soulignent qu'il ne faut pas se laisser tromper par ce parallélisme
de structure. La première conduit au non-être au-delà de l'être, le premier
principe ineffable de tous les êtres, la septième, en revanche, conduit au Édition de référence :
néant absolu en deçà de l'être. Damascius l'exprime admirablement: E. A. DUKE, W. F. HrCKEN, W. S. M. NrcoLL, D. B. ROBINSON et J. C. G. STRA-
CHAN, Platonis Opera, Tome I, Oxford, Oxford University Press, 1995.
« Admettons que le rien est de deux sortes: celui qui est meilleur que l'un et
celui qui est en deçà; si donc nous nous avançons dans le vide en parlant ainsi,
c'est qu'il y a aussi deux façons de marcher dans le vide, l'une en tombant Autres éditions et traductious utilisées:
dans l'indicible, l'autre dans ce qui n'est en aucune façon ni sous aucun rap-
port; indicible, sans doute, est également ce néant-ci, comme Platon le dit, L. CAMPBELL, texte et notes, Oxford, University Press, 1861.
mais il l'est selon le pire, tandis que celui-là l'est selon le meilleur3, » A. Dms, texte et traduction, Paris, Belles Lettres (C.U.F.), 1976 (= 1926).
F. M. CORNFORD, Plato's Theory of Knowledge, traduction, London, Routledge
Solution géniale pour échapper à l'absurdité des conclusions contradic- 1970 (= 1935). '
toires, mais probablement loin des intentions de Platon quand il s'est L. ROBIN, Œuvres complètes, Tome 2, traduction, Paris, Gallimard (Bibliothèque
de la Pléiade), 1950.
amusé à composer cette discussion dialectique au sujet de l'un. J. McDoWELL, traduction, Oxford, Clarendon Press, 1999 (= 1973).
M. J. LEVETT et M. BURNYEAT, traduction, Indianapolis-Cambridge Hackett
1990. ' ,
F. CONCLUSION M. NARCY, traduction, Paris, GF-Flammarion, 1995' (1994).

Notre analyse de quelques passages concemant l'usage d'oùata dans la


demière partie du Parménide montre que Platon utilise ce terme et le verbe A. DONNÉES QUANTITATIVES
correspondant dans des sens différents (exister, essence, vérité), sans jamais
lever l'ambiguïté. C'est cet usage flottant qui explique les paradoxes et Théétète 22
même les contradictions dans la discussion. C'est pour cette raison que - Les deux premières occurrences (sens a ci -dessous) interviennent dans
c'est un bon exercice pour tous ceux qui se préparent à la dialectique. Sans la description de Théétète.
cet exercice, l'on ne pourrait jamais résoudre les difficultés soulevées quant - Les autres occurrences (sens b ci-dessous) sont surtout concentrées
à la doctrine des Formes. Les nombreux parallèles avec les discussions dans la partie correspondant à la deuxième définition de la science à
dans les autres dialogues de la même période (Sophiste, Théétète et Timée)
savoir celle qui pose une identité entre science et sensation (quin'ze
montrent que cette discussion n'est ni un simple jeu sophistique, ni une occurrences). Cette domination pourrait certes s'expliquer par le fait
révélation ésotérique. Platon y entame la discussion des points les plus que cette partie du dialogue est la plus longue, mais il est intéressant
fondamentaux de sa philosophie de l'être. de remarquer que le terme oùcriu n'intervient en revanche jamais dans
le cadre de la seconde définition de la science (identification de la
23 DAMASCIUS, De princ., I, p. 7, 24 - 8, 5 (éd. Westerink, trad. Combès, Paris, Les science à l'opinion vraie), et ne réapparaît que très furtivement lors de
Belles Lettres, 1986). Cf. aussi ln Parm., IV, p. 115, 12 - 116, 8 (éd. W:esterink, trad. la discussion de la troisième définition (la science comme opiuion vraie
Combès, Paris, Les Belles Lettres, 2003).
132 SYLVAIN DELCOMMINETIE §9. THÉÉTÈTE 133

accompagnée de 1-6yoç). Or le passage de la première à la deuxième Expressions remarquables:


définition est précisément opéré par la démonstration de l'impossibi-
_ dnoOEx61lEVOt <ilç Èv OûcrtUç IlÉpSt (155 e 6-7)
lité pour la sensation d'atteindre l' oûcriu, donc la vérité, ce qui est bien
- n'Iv <jlEPOIlÉV'lV oûcrtUV (177 c 7,179 d 3)
plutôt le fait de la 86l',u (184 b 3 - 187 b 3 ; cf. sens b 5 ci-dessous).
_ oûcrtUV 11 Ili] oÛcrtUV (201 e 5)
Pourtant, le traitement de la 86l',u qui suit, à la différence de celui que
l'on trouve dans certains dialogues antérieurs et dans le Sophiste, ne
fait jamais intervenir la question de l'être et du non-être. L'absence
C. ANALYSE SÉMANTIQUE
du terme oûcriu dans cette partie du dialogue permet ainsi de mettre
en évidence l'originalité du traitement de la 86l',u dans le Théétète, où
l'identité de la science et de la 86l',u vraie est réfutée non pas par réfé- a) Le sens économique
rence à son objet, mais par l'incapacité dans laquelle elle nous place Deux occurrences sont concernées par ce sens, qui toutes deux inter-
d'expliquer la 86l',u fausse. viennent dans la description de Théétète au début du dialogue: 144 c 7
et 144 d 2. Dans ce contexte, le terme oûcrtU désigne la richesse, le patri-
mome, le~ bIens que le père de Théétète lui avait laissés en héritage, mais
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES que certams de ses tuteurs ont dilapidés. Il est intéressant de remarquer
que le te~~ ~onserve ce sens premier dans un dialogue aussi « technique»
Nominatifs : 0 que le Theetete. Ne peut-on toutefois pas y voir une allusion voilée au
Accusatifs : 16 sens philosophique qui sera développé plus loin dans le dialogue' ? C'est
Génitifs: 6 possible, étant donné l'importance que revêt la description des person-
Datifs: 0 nages dans les dIalogues de Platon. On pourrait alors peut-être comprendre
que la perte de l' oùcrtU au sens économique qui a été infligée à Théétète
Tous les emplois sont au singulier. va être compensée au fil de ce dialogue et du Sophiste (qui en est la suite
C'est à l'accusatif qu'Oûcriu est le plus souvent utilisé dans ce dialogue. d'un point de vue narratif) par la découverte progressive de l' oÛcrtU au
Dans la majorité des cas, il remplit alors la fonction de complément sens philosophique. Mais de telles considérations demeurent très spé-
d'objet direct (144 c 7,144 d 2,160 b 7,172 b 5,177 c 7,179 d 3, culatives 2 •
185 c 9, 186 a 2, 186 ail, 186 b 6, 186 b 7, 201 e 5 [deux occur-
rences], 207 cl). L'être est ici essentiellement ce dont on parle b) Le sens ontologique
(177 c 7, 185 c 9), ce que quelque chose possède ou ne possède pas
(172 b 5), ce qu'on examine (179 d 3, 186 a 11), ce qu'on parcourt D~s ~on usage prop'.:ement ontologique, oùcrtU correspond à la sub-
(207 cl), ce qu'on juge (186 b 6, 186 b 7), ce qu'on pose (186 a 2), stanbvahon du verbe EtVa1 et peut donc avoir autant de siguifications
ce qu'on peut ajouter par le 1-6yoç (les deux occurrences de 201 e 5). que celui-ci.
On trouve également une occurrence de l'accusatif attribut du sujet
dans une proposition infinitive (202 b 6) et un emploi avec la prépo-
sition np6ç (186 c 3).
_ Parmi les génitifs, on trouve deux compléments du nom (155 e 7 et l J. McDoWEL~, Plata: Theaet:tus. Translated with Notes, p. 113, n. ad loc., suggère
160 c 8), un emploi après la préposition nEpi (207 c 3) et trois géni- que ce terme contre~t peut-etre un Jeu de mots et traduit les deux occUlTences respective-
ment par «substantwl property» et «substance ».
tifs compléments de verbes signifiant atteindre ou toucher (nlyx avro . 2 Notons toutefois q~e l'analyse du Gorgias proposée par A. Lefka confirme que ce
en 186 c 7 et IimOIla1 en 186 d 3 et 186 e 5). Jeu de mots est tout à fait possible sous le calame de Platon.
134 SYLVAIN DELCOMMINETIE §9. THÉÉTÈTE 135

1. L'être au sens d'« existence» comme le souligne M. Burnyeat3 , cette interprétation n'est pas la seule
possible. En effet, on peut soit comprendre que le «quelque chose
En 155 e 3-7, Socrate raille les «non-initiés» (àI1UI1101) qni croient d'autre » que l'on ne peut pas' dire en plus se réfère à l'affirmation que
que rien d'autre n'est que ce qu'ils peuvent saisir à pleines mains, et qui l'élément est, soit qu'i! se réfère à quelque chose d'autre que l'élément
dès lors n'« admettent au partage de l'être » (àrcOOEX0I1EY01 roç !:v pourrait être dit être, - ce qui reviendrait à dire que la proposition
ollGia~ l1épEl) ni les actions (rcpaçElç), ni les générations (YEvéaElç), «l'élément est» de~rait être comprise au sens de «l'élément estx ou y»
ni rien de ce qui est invisible (rcày ~O àôpalOY). Le terme oùaia en et ne correspondrait donc pas à une proposition d'existence, mais à
155 e 7 reprend le verbe Elval de 155 e 4 qui a le sens d'« exister» : nne proposition prédicative incomplète. Tel qu'il est écrit, le texte ne
« admettre au partage de l'être », c'est ici tout simplement admettre permet pas de décider entre ces différentes interprétations; mais nous
comme existant au sens le plus large du terme, admettre comme appar- essayerons de montrer plus loin qu'elles ne sont pas nécessairement
tenant à la réalité. Pour les hommes «secs et rudes» (aKÀI1POUÇ ... Kat incompatibles.
àvn~urcouç àv8pal1Couç, 155 e 8 - 156 a 1) dont il s'agit ici, les actions,
les générations et tout ce qui est invisible n'ont tout simplement aucune 2, L'être au sens d'«essence»
existence. En 202 b 6, toujours dans le cadre de la théorie dont il vient d'être
C'est peut-être également en ce sens qu'il faut comprendre deux occur- questi~n, Socrate affirme que l'oùGia du À6yoç (terme que nous ne
rences d'oùata qui interviennent dans un passage ultérieur. Lorsqu'il nous nsquerons pas à traduire) consiste en «l'entrelacement des noms
rapporte la théorie qu'il aurait vue en songe ou qu'il aurait entendue dans (ÔVOI1(hOlY ... aUl1rcÀoK'ijV»> (202 b 5-6). Oùcrta a manifestement ici le
le passé, et selon laquelle les «premiers éléments» (~a ... rcpiina ... sens d' « essence», de « ce qu'est» ce dont on parle, bref de la réponse
G10lX Eta) se pourraient seulement nommer, mais ne compOlteraient pas à la question « 1:t Èan ; »,
de Àoyoç, Socrate précise qu'à propos de chacun de ces éléments, «il yn peu plus loin, alors qu'il explore le second sens possible du terme
est impossible de dire rien d'autre en plus (rcpoaElrcEtv), ni qu'il est ni Àoyoç, ce;Ul d'une « énumération des éléments » (206 e 6 - 208 b 7),
qu'il n'est pas (0(58' roç canv, 0(58' roç OÙK cany) : en effet, ce serait . So~rate declare que le par:o~rs des éléments d'un chariot correspon-
déjà (1\011) lui ajouter (rcpoa~i8Eaeal) l'être ou le non-être (ollGiav 11 drait au parcours de son OIlGta (207 cl) et nous procurerait, dans le
11ft oIlGiav), et il ne faut rien lui apporter en plus (rcpompépElV), si du c~s où la sci~nce se dé;i~irait comme l'opinion vraie accompagnée de
moins c'est seulement celui-là lui-même que l'on veut dire» (201 e 4- Àoyoç, l~ s.cI:nce de 1 oUGia du chariot (207 c 3). L'oùata désigne à
202 a 2). On voit qu'ouata correspond ici à la substantivation de cany,
?ouve~u ICI l e,ssence, maIs c~ text~ aJ,oute une précision importante,
tandis que 11ft oùata reprend OÙK canv. Mais comment comprendre le a ~avoIT q~e 1 essence constItue 1 objet de la science (!:1ClŒT'ijI111).
verbe ElVal dans ce contexte? Une première possibilité serait de lui Des lors, SI la présente définition de la science était correcte, l' es-
donner le sens d'« exister )} : des premiers éléments, on ne peut dire ni sence d'une chose consisterait en la somme de ses éléments consti-
qu'ils existent ni qu'ils n'existent pas. (Précisons que cette interpréta- tutifs, dont le À6yoç serait l'expression cognitive adéquate. Socrate
tion n'implique nullement que d'après la théorie en question, les élé- n:on:re toutefois parla suite que le À6yoç ainsi entendu ne peut suf-
ments eux-mêmes n'auraient ni existence ni inexistence, mais seulement fITe a procurer la SCIence, ce qui implique du même coup que l' es-
que l'on ne peut dire ni qu'ils existent ni qu'ils n'existent pas, car de la sence d'une chose quelconque ne peut se réduire à la simple somme
sorte on les démultiplierait par le À6yoç et dès lors on n'atteindrait pas de ses éléments.
leur simplicité essentielle. Sans doute les éléments premiers existent-ils,
mais on ne peut le dire sans en faire des composés et donc les manquer
comme éléments premiers, S'ils existent, ce doit donc être au sens où 3 M. BURNYEAT, The Theaetetus of Plato, With a Translation of Plato's Theaetetus by
leur existence n'est absolument pas distincte d'eux-mêmes.) Cependant, M. J. LEVEIT, p. 339, n. 52.
SYLVAIN DELCOMMINETIE
§9. THÉÉTÈTE 137
136

3. L'être par opposition à l'apparence de nombreuses fois, et encore tout à l 'heure, nous ayons été forcés
(f]vaYKucrJlE8a) de l'utiliser, BOUS l'effet de l'habitude et du mauque d
En 171 d 9 - 172 b 8, Socrate expliqne que la thèse de Protagoras science» (157 b 1-3). Il ne faut donc pas se représenter cette relatio~
pourrait peut-être tenir dans certains cas, mais est en tout cas intenable c,omme un~ relation unissaut un sujet et un objet indépendants l'un de
dans cl' autres, à savoir ceux où il est question de déterminer ce qui est 1 autre, mms comme une relation au sein de laquelle les termes reliés ne
utile ou nuisible: dans de tels cas, chacun doit admettre qu'il existe sont que les termes de cette relation et ne sont rien d'autre en dehors d
une différence entre les opinions « sous le rapport de la vérité (npo, cette relation4 • e
à/"ij8EtaV, 172 a 8) ». Mais certaines personnes pourraient néarunoins . C'est pour~uoi Socrate déclare: «li nous reste donc, je crois, <au sen-
prétendre suivre Protagoras dans tous les autres cas, et affirmer que, SIble et a mm, le sentant>, à être, si nous sommes ou à devenir si nous
relativement à ce qui est juste ou injuste, pieux ou impie, « rien de cela deve~o~s (Eh' ècrJlév, dvat, EhE ytyvoJlE8a, yi;v8<J8at), l'un'par rap-
n'est par nature et n'a une oocria qui lui soit propre (OÙK EcrU <pucrEt port a 1 .aut~e: pUIsque c'est la nécessité qui relie notre oùaia, mais elle
aÙ1&V oOOev où"iav éamoù EXOV) ; mais ce qui a semblé (86l;av) à la ne le rehe m a quelque chose d'autre ni à nous-mêmes. Il reste donc qu'il
collectivité, cela devient vrai alors, quand il a semblé et aussi longtemps sont reliés l'un à l'autre» (160 b 5-8). Une fois de plus, oùcr(a n'est iC~
qu'il semble (o1av 001;11 Kal ocrov av OOKTI xpovov)>> (172 b 4-6). nen de plus que la reprise ~ubstautivée du verbe dvat utilisé deux lignes
L'oùatu désigne ici l'être qui aurait une existence indépendante de son plus ?aut. Con~~ement a ce que la formulation de la phrase pourrait
appréhension par un sujet donné, par opposition à l'apparence, c'est-à-dire ~uggerer sIon llsolatt de son contexte, l'être n'est nullement distingué
à ce qui semble à un individu ou à un groupe d'individus déterminé. On ICI du deverur: dans le cadre du relativisme absolu, être et devenir sont
aura reconnu là une distinction éminemment platonicienne, mais que les synonymes, de sorte que les deux possibilités envisagées correspondent
personnes en question introduisent à la seule fin d'en nier toute perti- plutôt à deux manières de rendre compte de la même choseS. C'est 1a
nence daus les cas concernés. Remarquons que l'usage ici fait du verbe rel~tion de l'agir et du pâtir seule qui confère à chaque terme son être
OOKÉCO met bien en évidence sa parenté avec la 86l;a : accorder la vérité qUI dès lors ne cO,nsiste en rien d'autre qu'un devenir, un processus. '
à tout ce qui semble aussi longtemps qu'il semble, c'est accorder la vérité Socrate poursUIt: «Donc, quand ce qui agit sur moi est pour moi et
à la ool;a en tant que telle, et dès lors à toute 86l;a quelle qu'elle soit. non pour un autre, c'est également moi qui le sens, et non un autre? »
~160 c 4-5). Si l'agent est pour moi et uniquement pour moi, moi seul suis
4. Être et devenir ega~ement pour ~U1. «Vraie est donc pour moi ma sensation, car elle est

Selon la thèse du relativisme absolu, «le tout est mouvement et rien t~uJours <sensatJo~> de l'être qui est le mien (1fiç ... èJlfi, où"iaç), et
d'autre que mouvement, et il y a deux espèces de mouvement, chacune c est mm qUI SUIS Juge, d'après Protagoras, de ce qui est pour moi, qu'il
étant illimitée en multiplicité, l'une qui a puissauce d'agir, l'autre de est: et_de ce qUI n'est pas, qu'il n'est pas (1&V 18 OV1COV SJlol <il, Ecrn
pâtir» (156 a 5-7). Le sensible et la sensation naissent tous deux de leur Kat 1COV Jlij OV1COV <il, OÙK EcrUV) » (160 c 7-9)6 Cette phrase comport~

interaction et de leur frottement mutuel; également illimités eu multi-


plicité, ils vaut toujours par couple, tel sensible étaut relié à telle sensa- 4 C'est en ce sens que cette définition se distingue essentiellement de celle que l'on
tion détermiuée par une relation biunivoque (156 a 7 - b 2). Aucun des tr~uve dans ,le ,Sophiste A(~47 d 8 - e 4), où l'être se voit défini comme la puissance
(~Udvaf!lç) d aglT et de patii - ce qui le préserve des conséquences relativistes décrites
membres du couple n'existe indépendamment de l'autre, mais chacun n'a Cl~ essus.

d'être qu'au sein de cette relation; et dans la mesure où cette relation it ;dc;est pourquoi F. M. Comford,traduit: «Nothing remains, then, l suppose, but that
est un processus, une mise en rapport entre un agir et un pâtir, il faut en (Pl ) should be or become - whlChever expression we are to use - for each other »
~to s Themy of Knowledge, p. 57 ; souligné dans le texte).
conclure que parler d'un être en soi et par soi n'a aucun sens, car tout est
. Nous nous sonunes permis de modifier la ponctuation de la nouvelle édition Oxford
toujotu's devenir pour quelqu'un ou quelque chose; de sorte que «le <mot> ~U1: e~ entourant la YT?pos,ition 't"fjç yàp èllfjÇ oucriuç <id sO"nv de tirets, en fait un~
«être» (10 ... dvctt), il faut partout le supprimer, bien que nous-mêmes, inCIse a laquelle se bm1teratt la portée explicative introduite par le yétp.
138 SYLVAIN DELCOMMINETIE §9. THÉÉTÈTE 139

une ambiguïté, car le génitif ~fiç ~)lfiç oùcriaç peut y être compris de le tenne oucria counote la stabilité par opposition au mouvement inces-
deux manières différentes'. Si on l'interprète comme un génitif subjectif, sant qui caractérise le devenir.
comme les traductions de Diès et de Robin semblent l'impliquer, il signi- Remarquons pour finir que la négation de cette opposition éminem-
fie que la sensation est toujours sensation dont mon être est le sujet. En ment platonicienne entre être et devenir n'est pas sans rapport avec la
revanche, si on J'interprète comme un génitif objectif, il signifie que la négation de l'opposition entre être et apparence que nous avons exami-
sensation est toujours sensation de ce qui est être pour moi. C'est ainsi née plus haut: en effet, c'est précisément parce qu'elles s'anêtent aux
que le comprend Cornford, qui considère que ~fiç !:)lfiç oùcriaç est équi- apparences, à ce qni semble être, et refusent de poser un être au-delà de
valent à ~&v ~)loî ôv~(ùv, de sorte qu'on trouverait ici l'énoncé du prin- ces apparences, que les personnes dont il s'agit ici réduisent l'être au
cipe selon lequel est vrai ce qui a ~O ôv pour objets. La première iuter- devenir: car de fait, il semble bien que tant que l'on se limite au monde
prétation nous semble cependant préférable, dans la mesure où elle fait des apparences, on ne puisse trouver aucune stabilité, aucun être qui
mieux percevoir le va-et-vient du raisounernent entre les deux pôles de résiste au devenir. Nous allons voir toutefois que cela n'est vrai que si l'on
la relation: en 160 c 4-5, Socrate part de l'action du senti sur le sentant réduit l'apparence à la sensation, ce qui est une erreur.
pour affirmer le caractère unique de ce dernier: en 160 c 7-9, il part de
cette unicité du sentant pour conclure à la vérité du senti, dans la mesure 5. L'être comme détermination commune à tous les sensibles
où la vérité est déterminée par le sentant et par lui seul'. Mais quelle que
soit l'interprétation que l'on adopte, le tenne oucria désigne à nouveau La réfutation de la définition de la science comme sensation s'achève
ici l'être, soit du sentant, soit du senti, en tant qu'il consiste dans la rela- par un texte capital (184 b 3 - 187 a 9) au cours duquel il est montré que
tion réciproque de l'agir et du pâtir, bref dans le pur devenir. certaines déterminations de ce qui est perçu ne sont pas directement
C'est pourquoi, lors de la discussion de cette théorie un peu plus loin reçues par les organes des sens, dans la mesure où elles sont communes
dans le dialogue, on trouve par deux fois l'expression n'Iv <pepo)lsvll V à toutes les sensations, aussi hétérogènes soient-elles. Ces déterminations
où()'lav (177 c 7,179 d 3), que l'on peut traduire par« l'être en transla- « communes » sont bien plutôt dégagées par un examen qui est le fait de
tion» ou «l'être mobile» (Diès), voire par «la mobilité essentielle de l'âme elle-même et par elle-même, bref par la pensée (8uivota), dont
l'être» (Robin). Le tenne oucria doit ici être pensé en iutension: il désigne l'acte se nomme 8oé,étÇstv. Or l'une de ces déterminations communes,
non pas une chose quelconque qni est, ni même, nous semble-t-il, l'en- celle qui a la plus grande extension, est l'oùcria (186 a 2-3).
semble des choses qui sont lO , mais le fait d'être, identique au devenir Le terme oùO'ia, utilisé neuf fois dans ce passage (185 c 9, 186 a 2,
dans le cadre de cette théorie. 186 aIl, 186 b 6, 186 b 7, 186 c 3, 186 c 7, 186 d 3, 186 e 5), cones-
Cette fonnule est donc la conséquence extrême de la négation, radica- pond ici encore clairement à la simple substantivation du verbe elvat.
lement anti-platonicienne, de la différence entre être et devenir. Il est En effet, c'est Théétète qui l'introduit en 185 c 9 pour reprendre ce
cependant évident que cette négation n'a de sens que si la différence entre que Socrate avait exprimé dans sa réplique précédente par l'expression
~< être» et «devenir» s'impose de prime abord dans l'usage ordinaire de ~O « ecrn» (185 c 5), par laquelle il désignait le verbe conjugué d'un
la langue. De cette négation, on peut donc déduire que de prime abord, énoncé tel que « ceci est ». Bien plus, de même que Socrate opposait à
ce ~O « ecrn » un ~O « OUK ecrn » (185 c 6), Théétète oppose au telme
7 J. McDoWELL, Plato: Theaetetus. Translated with Notes, p. 156, n. ad loc., relève oùma l'expression ~O )li] elVat (185 c 9). Cela implique clairement que
également une ambiguïté dans ce texte, mais si nous la comprenons bien, ce n'est pas la 1'] oucria est équivalent à ~O elVat et n'est donc que l'une des fonnes de
même que celle que nous présentons ici. substantivation possibles du verbe être.
8 F. M. CORNFORD, Plata's TheOly of Knowledge, p. 57, n. 3. Cette interprétation est
également suivie par M. NARCY, Platon: Théétète, p. 330, n. 154. Mais que signifie « être » dans ce passage? De prime abord, il pounait
9 Merci à Marc-Antoine Gavray qui m'a permis d'éviter une erreur sur ce point. sembler qu'il signifie simplement «exister ». C'est de cette manière que
JO Comme le comprend J. McDoWELL, Plata: Theaetetus. Translated with Notes, p. 177,
le compreunent Cornford, Robin et Narcy. Cependant, cette signification
n. ad 177 c 6 - e 3.
140 SYLVAIN DELCOMMINETfE §9. THÉÉTÈTE 141

ne paraît pas compatible avec toutes les occurrences d'oûcr(u dans ce telle n'est ni vraie ni fausse, la vérité (de même que la fausseté, ajouterait
passage, Ainsi, lorsqu'on lit en 186 a 9 - bique c'est surtout de déter- Platon contre Protagoras) ne peut intervenir que lorsque je la qualifie de
minations telles que le beau, le laid, le bon et le mauvais que l'âme exa- telle ou telle manière au moyen du verbe « être». Or ce processus, par
mine l'oùaia, la tentation est grande de traduire ce tenne par «essence ». lequel seulement ma sensation devient un être, n'est pas le fait de la sen-
De même, dans la suite immédiate, lorsque Socrate dit que tandis que la sation elle-même, mais de la pensée; de sorte que tout énoncé vrai, et
sécheresse du sec et la mollesse du mou sont directement senties par le partant toute science, suppose toujours plus que la simple sensation.
toucher, c'est l'âme elle-même qui tente de discerner (Kp(VeW) «leur Cette interprétation, qui rejoint celle que nous avons proposée plus
o\",(a et qu'ils sont tous deux (on ècrTOV) et leur opposition mutuelle et haut pour la République, permet de ressaisir les différentes occurrences
l'oll<r(a de leur opposition» (186 b 6-7), la première occurrence d'oùcr(u du terme oùcr(u dans notre passage dans leur unité sémantique. En effet,
semble indiquer l'essence par contraste avec l'existence qui serait expri- si être, c'est toujours être x, c'est-à-dire être dételminé d'une certaine
mée quant à elle par la locution on "cr10V'!, et la secoude n'a guère de manière, il n'y a plus aucune incompatibilité entre l'existence et l'es-
sens que si on la compreud également de cette manière 12 • sence : l'existence correspond simplement à cet être x considéré dans sa
On peut aller plus loin: toute cette discussion est introduite afin de simple forme, c'est-à-dire indépendamment de la valeur particulière
montrer que la sensation, n'atteignant pas l'être, n'atteint pas la vérité, conférée à cet x dans ce cas précis, tandis que l'essence correspond bien
et, dès lors, ne peut être identique à la science (cf. 186 c 7 - e 12). En plutôt au contenu de cet x qu'il est. Et parce que tout énoncé prétendant
quel sens l'atteinte de l'être est-elle la condition de l'atteinte de la vérité? à la vérité doit nécessairement dire quelque chose de quelque chose, donc
Au sens où l'être correspondrait à ce que les choses sont «objective- détenniner ce quelque chose d'une certaine manière, l'être conçu comme
ment » dans le monde 13 ? Une telle interprétation ferait du raisonnement être déterminé est la condition de toute vérité l4 L'enseignement radica-
de Socrate une pétition de principe dont la portée réfutative à l'égard de lement nouveau de ce passage, et dont la pOltée est immense, est que
la position de Protagoras serait nulle, puisqu'elle poserait d'emblée l'exis- l'être ainsi conçu, nous ne le recevons pas simplement de la sensation,
tence d'une réalité « objective », indépendante de nous et inaccessible à mais ne pouvons l'atteindre que par la pensée elle-même. En d'autres
la sensation, dont la science devrait rendre compte - ce que Protagoras termes, l'être n'a de sens que pour la pensée, parce que seule la pensée
ne reconnaît précisément pas. Si ce passage doit valoir comme une réfu- peut déterminer une sensation qui, en elle-même et par elle-même,
tation définitive de Protagoras, il faut conférer au mot « être » un sens demeure purement indéterminée.
dans lequel même Protagoras est forcé de l'utiliser. Ce sens semble
être celui de la copule, ou plus exactement du « être quelque chose », par
exemple lorsqu'on dit «ceci (le contenu de cette sensation que j'éprouve D. CONCLUSION
pour le moment) est rouge ». La sensation est seulement en contact avec
le rouge lui-même, mais la formulation «ceci est rouge» suppose en De manière générale, et si l'on excepte son sens économique, il appa-
plus l'être: l'être déterminé d'une certaine façon. Tant qu'on n'en passe raît clairement que le terme ollcrta correspond dans le Théétète à la simple
pas à ce niveau, parler de vérité n'a aucun sens: ma sensation comme substantivation du verbe dvat et peut avoir autant de sens que celui-ci :

11 À moins de comprendre le on comme équivalent à (5 n et de traduire, avec 14 Nous rejoignons ainsi, quoique par un chemin assez différent, les conclusions de
J. McDowell, «their being, and what they are » (Plata: Theaetetus. Translated with Notes, C. H. Kahn, qui écrit: «In a sense there is only one concept represented by dvat throu-
p. 69; cf. p. 111, n. ad lac.). ghout the argument, namely : being a subject equipped with predicates. The notions of exis-
12 Voir les analyses de C. H. KAHN, «Sorne Philosophical Uses of "ta be" in Plata », tence and predication, which we distinguish as two separate logical or linguistic functions,
p. 124-125. are conceived in Greek as two sides of a single coin ( . .,). Existence-with-predication, or
i3 Comme propose de le comprendre Y. KANAYAMA, «Perceiving, Considering, and being a subject for attributes, is indeed the mos! common property, which applies to eve-
Attaining Being (Theaetetus, 184-186) », p. 52, 62-63 (p. 29-81). rything there is» (<< Sorne Philosophical Uses of "to be" in Plato », p. 123),
142 SYLVAIN DELCOMMINETIE

il désigne tantôt l'existence, tantôt l'essence, et est opposé aussi bien à


l'apparence qu'au devenir. Les OCCUlTences les plus intéressantes inter-
viennent dans la réfutation finale de la définition de la science comme §1O. SOPHISTE
sensation, où l'être (ouata, san et dVal sont ici équivalents) apparaît
comme l'une des déterminations communes à tous les sensibles, en tant Bernard COLLETTE-DuCIé
qu'il est présupposé par tout énoncé les concernant. Nous avons essayé
de montrer que ces différents sens trouvaient leur unité dans la concep-
tion de l'être comme « être détermîné ». Afin de permettre au lecteur de Édition de référence
retrouver cette unité, il semble préférable de traduire ouata dans tous les
cas simplement par « être », terme suffisamment large en français pour E. A. DUKE, W. F. HICKEN, W. S. M. NICOLL, D. B. ROBINSON et J. C. G. STRA-
CHAN, Platonis Opera, T. 1, Oxford, Oxford University Press, 1995.
autoriser les différents usages dégagés ci-dessus.

Antres éditions et tradnctions consnltées


Sophiste: A. DIÈs, texte et traduction, Paris, Belles Lettres (C.U.P.). 1925.
j:oph,ste : L. ROBIN, traduction, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1994

Sophiste: N. CORDERa, traduction, Paris, GF-Flammarion, 1993.


Sophist: N. P. WlllTE, translated, with introduction and notes, Indianapolis -
Cambridge, Hackett, 1993.

DONNÉES QUANTITATIVES

TI Y a 25 occurrences du terme ouata dans le Sophiste.

OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

Le terme ouata est toujours utilisé au singulier. Les 25 occurrences se


i(·lrép,artissent selon trois cas différents :
1 au nominatif: ouala (258 b 2)
13 à l'accusatif: ouatav (219 b 4, 239 b 8, 245 d 4, 246 b 1, 246 b 8,
248 a 7, 248 a Il,248 c 8, 248 d 2, 248 e 2, 251 d 5, 261 e 5,
262 c 3)
- Il au génitif: ouataç (232 c 8, 246 a 5, 246 c 2, 246 c 7, 248 c 2,
250 b 10,251 d 1,251 e 10, 252 a 2,258 b 10,260 d 3)
144 BERNARD COLLETTE-DUCré §1O. SOPHISTE 145

C. ANALYSE SÉMANTIQUE Selon Platon, affirmer ou penser, c'est toujours affirmer ou penser
quelque chosé. Or, « le "quelque chose" Crû "''CÎ'') », écrit-il, est une
Dans toutes ses occurrences, le tenne oucrta est utilisé comme syno- expression « dont notre langage se sert chaque fois à propos de ce qui est
nyme de '0 DV et renvoie indiscutablement à la notion d'être!. Dans (èn' ovn) » (237 d 1-2). Nous avons, dès lors, une triple équivalence :
le Sophiste, cette notion fait l'objet d'un questionnement singulier2 , « affinnerou penser»
questionnement qui mène les priucipaux protagonistes du dialogue à !: « affirmerou penser quelque chose »
déterminer différemment l'être et, ce faisant, à en proposer des défini- !: «affirmer ou penser l'être».
tions différentes. Les multiples occurrences d'ouITta, on va le voir, se L'intérêt de cette équivalence est qu'elle nous permet de spécifier ce
font l'écho de ces diverses définitions. Elles révèlent également les dif- que Platon entend par « être ». En effet, en posant une équivalence entre
férentes étapes du dialogue et le cheminement poursuivi jusqu'à la défi- «quelque chose» et «être »5, Platon pose en même temps l'être comme
nition finale de l'être. être déterminé. La raison en est que le « quelque chose » implique, par
lui-même, une certaine détennination, celle du nombre et que cette déter-
a) être, c'est être «quelque chose» (237 a - 239 a) mination, à son tour, ne peut jamais s'appliquer qu'à «ce qui est »6 : si
Dans le Sophiste 3 , le questionnement sur l'être se meut dans un cadre « ce qui est » est quelque chose, explique-t-il, alors il sera au moins soit
conceptuel dont il est possible, à travers l'analyse de la « proposition un, soit deux, soit multiple, car « quelque chose» (,t) signifie qu'une
a
audacieuse» (cf. 237 a 3 : ,e,6À~TJKeV Myoç), de déterminer les chose est une (Év6ç) et «quelques choses» (cf. 237 d 10 : nVÉ, nvÉç)
contours. Par« proposition audacieuse », il faut entendre celle que l'Étran- qu'une chose est deux (ouotv) ou multiple (noÀÀ&v). Par conséquent,
ger, dans son dialogue avec Théétète, se voit forcé de prononcer dès lors affirmer que la pensée et le langage ne peuvent jamais porter que sur un
qu'il cherche à rendre compte de l'art du sophiste. Cet art, appelé« phan- être, signifie qu'elles ne peuvent porter que sur quelque chose qui pos-
tastique », consiste à produire une copie du réel tel qu'il apparaît et à sède, de soi-même, un minimum de détennination, celle du nombre. Ce
nous la présenter comme si elle était une copie du réel tel qu'il est. En quelque chose sera toujours au moins « un », identifié comme constituant
ce sens, l'art du sophiste relève de l'art de la tromperie, puisqu'il présente - une certaine unité7.
ce qui est autre comme même ou, dit autrement, ce qui il' est pas comme
étant. L'art du sophiste est donc l'art de produire du faux ou non-être et 4 Cf. PLATON, République, 476 e 7 - 477 al: «- Nous lui dirions: "Allons, dis-nous,
définir cet mi revient alors à affirmer le non-être. Le caractère contradic- celui qui connaît, connaît-il quelque chose ou ne connaît-il rien Cd il oüûÉv)?" Toi
justement, réponds-moi à sa place. - Je répondrai, dit-il, qu'il connaît quelque chose
toire de cette affinnation, comme on va à présent le voir, révèle deux (on yl:yVrocrKEl Ti). - Quelque chose qui est ou qui n'est pas (n:O't"EpOV ÔV il OÛK cv)?
axiomes fondmnentaux de la pensée platonicienne concernant l'être: -Quelque chose qui est (cv). Comment en effet ce qui n'est pas pourrait-il être connu? ».
Cette acception concernant la pensée et le langage remonte, chez Platon, à l'Euthydème
(1) penser ou dire, c'est toujours penser ou dire quelque chose de (284 a) et réapparaît régulièrement, par la suite, en Cratyle 429 d, République 477 a et
déterminé; Théétète 188 e -189 a. Ces références sont données par N. CORDERO (Platon. Le Sophiste,
Annexe IV, p. 299-301).
(2) seuIl' être est pensable ou dicible. 5 Sur l'équivalence entre « être» et « quelque chose» et ses implications, voir l'article
de P. AUBENQUE, «Une occasion manquée », p. 367-385.
6 Cf. Sophiste, 238 a Il : «Nous posons que le nombre dans sa totalité fait partie des

1 Pour cette raison, la présente étude s'attardera également sur certains passages êtres (apt8l!Gv 6i) 't"GV (J\)I!n:avw 't"ù)V oV't"rov 'Ci8EI!8V) ».
7 Dans son article «Being in the Sophist », L. Brown arrive à des conclusions simi-
du Sophiste qui concernent directement la question de l'être mais où le tenne « oûcrîa »
laires à partir de l'analyse des usages du verbe E1vm dans le Sophiste. L'auteur démontre
n'apparaît pas.
2 Ce questionnement explique pourquoi le Sophiste a également reçu, dans l'antiquité,
en effet que la définition traditionnelle des usages dits «complet» (ou intransitif) et
«incomplet» (ou transitif) du verbe dvm (auxquels sont respectivement associés le sens
le titre de «m:pi wü ovwç ».
3 Sauf indication contraire, les traductions du Sophiste qui suivent sont celles de
existentiel et le sens copulatif) n'est pas appliquée par Platon dans le Sophiste. À la
A. Diès, éventuellement modifiées. ' définition traditionnelle et restrictive de l'usage complet comme usage par lequel le verbe
146 BERNARD COLLETIE-DUCré §1O. SOPHISTE 147

Qu'en est-il, alors, du non-être? Platon, dans un premier temps, main- ne possède pas le minimum de détermination que procure le nombre l l
tient sa triple équivalence, mais dans un sens inversé: Le terme grec utilisé par Platon pour dire «rien» est !llloév, c'est-à-dire
« affirmer ou penser le non-être» littéralement « pas un ». Le «rien » est donc la négation du «quelque
53 «ne rien affirmer ou ne rien penser »8 chose », mais d'abord au sens où par « quelque chose » il faut entendre
E « ne pas affirmer ou ne pas penser »9
quelque chose d'un, c'est-à-dire quelque chose de déterminé. Le «rien »,
Il est important, pour bien comprendre l'équivalence posée entre le compris comme « pas un », renvoie ainsi à ce qui ne possède pas le mini-
« non-être» et le «rien », d'interpréter correctement le sens du tenue mum de détermination nécessaire pour être pensable ou dicible, donc,
«rien ». Le «rien» renvoie, de prime abord, à un néant d'existence, à pour être ou exister.
ce qui, dans le langage de Platon, «n'existe pas réellement» (OÙK Quant à l'aporie de l'énonciation audacieuse, elle peut se résumer
oVTmç)lO. Or, ce qui n'est rien, ce qui n'existe pas, c'est d'abord ce qui comme suit: si affirmer ou penser, c'est affirmer ou penser l'être, alors
affirmer ou penser le non-être revient à ne pas affirmer ou penser du
tout. Dès lors, il apparaît bien, comme le dit l'Étranger, que l'on ne peut
utilisé «ne possède ni n'autorise un complément» [:::: Cl], L. Brown propose de substituer
la définition d'un usage « où il n'y a pas de complément (explicite ou éludé) mais qui «ni affirmer, ni penser le non-être en lui-même (OUT' drretv OUTS ota-
autorise un complément» (p. 459, je souligne) [= C2]. Cette redéfinition est illustrée par vOlleiivm Tà !lit av aÙTà KaW aUTà) » (238 c 9) et que le non-être est
l'exemple suivant: «Jane enseigne» (usage complet) et «Jane enseigne le français» «impensable et indicible (MtaVOllTOV tS KallipPllTOV) » (238 c 10).
(usage incomplet). Dans cet exemple, même si « Jane enseigne» est une proposition par-
faitement définie ne nécessitant aucun complément, il est toutefois évident qu'elle n'est L'équivalence entre le «quelque chose », le nombre et l'être semble
en rien incompatible avec celle qui affirme que «Jane enseigne le français », puisque avoir pour conséquence nécessaire de faire du non-être un impensable.
«enseigner », même pris absolument, implique toujours «enseigner quelque chose ». De En vérité, le caractère impensable et indicible du non-être relève de la
la même manière, l'affirmation «Jane enseigne le français» n'a rien d'incompatible avec
celle de «Jane enseigne» puisque enseigner le français (ou l'anglais, l'allemand, etc.), manière très particulière dont il est conçu, à savoir comme le contraire
c'est toujours enseigner. Appliquée au verbe dVUl., dans le Sophiste, cette redéfinition de l'être. En tant que contraire de l'être, le non-être doit être exempt de
de l'usage complet permet de clarifier le sens de nombreux passages. Si l'on prend celui tout ce qui constitue proprement l'être, à savoir le fait d'exister, d'être
qui va maintenant nous occuper, elle permet de voir que lorsque Platon écrit que « affir-
mer le non-être» équivaut à ne rien affinner, nous ne sommes pas obligés d'entendre "quelque chose, d'être déterminé par le nombre. Pour sortir de l'aporie
l'expression « non-être}) au sens restrictif de non-existant, mais bien au sens de « ce qui dans laquelle le sophiste les a enfermés, l'Étranger et Théétète auront à
n'est pas <quoi que ce soit> », donc ce qui est indétenniné (cf. p. 466). En définitive, la prouver que le non-être à l'œuvre dans l'art du sophiste participe, en
redéfinition de l'usage complet telle que l'accomplit L. Brown permet de voir que Platon
n'utilise pas le verbe être (ou ses formes substantivées) conune référant à deux sens radi- quelque manière, de l'être et qu'il est donc légitimement pensable et
calement distincts (existentiel ou copulatif), mais bien à un même sens dont les usages dicib1e. Seule la démonstration de ce que le non-être participe, en quelque
complet et incomplet rendent différemment compte: être (usage complet de type C2), manière, de l'être et du nombre permettra de résoudre l'aporie initiale:
c'est toujours être quelque chose (donc, être déterminé), et être quelque chose n'est pas
autre chose que le fait d'être.
8 Cf. Sophiste, 237 c lü-d 5, 262 e 5-6 et 263 c 9-11.
poser la question du sens et de la signification de ce qui est dit : le non-être, tout simple-
9 Cf. 237 e 4~6 : «Ne faut-il pas retirer même cette concession, que ce soit dire quelque
ment, n'est pas. On ne peut certainement pas soutenir que Platon entende "dire quelque
chose (tO 'tov 'towü'tov ÀÉretv JlÉv n), à savoir dire rien (ÎI..Éretv JlÉv'tot JlllMv) ? chose" et "ne rien dire" au sens d'émettre ou de ne pas émettre des sons articulés, et
Ne faut-il pas affirmer, au contraire, que ce n'est même pas dire (oMè ÀÉretv) que s'éver- d'autre part une traduction sur le modèle de "dire le vrai" ou "dire le faux" ne semble
tuer à énoncer le non-être (oç r' av èntx.etpft "Jll'] Ov" <p9Érrecr9at)? », trad. A. Diès, pas pertinente» (p. 312, n. 5). Si je partage, sur le fond, l'explication donnée par F. Fron-
modifiée Ge garde, contre Schleiermacher et la nouvelle édition d'Oxford, le n des manus- terotta, je ne pense pas cependant qu'elle justifie les traductions de ÀÉrelV ''CL et ÀByBlV
crits, 1. 5 ; sur ce point, je suis les explications de P. AUBENQuE, « Une occasion manquée: Jllloi:v par « dire quelque chose de sensé» et « dire quelque chose de dénué de sens».
la genèse avortée de la distinction entre l'''étant'' et le "quelque chose" », p. 373). En vérité, chez Platon, tout discours est, par nature, «sensé », puisqu'il se définit comme
10 Dans son article «L'être et la participation de l'autre », F. Fronterotta traduit les
la composition d'un nom et d'un verbe (cf. 261 d 9 - 262 d 6) - et non, par exemple,
fonnules ÀÉretV 'Tt, ÀÉretv JlTJùÉv par « dire quelque chose de sensé» et « dire quelque comme une suite de noms sans verbes ou une suite de verbes sans noms. n est donc par-
chose de dénué de sens». Il justifie ces traductions de la manière suivante: «Celui qui faitement légitime de maintenir une traduction littérale de ÀÉyetv "Cl et de ÀÉretv JlTJMv
prononce une phrase qui implique du non-être ne dit rien d'intelligible ou de signifiant sur par « dire quelque chose» et « ne rien dire ».
le plan de la logique, parce que, au niveau du non-être, il est absolument impossible de se 11 Cf. Sophiste, 238 b 10 - c 4.
BERNARD COLLETIE-DUéIé
§1O. SOPHISTE 149
148

certes dire faux, c'est produire du non-être, mais ce non-être n'est pas le doctrines examinées sont présentées selon la division suivante: celles
contraire de l'être, seulement son autre, Le discours faux participe donc qui se sont attachées à définir le nombre de l'être (soit comme «un »,
bel et bien de l'être et, pour cette raison, n'est pas «rien» mais «quelque soit comme «deux» ou multiple) et celles qui ont recherché ce qu'il est,
sa nature. C'est dans cette seconde catégorie, sur laquelle nous allons
chose »12.
à présent nous pencher, que l'on trouve rassemblées un grand nombre
d'occuITences du terme oÛcrta (11 sur les 25 que compte l'ensemble du
b) l'être total (239 b - 249 d)
dialogue).
Après l'échec de l'Étranger et de Théétète à prononcer, dire ou pen- Quelle est la nature de l'être et que peut-on appeler de ce nom?
ser «le non-être lui-même en lui-même ('0 Ili] ov &mo KaS' ain6) » Pour répondre à cette question, l'Étranger relate à Théétète le combat de
(238 c 9), c'est-à-dire à «prononcer une énonciation correcte au sujet du géants que se livrent deux races d'hommes « à propos de l'être (respt 'f\ç
non-être, sans lui accoler ni l'être, ni l'un, ni la pluralité numérique (IlTj~8 où"iaç) » (246 a 5). li Y a, d'une part, les Fils de la terre (cf. 248 c 2)
où"iav IlTj~8 ~o Ëv IlTj~8 rcÀf\80ç &p181l0B rcpocrn8slç) » (239 b 8-9), qui « définissent le corps et l'être comme identiques (~aû,ov mlilla
la discussion prend un nouveau départ Pour tenter de sortir de l'impasse K(Û où"iav OplÇ61lsV01) » (246 b 1) ; d'autre part, les Amis des idées
en laquelle la recherche sur la nature du sophiste les a contraints à entr~r, (cf. 248 a 4-5), qui soutiennent que «ce sont certaines formes intelli-
l'Étranger propose à Théétète d'examiner les «ch?ses qu: le~r app~rals­ gibles et incorporelles (VOTFà Ihm Kat &crrolla~a s'ioYJ) qui constituent
sent pour le moment de manière claire (~à OOKouvm vuv 8vapyroç) » l'être véritable (~i]v aÀT]81vi]v où"iav»> (246 b 8) et qui refusent aux
(242 b 10), à savoir celles relatives à l'être. L'espoir est en effet qu'en corps l'appellation d'« être (où"iaç) » (246 c 2).
éclairant la nature de l'être, celle du non-être vienne également à se révé- Poussés dans leurs ultimes retranchements par les interrogations
ler (cf. 250 e 6 - 251 a 1). li s'agit donc, désormais, de « définir com- de l'Étranger, les Fils de la terre se voient acculés à élargir leur notion
bien il y a d'êtres et quels ils sont (wB ~à ov~a olOpicracr81ll rc6cra ~s d'oûcria: l'âme, affirment-ils, existe parce qu'elle est un corps; quant
Kat rcOta ècrnv) » (242 c 5-6), et cela en commençant par interroger les aux vertus qui entrent ou sortent de l'âme, écrit Platon, ils n'ont pas
philosophes qui, auparavant, ont déjà mené ce type de recherche. Les l'audace « ou bien de leur dénier absolument l'être (11 llT]oèv ~àiv ov,rov
. aû~à olloÀoystV), ou bien d'affirmer catégoriquement que toutes sont
12 Dans son article «Une occasion manquée », P. Aubenque écrit que la P?i~te de
des corps (11 rcav,' dVIll crrolla~a ollcrxuptÇscr81ll)>> (247 c 1-2). En
l'argumentation de Platon« est de montrer que le ti n'est pas.un genre, dont le ~~ av (ou d'autres termes, les Fils de la Terre (en tout cas, les moins intransigeants
le ll11oÉV) et le ov seraient les espèces» (p. 373). Or: ~~urSUlt cet auteu~, par la il r~f~s: d'entre eux) admettent qu'existent certaines choses, donc que certaines
d'admettre, «sans donner de raison », une autre posslbilité ~ar laquelle 1 erreur .aur~lt ete
formellement établie, à savoir cene consistant à faire « du dITe ~au.x un cas part!:uher du
choses sont, sans que ces choses soient pour autant des corps. L'oùcrtu
dire quelque chose» (p. 374). Cette occasion « manquée >: ~e dlstmguer.~~tre 1 e~e e.t le ou être renvoie ainsi non seulement aux corps, mais également à certains
quelque chose, conclut P. Aubenque, sera en revanche salSle par les Sto~clens ~Ul ~eIOnt incorporels. Cet élargissement de la notion d'oùcrta pousse, simultané-
du «quelque chose» un genre commun à l'être et au non-~tre. Sur ~ette mterpretatlOn ~e
P. Aubenque, il convient cependant de f~ 1'0bser:ation sUlv~te. SI, Platon refus:.de fau:e
ment, les Fils de la Terre à accepter une révision de leur définition de
du ti un genre unique dont l'être et le non-etre serment les especes, c est parc~ q~ rI conSI- l'être: être, c'est posséder « une puissance naturelle quelconque, soit
dère que le ri ne peut être séparé ~e l' ~tre en tant que tel. Pou: autant, la SOlutIOO a ~aquelle d'agir sur ce qu'on voudra d'autre, soit de pâtir sous l'effet de l'action,
aboutira le Sophiste, et qui conSIste a prouver que le non-~tre, en quelque ~~ère, e~t
(puisqu'il pruticipe de l'être), aura pour conséqu~nce de faITe du no~-etre amSl compns même la plus minime, de l'agent le plus insignifiant, dût cette puissance
(et donc du «dire faux») un quelque chose. Af~mn.er, co~e le fait P. Aubenque, que ne s'exercer qu'une seule fois » (247 d 8 - e 3).
Platon refuse de faire «du dire faux un cas partlcuher du dIre quelque chos,.e », .ne,vaut Quant aux Amis des idées, ils ne sont pas prêts à prendre à leur compte
donc que pour le passage qui nous occupe, à savoir celui dans lequel Platon etabht 1 apo-
rie de départ, une aporie à laquelle le reste du dialogue répondra en montr~t q~' elle repose cette nouvelle acception de l'être (cf. 248 b 2 : où"iaç), eux qui éta-
sur une compréhension erronée du non-être (erronée parce que contradlctOlre) comme blissent «une séparation entre devenir et être (yÉvscrlV, ~i]v ùè où"iav
«contraire de l'être}). Sur cette problématique, consulter également J. Bij.UNSCHWIG, «La Xroptç»> (248 a 7) et admettent que, par le corps et la sensation, nous
théorie stoïcienne du genre suprême et l'ontologie platonicienne », p. 19-127.
BERNARD COLLETIE-DUClé
§1O. SOPHISTE 151
150

avons communauté avec " ce qui change à chaque instant (aÀÀme la connaissance, mais de tout ce qui est, ce qui inclut également l'âme,
aÀÀOlç) » (248 a 12-13), à savoir le devenir, et que, par l'âme et le rai- la vie et l'intelligence, donc le mouvement.
sonnement, nous avons communauté avec « ce qui reste semblable et Certes, il est vraisemblable que les Amis des idées acceptent de
même que soi (K(HÙ 1alnù c:baau10lç ëXetV) » (248 a 12), à savoir conférer l'être à l'âme et à l'intelligence, par exemple, puisqu'ils affir-
"l'être véritable (1T]V aV10lç où"iuv) » (248 a 11). Selon eux, une telle ment, on l'a vu, que « nous avons communauté, au moyen du raisonne-
définition de l'oilata ne peut proprement s'appliquer qu'au devenir, et, ment, par l'âme, avec l' oùcria. ». Mais cette communauté n'entraîne
"à l'être, disent-ils, aucune de ces denx puissances [i.e. celle d'agir et manifestement pas, à leurs yeux, l'introduction du mouvement. Il est en
celle de pâtir] ne peut convenir (rrpoç 01; où"iav WU10lV oMe1épotl 1T]V vérité fort probable que ce que nous avons en partage avec la nature de
MvalllV aPl1011etV qlaatv) » (248 c 8-9). La raison d'un tel refus s'ex- l'oilata, selon les Amis des idées, c'est cette capacité à faire que notre
pliqne par le fait que l' oilata, selon eux, étant" ce qui reste semblable âme se concentre en elle-même et, par là, devienne, à l'instar de l'oùcria,
et même que soi» est, par nature, au repos, donc réfractaire à toute fonne " semblable et même que soi ». Autrement dit, s'il y a communauté entre
de mouvement, qu'il s'agisse de celni d'agir ou de celui de pâtir. C'est l'âme et l'intelligence, c'est uniquement en ce que l'âme peut accéder,
cette conception immobiliste de l'être qui les mène à refuser le raison- moyennant une purification, à cet état de repos que l' Dilata possède
nement qui fait de la connaissance un acte et du fait d'être connu, une naturellement!3.
passion. En effet, dans un tel raisonnement, l' oilata, qui est par nature Dans sa critique, l'Étranger ne remet nullement en cause ce point
au repos, apparaît nécessairement comme ce qui est connu, donc comme puisqu'il affirme que" l'intelligence n'est pas ou ne peut advenir (av1Cl
mue (cf. 248 d 10 - e 5).
Tl yevollevov) » (249 c 3) sans le repos, c'est-à-dire, en somme sans
C'est contre cette vision strictement immobiliste de l' oilata que l'Dilata comme objet de pensée et sans une âme détachée du corps et
l'Étranger va alors réagir, une réaction qui constitue sans aucun doute le qui, pour cette raison, se découvre « semblable et même que soi». En
moment-clef du dialogue: "Eh quoi, par Zeus! Nous laisserons-nous si revanche, il montre que le repos ne suffit pas à rendre compte de l'acte
facilement convaincre que le mouvement, la vie, l'âme, la pensée, n'ont de connaissance par lequell'oilata peut être connue, acte qui implique
réellement point de place au sein de l'être total (1il> rrav1eÀroç avn), ~ nécessairement la considération du mouvement. Au philosophe et
qu'il ne vit ni ne pense, et que, solennel et sacré, vide d'intelligence, il à quiconque pose la science, la pensée et l'intelligence comme biens
reste là, planté dans son immobilité? » (248 e 7 - 249 a 2). Ce passage
est suffisamment important pour qu'on s'y attarde quelque peu. La ques- 13 Cet état de repos n'est pas contradictoire avec la définition platonicienne de l'âme
tion est de savoir ce qu'il faut exactement entendre par cet " être total » comme« ce qui se meut par soi-même» (cf. Phèdre, -co UD-CO KtvOGV, 245 c 7' voir éga-
dont Platon nous dit qu'il doit comprendre en lui "le mouvement», l~ment, d~s.l~ même dialogue, en 245 d 7, 245 e 7 - 246 a 1, 245 e 3), défi~lÎtion que
Ion peut legltimement supposer acceptée par les Amis des idées. Si l'âme est, par nature,
«la vie », «l'âme» et «l'intelligence ». Il me semble que l'on peut ~ mouveme~t, ce mouvement ne se découvre comme tel que lorsque l'âme fait abstrac-
déjà mieux cerner ce que recouvre l'expression -ro nav-rsÀroç av, si on tion des paSSIOns du corps, donc lorsqu'elle atteint, en utilisant la seule pensée, à un état
que l'on pourrait appeler« ataraxie» (sur ce tenne, voir l'usage qu'en fait Platon en Timée,
la rapproche de la reprise que Platon en fait, quelques lignes plus loin,
47 c 1). C'est, me semble-t-il, le sens du passage suivant: «Dans la proximité de ces
sous la forme" 10 av 16 Kat 10 rrav » (249 d 4). Manifestement, l'être êtres [i.e. les idées1.l'âme reste toujours semblablement même qu'elle-même, puisqu'elle
dont il est question est à comprendre comme ce qui rassemble la totalité est à leur contact (nEpi ÊKslVU dEi Ku-cà -culnà <Ïlau6-croç ËXSL, éhs 'C0106-crov Ê<pun'CO-
JlÉ~l1). Cet é~at de l'âme, c'e~t ce que l'on appelle la pensée (Kui -coG'CO ulnftç -co nU811I!U
du réel, c'est-à-dire la totalité de ce qui existe réellement. En termes de
<PpovllUlÇ KEKÀ.ll-CUL)>> (Phedon 79 ct 5-7; trad. M. Dixsaut). Cet extrait, même s'il n'est
genres, si l'on accepte d'anticiper un peu ce qui va bientôt être mis au pas tiré du Sophiste, me paraît traduire adéquatement l'affinnation des Amis des idées
jour, l'être total renvoie à l'être ou l'oilata en tant que tel, plus tout ce s~!on laquel1~ :< n?us avons communauté (KOl.VroVslV), au moyen du raisonnement, par
qui participe de l'être et, de ce fait, est également. Parler de l'être total, 1 ame, ave~ 1 ouata» (248 a 11-12). n n'implique nullement que l'âme, qui est un mou-
Ye~ent, .SOlt, ~ar nature, au repos (ce qui serait contradictoire), mais seulement que l'âme
c'est donc parler de l'être au sens le plus large, à savoir pas seulement, dOit attemdre a un état de repos (auquel seuIl 'âme du philosophe peut accéder) par lequel
comme le font les Amis des idées, de l'oilata comprise comme objet de elle se découvre comme elle est, absolument détachée du corps.
152 BERNARD COLLEITE-DUéIé §1O. SOPHISTE 153

supérieurs, conclut l'Étranger, il convient dès lors de suivre la règle sui- également irréductibles aux trois précédents, de sorte que c'est à cinq
vante: «Faire sien, comme les enfants dans leurs souhaits, tout ce qui qu'il faut désormais porter le nombre de l'être total 15 •
est immobile et tout ce qui se meut, et dire que l'être et le tout est l'un Quels rapports entretiennent entre eux ces différents genres? L'Étran-
et l'autre à la fois (ocra àKtVllm Kat KSKtvllJ.tÉva, ,0 oV ,S Kat ,0 niiv ger énonce les trois possibilités logiques suivantes:
cruvaJ.tqlo,spa ÀÉystv) » (249 d 3-4)14.
soit, ~~ on ne peut attacher l'être au mouvement et au repos ni rien
d'autre à rien d'autre (n6,spov J.tlÎ's Ti)V où"iav KlVlÎcrSl Kat cr,a-
c) nombre et natnre de l'être total (249 d - 259 b)
crSl npocramOlJ.tSV J.tlÎ's uÀÀo UÀÀ(jl J.tlloÈV J.tllOSVL) », et il faut
L'élargissement de l'être on oocrLa à la totalité de ce qni est permet regarder toutes choses comme " incapables de participation mutuelle
de faire se rapprocher l'être en tant que tel (ou être générique) de ce qui, (à06vaTOv J.ts,aÀaJ.t~avstv àÀÀlÎÀOlV)>> (251 d 5-7);
par participation, le manifeste sous un mode particulier (par exemple, soit, au contraire, « toutes choses peuvent entrer mutuellement en com-
le mouvement et le repos). En même temps, il laisse encore indéterminés munauté (nana ... ouva,à ÈmKotVOlVslV àÀÀlÎÀotç) » (251 d 8-9) ;
le nombre et la nature de l'être total (cf. 249 d - e). soit, enfin, seules certaines le peuvent, d'autres pas.
La détermination du nombre de l'être total consiste, à partir de 250 a,
L'examen des deux premières possibilités mène à considérer la troi-
à chercher à discerner si le «mouvement», le «repos » et 1'« être»
sième comme la seule valable. En effet, l'hypothèse d'une incommu-
constituent trois termes distincts et autres ou si certains, voire tous, peu-
nicabilité radicale entre genres contredit manifestement les résultats
vent s'identifier. Le mouvement et le repos étant mutuellement contraires,
obtenus auparavant, puisqu'elle revient à affirmer que « le mouvement
l'établissement de leur altérité ne souffre aucune difficulté. Quant à l'être,
etle repos ne participent, en aucune façon, de l'être (KLvllcr(Ç ,S Kat
il apparaît également irréductible, tant au mouvement qu'au repos: la
cr,acrtç oùOaJ.tTI J.ts8i:~swv où"'aç) » (251 e JO). Quant à la seconde
communauté que le mouvement et le repos ont avec l'être (cf. 250 b 10 :
hypothèse, elle est égalemeut immédiatement écartée, puisqu'elle implique
npoç ,i)v ,fiç oim'aç KotVOlVLav), empêche en effet celui-ci de pou-
une identification du mouvement et du repos, lesquels sont pourtant
voir être identifié à l'un ou à l'autre; l'être, compris comme ce qui ras-
contraires.
semble sous lui et embrasse le mouvement et le repos, doit dès lors être
Une fois reconnu qu'il y a une multiplicité de genres et que ces genres
considéré comme un terme (ou genre) autre (cf. 250 c 4 : S,SPOY 0lÎ
communiquent entre eux, bien que de manière sélective, l'Étranger va
Tt W6,OlV). L'être total est donc trois. Mais là n'est pas tout puisque
tâcher, dans son dialogue avec Théétète, de rendre compte des différentes
détenuiner le nombre de l'être total implique de considérer «chacun <des
formes de communication possible existant entre les genres. C'est par
termes qui le composent> comme autre que les deux autres et même que
cette analyse que va alors émerger uue nouvelle compréhension du rap-
soi (ao,iiiv sKacrwv wlv J.tÈv ouolv s,sp6v ÈcrTtV, aO,o 0' ÉaUTq,
port entre être et non-être.
,ao,6v) » (254 d 14-15). Or, le même et l'autre, soit les deux termes
L'analyse prend le « mouvement» comme objet et envisage ce genre
sans lesquels la détermination de l'être est impossible, apparaissent
relativement aux quatre autres:
14 Affirmer que 1'« être total» est tout à la fois en mouvement et en repos, signifie
qu'on ne peut concevoir la totalité du réel uniquement en mouvement ou uniquement en
repos. En revanche, une telle assertion n'implique nullement que chacun des êtres qui 15 Le nombre de l'être total est donc fixé à cinq: l'être, le mouvement, le repos, le
compose l'être total soit et en mouvement et en repos (~ême si, bien sûr, ce n'est pas sous même et l'autre. Le chiffre « cinq» ne doit cependant pas être considéré comme canonique
le même rapport). Autrement dit, cette conclusion de l'Etranger n'implique nullement qu'il ou absolu. Comme l'Etranger l'affirme par ailleurs, il ne concerne que « quelques-unes
faille considérer l'existence, par exemple, d'un mouvement des idées. Elle se contente de des formes que l'on dit les plus grandes (trov ,.u;yiatrov ÀEYOI.u';vrov [sc. ElÛroV] üna)>>
reconnaître qu'il y a, dans l'être total, des choses qui sont en mouvement, d'autres en (254 c 4). Le «cinq », qui manifeste le nombre de l'être total, ne prétend donc pas à
repos et certaines, comme l'âme pensante, qui' sont à la fois en repos et en mouvement l'exhaustivité . n n'est pas, pour autant, incomplet ou indéterminé, puisqu'il suffit, dans
(mais pas sous le même rapport). Sur ce point, cf. F. FRONTEROTIA, «L'être et la partici- le cadre de la recherche globale du dialogue, à déterminer l'être en isolant certaines des
pation de l'autre », p. 331. ' propriétés essentielles de sa nature .
154 BERNARD COLLETIE-DUClé .§1O. SOPHISTE 155

1. Relativement au repos (255 e 11 - 256 a 2). Par sa participation du non-être comme contraire de l'être, cette nouvelle acception exclut de
de l'autre, le mouvement «est autre que le repos », une affirmation faire du non-être un terme à part entière. Tant qü 'il est compris comme
que l'Étranger traduit immédiatement par: «le mouvement n'est pas le contraire de l'être, le non-être ne peut renvoyer qu'à un telme déter-
le repos (où ,naenç ... seniv) ». Toutefois, le mouvement «est », miné, comme « noir» par rapport à « blanc» ou « laid» par rapport à
puisqu'il participe de l'être. «beau ». Un tel tenne est, en vérité, inconcevable puisqu'il exclut toutes
2. Relativement au même (256 a 3 - b 5). Par sa participation de l'autre, les propriétés sans lesquelles, justement, il ne peut y avoir de « terme»
le mouvement « est autre que le même », affirm~tion à nouveau tra- à proprement parler: il n'es! pas (il ne participe pas à l'être), il ne pos-
duite par: «il n'est pas le même (où ,aù,ov ... teniv) ». Toutefois, sède pas de nombre, il n'existe pas. En revanche, en démontrant que la
le mouvement «est le même », puisqu'il participe du même. Le même négation préposée à «être» dans l'expression «non-être» n'implique
est en effet ce par quoi une chose est identique à soi, c'est-à-dire pos- qu'une altérité, donc renvoie seulement à « quelque chose d'autre» que
sède une nature propre et unique qui l'autorise à constituer un genre l'être, l'Étranger manifeste la nature essentiellement relative du non-
à part entière. être I7 • En effet, affirmer que le non-être relève du genre de 1'« autre »,
3. Relativement à l'autre (256 c 4 - 9). Par sa participation de l'autre, le c'est faire du non-être, avant tout, une relation, puisque le genre de
mouvement «est autre que l'autre », tout comme il «est autre que le l'~< autre» n'a de raison d'être que «relativement à autre chose >-> (cf.
repos et que le même ». Toutefois, le mouvement « n'est pas autre 255 c 15 : 1tpOç IiÀÀa àei). Pour parler de non-être, il faut donc toujours
(où 1hspov ... SG,i) », au sens où i! constitue une réalité même que qu'il y ait rapport et pour qu'i! y ait rapport, il faut qu'il y ait au moins
soi, réalité nécessairement autre que toutes les choses qui ne sont pas deux tennes qui soutiennent un tel rapport, des tennes qui, nécessaire-
elle, et parmi lesquelles on trouve, par exemple, le genre « autre». ment, sont. C'est ce dernier point que l'Étranger entend souligner lors-
4. Relativement à l'être (256 c 10 - d 10). Par sa participation de l'autre, qu'il entame les développements qui vont mener à la définition cano-
le mouvement «est autre que l'être», affirmation immédiatement nique du non-être comme «portion de l'autre qui s'oppose à l'être de
traduite par: «il est réellement non-être (ov,coç OÙK ov 8Gn) ». chaque chose (,0 1tpOç '0 DV ÉKamou /lOpIOV aù,ijç àvnn9É/levov) »
Toutefois, parce qu'il participe de l'être, le mouvement «est ». (258 e 2-3 ; trad. D. O'Brien, légèrement modifiée!'). La nature de l'autre,
«Il est donc nécessairement possible », conclut l'Étranger, « qu'il y ait du . explique-t-il, se morcelle comme la science: de même qu'i! existe une
non-être (BUHV apa 8Ç âvayKTJç '0 f!i] av ... €ÎVat) » (trad. D. O'Brien l6), science une qni se divise en de multiples sciences particulières se distin-
et cela tant pour le mouvement, comme cela vient d'être montré, que pour guant entre elles en fonction des objets sur lesquels elles portent, de même
tous les gemes (256 d 11-12). C'est «la nature de l'autre », explique-t-il, la nature une de l'autre se divise en autant de parties qu'il y a de sciences
«qui fait chacun d'eux autre que l'être et, par là même, non-être ». Tous particulières ou d'objets de science. Par exemple, au beau est opposé le
sont non-être « sous ce même rapport» - autrement dit, par participation
de l'autre - , mais tous «sont », sont ~< des êtres », de par leur participation
de l'être (256 d 12 - e 4). 11 Cf. M. DIXSAUT, «La négation, le non-être et l'autre dans le Sophiste », p. 265 : «La
nature du Non-être, c'est la mise en opposition, et il n'en a pas d'autre. L'dv"tigecrtç n'est
L'analyse des différents rapports qu'entretient le mouvement avec pas dans son cas une opération constitutive, le Non-être ne résulte pas d'une mise en oppo-
les autres genres permet ainsi de mettre au jour une acception nouvelle sition, il est la mise en opposition, l'ÙVtWecnç elle-même ». À l'inverse, envisagé comme
«contraire de l'être », le non-être devient un terme à part entière (comme «noir» ou
du non-être: «Lorsque nous affirmons le non-être, ce n'est point là, ce «petit» dans les couples blanc-noir et grand-petit), terme qui résulte de la mise en contra-
semble, affirmer quelque chose de contraire à l'être, seulement quelque riété sans être réductible à celle-ci.
chose d'autre (Ô1tomv ",> « /li] ov» Àèyco/lev, ruç EOlKSV, OÙK tvav,iov 18 M. DIXSAUT, «La négation, le non-être et l'autre dans le Sophiste », p. 70. Je suis,
avec D. O'Brien, le texte des manuscrits (<< ta 1tpaç ta OV éxétcrtoo J.lOpl.OV atrtfiç
H ÀÉyo/lev wii ovwç âU' g,epov /lovov) » (257 b 3-4). À la différence
dVtl"tt8ÉJ.leVOV »), et non la leçon retenue par la dernière édition d'Oxford (<< ta 1tpoç 1:0
av Ëxaatov J.lOPl.OV aùtflç dvnn8ÉJ.leVov»), à savoir celle de Simplicius. Sur ce point,
voir les explications détaillées et convaincantes de D. O'Brien dans son livre Le non-être,
16 Cf. D. O'BRIEN, Le non-être, 1995, p. 50. p.66-71.
156 BERNARD COLLETIE-DUèré .§1O. SOPHISTE 157

non-beau, au grand le non-grand, au juste le non-juste, etc, Dans chaque d) être et non-être dans le discours (259 b - 268 d)
cas, le terme opposé (non-beau, non-grand, etc.) possède une dénomi-
nation propre (cf. 257 c 11- dl: s1H))VUlltav ... (Mav) : il désigne, dans Le discours est toujours discours « à propos de quelque chose ». Il ne
le cas du non-beau, tout ce qui est autre que le beau. Il renvoie donc à peut être sur rien. Or, le quelque chose est toujours, on le sait, quelque
quelque chose qui est. Le non-beau, comme n'importe quelle partie de chose qui est, ne fût-ce que parce qu'il implique une unité ou un nombre.
l'autre, doit ainsi être compris comme «quelque être que l' oil détache Pour exprimer« l'être au moyen de la voix (TTI <jlroVTI rrspl Ti!V où<riav)>>
d'un genre un [i.e. le genre «autre» 1 (aÀ.À.o n ~iiiv OVHÙV nvoç I:voç (261 e 5), explique l'Étranger, il existe deux genres: les noms et les
yÉvouç IlÉpoÇ ù<jloptaSÉv) et que l'on oppose à quelque autre être (Kal verbes. Les verbes expriment des actions, tandis que les noms s'appli-
rrpoç n ~iiiv OVHDV a0 rraÀ.tv ùvnTsSÉv) » (257 e 2-3). Être non-beau quent aux sujets de ces actions. Pour exprimer l'être, toutefois, il ne suf-
c'est donc toujours être: en effet, chaque partie de l'autre est, parce fit pas simplement de mettre bout à bout une série de noms ou une série
qU'elle est une partie de l'autre et que l'autre, à l'instar de tous les genres de verbes. En effet, « marche, court, dort » ne forme nullement un dis-
de l'être, participe de l'être. Aussi, conclut l'Étranger, « à ce qu'il semble, cours. De même, « lion, cerf, cheval» est une suite dont ne peut jamais
la mise en opposition d'une partie de la nature de l'autre avec celle de résulter un quelconque logos. Qu'il S'agisse de l'une ou l'autre série, «les
l'être, qui s'en trouvent mutuellement opposées, n'est rien moins, s'il sons proférés ne signifient ni action, ni inaction, ni être, soit de ce qui est,
est permis de le dire, une chose possédant son être propre que l'être lui- soit de ce qui n'est pas (oMSlltav ... rrpàçtV 008' ùnpaçtav ouoè oùmav
même (oùOèv ~nov, st SÉlllÇ EtrrEtV, ai'no\3 10\3 ovwç où<ria saüv), OVTOÇ oMè Ili! ovwç) » (262 c 2-3). Il faut, pour cela, mêler les noms
puisque ce qu'elle signifie relativement à lui, ce n'est pas son contraire, aux verbes. Or, c'est précisément dans cette combinaison que peut sur-
mais ceci seulement: son autre» (258 a Il - b 4 ; trad. M. Dixsaut 19). gir le faux ou non-être, comme lorsque l'on affirme, par exemple, que
Le non-être, ainsi défini, «n'est donc inférieur en être à rien d'autre «Théétète vole» ou que «Théétète est debout », alors que celui-ci est
(sernv OUOEVOÇ ~iiiv aÀ.À.rov où<rtaç SÀ.À.E1rroIlEVOV) (258 b 9-10). visiblement assis devant soi. Une telle «composition de verbes unis à
Tous ces développements sur les rapports entre genres et sur la nature des noms et qui énonce <à propos de quelque chose ou de quelqu'un>
de l'autre ont ainsi conduit à déterminer ce qu'est le non-être. Nous des choses autres comme mêmes (Sa~Epa ffiç Tà almx) et des choses
savons à présent que le non-être est et qu'il possède sa propre nature . qui ne sont pas comme étant (Kat Ili! OVW ffiç ovw) », voilà ce qu'est
(cf. 258 b Il). Le chemin n'est donc plus si long avant que la nature du le discours faux (263 d 1-4). .
sophiste soit définitivement dévoilée. Ce dernier ne peut en effet plus, à La redéfinition du non-être comme ce qui est autre que l'être donne
présent, soutenir que «le non-être n'a, sous aucun rapport, aucune part à simultanément un éclairage nouveau à l' oùata. Tant que l'ouata était
l'être (où<riuç yàp oùOèv oùOallTI TO Ili! OV IlETÉXEtV) » (260 d 3). déterminée comme ce dont le non-être est le contraire, sa définition
Encore peut-il arguer que si le non-être est, s'il constitue bien un être à demeurait problématique, puisqu'il est impossible de connaître ou de
part entière, rien ne prouve que le discours, l'opinion et la phantasia en prononcer un tel non-être. En revanche, affirmer que le non-être est seu-
participent. En d'autres termes, il reste encore à démontrer la possibilité lement l'opposé de l'être, donc qu'il désigne tout ce qui est autre que
d'un discours, d'une doxa ou d'une phantasia fausses. C'est à cette l'être pris au sens strict, permet de révéler une communication possible
démonstration que va se livrer l'Étranger à partir de 259 b et c'est dans entre être et non-être, communication que manifeste le discours faux. En
cette section, qui précède immédiatement l'ultime définition du sophiste, effet, tout discours, comme il vient d'être rappelé, est discours sur l'être.
que l'on va trouver les deux dernières occurrences du terme oùcrta. Le simple fait de mettre un discours eu branle, en le composant d'un
Comme on va le voir, ces occurrences prennent définitivement la mesure nom et d'un verbe exprimant une action, suffit à induire de l'être, et cela
de la nouvelle acception du non-être telle qU'elle vient d'être établie. quel que soit l'objet réel à propos duquel il y a discours. C'est pOUI cette
raison que Platon parle du discours comme ce qui signifie «l' oùcrta,
soit de ce qui est, soit de ce qui n'est pas ». Cette phrase témoigne de
19 Cf. M. DIXSAUT, «La négation, le non-être et l'autre dans le Sophiste », p. 264.
158 BERNARD COLLETfE-DUCIé

l'ampleur du chemin parcouru depuis la présentation de l'aporie de la


proposition audacieuse. Elle présente l' oùaia comme ce qui, par nature,
s'attribue non plus seulement à l'être, mais également au non-être, §Il. POLITIQUE
puisque le non-être n'est jamais qu'une partie de l'autre et que l'autre
participe de l'être. Si l'oùala est ce de quoi peut participer taut l'être Sylvain DELCOMMINETIE
que le non-être, alors l'élaboration d'un discours consistera toujours soit
à appliquer de l'être à de l'être, auquel cas ce discours dira vrai, soit de
l'être à du non-être, auquel cas il dira faux. Édition de référence :
Le sophiste ne peut plus, désormais, se dérober à la traque menée
par l'Étranger et Théétète. En démontrant que le non-être participe de E. A. DUKE, W. F. HIcKEN, W. S. M. NlCOLL, D. B. ROBINSON et J. C. O. STRACHAN
Platonis Opera, Tome J, Oxford, Oxford University Press, 1995. '
l'où(Jta, donc que l'être peut se mêler au non-être, si du moins celui-ci
est compris comme l'autre de l'être, nos deux protagonistes ont en même
temps prouvé l'existence du faux et des images (qu'elles soient copies ou Autres éditions et traductions utilisées:
simulacres), donc également de l'art «phantastique» dans lequel le L. CAMPBELL, The Sophistes and Politicus of Plata, texte, New York, Arno Press
sophiste est passé maître, cet art du faux qui consiste à produire une copie 1973 (= 1867). '
du réel tel qu'il apparaît et à nous la présenter comme si elle était une A. DIÈs, texte et traduction, Paris, Belles Letires (C.U.F.), 1970 (= 1935).
L. ROBIN, Œuvres complètes, Tome 2, traduction, Paris, Gallimard (Bibliothèque
copie du réel tel qu'il est. de la Pléiade), 1950.
'J. B. SKEMP, Plato's Statesman, traduction, Bristol, Classical Press 1987
(= 1952). '
D. CONCLUSION . E. TAYLOR, traduction, London, Thomas Nelson and sons, 1961.
BENARDETE, Plata 's Statesman. Part III of The Being of the Beautiful
traduction, Chicago-London, The University of Chicago Press 1986
Dans le Sophiste, l'oùala apparaît comme un synonyme de ,0 ov. (= 1984). '
Elle désigne ainsi l'être comme objet de la pensée et du langage, c'est- OSTWALD, traduction, Iodianapolis-Cambridge, Hackett, 1992.
à-dire un « quelque chose» (101) qui nécessairement existe et possède WATERFIELD, traduction, Cambridge, University Press, 1995.
un minimum de détermination, celle de l'unité et du nombre. La néces- J. ROWE, texte et traduction, Warminster, Aris & Phillips, 1995.
sité d'affirmer la possibilité d'un dire faux, mène les protagonistes du PETIT, traduction, Paris, Hachette, 1996.
dialogue à définir le non-être non pas comme le « contraire» (enantion) BRISSON et J.-F. l'RADEAU, traduction, Paris, OF-Flammarion, 2003.
de l'être (à l'instar du noir relativement au blanc), mais comme son
« opposé» (antikeimenon) ou autre. De cette manière, le non-être appa-
raît comme ce qui est autre que l'être, donc comme étant. Ce détour par DONNÉES QUANTITATIVES
la question du non-être permet alors d'éclairer sous un nouveau jour la
notion d'oùala : l'être n'est plus pensé comme cela auquel s'oppose le 5
non-être, mais comme ce à quoi participent toutes les choses qui sont, li est intéressant de remarquer que mise à part la dernière occurrence
parmi lesquelles on trouve également l'altérité et le non-être. a un sens économique, toutes les autres interviennent dans le cadre
la « digression» sur la juste mesure (283 b 6 - 287 a 6), ce qui
(si besoin en était) l'importance capitale de ce passage.
160 SYLVAIN DELCOMMINETTE §ll. POLmQUE 161

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES La première (283 d 9) est sans doute la plus intéressante. L'Étranger
propose de diviser l'art de la mesure (f] J.lS'p'lnKij) en deux pmties :
Nominatifs : o « la première conespond à la communauté de la grandeur et de la peti-
Accusatifs : 3. dont 2 pluriels tesse relativement l'une à l' autre l , la seconde à l' oùcria nécessaire du
Génitifs: 1 devenir (JCu,ù ,i]v ,fiç ysvÉa80lç àvuYJCuiuv oùcriuv)>> (283 d 7-9).
Datifs: 1 üùatu doit ici être traduit simplement par « être » ; mais que signifie
«l'être nécessaire du devenir» ? Il semble qu'on puisse entendre cette
_ La présence d' occunences au pluriel, relativement rares dans les autres
expression de deux manières différentes: soit comme renvoyant à ce qui
dialogues, est d'autant plus remarquable qu'elle concerne non seulement
est nécessaire pour que le devenir soit le devenir, bref à la loi nécessaire
le sens économique (292 al), mais également le sens proprement onto-
qui préside à tout devenir, comme le compremtent la plupaIt des traduc-
logique (283 e 8).
teurs ; soit comme désignant ce qui dans le devenir est nécessaire, et qui
Parmi les accusatifs, deux sont compléments d'objet direct (283 e 8,
en ce sens correspond à la part d'être qui est en lui. Cette seconde inter-
292 a 1) et le troisième suit la préposition KU,a (283 d 9).
prétation nous semble préférable, dans la mesure où le respect de la juste
_ Le génitif (286 b 9) suit la préposition 7tS pL
mesure n'est pas la condition de n'importe quel devenir, mais d'un deve-
_ Le datif (285 b 6) est un datif instrumental.
nir stabilisé; bref, d'un devenir qui participe à J'intelligible: le résultat
de la production d'un artisan quelconque, ou encore la cité juste. L'« être
Expressions remarquables:
nécessaire du devenir» conespondrait donc à cette inscription de l'intel-
_ KU,a n']V ûiç ysvÉasOlç àvuyKatuV oùatuv (283 d 8-9) ligible dans le sensible, qui permet au devenir de ne pas se réduire à un
_ 7tplv av aOJ.l7tuvw ,Ct OiKStU Èv,oç J.ltàç oJ.lot6n]wç Ëpçuç yÉvouç simple flux chaotique sur lequel nous ne pOUlTions avoir aucune prise,
nvoç oùatif 7tSpt~aÀ.'l,ut (285 b 4-6) comme le voudraient les mobilistes du Théétète, mais d'être fixé dans les
- 7tspl ûiç w6 J.li] 5vwç oùatuç (286 b 9) limites d'une certaine déterntination qui nous autorise à le désigner
comme ceci ou cela. C'est une tene détermination que doit viser tout
producteur qui se respecte, et cene-ci ne peut être atteinte qu'en prenant
C. ANALYSE SÉMANTIQUE pour règle la juste mesure qui évite tout excès et tout défaut eu égard à
cette détermination.
a) Le sens économique Afin d'éclairer le Jeune Socrate sur la distinction qu'il vient d'intro-
duire, J'Étranger explique que le plus grand et le plus petit peuvent être
Dans le Politique, oùata intervient une fois dans son sens écono-
dits tels de deux manières différentes: soit l'un par rapport à l'autre, le
mique: en 292 a l, on trouve l'expression ,iiiv ,ùç oùcriw; ÈXOV,OlV,
plus grand n'étant plus grand que rien d'autre que le plus petit, et inver-
« ceux qui possèdent les richesses». Le pluriel,ùç oùatuç désigne ici
sement, soit par rapport à la juste mesure (,0 J.lÉ'ptov), ce qui est plus
les richesses en général, accaparées par une partie de la population seu-
grand que la juste mesure étant l'excès et ce qui est plus petit le manque
lement au détriment de l'autre. Cette occunence est comparable à celle
(283 d Il - e 7). «II faut donc poser ces doubles où"iat et ces doubles
que l'on trouve en République, VIII, 566 a 7.

b) Le sens ontologique 1 La plupart des traducteurs suivent L. CAMPBELL selon qui il faudrait plutôt com-
prendre: «la patticipation (des choses) à la grandeur et à la petitesse relativement l'une
Chacune des occurrences d' oùaia en ce sens mérite une discus- à l'autre» (The Sophistes and the Politicus of Plata, p. 101, n. ad lac.). Vu l'explica-
sion particulière. Nous allons les aborder dans l'ordre de leur appa- tion qui suit immédiatement dans le texte, et qui ne fait appel qu'au grand et au petit
eux-mêmes plutôt qu'à des choses grandes et petites, cette interprétation ne nous semble
rition. pas nécessaire.
SYLVAIN DELCOMMINETfE
§11. POLFTIQUE 163
162

KptaEtç du grand et du petit" (283 e 8-9), conclut l'Étranger, Les tennes pennet de rassembler toute cette multiplicité au sein d'un genre unique.
oùata et KptcrtÇ doivent sans doute être traduits ici respectivement par L' oùata serait alors pratiquement équivalente à cette similitude unique
« manière d'être» et «manière de juger» plutôt que simplement par qui permet d'enclore toutes les parentés observables au sein de la multi-
«être» et «jugement », Le (Plus) grand et le (plus) petit peuvent être plicité en question. Quoi qu'il en soit, ces deux interprétations revien-
jugés ou considérés de deux manières différentes, à savoir soit dans leur nent finalement au même, puisqu'un genre n'est vraiment un genre que
rapport mutuel, soit dans leur rapport à la juste mesure; et l'Étranger nous lorsqu'il se définit par une détennination unique que tous ses membres
apprend ici qu'à cette différence dans l'ordre du jugement correspond partagent en commun, par contraste avec une simple collection qui ne
une différence dans l'ordre de l'être: le plus grand dont il s'agit dans le possède pas un tel principe unificateur3 •
premier cas n'est tout simplement pas le même que dans le second. De La dell1ière occurrence qu'il nous reste à examiner est une référence
fait, on peut très bien imaginer que quelque chose soit plus grand qu'une au Sophiste: dans ce dialogue, rappelle l'Étranger, on s'est interrogé
autre chose quelconque, mais n'excède cependant nullement la juste «à propos de l'oùatu du non-être (nEpi "fiç wù Ilft avwç où,,(u~) »
mesure, et dès lors ne soit pas plus grand en ce second sens. L'oùata est (286 b 9). Seule une analyse approfondie du Sophiste pourrait pennettre
donc ici la manière d'être en un sens très général: la manière dont le de découvrir le sens exact de cette expression, pom laquelle nous ren-
plus grand ou le plus petit est plus grand ou plus petit. voyons au paragraphe précédent de cet ouvrage. Contentons-nous de
L'occurrence suivante (285 b 6) intervient dans un contexte assez dif- remarquer que le terme oùaiu n) est id que la substantivation du verbe
férent. Snite à la distinction qu'il vient d'opérer entre les deux arts de la dvat, comme le prouve un rapprochement avec une allusion précédente
mesure, l'Étranger fait l'éloge de la méthode de rassemblement et de divi- à cette discussion, où il est dit que dans le Sophiste, «nous avons contraint
sion en disant qu'il faut, lorsqu'on a perçu la communauté (KolveoVtaV, le non-être à être (npoa'lvayKuaaIlEv ElVat ~D 11ft av»> (284 b 7-8).
285 b 1) entre une multiplicité de choses, y repérer les différences (~àç Mieux vaut donc simplement traduire l'expression TJ wù Ill'] avwç oùata
8ta<popaç, 285 b 2) qui se trouvent dans les espèces (èv Et8ecrt, 285 b 2), par « l'être du non-être».
et inversement, quand on a vu les dissemblances de toutes smtes (nav-
w8anàç àvollot6nl~aç) qui se trouvent dans une multiplicité, « il faut
pouvoir ne pas en être troublé et ne pas s'arrêter avant d'avoir enclos D. CONCLUSION

toutes les parentés à l'intérieur d'une similitude unique et de les embrasser


au moyen de l'oùata d'un certain genre (11ft 8uva~Dv dvat 8uamnou- Malgré le petit nombre d'occurrences qu'il comporte, concentrées pom
Il EVOV nauEa9at npiv av aUllnana ~à otKda ÈV~DÇ Iltà.ç 6Ilot6~'lwç la plupart dans un passage relativement court (la «digression» sm la
Ëpçaç ysvouç HVDÇ oi)()'(\lnEptpaÀ'l~at»> (285 b 4-6). Comment com- juste mesure, 283 b 6 - 287 a 6), le Politique offre un bon aperçu de la
prendre l'expression ysvouç HVDÇ ou()'tu? Selon C. Rowe, elle serait richesse sémantique du tenne oùaia, qui se confond, du moins dans son
équivalente à ySVEt H vi ô av~mç Èa~t et désignerait un genre qui est sens ontologique, avec celle du verbe dvat. De prime abord, il désigne
vraiment un genre' - par opposition, faut-il sans doute comprendre, à ce l'être par opposition au devenir, mais peut également correspondre à
qui a l'apparence d'un genre, mais n'est en réalité qu'une collection hété- ce qui en celui-ci échappe au pur flux du devenir, c'est-à-dire à la part
roclite (cf. la distinction entre espèce et partie en 262 a 5 - 263 b 12). d'intelligibilité qu'il comporte. Dans d'autres contextes, il signifie la
Cette interprétation, également suivie par Skemp et Ostwald, est certai- manière d'être, voire l'essence d'une chose. Mais une référence au Sophiste
nement plausible, mais n'est pas la seule possible. On pourrait égale- nous rappelle que c'est dans ce dentier dialogue qu'il faut chercher les
ment suivre Diès et Petit et entendre ici le terme oùata dans le sens enseignements essentiels concernant cette notion.
d'« essence », c'est-à-dire dans le sens du contenu de la détennination qui

3 Cf. la distinction entre espèce et partie en 262 a 5 - 263 b 12.


2 C. J. ROWE, Plato: Statesman, p. 210, n. ad. loc.
§12. PHILÈBE

Gerd VAN RIEL

Édition de référence
J. BORNET, Platonis Opera, 5 vol. (Oxford Classical Texts), Oxford, Clarendon
Press, 1900-1907 [réimp. 1988].

Autres éditious et traductious cousultées


Dorothea FREDE, Platon, Philehos. Übersetzung und Kommentar (Platon, WeJke,
III 2), GOttingen (Vandenhoeck & Ruprecht), 1997.
Dorothea FREDE, Plata, Philebus. Trans/ated, with Introduction and Notes,
Indianapolis/Camblidge, 1993.
J.C.B. GOSLING, Plata: Philehus. Translation and Notes, Oxford (Oxford Uni-
versity Press), 1975.
R. HACKFORTH, Plato's Examination of Pleasure, Camblidge (Camblidge Uni-
versity Press), 1945 (réimp. : Plato's Philehus, 1972).
J.-F. PRADEAU, Platon. Philèhe, Palis (GF Flammalion), 2002.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

Le mot oùO'i(( se présente 14 fois dans le Philèbe, la plupart des


occurrences (au nombre de JO) se manifestant dans la discussion sur la
question de savoir si le plaisir ne constitue pas une yÉVEO"tÇ plutôt
qu'une oùO'i(( (Phil. 53 c 4 - 54 d 8). Dans ce passage, Socrate intro-
duit la position des «penseurs subtils» (Kof!lJfoi) qui disent que le
plaisir est toujours un processus de devenir, et qu'il ue peut donc y
avoir question de « l'être» du plaisir. Socrate ne dit pas explicitement
qu'il est d'accord avec ces KOI..nvoL, mais il saisit cette occasion pour
élaborer une distinction entre « ce qui existe toujours en vue d'autre
chose» (EVEK6. wu) et « ce en vue de quoi» il existe (06 x6.ptv). La
yÉVEO"tÇ est ensuite identifiée avec ce EVEK6. wu, tandis que l'OùO'i((
constitue le 06 x6.ptv. Or comme le plaisir est une yÉVEO'tÇ (selon la
définition dormée en Phil., 32 a 6 - li 4), il doit se produire en vue d'une
166 GERD V AN RIEL §12. PHlLÈBE 167

oùcria 1. L'argument se poursuit par la thèse que le but de la genèse est • rrpocrayopsum:
toujours de l'ordre du bien (Èv ~îi wù àya80ù Iloip<;t), et donc que la Phil., 54 a 10 : Toùw 0 rrpo<l'ayopEl'jE~a! oÙ<l'ia.
genèse elle-même n'est pas de cet ordre (Phil., 54 c 9 - d 3). Cela mène • Il'lvum:
à la conclusion que, grâce donc aux « subtils », on peut indiquer l'ab- Phil., 54 d 4-6 : ~iP Il'lVIl<l'aVn ~iiç fjooviiç rrÉp11à yÉVscrlV IlÉV,
surdité de l'hédonisme: un hédoniste se condamne à ne. rechercher que oÙ<l'iav oÈ IlYjO' fjvnv06v aÙ1iiç siVa!.
la genèse, sans jamais désirer le bien qu'est l'oùcria (Phil., 54 d 4 - _ Souvent, le mot oùcria est doté d'un génitif qui indique son pOlteur ou
55 c 3). possesseur:
Phil., 32 b 3 : ~f]v slç ~f]v autrov oÙ<l'iav bOov (pour ce passage:
voir infra).
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES
Phil., 48 e 2 : Ka1& 1f]V autrov oÙ<l'iav (le mot oùcria signifiant la
richesse, cf. infra).
a) Morphologie
Phil., 53 c 5 : oÙ<l'ia oÈ OÙK ëcrn ~à rraparrav fjôovfiç.
(nombre total: 14) N G D A Phil., 54 d 5-6 : oÙ<l'iav oÈ IlYjO' fjvnvoùv aùtfiç [sc. fjooviiç]
2 4 - 8
dvat.
Sing.
- - - - - Le mot oùcria peut être doté d'un adjectif qui exprime la genèse:
Plur.
Phil., 27 b 8-9 : IlEtKtÎlV Kat yEyEV'lIlÉV'lV oÙ<l'iav (sur le lien entre
IlstK~f] et ysysvYjIlÉvYj : voir infra).
b) Syntaxe - Le mot où(Jla est souvent posé COllllne un but:
_ Dans la plupart des cas, le terme a la fonction d'objet (ou de sujet dans • L'expression oùcrtaç ÉV€KU est particulièrement fréquente:
la proposition complétive) d'un verbe qui exprime l'acte de poser ou Phil., 54 a 7-9 : ~f]v yÉvsO"tv oÙ<l'iaç &VEKa <ProIlSV ij 1f]V oùcriav
d'affirmer l'existence, voire l'acte d'accepter l'existence : siVa! ysvÉcrsmç ëvsKa ;
• ÀÉym: Phil., 54 c 2-4 : ÉKacr1Yjv oÈ yÉvsO"tv aÀÀYjv aÀÀYjç oÙ<l'iaç nvàç
Phil., 27 b 7-9 : rIpô'nov IlÈV wivuv arrstpov ÀÉyro, osu~spov ÉKacr1Yjç ëVEKa yiyvscr8al, crullrracrav oÈ yÉVScrlV oÙ<l'iaç ËvEKa
oÈ rrÉpaç, ërrsn' ÈK wu~mv ~piwv IlS1KÛjV Kat ysySVYjll8VYjV yiyvscr8a! crullrracrYjç.
oùO'iav. Phil., 54 c 6-7 : OÙKOÙV fjoovi] ys, s'(rrsp yÉvsO"tç Ècrnv, &VEKU
• àKoum (sujet de la proposition complétive) : nvoç oÙ<l'iaç 1;1; àvayKYjç yiyvon' av.
Phil., 53 c 4-5 : Ti oÈ .c) Wtovos ; àpa rrspt fjooviiç OÙK àK'lKoa- • Le mot oùcria peut être le but d'un mouvement, indiqué par la pro-
IlEV mç àei YÉvscriç Ècrnv, oÙ<l'ia oÈ OÙK ëcrn ~à rraparrav position slç :
fjooviiç; Phil., 26 d 8 : yÉvsO"tv siç oÙ<l'iav.
• Àall~avm: Phil., 32 b 3 : ~f]v stç n,!v aU1rov oÙ<l'iav 686v.
Phil., 54 a 3-5 : Mo of] ~aos 'hspa ÀUProIlEV. - rIota; - "Ev - Le vocabulaire associé et opposé:
IlÉV n yÉVScrlV rrav1mv, ~f]v Oè oÙ<l'iav ë~spov ëv. On aura constaté en lisant les exemples que, dans la majorité des
• àrrooÉxolla!: occurrences, le mot oùata apparaît en combinaison avec un verbe,
Phil., 54 a 6: ~uo àrroôÉxollai crou mÙ1a, oÙ<l'iav Kat yÉvsO"tv. un substantif ou un adjectif qui exprime la genèse. Cette associa-
tion de oùcrta à yÉvsmç devra faire l'objet principal de l'analyse
1 Phil., 54 c 6-7 : OÙKOÛV f]OOVtl 'YE, Eïm:p yévEaiç 6crt1V, ËVEKel nvoç oüaiuç 6<;
sémantique.
àvayKll<; ytyvon' av.
§12. PHILÈBE 169
168 GERD V AN RIEL

C. ANALYSE SÉMANTIQUE Socrate qualifie ces unités en se demandant si chacune d'entre elles
« est toujours identique à elle-même, soustraite au devenir et à la cor-
L'emploi du mot oùatu dans le Philèbe joue un rôle important dans la ruption »5. C'est dire que, dans cette phrase, l'opposition entre être et
discussion sur l'interprétation de Platon entre les «unitaristes» et les devenir est toujours en vigueur.
«révisionnistes ». L'enjeu de la polémique est la question de savoir si, (2) En revanche, cette première signification d'oùatu (dans trois occur-
oui ou non, Platon a changé ses points de vue après son auto-critique sur rences seulement) est nettement dépassée en nombre par la deuxième
la théorie des idées dans le Parménide. Le Philèbe présenterait, selon la signification, laquelle est beaucoup moins «classique» : dans dix cas
perspective, l'argument décisif pour démontrer que Platon a élaboré une (soit 70 %), l'opposition entre yÉV€Gtç et oùatu est reprise dans un
nouvelle métaphysique, voire qu'il a juste employé une nouvelle façon de contexte tout à fait différent. Il s'agit là de la différence entre un processus
présenter sa théorie, sans y introduire des modifications essentielles. ou un devenir (yÉV€Glç) et l'oùatu qui est le résultat du processus. Appa-
TI n'y a pas lieu ici de trancher la question. Toutefois, une étude du mot remment, ce n'est plus une yÉV€Gtç qui appartient à un domaine diffé-
oùaia révèle des choses intéressantes qui pourraient jeter une nouvelle rent de la réalité qne désigne l'oùatu, mais il est possible qu'il y ait des
lumière sur la discussion. Bien que, somme toute, les occurrences du transitions de l'une à l'autre. Contrairement donc au Platon des dialogues
mot soient peu nombreuses (elles sont au nombre de quatorze), on peut antérieurs, le Platon du Philèbe semble biffer - ou au moins mitiger-
distinguer deux domaines sémantiques dans lesquels le mot est employé. la ligne de partage entre le monde du devenir et le monde de l'être6 Or,
En outre, il y a une occurrence de oùcria signifiant la « fortune » ou la ce dualisme étant absolument central dans l'élaboration de la théOlie des
« richesse »2 _ signification figurative courante, mais sans intérêt parti- idées, son absence dans le Philèbe n'est-elle pas un argument décisif pour
culier. Les deux domaines sémantiques sont les suivants: (1) l'opposi- le cas des «révisionnistes » ? Regardons de près ce que l'emploi du mot
tion « classique » entre yÉV€Glç et oùatu, comme elle a été établie dans oùatu nous révèle. Comme l'a indiqué Dorothea Frede, la différence
les grands dialogues de la période moyenne, et (2) l'opposition entre entre le processus et le résultat, qui est sous-entendue ici, se trouvait déjà
un processus ou un devenir (yÉV€Glç) et l'oùatu qui est le résultat du dans les dialogues antérieurs tel l' Euthyphron (élaborant la différence
processus. entre le on et le oton, 10 a - 11 a) et le Phédon (différence entre la cause
(1) Dans le Philèbe, l'opposition entre yÉV€Glç et oùatu est évoquée et « ce à défaut de quoi la cause ne poulTait pas être la cause », 99 a-cf.
au début du passage 53 c 4 - 54 d 8, où le plaisir est déterminé comme La distinction en elle-même n'est donc pas une nouveauté dans le Phi-
une yÉv€atç qui n'a pas d'oùatu. L'opposition entre yÉV€Glç et oùatu lèbe. La nonveauté réside précisément dans le fait que cette distinction
y est présentée comme une chose communément acceptée, sans entrer soit thématisée ici dans les termes de l'opposition entre être et devenir.
dans le détail'. Rien ne laisse soupçonner à cet endroit que la portée de Après avoir introduit les expressions « yÉv€atç elç oùatuv» (26 d)
l'opposition soit différente de celle des dialogues antérieurs. et y€y€VrU1ÉVIl oùatu (27 b) - expressions fort étonnantes qui ont fait
Cette opposition se retrouve dans un passage plntôt énigmatique couler beaucoup d'encre - Platon reprend l'idée sous-jacente de la façon
(Phil., 15 b 1 - c 3), où Platon discute l'existence de «monades » ou que voici :
de " hénades », lesquelles devraient être des unités compréhensives «J'admets tes deux tennes, l'être et le devenir. - Parfait. De quel tenne
de pluralité4 . Dans ce passage, le mot oùatu ne figure pas. Néanmoins, dirons-nous alors qu'il est en vue de l'autre? Est-ce le devenir qui est en
vue de l'être, ou bien l'être qui est en vue du devenir? - Ce que tu me

2 Phi!., 48 e 1-2 : llpô)'wv ~È:v Ka:rà XpiU.lŒtu, 8o~aÇetv dvm 1tÀooO'lorn:pov ft


5 Phil., 15 b 3-4: 8Kâa't'llv ollcrav àd 'tl}V aù'tl}v Kat I-rlÎ't& 1&V&crlV ~Tj't€ oÀE8pov
KŒ'Cà 't'J1V a6'trov oÙO'lav.
1tpoa6€xo~Év'llV.
3 Phil., 54 a 3-6 : Li60 011 -r;ÛÙE Bee pa ÀétPCO).lEV. - IIoia; - "Ev Il&V 'Cl yévEcnv
mlv'tCov, 'C1)v 88: oÙO'Lav ë'n;pov ëv. - 6.60 uno8éxo!..ta{ crOt) 't"ui:h;a, oùcrlav Kat yéveow. 6 Cf, SHINER, Knowledge and Reality in P!ato's Philebus, 1974, p. 44,
4 Sur la relation de cette analyse avec la théorie des idées: cf. infra, n. 23. 7 D. FREDE. 1997, p. 310.
170 GERD V AN RIEL §12. PH/LÈBE 171

demandes maintenant, c'est si ce qu'on appelle être est ce qu'il est parce saisons, de la beauté, de la force «et de milliers d'autres choses » (25 e 7 -
qu'il est en vue du devenir? - Apparemment8 , » 26 c 2). Certains commentateurs se sont étonnés que la classe mixte
n'implique que des choses positives, et que Platon déclare qu'il ne s'agit
Le point est repris, et nettement élaboré, dans ce qni suit:
que de la «juste combinaison» (opel'] KOlvroVta, 25 e 7) : s'il s'agit de
« J'affirme donc que tous les médicaments, tous les instruments et tous limiter l'illimité, ne devrait-on pas dire que chaque combinaison des deux
les matériaux9 sont toujours employés en vue d'un devenir, que chaque
devenir particulier est en vue de tel ou tel être particulier, et enfin, que le
est un mixte? Ne devrait-on pas dire que le mixte se produit partout où
devenir dans son ensemble est en vue de 1'être dans son ensemble , »
lO un gabarit est imposé à une magnitude, en considérant l'illimité comme
une continuité sans mesure, laquelle est mesurée par la limite 13 ? Dans
Ce genre d'expressions ne serait pas concevable sans que la signifi- ce cas-là, il n'y a aucune raison pour ne citer que des exemples posi-
cation de ouata et yÉVEcrtÇ n'ait subi une profonde modification. Le tifs. Or si chaque température est une mesure imposée à une continuité,
devenir s'inscrit toujours - comme dans les dialogues antérieurs - pourquoi alors la santé parfaite, une température de 37', serait-elle le
dans le registre du manque, et l'ouata est toujours de l'ordre de la per-. seul « mixte » ? Une température fiévrense de 41' n'est-elle pas éga-
fection, voire de l'achèvement. Le changement spectaculaire est que Iement une façon de mesurer, et donc de mélanger la limite et l'illimité?
l'ouata se conçoit désormais comme le résultat réellement obtenu par le J. Moravczik 14 et Dorothea Prede 15 ont montré que ces questions reposent
processus dn devenir. Il ne s'agit donc plus de l'ouata transcendante du sur une fausse présupposition. Platon ne dit pas que l'illimité est une
monde des idées, mais d'une chose réellement obtenue dans le monde chose continue, mais plutôt ce qui en soi n'a pas de mesure 16 , c'est-à-dire
concret. Cela se laisse déduire également des expressions « yÉVEcrtÇ Elç tont ce qui est susceptible de «plus et de moins ». Le mixte n'est donc
o1JO'tav» (26 d) et yEyEVTj!lÉVTj o1JO'la (27 b) : elles sont employées dans pas dn modèle de la température, mais seulement de la température bien
la détermination des choses « mixtes », lesqnelles sont le résultat de l' opé- mesurée. La maladie est une espèce de l'illimité plutôt que du mixte,
ration de la cause qui rassemble la limite et l'illimitation". Ces choses parce que la juste mesure lui manque. Le mixte est l'équilibre parfait que
mixtes sont donc concrètes: un mixte est toujours une chose «qui est r on atteint en éliminant r excès et le manque.
devenue »12. Il s'agit plus précisément de la santé de la musique, des Ce qui est important pour notre propos, c'est que cet état équilibré
qu'est le mixte est présenté partout comme un état accessible. La santé
8 Phil., 54 a 6-12 (trad. Pradeau, m~difiée) : ~6~ à;n:oùÉxo~ui C5'O~ 'tuu;u, oùtTiu,v ~ai. n'est pas une réalité utopique, mais une condition réelle. Les saisons ne
'YBv8cnv. - 'OpSo'tU'ta. TIO't8pOV ouv 'toinrov 8V8.Ka 1ton:p~u, TrlV 'Y8v8atv O~crUlÇ sont pas de l'ordre intelligible, mais des situations «bien tempérées » du
8v8Ka cpOOj..l8V ft 'ti)v oùaîav dvat 'Y8vÉa8coç ËV8K~; - T,ouw ô npo,aa'Y0 p8m:'tat
monde concret. Et il en va de même des autres exemples: la force comme
oùcria 8Î 'Y8vÉa8coç ËV8Ka 'tou't' Ëa'ttv ëm8p 8aü, VUV nuvSUv.n ; -. ~at.VOj..l~~ ..
9 L'emploi du mot GAT\ est très remarquable: c'est la tennmologle afls:ote1tcle~e. juste mesure entre faiblesse et OPplÇ (26 b 7), etc. C'est dire que la
Cette remarque s'insérera dans la conclusion générale concernant le vocabularre de oùcrUl yByEVTj!lÉVTj ouata n'est pas l'ouata transcendante du monde des idées.
dans le Philèbe. , , Il s'agit de l'être des choses concrètes.
lO Phil., 54 c 1-4 (trad. Pradeau, modifiée) : <DTl)..lt oi) 'YEVNÉcrECOÇ j..l~V ËVEKa, cpapllaKa

'tE Kat nav'ta op'Yava Kat nfiaav üÀT]V napa1"iSEcr8al n,acrtv, EKa<;'til,v OE 'YE~E:nv Cette nouvelle opposition entre yÉVBcrtÇ et ouala s'applique à la
aÀÀT]v aÀÀT\ç oùtTiuç 'ttVOç ÉKacr'tT]ç ËVEKU 'Yi'YvEcr8al, cruj..l1tacrav OE y8VEcrlV oumuç qnestion du plaisir. On a déjà vu que l'enjeu du passage 53 c - 54 d est
ËVEKa 'YiYVEcr8at cruj..l1tacrT]ç. , . .. . , '
11 Les deux expressions sont nettement introduites comme def1ll1tlOn du mixte : .à~Àu
'tphov cpa81 ilE ÀÉ'YEtv, EV 'toGw n8Év'ta 'ta wincov ËK'YOVOV unav, 'YB~Ecrtv E,iç OU';"UV 1tÀ118oç O'E, c1SaUj..lacrtE, B~É1tÀT]ÇB 'tllç 'tOU 'tphou YEvÉaEcoç (26 c 8-9) ; 'ta OOUÀEUOV
EK 'toov j..lE'tO: 'tou nÉpawç ànEtP'Yacrj..lBVCOV IlB'tpcov (26 d 7-9); IIpco;ov Il~V 'totvUV EÎç 'YBVEcrtV ahi(l (27 a 8-9).
a1tEtpOV ÀÉ'Yco, oEun:pov 01'; nÉpaç, Ë1t~H' BK ,w6't~v 'tphov ,IlEtK'tT]V,Kal \,E'YEVT]: 13 C'est la position de HAcKFORTH, 1945, p. 38 ; GOSLING, 1975, p. 196-203 (surtout
Il ÉV T]V oùaiuv' 'ti)v 01'; Tf1Ç j..l8.i~ECOÇ ahlUV Kat 'YEVEO'EroÇ 'tE'tap'tT]V ÀE'YCOV apa lIT] p. 200): GOSLlNG, 1996, p. 217.
14 MORAVCZlK, Plato and Platonism, 1992, p. 237-239 (reprenant une idée exprimée
n1,~~~eÀoi~v liv n; (27 b 8-11). . , , . •
12 Cf. l'identité entre 1lE1~tÇ et 'YÉVEatç en 27 b 9 (j..lEt~8roÇ ?"lnav ~at 'YEVEC:E~Ç); déjà dans MORAVCZIK, 1979, p. 96-97).
15 FREDE, 1993, p. XXXVI-XXXVII; FREDE, 1997, p. 194-199.
ou les expressions suivantes: cpaivn 'Yap IlOt AÉrEtv ~el'Yvuç 'ta,ma 'YEVEcrEtÇ ~tV~ç E,Cp
EKacr'trov aù'toov crullPaivEtv (25 e 3-4); j..lelK'tT] Kat 'YB'YEVT]j..lEVll (27 b 8-9), To yap 16 Cf. 26 a 7-8.
172 GERD V AN RIEL §12. PHILÈBE 173

de démontrer que le plaisir est de l'ordre de la ysvemç, non de l'oùcrla. ou l'état achevé d'un animal. Or donc, l'idée de perfection de l'être
Cette analyse se base sur la définition du plaisir, établie en Phil., 32 a-b : (thème central de la théorie des formes transcendantes) reste en vigueur,
« En un mot, examine si la thèse suivante pourrait te paraître juste: lorsque mais - et c'est une modification révolutionnaire - elle se rapporte
la forme d'un être animé, qui résulte, comme je l'ai expliqué auparavant, de désolTIlais à des êtres concrets, des êtres « devenus».
l'union confonne à la nature de l'illimité et de la limite, est détruite, cette
destruction est une douleur, alors que la retraite inverse qu' èst le chemin vers
leur propre être est un plaisir pour tous les êtres animés» 17.
D. CONCLUSION
Un être animé (doué d'une âme) appartient donc à la classe mixte,
composée de limite et d'illimitation. Cet être est une réalité concrète, «Die ganze Fragestellung des Philebos bemht auf der Voraussetzung,
ayant une vie réelle et éprouvant du plaisir et de la douleur. Or il est daB wir nicht géittliche Wesen, sondem Menschen sind20 » Cette idée,
important de voir que le sujet de la phrase n'est pas l'être animé en tant vraiment centrale pour une bonne compréhension du Philèbe en général,
que tel, mais la forme (elooç) de l'être animé. On n'a pas l'impression nous foumit également la clef pour le cas particulier du mot oùcrla. À part
que cette forme soit autre chose que l'être (oùcrla) de l'animal, lequel est les quelques exemples de l'emploi plutôt « classique» du terme oùala,
dit être restauré après que la forme a été détruite. Tout cela implique que on constate une préférence nette pour une signification plus concrète, se
la terminologie de la forme ainsi que de l'être a subi une modification référant à l'existence dans le monde du devenir. Et voilà une modifica-
importante: il s'agit bel et bien d'un être et d'une forme coucrets 1S , dans tion spectaculaire de la terminologie. En fait, elle nous mène très près de
la réalité «mixte ». Nous avons vu que ce mixte est toujours une chose la façon dont Aristote fera emploi du mot oùala21 •
positive ou parfaite, ce qui explique que la forme et l'être détemliuent Ce constat ne doit pas pour autant nous mener à des conclusions hâtives
l'état parfait de l'animal (lequel est appelé l'état Katà 'Pumv dans Phil., concemant l'ontologie platonicienne. La modification spectaculaire de
32 b 1 ou simplement 'Pumç en 42 c 9)19. Cet état naturel n'est jamais la notion d' oùala ne doit pas forcément impliquer une modification du
atteint de façon définitive: «Comme disent les savants, toutes choses «système» platonicien. L'existence d'une oùaia dans le devenir (une
s'écoulent perpétuellement vers le haut et vers le bas » (Phil., 43 a 2-3). yeyevTU.lSVll oilala, Phil., 27 b 8-9) ne rend pas impossible l'existence
Cela veut dire que l'achèvement de l'état naturel est toujours croisé par d'une oùcrla transcendante. Il est vrai que le Philèbe ne semble faire
un manque qui intervient, et qui devra être restauré par la suite. Ce pro- aucune référence à la théorie des idées, et que, à plusieurs endroits, la
cessus de restauration est le plaisir. Celui-ci est donc de l'ordre du relation entre les analyses offertes et la théorie des idées demande à être
manque, ou plutôt de la réplétion d'un manque qui mène à la restaura- clarifiée22 Mais, de l'autre côté, il reste à prouver que ces analyses sont
tion de l' oùaia concrète. irréconciliables avec les idées 23 • La seule conclusion prudente que l'on
C'est dans cette lignée que s'inscrit le passage 53 c - 54 d. Le plaisir
y est considéré comme processus menant à une ouata - laquelle, connue 20 H.-G. GADAMER, 1931, p. 176. Une idée pareille se retrouve chez D. FREDE, 1993,
nous l'avons décelé à partir de la définition du plaisir, est la perfection, p. LXIX.
2i Cf. La signification aristotélicienne du mot uÀf] en 54 c 2.
22 Cela vaut en premier lieu pour le passage des «quatre classes» (23 c - 30 d) et
17 Phil., 32 a 8 - b 4 (trad. Pradeau) : Kat €vi ÀOycp O'KOnEl. El crot IlÉ'tptoç b Àoyoç pour les qualités qui se trouvent «aux portes du bien» (KUÀÀOÇ, cru).l).lB'tpia, àÀi}88ta:
oç av <pfl 'tO f:K t'tilçt ['tilç mss. et Stobaeus : 'tE Ast] à1tEipot:l Kai 1tÉpa'tOç Ka'tà <pumv 64 a 7 - 66 a 3).
ËI.L\j/t:lXOV yqovoç dooç, chœp ËÀE'YOV f.V 't(flnpo0'9EV, chav ).1Èv 'tOO'tO <p8E5p'llWl., T11V 23 il est remarquable que, dans le passage sur l'unité et la pluralité (14 c 1 - 20 a 8,
Il ÈV <p90pàv ÀU1t'llV dvctL, 'titv 0' dç 'titv af)'tIDv oÙO'lav bODV, 'tau'tllV oÈ au nuÀw 'titv et surtout 15 a 1 - c 3), Platon reprend presque à la lettre quelques éléments de la cri-
àvaXroPllO'tV 1tuv'twv t;oOyi}v. _ tique de la théorie des idées avancée dans le Parménide (129 b 6 -130 b 6). Cela semble
18 Cf. l'expression 'to Ka't"à <p6crtv E).l'Vt:lXOV 'YE'Yovà~ dooç dans la définition du indiquer que, dans ce passage du Philèbe, Platon n'a pas encore fait tabula rasa de sa
plaisir, 32 b 1. théorie - si on critique les choses, elles sont toujours là. Tout comme dans le Parménide,
19 Pour une discussion de cette notion dans les passages cités, voir VAN RIEL, Pleasure la critique ne mène pas à la conclusion explicite que la théorie des idées doit être laissée
and the Good Life, 2000, p. 20-29. de côté.
174 GERD V AN RIEL

peut tirer est que, dans le Philèbe, Platon ne semble pas être préoccupé
de traiter du monde des idées. C'est que, en fin de compte, la thématique
du dialogue est le bien pour nous2" le bien concret - avec la question §13. TlMÉE
de savoir quel est le rôle du plaisir - , plutôt que le bien en soi, ou l'être
transcendant. Pieter D'HOINE

Édition de référence
l. BURNET, Platonis opera, torous IV, tetralogiam VIII continens (Scriptorum
classicorum bibliotheca oxiniensis), Oxford, Clarendon, 1945 (= 1902).

Autres éditions et traductions consultées


L. BruSSON, Timée. Critias, traduction inédite, introduction et notes, avec la col-
laboration de M. Patillon, Paris, Flarnmation, 1992.
F.M. CORNFORD, Plato's Cosmology. The Timaeus of Plata translated with a
running commentary, London, Routledge & Kegan, 19564 .
A. RIVAUD, Platon. Œuvres complètes, Tome X : Timée-Critias, texte et traduc-
tion, Paris, Les Belles Lettres, 1925.
L. ROBIN, Œuvres complètes de Platon, traduction nouvelle et notes, avec la
collaboration de M.J. Moreau (Bibliothèque de la Pléiade), vol. II, Paris,
Éditions Gallimard, 1964.

A, DONNÉES QUANTITATIVES

Sur les 10 occurrences du terme, 6 sont regroupées dans la discussion


de Timée sur l'âme du monde (35 a-b et 37 a).

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

Nominatifs 1 (29c3)
Accusatifs 2 (37 a 5, e 5)
Génitifs 6 (35 a 2, a 4, b 1, b 3 ; 37 a 3 ; 52 c 4)
Datifs 1 (20 a 2)
24 Cf. la détennination du thème central du dialogue par les Néoplatoniciens : PLOTIN,
Enn., VI 7, 25.6-16; PROCLUS, In Remp., I, 296.20 et Théologie Platonicienne, II, 4, 35.13 ; Toutes les occurrences du terme sont au singulier. Au nominatif,
DAMASCIUS, In Philebum, 6. Le point de vue des Néoplatoniciens est que Platon voulait oùcrta est le sujet d'une phrase elliptique dont le verbe Ècrü est sous-
fournir une élaboration plus ample de ce qu'il avait esquissé dans la Répuqlique (VI, 504
d 4 - 509 c 4). entendu (29 c 3). Des deux accusatifs, l'un est le complément d'objet
176 PIETER D'HOINE §13. TIMÉE 177

direct d'un participe (37 a 5), tandis que l'autre dépend d'une préposition constituent, avec son ascendance, la valeur et, par là, l'identité d'une per-
(êITt, 37 e 5). Le plus souvent, oÙGta s'utilise au génitif. Dans ce cas, sonne. C'est de cette signification que dérive le Sens proprement ontolo-
oÙGta est généralement le complément du verbe, avec ou sans préposi- gique que le terme prendra plus tard: ce qui détermine l'être de quelque
tion: GUYKpa8ei:Ga êK, 37 a 3 ; J.lSJ.lS1YJ.lÉVIlV êK, 35 b 3 ; J.lS1YVÙ, chose, ou encore ce qui en constitue l'être véritable.
J.lS,,'!, 35 b 1 ; àV'8XOJ.lÉVIlV, 52 c 4 (sans préposition). En deux endroits,
le génitif, partitif, est complément d'un substantif (ûi, àJ.lSptGWll ". b) Les sens philosophiqnes
ourria, Kal 'fiç ", J.lsplG'fiç ", êv J.lÉGCjl, 35a; ~phov ourria, siùoç,
2. Une première occurrence d' oùcrta au sens philosophique se trouve
35 a 4). Une seule fois, le terme figure au datif complément circonstan-
au début du récit de Timée, dans un texte célèbre où le philosophe pytha-
ciel (20 a 2).
goricien discute la question de savoir quel est le registre qui convient aux
Expressions remarquables:
discours cosmologiques. Une fois qu'il a été établi que le monde n'est
_ <piTov Ès àJ.Hpolv sv l'éacp O'uvSKEpaO'(HO OÙ"',,,
dooS (35 a 4) pas depuis toujours, mais est engendré l comme l'image d'un modèle beau
- l'SlyVÙS ... l's<à ~fisoù.,'a, (35 b 1) et éternel, cette question se résout facilement. Car si l'on accepte qu'un
_ {huv oÙO'lav ITKsoacr't1lv exoV't6ç nvoç È<pan:'tlltat Kat otav èq..L8ptcr-
<ov (37 a 5)
discours doit être apparenté (cruYYSVTJ,) au sujet dont il parle, alors seul
_ OÙ"',,, ul'OlO'yé11O(llS à"sxol'évllv (52 c 4) un exposé sur l'être immuable pourra avoir les caractéristiques néces-
saires d'irréfutabilité et de stabilité. En revanche, nos opinions à pro-
pos de la constitution du monde contiendront autant d'instabilité et de
croyance que l'on en trouve dans un être engendré. En effet, la première
C. ANALYSE SÉMANTIQUE
espèce de discours est le modèle de la seconde, tout comme le monde sen-
sible est la copie d'un être stable et éternel. C'est ce que met bien en
a) Le sens économique évidence la formule suivante:
1. Malgré l'usage fréquent du mot oÙGta comme terminus techni- 29 c 3 : onn:sp npàç yévscnv 0\)0"10;, 'COU-tO npoç nlcrnv ùÂ-it9sta.
cus dans le discours proprement philosophique, le terme a néanmoins
«Ce que l'être est au devenir, la vérité l'est à la croyance (trad. Brisson;
gardé toute sa signification pré-philosophique ou économique. La per- même trad. chez Rivaud). »
sistance de ce sens premier est évidente dans un passage du début du
dialogue, où Socrate énumère les mérites de ses interlocuteurs prin- De prime abord, il faut noter que la formule dont Timée fait usage
cipaux en rapport avec le sujet à discuter, c'est-à-dire la réalisation nous rappelle les dialogues de la maturité. Ainsi, à la fin du sixième livre
de la constitution idéale. Dans ce contexte il décrit Timée de la façon de la République, Socrate expliquait, au moyen d'une ligne divisée en
suivante: sections, les différentes conditions cognitives ainsi que leurs objets
respectifs (509 d 1 - 511 e 5). Dans le même contexte, il avait déjà
20 a 1-3 : Til'mGS <s yàp 08s, Sùvol'Ol<anlS WV nGÂ.8OlS <fis Èv 'ha)"i"
AOKpiôoç, OÙG1V Kat y8V€t ouoevèç D(J'CSpOç mv ÈKst ...
proposé une analogie similaire. En effet, les deux grandes sections de la
« En effet, Timée que voici, qui vient de la cité si bien policée de Locres
ligne représentent l'opinion (86l;a) et l'intellection (VOIlO'lç), états cogni-
en Italie, où, par la fortune et par la naissance, il il' est inférieur à personne tifs qui se réfèrent au monde visible (ôpa,ov) d'une part, et au monde
... (trad. Brisson). »
Oùcria a ici sa signification habi~elle de « possessions», « biens», etc. 1 Nous laissons de côté la question difficile de savoir comment il faut concevoir cet
et est utilisé comme un singulier collectif, que l'on peut rendre - comme <~ engendr~ment » (yÉvBmç) du monde - question qui, on le sait, a suscité des interpréta-
tIons très divergentes déjà panni les premiers platoniciens. Sur ce problème, voir M. BALTES,
c'est le cas dans les trois traductions françaises consultées - par Der Weltentstehung des Platonischen Timaios nach den antiken Intelpreten; J.F. PHILLIPS,
« fortune». En tant que telle, l' oÙGta désigne les biens matériels qui «Neoplatonic Exegeses of Plato's Cosmogony (Timaeus 27c-28c) », p. 173-197.
178 PIETER D'HOINE §13. TIMÉE 179

intelligible (VO'tFOV) d'autre part. Quand, après le mytbe de la caverne, 35 a 1 - b 3 : 'tilç d~Ep{cr-rOU KUt dEt Ka-rà 'tutJ'tà f.xoucrllÇ Où(J[W; Kat 'tilç
Socrate reprend le fil de cette argumentation, il dit expressis verbis que, a~ nspl rà (),Ûlilara ylyvolltVTlÇ IlSPtO'TijÇ rphov É~ à~<jJotv Év ~t()'(!l
si l'opinion porte sur la yÉvscnç, l'intelligence, quant à elle, porte sur crUVEKEpUcrU'tO oÙ(J[a~ dooe;- 'tilç 'tE 'tUIJ'tou <pUcrECOÇ aÔ 7t8pt Kut 'tfiç
'tou B-rÉpOU, Kat Ka'tà 'tuû'tà cruVÉcr'tllcrEv èv ~Émp 'tou 'tE d~EpOUÇ
l'ouata (534 a 2-3). li termine par cette formule: aû-rrov KUt 'tou Ku-rà 'tà crm~a-ra ~Eptcr'tOU' KUt 'tpia Àa~rov aIJ'tà ov'tu
1) n ou"la npàç yéVEcrlV, vOTlO'lV npàç 86~av (Rép., 534 a 3-4). cruvEKEpucra-ro Eiç ~iuv nuv-ru iOÉav, Ti}V Ou'tÉpou <pucrtV oucrJl8tK'tOV
oÔcrav Eiç 'tuû'tov cruvap~6't'tcov ~i(l, ~Et'YVÙÇ of: Jl8'tà 'tflç OÙalac;. Kat
Si l'on prend en considération le fait que Timée a toute raison d'assi- ÈK 'tptrov notllcrâ~Evoç ëv, nUÀtV oÀov 'tou-ro ~oipaç ocruç npocrfiKEv
miler l'intellection à la vérité (dÀ1j8sta) au sens propre (cf. Tim., 28 a otÉVBt~EV, f:Kucr'tllV of: BK 'tE 'tuû'tou Kat Oa't8pou KUt 'tfiç où(Jlaç
1-4) et qu'i! utilise le terme ntanç, qui dans la République ne représente IlsflStYlltVTlV.
que la partie la plus haute du niveau opinatif, comme pars pro toto, alors «Entre l'Être indivisible et qui reste toujours le même et l'Être divisible
qui devient dans les corps, il fonna par un mélange des deux premiers une
les deux formules, du Timée et de la République, sont strictement équi-
troisième sorte d'Être; et de nouveau en ce qui concerne le Même et l'Autre,
valentes. D'où l'on peut comprendre qu'oùuia a ici encore le sens géné- il forma un composé tenant le milieu entre ce qu'il y a en eux d'indivisé et
ral que l'on connait par les dialogues de la maturité, c'est-à-dire «être ce qu'il y a de divisible dans les corps; et, prenant ces trois ingrédients, il
véritable», ou bien l'ensemble des idées comme niveau ontologique des fonna de la même façon par un mélange, où ils entraient tous, une seule réa-
réalités éternelles et immuables, par opposition au monde sensible, où lité, en unissant harmonieusement par force la nature de l'Autre, rebelle au
mélange, au Même, et en les mêlant à l'Être, formant une unité à partir de
règne la génération2 • Par ailleurs, cette interprétation est confirmée par les
ces trois choses. Derechef, l'ensemble ainsi obtenu, il le distribua en autant
mots que Timée utilise comme synonymes d'ouata dans ce passage: TO de parties qu'il convenait, chacune toutefois restant un mélange de Même,
ov dst (27 d 6, par opposition à TO ytyvollsvov dsi), dsi KaTà ,au,à d'Autre et d'Être (trad. Brisson). »
av (28 a 2, opposé à ytyvollsvov Kai dnoÀÀullsVoV), ,0 Ka,à ,au,à Kai
&aaUT<Dç EJ(OV (29 a, opposé à ,0 ysyovoç). Bien que le Timée témoigne La composition de l'âme du monde se déroule dès lors en deux
moments, que l'on pourrait schématiser de cette façon4 :
d'une plus grande confiance dans la valeur [ou: la fiabilité] du monde
du devenir que jamais auparavant, il garde comme point de départ
l'opposition principale qui est celle des dialognes moyens.
présentent les manuscrits et la plupart des témoins indirects; (3) avec Jackson, Cornford
3. Passons maintenant à un texte difficile autant qu'intéressant, où a justement observé que j..LEtyVOÇ ÛÈ; j..Ls'tà -riiç oùalnç (35 b 1) doit être construit avec
le mot oùata apparait quatre fois. Pour que le monde soit le meilleur (Juvapj..Lônœv plutôt qu'avec 1Wtllaaj..LEVOç et a changé la ponctuation en conséquence.
possible, il doit être doté d'intelligence. Cela n'est pourtant possible que Le texte de Bwnet reflète encore une interprétation du passage qui n'a plus aujourd'hui
d'adhérents, selon laquelle IÎj..LEpia"COu ooafaç (35 a 1-2) et j..LEPHHiiç (sc. ooaiaç, 35 a 3)
dans le cas où le cosmos dispose d'une âme. Le démiurge fabrique alors équivalent respectivement à 'tiiç 'tno-roü q:>uaEœç et à 'tiiç "COu ÉÛ;pou (sc. qnJaEœç,
le monde comme un animal vivant et animé, à la ressemblance de l'Ani- 35 a 4-5). La composition de l'âme du monde aurait alors eu lieu en deux temps: un pre-
mal qui contieut tous les vivants intelligibles (vo'll,à sq,a). Après avoir mier moment, au cours duquel une oouia intermédiaire serait produite par la combinai-
son de l' ooafa indivisible (:::: Même) et de l' oouia _divisible (= Autre), et un deuxième,
décrit la composition du corps du monde, Timée explique comment le pendant lequel cette ooaia intermédiaire serait de nouveau combinée avec les deux «sub-
démiurge en a forgé l'âme. Lisons d'abord cet extrait, qui, d'après stances» de départ pour en tirer le produit finaL Pour une défense de cette interprétation
Brisson, « constitue le point d'équilibre d'une interprétation globale du et un aperçu de la littérature qui lui est relative, voir TAYLOR, Commentary on P[ato's
Timaeus, p. 106-136. C'est G.M.A. GRUBE, «The Composition of the World-Soul in
Timée »3, Timaeus 35a-b », p. 80-82, qui a le premier mis en évidence les défauts tant philologiques
que philosophiques de cette interprétation, sur base d'un passage tiré du Commentaire
sur le Timée de Proclus (II 156.8-22 Diehl). Depuis l'analyse de Comford dans Plato's
2 Cf. la contribution de S. De1comminette dans ce volume (chap. II, §7). Cosmology, p. 59-66, l'interprétation de Grube est devenue la communis opinio parmi les
3 BRISSON, Le Même et ['Autre, p. 270. Nous avons suivi CORNFORD, Plato's Cosmo- commentateurs. L'une des discussions les plus circonstanciées et les plus perspicaces de
[ogy, p. 60 n.l, en trois endroits où il change le texte de BURNET: (1) après oûcr"iaç dooç ce passage reste celle de BRISSON, Le Même et L'Autre, p. 270-314.
(35 a 4) Cornford a mis un point en haut au lieu d'une virgule; (2) contrairement à ce 4 Cf. les schémas de GRUBE, The Composition of the World-Soul, p. 81 ; CORNFORD,
que fait Burnet, Cornford n'a pas jugé nécessaire de supprimer le nO m~tn (35 a 4) que P[ato'.~ Cosmology, p. 61 ; BRISSON, Le Même et l'Autre, p. 275.
§13. TIMÉE 181
180 PIETER D'HOINE

deuxième mélange et le composé» des dialogues tardifs7 - une espèce intennédiaire, qui
premier mélange
constituera l'un des trois ingrédients du deuxième mélange. Et cette
oùcrlu indivisible
ouala divisible
} oûcrtU intermédiaire 1 oucrta, intermédiaire entre l'indivisible et le divisible, sera propre à l'âme.
C'est seulement à partir de ces distinctions qu'i! est possible d'utiliser
même indivisible
même divisible
} même intermédiaire J l'âme une expression telle que « sorte» ou «espèce» d'oucr(a (Oùcr(w; d8oç),
autre indivisible une association de mots qui est sans précédent et que l'on trouve ici à
} autre intennédiaire
autre divisible propos de la troisième oùcr(a 8 • Quel que soit son degré d' (in)stabilité ou
d'(in)divisibilité, un être appartient toujours, en tant qu'étant, à (l'une des
D'abord, le démiurge mêle les formes (e1:8rll divisibles et indivisibles trois espèces de) l' oùcrla.
de l'ousia, pour fabriquer à partir d'elles une espèce intermédiaire. Ces explications préliminaires nous ont perntis d'aborder la question
Qu'advient-il alors de ces deux sortes d'oùcrtat primordiales? Comme du sens à donner à oùcr(a dans ce passage. Il faut encore rappeler qu'après
dans le passage précédent, la discussion semble se développer dans la la fabrication de l' oucria intennédiaire, le démiurge répète cette opéra-
ligne des dialogues de la péliode moyenne. En effet, on ne peut guère tion encore deux fois, en vue de produire le Même et l'Autre intenné-
douter que dei Ka~à wù~à èxoucrllç oùcrtaç désigne cette oùcrta-Ià qui, diaires 9 . Si nous laissons, pour l'instant, de côté les différences de qua-
d'après le Phédon (78 d 1-8), reste toujours dans les mêmes conditions lité, alors les éléments qui entrent dans la constitution de l'âme sont au
et ne subit jamais aucun changement (Ûlcrau~ûlç dei axet Ka~à ~aù~à nombre de trois: oucrta, Même et Autre. Ces ingrédients nous rappel-
et où8érro~e où8a~ii où8a~iiiç dÀÀOtûlcr!V où8e~tav èv8i;xe~at), et à lent trois des cinq ~i;ytcrm yévll dont nous parlait le Sophiste: l'être, le
laquelle Timée avait déjà fait référence plus haut (dei Ka~à ~aù~à ÔV, même et l'autre. Même s'il s'agissait là d'expliquer comment, au niveau
28 a 2). Il s'agit, une fois de plus, de l'ordre des formes intelligibles, intelligible, les fonnes peuvent entretenir des rapports de participation
appelées « indivisibles » en vertu du fait que chaque fonne est simple et mutnelle, il n'est pas injustifié de transposer une telle explication au
unique. Toutefois, d'une manière qui n'est concevable qu'après l'intro- monde sensible: chaque chose qui existe dans le monde sensible est iden-
duction de la yeyevll~évll oùcrta du Philèbe (27 b 8-9)', le monde sen- tique à elle-même et différente des autres. Comme l'oucr(a du monde
sible est opposé à l'être véritable des idées, non pas parce qu'il serait . sensible est moins stable que son pendant au niveau intelligible, les
différent de l'oucrta en tant que telle, mais bien en tant qu'i! est d'une relations d'identité et de différence ne seront que des reflets affaiblis des
oucrta différente, c'est-à-dire une oucr(a divisible. La genèse qui a lieu rapports qui subsistent entre les idées. En outre, c'est seulement en vertn
dans les corps sensibles (rrepl ~à crÛl~a~a)6, n'est plus une alternative d'une participation au monde intelligible que de telles relations existent
à l'oùcria, mais en constitue une autre espèce. Or le Timée fait un pas dans le monde sublunaire. L'âme, pour sa part, occupe une place entre
de plus que le Philèbe. Si là Platon se contentait de distinguer les deux ces deux niveaux, ce qui lui permet de connaître tant l'indivisible que le
sortes d'oucr(at primordiales, ici il les fait se rejoindre pour former divisible, comme nous le verrons. Quoi qu'il en soit, s'il faut entendre le
_ conformément à ce que Berger a appelé la « tendance vers le milieu
7 R.H. BERGER, Ousia in de dialogen van Plata. Een terrninologisch onderzaek, p. 253
et 229.
5 Voir la contribution de Gerd Van Riel dans ce volume (chap. II, §12).
8 C'est avec raison que TAYLOR, Commentary on the Timaeus, p. 125, s'oppose à la
6 BRISSON, Le Même et l'Autre, p. 272 ajustement observé que 1t8pi 't"à crcO!lŒtct dépend
traduction d' oùcrîa dans cette expression par ~< essence», signification qui ne sera distin-
de ylyVOI--U~VT]ç plutôt que de ~Eplcr'tftÇ, car l'opposition porte principalement sur l'oùcria
guée qu'au Moyen Âge. Cependant, il ne convient pas, comme l'a remarqué Berger (Ousia
à~Éptcr'Wç et l'oùcria ~Eptcr'tft, et TrEpt "Cà crrol-lu'ta YLYV01l8VT]Ç est apposé à cette der-
in de dialogen, p. 253-4 n. 5) et comme nous le démontrerons dans la suite, de dépouiller
nière. Mais, faute d'expliquer en quoi consiste la divisibilité, il est difficile d'accepter cette
cette formule de toute sa valeur ontologique - ce que fait Taylor en la traduisant par « a
interprétation comme une alternative à l'introduc~~on d'~n élément matériel. dans l'.â~e. il
third something » (p. 125).
nous reste alors le choix peu enviable entre une mconslstance dans le récit de Tlmee et
9 Pour une tentative d'explication de la signification du Même et de l'Autre indivi-
une énigme platonicienne. Peut-être est-on ici arrivé aux limites de la comp~sante mythique
sibles et divisibles, voir CORNFORD, Plata's Cosma/ogy, p. 65-66.
dans le «conte vraisemblable» qu'est le Timée.
182 PIETER D'HOINE §13. TIMÉE 183

« Puis donc que (1) l'âme a _été constituée à partir d'un mélange de trois
sens d'ouata ici sur le fond de la discussion du Sophiste - où l'être,
ingrédients, qui proviennent du Même, de j'Autre et de l'Être, (2) qu'elle
dont tous les étants participent, est opposé au non-être, dont il est impos- a été divisée et liée suivant des proportions et (3) qu'en outre elle se meut
sible d'affirmer ou de nier quoi que ce soit - , il est alors clair que le en cercle elle-même en revenant sur elle-même, chaque fois qu'elle entre en
terme indique ce qui fait qu'une chose existe en quelque façon, que ce soit contact avec quelque chose dont l'être est divisible ou avec quelque chose
au niveau intelligible, sensible ou intermédiaire, Il s'agit donc de l'exis- dont l'être est indivisible, un mouvement la traverse tout entière, et elle dit
tence « substantielle» au sens général, qui se présente à trois niveaux à quoi un objet est identique et de quoi il est différent, et relativement à
quoi surtout et sous quel aspect et comment et à quel moment il arrive que
différents et à laquelle tous les êtres particuliers ont part. chacun, eu égard à l'autre, soit et pâtisse à la fois chez les êtres en devenir
Les trois produits intermédiaires ainsi obtenus figurent, comme nous et par rapport aux êtres qui restent toujours les mêmes (trad. Brisson). »
l'avous dit, comme iugrédients dans le deuxième mélange. Une fois la
nature résistante de l'Autre (intermédiaire) réunie au Même (intermé- Il est désormais clair que l' ouaia dont nous parlent les premières
diaire), le démiurge mélange cet assemblage avec l'ouata (IlStyvùç '" lignes de cet extrait et qui est considérée comme l'un des trois éléments
IlS1à ûiç ouataç). C'est au ton mythique du récit de Timée que l'on doit constitutifs de l'âme, désigne l'être intermédiaire qui caractérise le mode
imputer le recours à une expression tellement «plastique », même lorsqu'il d'existence propre à l'âme. Or Timée tire ici les conséquences épisté-
s'agit des réalités ontologiques les plus abstraites. Eu tout cas, le mélange mologiques du statut ontologique de l'âme: étant composée d'une
de ces trois ingrédients constitue l'âme du monde, qui sera repartagée ouaia qui occupe le milieu entre l'être divisible - appelé ici ouaiav
selon des proportions détenninées afin de créer les corps célestes. aK60aa1T)V - et l'être indivisible «ouaiav> dIlÉplawv), l'âme a des
4. Après (1) la composition de l'âme du moude, Timée commence à affinités avec les deux « ordres » et est donc toujours capable de les juger,
discuter (2) la structure mathématique de cette âme (35 b 2 - 36 c 2) et quelle que soit celle des deux espèces d'existence à laquelle elle s'ap-
(3) sa fonction motrice (36 c 2 - 37 a 2). Cette discussion permet de com- plique. C'est sa capacité de discerner identité et différence qui lui donne
prendre comment l'âme, tenant une position médiane entre l'intelligible cette faculté.
et le sensible, est capable de counaître les deux mondes. En effet, dans 5. La distinction entre les différentes sortes d'ouata implique aussi
le passage qui suit, Timée introduit la discussion sur la fonction cogni- qu'il n'est plus possible, sans ambiguïté, de parler d'oùaia simplicite,..
tive de l'âme résumant à nouveau les trois questions mentionnées ci- ~ Certes, il y a toujours une ouaia qui sert de modèle (rrapa.OsIYlla) - et
dessus. Étant donné tout ce que nous avons déjà dit, ce passage ne devrait qui peut réclamer à bon droit le statut d'être «véritable », voire d'être
plus présenter de problèmes insurmontables en ce qui concerne le sens «au sens propre» - , et une autre qui n'en est qu'une copie (dKroV).
C'est en effet toujours l'opposition entre l'être immuable (10 dsi Kmà
d'oucrîa lO •
laù1à exov, 38 a 2) et la genèse qui est ici en jeu. Pour que cette der-
37 a 2 - b 3 : utE oùV ~K tftç 'tUlrcOU Ke11 tflç Sa'tBpou qlUcrEffiÇ ëK 'tE
nière ressemble le plus possible au premier, le démiurge fait du monde
où(fiaç 'tptrov tOl:)'toov cruyKpa8sîcra ~OlproV, Kat àvà "A6yov )..tEptcrSelcm
Kat O"uvo88Etcra, Utytll tE àVŒKuKÀOU)..tBVll 7tpOç au'tllv, O'cuv OÙUlav sensible une image fidèle de l'Animal (intelligible) éternel (çq,ov diolOv,
O"KEOŒcr'tr,V BXovt6Ç 'tlVOç ÈCPU1t'tlltat Kat éh:av dJlÉptcrtOV, ÀÉ:ySl KtvOU- 37 dl). Le monde sublunaire, étant composé d'une ouata divisible, sera
Il BVll otà nucrllÇ ËŒutflç o'up '"C' av 'Cl tuù'tOV TI Kat D'toU av Etepov, on donc une image divisée de la nature éternelle, c'est-à-dire une nature sou-
'tE ),U1.ÀHJ'CU KUt onu KUt onroç KUt émO'CE crullBulVEt Ku'Cà 'Cà ytyvOJ.lEVa mise à l'articulation du temps. C'est seulement à cause de l'activité
'CE npoç ËKUcr'COV ËKUcr'CU dvm KUt nacrXEtV KUt npoç 'Cà Ku'Cà 'Cuù'Cà
ordonnatrice du démiurge sur le monde qu'il est possible de distinguer
Ëxov'Cu dEt.
jour et nuit, mois et années, unités de temps qui se succèdent selon le
nombre. Ou encore:
10 li n'y a pas lieu ici de présenter une interprétation globale de ce passage. Pour une 37 e 3-5 : ... 'Cui'5ta aÈ nav'Cu J.lSPTl XPOVOD, Kat 'Co 'C' DV 'Co 'C' Ëcr'Cm XPO-
bonne discussion, nous renvoyons le lecteur à BRISSON, Le Même et L'Autre, p. 340-352 vou yeyov61a e1011, li 01) <pépOVTeS À.av9itvo).lev sni 11)V à.iOloV OÙ","V
et, plus récemment, G. REYDAMS-SCHILS, «Plato's world-soul : grasping sensibles without OÔI( ôp9roS.
sense-perception », p. 261-265. '
184 PIE1ER D'HOINE 113. TIMÉE 185

« Tout cela, ce sont des divisions du temps, et les expressions "il était", "il Dans ce passage, il est donc mis en évidence que, si des Formes seules
sera", ne sont que des modalités du temps, qui sont venues à l'être; et c'est on peut dire qu'elles sont au sens propre, toutefois le monde sensible
évidemment sans réfléchir que nous les appliquons à l'être qui est éternel,
est aussi de quelque façon, même si ce n'est qu'au sens dérivé. Jusqu'ici,
de façon jmpropre (trad. Brisson), »
rien d'étonnant: nous connaissons déjà cette distinction entre les diffé-
Sans l'intervention du démiurge on ne pourrait parler de «passé» ou rents degrés d'être. Ce qui est nouveau ici, c'est la condition jugée néces-
de « futur ». Les modalités du temps dont il est question dans ce passage saire pour pouvoir parler d'existence. À la différence des Formes, qui
ne se présentent que dans le monde sensible. Parce que l'être éternel est transcendent toute catégorie spatio-temporelle, les choses sensibles ont
privé de la divisibilité, on ne peut en parler en utilisant les catégories besoin du réceptacle pour venir à l'être. Bien que l'être au sens propre
temporelles, sinon de façon impropre ou métaphorique. Cet extrait met soit libre de toute divisibilité, la forme d'existence propre au monde
d'ailleurs en pleine lumière le fait que le terme oucria est encore étroite- sensible a besoin, en dernier ressort, de l'extension - et donc de la
ment lié au verbe dVal, dont il exprime la substantivation: l' oucria est divisibilité - du « lieu » sous peine de n'être pas du tout. C'est donc
simplement ce qui est. Or, même si seul le monde intelligible est au sens le réceptacle qui donne à la copie le « lieu » qui lui permet d'être une
propre et véritable, la précédente distinction de trois espèces d'oucria fait ouata - au moins d'une certaine façon - et qui constitue dès lors une
qu'il vaut mieux qualifier chaque fois l'être dont il est question. condition nécessaire du DV 1[ffiÇ des choses sensibles l2 •
6. Avec la dernière occurrence du terme oÛcrlU, nous nous retrouvons Comme l'a remarqué Taylor l3 , l'expression oucrlaç âJ.lfficryé1[ffiÇ
à l'autre extrémité du spectre ontologique. Quand, après les œuvres de av~sxoJ.léVllV met en jeu le sens juridique de av~éxof!al avec le géni-
l'intelligence, Timée présente les accomplissements de la nécessité, il tif, «réclamer quelque chose, déposer une réclamation » (<< sctting up a
commence par distingner trois facteurs impliqués dans le processus de la claim to being » ). En utilisant cette métaphore juridique en rapport avec
génération: la Forme, le « réceptacle » et leur produit commun, la chose l' ouaia, c'est le sens que nous avons appelé « économique» qui est
sensible. Comme on le sait, la chose sensible est une copie de la Forme de nouveau mis à l'avant-plan. Toutes les élaborations ontologiques
qui vient à l'être dans le réceptacle. Pour qu'elle puisse être quelque liées aux significations de ce terme, pour subtiles qu'elles fussent, n'ont
chose de quelque façon, la chose doit « copier» la Forme dont elle donc pas pu empêcher qu'un contemporain de Platon ait pu continuer
participe, dans le réceptacle, où elle acquiert sa propre existence. C'est ~ à entendre dans ce mot, en dehors de ses emplois comme terminus tech-
d'ailleurs aussi la raison pour laquelle elle n'est pas vraiment connais- nicus du discours philosophique, une réalité de la vie quotidienne.
sable, mais seulement accessible à l'opinion jointe à la sensation (861;n
J.lS~' atcr8itcrsffiÇ 1[sptÀT]1n6v). Bref, la chose n'est qu'une image
(dKcOV) sensible. D. CONCLUSION

52 c 4-5 : ... ms dKÔVl l'ev, "ne\n€p oùS' aùto toiito "'l'


q; yeyov€v
éautiiç ÈCittv, été pou Dé nvoç dd qJSpS'tŒL <pav'tucrJ.1Œ, otà 'tau'ta ~v Ayant ainsi, en quelque sorte, refermé le cercle des significations
f:'tépcp npoaftlŒl nvi ytyvB?6at Il, OÙO'laç ullrocryÉncoç àvtEXOIlÉVllV, ft d'oucria dans le Timée, il nous semble que l'étude de ce dialogue per-
1l110ÈV tO nupémuv UUtTjv EÎVŒt ... met de faire un beau tour d'horizon des différents sens pris par ce terme
« Une image, en effet, du moment que ne lui appartient pas cela même dont à travers tous les dialogues platoniciens. Si l'on y trouve attestés tant le
elle est l'image, et qu'elle est le fantôme toujours fugitif de quelque chose sens pré-philosophique de « fortune » que le sens philosophique propre
d'autre, ne peut pour ces raisons que venir à l'être en quelque chose d'autre
et acquérir ainsi une existence quelconque, sous peine de n'être rien du tout
i2 Avec CORNFORD, Plato's Cosmology, p. 194-196, nous empruntons cette expression
(trad. Brisson). »
au Sophiste (240 b: ù')..).,' Éan yE IltlV 1troç), où elle est utilisée en rapport avec l'existence
de l' doroÀov.
Il Pour la construction grammaticale de la première partie de cette phrase, voir CORN- 13 TAYLOR, Commentmy on the Timaeus, p. 348-349. Cf. BERGER, Ousia in de dialogen,
FORD, Plato's Cosma/ogy, p. 370-371, et H. CHERNISS, « Timaeus 52c2~5 », p. 49-60. p. 270, n. 2.
186 PIBlER D'HOINE

des dialogues de la maturité - « (forme d') être véritable » - , c'est sur-


tout eu ce qui concerue l'application du terme aux réalités ontologiques
« intermédiaires » et l'appréciation du monde sensible dont il témoigne, §14. LOIS ET ÉPINOMIS
que la contribution du Timée se montre d'nne grande importance pour
notre enquêtel4 . Guy GULDENTOPS

I. LOIS

Édition de référence
I. BURNET, Platonis Opera, Tom. V : Tetralogiam IX, Definitiones et Spuria
continens (Scriptorum Classicorum Bibliotheca Oxoniensis), Oxford, Claren-
don Press, 1907 (= 1967).

Autres éditious et traductions cousultées


Œuyres complètes, Tome XLI: Les Lois. Livres 1-11. Texte établi et traduit par
E. DES PLACES. Introduction de A. DIÈS et L. GERNET, Paris, Les Belles Lettres,
1968 (= 1951).
Œuyres complètes, To~e XI.2: Les Lois. Livres III-VI. Texte établi et traduit par
E. DES PLACES, Pans, Les Belles Lettres, 1965 (= 1951).
Œuvres complètes, Tome XII.I : Les Lois. Livres VII-X. Texte établi et traduit
par A. DIÈs, Paris, Les Belles Lettres, 1956.
Œuvres complètes,Tome XII.2 : Les Lois. Livres XI-XII, Texte établi et traduit
par A. DIÈs, Paris, Les Belles Lettres, 1956.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

Le mot oÙcrtU se rencontre 36 fois dans les Lois. Les occurrences se


répartissent inégalement entre les différents livres:

Livres Occurences
1 0
II 1
III 2
IV 3
V 6
VI 3
14 Je veux remercier vivement Caroline Macé pour la révision du français de ce texte. VII 0
188 GUY GULDENTOPS §14. LOIS ET ÉP/NOMIS 189

Livres Occurences Dans les Lois, oûata a seulement huit fois un sens ontologique:
VIII 2 _ II, 668 c 6 : À propos de chacun des 7rot itllma de la musique, il faut
IX 4
connaître « ce que c'est précisément» (0 "Ct no't"' ÈŒ'tlv), si l'on veut
X 5
ne pas s 'y tromper. «Car si l'on il' en connaît pas l' oùcrta, ce que
XI 7
XII 3 [l' œuvre musicale1 veut exprimer et ce dont elle est réellement
Total 36 l'image (ellCmv OV'Cù,)3, encore bien moins discernera-t-on si elle
atteint correctement son but ou si elle le manque. » Selon Berger",
li n'y a qne quelques regroupements, d'ailleurs peu signifiants du mot oûata dénote ici ce qui répond à la question «qu'est-ce que c'est
(850 a-b ; 856 d - 857 a; 895 d 4 ; 915 b ; 918 b-c ; 923 a-b) , X ? ». Cette interprétation peut se défendre à condition que l' oùala
soit identifiée, non pas à la quiddité de l' œuvre musicale (comme
Berger le suggère), mais à l' « essence » (ou à la quiddité') de la réalité
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES
imitée. En effet, dans ce contexte, Platon oppose 1'« essence» (com-
Le plus souvent, oùata est employé au singulier, soit à l'accusatif, soit prise comme la quiddité ou la substance du modèle qui existe dans
au génitif: la réalité) à l'imitation; un peu plus loin (668 d 7-8), l'Athénien
demande: «Qu'arriverait-il si on ignorait par rapport à chacun des
sing. nom. : 3 occurrences: 729 a 5 ; 903 c 4 ; 915 b 6 ; corps reproduits ce qu'il est? » Apparemment, 1'« essence » dont il
gén. : 11 occurrences: 684d5; 717 c 3; 71ge 2; 741 b 3; 744 c4; est question ici est immanente à la réalité sensible; Platon ne se
745 d 6; 754 d 8 ; 850 a 6 ; 891 e 9; 895 d 4; 950 b 5 ; réfère pas ici à une idée transcendante.
dat. : 1 occurrence : 913 b 8 ; - X, 891 e 9 : Les athées se trompent par rapport à la véritable «essence»
ace. : 18 occurrences: 668 c 6 ; 697 b 6 ; 736 e 3 ; 775 a 7 ; des dieux (Û\, oV~Cù, oûata,). Selon Berger6, le terme dénote de nou-
776 b 6; 850 b 5 ; 856 d 3 ; 857 a 6 ; 866 c 6 ; 877 c 7 ; veau la « quiddité», qui dans ce cas est une réalité transcendante.
895 d 4; 896 a 3 ; 915 b 3 ; 918 b 3 ; 923 a 7 ; 923 b 1 ; . - X, 895 d 4 - 896 a 3 : Platon distingue 1'« essence » (oû"tav), sa
955 d 6 ; 966 e 2 ; définition (tfi, ouata, ~ov À6yov) et le nom (ovolla). Se mouvoir
pluf. nom,: 0; soi-même, telle est la définition (À6yov EX6tv) de cette « essence» /
gén.: 0; « substance » (oûmav) qu'on appelle « âme ». Berger7 rappelle ici quatre
dat.: 1 occurrence : 918 c 3 ; passages parallèles: Prot., 349b (où l'on retrouve la tdade ovolla -
acc.: 2 occurrences: 724 a 8 ; 737 b 1. oûala - npàYlla) ; Rép., VII, 534 b (où le dialecticien est caractédsé
comme celui qui connaît l'essence de chaque chose) ; Phèdre, 245 e
C. ANALYSE SÉMANTIQUE

Herman Berger observe que dans les Lois le terme oùata a le plus fré- VI, 754 d 8, 775 a 7, 776 b 6; VIII, 850 a 6 - b 5; IX, 856 d 3, 857 a 6,866 c 6, 877 c 7;
XI, 913 b 8, 915 b 3-6, 918 b 3- c 3, 923 a 7 - b 1 ; XII, 955 d 6.
quemment un sens pré-philosophique, à savoir les biens, la « substance »
3 Cette expression se rencontre également dans le Soph., 240 b 11 ; cf. P. SHOREY,
(au sens économique), c.-à-d. ce qui est (à la disposition) de quelqu'un!. «Sophist 236C and Lmvs 668A ff. », p. 232-324.

Dans ce sens, oûata est synonyme de lC~llllaw et d '
e XPllll(Ha 2. 4 Ousia in de dialogen van Plato. Een terminologisch onderzoek, p. 272.
5 Évidemment, en interprétant}'« essence» platonicienne à l'aide du terme « quiddité»,
nous ne suggérons pas que Platon ait développé une ontologie aristotélico-scolastique.
R.H. BERGER, Ousia in de dialogen van Plata. Een terminologisch onderzoek, p. 271.
J Toutefois, l'oùaia platonicienne a souvent un sens qui anticipe le sens du 'to 'ti Ea'tL.
Cette signification se rencontre dans les passages suivants: Lois, III, 684 ct 5, 697 b 6 ;
2 6 Ibid., p. 272-273.
IV, 717 c 3, 719 e 2, 724 a 8; V, 729 a 5, 736 e 3, 737 b 1, 741 b 3, 744 c 4, 745 d 6; 7 Ibid., p. 273-274.
GUY GULDENTOPS §14. LOIS ET ÉPINOMIS 191
190

(où « ce qui se meut» est donné comme oûcria et À6yoç de l'âme) ; D. CONCLUSION
et Lettre VII, 342 b (où cinq éléments sont énumérés, à savoir le nom,
la définition, l'image, la science et l'insensible, qui est vraiment). On Da~sles Lois, le mot ouaia a trois sens, (1) un sens « économique»
pourrait y ajouter Saph., 221 b (où Platon distingue trois éléments: (les bIens) et un double sens « ontologique» : (2a) l'être, l'existence et
ovolla - À6yoç - spyov). L' oùcria est donc la réalité qui est déter- (2b) l'essence,la quiddité (soit immanente soit transcendante) ; les d;ux
minée dans la définition et indiquée par le nom. sens « o~tologlques » s' entrenouent pmfois. La signification sous-jacente
X, 903 c 4 : Toute la yéVEcrtÇ se fait à cette fin d'assurer à la vie de semble etre dans tous les cas: « ce qui est (réel) ».
l'univers « permanence et félicité» (t'l1l:apxo\lcra EùoaillCùV oÙGia).
Berger commente: « Oûcria dénote donc ici l'être «( het zijn »), dans
un sens affaibli. Ceci est encore plus manifeste quand on compare ce
***
passage avec Philèbe, 54 c, où il est affirmé que la yéVEcrtÇ se réalise
en vue de l'oucria. ( ... ). Dans notre passage [903 cl, la relation entre II. ÉPINOMIS

yéVEcrtÇ et tout [« geheel» - sûrement un lapsus, au lieu d'oùcrial


Édition de référence
n'est rien d'autre que la relation entre partie et tout. La yéVEcrtÇ se
réalise en vue du tout ». En outre, il fait remarquer, non sans raison, Œuvres complètes. Tome XII.2 : Épinomis, par É. DES PLACES Paris L B Il
Lettres, 1956. ' ,es e es
que, dans ce passage, le mot oùcria ne doit pas être interprété à la
8
lumière de la théorie des idées
EXAMEN SÉMANTIQUE
_ XII, 950 b 5: « Il s'en faut que le vulgaire, si éloigné de la verin réelle
(oùGiaç àPEÛjÇ), le soit autant de bien juger autrui et de discerner les Le mot oùcria .n.e ~se rencontre qu'une seule fois, à savoir Épinomis,
méchants des bons. » Selon Berger9 , oùcria ne dénote pas ici l'essence 979 ,c ~. Il Y e~t ulll!se ~ans le ,sens. « économique » ( ... K1:àcr8at XP11m:Ù
ou la quiddité, mais plutôt l' être (en combinaison avec àPE1:fiç, l' être- ... OllGlaV 'E ocr11v OEt Kat 1111 06t, « ... acquérir les "bonnes choses" ....
vertueux), en tant qu'opposé à l'apparence, à 1:0 OOKEtV àya80ùç , de quelle fortune on a ou n'a pas besoin »).
dvat. Or, on peut se demander si Platon fait une claire distinction
entre l'être et l'essence; il semble plutôt que l'être ou ce qui est réelle-
ment soit identique à l'essence. Platon ne souligne pas ici le caractère
transcendant de cette essence.
XlI, 966 e: L'âme « précède de loin, en âge et en divinité, tous les
êtres à qui le mouvement, une fois né, a procuré leur flux incessant
d'existence (àévaov oÙGiav) ». L'âme est le principe automoteur de
tout ce qui est postérieur; ce qui est postérieur à l'âme a une oùcria
qui est toujours mue. Oùcria signifie encore une fois l'être, plus spé-
cialement l' être-en-mouvement lO .

Ibid., p. 275-276.
8
Ibid., p. 276.
9
10 Cette interprétation de Berger (Ibid., p. 277-278) confinne celle de W. THEILER,
«Gott und Seele im kaiserzeitlichen Denken », p. 65.
§15. DURIA ET SPURlA

Guy GULDENTOPS

LETTRES

Édition de référence
J. BURNET, Platonis Opera, Tomus V (Pars 2) (Scriptorum ClassicOlum Biblio-
theca Oxoniensis), Oxford, Clarendon Press, 1907 (= 1967).

Autre édition et traduction consultée


Œuvres complètes. Tome XITI.l : Lettres. Texte établi et traduit par J. SOUILHÉ,
Paris, Les Belles Lettres, 1960.

EXAMEN SÉMANTIQUE

- Dans les Lettres, il y a hnit occurrences: deux dans la Lettre III et


ciuq dans la Lettre VII.
- Oùata a un sens philosophique dans la Lettre VII, 344 b, où l'auteur écrit
qu'il faut connaître la vérité concernant la vertu et le vice ainsi que concer-
nant Tfiç oÀT]ç ouma,. Selon l'avis de Berger', le mot dénote ici collec-
tivement tous les êtres qui doivent être connus. Évidemment, cet aspect
collectif n'est pas iudiqué par oùata, mais par Tfjç oÀT]ç. Néanmoius,
son iuterprétation s'accorde fondamentalement avec celle de Luc Brisson2 ,
qui lui aussi traduit «c'est en même temps qu'il faut apprendre le vrai
et le faux sur l'être dans sa totalité». (II va de soi que cet « être » ne
doit pas être compris dans un sens scolastique ou heideggerien.)
- Dans tous les autres cas, il s'agit des «biens»: Lettres, m, 317 c 8 (acc.
pluL); 318 a 6 (acc. siug.); VII, 344 b 2 (gén. siug.) ; 347 b 3 (nom.
siug.); 347 d 1 (gén. siug.); 347 e 1 (acc. siug.) ; 351 b 1 (acc. plnr.)'.

1 Ousia in de dialogen van Plato. Een terminologisch onderzoek, p. 279.


2 L. BRISSON, Platon. Lettres, p. 198.
3 Cf. H. BERGER, op. cit., p. 12, n. 2.
194 GUY GULDENTOPS

DIALOGUES APOCRYPHES ET DÉFINITIONS

§16. PLATON. TABLEAU RÉCAPITULATIF DES OCCURRENCES.


Éditions de référence OBSERVATIONS
Œuvres complètes. Tome XIII.2 : Dialogues suspects. Texte établi et traduit par
J. SOUILHÉ, Paris, Les Belles Lettres, 1962. André MOTTE
Œuvres complètes. Tome XIII.3 : Dialogues apocryphes. Texte établi et traduit
par J. SOUILHÉ, Paris, Les Belles Lettres, 1962.

EXAMEN SÉMANTIQUE Œuvre Oilata Nombre de mots Fréquence


sens écon, sens ont. Total du dialogue relative en %
_ Dans l'Eryxias «(ou sur la richesse»), ooaia est employé deux fois Hippias min. 0 0 0 4505 0
Alcibiade 0 0 0 11317 0
(393 al; 394 a 9) dans le sens « économique ». Dans les Définitions,
Apologie 0 0 0 8854 0
ce sens se rencontre également deux fois (412 d 3-5), notamment dans Euthyphron 0 1 1 5464 0,018
la définition de la liberté, qui est conçue comme « la prodigalité dans Criton 2 0 2 4329 0,046
l'usage et l'acqnisition /la possession des biens (Èv K~ijaSt oi)(iia~) », Hippias ma}. 0 4 4 8911 0,044
et dans celle de la libéralité, qui consiste en « la dépense et l'acquisi- Lysis 0 0 0 7319 0
Charmide 0 1 1 8410 0,011
tion lIa possession raisonnables des biens (1tp6a6satç Kat K~fiatç
Lachès 0 0 0 8021 0
où"ia~ ruç xpij) ». Protagoras 0 1 1 18077 0,005
Dans les autres passages des Définitions, ooaia signifie l'être ou la Gorgias 1 1 2 27824 0,007
substance: Ménon 0 1 1 10396 0,010
411 a 3 : Dieu est défini comme « uue substance éternelle, la cause de Phédon 0 6 6 22663 0,026
Banquet 0 1 1 17530 0,005
la nature du bien » (nom. sing.). Phèdre 5 4 9 17222 0,052
411 a 5: La génération est définie comme « le mouvement vers l'ooaia Ion 0 0 0 4091 0
(acc. sing.), la participation de l'ollaia (gén. sing.), le passage à Ménéxène 0 0 0 4908 0
l'dvat ». Euthydème 0 0 0 13030 0
414 d 3 : Le nom est « une locution sans liaison servant à désigner tout Cratyle 1 18 191 19201 0,098
République 17 21 38 89359 0,042
ce qui peut être attribué à une substance (wu ~s Ku~à ~fiç où"ia~ Parménide 0 59 59 16434 0,359
KuntyopouftÉvou) et tout ce qni est exprimé pour soi ». Théétète 2 20 22 19201 0,114
415 a 8: L'immortalité est « l'être vivant (où"ia eft'l'uxoç) et la durée Sophiste 0 25 25 17414 0,143
éternelle ». Ici, le mot ollaia signifie l'existence (ou la substance) Politique 1 4 5 18592 0,026
plutôt que « l'essence» (comme le traduit J. Sonilhé). Philèbe 1 13 14 19504 0,071
Timée 1 9 10 24104 0, 041
Critias 0 0 0 5040 0
Lois 28 8 36 106298 0,033
Epinomis 1 0 1 6389 0, 015
Total 60 197 257 544377 0,047

1 Le cl~ssement d'un emplo~ d'oûaia dans le sens économique n'est pas assuré. D'autre
~~,.dans ~mq c~s: l~ mo~ est tr~té par ~lato~ e~ ~t q~e forme linguistique, sans qu'une signi-
canon solt explicltee. Neanmoms, le fmt qu ouata S01t, dans ce contexte mis en rapport avec
'Ba'da suggère qu'il n'est pas sémantiquement neutre. Cf. chap. l, §2, infine et la note 13.
ANDRÉMOTfE
§I6, PLATON. TABLEAU RÉCAPITULATIF 197
196
(cf. §2, C, 1). Comme singulier collectif, il est venu concurrencer deux
OBSERVATIONS
expressions à la signification plus concrète et beàucoup plus précocement
Les observations quantitatives qui suivent prennent en compte les deux usitées: 1à XPTJIlU1U et 1à K1TJIlU1U.
grandes orientations sémantiques d'oùata, mais non les significations Ces deux vocables, et surtout le premier, restent en faveur dans les dia-
particulières que le mot connaît chez Platon dans son acception oritolo- logues platoniciens4 alors qu' oùcrlu dans le sens de «biens de posses-
gique. Pour ces précisions, on voudra bien se reporter aux conc1uslOlls sion» n'y apparaît qu'assez sporadiquement. On relève au total 60 occur-
rences et une fréquence relative assez faible (0,011). Surtout, 18 dialogues
générales de l'ouvrage.
L'enquête a donc porté sur 257 occurrences, présentes dans 20 des ne sont pas concelnés. Dans les Il restant, le maximum enregistré ne
29 dialogues figurant dans le tableau2 • Le total des occlliTences ainsi que dépasse jamais 2 emplois, si ce n'est dans le Phèdre (5 occ.), dans la
leur fréquence relative moyenne (0,047)' sont sans doute des indices révé- République (17 occ.) et dans les Lois (28 occ.). Ces trois dialogues
lateurs de l'importance que prend ce mot dans le vocabulaire platonicien. concentrent donc plus des 4/5 des occurrences. La chose se comprend
Cette importance est cependant toute relative quand on la compare, par aisément pour les deux derniers : pour édifier une cité, si idéale soit-elle,
exemple, à celle du vocabulaire de la forme qui a fait l'objet de notre on ne peut faire l'impasse sur la question des biens privés et des biens
précédente étude: le mot dûoç totalise à lui seul 411 occurr;nces. ~ue publics. Dans le Phèdre, une présence accentuée de cette signification
le mot oùaiu, d'autre part, soit absent de 9 œuvres montre qu il ne s Im- s'explique sans doute par la conception d'un amour très intéressé que
posait pas à tout coup à notre philosophe dans l'expression de sa pensée. prône l'orateur Lysias (1 occ.) et qui déteint sur la réplique que lui donne
Il faut se rappeler ici que la notion d'être trouvait aussi à s'exprimer, Socrate dans son premier discours (3 occ.). Si, comme il est probable, ce
chez lui et déjà chez ses prédécesseurs, par l'emploi substantivé du verbe dialogue est postérieur à la République, on ne compte en tout et pour tout
être à l'infinitif (10 slvat) ainsi qu'au participe (10 ov et 1à onu). dans les 18 œuvres qui ont sans doute précédé celle-ci que 4 emplois
L'examen séparé des deux champs sémantiques fait apparaître des d'oùatu pourvus de cette signification, et dans trois dialogues seulement.
différences notoires dans l'usage que les dialogues font d'oùalu. La suite est en dents de scie, comme on vient de le voir, et ne manifeste
aucune évolution continue.
Sens économique
Sens ontologique
Ce sens, qui est le plus anciennement attesté dans la littérature grecque,
est apparu dans la seconde moitié du V' siècle et a connu, dès le début La situation se présente ici très différemment. Mais rappelons d'abord
du IV', une importante expansion dont témoignent tout particulièrement que cet emploi du mot n'apparaît au plus tôt, et d'une présence très
les œuvres des orateurs attiques (cf. chap. l, §l). Chez les philosophes discrète, que dans le dernier quart du V' siècle (cf. chap. l, §l et 3).
antérieurs à Platon, le sens économique n'est attesté qu'une seule fois, S'il est probable que certains philosophes en ont usé avant Platon,
dans un fragment de Démocrite dont l'authenticité n'est pas assurée les fragments qui subsistent n'en donnent aucune attestation certaine
(cf. chap. I, §2). Chez le disciple de Socrate, en revanche, le sens onto-
2 Rappelons que ces 29 dialogues sont ceux que retient comme authentiques l'édition
logique est fort bien représenté (197 occ. ; fréq. rel. : 0,036), sa fréquence
de Platon parue dans la collection des Universités de France, à l'exclusion donc des lettres étant plus de trois fois supérieure à celle du sens économique. Il n'est
(cf. §15, 1: 8 ace.) et des dialogu~s réputés sU,spe:ts ouapocry~h~~ (cf. §}5,' II: 8 ~~c.).
C'est aussi dans l'ordre chronologlque présume qu adopte cette edItIon qu ils sont presen-
tés dans le tableau. Le choix d'un ordre s'imposait, mais celui qui a été retenu n'implique
4 XPTlIlU est employé plus de 220 fois (dont 9 au singulier) dans 25 des 29 dialogues
pas, évidemment, que les auteurs adhèrent sans réserves à toutes les options prises par
retenus comme authentiques (lace. dans le Phèdre, 45 dans la République et 64 dans les
cette collection. ' Lois). KtTlIlU est attesté 61 fois (dont 32 au pluriel) dans 16 dialogues (lace. dans le
?. .
3 Cette fréquence signifie concrète~ent qu' où?"iu apparaît ~n moyenne n p~u m?ms
Phèdre, 2 dans la République et 32 dans les Lois). OÙcrLU dans le sens économique est donc
d'une fois par deux mille mots, soit enVlfon une fOlS toutes les SIX pages de,l edttlon d Es-
loin d'avoir supplanté chez Platon ces deux mots beaucoup plus anciennement attestés.
tienne. Mais la fréquence varie fortement d'un dialogue à l'autre.
198 ANDRÉ MOTIE

donc pas douteux que c'est à Platon que l'on doit l'essor décisif que va
connaître ce champ sémautique d'où"ta.
Dans les dialogues de jeunesse et dans les trois œuvres que l'on consi-
dère généralement comme formant trausition avec celles de la maturité,
le Protagoras, le Gorgias et le Ménon, le sens ontologique fait nne appa-
rition, assez timide encore (9 occ. dans 6 dialogues), avec un pic notable
dans l'Hippias majeur (4 occ.), scores qui sont cependant nettement
supérieurs à cenx dn sens économique (3 occ., 2 dialognes). Il convient
de remarquer ici que le mot est absent de trois de ces dialogues consa-
crés à la recherche d'une définition, l'Hippias mineur, le Lysis et le
Lachès.
Globalement, les dialogues de la maturité, du Phédon (6 occ.) à la
République (21 occ.), en passant par le Banquet (1 occ.), le Phèdre (40cc.) CHAPITRE III
et le Cratyle (18 occ.), se signalent par un accroissement sensible du sens
ontologique (au total 50 occ.). Cependant, trois dialogues qui sont ici LES EMPLOIS D'OYLIA CHEZ ARISTOTE
classés dans cette catégorie, ne connaissent pas le mot ouata, ce sont
l'Ion, le Ménéxène et l'Euthydème. Cette absence est d'autaut plus sur-
prenante qu'elle s'observe aussi pour le vocabulaire de la forme (elùoç,
iùéa et lloP'l"1)·
Dans la suite, trois dialogues dits « métaphysiques », le Parménide
(59 occ.), le Théétète (20 occ.) et le Sophiste (25) marquent une apogée,
ce qui n'étonne pas. Ces trois œuvres totalisent à elles seules plus de la
moitié des occurrences du corpus, le sommet le plus haut étant atteint par
la première citée, taut en nombre absolu qu'en fréquence relative (0,359).
La signification ontologique d'où"ta se maintient daus les trois dialogues
qui suivent, mais avec une fréquence nettement inférieure: Politique
(4 occ.), Philèbe (13) et Timée (9 occ.). Quant aux trois dernières œuvres,
on peut parler d'une chute verticale, le Critias et l'Épinomis se signalant
par une éclipse quasi complète du mot taudis que les Lois (8 occ.) attei-
gnent une fréquence relative qui compte parmi les plus basses de toute
l'œuvre (0,007).
Au total et s'agissant, en particulier, de ce dernier phénomène, l'évo-
lution en forme de courbe que connaît l'emploi du mot où"ta daus son
acception ontologique est très proche de celle que nous avons pu obser-
ver pour le vocabulaire de la forme'. Ce n'est saus doute pas là un hasard.

5 Cf. ce qui est dit dans Philosophie de laforme ... , p. 260-261, p. 295-296, p. 297 et
p.326-330. .

§1. ORGANON

Denis SERON

Édition de référence
Organon graece, éd. Th. Waitz (Pars priar.' Categoriae, Hermeneutica, Analy-
tica priara; Pars posterior: Analytica posteriora, Tapica), Leipzig, 1844 et
1846, réimpr, Aalen, Scientia Verlag, 1965.

Antres éditions et tradnctions consnltées


Aristotelis opera, éd. I. Bekker, revue par O. Gigon, Berlin, 1960, voL 1.
The O1'ganon. The Categories, On Interpretation, éd. H. P. Cooke, Priar Analy-
tics, éd. H. Tredennick, London-Cambridge Mss., Heinemann and Harvard
University Press, 1955.
Categoriae et Liber de Interpretatione, éd. L. Minio-Paluello, Oxford, Oxford
Classical Texts, 2' éd., 1956.
Catégories, éd. et trad. par R. Bodéüs, Paris, Les Belles Lettres, 2001.
Catégories, éd. et trad. F. lldefonse et 1. Lallot, Paris, Seuil, 2002.
Analytica Prim'a et Posteriora, éd. W. D. Ross, Oxford, Oxford Classical Text,
1964.
Topiea et Sophistici Elenchi, éd. W. D. Ross, Oxford, Oxford Classical Text, 1958.

A, DONNÉES QUANTITATIVES

Catégories 83
De l'interprétation 1
Premiers Analytiques 14
Seconds Analytiques 31
Topiques 35
Réfutations sophistiques 3
Total 167

Le mot OOGlu est donc d'un usage courant dans l'Organon. L'abon-
dance des occurrences du terme dans le traité des Catégories s'expliqne
202 DENIS SERON m.ORGANON 203

aisément par le fait qn 'un chapitre entier y est consacré à la probléma- o1]1céiiv 1coyoe; ~Tjv oùcrtav (Top., V, 2, 130 b 26) et ô 1coyoe; lOtoe;
tique de l'essence, Le chapitre V ne rassemble pas moins de 68 occur- Kal 01]1c01 ,Tjv oùcrtav (Top., VI, 3, 140 a 34 et 36-37). Selon toute
rences sur 83. On notera également l'absence du mot dans le livre II des apparence, elle est synonyme de définition. Aristote l'emploie dès les
Premiers Analytiques et sa quasi-absence dans le De Interpretatione : premières lignes du traité des Catégories, dans ses développements sur
une occurrence seulement. Le tenue est relativement rare: dans les Pre- l'homonymie et la synonymie (l,la 1-12). Deux choses homonymes
miers Analytiques, où les occurrences se concentrent d'ailleurs dans ont un même nom mais deux « fannules de l'essence» différentes; deux
4 chapitres seulement - les chapitres 5, 31, 32 et 38 du livre 1 - sur choses synonymes ont un même nom et une même «formule de l' es-
les 73 que compte le traité. En outre, l'oùcrta y figure toujours à titre sence» (cf. Catég., V, 3 b 7-8). Une importante question est de savoir
d'exemple didactique sauf à deux reprises, en 31, 46 a 36 et en 38, pourquoi Aristote parle, dans le traité des Catégories, de 1coyoe; ~iie;
49 a 36. oùcrtae; et non pas, plus simplement, d'ôptcrlloe;l. Rappelons tout au
moins que la définition, pour Aristote, est avant tout la « définition du
ce-que-c'est et de l'essence» (bptcrIlOe; mG ~t Ècrn Kat oocrtae;, Anal.
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES post., II, 3, 90 b 30-31), et qu'elle permet, comme telle, la «connais-
sance d'une essence déterminée» (oùcrtae; nvoe; yvroptcrlloe;, Anal.
Oùcrta est employé plus fréquemment au singulier dans l'Organon : post., II, 3, 90 b 16]2.
on reucontre en tout 126 singuliers contre 41 pluriels seulement (Catég. :
sing. 47, plur. 36 ; De interpr. : sing. 0, plur. 1 ; Anal. prior. et post. :
sing. 42, plur. 3 ; Top. : sing. 34, plur. 1 ; Soph. elench. : sing. 3, plur. 0). C. ANALYSE SÉMANTIQUE
L'usage du terme d'oùcrta dans les traités logiques présente une
importante diversité sémantique, qui se reflète inévitablement, comme on Nous pouvons faire abstraction ici des passages de l'Organon où
le verra en détail dans la suite, dans certains choix de nature grammati- l'oùcrla est citée comme un exemple de sujet, de prédicat, etc. (Anal.
cale. C'est notamment le cas de l'indéfini ne; (voir infra). prior. l, 5, 27 a 18-20 et b 4-7; 1,32,47 a 24 sv. ; Top., V, 2, 130 b 1 ;
On trouve dans l' Organon quelques expressions assez caractéristiques . 3, 131 a 4; 5, 135 a 17; VI, 2, 139 b 20; 6, 143 a 33; 14, 151 b 1 ;
avec Ka~a et l'accusatif, en particulier Ka~' oùcrtav urrapxetv (Anal. post., VII, 3, 153 b 30 sv.).
II, 13, 97 a 13), Ka~' oùcrtav Kal Ka~à ,0 dooe; urrapxew (Anal. post.,
l, 33, 89 a 20), Ka~à n'Iv oùcrtav àota<popm (Soph. elench., 179 a 38). J D'après Simplicius (In Categ., 29, 16 sv.), Aristote utiliserait la première expression
On remarquera également certaines tournures avec l'accusatif interne, avant tout parce qu'elle serait plus large. La définition, dans la mesure où elle se compose
du genre et de la différence prochaine, est par principe impossible s'agissant des genres
comme g~epov ~Tjv oùcrtav (Anal. post., l, 13,79 a 6-7), ou comme l'ex-
les plus élevés, des «catégories ». Mais, poursuit Simplicius, il n'en est pas ainsi de la
pression curieu~ement redondante arrfJiJe; ~Tjv oùcrtav (Anal. post., II, 2, «fonnule de l'essence» : «Aristote disait "formule" (AOyOV) et non "définition", pour
90 a 10, par opposition à moi lj ~oot). Une autre expression assez remar- inclure aussi la caractérisation descriptive COlv lntoypmptKTjv ànooocnv), qui s'accorde
aux genres les plus élevés comme aux individus. Ceux-ci ne pourraient être saisis par une
quable est me; oùcrta Kannopetcr8m (Anal. post., l, 22, 83 a 39), qui
définition, parce qu'on ne peut ni poser un genre qui ferait fonction de genre pour les
désigne l'attribution du genre ou de la différence et que Tricot tient pour genres les plus élevés, ni les différences des individus, cependant que la description carac-
synonyme de ŒrrfJiJe; Kanl'Yopetcr9at. térise ce qui est propre à l'essence et atteint ceux-ci. C'est pourquoi Aristote ne disait
pas simplement "fonnule du nom", mais "fonnule de l'essence", parce que la fonnule
Une autre expression très significative utilisée dans les traités logiques
descriptive détermine ce qui est propre à l'essence, tandis que la fonnule définitionnelle
est celle de «formule de l'essence» (À.oyoe; ,iie; oùcrtae;). Elle est rare détermine la quiddité de chaque chose, c'est-à-dire l'essence même.» Les catégories, pour
dans l'Organon en dehors du traité des Catégories (Anal. post., II, 13, autant qu'on peut leur faire correspondre une formule de l'essence, pourraient ainsi être
attribuées synonymiquement.
97 a 19). Aristote lui préfère parfois d'autres formules approchantes
2 Mais cf. aussi, apparemment en sens contraire, Anal. post., II, 7, 92 b 38-39 : Qu'tG
comme ô totoe; ~iie; oocrtae; ÉKacrmu À6yoe; (Top., l, 18, 108 b 5), ô 'to 'ti Rcrnv ouS' OplO"~ép OUt' anooGiç€t Ëcrn yvrovat.
204 DENIS SERON §l. ORGANON 205

Pour commencer, rappelons que l'ouata figure en tête de la liste des premlere est ce qui n'est ni (comme les accidents) dans un sujet, ni
catégories au chapitre IV du traité des Catégories, 1 b 25-27 : « Chacune (comme les accidents, les espèces et les genrès) prédiqué d'un sujet.
des expressions sans liaison signifie l'essence, la quantité, la qualité, la C'est en ce sens que, d'après Anal. post., l, 4, 73 b 5 sv., l'essence est
relation, le lieu, le temps, la position, la possession, l'action ou la pas- « par soi » (KaS' auto). On comprend néanmoins ce qui a conduit
sion. Pour le dire d'un mot, l'essence est par exemple: homme, cheval. » Aristote, dans le traité des Catégories, à envisager une deuxième signi-
Cette liste se retrouve à l'identique en Top., l, 9, 103 b 22 sv., à ceci près fication, dérivée et impropre, du terme Ooata, et à qualifier les espèces
que le tt Èan a pris la place de l'ouata. Je donnerai un peu plus loin d'« essences secondes ». Car l'espèce est au genre ce que le substrat
quelques indications sur le rapport entre ces deux notions dans les traités dernier est à tout ce qui l'affecte (2 b 17-19 et 3 a 1-3). De même que le
logiques. Hors de l' Organon, la liste la plus proche est sans doute celle substrat dernier, l'essence au sens premier, se voit attribuer ce qui n'est
de Phys. V, 1, 225 b 5, où figure également l'essence. Naturellement, pas essence au sens premier, de même l'espèce se voit attribuer le genre
cette dimension catégorielle de l'essence dans les traités logiques sou- et le genre se voit attribuer des différences. Les essences secondes sont
lève un grand nombre de problèmes fondamentaux, qui n'ont pas à être alors définies comme étant « les espèces dans lesquelles les essences au
éclaircis ici. Contentons-nous de citer la question, posée par Aristote au sens premier existent, ainsi que les genres de ces espèces » (2 a 14-16).
chapitre VII du traité des Catégories, de savoir s'il faut ou non exclure Ainsi la connotation substractive est toujours présente, semble-t-il, là
toutes les essences de la classe des relatifs (8 a 13 - b 24). où il est question d'essences secondes (cf. en particulier Top., IV, 1,
On sait par ailleurs que l' Organon renferme un long chapitre entière- 120 b 36 sv.). Comme l'affirme expressément Aristote dans les Catégo-
ment consacré à l'essence, à savoir le chapitre V du traité des Catégories ries: «Le fait de ne pas être dans un sujet est commun à toute essence.
(2 a 11 - 4 b 20). J'en rappelle les thèses principales, qui sont bien En effet, l'essence prentière ne se dit pas d'un sujet ni n'est dans un
connues et exposées en tennes clairs par Aristote. sujet. Quant aux esssences secondes, il est clair qu'elles ne sont pas
1) D'abord, le fil conducteur du chapitre entier est l'opposition entre non plus dans un sujet. Car l'homme se dit d'un sujet, à savoir de tel
l'essence au sens le plus propre et l'essence au sens dérivé, entre les homme déterminé (wu nvèç àv8pro1tou), mais il n'est pas dans un sujet
« essences prises au sens premier» (ai 1tprotOlÇ ouatat Àeyo~evat) (l'homme n'est pas dans tel homme déterminé). » (3 a 7-10.)
et les «essences secondes» (oe0tepat ouatat) (2 a Il - 3 a 32). C'est sur cette base qu'Aristote procède à une hiérarchisation - anti-
L'essence «au sens le plus propre, premier et principal» (KuptrotCnû te platonicienne et foncièrement aristotélicienne - des essences. L'essence
Kat 1tprotOlÇ Kat ~ûÀlaw Àeyo~évll), définit Aristote, c'est «ce qui seconde est assurément moins essence' que l'essence première. Mais
ne se dit pas d'un sujet ni n'est dans un sujet» (2 a 11-13)'. L'essence «parmi les essences secondes, l'espèce est plus essence (~àÀÀov ouata)
que le genre» (2 b 7-8). Ce qui n'empêche pas, d'ailleurs, que le genre
est la partie de la définition qui signifie le plus l'essence, voir Top., VI,
3 n ne semble pas y avoir de différence sémantique notable, dans le traité des Catégo-
ries, entre «ce qui est le plus essence» (~âÀtc)'w 060"1a) et «l'esse~ce ,au ,se?s le plus
1, 139 a 29-31 : ~ûÀtata yàp trov Èv tiji opla~iji tè yévoç OOKE! tf]v
propre» (KOplcO'!u-C(l oûata). Ainsi les deux expressions sont employees mdlstmctement tOU oplÇo~évou ouatav all~atVelV.
dans deux passages du traité des Catégories qui sont visiblement des doublons: d'une part La distinction entre essence première et essence seconde joue assu-
Categ., V, 2 b 15-19: «En outre, les essences premières sont dites être ce qm est le plus
1

1.
essence, parce qu'elles sont les substrats de toutes les autres choses, que toutes les autres
rément un rôle fondamental dans la logique aristotélicienne. Parfois,
choses sont prédiquées d'elles ou existent en elles. L'espèce se rapport~ au genr~ de l~ Aristote précise qu'il a en vue l'essence première en recourant à des
même manière que les essences premières aux autres choses. » ('En u'i npro'tUt oùcrtat ota expressions comme f] ouata ÉKûawu (Anal. post., l, 22, 83 b 27) ou
'Co wTç èiÂÂ01Ç anucrtv tJnOlcetcr9at lCUt mlv"CU 'Cà èiÂÂu lCu'Cà 'to(mov lCUT1l'YOpEtcreUt
il av 'tuo'tatç dvat otà wGw !.uIÂtcr'tU oùcriat Â8')'OV'tat' ÔJç 08 ')'E u'i npèiHat oücriat
n:poç "Cà (iÂÂu ËXoucrtv, OÜ'tco KUt 'to d80ç n:poç 'to y8VOÇ EX Et.) Et d'autre part Categ., manière que les essences premières à toutes les autres choses. » ("En a'i rcpro"CUt oùcriut
V, 2 b 37 _ 3 a 3 : «En outre, les essences premières sont dites être des essences au sens otà_ û) 'toTç (iÂÂotç Cinumv tJnoKetcr8àt lCUptO)'tU'tu oùcriut Â8yOV'tUt' cbç 08 yE u'i
le plus propre, parce qu'elles sont les substrats de toutes les autres choses.. Les espèc~s et npCO"CUt oùcriut npèç 'Cà (iÂÂa nuv'tu ÉXouow, OÜ'tco 'Cà dOl1lCui "Cà y8vl1 'téov npoHcov
les genres des essences premières se rapportent à toutes les autres choses de la meme oùmrov npoç 'tà Âot1tà mlv'tu hEt.)
206 DENIS SERON il. ORGANON 207

à l'indéfini nç - la distinction entre a nç av9pro7toç et a av9pro7toç . On l'a dit, Aristote emploie fréquemment le mot oûO'(a, sans autre
répondant très exactement à la différence de l'essence première et de précision, au sens de l'essence première. L'opposition passe alors entre
l'essence seconde. Cf. Anal. prim'., I, 38, 49 a 36 : ~v yàp ~O Ü ov ûiç d'une part l'essence et, d'autre part, les qualités et les relatifs. Mais
(Mou O'l1flelOV OÙO'( aç 4. Mais le mot oùO'(a est aussi souvent utilisé sans l'Organon contient aussi de nombreux passages où l'oùO'(a semble se
autre indication au sens de l'essence première ou, plus rar~ment, au sens confondre purement et simplement avec le ~( eO'tt (par exemple Anal.
de l'essence seconde. Pour l'essence première, voir Anal. post., I, 22, post., II, 13,96 a 34, b 6 et 12 ; Top., VI, 3, 140 a 34 et 36 ; b 5). Ainsi,
83 b 5 et 12, ou Soph. elench., 173 b 5-6. Pour l'essence seconde, voir dans les Seconds Analytiques, Aristote parle indifféremment de «prédi-
par exemple Top., VI, 6, 144 b 31 sv., ainsi que de nombreux passages cats qui signifient l'essence » (~à oùO'(av O'l1fla(vona) (Anal. post., r,
comme Top., VI, 12, 149 b 37-38 (èKUO'1OU yàp ~O pé)"nO'1Ov ~n ev 22,83 a 24 sv.) et de «prédicats contenus dans le ce-que-c'est» (~à ev
OùO'(Ç< flu)"tO'~a). Exceptionnellement, la référence à l'essence seconde ~iji ~( ~O'n K1Hl1yopoÎlfleva) (Anal. post., II, 13, 96 a 22-23). De même,
est rendue manifeste par l'emploi d'un complément au génitif: l'essence en Anal. post., I, 4, 73 a 34 sv., après avoir affirmé que les «prédicats
de telle chose. C'est le cas par exemple en Top., VI, 8, 146 b 3 : 7tav~oç par soi» sont ceux qui « sont dans le ce-que-c'est » (Ü7tUPxet ~ijiev
yàp 10ù 7tpOç n f] oùO'(a, et en Top., VI, 1, 139 a 30 : n'IV 10ù optso- 'ti f;cr'tlV), Aristote se justifie en disant que l'essence, précisément, «se
flévou oùO'(av. compose de ces prédicats par soi et est dans la formule qui dit ce que
Par ailleurs l'expression 7tPÛ)~l1 oùO'(a ne semble pas toujours uni- c'est» (f] yàp oùO'(a aù~&v ÈK 1OÎl~rov ~O'~(, Kat Èv ~iji My!)) ~iji
voque dans l'Organon. Dans le De Interpretatione, 23 a 24, elle désigne )"éyovn ~( eO'nv evu7tuPxet). D'autres tournures utilisées par Aristote
des «actes sans puissance» qu'on identifierait plus volontiers au pre- dans l'Organon, où oùO'(a et ~( eO'H sont employés conjointement,
mier moteur (cf. l'oùO'(a 7tPÛ)~l1 de Metaph., A 7,1072 a 31)5 semblent également plaider en ce sens. Par exemple: "ept oÙO'laç o.7tO-
2) Deuxième caractérisation de l'essence dans le traité des Catégo- oetçtv Kat mù ~( ~O'nv (Anal. prior.,r, 31, 46 a 36-37), n'Iv oùO'(av il
ries: «Il appartient aux essences et aux différences que tout ce qui est ~O ~( eO'nv (Anal. post., II, 7, 92 a 34). En outre, c'est aussi l'oûO'(a et
dit à partir d'elles (0.7t' aù~&v )"éye0'9at) l'est de manière synony- le ~(~v dvat qu'Aristote, dans certains passages de l'Organon, semble
mique. » (3 a 33-34.) tenir pour quasiment synonymes 6 • Ainsi en Anal. post., II, 4, 91 b 8-9, où
3) Ensuite, la question est encore de savoir si l'essence est par défi- . l'expression ~O ~( ~v dvm Kat f] oùO'(a semble redondante (cf. égale-
nition «un ceci» (~ooe n) (3 b 10-23). L'essence première, qui est ment Top., VI, 5,143 a 17-19).
individuelle et numériquement une, est assurément un ceci (cf. Anal. Ce rapport d'étroite proximité entre l'essence et le « ce-que-c'est»
post., I, 4, 73 b 7-8, et Soph. elench., 7, 169 a 35-36: ~iji yàp èvt Kat appelle cependant d'importantes restrictions. Comme Aristote le souligne
~n OùO'(Ç< flu)"tO'~a OOKel 7tapé7teO'Oat ~O ~ooe n Kat ~O DV). Mais au premier livre des Topiques, tout ce-que-c'est n'est pas essence. Quand
ce il' est plus le cas, remarque Aristote, des essences secondes, qui se on dit que telle chose est blanche, on dit également ce qu'elle est. Inver-
rapportent à des multiplicités de substrats individuels. sement, quand on dit ce qu'est une chose, on dit donc tantôt son OûO'(u
Les trois dernières caractérisations ont rapport à la contrariété: 4) et tantôt sa qualité, sa quantité, etc. Cf. Top., I, 9, 103 b 28: «De là, il est
l'essence n'a pas de contraire (3 b 24-32) ; 5) elle n'admet pas le plus évident que ce qui signifie le «ce-que-c'est» (1) ~O ~( eO'n O'l1fla{vroV)
et le moins (3 b 33 - 4 a 9) ; 6) elle se caractérise par le fait qu'elle «est signifie tantôt une essence, tantôt une quantité, tantôt une qualité, tantôt
capable de recevoir les contraires tout en restant même et numériquement une des autres catégories. En effet, quand à la vue d'un homme on dit
une» (4 a 10 - b 19, cf. Categ., VI, 6 a 1 sv.). que ce qu'on a devant soi est un homme ou un animal, on dit ce qu'il est
et on signifie une essence. Mais quand à la vue d'une couleur blanche on

4 Cf. Catégories, éd. et trad. F. lldefonse et J. Lallat, p. 202.


5 Sm- ces problèmes, cf. E. BERTI, «Il concetto di "sostanza prima" ne,llibro Z della '; 6 _Cf. Anal. post., II, 5, où oûaia en 91 b 27 semble bien renvoyer au 'Ci Èan et au 1:i

Metafisica », p. 4-23. T1V dVUl de 91 b 26.


208 DENIS SERON

dit que ce qu'ou a devaut soi est blanc ou couleur, on dit ce que c'est et
cela signifie la qualité. »
§2. PHYSIQUE

D. CONCLUSION Gaëlle FrASSE

Nous avons reconnu au moins trois grandes acceptions du mot OÙUtU


dans l'Organon : l'oùcrla est la quiddité, l'essence première ou l'essence Édition de référence
seconde - c'est-à-dire l'espèce ou le genre. La richesse sémantique dont
témoignent les occurrence d'oùcrtu dans l'Organon est assurément un W. D. Ross, Aristotelis Physica, Oxford, Clarendon Press, 1950.
reflet de l'importance fondamentale du concept d'Oùcrtu dans la logique
aristotélicienne en général. Autres éditions et traductions consultées
Outre la théorie de l'essence exposée dans le traité des Catégories, la Aristotle Physics. Book VIII: D. W. GRAHAM, Translated with a Commentary,
notion d'essence joue encore un rôle détenninant dans un grand nombre Oxford, Clarendon Press, 1999.
de questions polémiques soulevées dans l'Organon. C'est notaunnent le Aristotle's Physics. A Revised Text with Introduction and Commentary:
W. D. Ross, Oxford, Clarendon Press, 1936.
cas des fameuses discussions des Seconds Analytiques, II, 6-7, où Aristote
Aristotle's Physics. Books III and IV: E. HUSSEY, Translated with Notes, Oxford,
se demande si on peut «prouver l'essence» (1T]V oùcrtuV 8S1KVUVat), et Clarendon Press; New York, Oxford University Press, 1983.
comment on le pourrait. C'est aussi le cas de la critique aristotélicienne Aristotle's Physics : H. G. ApOSTLE, Translated with Cornmentaries and Glos-
de la méthode de la division, puisque le tort des défenseurs de la division sary, Bloomington and London, Indiana University Press, 1969.
est précisément de prétendre obtenir par celle-ci une « démonstration de La Physique: introduction de L. COULOUBARITSIS, traduction d'A. STEVENS,
Pmis, J. Vrin, 1999.
l'essence et du "ce-que-c'est" » (Anal. prior., I, 31, 46 a 35-37). On pour- Physics : translated by R. WATERFIELD. With Introduction and Notes by D. BOSTOCK.
rait multiplier les exemples. Très généralement, on peut aller jusqu'à dire Oxford, Oxford University Press, 1996.
que la logique d'Aristote est une logique de l'oùcrtu. Elle l'est au double Physique (I-N) : H. CARTERON, texte et traduction, Paris, Belles Lettres (C.U.F.),
sens où elle est une logique de la prédication, une logique dont le point 1996 (= 1926).
de départ est l'attribution d'une propriété à une essence première, et Physique (V) : H. CARTERON, texte et traduction, Paris, Belles Lettres (C.U.F.),
1986 (= 1931).
où elle suppose cette même secondarisation de l'accident qui détermine
Physique: P. PELLEGRIN, traduction et présentation, Paris, GF Flammarion, 2002
probablement la philosophie aristotélicienne dans son ensemble. (= 2000).
The Physics : Ph. H. WICKSTEED - F. M. CORNFORD, texte et traduction, London,
Heinemann (Loeb Classical Library). 2 vol., 1929-34.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

Livre Occurrences
Livre 1 28
Livre TI 6
Livre ID 10
Livre IV 4
------------------------q

210 GAËLLE FIASSE §2. PHYSIQUE 211

Livre Occunences b) Champs lexicaux


Livre V 10 Nous citons les termes les plus importants qui permettront à Aristote
Livre VI pas d'occurrence de distinguer l' oùata ou de la qualifier:
Livre VII 2
Livre vru 5 al KanlYOptat
Livre VII (textus alter) 1 Tout au long du traité, oùata se rencontre en tête de file des autres
Total 66 prédicarnents. Les catégories les plus souvent nommées sont la quantité,
la qualité, le lieu; mais on trouve également la relation, le temps, l'ac-
tion et la passion. Nous citons quelques exemples:
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES - nO'8pov ov"iav ,à miv,,, il nOGà il n01li (physique, l, 2, 185 a 22-23).
- el ).lÈv yàp CG1Ut Kat ov"ia Kai nOlov Kai noaov (Physique, 1,2, 185 a 27).
a) Répartition des occurrences - ).l8,a~a),,),,81 yàp li8i '0 ).l8,a~a)"),,ov il K(n' ov"iav lj Ka,à noaov il
Ka,à nOlov lj Ka,à ,onov (Physique, ru, l, 200 b 32-34).
Dans la Physique, les occurreuces d'oùata sont loin d'être toujours - st oOv at KUtllyoptm <hUPllVtat oùuiÇt Kat rtot6ttrn Kat tcp 1tOÙ Kat t0
isolées. Le livre 1 s'avère particulièrement précieux, puisqu'il contient nota K~i tcp np6ç 'Cl Kat '"Ccp n:ocnp Kat '"Cet) 1tOlEÏV Tlnu<JXB1v, àvétYKll
'p8tS 81VUt KlViJa81ç [ ... ] (Physique, V, 1,225 b 6-9).
trois développements où le mot oùata apparaît respectivement Il fois,
- Éan yàp KivTJG1S Kai ySV81 Kai 81081 Kui liplS).lq, fl ulniJ, ySV81 ).lÈV
9 fois et 6 fois. fl1fiç aÔ'fis Ka'TJyopiaS, oloV ov"ias il n010'TJ'OS (Physique, VII, l,
Le premier lieu où l'argumentation se concentre autour d' oùaia 242 a 34-35).
concerne les catégories. Aristote analyse la polysémie de ce qui est.
oùata et urrOKStflSVOV (le substrat)
L'être est dit de façons multiples (rroÂ.Â.axmç Â.Éys,at ,6 ov 1). Ce
- miv,a yàp KaS' ÔnoK81~sVOU lcSY8'Ut 'fis ov"iaç (Physique, l, 2, 185 a 32).
texte-clé se trouve en Physique, l, 185 a 23-185 b 4. Le Stagirite - oû8evoç yàp Op&~EV '"Crev ovtmv oùulav tdvav-rla, 'tllV 0' àpXllv où
se tournera ensuite vers la multiplicité de l'un (,6 §v rroÂ.Â.axmç KaS' Ô1tOK81).lSVOU od )"syeaSai nvoS (Physique, l, 6, 189 a 29).
Â.Éys,at). - Kat yàp nocrèv Kat TtOlOV Kat npèç Ë'tEpOV Kat nO'tf; Kat n:où ytyVB'tat
Le deuxième lieu où Aristote noue son argumentation autour d' oùata 1JrcOK!::tJ.!8VOU nvèç otà '"Co IlOVllV 'ttlV oùalav Jl118svOÇ Km;' aÀÂou
concerne la définition du devenir et du substrat des contraires (Physique, ÀÉyea9m lJrcOKBtJ.!8VOU, tà 0' aÀÀa nâvta KŒtÙ 'tflç oùataç (Physique,
1,7, 190 a 34-bl).
1,2, 185 a 23-185 b 4). - rcon:pov of; olmia 1:0 stooç ft tO unOKstilEvOV. OÜrcffi ûiiÂov (Physique,
Enfin, toujours au livre l, oùata est utilisé par Aristote pour expli- J, 7, 191 a 19).
quer les multiples sens du devenir (rroÂ.Â.axmç 88 hYOflÉVOU wu - Kat Bernv navra taûta oùmu' lJnOKtl).tEVOV yap n, Kat èv Ûn:OKBtJ.!8Vefl
ytyvsa8at2). smiv fJ <puaIS li8i (Physique, II, l, 192 b 33).
- BtTCSp oùO'ia '"Co UTCBtpOV Kat )li] KaS' ûnOKEtJl8VOU (Physique, III, 5,
Les livres Il, III, V, et VIII contienneut aussi des occurrences regrou-
204 a 23-24).
pées : au livre Il, chapitre 3, on retrouve 5 occurrences à propos de la
substance de l'infiui. Le livre V est particulièrement riche. Aristote se ouata et Ka,ù aUfl~S~TJK6ç (par accident)
demande s'il y a un mouvement propre à la substance. Cette discussion - ).ll'] Ka1à aU).l~8~TJKOS li),,),,' 8Kaawv Il )"éY8'Ul Ka,ù ,l']v ov"iav
(Physique, l, 7, 190 b 19).
continuera au livre VIII.
- En oÈ n01spms Éanv, n018pov ms ov"iu lj ms aU).l~8~TJKOS KaS' aô,o
<pua81 nvi ; il Oô08,spms [ .. . ](Physique, III, 4, 203 b 32-34).
- el yàp ).liJ'8 ).lSy8Sos Banv ).lij'8 nkfjSos, li)")'" ovoia aÔ'o san ,0 ün81-
pov Kai ).li] aU).l~8~TJKOS, ô'OtaipEWv Éa,Ut (Physique, ru, 5, 204 a 9-11).
1 Physique, 1, 2, 185 a 21. - OÔX ms aU).l~8~TJKOS nVl ",spep li)")'" ov"iav uÔ'o OV '0 Ün8tpOV
2 Physique, 1, 7, 190 a 31. (Physique, III, 4, 203 a 5).
212 GAËLLE FIASSE 12. PHYSIQUE 213

oùata et unÀroç On retrouve éj;alement le fait d'être un par l'oùata :


oü'tcoç, 6.nt,Jnç oÈ )lia KivllcrtÇ ft 'tu
- yÉVSl J.lÈv OÙV Kat 81081 KtVll<Jtç ,..tia
Le Stagidte établit souvent un contraste entre ce qui est dit unÀroç, ou où"i\, l'la Kui 'ili ùpt6f!ili' (Physique, V, 4, 227 b 21).
relativement à l' oùcria :
oùx â"Àioç, &Hà ,0 "poç ",\v I:KacHou où"i"v (Physique, Il, 1, 198 b 7-
e) Les où"iat
9).
Bien qu' oùata soit la plupart du temps au singulier, un nominatif
Lorsqu'Adstote analyse la génération, il indique qu'on peut passer du
pluriel et deux génitifs pludels sont attestés:
non-étant au sens absolu à l' oùcria :
ft 8' 8K 'ou 1'1'\ ov,oç â"Àrnç slç où"i"v (Physique, V, 1,225 a 15-16). - Kai at oûtriat Kai ocra [aÀÀu] unÀooç oV'tu èç 6nOKEt)lÉVOU nvàç yiyvE'tat
(Physi~ue, I, 7, 190 b 1).
À l'inverse, unÀroç qualifie aussi l'oùata : - nrnç ouv !lK 1'1'\ oùcnrov oùc;'a av "'11 (Physique, I, 6, 189 a 33).
a"Àrnç 81; ylyv8O"Oat ,rov où"unv f!6vov (Physique, l, 7, 190 a 33). - "oÀÀuxrnç il8 À"YOf!Évou,où y'yv"c;6at, Kai ,rnv !l8V où Y'yvw6at ùÀÀà
t68" Tt y'yvw6at, â"Àrnç 88 y'yvw6at Trnv OÙ"trov f!DVOV (Physique, I,
oùata et X(j)ptG~6v (ce qui est séparé) 7, 190 a 31-33).
où9Èv yàp trov aÀÂ,cüv xcoptcrt6v Ècr'tt nupà tfIv oÙGlav (Physique, l, 2,
185 a 32).

oùa(a et {)ÀYj C. ANALYSE SÉMANTIQUE


"poç ,rnv aÀÀrov Tt ,rnv I:X6nrov f!0PCjl1'\v [ft 15À11 Kai] ,0 Ilf!OPCjlOV "X St
"piv Àapsiv '1'\v f!OPCjlijv, o15,roç a15nl"poç où"i"v "XEt Kai ~o ,68" Tt
Kai ,0 ov (Physique, I, 7, 191 a 11). Dans la nouvelle traduction de La Physique aux éditions Vdn, Annick
Stevens a choisi de traduire systématiquement3 le terme oùa(a par le
oùa(a et elooç _ _. mot « étance » afin de rappeler le radical du verbe être. Toutefois, il nous
no'tEpov of: o\mia 'Co Eiooç il tO ÛnOKEL,. leVOV, o15rcco 01lÀov (Physlque, l,
paraît important de rappeler la distinction précieuse qu'elle souligne à
7, 191 a 19).
propos de la polysémie d'oùa(a. L'oùa(a peut signifier «tantôt la pre-
mière catégorie d'étants (ou la substance), tantôt la première catégo-
c) Parallélismes
rie de prédicats (ou l'essence), tantôt l'être d'une chose, tantôt enfin
On notera également la présence de la même phrase mentionnant que une réalité en général »4. Il nous a donc paru opportun de traduire oùata
la substance est un certain genre: par un terme spécifique et nous n'avons pas opté pour le néologisme
- ft il' OÙ"."
ev Tt yÉvoç (Physique, I, 2,189 a 14). « étance ». On remarquera qu'elle adopte également cette méthode
_ ft yàp OÙ"."
ev Tt yÉvoç !lcHi 'où ovwç (Physique, I, 2, 189 b 23-
dans son étude de la Métaphysique. Toutefois, comme sa traduction
24).
s'avère très souvent fort utile, nous nous sommes permis de l'utiliser.
Quelques structures parallèles: Lorsqu'une citation provient de la traduction d'A. Stevens, il importe
_ ,à il' aHa "ana K",à tTiç où","ç (Physique, I, 7, 190 b 1). donc de garder à l'esprit que nous ne l'engageons pas dans notre tra-
_ 1'1'\ Ka,à GUf!PSPYjKOÇ &ÀÀ' eKaCHOV a Hys'at K"tà n,\v où"i"v (Phy-
duction d'oùa(a', puisque nous lui donnons une signification spécifique.
sique, I, 7,190 b 19).
Pour certaines occurrences, nous faisons aussi référence à l'ancienne
d) Les qnalificatifs d'où"("
3 Une exception à cette règle apparaît dans la traduction de Physique, VII, textus alter,
On soulignera la mise en contraste entre « substance» et « une seule 4,242 b 4-8.
substance» : 4 La Physique, p. 70, note 4.
_ notepov oÙGiav 'tà n:avta l1nocrà t1noul, KUt nuÀtv n:OtSpov ovcrtav 5 C'est pour cette raison que nous indiquons qu'il s'agit d'une traduction d'après
f!lav ,à "avta (Physique, I, 2, 185 a 22-24). . Annick Stevens.
...

214 GAËLLE FIASSE ,2. PHYSIQUE 215

traduction d'H, Carteron, ainsi qu'à la traduction très intéressante de «Donc si, d'une part, l'étant est à la fois substance et quantité, il est deux
P, Pellegrin, contemporaine de celle d'A Stevens. et non pas un; si, d'autre part, il n'est que substance, il n'est pas infini,
et il n'aura aucune grandeur, car s'il en avait une il serait une certaine
Nous avons choisi de mettre en lumière les significations d'oùaiu quantité" (trad. P. Pellegrin).
selon leur ordre d'apparition dans le texte pour souligner à quel point
Aristote se sert de cette notion à propos de réalités très diverses : b) La substance, le substrat et les contraires (Physique, I, 6,189 a 14
le substrat, la nature, le feu, la terre, l'eau, l'infini, le mouvement, le à 189 b 23)
lieu, la ligne, le nombre. Ce cboix nous paraît d'autant plus important
qu'Aristote utilise parfois le mot OOGlU pour rappeler la position de ses À côté des deux principes du devenir que sont les contraires, Aris-
prédécesseurs, même s'il prend soin ensuite d'en donner une significa- tote va poser un autre principe, capable d'expliquer la permanence de
tion plus précise. Le contexte s'avère nécessaire. la réalité mue, à savoir le substrat (01tOKStJ.lSVov). Il ne faudrait pas
mésestimer l'enjeu d'une telle recherche pour ce traité de philosophie de
a) La substance comme le premier sens de l'être la nature. Aristote, face à Anaxagore, a refusé de multiplier à l'infini les
principes de la nature. Les réalités physiques sont déterminées, connais-
Dans le long extrait (Physique, I, 2, 185 a 23-185 b 4), le débat sables et complexes.
se concentre sur le statut de l'ooGlu par rapport aux autres catégories. C'est donc au cœur de cette argumentation qu'oùGta apparaît à plu-
Par exemple, Aristote va se demander d'où vient l'unité des choses et sieurs reprises. Il incombe de le traduire de façon semblable à la rubrique
s'il y a une seule substance. Il va aussi s'interroger sur le lien existant précédente qui concernait les sens multiples de l'être (tO av). En effet,
entre l'étant et la quantité, et ensuite entre la substance et la quantité. Aristote affirme que la substance est un seul genre (Ev n yÉvoç), et il
Aristote refuse de réduire les réalités à un monisme quantitatif ou qua- sera précisé ensuite qu'elle est un seul genre de l'étant (tOO avwç).
litatif. De 185 a 23 à 185 b 5, on trouve 10 occurrences d'ooGlu qui Pour appuyer la nécessité de poser des contraires premiers et un
peuvent toutes être traduites par substance. substrat, Aristote va montrer que la substance ne pourrait à elle seule
«Mais le point de départ le plus approprié de tous, c'est de voir, puisque expliquer cette complexité:
l'étant se dit de plusieurs manières, ce que veulent dire ceux qui disent que
toutes les choses sont une: est-ce qu'ils veulent dire que toutes les choses sont où8avoç yàp ÔpOOIlEV nov DV'troV oÙO'lav 'tâvav'tla (Physique, l, 6,
substance, ou des quantités, des qualités, et, nouvelle question, est~ce que
189 a 29).
toutes choses sont une substance unique, comme l'est un homme unique, ou «Nous voyons que les contraires ne sont la substance d'aucun des étants»
un cheval unique, ou une âme unique, ou sont-elles une qualité unique, comme (trad. P. Pellegrin).
l'est blanc ou chaud ou l'une des choses de cette sorte? Toutes ces thèses, en
effet, diffèrent beaucoup entre elles et sont impossibles à soutenir. s'tt OOK sivai l:pa~8v ooO'iav Èvav'tiav oùO'i~· nooç of)v èK ,.ul OÙO'lroV
En effet, d'un côté, s'il y a substance, qualité et quantité, qu'elles existent oÙO'la av a'(11 ; l1nooç av npo'tspov Ili) oÙO'la oÙO'laç S'(11 ; (Physique, l,
séparément les unes des autres ou non, les étants sont multiples. Mais, d'un
6, 189 a 32-34).
autre côté, si toutes choses sont soit qualité soit quantité, que la substance «De plus, nous disons qu'il n'y a pas de substance contraire à une substance.
existe ou n'existe pas, c'est étrange, s'il faut appeler étrange l'impossible. En Comment donc une substance pourrait-elle procéder de choses qui ne sont
effet, rien d'autre n'est séparé que la substance; car tout se dit d'un substrat pas des substances? ou comment ce qui n'est pas substance pourrait-il être
qui est la substance" (Physique, l, 2, 185 a 20-32, trad. P. Pellegrin). antérieur à une substance? » (trad. P. Pellegrin).

Aristote rappelle la position de Mélissos qui affirme que l'étant est


c) La substance et les autres catégories face aux différents sens du
infini. La substance ne peut être infinie que par accident. devenir (Physique, I, 7,190 a 33-191 a 19)
8i ~Èv 'tolVUV Kat o\mla sa'tt Kat 1toaôv, OUO Kat oox Ëv 'tD DV' 8i 0'
oÙO'la 1l0VOV, OÙK U1t8tpOV, oOoÈ IlÉy890ç Ëçat oùoév' noaDv yup 'tt Aristote analyse les différentes significations du devenir. Il montre que
"",ut (Physique, l, 2, 185 b 3-5). la substance a un statut particulier par rapport aux autres catégories.
L"_,_",,

216 GAËLLE FIASSE §2. PHYSIQUE 217

thtÀ&ç 8i: yiyvecrSat ,&v où",é1>v flOVOV (Physique, 1, 7, 190 a 33). npoç ,&v aÀÀmv n ,&v Èxovmv flOPtpijv [fi ÜÀTJ KUl] '0 afloptpov "XEl
nptv Àa~EtV 'ttlV j.lOPCPtlV, ou'tooç aUtll1tPOÇ oùulav BXBt Kat tO t08E tt
«Les substances seulement sont dites advenir absolument» (trad. d'après
Kat '0 av (Physique, I, 7, 191 a 11).
A. Stevens).
«De la même façon que se situe [... ] la matière et l'infonne, avant d'avoir
Kat l'àp 1tocrov Kat 1totOV Kat 1tpoç Ëtepov Kat 1tOtf: Kat 1tot:> l'il'vetat reçu sa forme, par rapport à des autres choses qui possèdent une forme,
01tOKel)lÉvou nvoç (>Là tO j.lOVllV 'tllV oùalav j.lllSeVOç Kat' aÀÀou ainsi se situe cette nature par rapport à la substance, à la chose détenninée
ÀÉyEcrSat ùnoKElflévou, 'ù 8' aÀÀu nav,u Kmù ,ijç où"ia, (Physique, 1, et à l'étant" (trad. d'après A. Stevens).
7,190 a 34-190 b 1).
Mais Aristote ne précise pas encore si la substance est la forme ou le
« quantité, qualité, relation, temps et lieu adviennent comme appartenant
à un substrat, du fait que seule la substance ne se dit attribuée à aucun autre substrat.
sujet, mais que tout le reste se dit attribué à la substance» (trad. d'après 1tOtEpOV.st o\)O'ia 'to dooç 11'tO lmOKElj.lEVOV, oünoo ÛllÀOV (Physique,
A. Stevens). I, 7, 191 a 19).
« Mais la question de savoir si c'est la forme ou le substrat qui est sub-
Au sein de son enquête sur les différentes façons d'envisager le deve-
stance n'est pas encore claire)} (trad. P. Pel1egrin),
nir, Aristote s'interroge sur la génération substantielle. Nous préférons
traduire ici oùaia par « réalité». Le disciple dissident de Platon va ensuite refuser l'assimilation entre
la matière et la privation, entre la puissance et le non-être. Il va de cette
[ ... ] KtÜ at où"i", Kat ocra [aÀÀa] IJ.1tÀ&ç av,a È~ Ù1tOKElflévou nvoç
yiYVE'at (Physique, 1, 7,190 b 1). manière décrire la matière comme une certaine substance,
« même les réalités et toutes les autres choses qui sont absolument advien- flj.leiç j.lÈv yàp üÀT\V Kat cr'tÉpllcr1V Ë'tEp6v cpUj.lEV sivat Kat 'tou'toov 'to
nent à partir d'un substrat» (trad. d'après A. Stevens). fli:v OÔK av dvat Ka,à crUfl~E~TJK6ç, ,ijv üÀTJV, ,ijv 8i: tnépTJcrty KaS'
aùnlv, Kat 'ijv fli:v ÈyyôS Kal où"iav nms, ,ijv üÀTJV, n'Iv 8i: oü8afl&ç'
üocria est ainsi étndiée en corrélation avec le substrat (unoKeifl8vOV) (Physique, I, 7, 192 a 6).
et la forme (floPtpij). « Nous, en effet, nous disons que la matière et la privation sont différentes,
et que 1'une, la matière, est non-étant par accident alors que la privation
(j)avEpov of)v ruç, Eï1tEp Eicrtv aittat Kat dpxat trov cpucret ovnov, È~ l'est en soi, et que l'une, la matière, est d'une certaine manière presque une
cbv 1tpmtoov Eicrt Kat l'EI'Ovacrt j.lll Katà crU)l~E~llK~Ç ùÀÀ' ËK;rcrtOV ~ substance, alors que la privation ne l'est pas du tout» (trad. P. Pel1eglin).
ÀÉI'Etat Katà tllV o\)aiav, on l'tl'VEtat nuv BK 'tE 'tOU onoKetj.lEVOU Kat
'fiç flOPtpijÇ' (Physique, 1, 7, 190 b 19).
d) où"ia et tpU<it~
« Donc, s'il y a, pour les choses naturel1e~, des causes et des principes,
éléments premiers dont elles tiennent l'être et avec quoi elles ont été engen- Au livre II de la Physique, nous retrouvons bien évidemment la défi-
drées, et cela non par accident, mais chacune selon ce qu'elles sont définies nition de la tpucrtç. Il est de nouveau question du sujet (U7tOKetJl8VOV).
substantiellement6 , on voit que les éléments de toute génération sont le sujet
et la fonne» (trad. H. Carteron). Kat ecrnv mlvta 'tauta 0\)0'10;' U1tOKEij.lEVOV yâp n, Kat ev Û1tOKElj.lÉVCP
~mlv fi tpucnç dEi. (Physique, II, 1, 192 b 33).
Ensuite, Aristote va analyser la nature-substrat (U7tOKetflÉV'1 tplÎcrtç). « Et toutes ces réalités sont substance, car toujours la nature est un certain
Il va montrer qu'elle ne peut être saisie que par induction. Il nous cite sujet et réside dans un sujet» (trad. pers,).
plusieurs exemples qui permettent de distinguer la substance (oocria) de
Aristote va analyser les positions de ses prédécesseurs à propos de la
la matière (IlÀ'1). natnre. Lors de cette topique succincte, il assimile la nature (tpucrtç) à la
substance des étants par nature (Yi oocria ~&v tplÎcr8t OV'tillV). L'enjeu du
débat se sitne autour de la natnre en tant que matière, substrat premier ou
6 p, Pellegrin traduit KU'tÙ tTjv oùcrlav «selon son essence ». Contrairement à ~otre
en tant que forme informant la matière (JlOptpij) ou en tant que forme
interprétation, il n'y voit pas une référence à la différence entre changement ~ubstantlel et
accidentel.
intelligible (dcoç).
....

218 GAËLLE FIASSE §2. PHYSIQUE 219

Il cite ainsi la position d'Antiphon : Et il continue à introduire la suite de ses recherches :


OOKEl 8' li cpucnç Kat ft oùaîa trov <pUcrEl OV'trov ÈVlotÇ EÎvUl 'tO rcPPl'WV Ka~ ~,i ~ÉÀ~8~ -;'001 ~cr~cr~m ~m0'1t8P ÈK -cmv npOta~8cov ta cru~nÉpacrJ.!a),
èvumlPXov ÉKucmp (Physique, II, 1, 193 a 9-11). Km ~tt, tou: YI': tO t~ llV 8LV~lt, Kat ot6n ~ÉÎv nov OÜtCOç, OÙX ét1tÀmç,
« li semble à certains que la nature et la substance des étants qui sont par à'!c1-a w 1tpOç 'l1v 8KU"WU ou"iuv (Physique, II, l, 198 b 7-9).
nature est ce qui appartient en premier à chaque chose [ ... ] » (trad. d'après «~t s'il f~ut que ~elle-ci soit, (de mêlJle que la conclusion vient des pré-
A. Stevens). ~sses),. c ~st aUSSI parce que c'était cela sa quiddité et parce que c'était
mIeux amsl, non pas absolument mais relativement à la substance de chaque
[ ... ] 'ô ).lÈv Ka,à "U).lBeBllKÔÇ (mupxov, ,ijv Kmà VO).lOV ot6.9W1V chose» (trad. d'après A. Stevens).
Kat tTJV teXVllV, tllV ü'oùa"iav oÔcrav BKELVT\V ft Kat OtŒ/.lI3VEl taùta
1tu"xou"a "UVeXmÇ (Physique, II, l, 193 a 14-17). Dans cet extrait, on soulignera la distinction intéressante entre t11tÀroç et
«On a, d'une part, ce qui appartient par accident, la disposition conven- ce qui est relatif à la substance de chaque chose (~ô 1tpOç ,ijv éK6.rrwu
tionnelle et l'art, d'autre part, cette substance qui subsiste en subissant un oü"iav).
processus continuellement» (trad. d'après A. Stevens).

st oÈ Kat 'tou'tCùV ËKUcr'tOV 7tpOç Ë'tsp6v n 'WÙtO 10131:0 1tÉ1tovEhw (orOY e) où"iu et le mouvement
6 ).lÈv Xa1-KÔÇ Kat 6 Xpu"ôç 1tpÔç üorop, ,à 0' ô",a Kat ;u1-a 1tpÔç yiiv,
o'lOlmç oÈ Kat tillv üÂ.Â,mv Otwuv), BKEÎVO 'tllV cpucrtV dvat Kat tflv
Au livre III où Aristote s'adonne à l'analyse du mouvement, oorria
où"iuv u(nmv (Physique, II, l, 193 a 17-21). apparaît en premier lieu lorsqu'il s'agit de préciser qu'un changement
« Mais si chacune de ces réalités subit la même chose par rapport à quelque
peut être substantiel, quantitatif, qualitatif ou local.
chose d'autre (par exemple l'airain et l'or par rapport à l'eau, les os et le OUK li,,", i5È K(VllatÇ 1tupà ,à 1tp6.y).lU'u· ).le'UB6.1-1-el yàp àet 'ô
bois par rapport à la telTe, et de même pour n'importe laquelle des autres ~81"apaÀÀov il
KŒt'OÙ(J'lUV il KU1"à 1tocrav 11 KŒ1"à 1totav il KŒ1"à 1"6nov
réalités de ce genre), c'est cette dernière chose qui est leur nature et leur (Physique, III, 1,200 b 32-34).
substance » (trad. P. Pellegrin).
« D'autre p.art, il n'est pas de mouvement hors des choses, car ce qui change
Ensuite, Aristote va rappeler que ses devanciers considéraient que la change toujours selon la substance, la quantité, la qualité ou le lieu» (trad
d'après A. Stevens). .
nature des étants était le feu, la terre, l'air ou l'eau, ou bien encore cer-
tains de ces éléments ou tous ceux-là.
1) L'iufiui n'est pas une où"ia
ô yap nç ctûtmv ûnsÀapE totoUtOV, BÏ'ta Ëv ELta nÂ,ELro, 1"OUtO Kat
tocrauta crllcnv dvat 'tytv unucruv oùatav, tà oÈ aÀÀa navta nue" Après avoir analysé le mouvement, Aristote se penche sur la question
wu,rov Kut e;elÇ Kut ota9é"etç (Physique, II, 1, 193 a 23-26). de l'infini. Fidèle à sa méthode, il commence par rappeler les positions
« En effet, ce que chacun d'entre eux a conçu comme tel, que cela soit de ses prédécesseurs.
un ou multiple, il dit que cela ou ceux~là sont la substance tout entière et
01 ).lév,. ro"1tep 01 I1u9uyopetot Kut I1'!cUTroV, KUS' aû,o, oùx dlç "U).l-
que toutes les autres choses en sont des propriétés, des états acquis et des BeBll KO Ç ",Vt É,épcp à1-'!c' où.nuv ui'nô ilv 'ô ii1tetpOV (Physique III 4
dispositions naturelles» (trad. d'après A. Stevens). 203 a 5). ' , ,

Dans la suite du livre II, après avoir distingué la nature-forme et la « Pour les uns, ,comme les Pythagoriciens et Platon, l'infini est par soi, non
nature-matière et après avoir rappelé la nécessité philosophique de comme un aCCIdent d'autre chose, mais étant lui-même une substance »
(trad. d'après A. Stevens).
chercher les quatre causes, Aristote va traiter de la nature à partir de la
cause finale. Il va donc se demander s'il existe une grandeur sensible infinie
Aristote déclare qu'il faut analyser pourquoi telle chose advient néces- ().lÉYë6oç U!rr6ll""V a1tëtpov)".
sairement de telle autre chose, et ce « absolument ou dans la plupart des
cas » (t11tÀroç iî S1tt '0 1toÀ\). 7 Physique, III, 4, 204 a 1-2,
220 GAËLLE FIASSE §2. PHYSIQUE 221

Cette interrogation sur le statut de l'infini continue: « P~ conséquen~; il. s~ révèle absurde d'en parler comme les Pythagoriciens,
car lis font de 1 infml une substance et en même temps ils le morcèlent»
Ën 8i: n01i:pruç Ë(n,v, nôt8pOV <Î>ç OÙ"',,il <Î>ç crU).l~8~llKàç KitB' a(nà (trad. d'après A. Stevens). .
il OÔ88ti:pruÇ [" ,](Physique, III, 4, 203 b 32-34). "
'IlI)cr8t ttvi ;
« De plus de quelle manière existe-t-il ? Comme une substance ou comme &O':E 1:0 a~Etp~v< o~ oEi ,lvaJ-l~âvE~V ~ç 1:00~ tt, o50v av8pro1tov 11
OlKt':V, à'lc'lc <Î>ç 1l1l).l8PU À8y8tat Kat 6 ayrov, o!ç tà ElVat OÔx <Î>ç où<ria
un accident par soi pour une certaine nature? ou alors d' aucQue de ces deux
;tç Y8YOV8~,.. àn' àd èv y8Vi:cr8t il <p90p(i, n8n8pacr).li:vov, àÀÀ' dei y8
manières» (trad. d'après A. Stevens).
8t8pOV Kat 8t8pOV' (Physique, III, 5, 206 a 29-34).
Aristote va montrer qu'il est impossible qu'un infini existe séparé des « Par conséquent, il ne faut pas considérer l'infini comme une chose déter-
réalités sensibles, à savoir un infini par soi, de même qu'il est impossible ~rrinée, par exemple un homme ou une maison, mais comme on parle du
JOur et de la compétition, dont l'être n'est pas advenu comme une substance
qu'existe en acte un corps infini. Il n'existe qu'un infini en puissance qui
~ét~r~iné~, ma~s est ~oujours en génération et en périssement, et certes
ne sera jamais une réalité en acte. limIte, maIS toujours différent» (trad. d'après A. Stevens).
«Mais que l'infini soit séparé des choses sensibles, étant une sorte d'infini
Aristote va montrer qu'il ne peut y avoir un corps sensible infini
en soi, ce n'est pas possible.
en acte. Il reprend pour la critiquer la conception particulière de ses
8l yàp ).litt8 ).li:Y896ç ècrnv ).littc nÀii90ç, àn' OÙ"',,
aôtô èmt tà prédécesseurs de l'infini comme substance, comme par exemple,
an8tpOV Kat ).lit crU).l~8~llKÔÇ, Mwip8toV Ëcrtat (tà yàp 8WtP8tàv il
l'air.
).li:y800Ç Ëmat il nÀii90ç)' (Physique, III, 5, 204 a 9-12).
«En effet, si l'infini en soi n'est ni une grandeur, ni une pluralité, mais une &~O'1:E 08 -;-nav1:o,ç 61tEPP~ÀlvEtv K,a1:à n)v 1tP?O'~EO'tv, OÙoÈ: OUVéqiEt
substance et non un accident, il sera indivisible (car le divisible serait soit ?,toV 1:E EtV~!, E'lnEp Jlll EO'n Kœr.a O'UJl~EPllKoÇ EV1:8ÀEXëÎ(l a7tEtpoV,
une grandeur soit une pluralité) " (trad. P. Pellegrin). ~~mE'p ~aO't v 01 cpucr:olv6y~t 1:0 ëçro ~&J-la 'roi) KOcrJ-lOU, of) li oÙGla 11
~~ 11 uÀÀo n totoUtOV, Un8tpOV 8lvat (Physique, III, 5, 206 b 20-
cpavEpov 08 Kat ott OÙK ~VOéXE1:m stva! 1:0 a7tElpOV (bç BW:pyEiÇt DV
Kat mç oùGlav Kat dPXYiv' ë(Hm yàp Ô1:toUV aÙ1:oû a7tE!pOV 1:0 Àall-
~avoIlEvov, Et W:plO'1:0V (1:0 yùp Ct7tStPQ1 stvm Kat a7tEtpOV 1:0 aù'ro, «Par conséquent, dépasser tout par l'~ddition n'est pas même possible en
puissan~e, puisqu'il~ n'ya pas d'infini en entéléchie par accident, comme
817tEp oùata 1:0 a7tElpOV Kat 1111 KaS' U7tOKElllé-you), &0'1:' il Ctolaips1:ov
il Eiç a7t81pa OtatPE1:0V' 7toÀÀù 0' a7tElpa ëÎval 1:0 aÙ1:0 CtOOva1:0V les physlOlogues pretendent que le corps extérieur au monde dont la sub-
(dÀÀà ).li)v rocrn8p di:poç ài)p ).li:poç, ODtffi Kat an8tpOV ànEipou, 8t y8 stance est l'air ou autre chose de cette sorte, est infini» Ùrad. d'après
A. Stevens).
OÙ"',, ècrtt KUt àpxit)· (Physique, III, 5, 204 a 20-27).
« Il est manifeste aussi que l'infini ne peut exister comme un étant en acte
ni comme une substance et un principe, car, quelque partie de lui qu'on g) L'essence du lieu
prenne, elle sera infinie, s'il est morcelable - en effet, l'être de l'infini
et l'infini sont la même chose, si l'infini est substance et non accident Dans le livre IV de la Physique, Aristote se concentre cette fois sur
d'un substrat. Par conséquent, il est soit indivisible soit divisible en infinis, l'étude du lieu, du vide et du temps.
mais il est impossible que plusieurs infinis soient la même chose, et pour- , On tro~ve une occurrence particulière d' oùata, puisque celle-ci peut
tant, comme une partie de l'air est air, de même aussi une partie d'infini etre tradUIte par " essence ». Pour la comprendre, il faut faire référence
devrait être infinie, si du moins il est substance et un principe» (trad,
à ce qu'Aristote se propose de faire. Il nous dit en effet dans l'intro-
d'après A. Stevens).
duction de son enquête sur le lieu qu'i! faut chercher à savoir s'i!
La position des Pythagoriciens peut donc être rejetée: l'iufini n'est existe ou non (sI sanv il Ili]), comment il existe (n&, san) et ce
pas une substance. qu'il est (tl 8anv)8.
&O'1:E Ct1:01troç av Ct1tocpaiVOlV1:0 01 lvéyoV1:EÇ OÜ1:roç romtEp 01 IIu8ayo-
pEWt cpaO'lV' alla yàp oÙGlav 1towucn 1:0 a1tEtpOV Kat Il EpiÇouO'tV
(Physique, III, 5, 204 a 32-34). 8 Physique, IV, 1,208 a 28-29,
..

222 GAËLLE FIASSE §2. PHYSIQUE 223

èS <Lv J-lÈV 'tolvDv àVUrKUiov stvui n '"Cov '"ConoY, Kat 1t~Àtv Er, &v «Donc, tout ce qui est susceptible de périr et de naître, et qui, d'une manière
<Înopt)Œ8tEV av nç nOtoi) TCEpi 'tftç 0\)0'1«<;, Etprp:at (PhYSlqu~, IV, 2, générale, tantôt est tantôt n'est pas, est nécessairement dans le temps, car
210 a 11-13). " il y a un temps plus grand qui excède leur être et le temps mesurant leur
« On a donc dit les raisons pour lesquelles il est nécessaire que le\lieu soit existence» (trad. d'après A. Stevens).
quelque chose, et inversement les raisons pour le,squelles on est dans l'em-
barras concernant son essence» (trad. P. Pellegnn). . j) Le mouvement
Ph. R. Wicksteed et F. M. Comford traduisent oilata dans ce passage
j. 1. Pas de mouvement selon l'oilata
par «the mode of existence ». On préférera la traduction de R. Waterfield
« [ ••• ] which make it difficult to know what it is » ou celle de E. Russey Alistote revient à la définition de la génération et du périssement. Il va
« that give cause for doubt about what it reaily is ». se servir de l' OOatu pour décrire le devenir au sens absolu.
oiov 11 l'àv èK l'T] ÂSUKOU siS ÂSUKOV yÉvsGtS TOUTOU, 11 0' èK TOU 1'1']
h) Le vide OVTOS I1nÂwS siS où"iav yÉvsGtS I1nÂwS, KUS' 11V !mÂwS yiyvscr8al Kut
Pour Aristote, le vide n'existe pas. Il ne saurait être ni séparé, ni en où Tt yiyvscr8at Hyol'sv' 11 0' è~ unOKstl'ÉVOu sts oùx unoKsil'svov
<p80p6., I1nÂws l'àv 11 èK Tfis où"ia<; sis <0 l'il slval[ ... ](Physique, V, 1,
puissance. 225 a 14-18).
liÀÀov oà Tponov, èv q, l'il T60s n 1'1l0'où"iu ns GCOI'UnKl] (Physique, «Celle-ci [la génération] qui va du non-blanc vers le blanc est génération
IV, 7, 214 a 11-12). de celui-ci, celle qui va du non-étant au sens absolu vers la substance est
«D'une autre façon, il est ce dans quoi il n'y a ni chose détenninée ni génération au sens absolu, selon laquelle nous disons qu'il y a devenir au
aucune réalité corporelle» (trad. d'après A. Stevens). sens absolu et non devenir de quelque chose. Le changement d'un sujet vers
un non-sujet est un périssement, au sens absolu quand il va de la substance
Cette occurrence d'oilata est caractéristique. Il s'agit d'une réalité, vers le non-étant [... ] » (trad. d'après A. Stevens).
mais Aristote insiste en ajoutant a(j)l'a~tK1].
Dans cet extrait, oilata est opposée'au non-étant absolu (wi3 Ili]
ov~oç I1nÀroç) ou au non-être (Tà Ili] dvat). Il s'agit donc de la
i) Le temps
substance comprise comme être, à savoir ce qui donne à la réalité
Aristote va suivre sa méthode habituelle et indiquer les apories concer- d'exister.
nant son nouvel objet d'étude, à savoir le temps. Il indique son existence Aristote va synthétiser la diversité des mouvements à partir de l'énu-
imparfaite et obscure, car le temps a été et n'est plus, d'autre part ilva mération des catégories. Selon lui, il n'y a pas à proprement parler de
être et n'est pas encore. Il implique du non-être et de ce faü ne participe mouvement propre à la substance, car il n'existe pas d'étant contraire,
pas à l' oùata. par contre il existe nn mouvement selon la qualité, la quantité et le
tO 0' El< J.l1l ov'tcov aUYKElJ.lEVOV ao6vœtov èiv dvUt 86çEtE j..lE'tÉXEtV lieu. Cette partie du livre V peut se lire en parallèle avec le livre K de
où"ia<; (Physique, IV, la, 218 a 2-3). la Métaphysique où les phrases sont presque semblables.
l ,
« Or ce qui est composé de non-étants, il semblerait impossible que cela
Physique, V, 1,225 b 6-9 :
participe à la substance» (trad. d'après A. Stevens).
El oov ui KU'tflyoptat OtnpflV'tUt oùcrl(l Kui 7Wta'tfl'Ct KUt np 1tOÙ KUt 'tQ>
Nous trouvons dès lors une occurrence particulièrement intéressante, nO'"Cf; K~i '"Ccp npaç 'Ct KUt '"Ccp nocrQ> KUt '"CQ> 1totEîv ilmxcrXEtv, I1VâYKfl
puisqu'elle doit être traduite par « existence » : TpdS dvut Ktvl]aStS [... ]
ocra j..lÈv oov <p9ap'tà Kat YEVfl'tà Kut oÀmç o'tf; j..lÈV OV'tu o'tf; oÈ j..llÎ..; « Si donc les catégories se divisent en substance, qualité, lieu, temps, rela-
av6.Y Kll èv Xp6v'f> slVal (Eanv yù.p Xp6voS ns nÂsim~, OS unspÉ~st TOU tion, quantité, produire et subir, il y a nécessairement trois mouvements:
'tE dvUt uù'tOOV Kat 'tou j..lE'tpOUV'toç 'CllV oùcrlav uù'tmv)' (P~yslque, IV, celui de la qualité, celui de la quantité et celui selon le lieu» (trad. d'après
12, 221 b 28-31). A. Stevens).
224 GAËLLE FIASSE §2. PHYSIQUE 225

Métaphysique, K, 12, 1068 a 8-9 : j.2. L'unité du mouvement et le mouvement achevé


et o()v at KŒ'ttl'yoptm otTIPYlVtŒt oùcrlV. nOlo't'!Jtl, '"Comp, 'tCV .,7tot8tV ft
Aristote va ensuite examiner la question de l'unité du mouvement.
rcâcrXEtV, tcp n:p6ç n, '"Ccv nocrcp, avétYKYJ tpatç EÏVŒt Klvftcretç ~.\).
« Si les catégories se divisent en substance, qualité, lieu, action où passion, {"'Àruç 8i: Ilia KivTjO'tç fi 1ij où<ri<;t Ilia KUt 1<1> àpt91l<1>' (Physique, V, 4,
relation, quantité, il existe nécessairement trois espèces de mouvement )} 227 b 21).
(trad, J. Tricot). . «Mais est absolument un le mouvement qui l'est selon la substance et
numériquement» (trad. P. Pellegrin).
Physique, V, 2, 225 b 10-11 :
Kat' oùalav O'OUK Ëcrnv K1VllcnÇ otà '"Co 11T\ùèv dVUl oùO'i(,l -rrov oVtCOv ËXEt 0' dnopîav 'ta6'tTI napunÂ.llcrluv Kat nô'tEpov !-lla ft UylEtU
Èvavtiov. Kat ôAroÇ al ëÇEtÇ Kat 'tà 1ta811 t'ft oùaiQ; 8icrtv EV 'toîç crcO!-lucrtv·
«Mais selon la substance il n'y a pas de mouvement du fait qu'il n'y a KtvOUJ.l8VU yàp cpU{V8'tUt 'tà ËXov'tu KUt pÉovt:u (Physique, V, 4,
aucun des étants qui soit contraire à la substance» (trad. P. Pellegrin). 228 a 6-9).
« Une autre difficulté proche de celle-là est de savoir si la santé est une et,
Métaphysique, K, 12, 1068 a 10-11 en général, si les acquisitions et les affections dans les corps sont unes par
Ka,,' oùalav 8' ou, otà tO J.l1l9èv dvat OUO-LÇl i:vav'tiov. la substance, car les choses qui les possèdent apparaissent comme mues et
«Mais selon la substance, il n'y a pas de mouvement car la substance n'a fluentes » (trad. A. Stevens).
pas de contraire».
Ën 8i: UyE""t Ilia Kat fi 1ÉÀEIOÇ, Èav 1E ICmà yÉvoç liav 1E lCa1' sl80ç
Èn:Bl of>OÜ'tE où(]'ia~ OtitE 'tOU np6ç n O(51:E 'tOû 1tOlEîv Kat 1t(lcrX EtV , TI Bav 't8 KU1;' oùO'iav, oocrre8p Kat sret 1:IDV aÂ.Aoov 1:0 'tÉÂ.81OV Kat oÀOV
Â.El1tE'tat Ka'tà 'to 1tOlOV Kat 't0 1tocrov Kat 't0 1tOÙ KtVllCHV eiVat J.lOVOV· 10G tvaç (Physique, V, 4, 228 b 11-14).
f.v ÉKacr'tQl ')'àp ~O'n 'tOl)'trov Bvav'ttoocrtç. ft J.lBV o?)v Ka'tà 'to 1tOlOV ~~ Est encore dit un le mouvement achevé, que ce soit selon le genre, selon
KtvllO'lÇ ùÂ.Â.OtOOO'lÇ Ëcr'too' 'toû'to yàp E1tÉÇEUK'tat KOlVOV OVOJ.lu. Â.É')'ro l'espèce ou selon la substance: comme pour les autres choses, l'achevé et
8i: Ûl 1WlOV où 10 Èv 1ij où"l<;t (Kat yàp fi 8ta<jl9pà 1wtanjç) ùÀ'icà le total appartiennent à l'un» (trad. A. Stevens).
10 na9TjnK6v, KaS' Ô UyE1ut mlO'XEtv 11 ùnaOi:ç EÏvut (Physique, V, 2,
226 a 23-29). Ci-après, l'occunence d'où<Jta doit être lue en parallèle avec un extrait
«Mais puisqu'il n'appartient ni à la substance, ni au relatif, ni à l'agir et au . du livre VII, textus alter, que nous nommons VIIb 9• Nous les citons l'un
pâtir, il reste qu'il n'y a de mouvement que selon la qualité, la quantité et après l'autre pour souligner leur similaIité.
le lieu. Dans chacun de ces ,derniers cas, en effet, il y a contrariété. Posons
donc que le mouvement selon la qualité c'est l'altération, car tel est le nom livre VII (VIIa)
général qui lui a été attaché. Mais j'entends par qualité non celle qui est
Ëcr'tl yàp KlVllcrtÇ Kat ')'ÉVEt Kat 8'(OE1 Kat dpt8!-lCV ft UÙTll, ')'ÉVEt !-lev
dans la substance (en effet, la différence spécifique aussi est une qualité)
mais celle qui est passive, d'après quoi l'on dit que quelque chose pâtit ou
fi1l'jÇ atnl'jç K"1'lyopl"S, olov où"I"S 11 7tot61TjWÇ (Physique, VII, 1,
242 a 34-35).
est impassible » (trad. P. Pellegrin).
« En effet, un mouvement peut être le même par le genre, par l'espèce et
Cette occurrence est particulièrement intéressante, puisqu'elle indique par le nombre: par le genre, quand il est de même catégorie, par exemple
un dépassement des catégories. La substance implique la différence de la substance ou de la qualité [ ... ] » (trad. A. Stevens).
spécifique qui est une qualité. On pourra se référer au livre Il de la « For a motion may be the same in genus or in species or numerically.
Métaphysique, 1020 a 33-35, où comme le rappelle Pierre Pellegrin, la And it is (a) the same in genus ifit is within the same category, as within
"substance" or within "quality" [ ... ] » (trad. H. G. Apostle).
qualité est la différence de l'essence. « Bipède » fait partie de la défi-
nition de 1'homme, tout en étant une qualité. On peut aussi se référer à
l'Éthique à Nicomaque (livre J, 1096 a 25), où le vouç apparaît impli-
9 Par contraste avec l'édition critique de W. D. Ross, parue à Oxford, H. G. Apostle
citement du côté de la substance, plutôt que dans l'énumération des
choisit le textus alter comme texte de référence, et nomme le livre VII alternative
autres catégories. text.
226 GAËLLE FIASSE §2. PHYSIQUE 227

livre VII, textus alter (VlIb) À8yatat oS npotapov 06 ta jli! OVtOç OUK scrtat tclÀÀa, èKEÎVO oS
avau trov aÀÀcov, Kat tO tQl Xp6vcp, Kat tO Kat' oùaiav (Physique, VIII,
y8VE' 0' f] ainl'j K'VTlalS f] EV 1TI ainjj Ka1Tlyopi(l 1fis où",as,Jl TOÙ 7,260 b 17-19).
yÉVQUç;IO, EÏOEl i5t: il ~K 'C06 UtrtQU '"C0 Eïùf;t Etç '"Co Ull'"CO '"CCi) E'ŒEt',"'"otov
il BK 1:oG ÂeuKou Eiç '"Co J..lBÀav 11 ÈK 'tOG àya80G EtÇ '"Co KŒKÔV (pHysique, «Or, on. d~t qu'est antérieur ce sans quoi les autres ne seront pas, tandis
VII, textus alter, 4, 242 b 4-8). que celUI-la est sans les autres, et aussi le premier selon le temps et le pre-
mier selon la substance» (trad. d'après A. Stevens).
« Ensuite, le mouvement même par le genre est celui qui se trouve dans la
même attribution de l'être ou du genre, et par l'espèce celui qui va du même roa1' el ~fi)c)"ov "napXBl <popà 101S ~â)")"ov ànB')"Tl<p6crtv 1l'jV <pucrtv
terme par l'espèce au même tenne par l'espèce, par exemple celui qui va du Kat ft K1VllcnÇ aÜtll npart"l1 tOOV üÀÀCOV av alTi Kat' oùaiav, oui ta tuutd
blanc vers le noir ou du bon vers le mauvais» (trad. d'après A. Stevens). Kat oton llKlcrta tftç oùaim; èçlcrtutat tO KtvoUjlaVOV tOOV Klvftcracov
« A motion is generically the same if it is in the same category of substance EV T0 <p8pscr8m' Kutà ~6vTlv yàp oôosv ~ETupa)"),,Bl wù dvm, rocmEp
or genus ; and it is the same in species if that from which it proceeds is àÀÀOlOUjl8VOU !-LSV tO 1tOlOV, aUçUVOJl8VOU oS Kat cpSivovtoç tO 1tocrov
the same in species and that to which it proceeds is the same in species (Physique, vrn, 7, 261 a 18-23).
_ for example, the motion from whiteness to blackness or that from good- « Par conséquent, si le transport appartient plutôt à ceux qui sont plus plei-
ness to badness. » (trad. H. G. Apostle). nement entrés en possession de leur nature, c'est aussi que ce mouvement
doit être le ~remier de tous selon l'essence. Aussi bien pour cette raison que
En VIIb, A. Stevens traduit oOGLU par « être», ce qui est nécessaire
pour celle-Cl, que le mouvement où la chose mue s'écarte le moins de son
pour maintenir le sens de ['attribution de ['être pour KutTlyoplu tfiç essence, c'est le transport: selon ce seul mouvement, en effet, elle ne
OOGluç. Par ailleurs, les manuscrits de VITh ne permettent pas d'ajouter change rien de son essence, de la même façon que, altérée, elle change de
un oiov omis, comme dans l'extrait Vila. Mais il est néanmoins intéres- qualité; accrue ou diminuée, de quantité» (trad. H. Carteron).
sant de constater qu'en VIla on ne rencontre pas cette difficulté, puisque
On remarquera le parallélisme entre le changement KU~' où"iav et wti
Aristote énumère ce qui est dans la même catégorie, à savoir la sub- elVUl. Nous suivons la traduction de H. Carteron qui traduit par essence.
stance ou la qualité.
Au livre VIII de la Physique, Aristote traite à nouveau de la généra-
k. Le nombre et la ligne
tion et du périssement des substances:
nUKvfficnç os Kat I. uivcocrtç crUYKptcrtÇ Kat OUiKptcrtÇ, KaS' üç ysvacnç Comme dans le livre des définitions de la Métaphysique (Ll, 8, 1017,
Kal <pSopà UyE1al 1iDv oùmôiv (Physique, VIII, 7, 260 b 11-\2). b 21), Aristote traite de la substance par rapport au nombre et à la ligne.
« Or, condensation et raréfaction sont assemblage et séparation, d'après Il mentionne la doctrine pythagoricienne.
lesquelles on nomme la génération et le périssement des substances» (trad.
El Eanv àp,8~oS f] où",a, nh,rov Kal E)"anrov àp,8~oS 6~OElO1jS'
d'après A. Stevens). (Physique, VII, 4, 249 b 23-24).
Lorsqu'il examine le mouvement selon le lieu (le transport), Aristote « Et si la substance est un nombre, un nombre de même espèce peut être
rappelle la définitiou de l'antérieur. TI renvoie à ce qui est premier selon plus grand et plus petit [ ... ] " (trad. d'après A. Stevens).
la substance. Cette signification se trouve également dans la Métaphy-
La dernière occurrence d'oOGlu concerne la ligne. Elle se trouve dans
sique, Ll, 11 ou dans les Catégories, 12.
un paragraphe où Aristote s'interroge sur l'infinifé de divisions du temps.
D. W. Graham a opté pour ce qui est premier selon l'essence (primary
in essence). Ce choix poun'ait rejoindre celui de J. Tricot dans la Méta- 6 Y~P (Juv~xiDs KlVOU~BVOS KaTà (JU~PEPTlKOS (inE'pu OlB)"1j),,u9EV,
physique (Ll, 11, 1019 a 2). Toutefois, parler de ce qui est premier selon Im)"ros 0' ou' aU~p8PTlKE tàp 1jj ypu~~f1 (innpa f]~lcma dvm, f] 0'
où",a Ea,lv """pa Kul TO dvm (Physique, VIII, 8,263 b 6-8).
la substance est plus adéquat.
« [: .. ] celui qui mû de façon continue a parcouru des infinis par accident,
maIS pas au sens absolu, car c'est un accident pour la ligne d'être une infi-
10 Pierre pellegrin maintient le terme « substance », en développant la deuxième
nité de moitiés, mais sa substance et son être sont autres» (trad. d'après
section de la phrase: « qui est dans la même catégorie de la substance ou d,'un <autre>
A. Stevens).
genre <de l'être> » .
228 GAËLLE FIASSE

D. CONCLUSION

Il est clair qu'Aristote ue fait pas toujours un usage univoque dirtn0t. §3. DU CIEL
Les différents sens mentionnés au livre L1 de la Métaphysique sont'donc
bien représentés. Nous avons dOlUlé au mot oùcria les traductions sui- Aikaterini LEFKA
vantes: la substance, la réalité, l'essence, l'existence, l'être:
Beaucoup de textes permettent de traduire oûatu par « substance ».
Bien qu'on perde la référence au radical du verbe être, ce terme a
l'avantage d'alléger les traductions françaises, puisqu'on peut utiliser Édition de référence
l'adjectif « substantiel ». En outre, il rend possible la parenté avec ARIST01E, Du Ciel, texte établi et traduit par Paul Moraux, Les Belles Lettres,
l'anglais « substance». Paris, 1965.
L'acception la plus courante d' oûatu indique la substance par contraste
avec les autres catégories de l'être, principalement la quantité et la qua- Autre édition consultée
lité. Aristote met en lumière la substance par opposition à ce qui est par ARISTOTLE, On the Heavens, by W.K.C. Guthrie, Harvard University Press,
accident. La substance est ce qui subsiste. Cambridge, Massachusetts - Heinemann (Loeb Classical Library), London,
Le mot oûatu peut signifier une réalité. Cet usage apparaît lors- 1939.
qu'Aristote analyse les différentes significations du devenir. Les oÛatat
qui adviennent sont des réalités. Dans ce cas, le mot grec acquiert un sens
très concret. Aristote se sert aussi du mot oùcria pour signifier ce qui A. DONNÉES QUANTITATIVES
existe corporellement, notamment lorsqu'il discute de la génération
substantielle. Que l'on songe notamment à l' oÛata sensible ou corpo- Le traité Du Ciel contient 19 occurrences du terme étudié, distribuées
relle (oûata nç arollanKij)ll ou aux développements qui font référence de manière inégale parmi les quatre livres :
à l'usage des prédécesseurs du Stagirite qui accordaient une signification
plus matérielle à l'oûaia. Le sens concret ne doit pas nous étonner Livres Occurrences
puisque le Stagirite décrit même la matière comme une certaine oûaia. l 8
Le terme oùcria signifie l'existence, lorsqu'Aristote insiste sur l'être II 3
III 6
de la réalité. Quelques occurrences renvoient à l'essence, et une occur-
rence se traduit par le sens plus général d'être.
IV 2
Total 19

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

a) Formes
Oûaiu apparaît dans la grande majorité des cas au singulier: 4 fois
au nominatif, 5 fois au génitif, 5 à l'accusatif et 1 au datif. Il n 'y a
que quatre occurrences au pluriel, deux au nominatif et deux à l'ac-
11 Physique, IV, 7, 214 a 11-12. cusatif.
230 AIKATERINI LEFKA §3. DU CIEL 231

h) Syntaxe C. ANALYSE SÉMANTIQUE

- Dans quelques cas, oùaia joue le rôle du sujet de verbes comme:


Toutes les occurrences d' oùcria concernent le sens ontologique. Sui-
<puecr8at (1,269 a 30), slvat (l, 278 a 19; b 1), yiyv8a8at (rU,
vant les distinctions fines effectuées par A. Stevens et ChI. Rutteu et
298 b 3).
explicitées en détail dans les textes dont ils sont les auteurs au sein du
Oùaia est attribut (II, 293 b 15 ; III, 298 a 28) et complément des
présent volume, nous avons choisi de traduire oùcria en fonction du
verbes À-Éy81V (l, 278 b 12 ; III, 298 a 29), otatpdv (III, 303 b 30),
contexte - qui renvoie souvent à des passages de la Métaphysique ou de
OWpiÇ8tV (III, 306 a 31).
la Physique - soit par «réalité» (quand il est question de l'oùcria des
- Oùaia est parfois accompagné d'une préposition, pour exprimer la
entités naturelles ou des données des sens), soit par « substance » (quand
référence: rr8pi ûjç ... oi",iuç (l, 270 b 11), Ka,a ... "lv où"iuv
une distinction claire est recherchée entre l'être des choses et ses affec-
(II, 293 a 13 ; IV, 311 al), rrapa "lv oi",iuv (III, 298 b 3).
tions), soit par « essence» (quand Aristote se réfère à l'être «en soi»
- Deux occurrences d' oùcria se présentent au génitif, en dépendance
ou à la «nature propre» ). '
du verbe slvat, pour exprimer la possession: 'fiç wlUun1Ç où"iuç
Nous allons ici passer en revue tous les. passages concernés en mettant
8tcriv (l, 268 a 3) ; oÙlC ov,a ,aùw 'fiç où"iuç (l, 278 a 4).
davantage en relief les emplois les plus significatifs.
c) Expressions, associations, jeux de mots Le traité commence par une définition de l'objet de la science de la
nature, où apparait déjà la notion d' oûcria :
, ,....
- Synonymes
~ ~,

• w n 11v 8tVat - 'l1Ç OU"IU<; (l, 278 a 4).


« L~ science de la nature a manifestement pour objet, dans sa plus grande
partie ou presque, les corps et les grandeurs, les modifications qu'ils subis-
• À-Éym 0' oi",iuç ~ÈV ,a '8 é",À-a crro~a,a ... Kat ,a crucrwtxa sent et leurs mouvements. Elle s'occupe en outre des principes (n:spi 't"àç
wuWts Kat ocra èK wu,mv ... (III, 298 a 29) ; rracrat yap at <pucrt- àpXàç) régissant la réalité dont nous parlons ((Sam 'Cflç 'CotŒUtllÇ oùO'ill~
Kat où"iat il crro~a,a il ~8,a crm~a,mv yiyvonat Kat ~8y88àiv stalv). En effet, parmi les choses dont.la constitution est natmelle, les unes
(III, 298 b 3). sont des corps et des grandeurs, d'autres comportent un corps et une gran-
deur, et d'autres encore sont principes de celles qui comportent corps et
• n 88tOV - tfiç rrprot11ç où"iuç ,àiv crm~a,mv (l, 270 b 11). grandeur» 1•
Termes opposés
La « réalité » des entités naturelles est donc liée à un corps et à une
• Ka,a '8 "lV oùcriuv Kat Ka,a tO crxfi~a (II, 293 a 13).
grandeur2 • C'est autour de cette thématique de la matière, du sensible et
• ,a ~ÉV ècrnv où"ial, ta 0' epya Kat rra811 wutmv (III, 298 a 28).
de ses qualités qu'évoluent la plupart des occurrences d'oùcria présentes
Termes associés, jeux de mots dans cette œuvre, consacrée à l'étude du corps naturelle plus parfait, le
• il oùcria èv üÀ-n ècrüv (l, 278 a 19); ècr,tv il où"iu èv \''''01(8t- ciel ou l'univers.
~Évn nvi uÀ-n (l, 278 b 1).
C'est le cas, par exemple, des deux occurrences d'oocria en III
• 01K8tO'U'Ov '8 tfi où"i\.' Kui tfi <pUcr8t rrpàiwv (II, 286 b II) ; 298 a 28 et 29, où il est noté que «panni/es choses appelées naturelles:
Ota tO èyyuw,u 'fiç oùcriuç dvut "lv w()tmv UÀ-11V (IV, 310 b 33);
les unes sont des substances (oùcrim) et les autres des opérations et
rrprot11av El11lCata tTjv où"iuv aUt11 il Kiv11mç (IV, 311 al). des affections des substances». Sont considérés comme « substances »
• Ota ,0 ~118Èv ~Èv aÀ-À-o rrupa tTjv ,àiv a1cr811tàiv où"iuv \''''0-
À-a~~av8tV dvat (III, 298 b 22). 1 l, 268 a 1-6. Pour tous les passages cités, nous nous servons de la traduction de
• cru~~aiV8t ~qÉ88t Kat ~tKpO'l1n Otutpdv tTjv tàiv aÀ-À-mv P. Moraux, modifiée si nécessaire; notamment" nous avons remplacé le tenue «sub-
où"iuv (III, 303 b 30); ocrot crxfi~a rrowùmv ÉKacrwu tàiv stance», dont cet auteur se sert pour traduire systématiquement l' oocria, par celui qui
nous paraissait le plus pertinent dans chaque cas.
crtotx8tmv Kai w(mv owpiÇoucrt ,aç où"iu<; aOtàiv, àotaip8ta ,2 La ~ême ~dée eS,t repris~ au passag~ III, 29~ b 3 (nacral yàp at <pUcr1.Ko.J oùcria1. 11
rrotdv aù,a (III, 306 a 31). crcoJ.lU'm 11 IlE1"a crcoJ.la't"rov yEVOV1"at Kat l-tEyE8cov).
232 AllLATERlNILEFKA §3. DU CIEL 233

« les corps simples, comme le feu, la terre ... , ensuite les êtres qui en sont différente des formations d'ici-bas, et qui les dépasse toutes en divinité
constitués, tels que le ciel... et encore les auimaux, les plantes et leurs comme en excellence» (1tÉ<jlUKÉ nç oIJ<rta adiJ.lawç aÀÀTJ 1tapà ~àç
parties ». èvmu9a aua~aastç, 9slO~Épa Kat1tpo~Épa wu~cov a1tav~cov)4.
Dans le passage l, 278 a 15-20, Aristote souligne sa propre théotie C'est aussi le genre de l'essence du ciel supralunaire, premier corps
concernant les «formes » (e'i0TJ), liées à la matière, en s'opposant-à éternel et inaltérable, dont la forme sphérique est la plus appropriée à
la théorie platonicienne des Idées qui peuvent exister séparément: son essence: «Dans un premier sens, nous appelons ciel l'essence du
« Or, quand il s'agit d'êtres ayant une configuration et une fonne, il dernier orbe de l'univers, ou le corps naturel qui se trouve dans cet orbe
existe ou peut exister une multitude d'individus. Si les formes ont, ainsi (oùpavàv À8yOJ.lSV TllV oIJ<rtav ~i]v ~iiç ècrxa~TJç wu 1tav~àç 1tSpt-
que d'aucuns l'affinnent, une existence réelle, tout se passe nécessaire- <jlopàç lj a&J.la <jlucrtKàv ~à èv ~îi ècrxa~n 1tEpl<jlOp(i wu 1tav~6ç) »5
ment comme nous venons de le dire; et si aucune essence de ce genre «Le ciel a nécessairement une forme sphérique, car cette figure est la
n'a d'existence séparée, cela n'y change rien: nous voyons, en effet, que mieux adaptée à son essence et elle est première par nature» (oIKsto-
partout où l'essence est réalisée dans la matière (oacov f] oIJ<rta èv uÀn m~ov ~s ~îi oIJm", Kat ~îi <jluast 1tp&WV)6. Le mouvement circulaire
èanv), les êtres spécifiquement identiques sont multiples et même en des astres, qui font partie du ciel, est également expliqué en fonction de
nombre infini». leur essence, de leur forme, de leur transport et de leur ordre7
Un peu plus loin, Aristote affirme qu'« aucun des êtres dont l'essence
est inhérente à une matière-substrat (oacov èa~iv il oIJ<rta èv (l1tont-
J.lÉvn nvt uÀn) ne peut exister en l'absence de quelque matière» (l, D. CONCLUSION
278 b 1-3). Cependant, il ne faut pas confondre l'essence et la matière;
le philosophe accorde une place plus élevée à la première, comme on Nous constatons que dans le traité Du ciel, les mentions de l' oùaia sont
peut le constater dans le passage II 293 b 13-15 : «Or l'enveloppant ou non seulement assez fréquentes - ce qui ne paraît pas surprenant, étant
la limite est plus noble que le contenu, car celui-ci est la matière, et donné le snjet de l'œuvre - , mais aussi particulièrement significatives
l'autre est l'essence de la chose constituée (~à J.lèv yàp uÀTJ, ~à 0' oIJ<ria pour les théories physiques et métaphysiques du philosophe. En effet,
~iiç aua~aasroç èanv) ». -dans les passages étudiés, nous avons vu une série de définitions intéres-
Aristote adresse également une critique aux théories de Mélissos et santes concernant la «réalité » des corps naturels. Se sont dévoilés éga-
de Parménide concernant l'absence de génération et de corruption: «Or Iement divers aspects des rapports qu'établit Aristote entre 1'« essence»
ces gens-là ne concevaient pas qu'il existât une réalité différente de la et la «matière)}, ainsi qu'entre la «substance)} et certaines qualités
réalité sensible (otà ~à J.lTJ9èv aÀÀo 1tapà ",jV ~&v ala9TJ~&v oIJ<rtav secondaires des corps matéIiels (forme, pesanteur, mouvement). Qui plus
u1toÀaJ.lpavstv stVat) ; mais d'autre part, ils eurent les premiers l'intui- est, le Stagirite pense qu'il y a des affinités particulières entre un certain
tion d'entités présentant les caractères qu'on a dits et destinées à rendre type d'essence et un certain type de fotme, ou de mouvement. Enfin,
compte de la connaissance ou de la pensée »3. Aristote défend ici l'existence d'un cinquième élément naturel, d'une
Dans d'autres passages, l'oùaia est mise en rapport avec des qualités «essence première }}, l'éther, dont sont composés le ciel supralunaire et
particulières de la matière, comme le matériel (or, bois) (1,278 a 4), la les astres qui y résident.
grandeur (III, 303 b 30), la forme (III, 306 a 31), la pesanteur et la légè-
reté (l, 269 b 22; IV, 310 b 33), le mouvement (IV 311 al).
Or Aristote distingue également un genre d'« essence » qui peut être 4 1,269 a 30-32. Voir aussi l, 270 b 11 (E'i1tEp oov ~cr't"t'n OEtOV, Wcr1tEp gcr't"t, Kat
appelé « divine» ou «première»: «Il existe une essence corporelle '!à vov dpT1I1Éva 1tEpt '[lie; 1tPro'!T1Ç oùcriw; '[rov crcoMérrrov E1Pll'!at KUÀroe;).
, J, 278 b 11-14.
6 II, 286 bIO-II.

3 III, 298 b 21-23. 7 II, 292 b 12-14.


§4. MÉTÉOROLOGIQUES

Pierre SOMVILLE

Édition de référence
Piene LOUIS, Aristote. Météorologiques, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1982.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

Les Météorologiques comptent 5 occurrences du terme oOcria.

B. ANALYSE SÉMANTIQUE

Le premier passage est la conclusion du long chapitre consacré à


l'étude des vents. L'auteur s'y résume:
IIapl IlÈv oliv àV8llrov, 1ils 1a èS àpxilç uimîiv yav8eraroç Kai où"iaS Kai
trov crullPmv6vtmv KOtVn 'te na81llléncov Kat 1tepi ËKacr'tOV, tocraü6'
TJlliv alpTJer8ro.
« Voilà donc pour ce qui concerne les vents, leur formation d'après leur
principe, leur essence et leurs accidents, subis en commun ou en particulier»
(365 a 10-13).

Le schéma est simple et des plus convenus:


L'origine (àpXTJ) rend compte du dO'ienir (yÉvaITtç) par lequel s'expri-
ment l'essence (oocria) et les divers accidents (crollpaivov'W rra8TJJ.lfna).
En 370 a 28 et sqq. il s'agit de l'eXplication du tonnerre et de l'éclair.
'Hllaiç 38 <pullav 11)V uin1)v aiVUl <pverlY èrel IlÈv 1fis yfiS iival'OV, èv 3È
tfl yn ŒEtO'Il0V, èv of; 'tolç v8q>ecrt Ppov'tfJv' rcétvra yàp eivm taû1:u t1)v
où"iav 1UÙ10V, àvu8ul'iumv Sllpav [ ... ]
« Pour moi, le vent sur la terre, le tremblement sous la tene et le tonnerre
dans les nues relèvent d'une même réalité (''CT)V aÔti}v dVa! cpucnv) : toutes
ces choses en effet sont de la même essence (nétvta yàp dVa! tafh:a ti}v
oùc:rlav tautév), à savoir une exhalaison sèche ... ».
= ....

236 PIERRE SOMVILLE §4. MÉTÉOROLOGIQUES 237

On notera que, trois lignes plus bas, l'auteur, après avoir redit les Quelques lignes plus bas, en 390 a 5-6, opposant matière et finalité
mots «tonnerres et éclairs», refait mention des vents et des séismes quant à leur place respective dans l'objet considéré, l'auteur envisage,
en les désignant ainsi : ~&ÀÀa ~à ~fiç aMfiç <pUcrEffiÇ, «les autres pour la rejeter, l'hypothèse dualiste d'une matière qui ne serait que
éléments de même nature », c'est-à-dire relevant en fait de la même matière (ft ~Èv 15Àlj oùOtv aÀÀo rrap' aùtilv) et d'une essence qui ne
essence, laquelle permet de les définir dans une relation d'analogie, serait que dénomination (ft 0' où"ia oûOtv aÀÀo 11 b À6yoç).
sinon d'identité. ) Nous saisissons ici, de manière implicite, un beau résumé de toute
La <pumç est ainsi la face visible de la réalité essentielle (où cria) seule l'épistémologie aristotélicienne: la cause matérielle (et efficiente) asso-
passible de définition rationnelle (À6yoç) ainsi qu'on le verra plus loin. ciée à la cause formelle (et finale) rendant compte de l'intelligibilité des
La <pUcrIÇ penche du côté de l'essence, de même qu'elle se démarque de choses, laquelle s'exprime par l'énoncé de connaissance, tout à la fois
toute forme de modalité, ainsi que l'être s'oppose au devenir. On peut langagier et rationnel.
lire, en effet, en 361 b 8-9 : üç ~tv o(,v ècrnv ft wu
àVÉ~ou <pumç Kat
rrmç y(yvEcr8at. On ne peut être plus clair: «telle est donc la nature
essentielle du vent et ce qu'il en devient ... ». Ainsi se forment et se C. CONCLUSION
disent (et donc se formulent) le clivage et la jointure de l'intelligible et
du sensible. En chacune de ces cinq occun-ences le terme oùcria désigne donc cette
En 379 b 25-27, il est question de la notion de cuisson (rrÉ,!,lç) selon part ontologique du «ce-en-quoi» le phénomène (ontique) ne pourrait
diverses modalités : être conçu et dénommé, autrement ~it, son essence. C'est dans cette
TO 8i: T"ÀOÇ TOtÇ fli:v ft <puenç B,n,v, <puatç 8i: ftv HYOflEV <ilç d80ç K:,i cohérence épistémologique que peut prendre place toute modalité ren-
oùalav' 'Cotç 0' SLÇ Û1tOK8tJ.lÉVllV nvà J.lOp<pf]V 'Co tÉÀoç tG'!! 'tllÇ dant compte de l'une et l'autre forme de devenir.
1tÉ\jIEmç
« La finalité de la cuisson constitue pour les uns leur nature Ge dis miture
comme je dirais forme ou essence) ; pour d'autres, il s'agit de les amener à
une quelconque formation substantielle».

On remarque l'homologie invoquée ici entre <pUcrIÇ, dooç et oùcria


Les trois termes gravitent en effet autour de la notion de réalité intel-
ligible en tant que telle. Nous sommes sur le versant de l'idée. En
revanche, avec la ~op<Pit ùrroKEI~ÉVlj, il s'agit clairement d'imprégna-
tion matérielle. La cuisson y est aléatoirement responsable d'une forme
substantivée. Bref, l'autre versant ...
Enfin, en 389 b 29 et 390 a 6, il s'agit de définir les homéomères dont
sont constitués la chair et les os : une matière aboutie, issue d'éléments
premiers ayant subi diverses transfonnations ; l'auteur généralise:
"anv 8' unavTu <ilç fli:v B~ üÀljç BK TroV E!pljflévmv, <ilç 8i: KaT' où"iav
Ti[> À6y<p.
«D'ailleurs, toute chose <dans la nature> provient comme on l'a dit, et selon
un certain point de vue (c'bç JlÉv), de la matière, mais, selon un autre, au
regard de l'essence (Kat' oùcrlav), s'ouvre à la dénomination ('tep À6ycp) »
(389 b 28-29).
§5. DE LA GÉNÉRATION ET DE LA CORRUPTION

Bernard COLLETTE-Ducrc

Édition de référence
M. RASHED, Aristote. De la Génération et de la Corruption, texte et traduction,
Paris, Les Belles Lettres (C.U.F.), 2005.

Autres éditions, traductions et commentaires consultés


Œuvres complètes:
J. BARNES (éd.), The Complete Works of Aristotle. The Revised Oxford Transla-
tion, 2 vol., Princeton University Press, 1995 (=1984).
Catégories [Cat.] :
R. BODÊÜS, Aristote. [Catégories}. texte et traduction, Paris, Les Belles Lettres,
2001.
De la Génération et de la Corruption [Ge] :
H. H. JOACHIM, Aristotle. On Caming-ta-be and Passing-away (De Generatione
et COlwptione), A Revised Text with Introduction and Commentary, Oxford,
Clarendon Press, 1999 (= 1926).
J. TRICOT, Aristote. De la Génération et de la Corruption [de Generatione et
COlTUptione}, nouvelle traduction et notes, 1998 (= 1933).
C. J. F. WILLIAMS, Aristot/e's De generatione et COlTuptione, Translated with
notes, Oxford, Clarendon Press, 1982.
F. DE HAAS & J. MANSFELD (éds.), Aristotle: On Generation and Corruption,
Book 1. Symposium Aristotelicum, Oxford, Clarendon Press, 2004.
De l'Âme [DA] :
D. Ross, Aristotle. De Anima, Edited with Introduction and Cornmentary, Oxford,
Clarendon Press, 1999 (= 1966).
Du Ciel [DC] :
P. MORAUX, Aristote. Du Ciel, texte et traduction, Paris, Les Belles Lettres, 1965.
Génération des Animaux [GA] :
H. J. DROSSAART LULOFS, Aristotelis de Generatione Animalium, recognovit bre-
vique adnotatione critica instruxit D. L. H. J., Oxford, Clarendon Press, 1965.
Métaphysique [Mét.] :
W. D. Ross, Aristotle. Metaphysics, A Revised Text with Introduction and Com-
mentary, 2 vol., Oxford, Clarendon Press, 1997 (= 1924).
J. TRICOT, Aristote. La Métaphysique, nouvelle édition entièrement refondue,
avec commentaire, 2 vol., Paris, Vrin, 1953.
240 BERNARD COLLETIE-DUCIé §5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 241

Météorologiques: _, Au pluriel,'
P. LOUIS, Aristote. Météorologiques, texte et traduction, 2 vol., Paris, Les Belles - génitif: 3 [317 b 11, 317 b 33, 319 a 21]
Lettres, 1982, - datif: 2 [319 a 18, 328 b 33]
Physique:
W. D. Ross, Aristotle's Physics, A Revised Text with Introduction and Com-
mentary, Oxford, Clarendon Press, 1936. .
A. STEVENS, Aristote. La Physique, traduction (introduction par L. COUWUBARITSIS), C. ANALYSE SÉMANTIQUE
Paris, Vrin, 1999.
Dans cette étude, les occurrences d'oùcria sont présentées dans l'ordre
de leur apparition dans le Ge et par chapitre (voire groupe de chapitres).
A. DONNÉES QUANTITATIVES Dans la mesure du possible, j'ai cherché à les aborder d'une manière
contextualisée et dans un texte continu. Dans les passages cités où il
Il Y a 28 occurrences du terrue où"ta. Plus de la moitié d'entre elles apparaît, j'ai pris le parti de ne pas traduire le terrue où"ta lui-même,
se trouvent en Ge l, 3. Voici leur répartition par livre et par chapitre : cela afin de ne pas a priori en cadenasser le sens et de laisser ce dernier
Ge 1 compte 20 occurrences, principalement dans le troisième chapitre, se révéler par le commentaire.
et Ge II compte 8 occurrences : Une attention toute particulière devra être accordée à Ge l, 3, où
non seulement, comme cela a déjà été dit, se retrouvent la majorité des
GCI,1 1
GCI,3 15
occurrences du tenne oüaia, mais où surtout se dégage, à travers l'étude
GC l, 5 4 de la génération absolue, le sens d' où"ia comme dooç. Même si le
GC II, 1 1 terme en lui-même ne réfère en vérité, dans ce chapitre, qu'à la substance
GC II, 6 1 catégoriale (laquelle est composée de matière et de spécificité), nous ver-
GC II, 8 2 rons que l' où"ta s'y exprime avant tout en terrues de spécificité et de
GC II, 9 1 positivité (par opposition avec la privation, laquelle est la négation de
GC II, 10 1 l'dooç), de sorte que c'est selon qu'elle sera pourvue ou non de dif-
GC II, 11 2 férences positives qu'une substance sera reconnue comme «plus ou
Total 28 moins» oùatu. Il convient également ici de signaler un autre sens remar-
quable de ce terme, en Ge II, 10, où où"ta signifie l'être comme cela
qui est et demeure toujours identiqJle à soi.
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES
Ge 1, 1
Les 28 occurrences se répartissent de la manière suivante:
La première occurrence d'où"ta survient dans une critique faite par
Au singulier Aristote à l'égard d'Empédocle et des néo-empédocléens" critique qui
- nominatif: 9 [317 b 9, 317 b 24, 317 b 32, 318 b 15, 321 a 34, 333 b 14, affirrue que, du fait du pluralisme de leurs principes (les quatre éléments,
335 a 6, 338 b 14,338 b 19] l'amour et la haine), ceux-ci doivent logiquement admettre une différence
accusatif: 4 [318 b 35,319 a 13, 320 a 13, 335 a 6] entre génération et altération, mais que, en vérité, il suit de leurs affir-
génitif: 9 [314 b 14,317 b 8 (2 fois), 317 b 20, 317 b 21, 320 a 13, mations qu'un processus tel que l'altération est impossible (à savoir un
320 b 22, 335 b 7,336 b 33]
- datif: 1 [319 a 15] 1 Sur l'identification de ceux-ci, cf. M. RASHED, op. cit., p. xxxv~xlviii.
242 BERNARD COLLBTIE-DUèré
§5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 243
processus tel que le substrat demeure visible malgré le chaugement de
èl; urrÀ.roç l'i] ôvwç), en sorte qu'il serait vrai de dire, écrit Aristote,
l'une ou l'autre de ses affections)".
« que le non-être appartient à certaines choses (ôn u1t(lPxet nat '0 l'l)
« On peut facilement s'apercevoir du bien-fondé de notre propos: de même ôv) » (317 b 3 ; trad. M. Rashed, modifiée), en l'occurrence, à ce à par-
que nous voyons, dans l'OOGlU au repos, un changement selon la.grandeur tir de quoi une génération absolue se produit. Or une telle appartenance,
- qu'on appelle augmentation-diminution - de même on vOlt_en elle
l'altération (m(J1l8p yùp 6pôil'8V f]p81'0ucnlÇ <fi, où",a, sv a(nn 1'8'U- dans le cas présent, semble d"· prime abord impossible compte tenu des
~o1-f]v Ka,,'l'Éy880ç, <l)v KU1-0DI'ÉV11V u0~11<Jtv Ka! 'l'8lenv, ol5<m Ka! deux sens que le terme unÀ.roç peut prendre, à savoir comme (1) «ce qui
6.1-1-olm<Jlv)" (314 b 13-15 ; trad. M. Rashed). est premier dans chaque catégorie de l'être (tO nprowv ... KaS' éKŒatllV
Katllyoplav toilôvwç) » (317 b 6) ou (2) « ce qui est universel et ce qui
üuala renvoie ici à un substrat (cf. GC l, 1, 314 b 3), envisagé au
englobe toutes choses (tO Ka86A:ou Kat to nŒv,a nepulXov») (317 b 7) :
repos, et qui est dit subir un changement selon la grandeur ou selon la
qualité. Ce substrat (ou matière), est à comprendre comme une substance· « (1) Dans le premier cas, on aura génération d'une oocria à partir d'une
concrète, à savoir comme un mélange de matière et de fOlTI1e. Les c~an­ non-oOrria (oùcriaç ëcr'Iat 18VECilÇ BK JlTI oùcriuç) ; mais ce à quoi n'appar-
tient ni oOrria, ni "ceci" (cP Of; JlTt umlPXEt oùcria JllloÈ tO 'I60E), il est
gements envisagés, à savoir l'augmentation-diminution et l'altération, clair qu'on ne peut lui attribuer non plus aucune des autres catégories, que
supposent que l'oucrla persiste (plutôt qu'elle ne périsse et donne nais- ce soit la qualité, la quantité ou le lieu (car sinon, les affections seraient sépa-
sance à une autre ouala), c'est-à-dire demeure toujours perceptible une rées des Où<J(at) (XmPI<J'Ù yàp av "'11 'ù ",,811 TroV où".ôiv). (2) Mais s'il
fois le changement accompli. s'agit du non-être total (tO JlTt DV ôÀroç), ce sera la négation universelle de
toutes choses, au point que ce qui est engendré sera nécessairement engen-
dré à partir de rien (ÈK 1'1108vaÇ) » (317 b 7-13 ; trad. M. Rashed, modifiée).
GCI,3
Dans ce passage, les quatre occurrences du terme oucrla apparaissent
GC l, 3 comprend à lui seul plus de la moitié des occurrences d'oucrla
dans la conséquence liée au premier sens du terme « urrÀ.roç » (1). Selon
que compte le De Generatione et Corruptione (15 sur 28). Ce point peut
ce sens, la génération absolue (ou génération d'une ouala) proviendrait
s'expliquer par la question qui y est spécifiquement posée, à savoir s'il
(èK) de quelque chose qui serait une non-ouala, à savoir la négation
existe ou non une génération (ou une corruption) « tout court» ou absolue
d'une ouala. Le terme oucrla réfère ici à la première catégorie, celle de
(unÀ.roç), ou si l'on ne peut, au sens propre, parler que de génération (ou
la substance, laquelle désigne une chose particulière, numériquement
de corruption) relative (nç) : dans le premier cas, la génération concerne
une (i.e. un ,60e n), sujet ultime de prédication (cf. Cat., 5, 2 a 11-14
une substance (le feu devient, l'eau devient, etc.), dans le second, un attri-
et 3 a lO-13). Le non-être absolu, compris comme non-ouala, est donc
but de la substance (de malade, un homme devient bien-portant, ou de
la négation de la substance et de la détennination qui lui est associée.
petit devient grand, etc.). L'essentiel de l'effort d'Alistote, dans ce cha-
Mais il y a plus: si le non-être en question est une non-substance, il est
pitre, va être de tenter de montrer que malgré les apories qu'elle pose, la
clair qu'il ne possèdera pas non plus la détellnination liée aux autres caté-
génération absolue est toutefois possible.
gories, telles que la qualité, la quantité, le lieu, etc., puisque ces affections
n'ont pas d'existence séparée en dehors des substances auxquelles elles
Première aporie et résolution (317 b 1-18)
s'attribuent. Comprise en ce sens, la génération absolue se résume à une
La première de ces apories peut se résumer comme suit: s'il est vrai que génération à partir de quelque chose qui n'est sous aucun respect (i.e. qui
la génération relative provient d'un non-être relatif (d'un non-blanc ou d'un ne rentre dans aucune des catégories de l'être). Selon le second sens (2),
non-beau, par exemple), il semble qu'il faille accorder, semblablement, plus englobant que le premier" la génération absolue proviendrait de
que la génération absolue provienne d'un non-être absolu (cf. 317 b 5 :

3 L'être compris comme universel ne constitue pas, à la différence des catégories, un


2 Sur cette critique, cf. J. BRUNSCHWIG, ({ On Generation and Corruption 1. 1 : a talse
« genre» puisque, étant prédiqué universellement de toutes choses sans exception, il ne
start? », p. 55-58. '
laisse pas de place pour une différence spécifique extérieure.
§5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 245
244 BERNARD COLLETIE-DUCré

quelque chose qui serait la négation de l'être pris comme tenne univer- affirme alors que ce à partir de quoi se produit la génération n'est rien du
sel, quelque chose qui serait dès lors «rien (Il11 DSVO Ç) ». tout (cf. 317 b 28: ll11ol;v) puisque tout en lui est en puissance et, en
4
La solution de cette aporie, selon Adstote, a déjà été donnée ailleurs • outre, que ce «rien du tout »pu non-être (cf. 317 b 29 : ~6 Ili] OU~OlÇ av)
Quoi qu'il en soit, le Stagirite la résume brièvement (cf. 317 b 14-18): existe à l'état séparé; si, en revanche, on répond par l'affirmative, on est
la génération absolue est concevable si l'on reconnaît qu'elle provient de alors amené à soutenir que ce sont « les affections [de type qualitatif,
quelque chose qui à la fois est et n'est pas; ce quelque chose est au sens quantitatif, etc.] qui existent séparées des oùatut (XOlpt<HÙ ~Ù nu811 ~mv
où il est en puissance cela qui va être généré (l'air, par exemple) et, en OÙ(),lmv»> (317 b 33).
même temps, n'est pas, au sens où il n'est pas en acte ce qui va être Comme dans la section précédente, le terme oùata renvoie dans tout
ce passage à la substance catégoriale. L'association entre oùata (ou av)
engendré (il est non-air).
et T60s n nous montre cependant que ce n'est pas tant la substance en
tant que telle que la détennination qui la caractérise qu'Aristote entend
Seconde aporie (317 b 18-35)
ici souligner. Ce point se révélera crucial dans la section suivante.
Cinq nouvelles occurrences' apparaissent dans l'exposition de la
deuxième aporie relative à la possibilité d'une génération absolue. Résolution de la seconde aporie (318 a 1-319 a 22)
Notons d'abord que la première de ces occurrences n'apparaît que
dans l'édition de M. Rashed 6 , qui traduit ainsi le passage où elle sur- Les six dernières occurrences7 d'oùata en Ge I, 3 apparaissent toutes
vient: «Comment la génération absolue est-elle possible (,,&ç canv dans la résolution de la seconde aporie relative à la possibilité d'une
émÀ,fi ySVEalç), que l'on admette qu'elle ai lieu à partir de ce qui est en génération ou d'une corruption absolues. Le développement de cette
puissance substance (ÈK OUVŒIlSl avwç où()'la~) ou de quelque autre résolution est le suivant:
façon? » (317 b 19-20). (1) En vue d'éclairer (cf. 318 a 10-13) la seconde aporie, AI1stote intro-
Cette nouvelle aporie est développée comme suit: admettons que ce à duit une nouvelle question, celle de savoir pourquoi toute génération
partir de quoi se produit une génération absolue est en quelque manière ou toute corruption (qu'elle"soit absolue ou relative) se poursuit tou-
puisqu'il est en puissance la substance dont il y a génération; faut-il jours (cf. 317 b : clSt), et s'emploie à en donner une explication par
dans ce cas également admettre que la génération absolue soit seulement l'intermédiaire de la cause matérielle (cf. 318 a 9) : si le changement
« génération d'une oùata et d'un ceci (où()'la~ ysVsatç Kat wG wGDS), est sans fin (cf. 318 a 25: li"auaTQv), c'est parce que« la cOlTuption
mais pas génération de la détennination qualitative ou quantitative ou de ceci est la génération d'autre chose, et que la génération de ceci est
locale (clÀ,À,Ù Ili] wG WlOGOS Kat waoGos Kat "oG)? » (317 b 21-22; la corruption d'autre chose» (318 a 23-25 ; trad. M. Rashed) ;
trad. M. Rashed, modifiée). Autrement dit, « ce qui est en puissance seu- (2) Si vraiment « la génération de ceci se confond avec la corruption de
lement un ceci et un être, mais qui, absolument, TI' est ni un ceci ni un être cela, et la corruption de ceci avec la génération de cela» (318 a 29-
(~6 DUVŒIlSlllOVOV ~OOS Kat av, Œ"À,&Ç 01; Ili] ~608 11110' av), aura-t-il 31 ; trad. M. Rashed), donc que la génération ou corruption ne se pro-
[en entéléchie] une quantité, une qualité ou un lieu? » (317 b 26-28; dnitjamais qu'entre deux termes positifs (deux substances concrètes
trad. M. Rashed, modifiée). Il apparaît qu'aucune réponse raisonnable ne i.e. deux composés de matière et de forme, comme l'eau et l'air):
peut être donnée à cette question car, si l'on répond par la négative, on il reste à rechercher la cause (2a) de la distinction entre génération
et corruption absolues et (2b) du fait que certaines choses sont dites
4 La plupart des commentateurs s'accordent en général à voir une référence à Physique engendTées ou corrompues « absolument» et d'autres seulement
I, 6-9 (cf. H. H. JOACHIM, p. 91 et J. 'TRICOT, p. 25, n. 2). K. ALORA renvoie plus précisé- « relativement».
ment à Physique I, 8 (cf. «On Generation and Corruption 1. 3 : Change and Not-being »,
p. 110-115). Contra, voir C. J. F. WILLIAMS, op. cit., p. 84.
5 317 b 20, 317 b 21, 317 b 24, 317 b 32 et 317 b 33.
7 318 b 15, 318 b 35, 319 a 13, 319 a 15, 319 a 18 et 319 a 21.
6 Voir la note consacrée à ce passage par M. RASHED, op. cil., p. 113, n. 5.

(Ii

246 BERNARD COLLETIE-DUCré §5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 247

C'est dans cette seconde partie du développement qu'apparaissent s'explique, écrit Aristote, du fait que « la voie menant au non-être
les occurrences d' oùata qui nous occupent. Toutes se rapportent à la absolu (etç tO !lit ov &.n).JiJç) est une coriuption absolue et celle
substance catégoriale. Toutefois, du fait que cette substance est abordée menant à l'être absolu (etç tO &.n).JiJç av) une génération absolue»
selon deux perspectives différentes (2a et 2b), le terme oÙata se voit (318 b 9-11 ; trad. M. Rashed). Aussi, «du couple sur lequel se
lui-même différemment connoté. Dans la perspective strictement caté- fonde la distinction, que ce soit le feu et la terre ou d'autres
goriale de 2b, oÙata réfère à la première catégorie et à l'ensemble des choses9 , on tiendra donc";n tenne pour l'être et l'autre pour le non-
termes qui tombent sous elle; en revanche, selon la perspective adoptée être (tO !lEV OV tO 8f. !lit DV»> (318 b 9-11 ; trad. M. Rashed).
en 2a, qni entend rendre compte du phénomène génératif en tant qne tel Plus loin, lorsqu'il résumera ce passage, Aristote traduira l'oppo-
(à savoir comme changement du non-être vers l'être), l'oÙata se spéci- sition entre tO &'nÂ,&ç av et !O !lit DV &'nÂ,&ç par « le fait d'être
fie comme le terme positif d'un tel changement, à savoir comme l'être ou de ne pas être ouata (!q, oÙmav dvat il !q, !l11) » (318 b 35 -
produit par la génération absolue, et ne désigne plus alors dans la pre- 319 a 1). Il n'y a aucune raison de considérer ici le terme OÙata
mière catégorie que les seules substances positivement qualifiées. comme autre chose qu'une substance: d'une part, les exemples
Analysons à présent le détail du développement de ces passages. donnés (feu et terre), sont clairement ceux de substances concrètes'
(2a) Si la génération ou la corruption ne se produit qu'entre deux termes d'autre part, les expressions « elç tO anÂwç DV » et « slç tà !l~
positifs (deux substances), donc si l'air, par exemple, n'est pas engen- ov anÂwç» désignent le terme d'un changement absolu, donc
dré à partir de rien mais à partir d'une autre substance, comme l'eau, d'un changement qui porte sur une suhstance dans sa totalité et
il n'en demeure pas moins que «nous n'attachons pas indifférem- non seulement selon l'une ou l'autre de ses affections.
ment (oÙX o!lotmç) le processus de génération et celui de corruption Ceci nous amène à la constatation suivante: si (a) « le fait d'être
aux choses qui changent» (319 a 8-7 ; trad. M. Rasched) : cef\aines ouata » correspond au terme auquel aboutit une génération ahso-
choses sont dites seulement engendrées, d'autres seulement corrom- lue, tandis que « le fait de ne pas être oùata» correspond à celui
pues. Cette distinction manifeste le fait que le changement inhérent dans lequel elle s'origine et si (b) toute génération ne se produit
à la yÉVSatç est « polarisé » : il implique un pôle négatif, le non- jamais à prutir de rien mais toujours à partir d'une substance
être, et un pôle positif, l'être. Aristote donne trois indices de cette concrète de sorte qu'elle met en jeu denx substances (lesquelles
« polarisation du sensible »8 : sont respectivement en aval et en amont du processus génératif),
- dans le premier (318 a 35 - 318 b 13), repris à Parménide, le alors (c) il faut en conclure que «le fait d'être ouata» ne s'attri-
changement de la terre en feu est dit génération absolue du feu et bue pas à toute substance concrète, mais seulement à certaines
corruption relative de la terre, alors que le changement du feu en d'entre elles, à savoir celles qui manifestent l'être, compris
terre est dit génération relative de la terre et corruption absolue comme être advenu. Quand au critère permettant de discriminer
du feu, le feu et la terre représentant l'opposition entre l'être et les véritables substances des autres lO , il a été donné plus haut:
le non-être (cf. 318 b 6-7: tO OV Kat to !lit av), à savoir entre
ce qui signifie la présence d'un t68e n, et ce qui ne la signifie 9 Ainsi qu'Aristote l'écrit en 318 b 8-9, ce qui est en jeu ici, c'est la manière dont se
pas (cf. 318 b 1 : tà !lEV t68e n mwatvet tà 8'015). La dis- produisent la génération absolue et la corruption absolue, et non les substrats particu1iers
qui en constituent les tennes positifs et négatifs.
symétrie des appellations (on parlera de « génération absolne »
10 il ~' est nullement bes,oin de chercher ici à identifier de telles substances - pour
du feu, mais seulement de « génération relative » de la terre) cela, cf. mfra, le commentarre de GC II, 8 - , d'autant qu'Aristote, rappelons-le, appuie
son propos sur une ~octrine étr~gère (celle de Pannénide). Il n'en demeure pas moins,
8 Cf. M. RASHED, op. cit., p. lxiü, qui propose une interprétation remarquable de ce comme cela sera c1arrement affIrmé par la suite, que la catégorie de la substance se sub-
texte (p.lxv-1xxiv) et de la signification qu'y prend le concept d'ooaia, à savoir non plus divise, de m~me que les catégories adjectivales, en termes contraires, et que ces tennes se
tant comme « substance au sens catégorial du tenne » que comme «positivité antique», rat;tènent ultlI~e~en,t à la contrariété de l'être et du non-être. Il existe donc bien, pour
laquelle s'exprime de prime abord comme dooç et -réa!> n. . Aristote, une dlstlllctron entre les substances, mais cette distinction n'est pas celle, radicale,
-
248 BERNARD COLLETIE-DUèlé §5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 249

l'être (donc « ce qui est oùcria ») est ce qui signifie la présence - Le troisième indice (318 b 18-33), enfin, distingue la génération
d'un ,008 n, tandis que le non-être est ce qui ne la signifie pas. absolue de la corruptiOIl absolue selon « la pàssibilité ou l'impossi-
- Le deuxième indice (318 b 14-18) fonde la différence entre bilité d'être objet de perception» (318 b 19-21 ; trad. M. Rashed).
génération et corruption absolues sur la base de la qualification Ceux qui procèdent de cette manière, écrit Aristote, « sont sur les
de la matière: «Celle dont les différences signifient davantage traces de la vérité, mais ce qu'ils disent n'est pas en tant que tel vrai »,
un certain "ceci" est davantage oùcria (~ç J.l8V yàp J.lùlcÀov al car, justement, «la vérité du processus de génération-corruption
ola<popal ,008 n crllJ.laiVoucrl, J.lùÀÀOV oùO"ia) et celle dont absolue diffère de ce qui nous en apparaît: le souffle en effet et l'air
les différences signifient davantage une privation est plus non- sont moins selon la perception ... mais selon la vérité, ils sont plus
être (~ç 08 cr,ÉPllcrtV, J.lit av) ». Ainsi en est-il du chaud qui, un certain « ceci » et une spécificité que la terre (J.lùÀÀov ,608 n
écrit Aristote, est « une certaine prédication et une spécificité» Kal dooç) » (318 b 26-33 ; trad. M. Rashed, modifiée).
(cf. 318 b 16: Ka'llyopia ll nç Kal dooç), tandis que le froid Bien qu'absent de ce dernier passage, le terme oùcria est néanmoins
n'est qu'une «privation» (cf. 318 b 16: cr'ÉPllcr1V). clairement impliqué par l'expression « J.lùÀÀov ,008 n Kal dooç ».
Ce passage montre le sens spécifique que prend désormais le Ainsi que cela ressort déjà des précédents textes analysés, ,608 n
terme oùcria. Certes, il est clair qu'il désigne, comme dans les et dooç apparaissent pour Aristote comme deux expressions carac-
passages précédents, une substance. Mais l'accent est porté non téristiques de l'oùcrta véritable. L'dooç est en effet acte et réali-
pas tant sur la substance en elle-même que sur sa détermination, sation (par opposition à la potentialité inhérente à la matière), une
i.e. le fait d'être un ,008 n 12 , détermination qui trouve cette fois réalisation qui se manifeste par la venue à l'être d'un être détenniné,
une explicitation: certaines matières (i.e. certaines substances d'un certain « ceci ». La présence de l'dooç (par opposition à son
concrètes) seront «plus substance» que d'autres du fait qu'elles absence ou privation) manifeste ainsi l'être, et, plus exactement,
possèdent des différences positives, c'est-à-dire des différences dans le contexte du GC, l'être en tant qu'être advenu.
qui consistent en une « spécificité » (comme le chaud) et non en En conclusion, la cause duJait qu'i! y a, d'un côté, génération abso-
une «privation» (comme le froid, qui est la privation du chaud). lue et, d'un autre, cOlTuption absolue, réside, écrit Aristote, en ce
C'est donc du fait de la présence en elle d'une spécificité que que «la matière diffère, soit par le fait d'être ou de ne pas être
telle matière donnée se trouve être plus ,008 n qu'une autre et, oùcria ('Iii où"iav etVUl 11 ,Iii J.lij), soit par le fait d'être plus ou
par là même, plus substance. Si certaines substances sont plus moins oùcria (,Iii ,ijv J.l8V J.lùÀÀov ~itv 08 J.lij), soit de ce que la
substances que d'autres, c'est donc également qu'elles expriment matière à partir de laquelle ou vers laquelle a lieu le changement est
mieux, par leurs différences, l'oùcria idéale, laquelle est, quant à plus ou moins perceptible» (318 b 35-319 a 3; trad. M. Rashed,
elle, pure positivité et donc pur dooçI3. modifiée). Ainsi que l'écrit M. Rashed, «le terme oùcria n'a pas ici
son sens scolastique et c'est cette différence qui explique qu'A.
entre ce qui est et ce qui TI' est pas une oùcrLa, mais bien plutôt entre ce qui est plus ou moins puisse autant se rapprocher de la thèse de Parménide dans l'exposé
une oùcr(a. C'est cette seconde distinction que mettra en scène le deuxième indice.
Il Ka:t llyopiu prend ici le sens d'attribution «positive », à savoir celle qui manifeste la
de la première thèse. L'objet de GC I, 3 étant d'échapper au deve-
présence d'un dooç (par opposition à l'absence ou privation de celui-ci; cf. AFr., 26 a 18 nir indifférencié, soit de réintroduire une polarisation dans la yÉVB-
et 52 a 15). Sur ce sens, cf. M. RASHED, op. cit., p. 1xx et lxxii~1xxiii et C. J. F. WILLIAMS, av;, l' oùaia fonctionne moins comme substance au sens catégorial
op. cit., p. 93. du terme que comme positivité ontique. Il ne s'agit plus seulement
12 Rappelons qu'en Mél., 118, 1017 b 23~26, à côté de l'oûcria comme «sujet ultime »,
Aristote distingue l'oûcria comme« ce qui est un certain "ceci" et est séparable, à savoir la de ce sujet dernier des Catégories duquel tout s'affirme et qui n'est
forme et la spécificité de chaque chose (0 av 'l:6os n OV Kat Xropl.cr'l:Ov €KUcr'l:OI.l il p.opqn)
Kat '1:0 Etooç) ».
13 Seul le Premier Moteur réalise l' onGin ainsi entendue: à la différence des autres le Premier Moteur est une substance simple, pur elooç et ÈVÉpy€l.a (cf. Mél. A 6, 1071 b 19~
oûcriat, lesquelles sont toutes des substances composées (faites de matière et de spécificité), 22 et 7, 1072 a 27 - blet le commentaire de D. Ross, op. cit., t. II, p. 375).
.

250 BERNARD COLLETIE-DUClé §5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 251

affinné de rien, mais de la fonne en tant que fonne, c'est-à-dire de grand nombre de différences positives, donc selon qu'elles mani-
l'idée de réalisation en tant que telle »14. festent une plus ou moins grande actualité, elles seront plus ou
(2b) Quant à la cause d'après laquelle on dit, absolument, que certaines moins substance.
choses « deviennent» (par exemple, « la chose qui croît», ,0 </)\)0JlS- Et Aristote de conclure: «On a donc rendu compte, à la fois de la
VOY, est dite «deveuir»), tandis que d'autres deviennent seulement façon la plus globale et dans les oùaiat elles-mêmes (Kat tv tai~
« quelque chose» «< celui qui apprend» ne devient pas tout court, oÎlO'iat~ aùtatç), du fait que certaines choses, absolument, devien-
mais devient « savant» ), cela se définit, écrit Aristote, «par les caté- nent, et certaines autres non; on a aussi expliqué la raison pour
gories (mtç Ka'llyopünç) : certaines choses signifient en effet un laquelle le substrat est cause, comme matière, de la continuité de
certain «ceci », d'autres une détermination qualitative, d'autres une la génération - il est en effet capable de changement vers les
quantité (,à Jll;v yàp ,oos n allJlaivst, ,à 01; -rotovos, ,à 01; contraires, et la génération de l'un est toujours, pour les OÙatul,
noaov) ; toutes celles donc qui ne signifient pas une ouaia, ne sont corruption de l'autre (Kui 1'] 8UTBPOU yÉvscnç àd Ènt trov oÎlO'trov
pas dites absolument "devenir", mais "deveuir quelque chose" (oaa IlÀÀou 'l'80pa), comme la corruption de l'un la génération de l'autre»
o1Jv Jli] oÎlO'iav allJlatVSl, ou ÀÉysml &.nÀroç, àÀÀ,{j. n yivsa8at)>> (319 a 17-22; trad. M. Rashed).
(319 a 11-13; trad. M. Rasched, modifiée). Dans ce passage, le terme Les OÛcrtUl, dans ce texte, désignent des substances concrètes, à
oùata renvoie de manière évidente à la première catégorie, à savoir savoir des composés de matière et de spécificité.
celle de la substance, elle-même caractérisée par l'expression ,60s n.
li n'en reste pas moins, poursuit Aristote, que «semblablement dans GCI,5
tous les cas (oJloimç Èv nam), la génération est dite selon l'un des
GC I, 5, qui a pour objet l'étude de l'augmentation et de la diminution
termes de la liste d'opposés (Ka,à ,à Èv 'TI e'Épg. aua-rotxtg.) :
(troisième fonne de changement après (1) la génération-corruption abso-
par exemple, dans l'oùcrta, si c'est le feu et non si c'est la terre
lue ou changement selon l' oùaüf et (2) l'altération ou changement selon
(olov Èv Jll;v oÎlO'ig. Èàv nilp àU' OUK Èàv yij) ; dans la qualité,
la qualité), compte quatre occurrences du terme oùata.
si c'est le savant et non si c'est le non-savant (Èv 81; ,<1> nOl<1> Èàv
Les deux premières interviennent dès le début du chapitre, dans la déli-
Èma,ijJlov àU' oUX o,av àvsma,ijJlov)>> (319 a 14-17; trad.
mitation de ce qu'il s'agit d'examiner:
M. Rashed).
Dans ce passage, le terme ouaia réfère sans conteste à la première «Il nous reste à traiter de l'augmentation, à la distinguer de la génération
et de l'altération et à comprendre comment augmente tout ce qui augmente
catégorie. Mais l'essentiel n'est pas là. Aristote affirme qu'une telle
et diminue tout ce qui diminue. Aussi faut-il d'abord examiner (1) si ce qui
catégorie, de même que celle relative à la qualité, met en jeu des les distingue l'une de l'autre tient à ce à quoi elles se rapportent (nepi 0)
couples de contraires. La raison en est que le changement, selon le (le changement de ceci en cela, c'est-à-dire d'une oùcrta en puissance en
Stagirite, ne peut jamais se produire qu'entre des tennes contraires. une oùcrtU en entéléchie, serait ainsi une génération (oIov on ft JlÈv ÈK
S'il doit exister une génération absolue, donc une génération dans TOUOS dç t60E IlE,apa1.1j, orav ÈK OUVUIlEl OÙ"("> dç ÈVtE1. EXEIg.
ouaiav), et celui qui se rapporte à la grandeur une augmentation, celui qui
la catégorie de l' ouaia, il faut par conséquent distinguer les termes
se rapporte à l'affection une altération, ces deux dernières consistant dans
qui tombent sous cette catégorie sous forme de couples de contraires, le changement allant de certaines choses en puissance à l'entéléchie des
chaque couple exprimant, in fine, la contrariété de l'être et du non- choses qu'on a dites) ou bien (2) si la différence tient également au mode
être. Une telle distinction, au sein de la première catégorie, signifie de changement» (320 a 8-17; trad. M. Rasched, modifiée).
en même temps que les substances concrètes ne sont pas toutes sub- Ce passage distingue deux manières selon lesquelles l'augmentation
stances au même degré: selon qu'elles possèdent un plus ou moins et la diminution peuvent se différencier de la génération-corruption et
de l'altération, à savoir, soit (a) par «ce par rapport à quoi» elles intro-
J4 M. RASHED, op. cit., p. lxxii. duisent un changement, c'est-à-dire ce qui fait l'objet du changement,
252 BERNARD COLLETIE-DUCré §5. GENÉRATION ET CORRUPTION 253

soit (b), en sus de cette première détennination, par le mode selon lequel nu80uç). De manière significative, le sens de l'expression « oocrtaç Ü"'1
il y a changement. Le «ce par rapport à quoi» ou TCEpi i5 se spécifie, crOlftanKfiç » est innnédiatement précisé comme étant celui de crWftctWç
manifestement, selon les catégories: ainsi, l'altération est décrite comme 0'110'1 ,000Uot: la substance catégoriale est en effet le genre des sub-
un changement « qui se rappOite à l'affection (TCEpi TCu80ç) » ou qualité, stances premières, c'est-à-dire des choses particulières et numérique-
et l'augmentation comme un changement « qui se rapporte à la gran- ment unes (cf. Cal., 5, 2 a 11-14 et 3 b 10-18) et c'est pourquoi l'idée
deur (TCEpi ftéYE80ç»> ou quantité. Les deux occurrences d'oocrta, d'un corps « commun» (cf. lC01VOV), c'ei::'t-à-dire d'un corps unique qui
dans ce texte, interviennent dans la description du changement selon serait prédiqué d'une multiplicité de sujets différents, ne peut nuIlement
la première catégorie, celle de la substance: le changement de « ceci être ici prise en compte; comme cela est affirmé en Mél., Z 16, «rien
en cela », entendez de telle substance détenninée en telle autre, est de ce qui est commun n'est une oucrta, car l' ouaia n'appartient à
interprété comme « celui d'une oùcria en puissance en une ouaîa en rien d'autre qu'à eIle-même et qu'à ce qui la possède et dont eIle est
entéléchie », c'est-à-dire comme l'actualisation d'une substance qui, l'oùcrta>> (1040 b 23-24).
jusque-là, n'existait qu'en puissance. Une fois établis les trois critères propres à l'augmentation, à savoir
Une fois établi (1) que l'augmentation (ou la diminution) se distingue Cl) que toutes les pmties de ce qui augmente doivent augmenter, (2) que
des autres formes de changement non seulement par son « nepi 0 » mais quelque chose doit venir s'ajouter et (3) que ce qui augmente est préservé
aussi par la manière selon laquelle elle se produit et (2) que ce « à quoi et subsiste (cf. 321 a 19-22), Aristote introduit l'examen de la nature de
elle se rapporte» est la grandeur, Aristote entame l'analyse de la manière « ce qui augmente », examen au cours duquel apparaît la dernière occur-
selon laquelle se produit l'augmentation. C'est dans le cours de cette rence d'oOcrta en GC, l, 5. La question posée concerne l'identification
analyse (qu'il n'est pas nécessaire de développer ici) qu'apparaît une de ce qui augmente: s'agit-il (a) uniquement de ce à quoi quelque chose
troisième occurrence d'ouata, dans un passage où le Stagirite entend vient s'ajouter (le corps nourri), ou (b) également de cela qui s'ajoute (la
montrer que l'on ne peut concevoir l'augmentation comme une généra- nourriture) ?
tion de la grandeur à partir de quelque chose qui serait dépourvu de gran- «(b) Pourquoi donc n'y a-t-il pas eu augmentation des deux? Ce qui aug-
deur, de la même manière que l'on ne peut concevoir la génération abso- mente et le facteur d'augmentation deviendraient tous les deux plus grands,
lue de telle ou telle substance à partir de quelque chose qui ne serait pas comme quand on mélange de l'eau et du vin : on a indifféremment plus de
soi-même une substance particulière. Il est ainsi amené à rappeler le l'un et plus de l'autre. (a) La cause serait-elle que l'oùatu de l'un demeure
caractère non séparable de la matière, et le fait que la matière de l'oùcrta mais ce~le de l'autre, la nourriture, non (il on tOÜ ).lÈv j.tSVSt ft ouO"ta, tOÜ
D'OiS, oiov tflç tpo<pflç ;)? De fait, dans ce cas aussi, c'est du nom de
corporelle, de la grandeur et de l'affection est une et la même: l'élément qui prévaut qu'on qualifiera le mélange, quand on dit par exemple
« Ainsi donc, comme nous l'avons défini ailleurs, une chose ne tire sa géné- que c'est du vin. Car le mélange des composants produit l'effet du vin, non
ration absolue que d'autre chose; et elle est engendrée sous l'action de de l'eau. Il en va de même dans le cas de J'altération: si la chair demeure
quelque chose existant toujours en entéléchie, de même espèce ou de même dans son être et son essence (si ).lSVSt aâpç o6aa Kat to tt Èat{), mais
genre (comme le feu du feu ou un homme d'un homme), ou sous l'action qu'elle se met à posséder une affection par soi qu'eUe ne possédait pas
d'une entéléchie (le dur ne naît pas du dur). Et puisque la matière de l'ooata auparavant, on a eu là une altération» (321 a 30 - b 5 ; trad. M. Rashed,
corporelle et a fortiori de tel ou tel corps concret (car il n'est rien qui soit modifiée).
un corps en général), ainsi que de la grandeur et de l'affection, est une et la
même (ènst o'ècrtt Kat oÙO"ta~ ÜÀ,ll amj.tu'ttKflç, acOj.tutoç 0'11011 totouoi Dans ce texte, le terme oOcrta peut être compris à la fois (1) comme
(crro).lU yàp KOlVàv oOÜÉv). f] aOnl Ku1 ).lEyÉOOUS Ku1 "éteoUS), elle est signifiant l'essence d'une substance concrète et (2) comme renvoyant à
séparable dans sa définition mais non selon le lieu, à moins de considérer la substance catégoriale et donc à une substance concrète (i.e. un com-
aussi les affections comme séparables» (320 b 17-25 : trad. M. Rashed). posé de matière et de fonne). D'une part, en effet, 1'00crta est ce qui,
Dans ce passage, le tenne oocrta réfère à la substance catégoriale, par d'une substance concrète (wù ftÈY ... , WÙ 0'), demeure (ftévet). Or, en
contraste avec les catégories de qualité et de quantité (cf. ft8Yé80uç Kai l'occurrence, ici, ce qui demeure doit être compris comme la nature
254 BERNARD COLLETfE-DUCIé §5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 255

même de la chose considérée, son essence (cf. 321 b 3 : ,à ,l ÈGu). naturellement composées avec « les plantes et les animaux et les parties
D'autre part, ce qui, lors de l'augmentation, demeure et ne subit pas de de chacun », c'est-à-dire en somme (a) les plantes et les animaux ainsi
corruption, est en même temps le sujet de l'augmentation, sa matière. Or que (b) les corps anhoméomères (les organes) et (c) homéomères (os et
cette matière, comme cela a été convenn plus haut (cf. 320 b 12-14 et 30- tissus orgauiques) qui les composent; quant aux « corps perceptibles »,
31), n'est pas une matière séparée (quelque chose qui serait dépourvu de ils désignent, selon lui, la matière des substances naturellement consti-
grandeur et donc de corporéité) mais une oOGtU concrète à part entière, tuées, une matière toutefois déjirinformée et qu'Aristote, selon Joacltim,
pourvue des différents attributs propres au corps (qualité, quantité, etc.). réduit aux quatre corps simples que sont la terre, l'eau, l'air et le feu.
Étant donné l'aspect biologique que revêt le GC en de nombreux
passages l5 , l'identification des substances naturellement composées avec
GC II, 1
les plantes, animaux et parties de ceux-ci paraît tout à fait justifiée. Quant
Le deuxième livre de GC compte huit occurrences du terrue oOGlu, la à l'expression OOK aVEU ,rov u1crB'l'rov GCOllaHÛV, elle me semble en
première survenant dès le début du premier chapitre, une fois récapitulée revanche avoir comme fonction de réduire la considération des sub-
la recherche effectuée dans le précédent livre: stances naturellement composées à la seule corporalité de leur nature,
réduction qui mène à mettre entre parenthèses leur dimension biologique
« Il reste donc à étudier ce qu'on appelle" éléments" des corps ('cà KUÀOU-
!lEva O"1:otxeta 'tOW crCO/la'Coov). Car la génération et la, corruption, pour (le fait qu'il s'agit de substances vivantes). En ce sens, l'expression
toutes les oucriat naturellement constituées, ne se prodmsent pas sans les « corps perceptibles» renverrait au corps en tant que tel, à travers l'une
corps perceptibles (yÉveo"iç Jlf;V yàp Kat cp90pà nucratç 'tuiç <pÛcrEl de ses caractéristiques essentielles, à savoir le fait d'être perceptible,
cruveO'''Com(tt<; oùo'Îfn<; ODK aveu 'trov atcrSrrrrov crroJ.1utcov) }) (328 b 31- donc de posséder, comme i.1 est dit en 329 a 10-11, au moins une contra-
33 ; trad. M. Rashed, modifiée). . riété (i.e. être soit chaud, soit froid ou soit sec, soit humide). Les corps
Dans ce passage, Aristote détermine un nouvel objet d'étude, à savoir simples étant par définition ceux qui possèdent la qualification la plus
«ce qu'on appelle "éléments" des corps» et, plus précisément, éléments rudimentaire (chacun ne possédant pas plus de deux contrariétés), l'étude
des «corps perceptibles ». Ce nouvel objet se justifie, explique-t-il, du de «ce qu'on appelle "éléments" des corps » mènera tout naturellement
fait que « la génération et la corruption, pour toutes les OOGtat naturel- à leur aualyse.
lement composées, ne se produisent pas sans les corps perceptibles ».
Les otJO'tat en question sont sans conteste des substances concrètes, GC II, 6
en l'occurrence des substances naturellement composées (par opposition GC II, 6 compte une seule occurrence. Le contexte général est celui
à des artefacts). Mais (1) l'identification de telles oOGtat et (2) le lien d'une critique de la tbèse d'Empédocle selon laquelle les éléments des
existant entre leur génération et leur corruption et ce qu'Aristote appelle corps sont certes multiples mais ne se changent pas les uns dans les autres.
« corps perceptibles » ne sont pas immédiatement évidents. Plus précisément, le passage où intervient le terme couia concerne la
Dans son commentaire, H. Joacltim comprend OOK aVeu comme l'ex- cause de la « génération de ce qui est confonne à la nature» :
pression d'une condition sine qua non: «[La] condition indispensable
« Quelle est donc la cause? Sûrement pas le feu ou la terre; mais l'amour
[de la yÉveO'tç] est toujours la génération d'un nouveau "corps percep-
non plus, ni la discorde, car celui-là explique seulement l'association, celle-
tible" - i.e. le développement de certains matériaux corporels percep- ci la dissociation. La cause, c'est l'oûcrta de chaque chose Ci] oùala
tibles jusqu'à un niveau de complexité où ils forruent la matière appro- 1Î é:Kacr-rou), et non pas seulement" mélange et séparation de ce qui fut
priée capable d'être inforruée par telle âme »; «la fondation de toute mélangé", comme il prétend. C'est chance, "le nom à iceux conféré", non
naissance et de toute mort dans le monde orgauique est la yÉveO'tç et la pas Proportion, puisqu'un mélange peut bien avoir lieu selon la chance.
'l'Bopa des uIGB'l,à GcOllum» (p. 192). Sur la base de cette interpréta-
tion et d'un renvoi à Mét., H l, 1042 a 6-11, il identifie les substances 15 Cf. M. RAsHED, p. cxl-clxxxvi.
256 BERNARD COLLETIE-DUCré §5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 257

Mais la cause des êtres naturels, c'est le fait qu'ils sont tels ou tels, cette (334 b 34-35 ; trad. M. Rashed) ; or, étant donné que les corps composés,
natme de chacun, de laquelle il [sc. Empédocle] ne dit rien (,iiJV ~Tj <pDGSt parmi lesquels les homéomères, sont des corps sublunaires (sc. existant
ovrrov aïnov 10 OÜtcoç 8XEtv Kat fI f:Kémtou <pucnç alJ'tTl. 7tEpi llÇ oûûÈv
«dans le lieu du milieu », 334 b 31-32), la tene se trouve nécessairement
À,SYE1), au point finalement de ne rien dire "S~r la;Na~ure':; ma,is ?'es}
pourtant cela le principe de perfection et de bIen (aÀÀa ~~~ Kat tO EU en chacun d'entre eux. L'eau, de son côté, est nécessaire du fait qu'elle
wù'o Kai àyae6v)>> (333 b 11-19; trad. M. Rashed, modifIee). est facilement délimitable et qu'elle assure à la tene une cohésion. Reste
le feu et l'air, dont la présenée, on va le voir, relève d'un autre mode de
Dans ce texte, l'oilata est clairement associée à la <puenç : la cause de nécessité:
la génération des choses conformes à la nature n'est autre que l'ouata ou
«L'air et le feu, eux, c'est du fait qu'ils sont les contraires de la tene (la
<puenç de ces choses et non, comme l'affirme Empédocle, le «mélange tene est le contraire de l'air, l'eau du feu, autant qu'il est possible à une
et la séparation de ce qui fut mélangé». M. Rashed traduit ici oilata par ouaia d'être le contraire d'une ouata) (yii Ill:v yàp àÉpt, üorop 01: nupi
« essence » et un texte parallèle de la Physique, où Aristote parle alors gvav'ttov ga'ttv, roç gV08X8'tat oùutav OÙ(i'la gvavtiav dvat), Puis donc
de ~à ~t ~v sivat, semble effectivement lui donuer raison 16 • En outre, que les générations ont lieu à partir des contraires et que pour chacun des
nous savons par la Physique (dont les discussions constituent l'arrière- couples de contraires, l'un des deux extrêmes est présent dans le corps, il
est nécessaire aussi que l'autre contraire y soit également présent - en
fond du présent texte) que, (l) si la nature s'exprime comme ma!ière sorte que tout composé contiendra tous les corps simples» (335 a 4-9 ; trad.
ou comme elooç des substances (cf. II, 7, 193 a 28-31), (2) l'eiooç M. Rashed)
« est davantage nature que la matière, car on nomme chaque chose
Oùaîa. réfère ici à deux tennes contraires, en l'occurrence, deux corps
quand elle est en entéléchie plutôt que quand elle est en puissance »
simples, donc deux substances concrètes, On notera toutefois la réserve
(Il, 7, 193 b 6-8 ; trad. A. Stevens). En ce sens, l'oilata de notre pas-
d'Aristote concernant une telle contrariété: «autant qu'il est possible
sage, comprise comme essence de chaque chose et :: principe de per-
à une oùala d'être le contraire d'une oùaîa », écrit-il. II convient en
fection et de bien», renvoie vraisemblablement à l'eiooç (dont la pré-
effet de rappeler que dans les Catégories, le Stagirite affirme qu'aucune
sence manifeste la pleine réalisation de la nature d'une chose).
substance (première ou seconde) ne peut être contraire à une autre sub-
stance: «Ainsi, un certain homme n'a aucun contraire. Et pour sûr,
GC II, 8 l'homme non plus ou l'animal n'ont le moindre contraire» (Cat., 5,
Les deux occurrences eu GC II, 8 apparaissent dans l'explication de la 3 b 25-27 ; trad. R. Bodéüs). On peut dès lors se demander ce qui
composition des corps homéomères (tissus, os, etc.). Après avoir expli- autorise les corps premiers, qu'Aristote considère ici comme étant
qué que leur formation se fait par mélange des corps simples (terre, eau, des ooatm, à être des contraires. La clef nous est donnée en Mét., Z 16 :
air et feu), Aristote s'emploie à présent à démontrer que chaque corps «Il est manifeste que, même parmi les choses qui sont considérées
homéomère (i.e. formé de parties semblables), suppose initialement, à comme étant des substances, la plupart sont seulement des puissances
titre d'ingrédient, les quatre corps élémentaires. La présence de la terre (OUVUIl8tÇ): telles sont les parties des animaux (car aucune d'elles
s'explique, écrit-il, du fait que «chaque élément est pdncipalement et n'existe séparément, et même, si une séparation survient, elles n'existent
pour la plus grande partie de lui-même dans le lieu qui lui est propre » alors toutes qu'à l'état de matière), et aussi la terre, le feu et l'air. En
effet, aucun de ces éléments ou parties n'est un (oùOèv yàp arnrov Ëv
saTtv) : ils sont comme un tas (à),),: olav awp6ç), avant qu'ils soient
16 «Par conséquent, puisque la nature est en vue d'une ~in, il faut la connaî!re aussi,
et il faut aussi rendre compte, de toutes façons, du pOurqUOl, par exemple le fatt que de élaborés et que quelque chose d'un n'advienne d'eux (nplv 1j 7l:E<p8il
telle chose advient nécessairement telle autre, et ce absolument ou dans la plupart des cas: Kal yÉvll.at Tt Ëv sanv»> (1040 b 5-10; trad. J. Tricot, modifiée).
Et s'i! faut que celle-ci soit, de même que la concl~sio~ vien,t d~s 'prémi~s~s~ c'e~t ~U~Sl Contrairement à leur désignation en GC II, 8, les corps simples ne sont
parce que c'était cela sa quiddité et parce que c'étaIt mieUX ,amsl (?n 1:0U1: ~ ll;~'t"O n llv
dVUl Kat oton pÉA.1:lOV OÜ1:roç), non pas absolument malS relatIvement ~ 1 etance de donc pas de véritables substances, et cela parce qu'ils ne possèdent pas
chaque chose» (Physique, II, 7, 198 b 4-9 ; trad, A. Stevens). une védtable unité (i.e. celle propre au 1608 Tt et qui caractérise les
258 BERNARD COLLETIE-DUCIé
§5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 259

substances premières; cf. Cat., 3blO-18). TIs ne constituent pas encore Dans ce passage, l' « oùcria de chaque chose» renvoie à la dimension
des substances pmfaitement particularisées et uuiques, desquelles on ne formelle - et donc « essentielle », cf. 335 b 35 :10 1\ ~v dven Kat 1i]v
peut nnlle part trouver de contraire. Leur détermination est en effet pri- I.lOP<Pi]v - des êtres sujets à la génération et corruption, c'est-à-dire à
mitive puisque originelle, chacun des corps élémentaires n'étaut formé leur 1l0p<pi] ou dooç. Il fait rappel, comme le note Joachim 20 , à GC II,
que de deux contrariétés: la terre est froide et sèche; l'eau, froide et 6333 b 16-20 et ainsi à l'occurrence de GC II, 6 analysée plus haut.
humide; l'air, chaud et humide; le feu, chaud et sec. C'est cette déter-
mination minimale qui les autorise à être des contraires (terre/air et GC II, 10-11
eau/feu) et, ce faisant, à pouvoir interagir lors d'un mélange et ainsi pro- L'une des dernières et sans doute des plus intéressantes occurrences
duire un corps nouveau (chair, tissus, etc.)17. d'oÛcr\a, dans le GC, apparaît dans l'explication de la perpétuité de la
génération par la cause finale qui la régit :
GC II, 9
«Puisque pour toutes choses, nous disons que c'est toujours le meilleur que
En GC II, 9, Aristote introduit la question de la nature et du nombre "désire" la nature (end yàp ev anacrlV o.si 10U ~SÀ1!OVOÇ ôpi:yscr9a!
des principes (ou causes) de la génération et de la corruption. Son pro- cpa~av TtlV cpucnv), qu'être est meilleur que ne pas être (en combien de
sens nous disons être, on ra expliqué ailleurs) et qu'il est impossible que
pos consistera à montrer que la cause formelle et la cause matérielle
l'être appartienne à la totalité_des choses du fait de leur position éloignée
supposent nécessairement une troisième cause, la cause efficiente. - du principe (psÀttoV oÈ tO EÎVat il tÔ wft EÎVat ( ... ), toG'"Co o'aouvatov
La cause matérielle est abordée en termes de modalité logique!' : ev anu<Jlv unàpxSlv otà 10 n6pPül1fiç àpxfiç o.<p!cr1ucr9m), c'est de la
« c'est en tant que matière que la possibilité d'être et de ne pas être est façon qui restait que le dieu a assuré la complétude du Tout, rendant la
cause pour les êtres sujets à la génération », écrit-il. À côté des êtres qui, génération perpétuelle (tcp Àal1wj.lsvcp tp6n:cp cruvanÀlÎprocra 'to oÀov Ô
9aôç, svoaÀaXll notlÎcraç tllV ysvacrtv). C'est ainsi que peut se réaliser au
de toute nécessité, sont et de ceux qui, de toute nécessité, ne sont pas, les
plus haut point la concaténation de l'être, du fait de l'extrême proximité
êtres sujets à la génération et à la corruption apparaissent comme à la qu'entretiennent avec l'oùcria le devenir et la génération perpétuels (OÜtro
fois pouvant être et ne pas être. yàp av j.laÀtcr'"Ca cruvatpotTo tO aiVat otà tO syyu'"Ca'ta dvat 'ti1ç oùuiaç
Le Stagirite passe alors à la considération de la cause formelle: tà yivacr9at dei Kat 'tllV ysvacrtv). La cause en est, on l'a dit, le déplace-
ment circulaire (lÎ KUKÀC[) cpopa), car c'est le seul déplacement continu.
« Voilà pourquoi c'est en tant que matière que cela est cause pour les êtres C'est pourquoi toutes les autres choses, qui se transforment les unes vers les
sujets à la génération; mais en tant que fin, c'est la forme ou la spécificité autres selon leurs affections et leurs puissances, comme les corps simples,
qui est cause 19 , c'est-à-dire la définition de l'oDcrta de chaque chose (610 imitent le déplacement circulaire (J.ltJ.lsl1m 111V KUKÀ'fl <popav) " (336 b 26 -
K(11 ffiç ~ÈV üÀl1 'tOUt' ÈCJ'"cLV aïnov 'toiç ySVTl1:01Ç, ooç oÈ 'Co o~ ËVEKBV 737 a 4 ; trad. M. Rashed, modifiée).
il 1l0P4'1l Kat 1:0 g{ooç· 'tOUtO o'ÈcrttV Ô À.oyoç tflç EKaO'tOU où<riaç) »
(335 b 5-7 ; trad. M. Rashed, modifiée). Dans ce passage, l' oùcria prend une coloration platonicienne 21 et
désigne l'être (10 dvat) compris comme ce qui demeure toujours iden-
tique à soi 22 • En ce sens, oÛcr\a est ce qui s'oppose à yÉve<Jlç. Mais
17 Ainsi qu'il est. dit en Météorologiques, IV, 12389 b 29 - a 4, dans les corps simples
(terre, eau, air et feu) et les corps homéomères, il est plus difficile de voir la coprésence
d'une matière et d'une forme, car la matière, écrit Aristote, «y prend plus de place}) et 20 H. JOACHIM, op. cit., p. 248.
21 Cf. Phédon 78 d 1-3, où l'oùaia est comprise comme roaatn:coç {tEi &XEl. Kœr:Ù
la fin y est de ce fait plus difficilement perceptible. Cette fin, en revanche, se manifeste
plus clairement au niveau des corps organiques complexes (plantes, animaux, etc.) - dont -WÙtU et 79 d 5-7, où l'âme est dite« toujours semblablement même qu'elle-même» dès
les corps simples et les homéomères sont les instruments - , en lesquels la fonne ou spé-
lors qu'elle est dans la proximité des oùaim ou Idées.
22 L'arrière-fond philosophique de ce passage est vraisemblablement Mét. A 7 qui
cificité trouve sa pleine réalisation.
traite du Premier Moteur comme Bien en soi et Désirable en soi, principe « auquel sont
18 Cf. M. RASHED, op. cit., p. 170, n. 8.
19 Sur la réduction de la cause finale à la cause formelle qu'implique ,ce passage,
suspendus le ciel et la nature» (1072 b 14), « substance éternelle, immobile et séparée des
êtres sensibles» (1073 a 4-5).
cf. GA J, J, 715 a 8-11.
260 BERNARD COLLETIE-DUCré §5. GÉNÉRATION ET CORRUPTION 261

précisément, l'enjeu de ce passage est de montrer que la yéveal<; n'est D. CONCLUSION


pas sans part de l'être, car la yéveGtç du monde sublunaire est soumise
à la nature et au dieu qui la gouverne, et désire elle aussi être, un désir Le trait le plus significatif de l'oùa(a, dans le Ge, est sa récurrente
qui la mène à imiter le déplacement circulaire des astres. Par là, elle association avec la notion de ,608 Tt. Une telle association est sympto-
participe également de l'éternité de l'être et devient yéveGtç perpétuelle matique de l'un des enjeux de ce traité, à savoir celui de montrer que
(cf. Ge II, 10, 336 b 34 : ",> y(veG9at dei Kat 1ijV yéVEGtV). Ainsi en la génération ou la corruption, qu'elle soit absolue ou relative, suppose
va-t-il, par exemple, des corps simples, où le dernier corps engendré (le toujours une polarisation: engendrer, c'est toujours faire venir à l'être
feu), devient lui-même générateur du premier (la terre), de sorte que le quelque chose, donc réaliser quelque chose qui, jusque-là, n'était pas;
cycle génératif n'a pas de fin (cf. Ge II, 10,337 a 4-6). Toutefois, ainsi corrompre, en revanche, c'est faire disparaître l'être, passer dans le non-
qu'Aristote l'explique en Ge II, 11, les êtres sublunaires, qu'ils soient être, le non-réalisé. Or la réalisation ou entéléchie se manifeste, selon
simples ou composés, ne peuvent avoir part à l'éternité et à la nécessité Aristote, par la présence d'un dooç, lequel détermine la matière qui
que spécifiquement et non numériquement: l'accueille et en fait un -r08E n, Le. une substance particulière, numéri-
quement une et séparable.
~~ Ainsi toutes les choses dont l' oocrta mue est incorruptible, il est clair
qU'elle; seront identiques même numériquement (ocrmv IlÈ:V o?)v acpElap'tOv Une telle polarisation du devenir existe, ainsi qu'il est dit en Ge l 3,
il oùma 1Î KtvOUj.1ÉVll. cpavspov on Kat àpt61lQ) 'wtJ'tà Ëcrtat) car le mou- en chaque catégorie, donc tant au sein de la catégorie de la substance
vement suit le mû; mais toutes celles, à rebours, dont l'oùcrîa ne l'est pas qu'au sein des catégories adjectivales (en tout cas celles qui admettent
mais est cOlTuptible, il est nécessaire qu'elles soient identiques spécifique- un changement). Cela signifie, dès lors, que dans la première catégorie,
ment, mais qu'elles ne reviennent pas numériquement à leur point de départ
certaines substances seront plus oùatu que d'autres, c'est-à-dire mani-
(O"OlV ai: ).lYJ à'Jc'Jcà cpSaprij, avuYKll rQi 81aEl, àptS).lQi ai: ).lYJ dVaKU).l-
TC't8tv). C'est la raison pour laquelle l'eau qui provient de l'air et l'air qui festeront plus clairement, par leur détermination, l'elooç et le ,éÀoç
provient de l'eau sont spécifiquement identiques, mais non pas numérique- qu'elles réalisent. Nous avons vu, à l'occasion de l'analyse de Ge II, 8,
ment. Et même si ceux-ci l'étaient numériquement, les êtres dont l' oû<J{a à quoi correspond une telle distinction: certains corps, comme les corps
est engendrée ne le seraient pas, puisque cette oûcriu e~t telle qu'ellè pour- simples (terre, eau, air et feu) ou les homéomères, ne peuvent au sens
rait ne pas être (et of: Kat -ruû-ru âple~~, â'A'A' üOX Cov ft oùula y{ve-rUl
propre être appelés substances, car ils ne sont que les parties de touts plus
ot"a rmaurll ola ~voÉX8()"Sm).li! e\vm)>> (338 b 14-19: trad. M. Rashed).
grands, à savoir les corps organiques complexes comme les plantes et
Les deux occurrences d'ouata, dans ce passage, renvoient à des les animaux, pour la réalisation desquels ils servent à titre d'instrument
substances concrètes, à savoir des corps soit incorrnptibles (les astres), (cf. Météorologiques L'. 12). Aussi, seuls les corps naturels complexes,
soit corruptibles (les corps sublunaires). Les oùa(at incorruptibles, en lesquels se manifeste pleinement l'dooç, constituent de véritables
précisément du fait de leur incorrnptibilité, persistent dans leur singu- substances, à savoir des substances indépendantes et séparables.
larité (i.e. numériquement, dpt9).lq,), c'est-à-dire comme tels composés On notera, enfin, que le terme oùatu désigne également, à une occa-
de matière et de forme. Les oùa(at corruptibles, de leur côté, ne peu- sion (cf. Ge II, 10), l'être, cette fois entendu non pas comme être advenu
vent persister dans l'identité que spécifiquement, à savoir non pas donc ou réalisé, mais bien plutôt comme ce qui est et demeure éternellement
comme composées de matière et de spécificité, mais seulement 'tep e1:8Et, identique à soi, sens qui fait inévitablement penser à celui associé au
par l'espèce. Il en va ainsi, on l'a dit, des corps simples, mais égale- Premier Moteur de Métaphysique, A 7, lui-même qualifié de « substance
ment des corps homéomères et des corps complexes comme 1'homme éternelle, immobile et séparée des êtres sensibles » (1073 a 4-5), et à
(cf. Ge II, JI, 338 b 5-9, DA II, 4, 415 a 25 - b 7 et GA II, 1,731 b 20- l'ouala du Phédon de Platon, laquelle est décrite comme «ce qui se
732 a 1)23. comporte toujours semblablement en restant même qu'elle-même »
(78 d 3).
23 Sur ces deux derniers passages, cf. M. RASHED, op. cit., p. clxxix-clxxxiii.
§6. GÉNÉRATION DES ANIMAUX, MARCHE DES ANIMAUX,
MOUVEMENT DES ANIMAUX, PARTIES DES ANIMAUX.

Liliane BODSON

Sommaire 263
Préambule 263
Éditions de référence 266
Autres éditions, traductions et commentaires consultés 267
A. Données quantitatives 272
B. Observations grammaticales et contextuelles
B.I. Observations grammaticales 273
B.2. Observations contextuelles 278
C. Analyse sémantique
c.l. Traduire oùcria et les expressions corrélatives 282
C.U. Où"ia 282
C.!.2. '0 MyoS TijS où"iaS 295
C.l.3. Tà Ti ~v dvut 297
C.2. Caractérisation et applications générales de l' oÛcr{u 298
C.3. Expressions de l'oùcria chez les êtres animés périssables 305
C.3.1. Parties uniformes et anatomie fonctionnelle 306
C.3.2. Parties non uniformes et anatomie fonctionnelle 312
C.3.3. Nature de l'être humain et anatomie fonctionnelle 317
C.3.4. Génération 318
D. Conclusion 322

PRÊAMBULE*

En prenant pour « principal, premier et, pour ainsi dire, unique objet de
recherche» la question «"Qu'est-ce que l'étant (1à av) ?", c'est-à-dire

* Abréviations et renvois intemes :


Abréviations
DELG = Dictionnaire étymologique de la langue grecque (voir CHANTRAINE, Diction-
naire, 1999).
GEL = Greek-English Lexicon (voir LIDDEll. - SCOTT et al., A Greek-EnglishLexicon, 1968).
16. TRAITÉS BIOLOGIQUES 265
264 LILIANE BODSON

"qu'est-ce que l'oucrta?" », Aristote ne se dissimule pas qu'elle est plusieurs manières' et les livres Z et H de la Métaphysique, entre autres,
immense (les ùrcoptm qu'elle engendre dans la seule Métaphysique en instruisent progressivement de celles qui sont valides7 Sur le plan des
témoignent l ) et vouée à demeurer à jamais problématique2 , vu la polyva- causes,
lence du concept et celle de nombreux autres, tels que 10 1:1. 8an, 'rD '["i, de celle-là (;::;; oouta) le premier sens est, en tant que matière, ce qui, en soi,
1:0 'Ü nv dvat et encore '"Cà ov--cu, '"Co OTCSp av, onep DV 'Co DV, etc., qui n'est pas «celui-ci en particulier », un deuxième est conformation et forme
(oouta) selon laquelle désonnais la matière est dite «celui-ci en particu~
lui sont liés 3 , Comme l'âme' à laquelle elle s'identifie', l'oùcrta se dit de
lier », et le troisième c'est le produit de ces facteurs-làs.

PHI CD ROM #5.3 :::: The Packard Humanities Institute CD Rom #5.3 : Latin Texts (1991). De là,
TGL :::: Thesaurus Graecae Linguae (voir EsTIENNE, Thesaurus, 1842-1846).
tandis que, pour les êtres engendrés, cela (;::;; la nécessité qu'il y ait généra-
TLF :::: Trésor de la langue française (voir TLF).
tion et corruption) est causal en tant que matière, la conformation et la forme
TLG = Thesaurus Linguae Graecae #E (Irvine, CA, University of Califomia, 1999 ;
voir BERKOWITZ - SQUITlER, Thesaurus, 1990). le sont en tant que « ce en vue de quoi », et voilà ce qui est le À-6yoç 0 'tftç
TLL :::: Thesaurus Linguae Latinae (voir TLL). OOutaç de chacun9 •
Renvois internes Les traités «biologiques » du corpus aristotélicien recèlent 47 attesta-
Les renvois internes sont faits aux notes infrapaginales. Dans de nombreux cas, le texte
principal correspondant à celles-ci est aussi concerné. tions du mot oùcrta (dont deux au pluriel lO), Elles se répartissent inéga-
lement dans la Génération des animaux (GA), la Marche des animaux
1 Cf. la bibliographie rassemblée par RADICE, La «Metafisica », 1997, entre autres
(Marche), le Mouvement des animaux (MA) et les Parties des animaux
p. 661-662 (s. v. Essenza), 714-719 (s. v. Sostanza), 735-736 (oùcria); 737 (d ~v 8.ÏVUl);
les chapitres relatifs à l'Organon et à la Métaphysique dans le présent volume. Sur les (PA), à l'exclusion de l'Histoire des animaux (HA)l1 Sur aucune d'entre
apories examinées dans Mét., B, voir, par exemple, WITI, Substance, 1989, p. 31-34. elles Aristote n'exprime d'embarras (à.nopta)12 ni n'entame de discussion,
2 Mét., Z, 1, 1028 b 2-7: Kai oTt Kat 'Co 1 nû)",at 'CE Kat VOV Kat ad sl1'tOÛf.lEVOV Kai
dd anopOÛf.lEVOV, l 't'i 'Co av, 'tOO'CO Ècr'Ct 'Ciç ft oùcria ... 1 (1. 6) OtO Kat ftf.liv Kat
6 Mét., Z, 3, 1028 b 33-36 : AÉys'tat Ù' ft oùcria, d, llTt nÀEovaxooç [voir ci-dessus
n. 3], d)"')"" sv 'ts'C'Capcri ~ ys l.uIÀw'Ca· Kat yàp 'Co 'Ci. ~v dvaL Kat 'Co Ka80Àoo 1 Kat
f.lu)",tcr'Ca Kat npro'tOv Ka\. f.lOVOV 1 dJç dndv nE pt 'tOU oü'Cwç av'tOç 8EWPll'Céov 'Ci scrnv.
([ALEXANDRE D'ApHRODlSIAS], In Met., Z, 1, 1028 a 31, p. 461, 11. 30-31 Hayduck, 1891,
'Co yÉvoç ooO'ia OOKEÏ Elvat &K6.cr'COO, Kat 'CÉ'tap'Cov 'Coû'Ccov l 'Co 6nOKElIlEvOV. (cf.
ne commente pas ce point précis). Cf. LACEY, «üùcria », 1965 (p. 54 : observations de
[ALEXANDRE D'ApHRODISIAS], In Met., Z, 3, 1028 b 27, p. 463, 1. 18 - 464, 1. 20 Hayduck,
l'auteur, qui rend oocria par «substance» [voir ci-dessous, C.l.1, n. 76], sur l'ambiguïté
1891); 13, 1038 b 2-3 (cf. [ALEXANDRE D'Al'HRODISIAS], In Met., Z, 13, 1038 b 1, p. 523,
de l'anglais «Being)} pour traduire le grec 'Co av).
1. 12 - 527, 1. 13 Hayduck, 1891).
3 Dans la seule Métaphysique, six concepts, dont 'Co Ëv, 'Co 'Ci Ècr'Ct, 'Co ).LTt ov, sont,
7 Voir aussi Mét., A, 8, 1017 b 23-26 (ALEXANDRE D'ApHRODISIAS, In Met., A, 7,
comme oùcria (voir ci-après, n. 6), «dits n)",EovaX&Ç» (littéralement « en plus grand
1017 b 10, p. 374,1.37 - 376, 1. 12 Hayduck, 1891), ci-dessous, C.2, n. 164: GA, II, 1,
nombre») et 21 sont, comme 'VUXTl et les facteurs associés (voir ci-après, n. 4 : Âme, II, 1,
731 b 34; Z, 13, 1038 b 8 - 1039 a 2. Sur les <j>ucrtKai oùcriat, voir ci-dessous, C.2,
415 b 8), « dits noÀÀax&ç » (littéralement « en grand nombre»), parmi lesquels se retrou-
n. 16~: PA, I, 5, 644 b 22-24 et références parallèles.
vent 'Co Ëv, 'CO).LTt ov et s'insèrent 'Co av, 'Cà av'ta, 'to dvat, 'Co 'Ci ~v dvat (sur cette locu-
8 Ame, II, 1,412 a 7-9: (1. 6 'CT]V oûcrt.av) l 'CaÛTllç oi'; 'Co llÈV dJç üÀT]V, ô KaS' afno
tion, voir ci-dessous, B.2, n. 42, 43 ; C.l.3 ; C.3.4: texte afférent à PA, II, 1, 646 a 35 -
b 2 [no 312]); voir Mét., r, 4, 1006 a 28 - b 34 (la manière d'en user avec les mots qui f.lÈv OÙK Ecr'Ct 'COOE l 'Ct, Ë'CEpOV oÈ f.lOPCPTtV Kat dooç, KaS' llV îlOT] ÀÉyE'Cat 'C60E l 'Ct
Kat 'Cphov 'tO ~K 'COl)'troV. S-~r ce qu'estl'dooç de l'être humain, cf. Mét., H, 4,1044 a 36;
ont plus d'une signification, en particulier b 20-22: rapport entre avo).La et np&:wa). Sur
Ti 0' mç 'Co dooç ; 'Co 'Ci ilv dvat. Sur la traduction des mots llOPCPll et BÏooç, voir
la «plurivocité» et les notions corrélatives, voir STEVENS, L'ontologie, 2000, p. 61-156.
BODSON, «§6. Aristote », 2003, p. 404-407.
4 Âme, II, 1, 412 b 10 (éd. JANNONE - BARBOTIN, 1966) : 'Ci ÈO''Ctv ft 'V0XTl' oùcria yà.p
9 Gén. et CO/T., II, 9, 335 b 5-7 : mç llÈV UÀll WÜ't' [= avuyKT] yBVEcrW dvaL Kat
fI KU'Cà 'Cov ÀOyov (cf. ci-dessous, B.2, n. 44: II, 1,412 b 10-11); 4, 415 b 7-14: "Ecrn
cp8,?pav] Ècr'CtV a'inov 'Coiç 1 yEvT]'Coiç, mç oÈ 'Co 06 ËVEKEV 1Î 1l0PCPtl Kat 'Co Blooç'
oÈ fI l 'VOXTt 'Coo s&v'tOç crcOllawç ahia Kat dpxn. Tai5'ta oÈ no)",Àaxooç 1 ÀÉyB'Cat.
'tOmo 1 0' Ëcr'Civ Ô Àoyoç Ô 'Cftç 6K6.cr't00 oùuiaç. CHO, Ousia, 2003, p. 251 ; chapitre
'Ülloiroç 0' ft 'VUXTt KU'Cà. 'toùç OtroptcrllÉVOOÇ 1 (1. 10) 'Cponooç 'CpEiç sO'nv ahia' Kat
correspondant dans ce volume. Sur 6 Àoyoç 'tftç oÛcriaç, voir ci-dessous, C.l.2 ; sur le lien
yà.p ô8EV ft Ki.VT]crtÇ aÜ'Cll [Bekker: alnn], Kat 06 ! ËVEKa, Kat mç ft oùcria 'Crov
de ce Àoyoç avec la causalité finale, voir ci-dessous, C.2, n. 210: GA, I, 1, 715 a 5-6.
Èll'VûXrov crrollU'Crov fI 'VOXTt 1aï'Ctov [Bekker: ahia]. "On llÈv oov mç oùcria, ùf1)",ov'
10 Voir ci-dessous, B.l : (sans article) PA, I, 4, 644 a 23 (attribut du sujet) et C.2,
'Co yàp aÏ'ttov 'Coo dvat Ina.O'tv ft oùcria, 'Co ok çftv 'COiç Ç&crt 'Co dvai Ècr'Ctv, aÏ'ttov
n. 186; B.l : (avec article) PA, 1, 4, 644 b 22 (gén. partitif) et C.2, n. 169.
[Bekker: ahia] ok 1 Kat dPXTt 'COl)'troV 'Ii 'Vuxn·
11 L'Histoire des animaux, le texte le plus long du corpus aristotélicien en son état
5 Mét., t., 8, 1017 b 14-16: (1. 10 Oùcr(a) ... (lÀÀov oè 1 (1. 15) "pônov ... 1 olov ~
actuel (BERKOWlTZ - SQUITIER, TLG, 1990, p. 64-66), ne contient pas d'occunence du nom
'VOXTt 'Cq) scPCfl ; Z, Il, 1037 a 5 : ft llkv 'VOXT] oùcrfa fI npcO'CT], 28-29 : Ka'tà 'CDv npal'tT]v
oùcria (BODSON, Index verborum in Aristotelis Historiam animalium, 2004).
ù' oûcri.av t:O'nv, oiov dv8pc01too 6 't'ilç 'Vuxftç 1Àoyoç. Voir LE BLOND, Aristote, 1945,
12 BODSON, «§2. Aristote », 2001.
p. 27-33. Cf. ci-dessous, C.2, n. 208 : GA, II, 4, 738 b 26-27.
266 LILIANE BODSON §6. TRArrÉS BIOLOGIQUES 267

laissant ainsi entendre qne le tenne dans ces écrits-là y est, a priori, partout Marche des animaux: ACADEMlA REGlA BORUSSICA, ARISTOTEUS Opera, 1, ex
exempt d'obscurité. Elles ont donné lieu, jusqu'ici, de la part des recognitione BEKKER L,Berlin, G. Reimer, 1831, pp. 704-714.
Mouvement des animaux: NUSSBAUM Martha c., ARISTOTLE' s De motu anirna-
modernes à des commentaires ponctuels 13 ou à des analyses partielles!4. Hum, Text with Translation, Commentary, and Interpretive Essays, Ptinceton,
Même le livre de ChoIs, si fouillé soit-il, ne prend explicitement en compte Princeton University Press, 1978.
que 43 occurrences!6. Cela étant, les divergences des interprétations et, par Parties des animaux: ACADEMlA REGlA BORUSSICA, ARISTOTELlS Opera, l, ex
conséquent, des traductions l7 de oùata, dans les textes «biologiques »18 recognitione BEKKER J., Berlin, G. Reimer, 1831, pp. 639-697.
eux-mêmes et en relation avec le reste du COrpUS 19 , démontrent que le
constat du début de Métaphysique, Z, conserve, pour eux aussi, sa perti- Autres éditions, traductions et commentaires consnltés 20
nence. Les pages qui suivent sont consacrées au premier inventaire sys- Œuvres complètes: ACADEMIA REGlA BORUSSICA, ARISTOTEUS Opera, l, ex reco-
tématique des 47 emplois de GA, Marche, MA, PA. Par la description gnitione BEKKER I., Berlin, G. Reimer, 1831.
grammaticale et thématique de chacun d'eux, elles visent à cerlier les Œuvres complètes: [CATS BUSSEMAKER V.], ARISTOTELlS Opera omnia, Graeca
sujets à propos desquels le substantif est mentionné et à indiquer comment et Latine cum Indice Nominum et Rerum Absolutissimo, II (Palis, F. Didot,
s.d.) ; III (Paris, F. Didot, 1854).
il l' est de manière à fournir une base raisolll1ée aux investigations COffi- Œuvres complètes: BARNES J., éd., The Complete Works of Aristot/e. The Revised
parati~es que les vues aristotéliciennes véhiculées grâce à lui continue- A Oxford Translation, 2 vol., Princeton, Princeton University Press, 1984.
ront, de toute évidence, à réclamer. Ame: HErr W. S., AR/STOTLE. On the Soul, Parva Naturalia, On Breath, Cam-
bridge (Mass.) - Londres, Harvard University Press, 1936 (" Loeb Classical
Library », 288).
Éditions de référence**
Âme: JANNONE A. - BARBOTIN E., ARISTOTE, De l'âme, texte établi par J. A. et
Génération des animaux: DROSSAART LULOFS H. J., ARISTOTELlS De generatione traduit par B. E., Paris, Les Belles Leth'es, 1966.
animalium, recognovit brevique adnotatione critica instruxit D. L. H. J., Oxford, Analytiques seconds: TREDENNICK H., ARISTOTLE. II. Posterior Analytics, Cam-
Clarendon Press, 1965. bridge (Mass.) - Londres, Harvard University Press, 1960 (" Loeb Classical
Library », 391).
\3 Les références aux commentaires de LE BLOND, Aristote, 1945 [= LE BLOND - PEL- Analytiques seconds: Ross W. D., ARISTOTELIS Analytica priOJ'a et posteriora,
LEGRlN, Aristote, 1995] ; NUSSBAUM, Aristotle's, 1978; BALME - [GoTTHELF], Aristotle, préface et appendice de MINIO-PALUELLO L., Oxford, Clarendon Press, 1964.
1972 [1992] ; LENNOX, Aristotle, 2001a; CARBONE, Aristotele, 2002, sont, à chaque fois, Catégories: BODÉÜS R., ARISTOTE [Catégories}, texte établi et traduit par B. R.,
produites avec celles des textes auxquels elles se rapportent. Voir ci-dessous, C.2-C.3.l-4. Paris, Les Belles Leth'es, 2001.
14 GOTTHELF, «Notes », 1985.
Contre les professeurs: SEXTUS EMPIRICUS, Against the Professors, Londres -
15 CHO, Ousia, 2003.
16 Sont absents de l'index des passages cités ou analysés et, sauf erreur ou omission
Cambridge (Mass.), William Heinemann - Harvard University Press, 1949
de lecture, du texte et des notes: Marche, 2, 704 b 16; 8,708 a 12; MA, 3, 699 a 22;
(<< Loeb Classical Library », 382).
PA, J,l, 641 b 32. Cratyle: MÉRIDIER 1.., PLATON, Œuvres complètes, V, 1 : Cratyle, texte établi et
17 Sur la translittération, voir ci-dessous, C.l.l, n. 88, 92. traduit par M. 1.., Paris, Les Belles Lettres, 1931.
18 En dernier lieu, voir LENNOX, Aristotle, 200la, surtout, p. 121, 141-142; CHa, Ousia, EMPÉDOCLE: DIELS H. - KRANz W., Die Fragmente der Vorsokratiker, 6e édition
2003. CARBONE, Aristotele, 2002, ne discute précisément ni le sens de oùcr1.a ni les tra- revue, J (Berlin, Weidmann, 1956).
ductions (voir ci-après, TABLEAU Ill) qu'il retient. Éthique à Nicomaque : BYWATER 1., ARISl'OTEUS Ethica Nicomachea, Oxford,
19 Sur les débats générés, en particulier, par l'interprétation des chapitres 10 et 11 Clarendon Press, 1894 (réimpression: 1962).
de la Métaphysique, Z, voir, par exemple, LLOYD, «Aristotle's », 1990; Aristotelian Explo- Éthique à Nicomaque : BODÉÜS R, ARISTOTE, Éthique à Nicomaque, Traduction,
rations, 1996; PELLEGRlN, «Taxinomie », 1990a; BALME, «Matter »,1990; FREDE, «The
présentation, notes et bibliographie, Paris, GF Flammation, 2004.
Definition », 1990; MORRISON, «Sorne Remarks », 1990. Ci-dessous, C.3.2: texte affé-
Génération des animaux: AUBERT H. - WIM11ER Fr., ARISTOTELES' Fünf Bücher
rent aux n. 288-299.
** l'adresse mes meilleurs remerciements aux membres du personnel des bibliothèques von der Zeugung und Entwickelung der Thiere, Leipzig, W. Engelmann,
de l'Université de Liège, en particulier Madame Francine DEGA VRE (Philosophie), Madame 1860.
Michèle WINAND-MERTENS et Monsieur Jean-Luc MALolR (Sciences de l'Antiquité) ainsi
que, tout spécialement, Madame Véronique FOURNY (Service du prêt inter-bib.1iothèques).
Sans leur dévoué concours, les obstacles qui ont contrarié la collecte de la documentation 20 Énumérés selon l'ordre alphabétique des titres des œuvres traduits en français, les

exploitée dans ce chapitre n'auraient pu être sunnontés. éditions, traductions et commentaires sont disposés dans l'ordre chronologique de parution.
268 Lll.IANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 269

Génération des animaux: PECK A. L., ARISTOTLE, Generation of Animais, with Histoires :~ LEGRAND Ph.-É., HÉRODOTE, Histoires, I, texte établi et traduit par
an English translation by P. A. L., Cambridge (Mass.) - Londres, Harvard L. Ph.-E., sixième tirage, revu, corrigé, augmenté; Paris, Les Belles Lettres,
University Press, 1942 (" Loeb Classical Library », 3,66). . . 1993 ; VI, Paris, Les Belles Lettres, 1963.
Génération des animaux: LOUIS P., ARISTOTE, De la generatLOI1 des animaux, Institution aratoire: COUSIN J., QWNTIUEN, Institution oratoire, II : Livres II et
texte établi et traduit par L. P., Paris, Les Belles Lettres, 1961. . III, texte établi et traduit par C. J., Paris, Les Belles Leth'es, 1976; III : Livres
Génération des animaux: DROSSAART LULOFS H. J., ARJSTOTELE~ Latmus : ~e VIII et IX, texte établi et h'aduit par C. J., Paris, Les Belles Lettres, 1978.
Generatione animalium, Translatio Cuillelmi de Moerbeka, Bruges - Pans, Lettres à Lucilius : PRÉCHAC Fr. - NOBLOT H., SÉNÈQUE, Lettres à Lucilius, TI :
Desc1ée de Brouwer, 1966 (<<Aristote/es Latinus », xvn 2.v). . Livres V-VII, texte établi et traduit par P. Fr. et N. H., 3e tirage, Paris, Les
Génération des animaux: LANZA D., Opere biologiche di Aristotele : La npro- Belles Lettres, 1963.
duzione degli animali, Turin, Unione Tipografico-Edittice Torinese, 1971, Marche des animaux: BARTHÉLEMy-SAINT HlLAIRE J., Traités des Parties des
pp. 775-1042. . . animaux et de la Marche des animaux d'Aristote, II (Palis, Hachette, 1885).
Génération des animaux : VAN OPPENRAAIJ Aafke M. 1., ARISTOTLE De Ammalz- Marche des animaux: HAYDUCK M., MICHAEUS EPHESII in librum De animalium
bus MICHAEL SCOT'S Arabie-Latin Translation. Part Three. Books XV~XIX: incessu commentarium, Berlin, Georg Reimer, 1904 (<< Cammentaria in Aris-
Generation of Animais, with [a Preface and] a Greek Index ta De Gen,era- tote/em Graeca », XXII, 2).
tione Animalium by DROSSAART LULOFS H. J., Leyde, Brill, 1992 (<< Ansto- Marche des animaux: FORS1ER E. S., ARISTOTLE, Movement of Animais -
tetes Semitico-Latinus », 5). Progression of AnimaIs, Cambridge (Mass.) - Londres, Harvard University
Génération des animaux: BALME D. M., ARlSTOTLE De partibus Animalium 1 and Press, 1937 (<< Loeh Classical Library », 323).
De Generatione AnimaliumI (with Passages [rom Il. 1-3), Translated with Notes Marche des animaux: VEGETTI M., Opere biologiche di Aristotele : La loco-
[Oxford, Oxford University Press, 1972]. With a Report on Recent Work and an mozione degli animali, Turin, Unione Tipografico-Editrice Torinese, 1971,
Additional Bibliography by GOTTIlELF A., Oxford, Clarendon Press, 1992. pp. 737-773.
Génération et corruption: FORSTER E. S., ARISTOTLE, On Commg-to-Be and Marche des animaux: LOUIS P., ARISTOTE, Marche des animaux - Mouvements
Passing-Away, translated by F. E. S., Cambridge (Mass.) - Londres, Harvard des animaux - Index des traités bialogiques, texte établi et traduit par L. P.,
Uuiversity Press, 1955 (<< Loeb Classical Library », 400). Paris, Les Belles Lettres, 1973.
Génération et carruptian : MUGLER Ch., ARISTOTE, De la génération et de la Marche des animaux: PREus A., ARISTOTLE and MICHAEL OF EPHESUS, On the
corruption, texte établi et traduit par M. Ch., Paris, Les Belles Lettres, 1966. Movement and Progression of Anim::j.ls, Translated, with Introductian and
Halieutiques: MAIR A. W., OPP/AN, COLLUTHUS, TRYPHl?DO~US, Londres - Notes: Aristotle, de Motu animalium and de Incessu Animalium; Michael,
Cambridge (Mass.), William Heinemann - Harvard Umverslty Press, 1928 Commentaria in de Motu et de Incessu Animalium, Hildesheim - New York,
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Histaire des animaux: AUBERT H. - WIMMER Fr., ARISTOTELES Threrkunde, I, Métaphysique: f!AYDUCK M., ALEXANDRl APHRODISlENSIS in Aristotelis Metaphy-
W. Engehnann, 1868. sica Cammentaria, Berlin, Georg Reimer, 1891 (<< Commentaria in Aristote-
Histoire des animaux: PECK A. L., ARISTOTLE, History of Animais, Boo.~~ I-IlI, lem Graeca », I).
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Classical Library », 437). I-IX, X-XIV, Cambridge (Mass.) - Londres, Harvard Uuiversity Press, 1933-
Histoire des animaux: PECK A. L., ARISTOTLE, History of Animais, Books W-VI, 1935 (<< Loeb Classical Lihrary », 271 et 287).
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Classical Library », 438). ment refondue, avec commentaire, 2 vol., Paris, Vrin, 1953.
Histoire des animaux: BALME D. M., ARISTOTLE, History of Animais, Books VIl- Métaphysique: JAEGER W., ARISTOTELlS Metaphysica, Oxford, Clarendon Press,
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Histoire des animaux: LOUIS P., ARISTOTE, Histoire des animaux, texte etabh et setzung und Kammentar, 2 vol., Munich, Beek, 1988.
traduit par L. P., 3 vol., Paris, Les Belles Lettres, 1964-1969. Métaphysique: REALE G., ARISTOTELE, Metafisica. Saggio introduttivo, testo greco
Histaire des animaux: BALME D., ARISTOTLE, Historia animalium, I: Books [-X: can traduzione a fronte e cammentario, édition intégrale révisée, 3 vol., Milan,
Text, prepared for publication by GOTIHELF A., Cambridge, Cambridge Uni- Vita e Pensiero, 1993.
versity Press, 2002. " . Métaphysique: SONDEREGGER E., ARIS1'OTELES, Metaphysik Z 1-12. Philoso-
Histoire naturelle, IX: DE SAINT-DENIS E., PUNE L ANCIEN, HlstOlre naturelle, /X, phische und philologische Erwagungen zum Text, Berne - Stuttgart -Vienne,
texte établi et traduit par DE S.-D. E, Paris, Les Belles Lettres, 1955. Paul Haupt, 1993.
270 Lll..,IANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 271

Métaphysique: BOSTOCK D., AR/STOTLE, Metaphysics Books Z and H, Transla- Parties des animaux: LE BLOND J.-M., ARISTOTE, Parties des animaux, Livre J,
ted with a Commentary, Oxford, Clarendon Press, 1994 (réimpression: 2000). Traduction et notes par LE BLOND I-M., Paris, Aubier, 1945. Introduction et
Métaphysique: [FREDE M. - PATZIG G.] - REALE G. - SCOTTI MUTH Nicoletta, mises à jour par PELLEGRIN P., Paris, GF-Flammarion, 199522 .
Illibro Z della Metafisica di Aristotele, Milan, Vita e pensiero, 2001. Cité LE BLOND - [PELLEGRIN] pour renvoyer à la pagination nouvelle du
Mouvement des animaux: BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE J. (sic), Psychologie travail de Le Blond; [LE BLOND] - PELLEGRIN pour renvoyer à l'introduction
d'Aristote, Opuscules (parva naturalia), Paris, Dumont, 1847. et aux mises à jour insérées par Pellegrin.
Mouvement des animaux: HAYDUCK M., MICHAELlS EPIlESI! in librum De anima- Parties des animaux: LOUIS P., ARISTOTE, Les parties des animaux, texte établi
lium motione commentarium, Berlin, Georg Reimer, 1904 (<< Commentaria in et traduit par L. P., Paris, Les Belles Lettres, 1956.
Aristotelem Graeca », XXII, 2). Parties des animaux: VEGEITI M., Opere bioiogiche di Aristotele .' Le parti
Mouvement des animaux: FORSTER E. S., ARISTOTLE, Movement of A,n'imals - degli animali, Turin, Unione Tipografico-Editrice Torinese, 1971, pp. 483-
Progression of Animais, with an English translation by F. E. S., Cambridge 736.
(Mass.) - Londres, Harvard University Press, 1937 (" Loeb Classical Library », Parties des animaux: BALME D. M., ARISTOTLE De partibus Animalium J and
323). De Generatione Animalium J (with Passages from II. 1 ~3), Translated with
Mouvement des animaux: LANZA D., Opere biologiche di Aristotele : Il moto degli Notes [Oxford, Oxford University Press, 1972], with a Report on Recent
animali, Turin, Unione Tipografico-Editrice Torinese, 1971, pp. 1247-1273. Work and an Additional Bibliography by GOTTHELF A., Oxford, Clarendon
Mouvement des animaux: LOUIS P., ARISTOTE, Marche des animaux -Mouvement Press, 1992.
des animaux - Index des traités biologiques, texte établi et traduit par L. P., Parties des animaux: LENNOX J. G., ARISTOTLE On the Parts of Animais 1~W,
Paris, Les Belles Lettres, 1973. Translated with a Commentary, Oxford, Clarendon Press, 2001a.
Mouvement des animaux: PREus A., ARISTOTLE and MICHAEL OF EPHESUS, On the Parties des animaux: CARBONE A. L., ARISTOTELE. Le parti degli animali. 1ntro-
Movement and Progression of AnimaIs, Translated, with Intro~uction and duzione, nota bibliografica, traduzione e commenta. Testa greco a fronte,
Notes: Aristotle, de Motu animalium and de Incessu Animalium; Michael, Milan, Biblioteca Universale Rizzoli, 2002.
Commentaria in de Motu et de Incessu Animalium, Hildesheim - New York, Philèbe : DIÈs A., PLATON, Œuvres complètes, IX, 2 : Philèbe, texte établi et tra-
Georg Olms, 1981. duit par D. A., Paris, Les Belles Lettres, 1941.
Parties des animaux: KÜLB Ph. H., ARISTOTELES, Werke. III. Schriften zur Natur~ Physique: CARTERON H., ARISTOTE, Physique (l-IV), texte établi et traduit par
philosophie. Neuntes Bandchen. Von den Theilen der Thiere, Stuttgart, J. B. C. H., Paris, Les Belles Lettres, 1926; Physique (V-VIII), Paris, Les Belles
Metzler, 1857. Lettres, 1931.
Parties des animaux: BARTHÉLEMY-SAINT HILAIRE J., Traités des Parties des . Physique: COULOUBARITSIS L. (introduction) - STEVENS Annick (traduction),
animaux et de la Marche des animaux d'Aristote, 2 vol., Paris, Hachette, 1885. ARISTOTE, La Physique, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1999.
Parties des animaux: HAYDUCK M., MICHAELlS EPHESII in libros De partibus Poétique: HARDY J., Aristote, Poétique, texte établi et traduit par H. J., deuxième
animalium commentaria, Berlin, Georg Reimer, 1903 (<< Commentaria in reproduction anastatique, Paris, Les Belles Lettres, 1952.
Aristotelem Graeca », XXII, 2). Respiration: HETT W. S., ARISTOTLE. On the Soul, Parva Naturalia On Breath
Parties des animaux: PECK A. L., ARISTOTLE, Parts of Animais, with an English Cambridge (Mass.) - Londres, Harvard University Press, 1936 (;, Loeb Clas:
translation by P. A. L., Cambridge (Mass.) - Londres, Harvard University sical Library », 288).
Press, 1937 (" Loeb Classical Library », 323). Respiration: MUGNIER R, ARISTOTE. Petits traités d'histoire naturelle, texte éta~
Pm·ties des animaux: DÜRING L, Aristotle's De partibus animalium. Critical and bli et traduit par M. R., deuxième tirage, Paris, Les Belles Lettres, 1965.
Literary Commentaries, Goteborg, Elanders Boktryckeri Aktiebolag, 1943.
Parties des animaux: LE BLOND J.-M., ARISTOTE philosophe de la vie. Le livre
premier du traité sur Les Parties des animaux, Texte et traduction, avec Intro~ 22 Dans la réédition, l'introduction de Le Blond, les références des passages commentés
duction et Commentaire, Paris, Aubier, 1945 21 • (en début d'article), 1'« Index alphabétique,» et les analyses critiques accompagnant les
Cité: LE BLOND, Aristote, 1945. « Ouvrages essentiels» dans la première section de la « Bibliographie», respectivement
~u,x p. 191-194 et 195~~03 de l'ouvrage original, ont été supprimés. Des changements ont
21 Outre les coquilles qui affectent le texte grec, la traduction et les notes (y compris les e!e apportés à la traductIOn et aux notes. Les seconds sont annoncés, p. 61, et généralement
références des passages commentés qui sont, à chaque fois, indiquées en début d'article), SIgnalés par des crochets droits, là où ils se présentent. Aucun avertissement en revanche
p. 109, l'appel de note 114, attendu à la deuxième ligne après le mot « genres», a été omis. n'est donné sur les premiers. Par ailleurs, au contenu de la note 117 de Le Bl~nd a été sub~
Une unité doit être ajoutée à partir de cet endroit pour que le nombre total ~es appels de stitué celui de la note 118 et, d'autre part, les notes 145 et 148 ont été omises, en sorte
note (p. 123) corresponde à celui des notes, soit 156 (p. 188). que les appels de note et les notes sont passés, sans raison décelable, de 156 à 153.
LILIANE BODSON
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 273
272
TABLEAU le : Données quantitatives
Rhétorique: DUFOUR M. - W ARTELLE A., ARISTOTE, Rhétor~q~e, ~. texte établi
et traduit par D. M., et W. A., troisième tirage revu et cornge, Pans, Les Belles
OùO'ia
Lettres, 1989, . IV ' br t Nombre de Oce. %
Topiques: BRUNSCHWIG J., ARISTOTE, Topiques, 1: Llvres 1- , texte eta 1 e
traduit par B. J., Paris, Les Belles Lettres, 1967. . . . . mots par œuvre
·
T apiques .
. WA"IES M ALEXANDRI APHRODISlENSlS in Anstotelts Toplcorum hbros
~ ., . . A' t 1 GA: 52022 13 0,ü25
oeta commentaria, Berlin, G. Reimer, 1891 (<< Commentana ln rEsta e cm Marche: 6 592 2 0,ü30
Graeca », II). Mouv.: 4253 1 0,023
PA :.39 595 31 0,ü78
1 Moyenne des % 0,039
A, DONNÉES QUANTITATIVES
Total: 102 462 47
TABLEAU I
% du total des 0,045
1
occurrences
Œuvres Nombre d'occurrences
GA 13
Marche 2 B, OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET CONTEXTUELLES
Mouvement
PA 31
B,l, Observations grammaticales
Total 47
- Avec article
GA, l, 1, 715 a 5 : gén. sing., complément détenninatif de 0 /coyoç.
TABLEAU la GA, l, 1,715 b 18 : ace. sing., sujet du verbe olVUl dans la proposition
Nombre d'occurrences
infinitive substantivée.
GA
par livre GA, l, 23, 731 a 25: gén. sing., complément détenninatif de spyov et
3 repa!;lÇ.
I
II 4 GA, II, 1,731 b 20 : gén. sing., complément détenninatif de 0 Myoç.
III 1 GA, II, 1,731 b 34 : nom. sing., sujet du verbe ècY1:( dans la proposition
IV 2 indépendante nominale.
V 3 GA, II, 6, 742 a 22 : da!. sing., complément circonstanciel de moyen
dépendant de rep6~epov ... èCHt.
GA, IV, 3, 767 b 34 : nom. sing., sujet du verbe ila~( dans la propo-
TABLEAU lb sition indépendante nominale.
Nombre cl' occurrences GA, IV, 3, 767 b 35 : nom. sing., sujet du verbe ila~( dans la propo-
PA
par livre sition indépendante nominale.
I 16 GA, V, 1, 778 a 34 : gén. sing., complément déterminatif de TilV
II 5 /c6yov ... ~6v.
III GA, V, l, 778 b 5 : da!. sing., complément du verbe àKo/cou8el.
IV 9 GA, V, l, 778 b 6 : gén. sing., complément de la préposition ËveKu.
274 LILIANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 275

Marche, 2, 704 b 16 : dat. sing., complément d'avantage dépendant du PA, II, 7, 652 b 18 : ace. sing., complément (coordonné à ~ov Â,6yov)
verbe 1WtEl. du verbe eXEt. .
Marche, 8, 708 a 12: ace. sing., qualifié par l'adjectif épithète tOlav, PA, III, 6, 669 b 12: dat. sing., complément de la préposition !:v.
complément du verbe (participe en asyndète) ôtC\mûçotlcrav. PA, IV, 5, 678 a 32: gén. sing., complément d'appartenance dépendant
PA, I, l, 640 a 18 : gén. sing., complément de la préposition ëVEKa. du verbe dvat dans la proposition infinitive substantivée.
PA, I, 1,640 a 19 : nom. sing., sujet du verbe écrnv. PA, IV, 5, 678 a 34 : ace. sing., complément du participe ôpiÇovn
PA, I, l, 641 a 25 : ace. sing., qualifié par ~ota(l1:TJv enclavé entre que fait ressortir la répétition de l' article ~rP après ~rP Â,6yrp auquel
l'article et le nom23 , complément de la préposition K(11(l. le participe se rapporte2?
PA, I, 1,642 a 19 : ace. sing., sujet (coordonné à ~f]v rpumv) de l'in- PA, IV, 6, 682 b 28 : dat. sing., complément de la préposition sv.
finitif dvat. PA, IV, 9, 685 b 16 : gén. sing., complément déterminatif de ~ov '(8wv
PA, I, 1,642 a 26: ace. sing., complément direct de l'infinitif sub- Â,6yov.
stantivé Ôpicracr8at24. _ PA, IV, 10, 686 a 28 : ace. sing., sujet (coordonné à ~f]v rpucrtv) de
PA, I, 3, 643 a 2: gén. sing., complément déterminatif de Eiô6ç n. l'infinitif dvat dans la proposition infinitive substantivée.
PA, I, 3, 643 a 4 : gén. sing., complément partitif de oÙOi;v. PA, IV, 12,693 b 6 : nom. sing., sujet du verbe écrn dans la proposi-
PA, I, 3, 643 a 27: dat. sing., complément de la préposition sv. tion nominale.
PA, I, 5, 644 b 22 : gén. plur., complément partitif de ilcrat25 • PA, IV, 12, 693 b 13 : dat. sing., complément de la préposition
PA, I, 5, 645 a 35: gén. sing., qualifié par l'adjectif ilÂ,TJç enclavé entre !:v.
l'article et le nom26 , complément (coordonné à ~fiç crtlV8écrEmç) de PA, IV, 13, 695 b 18 : gén. sing., complément déterminatif de ~ov
la préposition 1108 pi. 'A6yov (régi par la préposition Ka~ét.
PA, I, 5, 645 a 36 : gén. sing., complément d'éloignement du participe PA, IV, 13,695 b 20 : ace. sing., complément de la préposition Ka~ét.
xmptÇ6JlEva. Sans article
PA, II, l, 646 a 25 : gén. sing., complément (coordonné à ~fiç yEvé- GA, II, 4, 738 b 27 : nom. sing., attribut du sujet ft '1/\)x1'].
crEmç) de la préposition srei. GA, III, 11,762 a 7: ace. sing., qualifié par oJloiav en hyperbate, sujet
PA, II, 1, 646 b 1 : ace. sing., sujet (coordonné à ~f]v JlOprpf]v) de de l'infinitif elVat.
l'infinitif dvat.
Mouv., 3, 699 a 22 : ace. sing., qualifié par JlTJoEJliav, sujet de l'infi-
PA, II, 2, 647 b 25 : ace. sing., complément de la préposition slç.
nitif substantivé elVat.
PA, II, 2, 648 a 16 : ace. sing., complément (coordonné à ~à epya) de
la préposition rep6ç. PA, I, 1,639 a 16 : ace. sing., qualifié par Jliav ÉKétcr~TJV, complément
du participe Â,aJl~étvonaç.
PA, I, 1, 641 a 27 : gén. sing., aceompagné de rbç, attribut de ~fiç
23 Sur l'enclavement de l'adjectif épithète pour évoquer une qualité ou une quantité déjà
exprimée à propos de l'objet concerné ou pour l'étendre à tout le genre de l'objet déjà rpucrEmç (sujet du génitif absolu).
nommé, cf. KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., l, 1898, p. 630-631, §465, 5.
24 Le verbe s'emploie, le plus souvent, à la voie moyenne lorsqu'il s'agit de fonnuler
27 KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., J, 1898, p. 623, §464, 8, b. Sur la répétition
une définition. Cf., par exemple, Éth. Nic., n, 3, 1104 b 24; IX, 9, 1170 a 16 (dans les de l'article devant l'adjectif épithète pour mettre en évidence un nom déterminé ou qui a
deux cas, 3e personne du pluriel à valeur impersonnelle). déjà été évoqué (voir ci-dessous, C.l.2, n. 152: Mél., H, 3, 1043 b 31), KÜHNER- GERTH,
25 Voir ci-après, n. 29. Ausführl. Gramm., J, 1898, p. 613, §463, 3, A, b; sur celle de l'ruticle après le nom suivi
26 Pour exprimer que la réalité désignée par le nom auquel l'adjectif se rapporte, d'un génitif déterminatif pour insister sur celui-ci (voir ci-dessous, B.2, s. v. oùcrîa et
en tant qu'épithète, est considérée dans sa totalité, en opposition aux différentes par- Myoç; C.3.1, n. 243: GA, V, 1,778 a 34), ibidem, p. 617-618, §464, 3. Cf. MilLER,
ties qui la composent. Cf. KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., I, 1898, p. 632-633, «The Doctrine », 1911, p. 280, §609 (d'après ARISTOTE, Rhét., III, 6, 1407 b 36-37) :
§465, b. «more deliberate, and somewhat more rhetorical, pompous ... , passionate. »
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 277
276 LILIANE BODSON

Œuvres Nominatif Accusatif Génitif Datif


PA, I, 1,641 b 32: nom, sing" attribut de ~O ~éÀoç, sujet du atttibut sujet du campi. campI. compI: campI. compI. campI. campi.
PA, I, 4, 644 a 23 : nom, plur., attribut du sujet ~à 8C>XU~U €toll'" verbe du sujet verbe du verbe prépos.
"
compI. circons- prépos. du verbe crrcons- prépos.
PA , l , 4 , 644 a 29: nom, sing" attribut du sujet ~O ~iP S10S1 awj.lov. infinitif conjugué déterm. lancie! conjugué tancie]
b:
compl.
TABLEAU II : Synoptique des observations grammaticales
partitif
Génitif Datif
Œuvres Nominatif Accusatif
campI. campI. campl. campI. compl. "
attribut
sujet du attribut sujet du campI. campI.
"
compL circons- prépos. du verbe crrcons- prépos. PA, l, 3,
verbe du sujet verbe du verbe prépos.
détenn. tanciel conjugu~ ; -tanciel
"
643a2
infinitif conjugué
b: PA, l, 3, b:
compl. 643a4
PA. 1. 3, 643a27
pmtitif
PA, l, 4, 644a23
"
attribut
PA,I,4, 644a29
PA,I,5, b:
GA,I,I,
"
715a5
644b22
PA, l, 5, 645a35
GA, J, 1, 715b18 PA, l, 5, 645a36
GA, I, 23, "
731a25
PA, II, 1,
PA,n,1, 646bI
646a25

GA, TI, 1, "


731b20
PA, II, 2,
PA, II, 2,
647b25
648a16
GA, II, 1, 731b34 PA,n, 7, 652b18
GA, TI, 4, 738b2? PA,m,6, 669bl2
742a22 PA, N, 5, 678a32
GA, II, 6,
GA, III, 762a7 PA, N, 5, 678a34
11, PA,IV,6, 682b28
PA. IV. 9.
GA, IV, 3,
GA, IV, 3,
767b34
767b35
"
685b16
GA,V,I, a: PA, IV, 10, 686a28
778a34 PA, N, 12, 693b6
778b5 PA,N,I2, 693bl3
GA.V.l,
778b6 PA, IV, 13, a:
GA,V,I,
704b16 695b18
Marche, 2,
Marche, 8, 708a12 PA,N,13, 695b20
Mouv., 3 699a22
PA,I, 1, 639a16
640a18
PA, T,l, Deux des 47 occurrences de OÙC>(u, à savoir PA, I, 4, 644 a 23 et I, 5,
PA,I, 1, 640a19
PA,I, 1, 64W5 644 b 22, sont au plmiel. Elles désignent les phénomènes concrets ou
PA,!,1, " multiples dans lesquels l'abstraction se manifeste29 • Au singulier, huit
641a27
sont dépourvues d'article. Trois d'entre elles (GA, III, 11,762 a 7; Mouv.,
PA, l, 1, 641b32
PA, l, 1, 642a19 3,699 a 22; PA, 1,1,639 a 16) sont qualifiées respectivement par Oj.lo(uv
PA, J, l, 642a26
29 KÜHNER _ GERTH, Ausführl. Gramm., I, 1898, p. 17, §348, c. Voir ci-dessous, B.2,
n. 44: Z, 7, 1032 b 14; C.2, n. 169: PA, l, 5, 644 b 22; n. 186: PA, l, 4, 644 a 23.
28 Voir ci-après, n. 29.
2

§6. TRAiTÉS BIOLOGIQUES 279


278 LILIANE BODSON

(en hyperbate), Il'l88/üav et Illav BKa'H'lV, Les cinq autres (GA, II, 4, PA, l, 1, 642 a 19-20 : ~Tjv oÛcrlav Kat ~Tjv <pucrlV ... 1 ~oV 1-oyov35
738 b 27; PA, I, 1,641 a 27, b 32 ; 4,644 a 23, 29), sans détermination dVat 36 •
adjective, correspondent à des attribnts du sujet30 , PA, II, 7, 652 b 18 : ~Tjv yàp oûcrlav eXEt wiiw Kat ~ov Myov.
PA, IV, 9, 685 b 16: Otà ~ov tOwv 1-oyov ~fiç oûcrluç.
B.2. Observations contextuelles PA, IV, 13, 695 b 18_1937 : Ka~à ~àv ~fiç oûcrlaç 1 Myov (unique
occurrence, sur les cinq de l'expression 0 1-oyoç ~fiç oûcrlaç dans
oûcrla et yévEmç les traités « biologiques», où le génitif déterminatif est enclavé eutre
GA, I, 23, 731 a 25-26 : Tfiç ... 1(1. 25) ~ffiv <pu~ffiv oûcrlaç ... 1 ... f\ l'article ~àv et le nom 1-oyov et, par là, mis en évidence38 ).
~oii crrré Pllawç yév8crtÇ.
GA, II, 6, 742 a 21-22 : Kat ~à Ilèv 'TI YEvécrEt rrpo'Epovaû,ffiv oûcrla et 1l0p<pij coordonnés
ècrn, l ,à 81: 'TI oûcrl\<. PA, II, 1,646 b 1-2: ~Tjv oôcrlav Kat 1~Tjv BKacrwu 1l0p<pijv.
GA, V, 1,778 b 5-6 : 'TI yàp oûcrl\< f\ yéV8crtÇ ilK01-ou6Et 1Kat 'fiç "
- oucrta et w" n 'lv
"/
EtVat .
oûcrlaç ËVEKa ècrnv31 •
PA, I, 1,640 a 18-19: 'H yàp yévEmç ËVEKa 'fiç oûcrlaç ècr,lv, ,..
Marche, 8, 708 a 11-12 : Otacrcùçoucrav hacr10u ~Tjv \Olav 1oûcrlav
, , , "'" "/
Kat 10 n 'lv aU1ql EtVat.
il1-1-' OÛX f\ 1oûcrla ËVEKa 'fiç yEvécrEroÇ. PA, I, 1, 642 a 25-26: ,à ,l ~v dvat Kat ~o 1ôplcracr6at ~Tjv oÛcrlav.
PA, I, 1,641 b 31-32: yévEmç Ilèv yàp ,à crrréPlla, 1oûcria 8è '0 ,é1-oç.
PA, II, 1,646 a 25 : 'Errsi 8' Èvav,lroç 1èrrt 'fiç yEvécrEroÇ eXEt Kat oùcrla et <p ucrtç 39
'fiç oûcrlaç. PA, I, 1, 641 a 25-27 : ~fiç <pucrEroÇ ... 1Kat o(5cr'lç ~fiç Ilèv mç o1-'lç
~fiç 8' mç 1 oùcrlaç.
oûcrla versus èpyacrla, epya PA, I, 1, 642 a 19-20: ~Tjv oùcrlav Kat ~Tjv <pumv ... 1 ~àv Myov
PA, II, 2, 647 b 24-25 : ,à 1 Ilèv dç nlv oûcrlav ,à 8' dç nlv etvat40 •
Èpyacrlav32
PA, II, 2, 648 a 15-16: rrpoç ,à epya Kat ,Tjv 1oûcrlav.
35 Sur le maintien de l'article avec l'attribut pour exprimer une chose ou notion déter-
oûcrla et À-6yoç minée, déjà connue, reconnue, précisément nommée ou qui se déduit de ce qui précède,
GA, I, 1,715 a 5: 0 À-6yoç 'fiç oûcrlaç (locutiou étroitement coordon- cf. KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., l, 1898, p. 592, §461, A. 4. Comparer les cinq
née à '0 oÔ eVEKa par la conjonction renforcée ~E ... KaP'). occurrences d'attribut sans article (voir relevé ci-dessus, B.1, fin, et n. 30).
36 Aussi ci-après, s. v. oûcria et cpumç : PA, l, 1,642 a 19-20 et N, 13,695 b 18-19.
GA, II, 1,731 b 19-20: 0 À-6yoç ~fiç 1oûcrlaç (locution coordonnée à 37 Voir aussi, ci-après, s. v. oûcria et cpucrt.ç. Dans BODÉÜS, «En relisant », 1996,

f\ 8uvalltÇ). p. 712, n. 20, lire« 685 b 15 et 695 b 18}) (au lieu de« 658 b 15 et 18 »).
38 KÛHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., l, 1898, p. 617, §464, 3 ; autre exemple dans
GA, V, 1,778 a 34: rrpoç ~ov À-6yov ... ~àv ~fiç oûcrl aç34.
le corpus aristotélicien, voir ci-dessous, C.1.2, n. 143 : Top., 1, 18, 108 b 4-5. Comparer
les occurrences de la locution ô À6yoç '!ftç oûcriaç où le génitif n'est pas enclavé, en sorte
30 KÜHNER _ GERTH, Ausführl. Gramm., I, 1898, p. 591, §461, A. 3, b. Comparer que l'accent est mis sur le nom dont il dépend (cf. KÛHNER - GERTH, Ausführl. Gramm.,
1, 1898, p. 617, §464, 3). En PA, N, 13, 695 b 20 (ci-dessous, C.3.l, n. 239), le complé-
ci-dessous, B.2, n. 35.
3l Sur O1'min en tant que facteur individuel dans la génération, voir ci-dessous, C.2, ment prépositionnel de la ligne 18 est repris sous la forme Kœrù '!T]V oûcrfav.
39 En dehors de PA, l, l, 639 a 16-17 (voir ci-dessous, C.2, n. 175) et de l, 5,
n. 166: GA, IV, 3, 767 b 32-35.
32 Sur la valeur adverbiale de 't"à I--U';V ... 'Cà 88, voir KÜHNER - GERTH, Ausführl. 645 a 34-35 (voir ci-dessous, C.2, n. 194) ainsi que des contextes rappelant que «la nature
ne fait rien en vain» (voir ci-dessous, C.3.1, n. 239: PA, N, 13, 695 b 18-19; C.3.2,
Gramm., II, 1904, p. 264, §527, 3 a.
33 KÜHNER _ GERTH, Ausführl. Gramm., II, 1904, p. 249-250, §522, 2. Sur la place du n. 261 : Marche, 2, 704 b 15-17 ; n. 263 : 8, 708 a 9-12 ; formulation positive du postu-
lat, cf. C.3.4, n. 331 : GA, l, 23, 731 a 24). KULLMANN, Die Teleologie, 1979, p. 24;
complément 'Cf\ç oùcriaç, voir ci-après, n. 38.
34 Comparer, par exemple, Gén. et corr., II, 9, 335 b 7 : ô À6yoç ô 'Cf\ç 8KUO"tOU
VON STADEN, «Teleology », 1997, p. 191, n. 45 (relevé des passages parallèles de la litote
oocriaç (ci-dessus, Préambule, n. 9). Sur la répétition expressive de l'article après le nom dans GA, Marche, PA); LENNOX, Aristotle's, 2001b, p. 205-223.
40 Aussi ci-dessus, s. v. oûcria et À6yoç; PA, 1,1,642 a 19-20 et IV, 13,695 b 18-19.
suivi d'un génitif déterminatif, voir ci-dessus, n. 27. '

280 LILIANE BODSON 16. TRAITÉS BIOLOGIQUES 281

PA, IV, 10,686 a 28: OtÙ '0 'l'lv <pomv aùwù Kat 'l'lv oùcr(av dvllt celui-là45 sont présentés par Aristote comme des équivalents de l'oùcrla
So(av. (première46). Or, parmi ses acceptions, la conjonction de coordination Ka(
PA, IV, 13,695 b 18-19: 'l'lv <pomv aù,ô)v Ka,ù ,ov Tfiç oùcr(aç 1 possède secondairement une valeur explicative (épexégétique)47, que le
'A6yov. français rend par « ou bien, autrement dit ». D'un traducteur ou com-
mentateur à l'autre, l'interprétation de la conjonction dans ces passages,
De plus, en douze occasions, le nom OÙGtU est répété
auxquels s'ajoute l'occurrence de PA, II, 7, 652 b 18 : 'l'lv oùcr(av ... Kat
à l'intérieur même de la phrase 'DV 'A6yoy48, varie. Par exemple, 'en PA, I, 1,642 a 19 (voir TABLEAU III),
GA, V, 1,778 b 5-6 (en pins de a 34) Peck comprend « a thing's essence or nature »49, alors que Balme 50
PA, I, 1,640 a 18, 19 et Lennox5! entendent, le premier, « the being and nature of a thing " et,
PA, I, 1, 641 a 25, 27 le second, «the substantial being and the nature ». Ogle (réédité par
PA, I, 3, 643 a 2, 4 Bames) a retenu « the substance and nature of things ,,52. Dans Marche,
PA, I, 5, 645 a 35, 36
PA, IV, 5, 678 a 32, 34
'Ci. ~v dvat ÉICaa'CQ) (valeur copulative dans les traductions de Ross, 1924, celle-ci repro-
dans denx phrases qui se suivent duite par BARNES, The Complete Works, II, 1984, p. 1614; TRICOT, Aristote, l, 1953,
p. 301 ; REALE, Aristotele, II, 1993, p. 243 ; valeur explicative [voir ci-après, ll. 47J chez
GA, IV, 3, 767 b 34-35 TREOENNICK, Aristotle, 1, 1933, p. 269) ; Z, 7, 1032 b 1-2 : dooç oi': Àéyro 'Co l 'Ct ~v dvat
PA, IV, 13, 695 b 18,20 8Kc1awu Kai n'Iv nponllv oùaiav (valeur explicative de Kat [voir ci-après, n. 471
chez TRICOT, Aristote, l, 1953, p. 380-381 ; valeur copulative dans les traductions
à courte distance de Ross, 1924, celle-ci reproduite par BARNES, The Complete Works, II, 1984, p. 1630 ;
PA, I, 1,642 a 19, 26 TREDENNICK, Aristotle, I, 1933, p. 339 ; FREDE - PATZIG, Aristote/es, 1, 1988, p. 81, cepen-
dant avec la conclusion du commentaire général [II, 1988, p. 113; voir aussi p. 114] :
PA, I, 4, 644 a 23, 29 «eine uneingeschriinkte Identitiit der Form mit dem "Was es heij3t, dies zu sein" »
PA, II, 1,646 a 25, b 1 [= (FREDE -PATZIG) - REALE - SCOTTI MUTI'I, Illibro Z, 2001, p. 148,267-268] ; REALE,
PA, IV, 12,693 b 6, 13. Aristotele, II, 1993, p. 313, qui affirme cependant, y compris en la transcrivant par le
signe de l'égalité, l'identité entre les trois termes dans son conunentaire [III, 1993, p. 349,
À deux reprises, le tenue ouata est coordonné par Kat au nom n. 18 et 21] à ce passage; BOSTOCK, Aristotle, 1994, p. 10, toutefois avec, p. 125, le
commentaire: « "form", "essence", and "substance" are here being used with vely
<p ocrtç4! et soit directement"2 soit par l'intermédiaire de l'infinitif sub- !iule restriction to cover any characteristic that may be acquired or lost in a change»).
stantivé ,,6 op{cr(tcr8at43 , à l'expression '"Co -ri ~v EtvUt. Celle-ci44 et Voir ci-dessous, C.1.3.
45 Par exemple, Mél., A, 4, 1014 b 36: f] cp6all; f] 'Crov cp6m:t 'Crov ov'Crov oocria;
4, 1015 a 11-13 : ,..LG'Cct(pop(i 0' 1(1. 12) ... niiaa ooaia cp6crtç Àéye'Cat. .. o'Ct 1(1. 13) Kai
41 PA, 1,1,642 a 19 (voir ci-dessous, C.3.1, n. 247); IV, 10,686 a 28 (voir ci-dessous, f] cp6atç oücria 'Ciç Ècr'Ctv; A, 3, 1070 a 5: 'Cà yàp cp6aet ouaim (voir aussi Il. 9 et Il,
C.3.3, n. 300). pour les secondes oücriat : f] Oi': <p6crtç 'Cooe 'Ct). Voir ci-dessous, C.2, n. 200: PA, I, 1,
42 Marche, 8, 708 a 12. Voir ci-dessous, C,l.l, n. 101-106; C.3.2, n. 263. 641 a 25-27 ; C.3.3, n. 300 : PA, IV, 10,686 a 28.
43 PA, 1,1,642 a 25-26. Voir ci-dessous, C,l.l, n. 112-121; C.2, n. 180. 4& Par exemple, Cat., 5, 2 a 11-19, 3 a 1-20, b 10-18; Méf., Z, 7, 1032 b 2 (texte
44 Par exemple, Mét., d, 8, 1017 b 21-22: '\:0 'ri! ~v ctVUt •.. oùcria ÀÉ')'!:>'tat ÉKUC}"'WU ci-dessus, n. 44). Loux, Primmy Ousia, 1991. Ci-dessous, C.2, n. 169: K, 7, 1064 b 10.
(ALEXANDRE D'Al'HRODISIAS. In Met., Ll, 8, 1017 b 10, p. 374,~. 37_- p. 375,1. 6 Hayduck, 47 KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., II, 1904, p. 246-247, §521, 2; SMYTH-
1891); Z, 7, 1032 b 14: ÀÉ'yro Of: oùcriav aveu üÀl1Ç 'Co \:1. liv Elvat; H, 1, 1042 a 17 : MEssING, Greek Grammar, 1956, p. 650, §2869-2870.
'Co 'Ct ~v dvm oûaia (cf. [ALEXANDRE O'AI'HRODISIAS], In Met., H, 1, 1042 a 17, p . .?A5, 48 Voir ci-dessous, C.3.1, n. 257. Sur la relation entre <p6atç, ouata et Àoyoç, voir les
IL 13-15 Hayduck, 1891) ; H, 4, 1044 a 36 (texte cité ci:dessus, Préambule, n. 8). Cf. Ame, remarques générales de MANSION, Introduction, 1946, p. 108.
II,1,412 b 10-11 : \j!oxit· oùaia ... 1Toow ÛÈ 'Co 'Ct 1)v dvm; Mé!., A, 3, 983 a 27-28 49 PECK, Aristotle, 1937, p. 77 (<< ft is the logos which is ... »).
(texte ci-dessous, C.2, n. 210; valeur explicative [voir ci-après, n. 47] de Kat dans les 50 BALME - [GOTTHELFJ, Aristotle, 1972 [1992], p. 10 (expression à valeur collective,
traductions de Ross, 1924, celle-ci reproduite par BARNES, The Complete Works, II, 1984, sujet de: «is ifs definition. »).
p. 1555; 'fREDENNICK, Aristotle, I, 1933, p. 17 ; TruC~T, A~'ist?!e, ~, 1953, p. 22; v~eu~ 5i LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 7 (expression à valeur collective, sujet de: «is the
copulative chez REALE, Aristotele, II, 1993, p. 15, malS VOIT cl-apres son commentaIre a account. »).
Z, 7,1032 b 1-2); Ll, 17, 1022 a 8-9: (1. 4 IIépaç ... ) [... ~ oilcria [ ~ !\KacrtoU Kat û, 52 BARNES, The Complete Works, 1984, p. 999 (<< the ratio as constituting ... »).
282 LILIANE BODSON'" §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 283
1

8,708 a 12, Gotthelf ne se prononce pas". Pds un à un"les contextes ne notion d'être de la façon la plus concrète »59. Il n'est d'abord attesté,
sont pas d'emblée aussi limpides que l'est celui de Mél.,t., 4, 1015 a 10- - chez Hérodote - , qu'au sens matériel «bien, avoir »60. Il entre
11 pour révéler un explicatif dans le second Kai de la ligne 1054 • En dans le vocabulaire philosophique, à ce qu'il semble (les plus anciens
revanche, une fois qu'ils sont comparés entre eux et à des parallèles témoignages n'étant pas pleinement assurés), au cours de la seconde
tirés du corpus, des arguments syntaxiques et sémantiques se dégagent moitié du ye siècle6 1 et il s'emploie, ultérieurement, davantage au singu-
à partir desquels il devient possible de décider du sens copulatif" ou lier qu'au pluriel 62 • Si l'étymologie et, avec elle, le sens fondamental de
explicatif" de Kat. oÛcr(a sont connus, la complexité des réalités auxquelles le mot est relié
oblige Aristote à repenser la définition initiale et à lui apporter des ajus·
tements successifs 63 , sans espoir d'épuiser ce concept-clé de son œuvre64 .
C. ANALYSE SÉMANTIQUE Il s'inscrit, en outre, dans la constellation des termes et expressions
étymologiquement apparentés 65 parmi lesquels ~O ~( ~v dVat 66 et TO
La section C se subdivise en trois parties. La première esquisse DV" appartiennent à la langue des traités «biologiques» et, à travers
quelques aspects des questions soulevées par la traduction de oùcria et des ceux-ci, il est joint à des noms comme Â6yoç68, <p urrtç 69, eux-mêmes
expressions corrélatives 6 À.6yoç ~f\ç oùcriaç et ~O ~i ~v elvat. Dans les discutés 70.
deux autres, les 47 occurrences «biologiques» de oùcria, regroupées par
thèmes généraux (C.2) et particuliers (C.3.l-4), sont passées en revue.
59 CHANTRAINE, Formation, 1933, p. 117. Cf. HIRZEL, «Oùcr{a », 1913; DE Hoyos
C.l. Traduire où<rta et les expressions corrélatives Ruiz, «Estudio », 1952, p. 375-391 ; AUBENQUE, Le problème, 1966, p. 406.
60 Premières occurrences littéraires: HÉRODOTE, 1, 92 ; VI, 86a.
6
C .1.1. Oûcria 61 PmLOLAOS, 44 B Il Diels - Kranz (I, p. 411, Il. 8 et 18) ; DÉMOCRITE, 68 B 82 Die1s 6 -
Kranz (II, p. 160,1. 13). Voir le chapitre correspondant dans ce volume.
Formé sur le participe présent du verbe elVat57 , le nom abstrait oùcr(a 62 Voir ci-dessus, B.I, n. 29.

s'est imposé contre tcraül-cOGta58 et contre Ëc)'rm «qui exprimait la 63 En première approche, BONITZ, Index, 1870, p. 544-546; TRICOT, Aristote, 1953,1,
p. 22-25 (oùcrla, 't"b ti ~v s.iVŒt, Àùyoç); VEGETTI-LANZA, Opere, 1971, p. 1282 (<< Nota
terminologica : OUSIA »).
53 GOITHELF, «Notes », 1985, p. 48. 64 Voir ci-dessus, Préambule, n. 2.
54 Mét., 8, 4, 1015 a 10-11 (invoqué ci-dessous, C.2, n. 210; C.3,4, n. 310) : (1. 7 65 KAHN, The Verb, 1973, p. 457-462; «Why », 1976.
cpûate; oi: ft 'CE npw'tT] 1)1.11) ... Kat 'Co dooe; Kat 1)1 ooaia' wuw 8' ÈcrTl. 'to tÉÀoç 't"f1ç 66 Voir ci-dessus, B.2, n. 42, 43 ; ci-dessous, C.1.3.
'YEvÉaeroç. Cf. Ross, 1924, traduction reproduite par BARNES, The Complete Works, II, 67 Tb av: PA, 1, 1,640 a 3 ; voir aussi n,l, 647 a 8 (deux fois).
1984, p. 1602: «theform or substance»; TREDENNICK, Aristotle, 1,1933, p. 223: «the 68 Relevé des occurrences dans les traités «biologiques» : voir ci-dessus, B.2, s. v. oùcrta
form or essence» ; TRICOT, Aristote, l, 1953, p. 257 : «la fonne ou substance)} ; REALE, et À6yoç.
Aristotele, l, 1993, p. 201, écrit: «la forma e la sostanza »; mais interprète (III, 1993, 69 Relevé des occurrences dans les traités .« biologiques» : voir ci-dessus, B.2, s. v. oùcrta
p. 215, n. 19) dans le sens qu'armonce l'intitulé de son commentaire «ldentificazione et ql\)O'lç.
della sostanza-forma con ilfine ». 70 Outre BONITZ, Index, 1870, p. 433-437 : À6yoç, 835-839 : <pUcrlÇ, voir - sur
55 Voir ci-dessous, C.3.1, n. 248 et n. 257: PA, II, 7, 652 b 18. Comparer Mét., H, 3, À6yoç - PECK, Aris/o/le, 1937, p. 26-27; Aristotle, 1942, p. xliv (§1O); LE BLOND,
1043 b 28-29 (texte cité ci-dessous, C.1.2, n. 149). Aristote, 1945, p. 133 (PA, 1,1,639 b 14-15: «ampleur et multiplicité des significations
56 Voir ci-dessous, C.2, n. 180-181: PA, 1, 1,642 a 25-26; C.3.1, n. 247: PA, 1,1, de ce mot chez Aristote, ... traduit par raison au sens de contenu intelligible»); TRICOT,
642 a 19; C.3.2, n. 263 et 266; Marche, 8, 708 a 12; C.3.3, n. 300 (cf. C.3.1, n. 249) : Aristote, 1953,1, p. 317, n. 2: «Après beaucoup d'hésitation, tenant àlamultiplicité des
PA, IV, 10,686 a 28. Aux références comparatives réunies en B.2, n. 44 : Mét., A, 3, significations du terme À6yoç lui-même, nous avons traduit non plus par notion, comme
983 a 27·28; t., 17, 1022a 8·9; Z, 7,1032 b 1·2; n. 54: Mét., t., 4,1015 a 10·11; C.l.2, dans nos éditions précédentes, mais par énonciation» ; cf. p. 362-363, n. 2; 400, n. 2;
n. 149: Z, 4, 1030 b 12-13 ; H, 3, 1043 b 28-29, ajouter BALME - [GOTTHELF], Aristotle, GIlL, « MaterialNecessity »,1997, p. 153: «the fonn of sorne organic whole» ; ci-dessous,
1972 [1992], p. 5 (PA, l, 1, 640 al: Kat interprété comme explicatif et traduit, sans C.1.2. Sur <pumç (cf. Mét., 1'1, 4, 1014 b 16 - 1015 a 19), voir MANSION, Introduction,
commentaire, par « i.e. »). 1946, p. 226-281 ; MOREL, AJ';stote, 1997 (recueil de sept articles) ; RAmcE, La « Meta-
57 CHANTRAINE, DELG, 1999, p. 322. fisica », 1997, p. 691-692,738 (relevé bibliographique); LENNOX, Aristotle's, 2001b,
58 PLATON, Cratyle, 401 c 4,9. p. 182·223.
284 Lll.,IANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 285

S'agissant de ollcriu, (allemand) «Substantielle »71, «Substanz »72, « e't an t·t"


1 e» 81 ,« auselte»
/ ' " 82 ,« substance »83, (italien) ~< 1. essenza della

«Wesen ), «Wesenheit »73, (anglais) «being »74, «entity »75, «essence »76, casa, essenza; 2. la casa stessa, la casa, la re'altà »84, « essenza »85
. ., 86 87 '
« substance» 77, « substantial being »78, (français) «essence »79, «étance »80, «pecu / zanta» ,« sostanza» ,(espagnol) « existencia, esencia,

71 KÜLB, 1857 (voir ci-après, TABLEAU III). substances? » ; FURT~, Subst?n;'e, 1988; GILL, Aristotle, 1989, p. 13, n. 2 : «1 adopt
72 ARPE, « Substantia », 1941 ; HALFWASSEN, « Substanz », 1998, col. 495-507 ; DE the .sta~dard translatIOn of ovala as substance» (suivent les arguments justifiant ce
CASTRO, Substanz, 2003. Telle est (d'après FIUmE - PATZIG, Aristoteles, l, 1988, p. 20) ChOlX), WlTI, Substance, 1989 ; LEWIS, Substance, 1991, p. 3 (traduction de Mét. Z 1
la traduction choisie par ROLFES E., Aristote/es Metaphysik, Leipzig, Meiner, 1904 ; 1028 b 4) : «What Îs being ? is thts,' What is substance? » (voir p. 4 «subs;an~e~
LASSON A., Aristoteles Metaphysik, Jena, Diederichs, 1907. Voir ci-après, n. 138. hood») ; GRAHAM - SCHENK, «Greek Philosophical Terminology », l, 1991, p. 332:
73 AUBERT....,. WIMMER, 1860 (voir ci-après, TABLEAU III). Cf. BOEHM, La Métaphy- ~< oV(J~a .. ;/ubstance;,».; L?U,X, «Substance », II, 1991, p. 870: «The term typically
sique, 1975, p. 97; KULLMANN, «Die Voraussetzungen,»', 19~7, ~. 59: «Zuniic';st lendeled subs.tance lS ouma. A better translation might be "reality" » ; cf. FREDE
findet sich in PA und GA ein Gebrauch des Wortes ouata lm Smne von essenha, Do~othea, «Anstoteles », 1996, col. 1140: «die sog. "Substanzbücher" ». Voir ci-
apres, TABLEAU III.
Wesen », par opposition au sens (p. 59-60) «Substanzbegriff» et «Einzelsubstanzen»
78LE~OX, A' J'lstot /2
e, OO.la, p. 121, a renoncé au terme «substance », qui prévaut
dans la Métaphysique et dans certaines occurrences des traités «biologiques» ; Kuu,MANN,
«Aristoteles' », 1999, p. 111 : «das Wesen (die ovaialousia)>> ; CHO, Ousia, 2003, (par traditl.on ou. par c~nventlon), chez beaucoup d'exégètes contemporains, au profit de
p. 240-246 (<< Ousia ais Einzelwesen »), 246-255 (<< Ousia aIs Esse~z »)', Cf. FRB~E, «s~:stan~lQl b~mg» (a deux exceptions près, voir ci-dessous TABLEAU Ill).
«Sein; Seiendes »,1995, col. 170-180 (l'aI1ic1e «Wesen, Wesenhelt» n est pas dIS- " A t~tre d exemple, AUBENQUE, Le problème, 1966, p. 46-47, etc. ; BOEHM, La
ponible, le tome 12 de Historisches Worterbuch der Philosophie n'étant pas enco.re sort~ Me~aphyslque, 1975, p. 97, etc. : «oùaia essence» ; autres références: ci-après n. 83
V Olr TABLEAU III. ' .
de presse). Comparer ci-après, n. 92 (FREnE - PATZIG, Aristoteles, I, 1988) ; vou aUSSI
80 COULOUBARITSIS, La Physique, 1997, p. 18-19, n. 8; cf. «Considérations» 1980
ll.88. p. ;~3 ; [COULOUBARITSIS] - STEVENS, Aristote, 1999, p. 70, etc. "
74 BALME _ [GOTIHELF], Aristotle, 1972 [1992], p. 73 : « "Being" (ovala),' traditio-
8 DEsTRÉE,« "Physique" », 1992, p, 442, 444.
nally translated "substance" .... 1 have translated il "being" throughout» ; cf. la conclu-
2 PELLEGRIN, «Taxinomie », 1990a, p. 42.
sion à 1'« Appendix 1» de son article, «Aristotle's Biology», 1987, p. 306 (absent
de la bibliographie de CHARLES, Al'istotle, 2000) ; voir TABLEAU III. Critique fon.dée 83 Par exemple, KmFFER, « La substance», 1992 ; [LE BLOND] - PELLEGRIN, Al'is-

de la traduction being, voir LENNOX, Al'istotle, 2001a, p. 121 (sur sa propre solutlOn, tot~, 1995, p. 22 (d'après BOLTON, «Definition », 1987) : «un ensemble d'entités onto-
voir ci-après, n. 78) ; ci-dessus, Préambule, n. 2 (LACEY). Cf. AUBENQUE, Le problème, logiquement autonomes, en elles-mêmes porteuses de sens; ce sont les « substances»
1966, p. 405-406, sur «les implications "substantialistes" dont la tradition a chargé ou « essences », (je souligne) selon la manière dont on traduit le terme ousia Or
Ja définition n'est rien d'autre que «la formule de l'essence» ; GRANGER, La thé~rie:
oùcria ».
75 OWENS, The Doctrine, 1978, p. 137-154 (analyse critique des traductions usuelles p. 25, 218, et~. ; PEL,~EGRIN,. ~e vocabulaire, 2001, p. 50: «Substance/essence ...
et justification du choix du tenue «entity» ; voir ci-après, n. 92); PREUS, Science, 1975, Double traductlOn de.ll,ntradUlslble ousia. » ; CRUBELLIER - PELLEGRIN, Aristote, 2002,
p. 14, etc. ; Aristotle and Michael of Ephesus, 1981, p. 29, 100, 106. . p. 225-2~6 : «~ne dlffe~en:e entre les notions d'essence et de substance, bien que les
76 BUCHANAN, Al'istotle's Themy, 1962, p. 1-8, p. 39, n. 23 (<< the common practlce of deux nottons SOlent expnmees dans le grec d'Aristote par le même nom ousia » . 328 '
translating the Gl'eek as the essence or substance 01' fOl'm of a man») ; ~JLL, ~ristotle, « deux valeurs se~siblem~nt d~stinctes, selon qu'il est employé absolument e~ gre~
1989, p. 13, n. 2; 127; voir ci-après, TABLEAU III. Cf. B.2, n. 54 et cl-apres, n. 89 ou. avec un complement detennmant.. .. une, réalité suffisamment permanente et recon-
(TREDENNICK, Aristotle, 1933) ; ci-après, n. 77 (GoTTHELF, «Notes », 1985) ; n. 139 natss~ble ... un homme, un cheval ou une étoile. Mais l'ousia de quelque chose, c'est
ce qm, dans cette chose, peut être reconnu ou défini, etc. » ; 366-368. Voir ci-après
(KAHN, The Vab, 1973). TABLEAU III. '
77 COUSIN, «Aristotle's »,1933, p. 319 (voir aussi ci-après, n. 139) : «1 shall not ...
attempt to improve on the convention» ; BosToCK, A~istotle, 1994, p .. 43 (après av?ir • 84 LANZA - VEGETTI, 0I?er~,; 197J, p. 1282 (1. logique, 2. ontologique, 3. existen-

envisagé« Be-ence, be-ity », «1 have nevertheless retal1led the conventlOnal translatIOn tiel). Comparer p. 1282 : 'CO n T]v I>tvat (1. ontologique, 2. existentiel). Voir ci-après
"substance" »). GOTIHELF, «Notes », 1985, passe insensiblement, dans son commen-
Th~m '
taire, de (p. 29) « the ousia or essence» à (p. 33) «substance Oe souli~ne) or ess~n:e» 85 Voir ci-après, n. 89 (CARBONE, Aristotele, 2002) ; TABLEAU Ill. REALE Aristotele
à (p. 45) «substance [je souligne] and essence» (d'a~tant plus. amblgu que precede, 19~~, traduit TOOI> Tt par« essenza» (par exemple, p. 287 : Mét., Z, 1, 1028'a 12). '
p. 44-45, à pr~os de Marche, 8, 708 a 9-20: «the parlleular OUSla and es~enc~, of eac.h VEG~TII, Opere, 1971, p. 755 (voir ci-après, TABLEAU III: Marche, 8, 708 a 12; sur
[= 1:0 'ti ftv EwatD », mais il ne traduit oùO'ia dans aucun des passages etudies; VOIr ce texte, cl-dessous, C,3.2, n. 263),
aussi p. 27. Cf. BRUNSCHWIG, «Dialectique »,1964, p. 191, n. 1; p. 193, n. 3 ; BREN- 87 REALE, Aristotele, 1993, par exemple, p. 217 (Mél., A, 8, 1017 b 22), p. 287 (Mél.,

TANO On the Several Senses, 1975, p. 3, etc. : ousia:::: substance; HARTMAN, Substance, Z, 1, 1028 a 15) ; [FREOE - PA=G] - (REALE) - Scom MUTH, IIlibro Z, 2001, p. 13,37
1977'(noter que le mot ol/sia est absent de l'index, à la différence de logos, to ti en einai, (~ontr~lrement à la translittération préférée par les auteurs de la version allemande, voir
etc.) ; FREDE, «Substance », 1985, p. 18 : «Traditionally oùcr\a has bee~ rendel'ed by c~-apr~s, n. 92), par exemple, p. 139 (Z, 1, 1028 a 15) ; CARBONE, Ar;stolele 2002 (voir
cl-apres TABLEAU III). '
"substance" ... seems appropriate. », p. 25 : «What is the essence or substance of
LILIANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 287
286

sustancia »88 sont quelques-unes des solutions préconisées (voir, en outre,


TABLEAU III). Elles ne se sont pas toutes imposées. Quelle que soit la
langue, « substance» et « essence» sont parmi les plus usitées, à défaut
d'être toujours les plus claires'9. Elles ont même acquis, avec le temps,
90
un caractère conventionnel noté par Cousin ou Bostock e:t, récemment
encore, par Halper91 . La translittération du grec oocria en lettres latines
qu'ont adoptée Prede et Patzig dans leur traduction du livre Z de la Méta-
physique 92 ne se rencontre toutefois pas dans celles des traités «biolo-
giques », parues aux xrxe_XXIe siècles 93 , qui ont pu être consultées (voir
TABLEAU III).

88 DE Boyos Ruiz, «Estudio », 1952, p. 400-404, 427 (toutefois, dans la traduction


des extraits de la Métaphysique produits p. 427-429, la translittération «Ousia» prévaut.
Le pluriel oûcrtat [voir ci-dessus, B.l, n. 29] est rendu par «sustancias»).
89 Voir ci-dessus, n. 76, 77, 79, 83, 88; ci-après TABLEAU m, n. 124; cf. n. 139 (KAHN,
The Verb, 1973). Comme exemples de chassés-croisés dans les traductions de PA, voir
PECK, Aristotle, 1937, «essence» (p. 69) en PA, I, 1, 641 a 25 et 27: oùala (voir ci-des-
sous, C.2, n. 200) et (p. 77) en PA, I, 1, 642 a 25 : 'to 1:i ~v siva"\., à côté de (même page)
« being » en a 26 : oùala (voir ci-dessous, C.2, n. 180) ; CARBONE, Aristotele, 2002,
«essenza» (p. 255) en PA, II, 7, 652 b 12: 'to 't1lV 'i'UX1lV sIvm et b 17 [= 18]: oùaia
(voir ci-dessous, C.3.1, n. 257); dans Métaphysique, TREDENNICK, Aristotle, I, 1933,
«essence» (p. 359) en Mél., Z, 10, 1035 b 13 : oùaia; (même page) «substance» en
b 15 : oùaia.
9D Voir ci-dessus, n. 77 (COUSIN, «Aristotle's », 1933 ; BOSTOCK, Aristotle, 1994).
91 HALPER, «ousia », 1999. Voir aussi n. 74 (BALME - [GOTIHELF], Aristotle, 1972
[1992]).
92 FREDE _ PATZIG, Aristoteles, I, 1988, p. 20 (voir aussi ci-dessus, n. 73 : FREDE,
«Sein ~ Seiendes », 1995 ~ n. 77 : FREDE, «Substance »,1985) ; comparer l'option de la ·â r--+-t-------+-+----l-+----l---I
traductrice italienne (ci-dessus, n. 87) ; voir aussi n. 88. Cf. OWENS, The Doctrine, 1978,
p. 148 (<< the transliteration of ousia ... just a last resor!. »). Les auteurs suivants: DÜRING,
1
Aristote/es, 1966, p. 62, 594, 612-613, 621 ; SONDEREGGER, Aristoteles, 1993 (dans le
corps de l'exposé et dans les extraits produits en traduction) ; JAULIN, Eidos, 1999; CHO,
Ousia, 2003 ; FONFARA, Die Ousia-Lehren, 2003, ne traduisent pas oùcrta. Soit ils conser-
vent le mot en grec, soit ils le translittèrent.
93 Pour ce qui est des traducteurs médiévaux, MICHAEL SCOT (<< ca 1220 » ; Drossaart
Lulofs dans son introduction à VAN OPPENRAA1J, Al'istotle, 1992, p. VII) : «substantia»
(ou dérivé: «substantiale»); GUILLAUME DE MOERBEKE (traduction «completed in
1260? » ; ibidem) : «substantia ». Voir ci-dessus, n. 75 (PREUS, Science, 1975 ; Aristotle
and Michael of Ephesus, 1981).
N
Anglais Allemand 00
Latin Français Italien 00
BARNFB BALME KÜLB AUIlERT-
Œuvres CATS LoUIS LANZA PECK

1971 1942 1984 1972 1857 WIMMER


BUSSEMAKER 1961
(= l'LAn 1912) [1992] 1860
1854
non traduit non traduit non traduit
GA, III, 11, p, 389, L 46 substance essenza
(interpolation)98 (interpolation) (interpolation)99
762 a 7 substantia
the really substance p. 301, 1.31
GA, IV, 3, p, 398, L 37 essence essenza
existent thing Substantielle
767b 34 substantia
the really substance p. 301, 1. 33
GA, IV, 3, p. 398, L 38 essence essenza
existent thing Substantielle
767b 35 substantia r<
p.357,1.4
GA, V, 1, p.414,L33 essence essenza being essence E
~
substantielles
778 a 34 substantia
Wesen
CP

GA, V, 1, p. 414, 1.39 existence essenza being being p. 357, 1. 12


Wesen ~
778b5 substantia §l
tbat being p. 357, 1.13
GA, V, 1, p. 414, 1. 40 celle-ci essenza
(= being)loo Wesen
778 b 6 substantia (:= existence)

98 PE~ (avec correction du texte) et PuTT - BAM'ES adoptent le texte de AUBERT - Zl:MMER (ci-après, n. 99).
99 AUBERT _ Zl:MMER, Aristoteles, 1860, p. 272, n. 2. Ces éditeurs suivent le manuscrit Z, qui omet ooma, en justifiant comme suit leur choix:
«Niimlich ovaiç. war Glosse zu ava-raael und ist so in den Tex! gekommen. Dass ovaiav uniicht ist, zeigt auch die verschrobene Wortstellung. » Voir
ci-dessous, C.3.4, n. 335, les arguments stylistiques et sémantiques qui contredisent cette exégèse, en particulier sa dernière partie.
100 P. 487, n. f: «ooata here is no doubt, in the first place, the individual existing thing which the process is destined ta produce . . ; but..

remember... 1. 35 [= 34].»

Latin Français Italien Anglais Allemand


CATS BARTHÉLEMY- LOUIS VEGETTl BARNES
BUSSEMAKER SAINT HILAIRE 1973 1971 1984
1854 1885 (= FARQUHARSON
1912)
Marche, 2, p. 304, L 38 TI, p. 329 essence essenza essence essential
704 b 16 essentia essence constitution
Marche, 8, p. 309, L24 lI, p. 357 essence HIJ peculiaritàw. essence1D5 substanceM
708 a 12 essentiaWl essence102
c..ns BARTHÉLEMY Loms LAl'iZA FORSTER 1937 BARI'<1:S
BUSSEMAKER SAlNT·Hn,AIRE (sic) 1973 1971 1984 ~

1854 1847 (:= FARQUHARSON


19U)
'~"
Mouv.,3, p. 518, !. 48 p.245 existence essenza substance107 substantial ~,
Co

~
699 a 22 substantia réalité substantielle existence
CATS BARTHÉLEJl.IT- Loms VEGETIl CARllONE PEeK BAR~ES BAL'" LENNOX KÛLB

~
BUSSEMAKER SAr,T ÜILAIRE 1956 1971 2002 1937 1984 1972 2001 1857
1854 1885 (= DGLE 19U) [1992]
p. 218, 1.17
:il
Co
PA,I, l, l, p. 4 être singola realtà sostanza species substance being substantial p.1l16,!.2
639 a 16 substantia être substantiel108 being Wesen

101 L'expression 1:0 1:t ~V zlVUl coordonnée par Kat à ooata étant traduite par «idque quo sunt quod sunt ». Sur l'interprétation de Kat dans

cette phrase, voir ci-dessous, C.3.2, n. 266.


102 L'expression 1:0 'rt ~v dvUt coordonnée à oûma étant traduite par« sa manière de rester constamment ce qu'il est ».
103 L'expression 1:0 Ti ~v dvUt coordonnée à ooma
étant traduite par «fin particulière ».
104 L'expression 1:0 1:t ~v ztVUt coordonnée à ouma étant traduite par« essenza ».

105 L'expression 1:0 TI ~v EtVŒL coordonnée à ooata étant traduite par «purpase » (avec un seul article défini pour réunir les deux noms).
106 L'expression 1:0 Ti ~v SlVUl coordonnée à ooata étant traduite par «essence ». N
00
107 NUSSBAUM, Aristotle's, 1978, p. 28 : «substance ».
108 BARTIIÉLErvrY-SAINT Hn.AIRE, Traités, 1885, p. 4, note: «Le texte dit: "chaque substance" ». '"
Latin Français Italien Anglais Allemand ti5
o
Loms VEGETrl CARBONE PECK BARNES BALME LENNOX KÜLB
CATS BARTHÉLEMY-
BUSSEMAKER SAINT HILAIRE 1956 1971 2002 1937 1984 1972 2001 1857
1854 1885 (= OGLE 1912) [1992J

PA, l, l, p. 219, 1.55 l, p. 12 existence cosa sostanza actual thing substance being substantial p.1119,1.13
640 a 18 substantia être essentiellement being Wesen

PA,I, l, p. 219, 1. 55 l, p. 12 existence cosa109 sostanza t1ring ilJi, being substantial p. 1119, 1. 13
640 a 19 substantia essence (= substance) being Wesen

PA, l, l, p. 221, 1.31 l, p. 22 substance essenza sostanza essence substance being substantial p. 1124,1. 17
substantia essence being Wesenheit
641a25
PA,I, l,
641 a 27
p. 221, 1. 33
substantia
l, p. 22
essence
substance «essenza» sostanza essence substance being substantial
being
p. 1125,1.3
Wesenheit
~
PA,I, l, p. 222, 1. 22 1, p. 28 substance casa stessa110 sostanza actual thing substance being being p. 1128, 1.11
Wesenheit
'~"
641 b 32 substantia être substantiel
substantial p. 1130, 1. 15
§l
PA,I, l, p.222, l, p. 31 substance essenza sostanza essence substance being
642 a 19 ll.50·51 substance beinglll Wesenheit
substantia

109 Voir p. 560, n. 17 (commentaire de la traduction et allusion, entre autres, à l'inte:rprétation différente de Torraca [= TORRACA L., Le parte

degli animali. Testa critico, introduzione, traduzione e note, Padoue, 1961], non vu).
110 P. 568, n. 36: « Torraca traduce "il seme è un divenire, il termine è una sostanza" ».
111 Avec inversion, dans la traduction (comme dans celle de Balme), des deux mots coordonnés 1:T]V oùcriav Kat 1:T]V cpucrtv (voir ci-dessus, B.2,

s. v. oùcria et <pume;; sur l'interprétation de Kai, voir ci-dessous, C.3.I, n. 249).

Latin Français Italien Anglais Allemand


CATS BARTHÉLEMY- LOUIS VEGETTl CARBONE PECK BARNES BALME L~"NOX KÜLB
BUSSEMAKER SAINT HILAIRE 1956 1971 2002 1937 1984 1972 2001 1857
1854 1885 (= OGLE 1912) [1992J
PA, LI. p. 223, 1. 2 l, p. 32 substancell4 essenza della sostanzall6 being1l7 substance t18 beingll9 substantial p. 1131,1.5)
642,26 substantial12 substancelll cosalll' being121l Wesenheit 121
PA,L], p. 224, 1. 6 l, p. 39 substance forma sostanza essential substance being substantial p. 1135,1.2
643a2 substantia substance essenziale characteristic being Wesenheit
PA, l, 3, p. 224, 1. 9 l, p. 40 caractéristique essenza sostanza essence substance being substantial p. 1135, 1. 6
643,4 essentia essence essentielle being Wesenheit
=
PA,I,3, p. 224, 1. 36 Lp.42 différences essenza ' essenza Essence substance being substantial p. 1137,1. 4 '"
643,27 substantia essence essentielles
sostanza'-" "real thing"
being Wesenheit
~
t;j,
PA,I,4, p. 226, 1. 2 L p. 52 être essenza substance being substantial p. 1142, 1. 14
644 a 23 substantia substance being Wesenheit '"
individuelle
- --- . . . ~
Cl
Q
!Cl
L'expression 1:0 ti nv ctVat coordonnée à 1:0 ôpicracrSat TIjv oùcriav étant traduite par «quid res esset ».
112 fil
L'expression 1:0 1:i nv etvat coordonnée à 1:0 ôpicracrSal. 1:T]v oùcriav étant traduite par «essence ».
113 '"
114 L'expression 1:0 1:i nv etval coordonnée à 1:0 ôpicracrSat TIjv oùcriav étant traduite par« essence ».
Ils L'expression 1:0 1:i nv dval. coordonnée à 1:0 bpicracrSat 1:T]V oùcriav étant traduite par «essenza », avec interprétation explicative
(voir ci-dessus, B.2, n. 47), - unique dans les traductions consultées - , de la conjonction Kat.
116 L'expression 1:0 1:i nv stvat coordonnée à 1:0 ôpicracrSat 1:T]v oùcriav étant traduite par «essenza ».

117 L'expression 1:0 1:i nv dvat coordonnée à 1:0 ôpicracrSat 1:T]v oùcriav étant traduite par «essence ». GOITHELF, «Notes », p. 45 :
« essence».
118 L'expression 1:0 1:i nv dvat coordonnée à 1:0 ôpicracrSat 1:T]v oùcriav étant traduite par «the notion of essence ».

119 L'expression 1:0 1:i nv dvat coordonnée à 1:0 bpicracrSat TfJV oùcriav étant traduite par «what-it-is~to-be ».

120 L'expression 1:0 ti nv ElVat coordonnée à 1:0 ôpicracrSat 1:ftv oùcriav étant traduite par« what it is to be ».

l2i L'expression 1:0 1:i ~v s1vat coordonnée à 1:0 ÔpicracrSat 1:T]v oùmav étant traduite par« das Sein undfür sich ... », avec le commentaire en
note 2: «Von dem immateriellen Sein der Dinf!e. wortlich: zu dem, was etwas ist.» - N
'-0
Italien Anglais Allemand N
Français
Latin
LENNOX KÜLB ~
CATS BARTHÉLEMY- LOUIS VEGETfl CARBONE l'ECK BARNES BALME

1971 2002 1937 1984 1972 2001 1857


BUSSEMAKER SAINT HILAIRE 1956
1885 (= DGLE 1912) [1992J
1854
essenza sostanza "real thing" substance being substantial p. 1143,
PA, 1, 4, p. 226, 1. 8 l,p. 52 être
being 11.3-4
644 a 29 substantia substance
Wesenheit

être naturel realtà sostanza work substance being substantial p. 1144, 1. 22


PA, 1, 5, p. 226, 1. 42 1, p. 56
(of Nature) being Wesen
644 b 22 substantia substance
cosa stessalll sostanza tbing substance being substantial p. 1147,
PA, 1, 5, p. 227, 1. 43 1, p. 62 être
being 11.10-11
645 a 35 substantia substance

~g
Wesenbeit

être cosa stessa sostanza thing123 ofwhich being substantial p. 1147,1.11


PA,Ll, p. 227, 1. 44 l, p. 62
(= substance) being Wesenheit
645 a 36 substantia substance
essence essenza essenza real and substance substantial p.l152,1. 10
PA, II, 1, p. 229, 1. 2 l, p. 70 ~
essentiaI order being Wesen
646 a 25 essentia essence
reaI essence substance substantiaI p. 1153,1. 4
fil
PA, n,l, p. 229, L15 l, p. 71 essence essenza essenza
being Wesen
646 b 1 essent1a essence
essenza sostanza essence substance substantial p. 1158,1. 3
PA, II, 2, p. 231, L12 L p. 82 existence .
being Wesenheit
647 b 25 essentia substance
existence essenza essenza essent1aI nature substance124 substantiaI p.1159,
PA, IL 2, p.231, 1, p. 85
being 11. 12-13
648 a 16 11.41-42 substance
Wesenheit
essentia

122 P. 583, D. 71 (avec approbation de la traduction de Düring: «"die Struktur des Ganzes" neZ senso di "Wesensganzheit eines Dinges" »).
123 P. 100, Dote a: «Or, with reference to another use of oixJia, "which gives them their being" ".
124 Autre exemple d'équivoque (cf. ci-dessus, D. 89): p. 1009, en PA, II, 2, 648 b 12, 't00 9EpJ.lO't"Spou «a hotter Ge souligne} substance» ;
voir aussi b 18, 19.

Latin Français Italien Anglais Allemand


CATS BARTHÉLEMY- LoUIS VEGETfl CARBONE l'ECK BARNES BALME LENNOX KÜLB
BUSSEMAKER SAINT HILAIRE 1956 1971 2002 1937 1984 1972 2001 1857
1854 1885 (= DGLE 1912) [1992J
PA, IL 7, p. 238, 1.32 l, p. 126 essence essenza essenza reality substance substantiaI p. 1178,
652 b 18 essentia essence being 11.1-2
Wesenheit
PA,m,6, p. 264, 1. 4 TI, p. 64 attribut essenza essenza essence substance substantial p. 1257,1. 11
669 b 12 essentia condition essentielle essentiel being Wesenheit
PA, IV, 5, p. 277, 1. 13 n, p. 136 caractéristique essenza essenza being substance being p. 1300,1.20
678 a 32 essentia faire essentiellement essentielle Wesen =
'"
~
partie
PA, IV, 5, p. 277, 1. 15 n, p. 136 essence essenza essenza being substance substantial p. 1301,1. 1
t;j,
678 a 34 essentia définition essentielle being Wesen Co

PA, IV, 6,
682 b 28
PA, IV, 9,
685 b 16
p. 283, 1. 49
essentia
p. 288, 1. 15
substantia
n, p. 168
essence
n, p. 189
organisation
essence

essence
essenza

essenza
essenza

essenza
essentiaI being

being
substance

substance
substantiaI
being
p. 1324, 1. 2
Wesenheit
substantial p. 1338, 1. 7
being Wesenheit
j IiiCo
PA, IV, 10, p. 289, llO n, p. 194 essence essenza essenza essence substance substantiaI p. 1341,1. 4
686 a 28 substantia essence being Wesenheit
PA, IV, 12, p. 298, 1. 27 IL p. 239 essence essenza essenza essentially essentially substantiaI p. 1370,
693 b 6 essentia natme being LI Wesen
PA,IV,12, p. 298, 1.36 n,p. 240 appartient en essenza essenza very essence substance substantiaI p. 1370,1.7
693 b 13 essentia essence propre being Wesen
PA, IV, 13, p. 301, 1. 5 n, p. 253 essence essenza essenza essence essentiaI substantial p. 1378,1. 2
695 b 18 essentÎa définition essentielle substance being Wesen
PA, IV, 13, p. 301, 1. 7 IL p. 253 essence essenza essenza essentially substance substantial p. 1378,1. 4 ~
w
695 b 20 essentia essence being Wesen
294 LILIANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 295

Si circonstanciés soient-ils, les dictionnaires traductifs sont trop généraux et du confonnisme 136 • En dépit de la divergence relative à la paternité de
pour offrir plus qu'une première Olientation et un aperçu des principales cette innovation et de la persévérance d'Augustin d'Hippone à y voir un
catégories sémantiques 125 • Les dictionnaires philosophiques eux-mêmes nouum nomen 137 , les témoignages de Sénèque et Quintilien garantissent
ne peuvent entrer dans le détail de toutes les applications des tennes qu'ils l'introduction d'essentia dans la langue philosophique latine au plus tard
définissent126. Quant aux vocables français «essence »127 et« substance »128 vers le tournant de notre ère. Alors que substantia, qui apparaît avec
et leurs équivalents dans d'autres langues, ils sont marqués, d'une part, par l'œuvre de Sénèque, n'est mis par lui en rapport avec aucun élément du
12
leur évolutiou au cours de l'histoire de la philosophie occidentale ' et, de lexique grec 138 , essentia respecte l'étymologie du mot qu'il décalque, per-
l'autre, par l'usage fluctuant et, plus d'uue fois, contradictoire qu'en ont fait met de sauvegarder la récurrence et l'éventuelle ambivalence du grec 139 ,
les traducteurs 130, souvent au prix de l'unité tenninologique du texte origi- est moins hermétique comme outil de travail que la translittération '40 ,
nal. Dès lors, dans une étude préliminaire telle que celle-ci, destinée à n'entre pas en concurrence avec les traductions des tenues et expressions
131
un ouvrage technique, la transposition latine de oùatu, essentia , créée apparentés 141 Enfin, étant emprnnté à ses inventeurs, il n'a d'autre valeur
par Cicéron (selon Sénèque)132 ou par (Sergius) Plautus (selon Quinti- que celle qu'ils lui ont octroyée et n'est donc pas suspect d'anachronisme.
lien 133 ), est préférée au «confort illusoire» d'une traduction «impuis-
sante à rendre toujours fidèlement la pensée du philosophe ancien» 134 et, C.l.2. '0 À.6yoç tfiç oùcriaç
qui plus est, ici frappée au coin ou de l'arbitraire 135 ou du traditionalisme Les traités «biologiques» contiennent cinq occurrences 142 de l'expres-
sion b À.6yoç tfiç oùcriaç «l'énoncé de l'essentia », par ailleurs bien
125 GEL, 1968, p. 1274 (sans modification sémantique dans Supplement, 1996): «II. in représentée dans le reste du corpus, principalement la Métaphysique l4 '.
Philos., (1) stable being ... ; 2, substance, essence, op. nu811 ; 3. true nature; 4. the pos- Plusieurs exégètes modernes 144 prennent À.6yoç pour un synonyme de
session of such a nature, substantiality ; 5. in the concrete, the primary real, substratum;
6. in Logic, substance» ; MONTANARI et al., Vacabo/ario, 1995, p. 1436: «b. filos.
essenza 0 sostanza,' natura reale, essenza ... realtà ultima, sostrato », 136 Voir ci-dessus, n. 74, 76-78.
126 LALANDE, Vocabulaire, 1962, p. 301-302 (A. Métaphysiquement...; B. Par opposi- 137 COURTINE, «Essence »,2004, p. 406.
138 SÉNÈQUE, Lettres, 58, 15 (par exemple). Cf. COURTINE, «Note », 1980; ci-dessus,
tion à existence ... C. Logiquement ... ); PETERS, Greek Philosophical Terms, 1967, p. 149-
150; URMSON, The Greek Philosophical Vocabulary, 1990, p. 119-120; FOULQUIÉ, Diction- - n. 72; n. 77 (FRImE, «Substance », 1985, p. 18) ; n. 91 (HALPER, «ousia », 1999).
139 COUSIN, «Aristotle's », 1933, p. 319 (voir aussi ci-dessus, n. 77): «The meanings of
naire, 1992, p. 240-248 (s. v. «être»), 696-697 (s. v. «substance») ; VOLlRATH, «Essenz »,
1972; HALFWAssEN, « Substanz », 1998, col. 495-507. oUala., ofwhich two main varieûes are explicitly recognised by Aristotle himself, interpene-
127 TLF, VIII, 1980, p. 166: «A. PHILOS. Ce qu'un être est. », p. 167: «Étymol. et trate one another, and are to be treated, as they were by him, as fO/ming the subject of a single
Hist. 1. Ca 1200 "nature de quelque chose" ». Integral inquby.»; KAHN, The Verb, 1973, p. 461 : «the possibility of confusion is always
128 TLF, XV, 1992, p. 1023: «A. PHn-osOPHIE. Ce qui existe en soi, de manière per- present, and occasionally reflected in the translations ... And there are passages in Aristotle
manente ... », p. 1025: «ÉtymoI. et Hist. a) 1150 "de sa substance, de son être" ». where one is genuinely at a loss to know whether "substance" or "essence" is the appro-
129 COURTINE, «Essence », 2004; COULOUBARITSIS, «Grec », 2004, p. 537-539; HALF- priate rendering - or whether in this case the two concepts are in fact one. » Sur le pluriel
WASSEN - WALD -ARNDT - TRAPPE - SCHANTZ, «Substanz », 1998. ooatm, que Kahn (p. 461) commente, dans Mél., A, 6, 1071 b 5 (voir aussi b 3), «we have
130 Voir ci-dessus, n. 77, 79, 83, 88, 89 et les exemples réunis, pour les seuls traités the noun in the concrete sense of "substance" » (occurrences au pluriel dans les traités «bio-
«biologiques », dans le TABLEAU m. Cf. ci-après, n. 139 (KAHN, The Verb, 1973). logiques », voir ci-dessus, B.l, n. 29; ci-dessous, C.2, n. 169: PA, I, 5, 644 b 22; n. 186:
131 ERNOUT _ MEILLET, Dictionnaire, 1985, p. 202. Cf. TGL, V, 1842-1846, col 2419 : PA, I, 4, 644 a 23); PELLEGRIN, Le vocabulaire, 2001, pp. 50-52 (et ci-dessus, n. 83).
140 Voir ci-dessus, n. 92 (FREDE-PA1Z1G, Aristoteles, I, 1988).
« essentia [Gl.] ; et secundum quosdam eliam substantia» ; TLL, V, 2, 1931-1953, col. 862,
141 Voir Préambule, n. 3; B.2, n. 42, 43; C.1.1, n. 67.
1. 49 - 864, 1. 20.
lJ2 SÉNÈQUE, Lettres, VI, 58, 6. Contrairement à ce qu'écrit NUSSBAUM, «Aristotle », 1996, 142 Voir ci-dessus, B.2, s. v. oûcria et Àoyoç.
143 Par exemple. Mét., B, 3, 998 b 12; Li, 9, 1018 a 10-11 ; Z. 11, 1037 a 24 (texte
p. 167 (<< we borrow a Ciceronian rendering of Aristotle's odd yet homely term to ti en einai,
the what it is to be»), Sénèque ne mentionne la traduction cicéronienne, dans sa Letrre 58, qu'en ci-dessous, C.2, n. 204; [ALEXANDRE D'ApHRODISIAS], In Met., Z, 11, 1037 a 24, p. 467,
rapport avec le grec oûcrta. L'expression 't'o 1:i ~v dvm n'apparaît pas dans son œuvre ni 11. 2-34 Hayduck, 1891); 0. 1, 1045 b 31; K.7, 1064 a 21-22 ; An. seconds, Il, 13, 97 a 19;
dans celle de Cicéron telles qu'elles ont été enregistrées, en 1991, sm' le PHI CD ROM #5.3. Topiques, I, 18, 108 b 4-5: 1:0V 'Œtov Tflç 1 oûcriaç ~Kém'tOu ÀOyov (sur ièhov, comparer
133 QUINTILIEN, Institution oratoire, II, 14,2; m, 6, 23; vrn, 3, 33. ci-dessous, C.3.2, n. 271 : PA, IV, 9, 685 b 16; voir aussi n. 263: Marche, 8, 708 a 11-
134 BODÉÜS, Aristote, 2004, p. 6. Cf. ci-dessus, n. 83 (PELLEGRIN, Le yocabulaire, 12, avec ooaia).
144 BONITZ, Index, 1870,434 b 6: «).,oyoç [atius patet quam Ôptcrf!Oç », 13-18:
1950); ci-après, n. 139.
135 Voir ci-dessus, n. 83, 89.
«saepe tamen Àoyoç significationem Ôptcr)-toû (nottonis substantialis) assumil.» ; TRICOT,
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 297
296 Lll.,IANE BODSON

opoç «< limite» )!45 et, surtout, optO"~6ç (<< défiuition » )146, alors que les tion comparable!51. L'écart est si réel que, lorsqu'Aristote veut le réduire,
substantifs ne se confondent pas l'un avec l'autre!47. La réversibilité entre il dote À6yoç de l'épithète optO"uKaç, en la renforçant même de l'article
À6yoç et optO"~aç!48 n'est qu'apparente. Elle n'instaure ni une tautolo- si le contexte le demande l5 '.
gie ni une aratia variata!49 Quoique certaines traductions suggèrent le
C.l.3. Tà ti ~v elven
contraire, l'acception de À6yoç demeure plus large que celle de opoç ou
de optO"~açI50, lesquels ne figurent qu'occasionnellement dans une locu- Peu de locutions aristotéliciennes ont suscité autant de controverses
depuis l'Antiquité l53 , que tà ti ~v dven (UVi)154. Les traités «biologiques);
Aristote, I, 1953, p. 24-25, n. 1 ; 315-316, n. 4 ; 317, n. 2 (texte cité ci-dessus, n. 70) ; 367, en renfelment deux exemples 155 auxquels les modernes ne se sont guère
1. 12 (voir ci-après, n. 149; comparer II, 1953, p. 466, ci-après, n. 149) ; 362-363, n. 2; attardés 156. Ce n'est toutefois pas le lieu de reprendre le débat ni même de
400, n. 2; BODÉÜS, «En relisant »,1996, p. 713 (suivant Waitz) ; voir aussi CASSIN, Aris-
tote, 1997 (entre autres, p. 103-138: sur le traité de l'Âme). PELLEGRlN, La classification,
1982, p. 151 (= Aristotle's, 1986, p. 123), décrit le «procès définitoire », sans différen-
151 Par exemple, Poét., 6, 1449 b 23~24 : 'Cov ytvO).1EYOV opov l 'CllÇ oùcriaç ; An.
cier ce vocabulaire qui contient aussi des verbes, le simple: opîsstv et les composés:
seconds, II, 3, 90 b 16: 0 Optcrl-lOç ouaiaç, cf. b 30~31 ; voir ci-dessus, n. 149 (Mél., Z,
olopiÇEtv et, nettement plus rare, ànoowpiÇew. Sur les occurrences des verbes opiÇatv
4,1030 b 12-13; 13, 1039 a 20).
(<< définir»), en PA, 1, 1, 642 a 26, voir C.2, n. 180, et C.3.1, n. 222, pour N, 5, 678 a 34 ;
152 Par exemple, Mét., H, 3,1043 b 31 (unique occurrence dans Mét., à deux lignes
owptçew (<< délimiter »), en PA, 1,1,639 a 16, voir C.2, n. 175.
d'intervalle de OPOY Kat ÀOyov ; voir ci-dessus, n. 149) : 6 À6yoç 0 optcr"CtK6ç (sur
145 Par exemple, Mét., Z, 13, 1039 a 20 ; voir aussi A, 5, 987 a 23. CHANTRAINE, DELG,
l' anap~ore de l' a:tïcle, voir AB .1, n. 27) ; comparer (par exemple) Physique, l, 3, 186 b 23-
1996, p. 825-826. 24: "CI{) 6ptcr"ClKI{) À6ycp; Ame, II, 2, 413 a 14: 'Cov Optcr"ClKOV ÀÔyOV.
146 Par exemple, Mét., Z, 5, 1031 a 1-2, 11-13 : IlÔVllÇ Ti)Ç oucriaç 6crTtV 0 1 opt-
153 Cf. SEXTUS EMPIRICUS, Contre les professeurs, I, 315 ; ALEXANDRE D'APHRODISIAS,
crllaç .... "On Ili;v oov 1 6crTtV [accentuation de l'éditeur] Ô oplcr).10Ç 0 'Wu 'Ci ~v dvm
In Topica, I, 5, 101 b 39, p. 41, 1. 29 - 43,1. 8 Wallies, 1891; [ALEXANDRE D'AI'HRODI-
Àôyoç, Kui 'Co 'Ci ftv dvm ft 1 ).1avrov 'Crov oucrtrov 60'1::iv [accentuation de l'éditeur] ft
SJAS], In Met., Z, 4,1029 b 12, p. 467, Il. 2 - 469, l. 18 Hayduck, 1891.
llaÀl O""Ca Kai npanroç Kat unÀroç, 1 ollÀov. Références additionnelles, ci-après, n. 150. 154 V'Olr, ent reA RD
autres, \E, as_"Ct. , T]V e1Vat, 1938; TruCOT, Al'lstote,
. I, 1953, p. 23-
BOLTON, «Substance », 2002, p. 156-158.
24, n. 3 ; BASSENGE, «Das "CO évi dvat », 1960 (p. 29-45 : sur l'indicatif imparfait ~v),
147 Mét., Z, 12, 1038 a 20-21 : 6 oPtcrllOÇ ... sv'Wtç opotç. Comparer le processus
et« Der FaU »,1963; AUBENQUE, Le problème, 1966, p. 461-462; CAUJOLLE-ZASLAWSKI,
d'assimilation des mots À6yoç, opoç, 6ptcrll6ç, par exemple, chez ALEXANDRE D'ApHRODl-
«Aristote »,1981; COURTINE, «Schelling »,1990 (p. 252, n. 12: sur l'indicatif impar-
SlAS, ln Topica, l, 5, 101 b 39, p. 41-43 Wallies, 1891 ; voir cependant son commentaire à
fait ~v) ; ÇOURTINE - RDKSBARON, « To ti ên einai », 2004 (p. 1301-1302 : sur l'indicatif
Mét., Z, 4, 1029 b 12, ci-après, n. 150. imparfait ilv; [p. 1301,1. 1 : lire «(nrrpel).1t), pephukn (nÉ<puKg:) »)]). Relevé bibliogra-
148 Mét., Z, 9, 1034 b 20 : Ô Ôplcrl-lOç À6yoç Sent (<< la définition est un énoncé»). Sur
phique: RADICE, La «Metafisica », 1997, p. 737 (s. v. "Ci ~v eîvat).
Z,4, 1030 b 12-13, voir ci-après, n. 149. 155 Voir ci-dessus, B.2, s. v. m'mia et "Co 'Ct ~v dvat; ci-dessous, C.2, n. 180: PA,
149 Par exemple, Mét., Z, 4, 1030 a 6-7 : Ô 1 À6yoç 6cr"CtV ôptcrl-l6ç ; voir aussi Mét., B,
l, 1, 642 a 25, et C.3.2, n. 263 : Marche, 8, 708 a 12 (outre l'adaptation de PA, II 3
3,998 b 12-13; Z, 12, 1037 b 11-12,25-26 (cf. [ALEXANDRE n'ApHRODISJAS], In Met., Z, 649 b 22). ' ,
4, 1030 a 16-19, p. 471, Il. 18-22 Hayduck, 1891); Mét., Z, 4, 1030 b 12-13: À8UKOÛ
_ 156 Ni ARPE, Das 'tÎ ~v EÎvat, 1938, p. 16, n. 19; 24,26, ni BASSENGE, «Das 'Co évi
àv8pdmou Ëcr"CUl Àoyoç Kat 1 Optcr).16ç, ... ÀeUKou Kat oùcrtaç (b 12: Kat explicatif [voir
elVat », 1960 (saufp. 23, Marche, 8, 708 a 12 dans une citation de Bonitz; p. 20, 45-46:
B.2, n. 47] chez Ross, 1924, traduction reproduite par BARNES, The Complete Works, Il,
rappel de PA, II, 3, 649 b 22) et «Der FaU », 1963 (sauf p. 810, où PA, n, 3, 649 b 22
1984, p. 1627: «a definition m'formula» ; TRICOT, Aristote, l, 1953, p. 367: «énonciation
est à nouveau évoqué) ne s'y arrêtent. Dans sa discussion sur la valeur de l'imparfait,
ou définition» ; Kai copulatif chez TREDENNICK, Aristotle, l, 1933, p. 329 : «aformula and
BUCHANAN, Aristotle's, 1962, p. 31-32 (qui n'a, apparemment, pas eu accès à l'article de
definition» ; FREOE - PATZIG, Aristoteles, l, 1988, p. 73 : «cine Formel und sogar eine Defi-
Bassenge, 1960), cite et commente «PA, I, 1,640 a 15ff, 30-35 », où est affirmée l'antério-
nition» ; Il, 1988, p. 73-75 [:::: (FIumE - PATZIG) -REALE- SCOTII MUTH, Illibro Z, 2001,
rité de la fonne et sa supériorité dans la génération, mais conclut: «That the form exists
p. 145: «nozione e definizione », p. 231-232] ; REALE, Aristotele, II, 1993, p. 303:
before the individual. .. is, of course, a familial' Aristotelian doctrine. and the use of the
« nozione e definizione » ; BOSTOCK, Aristotle, 1994, p. 6 : « aformula and a definition ») ;
impelfect in De Partibus Animalium, 1.1, where_this doctrine is advanced, might be thought
Mét., H, 3, 1043 b 28-29: oucriaç Ëcr'Ct ).1Èv ~ç 6VOÉX6'tat 1 dvat opov Kat À6yov (Kat
to support this interpretation; but even ~"f the ilv had to be taken in this passage, it could
entendu comme conjonction copulative, chez Ross, 1924, traduction reproduite par BARNES,
hardl~ be claimed on the basis ofthis alone that the ~v in 'Ci ftv etvat has this meaning,
The Complete Works, II, 1984, p. 1648; TREOENNICK, Aristotle, I, 1933, p. 413; TRICOT,
even ln passages where there is no explicit reference to the doctrine in question. » ; CAU-
Aristote, II, 1953, p. 466; REALE, Aristotele, II, 1993, p. 379; BOSTOCK, Aristotle, 1994,
JOLLE-ZASLAWSKI, «Aristote », 1981, p. 61, signale - sans référence précise - que la
p. 36); Mét., Z, 13, 1039 a 18-21 : Àoyoç ... ! (1. 20) ... oùcrlaç dyat opov ". 1oùùevoç
locution est attestée dans les Parties des animaux. OWENS, The Doctrine, 1978, p. 182,
Kp' Ëcr'tUt ôptcrl1oç. Voir ci~dessous, C.3.1, n. 248, 257 : PA, II, 7, 652 b 18.
n. 83, c), discute Marche, I, 708 a 12 (où il interprète "Ci comme sujet), p. 376, n. 13 (renvoi
150 Mét., H, l, 1042 a 17-21 ; [ALEXANDRE O'APHRODISIAS], In Met., Z,~, 1029 b 12,
à PA, l, 1,642 a 18-28). Voir ci-dessous, C.3.4: texte afférent à PA, II, 1,646 a 35 - b 2
p. 467, 11. 1-2 Hayduck, 1891 [je souligne] : üÀÀo 'tov Àoyov iiTOl 'tov Optcr).1ov). Voir
(n. 312).
ci-dessus, n. 70 (BONITZ, PECK, LE BLOND, TRICOT), n. 144 (BoNITZ, TRICOT).
298 LILIANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 299

parcourir les démonstrations syntaxiques l57 et philosophiques qui ont été ft yàp oùcrla 1'âlV OV1'ffiV èv 1'CP KaO' ËKUcr1'OV 165
élaborées pour soutenir interprétations et traductions de ses autres occur- l'essentia des étants est, en effet, dans l'individuel
rences 158 , À la lumière des contextes des deux passages concernés, l'inter-
et y insiste, à l'aide d'une anaphore, lorsqu'il considère les deux méca-
rogation nominalisée est rendue de façon « terre à telTe »159 par « la ques-
nismes, aujourd'hui nommés phylogenèse et ontogenèse, de la génération
tion de savoir ce qu'était être (pour tel ou tel»> (PA, I, 1,642 a 25)'60 et
des êtres 166 •
«le fait de savoir ce qu'était être (pour tel ou tel) » (Marche, 8, 708 a 12)161.
ïEVVÇi oÈ Klli tO KaS' hacftov (1. 33) Kat to yévoçl67, d'AM ).là'A'Aov
2 1'0 KUO' ËKacr'tov' 1'0\31'0 yàp ft (L 34) oùO'ia. Kat yàp 1'0 ytyVÔIlBVOV
C.2. Caractérisation et applications générales de l'o'mia ' •
y[YVEtat ).lÈV Kat "o'OV n, dHà Kat (1. 35) 'OOE n - KUt touS' 1]
En rappelant, au livre II de GA, pourquoi les êtres voués à la génération oùc:ria.
ne peuvent être éternels, Aristote proclame, une fois encore l63 , le principe l64 : Agissent dans la génération et l'individuel et le groupe 168 , mais davantage
l'individuel; car voilà l'essentia. Et, en effet, le rejeton naît et est tel qu'il
est [par rapport au groupe], mais il est aussi «ceci en particulier », et voilà
157 Sur l'infinitif substantivé sans article, voir KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., II, l'essentia.
1904, p. 3-4, §472, a.
158 Pour les deux derniers siècles, voir l'échantillon de 19 traductions (allemandes, Dans le chapitre 5 des Parties des animaux, I, il distingue les deux
anglaises, françaises) réuni par COURTINE - RlJKSBARON, «To ti ên einai », 2004, p. 1298
(GRAHAM - SCHENK, «Greek Philosoprucal Telminology », I, 1991, p. 332, retiennent la
types d'ouata< naturelles l69 ,
traduction« essence »). Voir aussi ci~dessus, C.l.1, n. 101-106, 112-12l.
159 CAUJOLLE-ZASLAWSKI, «Aristote »,1981, p. 74. Comparer, par exemple, BASSENGE,
« Das 'Co ~vi dvat », 1960, p. 205 : «Das - was war es ? -Sein? }) ; BUCHANAN, Atis- 165 Occurrences parallèles de oùcriu en contexte avec KaS' ËKUcr't:QV dans les trai-

totle's, 1962, p. 40: «What It Wasfar Each Thing ta Be ». tés «biologiques », voir ci-après, GA, IV, 3, 767 b 32 (n. 166); PA, I, 4, 644 a 30
160 Voir C.2, n. 180. (n. 191); comparer Gén. et corr., II, 9, 335 b 7 (ci-dessus, Préambule, n. 9) ; PA, I, 1,
J61 Voir C.3.2, n. 263. 639 a 16 (ci-après, n. 175) ; Marche, 8,708 a 11 (avec anaphore; ci-dessous, C.3.2,
162 Relevé des occurrences dans l'ordre croissant des quatre traités: voir ci-dessus, n. 263).
TABLEAUX Il et m. Ci-après (l'astérisque signale l'emplacement des anaphores de oùcrla 166 GA, IV, 3, 767 b 32-35. Cf. LANZA, Opere, 1071, p. 983 et n. 25 (sur l'importance
quand elles n'appartiennent pas à la même phrase ou à des phrases contiguës [voir B.2] et - de cette phrase où Aristote redit « la priorità dell'essenza e il suo valore individuale e indi-
qu'elles sont, en raison des contextes, présentées séparément l'une de l'autre), C.2: GA, viduanle») ; FORTH, «Specifie », 1990, p. 102; KULLMANN, «Die Voraussetzungen »,
Il, 1,731 b 34 (n. 164); IV, 3, 767 b 32-35 (n. 166); PA, l, 5, 644 b 22-24 (n. 169); 1997, p. 60; CHO, Ousia, 2003, p. 241-242, 313. Sur oùcrîu et yÉV&crIÇ, voir relevé ci-
Mauv., 3, 699 a 22-23 (n. 173); PA, l, 1, 639 a 15-18 (n. 175); 1,642 a 25-26* (n. 180); dessus, B.2, et détail des occurrences, ci-dessous, C.3.4.
4,644 a 23*-27 (n. 186); 4, 644 a 29*-31 (n. 191); 5,645 a 34-36 (n. 194); 3,643 a 27- 167 Le yÉvoç n'en est pas moins, «à ce qu'il semble» (Z, 3, 1028 b 35, texte cité

28 (n. 197); 1,641 a 23-27 (n. 200) ; GA, Il, 4, 738 b 26-27 (n. 208) ; l, 1,715 a 4-7 (n. 210) ; ci-dessus, n. 6), une des quatre manifestations de l'oocria (cf. Mét., d, 28, 1024 b 4-6: EV
C.3.1: PA, N, 5, 678 a 32-34 (n. 222); l, 3, 643 a 1-5 (n. 230) ; IV, 12,693 b 6 (n. 234) ; tcp 'ti ècr'tl, 13-14: 'ti ècrtt. .. 'trov OVtrov).
13,695 b 20 (n. 235) ; 12,693 b 5-7* (n. 236) ; 12,693 b 13* (n. 238); 13,695 b 17-21 16!! Les substantifs « genre» et « espèce », de même que «famille », « classe »,

(n. 239); GA, V, 1,778 a 34* - b 1 (n. 243); PA, l, 1, 642 a 19*-22 (n. 247) ; Il, 2, 647 «ordre », etc., sont intentionnellement délaissés en raison de l'anachronisme qu'ils
b 23-25 (n. 251); 2, 648 a 15-16 (n. 253); 7,652 b 16-21 (n. 257); C.3,2: PA, III, 6, introduisent dans la traduction des textes antiques traitant de thèmes zoologiques
669 b 11-12 (n. 259); Marche, 2, 704 b 15-17 (n. 261); 8,708 a 9-12 (n. 263); PA, IV, ou biologiques. Cf. BODSON, « §6. Aristote », 2003, p. 409-410 ; 2004, p. XXV,
9,685 b 14-16 (n. 271); 6,682 b 28-29 (n. 273); C,3.3: PA, IV, 10, 686 a 28 (n. 300); n, 155.
C.3.4: PA, 1,1,640 a 18-19 (n. 307); 1,641 b 31-32 (n. 310); Il, 1,646 a 24-26* (n. 311); 169 PA, 1, 5, 644 b 22-24. LE BLOND, Aristote, 1945, p. 181, n. 137 (:::: LE BLOND -
1,646 a 35-b 2* (n. 312); GA, Il, 1,731 b 19-20 (n. 322); 6,742 a 21-22 (n. 325); [PELLEGRlN], Aristote, 1995, p. 111, n. 136) ; BALME - [GOTIHELF], Aristotle, 1972 [1992],
V, 1,778 b 5-6* (n. 326); l, 1,715 b 18-21 (n. 328); 23, 731 a 24-26 (n. 331); III, 11, p. 123; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 172; CARBONE, Aristotele, 2002, p. 564-566;
762 a 5-7 (n. 335). Ponctuation: lorsque la ponctuation de l'exposé et celle qui achève, CHO, Ousia, 2003, p. 144 et n. 26, 166. Cf. Âme, II, 412 a 11-12: 06cr1a1 ... tà
dans l'édition de référence, le segment de texte cité entrent en conflit (point final, virgule, creOj.lU'w, 1KUt tou'tcov 't(;( cpUO"lKa.; Mél., H, 1, 1042 a 6-10 (voir ci-après, n. 174); K,
point en haut ou tiret), la ponctuation de l'exposé prévaut. 7, 1064 b 10: at cpucr1Kai OOcriUl1tpro'tat 'trov OVtCOV dcri (sur l'o6cria première, voir
163 Voir, par exemple, Mél., d, 8,1017 b 21-26; Z, 7,1032 b 1-2 (texte cité ci-dessus, ci-dessus, B.2, n. 46). Comparer aussi, par exemple, Z, 7,1032 a 15-19: Ut 1 08 yEVÉ-
B.2, n, 44). crGlç at j.l8V cpucrlKai ... 1... 'to oÉ 'tl èiv8pco1toç ill cpu'tov 11 èiÀ.Ào 'Ct 'trov tOlO(ncov, il
'" GA, Il, 1, 731 b 34. BALME - [GOTIHELF], Aristotle, 1972 [1992], p. 156; CHO, of] j.la.Àtata À.Éyoj.l&V oÙCiÎaç &l'VUl. Sur les trois types d'OOcrlU1: Mét., A, 1, 1069 a 30-
Ousia, 2003, p. 241, 243. . b 2; 6, 1071 b 3.
300 LILIANE BODSON §6. TRAiTÉS BIOLOGIQUES 301

(1. 22) T&v o"",&v oaal <pDaEI auvEO"1àal l70, 1ÙÇ ~6v àYEVf)WUÇ (1. 23) <pDaBmç179 il ÀÉOVtOç il poàç il Ka, nvoç uÀÀou (1. 18) KaS' ËKaatOV
Kai à<p9ap10uç dVal 1ÜV U1taV1a a,",va, 1ÙÇ 06 ~E1tXEIV (1. 24) yEVt- 1tpOXBlpIÇO~évouç.
aBmç Kai <pOopàç. Je veux dire, par exemple, s'il faut, en prenant chaque essentia une à une,
Des manifestations de l'essentia 17l qui se sont constituées par nature, opérer la délimitation au sujet de l' essentia en elle-même, par exemple au
[penserl72] que les unes sont inengendrées et incorruptibles pour l'éternité sujet de la nature de l'être humain ou du lion ou du bœuf ou de tout autre
tout entière, les autres participent de la génération et de la corruption. en en entamant le maniement par individu.

Attribuer, comme l'ont fait certains prédécesseurs, une m'Jota aux notions Le temps est révolu OÙ 180

virtuelles que sout les pôles (1. 20: rc6Àol) revieut à mécouuaître le faitl73 'Co 'Ct DV dvat Kai 'Co (1. 26) 6picracrSat tftV oÙGiav OÙK DV.
JlllÔEJltav oùofav dvat (1. 23) 'Cillv 'towûtffiV J.tllOev6ç la question de savoir ce qu'était être, autrement dit 181 le fait de définir
qu'aucune essentia n'appartient à aucun des tels qu'eux. l'essentia, n'existait pas.

En revanche, les -,troisièmes des « manifestations naturelles de l' essentia » Louguemeut siguifiée à travers le livre l de PA 182, l'importauce de
englobent, entre autr~s, <.< à l'unanimité des avis, ... les êtres animés et leurs l'eujeu méthodologique se découvre aussi daus le fait qu'il eutraîue
parties »174 La questiou de savoir commeut couduire l'euquête à leur pro- l'unique occurreuce du substantif <xrcopia 183 et trois des cinq occurreuces
pos est posée dès les premières ligues du livre l des Parties des animawp5 : du verbe <xrcopÉü)I84 du traité. La difficulté est résol ue 185 au tenne de
l'exameu critique et du rejet des modes de divisiou autérieurement eu
Atym 0' olav 1t01BPOV OBt Àa~pavov1açl76JI. 16) Iliuv ÉKa"t~v177
vigueur 186 ,
où"iuv 1tBpi 1Wlt'lÇ OlOp,ÇBIV KUS' a"tf)v l78 , olov (1. 17) 1tEpi âvSpm1tou

179 Cf. cpucrtç en PA, l, 5, 645 a 34 (ci-après, n. 194). Occurrences parallèles de oüata
170Comparer PA, IV, 5, 678 a 31 (C.3.l, n. 221) ; aussi Mét., E, 1, 1026 a 27-28: d en rapport direct avec '(lucrtç dans les traités «biologiques », voir, outre B.2, avec n. 39,
IlÈv ! oùv 1111 Ëcr'tt ne; B'!spa QI'min nupù 'tûç c:pUCH:t ,cruV80''tTIKoiaç ;. Z, 17, 104~ b 29- ci~dessous, C.3.1, n. 240.
30 (noter, outre le verbe cruvsO"'trpcum, le pl~riel oucr{cu ,et ~~ rel.~tlOn< ent;e qmcnc;, et 180 PA, l, 1,642 a 25-26 (unique occurrence de l'expression 'Cô 'Ci nv dval dans PA;
ot'Ja{a) : ocrcn oûcr{cu, Ka:rà c:puow 1 cruV8()'tTjKetm, <pavslTj av a\nT] 11 <pumç oùma. seconde des deux occurrences dans les traités « biologiques », ci-dessous, C.3.2, n. 263 :
171 Sur le pluriel des noms abstraits, cf. ci-dessus, B.I, n. 29. - Marche, 8, 708 a 12 ; sur cette locution, voir ci-dessus, C.1.3 et ci-dessous, C.3.4 : texte
172 Sur le discours indirect dépendant implicitement d'un verbe d'opinion ou de décla- afférent à PA, II, 1, 646 a 35 - b 2 ln. 312]). LE BLOND, Aristote, 1945, p. 164-165, n. 84
ration, KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., II, 1904, p. 544, §593, 2, A. 1. ?ECK, Ar~s­ (= LE BLOND - [PELLEGRIN], Aristote, 1995, p. 97, n. 84); VEGE'ITI, Opere, 1971, p. 506;
tot/e, 1937, p. 96 (addition superflue du verbe À8yollEv; cf. BALME - [GoTTHELF], Ans- KULLMANN, Wissenschaft, 1974, p. 16; LLOYD, «Aristotle's », 1990, p. 25; LENNOX,
totle, 1972 [1992], p. 123); LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 172: «There appears to have Aristotle, 2001a, p. 151 ; CARBONE, Aristotele, 2002, p. 523~524 ; CHO, Ousia, 2003,
been some 'cutting and pasting' done here. )} p. 177~179. Cf. PELLEGRIN, «De l'explication », 1990b, p. 209-210.
173 Mouv., 3, 699 a 22-23 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, In Anim. Mot., 699 a 12, p. 108, il. 181 La valeur explicative de Kai (cf. ci-dessus, B.2, n. 47) est retenue dans cette allu-
1-10 Hayduck, 1904). Cf. NUSsBAUM,Aristotle's, 1978, p. 295-299; :?REus, Aristotle and sion historique et critique, sur base de l'asyndète dans Marche, 8, 708 a 9-12 (ci-dessous,
Michael of Ephesus, 1981, p. 45, 72-73. , _ ," ~ C.3.2, n. 263, 266) et de l'identité répétée, par exemple, dans Mét., d., 8, 1017 b 21-22 et
174 Mét., H, 1, 1042 a 6: oùO'iat, a 8: ai <puO'lKai, a 9-10: 't'a 1 Scpa Kat·ta Ilopm '[(OV H, 1, 1042 a 17 (textes cités ci~dessus, B.2, n. 44) de oüaîa et 'Cô 'Ci nv dvat. La nomi-
,<prov ; cf.!!., 8, 1017b 12-13 et 17-19; Z, 2, 1028 b~-lO; Z, 1?, 1040b5-8 (les parties des nalisation n'empêche pas l'expression 'd nv dVUl de conserver intacte, dans le contexte
animaux en tant que OUVt1).U::1Ç;) ; A, 1, 1069 a 32 (les etres ammes, sans mention de leurs par- de PA, I, 1,642 a 25-26, sa teneur interrogative originelle.
ties, pour illustrer 1'0ùO'ia sensible et corruptible). Cf. LLOYD, « Aristotle:s », 1990, p. 12-15 ; 182 Voir, par exemple, WILSON, «Speusippus »,1997, p. 17; KULLMANN, «Die Voraus-
PELLEGRIN, «Taxinomie », 1990a, p. 40-45 ; ci-dessous, C.3.2 : texte afferent aux n. 288-299. setzungen », 1997, p. 52.
175 PA, 1, 1,639 a 15-18 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, ln PA [1,639 a 15-16], p. 2, IL 27-32 183 PA, 1, 4, 644 a 28 (cf. MICHEL D'ÉpHÈsE,!n PA, 1, 644 a 28, p. 21, I. 15 - 22, I. 16
Hayduck, 1904). BALME - [GOTTHELF], Aristotle, 1972 [1992], p. 73 ; LENNOX, Aristotle, Hayduck, 1904). GoTrnELF, «The Elephant's Nose », 1997, p. 91 ; BODSON, « §2. Aristote »,
2001a, p. 121 ; CARBONE, Aristote/e, 2002, p. 475-477 ; CHO, Ousia, 2003, p. 139 et n. 20 ; 2001, p. 212-213.
179-180. 184 PA, I, 1,641 a 32, 642 a 3 ; 4,644 a 12. BODSON, «§2. Aristote »,2001, p. 221-
176 Comparer en GA, I, 1,715 a 6 (ci-après, n. 210): le composé tl11;oÀ.a~Etv. 224.
177 Occurrences de KaS' ËKaO"tov en contexte avec oùO'ia dans les traités «biologiques », 1", PA, 1, 4, 644 b 15-20.

voir ci-dessus, n. 165. 186 PA, 1, 4, 644 a 23-27 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, ln PA, J, 644 a 23, p. 20, I. 33 - 21,
178 Cf. KaS' atn:6 en PA, I, 3, 643 a 28 (ci-après, n. 197). 1. 13 Hayduck, 1904); en rapport avec les 11.23-24, voir Mét., Z, 12, 1038 a 25-26: Mw

1
Lll..IANE BODSON
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 303
302

snd 0' oùcrlat (1. 24) j.lÉv EtO"l "Cà Ëcrxu'tu s't0ll, 'tuu'tu 8È KŒ'tà '"Co etooç Si l'on admet que l94
uOlà<popa, (1. 25) olov ~roKpànlç Kop,=oÇ, uvayKalov 11 ,,, Ka961cou
K~t, 101~61t,8Pt, <pU,cr8roç.195 ;C8pt (1. 35)" 1ijÇ crUv9~cr8roÇ Kat tij<; 151.1]<;
(1. 26) t"apxovra "p6'EPOV E'''ElV 11 "o1c)caKlç 1a,nov UyE1V, Ka6imEp o~(rt"~ "a1c~a 1"T1 "EPI WU1roV (1. 36) a l'TI crUI'PalV81 XroplÇ6~Eva TOmE
(1. 27) 81pT]'at l87 • 't'lie;: ouo"lue;: au-roov
189
puisque les manifestations de l'essentia 188 ce sont les sortes ultimes, et celui qui discute sur une nature discute sur la constitution de celle~ci et son
190
que ces sortes-là ne se différencient pas selon la forme , comme Socrate, essentia totale, mais non sur ces composants qui ne surviennent jamais
Coriseos, il est nécessaire soit de dire d'abord leurs attributs généraux ou séparés de l'essentia des objets d'étude,
bien de dire souvent la même chose, comme il a été indiqué.
l'on reconnaîtra 197
et 191
"En olatpdv xPiJ wlç sv tÙ OÙ",\< Kat ~iJ Wlç (1. 28) crUl'P8PTJK6cr1
Ti IlÈv l'àp ouO'\o; "Co 1:<1> Kp~'tta'tov, (1. 30) el nç~OUVUl-:O,
EtOEl u'tOJ-lOV,
KaS' aù-r6 198
"8pt 1&V KaS' Ë,Kacnov l92 Kat u,6~rov "P (1. 31) 810E1 9EropElV XroplÇ.
li faut encore diviser par les propriétés incluses dans l' essentia et non par
dans la mesure,-':~n effet, où ce qui est indivisible par la sorte est essentia, celles qui sont accidentelles en soi.
il vaut mieux, si ôn le pouvait, faire l'examen séparément au sujet des êtres
193
individuels et indivisibles par la sorte . Ses travaux ayant pour objet de résoudre l'interrogation «~( ilcrnv ; »
et de saisir le À6yoç de l'Oûcr(u 199 , «le naturaliste doit dire et savoir ,,200
n
Jlèv bit oHl<popêiç OHt<popà ytYVll'W1, ~{u 1 ëcr1"at 1"~ÀBU't"uiu 1"0 dooç KUt ry OOcrlU.
Interprétation copulative de Ka{ chez les traducteurs SUlvants : TREDENNICK, Anstotle, I,
.194 PA, I, 5, 645 a 34-36. Cf. DÜRING, Aristotle's, 1943, p. 121 (avec n. 2) ; LE BLOND,
1933, p. 375 et 377 : « the form and the substance» ; TRICOT, Aristote, I, 19.53, p. 422: «~a
forme et la substance» ; FREDE - PATZIG, Aristoteles, I, 1988, p. 105: «dIe Form und dze Anstote, 1945, p. 187, n. 1~7 (= LE BLOND - [PELLEGRIN], Aristote, 1995, p. 116, n. 145) ;
ousia» [= (FREDE - PATZIG) - REALE - Scorn MUTH, Illibro Z, 2001, p. 159: « laforma BALME - [GOTITIELF], Anstotle, 1972 [1992], p. 124-125 ; KULLMANN, «Die Voraus-
e la sostanza »] ; REALE, Aristotele, II, 1993, p. 303 : « nozione e definizione » ; BOSTOCK, setzungen »,1997, p. 52; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 174; CARBONE, Aristotele, 2002,
p. 569-570; CHO, Ousio, 2003, p. 168-169.
Aristotle, 1994, p. 23: «the form and the substance» ; comparer ci-après, n. 207: les
195 Cf: ci-dessus, PA, I, .1, 639 a 17 (n. 175). Occurrences parallèles de oûcria en
traductions de Mét., Z, 10, 1035 b 16. Cf. LE BLOND, Aristote, 1945, p. 178, n. 126-127
(= LE BLOND _ [PELLEGRIN], Aristote, 1995, p. 109, n. 125-126; sur la perturbation de la rapport dIrect avec <pumç dans les traités «biologiques », voir, outre B.2, avec n. 39, ci-
numérotation des notes dans les deux éditions, voir ci-dessus, Préambule, «Autres éditions», dessous, C.3.l, n. 240.
.196 Sur la place de l'adjectif de quantité, cf. ci-dessus, B.l, n. 26. Sur le sens de ûÀoç,
n. 21-22); KULLMANN, Wissenschajt, 1974, p. 73-74; «Die Voraussetzungen »,1997, p. 60-
61 (tout autre argument mis à part, la ctitique de Kullmann, p. 61, n. 47, relative à ~a traduc- VOIr WALLACH, «Aus der Bedeutungsgeschichte» 1967.
197 PA, J, 3, 643 a 27-28 (cf. MICHEL D'ÉPllÉSE,'In PA, J, 643 a 7, p. 14, Il. 18-23 Hay-
tion révisée de BALME _ [GOTIHELF], Aristotle, 1992 [1972], p. 16, 121, est syntaxIquement
fondée) ; LLOYD, Aristotelian Explanations, 1996, p. 71 ; LENNOX, Aristatle, 2001 a, p. 169- duck, 1904). VOIr aUSSl GA, V, 1,778 a 34- b 1 (ci-dessous, C.3.1, n. 243). Cf. LE BLOND,
170; CARBONE, Aristote/e, 2002, p. 560-562; VAN CAMP, « § 7. Aristote », 2003, p. 439 ; 1945, p. 174, n. 111 (= LE BLOND - [PELLEGRINl, Aristote, 1995, p. 105-106, n. 111);
CHO, Ousia, 2003, p. 61, 140 et n. 20, 179-182. Occurrences parallèles de {rrcapXBlV en BALME - [Gorrm:LF], Anstatle, 1972 [1992], p. 114-115; CHARLES, «Aristotle », 1990,
contexte avec oùcriu dans les traités «biologiques », voir ci-dessous, C.3.l, n. 224. p. ~53; JAULIN, Etdos, 1999, p. 242-243 ; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 161-163 ; CARBONE,
187 Ko,8étnBp Bïpll'CU1: en PA, I, 1, 639 a 15-18 (ci-dessus, n. 175).
Anstotele, 2002, p. 544-545; CHO, Ousia, 2003, p. 190-191.
198 Comparer PA, l, 1,639 a 16 (ci-dessus n. 175).
188 Sur le plU1'iel oùcrto,1 (seconde occurrence des traités «biologiques» ; voir ci-dessus,
199 Mét., K, 7,1064 a 19-22. '
n. 169, pour la première: PA, 1; 5, 644 b 22), cf. B.1, n. 29.
200 PA, I, 1,641 a 23-27 (outre l'anaphore aux 11.25 et 27 parallélisme aux 11 26-27
189 Sur cette traduction, voir ci-dessus, n. 168.
190 VAN CAMP, « § 7. Aristote »,2003, p. 439.
se terminant par oocriuç et polysyndète à la L 27; cf. MICHE~ D'ÉPHÈSE, in i,
PA, 640 b
191 PA, l, 4, 644 a 29-31 (apodose, ici nominale, exptimant la certitude après une protase
29, p. 6, Il. 33-34 Hayduck, 1904). Voir LE BLOND, Aristote, 1945, p. 152-153, n. 54
potentielle; cf. KÜHNER _ GERTH, Ausführl. Gramm., II, 1904, p. 478, §576, b). LE BLOND, (= .LE BLOND - [PELLEGRIN], Aristo~e, 1995, p. 85-86, n. 54) ; BALME - [GOTIHELF],
Aristote, 1945, p. 179, n. 129 (= LE BLOND - [PEllEGRlN],Aristote, 1995, p. 110, n. 128); Anstalle, 1972 [1992], p. 89-90 (attIre l'attention sur le conflit, par rapport à d'autres
KULLMANN, Wissenschaft, 1974, p. 75 ; CHO, Ousia, 2003, p. 183-184 ; ci-dessus, n. 186 passages, entre les deux rôles fixés ici à l'âme et le résout par référence au postulat
selon lequel «la nature ne fait rien en vain» (641 b 10) ; KULLMANN, Wissenschaft,
(LENNOX, CARBONE). 19:4, p. 48; JAULIN, Eidas, 1999, p. 277; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 141-142; CARBONE,
192 Occurrences parallèles de Ko,W 8Ko,O"'t:ov en contexte avec oûcrlo, dans les traités
A.1'/stotele, 2002, p. 513 ;" C~o, Ousia, 2003, p. 175-179, 278 et n. 62. Sur ce postulat, voir
«biologiques », voir ci-dessus, n. 165.
193 Cf. CHARLES, «Aristotle », 1990, p. 154; KULLMANN, «Die Voraussetzungen »,
cl:dessus, B.2, n. 39; detai! des occurrences parallèles de oûcria en rapport direct avec
qmcrtç dans les traités «biologiques », ci-dessous, C.3.1, n. 240.
1997, p. 53-54.
LILIANE BODSON
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 305
304

,( tcrnv fi 'l'UXfl, (L 24) lj uin6 wilw ,6 ~6ptoV20J, Ku!nEpt ,&v cru~­ canses. Cette fonction de l'oùcr(u209 est rappelée anx premières lignes
203
~E~TjK6n))v202 KU1à (L 25) ,1jv 'OluiHTjV uù'liç oÙ"'UV , iiÀÀroç 'E de la Génération des animaux qni font la transition avec le traité des
KUt 'liç <pimEroç OtX&ç (L 26) ÀEyo~SVTjç KUt oucrTjç 'liç ~"V ruç 205
Parties des animaux210 :
ÜÀTjç 204 'liç 0' ruç (\. 27) où,,!aç, Kat gcrnv u{)'Tj Ka! ruç fi KtVoucra
Kut cbç -rè tÉÀOç206.
~1t6~ëlV,[<:1 yà? ~h~~2t 't'é"C~apëç; '[6 (1. 5) :"8 oÙ ëVEKU cOç t8ÀOÇ KaPll
o Ào~oç '1]ç OU"taç (Tauta ~EV [\. 6] ouv ruç Ëv n crXEoàv213 \l1tO-
ce qu'est l'âme ou cette partie même et au sujet des accidents' selon l'essentia, À:'~EtV2:4 OEl), 'phov 0" Ka! ûmpTOv (1. 7) 1\ ÜÀTj KUt MEV 1\ àpXTt
telle qu'elle est, de l'âme, en particulier du fait que la nature se dit et est 'Tjç KtVTjcrEroÇ
de deux manières, l'une en tant que matière, l'autre en tant que essentia.
on ~dmeten effet quatre causes: ce en vue de quoi [regardé] comme fin
Et celle-ci [;::::; la nature en tant qu'essentia} est et en tant que la motrice et
ainSIque ~'énoncé de l'essentia 215 (ces concepts, il faut les comprendre
en tant que la fin. comme n'etant presque qu'un seul), troisième et quatrième la matière et ce
Maintes fois formulée 207 , la réponse à cette qnestion est redite dans d'où vient le principe du mouvement.
l'exposé des contribntions respectives du mâle et de la femelle à la
génération208 '.,
C.3, Expressions de l'où.,.!a chez les êtres animés périssables
fi yàp (\.27) 'l'UXTt où"'a cr6J~a,6ç nv6ç llcrnv, L'oùcr(u des êtres animés périssables s'appréhende à travers les divers
l'âme est, en effet,l'essentia d'un corps quel qu'il soit. états de leur organisation intel11e et externe, dans la possession ou la
privation (avec ses nécessaires compensations 2l6) des éléments vitaux.
Coïncidant l'une avec l'antre, âme et oùcr(a partagent les mêmes rôles,
notamment dans le système explicatif où elles interviennent comme
209 Pour l'âme, voir ci-dessus, Préambule, n. 4-5.
, 210 ~A,. I, 1,. 71~ a 4-7 (mise en évidence de Àoyoç par la place dévolue au génitif
det~n;tmatlf, VOlT. cl-dessus, B.2, n. 38); comparer GA, l,l, 715 a 8-9, où l'expression est
201 Cette partie est celle «sans laquelle l'être vivant n'est plus}) (PA, 1,641 a 18-21 ;
r~petee en ordre mverse et sans complément déterminatif de Àoyoç, double indice addi-
Mé/" Z, 10, 1035 b 18-19). ti~n;,tel de l,a vo~onté de l'a~teur d'attirer l'attention SUl' ce nom: 0 't'e yàp Àoyoç KUt 't'o
202 Cf. PA, I, 3, 643 a 28 (ci-dessus, n. 197).
ou ~e~BJ(a ~ç 't'e,Àoç \ 1:a~'COv. Cf. Phys., II, 7, 198 a 25-26 : 't'Ô f!Èv yàp 'Ci &an Kat 'Co
Sur l'adjectif enclavé entre l'article et le nom, voir ci-dessus, B.I, n. 23.
203
'C~u BW;,'CU Ëv 1 ~anj Met.; A,~, ;83 a 2,6-28: 1:~ 8' Ut'Ctu Àéye'tat nnpuxroç, 1(bV J.liav
204 il 'Ce npo:rt"ll ÜÂ:ll ... ,
Mét., 8, 4, 1015 a 7 (voir ci-dessous, C.3.2, n. 299) : cpumç 6È:
f!ev a~na~ cp~J.lev elVat TllV oumav Kat 't'Ô 't'1 1T]V eÎVat (sur l'interprétation explicative
15-16: n
yàp üÀl'\ 'Cq, 'Cu(YCl'\ç [= àPXTt KtvTtaeroç] 1 8eK'ClKTt dvut ÀÉ:ye't'ctt cpucnç;
d~ K~l" VOlr cl-d~ssus, B.2, n. 44) ; 8, 1, 1013 a 20-21 : àpxil ... 1 ... KUt <Ji> oôcrLa Kat
cf. Z, Il, 1037 a 22-30, dont (1. 24-25) èv J.lÈ:v 'C0 'Cllç oôa{aç ÀOYCP 'Cà oü'Cro J.lOptct 1dlç
'to ou ËveKa (vou C.3,4, n. 324, 325) ; 4, 1015 a 10-11 (texte cité ci-dessus B.2 n. 54) .
ÜÀl1 OÙK S.VÉ<J"CUl. Z, Il, 1037 a 29 : 11 yàp ouaLa 6a1:t 'Cô etooç 'Cô EVOV. PREUS Science 1'975' P 210:
205 Cf. Phys., il, l, 192 b 21; Âme, II, 4, 415 b 7-14 (texte cité ci-dessus, Préambule,
PELLEG~, «De l'explication », 1990b, p. 210-212, 214, 217; JAU~.JN, Eido~, 1999, p'. 149;
n. 4); Mét., 11, 4, 1014 b 18-20. CH?, OU.SlQ, 2003, ~. 2?1. Occurrences parallèles de b Àoyoç 'Cllç oucriaç dans les traités
206 Voir ci-dessous, B.2, n. 54: Mét., 8, 4,1015 a 11. «bIologIques », VOl!' Cl-dessus, B.2; détaillées en C.3.1, n. 239 : PA, IV, 13, 695 b 18-
207 Par exemple, Mét., Z, 10, 1035 b 14-16: il 'Cillv scprov 'l'ux,Tt_1 ('C<?i:ho yàp oôa{a
19; n. 243 : G1I., V, 1,778 a 34: C.3.2, n. 271 : PlI., IV 9 685 b 16 . C 3 4 n 322' G"
n
'COu f:J.l'lfUX,OU) Ka't'à 'Côv ÀOyov ouatu Kat \ 'CÔ d80ç Kat 'CÔ 'Ci ftv elvut, avec inter- JI, 1, 731 b 19-20. • , , .. , . .~,
prétation divergente de Ka1 en fin de 1. 15 : TREDENNICK, Aristotle, I, 1933, p. 359 :
211
212 Sur la coordination
. renforcée ' voir ci-dessus , B .2 ,n. 33 •
«the substance in accordance with the formula, and the form and essence» ; TRIcoT,
LLoYD,« Anstot1e'~ »,1990, p. 21, translittère l'expression: «the logos tes ousias»
Aristote, l, 1953, p. 405 : «leur substance formelle, la forme, la quiddité» ; FREDE -
(BAL~:- [GOTTI:lEL~], Anstotle, 1972 [1992], p. 127, suspecte GA, I, 1,715 a 1-18 d'inau-
PATZIG, Aristoteles, I, 1988, p. 95 : « ihre ousia im Sinne der Formel, die Form und das
the~:!ctte,~ à tort. VOl! KUllMANN, «Zoologische Sammelwerke », 1998, p. 123, n. 6).
"Was es heifit, eine so beschaffener Korper zu sein" » [= (FREDE - PATZlG) - REALE - Met., H, 4, 1044 b 1 : lcrffiç.
SconI MUTH, Illibro Z, 2001, p. 154: «sostanzafol'male, cioè forma ed essenza»] ;
214 En PA, J,l, 639 a 15 : ÀUJ.lPétvov't'aç (voir ci-dessus, n. 175).
REALE, Aristotele, Il, 1993, p. 303 : «nozione e definizione» ; BOSTOCK, Al'istotle, 1994,
215 ~'~n~ncé de l'oùa(u repose sur J.lOpcpyt et BÏûoç, selon Gén. et COlT., II, 9, 335 b 6
p. 17 : « the substance given by the formula, i.e. the form and what is being for bodies
(texte cIte Cl-dessus, Préambule, n. 9).
of this sort» ; Z, 11, 1037 a 5 : 811ÀOV 8è Kat on 11 J.lÈ:V ~\)x1'\ oôata 11 npœ't'l'\, 216 Cf. Mét., Z, 7,1032 b 2-6 ([ALEXANDRE D'AI'HRODISIAS], In Met., Z, 7,1032 a 26,
28-29; H, 3, 1043 a 35-36 ; cf. ci-dessus, Préambule, n. 4 : Ame, II, 1,412 b 10; 4,
~. 489: Il. 16-31 Hayduck, 1891). Cf. C.3.1, n. 239: P1I., IV, 13,695 b 17-21 (anatomie
415 b 11-12. es pOlssons); C.3.2, n. 271: PA, IV, 9, 685 b 14-16 (anatomie des tentacules de certains
20" GA., JI, 4, 738 b 26-27. CHO, Ousia, 2003, p. 249-250, 253, 271 .et n. 54. Cf. ci-
poulpes); n. 273 : PA, IV, 6, 682 b 27-29 (centres vitaux des insectes); voir aussi C.3.1,
dessus, Préambule, n. 5.
306 LILIANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 307

Ils consistent en parties uniformes et parties non unifonnes217 , sont res- du fait qu'une telle affection [= n'avoir pas de sang] appartient à leur essen-
ponsables de la complexion des organismes et déterminent la place des tia elle-même. En effet, que les uns sont sanguins, les autres non s'inclura
êtres dans la répartition du vivant2!'. dans l'énoncé, celui précisément qui définit leur essentia.

Cette partie de la phrase ne comporte pas moins de trois procédés sty-


C.3.l. Parties uniformes et anatomie fonctionnelle listiques distincts, deux d'entre eux étant doublés: anaphore du substantif
En tête des parties uniformes vient le sang2 !9. Il est à l'origine de la OOGlu, -le second dans l'expression 0 ",6yoç ~fiç oOGlaç - ; hyperbate
division des êtres animés périssables en sanguins et non-sanguins 220 et de l'adjectif intensif ao~fiç225 ; anaphore de l'article np avec le participe226
des particularités que sa présence ou son absence génère dans leurs ana- et hyperbate de celui-ci; indicatif futur gnomique du double composé
èvUnapSE!227. Une telle accumulation ne semble ni accidentelle ni pure-
tomie et fonctions respectives. Étant pourvus de sang, les premiers ont
des viscères 22 ! tandis que les seconds (mollusques, crustacés, testacés, ment formelle. Dans le raisonnement sur les non-sanguins, elle sert à réaf-
insectes) n'en ontpâs, faute d'avoir du sang222 : firmer l'importance du critère qu'est le sang, affection-type de celles qui
sont «en vue de quelque chose »228, pour entamer la différenciation des
otà 'Cà tftç oùdiaç UlYCOOV stvai n tüWÙ-COV (1. 33) rcu90S 223 aùtTtç on êtres animés périssables.
yup ~,m 'ù ).lÈv ËVUl).la 'ù 0' aVUl).la, (1. 34) ~v ,,1\ MyC(! ~vunuPS81224
teP opiÇovn t-qv oùO'îav aùtoov. À l'intérieur de l'ensemble réunissant ceux qui ont du sang, celui-ci
instaure d'autres spécificités. Car, pas plus que n'importe quelle autre
n. 253 : PA, II, 2, 648 a 15-16 (règle du « mieux ou pire»), en vertu de la nécessité seule caractéristique (telle la bipédie229), il n'est identique chez tous, dès que
(dans le cas des tentacules de certains poulpes ou des centres vitaux des insectes, comme l'on passe d'une sorte à une autre230 :
dans la bipédie de l'oiseau en C.3.1, n. 236 : PA, IV, 12,693 b 5-7), ou sous l'action de
la nature, qui ne fait rien de superflu ni en vain (B.2, n. 39; C.3.2, n. 261 : Marche, 2, Et oÈ ).li! ~VÛÉX8'''' mIs 81081 OlaCj>BpOUCrlV "nuPX8!V (1. 2) 8106S ,,23!
704 b 15-17 ; n. 263 : Marche, 8, 708 a 9-12, dans le cas de la locomotion des serpents). <lis où"i"S am).lov Kal EV, o.').J,' d81 olacpOpùV (1. 3) ES81, olov OPV!S
Cf. PREUS, Science, 1975, p. 211-213 ; HADOT, Le voile, 2004, p. 201-204. Autres occur-
rences de l'idée de nécessité en contexte avec oùO'ia, voir ci-dessus, Préambule, n. 9 :
Gén. et COlT., II, 9, 335 b 5-7; ci-dessous, C.2, n. 186: PA, l, 4, 644 a 25 (point de 225 PECK, Aristotle, 1937, p. 316, a rejeté. aù'CTtç qu'il jugeait interpolé. Sur l'hyperbate
vue méthodologique) ; C.3.1, n. 243 : GA, V, 1,778 a 35, b 1 : C.3.4, n. 312: PA, Il, 1, (illustrée deux fois dans la phrase: aù'CTtç et 'Ccp ôpiÇovn ... ), voir KÜHNER - GERTH,
646 a 35 - b 2. Cf. KULLMANN, «Notwendigkeit », 1985, p. 215. Sur la nécessité comme Ausführl. Gramm., II, 1904, p. 600-601, §607, 1, 1.
cause: ci-dessous, C.3.2, n. 285 : PA, l, 1,642 a 1-2. 226 Voir ci-dessus, B.1, n. 27.
217 Sur les «capacités» (ouvétIlEtÇ) qu'elles incarnent, cf. ci-dessus, C.2, n. 174: Mét., 227 KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm., 1, 1898, p. 171-172, §387, 3.
Z, 16, 1040 b 5-8. 228 Voir ci-dessus, n. 219 : PA, II, 2, 647 _b 12, 30-31. Comparer GA, V, 1,778 a 30-
2J8 Cf., par exemple, PELLEGRIN, La classification, 1982 (= Aristotle's, 1986) ; CHARLES, 34 (ci-après, n. 242).
Aristotle, 2000, p. 310-347. 229 Sur ce critère dans la définition de l'être humain 1tEÇàv Oinouv an'CEpov, cf. Mét.,
219 PA, II, 2, 647 b 12, 30-31. Sur PA, II, 2, 656 b 19-21, voir DÜRING, Aristotle's, 1943, Z, 12, 1037 b 10 - 1038 a 35.
p. 148-149; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 226. Cf. KUILMANN, «Alistoteles' », 1999, p. 114. 230 PA, 1, 3, 643 a 1-5 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, In PA, 1, 2, 642 b 30, p. 12,1. 24 - 13,
220 PA, II, 2, 647 b 35 - 648 a 2 : Kat oÀroç 'Cà IlÈv ËVatlla 'Crov Çi{lffiV èO''Ci, 'Cà 1. 10 Hayduck, 1904). Cf. LE BLOND, Aristote, 1945, p. 170-171, n. 100-101 (= LE BLOND-
0' ânt wu atlla'Coç ËXEl Ë'CEpOV 1:1 1l0plOV 'COloDwv. [PELLEGRIN], Aristote, 1995, p. 101-102, n. 100-101) ; BALME - [GOITHELF], Aristotle, 1972
22J PA, IV, 5, 678 a 31 : 'El; 06 yàp O'uvÉ<Hl1KEV 1} 'Crov crnÀuyxvrov <pumç. Sur ces [1992], p. 110; KULLMANN, Wissenschaft, 1974, p. 59-60; LLOYD, Aristotelian Explora-
parties non uniformes formées de parties uniformes, cf. PA, II, 1, 646 b 30-34; 647 a 34- tions, 1996, p. 60-61 ; JAUUN, Eidos, 1999, p. 164; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 157-158;
b 2 (comparer II,1,647 a 31-33: le cœur); ru, 4, 665 b 2-5. CARBONE, Aristote/e, 2002, p. 537-541; CHO, Ousia, -2003, p. 183-184. Sur les effets
ne PA, IV, 5, 678 a 32-34 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, In PA, IV, 5, 678 a 31, p. 70, L 29- du critère de l'oùO'1a de l'oiseau, voir ci-après, n. 234: PA, IV, 12, 693 b 6; n. 236 : PA,
71,1. Il Hayduck, 1904). CODE,« The Priority »,1997, p. 139 (dontn. 17) -140; LENNOX, IV, 12,693 b 5-7; n. 238: PA, IV, 12,693 b 13. Occurrences parallèles de unuPXElV en
«Material », 1997, p. 177, n. 22; Aristotle, 2001a, p. 293-295; CARBONE, Aristotele, contexte avec oùO'ia dans les traités « biologiques» voir ci-dessus, n. 224.
2002, p. 716: CHa, Ousia, 2003, p. 229-230, 253. 231 Noter, outre la rencontre de dooç dans ses deux acceptions (cf. BODSON,« §6. Aris-
223 Comparer GA, V, 1, 778 a 16 (naSl1llét'CffiV; à leur sujet, voir ci-après, n. 242). tote », 2003, p. 400-401, 408-411 ; VAN CAMP, «§7. Aristote »,2003, p. 437, 439; sur
224 Comparer Mél., Z, 10, 1034 b 23 (svunétpXBlV; ci-dessous, C.3.2, n. 288); le verbe la traduction de la première de celles-ci, voir ci-dessus, C.2, n. 168), la portée de l'indé-
à simple préverbe en PA, 1, 3, 643 a 1 (ûnupXElV; ci-après, n. 230) et l, 4, 644 a 26 ('Cà termination exprimée par l'adjectif indéfini, eu égard au fait que le 1.oyoç de l'oùO'ia
ûnétpxov'Ca; ci-dessus, C.2, n. 186) ; III, 6, 669 b 12 (ûnuPXEL ; ci-dessous, C.3.2, tient à la Ilopqnl et à l'Elüoç (Gén. et COlT., II, 9, 335 b 5-7; voir ci-dessus, Préambule,
n. 259); IV, 6, 682 b 28 (ûnupXE1; ci-dessous, C.3.2, n. 273). n.9).
Lll.,lANE BODSON
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 309
308

àv9primou (fj otnoota yàp aÀÀll KUt oUI<popoç232), (1. 4) Kav st gvUtf!a, li est, de nécessité, un être bipède, car l'essentia de l'oiseau est celle des
sanguins, en même temps aussi il est ailé, -~
<0 aif!a oUI<popov' 1î OÙ08V <ijç où"iaç (1. 5) <0 alf!U 9E<ÉOV.
S'il n'est pas possible pour les êtres différents par la sorte qu'une forme, et, en corollaire de la spécificité des ailes,
quelle qu'elle soit, de leur essentia se trouve indivisible et une, mais si, au
contraire, cette forme a toujours une différence, par exemple l'oiseau est 't'CP 0' opvt9t sv tfl oùO'iV; 't'D Tt't'll1"tKOV ÈCH1V238 .
différent de l'être humain (leur bipédie est, en effet, autre et différente), pour l'oiseau, il y a, dans son essentia, le pouvoir de voler.
aussi dans l'éventualité où ils sont sanguins, leur sang est différent; ou il
faut poser le sang comme il' étant rien de l' essentia. Au sein du monde aquatique239 ,
L'absurdité de la dernière proposition est réfutée par les considérations ~ÙK gXOUat 0' ànllP<11f!ÉVU KroÀa o! iX9u8ç (1. 18) otà <à V8UCHtK1)V
générales sur cette partie uniformez33 et par les faits observés, avec leurs dvat 't'TJV cpucrw240 aÙ100v Ku't'à 't'DV tft~ oùO'ia~ (1. 19) "A6yov, èntt othe
234
conséquences, chez les êtres animés, dont l' oiseau nEpt8pyov OM8V oth8 f!atllV fj <pUatç notd. (1. 20) 'EnElo' gvUtf!a Ècm
Ku't'à ti]v oùmav, olà JlÈv 't'D w:ucr1"tKà (1. 21) etVat Tt't'epuylu ëXe1, Dlà
trov yàp èvai~~v ft 'tou opvt8oç oùala,
08 <0 f!1) n8S8UEtV OÙK hEt néoaç.
car l'essentia deToiseau est celle des sanguins,
Les poissons n'ont pas de membres articulés du fait que leur nature est apte
et les poissons (qui)"35 à nager confonnément à l'énoncé de leur essentia, puisque la nature ne fait
rien ni de superflu ni en vain. Puisqu'ils sont des êtres sanguins conformé-
Ëvat~Ul Ècrn KŒtà 't'l]V OÙcrlUV
ment.à le~: essentia, du fait qu'ils sont aptes à nager, ils ont des nageoires,
sont des sanguins conformément à leur essentia. du frut qu ils ne marchent pas, ils n'ont pas de pattes.
Du point de vue fonctionnel, l'incidence du statut « être sanguin» se
À l'opposé du saug,
traduit, pour l'oiseau, dans ses parties non unllormes236
i\.irwuv237 0' Ès àvayKllç (1. 6) Èmtv' «Dv yàp Èvatf!rov fj mù 5pvt90ç nulle des affections (Ttu9itJlu't'u) qui n'appaltiennent pas à la nature en com-
oùuia, 1i~a 08 Kat (1. 7) mEpuyrotéç, mun et qui ne sont pas propres au groupe241 n'est ni n'advient «en vue de
qu~lq~e ~hose ». Car l' œil, par exemple, est « en vue de quelque chose»,
malS Il n est pas bleu « en vue de quelque chose », sauf si cette affection
232 Sur la cause de cette différence pour l'être humain, voir ci-dessous, C.3.3, n. 300 :
est propre au groupe242 .
PA, IV, 10, 686 a 28.
m Par exemple, PA, II, 2, 647 b 29 - 648 a 11 ; 3,649 b 20 - 650 a 2; 3, 650 a 32-
5,651 a 21 ; ID, 4, 665 b 11 - 667 a 6 ; 5, 667 b 15 - 668 b 6; ci-dessus, n. 222 : PA,
IV, 5, 678 a 32-34. Cf. LEWIS, «Aristotle », 1994, p. 257-265.
238 PA, IV, 12, 693 b 13 (voir b 7-12). Commentaires anciens et modernes voir
234 PA, IV, 12,693 b 6 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, In PA, IV, 12,692 bIS, p. 93, li. 1-2
ci-dessus, n. 236. Sur le suffixe -tKÔÇ « signifiant l'appartenance, la relation» ~t son
Hayduck, 1904). KULLMANN, Wissenschafi, 1974, p. 322 ; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 331-
rôle dans le vocabulaire aristotélicien, voir CHANTRAINE La fiormation 1933 p. 385
332; CARBONE, Aristotele, 2002, p. 766-767; CHO, Ousia, 2003, p. 233-234, 242, 249. 390. ' " ,
Voir ci-après, les conséquences pour l'anatomie fonctionnelle, n. 236, 238.
239 PA, IV, 13,695 b 1}-21 (sur l'enclavement du génitif TftÇ oùcrtaç, voir ci-dessus,
235 PA, IV, 13, 695 b 20 (sur les conséquences pour l'anatomie fonctionnelle, voir
B.2, n. 38 ; cf. MICHEL D'EpHÈSE, In PA, IV, 13, 695 b 2, p. 95, Il. 15-20 Hayduck, 1904).
ci-après, n. 239: PA, IV, 13,695 b 17-21). GOTIHELF,« Notes », 1985, p. 43-44; LLOYD,
KULLMANN, Wzssenschaft, 1974, p. 322; PREUS, Science, 1975, p. 212; GOTIHELF,
AristotelianExplanations, 1996, p. 59, n. 72; LENNOX, Al'istotle, 2001a, p. 337-338; CAR-
«Notes.», 1985, p. 44; GILL, «Material Necessity », 1997, p. 153, n. 22; LENNOX,
BONE, Aristotele, 2002, p. 770-771 ; CHO, Ousia, 2003, p. 234-235, 249.
«Matenal », 1997, p. 168, n. 11 ; autres commentaires modernes: voir ci-dessus, n. 235.
'" PA, IV, 12, 693 b 5-7 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, In PA, IV, 692 b 15, p. 92, 1. 37 - 93,
240 Occurrences parallèles de oùcrla et cpumç dans les traités «biologiques », voir ci-
1. 2 Hayduck, 1904) ; voir aussi ci-dessus n. 230: PA, 1, 3, 643 a 4-5. KULLMANN, Wissen-
dessu~, B.~, avec n. 39; s. v. oùcrta et <puCJtç; détaillées en C.2, n. 200: PA, I, 1,641 a 25,
schaft, 1974, p. 321-322; GOTIHELF, «Notes », 1985, p. 43-44; LENNOX, «Material »,
27; cl-apres, n. 247 : PA, 1,1,642 a 19 ; C.3.3, n. 300: PA, IV, 10 686 a 28. Pour celles
1997, p. 168, n. Il ; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 331-332; CARBONE, Aristotele, 2002,
de 6 ÀÙ'yoç 1iiç oùcrlaç, voir C.2, n. 210. '
p. 766-767; CHO, Ousia, 2003, p. 233-234, 249. 241 Sur cette traduction, ci-dessus, C.2, n. 168.
237 Dans cette proposition, Aristote abandonne momentanément le nom opvu; (au pluriel
242 GA, V, 1, 778.a 30-34; cf. Mét., 8, 8, 1050 a 10-11. DÜRING, Aristotle's, 1943,
en 693 a 26 et au singulier en 693 b 6, etc.) pour un neutre non exprimé (tel que 'CI) opveov
p. 30-31 ; PREus, Scœnce, 1975, p. 211-212 ; PELLEGRlN, «De l'explication », 1990b,
ou 10 s4)ov). Cf., pour une variation comparable du genre de l'attribut (par, exemple) HA,
p. 205-206 ; CHO, Ousia, 2003, p. 252-253, 301.
V, 11,543 a 24-26.
LILIANE BODSON
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 311
310

Dans le même ordre d'idées243 , Les parties non unifonnes ou organiques250 .§ont constituées251
0()1;8 0' f:rc' èvimv repoç '"Cov Îvoyov crUV'tSlVEt tOV tftç OÙO'i aç244, (1. 35) BS ocrtmv Kat (1. 24) Vf:Uprov Kat crapKmv KatlÜ.J...rov tOlOUtroV crU).l~aÎv­
à).),: dlç BI; àvayKT\ç ylyvOIlÉVOlV EtÇ "Iv Ü).T\V245 Kat tTjv (1. 1) KlV>1<Ja- ).0IlÉVffiV 'ù (1. 25) Ill;v EtÇ ,Tjv où"io;v tà 0' EtÇ ,Tjv Èpya<J(av
cray àpxilv aVŒKt80V 'tàç ahiaç. d'os, de tendons, de chairs et d'autres composants de tels types contribuant,
Ni pour certains, elle (= l'affection) ne concourt à l'énoncé, celui de leur d'un côté252 , à l'essentia, de l'autre à l'activité,
essentia, au contraire, dans l'idée qu'ils adviennent par nécessité, il faut
nécessairement référer leurs causes à la matière et au principe moteur. Avec leurs propriétés respectives, toutes ont des tâches à remplir253

L'os est une des «parties uniformes sèches et solides )}246, À son sujet, 'ù Ill;v npoç ,à Epya Kat tTjv (1. 16) où"io;v "Ka<Jt,!, ,â\v Sq,illV, tà 01;
npoç to panov 11 XElpov
Empédocle247 d'un côté, en vue des actes et de l'essentia appartenant à chacun des êtres
tqv OÙO'lav Kat 'Citv <pumv àvœyKaÇs'tUl (1. 20) cpâvŒt "Cov À6YOy248 stVat, animés, de l'autre en vue de ce qui est mieux ou pire254 .
oIoy ômouv dft00100ÙÇ 'ri (1. 21) Ècrnv' ou'ts yàp ëv 'Ct '"Cillv O'tOlxsirov Àsya
aüto OUtE ODo',î\ (1. 22) tp(a OUtE nav,a, d)')'à Myov tfiç Il(ÇEillÇ aü,â\v, Quoiqu'il ait « sa nature propre »255, le cerveau est une partie unifonne.
249
est forcé de dire 'que l'essentia, autrement dit la nature, est l'énoncé, par li est conçu comme l'agent équilibrant l' organisme256 ,
exemple en présentant ce qu'est l'os; il dit en effet qu'il n'est pas une seule
partie ni deux ou trois ni toutes, mais l'énoncé de leur mélange.
ÉnEÎ 0' unanu (1. 17) OEhat tfiç Évavt(aç ponfiç, 'va ""naVn wu
).lf:tpiou (1. 18) Kat tau jlÉcrou (tilv yàp oùalav ËXf:l "COUtO Kat "COV
Myov, ,â\v (1. 19) 0' iiKpillV hénEpov OÜK EX El Xillp(Ç), olà 'UÛ'T\V ,Tjv
243 GA, V, 1,778 a 34 _ b 1. Comparer ci~dessus, C.3.1, n. 222; PA, IV, 5, 678 a 32- ah(av (1. 20) npoç 'ov tfiç Kapo(aç ,onov Kat 'Tjv Év aütn SEPIlOtT\,a
34. KULLMANN, Wissenschaft, 1974, p. 294-295 ; KULLMANN, «Notwendigkeit », 1985,
IlEIlT\xaVT\tat (1. 21) tOV ÉYKÉcpa).ov Ti cpÛ<Jlç257.
p. 226-227; CHa, Ousia, 2003, p. 246-248, 252-253, 301.
244 Sur l'anaphore de l'article, voir ci-dessus, B.l, n. 27 et B.2, n. 34; sur la place du
génitif déterminatif, voir B.2, n. 38. Occurrences parallèles de 6 "Aoyoç TTl'; oocria.;, dans
250 PA, II, 2, 647 b 23 ; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 186-187; CARBONE, Aristotele,
les traités «biologiques », voir C.2, n. 210.
245 Voir ci-dessus, C.2, n. 200 ; PA, 1, 1, 641 a 26. Sur la matière que possèdent toutes
2002, p, 583-584, Ci-après, C.3.2.
251 PA, II, 2, 647 b 23-25 (GOTTHELF, 1985, p. 28 et 50, n. 3: «theoretical »), KULL-
les oocrtat sensibles, Mét., H, 1, 1042 a 25-26.
"'6 PA, II, 2, 647 b 16: !;T\pù Kai (J'tEPE" (cf, GA, II, 6, 743 b 5: !;T\p6v Kai 0puu(J'tov). _ MANN, Wissenschaft, 1974, p. 325-327; LENNOX, Aristatle, 2001a, p. 186-187; CHO, Ousia,
247 PA, l, 1, 642 a 19-22 (le premier des deux Kat, à la l. 19, coordonne entre eux les
2003, p, 221-223,
252 Sur la valeur adverbiale de l'expression 't'à /lÈv ... 't'à 0' ... , voir ci-dessus, B.2,
verbes principaux, soit ètvayKûÇE"Cat à [1. 18] 1tEpmÎ1t't'Et); cf. Mét., A, 10,993 a 17-18:
'EJl1tEooKÀ.Îlç 6cr't'o\3v 'tiP "A6yt:p <Pllcriv 1 Etvm, 'to\31:0 0' Bcr'tt "Co 'ti ~v dvat Kat il oôaia n.32.
253 PA, II, 2, 648 a 15-16 (sur 'tà Ëpya, voir MEYER, Aristoteles, 1855, p. 91-92).
't'0\3 1tpûYJla1:0ç (= EMPÉDOCLE, 31 A 78 Diels6 - Kranz, l, p, 299, 1. 11~ 14,23). LE BLOND,
Aristote, 1945, p. 164, n. 82 (= LE BLOND - [PELLEGRIN], Aristote, 1995, p. 97, n. 82); KULLMANN, Wissenschaft, 1974, p. 37, 325-327; GOTIHELF, «Notes », 1985, p. 28, 50,
BALME _ [GOTIHELF],Aristotle, 1972 [1992], p. 100; GILL, «Material Necessity », 1997, n. 3. La contradiction entre ce texte, qui réunit Bpya et oôaia, et le précédent, qui disso-
p. 153, n. 22; LENNOX, Aristatle, 2001a, p. 150-151; CARBONE, Aristatele, 2002, p. 523- cie oùaia de Bpyaaia, se résout si l'on admet, avec LENNOX, Aristatle, 2001a, p. 189
524; CHa, Ousia, 2003, p. 177-179. Occurrences parallèles de oùaia en rapport direct avec (l'exemple choisi étant celui de 1'œil et de la vision; à ce sujet, cf. ci-dessus, n. 242: GA,
V, 1,778 a 30-34), que« The differences related to 'functions and substantial being' may,
<p10crtç dans les traités «biologiques », ci-dessus, n. 240.
248 Sur 1'article avec l'attribut, voir ci-dessus, B.2, n. 35. Comparer (ci-dessous, n. 257)
then, be differences among parts which peJfarm basic functions, and which are explained
PA, II, 7, 652 b 18, où "CllV oùaiav et "Cov "Aoyov, compléments du verbe, sont coordonnés, by reference ta an animal's substantial being. Other differences are ta be explained by dis-
mais avec hyperbate (voir ci-dessus, C.3.1, n, 225: KÜHNER - GERTH, Aus.führl. Gramm., II, playing haw they make things betterfal' the organism (640a36).» ; CARBONE, Aristotele,
1904) du second, laquelle dissuade d'interpréter là la conjonction Kat dans le sens expli- 2002, p, 586 ; CHO, Ousin, 2003, p. 223.
254 LENNOX, Aristotle's, 2001b, p, 160-181.
catif (voir ci-dessus, B.2, n. 47).
255 PA, II, 7, 652 b 2,
249 Les deux substantifs sont coordonnés en ordre inverse dans PA, N, 10, 686 a 28
256 Cf. An. seconds, II, 3, 90 a 35-36: "On JlÈv o()v nétv'ta 'tà Sl1'C06/lEva j.lÉO'ou
(ci-dessous, C.3.3, n. 300). Cette formulation (voir aussi ci-dessus, par exemple, B.2,
n. 45 : Mét., IJ.., 4, 1015 a 11-13) justifie l'interprétation explicative (voir ci-dessus, B.2, Ç~'T\criç ècr", 11i~)'ov.
n. 47), dans les deux passages, de la conjonction Kat. Elle n'est admise par Peck que dans 257 PA, II, 7, 652 b 16-21 (sur l'hyperbate de À.oyov à la 1. 18 et sa conséquence
le premier des deux (Aristatle, 1937, p. 77: «a thing's essence or nature» ; comparer, sur l'interprétation et la traduction, voir ci-dessus, C.3.1, n. 248 ; cf. MICHEL D'ÉPHÈSE,
p. 367 : «his nature and essence»). BALME - [GoTfHELF], Aristotle, 1972 [1992], p. 10, ln PA, II, 651 a 36 p. 38, 1. 13 - 39, 1. 2 Hayduck, 1904); cf. PA, II, JO, 656 a 19-22. KULL-
MANN, Wissenschaft, 1974, p. 313-314; GOTIHELF, «Notes »,1985, p. 28 (<< thearetical»);
et LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 7 : «and ». '
LILIANE BODSON §6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 313
312

puisque tout a besoin d'un contrepoids afin d'obtenir la mesure et le s'illustre, chez certains groupes ou certaines sQftes d'animaux, par l'ab-
moyen terme (car c'est celui-ci qui possède l'essentia et l'énoncé, chacun sence de telle ou telle partie. Les êtres apodeS que sont les serpents en
des deux extrêmes séparément ne les a pas), pour cette raison, par rapport donnent un exemple263 :
à la zone du cœur et à la chaleur qui réside en lui, la nature a fabriqué le
cerveau.
TOlç 0' O<pEO'lV aïnov 1fiç à1tooiaç t6 tE tTJV cpUO'IV (1. 10) flll0i:v 1tOIEIV
flUt'lV, àAA.IJ.1taVm 1tpOç tO iipl0'10V â1tO~AÉ1tOuO'av (1. 11) IÎKUcrtql 1roV
èVOSXOJ,.l8VroV, Otumûçoucruv264 ÉKam:ou titv iOlav265 (1. 12) où(J'lav Kat
C.3.2. Parties non uniformes et anatomie fonctionnelle l'à ti ~v UÙtcp dVUl.
Comme le fait d'avoir du sang pour les animaux sanguins (dans le cas Le motif de l'absence de pattes chez les serpents tient à ce que la nature
ne fait rien en vain, mais en scrutant, dans la perspective du meilleur pour
des parties uniformes)''', chacun, tous ceux des moyens disponibles, (entendez) en sauvegardant de
IÎKSivOlV sv (1. 12) tTI où"iq; Ù1tUPXEI tO 1tAEUflOVa CXElV
259 chacun l'essentia propre, autrement dit266 le fait de savoir ce qu'était être
pour lui.
le fait d'avoir ù;n poumon se trouve dans l'essentia de ceux-là,
Le groupe (yÉvoçj267 des poulpes ÉÀEorovm268 se singularise par la
à savoir les êtres dotés de la respiration pulmonaire. Eux, toutefois, ne
260 morphologie des tentacules. Chez ces animaux (Eledone gen.)'69, qui
bénéficient pas d'une appellation distinctive comparable à 8VUlJ.lU •
263 Marche, 8, 708 a 9-12 (cf. MICHEL D'ÉpHÈsE,!nDe An. Inc., 8, 708 a 9-12, p. 151,
Le postulat selon lequej261 Il. 14-18 Hayduck, 1904), correspondant au renvoi de PA, IV, 11, 690 b 14-16. Autre
occurrence de 'to 'ti ~v dvat dans les traités «biologiques », voir ci-dessus, C.2, n. 180:
fi <pUO'IÇ où8i:v 1tOlst flUtllV, âAA' (1. 16) âEl IÎK trov SVOEXOflÉVOlV tTI PA, I, 1, 642 a 25-26. Sur cette locution, voir ci~dessus, C.1.3. VEGETII, Opere, 1971,
oùcrl(l1tspF62 ËlCUcr'tOV yévoç, ç~ou (1. 17) 1:0 aptO"'tov p. 506; KULLMANN, Wissenschaft, 1974, p. 325, n. 48; GOTTHELF, «Notes », 1985, p. 44-
la nature ne fait rien en vain, mais toujours, à partir des moyens dispo- 45; COLES, «Animal »,1997, p. 309. Chez les poissons, cf. C.3.1, n. 239: PA, N, 13,
nibles, le meilleur en considération de chaque groupe du coll~ctif « être 695 b 17-21.
264 Sur l'asyndète pour marquer la gradation dans l'énoncé, cf. KÜHNER - GERTH,
animé» Au4ührl. Gramm., II, 1904, p. 340-341, §546, 3.
265 Même épithète, qualifiant le nom À.6yoç, en PA, N, 9, 685 b 16 (voir ci-après,

VON STADEN, «Teleology »,1997, p. 207, n. 100; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 209; n. 271, 272).
266 Valeur explicative de lCaî (voir ci-dessus, B.2, n. 47) du fait de l'identité que la
CARBONE, Aristotele, 2002, p. 612-613 ; CHO, Ousia, 2003, p. 223-227 .. BoLTON, «The
Material Cause »,1997, p. 109, interprète et traduit (1.18): «ifs existence [i.e. its sur- Métaphysique (voir ci-dessus, B.2, n. 44: Ll, 8, 1017 b 21-22; H, 1, 1042 a 17) institue
vival652b6] and its form logos requires (sic) this ». entre 'to 'ri ~v atn0 BÎvat et li oùcria (sur l'oùaia première, voir ci-dessus, B.2, n. 46;
258 Voir ci-dessus, C.3.1, n. 230: PA, l, 3, 643 a 4-5; n. 234, 236, 238: PA, IV, 12,
C.2,..' n. 169: Mét., K, 7,1064 b 10). Sur l'explication de l'imparfait dans l'expression 'ro
693 b 5-7, 13, en rappOlt, pour ce qui est de l'oiseau, avec PA, fi, 6, 669 b Il : mans p 'to 'ti ftv aÙ'tq) Btvm, voir C.3.4: texte afférent à PA, II, 1, 646 a 35 - b 2 (n. 312).
267 Sur la traduction de yÉvoç, voir ci-dessus, C.2, n. 168.
opvt9t dvat BK 'ttv6ç €cr'tt (cf. ci-après, n. 259); n. 235 et 239: PA, N, 13,695 b 17-21
268 ARISTOTE, HA, IV, 1,525 a 16-20, distingue parmi les divers yÉVl1 de poulpes l'un,
(poissons).
259 PA, III, 6, 669 b 11-12; Resp., 13,477 a 23-24: (1. 19: tOY nYEti~ova) "~Ç
appelé gÀ.ÛiÔJVl1, «qui diffère par la longueur de ses tentacules et est le seul des mol-
oùaiaç ... 9E'tÉOV a'Ütov. KULLMANN, Wissenschaft, 1974, p. 321 ; GO~LF, «.N~tes », lusques à n'avoir qu'un rang de ventouses [par tentacule] », l'autre ~oÀ.hatva ou üçoÀ.tç,
1985, p. 33 ; CHARLES, «Aristotle »,1990, p. 164, n. 29; PELLEGRIN, «De 1 exphca~lOn », à propos duquel il n'indique pas de particularités morphologiques. L'étymologie du nom
1990b, p. 211-212. KULLMANN,« Die Voraussetzungen »,1997, p. 58.; LENNOX, Anstotle, du premier est inconnue (CHANTRAINE, DELG, 1999, p. 335). Celle de ~oÀ.hatva et de
2001a, p. 267-268 ; CARBONE, Aristotele, 2002, p. 685-686 ; ,C~o, QUSla, 2003: ~. 228~229. 6ÇoÀ.tç renvoie respectivement à ~6À.t'tov (<< bouse de vache») et à 6Çco «( émettre une
Occurrences parallèles de onûPXElV en contexte avec ouma dans les traItes «b1010- odeur bonne ou, précisément en l'occurrence, mauvaise») ; cf. OIAN1RAINE, DELG, 1999,
p. 184 et 777. Ces deux mots sont attestés dans la littérature grecque postérieure, le second
giques », voir ci-dessus, C.3.1, n. 224.
parfois avec des variantes; cf. aussi PLINE L'ANCIEN, Histoire naturelle, IX, 89 : Polyporum
'"0 PA, III, 6, 669 b 9-10. ,
261 Marche, 2, 704 b 15-17 (cf. MICHEL D'EpHÈSE, In De An. Inc., 704 b 12, p. 137,
generis est ozaena dicta a graui capitis odore. Ni sur le « poulpe malodorant» ni sur le
Il.20-28 Hayduck, 1904). PREUS, Aristotle and Michael of Ephesus, 1981, p. 150. poulpe ÉÀ.~èkovT], la tradition allant des comiques grecs aux lexicographes (d'après le TLG,
262 Sur la préposition 1tBpi et l'accusatif pour exprimer la considération envers quelque
# E) ne fournit d'autres informations que celles qui se lisent chez Aristote.
269 Quatre espèces de poulpes, réparties entre deux genres (Octopus et Eledone), sont
chose ou quelqu'un, cf. KÜHNER - GERTI'I, Ausführl. Gramm., l, 1898, p: 494-495, §437,
aujourd'hui répertoriées en Méditerranée. Octopus vulgaris Linné, 1758 (français: Poulpe
III, 3.
LILIANE BODSON §6, TRAITÉS BIOLOGIQUES 315
314
270
les ont longs et étroits, ils portent non pas deux , mais une rangée de , Et l'aptitude des insectes longs à survivre ap~ès avoir été sectionnés se
JustifIe, elle aUSSI, comme une nécessité273 ,
ventouses271 :

~OVOKDTUÀOV yàp àVUyKCttOV sÎvut (1. 15) TO "TSVDV, OÔK272o~v &ç wilw yàp ev <fi,où"i", a_ôn"v umipx" TO IWÀÀàÇ (1. 29) exstv à
Kat 'tŒU'tTI 1tpOcrêotKf: 1:otç cpU'toî' ç274.
'
pxaç,
~éÀTt"wV Ëxoucrtv, àÀÀ' &ç àvuyKulov (1. 16) 8tà TOV 18toV Myov
car cela1,se.trouve dans leur essentia, le fait d'avoir quantité de centres vitaux
Tii, OÙ"ill"
car il est nécessaire que l'étroitesse impose un seul rang de ventouses. fis et, par a, 11s ressemblent aux végétaux.
n'ont donc pas cette disposition comme étant la meilleure, mais comme Les, trois derniers
) 2 7 5 ' témoignages
" caractérisent l'ou" Cita par des quantItes
' ,
étant nécessaire à cause de l'énoncé propre de leur essentia. TI yopou"sva)276 , 1
(d1WcrOT1]tSÇ
tr' , c est-a-dire des prédicats (KUt " t'"
b
' e nom re
es ~en ,e; vl:aux pour les invertébrés (avec sa conséquence sur leur
de roche; taille maximum: 90-110 cm, commune: 50-70 cm) et Octopus macropus Risso,
1810 (français: Poulpe.; taille maximum: 90-110 cm, commune: 50-70 cm) sont pourvues survie), 1, etrOitesse des tentacules (avec sa conséquence sur le nombre
de deux rangées de v~.ntouses par tentacule. Eledone cirrosa Delle Chiaje, 1829 (français: des pour les poulpes ÉÀ.SOffiVUl , 1a 1ongueur du
o rangees
d de ventouses)
(
Poulpe blanc; taille maximum: 55-60 cm, commune: 30-35 cm, aux tentacules effilés à
c ,ll?s es se~ents ~;ec sa conséquence sur leur locomotion), De tels
l'extrémité) et Eledone moschata Lamarck, 1798 (français: Poulpe musqué [à l'odeur très
prononcée] ; taille maximum: 55-60 cm, commune: 25-35 cm) n'ont qu'une seule rangée CTlteres
"" sont, a premlere vue, déconcertants pour élucider l'ou'"ta , pre-
de ventouses par tentacule. Voir FISCHER, Fiches FAO, 1973 (non paginé): Octopus vulga- mœre, pUisque, une fOlS les quantités ôtées ne reste que la t"
ris, Octopus macropus, Eledone cirrosa, Eledone moschata. Les traducteurs (Peck, Louis, 'd;t'/ " ' 277 malere
10, ,e ermmee et. qu' "Il est impossible que celle-ci soit ou' crt'a . M' ,
aIS 'ID
Carbone) d'Aristote et les spécialistes de l 'histoire naturelle dans l'Antiquité (KELLER, Die
antike Tierwelt, 1913, p. 512; THOMPSON, A Glossal'y of Greek Fishes, 1947, p. 61, celui-ci n scrnv, - SOIt tO ov (au sens premier)278 autrement dl't < , , 279
, d' d ' ' 1] oucrta -
envisageant secondairement E. cirrosa sous son synonyme E. aldrovandi, mais soutenant, qUI «se 1t e multiples manières »280 , '
à tort, qu'une «unpleasant musky smell» est prêtée par Aristote à BAd5 rov ll ; voir aussi
signifie, en tournure un, l' essentia et le « ceci en particulier» et en li

tautr~~lchacun d~ mê~:
p. 180-181) voient dans sÀ€orovll, parfois au prix d'une légère correction (AUBERT -
WIMMER, Aristoteles, l, 1868, p. 377-378, note; PEcK, Aristotle, 1970, p. 14), Eledone des prédicats: combien, quel et tous les autres
moschata exclusivement. Aussi longtemps que l'étymologie de BÀ€OroVTJ reste inconnue, ype ,
l'identification avec Eledone cirrosa ne peut pas être disqualifiée, d'autant qu'en dépit de
l'absence de précisions antiques sur la conformation des tentacules du poulpe ~oAhatva ou
IV 6 6~2 (j·5 ., AvœyKawv 0 EV'tÔ).101Ç aüwiç 1dVUl; cf. MICHEL
. mpAIV6682b2829 27 " -,
ÛSOÀlÇ, l'argument étymologique incite à ne pas exclure que celui-ci corresponde à Eledone D'ÉPHÈSE' In PA
moschata, comme l'a noté MArn., Oppian, 1928, p. 236, n. a (Hal., 1, 306). À ce stade, en 1040 b 13'-14 ( " KIl' 's a , p, 78: Il, 18-21 Hayduck, 1904); comparer Mét, Z 16
VOIr NT PRAGUE «Aristotle» 1989 36 40 ' , ,
attendant de nouveaux indices, le degré du genre ne peut être dépassé dans l'interprétation 1974, p. 321 ; PREUS Science 1975 p 212' G' , p. - ). KULLMANN, Wissenschaft,
du nom SA€orovll. Il en va de même pour les poulpes à une rangée de ventouses par tenta-
cule peints sur des vases grecs: McPHEE- TRENDAlL, Greek Red-Figured Fish-plates, 1987, ~;~;,~::~:,r~b;i 1:9~3~,li:-i 40 et ~,18 ,; LE'::'~~~;t~~I~,O~~~~~, ~~Ol3~~-;36';:;;~::
par exemple, p. 62: n° *14: «Gela 8253, from the area of the Municipio », [p. 60] vers l'article de KE~ SPRAduE~~~~RE,; L.arg;~~nt », 2002, p. 29 (omet toute référence à
350 avant notre ère, pl. 14 b; p. 108, n° *36: «Paestum 26651, from Contrada Gaudo ûnûPXElV en contexte avec
n.224.
~ùcr{Z'da::l~~ traitét~< ~;oOlo-2;1. occurr~nc~sdParanèles de
o,ques », VOIr Cl- essus, C.3.1,
(1970) », vers 360-330 (atelier d'Astéas; HURSCHMANN, «Asteas », 1997, col. 117),
pl. 38 b; p. 133, n0 *160: «Ruvo 769 », [p. 115] seconde moitié du IVe siècle, pl. 56 e; 274V"d
etc. _ Je remercie M. Christian MICHEL, conservateur de l'Aquarium Marcel Dubuisson, 275M~~, ~~ 3:s:~;;'a~'!~i5 n. ~28: GA, 1,1,715 b 18; n. 331 : GA, 1, 23, 731 a 25.
Université de Liège, d'avoir aimablement mis à ma disposition le recueil des Fiches FAO. 1987, p. 185-192. . G TIHELF, «Notes », 1985, p. 41-45 ; «Fust Principles »,
'70 PA, IV, 9, 685 b 12, 276M'"'Z4
et., , ,1030 a 20 (texte cité ci-après n 281)
271 PA, IV, 9, 685 b 14-16 (cf. MICHEL D'ÉPHÈSE, In PA, IV, 685 a 14, p, 83, Il, 22-27
Hayduck, 1904). VEGETTI, Opere, 1971, p. 530 (avec renvoi, n. 47, à Marche 704 et 708);
278 :t., ,
277 M' Z 3 ,. .
,1029 a 16-27. Loux, Primary Ousia, 1991 p 54-71
Met., Z, 1, 1028 a 14. Comparer Z 13 1039 1 2' "8' " ulVEl ~
cf. BALME- [GOTIHELFl, Aristotle, 1972 [1992], p. 114; KULLMANN, Wissenschaft, 1974, KUtllYOpowu';vrov 1"68€ 't"l àÀÀù l "COt6v~' a - . Ol! €V allll -rrov KOtYTI
p. 314, 321, 338; l'REus, Science, 1975, p. 211 ; GOTIHELF, «Notes »,1985, p. 41-43; '" V' . ' u€.
280 ~1I Cl-dessus, Préambule, n. 2: Mél., Z, 1, 1028 b 3.
CODE, «The Priority », 1997, p. 140, n. 22; LENNOX, Aristotle, 2001 a, p. 314; CARBONE,
Aristotele, 2002, p. 746; CHO, Ousia, 2003, p. 231-232, 253. Occurrences parallèles de Ô II, 4, 4~e~ ~'. ~ 1~:0 a ,18 (1tÀwvaxroç). Com~arer ci-dessus, Préambule, n. 3 ; n. 4 : Âme
' ' ,Met" Z, 3, 1028 b 33 ; Cl-dessous, n, 297 : Mét. Z 10 1034 b 32 :
Àôyoç 'tï1ç oûcriaç dans les traités «biologiques », voir C.2, n. 210. C..3 4 , n. 313. ' " ,
212 Comparer Topiques, 1,18,108 b 4-5 (texte cité ci-dessus, C.l.2, n. 143). Même épi-
thète, qualifiant oùcria, dans Marche, 8,708 a 11-12 (ci-dessus, n. 293). Sur la mise en
281 Mét., Z, 4, 1030 a 18-20' l '
f
K:a1 10 1ÔÙ€ n, èiÀÀov oi: 8Kam~v 1: (HW 8va 1!8~ 1p01tOV l, crll1!aiv8L 1ijV oucrlav
'È "
1COV KŒ'tllyopou1!8vrov, 1tocrov 1tOLOV Kat ocra èiÀÀa
évidence de À6yov renforcée par la place du génitif détenninatif, voir ci-dessus, B.2, n. 38.
§6. TRAiTÉS BIOLOGIQUES 317
LILIANE BODSON
316
traités
br «t' biologiques
, » dépasse le cadre d u pre~ent
' . . Parmi 1
mventarre
c'est-à-dire, dans le vocabulaire « biologique », les affections physiques pu Ica IOns recentes, les pages de Llo d295 . " . es
296
(O"ûll1 7taeT\?82. Quand celles-ci sont « nécessaires »283, induites par par exemple f i ' . y et la these de De Castro
ctnKtl 284
, ourmssent un prenner éclairage Il ' '
l'efficacité de la nature et son sens de l' économie , elles existent en vue flu de souligner ici que ,0 ,," ' . n est cependant pas super-
.,
mameres »297 qu'il . t .
,.c poç, a son tour, «se dit d
e nom reuses
b
cl 'une fin285 , a fortiori si elles sont orientées vers «le meilleur »286, et , 10 eTV1ent dans une problém f . .
prennent légitiruement place dans l'essentia des êtres auxquels elles sont simplement'98 et, surtout, que299 a Ique ImpOSSIble à traiter
dévolues. Le raisonnement aristotélicien sur la locomotion des serpents,
d'un côté, la matière est dite partie de uel ue h '
l'unique rang de ventouses de certains poulpes aux tentacules longs et pas, mais, en ce cas seules sont p rt~ .( case, d un autre, elle ne l'est
étroits et les centres vitaux des insectes se révèle ainsi exemplaire de l'énoncé de la fonn;. a les es composants desquels procède
l'articulation du discours théorique sur l' O\)O"(ct à la réalité foisonnante
287
des manifestations ,naturelles dans lesquelles elle s'incarne . C.3.3. Nature de l'être humain et anatomie fonctionnelle
La difficulté (drrbpel1ctt) de savoir si l'énoncé des parties s'inclut
(8V1l7tapx ew288) ou'non dans l'énoncé du tout (par exemple, aVepûl7tOç289, Entre tous les animés sanguins ' l'être humam
distingue . (1. 25 : aVepûl7tOÇ) se
292 300
Çi(lOV, Çi(>ct290f91, est discutée, par rapport à l' 0\)0"(ct et, partant, à 94
la
matière et à la forme 293 , aux chapitres 10 et 11 de Mét., Z notarnment2 .
ÔtÙ 't'o 't'~v ((luaw30l aùl'OÙ Kat ti]v oùatav dvm 9eiav
L'examen de leurs implications pour l'interprétation de 1'0\)0"(ct dans les
par le faIt que sa nature, autrement dit302 son essentza,
.est•dlvine.

totaü'w,. Noter l'adjectif 5,ÎI,AOÇ (et non Ë'tEPOÇ), pour mettre en évidence deux des «mul- l'o~::~3~~.le pourquoi de la différence entre lui et l'autre bipède qu'est
tiples manières» de dire 'Co 'Ci ~crn, la deuxième citée occupant un rang quelconque parmi
elles, alors que la première en est le numéro un. Comparer Mél., /.l, 4, 1014 b 16-17 : Ëva
Au lieu de pattes et de pieds de devant l'être .
J.16V282...PA,
livet.l,oL
4, 644 b 13. Cf. LE BLOND, Aristote, 1945, p. 175, n. 111 (::::: LE BLOND- . h~~am
appelle mains, car il est le seul des êtr'es ammes a se atenir
des droit
bras 304
et •ce qu'on
[PELLEGRlNJ, Aristote, 1995, p, 105-106, n. 111).
Voir ci-dessus, C.3, n. 216.
283
Sur ce postulat et son illustration dans les textes étudiés ici, voir ci-dessus, B.2,
284 ~:~ LL~YD, Aristotelian Explanations, 1996, p. 53-66 68-69
n. 39. Cf. PELLEGRlN, «Les fonctions », 1986b, p. 160 (avec l'exemple des poulpes 297DE., ASTRO, Substanz, 2003. ,.
É/"E156wa:L (voir ci-dessus, n. 271]). , Met" Z, 10, 1034 b 32 : nol.l.a ru (.1' .
vou ci-dessus, n. 280) . 10 1035 b 31;3 ÇC SUl expresslOll adverbiale de la quantité
'" GA, V, 1,778 b 10-11. Cf. PA, 1,1, 642 a 1-2: 'ô 8' EVEKU KUt '" "S aV&.yKT\Ç,
voir aussi a 14 (1560 1pÔ1t0\ -cliç ahiaç). Voir MANSION, Introduction, 1946, p. 282-292;
d'Aquin citée par TRI~OT
'Aristot l -195~f.,
entre autres, l'interprétation de Thoma~
PELLEGRIN, «De l'explication », 1990b, p. 203; LENNOX, Al'istotle, 200la, p. 148-149. dessus, C.2, n. 204) ; 8, '1, 1046 e;:5
S . 1 p. 406, n. 4) ; 11, 1037 a 22-30 (cf. ci-
a dessus, C.2, n. 174. . Ut es parties en tant que OUVâI1E1.Ç, voir ci~
Comparer ci-dessus, C.3.l, n. 242: GA, V, 1, 778 a 30-34 (et b 7-10), sur les naOftl1 -ca
298 Mél., Z, 10, 1036 a 13-16
sans finalité. 299 M'
. et., Z, 10, 1035 a 2-4 (11.. 3-4 ÈS ÔJ 1 b - . 8 .
286 Voir Marche, 2, 704 b 17 (ci-dessus, n. 261) ; 8,708 a 10 (n. 263).
7 (Cl-dessus, C.2, n. 204). Cf. Préambule v 9 . ~? er ouç /"'oyoç) ; voir Ll, 4, 1015 a 3-
'" Voir PA, I, 5, 644 b 22-24 (ci-dessus, C.2, n. 169); PA, II, 10,656 a 3-6.
300 PA, IV, 10,686 a 28 KULLMAN' n . . ' en. et COlT., II, 9, 335 b 5-7.
288 Mét., Z, 10, 1034 b 23 (comparer ci-dessus, C.3.1, n. 222: PA, IV, 5, 678 a 34).
«The Matter », 1997, p. 240' (dont 3;' Wlssenschaft, 1974, p. 321 ; VAN DER EIJK
Occurrences du verbe à préverbe simple en contexte avec ouaia dans les traités « biolo-
NOX, Aristotle, 2001a, p. 317-318 .~. ),245-247; JAUUN, Eidos, 1999, p. 244; LEN:
giques» : voir ci-dessus, C.3.1, n. 224. 2003, p. 232-233 282 ' ARBONE, A1'lstotele, 2002, p. 748-752' CHO Ous,'
301 ,. ' , a,
,"9 Mét" Z, 10, 1035 a 18, 33, b 11.
'90 Mét., Z, 10, 1035 b 14, 19 ; 1036 aIS, 17. . Occurrences parallèles de oueria en r a ' ,
logIques », voir ci-dessus outre B 2 avec P3P9ortcdrr3elct avec q>U<nç dans les traités «bio-
'91 Mét., Z, 10, 1034 b 22-24. n. 0240
o~ c~-dessus, C.3.1, n. 249.
302V" ' .,
303 ' .. , . .
'" Mét., Z, 10, 1034 b 34.
293 Mét., Z, la, 1035 a 1-2.
294 parmi les travaux relatifs à cette èmopia, voir ci-dessus, Préambule, n. 19 ; C.2, 304
VOIr Cl-dessus,
"
C.3
n. 238 : PA, IV 12 693 13 . b1 TI 230' PA 1 3

, ",643 a 2-3 ; n. 236 : PA, IV, 12 693 b 5-7'
' ,
PA, IV, 10,686 a 25-27' (1 27) 6 8" •
13, 477 a 21 : 'trov çcprov ôpeô~a~6v f.~l ~vtv~Vp~:;.crll l1ôVOV 1ô.'>v s0rov ; cf. Resp.,
n. 174 (LLOYD,« Aristotle's », 1990; PELLEGRIN, ({ Taxinomie », 1990a); Loux, Primary
Ousia, 1991 ; REALE, Aristote/e, TIl, 1993, p. 364-378, et chapitre cOITespondant dans ce
volume.
Lll.,IANE BODSON
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 319
318
svavtiros (1. 25) sni tiiS YSVÉcrEroS Ë1(Sl KaLJiis o""ias' tà yàp \)crtSPU
C.3.4. Génération 'tn yf:vÉO"f:t (1. 26) 1tpo'tf:pa 't1lV <puO"tv BO"'tt,' Kat 1tpro'tOV 'to 'tn yf:VÉO"f:t
Dès le début des Parties des animaux, la décision d'étudier d'abord 'tf:À.f:u'tUtOV,

« comment chaque être est» et, ensuite, « comment, selon sa nature, Il il y a opposition pour ce qui est de la génération et de l' essentia ; en effet,
306 307 ce qui est postérieur par la génération est antérieur quant à la nature et ce
naît »305 est arrêtée , car qui est dernier par la génération est premier (quant à la nature),
ft yùp yÉVSO"lS SVSKa tiiS o""ia, ilmiv, àn' oùx Tt (1. 19) o""ia SVSKa
en sorte que312 , - l'adjectif np6tEpOÇ se disant, comme tant d'autres
tiis ysvÉcrsros· " . mots, «de nombreuses manières »313, ~
la génération est en vue de l'essentia, non l'essentia en vue de la generatlOn.
Ti!> IlÈv o(,v Xp6vql npotÉpav tl'Jv u).llV (1. 1) àvayKalov slval KUt
À cette phrase, qui est proche d'un propos du Philèb: et: d'.autr~
308
OB ÛIV oùO'iav 314 Kat (1. 2) 't1lV f:Kaa'tou
't1lV yÉVf:O"ty, 'tc$ À.6yCQ
309
part, d'une assertiollde la Génération des anzmaux , fait echo 1 affmna ~opq)11v.

tion selon laquelle'.10 Chronologiquement donc, la matière, - c'est nécessaire-, est antérieure
et aussi la génération; énonciativement, l' essentia et la conformation315
yÉV8GlS ~Èv yùp tà crnÉp~a, (1. 32) o""ia 8È tà tÉ).oS· de chacun316 le sont.
en effet, le germe est génération, la fin essentia.
Loin d'être pléonastique dans sa première partie, cette conclusion
Tant dans PA que dans GA, les rapports d'antériorité .et de postériorité lapidaire résout le vieux problème de la priorité de l'œuf ou de l'oiseau
qui existent entre oùcrta et yÉvecnç sont répétés avec mSlstance. Amsl, (et réciproquement) avec une efficacité que les explicitations de GA 317
dans les Parties des ammaux- ,
. ..111 ne surclassent pas. Elle livre, de plus, nn argument qui semble être passé

312 PA, II, 1, 646 a 35 - b 2 (avec chiasme [cf. KÜHNER - GERTH, Ausführl. Gramm.,
II, 1904, p. 603, 1, 3] entre les quatre sujets de l'infinitif etval et hyperbate [voir ci-des-
'" PA,I, 1,640 a 11-12. sus, C.3.1, n. 225 : KÜHNER - GERTII, Ausführl. Gramm., II, 1904J du deuxième d'entre
306 PA 1, 1,640 a 13-19. , 10 4 11 20-29 eux yÉV8.CHV dont la mise en évidence rejaillit, dans le parallélisme qui structure la phrase,
"7 PA' 1 1 640 a 18·19 (cf, MICHEL D'EpHÈSE, In PA, I, 640 a ,p. " ]
, , , , 45 141 31 (- LE BLOND - [PELLEGRIN , sur oùcriav). Commentaires anciens et modernes: voir ci-dessus, n. 31l. Cf. Mét., L'l,
Hayduck, 1904). LE BLOND, Aristote, 19 "p. 197i n. 506~ KULLMANN Wissenschaft, 11, 1018 b 14-15,31-34; 1019 a 2-3; 8, 8, 1050 a 2-3 ; ~ ÈVÈpYEta 1... npotÈpa t~ç
Aristote, 1995, p. 74, n. 31!; ~E?ETITi~:rte, 25' jA~'LIN Eidos, 1999,~. 189, n. 183; OUVall8.COÇ Ka'tà yÉV8.CHV Kat Xpovov. Ci-après, n. 325 : Phys., VIll, 7, 261 a 14; Mét.,
1974, p. 303; LLOYD, «Ansto e SC», '~., t 'tele 2002 p 491' CHO Ousia, 2003, 8,8, 1050 a 4-6; n. 326; GA, V, 1,778 b 5'6.
LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 131; ARBONE, ilS 0 , " , ,
313 GA, II, 6, 742 a 19-20: To of: npàt8.pov 111011 noÀÀaxroç Êcr't"lV (cf. Mét., Z, 1,
1028 a 31-32: noÀÀaxroç J.1f:V oov ÀÉy8.'WII 'to npro-rav). Sur l'expression adverbiale de
p. 13J80~Z~~ON, ~~pont1an~~;;s[~;9;~~~~~);
Philèbe, 54 a 10-11 .et c 3-7 (cf. chapitre co] la quantité, comparer ci-dessus, C.3.2, n. 280.
Certains y décèlent une citation. VOlr BALME - [GOTI~LF, IISto e, 314 Comparer la caractérisation introductive du livre Z de la MélaphysiqW où l'atten-
LENNOX, 200la, Aris/otle, p. 131 (<< probably a consclOUS echo »).
tion se concentre sur l'oùcria. Celle-ci est présentée comme (Z, 1, 1028 a 32-33) npro-rav,
309 Voir ci-après, n. 326,_: GA, V, 1,778 b,5-6, 9 7 11 30-33 Kat ÀOyc.p 1 Kat YVrocr8.1 Kat Xpovc.p. Cf. TRICOT, Aristote, l, 1953, p. 348-349, n. 2 ;
310 PA I 1 641 b 31-32 (cf. MICHEL D'EpHÈsE, In PA, 1, 640 b 2 , p. , '., 1
, , , . 1971 568 n 36' BAL:ME - [GOTIHELF], AI/stot e, FREDE - PATZIG, Aristoteles, n, 1988, p. 19-20 (:::: [FRImE - PATZIG] - REALE - SCOTTI
Hayduck, 1904). VEGETIT, Opele,W' ,P'h ,h '19'74 p' 43-44' CODE «The Priority », MUTH, Illibro Z, 2001, p. 180-181); REALE, Aristotele, ID, 1993, p. 316-318; BOSTOCK,
1992] 100' KULLMANN lssensc aJ" ,. , ,
197 2 [ , p. , A' t tl' 2001a p 146' CARBONE, Aristote/e, 2002, p. 518. Aristotle, 1994, p. 57-63,
1997 P 142' LENNOX, rIS 0 e, ,. , , ' . PA JI 1 315 Sur cette traduction, voir ci-dessus, Préambule, n. 8.
:., . M' /:, 4 1015 a 10-11. VOIr cl-après, n. 311-312. ",
Cf. Cl-dessus, B.2, n,54, et., , , 316 «De chacun» : de l'être humain au végétal (PA, n, 1,646 a 33-35). Occurrences
646 a 24 - b 2. , . I PA II 646 24 P 26 11 4-15 parallèles de 6Kacr-raç en contexte avec oùcria dans les traités «biologiques », voir ci-
311 n 1 646 a 24-26 (cf, MICHEL D'EpHESE, n , , '. a " , '. _
PA, , '. Mét e 8 1050 a 2-10 (en parhcuher 4-6; texte par~lelle dessus, C2, n. 165.
Hayduck, 1904), comparer ... , 'A:' l ' 1943 P 127-128' KULLMANN, Wlssen- 317 Par exemple, GA, II, 6, 742 a 22- b 17 (CHO, Ousia, 2003, p. 246~148: sur 742 a 16-
.,. .. 325) DURTNG Ilstot e S, " , . 1
ment cIte cl-apres, n . . , d' k ' ( 1985 P 235 . LENNOX Ar/stol e, 22; cf. ci-après, n. 325 : GA, II, 6, 742 a 21-22); voir aussi n. 326 : GA, V, 1,778 b 5-
,{ 1974 303 . KULLMANN «Notwen tg el », ,., ,
scha,', ,p., . ' 1 2002 575-576 ' CHO Ousia, 2003, p. 220-221, 6; Mét., Z, 7, 1032 a 15-25 ; 8, 1033 b 29 - 1034 a 2; A, 7, 1072 b 35 - 1073 a 5; N,
2001a, p. 181 ; CARBONE, Anstote e, ,p. " , 5,1092 a 16-17.
247.
Lll.,IANE BODSON §6. TRAITÉS BiOLOGIQUES 321
320

inaperçn318, bien qu'il soit à même de lever les incertitudes et',chez la réflexion sur la succession des phases de déVeloppement discerne « ce
certains exégètes, les objections émises à l'encontre du sens de 1 l~dl- en vue de quoi [un être existe] (~à oÔ ëVSKU) et ce [qui existe] en vue
319 A
-
catif imparfait dans la locution ~à ~( ftv -
Elvm . mp l'f''
1 lee par
l'hy- de cette fin-là (~à w(nou ëVSKU) ,,324, avant de faire valoir que325
perbate à l'intérieur du chiasme entre les sujets, l'affirmat~o~ de la 1:0 J.1f:V 1:U yEV€crEt 1tp61:EpOV UlYCOOY ÈcrH, (1. 22) 'to of: 'tft olmi(.(.
nécessaire antériorité chronologique du processus de la generatlOn le second d'entre eux est antélieur par la génération, le premier par l' essentia.
garantit la temporalité du verbe ~v pour exprimer, selon la valeur fonda- Car'26
320
mentale de l'imparfait grec, le déroulement d'une action dans le passé .
Autrement probante que l'unique référence «< PA, l, 1, 640 a 15 ff, 30- tfi yàp ou"i", TJ yÉvscnç âKOÀouOsî (1. 6) Kat <ft.; ou"i"S 8VSKt't ÉCHlV
321 à'A'}.: OÙx alhT\ 'tU yEY€crEt. '
35 ») invoquée en termes précautionneux par Buchanan , PA, n,l,
la génération est consécutive à l'essentia et est en vue de l'essentia, mais
646 a 35 - b 2, étaye non pas pour \es seuls traités «biologiques», celle-ci n'est pas consécutive à la génération.
mais pour l'ensemgle du corpus, les interprétations qui ont e:tImé syn-
taxiquement et, dès:lors, sémantiquement significative la dlfferencmtlOn L'oucria dans sa connexion à la génération n'est pas seulement abor-
temporelle entre ~à ~( ~v dvm et ~à ~( scr1t et l'ont préservée dans les dée sous un angle général. Elle est évoquée dans des cas particuliers. Les
coquillages et les autres organismes qui passent leur existence fixés à un
traductions.
Au livre n de la Génération des animaux, après le bref rappel du support en sont un. Contrairement à la définition même du sif>ov327 , ces
contenu du livre précédent touchant l'action du mâle et celle de la femelle êtres vivants ne sont pas mobiles 328
dans la génération et'22 (1. 18) lità ,à MpanÀllCJ(av ainô\v dv", <i]v ou"iav ,oîç cpulOîç, (1. 19)
OOcr1CEp oùo' Èv ÈKEtVotÇ oùo' Èv 'tou'totç Ècr'tl 'to 8fVl.u Kat 't0 (1. 20)
,iç 1Î ÙÎJva~tç323 Kat Ô <ft.; (1. 20) ouma.; au,ô\v, iippsv âÀÀ' tjlill K"O' b~ot6'11,a Kat lca,' âvaÀoyiav Uys,,,,' (1. 21)
quels sont leur capacité et l'énoncé de leur essentia, J.ltKpàv yap 'tLva "totau'tT\v sxEt otacpopav.
du fait que leur essentia soutient le rapprochement avec celle des végétaux,
comme, pas plus que chez ces derniers, il n'y a chez ceux-là la femelle et
le mâle, mais désonnais on parle de « mâle» et de « femelle» par ressem-
Voir ci-dessus, C.l.3, n. 156.
318
blance et par analogie, car ils ont une légère différence sur ce plan.
319 Voir ci-dessus, C.1.3, n. 154. .
320 KÛHNER _ GERTH, Ausführl. Gramm., I, 1898, p. 142, §383, 1 ; SCHWYZER, Gn~ch.
Gramm., 1950, p. 275. Sur la neutralisation de l'aspect dans le cas des verbes sans a~r~ste,
Alors que la génération des végétaux ne fait, le plus souvent, l'objet
DUHOUX, Le verbe, 2000, p. 143-144, §123, (6); 165, §137, (a); sur la temporahte de que de mentions ponctuelles dans GA (comme ci-dessus ou en III, 11,
l'imparfait, p. 362-363. §316. 761 b 26-29, avant la supputation sur l'oÛcr(u des testacés 329), puisqu'« elle
321 Voir ci-dessus, C.1.3, n. 156. Buchanan ne s'attarde p~as non ~lus, sur P~, I} 1,
640 a 24-25 : (1. 23 : "to cr1tÉp).lU ... ) 'to 1totilcrav 1tp6"tEPOV 61tT1.PX~V ou ).lovov 'tep À.o}(fJ
àÀÀà 1 Kat 'tc? Xp6V(fJ, où le facteur «temps» est aussi. mis en ~v~de~ce pa: o~posltion '" GA, II, 6, 742 a 20-21 ; cf. C.2. n. 210 : GA, 1, 1,715 a 5.
au À6yoç, cependant 1) sans lien explicite à cet endroIt avec 1 oum~ (:ou cI-~essus, 3~5 G~,' II, 6, 74~ a ~1-22. C,omparer,_par exemple, Phys., VIII, 7, 261- a 14: 'to 't'TI
n. 307 : PA, l, 1, 640 a 18-19, pour la plus proche occurrenc~), alors qu ArIstote n es~ 'pas yBVEcrE! Ucr"tBpOV 'tTI ÇpUcrEl 1tpO'tEpOV dvat; Mét., e, 8, 1050 a 4-5: 'Cà 'tU YEVÉcrBl 1
avare d'anaphores (voir ci-dessus, B.2; ci-dessous, Conc1uslOn: TAB:~U~) lorsqu IlIa ü~HEpa "tc? B'{OBL Kat "tU oùcrtq; 1tp6't'EpU; voir aussi A, 1, 1013 a 20-21 (texte cité
considère dans les traités «biologiques », et 2) par rapport non a la generatlOn en tant que Cl-dessus, C.2, n. 210). KULLMANN, Wissenschajt, 1974, p. 304-305; GOTTHELF, «Notes »,
telle, mais au cr1tÉ:p).lU et à son «faiseur », comme en maints autres passages (pour des 326 p. 50, n. 3; CODE, «The Priority »,1997, p. 134-136'' CHa , Oust"a , 2003 ,p. 246-248 ,
1985,
GA. V, 1.778 b 5-6. VEGETII, Opere, 1971, p. 506; CHa. Ousia, 2003, p. 246-248.
exemples de ceux-ci, voir ci-dessus, n. 3 1 7 ) . , ,
322 GA II 1 731 b 19-20 (sur le renforcement de Àoyoç par la place qu occupe le Voir ci-dessus, n. 311.
génitif, v;ir ~i-dessus, B.2, n. 38). BALME - (GoTTHELF],.Aristotle, 1972 [19921, p. 155; m Mét.• Z, 11. 1036 b 28-29.
KULLMANN, Wissenschaft. 1974, p. 304-305 ; CHa. OUSlQ, 2003. p. 2~3-244, 248, 253- '" GA. J,l, 715 b 18-21. BALME - [GOITHELF], Aristotle. 1972 [19921. p. 129-130;
255,315. Occurrences parallèles de 6 À6yoç 'tilç oùcrtaç dans les trmtes «bIologIques », CHO, Ousia, 2003, p. 248 .
. 329 Voir ci-après, n. 335 : GA, III, 11,762 a 5-7. Comparerla différence dans l'expres-
voir ci-dessus, C.2, n. 210. .
323 PECK, Aristotle, 1942, p. xlix-1v. Sur la 80Va).llç de la semence"v01r GA, l, 19, SlOn du degré de certitude entre (L 6) EÎK6ç et Resp., 13, 477 a 24 : 8E"tÉOV (ci-dessus,
726 b 17-19,727 b 16; etc. (comparer ci-dessus, C.2. n. 174: Z, 16. 1040 b 5-8). C.3.2, n. 259 : interprétation du rôle du poumon).
§6. TRAITÉS BIOLOGIQUES 323
Lll..IANE BODSON
322
le nom ooula est absent de cette œuvre338 d'orientation plus descriptive
't' aml'née dans d'antres ouvrages })33D, elle alimente
. le chapitre
/' /tfinal
aeeex qu'explicative339 Sur les 102462 mots comptabilisés dans GA, Marche,
dn livre 1. Aristote y amplifie la comparaison entre ammaux et vege aux
, . d nd 331 MA et PA, il est attesté par 47 occurrences, à raison de deux dans Marche
et constate que tout ce qni intéresse la perpetuatIOn es seco s
et d'une dans MA (voir TABLEAU l, le). La répartition des 44 autres entre
EÙÂ.6yroÇ fi <pDmç 811~toUpyEt'32. Tijç (1. 25) ~i:v yàp t&~ <p~t&v_où,,~a, GA et PA (voir TABLEAU 1) et à l'intérieur de ces deux textes (voir
où6Év È"nv 1l1c1co epyov où8i: npa.Slç (1. 26) où8E~ta nlc11 v 11 TOU "nEp- TABLEAUX la-cl n'est pas proportiol11lée à leur taille. À lui seul, le livre l
~atoç yÉvw,ç. de PA en accueille 16 (sur le total général de 31), aucune d'elles n'entrant
la nature le façonne raisonnablement. ~aI~ l' e~sentia des végétaux n'a aucun
dans l'expression ô "ôyoç tfiç OOUlaç 340 Telles quelles, elles sont à
autre rôle et aucune fonction sauf la generatlon de la semence.
ajouter aux autres indices du statut sui generis de ce livre 34!. La repré-
Pour ce qui est des testacés « émetteurs de 'cire'333 », ils naissent à sentation de oùcria dans les quatre ouvrages en cause ici n'en est pas
"du 334 e t 335
d resl
partir d'une sortee moins infime: 0,045 % du total (TABLEAU le). Elle n'est, pour autant,
'End 8i: napaRlc11"iav eXEI tiJv 8Dva~tV fi tpo<PiJ (1. 6) Kat ~tà ta~t~~ ni secondaire ni quelconque, même si elle se fait exclusivement sur le
1tEpittO)~a336, tIDV KllPW,Ç6v'[rov ô~otav dK6ç (1. 7) 8:(J't"tv 8tvat tU S,? mode affirmatif, se limite à l'emploi philosophique et s'avère unitaire.
dpx:iiç crUO'1:ueJEt oÙGlav. . Elle s'accorde avec les conceptions exprimées ailleurs dans le corpus, en
Puisque la capacité de la nourriture et de son résidu sont, comparable~, 11 particulier dans la Métaphysique où les exemples naturalistes iden-
est plausible que les « émetteurs ~e ,cire» aient une essentza semblable a la tiques à ceux qui se lisent dans PA ou dans GA'42 corroborent la cohésion
constitution d'où ils tirent leur ongme.
338 HA renfelme 12 occurrences de ahia (dont une dans le livre X), 1 de al'tlÛollat,
17 de ahtoç (dont 13 dans le livre X), contre un total de 165 pour ahia et uhtoç (le verbe
n'est pas représenté) dans PA (BODSON, Aristote, 1990, p. 7-8) et de 302 (pour les trois
D. CONCLUSION vocables) dans GA.
339 PELLEGRIN, «Les fonctions », 1986b; KULLMANN, «Zoologische Samme1werke »,
Quoique l'Histoire des animaux (fréquence globale: 97 577)337. soit 1998, p. 121-126; CRUBELLIER - PELLEGRIN, Aristote, 2002, p. 282-283.
340 Cinq occurences au total, réparties entre GA (trois) et PA (deux). Relevé des réfé-
principalement vouée à la comparaison des parnes et de leurs fonctIOns,
rences : voir B.2.
341 Par exemple, DÜRlNG, Aristotle's, 1943, p. 30-32, 35-36; LE BLOND, Aristote, 1945,
p. 51-54 (= [LE BLOND] - PELLEGRIN, Aristote, 1995, p. 25-27); BALME - [GOTITffiLF],
'" GA l 23 731 a 29-30 (voir aussi l, 1,716 al). . A' 1 Aristotle, 1972 [1992], p. 69 ; LENNOX, Aristotle, 2001a, p. 119; PELLEGRIN, «De l'ex-
" , U N ~ Ir MEYER nstote es
331 GA, l, 23, 731 a 24-26 (sur le rapport entre bPYOV et 1tpa..,tç, vo .' ' plication », 1990b, p. 200, 208 ; CRUBELLIER - PELLEGRIN, Aristote, 2002, p. 283.
1855, p. 90-92). BALME - [GOITHELF], Al'istot/e, 1972 [1992], p. 153-154, GOl'rHELF, 342 À titre d'exemples (en dehors de HA d'où le mot oùcrîa est absent; voir ci-dessus,
«Notes », 1985, p. 50, n. 3; CHO, Ousia, 2003, p. 248-249. Préambule, n. 11), à propos des parties unifonnes et non unllonnes et leur génération,
332 Cf. B.2, n. 39. 6 en relation avec Mét., E, 1, 1026 a 1-2, cf. sur crûpç: PA, II, 8, 653 b 19 - 654 a 31 ;
m Il s'agit du frai. Cf. HA, V, 15,546 b 19-20,25-2 . sur Ô'HOÙV: PA, II, 6, 652 a 1-23 : 9,654 a 32 - 655 b 15; GA, II, 6, 743 a 18 - b 5;
334 GA, Ill, 11,762 a 2. . . ' " , an- ci-dessus, C.3.1, n. 247: PA, I, 1,642 a 19-22 (en parallèle à Mét., A, 10,993 a 17-18) et
335 GA III Il 762 a 5-7 (les traits styhstiques SOlvants, avec leur consequences sem
n. 251 : PA, II, 647 b 23-25 : sur pîç, ô~ea~~6ç, np6crronov : PA, J, J, 5, 645 b 35-36:
ti ues infirm~nt i'interprétation soutenue par Aubert et Wimmer [ci-dessus, C.l.1: n. 99 j sur ô~Oa~~6ç : GA, II, 6, 743 b 32 -744 b 14; sur np6crronov: PA, III, 1,662 b 17-22;
q. ' . 98] . a' la différence de l'élément pris comme terme de comparmson 'tU à propos de la génération en général, dont LLOYD, «Aristotle's », 1990, p. 25, fait obser-
vou aussI n. . . d' t tf 'e par
c)OC:Hûcret absence d'article avec oùcriav sur lequell'attentwn est cepe~ an a ~ ver que, dans la Métaphysique, elle intervient «only for the sake of ousia », en relation,
la osition' en fin de phrase; hyperbate [voir ci-dessus, ~.3.1,~. ~2~ : KU~.R ~ ERT~, par exemple, avec Mét., ô, 4,1014 b 16; Il,1019 a 1-14; Z, 7,1032 a 15-19 (q>lJcrtKai
A Pfn ./ G amm. II 1904] de l'adjectif épithète oJ.lOLaV precede du gemtlf poss~sslf oùcrtat, voir ci-dessus, C.2, n. 169: PA, I, 5, 644 b 22-24); Z, 8, 1033 b 39 - 1034 a 2;
't~~ :~~taÇ6V'tro~ dépendant de dvUl. ; sur ce g~nitif, cf. KÜHNER - GERTH, Ausfuhrl. 9,1034 b 1-6: H,4, 1044 a 35-36, cf. GA, J, 17-19,721 a 30 -726 b 30: II, 8, 747 a 24-
Gramm., J, 1898, p. 372-374, §418, b). CHO, QUSla, 2003, p. 257-258. 749 a 2; PA, l, 1, 641 b 34-35, dans la continuation immédiate de b 31-32 (cf. C.3A,
"6 Cf GA J 18,724 b 26-27. . 6 ). n. 310) ; en relation avec Mét., 8, 8, 1050 a 2-10, cf. C.3.4, n. 312 : PA, II, 1,646 a 35-
331 B~RKO~ _ SQUITIER, Canon, 1990, p. 64 (édition de LOlilS, Anstote, 1964-19 9. '
b 2; à propos de la génération et corruption, en relation avec Mét., B, 5, 1002 a 29; r,5,
BODSON, Index, 2004, p. LXIV (94 055 mots dans l'édition de BALME - GOTIHELF, Ans- 1009 a 38; etc., cf. C.2, n. 169: PA, l, 5, 644 b 24; à propos de l'anatomie fonctionnelle
tot/e, 2002).
324 LILIANE BODSON §6. TRAITÉ'S BIOLOGIQUES 325

intrinsèque des recherches théoriques et appliquées menées par Aristote chez les serpents360], centres vitaux [des insêbtes 361 ]), à l'exclusion des
sur l'ouala. L'homogénéité des occurrences «biologiques» dn vocable composants non pertinents : ceux qui ne surviennent pas séparément
conforte le choix initial de la transposition essenlia'43 aussi longtemps d'elle362 , les accidents363, les affections dénnées de cause finale 364 •
qu'une concertation n'aura pas fixé, avec des justifications autres que envisagée, en relation avec la génération365 , dans la globalité de l'êtr;
subjectives344, des conventions de traduction française tonchant ouala et,
'A ,
A'
es a chaque fois considérés367 ou dans telle spe~ -
ou des eAtres penssab1366'
par suite, les termes et expressions associés. En ce qui concerne particuliè- cifïIClte due a la présence ou à l'absence de certaines parties (uniformes 368
rement, panni celles-ci, l'interprétation de 'Co '"Ct ~v dVUt , la dimension
345
346 ?u non unifo~es369) ,et, chez l'être humain, à son statut unique370 ;
temporelle inhérente à la yi:vemç ne devrait plus être laissée de côté . ~ la;~:ll: q~lla p~ssede (~ima~x..mobile~371 ou fixes 372 , végétaux373 ,
À l'issue de leur recensement, les occurrences «biologiques» (45 au ame ), ~ 1 exc~uslOn des vrrtuahtes375 , dOIt, - pnisque la génération
singulier, 2 an plurieP47) se synthétisent comme snit : est, de. necesslte, chronologiquement antérieure à la forme 376 et que
cell~-cl, dans l'énoncé même de l'essentia, « est presque identique à
Oùcrla : essentici/ la fm »377 - , «ce qu'était être pour lui »378, de là «ce qu'il est »379
notion originale par le contenu qu'Aristote est le premier à lui assigner'48, donc son «étant »380. '
350
_ atteinte dans l'abstrait (l'individue1'49, divinité de l'être humain ) ou
le concret (parties uniformes: sang [avec les conséquences décisives .36°(MC.3.2 : Marche, 8, 708 a 9-12 (n. 263), sous l'action de la nature qui ne fait rien en
de sa présence ou de son absence sur l'anatomie des sanguins et des vali arche, 2, 704 b 15-17 ln. 261]).
353
non_sanguins351 et sur leur fonctionnement organique352], 08 , ten- '" C.3.2: PA, IV. 6, 682 b 28-29 (n. 273)
362 •
356 C.2: PA. J, 5, 645 a 35-36 (n . .194).
dons et chairs, etc. 354 , cerveau355 ; parties non unifonnes : poumon , 363 C.2 : PA, 1. 3, 643 a 28 (n. 197).
357
tentacnles à un rang de ventouses , membres locomoteurs [de l'oi- 364 C.3.1 : GA. V, 1,778 a 34 - b 1 (n.243).
359 365 C.3.4.
sean et de l'être humain358], absence de pattes [chez les poissons ,
360 C.2: PA, 1. 5, 644 b 22 (Trov oùcnrov ... ).23-24 (tàç 6è ... ~eopaÇ . n 169)' 4
_ 64~6~ 23 (~. 186); détail des caSA envisagé~ : voir les renvois internes ci-des~o~s, n. 3'67:
et des critères de différenciation, en relation avec Mél., Z, 12, 1037 b 10 - 1038 a 35, . C.2. PA, 1, 1, 639 a 17 (etre humaIn, bœuf, lion; n. 175); 4, 644 a 25 (Socrate
cf. C.3.1, n. 230 : PA, I, 3, 643 a 1-5 ; voir aussi b 28 - 644 a Il ; en relation avec Mét., Conse.os; n. 186); 4, 6~ a 29 ~(en général; n. 191); 5, 645 a 35 (en général; n. 194);
Z, 16, 1040 b 13-14. cf. C.3.2, n. 273 : PA, IV, 6, 682 b 27-29. C.3.!. ,PA. l, 3, 643
, . a 3 (mseau, etre humain'
- ,n. 230)'"PA " IV 5 678 a 3234 11
- (mousques
343 C.1.1 : texte afférent aux n. 131-141.
crus taces, testaces, Insectes; cf. n. 222); PA, N, 12, 693 b 5-7, 13 (oiseau; n. 234 236'
238); IV, 13, 695 b 17-21 (poissons; n. 235. 239); C.3.2: Marche 8 708 9-12 ( •
pents; n. 263); PA, ID, 6, 669 b 11-12 (êtres à respiration puImonai:e.' n 25~)' PA ~-
344 C1.1, en particulier n. 74, 76-78, 83, 89.
345 C.1.3, n. 154, 156.
346 C.3.4: texte afférent à PA, II, 1, 646 a 35 - b 2 (n. 312). 9,685 b 13 (poulpes; cf. n. 271); PA, IV, 6, 682 b 28-29 (insectes' cf. ~ 273)" C 3: 3
"7 C.2: PA, 1, 4. 644 a 23 (n. 186); 5,644 b 22 (n. 169). PA, IV, 10. 686 a 25 (être humain; cf. n. 300)' C 34' GA III Il 762 ~ 6 (t . ta " 3' 3'5)'
368 Renvois ci-dessus, n. 351-355. ,. .. , " < es' ces; n. .
"" C.2: PA. 1,1,642 a 26 (n. 180).
'" C.2: GA, II, 1.731 b 34 (n. 164); IV. 3, 767 b 32-35 (n. 166). 369Renvois ci-dessus n. 356-361.
370 '
;50 C.3.3 : PA, IV. 10,686 a 28 (n. 300).
m C.3.3:. PA. IV, 10,686 a 28 (n. 300).
351 C.3.1: PA, IV, 5, 678 a 32-34 (n. 222); détail des différents cas envisagés: voir RenvOIS Internes Cl-dessus n. 367
372 ' •
373 GA, 1, 1,715 b 16-17; cf. C.3.4. n. 328 (GA, 1,1,715 b 18-21).
les renvois internes des n. 352-361.
m C.3.1 : PA, II, 2, 647 b 25 (n. 251); PA. II. 2. 648 a 15-16 (n. 253). . C.3.2: PA, IV, 6, 682 b 29 (n. 273) ; C.3.4: GA 1 1 715 b 18 (n 328)' 23
731 a 25 (n. 331). ' , , ."
'" C.3.1 : PA, II, 2, 647 b 23 (n. 251) ; cf. PA, l, 1.642 a 19-22 (n. 247).
;54 C.3.J : PA. II, 2, 647 b 24 (n. 251).
:;: C.2: PA, 1, 1,641 a 23-27 (n. 200) ; GA. II. 4, 738 b 26-27 (n. 208).
350 C.3.1: PA, II. 7. 652 b 21 (n. 257).
VoU' C.2: Mauv., 3. 699 a 22 (n. 173)
376 •
377 C.3.4: PA. II. 1,646 a 35 - b 2 (n. 312).
306 C.3.2: PA. III, 6. 669 b 11-12 (n. 259).
;57 C.3.2: PA, IV. 9, 685 b 14-16 (n. 271).
C.2: GA, I. 1,715 a 5-6 (n. 210)
378 •
;5' C.3.1 : PA. l, 3, 643 a 2-3 (n. 230); IV. 12, 693 b 6 (n. 234), b 5-7 (n. 236), b 13 379 B.2: 6., A8. 1017 b 21-22; Z, 7, 1032 b 14; H, 1. 1042 a 17 (n. 44).
C.2: Met .• K. 7, 1064 a 19-22 (n. 199).
(n. 238). 380 Préambule; Z, 1, 1028 b 3 (n. 2).
;59 C.3.1 : PA, IV, 13, 695 b 20 (n. 235), b 17-21 (n.239).
§6. TRAiTÉS BIOLOGIQUES 327
326 LILIANE BODSON

/~;"
Le faible taux des occurrences du substantif où"lu dans les traités Procédés stylistiques Références
« biologiques» contraste avec le nombre, la diversité et, dans certains Anaphore de l' article 398
GA, V, 1, 778 a 34399
passages"l, la concentration des procédés stylistiques qui accompagnent PA, IV, 5, 678 a 3440"
plusieurs d'entre elles (TABLEAU IV). Alticle avec attribuf PA, 1, 1, 642 a 20401
Asyndète Marche, 8, 708 a 11 40'
TABLEAU IV: La stylistique aristotélicienne de l' oocrtU dans Chiasme PA, II, 1,646 a 35 - b 2403
les traités «biologiques» Coordination renforcée GA, l, 1, 715 a 5404
Futur gnomique PA, IV, 5, 678 a 34405
Procédés stylistiques Références
Génitif enclavé PA, IV, 13, 695 b 18406
Adjectif épithète tOIOS Marche, 8, 708 a Il (avec oùcrlav)382
Hyperbate GA, Ill, 11,762 a 740'
PA, IV, 9, 685 b 16
PA, II, 1,646 b 140'
(avec Myov 'liç ouaiaç)383
PA, Il, 7, 652 b 18409
Adjectif épithète de quantité PA, l, 5, 645 a 35 (OÀT\S)384 PA, IV, 5, 678 a 33 410
Anaphore du nom oùcr-ta 385 GA, IV, 3, 767 b 34 et 35386 PA, IV, 5, 678 a 34411
GA, V, 1.778 a 34, b 5 et 6387 Parallélisme PA, l, 1,641 a 26,27'"
PA,1. 1,640 a 18 et 1938• PA, II, 1,646 a 35 - b 2413
PA, l, 1, 641 a 25 et 27 389
Polysyndète PA, l, 1, 641 a 27414
PA, l, 1. 642 a 19 et 26390
PA, l, 3, 643 a 2 et 4391
PA, l, 4, 644 a 23 et 29'"
PA, l, 5, 645 a 35 et 36~93 La langue d'Aristote et le style de son écriture, plus encore que celui
PA, Il, 1, 646 a 25 et b l'''
de sa pensée4l5 , attendent touj?urs d'être méthodiquement étudiés. Sous
PA, IV, 5, 678 a 32 et 34395
PA, IV, 12, 693 b 6 et 13 396 réserve des résultats d'enquêtes à mener sur ce point, les traits répertoriés
PA, IV, 13,695 b 18 et 20397 ci-dessus ne paraissent pas imputables au hasard du calame. S'ils sont, à
l'inverse, délibérément insérés, ils sont autant de signaux avertissant de
381 GA, V, 1,778 a 34 _ b 1 (C.3.1, n. 243) et b 5-6 (C.3.4, n. 326); Marche, 8, 708 a 9-
12 (C.3.2, n. 263); PA, l, 1,641 a 23-27 (C.2, n. 200); 1,642 a 19-22 (C.3.1, n. 247) et
398 Comparer Gén. et COlT., II, 9, 335 b 7 (ci~dessus, Préambule, n. 9).
a 25-26 (C.2, n. 180); 5,645 a 34-36 (C.2, n. 194); II, 1,646 a 24-26 (C.3.4, n. 311) et a 35-
b 2 (C.3.4, n. 312); IV, 5, 678 a 32-34 (C.3.!, n. 222); 13,695 b 17-21 (C.3.1, n. 239). 399 C.3.1, n. 243.
400 C.3.1, n. 222.
382 C.3.2, n. 263.
401 C.3.1, n. 247.
383 c'3.2, n. 27l.
402 C.3.2, n. 263.
384 C.2, n. 194.
403 C.3.4, n. 312.
385 Comparer Âme, II, 4, 415 b 11-13 (ci-dessus, Préambule, n. 4).
404 C.2, n. 210.
386 C.2, n. 166.
405 C.3.1, n. 222.
387 C.3.1, n. 243 et C.3,4, n. 326.
406 C.3.1, n. 239.
388 C,3 A, n. 307.
407 C.3.4, n. 335.
389 C.2, n. 200.
408 C.3.4, n. 312.
390 C.3.1, n. 247 et C.2, n. 180.
409 C.3.1, n. 257,
391 C.3.l, n. 230.
41O C.3.l, n. 222.
392 C.2, n. 186 et 191.
411 C.3.1, n. 222.
393 C.2, n. 194.
412 C.2, n, 200,
394 C.3.4, n. 311 et 312.
m C.3.4, n. 312.
395 C.3.l, n. 222.
414 C.2, n. 200.
396 C.3.1, n. 236 et 238.
415 PELLEGRrn:, Le vocabulaire, 2001, p. 4.
397 C.3.1, n. 239.
328 LILIANE BODSON

la portée attribuée par leur auteur aux séquences qui les contiennent. De
fait ils mettent d'autant plus éloquemment l'ooata en relief qu'ils la
§7. DE L'ÂME
confrontent, à chaque fois, à d'autres données structurelles du système
de pensée aristotélicien, Par là, enx aussi contribuent à dév~ileT l'unité
Richard BODÉÜS
de cette pensée sur « le principal, premier et, pour amsl. dIre, unIque
objet »416 auquel elle s'est attachée.

Édition de référence
W.D. Ross, Aristotelis De anima, Edited with Introduction and Cornmentary,
Oxford, Clarendon Press, 1961.

Autres éditions et traductions françaises


A. FORSTER, Aristotelis De anima libri tres, recensuit A.F., Budapest, 1912.
A. JANNONE, Aristote. De l'dme. Texte établi par A.J. et traduit par E. Barbotin,
Paris, Les Belles Lettres, 1966.
G. RODIER, Aristote. Traité de l'âme, Traduit et annoté par G.R., 2 vol., Paris,
1900.
J. TRICOT, Aristote. De l'Âme, Traduction nouvelle et notes par J.T., Paris, Vrin,
1934 (nombreuses rééditions).
R. BODÉÜS, Aristote. De l'âme, Traduction inédite, présentation, notes et biblio-
graphie par R.B., Paris, GF-Flammarion, 1993.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

(1) D'après l'index de G. Purnelle (Aristote. De l'âme, Index verbolUm,


Listes de fréquence, Liège, C.I.P.L., 1988), dressé sur le texte grec
de W.D. Ross (cité ci-dessus), le traité De l'âme (DA) comporte
1.313 mots différents, pour.un total de 20.781 occurrences. Le mot
ooata est l'un d'eux et apparaît 35 fois, moins que 92 autres mots.
(2) Sur les 35 occurrences, 17 se trouvent au livre l, 17 aussi au livre II
et une seule au livre III.

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

(1) Le plus souvent, ces occurrences sont aux cas directs (27 fois) et
presque toujours (32 fois), au singulier, ainsi que le montre le tableau
suivant:
416 Mél., Z, 1, 1028 b 6-7 (ci-dessus, Préambule, n. 2).
RICHARD BODÉÜS §7. DE L'ÂME 331
330

Singulier Pluriel dans le DA, est préoccupé de trancher deux questions qui se formulent
18 comme suit: (a) Quelle est l'oùata de l'âme? (question soulevée dès 1, 1)
Nominatif
Accusatif 8 et (b) À quel titre ou en quel sens l'âme est-elle oùata ? (question sou-
Génitif 4 levée dès II, 1).
Datif 2 La seconde de ces quéstions, par sa nature même, laisse entendre
que le mot oùata est affecté d'une certaine ambiguïté et ne siguifie pas
(2) Lorsqu'il est employé au singulier, le mot oùata est fréquemment toujours exactement la même chose; ce que semble du reste montrer
accompagné (précédé ou suivi) d'un déterminant au géuitif, qui l'usage du mot dans le libellé des deux questions (la seconde attestant
indique la possession: ce peut être 'fis ljIuxfis (J, 3, 406 a 17 et b 7) l'usage particulier signalé ci-dessus, en B.I).
ou aù,fis (désignant l'âme: 1, 1,402 a 8 ; 3,405 b 32 ; 406 b 15 ; C'est une implication capitale. Elle nous vaut le privilège de lire, en II,
407 b 1), wo ô<p8a)q.LOo (II, l, 412 b 19) ou aùwo [désignant la 1,416 a 6 et sq., un passage expressément consacré à la distinction de plu-
hache (II, 1,412 b 13) ou l'être nourri (II, 4, 416 b 16)] ou encore sieurs significations possibles, intéressant la question posée dans le contexte.
i:KUCHTjS ala81jaEûls (II, 6, 418 a 25), Il arrive que ce déterminant Avant de proposer cette distinction, Aristote paraît invoquer cependant
soit sous-entendu dans le contexte (1, 1,402 a 13, 14-15; b 24 ; 3, un usage courant; il rappelle en tout cas ce qu'on désigne habituellement
406 b 7 et 14), En pareils emplois, bien connus, le mot oùata pré- par le mot oilata: «Nous disons donc que la substance est un certain
sente une signification particulière (cf" ci-après, C), genre panui les êtres » (ASyOJ.lSV of] ysvos sv n ,&v OV'ûlV ,f]v oilatav :
(3) On constate par ailleurs qu'oùata est parfois uui (grâce à la conjonc- 412 a 6). Il est naturel de traduire ici par« substance» le mot oilata, dès
tion de coordination Kat) à un autre tenne plus ou moins synonyme, lors qu'i! s'applique à un geure d'êtres, celui que vise la première des
qui, donc, en précise la signification et avec lequel il forme une sorte «catégories », d'après Topiques, 1, 9, 103 b 22 et Catégories, 4, 1 b 26.
de hendiadys, Ainsi relève-t-on les couples: Il peut se traduire de la même façon en 1, 1,402 b 24 (1tOtEpOV ... oùata
a. ,ijv 'E 'l'Denv ... Kal,ijv ooO'(av (I, 1,402 a 8); fj 1tOIOV K.,.A.) et en I, 5, 410 a 20 et 21 (1toaov Kat1tOlOV Kat oùata),
b. 'ilv ooO'(av Kat '0 ,( ÈO'1:1 (1,1,402 a 13) et où le genre « substance» est expressément distingué d'autres genres caté-
c. ,60S 1:1 KUt ouO'(a (1, 1,402 a 24 et II, 4, 416 b 13). goriaux. Reste à savoir si pareille signification peut correspondre à l'un
(4) L'expression chs (Tj) oilata (Il, 4, 415 b 11 et 12), en fonction d'attri- des sens répertoriés dans la suite.
but, sert à déterminer une espèce de cause et, donc, à préciser une Voici donc comment le DA distingue ensuite ce qu'on peut entendre,
façon d'entendre le mot «cause» (ahta). selon les cas, sous le mot oùata (II, I, 412 a 7-9) :
(5) Inversement, si l'on peut dire, le mot oilata est déterminé par l'expres- a. «Mais en celle-ci, (on distingue) ce qui fait office de matière et n'est
sion Tj Ka,à. ,ov Myov (II, 1,412 b 10 et 19), qui donne à comprendre pas, par soi, cette chose particulière» (,au'Tjs 01; ,0 J.ll;v chs UATjV, il
en quel sens précis ce mot doit lui-même être enteudu eu l' occunence. Ka8'aù,ô OilK ean ,608 1:1),
(6) Le datif singulier ('TI oùatCf) est à l'occasiou (III, 5, 430 a 18) une b. «D'autre part, la configuration et la forme, ce en raison de quoi elle
locution de nature adverbiale (joiute au verbe mv), que l'ou peut est dite d'emblée cette chose particulière» (S'EpOV 01; J.lOp<pf]v Kat
comparer au plus fréquent <puaEI (dix occurrences). doos, Ka8' fjv f]OTj ASyEtat ,608 n),
c. «Et troisièmement, le composé de ces deux choses » (Kat 'ptWV ~o
ÈK WU'ûlV).
C. ANALYSE SÉMANTIQUE
Ces propos sont rappelés en II, 2, 414 a 14-16 ('PIX&s yà.p AeyOJ.lSVTjS
Si le mot oilata se rencontre presque exclusivement aux livres 1 et II, 'fis oùatas, Ka8u1tEp El1t0J.lEV, <Îiv '0 J.ll;v doos, '0 01; UATj, '0 0' 1:1;
où ses occurrences sont également distribuées (cf, A.2), c'est qu'Aristote, à~<potv) et trouvent un écho précis en Métaphysique, Z, 3, 1029 a 2-3.
332 RICHARD BODÉÜS §7. DEL'ÂME 333

L'ambiguïté que révèle la distinction vient de ce que le mot oùata dvat &s doos ",:DJ.laws K.T.À. : 412 a -19-20). En ce sens, parce
désigne, tantôt un être singulier, composé de matière et de forme (c), qu'il désigne une forme, le mot oùata (&8 doos) peut être rendu par
tantôt ce qui est cause constitutive du composé, soit à titre de matière (a), « essence ». En effet l'essence de quelque chose, qu'Aristote appelle
soit à titre de forme (b). Dans ces conditions, il apparait assez clarrement pmfois oùata ft KaTà TOV Myov (412 b 10 et 19 : cf., supra, B.5),
que c'est au sens (c) que le mot prend le plus volontiers la signification est « conforme à la formule définitionnelle » de cette chose. C'est
de « substance», car c'est cela, tel homme, tel cheval, tel être animé, ainsi que s'explique également et que doit se comprendre l'expres-
fait de chair et d'os, qu'on appelle le plus souvent, d'abord et avant tout sion &s Ooata, désignant la cause «formelle» (415 b 11 et 12 : cf.
oùata: la substance dite première selon Catégories, 5, 2 a 11-12. Pour supra, BA).
le reste l'oùata aux sens (a) ou (b) désigne, non la substance, mais On peut hésiter dans certains passages. Parlant de l'intelligence (vous),
sa prop~e cause constitutive, matière ou forme substantielles, selon Aristote conserve, me semble-t-il, franchement l'ambiguïté du mot lors-
les cas. qn'il dit qu'elle semble être o~ata ns (1,4,408 b 19). D'autre part, on
Le DA lui-même reflète, mais en proportions très inégales, les trois a vu que la forme ou essence est ce en vertu de quoi la substance (ooata
emplois du mot. au sens c) est dite d'emblée « cette chose particulière » (TOOE n). Elle
(1) Le sens (c), apparemment ordinaire, de « substance » se rencontre est même cette chose particulière, déterminante, selon Métaphysique, A,
dans les passages que je viens d'évoquer, c'est-à-dire en 402 b 24, 8, 1017 b 25-26). C'est pourquoi ooata et TOOE n sont volontiers accou-
410 a 20 et 21, ainsi qu'en 412 a 6 et 414 a 14, bien que là, Aristote plés (402 a 24 et 413 b13 : cf., supra, B.3.c). Aristote pense-t-il alors à
évoque la possibilité que le mot désigne aussi quelque chose de plus la substance (c) ou à l'essence, c'est-à-dire à la forme substantielle (b) ?
précis! Le DA notifie expressément qu'avec le sens (c) de « sub- Il accouple aussi OOata et Ti san (402 aB: cf., supra, B.3.c), visi-
stance» le mot oùata s'applique au composé (412 a 16) et à tout blement pour la même raison. J'incline donc à croire qu'il pense à
corps na~urel vivant (412 a 15). C'est avec le même sens qu'il figure l'essence et pas seulement à l'essence des êtres substantiels. Certes,
enfin, me semble-t-il, dans l'expression TroV aUJ.l~E~TJKOTCOV TUts Aristote semble convaincu que la première catégorie, qui est le composé
oùatats (1, 1,402 b 18). _ de matière et forme, est substance en raison de sa forme, laquelle est
(2) Peut-être Aristote prend-il le mot au sens (a) de matière substantielle cause d'être de tout (TO yàp ahtov wu dvat n1i.alv ft OOata : II, 1,
lorsqu'il fait état de l'opiniou selon laquelle «ce sont surtout ;~s 415 b 12-13). Mais de ce que ooaia au sens (b) désigne uae forme sub-
corps qui sont des oùatal, 'et parmi eux, les corps naturels, vu qu Ils stantielle et, donc, est synonyme d'essence (Tt san), il s'ensuit que
sont principes des autres» (II, 1,412 a 11-13). Mais ce n'est pas le même mot peut aussi désigner l'essence de réalités non proprement
tout à fait certain, car par ailleurs, indépendamment du fait d'être substantielles (cf. Métaphysique, A, 8, 1017 b 21-23). Et comme, de
éventuellement principes, les corps sont tenus pour des oùatat au son côté, le mot « nature» (<pDatS) désigne, lui aussi, principalement
sens (c), c'est-à-dire « des substances reconnues de tout le monde » l'essence (ooata) des êtres naturels (selon Métaphysique, A, 4,1015 a 13-
(oûatat ... OJ.l0ÀOY00J.lEVat ... (mo nancov : Métaphysique, H, 1, 15), il se trouve dans le même cas. C'est pourquoi, on l'a vu (cf., B.3.a),
1042 a 6), parce qu'ils sont des gemes d'êtres où l'on peut VOIr des Aristote accouple aussi <pDatS et oOata pour parler de la nature formelle
sujets ultimes (selon Métaphysique, A, 8,1017 b 10-14 et 23-24) et ou essentielle de quelque chose (402 a 8). D'où les multiples emplois
aussi parce que chacun est cette chose particulière (TOOE n : cf., CI- d'oOata au singulier, accompagné d'ua déterminant au génitif (passages
dessus, texte 412 a 7-8). signalés supra, B.1), où l'on peut reconnaître la désignation de l'essence
(3) C'est en revanche au sens (b) de forme substantielle que le mot de quelque chose (de l'âme, mais aussi de la hache, etc.). Quant au datif
oùata se trouve employé presque partout ailleurs. C'est le cas en II, (TTI ooaiÇ!) à valeur adverbiale, qu'on a également signalé (cf., supra,
1 412 a 21 (ft o'oùata [Tfis lJ1uxfisl SVTEÀÉXEtU), la phrase précé- B.6) et qui signifie «naturellement », il paraît donc synonyme d'« essen-
d~nte ayant indiqué à quel titre l'âme est oùata (Tilv lJ1uxilv oùatav tiellement ».
334 RICHARD BODÉÛS

D. CONCLUSION

Sauf à songer au vocable « substance» et conserver ainsi l'ambiguïté §8. PARVANATURALIA


qu'Aristote reconnaît explicitement au mot oûcria,. il n'y a pas, en ~an­
çais, de tenne unique qui pennette de toujours traduITe ce mot de la meme Pieter DE LEEMANS
façon lorsqu'il apparaît dans le DA. ,. , . •
Il prend strictement le sens de « substanc~» lorsqu, Il s applIque a
tel genre d'être particulier (t6oe n), compose de matJere et de forme, Édition de référence
correspondant à la première catégorie. . . . , ... Aristotle Parva Naturalia. A revised text with introduction and commentary by
Plus souvent, il prend toutefois une sIgmfIcatlOn parl!culIe~e, syno- Sir David Ross, Oxford ClareJ'lâon Press, 19702 •
nyme d'« essence », lorsqu'il s'applique à la fonne du compose ou, plus
généralement, à hl cause détenninante de tout être, sa nature fonnelle, Antres éditions et tradnctions consnltées :
conforme à sa définition. Psychologie d'Aristote. Opuscules. Traduits en français par J. BARTHÉLEMY
Ainsi, selon le contexte, le DA peut appeler oùcrtU (1) l'animal, dans SAINT-HlLAIRE. Paris, Dumont, 1847.
la mesure où c'est un corps animé, aussi bien que (2) son âme, dans la The works of Aristot/e translated into English. Volume III Meteoralogica by
mesure où elle est fonne constitutive de l'animal. Mais Aristote laisse E.W. WEBSTER; De munda by E.S. FORSTER; De anima by J.A. SMITH; Parva
entendre qu'on pourrait aussi appeler oùcrtU (3) son corps, dans la mesure Naturalia by J.I. BEARE and G.R.T. Ross; De spiritu by J.F. DOBsoN, Oxford,
où il est un principe constituant du même animal. De plus, sous le nom Clarendon Press, 1931.
Aristote. Petits Traités d'Histoire Naturelle. Texte établi et traduit par René
d'oùcrtu, il s'interroge aussi longuement sur (4) l'essence de l'âme, qu'on MUGNIER (Collection des Universités de France), Paris, Les Belles Lettres, 1953.
peut définir comme réalisation du corps animé. Aristote. Parva Naturalia suivis du traité pseudo-aristotélicien De spiritu. Tra-
duction nouvelle et notes par J. TRICOT (Bibliothèque des textes philoso-
phiques), Paris, Vrin, 1951.
Aristot/e. On the sou!. Parva Naturalia. On breath. With an English translation by
W.S. HETT (The Loeb Classical Library), London-Cambridge Mass., Heinemarm,
19643 •
Aristote. Petits traités d'histoire naturelle (Parva Naturalia). Traduction inédite, intro-
duction, notes et bibliographie par P~erre-Marie MOREL, Paris, Flammarion, 2000.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

De la sensation et des sensibles 0


De la mémoire et de la réminiscence 0
Du sommeil et de la veille 0
Des rêves 0
De la divination dans le sommeil 0
De la longévité et de la vie brève (Long.) 2 (465 b 6. b7)
De la jeunesse et de la vieillesse (1uv.) 2 (467 b 14,469 a 30)
De la respiration (Resp.) 1 (477 a 23)
De la vie et de la mort (Vit.) 1 (478 b 33)
PIETER DE LEEMANS
§8. PARFA NATURALIA 337
336

Toutes les occurrences (6) d'oùatu se trouvent dans la seconde partie Ilsaov (Iuv., 4, 469 a 30) et rrveullOlv (Resp., 013, 477 a 19), pour ce qui
des Parva Naturalia, c'est-à-dire dans les Parva Naturalia «physi?lo- concerne le corps.
giques ». Les deux occurrences de Long. apparaissent dans la meme Dans un passage, Long., 3, 465 b 6-7, le terme a un sens catégoriel.
Dans ce contexte figurent: ,à Èvavnu, KunlYopei:a8at, KU,Ù aUIl-
phrase 1
~S~l1KOÇ et (,0) urroKeillevov.

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES


C. ANALYSE SÉMANTIQUE

a) Morphologie
On trouve le mot oùcrtU dans cinq passages que j'analyserai succes-
~~~~"~0I-nTAI
(nombl;e total.' 6) N G D A sivement.
Sing.' 3 2
Plur .. 1
a) Long., 3, 465 b 6-7
Concernant le troisième chapiu'e, Saint-Hilaire fait remarquer que « ces
b) Syntaxe
considérations sur la desu'uction des corps se rattachent à la question de
Au génitif, le terme étudié se construit c0lI1l1',e complément d'un sub- la longévité, sans doute, mais elles en sont cependant un peu éloignées ».
stantif: comme génitif partitif dépendant de 1l6O'OV (Iuv., 4, 469 a 30), D. Ross, pour sa part, dit que l'argumentation dans la plus grande partie
comme génitif objectif dépendant d'uhtov (Resp., 13, 477 a 23), et du chapitre est très difficile à suivre. Aristote se demande quelle est la
comme génitif subjectif dépendant d'ùPXi] (Vit., 1,478 b 33). relation entre destruction et contrariété. Il dit que chaque changement
Sous la forme dative, le terme est accompagné de la prépositiQn èv et aura lieu sous l'effet d'une contrariété. Cette contrariété est inhérente à
joue le rôle d'un complément circonstanciel de lieu ~Lo~g:, 3, 465 b 6-7); la matière, et par conséquent, ~~ toutes les choses sont toujours en mou-
À l'accusatif, le terme figure comme sUjet de 1, mfmItlf substanuve vement, naissent ou sont détruites » (465 b 25-26, trad. MOREL).
Kunlyopei:a8m (Long., 3, 465 b 6-7) et du verbe etvut dans une propo- Le passage qui nous intéresse, figure au tout début de ce chapitre, et
sition infinitive (Iuv., 1,467 b 14). contient, comme je l'ai remarqué plus haut, deux fois le mot oùatu. Aris-
tote se demande « s'il y a un lieu où le destructible devient indestructible,
c) Contextes comme c'est le cas pour le feu dans les régions où son contraire ne se
Le terme se trouve dans quatre passages où Aristote discute les spéci- trouve pas ». Il donne d'abord deux arguments en faveur d'une réponse
ficités du corps et la relation de celui-ci avec l'âme. Ceci se reflète da~s positive. Selon le premier argument, aucune substance ne peut être
l'occurrence de IjIUxi] (fuv., 1,467 b 14) et ùpxi] (Iuv., 4, 469 a 3 et Va., détruite par accident.
1,478 b 33), pour ce qui concerne l'âme, et de mDllu (Iuv., 1,467 b 14), « En effet, les attributs des contraires sont détruits par accident, du fait que
ces derniers sont détruits (car les contraires s'éliminent les uns les autres),
mais aucun des contraires présents dans les substances n'est détruit par acci-
1 Nous ne discuterons pas ici la question de la composition des Parva "!aturalia,
dent, parce que la substance n'est attribuée à aucun sujet» (tr. MOREL).
à savoir si les trois derniers opuscules (Iuv., Resp. et V~t.) s,ont deux (!uv. d une part,
Resp + Vit. d'autre part) ou trois traités séparés ou des partl~s d ~n seul trruté. Remarquons ... Km" "UIl~S~l1KàS ô' 0091:v ,rov sv ,ais OO"iUlS svan(rov cp8sips,at,
encore qu'on trouve oùcr{a deux fois dans le De incessu ammalu,l11; (704 b 16 ~t 708 a 1~) otà 1"0 )..lT]03VOÇ tmoK3t)..lÉVOU KŒ1"T]yopstcr9m tiIv oùaiav.
et une fois dans le De motu animalium (699 a 22); ces d~ux traites o~t paITOlS et~ CO?-Sl-
dérés comme faisant partie des Parva Naturalia. ToutefOls.. dans la presente cont:nbutlOn, D. Ross résume cet argument comme suit: «Everything that is des-
nous ne considérerons pas ces deux textes, qui sont traItés par L. Bod,son, cl-dessus,
tructible per accidens is an attribute of a contrary. No substance is an
ch. ID, §6.
338 PIBTER DE LEEMANS §8. PARVA NATURALIA 339

attribute of a contrary. Therefore, no substance is destructible per acci- « Or, si chacun des deux principes se trouve<au milieu de la substance,
dens » (p. 288). 1mv !:v 1Ulç ouaiatç ÈvaniOlv signifie donc «the chacune des deux parties peut accomplir de la meilleure marùère sa fonction
propre» (tr. MOREL).
contraries among substances» (Ross, I.e.), « les contraires qui sont dans
les substances, c'est-à-dire qui sont substances eux-mêmes» (SAINT- Èv Til> flScr<P 8i: Tfiç où"iuç Tfiç àpxfiç oüa'lç ÉKaûpuç flUÀ-taTu av àllO-
t8Àol trov Jlopicov f:Kan:pov tO auto\) Ëpyov.
HILAIRE, p. 290).
Il n'y a aucune discussion concernant le sens d'oùcrîa dans ce Dans le deuxième chapitre, Aristote avait dit que tous les animaux
contexte, que tous les traducteurs rendent par « substance» - seul complets se divisent en trois parties: «l'une par laquelle ils reçoivent leur
G.R. Ross spécifie qu'il s'agit de «real substance ». En effet, l'argu- nourriture, une autre par laquelle le résidu est évacué, la troisième étant
ment est centré sur l'opposition entre « attribut» et « substance» et a au milieu de celles-là» (luv., 2, 468 a 13-15). La meilleure position pour
pour objet les éléments, ce qui nous rappelle la première définition l'âme est au milieu du corps.
d'ouaia dans Metaphy~ica d, 1017 a 16 s. où l'on retrouve cette oppo- La plupart des traducteurs ont rendu ouaia par « substance» (Morel,
sition et où les éléments sont énumérés comme exemples. ,L'idée que Tricot, G.R.T. Ross, Hett). Toutefois, étant donné qu'Aristote parle ici de
la substance n'est attribuée à aucun sujet se trouve aussi dans, e.a., la position de l'âme dans le corps, il est tentant de donner un sens encore
Cat., V, 2 a 11-14. plus strict à ce mot. C'est en tout cas ce que Mugnier et D. Ross ont fait:
le premier parle de « substance corporelle», tandis que le second utilise
b) [uv., 1,467 b 14 le terme « body »2.
Ce passage figure dans le premier chapitre du traité. Aristote dit:
d) Resp., 13, 477 a 23
«Nous avons traité de l'âme en d'autres endroits, et il est clair que sa substance
n'est pas celle d'un corps, mais il est cependant manifeste que celJ-e-ci réside Dans le De iuventute, Aristote a argué que la chaleur naturelle est pro-
bien dans une certaine partie du corps et dans l'une des parties qui exercent duite par le cœur et que la mort est provoquée par la destruction de la cha-
leur puissance sur les autres» (tr. MOREL, p. 173). leur dans le cœur. Toutefois, la chaleur elle-même a besoin d'une com-
s"si 8i: "Ept 'l'uxfiç Èv Éûpotç 8tÛlptcrTUl, KUt 8fiÀ-ov on oùx oi6v T' pensation, c'est-à-dire d'un refroidissement; sinon, eUe consumerait toute
dvat aroJlU titv oùcslav ut'y'Cftç··· la nourriture. Le refroidissement est causé, entre autres, par la respiration.
Morel et Tricot traduisent ouaiu par « substance ». D. Ross préfère Dans le Resp., Aristote discute d'abord les opinions de ses prédécesseurs
« nature» «< clearly its nature is not corporeal »), une traduction alter- avant d'exposer sa propre théorie (ch. 8-16). La seule occurrence d'ouaia
native suggérée aussi par Morel dans son introduction. Hett, Mugnier et se trouve dans cette dernière partie, plus spécifiquement dans le trei-
Saint-Hilaire proposent «essence », tandis que G.R.T. Ross rend le terme zième chapitre (= luv., 19). Ici, Aristote demande tout d'abord pourquoi
par «its essential reality ». Peut-être une traduction moins spécifique et certains animaux disposent de poumons 3 . Il répond que « les animaux
moins connotée serait-elle souhaitable, c'est-à-dire, quelque chose comme les plus nobles se trouvent parmi ceux qui ont le plus de chaleur, car ils
«l'être de l'âme n'est pas corporel ». Cf. DA II, 2, 414 a 19 où Aristote se trouvent en même temps nécessairement avoir aussi l'âme la plus
dit que l'âme n'est pas un corps, amfla fli:v yàp OUK Ëan. Je proposerai noble». Pour cette raison aussi, les animaux dont les poumons sont rem-
une traduction semblable dans le passage n° 4. plis de sang et chauds, sont plus grands: les poumons de l'homme sont
remplis du sang le plus pur et le plus abondant, et par conséquent il est
c) [uv., 4, 469 a 30 le seul dont la position du corps correspond à celle de l'univers. Aris-
tote conclut:
Au début du quatrième chapitre Aristote récapitule en disant que le
principe de l'âme sensitive et le principe de l'âme nutritive et augmenta- 2 Saint-Hilaire a plutôt fait une paraphrase qu'une traduction de ce passage (p. 322).
tive doivent être situés dans une partie au milieu du corps: . 3 Aristote parle du poumon au singulier.
PŒTER DE LEEMANS
§8. PARVA NATURALIA 341
340

'11cr't8 tllÇ oùcrta; Kuî 'toùt'Ql Kat 'toiç uÂ.Àotç 98tÉOV'UÏ't"toV aùto Ka8u1t8p toutefois, on pourrait se demander dans quelle.m.esure on peut dire que
ottOÛV aÀÀo -roov ,..lOptrov. "EXEl 1-l8V oÙV 8V8KŒ ::WDtOU. « aucune autre partie» n'est une cause d'existenée. Je préférerai donc la
traduction «essence », ou peut-être, un peu moins spécifique, «nature» :
Deux interprétations de ce passage ont été proposées. D'une part,
le poumon est une cause de la nature de 1'homme, le poumon fait que
D. Ross, G.R.T. Ross et Morel traduisent oÙGla par «essence », D. Ross
l'homme est ce qu'il est.
parlant de «essential nature ». Pour eux, aln:o réfère à 'Coû"Co '"Co ~6ptov,
c'est-à-dire le poumon. En plus, ils donnent tous, sauf Tricot, un sens spé-
e) Vit., 1, 478 b 33
cifique à ahtov <i.e. dvat> : « déte!miner» (Morel)4 ; « ... be assigned
to» (G. Ross), « contributes to » (D. Ross) : Au premier chapitre de ce texte (aussi considéré comme Iuv., 23 et
«Il faut admettre que cette partie détermine l'essence, aussi bien de Resp., 17) Aristote dit :
l'homme que des autres animaux, au même titre que n'importe quelle autre « La mort, c'est-à-dire la destruction se produit de manière identique chez
partie» (tr. MOREL). tous les êtres qui ne sont pas imparfaits. Chez les êtres imparlaits, elle est
~< This part contrlbutes as much as any other to his essential nature, and to presque identique, mais elle se produit de manière différente ( ... ) Ainsi,
that of other animaIs» (par. D. Ross). chez tous les êtres, la destruction vient d'un manque de chaleur. Chez les
« Hence this organ as much as any other must be assigned to the essence êtres complets, ce manque se produit dans la partie où réside le principe de
of the animal both in man and in other cases» (tr. G. Ross). leur substance (oûcriu)>> (tr. MOREL).
«Par conséquent, on doit assigner le poumon comme une cause de l'essence, . .. 1CUcrl Jlf:V oÙv ft cp90pà riVE'tul olà 9Ep)lOÜ nvoç ËKlvEl'V1V, 'Colç of:
tant pour l'homme que pour les autres animaux, au même titre que pour 18À.sLotÇ, ev q, 'fiç OÙ"',,, f] âpxi].
n'importe quelle autre partie» (tr. TRICOT).
La partie en question où réside le pdncipe de l' oùGta est l'une des
D'autre part, Saint-Hilaire, Mugnier et Hett proposent la traduction trois parties des animaux (complets) discutées plus haut, la partie
«existence» et conservent une traduction plus stricte d'aïnov. Toute- médiane; chez les animaux sanguins, c'est le cœur, et chez les non-
fois, leurs interprétations diffèrent: pour Mugnier et Saint-Hilaire, le sujet sanguins, la partie analogue. Morel est le seul ici à rendre oÙGla par
de la phrase est le poumon, tandis que Hett a interprété la structure de la « substance». Toutefois, dans son introduction il parle du « principe
phrase de manière assez différente: vital» (p. 54). Saint-Hilaire et Mugnier, pour leur part, l'interprètent
« Par suite il faut supposer que le poumon est à la fois pour l'homme et pour comme «le principe de l'existence », Tricot, D. Ross et G. Ross respec-
les autres animaux une cause même d'existence, comme n'importe quelle tivement comme <~ principe de leur essence», « the essential principle »
autre partie du corps» (tr. MUGNIER). et «the source of the creature's essential nature », tandis que Hett choi-
« Par conséquent, il faut penser que le poumon est pour l 'homme, aussi bien sit un terme plus général « the source of their being ».
que pour tous les autres animaux, une cause d'existence non moins effica~e
La traduction plus générale de Hett est peut-être la plus adéquate.
qu'aucun autre organe» (tr. SAINT-HILAIRE). ~< Sa that the reason for Us
existence both in this and in other animaIs must be assumed, just as in the L'exemple qu'Aristote donne du deuxième sens d'oÙGlu (la cause de
case of any other parts» (tr. HETT). l'être des sujets) dans la Métaphysique, L'o., VIII, 1017 b 15 est celui de
l'âme, qui est pour l'animal ahtov 1:OÙ slvat. oùGta dans le passage
Il me semble certain qu'il s'agit du poumon qni est la cause de l' oÙGla .
discuté ici me semble avoir un tel sens, c'est-à-dire 't'où etvat : l'âme est
pour l'homme et les autres animaux, et qu'il ne faut pas traduire «la
le principe de l'être.
cause de l'oùGta du poumon ». La traduction d'oùGla par existence est
attrayante, parce que, par la présence du poumon, une réfrigération adé-
quate est en effet réalisée, sans laquelle la destruction serait inévitable; D. CONCLUSION

Il n'y a que six OCCUITences du mot OÙGlU dans les Parva Naturalia,
4 Dans une note en bas de page, Morel donne la traduction littérale «est cause de
toutes dans les traités qui discutent de la relation entre l'âme et les
l'essence» .
342 PIBlER DE LEEMANS

fonctions vitales et se demandent surtout comment la vie peut être


conservée. Il n'est donc pas étonnant que nous trouvions ouata trois
fois dans des passages où il s'agit de l'âme. Dans deux de ces pas- §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14)
sages, Aristote utilise le mot en relation avec l'âme elle-même. Dans
ces deux cas nous avons proposé une traduction assez générale: Annick STEVENS

[uv., 1,467 b 14: l'ouata de l'âme n'est pas corporelle.


Vit., 1,478 b 33 : l'âme est le principe d'ouata.
Édition de référence
Dans le troisième cas, il s'agit de la position de l'âme dans le corps;
Aristotle's Metaphysics. A revised text with introduction and cornmentary by
elle est dite de se trouver Èv ~q, fita<\> Bi: ~fiç ouataç, ce qui suggère un W. D. Ross, Oxford, Clarendon Press, 1924.
sens plus spécifique de « substance corporelle ».
C'est la relation:entre une partie du corps, le poumon, et la raison de Autres éditions et traductions utilisées
l'ouata qui était le sujet du passage suivaut. Le sens n'était pas évident:
traduire par ~< existence» ou par « essence }) ? Ou faut-il choisir de nou- Aristotelis Metaphysica, recognovit brevique adnotatione critica instruxit
W. Jaeger, Oxford University Press, 1957.
veau une traduction moins spécifique et moins chargée de sens? ARISTOTE, Métaphysique. Traduction nouvelle et notes par J. Tricot Paris Vrin
Dans un passage seulement, Aristote utilise ouata dans un sens très 1953. ' , ,
strict, un sens catégoriel: en Long., 3, 465 b 6-7, il dit que la substance FREDE M. et PATZIG G., Aristote/es 'Metaphysik Z'. Text, Übersetzung und
n'est attribuée à aucun sujet. Il n'est pas surprenant que ce passage soit Kommentar, München, Beek, 1988.
apparenté aux développements des Catégories et de la Métaphysique.

A, DONNÉES QUANTITATIVES

A 36
a /
B 55
r 26
Ô 44
E 5
Z 1-14 138
Total 304

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

Il n 'y a pas de constructions ou d'expressions particulières à relever.


Signalons simplement le vocabulaire associé:
Au sens d'« essence», le terme Ol)cria est souvent rapproché ou
accompagné de oplafioç, de Àoyoç, de 1à ~t Èan et de 1à ~t ~v stVŒt.
344 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 345

C'est presque exclusivement selon cette signification qu'il est complété 1. Signification générale
par un complément détenninatif. - A 5, 986 b 8 : (à propos des Pythagoriciens) «Le~ contraires sont principes
Au sens de ~< substance», il est souvent joint à 'Coos 'Ct ou à uno- des étants [ ... ] car c'est à partir d'eux comme éléments internes qu'est com-
posée et façonnée la réalité.» (tàvavtl,Q àpXat tOOV ov'tCûv' [ ... ] È:K 'tOÙtOOV
Kei~evov.
yàp chç tvon:apxov'toov cmvscr'tavat Kat 1tsnÀaa9at <paat 'tllV o\mlav).
- Cf. r 2, 1004 b 30: «Presque tous s'accordent sur le fait que les étants et
la réalité sont composés des contraires. » ('tà 0' ovta Kat tllV OÙ<Jluv ô~o­
C. ANALYSE SÉMANTIQUE Àoyoûatv tÇ, EVaVttOOv crxsoDV anavtsç croYKdcr9at).
- A 7, 988 b 13 : «Ceux qui affinnent que l'un ou l'étant est cette nature (seil.
Il n'y a pas d'occurrence du sens économique; seul le sens lié aux causale), disent bien qu'il est la cause de la réalité, mais pas qu'elle existe
ou devient en vue de lui. » (01 'to Ëv il tD ov <pacrKOVtSÇ dvat tllv
questions ontologiques est représenté. Il se subdivise en quatre groupes
totau'tllv pucrtv tfie; ~BV OÙ<Jlw; aï'nov <pacrtv stVat, oÙ ~llV 'totnoo ys
de significations, dont la première historiquement semble avoir été la plus 8vsKa 11 sivat 11 ytyvscr9at).
générale, d'où les trois autres seraient issues. Le sens le plus général est - A 8, 989 b 23: «Mais ceux-là ne se sont trouvés familiers que des
la substantivation du verbe «être» : l' oOcrta est « ce qui est», en un discours sur la génération, la destruction et le mouvement, car c'est
sens quasiment synonyme de ~O ov. pour ainsi dire seulement à propos de cette réalité-là qu'ils cherchent les
principes et les causes. » (àÀÀà yàp O~tot ~èv tâte; 1tSP! yévscrtv ÀoYOte;
Ensuite, une première réduction de l'extension du teffile se fait en limi-
Kat <p90pàv Kat KtVllatV otxStot tuyxavoocrt ~ovov crxsoov yàp 1tSpt
tant le statut d'oùa{a à «ce qui est au sens premier », ce qui est d'une TijÇ TotaUTT]ç où"iaç Kal Tàç dpXàç Kal Tàç ahiaç ST]TOÙ'" f!6VT]ç).
manière plus fondamentale que le reste et qui, par conséquent, sert de prin- - A 9, 992 a 10: «Voulant ram~ner les réalités aux principes, nous
cipe pour les autres étants. Cette première étape se caractérise par le fait posons les longueurs à partir du court et du long, c'est-à-dire d'un
que le critère de sélection de l'être premier n'est pas encore précisé: ou certain petit et grand, le plan à partir du large et de l'étroit, le volume à
partir du profond et du non profond. » (pooÀo~SVot 08 tàç oÙ<Jla~ àva-
bien parce qu'il est encore indifférent, parce qu'on se situe dans une dis-
yEtV Eiç Tàç dpXàç f!TJKTJ f!èv T\8E).IEV ÈK ~paXÉoç Kat ~aKpo(5, 8K
cussion préliminaire sur l'être (c'est pourquoi on trouve surtout cet emploi HVOÇ jltKpOÛ Kat ~syétÀOU, Kat È:nl1moov È:K nÀa'téoç Kat cr'tsvoû).
dans les passages doxographiques), ou bien parce que l'affirmation est
valable quel que soit le critère. Cependant, ce demier cas doit être exa- Après le recueil, au livre A, de l'héritage philosophique disponible
miné avec une attention particulière, de manière à éviter d'attribuer à la pour instituer une science des premiers principes et des premières causes,
même réalité une primauté due à des critères incompatibles entre eux - Aristote passe en revue, au livre B, toutes les difficultés inhérentes à l'ex-
Aristote montre que c'est ce qni arrive aux fonnes platoniciennes. tension de cette science et à la détermination de ces premiers principes.
Enfin viennent les deux significations les plus connues, dans lesquelles Les réponses n'arriveront qu'à partir du livre r, la première d'entre elles
« ce qui est au sens premier» est sélectionné selon deux critères explicites étant que les premiers principes doivent appartenir à une certaine nature
et bien distincts: le critère d'antériorité du sujet par rapport aux attributs par elle-même, et que cette nature ne peut être que l'ensemble des étants,
produit la signification de «substance », le critère d'antériorité de la déter- considérés en tant qu'étants (r 1, 1003a 26-32). Mais dans ces trois livres,
mination et de la définition prodnit la signification d'« essence ». Il est par- l'ensemble des étauts est également désigné par «toute l'oùaia» ou
ticulièrement remarquable qu'au livre Z ces deux critères convergent pour « toutes les oùatat», de telle manière qu'on ne voit aucune raison de
mener à la détermination de la fonne substantielle comme oùaia 1t pro~T]. réduire à ce stade le champ d'investigation aux seuls étants de la pre-
Les quatre significations peuvent se trouver soit au singulier soit au mière catégorie. C'est pourquoi, la traduction par « réalité » me semble
la meilleure dans tout ce contexte.
pluriel.
Dans cette première partie de la Métaphysique, on trouve rarement la - BI, 995 b 7, Il : «La première difficulté, à propos de ce que nous avons
signification d'« être» au sens du «fait d'être », et pas une seule fois intenogé dans le préambule, est de savoir s'il appartient à une seule ou à
celle d' « existence », attestée dans quelques passages du corpus. plusieurs sciences d'étudier les causes, et s'il appartient à la science de voir
346 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 347

seulement les premiers principes de la réalité ou aussi les principes à par- mais aussi les propriétés, celles qu'on a citées el,l' antérieur et le postérieur,
tir desquels tous font leurs démonstrations [ ... J. Si c'est à propos de la réa- le geIl!e et l'espèce, le tout et la partie, et les autres du même type. » (on
lité, y a-t-il une seule science pour toutes ou plusieurs? » (san O'O::TCoptu ef:V ouv IltaÇ Sntcr1:"llllÇ 1:à DV fi DV 8smpflcrat Kat '"Cà ùnupxov'"Ca a(ncP
rot
np ll )..lÈv nepi &v ê:v ,tOie; 1tEcppotl.nacrIlÉvOtC; Ûlll1tOP1lcrUj..lEV, nôtEpOV Tt DV, DfiÀ..ov, Kat on où 1l0VOV 'tOOV OÙO'lIDV ùÀÀà Kat 1:00V ùnapxov'tmv
l'laÇ il "oÀÀmv S"ICHTjl'mV 8EwpTi,ml ,àç ah,,'ç' Kai "O'EPOV ,àç 'Tiç ft aÙ'"Cll 8EmpllnK", 'tOOV 'tE dpllllÉVffiV Kat nspt npo'"CÉpou Kat 6cr'"CB-
où",,,ç dpXàç ,àç "ponuç SCHi 'Tiç smcrn'll'Tjç (OElV l'0VOV ilKui "Epi pou, Kat yÉvouç Kat E'(OOUÇ, Kat oÀ..ou Kat IlÉpOUÇ Kat '"Cillv aÀ..À..mv '"Cillv
tOOV dpxôw è1; d)v OEtKVUOUO't rcâVtEÇ, [ ... ] Ei t' ~crn 1tEpi tftv oùaiav, '"Cotûunov).
n:OtBpOV )..lia TrEpt nucraç llnÀElovÉç clal ;). - Id., 1004 b 9 : «Ce n'est pas en cela que se sont trompés ceux qui ont
_ B 2, 996 b 31 : «À propos des principes démonstratifs [... J, une seule examiné ces <notions>, comme s'ils n'étaient pas philosophes, mais
science doit-elle les étudier ainsi que la réalité, ou une autre, et, si ce TI' est parce que la réalité est chose antérieure, à propos de laquelle ils ne savent
pas une seule, laquelle faut-il appeler celle que nous cherchons mainte- rien. » (Kat où 't'aûtTI âllap'tavoucrtv ot nEpt aù'toov crKonoûllSVût
nant?» (m::pi 'trov U1t03B1K'ttKO)v dpX&v [ ... ] 1tOtEpOV Ilia 'toutmv cOç où <ptÀ..ocro<pOÛV't'sç, ÙÀ..À..' on npo'"Cspov ft oùala, rtE pt ~ç oùOf:V
smcrnll'Tj Kui 'iiç OÙ"',,,
il "'BpU, Kliv El 1'1) l'lu, "mBpuv J(p1) "pocru- 8naîoucrtv).
yOpEDElV ,1)v STjWUI'BVTjV vGv :).
Les notions en question, dont font partie celles qui sont citées dans
_ Id., 997 a 2 Ùltç où"'''ç), a 11 ('Tiç OÙ"',,,). le deuxième extrait ainsi que toutes celles qui relèvent de l'un et du
Réponse en multiple (même, semblable, égal, différent et leurs opposés), sont les
_r 3, 1005 a 21 : «Il faut dire s'il appartient à une seule ou à une autre «propriétés par soi des étants en tant qu'étants », précisément parce
science d'étudier ce qu'en mathématiques on appelle les axiomes, et la réa~ qu'elles s'appliquent aux étants de toutes les catégories; la réalité dont
lité. Il est manifeste que c'est à une seule et à celle du philosophe que elles sont les propriétés ne peut donc être limitée aux seules substances.
revient l'examen de ceux-là.» (A8K'tBOV 08 no't8pov ~taç ft É't8pW;
B1Clcr'tft~l1Ç 1t8pi '"Cs 1:00V èv 'toiç llu9iU1Ucrl KUÀOUJlBVroV àÇtffiJ.lU'tffiV Kat C'est aussi l'ensemble de la réalité ou des étants qui peut être divisé
"Epi 'Tiç OÙ"'",, <pavEpov 01) on l'laÇ 'E Kai 'iiç wu <pIÀOcrO<pOU Kui en deux sous-ensembles: les mobiles et les immobiles, dont s'occupent
1) "Epi 'OD'WV scr,i crK6\jfIÇ). des sciences différentes. La science du mobile est la physique, la science
de l'immobile se divise en mathématique (pour les qualités et quantités
Autre question:
abstraites de la matière) et en philosophie première (pour les formes
_ B 1, 995 b 19, 20: «L'étude doit-elle porter seulement sur les réalités séparées de la matière) :
ou aussi sur les attributs par soi des réalités? » (no't8pov 1t8pi 'tàç oùcria-;
ft 9EmptŒ Ilovov eO"tlv ft Kat 1t8pi '"Cà aUIlPsPllKO'tU KUO' Qu'Cà taiç - r 2, 1004 a 3 : « Il y a autaut de parties de la philosophie qu'il y a de réa-
oÛcrlulÇ ;). lités, de sorte qu'il y en a nécessairement une première et une suivante;
_ B 2, 997 a 25: «En outre, l'étude concerne-t-elle seulement les réalités en effet, l'étant se trouve immédiatement posséder des genres. » (1:ocruu't'u
ou aussi leurs propriétés? » (ËH of; nOt8pOV 1tEpi 'tàç oùcrlao; 1l0VOV ft IlSPll <ptÀocro<piaç ecrnv ocrat n8p al oùahu: rocr't8 àvaYKuiov dvai
8EWP'U smiv il Kul "EpI ,à crUI'PEpTjKO,a 'UD'utÇ ;). nvu "panTjv Kui SJ(OI'BVTjV u{nmv. ""'"PXEt yàp Eû8ùç ySVTj EJGOV
'0 DV).
La réponse se trouve en
_r 2, 1004 a 33 «li est donc manifeste que c'est à une seule qu'il appartient Les genres de j'étant ne signifient pas ici les catégodes, mais l'oppo-
de fournir un discours sur ces <notions> et sur la réalité (c'était l'une des sition entre les étants mobiles et immobiles, comme on le voit bien un peu
questions posées dans la partie aporétique) et qu)l appartient au philosophe plus loin :
d'être capable d'étudier tout cela. » (<pavspov oùv (OrtSP Sv 'miç ùrtopünç
eÀÉ x Oll) on IUÛÇ rtSpt 1:0U1:ffiV Kat 1:flç OÙ"laç S{Ht À..oyov Ëxstv 1:01'51:0
- r 3, 1005 a 35 : "Puisqu'il y a quelqu'un au-dessus du physicien (car la
D' ~v §v 1:0lY ev 1:oiç ànoPllllacrtv, Kat Ëcrtt 1:00 <ptÀ..ocro<pou rtSpt 1tIIvnOV nature est un des genres de l'étant), l'examen de ces questions appartient à
oDvucrOm 8EWpEiV). celui qui étudie en général, y compris la première réalité. » (8net 0' ~crnv
_ Même conclusion en r 2, 1005 a 15 : «li est donc clair qu'il appartient à une Ën 't'oû <pUcrtKOU ttç àvm1:épm sv yap tt yÉvoç '"Cou DV'"COÇ ft <pûcrtç, 't'ou
seule science d'étudier l'étant en tant qu'étant et tout ce qui lui appartient Ka86Àou Kat 't'oû n8pt 't'llV nponllv oùalav 8smpllttKOU Kat ft nE pt
en tant qu'étant, et aussi que la même étudie non seulement les réalités WD'WV av E1Tj crKB\JfIÇ).
ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 349
348

En effet, le physicien n'étudie pas la réalité immobile tandis que le La question portant sur les formes platoniciennes et les immatériels
philosophe général les étudie toutes, ce que conclut finalement Aristote mathématiques va progressivement se dédoubler en, d'une part, l'examen
de leur existence même, d'autre part, l'examen de leur substantialité, Au
en:
livre M, les nombres vont être définis comme existant dans les grandeurs
_ ï 3, 1005 b 6: «li est clair qu'il appartient au philosophe et à celui qui
étudie toute la réalité, en tant que telle, d'examiner aussi les principes du
sensibles et abstraits par notre esprit, tandis que les formes telles que les
raisonnement. » (on J..lf:V o()v tOO <ptÎvocr6<pou, Kat 't00 1tspi néH:rrl<; tflç conçoit Platon seront jugées inexistantes, Déjà au livre B, plusieurs argu-
oùO'ia~ 9sropoüV'tOç Ti nÉ<pUK8V, Kat 7tspi 'tmv (iuÂ.ÀoytCrttKmV dpXmv ments sont avancés pour et contre le statut substantiel des nombres; ces
ècr'ttv È1tW'KÉ'VucrSm, 8flAOV). passages figurent à la rubrique « substance»,
La même affirmation est reprise au livre E, où l'on voit également que Un autre contexte dans lequel le sens général est préférable est
la réalité mobile ne se limite pas aux seuls substrats des affections: celui de la notion de perfection, qui peut être attribuée à tout type
d'étant:
_ E 1, 1025 b 20 :,(~ Puisque la physique se trouve concerner un certain genre
de l'étant (car elle concerne cette réalité dans laquelle se trouve de manière - LI, 16, 1021 b 21 : «Chaque chose est parfaite et toute réalité est parfaite
immanente le principe de mouvement et de repos), il est clair qu'elle n'est lorsque, selon l'espèce de Son excellence propre, aucune partie de son exten-
ni pratique ni poïétique. » (Ènsl oÈ Kat 11 qmO'tKlÎ È1tlcr'CTW:r\ '"CUYX âV81 sion naturelle ne fait défaut, » (ËKaO"'Cov yàp 'CÔ'CE 'C8lvElOV Kat oùc:ria nacra
oûcra 7tspi ysvoç n "Cou GV'WC; J'tE pi yàp tilv 'wta6tllv ècrtiv oÙŒîav Èv tOtE 'EÀEia, otav Katà 16 doo, tfi, otnia, àPEtij, 1lT)08V sÀÀEinu
~ fi àpxi] tfi, KlVl]O'EOl, Kal O'taO'EOl, Èv aOtij, oijÀov on OthE npaKnKij 1l0PtoV toù Kata 'l'ûO'tV IlEYÉ8ou,),
l3:anv oiSte 1totllHxil)·
_ Id., b 27 : Elle «est théorétique à propos de cet étant qui est capable d'être Enfin, dans quelques cas, la signification générale sera plutôt traduite
mû, et à propos de la réalité canfonne à l'énoncé de ce qui est le plus fré- par « être », comme au livre r, parmi les arguments en faveur de la
quent, mais qui n'est pas séparée. » (OemprrnKll1tspi 'wWUtOV DY 6 Ècrn réciprocité de l'être et de l'un:
ouvœrov K1Vdcr9at, Kat 7tspi oùmav tflv Ket.:rà tOV 'A,6yov mç bd tO 1WÂ.Ù
dl, 00 XOlptO'ti]v Ilovov), - r 2, 1003 b 32: « En outre, l'être de chaque chose est un, non par acci-
_ Id., 1026 a 28: «Si donc il n'y a pas d'autre réalité à côté de celles qui dent. » (sn 0' 11 ÉKâcr'Cou oÙO'la ev ècrnv où Ka'Cà crU~PEPllKÔÇ).
sont constituées naturellement, la physique serait la première science; mais
s'il Y a une réalité immobile, elle est antérieure et sa philosophie est pre- « Oûcria » est donné ici comme synonyme de « OV » ou de « dvat »,
mière. » (Et J.lÈV oiSv 1111 san nç É'tépa oùula nupà -ràç <:pUGEt crUVECY'tT\- Aristote jouant sur la double signification de ces termes, qui désignent à
KUlaç, f1 <pUcrtKll av 811l1tprotll È7t1ŒtiuJ.Jl' et o'Ëcrn nç oùcrta ŒKîvrrroç, la fois le fait d'être ou l'existence, et le type d'être ou l'essence,
autT)npotspa Kat 'l'tÀoO'o'l'ia npmtT)), De même, dans le chapitre du livre LI, consacré à l'unité, le fait que
Tout ceci répond certainement à la question du livre B : toutes les sortes d'unité d'un sujet par soi soient attribuées à l'oûcria de
_ B 2,997 a 15, 17: «D'une manière générale, de toutes les réalités, y a-t- ce sujet, impose de comprendre oorria selon la même ambiguïté:
il une seule ou plusieurs sciences? Si donc ce n'est pas une seule, de quelle - A 6, 1016 b 9: «Les choses dites unes au sens premier sont celles dont
réalité faut-il poser qu'est cette science-ci? » (ÔlvOOÇ 'CE 'C§)V OÙ<nIDV nÔ'CE- l'être est un, et un soit par la continuité soit par la fonne soit par l'énoncé;
pOV ~ia n:aO"rov èO"'CLV 11nlvElouç, 8:ntO"'Cll~at ; si ~Èv OOV ~1l ~ia, noiaç en effet, nous comptons comme plusieurs soit les non continues soit celles
oùO'{m; eE'C80V 'CllV 8ntcr'C"~llV 'Caûnlv ;). dont la fonne n'est pas une soit celles dont l'énoncé n'est pas un.» ('Cà of:
_ BI, 995 b 14, 16: «Faut-il affinner qu'existent seulement les réalités sen-
npro'Cmç ÀEyô~Eva ëv 6)V ft oÙO'la ~ia, ~{a of: ft O"UVEXElq; 11 EtOEt 11
sibles ou aussi d'autres à côté d'elles, et sont-elles dites d'une seule façon Myqr Kat yàp àpt81loÙllEV dl, nÀEtOl il ta Ili] O'UVExij il 6lV Ili] ëv 10
ou bien y a-t-il plusieurs gemes de réalités, comme ceux qui produisent doo, il 6lv 6 Myo, Ili] d,),
les tonnes et les objets mathématiques, entre celles-ci et les sensibles? »
(nô'CEpov 'Càç atO"erl'càç oÙO'la<; stVal ~ôvov cpa'C80v 11 Kat napà -:atnaç Il faut noter d'ailleurs que cette expression générale n'est pas reprise
üÀÀaç, Kat nÔ'CEpov 1..lOVaXroç ft nÀElOva 'Y8Vll 'COOV OÙO'lIDV, oiov 01
au premier chapitre du livre l, où sont rappelées brièvement les signifi-
n:OlOUV'CEÇ 'Cu 'CE E'i01l Kat 'Cà ~aellJ.tanKà ~E'Caçù 'Coû'COO':' 'CE Kat 'COOV
at0'8T)trov ;) (même question en B 2, 997 a 34, b 1, b 4), cations de l'un répertoriées en A.
350 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 351

2. Uêtre au seus premier Dans l'étude consacrée à l' oùata au livre Z';rAristote revient une pre-
Contrairement à d'autres chapitres du livre A, le chapitre 8, consacré mière fois, au chapitre 2, sur les types de choses qui revendiquent le nom
à l' oùata, ne répertorie pas les différentes significations du mot mais les d'oOata; mais i11e fait d'une manière telle qu'il semble n'avoir en vue
différentes choses qui le reçoivent, soit dans le langage courant soit dans que les substances en tant que sujets indépendants (voir, par conséquent,
le langage philosophique. La seule exigence que partagent toutes les attri- la partie suivante). Au chapitre 3, il cite à nouveau quatre types de choses
butions est que soient appelées oùatrn seulement les choses qui sont qui sont habituellement appelées ooatat, mais, par rapport à il 8, les
des conditions ontologiques pour les autres; le terme oùata a donc une limites des corps ont été éliminées tandis que l'universel et le genre ont
signification générale, qui doit convenir aussi bien au critère du sujet été ajoutés. Or ils ne peuvent figurer parmi les oùatat que selon le cri-
qu'à celui de la détermination essentielle, mais pas une signification aussi tère platonicien de l'antériorité ontologique des formes, celles-ci n'étant
générale que celle d' « étant ». La distinction entre la substance formelle pas réservées à ce qu'Aristote appelle les substances.
immanente, comme l'âme des animaux (2' sorte), et le ,t ~v dvrn de - Z 3, 1028 b 33, 35 : «L'être' au sens premier se dit, si pas de plusieurs
chaque chose (4' sorte), semble indiquer que cette dernière expression de façons, du moins principalement dans quatre types de choses; en effet, le
ce-qu' était-être, l'universel et le genre semblent être l'être au sens pre-
l'essence il' est pas à réserver aux substances, sinon les deux sortes se
mier de chaque chose, et en quatrième lieu le sujet de ceux-là. » (AéyE'CUl
confondraient. 0' ~ oÙ,!la, a\ ~âl nÀ80vaxroç, ùÀÀ' sv ,"napai ya j.uIÀ""a· Kat yàp ,à
il 8. 1017 b 10, 13,22,23 : "Sont appelés "être au sens premier" (ooaia 'Ci tiv EÎVUl Kat 'Co Ka96Àou Kat 'Co yévoç oùcria OOKEt ElvUl ÉKélO"'Cou,
Uya,m) Kat 'CÉ'Cap'Cov 'Cou'Ccov 'Co 61tOKElI1-EVOV).
1) les corps simples, comme la terre, le feu, l'eau et les autres de ce - Z 3, 1029 al: « Il faut d'abord se prononcer à propos de ce dernier, car
type, et en général les corps et les êtres vivants et les divinités qui en c'est surtout le sujet qui semble être l'être au sens premier. » (1tponov
sont composés, ainsi que leurs parties; tous ceux-là sont dits "être 1tEpt 'Coû'Cou OtoptO"'CÉov' ).la.ÀtO"'Ca yàp OOKEt etVat ovcriu 'Co U1tOKEi).lE-
au sens premier" parce qu'ils ne sont pas attribués à un sujet mais VOY npromv).
que les autres choses leur sont attribuées (li1rav-cu of: 't"UU'tŒ ÀÉyEl'at - Z 3, 1029 a 8, 10, 11 : «On a donc dit schématiquement ce que peut être
oùatu on où KaS' l)1t01Œt~ÉVOl) ÀSyEtUt àÀÀù Kct'Cà 'Co6'Ccov 'Cà l'être au sens premier, à savoir ce qui n'est pas attribué à un sujet mais ce
aÀÀa) ; à quoi sont attribuées les autres choses. Cependant, il ne faut pas le définir
2) d'une autre manière, ce qui est la cause immanente de l'être se trouvant seulement ainsi, car ce n'est pas suffisant, car cela même est obscur, et en
dans ce type de choses qui ne sont pas dites d'un sujet, par exemple outre la matière devient être au sens premier. En effet, si elle n'est pas être
l'âme pour l'animal; , au sens premier, on ne voit pas ce qui l'est. » (vvv J.1f:V oiSy nJ1tcp eïp'!J'CUl
3) en outre, toutes les parties qui se trouvent dans ce type de choses, qui les 'Ci 1to'C' sO"'CtV fI ovcria, on 'Co J.1i) KUO' U1tOKEtJ.1ÉVOU &,À'A.à KaS' ou 'Cà
délimitent et signifient un quelque chose désignable ('CÔOE 'Ct), dont la ana' oaï: 0" Jll] JlOVOV OUtffiÇ' 00 yàp iKavov' aOtà yàp tOÙtO Ii8T]Àov,
suppression entraîne celle du tout; par exemple, la smface pour le corps, Kat Ën t1 ÜÀll oùcriu yiyvE'Cut. El yàp 11-11 aÜ'Cll o\)O'io., 'Ciç Bcrnv ÜÀÀll
comme le disent certains, et la ligne pour la surface; et d'une manière Ota<pBûyat).
générale le nombre semble à certains être tel, car si on le supprime rien
La suite de cette problématique se trouve ci-dessous, à la rubrique
n'existe, et il délimite toutes choses;
4) en outre, le ce-qu' était-être, dont l'énoncé est une définition, est aussi « substance». Il Y a, en effet, ici, une transition entre l'usage général de
dit l'être au sens premier de chaque chose (Ën 'Co Ti DV etVUl, oiS Ô l'être au sens premier et son usage défini par un premier critère, celui
Àôyoç OptO"I1-Ôç, Kat 'C013'CO ovcriu ÀÉyE'CUl ÉKâO"'Cou). d'être sujet, qui donne lieu à la signification de «substance ».
Il se fait donc qu'on dit l'être au sens premier de deux façons: le sujet
ultime, qui n'est plus attribué à autre chose, et ce qui, étant un quelque chose - Z 1, 1028 a 31, 32, 35 : «Ce qui est en premier lieu, qui n'est pas en
désignable, est aussi séparable, et tel1e est la fonne et la détermination de quelque sorte étant mais étant absolument serait l'être au sens premier.
chaque chose.» (O"ul1-PuivEt oi) Ka'Cà 060 'Cp01tOUç 'Ci)v ovcriav ÀéYEO"Oat, Certes, "premier" se dit de plusieurs façons, cependant l'être au sens
'Co 0' U1tOKElI1-EVOV ËO"Xa'Cov, 6 I1-11Ké'Ct Ka'C' üÀÀou ÀÉyE'Cctt, Kat 6 av premier est ce qui est premier de toutes les façons: logiquement, épistémo-
'C60E n GV Kat XCOptO"'COV TI' 'COto13'COV of: ÉKâO"'Cou t1 l.lOpQJ11 Kat 'Co logiquement et chronologiquement. En effet, aucun des autres prédicats n'est
dooç). séparable, mais elle seule l'est; et celui-là est aussi premier logiquement,
352 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 353

car dans l'énoncé de chaque chose se trouve nécessairement celui de l'es- - Z 4, 1029 b 1 : «Puisque nous avons déterrn:iné au début en combien de
sence; et nous estimons connaître au mieux chaque chose, lorsque nous sens nous définissons l'être au sens premîer ... » ('Ensi 8' sv dpXU
savons ce qu'est l'homme ou le feu, plutôt que sa qualité ou sa quantité ou ill€IMI'€9a "oamç ôpiÇol'€v tijv où"iav),
son lieu puisque, de ceux-là aussi, nous connaissons chacun lorsque nous - Z 6, 1031 a 17 : «TI faut examiner si chaque chose est identique ou différente
savons ce qu'est la quantité ou la qualité.» (ro neârtroç av Kat où 1"1 OV à son ce-qu'était-être, car c'est utile pour l'enquête sur l'être au sens pre-
ù').),/ GV a"Àroç 1'\ où"ia av €l1l"oÀÀaxroç l'i:v oùv ÀÉy€,at '0 "pro,ov' mier. » (Ilotspov BE: 'Caùtov sattv 11 E'CSpOV tO 'Ct ~v stVat Kat 8Kaa'Cov,
OIlCüC; of: rcuvrmç ft oùcrta n:pô':rtov, Kat ÀOycp Kat yvmcrst Kat Xp6vcp. 'toov aKsn'CBov. san yap n npo spyOD npoç 'CllV nspt 'Cftç oùcrtUç aKB'Vtv).
l'i:v yàp aUmv KannOPTJI'"nllV où9i:v XroplcrtOV, autTJ ili: l'0VTJ' Kat tif>
À6ycp of: '[oi:ho npoYt:Qv àvaYKll yàp èv ti? ÉKacrtOU À6ycp ,'Cov '"elle; Même expression encore au début de Z 12, 1037 b 10,
oi}(;îa~ èvunapxslv' Kut sioÉvm oÈ 'tot' oi61ls9a ËKUcr'WV llaÀt O''tu, Tout au long du chapitre 13, on assiste à un va-et-vient entre le critère
o-ruv ti ècrnv Ô av9pûmoç yvoollsv Tl tG 1CUp, llûÀÀov il 1:0 1COtOV 11 'rD du sujet et celui de la détermination,
1tocrov il 1:0 nov, È1t8l Kat aù'tmv 'w(rroov 1:0'[8 ËKUcr'WV 'taJ..lSV, o'Cav 'Ct
san 'Co noaov-11 tO notov YVOOJ..lsv). - Z 13, 1038 b 2: « On a dit que l~ sujet est être au sens premier, ainsi que
le ce-qu'était-être et le composé des deux, et enfin l'universeL» (Â.Éys-rat
L'antédodté chronologique et la séparabilité sont plutôt caractédstiques 0' mans p 'Co unoKstJ..lSVOV où(i'ta dVa! Kat 'Co 'Cl ~v dvat Kat 'Co SK
des substauces, par opposition aux propdétés qui leur sont inhérentes, 'COlnffiV, Kat 'Co Ka90Àou).
mais l'antédorité épistémologique appartient à l'essence (le t( !;cr~l de la - Z 13, 1038 b 9 : «TI semble impossible que l'une des choses dites univer-
sellement soit l'être au sens premier.» (sotKs yàp d06vU'toV dvat
ligne 37), qui n'est ni séparée ui sujet ultime (voir à ce propos le passage OÙ(i'lUV slvat OttoÛV 'Coov Ka9oÂ.ou ÀSyOJ..lBVffiV).
parallèle du livre B, en rubrique C 4), Force est doue de constater qu'au-
cune chose précise ne réunit les trois antériorités et donc ne correspond Le premier argument apporté pal' Aristote pour montrer cette impos-
à elle seule à l'ensemble des êtres au sens premier, La seule manière sibilité est fondé sur la puissauce définitionnelle de l'essence, que ne
de comprendre cette confusion est de considérer ce chapitre comme possède pas l'universel:
une introduction qui ne tient pas encore compte des distinctions aristo- - Z 13, 1038 b 10, 12, 14: "D'abord, en effet, est l'essence de chaque
téliciennes, chose ce qui est propre à chaque chose, ce qui n'appartient pas à autre
En effet, l'indistinction des deux cdtères est manifeste lorsqu'Adstote chose, tandis que l'universelest commun. [ ... ] De quoi cela sera-t-il donc
se réfère à la tradition héritée, puisque, si tous les philosophes ont cher- l'essence? [ ... ] Car les choses dont l'essence et le ce-qu'était-être sont une
seule chose, celles-là sont elles-mêmes une seule chose. » (npoo'Cov IlÈV yàp
ché l'oÎlcr(et, ils ne l'ont pas tous définie de la même façon, C'est pour-
oùcrta l3Kaa'CoD fl ïo~oç l3Kaanfl, fl OÙX unapxs~ aÂ.Â.Ql, '"Co of: Ka9oÂ.oD
quoi la dernière phrase du chapitre (1028 b 2-7) ne doit pas être compdse KotVOy' [. :.,.] tlVOÇ oùv oùc:rtU tOû'C' sa'Cat ; [ ... ] cOv 'jàp Ilia fl où(i'la Kat
comme l'annonce d'une enquête portant sur la substance mais bien 'Co 'Cl ftv SLVUl EV, Kat atJ-rù ev).
comme celle d'une enquête portant sur ce que les uns et les autres ont
Ensuite est ajouté le cdtère du sujet:
estimé être au sens premier, et qui doit pouvoir inclure tant le corps sous-
jacent des physiologues que les fonnes de Platon: - Z 13, 1038 b 15 : «En outre on appelle substance ce qui n'est pas athibué
à un sujet, or l'universel est toujours attribué à un sujet. » (s'tt OÙ(i'tU
_ Z 1 1028 b 4: « Et d'ailleurs, ce qui, jadis comme maintenant, est toujours
Â.Éys'Cat 'Co J..lTI KaS' unoKstJ..lÉVOD, 'Co oÈ Ka9ôÂ.OD KaS' unOKStllBVOD
che;'ché et toujours embarrassant: qu'est-ce que l'étant? cela revient à: tlVOç ÀÉyEtat Ù€i),
qu'est-ce que l'être au sens premier? Car c'est cela que les uns disent
être un, les autres plus d'un, et les uns limités, les autres illimités. » (Kat Nonvel argument fondé sur l'essence exprimée par la définition:
oil Kat 'Co naÂ.at 'Cs Kat VÛV Kat àsi Srl'w6J..lsvov Kat ad anop06J..lsvov,
'Ct tO ov, 'Coû'C6 san ttç fl oùrria ('CoûtO yàp 01 J..lf:V Ëv stvat (jJUatv 01 - Z 13, 1038 b 20, 20, 23 : (Peut-il être seulement une partie du ce,qu'était-
ili: "À€iro il sv, Kat oll'i:v ,,€1t€pacrI'Éva ol ili: a"€lpet», être, par exemple le genre? Dans ce cas, il y en aura un énoncé, puis un
énoncé de celui-là, et ainsi de suite à l'infini). « Et cela ne change rien s'il
On retrouve l'usage général du tenne dans des passages qui font réfé- n'y a pas d'énoncé de tout ce qui se trouve dans l'essence, car il n'en sera
rence à l'enquête entrepdse au début de Z : pas moins l'essence de quelque chose, comme l 'homme de l 'homme dans
§9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 355
354 ANNICK STEVENS

lequel il se trouve, de sorte que la même chose se produira: il y aura, en effet,


Nouvel argument concernant les substances:;;:
une essence de celui-ci, par exemple l'animal, dans lequel elle se trouv~a - Z 13, 1039 a 3, 4, 7, 8, 11 : «En outre, c'est également clair de la manière
comme propre. » (Olu(pf;p~~n 8' OÜ~gy QUo: ~i,!.Lit 1tav't~v À6'Y?~, Éo"tt '"CillV suivante: il est impossible qu'une substance soit composée de substances
èv tfl oùO'iq;' oùoÈv~ yàp lÎHOV oUO'ta 'tou: ~crtat 'tt,voç, <'bç ~ aVep,~1tOç se trouvant en elle en acte. [ ... ] Par conséquent, si la substance est une, elle
't'ou àv8poo1tou ev
cp ùnuPXE1, mat8 'Co auto crUJ.l~1l(J81"Ut nuÀtv' Batut ne sera pas composée de substances se trouvant en elle de cette façon. [ .. ,]
q,
yàp SKetVOD où"ia, olov tà ÇqlOV, èv mg 'OlOV 67tàpXEt). Car ce sont les grandeurs insécables qui produisent les substances. (Stt os
Kat &08 ofl'Aov. ùouvatov yàp oùalav Èt; OÙO'lIDV 8ÎVat sVDnapxoucroov
Nouvel argument fondé sur l'opposition entre la substance et les ffiç ÈVtBÀBX8iq:[ ... ] ooCY't' Bi f1 oùala ev, OÙK Ecnat Èt; OÙO'1rov 8VU-
affections: rcapXODO'oov Kat Ka'tà tOUtOV tOV tp6nov [ ... ]' tà yàp ~EyÉ911 tà atoJ..la
'tàç oùalaç 1totBt).
_ Z 13, 1038 b 24, 25, 26, 26, 28: «En outre, il est impos~ible et absurde - Z 13, 1039 a 15, 16, 17, 18, 19, 20: «Si aucune substance ne peut
que le ceci et la substance, s'ils sont composés de certames ~~oses, ne
être composée des universels, du fait qu'ils signifient la sorte de choses et
soient pas composés de substances ni de ceci mais de la quallte; c~ la
non un ceci, et si aucu\le substance ne peut être composée de substances
non-substance-et la qualité seront antérieures à la substance et au ceCI. Or
en acte, toute substance sera non composée, de sorte qu'il n'y aura un
c'est impossible car ni logiquement ni chronologiquement ni Pa: la nais-
énoncé d'aucune substance. Cependant, il semble à tous et on a dit depuis
sance les affections ne peuvent être antérieures à la substance, smon elles
longtemps que, ou bien il n'y a de définition que de la substance, ou bien
pourraient être séparées. » (en of: K~t àouv~tov Kat, èitono:, t? tOOE,Ka~ principalement. » (8t yàp J..ltltB SK trov KaSôÀoD oIôv t' 8ÎVat ~lloEJ..l1.aV
où<riav Et Ëcrnv eK nvmv, ~it 8S o\JatIDV EtVat ~110 ~K 'WD tOOE tt a'A'A
oùalav otà tO totOVOB ù'A'Aà J..l1l 'tÔ08 n a11J..laîv8tV, ~tlt' Èt; oùalIDv
ÈK not~ü' 1tpOtEpOV yàp Ëatat ~1l oùala 't"f: 'Kat tO 1totOV oùalw; tE, Kat
ÈvoÉX8'tat SV'tf:À8XB1.Çt 8ÎVat ~11oEJ..tiav oùalav cruVSBtOV, ÙcrOV9BtOV èiv
tOÜ tOOE. OrcEp ùouvatov' OÜ'SE À6ycp yàp OÜtE Xp6~C[l O~tE YEVEa,Et 8111 oÙGla naaa, mat' OUOf: 'A6yoç èiv 8111 ouoBJ..ltâç oùO'ia~. àÀÀà J..lllV
olov tE tà rcû911 tftç oùalaç dvat rcpÔtEpa: Ëatat yap Kat xmptcrta).
OOKBt yB nacrt Kat ÈÀÉX81l nuÀat ft J..lOVOV oùala~ dvat opov ft
l'a'!.tcrta).
Nouvel argument à partir de la définition :
_ Z 13 1038 b 29, 29, 30 : « En outre, l'essence se trouvera dans Socrate , de
l Le chapitre 14 poursuit sur la même voie en montrant que la concep-
sorte' qu'elle sera l'essence de deux choses. » (en tcp ~mKpÛtEt 8vDrcûPSEt tion platonicierme des formes n'est pas tenable précisément parce qu'elle
où<ria, OOCYtE oDOtV eCYtat,où<ria). prétend réunir dans les mêmes entités les deux conditions pour être au
sens premier, c'est-à-dire en faire à la fois des substances particulières et
(Si l'universel est l'essence de l'essence de Socrate, il, sera en .même
temps l'essence de Socrate puisqu'il se trouvera en lut, donc II sera des essences générales pour les autres choses:
l'essence de deux choses). - Z 14, 1039 a 25: «On voit par là ce qui arrive à ceux qui disent que les
Conclusion à partir des deux critères conjoints: idées sont des substances séparées et en même temps produisent la forme
à partir du genre et des différences. » (<Dav8pov 0' SS autrov tOUtrov tO
_ Z 13 1038 b 30, 32: «D'une manière générale, si sont être au sens premier au~~atvov Kat tOtç tàç toÉaç 'AÉYODcrtV oÙO'laç t8 xmptatàç 8Îval Kat
l'ho~me et tout ce qui est dit ainsi, il s'ensuit que rien de ce qui se trouve Ulla 'to 8Îooc; ÈK tOU yÉVOUC; nowücrt Kat tOOV ota<popoov).
dans leur énoncé n'est l'essence d'aucune chose ni n'existe indépendamment - Z 14, 1039 a 32 : «Si donc il y a un homme en soi et par soi, qui est un
d'eux. » (oÀmç of: cro~~aiVEt, 8t ecrt1:.Y oÙO'la 6 a:9p~1t?C; Kat o~a OÜt~ ceci et est indépendant, il est nécessaire que les termes dont il est composé,
MyEtat, 1'119i:v trov sv ti\l MyCfl ElVat 1'110EVOS OU"UlV 1'11 0E XffiptS par exemple l'animal et le bipède, si~nifient également un ceci et soient
unûPX 8tVa(:rcoov). . ' . indépendants et substances. » (d oùv satî nç avSpmnoç aùtoç KaS'
_ Z 13 1038 b 35: "Il est donc manifeste que nen de ce qUi appartlent autov tÔ08 tt Kat KBXroptcrJ..lÉvov, ùVÛyK11 Kat Èt; &v, olov tO çcpov Kat
univ~rsellement n'est être au sens premier et qu'aucun des attributs com- to O1.noov, tÔOE n a11J..lafvEtV Kat dvat xmptCYtà Kat oùaia~).
muns ~e signifie un ceci mais une certaine sorte. » (<paVEpo~ on o..?Of:V tOO~ - Z 14, 1039 b 8, 9, 13, 15 : «Les choses dont l'essence est l'animal seront
KaSô'AoD unapxovtmv oùala sat1., Kat on ouosv cr11J..latV8t tmv KotVn pour ainsi dire infinies, car ce n'est pas par accident que l'homme est com-
Kat11yopOUI'ÉVffiV tOOE n, IlA'!.à totOVOE). posé de l'animal. En outre, l'animal en soi sera multiple, car en chaque chose
l'animal sera une substance (car il n'est pas dit d'un autre sujet). [ ... ] En
outre, toutes les choses dont est composé l'homme seront des idées, donc
1 Certains manuscrits ont un deuxième oocrîa, au nominatif ou au datif.
356 ANNlCK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE CA - Z 14) 357

il n'y aura pas idée d'une chose, essence d'une autre (car c'est impossible), - A 3, 983 b 10: «Ce à partir de quoi sont tous·-Ies étants et la chose pre-
donc sera un animal en soi chacun de ceux qui se trouvent dans les animaux. mière d'où ils naissent et vers laquelle ils périssent finalement, tandis que
De plus, de quoi sera composé celui-là, et comment le sera-t-il à partir de la substance subsiste mais change d'affections, c'est cela qu'il disent être
l'animal en soi? Ou comment l'animal dont l'essence est cela même, l'élément et le principe des étants.» (êç o~ yàp écr1"tv anavta 1"à oV1"a Kat
pourra-t-il exister à côté de l'animal en soi? » (anEtpa cbç E1tOÇ El.nEiv Èç o~ ylyVE1"at nponou KUt BtÇ Ô <p9ElpB1"at 't'BIvEu't'ulov, 't'ilç J.!Èv oùO'iaç
g(Jtat div f] oum" si(lov' ou yùp lmtÙ (JUj.l~8~l1KOÇ tK sq,ou !,v9po.moç. U7tOJlBVOÛcrllÇ 1"olç oÈ na8Bcrt J.!B't'apaÀÀoucrllÇ, 't'oû't'o a't'otXBlov Kat
Etl1toÀÀà sa'tut aùto 'Co SQ>ov' ouata t3 yàp "Co 8V f:Ka~rt(:p çcpov où yàp 't'u(nllV dpxftv <paatv dvut 't'ÔW OV't'oov).
Kat' aÀÀo Â,Éye'tUl" [ ... ] Kat En loÉal unuvta èS rov 0 av8pco1toç'
OÙKOOV OÙK aÀÀou Ilev ioÉu ëcrtat aÀ/vou 8' oùcrla ÙÛUVU1:0V rup' a~)'[ô Même affirmation en A 4, 985 b 10 et en r 3, 1005 b 6.
apa Çooov ëv f:Kacr'wv satat trov 8V ,toiç çqmtç. En BK ttVOç 'tOÙtO, Kat Aristote critique la conception anaxagoréenne de l'origine de l'univers,
nffiç E~ aOtoù seVOD ; li nroç oi6v 'tE dVŒ1 tO s0ov, <p oùO'ia 1:0ÙtO aù"Co, selon laquelle dans un premier temps « toutes choses étaient ensemble» ;
nap' aôto tO si(lov ;). parmi les conséquences absurdes de cette thèse, il relève celle-ci :
- A 8, 989 b 3 : « Les affections et les accidents seraient séparés des subR
3. Première catégorie d'étants: la snbstance stances. » ('t'à naeT] Kat 'tà aUJ.!pEpT]Kô't'a XropiÇOH' av 't'OOV OÙO'UDV).
- A 8, 989 b 7: « Lorsque rien n'était distingué, il est clair qu'il était impos-
Dans cette section se rangent toutes les OCCUlTences où l' oùaia signi- sible de dire quelque chose de vrai de cette substance, je veux dire, par
fie le sujet des affections ou des accidents, conformément à la distinction exemple, ni qu'elle était blanche ni noire ni grise ni d'une autre couleur. »
établie dans les Catégories. (ote yàp oô8i:v ~v <1rcOK8KPlf.l8VOV, oij1..ov &ç oô8i:v ~v <11..118i:Ç 8ln8tV
Le passage du sens général à ce sens particulier est manifeste au cha- KU't'à 't'flç oùO'iaç È1Œivllç, ÀÉyro 0' oIov on O\)'(;E ÀEUKOV O\)'(;E IlÉÀav Ti
pitre du livre Ll consacré à l'antériorité. Après avoir déterminé ce qui <patÔV il il1..1..o XPÔlj.la).
- A 9, 990 b 7 : «Pour chaque chose il existe quelque chose du même nom,
est antérieur et postérieur relativement à un point de départ et au sens à côté des substances, et pour les autres choses il y a une unité au-dessus
où le sont les affections d'une chose antérieure ou postérieure, Aristote de la multiplicité, tant pour celles d'ici que pour les éternelles. » (KaS'
poursuit : BKaa't"OV yàp ôllOOVUIlÔV n san KUt napà 't'àç oùO'iaç, 'tIDV 't'E üÀÀoov
sanv Ëv Ent nOÀÀIDv, Kui Ent 't'olaoE Kat Eni 't'olç dïOîotç).
_ Il Il, 1019 a 3, 6 : «Certaines choses sont donc dites antérieures et posté-
rieures de cette façon, les autres selon la nature et l'être, toutes celles qui La syutaxe du texte n'est pas claire et a donné lieu à plusieurs conjec-
peuvent être sans les autres mais sans lesquelles les autres ne peuvent être tures ; il me semble que l'interprétation de Ross est la plus plausible,
_ suivant la division utiHsée par Platon. Or l'être se dit de plusieurs façons,
qui oppose « 1"rov üÀ,À,cov » à « 1:àç; oùataç; », cette delnière expression
et c'est d'abord le sujet qui est antérieur, c'est pourquoi la substance est
antérieure, ensuite, les choses en puissance et les choses en effectivité le sont devant donc être réservée aux seules substances.
d'une manière différente les unes des autres. » (1"à J.!Èv oi) OÜ1"oo ÀÉ:yE1"Ut Chez les Platoniciens, il y a contradiction entre l'exigence que la Forme
npÔ1"EpU Kat ücr1"Epa, 1"à oÈ Ka1"à <pucrtv Kat o~O'iav, ocra EV3f:X E1"at soit l'unité d'une multiplicité, en tant qu'essence de chaque chose, et
dvat aVEU aIvÀOOV, ~Kdva oÈ aVEU BKElVooV J.!ft· fi OtatpÉcrBt ~XP1Îcra1"O qu'elle soit un sujet indépendant, à la manière d'une substance :
TIÀa1"OOv. Ènd oÈ 1"0 dvat nOlvlvaxooç, npoo1"ov J.!Èv 1"0 UnOKElJ.!BvOV npô-
1"BpOV, OtO il o\)O'ia np61"BpOV, BnBHU èD"lvroÇ 1"à Ka1"à OUVUJ.!tV Kat KU1"' - A 9, 990 b 24, 25, 26, 29: "Suivant la conception selon laquelle nous
tvt8MX8lav). disons qu'existent les fonnes, il n'y aura pas seulement des formes des
substances mais de beaucoup d'autres choses (car la notion est une non
Le critère platonicien d'antériorité auquel se réfère Aristote est le fait seulement pour les substances mais aussi pour les autres choses, et les
d'être condition d'existence pour les choses postérieures. Le premier sciences ne sont pas seulement de la substance mais aussi des autres choses,
et il y aura de telles fonnes par myriades) ; mais suivant la nécessité et les
« oilata» désigne ici le type d'être en général, synonyme du siVa! de
opinions à leur sujet, si les fonnes sont participables, nécessairement il n'y
la ligne suivante. Le deuxième « oilata» désigne le type d'être reconnu a de formes que des substances. » (Ka'tà IlÈv TtlV un6À-T]\jftv KaS' flv etvai
comme antérieur par Atistote, selon le critère du sujet. Il existe d'autres <paj.lëV tÙç 108aç oÙ j.lÔVOV trov où,nrov g(JtUl 8'011 <11..1..Ù no1..1..rov KUi
critères d'antériorité, comme le montre la dernière phrase. 8't'SpooV (Kai yàp 't'o VÔT]JlU Ëv où JlÔVOV nEpt 't'àç oùcrîaç ÙIvÀà Kat lCa't'à
ANNICK STEVENS 19. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 359
358

trov aÀÀcov Ë;o"tl, Kat f:7tlcrtft~at ou J..lÔVOV tftç oÙGia" Btcriv ft'A'Aù Kat genre à propos desquels les mathématiciens fonJ' leurs démonstrations, ou
ÉtSPCOV, Kat aÀÀŒ of: !lupiu cruJ..lpaiw:t totaûta)' Kutà of: tO àvaYKutov est-ce une autre? Si c'est la même, la science de' la substance sera aussi
Kat tàç 86çaç "Cùç 1tBpi utl'tmv, si Ëcrn J.-lsOsKtà '[ft s'î0ll, 'toov oucrunv démonstrative, or il n'y a pas de démonstration de l'essence.» (Bi 'to (HB-
àvaYKuîov iosaç dVŒl flOVOV).
pEOV oÙO'la 'tiç san Kilt ypaJ.lJ.-lat Kilt sninEoa, no'tEpov Tfîç aO'tflç 'tal:l'ta
_ A 9, 990 b 34, al: «Il faut qu'il y ait participation à chaque chose dans yVCOpiSBlV èO''ttV ÈntO''tllJ.lllÇ Kilt 'tà O'UJ.l~B~l1KOla nBpi eKIlO''tov yÉvoç
la mesure où elle n'est pas dite d'un sujet [ ... J, de sorte· que les fonnes "Ept rov al ~a8'l~U"KUt OEIKvuoumv, lj iiÀÀ'lS, 81 ~i:v yàp 'iis u'Hiis,
seront substance; et d'autre part la substance d~signe les mêmes choses dnoOE1KnKYt nç av BÏ'Il Kilt 1Î lflç oÙO'laç, où OOKst of: 10U 'ti f:O'nv dno-
là-bas et ici. » (3d tatrtTI 8KIlCitOU j..un:ÉXBtv TI !lit KaS' Û1tOKStJ.lÉVOU OEI!;IS EÎVat), Même contexte pour 997 a 33,
AÉYB1:Œl [ ... J, rocn' ËcrtUl ouO'ia 'Cà SlÛTr tautù DE: ÈV'tuuOa oÙ(J~av
Le raisonnement est le suivant: puisque la science des propriétés est
O'llIlU{VEl KàKtl).
de type démonstratif, si la même doit étudier aussi l'essence du sujet
Même affirmation en B 6, 1002 b 29, Quant aux nombres, s'ils sont de ces propriétés, alors cette étude-là aussi sera démonstrative, ce qui
mathématiques, il ne peuveut être en même temps principes: est impossible, Certes, Aristote a déjà établi dans les Analytiques que
_ A 9, 992 a 8: ~< S'il en est ainsi, les nombres ne seront pas substances toute science démonstrative repose sur des définitions et des assomptions
mais il est clair que, s'il existe un un-en-soi et qu'il soit principe, c'est que d'existence qu'il faut établir par une autre méthode, mais c'est seule-
l'un se dit de plusieurs façons - sinon, ce n'est pas possible.» (Bi 0' ment dans la Métaphysique (surtout E 1) qu'il fait la différence entre les
OU1COÇ, OÙK BO'OV'tal OùO'lUt 01 àpt8~oi, à'J...,'Aà orVl.ov on, Etm::p sO'li n sciences qui assument simplement leurs principes et la science recher-
sv UÙ10 KUt 10i516 tcrnv dpxit, nlvEovaX&Ç ÀÉyE1Œl 10 ev' ŒIvÀCOÇ yàp
chée qui doit établir elle-même ses principes. La difficulté porte sur la
àouvuwv),
_ A 9,992 b 1, 3 : «En outre, on considèrerait que la substance sous-jacente distinction entre essence et propriétés, comme le montre la deuxième
prise comme matière est trop mathématique et est plutôt un prédicat et propositiou ; peu importe que l'on considère ou non les objets mathéma-
une différence de la substance et de la matière plutôt que la matière - je tiques comme des substances, Adstote, semble-t-il, entremêle ici deux
veux dire le grand et le petit. » (Bn of: 'trlV unoKElllÉVllV oùmav rnç UlvllV questions distinctes, mettant certainement à profit l'ambiguïté du terme
~U8'l~a"KOlTÉpav av
"s U"OMPOI, Kat ~iinov ~anlYopd,,8at KUt oôcrta.
ola<popàv dvUt lftÇ OÙO'la<; Kat 'tftç ÜlvllÇ 11 uÀllV, olov 'Co j.lÉyu KUt 10
~IKp6v).
Un peu plus loin, le développement de la même aporie prend pour
_ A 9, 992 b 22 : « D'une manière générale, chercher les éléments des étants critères de substantialité le fait de demeurer identique sous les affections
sans avoir distingué en combien de sens ils se disent, c'est rendre impos- et les changements, le fait de ne pas avoir autre chose pour condition
sible de les trouver, particulièrement en cherchant de cette manière quels
d'existence, et le fait de subir génération et périssement :
sont les éléments composants. Car de quoi sont composés l'agir, le pâtir ou
le droit, c'est évidemment impossible à saisir, même si c'est éventuellement - B 5, 1001 b 27, 29, 31, 33, 1002 a 2, 3, 4: "Une difficulté attenante à
possible seulement pour les substances. » (oÀcoç 'tE 'Co 'trov OV1COV S11 1EÎV celles-là est de savoir si les nombres, les volumes, les surfaces et les points
"'Ol)(Eta ~" olEÀ6vmS, 1toÀÀa)(WS ÀEyO~ÉVOlV, àouvawv EUpEtV, sont des substances ou pas. S'ils ne le sont pas, on ne voit pas ce qui est
aÀÀcoç 'tE Kat 'toû'tOV 'tOV lponov Sl1'toûv'taç sI; OLCOV 8cr'tt O'lOlX EiCOV . l'étant et ce que sont les substances parmi les étants ; en effet, les affec-
8K 'tiVIDV yàp 'to nOlEtV 11nétaXEtv 1110 Eù8û, OOK BO'n oftnou Ivll~Eiv, tions, les mouvements, les relatifs, les dispositions, les raisons ne semblent
dlvÀ' EtnBp, 'trov OÙO'lrov J.-lOVOV SVOÉXE'tal). pas signifier la substance car ils sont tous dits d'un sujet et aucun n'est un
ceci. Et les choses qui sembleraient le plus signifier la substance, l'eau, la
Comme je rai signalé dans la première rubrique, s'interrogeant sur terre, le feu et l'air, à partir desquels sont constitués les corps composés,
l'existence d'autres réalités que la réalité sensible, Aristote en vient à de celles-ci les chaleurs, les froideurs et les affections de ce type ne sont
examiner le statut des ligues et des nombres, de sorte que sa question pas des substances, tandis que seul le corps qui subit cela subsiste comme
un étant et une substance. Cependant, le corps est moins substance que la
devient: les réalités mathématiques sont-elles des substances ou des pro-
surface, et celle-ci moins que la ligne, et celle-ci moins que l'unité et que
priétés des substances? le point, car le corps est délimité par eux et ils semblent pouvoir exister
_ B 2, 997 a 27, 31 : « Si le volume est substance, ainsi que le~ lignes et les sans le corps tandis que le corps ne le peut sans eux. ». (TOU1IDV cV ÈXo-
surfaces, la même science doit-elle étudier ceux-ci et les attributs de chaque J.lf:Vll ànopia no'tspov 01 dpt81lot KUt 'tà crIDJ.-lU'tŒ Kat 'Cà s1dnEoa Kat ut
360 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 361

O"'ttYllui OÙcrllll'ttvÉç ctcrtv li ou. Et J.lÈV yàp Ilit elcrtv, ÔWcpctYyEt 1:1 1:0 de chaque chose. C'est pourquoi je traduis, en 1.002 a 28 comme en 1001
OV Kat 'tivaç ai oÙO'lm 'tmv OV'tffiV' T;Ù IlÈv yàp nu811 Kat ai KtVT]mnç Kat b 29, le ~&v ov~rov régi par Tj oùcr[a (al oùcr[at) non comme un com-
'Cà np6ç t l Kat ai Ûta8Écr8u; Kat oi À6yot où8svoç o01coucnv oùalav plément déterminatif mais comme un génitif partitif. En effet, si les
crTuwiv8tv ÀÉyov'tat yàp navra KUO' 61WKBtj..lÉVOU 'Hv6e;, Kat oûeÈv limites étaient dites «substances des corps», ce ne serait pas en tant
av
1:008 n' Ci of: ,.HIÀt(yt' Boss LE OTHIUtVElV oùulav, üorop Kat Y11 Kat nüp
qu'elles indiquent ce qu'ils sont mais en tant qu'elles sont conditions de
Kat âftp, èç cbv 'Cà cruve8tŒ m:OIlUtU cruVÉ;O"tT\KB, 'to6tcov 8SPf.·I,Û'"cTp:aç
llÈV Kat \jIUXPOtllt8ç Kat -rà totaû'tu nét81l, ODK OÙ(i'lat, ta
BÈ crmllU 1:0 leur existence.
tauta 1t81tov8àç J.lOVOV Ù1tO/lÉV81 <Île; DV n Kat ovO'iu nç oÛcra. ùÀÀù D'autre part, selon le critère de l'existence séparée et du sujet, la sub-
~ijv T6 y8 o-&~a ~nov ou"ia Tils sm<pavelas, Kat aliTTI Tils ypa~),tils, stance est réservée aux choses particulières et exclut les tennes généraux:
Kat aiJtll tfiç l-lovét8oç Kat 'tflç cr'tt'YIlf1ç' tOlnotç yàp roplO"'Cat '"Co mûJ.lu,
Kat 'Cà IlSV aVEU CH0J..lU'tOÇ ÈvoâX8aSut 001CEt dVŒt 'rD of: crro)!u aVEU - B 6, 1003 a 8, 9 : «Si <les principes> sont généraux, ils ne seront pas sub-
tOln;rov d86vatov). Reprise du même raismmement en B 5, 1002 a 13, 13, stances car aucun des communs ne signifie un ceci mais une certaine sorte,
15, 18. tandis que la substance est un ceci. » (d 1l8V yàp Ka96Àou, OUK eaov'tat
- B 5, 1002 a 9: «C'est pourquoi la plupart, et les plus anciens, pensaient oùcriat ooeèv yàp '"Crov KOWroV -rOOE n all)laivst ùÀÀà '"COtoVoE, il 0'
que la substance et l'étant sont le corps et que les autres choses en sont des oùcria '"COOE n).
affections. » (otOnEp oi I-1f:V noÀÀot Kat oi npo'tEpoV nlv où(rtav KCtl 'to
Au livre r, c'est toujours selon le critère de l'existence séparée que
OV Q)oV'"CO 'to arolla dvm 'tà of: aÀÀa 'tou'tou rcét9tÙ·
_ B 5, 1002 a 26, 27, 28 : ~(Si le corps est surtout substance et ses limites tous les autres types d'étants sont dits exister grâce aux substances:
encore davantage, mais que celles-ci ne soient pas substances, alors nous - r 2,1003 b 6, 7, 7, 9, 9,10: «Les étants sont dits étants parce qu'ils sont,
échappe ce qui est l'étant et ce qui est la substance panni les étants. » (roa-r' les uns, des substances, les autres, des affections d'une substance, les autres
si llâÀta-ra 1l8V oùcria -ro aroWL, 'tou'tou of: llaÀÀov 'tai3'ta, 1-111 san 08 un chemin vers une substance ou des destructions ou privations ou qualités
'taiha 1l110f: oùcrim nvÉç, ota<pEuyEt 'tt 'to av Kat -riç il oùcria 'trov ou producteurs ou géniteurs d'une substance ou de choses dites par référence
oV1roV). à une substance, ou encore des négations de celles-là ou d'une substance. »
- B 5, 1002 a 30 : « Si elle est maintenant alors qu'elle n'était pas aupara- (-rà jlÈv yàp on OÙcrlat, ov-ra ÀÉys-rat, '"Cà 0' on 1tIi911 oùuiaç, 'tà 0' on
vant ou n'est plus alors qu'elle était, la substance semble subir cela oMS 81S ou"io.v 11 <p80pat 11 o-T8pTj0-81S 11 1W16TTlT8S 11 1W1T1TlKÙ 11 y8V-
moyennant génération et destruction, tandis que les points, les lignes et les vllnKà oùcriaç il '"Crov n:poç -r11v oùcriav ÀEyollévrov, il-rou'tCùv nvoç
smfaces ne peuvent ni naître ni périr, alors que tantôt elles sont et tantôt
lino<pém81S 11 ou"iaS)·
elles ne sont pas. » (il oùcrla, Èàv 1111 oÛaa npo-rEpoV vov ilnpo'tE- n
pov oÛaa ua'"CEpov 1111 n,
IlE-rà '"Coo yirvEa8at Kat <p9EipEa9ut '"Caù'"CŒ
- ï 2, 1003 b 18, 18: «Partout la science s'occupe principalement de la
chose première, dont les autres dépendent et d'après laquelle eUes sont dites.
nûaXEw' -ràç 88 a'"CtYllàç Kat -ràç ypalljlàç Kat -ràç ènt<pavEiaç OOK Si donc c'est là la substance, le philosophe devrait posséder les principes
èVOÉXE'"Cat Otl'"CE ytyvEa8m Otl'"CE <p9EipEa9m, 0't8 Ilf:V otlaaç D'"Cf: 88 et les causes des s,!bstances.» (n:av-raxoû 8È KUptroÇ -roû n:pâ>'"Cou ft
OÙK ouo-as). Sm<YTTj~T1, Kat M; oô TÙ 1J,À.'lca ijp'T1Tat, Kat 01' 6 'lcéyoVTal. 81 oÔV TQÛT'
_ B 5, 1002 b 8 : « Il en va de même pour l'instant dans le temps, car lui non èa-rtv ft oùcrta, '"Crov oùm(Ov av oÉat '"Càç dpxàç Kat '"Càç ahîaç exEtv -rov
plus ne peut naître et périr, et cependant il semble être toujours autre, mais <plÀ60-0<pOV).
sans être une substance. » (napanÀllairoç 8' eXEt Kat nEpt '"Co VÙV '"Co ~v r 4, 1007 b 17 : « ... tout ne se dira pas par accident, donc il y aura quelque
TQi )(p6VQl' oM" yùp TOÛTQ SVOé)(8Tat yiyvw8at Kat <p88ipwOat, li'!,),: chose qui signifie comme la substance» (où rcûv'ta Ka'"Cà aUIlPEPllKOÇ
Ojlroç Ë'tEpOV dEi 80KEt dvat, OUK oùcrta nç oûaa). ÀEx9i]aE'"Cat. ea-rat apa '"Ct Kat ffiç oùuiav alll..tatVOV). L'exemple utilisé
Les théories mathématisantes du réel revendiquent le fait que les limites dans le raisonnement est « Socrate».
répondent à l'un des critères de substantialité car elles sont conditions r 5, 1009 a 37: «Nous leur demanderons de considérer qu'il existe une
autre sorte de substance panni les étants, qui ne possède ni mouvement ni
d'existence pour les corps, mais Aristote leur refuse ce statut car les
génération ni périssement d'aucune façon. » (d~u:oaoIlEv afnoùç tmQ-
limites existent en puissance ou en acte selon que l'on divise effective- ÀallPÛVEW Kat aÀÀllV nvà oùuiav dvat -rrov ov-rrov ~ OU'tE Kivllcnç
ment ou non le corps dont elles sont limites; leur existence est donc ôntip)(81 OUT8 <p80pù 0~T8 yév8<Y1S ,à naptinav).
dépendante de celle des corps et non l'inverse. Il n'y a pas de confusion r 6,1011 b 19: «Parmi les contraires, l'un n'est pas moins privation, mais
ici entre substance et essence, c'est-à-dire définition de la nature spécifique privation pour une substance, et la privation est une négation à partir d'un
362 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 363

genre déterminé. » (tmv IlÈv )'àp BvavtlOJv 8utspov c)'tépllaiç ÈCinv OOX En ce qui concerne le deuxième exemple, c<}rtes pour Alistote la ligne
~ttOV, oùcriaç os atÉpll<Jtç' fI of: a'CÉpllO'tç ùnocpacr{ç scrnv dno nvoç est plutôt une quantité qu'une substance mais il n'est pas rare qu'il prenne
cbptO"J.lévou yévouç). des exemples mathématiques pour des substances, peut-être par conces-
Le génitif oùcrtaç dans cette dernière citation ne doit pas être complis sion aux habitudes platoniciennes.
comme un génitif objectif car on ne parle pas de privation d'une sub- D'autres passages font indubitablement référence à la substance :
stance mais toujours de privation d'une affection dans une substance; en - D.. 14, 1020 b 9: « En outre, toutes les affections des substances mues [ ... ]
outre, la substance n'a pas de contraire. selon lesquelles on dit que les corps s'altèrent lorsqu'elles changent. » (sn
L'unité accidentelle désigne l'unité des attributs de la même substance : ocra 1tÛSll trov KtVOU~Évoov oùc:ru'Ov, [... ] KaS' li AÉyoV'Cat Kat dÀÀOlOUcr-
OUI TÙ crroJ.laTU !,8TU~u1cMvTCûV).
A 6, 1015 b 22: «Toutes ces choses sont dites une chose par accident, A 24, 1023 b 2: « La substance composée vient de la matière sensible,
"juste" et "musicien" parce qu'ils sont attribués à une seule substance ... » mais la fprme aussi vient de la matière de la forme. » (èK tflç aicrST\'Cflç
(nux"Ca yàp tau'tu ëv ÀÉyEtat Kutà cruIlPSPllKéÇ, 'Co IlÈv ÙtKŒlOV Kat '"Co yùp ü1cllÇ T] crUV08Ti) OU",,,, ù1c1cù Ka! TO 8100ç EK Tfîç TOU 8Ïoouç
J.lOucrIKOV on J.ll(i OU",'" crUJ.l~é~llK8V). u1cllç).
d 6, 1015 b 31, 34, 34: «"Homme" est la même chose que "homme
musicien", soit parce que "musicien" est attribué à "homme", qui est une Au livre Z, comme nous l'avons vu dans la partie précédente, le carac-
substance une, soit parce que les deux sont attribués à l'un des particuliers, tère doxographique des trois premiers chapitres entraîne une certaine
par exemple, Coriscos. Cependant, les deux ne lui appartiennent pas de la
même façon, mais l'un en tant que genre et dans l'essence, l'autre en tant
confusion des conditions à remplir pour qu'une chose soit oùcrta. Dans
que possession ou affection de la substance. » (èiv9poo1toç 'Co alno Kat certaines propositions, la condition évoquée est clairement celle du sujet,
~OU(nKOç èiv9poo1toç' 11 yàp on 'CO> dv9pcOmp ~t(i oucrn o\)(ji{.( cru~­ et donc on peut traduire par « substance » :
~é~llK8 TO J.lOUO'lKOV, 11 OTlIlJ.ltpCû TroV KaS' ËKacrTov nVI cru!,~é~llK8V,
- Z 1, 1028 a 24: « On pourrait se demander si chacune des expressions
oIov KopîcrKCP. reÂ;r1v où tOV aùtov tporeov a~<poo ùnapxEt, dÀÀà tO ~t:v
comme "marcher", "être en bonne santé", "être assis" signifie un étant,
tcrCûç cbç yévoç Kat èv TU OU",,,, TO oÈ cbç ËÇIÇ 111tu90Ç Tfîç ou"'''S)·
et de même pour n'importe lequel des autres cas de ce type; car aucun
_ D.. 6, 1016 b 3 : « D'une manière générale, sont surtout unes les choses dont
d'eux n'est de nature à -exister par soi ni n'est capable d'être séparé de la
la pensée qui pense l'être est indivisible, et qui ne peuvent être séparées ni
substance. » (otO Kav d1tOPlÎcrE1É nç nO'CEpov 'Co ~aotÇ8tv Kat 'Co uytat-
quant au temps ni quant au lieu ni quant à la définition, et, palmi elles,
V~tV Kat 'Co KaSflcrSat 8Kacr'Cov aûtrov DV crT\J..lat VEt, Ô~OtOOç of; Kat ëret
toutes cel1es qui sont substances. » (OAroÇ oÈ chv 1Î VOT\crtç dOta.tPE'WÇ li
tOOV UAAOOV ô'Cououv 'Cillv 'Cûtou'Coov' OÔot:v yàp aû'Crov ècrtiv OthE KaS'
vooûcra tO 'Ct llV EtVat, Kat ~1l ouva.'Cat xoopîcrm ~lÎ'CE Xpovcp ~lÎ'CE ton([l
~lÎt8 Â.oy([l, ~aÂ.tcrta taû'Ca Ëv, Kat tOUtOOV ocra oùc:rilll).
aÔTO 1t8tpUKOÇ OUT8 XropiÇw9at ouvaTov Tfîç ou"'''S).
- Z 1, 1028 a 27 : «li y a pour eux un sujet déterminé, et c'est la substance
Dans tous les gemes, une notion générale peut unifier les multiples et le particulier» (scrn n tO lmoK8Î)lEVOV alJtoiç CÜptcr~Évov toù'Co 0'
cas particuliers, mais Ross a probablement raison de justifier l'insistance ècr'Ctv il oùc:riu Kat to KaS' 8KacrtOv).
- Z 1, ~028 a ~5 : «L'é~ant se disant d'autant de façons, il est manifeste que,
sur les substances en ce que, puisque les autres choses dépendent de la panm ceux-la, le premIer étant est le ce-que-c'est qui signifie la substance»
substance, l'unité de ces choses dépend de l'unité de la substance. (tocrautaxroç of; Àf:yO)lÉvou tOÙ OVtOç <pavEpov on tOÛtOOV nponov DV
Seules les substances remplissent donc à la fois deux conditions dis- 'Co ti ècrnv, oreEp crll)laivEt tilv oùc:riuv).
tinctes d'unité.
On pourrait comprendre que la dernière phrase opère une identification
Parlant de l'être en puissance, après avoir cité les exemples de ce qui
entre la signification de « '"Ci Èan v » et celle de « oùaia », qui signifie-
est en puissance en repos et en mouvement, Aristote ajoute:
rait alors l'essence. Mais l'explication qui suit établit la différence entre
A 7,1017 b 6: « Et il en va de même pour les substances; en effet, nous les prédicats qui, attlibués à un sujet substantiel, signifient une qualité ou
disons que l'Hermès est dans la pierre, que la moitié de la ligne est et qu'est
une quantité de ce sujet, et le prédicat qui signifie ce qu'est ce sujet sub-
du blé celui qui n'a pas encore poussé. » (ô~oiooç ot: Kat èret trov oùc:ru.'i)v·
Kat yùp 'EpJ.lfîv EV Tq, U9'fl tpaJ.lÈv dVal, Kat TO ljJ.llcru Tfîç YPU!'J.liiç, stantiel, par exemple: ceci (~608) est un homme. Si « oùcrta » signifiait
Kat critov tOV l.L'ilreoo aopov). simplement la même chose que « 'Ci Èanv », on aurait des exemples
364 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE CA - Z 14) 365

d'attribution de l'essence à des sujets de n'importe quelle catégorie, - Z 2, 1028 b 27 : «Quelques-uns disent que l~- fonnes et les nombres ont
comme c'est le cas en Topiques l 9, 103 b 20-104 a 2. Mais il s'agit la même nature, et que les--autres suivent: les lignes et les plans, jusqu'à la
plutôt ici d'additionner les deux conditions, celle d'être un sujet séparé et substance de l'univers et jusqu'aux sensibles. » (evtot os 'tà J.1SV S'(ÙTj Kat
TOÙS àpt8JloùS "'Iv a,m'lv exEtV <paal <pUITtV, Til liÈ ii)"),,a ~X6JlEVo.,
celle d'être une essence, pour obtenir, à l'intersection des deux, l'essence
ypUJl.J.1àç KUt Bnlnsùa, Jl.f:Xpt 1tpOç tilv tOU oùpavou oùcriav Kat '"Cà
des substances. Certes, l'homme en général n'est pas un sujet ultime, 0.\a811<a).
mais l'enquête ne fait que commencer, qui doit conduire Aristote à défi- - Z 2, 1028 b 28, 30, 32: «Quelles sont les substances? Y en a-t-il à
nir la forme de la substance composée (et non l'espèce) comme étant la côté des sensibles ou pas, et celles-là, comment sont-elles? Y a-t-il une
première substance, à la fois sujet et détermination essentielle. substance séparée, et pour quelle raison et comment, ou aucune à côté
des sensibles? Il faut examiner tout cela, après avoir esquissé ce qu'est
Dans la suite du chapitre, la condition de priorité ontologique n'est pas la substance.}) ('"CtVSç slatv ouaial, Kat nô't"spov siat nvsç 1tapà 't"àç
claire, c'est pourquoi je l'ai placée dans la deuxième section. aia8Tj't"àç ft OÙK siat, Kat uO'"CŒt nmç siat, KUt 1tô'"Cspov ean nç xcopla'"Cil
En revanche, au chapitre 2, Aristote n'indique que les corps comme oucria, Kat Olà 't"L Kat 1tmç, 11 OÙOSJ.1ta, 1tapà '"Càç ata81l't"aç, aKS1t'tf:OV,
substances reconnues et s'interroge sur la substantialité revendiquée par 01to'Cu1tCOaUJ.1f:V01ç '"CT}V oucriav 1tpm't"ov '"Ct f:crnv).
d'autres philosophes pour certaines réalités, en particulier non sensibles.
Cette définition de l' Où"to.comme sujet, Aristote va montrer au
Comme il ne mentionne pas le ü ~v dvat et la forme immanente, citées
chapitre 3 qu'elle entraîne une conséquence impossible. En effet, ce qui
en Ll. 8, on peut penser qu'il se concentre ici sur le critère du sujet indé-
est au plus haut point sujet de toutes les autres choses et ce qui ne se dit
pendant:
plus d'aucun sujet, c'est la matière. Or la matière, privée de tous les attri-
- Z 2, 1028 b 8, 10, 14: "La substance semble le plus manifestement appar- buts, n'est plus rien.
tenir aux corps (c'est pourquoi nous disons que les animaux, les plantes
et leurs parties sont des substances [ ... ]) ; mais celles-là seules sont- - Z 3, 1029 a 15, 15, 16, 19 : «La longueur, la largeur et la profondeur sont
elles substances ou y en a-t-il d'autres? » (AOKer 0' ft oùcria umipXEtV des quantités mais pas des substances (car la quantité n'est pas substance),
q>avEpmtata JlÈ:v 'toie; crmllucrtV 010 '"Cil 'tB çéi)u Kat "Cà <putà Kat,tà flOptn mais c'est plutôt ce à quoi elles appartiennent comme sujet premier qui est
aùtmv oùatuç dvaî q>aIlBV [ ... J, notspov of; u\5tat JlOVUl oùcrlat Elcriv substance. Mais si l'on enlève la longueur, la largeur et la profondeur, nous
11 Ko.l iiUo.t :). ne voyons rien rester, sauf si ce qui est délimité par elles est quelque chose,
- Z 2, 1028 b 17 : «TI semble à certains que les limites du corps, comme la de sorte que la matière apparaît nécessairement comme la seule substance
surface, la ligne, le point et l'unité, sont des substances. » (00KS1 of: nat si on l'examine ainsi. » ('"Co os J.1fiKOÇ KUt 1tÀu't"oç Kat pu90ç noaô'"Cll't"f:;;
'tà 'tou aooJ.1u'toç 7tf:pu'tu, olov È7ttc{HIVStU KUt ypUJ.1J.1T} KUt anYJ.1T} Kat nvsç àÀÀ' OÛK oùcriat 't"o yàp noaov OÙK oùcria, àÀÀà J.1àÀÀov cp
J.10VUç, tÎvat oùcriat). ÙnapxsL 'tau't"a 1tp6:mp, f:KSIVÔ Èanv oùcria. àÀÀà J.1ilv à<pmpouJ.1f:vOU
- Z 2, 1028 b 20, 21, 22, 23, 24: "En outre, à côté des choses sensibles J.1lÎKOUÇ Kat 1tÀu'touç Kat pu90uç oùosv bproJ.1sV Ù1COÀS11tÔJ.1SVOV, 1tÀT}V
les uns pensent qu'il n'y a rien de tel, les autres qu'il y a plus de choses S'( 't{ Ban '"Co OplÇÔJ.1SVOV Ùno 'toû'toov, roa't"s '"CT}V DÀllV àvayKll cpatvsa8at
éternelles et qui sont davantage étants, par exemple Platon estime que les J.1ÔVllV oùaiav OlJ'"eCO aK01tOUJ.1f:Votç).
formes et les objets mathématiques sont deux substances, et que la troisième - Z 3, 1029 a 23 : «Les autres choses sont attribuées à la substance, et celle-
est la substance des corps sensibles, tandis que Speusippe conçoit encore ci à la matière. » ('Cà J.1SV yàp uÀÀa 't"fiç oùcriaç Ka'tllyopst'"Cm, aU'Cll os
plus de substances, en commençant par l'un, et pense que les principes de Tils "),,11S)·
chacune sont également substances, une sorte pour les nombres, une autre
pour les grandeurs, et ensuite pour l'âme; de cette manière donc il allonge Dans la première moitié de la phrase, la substance est le composé
la liste des substances. » (an 1tapù 'tù atafhj'tù ot J.1SV OIJK o'(ov'tQt s{VŒt de matière et de forme, dans la deuxième moitié, elle est la forme sub-
oùosv 'tOtou'tov, 01 os nÀdco KUt J.1uÀÀov oV'ta dîota, ma1tsp IlÀutcov stantielle. La difficulté quant à la substantialité de la matière est la
'ta 'ts S'(OTj Kat tà J.1U9TjJ.1UnKà OÛO oùcriaç, 'tpltTjV os tT}V 'tmv uta8Tjtmv
suivante:
acoJ.1u'tcov oùaiav, L1ts6at1t1toç os KUt 1tÀSlOUÇ oùcriaç à1to 'toi) EVOÇ
àpçaJlEVOç, KUl àpXilç ÉKa<H11ç où"i",;, iiÀ.À11V JlÈv àpt8Jlrov iiÀ.À11V oÈ - Z 3, 1029 a 27, 28; 29: "Si on l'étudie à partir de cela, il en résulte que
J.1sys8mv, 8nst'tU \l'uxfiç' Kat 'Cou'Cov OT} 'tov tpônov BnSK'tStVSt tàç la matière est substance ; mais c'est impossible, car le séparé et le ceci
où"io.S)· semblent appartenir au plus haut point à la substance, de sorte que la forme
366 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 367

et le composé des deux sembleraient être davantage substance que la rapport à la ligne entière, la partie par rappOlt a,U tout, la matière par rapport
matière.» (èK ,.û:v oÔv "WlY'[û)V eEOOpOÜCH aUIlPCtlVEt oÙCJ'lav EÎVat 't"Î}v à la substance, mais eUes sont postérieures· p~ar l'effectivité. » ('tex I-lÈv
DÀllV' douvŒ'"coV oÉ' Kat yàp '"Co xCOptO"'tOV Kat '"Co 'tÔOE 'Ct unapXBtV OOKBt yàp KUtÙ oûvu).!tv n:pot€pa ~crn 'Cà oÈ KUtÙ ~v'C€ÀSX€tuv, oIov Kutà
llaÀ10"'tcttn oùo"iV, OU) tO dooç Kat 'Co èç àJHPOtV oùo"ia 6ÔÇEtBV av 8ôvajltV jli:y TJ TJjl(rrew Tils 51c11S Kat Tà jlOpWV tOU 51cou Kut Tj ü1c11 tilS
dvut jlêi1c1coy tils ü1c11S). oÙCJiaç, KUt' ÈVt€~SX€tav 0' ucrt€pov).

Le deuxième critère de substantialité, le fait d'être quelque chose La substance désigne ici la substauce composée. Les éléments compo-
de déterminé, est utilisé ici à l'encontre de la substantialité de la matière, sants sont antérieurs au tout composé selon la puissance, car, avant d'être
qui n'est « par elle-même ni quelque chose (tt) ni une quantité ni aucune composés, ils sont le tout en puissance; ils sont postérieurs selon l'acte
autre chose par lesquelles est défini l'étant » (a 20-21). La matière est car, dans le composé réalisé, ils demeurent potentiellement isolables par
bien apte à recevoir toutes ces déterminations, mais par elle-même elle décomposition.
ne correspond à aucune. De ce fait, ce n'est pas seulement sa substan- Le chapitre 4 de Z palt de la proposition qu'un des sens de l'oùrr(1l
tialité qui est douteuse, mais même son existence quelle qu'elle soit. est l'être initial ('I:O ~( ~v dVIll) et établit que celui-ci, de même que
Aristote résoudra la difficulté en disant que la matière, considérée exclu- l'être et la définition, appartient de mauière première aux substances,
sivement comme telle, n'existe qu'en puissance, mais que tout ce qui secondairement aux étants des autres catégories, et d'une autre façon
existe en acte et sert de matière à autre chose est déjà nne substance encore aux expressions composées :
composée déterminée. Il s'agit cependant bien d'une substance en puis-
sance, comme le confirme le livre H. - Z 4, 1030 a 19, 23 : «L'essence signifie, d'une première façon, la substance
L'enquête doit maintenant se concentrer sur la forme : et le ceci, d'une autre chacun des prédicats: quantité, qualité et tous les
autres. En effet, de la même manière que l'existence appartient à tous, non
- Z 3, 1029 a 30 : «La substance issue des deux, je veux dire celle qui pas de la même façon mais à l'un premièrement et aux autres secondaire-
est composée de la matière et de la forme, on peut l'écarter, car elle est ment, de même l'essence appartient absolument à la substance et d'une
postérieure et évidente; la matière est aussi, d'une certaine manière, certaine façon aux autres. » (tO tî Ècrnv Ëvu ).!È:v tp6nov crTJ).!uîv€t tllV
manifeste; mais il faut examiner la troisième, car elle présente le plus oÙCJiav Kat to t66€ n, aÀÀov 6È: 8KacrtOV tIDV KatTJyopOUjlSVffiV, nocrov
de difficulté. » (n]Y jli:v Tolvuv ~S 6.jl'POIV ouaiav. 1c"ym Iii: Tilv BK 1totOV KUt ocra aÀÀa totau'Cu. mcrn€p yàp Kat to Ëcrnv un6:pX€t n:âcrlV,
te tilS ü1c11S Kat tils jloP'Pils. 6.'Pet"ov, Ùcrt"pa yàp Kut 1i1jÂ.11· 6.1c1c' OUX ôjlolms 6.1cM t0 jli:y np6ltms to1:S 8' ÉnojlBVms, oü,m Kat tà
'Puvepà li" nms Kut TJ ü1c11' ne pt Iii: tils tpLt11S rrKEntÉov, IlÜt11 yàp Tl IÎrrt!v an1c&s jlÈv tft oua,\, ",ûS Iii: tOIS ii1c1cotS).
6.nop mtat 11)· - Z 4, 1030 a 6: «Lorsqu'une chose est attribuée à une autre, elle n'est pas
- Z 3, 1029 a 33 : «D'autre part, certaines parmi les sensibles sont reconnues cela même qu'est un ceci, par exemple «homme blanc» n'est pas cela
être des substances, de sorte que c'est en elles qu'il faut d'abord mener la même qu'est un ceci puisque le ceci appartient seulement aux substances,
recherche. » (ôl-l0Àoyouvrm 0' oÙCJlm dvm 'toov aicrGTJ'toov nvsç, mcr't€ de sorte que l'être initial appartient à toutes les choses dont l'énoncé est une
IÎv TaôT"'S Ç11t11t"OV npilnov). définition. » (OtUV 6' aÀÀo KUt' aÀÀotl ÀÉ:YlltCtt, OOK Ëcrnv 01t€P 'C68€ n,
olov 0 À€tlKOÇ aV8pffi1tOÇ OOK Ëcrnv on€p t68€ n, Eln€p to t66E tUtç
On s'accorde actuellement à recouuaître que l'attribution de la forme OÙCJlat~ 6nUPX€1 jl6vov' rocr161:0 tî ~V dvai Ècrnv ocrrov 0 À6yoç ~crttV
à la matière n'est pas du même type que l'attribution des affections à une bpWjlOS)·
substance composée ou que l'attribution du général au particulier; sur ce - Z 4, 1030 a 30: «De même, l'être initial appartiendra premièrement et
point aussi, les réponses définitives seront données au livre H2. absolument à la substance, ensuite aussi aux autres, de même que l'es-
sence, non comme être initial simple mais comme être initial d'une qualité
Sur la substantialité du composé, voir aussi: ou d'une quantité. » (Kat to ti ~v dVUl o).!oîroç ûnapç€t npo)'[roç ).!È:V Kat
- A 11, 1019 a 9: «Certaines choses sont antérieures par la puissance, &nÀ&ç tft OÙCJlt;t, dtu KUt tOtç aÀÀotç, rocrn:€P Kat 'Co 'Cî ~crtlV, OUX
d'autres par l'effectivité; par la puissance, par exemple la demi-ligne par &n:Àooç tî ~v stVat dÀÀù 1totcp t) 1tocrQ) 'Cî ~v dvm).
- Z 4, 1030 b 6 : «TI est clair que la définition au sens premier et simple, ainsi
que l'être initial, sont ceux des substances. » (<pav€pov on 0 npô),[ffiç KUt
2 Cf. J. BRUNSCHWIG, « La forme, prédicat de la matière? », p. 131-166. ûn:Àooç ôptcrjlOç Kat 'Co tî ~V dvm tOOV oùcnrov Ècrtîv).
ANNICK STEVENS
§9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 369
368
que nous disons principalement être des subst~Jlces. » (at oÈ ysvÉastç ai
_ Z 4, 1030 b 13 : «C'est pourquoi il y aura un énoncé et une définition de
IlÈv qmatKui aÔ'tai siatv cbv t1 yÉvsatç èK <pDcrsOOÇ ècrnv, 1"0 0' t:ç, oÔ
l'homme blanc, mais d'une autre façon que ~u<blanc ,et ~~ la sub~tan~e.»
yiyvstat, flv ÀÉYo~sv üÀllV, 1"0 oÈ l)(P' oÔ 'toov cpDaSt n OVtrov, 'to of; 'tL
(010 Kal "'EUKOÙ âv9poonou Ëcr'tat "Aoror; Kat optcrl·lOÇ, u"AAoV DE 'tp01tOV
üvepro7tOç f1 CPUtOV f1 ÜÀÀo n tOOV tOlODtrov, fi oit j.laÀtcrtu ÀÉyOj.lSV
Kat 'tou À8UKOU Kat où<riaç). oÙGiar; dvat).
La priorité de la substance entraîne que, si on parle d'essen:~ etde
Par conséquent, les formes platoniciennes ne peuvent être causes des
définition sans précision, c'est qu'il s'agit de l'essence et de la deflmtlOn
générations:
d'une substance sinon il faut préciser à propos de quel type d'étant on
les énonce. Le ~hapitre suivant en indique la raison, du moins pour - Z 8, 1033 b 28, 29 : «li est donc manifeste que la cause des formes, comme
certains attributs qui cachent une expression composée ou qui ne peu- certains ont coutume de dire les formes, s'il en existe à côté des pmticu-
lières, n'est en rien utile en tous cas aux générations et aux substances; et
vent-se concevoir sans un certain sujet: par exemple, le camus n'a pas ce n'est en tous cas pas grâce à elles qu'il y aurait des substances par soi. »
une véritable définition car il doit être décomposé en « nez concave )} ; (<pavepav apa on f] TroV sli5rov ahia, ÙlÇ "IroBacri nvsç ÀÉYStV T" di51j,
de même, les attributs propres à un certain sujet exigent la mention de ce si Eanv a't'ta 1tapà tà KaS' 8Kaa'tu, np6ç ys 'tàç YSV8crStÇ Kat 1"àç
sujet dans leur définition: oùaiaç oùeÈv XPllcrill1f oùo' av dEY ota ys tUUtU oùcrial KaS' almlç)
(Id., 1034 a 4).
_ Z 5, 1031 al: « TI est clair qu'il n'y a définition que d,e la~ seule ,substance, - Z 9, 1034 b 8: «Ce n'est pas seulement à propos de la substance que le
car s'il y en avait aussi des autres catégories, elle sera:t necessauement par raisonnement montre 1'absence de venue à l'être de la fonne, mais le rai-
addition, par exemple celle de l'impair, car elle,~e sefrut pa~ san.s l~ nombre, sonnement est commun pour tous les termes premiers, comme la quantité,
ni la femelle sans l'animal. » (8fîÀov 'totVUV on llovllÇ tllÇ ouaulç SCHtV la qualité et les autres catégories.» (où j.l6vov oÈ 1tEpt tfiç oùcriaç 6 À6yoç
b opwflOÇ. si y"p Kai TroV aÀÀmv KaTTIYOptroV, ù~ay':1j ~K ~po_cr8É,?:smç 01jÀOI Ta flil yiyvscr8at Ta di5oç, ÙU" nepi naVTmv ofloimç TroV nproTmv
atvat, oIov 1"OU 7t8pt't'tOU' où yàp aV8u àptSIlOU, OU08 tO Sl1ÀU aV8U KotVOÇ ô À6yoç, üIov noaou 1totOU Kat 'toov aÀÀrov KUtllyoptoov).
Ç0ou)'. - Z 9, 1034 b 16, 17: «Mais d'après ce qu'on a dit, on peut saisir comme
propre à la substance le fait qu'une autre substance doit préexister en acte
Mais la conclusion s'applique en général à tous les attributs: pour la produire, par exemple un animal pour qu'advienne un animal, tan-
_ Z 5, 1031 a 11, 13 : « D'une certaine manière, il n'y ,a ni déf~tion ni ~:re dis que pour une qualité, ou une quantité ce n'est pas nécessaire, si ce n'est
initial pour aucune chose sauf pour les substances, d une :e~t~me man;.ere seulement en puissance. » (àÀÀ' '(OlOV TftÇ oôaiaç SK 't01~rtrov Àupsiv Ëcrnv
il y en aura. Que donc la définition soit l' énon,:é d: l' ~tre illitlal, et quo ~~ y on àvaYJ(aiov npoü7tâpXstv Bt8pav oùcriav èvtsÀsxsiq; oÛaav fl1totEÎ,
ait un être initial soit des seules substances, S01t pnnClpalement, premleIe- olov sq,ov el yiyVSTat sq,ov· notav 15' 11 nocrav OÛK ùvayK1j ùu' 11 ouva-
ment et absolument c'est clair. » (chot IlÈv OÙOBVOÇ ECHat ôptaj.loç oùoÈ flSl flOVOV).
tà ti ~v c:tVUt OÙO~Vt Û1tapç,Bt 1t~itv :uiç oùai<w;, cb~t 0: Ë<;t.?'t. on j.lÈ~
oOv sattv ô ÔPtcrllOÇ Ô 1"OU ti ftv BlVat Àoyoç, Kat ;0 'Ct !lV B!vat 11 À partir de Z 10, l'enquête se tourne explicitement vers la décompo-
j.lovrov 'tOOV OÙO'lÔlV èattv il. j.laÀtcHa Kat 7tprotroç Kat Œ7tÀCOÇ, 011 ÀOV ). sition de la substance composée, afin de déterminer ce qui en elle est pre-
mier ontologiquement:
Les chapitres 7 à 9 orientent l'enquête vers des considérations phy-
siques, de sorte qu'on y trouve les substances distinguées des autres - Z 10, 1034 b 34, 1035 a 2: "De quoi est composée la substance en tant
catégories quant au type de changement qui leur est propre: que parties, voilà ce qu'il faut examiner. [ ... ] Est substance la matière, la
forme et le composé des deux. » (èl; &v oÈ il oùcrta cbç j.lSpOOV, 'tOUtO
_ Z 7,1032 a 19 : «Les générations naturelles sont celles des choses dont la crKB1tt80V [ ... ] oôaia ft 'ts üÀll Kat 1"0 dooç Kat tO BK tODtroV).
génération vient de la nature, ce d'où elles viennent étant ce que nous ~ppe­ - Z 10, 1035 a 20: «La ligne, si on la divise, ne disparaît pas en ses moitiés,
Ions matière, ce sous l'effet de quoi, l'un des étants naturels, et ce qu elles ni 1'homme en ses os et nerfs et chairs, c'est pourquoi ils sont composés de
deviennent étant un homme ou une plante ou une autre chose de ce type, cela au sens où ce sont des parties de la substance mais en tant que matière,
et au sens de parties du composé mais plus de la fonne dont il y a définition. »
(f] YPuflflil OÛK el OWtpOUflÉV1j elç ,,, f]flicr1j <p8eipSTat, 11 6 av8pmnoç
3 Je supprime, en suivant Jaeger, le 1totOU Kui que possèdent les mss avant m:pHtOO, siç tà om:u Kat vsupu K(ii aapKaç, otà 'tou'CO Kat sîcrtv EK 'tOt)'trov
tandis que Ross le conserve mais entre cruces.
370 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE tA - Z 14) 371

ou"os <ilS ovtmv tfis où"las l'EpôiV, àÀÀ' <ilS >lI; UÀllS, Kat tOÙ l'i:v auvo- Le fait que des déterminations qui n'appartiènnent pas à la première
Àou l.uîpll, tOÙ EïOouS oi: KIlt 06 6 À6ros OÙKlÎtt). ,,' catégorie soient appelées substances premières ~au sein des substances
_ Z Il, 1037 a 5 : ~< Il est manifeste que l'âme est la substance premlere, que
composées ne doit pas étonner outre mesure. En effet, au livre H, Aris-
le corps est matière et que l 'homme ou l'animal est le c~mpos~ d~s d~eux
en général. » (ofiÀov Oè Kat ott 1'1 ).Ii:v \)IUXTJ où"la 1'1 npmtll, tO OE am).la tote donne plusieurs exemples de définitions de substances dans lesquelles
uÀll 60' iiv9pmnos il tà Çôiov tà ill; à).l<polv <ilS Ka90Àou). la différence dernière, celle qui indique l'être de la chose, n'appartient pas
_ Z Il, 1037 a 11, 12, 13, 15:'« Il faudra examiner plus tard si, à côté de la à la première catégorie4 •
matière des substances de cette sorte il y en a une autre et s'il faut cher- Dans tous les exemples cités, la substance première est toujours ce qui
cher une autre substance, comme les nombres ou quelque chose de ce type.
est définissable et, par conséquent, quelque chose de général. Cependant,
En effet, c'est en vue de cela que nous tentons de déterminer ce qu'il en est
des substances sensibles puisque d'une certaine manière c'est la t~che de les lignes 1037 a 7-10 précisent qu'à côté des trois substances caracté-
la philosophie naturelle et seconde d:étudier ,les su~sta..,nces s~?slbles. >: risant l'homme en général, il faut aussi reconnaître les trois substances
(nô't8pov of: Ëa'tt nupà '"Citv üÀTl.Y 'tcov 'tow~'t~,v O\)O'tO)~ nç aÀÀ", ~at particulières par lesquelles on identifie Socrate ou Coriscos, c'est-à-dire
OBt çrp;stv oùuiav É'"CÉpav nvà ,oiov ,up:8~ouç 11 '"C: '"Co~ou:.ov, crKE~'"Cf:OV cette âme-ci et ce corps-ci composant cet homme particulier.
Ücr'"CEpOV. '"Coû'"Cou yàp xâptv Kat nEpt '"Ccov atcr811'"CCOV OUatO)V n:Etpco~E8a
OWpiÇElY, ilnd <ponov nvà tfiS <puatKfis Kat OSUtÉpas <ptÀoao<pias
Bprov 1'1 nEpt tàS a(a9ll<às où"las 9Empia). 4. Ce qui permet d'identifier et de défiuir chaque chose: l'esseuce
- A 3, 983 a 27: «Les causes se disent de quatre façons, parmi lesquelles
Parmi les trois substauces, la première est donc celle qui est simple et
nous disons qu'est une cause l'essence et l'être initial ('"Cà 0' aYna IvÉYE-
non composée, qui est identique à son être et donc définissable au sens '"CUt tS'tpaXroç, 6)V ~tav ~f:V ahiav q)u~f:V EÎVUt '"CllV oÙGiav Kat 1'0 '"Ci ~v
propre, et qui est immanente à la substance composée: dvm). »
_ Z Il, 1037 a 24, 25, 28, 29, 30, 32, b 2: «Dans la définition de la sub- On pourrait être tenté d'associer plutât la substance au ~t ~v dvat,
stance les parties comme matière ne se trouvent pas, car elles ne sont pas
parties de cette substance-là mais de la composée, or de c.~l1e-.ci i~ y a d'une comme on vient de le voir au livre Z. Cependant, ici les causes sont prises
certaine manière définition, d'une autre pas: avec la matIere Il n y en a pas dans leur extension la plus générale, s'appliquant à tous les phénomènes,
(car elle est indéfinie), mais selon la première substance il y en a, par .au contraire de Z qui se concentre sur les causes des substances. La cause
exemple, pour l'homme, la définition de l'âme. En e.ffe~, la substance.~st formelle des phénomènes non substantiels n'est pas une substance, mais
la forme immanente à la chose, à partir de laquelle amSl que de la matIere
l'essence de chaque chose en question.
on dit la substance composée, par exemple la concavité [ ... ]. Mais dans
la substance composée, par exemple le nez camus ou Callias, se trouvera - A 7,988 a 35 : «L'être initial et l'essence, personne n'en a rendu compte
aussi la matière. On a dit aussi que l'être initial est identique à chaque clairement, mais ceux qui posent les fonnes en parlent le plus. » (1'0 of: -Ct
chose dans certains cas, comme pour les substances premières, par exemple ~v dvm Kat '"C11V ovaiav crmpruç J..lf:V où8siç unooÉOOOKS, J..lâlvtcr'"CIl 0' oi
la courbure et l'être de la courbure, si elle est première - et j'appelle <ù ElOll n9Év<ES ÀÉrOuaLV) (Id. A 10, 993 a 27).
«première» celle qui n'est pas dite du ~ait ~qu'~n~ chos~ est ~an~ une ~utre - A 8, 988 b 28 : «Tous ceux qui disent que le tout est un et posent une seule
et dans un substrat matériel. » (Èv ~f:V '"C4> '"C11Ç ouata.; IvOYQl '"Ca oUtCO J..l0pta nature comme matière [ ... ] se trompent de plusieurs façons [ ... ], en outre
<ilS iJÀll OÙK EvÉatat - oMi: ràp Banv ilKEivllS l'opta tfiS où"laS àÀÀà par le fait de ne poser comme cause d'aucune chose l'essence et le ce-que-
tflç crUVOIvOU, '"CaUt11ç oÉ y' Ëcrn ncoç ,IvOYOÇ ~at ?ÙK B<;nv' ~,E't~ ~f:V c'est. » ('"CT]V oùmav J..l118EvoÇ ahiav n8Évm J..l110f: 1'0 '"Ci Ècrn).
ràp tfiS_UÀllS OÙK Banv (0optat?v r~p), K~ta,tllV,n~mtllV ,0 ,0u~1uv
Banv olov àv9p<ilnou 6 tllS \)IuXllS Àoros' II rap ouma Ean tO EtoOS Les deux termes « oùcrtU » et « -ri Ècrn » sont ici manifestement syno-
<à ilv6v, ill; 06 Kat <fis UÀllS 1'1 c:uvoÀos ÀÉr':,t';t où"la, ol~v.TJ KotÀ6t,ll~ nymes et l'oùcrta ne peut désigner la substance pnisque, d'après Aristote,
[ ... ] EV oÈ <li auvo~Ql 0~,,1\l, olo,~ i'nvt at~l1,ll K:<ÀÀt\l, sv~a:at"Kat II les physiologues considéraient la matière première universelle comme la
UIv11' Kilt on '"Co '"Ct 1Ïv EÏva~ Kat SKacr'"Cov Em nvrov J..lEV,'tau'"Co'1"cocrn:s p substance dont toutes les autres choses étaient des affections.
Ènt '"Cruv n:PCÛtrov oùc:nrov, oiov K~I.m~IvO,t11Ç Kilt ~~!.mUIv?'"C11,;t stVa;, st
np<iltll ilativ (ÀÉrm 8È npro<llv II ).Ill ÀqE<at tQl aÀÀo sv aÀÀQl ElYat
Kat unoKEt).lÉVQl <ilS UÀ\\)). 4 Cf. D. MORRISON, « Le statut catégoriel des différences dans l'Organon », p. 147-178.
372 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 373

- A 5, 987 a 18, 19 : «Les Pythagoriciens [... ] pensaient que le limité, l'illi- le critère substantiel de ce qui n'est pas attrillué à un autre sujet. La
mité et l'un ne sont pas d'autres natures, comme le feu ou la terre ou une troisième est commune aux deux auteurs: il s '~agit de l'existence des
autre chose de ce type, mais que l'illimité en soi et l'un en soi sont l'essence choses en tant qu'elle est détellninée par la forme. La contestation de
des choses auxquelles ils s'attribuent, et c'est pourquoi aussi le nombre est l'essentialité des formes platoniciennes repose sur les exigences qu'on a
l'essence de toutes choses. » (tC nsnepacr)lÉvov Kat 'to anEtpOV Kat 1"0 Ëv
vues développées en Z :
oùx É'tÉpaç tlvàç Q)'fISllcrav dvŒt <pUO'EtÇ, olav 1tUp 11 Y1l,Y fi '"Ct 'tOtûth;9v
ËtEpOV, ÙÀ./,: cttno 'Co èbtElpov Kat aùto tO ËY oùcrtav eiVetl 'tOUtrov éov - A 9, 991 an: «Les formes ne sont d'aucun secours non plus pour la
KU'tllyoPOUVtat, Oto Kat àptS)lov etVat -cllV oucrlav naV'tow)5. connaissance des autres choses, car elles ne sont pas leur essence, sinon
- A 5, 987 a 23 : «Ils ont aussi commencé à parler de l'essence et à défi- elles devraient se trouver en elles.» (OÜ-rE npoç 'Cijv Èma'CT]llllV où9Èv
nir, mais ils l'ont entrepris de manière trop simple. En effet, ils définis- P011SE1 -rijv -rmv UIvIvCOV OÙOÈ yàp oùcria ÈKetVa !OÛ!rov' Èv 'Coû'Cotç yàp
saient superficiellement et considéraient que la première chose à laquelle av ~v).
appartenait la définition énoncée, c'était cela l'essence de la chose, comme Id., b l, 2, 2: «En outre, il semblerait impossible que l'essence soit sépa-
si l'on pensait que le double est la même chose que la dyade parce que le rée de ce dont elle est l'essence; aussi, comment les idées seraient-elles
double appartient d'abord au deux» (Kat 1tEpt -roû -ri ÈcrTtV iîpsav-ro IlÈv essences des choses en étant séparées? )} (sn OOSE1EV av
àoûva'Cov dvm
Ài:yEW Kal ôp[Çw8m, Mav 0' ImÂwç È1tpaYlla'EUOllUav. <Îlp[Çov,6 'E Xroptç 'Cijv oùcrlav Kat OlS ft oùcria' ma'CE 1tffiç av
at t08al oùcrlat 'COW
yàp È1tt1tolvairoç, Kat cP npoo-rQ) ÛnapSElEV Ô IvEX9EiÇ ôpoç, -roû-r' dvat 1tpaYllu,rov oOuat Xropiç dey).
Û1V oùcrlav -roB 1tpâYlla-roç ÈVOlllÇOV, oocmEp Et nç o'(ono 'Caù'Cov - A 9, 992 a 26, 27, 28 : "D'une manière générale, en cherchant la plus haute
dvat OlnlvaalOV Kat Û1V ooaoa olon npaHov ûnâpXEl 'Colç oucrt 'Co connaissance de la cause des choses apparentes, [ ... ] croyant dire leur
OI1tÂumov). essence, nous affinnons d'autres substances, et nous disons de manière
- A 6,987 b 21, 22: «<Platon> disait, d'une manière tout à fait proche des vide comment" celles-ci sont les essences de celles-là; car la participation,
Pythagoriciens, que le grand et le petit sont principes comme matière et comme nous l'avons déjà dit, ne signifie rien. » (oÀroç 08 Ç11-roûcr11Ç 'Cflç
l'un comme essence; en effet, c'est à partir de ceux-là et par participa- aü<ptaç nEpt 'Coov <pavEpmv -ro atnov, [ ... ] 'Cijv 0' oùcrlav OiOJ.lEVOl
tion à l'un qu'existent les formes, et en tous cas l'un est une substance À8')'Etv aù-rmv 8!Spaç 1l8V oùcrlaç Etvai <paIlEV, onroç 0' èKetVctL -rOÛ-rffiV
et n'est pas appelé ~< un » en étant autre chose, et le fait que les nombres oùcrlal, olà lŒVflç À8yOJ.lEV· 'Co yàp IlE't'SXE1V, manEp Kat npO!EpOV
soient causes de l'être pour les autres choses, il le dit de la même manière EtnOJ.lEV, où9sv èanv).
qu'eux. » (mç IlÈv oùv ÜÀ11V 'Co J.L8ya Kat 'Co 1l1KpOV dvat àpXâ<i> dJç
0' oùcrlav 'Co sV' ÈS ÈKEtVroV yàp Ka'Cà IlS9ESLV -roû 8VOÇ 'Cà E1011 ElVat. En ce qui concelue l'un et l'être, une des apories du livre B revient
'Co J.L8V'Wl yE Ëv oùcrlav dVat, Kat Ilij S-rEpOV ys n OV IvsYEa9at sv, sur la difficulté de la conception des Pythagoriciens et de Platon (B l,
1tapa1tÂllu[roç "OIÇ IIu8ayopElolÇ EÂtrE, Kal ,à wiJç àPl91lOùç ah[ouç 996 a 7), développée comme suit dans la diaporie de B 4 :
dvat 'Cotç UIvIvOlÇ -rflç oùcrlaç ffiaatnroç ÈKElVOlÇ)6,
- B 4,1001 a 6, 11 : «L'être et l'un sont-ils les essences des étants, et cha-
Ce texte est remarquable par la co-présence de trois significations cun d'eux n'est-il aucun autre étant que, respectivement, un et être, ou bien
différentes de l'où,,[a. Les deux premières résultent de la distinction faut-il chercher ce que sont l'être et l'un en leur donnant une autre nature
introduite par Aristote entre le critère définitionnel ou essentiel (dire ce pour sujet? [ ... ] Platon et les Pythagoriciens pensaient que l'être et l'un ne
qu'est une chose reviendrait chez Platon à dire à quoi elle participe') et sont rien d'autre mais que c'est là leur nature, au sens où leur essence est
l'être même de l'un et de l'être. » (1tO'CEpOV 1tO'CE 'Co OV Kat 'Co §V oùcrial
1:00V CV'CffiV Etai, Kat BKa'CEpov aù-roov OÙX S-rEpOV Tt DV 'Co IlÈV Ëv 'Co OÈ
5 Je ne vois pas de raison impérieuse pour supprimer le Kat 'Co ËY comme le font Ross
cv Ëanv, II OEt Ç11-rE1V 'Ct no'C' Èa'Ct 'Co OV Kat 'Co Ëv ffiç ûnoKEl1l8V11Ç
et Jaeger, suivant le seul ms E. IinllÇ <pUUEroÇ. [... ] IIÂu,rov IlSV yàp Kal a! IIu9ay6pElOl OUX Ë'Ep6v
6 À la 1. 22, je supprime 't'oùç àplO,.WUÇ avec Jaeger plutôt que 't'à EtOTj avec Ross;
en effet, dans la récapitulation des acquis, en 988a Il, l'un est dit êh'e l'essence des fonnes Tt 'Co OV oùoÈ 'Co Ëv dÀlvà -rou'Co aù'Cow -rijv <pûalY dVUl, mç oucrllÇ 'Cflç
et non des nombres, oùcriaç aù-rou -roB 8Vt dvat Kat ovn).
7 Aristote simplifie pour les besoins de sa cause une théorie de la participation plus
complexe, qui admet des relations différentes de participation, celle des fonnes entre elles La question est de savoir si l'un et l'être sont les essences de toutes les
n'étant pas du même type que celle des sensibles par rapport aux fonnes. Mais il semble choses qui sont unes et étants, autrement dit, si c'est par participation
bien vrai que Platon n'était pas arrivé à préciser en quoi consistait exactem~nt chacune de directe à l'un et à l'être que toutes les choses peuvent exister de manière
ces relations,
ANNICK STEVENS
§9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 375
374

numériquement distincte. Dans ce cas, l'un et l'être sont les fonnes par- détermination pour les autres choses (rôles q:u' Aristote attribue aux
ticipables et ne sont rien d'autre que cela, ils ne sont qu'essences. L'autre essences) et des entités indépendantes de tour sujet (ce qu'Aristote
possibilité, exprimée par certains présocratiques, est que l'être et l'unité appelle substances). Il me. semble cependant qu'est particulièrement
soient donnés aux étants par une certaine nature première qui en est la interrogé ici le rapport de l'un et de l'être aux autres choses, donc leur
condition, par exemple l'Amitié pour Empédocle ou le feu ou l'air pour rôle en tant qu'essences.
les physiologues (IODla 12-l7). Un autre passage de B est davantage univoque:
La question rejoint par conséquent celle de l'essentialité des termes - B 2, 996 b 14 : «En tant qu'elle a été définie comme science des premières
généraux, à laquelle Aristote répondra en Z 13 en affinnant que l'essence causes et du plus connaissable, telle serait la science de l'essence' en effet
puisqu'on peut connaître de plusieurs façons, nous disons que con~aît mieu~
doit être propre à chaque chose et non commune à toutes. Mais dans
la même chose celui qui sait ce qu'est la chose plutôt que ce qu'elle n'est
la diaporie il montre surtout les difficultés inhérentes aux conceptions pas, et, parmi tout ce qu'elle est, plutôt une chose qu'une autre, en particu-
héritées: lier celui qui connaît l'essence et non la quantité ou une qualité ou ce qu'elle
peut naturellement produire ou subir. » Cn 88 tIDV 1tponrov uitirov KUt tOÙ
_ B 3, 998 b 21 : «Si toujours les plus généraux sont surtout principes, [ ... ]
il Y aura autant de principes des étants que de premiers genres, de sorte que
llaÀtcrtu èmatlltoù Ùtrop{cr81l Eivm, li tfiç oùalw; av 8l1l tOtautT]' 1toÂ.-
Àg,Xroç yàp f:ntcrtUIlÉvrov tO aùto J.1aÀÂ.(~y Jl8V El8Évut <pUJ..l8V tOV tiQ
l'étant et l'un seront principes et essences, car ils se disent le plus de toutes
8lVUl yvropiÇovtu 'li tO 1tpaYJ.1a 11 tiQ IlYJ Eivut, uùtmv 08 tOUtrov ëtEpOV
choses. )} (d ~€V yàp dEi '[ù Ku96Àou JluÀ.Â,ov dpXat, [ ... ] '[ocrautm oOv StÉ pou J.1aÂ.Àov, Kat J.1aÀtcrta tOV tl tcrnv àÂ.À' où tOV nocrov 111toiov
scrov't'ŒL dPXai -rrov ov'u.ov ocrU1tBp '[Ù 1tpàrrŒ yÉVll. 000''(' scrtŒt t6 te OV 11 'li 7totstV ft micrXEtv nÉ<puK8v).
Kat tô ëv dpxai Kat OÙUlat' tauta yàp Kutà nâv'trov lluÀtO'tU À,sys'ta-t
-roov OVlCOV). Les sujets dont on peut connaître l'essence ne sont pas lintités a priori
_ B 4, 1001 a 20, 24, 27, b 2, 3: " Si l'on ne pose pas que l'un et l'être sont aux substances: la remarque est valable pour toute chose dont il est
une certaine essence, aucun des autres universaux (Ku9ôÀou) ne le seront
question (a 16 : ropàYflU).
non plus [ ... ] ; en outre, si l'être n'est pas essence, il est clair que le
nombre ne le serait pas non plus à la manière d'une nature séparée des Lorsqu'au livre r, il entreprend de réfuter les adversaires du principe
étants (car le nombre est une pluralité d'unités et l'unité est cela même de non-contradiction, Aristote affirme qu'en admettant les attributions
qu'est l'un) ; mais s'il y a un un-en-soi et un être-en-soi, nécessairement contradictoires ils suppriment l'essence :
l'un et l'étant sont l'essence des êtres, car rien d'autre que ceux-là ne
s'attribue universellement. [ ... ] Que l'un ne soit pas essence ou qu'il y ait
- r 4, 1007 a 21,26,26,31: «Ceux qui parlent ainsi suppriment l'essence
et l'être initial. En effet, ils doivent nécessairement dire que tout est acci-
un un-en-soi, il est impossible que le nombre soit essence. » (cru llPaiv8t
dent, et que n'existe pas cela même qu'est l'homme ou qu'est l'animal. Car
ùÉ, El IlÉV nç IlYJ 8ita8tm etvai nva oùaio;v to ev Kat to DV, 111108 tOOV
si est quelque chose cela même qu'est 1'homme, cela ne sera pas l'être du
iiÀ.À.ffiV dvat ,iOv KuS6À.ou JlllSév [ ... ] iln oÈ Jli) ovwç tOÙ Bvoç où",uç,
non-homme ou le non-être de l'homme (or, ce sont là ses négations) ; car
oijÀ.ov on oùO' liv àptSJloç elll ffiç KeXffiptcrJléVll nç <puatç tiOv OVtffiV
nous avons convenu qu'était un ce qui était signifié, et cela c'était l'essence
b JlÈV yàp àptSJloç JlovàOeç, Ti oÈ Jlovàç oroep gv,( ,,'HW' el 5' il,m
de quelque chose. Signifier l'essence c'est dire que l'être de la chose n'est
n aùto ev Kat av, àvayKalov oùa'iav aùtrov etvm tO ev Kat to aV' où
rien d'autre. [ ... ] Car c'est ainsi qu'on a défini l'essence et l'accident: le
yàp g,ep6v n KaS6À.ou Katllyopehm ù'À.À.Ù ,aùta ulml. [... ] iiv ,e yàp
J..lYJ TI tO ev oùaia av tE n tO aùto ëv, à8uvatov tOV àpt81loV oùaiav
blanc est un accident de l'homme parce que celui-ci est blanc mais n'est pas
cela même qu'est Je blanc. » (oÂ.roç 0' dvmpoucrtv Ol tODtO Â.ÉyOV1"8Ç
8Îvm).
oùaiav Kat to tî llV etvat. 1tavta yàp avayKll aUllP8PllKÉVUl cpacrKEtv
Encore une fois, il ne faut pas s'étonner si, dans ces derniers para- aùtoiç, Kat to 01t8~ àv8pamcp etvm 11 ç4JC[) 8Îvm IlYJ dVUl. et yàp ecrtut
n 01tEp àv8pamcp 8!vm, tOÙtO OÔK eatut JlYJ dv8pc01tCfl etVut llllYJ dVUl
graphes, la traduction par « substance » pourrait également convenir et
~Vepm1t(p (Kahot UÛtUl à1to<pacrEtç tOUtou)' ev yàp ~v ô f':critJlmV8, Kat
si la question est en même temps celle de la substantialité de l'être et 1Ïv tOUtO nvoç oùala. tO 8' oùaiav crlll..lUlV81V f:crttV on OÙK aÀÀo n
de l'un. En effet, les deux statuts ne sont pas séparés chez Platon, et tO dVUl aùtiQ. [ ... ] tou'tCp yàp otcbptcrtat O\)O'{o; Kat to crUIlP8PllKOÇ' tO
c'est à Platon que sont empruntées les conceptions exposées ici. Les yàp À.eUKOv 10 àvSpffi",!, cruJlPéPllKev on "crTt JlÈv À.euKoç àÀ.À.' OÙX
fonnes, et en particulier les geures, sont à la fois conditions d'être et de oroep À.euKov).
376 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 377

L'accident s'oppose à l'essence en ce qne le sujet n'est pas cela même chacune des choses sensibles dont elle est l'esseJlce. On sait que la théo-
qu'est l'attribut accidentel mais cela même qu'est l'essence qui lui est rie de la forme, particulière mais transmettant les caractères essentiels de
attribuée. Id. r 5, 1010 b 27. l'espèce, sera la réponse aristotélicienne à cette difficulté. D'autre part,
La même signification réapparaît dans le contexte de la défense du la distinction entre unité numérique et unité spécifique permettra de
principe du tiers-exclu. En effet, ceux qui le nient créent de nouveaux répondre à la difficulté formulée comme suit:
étants qui ne sont ni l'affirmation ni la négation; or, ces nouveaux étants - B 4, 999 b 14, 20, 22: "Si la matière est parce qu'elle est non générée,
peuvent à leur tour être niés et ainsi de suite à l'infini : il est logique que ce soit encore plus le cas de l'essence, qui est ce que
la matière devient; car si ni l'une ni l'autre ne sont, absolument rien ne
r 7, 1012 a 15 : «En effet, il sera à nouveau possible de nier cela, rela-
sera, et si c'est impossible, nécessairement il y aura quelque chose à côté
tivement à l'affirmation et à la négation, et ce sera quelque chose; car
du composé, à savoir la fonne-et la détennination. [ ... ] En outre, est-ce que
l'essence de cela est une autre. » (nŒÀtV yàp Ëa'tat dnoq)'flcrm 1"OÛ1:0
l'essence sera une pour toutes choses, par exemple pour tous les hommes?
npoc; 1:1)v <pétcrtv Kat 'tl1V à1tocpacrtv, Kat tOût' Ëcrtat n' il yàp oùala
C'est absurde; en effet, toutes les choses dont l'essence est une, font un. »
Ècrtt nç aùtou aÀÀr}).
(E,nEp TJ IJÀ-YJ ean otù ,à àyévYJmç dvUt, noÀ-ù en j.lanOV 8ÙÀ-OyOV
D'autre part, l'essence assure l'identité de la chose en dépit des modi- dvat tllV ouaiav, 0 nots ÈKs-tVTl ylyVstut· si yàp J.11ÎtS to{5-'t:o satut
J..llÎtt: ÈKsLVll, où8f:v scrtut tO napunav, si of: 1:o\3tO douva'tov, dvâYKTl
fications accidentelles: n dvUt nupà ,à a6voÀ-ov, tTJV j.lOP'l'TJV Kul ,à dooç. [ ... ]npàç OB
_ fi,. 27, 1024 a 15: "Le deux n'est pas tronqué si on lui enlève un [ ... ] 'tou'totç n6tspov 11 oùata J.1ia nâvtcov satut, oIov tIDV dv8pmncov ;
ni en général aucun nombre, car l'essence doit demeurer: si une coupe d)"J.: atonov' Ëv yàp nâvta chv ft Ouata !-tia).
est tronquée, elle reste une coupe, mais le nombre ne reste plus le même. »
(", 'E yàp OUO où KOÀ-o~à 8u",pou à'lJatpouj.lévou Év6ç [ ... ] OÙO' QÀ-ffiÇ La conception aristotélicienne de l'essence comme principe formel est
àpt8J.làç où8Eiç' Kul yàp 'TJV oùaiav oEi j.lâVEtV· El K6À-tç KOÀ-o~6ç, en manifeste dans les textes tels que:
dvUt KUÀ-tKU' 6 OB àpt8J.làç oùKân 6 uù,6ç).
_ A 27,1024 a 20,24: «Les choses dont la position ne fait pas de différence - Ll 1, 1013 a 21 : «Il est donc commun à tous les principes d'être le point
ne peuvent être tronquées, comme l'eau ou le feu, mais il faut qu'elles soient de départ d'où une chose est ou devient ou est connue; et panni eux, les
telles qu'elles aient une position selon leur essence. [ ... ] En outre, tout ce uns sont immanents les autres extérieurs. C'est pourquoi, la nature est prin-
qui fonne un tout n'est pas tronqué par la privation de n'importe quelle par- cipe, ainsi que l'élément, la pensée, la décision, l'essence et la fin.» (naaIDv
tie, car ce ne peuvent être ni les parties principales de l'essence ni ~'importe !-tf:V of)v KotVOV trov dPXIDV tO nponov dvat o8sv t] Ëcrnv t] ylyvE'tat
lesquelles. » (thv J.lTJ notEi ~ 8âatç ota'l'opàv OMBV KOÀ-o~6v, o!ov 1J0ffip t] ytyvmaKstat· 'tOU'tffiV of: at j.1f:V ~VU1tétpxoucrai Etatv ai of: ÈKt6ç. otO
ll 1tU p, àÀJ"ù 08t totaih:a EÏVŒt fi KŒtÙ tfIv oÙGlav Of:crtV EXEt. [ ... ] 1tpOC; ft tE <jJuatç ÜPXll Kat 'to cr'totXEÎov Kat ft otâvota Kat l1npoaipscrtç Kat
os to(YWtç oùû' ocra ôÀa, où8à 1:0.,131"0. é)'wuoGv ,..lOptO\) crtBPtl cnn ouaia Kat to oÔ ËVEKa).
KOÀ,o~a. où yàp osi OU't8 '"Cà KUpW '"Clle; oùcriaç 0(5'[8 '"Cà onououv ov'tu). - A 4,1014 b 36 : «D'une autre manière, la nature est dite être l'essence des
étants naturels, par exemple par ceux qui disent que la nature est la première
composition.» (sn 0' aÀÀov tp6nov ÀÉys'tat ft <jJuatç 1Î trov <jJuast
L'essence comme cause formelle OVtffiV ouata, olov ot ÀÉyOVtEÇ tiiv <jJucnv dvat t1lV npmtTlv cruv8scnv).
_ B 6, 1002 b 24: «S'il n'y a pas à côté des sensibles et des choses mathé- - Li. 4, 1015 a Il, 12, 13, 14: "Est nature la matière première [... ] ainsi que
matiques certajnes autres choses telles que certains affinnent les formes, la forme et l'essence, c'est-à-dire la fin de la génération. Par extension et
l'essence ne sera pas une par le nombre mais par l'espèce et les principes d'une manière générale, on appelle aussi "nature" toute essence à cause
des étants ne seront pas multiples par le nombre mais par l'e~pèce. » (si J.11l de celle-là, parce que la nature est une certaine essence. » (<jJucnç of: fî tE
san napà 'tà al.a81l'tà Kat 'tà j.1a81lJ..lanKà BtSP' (l'tta oia Àsyouat tà np6HYJ IJÀ-YJ [... ] Kul ,à dooç Kul TJ où<ria' ,oîho 0' Batl ,à ,éÀ-oç tfiS
E'OYJ nvéç, OÙK emat j.liu àpt8J.l0 àÀ-À-' E'OEt oùaia, oùo' ul ù'PXa1 ,iilV yEvéaEffiS. j.lE'U'l'Opi'i 0' ijoYJ Kul QÀ-ffiÇ naau oùaia 'l'uO'tç MYE'Ut otà
OVtCOV dpt8J.1<p saovtat nocrai nvsç dÀÀà s'(OSt). 'tautTlv, Ott Katil <jJuatç ouaia tlç Ècrnv).
- fi,. 17, !O22 a 8: "Est appelée "limite" l'extrémité de chaque chose [ ... ]
Une des raisons de poser l'existence des formes séparées était d'assu- et la fin de chaque chose [ ... ] ainsi que l'essence de chaque chose et l'être
rer l'unicité de l'essence, incompatible avec sa présence individuelle dans initial pom chaque chose; en effet, c'est la limite de la connaissance, et si
378 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 379

c'est celle de la connaissance, c'est aussi celle de la chose. » (TIépaç ÀÉY8- pareil ici pour les générations. » (fficrnsp Èv 'Colç cruÀ,À,0Y-LaJ.l0lç, nuv'Coov
tut 1:Ô tE Ëcrxa:rov EKŒcrrou [ ... ] Kat 'tO tÉÀoç EKacr'tou [ ... ] Kat tl oùO'ia àpXTt ft oùaia' ÈK yàp 'Cou 'Ci Èan v ai aUÀ,À,0YlaJ.l0i sial v, ev'Cuu8u
il ÉKacrtOU Kat 1:0 '"Cl ~v dVUl ÉKUcrtqY tftc; yvcôcrswç yàp 'tou'to 1tÉpaç' oÈ al yEvÉaElç).
El oÈ 'fiç yvalŒ8ûlç, Kat ,ail npétY).Lawç).
- 1118, 1022 a 15 : «Le "ce par quoi" se dit de plusieurs façons, dont l'une Si chaque chose est définie par une essence et un être initial distinct
est la fonne et l'essence de chaque chose, par exemple le bon lui-même est d'elle-même, ne risque-t-on pas de multiplier à l'infini les essences des
ce par quoi une chose est bonne. » (Tb KaS' Ô AÉy8tat 1toÀÀaxmç, Ëva JlÈv essences? Pour éviter cela, il faut reconnaître qu'une essence n'a pas
tp6nov tO ElBot; Kat fI oi)(jiu ÉKacrtOU npaYJlu'toç, oIov KaS' Ô àya96ç, besoin d'avoir une essence distincte d'elle mais qu'elle est à elle-même
ai'"à &ya06v). sa propre essence ou, comme le dit Aristote, qu'elle est identique à son
L'exemple est plutôt platonicien mais l'affirmation est valable aussi être initial :
dans la conception aristotélicienne et elle confirme que l'essence se trouve - Z 6,1031 a 18, 18 : « Chaque chose semble ne pas être autre chose que sa
aussi dans les catégories non substantielles. propre essence, et l'essence de chaque chose est dite être son être initial. »
La forme à laquelle est identifiée l'essence est la forme générale de (ËKUcr'COV tS yàe OÔK aÀÀo OOKSI dvat tftç Éum:oi3 oùaiuç, Kat to 'Ct ~v
atVat Àéystat atVat ft ÉKaatOU oùO'ia).
l'espèce, non la forme particulière de chaque composé individuel: - Z 6, 1031 a 29, 30, b l, 2, 3 : « Pour les choses dites par elles-mêmes, n' est-
- Z 7, 1032 b 2, 3, 4: «Sont produites par la tecbnique toutes les choses il pas nécessaire que chacune soit identique <à son être initial>, par exemple
dont la forme est dans l'âme (et j'appelle "fonne" l'être initial de chaque s'il y a des essences dont il n'y a pas d'autres essences 'ni d'autres natures
chose et la première essence). En effet, d'une certaine manière les contraires antérieures, comme certains disent que sont les idées? Car si le bien et l'être
ont la même fonne car l'essence de la privation est l'essence opposée, par du bien sont différents, ainsi que l'animal et l'être de l'animal, ou encore
exemple la santé <est l'essence opposée> de la maladie, car la maladie est l'être de l'étant et l'étant, il y aura d'autres essences et natures et idées à côté
l'absence de celle-là et la santé est la définition dans l'âme et la science. » de celles qu'on a dites et celles-là seront des essences antérieures, si l'être
(&nà 1ÉXV'lç oÈ yiYV8'Ul oaûlv ,à slOOÇ Èv 'fi 1jfDXTI slOOÇ oÈ 'Myûl ,à i~itial es! essence. » (snt Dt: 'Coov Ka8' aÙtà ÀSyOJ.lÉvoov tip' c1VétYKTI 'Caùto
tt ~v dvat ÉKacrtOU Kat 'CTtV npmtTIv oùaiav' Kat yàp tooy Èvavtioov dvat, oiov St nvsç slcriv oùO'iat 6)v ËtSpat J.ly! sicriv oùaiul J.lTIot: cpUcrSlÇ
tp6nov twà tO UÙtO dSoç' tliç yàp crtSpy!crsooç oùaia ft oùaia ft àvtt- ËtSpat npotspat, oïaç q)(tcrt tàç ioÉuç dvui tlVSç; ai yàp Ba1"al Ë'Cspov
KStIlBVll, oIov ûyistu vocrou, ÈKaiVTIÇ yàp ùnouaia ft vocroç, ft St: ûytstu aÔ1"o 1"0 c1ya8ov Kat to àyu8ô) dvat, Kat çô)ov Kat 'Co çcpcp, Kat 1"0 ovn
b ÈV'TI 1jfUXTI Myoç Kat Ti Èm(H11).L'l)· Kat to DV, BaOV1"al aÀÀ,at tS oùaiut Kat cpumaç Kat iDéal napà 1"àç À8YO-
J.lBVaç, Kat npotspm oùaiat ÈKstVat, si tO Ti ~v dvm oùaiu Èattv).
Il n'est pas possible ici de traduire par « substance» car 1/ la santé - Z 6,1031 b 32: «Qu'est-ce qui empêche que certaines choses soient main-
n'est pas une substance mais une qualité; 2/ la forme et l'essence sont tenant immédiatement des êtres initiaux, puisque l'être initial est essence? »
identifiées à la définition. Ross qui, comme tous les traducteurs en anglais, (:i KOOÀUSl Kat vi3v dvat éVla sù8ùç tt ~v dvat, stnsp oùaiu tO ti ~v
SIVat ;).
traduit toujours « oùcria » par « substance» est embarrassé ici et évite
de traduire, se contentant de parler de la forme. Dans tout ce passage, on ne peut traduire « oùcria » par « substance»
Même problématique en : car il s'agit de l'être et de la nature des choses, non de réalités indépen-
dantes. Les exemples montrent aussi qu'il ne s'agit pas seulement des
- Z 7, 1032 b 14: « La médecine et l'architecture sont respectivement la
forme de la santé et de la maison, et j'appelle essence sans matière l'être essences de substances. Le raisonnement est le même, que l'on considère
initial ». (Ti yàp tU'plKi] Ècm KUt Ti OtKOOO).L1KTJ ,à dooç 'fiç uylduç KUt ces essences comme seulement logiquement induites à partir des choses
'Cliç OlKiuç, À,Byro Dt: oùaiav avsu uÀ,TIÇ 'Co 'Ci ~v dvat). particulières ou comme subsistant à la manière platonicienne. Cependant,
- Z 8,1033 b 17: « Ce qui est dit comme forme et essence n'advient pas, Aristote signale la difficulté de concevoir les idées à la fois comme des
mais la <sphère> composée, dite confonnément à celle-ci, advient. » ('Co essences (c'est-à-dire comme des termes généraux attribués à des parti-
).LÈv mç dooç 11 où"ia ~8y6).L8VOV où yiYVE'Ul, Ti oÈ auvo~oç Ti Ka,à culiers) et comme des sujets:
,au,'lv ~qO).LÉV'l yiYVE'Ul).
- Z 9,1034 a 31 : « De même que dans les syllogismes, le principe de tout - Z 6, 1031 b 17, 17: «Et en même temps il est clair aussi que, si existent
est l'essence, car les syllogismes se font à partir de l'essence, et c'est les idées telles que celtains les disent, le sujet ne sera pas essence, car ces
380 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z 14) 381

essences sont nécessairement, mais pas attribuées à un sujet car elles - LI. 14, 1020 b 15, 16: "La première qualité est:,!a différence de l'essence
seraient par participation. » (alla of: 6ft"-ov Kat on Sl1t8p tiaiv at iOEat (et la qualité dans les nombres en fait partie car-'elle est une certaine diffé-
oïaç nvÉç qmcrtv, OÙK ËŒ'tat 10 {mOKalJ.lEVOV oùcrlU' tut'n:aç yàp oÙGia~ rence des essences, mais des essences de choses non mues ou considérées
J..lSV àvœyKŒtOV dvUt, !l'Il Ku9' tmoK8tl-lSVOU 08' 8CfOV'tat yàp KŒ't'Ù comme non mues) ... » [1Cp(Î)'Cll ).lf:V yàp nOlotT\ç il tflç oùO'iaç OLŒ<popu
(tautTjç oÉ n Kat fi èv tOlç àpl8Jlolç n016tllÇ JlÉpoç· olaq>opà yap nç
JlÉeE~lV).
où",rov, àU' il ou KlVOUJlÉvmv il aux ~ KlVOUJlSva)].
- 11 14, 1020 b 7, 7 : «Certains nombres sont des qualités, comme ceux qui
Identité et différence selon l'essence sont composés et ne sont pas pris seulement une fois mais dont le plan et
L'essence constitue l'un des critères de l'identité et de la différence, à le solide sont des représentations [... ] et, en général, celui qui se trouve
dans l'essence à côté de la quantité; car l'essence de chaque nombre est ce
côté de la matière, de la forme et du composé numériquement un. qu'il est une fois, par exemple pour le six ce n'est pas ce qu'il est deux fois
_ A 9, 1018 a 7, Il : «Certaines choses sont dites les mêmes de cette façon, ni ce qu)l est trois fois mais ce qu'il est une fois. » (01 dpte).loi notol
mais celles qui le sont par soi le sont d'autant de façons que l'un, car sont ttVEÇ, oiov 01 crUV9StOl Kat J.1TI J.10VOV §;<p' Êv ov'C€Ç dÀÀ' IÏlv ,-Ü).lT\).lU tO
dites les mêmes celles dont la matière est une, soit par l'espèce soit par le ÈninEoov Kat to cr'tEpEOV, [... ] Kai oÀmç Ô nupà tO nocrov unupXEt §;v
nombre, et celles dont l'essence est une [ ... J. Sont dites autres les choses dont tU OÙO'I(1' oÙO'la yàp BKÛcrtO\) Ô anus, oiov tillv Êç OÙX Ô oiç il 'tpiç
les fonnes sont plusieurs ou la matière ou l'énoncé de l'essence. » (rà ).lÈv El"tv àU' illina~· ~~ yàp li.na~ Ë~).
outmç ÀéyEtat tatnlt" 'Cà oÈ Kae' autà ocraxrocr1C€p Kat tO EV' Kat yàp
cilv fi I)Àll Jl!a il s\On il àple~iti tatnà ÀÉyEtat Kat cilv fi où,,(a Jl!a [... ]. Les qualités des nombres sont les carrés, les cubes, etc., car dans
lhEpa 8t ÀÉyEtal cilv 11 tà E'((;11 nÀElm il fi 5Àll il 6 Àoyoç tliç où,,(aç). l'essence d'un nombre carré se trouve, d'une part, le nombre en question,
_ LI. 9, 1018 a 14: "Sont dites différentes [ ... ] toutes les choses qui ont qui est une quantité, et d'autre part, le deux, qui permet de l'élever au
l'altérité dans leur essence. » (Ôui<popa oÈ Àéy€tat [ ... ] oaa EX€l sv 'Cf! carré et qui est une qualité car il signifie « deux fois».
OÙO'l(1 'CllV É:'CEpO'Cll'CU).
_ LI. 10, 1018 b 3, 7: "Sont dites autres par l'espèce [ ... ] toutes les choses Les propriétés qui sont déduites de l'essence mais ne se trouvent pas
qui ont une contrariété dans leur essence [ ... ] et toutes celles qui, étant dans dans la définition sont des accidents d'un type particulier - en fait, ce
la même essence, on une différence. » (E'CEpa of: 'Ccp E'(OEt ÀéyE'Cat [... ] sont les propres :
ocra èv tf! OÙO'l(l svavdmalv BXEt' [ ... ] Kat ocra sv 'Cf! uÔtn O\)O'l(1 ov'Ca
- 11 30, 1025 a 32: « On appelle "accident" d'une autre manière, par
ExEl ola<popâv).
_ Ô 15, 1021 a Il : « Sont les mêmes les choses dont l'essence est une, sem- exemple, tout ce qui appartient au sujet par lui-même sans être dans son
blables celles dont la qualité est une, égales celles dont la quantité est une. » essence, par exemple, pour le triangle, le fait d'avoir les angles égaux à deux
('Cuùtà !lf:V yàp ibv ).llU 11 oÙO'la, O!lOlU 0' IÏlv ft nOlotllç ).lia, tau oÈ IÏlv droits. » (ÀÉYStat oÈ Katli.Umç "UJlPEPTjK6ç, olov o"aunapXEl ÉK,m")l
KaO' autO Jll'j èv ~ii où"'\' avtu, olov titi tplycOVQl tO oua opeùÇ BXElv).
tO nocrov EV).
E 1, 1025 b 14: «Il n'y a pas de démonstration de l'essence ni du ce-
que-c'est à partir d'une telle induction, mais une autre manière de les
L'essence est ce qni est exprimé par la définition manifester. » (OÙK EcrttV dnOO€lSlÇ oÙO'laç OÙOf: 'C06 'Ct Ècrttv f:K tftç
_ /) 13, 1020 a 18, 20: «Parmi les quantités par soi, les unes le sont selon tolaUtTjç ènaymyfiç, àUa nç Ii.1cÀoç tponoç tliç o11À"'''Emç).
l'essence, par exemple la ligne est une quantité car dans l'énoncé qui dit ce - B 3,998 b 12.: «La définition de l'essence est unique» (0 JlÈv yàp Myoç
qu'elle est se trouve la quantité, les autres sont des affections et des posses- <liç où"laç ciç) (cf. b 13 : opl"Jl6ç).
sions d'une telle essence, par exemple le beaucoup et le peu, etc. » (trov of: - Z 12, 1038 a 19 : ~~ li est manifeste que la demière différence sera l'essence
Ka9' uùtà 'Cà ).lÈv Ka'C' oÙO'lav ècrttv, oiov ft ypa).l).lTI nocrov n sv yàp de la chose et la définition.» (<pUV€POV Ott ft tEÀEu'Caia otmpopà il oùcrla
'CcP ÀOYCV 'C4) 'Ct san ÀÉyov'Ct tO nocrov 'Ct umipXEl, tà of: mi9T\ Kat EÇElÇ toG npay~atoç Batat KUt 6 6Pl"JlOÇ).
'Cflç 'COlaUtllÇ Ècr'Civ où<riaç, oiov tO noÀù Kat 'Co ôÂ.lYov ... ). - Z 12, 1038 a 26: «Seule la dernière sera la forme et l'essence. » (J.1ia
_ Ô 14, 1020 a 33, b 1 : «La qualité se dit d'une certaine façon comme la !l"tat fi tEÀEUta!a tà Eiooç Kat fi où,,!a).
différence de l'essence [... ], du fait que la différence qui est dans l'essence - Z 12, 1038 a 33: «Il n'y a pas d'ordre de succession dans l'essence, car
est une qualité. » (To nOlov ÀÉyEtat Eva ).lf:V 'Cponov ft ola<popà 'CllÇ comment faut-il penser que l'un est postérieur et l'autre antérieur? » (panni
où,,!aç, [... ] cOç tliç olaq>opaç tliç Katà tl'jv où,,!av nOlOtTjtOÇ 06"Tjç) les termes «animal bipède pourvu de pieds»). (taçtç 0' OÙK BcrttV f.v tU
(id. LI. 14, 1020 b 2). . où<ri(1' nroç yàp oei voflcrŒt 'Co ).lÈv Ücr'CEpOV 'Co of: npOtEpOV ;).
382 ANNICK STEVENS §9. MÉTAPHYSIQUE (A - Z (4) 383

_ Z 12, 1037 b 26, 27 : « Il faut en tous cas que tout ce qui se trouve dans la Il ne faut pas confondre le composé avec là forme sans matière, qui
définition soit un car la définition est un énoncé un et est de l'essence, de s'identifie à l'être et à l'essence:
sorte qu'elle doit' être l'énoncé de quelque chose d'un;. en effet l',:ss~nce
signifie quelque chose d'un e~ un ce;:i, ~omme, nou~ le dlS?llS; » (OB\,08 ys - Z 10, 1036 a 19: «Si l'âme est un animal ou un animé, ou si l'âme de
Ëv BtVat ocra èv tà) bplO'J.lq;>" 6 'fap ;,plaJ.l?ç Â,oyo~ '"C~ç B<crt:V ,8t~, Kat chaque chose est chaque chose et si le cercle est l'être du cercle et l'angle
oùO'io:~, rocr'tB Ê:v6ç tlVOç OBi atrtov elvat ÀOyOV' Kat yap 11 ouaUl EV tt droit l'être de l'angle droit et l'essence de l'angle droit, lequel faut-il
Kal ,60E n O"Tjj.lCliVEI, ruç <paj.l8v). dire postérieur auquel?» (st I-lÈv yup Bcrn Kat ft 'VUXll Sc$ov il
EI-l'VUXOV, il ËKaq'tov fl 8KUcrtOU, Kat KUKÀOÇ tO KDKÂcp 8ivat, KUt
opeTj '0 opeù Elval Kal Ti où"ia Ti ûiç 6pefiç, ,l j.l!;v Kat nvoç
La forme substantielle, à l'intersection de l'essence et de la substance <pa'tÉov ücrtSpov ;).

À partir de Z 10, l'enqnête porte sur la première des trois snbstances, De telles affirmations semblent également valables pour les formes et
la forme du composé particulier. Or chacune des trois, matière, forme et les composés considérés en général ou en particulier.
composé, peut s'entendre comme particulière ou comme générale. Seules Dans certains cas, il est manifeste que la matière ne fait pas partie de
les particulières sont substances, c'est-à-dire sujets ultimes, et seules l'essence:
les formes sont essences. Seule donc la forme particulière est à la fois - Z 11, 1036 a 33 : «Toutes les choses qui sont manifestement produites
substance et essence, et ce non comme le 'ti Èan général mais comme le sur des supports différents par l'espèce, par exemple le cercle dans le
Ü ~v dVal du composé. bronze et la pierre et le bois, il semble clair à leur propos que ni le bronze
ni la pierre ne son! rien de l'essence du cercle, du fait qu'elle en est sépa-
_ Z 10 1035 b 13 : «Toutes les parties qui 'le sont au sens de la matière et rée. » (ocru ~Èv OOV <pUiVBtat B7ttytyVOI-lSVU ~<p' 8tÉPCOV t<$ s'LOSt, oiov
en le~quelles la chose se divise comme vers une matière, sont postérieur~s ; KDKÀOÇ ev xaÀKcP Kat Âi9cp Kat ~DÂCV, taûta I-lÈV 0llÂa dvat OOKst
toutes celles qui sont parties de la défini~ion et ?e l'esse~ce c~nfor:ne a.la on OÙO!;v 'fiç 'ou KUK1"OU où"ia" Ô Xa1"KOÇ OÔO' Ô 1,,(9oç olà '0 xmpi-
définition sont antélieures, soit toutes S01t certames.» (ocra ~sv }-lSP11 coç (meUt aÔ,wv).
u1"Tj Kal Elç li olalp""Ut ruç u1"TjV, UO"'EP~: ô~a OS,,~~ wu 1"oyou Kat
tllÇ oùcsiuç tllÇ Kutà tOV ÂOyov, npotspu 11 navtU 11 svta). .
_ Z 10 1035 b 15, 15,21,22: «Puisque l'âme des animaux (c'est-à-dIre
l'ess~nce de l'animé) est l'essence confonne à la définition et la fonne et D. CONCLUSION
l'être initial de ce corps-ci [... J, le corps et ses parties sont postérieurs à cette
essence, et ce qui se divise en elle comme en la n;atièr: n'es~ pas !'e~senc~ La signification du terme oùcria varie énormément selon les contextes,
mais le composé. » (snEl oÈ fl truv Scpcov 'V~Xll (tOUtO yap oucsta tO~ principalement à cause de la diversité des traditions philosophiques,
tl.l\jlDXOU) fl Katà tOV ÂOyov oùcsiu Kat to 8iooç Kat to ti DV sivu,t tep
chaque pbilosophe concevant l'être premier d'après un critère différent.
tOtcP os crcO~Utt [ ... J, tO oÈ crrul-la _Kat .tà tO~;OU I-lopta. üc:tspa, 'ta~t11~
tllÇ oùcriuç, Kat OtatPSl'tat dç taDta coç stç UÂllV auX 11 OUCSlU aÂÀa 'ta Parmi les quatre significations principales que j'ai pu distinguer, une seule
O"ûvo1"ov). , . est nouvelle et introduite par Aristote, celle à laqueIle je propose de réser-
_ Z 10, 1035 b 26: «Ces parties sont donc en un sens anteneures au com~ ver l'appellation" substance », dans la mesure où il s'agit bien de ce qui
posé en un sens non [ ... J, et certaines sont simultanées, toutes celles qm « se trouve sous » le reste, en tant que sujet des attributs, tant du point
sont 'principales et dans lesquelles se trouve en premie! lü~u la ~définiti?n et
de vue logique que du point de vue physique. Les autres significations
l'essence, par exemple le cœur ?u le ~ervea~:» (t?U" ~sv"ouv <:uvoÀou
npotspa tUÛt' Ecr'ttV rnç, scr'tt 0 cbç 0(\ [ ... ]" s.:'ta os a~a, ~cra K~pta Kat sont héritées des pensées antérieures, sans qu'Aristote éprouve le besoin
êv <l> "pomp Ô Myoç Kal Ti où",a, olav El ,omo mpota Tj syxc<pa1,,?ç). de préciser au sens de quel auteur il utilise à chaque fois le mot. Cette
_ Z 10 1035 b 29 : «L'homme, le cheval et tout ce qm est amSl attnbue au absence de distinction explicite, qui indique probablement que dans les
parti;ulier en étant général, n'est pas essence ~,~is est un cO~P?~,é de cette écoles philosophiques de l'époque l'identification se faisait aisément, est
définition et de cette matière en général. » (6 0 av9pconoç Kat 0 t1tnoç Ka,t
tà OÜtCOç tni 'truv Ka9' ËKacrta, Ka90Ào~ O_É, ,?ÔK Ecr't~V o~csiu ùÀÂa
aujourd 'hui source de confusion pour les lecteurs. En outre, nous avons
O"ûvoMv n SK ,ouol 'ou Myou Kal 'TjO"OI 'Tjç u1"Tjç ruç Kae01"OU). constaté que la polysémie est parfois sciemment entretenue par Aristote
ANNICK STEVENS
384

dans des passages doxographiques ou diaporétiques, pour introduire des


contradictions logiques dans une théorie ou du moins pour signaler qu'à
§1O. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N)
défaut de précision on risque la contradiction.
En ce qui concerne la traduction du terme, aucun mot français n'est
capable d'évoquer spontanément tout le champ sémantique qu'évoque Christian RUTTEN
l' oùcrta pour un auditeur grec - au point que certains, comme Frede et
Patzig, se contentent de Je translittérer. Certaines réalités reçoivent même
l'appellation en vertu de critères incompatibles et opposés, de sorte que Édition de référence
les mêmes affinnations seront vraies pour certaines 000'io,1 et fausses W. D. Ross, Aristotle's Metaphysics. A revised texl with Introduction and Com-
pour d'autres; c'est particulièrement manifeste dans le cas de la sub- mentary, 2 vol., Oxford, Clarendon Press, 1924.
stance et de l'essence. Si l'on décidait par convention d'utiliser toujours
le même terme (par exemple, « essence», qui est assez polysémique en Antres éditions et traductions utilisées
français, ou un néologisme tel que « étance », forgé sur le verbe « être»), w. JAEGER, ~ristoteli~ Metaphysica, Oxford, Clarendon Press, 1957.
il faudrait à chaque occnrrence signaler au lecteur non expert de quelle J. TRICOT, ArIstote. Metaphysique, traduction nouvelle et notes 2 vol Pan·s V .
1953. ' ' ., ,nn,
sigmfication il s'agit, faute de quoi la logique de certains raisonnements
lui échapperait. On pourrait objecter qu'nne telle précision demanderait H. TREDENNICK, Aris~otle. !he Metaphysics, 2 vo1., Londres / Camblidge Mass.
«The Loeb Classlcal Llbrary », Harvard University Press 1933-1935 '
trop d'interprétation de la part du traducteur, mais en fait les cas litigieux
E. ROLFES, Anstoteles. Metaphysik, 2 vol., Leipzig, 1904.' .
sont assez rares et, la plupart du temps, pourvu que l'on comprenne de H. G. APOSTLE, AristotZe's Metaphysics, Indiana University Press, 1966.
quoi il est question et comment fonctionne l'argument, on sait aussi com-
ment traduire. Dès lors, il me semble moins hasardeux de demander ce
travail au traducteur qu'au lecteur ... A. DONNÉES QUANTITATIVES

Z 15-17 26
H 42
0 17
l 21
K 39
A 6Jl
M 55
N 36
Total 297

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

li n'y a ~as d'obse~.ations proprement grammaticales à faire. On se bor-


nera donc a donner ICI quelques indications sur l'environnement lexical.

1 En A 4, 1070 b 25, je ne lis pas Kat ouata (Ab Ross), mais ooaa (EJr Jaeger).
-
§ 10. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 387
386 CHRISTIAN RlfITEN

).LOpla aùtrov, Kat tà çc$a Kat tà ).Lopta tmv,·Sc$mv, Kat tÉÎvoç 6 oùpavèç
Oocria associé à Bivat : Z 17, 1041 b 27-28 (l'oi",iu de chaque chose Kat tà ).LOptu tOU oùpavou')
est ahtov npmwv wu dvat; cf. ~ 8, 1017 b 15, H 2, 1043 a 2,
H 3, 1043 b 13), M 2, 1077 b 2-3 (~n ftèv yàp OOGt'l np6~epa Peu impOlte que, d'après Z 16, 1040 b 5 (voir infra), les parties
ocra XffiplÇ6fteva ~iii dVUl unep~étnet. .. ), N 5, 1092 b 20-21 (à')..,'À' des animaux, la terre, le feu, l'air ne soient pas des substances. Ce n'est
f] oOGia ~à wcr6vo' dvat ... ). pas des substances, en effet, qu'il s'agit au début de H 1. Les oOcrtat
Oocria associé à <p6crtç: Z 17, 1041 b 28-31, H 3, 1043 b 21-23, dont il s'agit au début de H 1 ne sont pas autre chose, en vérité, que les
1044 a 7-9, El 8, 1050 b 35, l 2, 1053 b 9, 21-22, K 7, 1064 b 11, ovm dont il s'agit au début de El, 1025 b 3 3 Ravaisson l'a bien vu qui
A 8,1074 a 19-22, M 6,1080 a 15-16, N 1, 1088 a 23; à Èvépyeta: traduit ~mv oommv, en 1042 a 5, par «des êtres »4.
H 2, 1042 b 10-11, 1043 a 23-24, H 3, 1043 a 35, El 8, 1050 b 2, - H 1, 1042 a 23-24: «[ ... ] car certains disent qu'en dehors des réalités
A 7, 1072 a 25 ; à dooç: El 8, 1050 a 5, b 2, M 8, 1084 b 19; à sensibles existent ces réalités-là. - Mais traitons maintenant des réalités
~68e 11: K 2, 1060 b 1,3,21-22, N 2, 1090 b 11; à ~6oe : N 2, que l'on admet. Ce sont les réalités sensibles ... » (napà yàp tàç atcr61ltàç
OÙ(jiuç taûtaç ÀÉyoucrt ttvEÇ dvat. - vuv of: nEpt tmv O).LoÀoyou-
1089 b 17; à ~à ~i: K 7,1064 a 9; hà 1\ ~v dvat: A 9: 1075 a 2.
[ttvmv où",rov Èn81-9m[tEv.)
- H 3, 1043 b 28 : «Il existe dès lors une sorte de réalité qui peut avoir une
définition, une fonnule, à'savoir la sorte de réalité qui est composée, qu'elle
C. ANALYSE SÉMANTIQUE 2 soit sensible ou intelligible ... » (ébat' oùmuç san flf:V ~ç tVOÉXEtat stVUt
opov Kat ;\Orov, oiov tfis ouv9twu, MN tE alo911tll tav tE VOl1t1) ~.)
Faisant bien apparaître la polysémie d'oocria dans la Métaphysique, Point ne s'agit seulement ici de la substance, bien entendu, mais aussi
montrant aussi le parti que souvent Aristote tire de cette polysémie, les des réalités intelligibles et composées que sont les entités mathématiques.
analyses de Mme A. Stevens me semblent extrêmement éclairantes. Je les Cf. Z Il, 1036 b 32-35.
prends donc pour poînt de départ.
- e 8, 1049 b Il : «À toute puissance de cette sorte l'acte est antérieur non
seulement quant à la formule, mais encore quant à l'être; quant au temps,
1. L' oOGia au sens large en un sens il est antérieur, en un sens il ne l'est pas. » (nucr"ç (1) tfiç
tOlUÛtllÇ npotspa i:crttV f] i:VÉpyElU Kat ÀÔycp Kat tfl OÙ(jiÇ(' XPÔVQ:l 0'
_ H 1, 1042 a 5,6: « Nous avons dit qu'on recherche les causes, les principes Ilon [tcv mS, Ilon 88 ms ou.)
et les éléments des réalités. Mais certaines réalités sont admises par tout
le monde, tandis que, sur quelques-unes, d'aucuns se sont prononcés d'une Voir encore El 8, 1050 a 4, b 4, 7, M 2, 1077 a 19, 27, b 2, 2, 7.
manière particulière. Sont admises les réalités naturelles, c'est-à-dire le feu, Faut-il dire que l'antériorité non seulement quant à la formule, mais
la terre l'eau, l'air et les autres corps simples; ensuite les plantes et leurs encore quant à l'oocria est autre chose que l'antériorité quant à la formule
parties, les animaux et les parties des animaux; enfin le ciel et les parties
du ciel. » (sïplltUl 8il on tmv oùmIDv Ç"tEltUl tà aïna Kat ai dpXat Kat
et quant à l'essence qu'exprime celle-ci (cf. H 1, 1042 a 17 [C 4]) ? Voir,
tà atotXEta. OÙO'\(U of: at !lf:V O!loÀOYOÛ!lEVat Etatv Ù1tO nuv't"{üv, nEpt sur ce point, ce qu'on lit en M 2.
of: tVtffiV 10iÇt ttvf:ç dnEq:d]vavto' O).LOÎvOYOÛ).LEVat ).Lf:V ai qmcrtKai, olov - M 2, 1077 b 2, 2: « [ ... ] mais tout ce qui est antérieur quant à la fonnule
1tUp yfi üorop d1)p Kat t&ÀÎva tà émÀu acû!lata, Ë1tEHa tà qmtà Kat tà n'est pas également antérieur quant à l'être. Sont antérieures quant à l'être
les choses qui, séparées, l'emportent en être (tél> dvat), tandis que sont
antérieures quant à la formule les choses dont la formule des autres choses
2 Quelques occurrences d'oùal.u que l'on trouve en M 4 et en M 5 dans le même
contexte qu'en A 9 n'ont pas à faire ici l'objet d'un nouveau commentaire. M 4, 1079 a 3 comprend la fonnule 5 . » (dÎvÀ' où nuvta oaa tcp Îvôycp npOtEpa Kat 'tfl
(napà ,àç oùoiaç) ~ A 9, 990 b 7 ; M 4, 1079 a 20 (,iDv oùmiDv) ~ A 9, 990 b 24;
M 4, 1079 a 23 (,~ç oùoiaç) ~ A 9, 990 b 26; M 4, 1079 a 25 (,iDv oùo,iDv) ~ A 9, 3 Cf. ApOSTLE, p. 348, n.l.
990 b 29; 1079 a 31 (aùoia) ~ A 9, 990 b 34; 1079 a 31 (oùoiav) ~ A 9, 991 al; 4 F. RAVAISSSON, Essai sur la Métaphysique d'Aristote, p. 156.
M 5,1079 b 17 (aùoia) ~ A 9, 991 a 13; M 5,1079 b 36 (,~v oùoiav).~ A 9, 991 b 1; ; Cf. Ross, II, p. 415.
M 5, 1079 b 36 (~ oùoia) ~ A 9.991 b 2; M 5, 1080 a 1 (oùoiat) ~ A 9, 991 b 2.
§10. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 389
CHRISTIAN RUTTEN
388

O\JO'i(11tpO'tEpa. '[TI J.lÈV yètp oùalq; rcpon:pa Ô~~ x~ptÇ6J.lEVa tcp EtVat
efforcerons de le montrer. » (nspt tO xroptcrJOV apa ov Kat dKivll'tOV
ÉtÉpa tOUtOOV dJ.1<potÉprov tOOV èmcrt11llcOV ~cr-tl nç, stnsp ùnuPxs1 ttç
U1tEppaÀÀE1, t0 À6ycp oi; oarov 0\ Mym h trov ÀOyrov')
_ 1 1 1053 a 19 : «C'est donc ainsi que l'un est mesure, parce que nous oùcria 'tOtaUt11, ÀÉyro CB xroptcrTll KUt dX1Vll'tOÇ, G1tSp nSlpacroJ.1s8a
par~enons à connaître ce dont la réalité est con~,tituée ,en ?ivisant ~oit selo~ oStKVuvat.)
la quantité, soit selon la !orme spécifi~u~. » (OUta: 8111t~v't(i)v, J.lE,tpOV ~o Voir encore 1064 b 10, 11. Cf. E 1, 1025 b 20, 27, 1026 a 28; A. Stevens,
n
Ëv, on yvOOpiÇOj.lBV Èç rov Ècrtlv oucna OlatpOUV''CEç l1'KU'w 'to 7tocrov
il Katà tà dooç.) Cl.

«In the preceding section of the chapter (1052 b 18 ff.), dit le - A 3, 1070 a 5, 5 : «Tout être vient de son synonyme (sont des êtres,
en effet, les choses naturelles et les autres). » (sKâcr't11 èK cruVOOVUJlOU
P. Eiders, AristotJe asserts that a measure is required in each genus, while yiyvs'tut oùcria 'tà yàp <pucrSt oùcrial Kat 'tà aÀÀu.)
he does not speak of a measure of substance. But here quality or quan-
tity are ta discJose what is in the substance. Thus there appears ta be a Ainsi compris, le passage ne montre aucunement «that substance is
certain discordance between the two parts of the chapter 6 ..• » Plus de being taken ta incJude n9t only natural substances such as the ward pri-
difficulté s'il est vrai qu'Aristote ne parle pas, en 1053 a 19, de ce qui marily suggests [ ... ] but also products of art, chance or spontaneity »
constitue la substance, mais bien des «Bestandteile eines Dinges» (Ross, II, p. 354). Il ne contredit point Z l7, 1041 b 28-30 (voir infra,
(Rolfes). CS). - Voir encore A 3, 1070 a 14.
_ 13 1054 b 1,4: « [De plus, nous parlons d'identité lorsque la formule de - A 6, 1071 b 18,20: « [Il n'y aura pas de mouvement éternel], même si le
l' e~sence première est la même; les lignes droites égales, par exen:ple, sO,nt principe du mouvement agit, si son être est puissance [... ]. Il doit donc y
identiques, de même que les quadrilatères égaux et équiangles, bien qu'ds avoir un principe de cette sorte dont l'être soit acte. » (il 8' oùcria aÙTllç
soient plusieurs; mais ici c'est l'égalité qui est unité.] (C 4: De~ chose~ oUVaJ.llç· où yàp "atm Kivllalç à.îOlOÇ· [ ... ] oEi apa EÎval à.pxt]v
sont semblables, d'autre part, quand, n'étant pas abs~lum~nt Identiques,: ru totau'tllv ~ç ffoùcria èYÉpystu.)
sans différence dans la réalité concrète, elles sont Identiques quant a la
forme spécifique; c'est ainsi que le plus grand quadri~~tère, es; se,mb~able Le principe dont il s'agit est une substance (b 14, 16, 21 ; cf. C 3).
au petit, que les droite~ in~éga~es so~:, semblables. ',' », (8't; 0 ~uv, 0 ~oyo~ Peut-on parler de la substance (Tricot) de cette substance? L'essence
'tflç rcpoJ't11Ç oùcria.; €Ïç TI, olov al. lcral. ypallllu; SU8S1~t ~l au;al., Ka~ (Tredennick) d'une chose, d'autre part, quelle que soit cette chose, est
'tà tcra Kat l.croycOvw 'ts'tpuyrova, Kal'tm nAstro' àAÀ sv 'tou'tmç 11
toujours l'acte de celle-ci (C 4). Dire que l'essence du principe moteur
l.crO'tT1Ç Évo't11Ç. 0llmu CB èàv 11ft 'taütà, f.t1t,ÀIDl ov'tu" 1l~~B ~u'tà 'tft~
oùcriav douI<popu tT1V crUyKSlIlÉv11V, Ka'tU 'tO SlOOÇ tuu'ta Tl, rocr7t8p tO est acte (actuality) n'est donc pas exprimer ce qui distingue des autres
1.lf:tÇOV ts'tpâyrovov tcP IltKpCP 0J.10lOV, KUt ut aVlcrm sü8stal.·) l'essence d'un acte. C'est, en effet, tout l'être du moteur qui est acte.

Cf., sur 1'« essence première» (b 1), c'est-à-dire la fmme, c'est-à-dire - A 10, 1075 b 38 - 1076 al: « [Quant à ceux qui disent que vient d'abord
le 1î ~v e\VŒt, Z 7, 1032 b 2 ; A. Stevens, C 4. Oùcrîa ne peut être pris le nombre mathématique, qu'une autre substance vient ainsi toujours après
une substance, que chacune a d'autres principes] (C 3, cf. Z 2, 1028 b 22,
en b 4 dans le même sens qu'en b 1. L'oùcrîa quant à quoi diffèrent des 23, 24 ; A. Stevens C 3), ils font de l'être7 du tout une série d'épisodes. »
choses qui sont identiques quant à l'e\ooç ne peut évidemment pas être (oi OB ÀÉ')'ov'tsç 'tOY dpt8JloV npoo'toY 'tOY j.la811JlUttKOv Kat oü'tooç dd
constituée par l'e\ooç. Peut-on voir dans l'oùaîa dont il s'agit en b 4, aÀÀllV ÈX0J.l8VllV où"iav Kat à.pxàç tKaatllç aÀÀaç, È1tElCioolCDoll 1t]V
d'autre part, comme fait Tricot, la « substance concrète» des quadrila- 'tou naY'toç oÙO'lav nowucrt v.)
tères ou celle des lignes? On ne peut, sans créer une équivoque, parler ici, comme Tricot, de la
_ K 7 1064 a 35 : «Il existe donc une science différente de ces deux-là qui « substance de l'Univers» ...
port~ sur ce qui est séparé et immobile, s'il est vrai q? 'il Y a une réalité de
cette sorte, je veux dire une réalité séparée et immobile, comme nous nous

7 Cf. D. SEDLEY, «Metaphysics, A 10 », p. 346 (327~350).


6 L. ELDERS, Aritotle's The01y of the One, p. 77.
§1O. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 391
390 CHRISTIAN RUTfEN

que les choses individuelles. À l'universel et atkgenre se rattachent aussi les


_ M 6, 1080 b 18 : «Les pythagoriciens disent que les réalités sensibles sont
Idées (c'est pour la même raison que ceux-ci, en effet, qu'elles semblent être
constituées par le nombre mathématique.» (8K tOUtOU 't"àç aicrEhl'ràç
des êtres au sens premier). » (ioiÇl oÉ nveç oùala<; À.ÉyoucrtV dvUl 'ta
oÙO'laç cruvECrtavat <pacrlv) " "'OTJ 'Sai ,à llaS~llanKét. aÀÀas oi; oi) "ull~a(V"' "K ,&v Myrov
_ M 9, 1086 a 23, 25: « En ce qui concerne les premiers principes, les
o~aia<; d~Ul, 'tO}t llV dVŒt Kat 'to un:oKetJ,.leVov· en aÀ.À.coç 'tO yÉvoç
premières causes et les éléments, les dires de ceux qui ne traitent que de la
jlaÀ.Àov 'tcov EiOcov Kat 'to KaS6Àou 'twv Ka9' EKacr'ta' 'too of: Ka90Àou
réalité sensiblé [ .. ,]. Mais les dires de ceux qui affirment l'existence
Kat 'tc$ yaVEt Kat al 10Éat crUVaTC'tOUcrt v Ka'tà 'tov atn6v yàp ÀOyov
d'autres réalités en dehors des sensibles [ ... J. » (rcspi oÈ tOOV npoY[mv
oùaiul OQ1coucrtv Etvat.)
àpxoov Kat trov 7tpcin:mv altirov Kat C)1:01.XS{rov ocra IlÈV Àf:youO'tV ol1tspi
- HI, 1042 a 21 : «En outre, ni l'universel n'est être au sens premier ni
IlDV'lS 'ils a("S'l'ilS où<rias owpiÇov,"S [ ... ) ocra 01: 0\ <pét"KOV'"S slvm
le genre ne l'est. » (eT\, 'totvuv othe 'to Ka90À.ou où<ria o\5'te 'to yÉvoç')
1tapà ,às a("S'l,àS 1;,l:pas OÙ"'"<;.)
_ M 10, 1087 a 6: « [ ... ) quand on prétend qu'en dehors des réalités qui ont _ Cf., sur l'être au sens premier que semblent chacun constituer le ~i ~v
la même fonne spécifique existent aussi des Idées, quelque chose d'un qui
est séparé. }) (o'tuv [ ... ] n:upà 'tàç 'to m'no dooç Èxoucraç o\mlm; Kat
dveu et le sujet, Z 3, 1028 b 33 ; A. Stevens, C 2. Ce sont là, d'après
ioÉaç EV '"Ct ÙSlCOcrtV eivUl KexcoptcrJ.LÉVov·) H 1, d'autres êtres au sens premier que ceux des platoniciens.

Cf. A. Stevens sur A 9,990 b 7 (C 1). 3. L'où"ia, c'est-à-dire la substance


_ 1, 1088 a 4: «L'un n'est pas une réalité en soi. » (roç OÙK oV'toç nvoç
'toû évoç KaS' au'to oùai(1(;.) Z 15, 1039 b 20, 21,'29 : "Puisque la substance est l'une ou l'autre de deux
_ A 8, 1074 b 9: «Les anciens pensaient que les réali~és premières étaient choses: soit le composé, soit la formule Ge veux dire que la substance9
des dieux. » (on geoùç cJ.)ov'to 'tàç n:po:naç où<ria<; eivUl.) tantôt est une substance dans le premier sens, est la fonnule prise avec la
matière, tantôt est simplement la fonnule), les substances dans le premier
Cf. r 3, 1005 a 35 ; A. Stevens, C 1. Voir aussi N 4, 1092 a 8 et sens, dès lors, sont sujettes au périssement lO (car il y a aussi une génération
N 5, 1092 a 11, où sont critiqués les philosophes qui regardeut les de celles-ci), tandis que, s'agissant de la formule, il n'y a pas de raison
nombres comme les npc(Ycat oùcrtat, c'est-à-dire corrune les premiers des pour qu'elle périsse (il n'y a pas non plus, en effet, de génération de la
fonnule) [... ]. Mais cela fait aussi que les substances sensibles individuelles
êtres (1092 a 22 : ~&v OV~Olv ~à. 1tp&~a). ne sont objet ni de définition ni de démonstration, parce qu'elles ont une
matière dont la nature est telle qu'elle peut soit être ou ne pas être; c'est
2. L'où"ia, c'est-à-dire J'être au sens premier pourquoi toutes les choses individuelles, parmi les substances sensibles,
sont périssables. » ('End 0' ft oùala É'tÉpa, 'to 'te cruvoÀov Kat b Àôyoç
_ Z 16, 1041 a 4, 4, 5 : ({ On voit donc que rien de ce qui se dit universelle- (ÀÉym 0' on f] ~I:v oihroS "",iv où"ll1, ailv 'TI ÜÀ11 "DV"tÀTJ~~l:voS
ment n'est être au sens premier, et qu'aucun être_au sens premier n'est Ô À6yoç, ft 0' ô Àoyoç oÀ.roç), ocrm J.lf:V oÔv oÎ5'tco Àayov'tUl, 'tou'trov
composé d'êtres au sens premier. » (on J.LBV oùv o\5'te 'tillv KaS6À.ou jlf:V ecrn <pSopu Kat yàp yÉvecrtç, 'toû OB ÀOyou OOK ecrnv oü'tcoç rocr'te
À.EyOJ,.lÉVrov oùoBv oùala 0\5't' Ècr'ttV oùaia ouoeJ,.lta ÈS oùmrov, oi\À.ov.) <pSetpEcrSm OUOE: yàp yÉVEcrtÇ, [ ... ].otà 'tou'to of: Kat 'toov oùO'trov 'toov
aicr91l'toov 'toov 2<a9' ËKucr'ta oü'te bptcrjloç oü'te ànooetstç Ëcrnv, on
Ainsi comprise, la fin de Z 16 s'accorde au reste du chapitre, où il exoucrtv üÀllV tiç ti <pUatç 'totau'tll rocr't' 8VOÉxecr9at Kat eivŒt Kat J,.l1l'
s'agit aussi bien de la substance (voir C 3) que de l'essence (voir C 4). oto <p9up'tà n:av'ta 'tà KaS' EKacr'tu au'toov.)
Voir, d'autre part, Z 13 ; A. Steveus, C 2. Il va de soi que le composé, lequel est soumis à la génération et
_ H 1, 1042 a 11, 13, 16: «Certains, cependant, disent, pour leur part, que au périssement, n'est pas l'essence, mais bien la substance sensible.
sont des êtres au sens premier les espèces et les choses mathématiques. Cf. B 5,1002 a 30;.b 8 (A. Stevens, C 3); K 2,1060 b 17, 18. Aristote
Mais il résulte de nos exposés qu'il Y ad' autres êtres au sens premier, la
quiddité et le sujet. De plus, dans un autre point de vue, le genre est p~us
n'en dit pas moins ici, implicitement, que toutes les substances sensibles
être au sens premier que les espèces, et l'universel plus être au sens premIer
9 Je n'écris pas en gras, bien entendu, les mots que je suis amené à suppléer.
10 Litt. : Des substances ... il y a un périssement.
" Cf. A 8, 989 b 23 ; A. Stevens, C 1.
§10. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 393
392 CHRISTIAN RUTTEN

ceci en acte, est un ceci en puissance), en un~autre sens la formule et la


ne sont pas, comme le soleil (1040 a 33) des choses individuelles. La f~rn;e [: .. ] et en t:~isième lieu le composé d~>s>deux (qui seul COIlllaît la
formule de la substance sensible est donc elle aussi, en un sens, une generatlOn et le ~enssement, et qui est séparable absolument, car, parmi
substance sensible". les substances repondant à une formule, les unes sont séparables absolu-
~ent, les autres non). Que la matière également soit substance, on le voit
_ Z 16, 1040 b 5 : "li est clair que même la plupart des choses qui semblent bIen. Dans tous les changements qui s'opposent les uns aux autres, en
être des substances sont des puissances: les parties des animaux (car effet, quelque chose sert de sujet au changement [ ... ] de même encore
aucune d'entre elles n'existe séparée, et, quand on les a séparées, même dans les changements selon la substance, ce qu'on trouve tantôt dans l~
alors elles existent en tant que matière) ainsi que la terre, le feu et l'air, car génération, tantôt dans le périssement [ ... ]. Et les autres changements
aucune de ces choses ne forme une unité, mais chacune est comme un tas, accompagne?t le ch,ang:m~nt,selon la su~stance [ ... ]. » (vuv of: nEpt 1:00V
avant qu'elles ne soient élaborées et que n'en vienne quelque chose d'un.» 6~oÀoy~1))l~V;oV O~O'~Ol~, EnEÀ,~ro)lEV. aU1:at 0-' Eicriv ai a1crOll1:ai· ai 0'
(ct>avapov 88 ott Kat trov oOKoucrâlV dvUt oùcrunv al 1tÀEÎcrtat O\JVUIlE1Ç ~tcrOll1:a~ O~O'~,Ul n,~crat 1)~1l~ EXOUcrlV. Bcrn 0' ~ù(iia 1:0 ÛnOKElJ.1,EVOV,
Etat, 'ta tE J.l6pta tmv çc?mv où9Èv yàp KEXCOptcrJ.lÉvov aù'toov S()'"c{v' o.ÀÀ;"ç J'EV T\ U~T\ UÀ'lV, 8E À~Yro f\ ~i] 160B n oùcra eVBpyet(L 8DVà~EI
otav 08 xcoptcrefl, Kut "COtE ovta chç üÀll1tuvta KCÜ '111 Kat nup K(ll àftp' ecrn 100E. n, aÀÀroç 0 Ô Àoyoç lml tl ~op<pi] [ ... ] 1p\10V 8è 10 eK
où8èv yàp aÙ1ô\v sv iitmv, (t'ÀÀ' olov crrop6ç, nplv 11 nB<pSTI Kal yÉVT\- 1:0U1:COV, ou
yÉVEcrtÇ )lOVOU Kat ((l90pa scrn, Kat Xroptcr1:CV émÀooç· 1:00V
tut n èç UtJ'trov sv.) yàp KC:1:à 1:CV À6~ov OÙ(i~Ô>v a~ )lf:V ai 3' ou. on 3' 80'1:tV oùcria Kat li
~ÀT\, o~Àov' ev ~o.crû.lç yap 1:nç ù.vnX01l'Évmç ~B1UDoÀaîç ecr1\ n 10
Ce passage ne contredit aucunement ce qu'on lit en Z 2,1028 b 8-14 unOKEt)lEVOV 1:atç J..LEta~OÀatç, [ ... ] o)loimç 3è Kat Kat' où(itav ô vuv
(voir A. Stevens, C 3). Aristote ne dit pas, en effet, au début de Z2, qne ~i:v ev YEVÉcrBI nàÀlv 0' ev <pSopÇi [ ... ]. Kal à.KoÀouSoùcrt 8i] 10.6111 al
les corps naturels et leurs parties sont des substances, mais bien qu'ils aÀÀû.l ~B1UDoÀo.\) ,
semblent être des substances. Rien d'étonnant si Aristote, entreprenant de traiter des êtres que
_ Z 16,1040 b 29 : «Les partisans des Espèces ont en un sens raison, quand tout Ale monde admet, c'est-à-dire des êtres sensibles, commence par
ils les séparent, puisqu'elles sont des substances, tandis qu'en un autre sens les etres senSIbles au sens premier, c'est-à-dire par les substances
ils ont tort, parce qu'ils disent que l'un qui s'applique à plusieurs choses est sensibles. - Sur la matière en tant qu'elle n'est pas 1686 n en acte:
une Espèce. " (ù.ÀÀ' 0\ 1à BïOT\ ÀÉyOV1EÇ 1TI ~èv 6pSô\ç ÀÉyoucrt Xrop\- Z 3, 1029 a 27, 28, 29; A. Stevens, C 3. Sur le changement selon
çov'teç ut)1;a, St1tEp oùalut siat, tfi 0' ODK ôpS&ç, on 'Co Ëv Ènt 1toÀÀmv
la substance et les autres changements: Z 7-9 ; A. Stevens, C 3. C'est
d80ç ÀByOUcrW.)
à ces chapitres qu'Aristote fait référence quand il rappelle, en El 8,
Ici encore, Aristote reproche aux platoniciens de traiter les essences 1049 b 28, ce qu'il a dit dans les développements sur la snbstance.
comme des substances, d'en faire des «substances impérissables, exis- - H 2, 1042 b 9,.11 : « Mais, puisque l'on admet la substance prise comme
tant en dehors des substances sensibles individuelles» (1040 b 31). servant de sUJet. et comme mati~re, il nous reste à dire ce qu'est la
Sur la séparabilité, c'est-à-dire «l'existence indépendante» (A. Stevens, substance, panm les choses senSibles, prise comme acte.» ('Ensi 3' li
C 3), qui appartient à la substance: K 1, 1059 b 14 (voir infra), K 2, ~i:v &ç 6nOlCEI~ÉvT\ Kal &ç IiÀT\ où"ia 6~OÀOyEhat, aÜ1T\ 8' ecr1lv tl
1060 a 8, 9, 13, 14, 17, 23, 25, 27; b 1, 3, 4, 6, 7, 8 14, 21 et 23
OUVUJlEt, !volncv tflv roç SVÉpyElav oùcriav tOOV atcr81ltrov Elnstv
tlç ecynv.)
(cf. B 6, 1003 a 8, 9; A. Stevens, C 3); A 5, 1070 b 36; 1071 a 1,
M 9, 1086 b 8, MIO, 1086 b 17,18, 19, 1087 a 24. Je m'inspire, pour traduire ce passage, d'une remarque de Mme Stevens
(C 3) à propos de B 5, 1001 b 29 et 1002 a 28. Tôiv ala6rj1;ôiv n'est pas,
_ Hl, 1042 a [24], 26, 26, 31, 32, bl : « [Mais traitons maintenant des réa- en 1042 b 11, au génitif du complément déterminatif, mais bien au génitif
lités que tout le monde admet. Ce sont les réalités sensibles] (voir C 1) et
toutes les substances sensibles ont une matière. Or le sujet est substance, partitif.ll ne s'agit pas ici de la «substance des choses sensibles» (Tricot).
et c'est en un sens la matière Ge parle d'une matière qui, n'étant pas un (Que faudrait-il entendre par là ?) Il s'agit de celle parmi les substances
qui compte parmi les réalités sensibles, de la substance sensible. Voir
encore M 1, 1076 a 8.
11 Cf. T. IRWIN, Aritotle's Firsf Principles, p. 266.
CHRISTIAN RU TIEN 110. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 395
394

_ H 2 1043 a 19: «Et ceux qui combinent ces deux choses (la matière et Voir Z 1, 1028 a 35 ; A. Stevens, C 2. -:Sur l'oùcrlu, c'est-à-dire
la f~nne) parlent de la troisième substance ... » (oi 0' UIl<i>CO 'tuo'tu cmv'tt- la substance, en tant qu'elle se distingue des autres catégories: K 10,
8év'Csç tijv 'tpitYlv Kal tt)v B:K tOt)toov oÙŒlav.) 1066 b 3, 13, 17 (Phys., III 5, 204 a 10, 23, 27), K 12, 1268 a 8, 10, 11,
_ H 3, 1043 a 38: « [ ... ] cela n'a aucune importance pour l:é~~de de l~ b 15 (Phys., V 1,225 b 5, 10, 10; 2,226 a 23), A 1, 1069 a 18, 18,20,
substance sensible; car la quiddité appartient à la forme specifIque et a
21, 25, 27, 28, A 2, 1069 b 3, A 4, 1070 a 34, 36, b l, 3, 4, 9, b 13,
l'acte. " (ropàç oi: "'IV Ç1jnloW "i'iç oùm"s "i'iç alcr81Fi'iÇ oùOév' "à 1 à p
"t ~v 8Îvm"0 81381 Ka,
"TI I:v8P18t\t üroétpX 81.) • .
_ H 4, 1044 a 15 : «En ce qui concerne la substance matenelle ... » (TIspt

AS, 1071 a 24,26,30,34, A 6, 1071 b 5, A 7, 1072 a 31, b 7, A 8,
1073 b 6, 7, M 2, 1077 b 5, M 4, 1079 a 22, N l, 1088 a 23, 29, 33,
oi: "i'is UÀ,lKi'iS où"i"S·) b 2, 2, 3, 3, N 2, 1089 a 8, 10, 32, 1089 b 17, 22, 23, 28, 31, N 4,
1091 b 29, 29, N 5, 1092 b 9.
Sur l'oùcrlu ÙÀ1K1l en tant qu'elle n'est pas autre chose que la matière
~ ® 6, 1048 b 9 : «Certaines choses sont comme le mouvement par rapport
de la substance, cf. infra, El 7, 1049 a 36, M 2, 1077 a 35.
à la puissance, d'autres comme la substance par rapport à une matière. »
_ H 4, 1044 b 3, 6, 8, 9: «En ce qui concerne les substa~c~s naturelles et (Tà f!èv 1àp ruç KtVllcrlÇ ropàç OUVŒf!lV"Ù 0' ruç où"i" rop6ç nva UÀ,l1V.)
générables [ ... J. Mais pour les substanc~s naturelles, maIS etemelles [ ... J. - El 7, 1049 a 34, 36: « [Quand le sujet est un ceci], le sujet dernier est une
Quant aux choses qui sont naturelles, malS ne 'sont pas des substances, ces substance; et quand il n'en est pas ainsi, mais que le prédicat est une fonne
choses-là non plus n'ont pas de matière, mais leur sujet ~st ~a s~bstance:...» spécifique et un ceèi, le sujet dernier est matière, substance matérielle. »
(ro8p' l'i:v o~v "ÙS 'IlU<JlKàç oùm"s Ka, 18Vll"ÙÇ [... ]I:m OE nov 'PUO"lKroV (ocra J-lÈY oOY OÜtCO, 'Cà scrxatov ouaia' ocra ùÈ J-l11 ou'Ccoç âÀÀ' dooç '"Ct
f!èv dï3irov oi: où",&v [ ... ] oùO' ocra 01) 'PUcrE1 l'év, 1'1) où"i", oé, OÙK Kat tOOf: '"Ct tà Ka'tll')'opOUJ-lEVOV, 'tO scrxatoy uÀll Kat oÙO"ta ÙÀtKll.)
scrn 'Cm'-J'totç ÜAll, âÀÀà 'Cà ûrcoKf:ll1f:VOV Tt oùGia.) ~ e 8, 1050 b 27 : « La substance qui est matière et puissance, non point acte
[... J. » (1àp oùm" uÀ,l1 Ka' MVaf!lç o~cra, OÙK "vépYEla.)
Sur les trois sortes d'oùalm, c'est-à-dire de substances: A l, 1069 a 30, ~ e10, 1051 b 27: «Et de même aussi pour les substances non compo-
A 6, 1071 b 3, 5. Une substance peut-être, en effet, soit sensible et éter- sées; on ne peut être dans l'eneur à leur sujet. Et toutes sont en acte, non
nelle soit sensible et périssable, soit immobile. On ne confondra donc pas en puissance; elles s'engendreraient, en effet, et périraient [ ... ].» (oÈ Kat
1tf:pt tàç )..l'il cruY8E'tàç oùaim;, ou yàp scrnv àna't1l8ftym' Kat 1tiicrm
ces t~ois ~~ sortes de substances» avec celles que constituent la matière,
dcrtv ÈYEp')'st(t, ou ùuYa~st, è')'îyYOY'to ')'àp av Kat è<p8sîpov'to.)
la forme et le composé (A 3, 1070 a 9). - Sur les substances éternelles:
N 2, 1088 b 26, 27, 27. - Sur les substances éternelles et lffimobIles Oùalu n'est certes pas pds ici dans un sens larg". Venant, en effet, de
des platoniciens: A 6, 1071 b 14, 16, N l, 1087 a 29, 31. - Sur parler des àcrUVSE"U en général, Aristote déclare, en 1051 b 27, que ce
les substances éternelles et immobiles d'Aristote: A 6,1071 b 21, A 7, qu'il a dit s'applique aux oùalm qui ne sont pas composéesl 2 Il est vrai,
1072 a 25, 1073 a 4, 6, A 8, 1073 a 14, 30, 34, 36, 36, 37, b 1, d'autre part, que l'essence est acte (voir infra, sous C 4, H 2,1043 a 24;
1074 aIS, 19,22, M 1, 1076 a Il. - Sur les substances éternelles et El 8, 1050 b 2). Il est encore vrai que, dans le cas des êtres inunobiles et
sensibles que sont les astres: Z 16, 1041 a 1, A 8, 1073 a 35. éternels!3, elle fait à elle seule toute la substance. Ce n'est cependant pas
en tant qu'essence, mais bien en tant que substance qu'elle peut être dite
~ ® 1, 1045 b 29, 29, 31: «Nous avons parlé de l'être au sens premier, à ~uoi
en acte.
sont rapportées toutes les autres prédications de l'être, nous avons parle de
la substance. C'est, en effet, en raison de la formule de la substance que El 8, 1050 b 16 : Si les choses éternelles sont, d'après El 8, antérieures
les autres choses sont dites des êtres, la quantité, la qualité et les autres quant à l'être (1050 b 7; voir C 1) aux choses périssables, c'est parce
choses qui se disent ainsi; car toutes in~luront la ~ormule d~ la ,sub~tance,..: qu'elles ne sont pas, comme ces dernières, soumises non seulement au
comme nous l'avons dit dans nos prermers exposes. » ,(7tf:pt J1~v ouv,'Cou périssement à un certain égard, soit selon le lieu, soit selon la quantité ou
nponcoç OY'wç Kat npàç Ô nucrat ai üÀÀa,t K~'tll')'?Pta~ 'to~ O,Y'toç ~Ya­
la qualité, mais encore au périssement absolu, c'est-à-dire au périssement
<pÉpov'Cat f:1Pll'Cat, nf:pt 't'fîç oùO"iaç Kata ')'ap ;OV 't~ç :-UO"lIlÇ, Àor OY
ÀÉ')'Stat 'C&ÀÀa ov'ta, 't6 'ts rcocr~v K~t ,'tà rc~-LOV K~t 'taÀÀ~ 'ta OlHCO
Àf:')'6J-lf:va· miv'Ca ')'àp ëçst 'Càv tllÇ OUO"lll<; ÀO')'OY, cocrn~p Stn0J-lf:Y SV 12 Cf. P. AUBENQUE, «La pensée du simple dans la Métaphysique », p. 86.
Je Cf. Ibid., p. 79.
"OlÇ rop6n01ç ).,0101Ç·)
396 CHRISTIAN RUITEN §1O. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 -N) 397

selon la substauce (KU~' ooatuv). Aristote prend donc une fois de plus - M 1, 1076 a 17 : «Certains affirment que sont':tles substances les choses
successivement ooalu, en El 8, 1050 b 7 et 16, dans les deux sens où mathématiques, c'est-à-dh'e les nombres, les lignés et les choses du même
genre, et encore les Idées. » (ta t8 yàp ~ae11~anKâ <paO'1Y oÙCJla~ stvai
il prend successivement ce mot en ~ 11, 1019 a 3 et 6. Voir A. Stevens, nY8ç, oIoy dp19~oùç Kat ypa~~àç Kat tà O'l)yyBvil tODtOlÇ, Kat rcâÀ1Y
C 3. ,ùç (oÉaç.)
_ 1 1 1052 a 33 : « Sera dès lors un premier un ce qui pour les substances Voir encore M l, 1076 a 22, M 2, 1077 a 10, 11, M 6, 1080 a 14,
est'cause de leur unité.» (maS' ëv uv Ell11tPro'toV 1"0 taiç oùalmç u'lnov
M 8, 1084 a 16.
toÙ sv6ç.)
M 2, 1077 a 31, 32: «De plus, le corps est une substance; car, en un
Même dans le cas de réalités non substantielles comme la maison, sens, il atteint déjà la perfection, Mais en quel sens les lignes sont-elles des
le lit, la syllabe et la chair, l'essence, c'est-à-dire la forme, est, d'après substances? » (sn tO ~ÈY crêO~a oÙCJla nç 11Ù11 yàp BX8l1tCOÇ tO tf:À81OY,
Z 17, ce qui fait l'unité de chaque chose. Ce n'en est pas moins la a\ of; ypa~~at n&ç oô"im ;)
forme de la substance qui est au plus haut point principe d'unité et qUl Voir encore M 2, 1077 b 12.
est à ce titre un «premier un ». - M 9, 1086 a 36: «La raison pour laquelle ceux qui disent que les sub~
_ KI, 1059 a 26, 29: "De plus, la sagesse a-t-elle pour objet toutes les sub- stances sont universelles ont réuni cela (1'universalité et la séparabilité)
stances ou bien non? [... ] De plus, la sagesse porte-t-elle seulement sur en une même chose est qu'ils n'identifiaient pas les substances aux objets
les sub~tances ou bien porte-t-elle aussi sur les accidents? » (en notspov sensibles 14 , » (atnoy ùÈ tOD ciUvâ\jlat taùta dç taùtov tOtç Àf:YOUO'l
nucrrov 1:00V où:nrov il ou ; [... ] en nOtEpOV TCEpi 'tàç oùaiaç J..lOVOV il Kat tàç oÙO'la~ Ka96Àou, on tOtç aia911toiç où tàç aùtùç oùma~ È1to{OUY')
111 cru~~E~'lK6ta ànDOEt!;iç ih:mv;) - M 10, 1086 b 23. 24: «Supposons que les syllabes du discours soient
des substances, et que leurs éléments soient éléments des substances. »
À la question de savoir si la sagesse porte ou non sur toutes les sub- (i!<nmO"av yùp a\ ~f;V BV til <jlffiVn O"una~at oô"im til of; O"TOtXda
stances fait ici naturellement suite la question de savoir si la sagesse ne aùtoov O'tOlxEî'a tOOV OÙ(J'1rov')
porte que sur les substances. Voir encore ibid., a 31,34. - MIO, 1087 a 1, l, 1, 2: «Si les p11ncipes sont universels, ou bien les
substances qui en viennent sont également universelles, ou bien ce qui
KI, 1059 a 39, b 14: « D'une manière générale, on est embarrassé de n'est pas substance est antérieur à la substance; car l'universel n'est pas
savoir si enfin la science que nous cherchons maintenant porte sur les substance [... J. » (à'l.'l.ù ~i]v E'(yE Ka66'1.ou al àpXai. 11 Kat al ÈK WU'ffiV
substances sensibles ou ne porte pas sur celles-ci, mais sur d'autres sub- oÙCJlln Ka96Àou, il BO'tat ~Tj oùO'ia 1tp6t8pOV oÙO'la~' tO ~èY yàp Ka96-
stances. [ ... J Mais la science que nous cherchons maintenant :qe porte Àou OÙK oùO'ia.)
pas sur les êtres mathématiques (car 'aucun de ceux~ci n'est séparable). - MIO, 1087 a 12: « Que toute science ait pour objet l'universel, de sorte
Et elle ne porte pas non plus sur les substances sensIbles; car elles sont qu'il est nécessaire que les principes des êtres soient également universels
périssables. » (oÀcoç Ù' àTCOP~UY BX_El 76tEP?v TC?,tE ,;tEpi t,Ùç ,aiO'911- et ne soient pas des substances séparées, [ ... J. » (tO oÈ tTjv gTCtO'tll~l1V
tÙç oÙCJia~ ÈCittV ft Ç11tOU~EY11 VUY BTC1O't11~11 11 OU, 1tBpl ÙE nvaç stYat Ka96Àou 1taO'av, mO't8 dyaYKaioy stVat Kat tàç tOOV OVtCOV dpXàç
stÉpaç. [ ... ] OÙOf; ~i]v nEpt '" ~a6'l~attKÙ ft Ç'lTOU~ÉV'l vùv ÈO",_tV Ka96Àou stVat Kat ~Tj oùO'ia~ K8XCOplO'J.!f:Vaç.)
ÈntO",i]~'l XmptO"'üv yàp aÔt&v oô6Év' à'l.'I.' OÙOf; t&v a(O"6'l,mv - N 1, 1087 b 2: «Rien n'est contraire à la substance. » (où9ÈY OÙO'l{X
OÙCJlroV') ÈvaVtlOY.)
- N 3, 1090 b 9, Il : ~~ Les extrémités ne sont pas des substances, mais toutes
En opposant ainsi le cas des êtres mathématiques, qui ne sont pas ces choses sont plutôt des limites ; car la marche et, d'une manière géné-
séparables, à celui des oOatat sensibles, qui sont périssables, Aristote rale, le mouvement ont aussi une limite; il s'agira donc d'un ceci, d'une
semble bien tenir pour admis que ces ouatat, quant à elles, sont sépa- substance; mais cela est absurde. » (oihE yàp OÙO'lat ElO't tà Baxata
rables. Point ne s'agit donc ici de toutes les réalités sensibles, mais bien ànù ~i'i'l.'l.ov rea.v,a taù,a rcÉpata (BreEl Kat 'fiç ~aoiO"Effiç KUl DÀmç
K1VllO'8COÇ 8O'n tl1tf:paç' 'tOÙt' oOv BO'tat 't608 n Kat oÙO'la tlÇ' ùÀÀ'
des seules substances sensibles.
ato1tov')
_ A 3, 1070 a 20 : « [ ... J et la matière ultime est matière de la substance par
excellence. » (Kat tilç ~aÀtO't' oÙCJla~ ft tEÀEUtUtU.) . 14 Cf. Ross, II, p. 462.

398 CHRISTIAN RUTfEN §lO. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 399

4. L'oùcria, c'est-à-dire l'essence Cf., sur l'essence ou la quiddité (1041 a 28 :/·no .( ~v dvm) en tant
qu'elle est une cause, B 2, 996 b 14; A. Stevens, C 4. - Sur l'oùO'(a,
_ Z 16 1040 b 17, 18: «Puisque l'un se dit comme l'être, que l'essence de prise comme l'essence, en tant qu'elle est l'elooç : H 3, 1044 a 7, 11, 12,
l'un ~st une, que les choses dont l'essence est numériquement une sont e 8, 1050 b 2, A 7, 1072 b 22 (cf. De an., fi 4, 429 a 15). Sur l'oùO'(a,
numériquement une il est clair que ni l'un ni l'être ne peuvent être l'essence
prise comme l'essence, en tant qu'elle se distingue dès lors de la Il),,1l :
des choses. » (Ensi of; tO BV ÀÉyEtat rocr1tEp Kat ta DY, Kat 'li Où(i{a ft
toi) evàç Illa, Kat 6)V Ilia àpt9~<$ EV !tpt9J.l<$, ~av8pèv o'tt QUtS '"Co EV 19, 1058 b 22, A 9 1075 a 2, M 8, 1084 b 10, 19, N 5, 1092 b 17, 17,
O()t8 '[0 DV ÈVÙÉX.8tat oucriav ElVŒt t(ov npayJ.ta:trov.) 18,20.

Aristote montre ici ce qu'entraîne la confusion, chez les platoniciens, - H 1, 1042 a 17, 20, 21 : "Mais puisque la quiddité est essence, et que la
de l'essence et de la substance 15 • Les platoniciens attribuent à l'essence définition en est la formule, on a détenniné, pour ce motif, la nature de
la définition et celle de ce qu'une chose est par soi. Mais, puisque la
de l'un, dit-il, l'unité numélique, c'est-à-dire la même unité que possède définition est une formule et que la formule a des parties, il était encore
la substance. - Sur l'essence de l'un: NI, 1087 b 9. - Sur l'un en tant nécessaire de voir, concernant la partie, quelle sOlte de choses sont des par-
qu'un, d'après les pythagoriciens et les platoniciens, il est une essence, ties de l'essence et quelle sorte de choses n'en sont pas, et si les choses qui
l 2, 1053 b 11 (cf. B 1, 996 a 7, B 3, 998 b 21, B 4, 1001 a 6 ; sont des parties de l'essence sont aussi des parties de la définition. » (ÈnEl
of: 1:0 '"Ct ~v stvat ovala, '"Cou'wu of: À6yoç b ôptcrJléç, Btà '"COUtO nEpi
A. Stevens, C 4), M 6, 1080 b 6.
ôPtcrllou Kat 1tEpt '"Cou KaS' aû'"Co Dubptcr'"CUl' Snst Bf: Ô ôPtcrllOÇ Àéyoç,
_ Z 16, 1040 b 21, 23, 14, 24: «[ ... ] l'être et l'un sont donc plus essence 6 os À.Ôyoç flBP'l EXEI, àvaYKatOV Kai "api fli:pouÇ ~v ii5Bi:v, rrota tiiç
que le principe, l'élément et la cause; mais même l'être et l'un ne le sont Ollata.; JlÉPll Kat 1tOta ou, Kat El '"Caiha Kat '"Cou ôptcrIlOÛ.)
pas encore, puisqu'aucune autre chose commune non plus r:'es~ essen~e;
car l'essence 16 n'appartient à rien qu'à elle-même, c'~st-à-clire a ce qmla Voir, sur les parties de l'essence et de la définition, Z 10, 1035 b 13 ;
possède, à ce dont elle est l'essence. » (~i'iÎvÎvo~ Jl~V ~ùv '"Co6:~v oÙ,aia, '"C? A. Stevens, C 4. Ces parties de l'essence sont évidemment autre chose
ov Kat ev flll '"Cs dpxil Kat '"Co (HDtXSlOV Kat '"Co UlTLdV, OU1tro os ouos que les parties de la substance (Z 16, 1040 b 5-16). - Sur la formule de
taiha, atrrap J.l'l0' a)"),,o KOlvav J.l'l0SV où,,''': où8avi yùp ûrrùpx al 1)
oùaia dÂ')..." fl a{nu '"Cs Kat '"Ctp 8XOVTL aù'"Cftv, ou ècr'"CtV oùata.) l'essence: K 7, 1064 a 22.

Il faut évidemment rapprocher ce passage de ce qu'on lit dans les - H 3, 1043 b 12, 13, 14: «L'homme n'est donc pas non plus l'animal et
Topiques, A 9, 103 b 36-37, concernant la prédication qui «rapporte une le bipède, mais il doit y avoir quelque chose qui soit en dehors de cela, si
cela est la matière, quelque chose qui ne soit ni élément ni constitué par un
chose à elle-même ou à son genre» (J. Brunschwig). Quand Anstote dit, élément, mais qui soit l'essence. De ce quelque chose on ne tient pas
par conséquent, que lien de ce qui est commun n'est oùO'ta (1040 b 23), compte, pour ne parler que de la matière. Si donc c'est là ce qui est cause
cela semble bien s'appliquer au genre l7 et aux termes plus communs que de l'être d'une chose, si c'est là l'essence, ce il' est pas de l'essence elle-
les genres que sont l'être et l'un, mais non à l'etooç pris comme l'espèce. même qu'alors on peut parler, » (OÙOf: oil 6 livSpronéç scrn tO StpOV Kat
oinouv, dÂÂa n DEl dvat 0 1tapà '"Cau'"Ca Ècrnv, Ei '"CauS' GÂll, OUtE of:
Voir encore l 2,1053 b 17, 17, 18,22.
cr1:otXEtOV 0(\'"C' BK cr'"CotxEiou, dÀÀ' " ovala' 0 ÈçatpOÛVtEÇ '"Citv ÜÎvllV
_ Z 17 1041 b 9: "De sorte qu'on cherche la cause (il s'agit de la forme ÎvÉyoucrtv. El o(Jv 1:oih' ahtov '"Coû dvat, Kat ovata '"Coû'"Co, aùtitv av '"Citv
spécifique) par laquelle la matière est quelque chose; et c' ~st là ~ essence. » oùaiav où ÂÉyotEV.)
(&,nE ta ahwv s'ltattut tiiç tl),,'lç tOUtO 8' !lcrti ta ElOoç 0 ti !;crtlv' - H 3, 1043 b 33 : « Mais il est encore évident que, si les essences sont en
tOUtO 8' 1) où,,(u.) un sens des nombres, elles le sont en ce sens [ ... J. La définition, en effet,
est une sorte de nombre. » (q>aVEpOV of: Kat Dtén, EÏ1tEp Eicri nroç dpt9-
J.loi al où",a, [ ... ] il ta yàp 6ptcrfloÇ àpt8flaç tIÇ.)
15 Cf. E. BERTI, «Le problème de la substantialité de l'être et de l'un dans la Méta- - @ 8, 1050 a [4], 5 : « [Mais l'acte est encore autérieur quant à l'être],
physique», p. 92, " . . d'abord parce que ce qui est postérieur quant à la génération est antél1eur
16 Cf. W. K. C. GUTHRIE, A Histo/y of Greek Phllosophy, VoL VI: Anstotle, p. 214,
quant à la fonne ou à l'essence. » CAÎvÂà Jlitv Kat OllaiV ys, nprotOV Ilf:V
n.2.
n Cf. Ross, I, p, cvü et cxv ; II, p, 21 L on '"Cà tU yEVÉcrEt ücr'"CEpa '"Ctp E'Œst Kat '"CU ollai(l1tpé1:spa,)
CHRISTIAN RUTfEN
§1O. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 401
400

Aristote revient, en 1050 a 4, à l'antériorité de l'acte quant à - 13, 1054 b 31 : « Diffèr~nt d~espèce les choses qui ont le même genre
(on appelle genre la chose IdentIque que sont dites êtI'e par essence les deux
qu'i! a distiuguée, en 1049 b Il (Voir Cl), de l'antériorité de l'acte ?,hoses ~iff~r~nte?). » (StOSt of: chv '"Co UÙ'"Co ')'Évoç ÀÉ')'E'"CUt ot: ')'Évoç 0
à la formule et de l'antériorité de l'acte quant au temps, Or l'acte al.Hpco '"Co au'"Co ÀB')'ov'"Cat Ka'"Cà TtlV oÙO'lav '"Cà oléupopa.)
d'abord (nprowv) antérieur à la puissance quant à l'être, dit Ari.""'. ; - 1 !~, 1059 a·6: « ~écessairement donc le périssable, pour chacune des choses
parce que ce qui est postérieur quant à la génération est antérieur penssables, ou bIen est son essence, ou bien appartient à son essence »
à la forme, c'est-à-dire quant à l'essence (cf. Z 17,1041 b 9). Ici ~li ."lv o~"iav Ilpa li BV 'TI où"i\l àvayK'l Ônapxe,v ,à <p8ap,&v
sKacr1:Q) '"Ccov cp6ap'"Coov.)
Aristote, commençant par prendre oùata dans un sens large, - ~~, .1063 a ~7 : «L'essence répond à la qualité, et celle-ci est d'une nature
ensuite le même mot dans ~n sens plus restreint. d~ftme" tandl~ que ~a ~u~tité eS,t d'une nature indéfinie. » (ft 0' oUO'la Ka'"Cà
_ El 8, 1050 b 35 : «Si donc il existe des natures (<puaslç) ou des essem'e' '"Co 1tOlOV, '"COU1:0 08 Tf]Ç coPlcrjlSVllÇ cpucrBWÇ, '"Co 08 1tocrov '"Ciiç àopicr'"Cou.)
qui sont comme les dialecticiens disent que sont les Idées [... ]. » Sur la qual.ité que constitue la différence de l'essence: A 14, 1020 a 33 ;
nvsç Etat <pucY!nç 'totuu'tat ft oùcrtat oïaç ÀÉyoucnv ot sv 'wir;
A. Stevens, C 4. Cf. K 12, 1068 b 18 (Phys., V 2, 226 a 28).
,ùç tùtaç.)
- :r<; 7, 1064 a 9 :~« Il résul~e clairement d'une induction de cette sorte qu'il
Aristote ne peut parler ici, ce semble, des natures ou des su,bstance~ il y a pas d~ de~0!1strat~on ~e l'ess~nce, c'est-à-dire de ce qu'est une
que posent les platoniciens. li parle donc, pour Ross, des « entities » chose. » (ow Kat 011ÀOV BK '"CllÇ 'wWU'"CllÇ B1ta')'co')'iiç on '"Ciiç ouO'io:ç Kat
des « substances » que posent les platoniciens. li parle, pour Tricot, « '"COD '"Ci Bcrnv OÙK eO'nv drrôoslç,lÇ.)
réalités ou des substances » que posent les platoniciens. Mieux vaut O~ ne nous dit pas ici que « de la substance et de l'essence il n'y a pas
rapporter, pour traduire le passage, à ce qu'on lit en A 4, 1014 b ?e demonstratlOn» (Tricot). L'oùata de 1064 a 9, en effet, c'est le ci
(A. Stevens, C 4). Prise en l'une de ses acceptions, la <puGt<; est, en sanv de 1064 a 5, 7 et 9.
d'après A 4, l'essence des êtres naturels. Ce qui n'empêche évidemlnel
- M 1, 1076 a 25 : « [ ... ] si les choses mathématiques sont ou non principes
pas les essences dont parlent les platoniciens, lesquelles sont et essences des êtres. » (rrô'"CBpov dpxat Kat OUO'10:1 '"Coov oV'"Ccov ft oG.)
des choses dont elles sont les essences, d'être en fait, nous l'avons
des substances. - Voir encore 1 2, 1053 b 9 : Ka~à 81; ~i]v oll(Jlav . Voir encore M 1, 1076 a 30.
~i]v <puatv ... - ·M~ 4,
1079 b 8 : « Tous les éléments compris dans l'essence 19 sont des
Idees, p~r exemple l'animal et le bipède. » (mlvta ')'àp '"Cà ev '"CU oùO'io:
_ 12, 1053 b 24 : « [ ... ] ni l'un ne peut être un genre, par les mêmes t8Éat, OlOV 'Co Çi§ov Kat '"CO 8üwuv.) L

qui font que l'être ni l'essence ne le peuvent non plus. » (alytE '[0 - M 6,1080 a 16 :A « [ ... ] si le nombre est une nature, et si son essence n'est
f;YOÉXE'tat dvUt OtÙ "Càç uÙtÙç ahtaç ch' acrnep oùoè '[0 DY ~utre q~e cela met;te2~ [ ... ]. » (strrsp eO''"Civ ô dp18jloç cpucnç 1:1Ç Kat Jlll
oùcrlav) an'l nç Ban v auwu 1] où<ria.)
Oùata ne peut être pris ici dans le même sens que dans le De Voir encore, sur l'essence du nombre, M 7, 1082 b 37.
II 1,412 a 6 et dans la Physique, 1 6, 189 a 14, d'après quoi
c'est-à-dire la substance, est l'un des genres sous lesquels tOlnbenlt] L'oùO'ia, c'est-à-dire la substance et l'essence
êtres 18. On se rappellera donc à ce propos que, d'après Z 4, 1030
Jouant manifestement sur la polysémie d'oùata (cf. B 2, 997 a 27,31 ;
23, l'essence a ceci de commun avec l'être que, tout comme lui,
Stevens, C 3), Aristote emploie plus d'une fois le même mot, dans un
appartient premièrement à la substance et secondairement aux
très étroit, en l'un et en l'autre des deux sens que nous venons de
catégories. Voir A. Stevens, C 3.
di"tingU<lf CC 3 et C 4). Remarquables sont à cet égard les passages suivants.

18 Cf. W. K. C. GUTHRIE, A History of Greek Philosophy. Vol. VI: A-ristotIe, 19 S'agissant de l'essence des idées.
20 C'est-à-dire la nature que constitue le nombre.
n. 1.
402 CHRISTIAN RUTTEN §1O. MÉTAPHYSIQUE (Z 15 - N) 403

_ Z 17, 1041 a 6,8,8,9: ,< Ce qu'il faut entendre, quelle sorte de chose il c'est OOuta q~i n'~st. pas pris en a 4 et en a 5 d~s le même sens qu'en
faut entendre par l'essence, disons-le en prenant encore comme un autre a 2, Le mot n est d ailleurs pas pris non plus dans le même sens qu'en a
départ; peut-être cela jettera-t-il aussi de la lumière sur cette substance qui
2 en a 27, alors qu'il l'est en a 24,
existe séparément des substances sensibles. Puis donc que l'essence est un
principe et une cause, c'est de là qu'il faut partir. » (Tt of: XPll À,ÉYStV K(11 - H 2, 1043 a 24, 27,:," Qu'est-ce, par exemple, que le cahue? Le repos
émoî6v 'tt 'Citv oùcr{av, nûÀtv aÀÀllv oioy àpxilv 1totllcréq.l8Vot ÀÉyœ- dan~ la masse de 1 aIr. Car l'air est ici la matière, et le repos est l'acte
!lEV' lame; yàp ÈlC 'tou'CO)v Ëcr'tat ,ùi1ÀOV Kat TCspi f:KstVllC; '[1le; oi)(iia~ et 1 essence. [.,'.] On voit donc par ce que nous avons dit ce qu'est la
Yl'W; Ècr'tl KEXroplO"!!ÉVll tillv atcr8rrcrov OÙO'lrov. BTeel oÙV ft oùc;ta dpxit substance sensible et comment elle l'est. Elle l'est en effet d'une t
Kat ai'Cia nç f:O"'tiv, ÈvtEu8ev J,lEtttÉOV.) en tant que mat" lere, d' autre part en tant que fonne et
" acte; et troisième-
pat
_ Z 17, 1041 b 27, 29, 29, 30: «Et c'est là l'essence de chaque chose (car r;tent elle es; la ~ubst~nce composée de matière et de fonne. » (oiov ,[i
c'est là la cause première de son être). Et puisque certaines choses ne sont wn v~v8~la,; ~p8).l;a gV,7I:À.ij8Bl àtpoç' üÀ.'l ).lèv yàp 0 àijp, gvtp-
pas des substances, mais que la constitution de toutes celles qui sont des "{8ta 08 K?'t omrla fi 'lpB).lta, [.,,] q>aV8pov oi] EK nDV 8!p'l).lévmv <iç
substances est conforme à la nature et naturelle, cette nature apparaîtra ~ ~tcr8'l''l où~,a ~cr,l Kal 7I:iü" fi ).lèv yàp ms ÜÀ.'l, fi 0' mç ).lOpq>i] KUi
comme étant essence qui n'est pas élément, mais principe. » (oûc:rlu oÈ BV8py81a, fi 08 'P"'l 1) EK mu,mv,)
6KUO''[OU IlÈV ,[ou'Co 'COÙtO yàp alnov npô:rwv '[ou Blvat f:nBÎ 8' EVta - ~ 3, 1043 a 30, 35 : ," Mais il ne faut pas perdre de vue que parfois on
OÙK oûcriut '[IDV npay).lu'COJV, (lA,À' ocrat oùalut, KU'[Ù <p6crtv KUt <puenn ~ aperçOIt pas bIen ~l .l~ nom signifie la substance composée ou bien
cruvBO''[ilKUcrt, <pUVBillŒV Kat aü'[ll ft <p60'tç oùaru, fl Ècrnv où m:mXBiov 1 .acte ~! la fonne speCIfique [ ... ] si l'animal est l'âme dans le corps ou
dU' àpXij,) bI~n 1 am~; ~ar :elle-ci est l'essence et l'acte d'un corps. » (dei 8è
_ H 2, 1043 a 2, 4, 5: «On voit donc par là que, puisque l'essence est la Ilry àyVOBtv on BVi01:B Àav9uvat no'tBpov O'll).lUiVBt '[0 OVOIlU titv
cause qui fait être chaque chose, c'est dans cela qu'on doit chercher ce qui cr?V08<OV oÙ",lav 11 <ilv Èvtpy81av Kal <ilv ).lOpq>ijv [",] Kal Çiüov
est la cause faisant être chacune des choses en question. Rien de cela n'est 7I:~'8p~V 'VUX'l gV crm).lan 11 'Vuxij' aü<'l yàp où",a Kal EVtpY'Bta
substance, même accouplé à autre chose; pourtant on y trouve en chaque crm).la<oç n voç,)
cas l'analogue de la substance. Et, comme, dans les substances, ce qui est H 3, 1043 b 18, 21, 23 : "Si l'essence des choses périssables est sépa-
prédiqué de la matière est l'acte lui-même, c'est encore tout à fait ainsi qu'il r~~le, on ne le ~oit e~core nullement. Sauf qu'on voit qu'elle ne peut
en va dans les autres définitions. » (<pavBpàv 8it ÈK '[06'Coov on ElnBp ft 1 etre pour certam~s ~ ~ntre elles, pour celles qui ne peuvent exister en
oùaru aiTia 'toû dvŒt ËKacr'Cov, on èv 'tou'totç SllTll'[ÉOV 'ti 'tà uÏ'ttoV deho~s des cho~es mdIviduelles, comme la maison ou l'instrument. Mais
'[Oû etVUt '[06'Coov ËKUO''tOV. oùc:rla IlÈV oi3v oùCiÈv 'tou'nov où8è cruv- peut-etre .qu~ TIl ces choses elles-mêmes ni aucune de celles qui ne sont
CiUUSO).lEVOV, OIlIDÇ 813 'tà àvaÀoyov Èv eKucr'tcp' Kat cbç Èv 'tuiç oûaiat<; pas constItuees par la nature ne sont même des substances; car on peut
,à 'fiç üÀ.'lç lW<'lYOpOU).lBVOV a(ni] fi gVépYBlU, Kai gV 'Otç üUotç p~s.er la nature comme la seule substance qui se trouve dans les choses
opw).lOtç ).laÀ.t<Ha,) p:nssa.bles: » ~Bi 8: d?"i '[m~ <p9up'[oov at OÙc:r(Ul Xroptcr'"Cui, oùoÉv nID
1i~À.ov, 7I:À.'lV m~ y EVlmv OUK ÈV8tX8'''' ofiÀ.ov, orra).li] o!6v <B m"pa
Ce n'est évidemment pas la définition des essences qu'Aristote oppose t~ :tv~ ~tVat..: o{o~ oixiav 11 crKBÛOÇ. tcrIDÇ ).lèv oÔv où8' oûaiul dcriv
ici aux « autres définitions », Ce ne peut être que la définition des sub- o~'[ u~'[a tu~'[a O?''[B n '"Cm; liÀ,Àro~ Ocr<:).lit <pUcrBt crlJVÉcr'tllKBV· 'ti]v
stances, Quant à l'acte qui, dans les substances, est prédiqué de la matière, yap q>UalV ).lOV'lV av nç 8Bl'l ''lV 8V <OIÇ q>Oapwtç où"iav,)
ce n'est pas la substance, mais bien l'essence. De même que l'essence
L'essence des chose~ périssables est évidemment leur fonue spécifique
la substance est l'acte de la substance, la cause.de son être, de même, (Z 17, 1041 b 8-9), ArIstote semble bien vouloir dire ici, d'antre part, en
Aristote en H 2, l'essence des réalités non substantielles est l'acte parlant de la nature comme de la seule OOrrta qui se trouve dans les
celles-ci, la cause de leur être, Traduisant oùrrta, aussi bien en a 2 choses périssables, que sont seules des substances les choses dont la
a 4 et en a 5, par « substance », les auteurs des Notes on Eta and conslItutlOn est «confonue à la nature et naturelle» (Z 17, 1041 b 29),
sont bien forcés de reconnaître qu'en a 4 et en a 5 « substance» est
« in the other sense» de ce mot21 • Nous dirions plutôt, quant à nous, - ~ 2: 1053 b 3~, 36, 1054 a 8,. 8, 12, 12: "Et de même encore, si les êtres
etatent des rnelodie~, ils seraIent un nombre, mais un nombre de dièses, et
leur es~ence n,e serrut 'pas un. ~ombre ; et l'un serait une chose dont l'essence
21 M. BURNYEAT e.a., Notes on Eta and Theta, p. 6. ne seraIt pas 1 un, mats un dlese. [ ... ] De sorte que, si, étant donné que, dans
CHRISTIAN RUITEN
404

les affections, dans les qualités, dans les quantités, dans le mouvement, il y
a aussi des nombres et un certain un, le nombre, dans tous ces cas, est un
nombre de certaines choses, et l'un un certain un, mais que son essence §ll. POLITIQUE
n'est pas l'un lui-même, il en est nécessairement encore ainsi pour les
substances [ ... ] de même, dans la substance, l'un en soi qu'il faut cher- Aikaterini LEFKA
o
cher est une substance. » (6Ilo{roç ÙÈ Kat El IlBÎvyt 'Cà ovta ~v, dp t6 1l ç
av ~v, ~tÉas(Ov IlÉVtot, ùÎvÀ' OÙK dpt8J.loç fl oùala ŒtYCOOV' Kat '[0 Ëv ~v
av 'Ct ou Tt OÙ(JtŒ où 'Co êv ùÎ..À,ù ù{scrtç. [ ... ] mat' Sï1tEp Kat sv 'wiç
nugeCH Kat sv 'tOIC; 1tOWlç Kat Èv 'tOte; 1tocroîç Kat sv KtvlÎcrEt dpt9,.uûv Édition de référence
OV!ffiV Kat év6ç 'HVOe; sV anucrlv 0 tE dpt8J.lOç tlvrov Kcd tO Ëv ti ëy,
àÎvÀ' oùXi 'tODtO aùto Tt oÙ<Jia, Kat Eni '"Cillv oùcnrov ÙVa'jKll &crautroç ARrSTOTLE,Politics. witb an English translation by H. Rackharn Th L b Cl
eXEtv' 01.WtroÇ 'jàp ex El f:1tt nâvtrov, [ ... ] ou·reo Kat èv O\)(Jlq. oùmav sl~al Llbrary, Alistotle, ed. by O.P. Ooold, Harvard Univer~ity ~re~:
Ca:-
bndge, Massachusetts - London, England, 1959 (4'"" éd.). ,-
~tav aùtà tà ëv.)
_ A 9, 1074 b 20, 20, 22 : «Si l'intelligence n'a l'intellection de rien, qu'aura-
t-elle de vénérable, étant comme le donneur? Et si elle exerce l'intellection, Autres éditions et tradnctions consultées
mais que son intellection dépende d'autre chose, ce qui constitue son essence
AR~TOTE, Politique, texte établi et traduit par 1. Aubonnet Paris Le B 11
n'étant pas intellection, mais puissànce, elle ne sera pas la substance la
ettres.' t: 1 (3 ème .tirage), 1991; t. TI, première partie 1989 (2ème'trr'agSe erees
meilleure; [ ... ]. De plus, que son essence soit l'intelligence ou qu'elle soit . 1973; t. ID première partie
'
etcomge)
. de'
,uxwme partIe, 1986' d , ., vu
l'intellection, quel est l'objet de son intellection? » (EÏtE VOEt, tOUtOU ù~ partIe, 1989. " ,eUXIeme
aÀÀo KUplOV, 00 'jap Ë:crn toutO 0 ècrttv aùtou 1'\ Oùolo; VOll crlÇ, ùÀÀù
AR~~TOTE,. ~es Politiques, traduction et présentation par P Pellegrin OF
oÎlval'tç, ODK ilv 1'\ àpicrn) où"ia atr)" [ ... ] En 0" a'lta vouç 1'\ oùcria ammarlOll, 1993 (2ème éd., revue et corrigée). . ,-
crOtOÙ EhE v611criÇ Ë:crn, ti VOEl;)
_ N 4, 1091 b 13, 14 : «Panni ceux qui affirment l'existence des substances
immobiles, certains disent que l'un en soi est le bien en soi; cependant ils
pensaient que son essence est surtout l'un. » (tillv 8è 'Càç ànvt)touç oùaiaç A, DONNÉES QUANTITATIVES
dVUlIvE'jOV,[(OV ot ~8V <pcrcrlV aùtà tà §v tà à'ja9àv aù'Co dVUl' oùolav
~8VtOl 'Cà §v aù'Coù CPOVtO EtVUl ~âÀlcna.) D~ns la Politique, les occurreuces d'oùata sont au nombre de 65 d' -
persees dans l~
quasi-totalité de l'œuvre, de manière inégale. Le table~u
reprend leur repartltIon par livre :
D. CONCLUSION
Livres Nombre d'occulTences
1 1
Les analyses qui précèdent montrent, elles aussi, la polysémie d'
II 26
dans nos textes. Comme aucun mot français n'a cette polysémie, on
III 4
peut, si l'on veut rendre fidèlement la Métaphysique en français,
IV 13
duire toujours oùata par le même mot. Dans chaque cas, le C01"text~
V 12
immédiat du vocable qui nous occupe en détermine le sens. L' "i'>",ici
VI 7
6ÎctlCYt n'est évidemment pas l'oùata prise comme l'essence, c VII 2
dire comme la forme spécifique. Les parties de l' oùata prise VIII
l'essence, qu'exprime la définition, ne sont pas les parties de 1 Total 6S
prise comme la substance.
Ce sont les livres II, IV et V qui regroupent la plupart des occurrences
que le~ lIvres 1, VII et III n'en présentent qu'un nombre très réduit'
denner hvre n'en contient aucune. .
§11. POLITIQUE 407
AIKATERINI LEFKA
406
- (très couramment), nn complément - d'nn nom on d'un verbe dont
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES
le sens se rapproche de ceux mentionnés plus haut - , pour signaler:
• la partie d'un tout (génitif partitif) : tO 7tÀfi80ç 1fiç oùO'iaç (2 fois),
a) Formes 1lT]8Èv tfiç oùO'iaç ;
Oùaia apparaît dans toutes les formes déclinées du singulier et • la p~ssession (génitif possessif): 10 lléys80ç 1fis oùO'iaç, fi
du pluriel. avec. toutefois, une fréquence du singulier pratiquement KOtvotT]Ç tfiç oùO'iaç, fi la61T]ç tfiç oùO'iaç, fi 0llaÀ6tT]ç tfiç
donble. Parmi les différents cas, les plus usités sont l'accusatif, au sin- oùO'iaç, fi àvollaÀûlmç trov oùmrov ;
gulier et au pluriel, et le génitif singulier. Voici comment ces formes • la référence (génitif ou datif) : to ÀStwupyoilv talç oùmmç, U7tSp-
se répartissent: 1:Eivcoat '"Cut<; 01)0'1«1<;, UTCBpÉXOV'"CEÇ; 1:aiç; oùmutc; ;
• le s~jet (d,an~ un seul cas apparaît un datif subjectif) : 861;11 1q,
Singulier Pluriel nAEtOVl OUO'l{l ;
Nominatif 2 1 • l'?b~et (dans uu seul cas, on trouve un génitif objectif) : XP11cnv t11Ç
Génitif 17 2 ouO'taç.
Datif 2 3
21 17 i- (seulement dans 5 cas), un complément accompagné d'une préposi-
Accusatif
42 23 tIon: 7tSpt (4 fois) ou Kata.
Total
c) Expressions, associations, jeux de mots
La fOlme du singulier paraît souvent interchangeable avec la forme du
- Termes et expressions synonymes
pluriel dans le cadre d'une phrase ou d'une successiou de phrases.
• 7tSpt ti]v àVûlllaÀtaV 1fiç KtT]aSûlç ... wlç IlÈv yap aùtrov aUIl-
~é~T]KS KSK111a8at 7tOni]v Àiav oùO'iav, wlç oÈ 7tall7taV IltKpav
b) Syntaxe (II, 1270 a 17), otav OÀûlÇ 7tSpt KtT]aSûlç Kat tfiç 7tSpt ti]v
Oùata peut être : oùO'iav sù7top[aç ... (VII, 1326 b 34), 01 7toÀu U7tSpéXOVTSÇ tatç
oùO'iatç .... wtç KSKtT]llévotç (VI, 1316 b 2);
_ (dans des cas relativement rares) le sujet de formes verbales dans des
• ota'l'0pat Kat Ka1à tOV 7tÀOùwv Kat Katà 1à lleyé8T] 1fiç oùO'iaç
phrases qui indiquent: (IV, 1289 b 35) ;
• l'acquisition: dvat Kotvi]V ti]v oùO'tav, EPXoVta~ at oùO'tat ;
• Ë~OOIlOV ÙÈ tO mtç ollO'imç ÀStwupyoùv, Ô KaÀoùllsv SÙ7t6pouç
• l'égalité: dvat taas 'tàs 01)0'Iaç, OjluÀcO'tEpat Eiev ai 0\)0'1«1 ;
(IV, 1291 a 34) ;
• l'augmentation: ti]v oùO'tav ytyvea8at Ileiçova, aùçavollévûlv
• wlç KpetHOat ... dlç av Kat Ili] ÈX6vtûlV oaau1T]V oùO'iav (II,
'rrov oùcnrov. 1267 a 31).
_ (le plus souvent) le complément d'objet - (ti]v) oùatav (ou tàs
- Oppositions
oùataç) - de fOlmes verbales qui signifieut':
• "~ÙÇ Kotvà KSK1T]llévoUÇ Kat KOtVûlVoilvTSÇ 7toÀÀq, ota'l'SPOllévouç
• la possession, l'usage: EXStV (12 fois), KSKtfia8at (6 fois), slas-
llaÀÀov 6prollSV il wùç XûlptÇ tàç oùO'iaç 8XOVtSÇ (II, 1263 b 25) ;
véxstv, u7toÀall~àvstv, à7to'l'aivstv, Xpfia8at ;
• Ilànov ÙÈ oeiv u7toM~ot nç av dlpia8at 111Ç oùO'iaç Ti]V tSK-
• l'augmentation: auçstv ; v07tottav (II, 1256 b 6) ;
• la division: Il s piÇsa8at; • llàÀÀov yàp ost tàç Èm8ulliaç 0llaÀiÇstv il 1àç oùO'iaç (II,
• l'égalisation: 7totsla8at taas, 0llaÀtÇstv (2 fois) ;
1266 b 29), llàÀÀov wil taç oùO'iaç 0llaÀiÇstv, wùç IlÈv ÈmStKetç
• la réglementation: 7toteia8at àvaoaawuç ; . 1TI 'l'uast WtDUWUç 7tapaaKsuaÇStV, ma1s Ili] ~ouÀsa8at 7tÀeo-
• la vente ou la perte: 7tûlÀeiV, àvatpslv, à7toÀÀustV, KataOa-
VSK1etV, wùç oÈ 'l'auÀouç ma1s Ili] ouvaa8at (II, 1267 b 5) ;
7taveiv.
AIKATERINI LEFKA §ll. POLITIQUE 409
408

• SÀa1WVEç OV1EÇ, ~EiÇovuç oll<liuç eXEtv (IV, 1293 a 27) ; C. ANALYSE SÉMANTIQUE

• oÀtyuPXiu 0' chuv dlcn KUptot 1f\Ç rroÀnEiuç 011àç ~ù<liuç e~ov-
1EÇ, 0'l~OKpU1iu oi: wùvuv1iov 01UV Ot ~f\ KEK1'l~EVot rrÀ'l8oç
Toutes les 65 occurrences d'oùaia ont un sens «économique ». On
pourrait, cependant, faire une légère distinction: parfois le terme étudié
ollmuç ÙU' arropot (III, 1279 b 18) ;
signifie« la fortune », «les possessions », «les biens propres », de manière
• E'(8' 011àç Oll<l'ŒI; exov1Eç, E'(8' 0 of\~oç (IV, 1296.a 25) ; 01 ~i:v
neutre; parfois il suffit pour désigner « la grande fortune », « la richesse ».
KEn'l~ÉVot 1àç Oll<l'uç ... 0 oi: of\~oç (V, 1311 al) ;
L'intérêt particulier que présente la notion d'Oùcrtu dans la Politique
• 01 o'l~onKoi wilw otKatOV 0 n av 06çn Wts rrÀEiocrtv, 01 0'
est dû à la place centrale qu'Aristote accorde à la fortune pour la défini-
oÀtYUPXtKoi 01t av 06çn 1n rrÀEtOVt OÜ<I'\l (V, 1311 al).
tion du régime politique, ainsi que pour la bonne vie de la cité l . Nous
allons examiner ici les occurrences les plus significatives, en les regrou-
- Termes associés
• crmeppovmç Kui ÈÀEu8Eptmç (çf\v)". Elcriv 8ÇEtÇ UtPE1Ui rrEpt 1f\V pant, autant que cela se peut, sous des rubliques thématiques.
1f\Ç oll<liuç xpf\crtV (II, 1265 a 35) ;
• rrÀEovEKwilcnv 01 yVcOpt~ot, olov KUt sv AUKEout~oVt EtÇ oÀi- Lé désir d'accroître l' ovuia
!
youç ul Oll<l,at epxovwt (V, 1307 a 36) ; Au livre l, Aristote tente d'opérer une distinction entre, d'une part,
• uuÇEtv 1f\V wil vo~icr~uwç Oll<liuv Etç arrEtpOV, utnov oi: l'objectif de l'art d'administrer une maison, et donc la vie bonne d'une
WU1'lç 1f\Ç Ota8ÉcrEmç 10 crrrouoaÇEtv rrEpt 10 çf\v (l, 1257 b 40), famille, et, d'autre part, le but poursuivi par l'art d'acquérir des biens
1f\V rràcruv oll<liuv sepincrt yiyvEO"8at ~Eiçovu ~ÉXPt rrEV1U- matériels. Souveut les gens confondent, en fait, dit-il, les moyens et les
rrÀucrtuç (II, 1265 b 22) ; objectifs finaux. Les plaisirs passent pour résider dans l'excès, et le désir
• KOtVUtÇ XPcO~EVOt 1UtÇ yuVUtçt KUt wtç 1ÉKVOtÇ, ùÀÀà rrav1Eç de vivre n'a pas de limites. Dès lors, la plupart des hommes cherchent à
~i:v, oùx mç 8KacrWÇ 0' u61mv~ o~Ot~ç o,i: Kat 1~V ~Il<li~v ~II, acquérir toujours davantage d'argent, jusqu'à l'infini (UUÇEtV 1f\V lOÙ
1261 b 23), 11 1E 1mv yuvatKmV Kat rrutomv Kat 1'lÇ OU<ltUç vo~tcr~awç OÜ<I'UV Ets arrstpov : l, 1257 b 40). Or, la vie bonne est une
KOtvo1'lÇ (III, 1274 b 10) ; vie de mesure2 •
• eX Et nvu 06vu~tv Elç 1f\V rroÀnm'!y Kot\~mVtu fJ 1f\~ Oll<l'U~ Souvent, d'ailleurs, ce sont les hommes de la classe des nobles et des
6~UÀ01'lÇ (II, 1266 b 19), ecrn ~i:v Oùv n 1mv cru~epEpov1mv w riches qui sont avides de posséder encore plus, remarque Alistote dans un
1àç oll<liuç tcruç dvut 10tÇ rroÀf1utç rrpoç 10 ~f\ cr1ucnaÇEtV rrpoç autre passage, en donnant l'exemple de Sparte, où « les fortunes revien-
ùÀÀf\Àouç (II, 1267 a 38) ; nent à un nombre restreint» de citoyens (V, 1307 a 36).
• ecrn 1f\V tcr01'l1U ~i:v 6rrapXEtv 1f\Ç Oll<l'Uç, 1UU1'lV 0' il Àiuv
dvut rroÀÀf\v, O)cr1E 1puepàv, il Àiuv oÀty'lV, O)cr1E çf\v yÀtcrxpmç Les inégalités des citoyens par rapport à l' ovuia et leurs conséquences
(II, 1266 b 25), 10 XEpV'lnKOV KUt 10 ~tKpàv exov Oll<liuv O)cr1E politiques
~f\ ouvucr8at crxoÀaÇEtV (III, 1291 b 26) ;
• utEl orro1EpOt av 6rrEpÉxmcrtv, de' 01 1àç Oll<l'Uç exov1Eç Ete' La distribution des biens parmi les membres d'une cité est un facteur
politique d'importance extrême, d'après Alistote. Il en donne plusiéurs
o of\~oç, 0110 ~Écrov 8KPUtVOV1EÇ Ku8' u(noùç ayoucrt 1f\V rroÀt-
UEtUV, O)cr1E il of\~oç ytyVE1at il 6ÀtyuPXiu (IV 1296 a 25) ;
l C'est une constatation déjà faite à l'occasion de notre étude sur l'ànopia et les termes
• POUÀE1at 0' 6 PUcrtÀEÙÇ dvat epuÀuç, ,orrc;'ç ~I ~i:v ~En'l~ÉvOt apparentés; voiT Aporia dans la philosophie grecque des origines à Aristote, A. Lefka,
°
1àç Oll<l'Uç ~'l8i:v aotKOV rracrxmcrtv, OE o'l~oç ~'l 6PptÇEWt Aristote, §6. «Politique », p. 299-314.
2 Dans le livre II, 1265 b 22, est envisagée la possibilité d'augmenter les oôa[ut jus-
~'l8Év (V, 1311 a 1); . qu'à cinq fois par rapport à leur taille initiale, selon la législation avancée dans les Lois
• EÙ1 u XtU ~E')'tO"1'l wùç rroÀt1EuO~ÉVOuç Oll<l'UV eXEtv ~i:cr'lV KUt de Platon; une mesure qu'Aristote trouve en contradiction avec le maintien des lots de terre
\Kavf\v (IV, 1295 b 40). . à un nombre stable, dans cette même œuvre.
AIKATERINI LEFKA
§11. POLITIQUE 411
410

exemples, qui peuveut se réuuir autour de quel~ues. thèmes: }a divisio~ démocratie soit une oligarchie selon la prééminence de ceux qui s'écar-
des citoyens en classes sociales, malS aussl,la deümt;on, du r~g~e poll- tent de la moyenne, que ce soit les riches (tàç 'oi)(l'î,,_ eXOVteç) ou le
tique et les causes du renversement ou de 1 mstabJllte d uu reglllle. peuple (6 8fî~os) (IV, 1296 a 25; voir aussi II, 1270 a 17).
Concernant l'oligarchie, Aristote pense que celle-ci considère fansse-
ment l'inégalité des gens par rapport à l' oùala comme une inégalité en
a) Division des classes sociales
soi (V, 1301 a 32). Les citoyens très fortunés «ne pensent pas qu'il est
Il était courant pour les cités grecques de fonder la division des classes juste que ceux qui n'ont aucune proptiété participent à égalité avec les
sociales sur le niveau des revenus. Chacune des classes jouissait de certams riches aux affaires de la cité» (olnoÀu 6nepÉxov1eç m1:ç ouO'î",<; où
privilèges publics et avait des obligations propres, comme le f1~ance~ent 8îKawv olOVmt dvŒt laov ~e1Éxetv tfîç noÀeroç wùç KeKllWÉvoUÇ
d'un équipement militaire particulier. Les plus nches deva:ent, a :,thenes, Wl9èv w1:ç KEK1'1~ÉVOtç : VI, 1316 b 2).
devenir des cavaliers. D'autre part, les gens pauvres, preoccupes par le En réalité, les démocrates considèrent comme juste ce qui paraît bon
besoin de travailler beaucoup pour gagner leur vie, u'avaie~t pas a~s~z ~e à la majorité, alors que les oligarques considèrent comme jnste ce qui
loisir pour participer aux affaires publiques. Nistote mentlOnn~ 1 ou~t,a (paraît bon « à la plus grande fortune » (0 n av06l;n 1fi nÀeîovt ouO'ttl :
quand il fait état des divisions en classes soclales et des partlculantes . VI, 1318 a 20), car ils pensent qu'un homme doit être évalué en fonction
de chacune (IV, 1289 b 35; 1291 a 34; 1291 b 26; 1291 b 26; VI, de la grandeur de sa fortune personnelle (VI, 1318 a 21). Le Stagirite
1318 b 12; 1321 a 11). croit, cependant, que les deux attitudes sont exposées à l'inégalité et à
l'injnstice.
b) Définition du régime politique Quant à la royauté, Nistote mentionne l'exemple des Molosses, qni
L définition de l'oligarchie et de la démocratie n'est pas une tâche envisagent le roi comme un gardien des droits des riches autant que des
aisé:, souligne Nistote dans le livre Ill. Il pense que le fait d'avoir da~s pauvres (V, 1311 al).
les cités beaucoup de gens pauvres et peu de riches, alors que tous aspl- Le philosophe distingue les différents régimes non seulement en fonc-
rent à la liberté et au pouvoir politique, est à prendre sérieusement en tion du nombre et de la fortune de ceux qui exercent le pouvoir, mais
considération pour comprendre la vraie nature des différents régimes. aussi selon l'objectif poursnivi par les gouvernants. Si ceux-ci respectent
C'est ainsi qu'il donne, pour sa part, la définition originale smvaute: la loi et gouvernent pour le bien-être de l'ensemble, le régime est bon et
juste, que ce soit une royauté, une aristocratie ou un gouvernement consti-
«(Il y a) oligarchie quand ce sont ceux q~i dé~i~nnen~ les ri?hesses_qui sont tutionnel; s'ils cherchent seulement leur propre intérêt, il s'agit d'une
souverains dans la constitution (ôÀ.tyapxw 0 o-ruv ~cn KupWt 't'ilS noÀt-
'tEÎaç 01 tàç oùc::riaç ~:XOVtEÇ), démocratie, au contraIre, quand ce sont ceux déviation malsaine de ces trois orientations politiques principales. Les
qui ne possèdent pas beaucoup de richesses mai~ sont (d;s gens) t;Iod~ste~ régimes qui en résultent sont la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie.
(8'1~OKpatia i5t touvavtiov otav ~Tt l(8Kt'1~EvOt TC1-'180, ou"'''s a1-1- Les rapports des citoyens avec la richesse définissent aussi bien les trois
aTCopm: Ill, 1279 b 18)'. » types essentiels de régime «sain », que leurs déviations. C'est ainsi que
Aristote reviendra sur ce point à plusieurs repiises, comme c'est le cas le tenne étudié apparaît dans des passages où Alistote traite des conditions
dans la suite du livre III (1279 b 19) et dans le livre IV, ~ù nous av~ns particulières de ces situations politiques diverses (omv ~èv 06v tà yerop-
encore une occurrence du tenne qui nous intéresse quand Il est qu:süon ytKOv Kat tà KEKllWÉVOV ~É1ptaV ouO'îav KUpWV TI 1fîç nOÀneîaç,
du régime de l'ancienne Colophon, qui présentait :'ori~in,alité d'avo~ un~ TCoÀneuOvmt Ka1à vo~ouç : IV, 1292 b 26 ; 01av ~èv nÀEÎouç exroatv
majorité de citoyens très riches (ÈKÉKtrlV'W ~aKp~; ou(n~v Ot nÀe~ouç . oùO'î"v, sÀéJ.ttro 8è Kat ~it noÀÀit Àlav, tà tfîç TCpomlç oÀtyapxîaç
IV, 1290 b 16). Plus loin, il est affirmé que les cltes deVlennent SOlt une d06ç Èanv : IV, 1293 a 13 ; voir aussi: IV 1293 a 18 ; 21 ; 27).
Le régime tyrarmique est particulièrement caractérisé par le désir d'aug-
mentation des richesses personnelles de la part des gonverneurs, comme
3 Traduction de P. PELLEGRIN.
r

§l!. POLITIQUE 413


AIKATERINI LEFKA
412
ou imaginaires) considérées comme les meilleures. À cette occasion, le
c'était le cas de Denys de Syracuse, dont toute l~ for,tune s:es~, créée
telme étudié apparaît avec une fréquence assez élevée.
par les contributions des citoyens pendant cinq ans ~8V 1l:8V1~ yap 8t8.mv Par exemple, Phaléas avait proposé d'insister sur l'égalisation des
Sltt LltoVuatOu tftv où"iav altaaav 8la11v8voX8vat auv8~atV8V . V,
fortunes (II, 1267 a 38 ; III, 1274 b 9), alors que Platon avait introduit
1313 b 27). pour la classe des gardiens de sa République la communauté des femmes,
des enfants et des biens (II, 1261 b 23; 26; III, 1274 b 10). Quant à
c) Causes de renversement du régime Solon, il avait établi des lois restrictives pour l'acquisition de terres à
Aristote approuve ceux qui ont déjà mis en évidence le fait que la volonté et pour la vente de la propdété de chacun (II, 1266 b 19).
bonne législation concernant les ooatat est la chose la plus 1mportante~ Aristote ne pense pas que ces mesures soient les meilleures. Plus
car les raisons de toutes les révol,;:tions tournent auto~r de ce sUJ~t (8oK8~ encore: il croit que les maux d'une cité ne proviennent pas du fait que
yup nm t6 lt8pt 1àç oo"taç 8lvat ftÉyt<nov 18tUXSat KaÀcoç ~8pt les citoyens n'ont pas de fortune commune (KaKéiiv ffiç yLVOIlÉvcov 8tà
yàp tOutCOV lt01etaSat <pam tàç atUa8tç ltuvtUç : II, 1266 ~ ~7). L har- ,6 Ilft KOlVftV dvat tftv où"iav : II, 1263 b 20) ; d'ailleurs, ceux qui
. u'on des fortunes a un certain pouvoir dans ,la soctete pohuque (Î>artagent en commun leurs biens peuvent avoir davantage de raisons
mOUlsa ~ ... "
(eX 8t nva 86vafttV Elç tftv ltOÀtnKftv KotVCOVtav 11 t11Ç oll<rlaç de conflits (wùç K01Và K8Kt11ftÉVOUÇ Kat KOtVCOVoov,aç ltOÀÀ0
oftaÀ61 11ç), comme l'avait bien vu Solon (II, 1266 b 15). 8W<p8POIlÉVOUÇ ftàUov 6péiill8V 11 wùç XCOptç tàç où"ia~ EXOVtaÇ :
En effet, si les riches deviennent plus nombreux ou aug?,entent II, 1263 b 25). D'autre part, la stabilité des propriétés devrait être pen-
leurs fortunes, ils vont transformer les démocraties e~ ~hgarch1es et en sée aussi par rapport au nombre d'enfants qui seront les hédtiers de
. (V 1303 a
tyranmes, 12)
. D'autre part , les pauvres. preferent
. . rester . tran- chaque lot familial, et donc une législation en la matière devrait aussi
'U même s'ils ne participent pas aux fonctlOns poht1ques, Sl on ne se soucier du contrôle des naissances (II, 1265 b 3 ; 6; 1266 b Il)'.
~~~ti~:' pas leurs droits, et si on ne leur enlève rien ~e leurs posses- En outre, c'est par filiation et non par donation qu'il faudrait hériter des
sions ; or, cela n'est pas facile (IV, 1297 b 8). Le~r rea~tlOn, dans c~ fortunes, et la même personne ne devrait pas recevoir plus d'une oùcrta,
cas, peut aboutir à un renversement du régime ohgarch1que au prof1t si l'on veut arriver à une plus grande stabilité des patrimoines et faci-
cl 'une démocratie4 • .' .
liter l'accès d'un plus grand nombre de personnes pauvres à l'aisance
Quand certains gouverneurs perdent leurs fortunes, 11s m~odU1se:,t (V, 1309 a 25).
des changements dans le régime en le~r ?ropre faveur (?tav. ft8V Quant à l'égalisation des oùatat, Aristote trouve que dans les cités où
téiiv f)Y8ft6vcov nvèç àltcoÀÉacoGt tàç ou"taç, KatVOtOft0ualv . VI, celle-ci se rencontre, elle se présente soit à un niveau financier trop élevé,
1316 b 19). qui conduit à un « ramollissement» des citoyens, soit à un niveau trop
restreint, ce qui rend la vie trop dure (II, 1266 b 25). Dès lors, il ne
Le rôle de la législation pour la réglementation des oÎJr1ial faudrait pas que le législateur vise simplement l'égalisation des for-
tunes, mais aussi le niveau moyen pour tous (OOX IKavov t6 tà, oo"iaç
Vu que la condition financière des membres ~e la com,;,unauté .
taaç notfiaat 16v VOIlOSé'l1V, àÀÀu 100 Iléaou awxaatéov: II,
. Al si important pour le fonctionnement de la Clte, plus1eurs
Joue un ro e .. 'd" blir le sUJ'et 1266 b 27; voir aussi VII, 1326 b 34). Or, le philosophe trouve que cette
seurs attribuent au législateur la responsab1hte eta . sur . mesure n'aurait pas vraiment de résultats (en 8' d nç Kat tftv ft8tpiav
lois qui peuvent garantir la justice et la stabilité nécessarres. Aristote
tUÇ818V où"iav ltàmv, oMèv O<p8ÀOÇ : II, 1266 b 29). Car les hommes
une présentation critique de certain~s ~ Opl?l~OnS co~cemant la ne commettent pas les plus grandes injustices (comme l'est la recherche
manière d'affronter la question des megahtes des cltoye~s par raJ'pc,rt!
l'ooata, dans les livres II et ID, où il examme les constltuuons
5 C'est la première fois, à notre cOIlllrussance, qu'est proposée une telle mesure en vue
de sauvegarder la stabilité du nombre et de la taille des fortunes familiales.
4 Voir aussi V, 1304 b 22; 1303 b 35; 37; 1305 a 4; 1309 b 40; VI, 1316 b
AIKATERlNI LEFKA
§ 11. POLITIQUE 415
414

du pouvoir tyrannique) pour combler leurs besoins élémentaires, mais occasion de saisir le rapport étroit entre ses théories éthiques et ses
surtout pour satisfaire leurs désirs démesurés (II, 1267 a 4).. . théories politiques, comme le Stagirite l'annonçait déjà au début de
Par conséquent, l' œuvre de la législation, d'après Anstote, ~e~ail l'Éthique à Nicomaque 7 •
d'éduquer les citoyens à égaliser leurs désirs plutôt que les ouGtCtt
(f!iinov yàp oe11àç 6m9uf!iaç of!aÀ.iÇetv l1"àç où"iaç, 10610 0' L'avala idéale pour un gouverneur.
OÙK ccrn f!Yt 1tCttoeuOf!i:VOtç : II, 1266 b 30), en encourageant l:s Dans le livre IV, Aristote se réfère directement à ce qu'il avançait dans
hommes naturellement justes à ne pas vouloir être avides, et en empe- ses œuvres éthiques, à savoir que la vie heureuse est celle qu'on mène
chant les méchants de pouvoir l'être (1roV o~v wU1roV àpxTj, f!iiÀ.À.ov sans entrave selon la vertu, laquelle est « une moyenne» entre le manque
106 1àç où"laç of!aÀ.IÇetv, 10 wùç f!Èv 6melKeiç 1TI <p~cret "~toU: et l'excès d'une qualité. Comme suite à cette conception, il soutient que
wuç 1tapacrKeuaÇelv rocr1e f!Yt pouÀ.ecr9at 1tÀ.eoveK:e1V: wuç ,oe la vie la meilleure (le but de sa recherche philosophique dans les
<pauÀ.ouç rocr1e f!Yt 86vacr9Ctt : II, 1267 b 5) -:.ce qm alTlvera ,s Jls domaines éthique et politique) serait une vie moyenne, autant pour chaque
sont moins nombreux et s'ils ne subissent pas d lTI]UstlCe eux-memes homme que pour la cité, car elle nous permet de suivre plus facilement
(II, 1267 b 9). , (les instructions de la raison. Il en résulte que « la plus grande chance
Aristote distingue trois formes d'injustice: celle engendree par le pour les gouvernants est d'avoir une fortune moyenne et suffisante»
besoin des choses nécessaires, celle due au désir des plaisirs immodérés (Eù1uxla f!eytG1ll lOÙÇ 1tOÀ.t1E\JOf!i:VO\Jç où"iuv "XEIV f!i:crllV Kat
et celle provoquée par le désir de jouir de plaisirs sans peines. C?acune lKavTjv) (IV, 1295 b 40).
peut être évitée par l'application d'un remède convenable. Sont, des :o~s,
recommandés: pour la première, une fortune modeste et le travail (ou"tU
ppax eia Kat 6pyacrla : II, 1267 a 9) ; pour la deuxième, la tempérance D. CONCLUSION
(crro<pp ocruv ll), et pour la troisième ... la philosophIe, laquelle procure ks
plaisirs les plus grands qu'on peut avoir de manièr~ a~to~ome,. sans av~rr Par cette approche du terme oùcrla dans la Politique', nous pouvons
besoin d'autres personnes (et nveç POUÀ.01VlO Ot a\J1roV xCttpetv, OUK constater l'intérêt majeur que porte l'esprit pragmatique du Stagirite à
liv 6mÇlllOiev el f!Yt 1tapà <ptÀ.ocro<plaç liKOÇ, al yàp 1iÀ.À.Ctt àv9pw1trov l'aspect économique de ses théories politiques. C'est l'originalité de la
Oi:OV1at). pensée de ce philosophe que d'analyser le domaine de la cité à la lumière
des rapports financiers, autant que des rapports de pouvoir. Mais au
Les vertus liées à l'usage de l' oVf7ia cas où on serait tenté d'y voir un désir de se conformer à la réalité
Aristote effectue dans la Politique un rappel des vertus qui se trou- concrète des cités existantes, le rappel de l'importance de la tempérance
vent liées à la disposition des hommes envers l' oùcrla: la tempérance appliquée aux biens matériels et l'introduction d'une législation visant à
(crro<pp ocrUV ll) et la libéralité (6À.eugepl?"llç) <}l6va: ~' e\cr~v Ëçe: ç éduquer les citoyens à cette vertu manifestent qu'Atistote reste un adepte
a\pewt 1tept 1YtV 1fiç où"laç xpficrtv aÔ1~t, ?io~ o\J":\l, 1tparoç ~ev de la composante interne et idéale de la vie bonne. Pour lui, l' oùcrtU au
11 àvopetroç Xpficr9at OÙK ccrnv, crro<ppovroç oe Kat _eÀ.eu9~ptroç sens économique est toujours un moyen pour se procurer la base maté-
ccrnv rocr1e àvaYKaiov Kat 1àç Eçetç 1tept 1àç où"iuç elvat 1a\J1aç : rielle nécessaire à la réalisation de l'e~ Çfiv de la cité, et non une fin
II 1265 a 35 ; 36). Une analyse plus approfondie de celles-ci figure en soi.
d~ns l'Éthique à Nicomaque'. Par ce qu'Adstote a développé con?ernant
l'objectif de la législation sur les biens matériels, nous avons ICI une 7 Éthique à Nicomaque, l, 1094 a 19-b 10.
8 Les quatre occurrences du tenne étudié qui ne s'intègrent pas dans les thèmes exposés
ici, et qui ne présentent pas, à notre avis, un intérêt particulier, se trouvent aux passages:
6 Voir notre chapitre sur les œuvres éthiques d'Aristote dans ce même volume. II, 1267 a 29; 31 ; V, 1307 b 33; VII, 1330 a 31.
§12. CONSTITUTION D'ATHÈNES

Aikaterini LEFKA

Édition de référence
ARISTOTIfÉ, The Athenian Constitution, The Eudemian Ethics, On Virtues And
Vices,lwith an English translation by H. Rackham, The Loeb Classical Libraly,
Alistotle, XX, ed. by G.P. Goold, Harvard University Press, Cambridge, Mas-
sachusetts - London, England, 1992 (Sème éd.).

Antres éditions et traductions consultées


G. MATHIEU-B. HAUSSOULLIER, .Paris, Les Belles Lettres, 1972.

A. DONNÉES Q'iANTITATIVES

Dans la Constitution d'Athènes, le mot ouata apparaît à 9 reprises


(IV, 2, 3 ; IV, 2, 5 ; V, 3, 2 ; XXVII, 3, 3 ; XXVII, 4, 2; XXXV, 4, 3 ;
XXXV, 4, 4; XLVII, 2, 8; XLIX, 2,10).

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES

a) Formes
Ouata se présente six fois au singulier, dont la moitié au datif et l'autre
moitié à l'accusatif, et trois fois au pluriel, dont deux à l'accusatif et une
au datif.

b) Syntaxe
- Ouata est complément d'objet, dans cinq cas, pour les formes ver-
bales suivantes :
• KEK'tTtJ.LÉVOUç;
• à1to'Patvov~aç;
• Ëx cov ;
§12. CONSTITUTION D'ATHÈNES 419
418 AIKATERINILEFKA

Les magistratures pnbliques et l'où,,ia


• OluprrélÇstv;
• rcroÀouat v. Le niveau des revenus joue un rôle décisif pour la définition des classes
_ Dans les quatre cas où le terme se préseute au datif, il est uu complé- sociales, et pour toutes les obligations ou les honneurs civiques. Un
meut de point de vue: citoyen athénien ne peut être élu ou désigné pour certaines magistratures
qu'à condition de dépasser un certain niveau d'oùcr(u, fixé par la loi. Le
• ~v ... 'TI 0' OÙ"l\l ,&v fl ÉcrOlV ;
terme étudié apparaît dès lors dans des passages où Aristote mentionne
• èmÀs17t0flSvoÇ ... 'TI OÙ"l\l ;
• wlç où"lInç ... rrpoÉxovwç ; quelques exemples de cette coutume. Déjà selon la législation de Dracon,
les neuf Archontes et les Trésoriers devaient être élus parmi ceux qui
• inneuEt v ... '"Cn 00"1«;1.
possédaient «une fortune libre, de non moins de dix mines» (oùCJiav
c) Expressions, associations, jenx de mots KEK'l1flÉVOUÇ OÙlC è1cU"Ol OÉlCU flV&V èÀw8Épuv : IV, 2, 3).
Quant aux Généraux et aux Commandants de la Cavalerie, ils devraient
Termes opposés: • , _, faire preuve d'avoir non seulement « une fortune libre de non moins de
• ~v 0' 6 LOÀOlV 'TI flèv CjlUcrSl Kut 'TI 86l:;n 'OlV rrpOl'Olv, 'n 0
cent mines» (cr'P(Hl1yoùÇ oè KUt trrrrupxouç où"iuv <Î.rroCjluivov,uç
où"i\l KUt 'Otç rrpélYflucrl ,&v flÉcrOlV (V, 3, 2).
OÙlC IlÀu"ov' 11 ÈlCu,àv flV&V èÀsu8Épuv : IV, 2, 6), mais aussi des
Tennes associés: . . enfants d'un mariage légitime, âgés de plus de dix ans.
• Divers termes indiquant l'élection ou l'exercice d'une fonctlOn Aristote mentionne également la procédure administrative pour l'en-
politique: ,," , " registrement d'un citoyen dans la classe (et la fonction militaire) des
• TlP oGvw 8è wùs flèv èvvÉu ~pxov,~ç K~l wu,ç ,ufltaÇ ou"u.~ Cavaliers. Parmi ceux qui sont convoqués à cette procédure sont
KSKnwÉvouç OÙK è1cél"00 OSKU flVOlV sÀsu8spuv (IV, 2, 3! ' exempts finalement les personnes assurant, sous serment, qu'ils sont
• cr,punlYoùç oè KUt lrrrrélpxouç où"iav <Î.rroCjlulvoV'UÇ OUK physiquement incapables de monter à cheval ou qu'ils n'ont pas une
8ÀU"OV 11 ÉKu,àv flV&v è1csu8É puv (IV, 2, 6) ; fortune suffisante pour assumer les dépenses de l'équipement d'un
• Ihs 'UpUVV1KTtV 8XOlV où"iav ... ,ùç K01VÙÇ ÀnWupyluÇ è1cn-
cavalier (lCUV flÉV ns Èl:;ofl6crl1'at flTt ouvucr8ut 'i\l cr<Îlflun trrrrsustv
wupYSt ÀUflrrp&ç (XXVII, 3, 3) ; 11 'TI où"i\l, wGwv <Î.Cjllàcrlv : XLIX, 2, 10).
• rrpàs ... ,uunlv 'TtV XOPl1yiuv èmÀstrroflsvoç ... 'TI où"i\l
(XXVII, 4, 2) ; • L'oùma et la popularité de quelques hommes politiques illustres
• wùç 8è KU'stÀSrflÉvouç KUÀOGcrt, di.v flÉv ns è~oflocr~'':t fll1
ouvucr8at 'i\l cr<Îlflun trrrrsustv 11 'TI OÙ"la, ,oU'OV uCjltacrtv La fonction de juge, exercée par tous les citoyens athéniens par alter-
(XLIX, 2, 10) ; . , ' nance, a commencé à être rémunérée grâce à une proposition législative
• ,alç où"iatç Kut 'i\l yÉVSt Kat WtS <Î.l:;tOlflucrt rrposxov,uç de Périclès.
(XXXV, 4, 3) . En fait, le concurrent politique de cet homme illustre, Cimon, possé-
• Des verbes signifiant «vendre» (rrOlÀoGcrtV) (XLVII, 2, 8) ou dait « une fortune assez grande pour satisfaire un tyran» ; ainsi pouvait-
« voler» OtUprrusstV (XXXV, 4, 4). il assumer brillamment diverses fonctions publiques, et même entretenir
plusieurs citoyens démunis (6 yù.p KiflOlV (hs 'UpUVVtKTtV SXOlV où"iuv
rrp&wv flèv ,ùç lCotVÙÇ ÀnwupytUç è1clFouPYSl ÀUflltp&Ç, 8ltSHU
C. ANALYSE SÉMANTIQUE ,&v 811flO'&V 8'pSCjlS ltoÀ,À,oùç : XXVII, 3, 3).
La fortune de Périclès était insuffisante pour de telles actions (rrp6ç
Toutes les occurrences du tenue étudié ont un sens ~< économique».
OTt ,uu'l1V 'TtV XOPl1yiuv È7t1ÀStrroflsvoç 0 IIsptK1cfiç 'TI OÙ"l\l :
Nous allons ici les regrouper en fonction du thème principal auquel elles XXVII, 4, 2). Il pensa donc astucieusement (suivant le conseil d'un
se réfèrent.
§12. CONSTITUTION D'ATHÈNES 421
420 AIKATBRlNILEFKA

Un législateur sage: Solou, l'Où<Jlu et la vertu


certain Damonidès), qu'un moyen de se gagner les faveurs du peuple
contre son adversaire serait d'introduire une nouvelle source officielle de La dernière mention de l' OOcrlU que nous allons examiner apparaît dans
financement pour les citoyens: le « salaire» des juges. un contexte différent de tous les autres. Aristote décrit les qualités de
Cette remarque fine du Stagirite illustre le rôle crucial que pouvait Solon, le législateur sage d'Athènes, comme suit: «Solon était d'une
jouer l' oùcrtU, entendue dans le sens de « fortune personnelle», dans la part, quant" à sa nature et à sa réputation, parmi les premiers, et d'autre
pratique politique, même dans une démocratie comme celle d'Athènes à part, quant à sa fortune et à sa position, parmi les moyens (~v 8' 0 LOÀ.COV
son «âge d'or ». 1TI flÈV q>ucret mt1TI 06é,n truv 1tpal1cov, 1TI 8' Où<Jl\l mtlOtç 1tpuy-
flucrt 1ruV flscrcov : V, 3, 2) ». Qui plus est, Solon attribuait les raisons
Sanctions concernant l' OÙ<Jlu des révolutions essentiellement à l'avidité des citoyens fortunés, c'est
pourquoi il incitait dans ses poèmes les Athéniens riches à modérer leurs
Les offenses graves contre la cité sont punies par l'exil. Mais l'exilé
doit aussi subir des conséquences financières extrêmement sévères. Aris- revendications égoïstes.
La description de Solon comme un homme parmi «les moyens » et
tote rapporte que si un homme est condamné à l'exil par l'Aréopage ou
par l'un des autres tribunaux athéniens, la totalité de ses biens est mise « les premiers» à la fois ne manque pas de nous rappeler la définition
de la vertu elle-même, telle qu'elle figure dans l'Éthique à Nicomaque,
en vente par les dix Vendeurs publics, pendant une réunion du Conseil ;
cette action est ensuite approuvée officiellement par les neuf Archontes à savoir, comme une « moyenne » et un « sommet »2. Il est notable que,
(Kut tàç OÙ<J1Ul; 1ruV èl; 'Apelou 1tuyou q>euyov1cov KUt1ruV uÀ.À.cov dans les deux cas, le degré « moyen» est attribué à l' oùaiu, mais enten-
due pour la vertu dans son sens « ontologique» d' ~~ essence», et pour
èVUV1l0V 1f\Ç ~ouÀ.f\ç 1tcoÀ.oucrtV, KutUKUPOUcrt 8' 0\ 6' upxoneç :
Solon da!ls son sens «économique» de «fortune». C'est quant à la
XLVII, 2, 8). qualité (au bien) que Solon (dont la nature est excellente) et la vertu sont
Le malheur de posséder une oll<Jlu importante au temps des tyraus des sommités. Cette coïncidence serait-elle due au fait que Solon repré-
sente un exemple concret d'homme véritablement vertueux, d'après les
Deux occurrences du terme étudié figurent dans un passage qui décrit -conceptions aristotéliciennes?
l'attitude des trente tyrans envers les Athéniens les plus riches:
« Quand ils ont installé plus saUdement leur pouvoir dans la cité, ils n'ont
épargné aucun des citoyens, mais ils ont mis à mort ceux qui se distingu~ient D. CONCLUSION
à cause de leurs fortunes et de leurs origines nobles et de leurs fonctlOlls
civiques (unÉKt8tvUV 1:0Ùç Kat tàç oùO'im; Kat 'tep l'ÉVBt Kat ,tOre; dt;tro- La Constitution d'Athènes est une œuvre à caractère descriptif. Elle
J..Lucnv npo€xoV'taç : XXXV, 4,3), en se débarrassant ainsi de cette crainte
et désirant piller leurs propriétés (KŒt ~Ot)À.ÔJ..l8Vot tàç oùc.;ia<; 8tapna-
reprend depuis ses débuts l'histoire politique d'Athènes et présente
çetv: XXXV, 4, 4)1.» en détail toute son organisation administrative. L'oùcrtu y figure avec
une fréquence réservée, pour désigner les acquisitions matérielles, quand
Dans un régime d'injustice et de pouvoir absolu; la possession de biens AIistote met en évidence l'importance de celles-ci pour la vie publique.
matériels et civiques provoque la crainte et l'envie du gouvernement, Dès lors, c'est l'aspect politique de l'oùcrtu matérielle qui est concrète-
toujours avide d'augmenter ses propres richesses. Ces mêmes biens qui ment mis en évidence.
peuvent, en temps de paix et de liberté politiques, rendre un citoyen
particulièrement honorable deviennent, en cas de changement de régime
vers la tyrannie, les raisons de sa perte.
2 Éthique à Nicomaque, III, 1107 a 6 ; voir aussi notre texte sur les œuvres éthiques
d'Aristote, contenu dans ce volume.
1 Les traductions des passages cités sont faites par l'auteur.
§13. ÉTHIQUES

Aikaterini LEFKA

Éditions de référence
Éthique à Nicomaque : AruSTOTLE, The Nicomachean Ethics, with an English
translation by H. RACKHAM. The Loeb Classical Library, Aristotle, XIX,
ed. by G.P. GOOLD, Cambridge (Ma) - London, Harvard University Press,
1990 (s,m'éd.).
Éthique à Eudème : ARISTOTLE, The Athenian Constitution, The Eudemian Ethics,
On Virtues and Vices, with an English translation by H. RACKHAM, The Loeb
Classical Library, Aristotle, XX, ed. by G.P. GOOLD, Cambridge (Ma) - Lon-
don, Harvard University Press, 1992 (8 ème éd.).
Magna mOl'aUa : AruSTOTLE, Metaphysics, X-XIV, translated by H. TREDENNICK,
Oeconomica, Magna moralia, translated by G.c. The Loeb Clas-
ARMSTRONG,
sical Library, Aristotle, XVIII, ed. by G.P. GOOLD, Cambridge (Ma) - Lon-
don, Harvard University Press, 1990 (s'me éd.).

Autres éditions et traductions consultées


Éthique à Nicomaque : traduction et présentation par R. BODÉÜS, GF-Flamma-
rion, Paris, 2004.
Éthique à Eudème : introduction, traduction, notes et indices par V. DÉcARIE,
avec la collaboration de R. HOUDÉ- SAUVÉ, Vrin, Paris-Montréal, 1978.
Magna moraUa: traduit du grec par C. DALIMIER, prés. par P. Pellegrin, Arléa, 1995.

A. DONNÉES QUANTITATIVES

Œuvre Nombre d'occurrences


Ethique à Nicomaque 11
Livres: l . 1
II 1
III 1
IV 7
V = IV de l'E. E. -
VI = V de l'E. E. -
VII - VI de l'E. E. -
VIII -
IX 1
X -
§13. ÉTHIQUES 425
424 AllCATERINILEPKj\

Dans les Magna moralia, apparaissent la forme génitive (trois fois), la


Ethique à Eudème 3
forme accusative (trois fois) et la forme dative (deux fois).
Livres: 1 1
II 2
b) Syntaxe
III
VII - Éthique à Nicomaque
VIII - Oùcria apparaît comme :
7 • sujet des verbes €crtiv et €ntp.dnctv ;
Magna moralia • complément d'objet de napap.a~avtcç et 'l'Sdpctv ;
Livres: 1 6
1 • complément (au génitif) du nom 'l'SOpa, pour exprimer le même
II
sens que celui de 'l'SeipCtv tl'tv oùcriav.
Le plus souvent, il est accompagné d'une préposition, pour exprimer:
• la référence: Katà tl'tv ol",io:v (4 fois), ds ,l'tv où"iav ;
Nous remarquons une fréquence uettement plus grande des occurrences
• l'excès: unsp --cllv oÙO'lav.
d'oùcria dans l'Éthique à Nicomaque que dans l'Éthique à Eudème, alors
que les Magna moralia (œuvre inauthentique, mais aristotélicienne quant Éthique à Eudème
à son enseignement, que nous incluons ici dans notre étude avec la pru-
dence qui s'impose), présentent, malgré la longueur moindre du texte, - Dans deux des trois occurrences, le terme étudié joue le rôle de sujet
du verbe !:crtiv.
une concentration plus importante de ce terme.
La distribution des occurrences parmi les livres de ces œuvres est La troisième (au datif) est accompagnée de la préposition !:v, pour
inégale; plusieurs n'en contiennent pas du tout. li est notable aussi, que le exprimer le lieu.
terme étudié n'apparalt pas dans les livres «communs » entre l'Ethique
Magna moralia
à Nicomaque et l'Éthique à Eudème.
Pour l'Éthique à Nicomaque, c'est le livre IV qui réunit le nombre le - Dans un cas, oùcria (à l'accusatif) est le sujet de KcKtficrSm.
plus considérable de mentions; nous allous revenir sur les éveutuelles - Dans deux autres cas, il est complément d'objet des verbes p.éyctv et
àno~ap.p.Ctv.
raisons de cette fréquence.
Quant aux Magna moralia, six des sept mentions d'oùcria figurent - Sous la forme génitive, il est complément, équivalent à un complément
dans le premier livre. d'objet, de yCVVll11KaÇ (2 fois) et àvmpc11Kaç.
- Sous la forme dative, il est accompagné de la préposition !:v et joue le
rôle d'un complément de lieu.
B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES ET STYLISTIQUES
c) Expressions, associations, jeux de mots
a) Formes Éthique à Nicomaque
Toutes les occurrences, sauf une, dans l'Éthique à Eudème, sont au
termes associés et expressions:
singulier. • ,à oÈ KaS' autà Kat f] où"io: npa,cpov tTI 'l'ucrCt 10Ù npaç 11
Dans l'Éthique à Nicomaque, le terme étudié se trouve à la forme
(l, 1096 a 21).
nominative deux fois, une fois à la forme génitive et huit fois à la forme
• Ka,à ~Èv tl'tv où"io:v Kat ,àv p.ayov tàv tà ti ~v dvm p.éyovtU
accusative. ~ccra'llç !:crttV f] àpctyt, m,à oÈ ,à Iiptcr10V mt tà di, àKpa'llç
Dans l'Éthique à Eudème, oùcria est décliné une fois au nominatif et
(II, 1107 a 6).
une fois au datif singulier. L'unique cas du pluriel est au nominatif.
AIKATERINI LEFKA
§13. ÉTHIQUES 427
426
• tdya80v <paIlEV ev nacratç miç Ka111yoptmç 1oÉyecr8m (Kat
• 11 rrapà tO Ka100V 11 ûni:p 1l]V ooO"iav (III, 119 a 18) .
yàp Èv ooO"itl Kat Èv 10 npos n Kai nocrro Kat notE Kat o1omç Èv
• licrmtoç Etvm 0 ëv KaKOV "Xmv, tO <p8EtpEtv tl]V ooO"iav (IV,
(macrmç ... (II, 7,1205 a 11,4). .
1120 a 1) ; 111fiç ooO"iaç <pSopa (IV, 1120 a 2); Ka1à tl]V oùO"iav
0' 11 è1oE\J8Ept0111Ç 1oÉyE1m (IV, 1120 b 7) ; è1oE\J8Éptoç ècrnv 0
Katà tl]V ooO"iav oanavrov Kat Elç li oEt' 0 0' ÛnEp~a101omv licrm-
tos (IV, 1120 b 24) ; mxÉms yàp èm10EtnEt 11 oùcrta to0s lotrotaç
C. ANALYSE SÉMANTIQUE

ot86vmç, oïnEp Kat oOKOÙcrtv licrmtot Etvm (IV, 1121 a 18) ; où


Dansl'ense~ble des œuvres éthiques d'Aristote, oùcrta présente deux
yàp èv t0 n1oit8Et trov 0100llÉvmv 10 È1oE\J8Éptov, dÀÀ' èv toÙ
onentatlOns pnnclpales de sens: on peut qualifier la première d'« éco-
ol86vtoç 8~El, autl1 oi: Ka1à 1l]V ooO"iav 8lomcr1v (IV, 1120 b 9).
nomIque» et la deuxième d'« ontologique ».
o Ill] Ktl1crallEVot d101oà rrapa1oa~ov1Eç tl]V ooO"iav (IV, 1120 b 12).

o "X \Jcr1 lla101oov ~011811tÉoV Elç 10 ~80ç 11 tl]V ooO"iav, ocrq> ~É1o­
O Éthique à Nicomaque
nov Kat1fiç <pt1otaç olKEt01Epov (IX, 1165 b 20).
a) Sens économique
Éthique à Eudème
Dans l'Éthique à Nicomaque, la grande majorité des occurrences
termes opposés : d' oùcrta (9 cas sur 11) revêtent le sens économique de «fortune »
• Katà cr\JIl~E~l1KoÇ Kat OÙK ooO"ia toÙ autoù (II, 1219 b 36).
« revenus financiers». Il s'agit de toutes les mentions qui figuren~
termes associés: dans les livres III, IV et IX.
o tO Ili:v ti Ècrn ... èv ooO"itl (1, 1217 b 30).
Aristote fait référence à la situation financière, quand il définit la
• àya86v Èv ÉKUC)1:l1 1:0W 1t"CcOaEcOv Èan 'tOû'(;Cüv, Èv OÙtflC;X IlÈV Ô
position du tempérant face à l'attachement aux plaisirs:
voùç Kai 0 8EOÇ, Èv oi: t0 not0 to otKatoV, Èv oi: t0 nocr0 ...
« Tous les agréments qu~ serve~t la .s~té ou la bonne constitution, il y aspire
(1, 1217 b 30).
~vec m~sure et comme il se dOlt, amSl qu'à tous les autres plaisirs à condi-
o Elcri Ol] nacrat Ili:v a\ ooO"ial Katà <pucrtv n vi:ç dpxat , OtO Kat
tIon qu Ils ~e le~r
fa,ssent pas obstacle, qu'ils ne s'écartent pas de ce qui est
ÉKacr111 no101oà 86VEtat totaiha yEvvav (II, 1222 b 16). b~au ~u ~u Ils n excedent pas l'état de sa fortune (ll1tupà 'to KUÀOV II -Une p
'tTIV OlJ~~v). Sans cela, en~effet, o~ affectiOIll1e de tels plaisirs plus qu'ils
Magna moralia ne le mente~t. Or le temperant «Joocppoov) n'a pas cette inclination, mais
celle dela fmson correcte (ros 6 ôp9à, Myos) (ID, 1119 a 16-21)1 "
tennes associés :
o 0 8i: oP 1cr llOÇ ~ou1oEtm tl]V ÉKacrtO\J ooO"iav ÀÉyEtv (1, 1,
Les limites imposées par le niveau des revenus propres deviennent ici
1182 b 13,4). l'un des critères défi~issant le degré approprié d'attachement aux plaisirs
• nacra yàp <pucrtç yEvvl1nKit Ècrnv ooO"iaç totaU t l1Ç oïa ÈcrttV qUI ne nUIsent pas a la santé et à la bonne constitution. Cet élément
(1, 10, 1187 a 1, 3) ; yEvvl1nKov ècrnv liv8pmnos ooO"iaç (1, 11, «pragmatique » va de pair avec celui de la beauté (voir aussi: de la
1187 b 1, 3). . convenance) d'un plaisir. Dès lors, d'après Aristote, pour être un véritable
• El IlÉv nç <pO~Etmt Ill] dno~a101on 1l]V OOO"tav, 06toç 0811oOÇ, Et sôphrôn, un homme ne doit jamais, entre autres, perdre de vue et dépas-
oÉ nç SappEi nEpi taùta, dvopEioç (1, 20, 1190 b 1, 4) ; nEpt ser son potentiel économique. Cet élément constitutif de la sôphrosyné
<po~o\Jç Kai KtVOUVO\Jç où navmç d101oà to0ç dvmpEnK00ç tfiç
oOO"t(1l; (1, 20, 1191 a 12, 3).
• 0 oi: vOIlOÇ KE10EUEt crw<ppova Etvm, ooO"iav KEK1ficr8m, crwllatoç 1. Pour les citations des longs passages de l'Éthique à Nicomaque, nous suivons la tra-
èmllE1oEicrSm, Kat 16.101oa tà totaÙ1a, 0 lipa taÙ1a Ill] npanmv, dUCt1?n de R. ~ODÉÜS, modifiée si nécessaire. Pour les phrases plus courtes, nous avons
tradUlt nous-meme.
dotKEt (1, 33,1196 a 31,8).
AIKATBRlNl LEFKA §13. ÉTHIQUES 429
428
aristotélicienne fi' a pas encore été, à notre connaissance, suffisamment « Sans doute pas dans tous les cas, mais avec ceux qui manifestent une
incurable méchanceté. Des personnes susceptibles de redressement en
pris en considération2 . revanche réclament de l'aide. Elles doivent être davantage aidées à restau-
Pour le Stagirite, non seulement la tempérance, mais aussi d'autres rer leur caractère qu'à reconstituer leur patrimoine (Ènctvép900atv 8' ëxoucrt
vertus se trouvent liées à l'attitude d'un homme face à sa condition J.li'lUov ~OTjeTjtÉOV Bis tO ~eoÇ 11 "lV oucriuv), dans la mesure où cette
financière. La plupart des autres occurrences de l' oûcria au sens « éco- tâche est plus appréciable et plus confonne à l'amitié (ocrQ) ~É;Ànov Kat. 't'fis
nomique » apparaissent dans le livre IV, quand il est question de définir 'l'tÀ(uç OIK8tÛtBpOV) (IX, 1165 b 17-21). »
la générosité (ÈÀ6U8eptOH1<;), comme la juste mesure entre les deux La véritable amitié se manifesterait donc en cas de besoin de manière
excès que constitnent la prodigalité (ùaro~ta) et l'avarice (ùveÀ8u8epta). plus importante au niveau éthique qu'au niveau matériel. Ce dernier se
En effet, « est généreux celui qui dépense selon sa fortnne ";t pour trouve ainsi amoindri dans le cadre des rapports humains les plus sérieux
ce qu'il faut» (ÈÀEu8!:ptO, Èattv 6 Ka~à ~itv o\",(av oarravrov Kat et les plus enrichissants, d'après le Stagirite : les amitiés fondées sur la
E\, li OEt) (IV, 1120 b 24), alors que celui qui exagère est prodigue. Le vertu3 .
prodigue se détruit lui-même, car la destruction de sa formne ('l'8e\pEtv
~itv o\",(av : IV, 1120 al; ft ~iis o\"'ta, 'l'8opa : IV 1120 a 2) le laIsse b) Sens ontologique
sans ressources pour vivre. Aussi, quand des particuliers prodigues
donnent plus que de raison, leur fortune leur fait vite défaut (~ax!:ros Les deux occurrences d' oùcria qui manifestement signifient l' « essence»
yàp I:mÀElrrEt ft oùata wùs !OtÔHas ot06v~as, olrrEp Kat OOKoiiatv ou la « substance» 4, figurent dans des passages très intéressants du point
iiaro~ot etvat : IV, 1121 a 18). D'autre part, la générosité est définie d'après de vue métaphysique et épistémologique.
la taille de la fortune (Ka~à 01: ~itv oùatav ft I:ÀEu8EptO~llS À!:yE~at : La première se présente dans le livre I, quand Aristote tente de définir
IV, 1120 b 7), c'est-à-dire non d'après la somme que quelqu'un donne, ce qu'est le bien qui constitne la fin ultime et parfaite de la vie. Il critique
mais d'après ce que celle-ci représente par rapport à l'ensemble de ses d'abord la théorie platonicienne de l'Idée du Bien, et l'existence d'une
capacités financières. C'est ainsi qu'est dévoilée la disposition interne du science unique qui s'y rapporte.
donateur (où yàp I:v ~0rrÀ1)8Et ~&v OtOofl!:vrov ~à I:ÀEu8!:ptov, ùÀÀ' I:v « Or on parle du bien à la fois pour indiquer une essence (tO 0' dya60v
wii OtOOV~o, B~Et, aG~ll 01: Ka~à ~itv oùcr(av otOroGtv : IV, 1120 b 7). Kat. SV téV tl Ban), pour indiquer une qualité (sv téV rcotéV) et pour
À,É;yBtat

Aristote remarque que ceux qui ont reçu une fortnne sans devoir indiquer un relatif (ev téV npéç n), mais ce qui est par soi et l'essence a
naturellement priorité sur le relatif (tO oÈ KaS' aûto Kat ft oùma npétBpOV
l'acquérir par eux-mêmes apparaissent plus généreux (I:ÀEu8~pt(iHEp~t
tTI cpua8t tOU rcpéç TL), car celui-ci a l'air d'un rejeton et d'un accident de
01: etvat OOKoiiatv 0\ flit K~llaaflEVOt ùÀÀà TCapaÀa~ov~E, ~llv
oùcr(av: IV, 1120 b 12), car ils ne connaissent pas la pauvreté et ils n'ont
3 Même si Aristote fait état de trois sortes d'amitié, dues respectivement au bien
pas peiné pour créer ces biens; or chacun aime ses propres œuvres. à l'utile et au plaisir, il reconnaît seulement le premier genre comme l'amitié «en soi »'
L'unique occurrence du terme étudié dans le livre IX se présente dans alors que les deux autres sont accidentelles (Éthique à Nicomaque, VIII, 1155 b 7~
le cadre d'une comparaison et est liée à la notion de l'amitié: Aristote 1157 b 6) ; voir aussi E. BERTI, «Le rapport entre les fonnes d'amitié selon Aristote»
p.317-334. '
répond à la question: dans le cas où on constate'une défaillance morale 4 Les traducteurs peuvent soit utiliser ces deux termes français de manière inter-
grave de la part d'un ami, aimé jadis pour l'excellence qu'on croyait vOir changeable pour rendre le sens de l' oùcria, soit opérer un choix constant entre les deux
dans son caractère, est-ce qu'il faut le laisser tomber directement, car on traductions, pour mieux exprimer des différences subtiles de l'usage du mot dans la
~ensée ~étaphysique d'Aristote. À ces possibilités, il faudra ajouter celle du néologisme
ne peut (et on ne doit) aimer que ce qui est bon? mtrodmt par L. Couloubaritsis, qui préfère le terme « étance ». Nous ne sommes pas
convaincue de la nécessité de n'user que d'un seul tenne français pour traduire un mot grec
n:ais quand il n'y a pas de raison d'opérer des distinctions particulières d'ordre métaphy~
2 Aucune mention n'en est faite, pour ne citer qu'un exemp1e, dans l'un des ouvrages sique dans les textes étudiés ici, nous allons maintenir comme plus convenable à notre avis
« de référence» sur ce sujet, celui de H. NORTH, Sophrosyne. Self-Know!edge and Self- le terme «essence », issu du verbe latin «esse », qui correspond au gre; Elvat, d'oà
Restraint in Greek Literature, 1966, p. 197-211 (Aristotle). provient le substantif oùcria.
r
AIKATERINI LEFKA §13. ÉTHIQUES 431
430

l'être (napa'llUao, yàp 'où,' Ëotn Kat crU!!~E~l1K6n wù 6vwç). Par Myov ~6v ~à ~i ~v ~ivat ÀÉyovw !!Ecro~l1Ç i\cr,lv 11 àPE"l, Ka'à. 8i:
conséquent, il ne peut y avoir une quelconque Idée commune au-dessus de ,6 aptcrwv Kal ~à EÙ àKpO~l1Ç ; ID, 1107 a 6). .
ces réalités (KotVij ns Ènt wÛ,otç lOBa; 1, 1096 a 19·24)'. " C'est cette position, conforme à la conception traditionnelle des Grecs
Oùaia, l'essence, envisagée dans l'absolu, est dès lors clairement dis- sur l'excellence de la « juste mesure », qui amènera Aristote à établir la
tinguée des autres catégories, celle de la qualité et de la relation avec liste des vertus comme des moyens temaes entre des attitudes excessives
autre chose, qui sont secondaires. Le bien en tant qu'essence ne coïncide marquées par le trop ou le trop peu, considérées comme des vices. Nous
pas avec le bien sous d'autres rapports, et on ne peut concevoir une pouvons encore constater ici la différenciation claire entre les catégories
essence commune au bien «en soi» et au bien comme prédicat d'autres de l'essence et de la qualité, cette fois·ci par rapport à la notion de la
6
catégories, car on serait amené à une reductio ad infinitum • Cet argu- vertu. Un autre point à relever: l'essence et la parole qui exprime la
ment, fondé sur la logique et la métaphysique aristotéliciennes, pemaet au vérité sont en parfait accord entre elles. Les définitions minutieuses aux·
Stagirite d'une part de nier l'existence d'un principe métaphysique cen· quelles se livrera Aristote dans la suite pour l'ensemble des vertus, consti·
tral pour la pensée de son maître - l'Idée du Bien -', d'autre part de tueront un effort pour exprimer ce Àoyoç éclairant sur leur oùcria, un
justifier la nécessité méthodologique d'orienter autrement sa propre Àoyoç qui ne peut être donné que «par un sage »8
recherche sur le bien, afin de traiter la question éthique et politique cen·
traie: quel est le bien qui constitue la finalité de la vie humaine (lequel Éthique à Eudème
se distingue du « bien en soi» et exige une « science » particulière) ? Les trois occun-ences d'oucria dans l'Éthique à Eudème peuvent être
Ce passage crucial est révélateur de la nécessité, parfois remise en qualifiées d'« ontologiques ». La première se trouve dans le livre l, alors
question, d'examiner la pensée éthique et politique d'Aristote en rapport que les deux autres apparaissent dans le livre II.
avec ses doctrines logiques et métaphysiques. Nous retrouvons dans l'Éthique à Eudème la même idée que celle
La dernière occurrence de l'Ethique à Nicomaque se trouve dans le exprimée dans le livre 1 de l'Éthique à Nicomaque, concernant les caté·
livre II, et concerne ni plus ni moins que la fameuse définition de la veltu, gories d'après lesquelles se dit le bien:
ou de l'excellence: «Par rapport à son essence et à la formule qui
<~ Car le bien se dit selon des acceptions multiples et aussi nombreuses
exprime ce qui est vraiment, la vertu est une moyenne, mais par rapport que celles de l'être; en effet, selon une distinction faite ailleurs ce demier
à l'excellent et au bien, un sommet» (Ka~à. !!i:v ~i]v OUGlaV Kat ~àv signifie la quiddité ('"Co ~8V '"Ci ècrn), la qualité, la quantité, et, ~n outre, se
retrouve tantôt dans le fait d'être mû, tantôt dans celui de mouvoir et le
bie~ ex~ste ?ans ch~cune de ces catégodes (KUt '"Co &:yu8ov èv 8KéLcrt~ 'toov
5 Nous nous sommes écartée de la traduction de R. BODÉÜS et de cene de H. RACKHAM 1tHOcrEffiV scrn '"COU'"CffiV) : dans l'essence, c'est l'intellect et le dieu (Èv
sur quelques points: a) nous avons préféré le terme « essence», et non « substance .» po?r oùcrî{X )lÈv ô vouç KUt ô 8s6ç), dans la qualité le juste, dans la quantité la
oùcrta, en fonction de nos remarques exprimées plus haut et b) nous avons tradUlt to!>a mesure, dans le temps le moment propice, l'enseignant et l'enseigné pour
par Idée. le mouvement. Cela étant, tout comme l'être n'est pas quelque chose d'un
6 Dans le passage qui suit (1, 1096 a 24-31), Aristote donne des exemples co~crets des en dehors de ce qu'on vient de mentionner, ainsi en est-il pour le bien; et
multiples manières dont« se dit» (et donc peut« être connu» )Je bien, à l'instar de l'être: il n'y a de science unique ni de l'être ni du bien (oùoè È1ttcr't1ÎJlTJ ècr'tl Jlia
le bien quant à l'essence (~v 'tC? ü) est la divinité et l'intellect; quant à la qualité, les oihE wù ovwç oihe 'où aya80ù) (1, 8, 1217 b 7· 9)9. »
vertus; quant à la quantité, la juste mesure; quant à la finalité, l'utile,; quant à la tem-
poralité, le moment propice ... Nous retrouverons ces conceptions dans l'Ethique à Eudème,
1,8,1217 b 7- 9, un passage que nous examinerons plus loin.
7 Aristote critique encore dans d'autres œuvres la théorie des Idées en général (par
8 Cf. aussi Éthique à Nicomaque, II, 1106 b 36-1107 a 2: écr'ttv apa 'tl àpsti] eçlç
exemple, dans la Métaphysique, Z 16, 1040 b 32-34; 1041 a 3; dans les Topiques (179 a 9), npoatp~'tlKil, €V IlScrOTlFl oùcra tft npôç 'tlllaÇ, mptallBY'll À.OyCP Kat cbç av 6 fPPOV1-
et l'existence de l'Idée du Bien en particulier, ainsi gue la possibilité d'aVaIT une seule IlOÇ 6ptcrS1SY, Pour une analyse approfondie de la vertu aristotélicienne comme une
science qui peut donner accès à sa connaissance (Ethique à Eudème, J, 1217 b 7-9.; «moyenne », VOIT, à titre indicatif, J.O. URMSON, «Aristotle's Doctrine of the Mean »,
1218 a 10-15). Pour une excellente analyse et une discussion critique de plusieurs aVIS p, 157-170 et D, BOSTOCK, Aristotle's Ethics, p. 38-45.
9 Traduction de V. DÉCARJE, légèrement modifiée.
sur le sujet, voir W.F.R. HARDIE, Aristotle's Ethical TheOly, p. 46-67,
AIKATERINI LEFKA §13. ÉTHIQUES 433
432

Après avoir encore souligné que l'Idée platonicienne du bien n'a pas catégories de l'être, il faudrait y voir que «le juste est une bonne qua-
de sens et que, même si elle existait, sa connaissance ne servirait à rien lité», « la mesure est une bonne quantité», « le moment propice est un
dans la pratique de la bonne vie, Aristote met en parallèle les notions de temps bon », etc. Mais cela pourrait s'appliquer également à d'autres
l'être et du bien. Le terme étudié apparaît dans la mention de la catégo- «essences », « qualités », « quantités » ... Le choix particulier du sujet
rie du bien « qui réside dans» la catégorie de l'essence. représentant chaque catégorie ne semble pas lancé au hasard. En outre, il
Notons que les termes utilisés à la place d'oùcr(a dans la pbrase équi- est question au début du chapitre 8 (1217 b 1-2), où figure l'argumenta-
valente de l'Éthique à Nicomaque (1, 1096 a 25) sont: 1:à 1:1, alors que tion dans laquelle s'intègre le passage examiné, de «ce qu'est le meilleur
l'oùcr(a figurant dans le paragraphe précédent, que nous avons examiné et en combien de sens il se dit» (crKen1:éov wivuv 1:( 1:à aptcr1:ov Kat
plus haut, se trouvait liée aux mots: 1:à KaS' a\n6. Dans l'Éthique à nocrax&ç Àéye1:at). Par conséquent, il serait probablement plus approprié
Eudème, les termes que remplace oùcr(a, mentionnés au début du para- de comprendre la pbrase examinée comme suit: «l'intellect et la divinité
graphe, sont: 1:à 1:( Imn. Dès lors, on peut déceler une très fine diffé- sont le meilleur, quant à l'essence» ou « parmi les essences, l'intellect
rence de sens entre les deux occurrences du telme qui retient ici notre et la divinité sont les meilleures» (et ainsi de suite: «le juste est le
attention. Dans le cas de l'Éthique à Nicomaque l'oùcr(a du bien indique meilleur quant à la qualité », «le moment propice est le meilleur quant
«le bien en tant qu'essence », ou «le bien en soi» (1:à KaS' atl1:6). Dans à la temporalité » ... ).
l'Éthique à Eudème, le bien fait partie intégrante, entre autres, de la Là résiderait l'explication métaphysique de l'exhortation du phi-
catégorie de l'oùcr(a, (de l'essence ou de la quiddité). Cette dernière est losophe, à la fin de l'Éthique à Eudème, à exercer son intelligence (la
exprimée à la fois par oùcr(a et par 1:à 1:1 (tcrn) dans les deux œuvres. Il meilleure partie de la nature humaine) pour ressembler autant qu'il soit
existe donc un bien commun ~< dans» toutes les catégories, mais il ne peut possible à la divinité (le meilleur des étants) ; Aristote considère cette
être considéré comme «en soi », «séparé» et objet d'une science propre, activité humaine comme la meilleure possible et comme constitutive à
de même qu'il n'existe pas une science de l'être commun à toutes les titre primordial de la vie la plus heureuse 13 .
catégories en tant que « science de l'être »10. Dans le livre II, quand il est question de définir l'âme humaine - étant
Aristote répète ici que le bien quant à la catégorie de l'essence est iden- donné que la veltu, qui joue un rôle décisif pour l'acquisition du bonheur
tifié à l'intellect et à la divinité. Comment peut-on comprendre cette humain, est une activité propre à l'âme - , Aristote souligne qu'il n'y a
ll
conception, qui a suscité déjà beaucoup de questionnements ? Dans le pas de conséquence importante dérivant du choix entre les deux doctrines
commentaire de sa traduction, V. Décarie rapporte l'interpétation la plus sur le sujet, à savoir, si l'âme est divisée en plusieurs parties ou si elle
courante: «L'intellect et la divinité sont bons »12. Cependant, nous est indivisible. Ce qui importe est que l'âme possède des capacités ou
sommes d'avis qu'il y a plus. Si on suivait le même raisonnement pour des pnissances (8uva~etç) différentes, celles qui ont déjà été mentionnées
les exemples suivants de prédication du bien, donnés pour les autres plus haut dans son texte. Pour expliquer mieux comment ces puissances
peuvent se concevoir par rapport à l'âme elle-même, il donne d'abord
JO Est~ce qu'Aristote effectue ici un pas qui va plus loin que ce qu'il ,disait dans l'exemple du courbe et du convexe dans une courbe: ceux-ci sont insé-
l'Éthique à Nicomaque, en déclarant l'impossibilité de l'existence d'une science de l' « être parables. Ensuite, il mentionne les qualités du droit et du blanc, qui
en soi », comme le pensent certains aristotélisants, et non les moindres (Owen, Cherniss)? peuvent se rencontrer en même temps dans un objet, en précisant que,
Nous ne le croyons pas, en nous ralliant aux avis de ceux qui ont déjà développé plusieurs
arguments judicieux contre cette idée (Allan, Berti, Verbeke) : pour un S'xposé des discus- cependant, «le droit n'est pas (nécessairement) blanc, mais seulement
sions et une défense solide de cette dernière position, voir V. DÉCARIE, Ethique à Eudème, par accident et non par son essence» (1:0 eùeô où ÀeuKàv àÀÀ' il Ka1:à
p. 70-73, n. 94. cru~~e~T)KOç Kal OÙK oIJ<ri{l1:n CluwG : II, l, 1219 b 36).
11 Voir, par exemple, la discussion rapportée par W.F.R. HARDIE, Aristotle's Ethical
Theory, p. 56-58, qui s'accorde avec RH. lohackim pour intelpréter cette phrase comme
suit: «God is called good : bis goodness constitutes his substance: "being good" as
predicated of God is, therefore, a predication in the category of substance,».
13 Éthique à Eudème, VIII, 3, 1249 b 13-25.
J2 V. DÉCARIE, Éthique à Eudème, p. 70, n. 92.
AIKATBRINI LEFKA §13. ÉTHIQUES 435
434

Ainsi une distinction est introduite concernant les liaisons entre les contraire est courageux. Il y a encore un passage où l' oÛcrta se présente
différen;es qualités: il y a celles qui se présentent de manière stable et en rapport avec le courage et la lâcheté: le courageux n'est pas celui qui
donc sans possibilité de véritable distinction, car elles sont propres à n'a pas peur, mais celui qui peut maîtriser sa crainte, «car si quelqu'un
l'essence des qualités en question, et celles dues au hasard, dont le car~c­ se maîtrise sans avoir peur, il ne serait pas courageux - et encore,
tère est instable et n'implique pas la nature de chacune de ces quahtes. comme nous l'avons dit plus haut, il n'est pas question de toutes les peurs
Par cette remarque, qui relève de la «psychologie» aristotélicienne, et de tous les dangers, mais de ceux qui ont à faire avec la perte de la
l'attention du philosophe se détache de la division ontologiqu~ de l' ~e fortune» (ltEpt <po~ouç Kat KtVOUVOUç 00 ltuv,aç &'ÀÀù ,oùç àvatps-
en différentes parties au profit d'une conception qu'on pourraIt qualifier n1COÙÇ ûiç oO/iiaç : I, 20, 1191 a 12, 3).
de « dynrunique » : ce sont les différentes fonctions et ~ctions de l'âme La présence du terme ooata ici semble problématique pour G.c. Arm-
qui retiennent surtout son attention. Il fondera la dlVlSlon des vertus strong, qui rappelle que plus haut il avait été indiqué que les peurs concer-
d'après l'activité particulière - mais toujours conforme à l'essence - nant la richesse ne sont pas propres au courageux. Il envisage donc la
de l'âme qui peut atteindre chacune d'elles .
I4
• " ,
possibilité de comprendre ce passage comme « nor ... will true Courage
Enfin, Aristote identifie « toutes les essences » (ltaaat. .. Ut ou<nal) concern itself with feaI's and dangers that threaten property »15, mais pro-
à «des principes naturels » (Ka,ù <pualV nvi:s &'pXat) (II, 1222 b 16), pose finalement la traduction du terme comme si celui-ci avait un sens
c'est pourquoi elles peuvent engendrer pl~sieurs êtr:" du même genre ontologique: «true Courage will not concern itself with all kinds of fear
(8tO Kat BKUan\ ltoÀÀù 8uvamt 1:Otau,a YEvvav). Par exemple, and peril; but only with those which threaten one's very existence ».
l'homme engendre des hommes, les animaux des animaux, les plantes Nous semble plus juste sa position selon laquelle l'absence de peur
des plantes ... or, l'homme peut en plus être le principe de certaines concernant les dangers liés à la possession de biens matériels est le propre
actions. Cette prémisse devient la base de l'argumentatIOn du philosophe du courageux, comme il a été dit plus haut, et donc ne peut pas être
pour avancer le choix délibéré et donc la responsabilité humaine pour les incluse dans la définition générale donnée ici. Nous acceptons cependant
actions éthiques constituant la vertu ou le vice. que la structure de cette phrase est problématique.
Le courageux n'est donc pas concerné du tout par les craintes liées aux
biens matériels.
Magna moralia
La possession des biens est pourtant considérée comme un ordre de
Dans cette œuvre, les deux orientations de sens du terme étudié appa- la loi, allant de pair avec l'acquisition des biens corporels et moraux,
raissent presque à fréquence égale: nous constatons trois occurrences d'après un autre passage (6 8i: VOIlOÇ KEÀSUEt aÛl<ppova dvat, oO/iiav
« économiques» et quatre « ontologiques». KEKûia9al, aÛlllawç ÈmllsÀEla9Ut, Kat ,ii.ÀÀa mùm: I, 33,1196 a 31,
8). Si quelqu'un n'obéit pas à cette loi, qui concerne les rapports avec
a) Sens économiqne les biens propres, et donc avec soi-même, il commet une injustice envers
L'auteur fait état de l' ooata dans le cadre de la définition non pas lui-même. L'absence de possessions matérielles arrive dès lors ici à être
de la libéralité, comme c'était le cas dans l'Éthique à Nicomaque, considérée comme une véritable injustice, et la fortune est placée au
mais du courage et de la lâcheté. «Si quelqu'un a peur de perdre sa même niveau que la santé corporelle et la sagesse. Nous nous permettons
fortune il est lâche» (d IlÉv ,tS <po~EhUt IlTt &'ltO~UÀÀEt 'TtV oO/itav, d'émettre l'avis que ce genre d'argument et de conception ne cOlTespond
0~1:Oç 8EtMç : I, 1, 1190 b 1, 4), alors que celui qui adopte l'attitude pas vraintent à la pensée aI'Îstotélicienne, telle qu'elle est exprimée dans
les œuvres exruninées plus haut.

14 L'importance fondamentale de la conception de l'âme pour les doctr~nes éth~ques


d'Aristote est soulignée par T. lRwm, «The Metaphysical and Psycholpglcal BaSlS on
15 G.C. ARM:STRONG, Magna rnoralia, p. 516, n. 2.
Aristotle's Ethics », p. 75-94.
§13. ÉTHIQUES 437
436 AIT(ATERINILEFKA

apparaît dans ,des passages qui définissent la méthodologie aristotéli-


b) Sens ontologique c,!eune. Il sert a opérer des distinctions fines entre la notion prioritaire de
Le telme étudié apparaît pour désigner 1'« essence », quand il est ques- 1. essence et les autres catégories de l'être et du bien . La plus grande par-
tion d'expliquer ce qu'est une définition (optcrf.Laç), Il s'agit d'un effort t~e des œuvres éthiques sera consacrée à la définition de cette essence de
pour «dire l'essence de chaque chose» (0 01: optcrf.Loç ~oÛÀ,E~at nl v I~ ve~n: e~ d~ ~Ien propre~ à la nature de l'être humain. Par sa fonction
ÉKéwwu où<riav Hy6tV : J,l, 1182 b 13,4), Cette phrase apparaît au d al che, 1 ~ucrta procure egalement le fondement métaphysique du libre
début de l' œuvre, dans le cadre de la discussion sur le bien en soi, comme arbitre de 1 homme.
c'était le cas pour l'Éthique à Nicomaque et l'Éthique à Eudème.
La seule occurrence du livre Il s'inscrit également dans la thématique
du bien et de ses catégories, teUes qu'eUes étaient définies aussi dans les
autres œuvres étudiées: «Le bien se dit dans toutes les catégories (et dans
l'essence, et dans le relatif, et dans la quantité, et dans la temporalité et
dans toutes les catégories en général) » (~àya8av <paf.LEv cv rracratç 1atç
Kannoptatç Hyecr8at (Kat yùp cv où<riV Kat Èv ~ii> rrpaç n Kat rrocrii>
Kat rra1E Kat ôÀ,coç Kat Èv arracratç): II, 7, 1205 a 11, 4). Cette
remarque sur les catégories du bien il' est pas ici attachée aux catégories
de l'être, mais à celles du plaisir, qui est reCOlll1U comme un bien.
Les deux dernières occurrences des Magna moralia rappeUent ceUe de
l'Éthique à Eudème concernant la puissance génératrice de toute essence
_ le tenne synonyme de 1'« essence» est ici la « nature» (naaa yètp
<pûcrtç y6vvl1nKYt ccrnv où<rta, ~otaÛ~l1ç ota Ècr1tV, olov ~ù <pmù Kat
1Ù çii>a : J, JO, 1187 a 1, 3). Parmi les autres espèces vivantes, l'homme
a une capacité particulière de production. « Parce que l'homme a le pou-
voir d'engendrer de l'essence, il peut aussi produire des actions qu'il
accomplit, à partir de quelques principes» (Èrr6to1'\ yùp yEvvl1 nKaV
Ècrnv av8pcorroç où<ria" ,he nvcov àpXrov Kat rrpa~6COV y6VVl1 nKov
ccrllV : J,li, 1187 b 1, 3). De cette capacité innée de produire des actes
à partir de principes qui résident dans l'âme provient la liberté de l'action
humaine.

D. CONCLUSION

Dans les œuvres éthiques d'Aristote, oùcrta a une fréquence modé-


rée, mais souvent intéressante. Sa signification économique, largement
majoritaire dans l'Éthique à Nicomaque mais entièrement absente de
l'Éthique à Eudème, est liée particulièrement à certaines vertus, comme
la libéralité, mais aussi la sôphrosyné. Quant à l'aspect ontologique, il
§14. RHÉTORIQUE

André MOTTE

Édition de référence
M. DUFOUR, Aristote. Rhétorique, t. n, texte établi et traduit par M. D., Paris,
Belles Lettres (C.U.F.). 1991 (= 1931).

Antre édition et traduction consultée


J.H. FREESE, Aristotle. The «Art» of Rhetoric, Harvard University Press, Cam-
bridge (Ma) - London (The Loeb Classical Library. Aristotle. 22). 1994
(= 1926).

A. DONNÉES QUANTITATIVES

La Rhétorique ne compte que deux occurrences d' oorrta, présentes


dans le livre II (1389 b 28 et 1392 a 20).

B. OBSERVATIONS GRAMMATICALES

- Un emploi au nominatif (II, 1389 b 28), l'autre au datif (II, 1392 a 20),
oOrrta apparaissant les deux fois au singulier et précédé de l'article.
- Mots associés: Tà àvayKala, KT"ijrrarr8at, àrropa1cslv (1389), yévSŒlç
(1392).

C. ANALYSE SÉMANTIQUE

- II, 1389 b 28. Oorria a ici le sens courant, économique, de « bien maté-
riel », «biens de possession ». La phrase a pour sujet «les vieillards »,
dont Aristote est occupé à tracer le portrait en l'opposant à celui des
jeunes:
440 ANDRÉMOTIE §14. RHÉTORIQUE 441

« Et ils sont pusillanimes du fait que la vie les a rabaissés; ils ne désirent, « Ce qui est postérieur par la génération (tn yEVSO'Et) est antérieur par la
en effet, rien de grand ni qui sorte de l'ordinaire (n:splcrcraç;), mais seulement nature ('rft (j)l)O'Et). »
ce qui est indispensable à la vie. Ils manquent aussi de Hbér~it~ (dW:À-EU-
GEpm); c'est que les biens matériels font partie de ces choses.mdispensable~
Il est déjà question plus haut (260 b 19) de cette antériorité, appelée
(Ëv yup n 'Coov dvaYKo,{mv Tt o\)O'i«) et qu'en même temps ils savent aUSSI cette fois Kat' oùatav. Mais voici un texte de la Métaphysique (0 8,
par l'expérience combien il est difficile de les acquérir ('to K'tllcrucr9m) et 1050 a 4-6) plus éclairant encore pour notre passage, dans la mesure où
facile de les perdre (10 â1tO~UÀEîv). » Aristote y recourt au même exemple explicatif:
Il, 1392 a 20. il est ici questiou des lieux communs aux trois genres «Ce qui est postérieur quant à la ySVEO'tÇ est antérieur quant à l'dooç et
oratoires. Le premier lieu examiné est celui du possible et de l'impos- à l' oùcria, comme J'homme faü l'est à l'enfant, et l 'homme à la semence;
sible (rrEpi Ol)vu'Wu Kui Ô.Ol)v.x'WI)). S'il est possible qu'un contraire l'une de ces choses, en effet, possède déjà l'dooç, l'autre non 2 . »
(tO !;vavttov) soit ou ait été, son contraire aussi semblera possible. La proximité d'dooç (forme spécifique) suggère que le sens à donner
Par exemple, s'il est possible qu'un homme soit bien portant, il est à oùcrtu en pareil contexte est bien celui d'« essence », laquelle, dans ce
aussi possible qu'i! soit malade. Et si ce qui est plus difficile est pos- sens, n'est pas soumise à la génération et au dépérissement. À la lumière
sible, ce qui est plus facile l'est également. Un troisième exemple de de ce passage, l'exemple dédoublé que propose la Rhétorique peut être
contraires s'impliquant mutuellement est celui du commencement et compris de la manière suivante :
de la fin. Après un bref développement, Aristote étend cette dernière
« s'i! est possible qu'un homme soit, ce l'est aussi d'un enfant (car ce
catégorie à celle de l'antérieur et du postérieur :
dernier est quelque chose d'antérieur) » ; Aristote envisage ici le cas
Kat d 'to Ücr'tEpOV '"Cft OÙUl(l il '"Cft yEVÉO'Bt ouva't~v Y8VÉcr~at, KCll :0 de la postériorité et de l'antériorité quant à la yÉVEatÇ: il n'est pas
npo'tBpoV, oioy Bi avopa ysvÉcr8at OUVŒ'tOV, Kat 1tatOa· (n:po'tspov yap
èKEîvo ytYVE1at), Kat Et nuîlia, Kat iivlipa . (Kat âpxi] yàp èn(vTj).
d'homme qui n'ait commencé par être un enfant; l'homme est donc
«Et si ce qui est postérieur par l'essence ou par la génération peut venir à postérieur quant à la génération et l'enfant antérieur;
l'être, l'antérieur le peut aussi; par exemple, s'il est possible qu:un ~?mme «et s'i! est possible qu'un enfant soit, ce l'est aussi d'un homme (car
soit, ce l'est aussi d'un enfant (car ce dernier est quelque chose cl anteneur) ; ce dernier est également un principe) » ; c'est ici le point de yue de
et s'il est possible qu'un enfant soit, ce l'est aussi d'un homme (car ce der- l'oùata qui est pris en compte: l'essence humaine chez l'homme fait
nier est aussi un principe)1, »
est réalisée, tandis qu'elle ne l'est pas encore chez l'enfant, pas plus
Couplé avec le mot yÉVEO'tÇ, le mot oùata désigne donc un des deux qu'elle ne l'est dans la semence. De ce point de vue, l'homme fait peut
points de vue selon lesquels peuvent être envisagées l'antériorité et la pos- donc être dit antérieur; l'enfant est en vue de l'homme. 'Apxij, traduit
tériorité d'un être. L'association de ces deux couples d'opposés affleure par «principe», désignerait donc la cause finale.
dans d'autres œuvres du Stagirite. Dans la Physique (Vm, 7, 261 a 13-14)
par exemple, on lit la notation suivante:
D, CONCLUSION

1 Ma traduction, quant au fond, ne diffère pas de celle de M. Dufour, si ce n'est pour le Des deux occurrences d'oùata que compte ce traité, l'une véhicule le
mot ÈxdVll, présent dans la seconde parenthèse. Les grammairi~ns (par e~. H.W. S~H: sens de bien matériel, l'autre celui d'essence, entendue comme ce qui
Greek Grammar, p. 309, n° 1261) indiquent que ce pronom demonstratlf peut r~ferer a
l'objet le plus rapproché. C'est la solution que j'ai retenue pour les deux emplOls de ce permet d'identifier un être et de le définir.
pronom, également présent dans la première parenthèse. Contre ~oute atte~te, M. Dufour
(et avant lui J.H. Freese) adopte aussi cette solution pour le pretnler emplOl (<< c:rr dans la
2 Cf. aussi PA., I, 2, 641 b 32: yÉV8atÇ )lÈv "Co arrÉp)la, ouaia 08 'tÉÀoç; cf. 640 a 18-
genèse l'enfant est antérieur»), mais non pour le second ( « car l'enfant est aUSSl un com~
mencement»), ce qui n'est pas sans incidence sur l'interprétation du pass~ge, L'emplOI 19: la yÉV8atÇ est en vue de l'oùaia. Cf. encore PA., 646 b 31-32; Phys., VIII, 7,
du neutre, dans le premier cas, et du féminin, dans le second, peut s' exphquer par une 261 a 14. Je tiens à remercier Chf. Rutten et A. Stevens pour l'aide qu'ils m'ont apportée
attraction que l'attribut exerce quant au genre sur le pronom-sujet. dans la recherche de passages parallèles.
l'
,

§15. POÉTIQUE

Pierre SOMVILLE

Édition de référence
KASSEL R., Aristotelis de arte poetica liber, Scriptorurn classicorum bibliotheca
oxoniensis, Oxford, 1965.

Autres éditions et traductions consultées


HARDY J., Aristote. Poétique, Paris, Belles Lettres (CUF), 1932.
BYWATER, Aristole on the Art of Poetry, Oxford, 1909.

DONNÉES QUANTITATIVES, OBSERVATION GRAMMATICALE, EXAMEN SÉMAN-


TIQUE

La Poétique ne comprend qu'une seule occurrence d'oùa(a (1449 b 24),


au génitif singulier. À remarquer l'expression que le mot forme avec 6 poç :
nEpl 8è ,paycpoiaç ÀÉy(Ü~EV, ùnoÂ,apov'Eç aù'i'iç èK ,â\v Eipl1~8V(ÜV
'ÛV YWOJ.lEVOV opov 'fis où"iaS (1449 b 22-24).
« Mais parlons de la tragédie, en partant de la définition de son essence qui
découle de ce qui a été dit. )}

Suit immédiatement la célèbre définition de la tragédie (canv oGv


'pay<pùia 1l(Il11atÇ npaçEOlç a1[ouùa(aç ... : 1449 b 24). Le mot oùa(a
exprime donc précisément l'essence, objet de la définition, c'est-à-dire ce
sans quoi, et quel qu'en soit le sujet, une pièce de théâtre ne pourrait être
dénommée « tragédie», car elle TI' en serait pas une.
§16. ARISTOTE. TABLEAU RÉCAPITULATIF DES
OCCURRENCES. OBSERVATIONS

Marc-Antoine GAVRAY

abai« Nombre de mots Fréquence


Œuvre du dialogue relative en %
Sens écon. sens ont. total
Catégories 0 83 83 10153 0,817
De l'interpr. 0 1 1 6243 0,016
Pro Analyt. 0 14 14 37557 0,037
Sec. Analyt. 0 31 31 22679 0,137
Topiques 0 35 35 45655 0,077
Réf Sapho 0 3 3 14649 0,02
Physique 0 66 66 55062 0,12
Du Ciel 0 19 19 30719 0,062
Météor. 0 5 5 34820 0,014
Gén. et cor. 0 28 28 16849 0,166
Gén. Anim. 0 13 13 52022 0,025
His!. Anim. 0 0 0 94055 0
Marche anim, 0 2 2 6592 0,03
Mouv. Anim. 0 1 1 4253 0,024
Part. anim. 0 31 31 38705 0,08
De l'Ame 0 35 35 20781 0,168
P arva natur. 0 6 6 27617 0,022
Métaph. 0 601 601 79317 0,758
Politique 65 0 65 67723 0,096
Const. Athén. 9 0 9 16828 0,053
Eth. Nic. 9 2 11 58040 0,019
Eth. Eud. 0 3 3 27112 0,011
Rhétorique 1 1 2 44373 0,005
Poétique 0 1 1 9999 0,01
Total 84 981 1065 821803 0,13
MARC-ANTOINE GAVRAY §16. TABLEAU RÉCAPITULATIF DES OCCURRENCES 447
446

OBSERVATIONS des vingt-quatre œuvres (Politique, Constitution d'Athènes, Éthique à


Nicomaque et Rhétorique), autrement dit uniquement dans des œuvres
Ce tableau récapitulatif ne distingue qu'entre deux grandes orienta- à caractère moral ou politique, et il est donc absent des dix-neuf autres.
tions sémantiques d'oilata chez Aristote: un usage ontologique et un À elle seule, la Politique contient d'ailleurs la majeure partie de ces occur-
usage économique, Pour une synthèse de la diversité des acceptions que rences (65 sur 84). Vient ensuite la Constitution (9 occurrences). Les
connaît ce tenne à l'intérieur de chacune de ces catégories, on se repor- deux autres traités se caractérisent pour leur part par des fréquences
tera aux conclusions générales de l'ouvrage. relatives très au-dessous de la moyenne. À côté de cela, l'acception onto-
Au vu de ces chiffres, certains constats s'imposent par rapport aux logique se retrouve dans vingt-et-une des vingt-quatre œuvres, autre-
données récoltées pour Platon. Avec ses 1065 occurreuces, le terme ment dit presque partout (alors que ce sens était absent de onze dialogues
oilata connaît chez Aristote une fréquence relative (0,13 %) plus de deux platoniciens), ce qui montre une nouvelle fois la prégnance de cette accep-
fois et demie supérieure à ce qu'elle était dans les Dialogues de Platon tion chez Aristote.
(0,047 %) : il représenterait un mot sur huit cents du corpus aristotélicien. Troisièmement et enfin, on constate une très inégale répartition des
De plus, la proportion entre usage économique et usage ontologique OCCUlTences d'oûcrta au sein des traités d'Aristote, puisque, d'une part,
s'avère considérablement modifiée, passant d'un contre trois chez Pla- les écarts à la moyenne sont de manière générale assez élevés (l'écart type
ton, à un contre douze chez Aristote. Or, étant donné que la fréquence avoisinant 0,2 %) et que, d'autre part, les Catégories (83 occurrences) et
relative de l'usage économique il' observe pas de régression significative la Métaphysique (601 occurrences) comptabilisent à elles seules près de
(de 0,011 % chez Platon, on arrive à 0,01 % chez Aristote), c'est donc deux tiers de la somme des occurrences, d'où il résulte des fréquences
l'orientation ontologique qui gagne en ampleur chez Aristote, avec une relatives exceptionnellement élevées (respectivement 0,817 % et 0,758 %).
fréquence relative de 0,119 % (981 occurrences). En faisant abstraction de ces deux textes pour l'établissement de la fré-
Mais ces résultats quantitatifs appellent aussitôt quelques nuances. quence totale chez Aristote, celle-ci passerait à 0,052 % (0,06% si nous
Premièrement, on remarque que le terme n'est absent qne d'une seule écartons aussi l'extrême inférieur, c'est-à-dire l'Histoire des animaux).
œuvre d'Aristote, à savoir l'Histoire des animaux. Cette exception est Dans cette situation, le fossé le séparant de Platon s'amenuiserait sensi-
d'autant plus surprenante que, d'une part, il s'agit du texte le plus long blement. La caractérisation ontologique d'oilata dans la Métaphysique
que nous ayons conservé d'Aristote et que, d'autre part, le telme oilata (mais aussi dans les Catégories) paraît donc encore plus considérable si
est bien présent dans les autres traités biologiques. Et s'il est plutôt dis- ou la met en regard de ce qui se produit dans le reste du corpus.
cret dans la Marche des animaux (2 occurrences), dans le Mouvement
des animaux (1 occurrence) et dans la Génération des animaux (13 occur-
rences), il est en revanche bien présent dans les Parties des animaux
(31 occurrences, soit nne fréquence relative de 0,08 %). Sans doute le cas
de l'Histoire des animaux résulte-t-i1 du fait qu'en général le tef11)e oilata
apparalt moins dans des contextes descriptifs (ceiqu'est l'HA) que dans
des passages explicatifs ou justificatifs (le cas des PA).
Deuxièmement, la répartition des deux orientations sémantiques est
pour le moins étonnante. On note en effet, en comparaison avec Platon,
qu'Aristote tend à éviter la rencontre entre ces deux catégories. Usage
ontologique et usage économique ne se croisent en effet que dans deux
œuvres, encore que dans une, l'Éthique à Nicomaque, ce soit dans des
livres séparés. À dire vrai, le sens économique n'apparalt que dans quatre
CONCLUSIONS GÉNÉRALES

Au tenne de notre travail, il nous semble que deux aspects propres


à notre démarche peuvent contribuer de manière originale à l'importante
littérature scientifique qui vise à cerner toujours plus précisément la por-
tée et la signification de l' ousia dans la philosophie grecque: d'une part,
la mise en évidence du moment et du contexte dans lesquels le mot appa-
raît pour la première fois selon chacune des significations que nous lui
connaissons; d'autre part, l'examen systématique de toutes les occur-
rences du tenne chez les philosophes pré-classiques et classiques pour
en donner la compréhension la plus large possible et éviter d'orienter
l'interprétation en privilégiant certaines œuvres ou certains passages,
comme c'est le cas dans toute étude partielle. Notre objectif principal
était, en effet, d'offrir un cadre de référence exhaustif au sein duquel les
chercheurs pourraient plus facilement sélectionner les textes qui les inté-
ressent et à partir duquel pourraient être approfondies les questions que
nous avons dû nous contenter de soulever sans pouvoir les développer
dans toute leur complexité. Dans certains cas, cependant, notre démarche
a parfois pennis, grâce à la comparaison de multiples usages simîlaires,
de suggérer une solution nouvelle à des difficultés régulièrement débat-
tues dans les études spécialisées.
Une premîère étape a consisté à mettre en évidence l'origine du tenne
dans la langue pré-philosophique et la manière dont la philosophie s'en est
emparée pour exprimer la notion - ou les notions - qu'elle était en train
de créer. La convertibilité entre l'être et l'avoir est probablement à l'ori-
gine de la signification courante de « bien matériel» ou de « fortune » :
l'avoir de quelqu'un est ce qui est à lui; la substantivation du verbe être
en ce sens n'est pas mystérieuse; c'est plutôt son apparition tardive, seu-
lement dans le dernier quart du V' siècle, qui aurait de quoi étonner.
Quant à la signification proprement philosophique de l' ousia, elle résulte
probablement d'une autre substantivation du verbe être, entendu cette fois
en son sens absolu et non plus relativement à un possesseur!. Il nous est

1 Bernard CoUette, dans le chapitre portant sur le Phédon, rappelle que Monique Dixsaut
explique le passage du sens économique au sens ontologique par le fait que « ce qui
l'
1

450 ANNICK STEVENS CONCLUSIONS GÉNÉRALES 451

impossible, étant donné l'état fragmentaire des textes qui nous sont par- au fait d'être abeilles (~0 IlEÀh~a<; e!Vat), et de même pour une occur-
venus, d'établir avec certitude quels philosophes pré-classiques l'ont inau- rence de l'Hippias majeur.
gurée. Si l'on écarte les témoignages doxographiques rédigés dans une Dans le Cratyle, selon l'avis général des spécialistes, la signification
langue plus tardive, principalement aristotélicienne, et les fragments dont n'est pas encore claire, d'autant plus que la double étymologie qu'en
l'authenticité est douteuse, il ne reste qu'une seule attestation d'une donne Platon brouille davantage les pistes qu'elle ne les éclaire. Voulant,
variante (peut-être dorienne) d'ousia, le substantif féminin estô, dans le en effet, rapprocher d' ousia le nom de la déesse Hestia, le philosophe en
fragment 6 DK de Philolaos, qui désigne très clairement 1'« essence » propose la variante Eaala, dont la signification, quoiqu'elle reste vague,
d'une chose, c'est-à-dire ce qu'une chose est véritablement. Les philo- renvoie à la notion de primauté qu'elle partage avec la déesse, ou bien,
sophes de l' œuvre desquels nous possédons une importante partie, comm~ suivant les adeptes de la philosophie d'Héraclite, la variante IData, expri-
Parménide ou Empédocle, utilisent d'autres termes pour expnmer ce qUi mant la poussée et, par là, l'origine du mobilisme. Les autres occurrences
sera plus tard le champ sémantique de l' ousia. En revanche, panni les du dialogue se partagent entre les significations d'être ou de nature d'une
traités hippocratiques, le traité De l'Art, daté de la fin du V" siècle, chose, par opposition à l'opinion que nous en avons; de réalité ou de
contient quatre mentions d' ousia au sens de la réalité ou de l'exIstence chose; enfin, d'essence d'une chose, mais d'une manière encore peu pré-
réelle d'une chose, pouvant être vérifiée par les sens ou par l'explication cise. Et G. Roskam de conclure qu'il y a peut-être là un indice confirmant
scientifique. André Motte voit également dans une occurrence de l'Ion l'appartenance du Cratyle à la période de transition plutôt qu'à celle de
d'Euripide une signification d'« être» opposée à celle de «naissance », la maturité.
qui confirme en tout cas qu'il faut dater de cette fin du V" siècle l'appa- C'est pourquoi B. Collette a probablement raison de souligner le rôle
rition d'une signification ontologique, c'est-à-dire liée au sens propre du prépondérant du Phédon pour la constitution du sens le plus proprement
verbe être. platonicien du terme. De manière très claire désormais, l' ousia désigne
Suffisamment d'indices convergent donc pour faire penser que Platon ce que la chose est en elle-même, suivant le critère de l'identité à soi per-
n'a ni forgé le mot ni créé sa signification ontologique, mais que c'est manente, et s'identifie ainsi à la Forme. De même, dans la République,
incontestablement chez lui que celle-ci acquiert sa véritable portée phi- les expressions ft oùata, 'Co sTvat et 'Co av désignent les choses qui sont
losophique. À cet égard, en considérant que dans plusieurs des premiers de manière détel111inée, éternelle et immuable, et sont pour cette raison
dialogues ousia est tout simplement absent, que dans d'autres seul objets de la science et non de l'opinion. Nettement plus rares y sont les
figure le sens économique (Criton, Banquet) ou un sens ontologIque usages «relatifs » où l' ousia exprime l'essence de quelque chose. Lorsque
peu technique (une «réalité» sur laquelle s'exerce une puissance dans les Formes sont appelées ousiai, elles combinent les deux critères qui ont
le Charmide, une « chose» dans le Protagoras, la réalité en général été appliqués, dans des contextes différents, à la siguification ontologique,
dans l'Hippias majeur), le premier usage proprement philosophique en désignant à la fois ce qui existe réellement ou véritablement et ce qui
semble bien servir de variante au « fi esti» socratique. C'est ainsi, en détermine essentiellement une autre chose. L'introduction de la notion
effet, que, dans l'Euthyphron, apparait pour la première fois la distinction de substance par Aristote n'aura d'autre propos que de retrouver l'indé-
entre l'ousia du pieux et une affection de celui-ci!(pathos), que, dans le pendance du critère de la réalité par rapport à celui de l'essence.
Ménon, l' ousia des abeilles est donnée pour équivalente à leur ti esti ou Les dialogues postérieurs confirment la situation acquise dans cette
période fondamentale, en attestant les usages suivants: essence ou nature
d'une chose; réalité non sensible appréhendée par la pensée, c'est-à-dire
appartient en propre à quelqu'un» devient « ce qui appartient en propre à une chose >~,
c'est-à-dire sa« manière d'être propre, qui la distingue de toutes l~s ~u~es.». C~pendant,
Forme (cf. not. Phèdre, Parménide) ; existence d'une chose en devenir
si une telle parenté peut effectivement être établie entre les ~eux sl~niflcationS, il est peu (Philèbe) ou existence de toute réalité quelle qu'elle soit (Théétète).
probable que l'une soit à l'origine de l'autre de cette .maru~re, pUlsque nous, a~o~s ~es L'interdépendance entre l'existence et l'essence est souliguée par S. Del-
attestations du sens ontologique antérieures à Platon qUI expnment une autr~ slgmflCation
de l'être, indépendante de la notion d'appartenance.
comminette dans le chapitre consacré au Théétète, dans la mesure où
i
!

ANNICK STEVENS CONCLUSIONS GÉNÉRALES 453


452

toute vérité porte sur une chose qui existe de manière déterminée, et c'est Cependant, comme le conclut prndemment G. Van Riel, rien ne permet
pourquoi il propose, de même que C. Steel à propos du Parménide, de d'indiquer que cet intérêt tardif pour le sensible s'accompagne d'un
reudre cette double référence par le simple substantif «l'être ». B. Collette abandon de la théorie des Formes et de l' ousia immuable; lui-même
accentue encore cette tendance dans son analyse du Sophiste, puisque, . justifie l'absence de celle-ci dans le traité consacré au plaisir par le fait
retraçant toutes les étapes de l'argumentation visant à établir l'être du qu'il s'agit d'uue recherche du bien humain et non du bieu en soi - il
non-être, il traduit indifféremment oùata, elVUt et av par «être », tout n'en reste pas moins que Platon semble avoir tenu compte déjà de la
en signalant qu'il s'agit tantôt de «ce qui est» tantôt du «fait d'être» critique qu'Aristote, dans l'introduction de ses Éthiques, adresse à ceux
de ce qui est, comme on le voit dans l'expression oÛoÈ oùcrtav OV10Ç qui pensent atteindre le bien pratique à partir du bien en soi, démarche
OÙ06 }li] avwç. On trouve en outre dans le Parménide une occurrence qu'il est difficile de ne pas reconnaître comme celle de la République.
du sens véritatif de l'ousia, ainsi qu'un usage tout à fait particulier où La diversité des usages de l' ousia chez le dernier Platon explique que
l'être est réduit à sa dimension temporelle, de manière surprenante si l'on l'on doit à Aristote uue seule définition nouvelle, qui apparaît le plus
prend pour la position orthodoxe de Platon celle de l'être intemporel explicitement dans les Catégories, celle de la substance s'opposant aux
opposé au devenir. C'est pourquoi C. Steel suggère que Platon joue ici autres types de choses qui sont. Comme plusieurs collaborateurs l'ont
avec les ambiguïtés du terme pour provoquer les contradictions néces- mis en évidence, la dépendance ontologique chez Platon a toujours lieu
saires à son exercice dialectique, ce qui ne l'empêche pas d'introduire du vis-à-vis des Formes, car, s'il distingue d'autres types de causalité, celle
même coup quelques éléments essentiels de sa philosophie de l'être. qui donne la détermination à la chose est toujours la principale, car il n'y
Enfin, l'événement le plus remarquable dans les dernières œuvres de a pas d'être sans être déterminé. Aristote reprendra ce même critère dans
Platon est l'usage prépondérant de l' ousia à propos des choses sensibles, sa présentation de l'eidos comme essence et cause formelle de toute chose
soit que l'ousia soit la chose elle-même, soit qu'elle désigne l'existence sensible, avec cette différence, comme on le sait, que l'essence devient
d'une telle chose ou encore un mode d'existence ou une manière d'être immanente à la chose. Ce que Platon ne fait pas, c'est établir une distinc-
(selon une occurrence du Politique). Ainsi, dans le Timée, la composition tion, que ce soit parmi les Formes ou parmi les étants sensibles, entre
de l'âme du monde se fait par le mélange du Même, de l'Autre et de les «choses » et les qualités ou propriétés des choses: il n'y a aucune
l' ousia intermédiaire, elle-même résultant du mélange de l' ousia divi- différence de statut ontologique entre l'homme et le juste, car l'homme
sible et de l' ousia indivisible: comme le souligne P. D'Hoine, il ne s'agit n'est pas condition d'existence du juste. Au contraire, une fois supprimée
pas d'essences mais de trois sortes de réalités ou de choses qui sont la thèse d'une forme «juste » existant par soi, on est obligé de reconnaître
_ et l'expression oùataç elooç est à cet égard remarquable. De même, que le juste n'existe pas sans l'homme, et de même pour tout ce qu'on
dans le Politique, l'expression «l'être nécessaire du devenir» (1i]V 1fiç peut désigner ainsi comme une propriété de certains sujets. C'est ainsi
YEvÉaEffiç àvaYKatav oùatav) iudique que le sensible, grâce à l'inscrip- qu'apparaît une nouvelle définîtion de l' ousia comme ce qui n'est pas
tion en lui de la forme paradigmatique, possède une certaine stabilité et dans un sujet mais est soi-même sujet pour les autres; et cette exigence
une certaine intelligibilité. Une autre signification nouvelle de.l'ousia d'être un U1tOKetIlEVOV a motivé la traduction latine par le terme équi-
résulte de sa mise en rapport avec la genesis, non plus selon l'opposi- valent substantia. Au sens strict donc, « substance» n'est pas une traduc-
tion de l'être et du devenir, mais selon l'opposition entre un processus tion fidèle puisqu'elle n'exprime pas le fait d'être mais le fait d'être sujet
et son résultat: dans le Philèbe, après avoir renvoyé le plaisir du côté - et c'est pourquoi certains interprètes préfèrent s'en tenir à la littéra-
du processus, Platon lui oppose l' ousia comme réalité mixte qui résulte lité du français « essence ». Cependant, en créant cette opposition, Aris-
de l'application de la limite à l'illimité. Cette opposition figure également tote ne refuse pas aux non ousiai d'être des étants ni d'être des essences
dans les Lois, même si le thème de l'ouvrage justifie une majorité au sens hérité, c'est-à-dire répondant à la question fi esti (car, comme il
d'usages économiques, et, parmi les usages ontologiques, U1~e majorité l'écrit dans les Topiques, l 9, le ti esli se trouve dans chaque catégorie) ;
de significations équivalentes au li esti exprimé dans la défiuition. il leur refuse seulement d'avoir une exîstence indépendante d'un substrat.
CONCLUSIONS GÉNÉRALES 455
ANNICK STEVENS
454
s'entrecroisent d'une autre manière encore lorsque, parmi les trois sortes
, AI' t t qui se méfie tant des
On peut dès lors se demander pourqUOi IS 0 e, , " , de substance - matière, forme et composé - , la forme d'une substauce
' n ' a pas proposé à côté de l'ousia slgmfrant 1 essence, est à la fois elle-même une substauce et l'essence du composé (voir sur-
h omonymœs, , d' t ' t
, 'f' la substance La raison Olt cer amemen tout Physique, De l'âme, Métaphysique), À ce propos se sont posées
un autre terme pour slgm rer '>' 8 ou Z 2 où
être cherchée dans des passages tels que Metaph!szque /'; . > de nombreuses questions auxquelles Chr, Rutten et A. Stevens ont essayé
il fait allusion à un usage habituel d' ousia pour deslguer les, corp~, ~~hO de répondre, comme celle de la co-existence d'une forme générale et
mauifeste des matérialistes dont parle Platon dans le Sophzste" ~ 1 se d'une forme particulière, ou celle du statut des formes mathématiques,
fait que les sujets sont précisément ces choses corporelles, qu" Isto~e Il ne faut pas ignorer non plus que dans certains passages dn livre Z
décomposera bientôt en deux autres types de substance, la matrere et a Aristote utilise l'ambivalence de l' ousia comme essence et comme sub-
stance pour mienx réfnter la théorie platonicienne des Formes, en mon-
for~~~s ue, dans les Catégories et les Topiques, la subst~ce comme trant que celles-ci ne peuvent répondre à la fois aux critères de l'une et
rernier t'tre d'être ne se confond pas avec le ti esti (la dlstmctlOn e~t~e de l'autre,
fes substances particulières, qui sont premières, et les substances specI)- Ainsi donc, malgré la grande diversité des méthodes mises en œuvre
>' te le risque de conf uSlOn
fi ues ou génériques, qui sont second es, eVl .~ , par les collaborateurs, on peut identifier des observations récurrentes,
d!S les Analytiques, les deux notions sont souvent hee~, non parce que dont la principale est cette distinction entre, d'une part, le champ séman-
l'expression ti esti pourrait signifier la substance, maIs parce q~e les tique du sujet et de la première catégorie d'étants (d'où l'expression EV
enquêtes scientifiques doivent porter ultimement sur des sUjets su> stan- n yÉvoç wu ovwç), d'autre part, celni de la définition de ce qu'est une
tieis et doivent privilégier la question ti esti, de sorte que ce q~1 repond chose, de sa natnre on de sa forme; la plupart acceptent dès lors la
à cette question est toujours également une substance , ~e ~'t~~ typ~
2
convention de traduire ousia dans le premier cas par « substance», dans
d'ex lication vaut pour le raisonnement du premier livre e t 'que ~ le second'par ~~ essence ». Les traités qui comportent très peu d'occur-
Nic;maque selon lequel, du fait que le bien se dit dans l'essence (èv 1<V rences se contentent de l'une ou l'autre de ces significations (Météorolo-
1( Èan) et 'dans les autres prédications, et que la substance e: le par sOl giques, Poétique, Rhétorique), mais l'absence du sens ontologique est
sont antérieurs au relatif (10. 8i: KaS' aino Kat f] ouata rrp01"pov 111 très rare (seules la Politique et la Constitution d'Athènes ne présentent que
ua"l wu rrpéç n), il résulte que le bien ne peut être une seu:e forme, le sens économique),
~e raisonnement n'est valable que si la question tf esll est posee, exclu~ Autour des deux notions ontologiques principales, nous avons tenté
sivement à propos d'un sujet substantiel, ce qu AIlstote autonsera a d'élncider quelques expressions connexes telles que le 168" n (identifié
nouveau explicitement au livre Z de la Métaphysique, en dlstmguan~ tantôt aux substances composées, tantôt à la forme) ou le 10 1( ~v elvat.
un usage premier et principal du ti esti, ainsi que du ta tl èn, emaz, qUI À propos de celui-ci, L. Bodson insiste à juste titre sur l'importance du
ne concerne que les substances, et un usage secondaire, qUl concerne passage des Parties des animaux d'après lequel l'imparfait du verbe être
t s les autres étants, Il est intéressant de noter, cependant, que le pas- se justifie par l'antériorité chronologique du processus de génération par
ou 11' 1 de l'Éthique à Eudème évite la difficulté en parlant seu- rapport à l'être achevé qui en est le but. On trouve d'ailleurs dans ce
sage para e e > " L d ux notions
lement de la multiplicité des biens selon les categones, es e contexte la même formule que celle de Platon dans le Philèbe, selon
laquelle la génération (yÉv"a!ç) est en vue de l'être (ouata), L'analyse
. .' ' rt ltimement sur des substances parce qu'il
du devenir dans la Physique permet également d'éclairer la relation
2 Les questions scœnUflques dOIvent po erli . l' TI e'tudie un autre qu'entretient la substance avec l'être en général, dans la mesure où la
, . d h . existent de sorte que, SI 0
n'y a d'essence ve~ta~le que e ~.tse: ~U1 une pr~priété d'une certaine substance; par génération est un deveuir absolu (urrÀwç), par opposition aux devenirs
;!~~~::a;:'d~~~~~; ::~~;:s(~i~~~i etl~~l
e
existe r~;i~~~tà;~U~el~S~~~~~~~e!::::~ partiels que constituent les changements à l'intérieur d'un même sujet, et
infinie existe et ce qu'elle est. Le mer.n ratsonn~~eire oublier qu'ils sont 'des propriétés où ce devenir absolu est un processus passant du non-être à l'être, non
tiques, même si le procédé d'abstractlOn POUlTat a
des étants matériels.
CONCLUSIONS GÉNÉRALES 457
ANNICK STEVENS
456
de Platon ont proposé d'utiliser partout le terme général « être» tout
pas à n'importe quel être mais à l'être substantiel qui sert de condition
en .reconna1s~ant qu~ ce~Aêtre n'est pas univoque "mais désigne tan~ôt ce
à tous les autres. B. Collette analyse en détail l'argumentation d'Aris-
qUi
t est, tantot le
. fatt d etre, tantôt ce qui fait être Chez A fIS
. t 0 t e, ce
tote, dans Génération et corruption, en faveur de l'existence d'une telle A •

erme ne pourraIt etre généralisé, en raison de la distinction établie entre


génération absolue, et élucide la manière dont, dans ces processus, une
l es substances et les autres étants.
substance est l'être et l'autre non-être, parce que l'une possède une
. Si la philosophie est invention de concepts, la philosophie grecque se
détermination formelle positive et l'autre une détermination privative.
dlStmgue sans d~ute de la philosophie contemporaine par sa tendance à
D'autre part, la description rationalisée des propriétés des animaux, par-
conserver les memes mots en multipliant leurs sens plutôt qu'à créer un
ticulièrement dans les Parties des animaux, fournit de nombreuses occa-
nouveau mot pour chaque nouveau concept.
sions de mieux saisir la différence entre les propriétés qui sont dans
l'essence de l'animal, et qui seules doivent servir à la définition par
Annick STEVENS
division, et celles qui sont des attributs par soi, déduits de l'essence
mais ne faisant pas partie de la définition. Le lecteur peut ainsi com-
pléter par de nombreux exemples les exposés théoriques des Analy-
tiques et de Métaphysique Z.
À côté de ces usages principaux, deux autres significations se rencon-
trent à plusieurs reprises: d'une part, celle de «réalité », quand il s'agit
de désigner l'eusemble des choses qui existeut ou du moins l'ensemble
des étants physiques, sans se limiter aux substances (voir notamment
dans Du Ciel et Métaphysique), d'autre part, celle d'« existence », éter-
nelle ou temporaire (à ce propos on notera, dans la Physique, l'expres-
sion rare f1E~i:XEtv OÙGiaç : «participer à l'existence »). Dans certains
cas, il est difficile de décider si l'être exprimé par l'ousia est plutôt
essence ou plutôt existence, par exemple dans deux passages des Parva
Naturalia. Signalons enfin quelques emplois plus rares encore, comme
l'expression Kannopia ûiç oÙGiaç, où ~fiç oùcriaç est équivalent à
100 6vwç (Physique), ou encore ce passage de Génération et corrup-
tion où l' ousia est opposée au devenir, en tant que caractéristique de
l'être penuanent des réalités éternelles. Ces quelques exemples ne sont
qu'un échantillon des découvertes parfois étonnantes auxquelles mène
une étude exhaustive.
Fidèles à l'esprit d'Aristote, nous pensons que notre but est atteint si
le lecteur est désormais convaincu du foisonnement de la polysémie du
tenue « ousia » et du risque d'appauvrissement philosophique que l'on
prend si l'on décide de le recouvrir sous un vocable unique. En effet,
tous les collaborateurs chargés d'un traité aristotélicien s'accordent pour
estimer qu'aucun mot français existant n'est capable de rendre toute la
polysémie du terme grec et choisissent, pour la plupart, d'adapter la tra-
duction au contexte. Certains collaborateurs travaillant sur les dialogues
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Sont repris dans cette bibliographie tous les ouvrages et articles cités dans le
volume, à l'exception des éditions de textes et des traductions qui figurent au
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393 d4 697 b 6 Parménide
401 c3 IV 717 c 3 133c4
401 c5 719 e 2 133 c 9
401 c6 724 a 8 135 a 8
401 c 9 V 729 a 5 141 e 7
401 d3 736 e 3 141 e 9
421 b8 737 b 1 141 e 11
423 e 1 741 b 3 142 b 6
423 e3 744 c 4 142 b 7
423 e8 745 d 6 142 b 8
424 b2 VI 754 d 8 142 c 5
424 b 10 775 a 7 142 d 3
431 d3 776b6 143 a 4
436 e4 VII 850 a 6 143 a 6
850 b 5 143 b 1
Criton VIII 856 d 3 143 b 2
44 e 5 857 a 6 143 b 3 (x2)
53 b 2 866 c 6 143 b 4
877 c 7 143 b 5 (x2)
Épinomis IX 891 e 9 143 b 7
979 c 4 895 d 4 (x2) 143 c 1
896 a 3 143 c 2
Euthyphron 903 c 4 143 c 5
11 a 7 XI 913 b 8 143 c 7
474 OCCURRENCES D'OUSIA OCCURRENCES D'OUSIA 475

143 c 8 240 a2 VI 485 b 2 251 e9 186 b 7 Dubia et spuria


144 a 7 240 a5 486 a 9 252 a2 186 c 3
Définitions
144 a 8 241 c3 509 b 8 (x2) 258 b2 186 c 7
411 a3
144 b 1 245 e3 509 b 9 258 b9 186 d 3
411 a 5 (x2)
144 b 4 247 c7 VII 523 a 3 260 d3 186 e 5
412 d3
144 cl 252 a3 524 el 261 e5 202 a 1 (x2)
412 d5
144 c 3 270 e3 525 b 5 262 c3 202 b 5
414 d5
144 c 6 525 c 6 207 c 1
415 a8
144 d 3 Philèbe 526 e 6 Théétète 207 c 3
144 d 6 26 d 8 534 a 3 (x2) 144 c 7 Érixias
144 e 4 27 b 9 534 b 4 144 d 2 rimée 393 a 1
149 e 4 32 b 3 534 c 2 155 e 6 20 a 2 394 e 9
151 e 8 48 e 2 VITI 551 b 3 160 b 6 29 c 3
152 a 2 53 c 5 553 b 5 160 c 8 35 a 2 Lettres
155 e 7 54 a 5 554 d 3 172 b 4 35 a 4 III 317 c 8
155 e 8 54 a 6 565 a 7 177 c 7 35 b 1 318 a 6
156 a 4 54 a 8 (x2) 566 a 7 179 d 3 35 b 3 VII 344 b 2
156 a 6 54 a 10 IX 573 e 1 185 c 9 37 a 3 347 b 3
156 a 7 54 c 3 578 e 4 186 a 2 37 a 5 347 dl
161 e 3 54 c 4 585 b 12 186 a 10 37 e 5 347 e 1
162 a 8 (x2) 54 c 7 585 c 7 (x2) 186 b 6 52 c 4 351 b 1
162 b 1 54 d 5 585 c 12
162 b 2 585 d 3
162 b 6 591 e 3 ARISTOTE
Politique
162 b 7 283 d9 591 e 4
163 c 3 283 e8 De l'Âme 412 a 15 27 b5
163 c 7 285 b6 Sophiste 1 402 a 8 412 a 16 27 b 7 (x2)
163 d 1 286 b 10 219 b 4 402 a 13 412 a 19 46 a 36
163 d 2 292 al 232 c 8 402 a 15 412 a 21 47 a 24
163 d 3 239 b 8 402 a 24 412 b 10 47 a 25
163 d 6 Protagoras 245 d 4 402 b 18 412 b 13 47 a 27 (x2)
163 d 8 349b4 246 a 5 402 b 24 412 b 19 47 a 29
164 a 1 246 b 1 405 b 32 414 a 15 47 a 30
République 246 b 8 406 a 17 415 b 11 49 a 36
Phédon 1 329 e 4 246 cl 406 b 7 415 b 12
65 d 13 330 b 4 246 c 6 406 b 14 415 b 13 Seconds Analytiques
76 d 9 330 d 2 248 a 7 406 b 15 416 b 13 1 73 a 36
77 a2 II 359 a 5 248 a 11 407 b 1 416 b 14 73 b 7
78 dl 361 b 5 248 c 2 407 b 7 416 b 16 79 a 7
92 d 9 372 b 8 248 c 8 408 b 19 418 a 25 83 a 24
101 c 3 374 al 248 d 2 410 a 17 III 430 a 18 83 a 26
III (377 e 1) 248 e 2 410 a 20 83 a 30
Phèdre 416 c 6 250 b 9 410 a 21 Premiers Analytiques 83 a 39
232 c 6 416 d 5 251 d 1 Il 412 a 6 1 27 a 19 83 b 5
237 c 3 V 479 c 7 251 d 5 412 a 11 27 a 20 (x2) 83 b 12
476 OCCURRENCES D'OUSIA OCCURRENCES D'OUSIA 477

83 b 15 2 b 28 8 a 21 IV 1120 a 1 338 b 14 995 b 11


83 b 27 2 b 29 8 a 26 1120 a 2 338 b 19 995 b 14
87 a 36 (x2) 2 b 30 8 a 30 1120 b 7 995 b 16
89 a 20 2 b 31 8 b 16 1120 b 9 De l'Interprétation 995 b 19
Il 90 a 10 2 b 37 (x2) 8 b 21 1120 b 12 23 a 24 995 b 20
90 b 16 2 b 38 1120 b 24 996 a 7
90 b 17 3a1 Du Ciel 1121 a 18 Marche des animaux 996 a 14 (x2)
90 b 31 3a2 1 268 a 3 IX 1165 b 20 704 b 16 996 b 14
91 b 9 3a7 269 a 30 708 a 12 996 b 31
91 b 27 3a8 269 b 22 Gén. Anim. 997 a 2
92 a 6 3a9 270 b 11 1 715 a 5 Métaphysique 997 a 11
92 a 34 3 a 17 278 a 4 715 b 18 A 983 a 27 997 a 15
92 b 13 3 a 20 278 a 19 731 a 25 983 b 10 997 a 17
92 b 14 3 a 21 278 b 1 Il 731 b 20 985 b 10 997 a 25
92 b 29 3 a 29 278 b 12 731 b 34 986 b 8 997a 27
93 b 26 3 a 31 Il 286 b 11 738 b 27 987 a 18 997 a 31
96 a 34 3 a 33 293 a 13 742 a 22 987 a 19 997 a 33
96 b 6 3 a 36 293 b 15 ID 762 a 7 987 a 23 997 a 34
96 b 12 3 a 38 ID 298 a 28 IV 767 b 34 987 b 21 997 b 1
97 a 13 3b3 298 a 29 767 b 35 987 b 22 997 b 4
97 a 19 3b8 298 b 3 V 778 a 35 987 b 25 998 b 12
3 b 10 298 b 22 778 b 5 988 a 35 998 b 21
Catégories 3 b 11 303 b 30 778 b 6 988 b 13 999 b 14
1a2 3 b 13 306 a 31 988 b 28 999 b 20
1a4 3 b 17 IV 310 b 33 Gén. et CorI'. 989 b 3 999 b 22
1a7 3 b 20 311 a 1 1 314 b 14 989 b 7 1001 a 6
1 a 10 3 b 21 317 b 8 (x2) 989 b 23 1001 a 11
1 b 26 3 b 24 Constit. d'Athènes 317 b 9 990 b 7 1001 a 20
1 b 27 3 b 25 IV,2,3 317 b 11 990 b 24 1001 a 24
2 a 11 3 b 27 IV, 2, 6 317 b 21 990 b 25 1001 a 27
2 a 14 3 b 33 V, 3, 2 317 b 24 990 b 26 1001 b 2
2 a 15 3 b 34 (x3) XXVII, 3, 3 317b32 990 b 29 1001 b 3
2 a 18 3 b 36 XXVII, 4, 2 317 b 33 990 b 34 1001 b 27
2 a 35 3 b 37 XXXV, 4, 3 318 b 15 991 a 1 1001 b 29
2b4 4a5 XXXV, 4, 4 318 b 35 991 a 13 1001 b 31
2b6 4a8(x2) XLVII, 2, 8 319 a 13 991 b 1 1001 b 33
2 b 6e 4 a 10 ~[X, 2,10 319 a 15 991 b 2 (x2) 1002 a 2
2 b 7 (x2) 4 a 13 319 a 18 992 a 8 1002 a 3
2b8 4 a 17 (x2) Éthique à Eudème 319 a 21 992 a 10 1002 a 4
2b9 4 a 30 1 1217 b 30 320 a 13 (x2) 992 a 26 1002 a 9
2 b 15 4b3 II 1219 b 36 320 b 22 992 a 27 1002 a 13 (x2)
2 b 17 4 b 13 1222 b 16 321 a 34 992 a 28 1002 a 15
2 b 18 4 b 17 II 328 b 33 992 b 1 1002 a 18
2 b 22 4 b 18 Éthique à Nicomaque 333 b 14 992 b 3 1002 a 26
2 b 23 6a1 1 1096 a 21 335 a 6 (x2) 992 b 22 1002 a 27
2 b 26 8 a 13 II 1107 a 6 335 b 7 993 a 18 1002 a 28
2 b 27 8 a 15 (x2) III 1119a18 336 b 33 B 995 b 7 1002 a 30
478 OCCURRENCES D'OUSIA OCCURRENCES D'OUSIA 479

1002 b 8 1018 b 3 1028 b 30 1034 b 16 1038 b 32 1042 a 17


1002 b 24 1018 b 7 1028 b 32 1034 b 17 1038 b 35 1042 a 20
1002 b 29 1019 a 3 1028 b 33 1034 b 34 1039 a 3 1042 a 21
1003 a 8 1019.6 1028 b 35 1035 a 2 1039 a 4 1042 a 23
1003 • 9 1019 a 9 1029 a 1 1035 a 20 1039 a 7 1042 a 24
r 1003 b 6 1020 a 18 1029 a 10 1035 b 13 1039 a 8 1042 a 26 (x2)
1003 b 7 (x2) 1020 a 20 1029 a 11 1035 b 15 (x2) 1039 a 11 1042 a 31
1003 b 9 (x2) 1020 a 33 1029 a 15 (x2) 1035 b 21 1039 a 15 1042 a 32
1003 b 10 1020 b 1 1029 a 16 1035 b 22 1039 a 16 1042 b 1
1003 b 18 (x2) 1020 b 2 1029 a 19 1035 b 26 1039 a 17 1042 b 9
1003 b 32 1020 b 7 (x2) 1029 a 23 1035 b 29 1039 a 18 1042 b 11
1004.3 1020 b 9 1029 a 27 1036 a 19 1039. 19 1043.2
1004 a 33 1020 b 15 1029.28 1036.33 1039 a 20 1043 a 4
1004 b 9 1020 b 16 1029 a 29 1037.5 1039 a 25 1043.5
1004 b 30 1021 a 11 1029.30 1037 a 11 1039 a 32 1043 a 19
1005 • 15 1021 b 21 1029.33 1037 a 12 1039 b 8 1043 a 24
1005 a 21 1022.8 1029 b 1 1037 a 13 1039 b 9 1043 .27
1005.35 1022 a 15 1030.6 1037. 15 1039 b 13 1043 a 30
1005 b 6 1023 b 2 1030. 19 1037.24 1039 b 15 1043 .35
1007 a 21 1024 a 15 1030 a 23 1037.25 1039 b 20 1043.38
1007.26 (x2) 1024 a 20 1030 a 30 1037 a 28 1039 b 21 1043 b 12
1007 a 31 1024.24 1030 b 6 1037.29 1039 b 28 1043 b 13
1007 b 17 1025 a 32 1030 b 13 1037 a 30 1040 a 33 1043 b 14
1009 a 37 E 1025 b 14 1031 • 1 1037 a 32 1040 b 5 1043 b 18
1010 b 27 1025 b 20 1031 a 11 1037 b 2 1040 b 17 1043 b 21
101l b 19 1025 b 27 1031 • 13 1037 b 10 1040 b 18 1043 b 23
1012.15 1026 a 28 1031 a 17 1037 b 26 1040 b 21 1043 b 28
;.. 1013 .21 1026 a 29 1031 • 18 (x2) 1037 b 27 1040 b 23 1043 b 33
1014 b 36 Z 1028. 15 1031.29 1038 a 19 1040 b 24 (x2) 1044.7
1015. Il 1028 a 24 1031 a 30 1038.26 1040 b 29 1044. Il
1015 a 12 1028.27 1031 b 1 1038.33 1040 b 31 1044 a 12
1015.13 1028a31 1031 b 2 1038 b 1 1041 a 1 1044 a 15
1015 a 14 1028 a 32 1031 b 3 1038 b 2 1041 a 4 (x2) 1044 b 3
1015 b 22 1028 a 35 1031 b 17 (x2) 1038 b 9 1041 .5 1044 b 6
1015 b 31 1028 b 4 1031 b 32 1038 b 10 1041 .6 1044 b 8
1015 b 34 (x2) 1028 b 8 1032.19 1038 b 12 1041 a 8 1044 b 9
1016 b 3 1028 b 10 1.032 b 2 1038 b 14 1041 a 9 (x2) ® 1045 b 29 (x2)
1016 b 9 1028 b 14 1032 b 3 1038 b 15 1041 b 9 1045 b 31
1017 b 6 1028b17 1032 b 4 1038 b 20 (x2) 1041 b 27 1048 b 9
lO17blO 1028 b 20 1032 b 14 1038 b 23 1041 b 29 (x2) 1049 a 34
lO17b13 1028 b 21 1033 b 17 1038 b 24 1041 b 30 1049 a 36
1017 b 22 1028 b 22 1033 b 28 1038 b 25 H 1042 a 5 1049b 11
1017 b 23 1028 b 23 1033 b 29 1038 b 26 (x2) 1042.6 1049 b 28
1018 a 7 1028 b 24 1034.4 1038 b 28 1042.11 1050.4
1018. Il 1028 b 27 1034.31 1038 b 29 (x2) 1042 a 13 1050.5
1018 a 14 1028 b 28 1034 b 8 1038 b 30 (x2) 1042 a 16 1050 b 2
OCCURRENCES D'OUSIA
OCCURRENCES D'OUSIA 481
480

1071 b 21 1079 a 25 1089 b 23 652 b 18


1050 b 4 1060 b 23
1072 a 25 1079.31 (x2) 1089 b 28 III 669 b 12
1050 b 7 1063 a 27
1072 • 31 1079 b 8 1089b31 IV 678 a 33
1050 b 16 1064.9
1072 b 7 1079 b 17 1090 b 9 678 a 35
1050 b 27 lO64a22
1072 b 22 1079 b 36 (x2) 1090 b 11 682 b 28
1050 b 35 1064 a 35
1073 .4 1080 a 1 1091 b 13 685 b 15
1051 b 27 1064 b 10
1073 a 6 1080 a 14 1091 b 14 686 a 28
1 1052.33 1064 b 11
1073 a 14 1080 a 16 1091 b 29 (x2) 693 b 6
1053 a 19 1066 b 3
1073 a 30 1080 b 6 1092 a 8 693 b 13
1053 b 9 1066 b 13
1073 a 34 1080 b 18 1092 a 11 695 b 18
1053 b 11 1066 b 17
1073 a 35 1082 b 37 1092 b 9 695 b 20
1053 b 17 (x2) 1068 a 8
1073 a 36 (x2) 1084 a 16 lO92b17 (x2)
1053 b 18 1068 .,10
1073 a 37 1084 b 10 1092 b 18 Parva nafuraUa
1053 b 22 1068 a 11
1073 b 1 1084 b 19 1092 b 20 465 b6
1053 b 24 1068 b 15
1073 b 6 1086 a 23 465 b7
1053 b 36 (x2) A 1069 a 18 (x2)
1073 b 7 1086 a 25 Météorologiques 467 b 14
1054.8 (x2) 1069 a 20
1074.15 1086 a 33 365 a 11 469 a 30
1054 a 12 (x2) 1069 a 21
1074 a 19 1086 a 36 370 a 28 477 a 23
1054 b 1 1069 a 25
1074 a 22 1086 a 37 379 b 26 478 b 33
1054 b 4 1069.27
1074 b 9 1086 b 8 389 b 29
1054 b 31 1069 a 28
1074 b 20 (x2) 1086 b 17 390 a 6 Physique
1058 b 22 1069 a 30
1074 b 22 1086 b 18 1 185 a 23 (x2)
1059.6 (x2) 1069 b 3
1075 .2 1086 b 19 Mvt. des animalLl: 185 a 27
K 1059 a 26 1070a5 (x2)
1075 b 38 1086 b 23 699 a 22 185 a 29
1059 a 29 1070 a 9
1076 a 1 1086 b 24 185 a 31
1059.31 1070. 14
M 1076.8 1087 a 1 (x3) Parties des animaux 185 a 32
1059 a 34 1070 a 20
1070 a 34 1076 a 11 1087 a 2 1 639 a 16 185a 34
1059 a 39
1076 a 17 1087 a 6 640 a 18 185 b 3
1059 b 14 1070.36
1076.22 1087 a 12 640 a 19 185 b 4 (x2)
1060 a 8 1070 b 1
1076 a 25 1087.24 641 a 25 189 a 14
1060 a 9 1070 b 3
1076 a 30 N 1087 a 29 641 .27 189 a 29
1060 a 13 1070 b 4
1077 • 10 1087 a 31 641 b 32 189 a 33 (x4)
1060.14 1070 b 9
1077 a 11 1087 b 2 642 a 19 189 a 34 (x2)
1060 a 17 1070 b 13
1077 a 19 1087 b 9 642 a 26 189 b 23
1060 a 23 1070 b 25
1077 a 27 1088 a 4 643 a 2 190 a 33
1060.25 1070 b 36
1077.31 1088 a 23 643 a 4 190 a 36
1060 a 27 1071 al
1077 a 32 1088 a 33 643 a 27 190 b 1 (x2)
1060 b 1 1071 a 24
1077 a 35 1088 b 2 (x2) 644 a 23 190 b 19
1060 b 3 1071 a 26
1077 b 2 (x2) 1088 b 3 (x2) 644 a 29 191 a 11
1060 b 4 1071 a 30
1077 b 5 1088 b 26 644 b 22 191 a 19
1060 b 6 1071 a 34
1077 b 7 1088 b 27 (x2) 645 a 35 192 a 6
1060 b 7 1071 b 3
1071 b 5 (x2) 1077 b 12 1089.8 645 a 36 II 192 b 33
1060 b 8
1079 a 3 1089 a 10 II 646 a 25 193 • 10
1060 b 14 1071 b 14
1079 a 20 1089 a 32 646 b 1 193 a 16
1060b17 1071 b 16
1079 a 22 (x2) 1089 b 17 647 b 25 193 a 20
1060 b 18 1071 b 18
1079 a 23 1089 b 22 648.16 193a 25
1060 b 21 1071 b 20
OCCURRENCES D'OUSIA OCCURRENCES D'OUSIA 483
482
1311 a 1 149 b 37 Apocryphes 2012,3
198 b 9 1265 b 6
1265 b 22 1313b27 150 b 25 Magna moralia 33 31, 8
III 200 b 34
1266 a 37 VI 1316 b 2 151 b 1 1 113,4 II 711,4
203 a 5
203 b 33 1266 b 9 1316b19 153 b 31 10 1, 3
204 a 10 1266 b 11 1316b23 153 b 32 11 1,3
1266 b 15 1318 a 20 153 b 33 (x2) 201,4
204 a 21
1266 b 19 1318 a 21
204 a 23
204 a 27 1266 b 25 1318b12
1266 b 27 1321 a 11
204 a 33
206 a 32 1266 b 29 Vil 1326 b 34
206 b 24 1266 b 30 1330a31
IV 210 a 13 1267 a 4
1267 a 9 Réfutations sophistiques
214 a 12
218 a 3 1267 a 29 169 a 35
221 b 31 1267a31 173 b 6
1267 a 38 179 a 38
V 225 a 16
225 a 18 1267 b 5
1267 b 9 Rhétorique
225 b 5
225 b 10 (x2) 1270 a 17 II 1389 b 28
226 a 23 III 1274 b 9 1392 a 20
226 a 28 1274 b 10
227 b 21 1279 b 18 Topiques
1279 b 19 1 103 b 28
228 a 8
N 1289 b 35 103 b 31
228 b 13
VII 242 b 35 1290 b 16 108 b 5
1291 a 34 120 b 37
249 b 23
1291 b 26 120 b 38 (x2)
VIII 260 b 12
260 b 19 1292 b 26 121 a 7
261 a 20 (x2) 1293 a 13 130b1
1293 a 18 130 b 3
263 b 8
1293 a 21 130 b 4 (x2)
Physique textus alter 1293 a 27 130 b 26
VII 242 b 5 1293 a 30 131 a 4
1295 b 40 135 a 17
1296 a 25 135 a 19
Poétique
1449 b 24 1297 b 8 139 a 30
V 1301 a 32 139 b 20
1303a12 140 a 34
Politique
1257 b 40 1303 b 35 140 a 37
1
1261 b 23 1303 b 37 140 b 5
II
1261 b 26 1304 b 22 143 a 18
1263 b 20 1305 a 4 143 a 33
1263 b 25 1307 a 36 144 b 32 (x3)
1265 a 35 1307 b 33 145 a 4
1265 a 36 1309 a 25 145 a 10
1265 b 3 1309 b 40 146 b 3
INDEX DE MOTS GRECS

Sont repris dans cet index un peu plus de deux cents mots qui apparaissent, de façon signi-
ficative ou récurrente, dans le champ sémantique d'ol:Jcria; ici, comme dans les œuvres phi-
losophiques étudiées, c'est le sens ontologique qui est de beaucoup le plus souvent
concerné. Sont jointes quelques expressions typiques, telles que 'ri Èan (tû) et 'ri ~v Elven
(1:6). Les chiffres en italiques renvoient aux pages (textes ou notes) où les mots concernés
font l'objet d'un commentaire approprié ou donnent lieu à une énumération de références.
Les chiffres romains séparant les références aux pages de ce livre sont destinés à faciliter
le repérage des différents parties de l'ouvrage, selon la distribution suivante:
1 = p. 1-44: «Préface », « Note introductive» et « Chapitre I. La littérature antérieure
à Platon ».
II = p. 45-198: «Chapitre II. Platon ».
III = p. 199-457: «Chapitre m. Aristote» et« Conclusions générales ».

àya06ç (et "0 àya06v) : II 72, 108, 166, âvœYKuia oûcria: II 161.
190 III 226, 256, 302, 312, 313, 378, àvuqnlÇ oûcriu: II 80, 81.
379, 404, 425, 426, 427, 429, 430, âvtiKEt/lUt: II 158 III 378, 393,
431,433,436. anEtpOç (et tO a1tEtpov) : 126,29, 31 II
àyv~ oôcria : 1 31. 170, 172 III 2lJ, 214, 219, 220, 221,
â8taipEWÇ : III 211, 220, 230. 227,352,408,409.
àévuoç oûcria: II 190. èmEcrtro : 124,
â8o.vutoç : II 81, 107. !J.n~iJJç: III 202, 212, 213, 215, 218, 219,
àlOwç : II 183 III 394. 223,242,243,244,246,250,296,352,
atcre~crtç: II 184 III 330. 367,388,393,455.
alcr8~16ç (et ni alcr8~1à) : 125 III 230, anôOE\s\ç: III 203, 207, 359, 381, 391,
232,254,255,348,363,364,365,366, 396,401.
370,376,387,390,391,393,394,396, an6~~u~\: II 114, 178.
397,402,403. ânoocriu: 1 19,41 II 113, 114 ru 378,
ahia: III 216, 264, 305, 310, 316, 330, apE1~ : II 190 III 349, 425, 431.
345,346,361,369,371,400,402. ap\e~6ç : 123 II 145, 148 III 213, 225,
u'hwç (et tO utnov) : II 89, 93 III 256, 227,260,358,364,365,368,370,372,
258,265, 333, 336, 340, 341, 345, 373, 374, 375, 376 380, 381, 389, 397, 398,
375,386,390,396,397,398,399,402, 399, 401, 404.
408. apx~ : 1 24, 29 III 211, 216, 220, 231, 235,
âKivllWÇ : II 152 III 389, 404. Cf. lCtvéro, 259,264,304,305,310,315,322,336,
lCiVllcrtÇ. 339,341,345,346,348,353,357,358,
à~~eE\a: II 70, 110, 136, 173, 177, 178. 361,364,372,374,376,377,379,386,
à~~e~ç : II 62, 64, 65, 71, 81,94, 107 III 389,390,397,398,401,402,426,434,
357. 436,440.
à~~e\V~ oûcria: II 149. àcrXll/lo.ncrwÇ (oûcrtu) : II 79, 81. Cf.
a~~oicocr\ç: II 180 III 224, 242. crXllJ.LU.
a~ép\moç: II 176, 179, 180, 182, 183. Cf. aW/loç (et to. ato/lu) : 1 30, 31 ID 302,
/lEptcrtÔÇ, /lÉpoç, j..LOpwv. 307,355.
486 INDEX DE MOTS GRECS INDEX DE MOTS GRECS 487

àcpuvtiç oGaia : 1 17. Cf. cpuvepôç. 141.142,163, 194, 196,221,222,227, lotoç: TI 53, 74, 95 m 202, 203, 206, 274, 326, 330, 333, 343, 345, 346, 348, 349,
230,247,249,259,286,333,341,345, 275,279,313,353,369, 350,352,354,355,360,362,367,368,
àXPmllu"CoÇ oGata: II 79,81.
~E~a(O,~ç : TI 88, 94, 95. 349, 356, 375, 386, 387, 388, 391, 399, lcroç: m 406,408,413. 369, 370, 378, 380, 381, 382, 387, 388,
402,451·452. Cf. DV (,6) et ona (,o.), Icr6,~ç : ill 407, 408. 391,393,394.
ytVEcrLÇ : 124,25,27,40 TI 107, 109,134,
~tl Dvet Iltl dvat ('tô), "Ci Èan (tô) et KaOap6ç: TI 71, 75, 103,107, 110. ~ùÀwta (06cr(a) : III 204, 205, 206, 299,
149, 160, 161, 165, 166, 167,168·170,
171,172,177,178,190,194 III 221, "Ci ~v dvat ("Cô). KaS' ao'n)v oucriav : II 71, 115, 117 III 396, 399, 400, 425, 431.
gÀEUOEP(O'~Ç : m 426, 428. 355. ~1i.ÀÀov (06cr(a): III 205, 248.
223,226,235,243,244,246,249,251,
254,259,260,265,274,278,282,300, e~IJIOxoç: Il 173, 194 m 264, 304, 382, KaS' atrro (ou KaS' ut)'rû) : 129 II 71, 88, ~ByEOOÇ: 1211,219,220, 230, 242, 252,

318, 319, 321, 322, 324, 345, 361, 369, 383. 95,115,116,117, 147, 148 ill205, 211, 364,407.
377, 379, 391, 393, 399, 440, 441, 452, ev (,6) : 1 26 TI 114, 122·124, 128·129, 331, 346, 363, 380, 381, 390, 399, 429, ~BOEl;tç : TI 114, 119, 122 m 372, 380.
148, 166, 179 III 206, 210, 214, 225, 432,454. ~ElyVD~( : II 176, 179, 182.
455.
257,305,349,352,355,356,357,358, Ku8oÀov et Ka86Àou ("Co): III 243, 265, ~EtK,6ç: II 166, 167, 170.
yBVOÇ: II 81,114,115,156,160,162,176,
360, 364, 372, 373, 374, 375, 377, 380, 302,347,351,353,354,355,361,374, ~ElS(Ç : II 170.
181 III 204, 205, 211, 212, 213, 215,
225,226,299,312,313,331,347,348, 381, 382, 388, 380, 392, 396, 398, 400, 382, 390, 391, 397. ~Eptcr,6ç: II 176, 179, 180. Cf. d~B'
401,404. KUKEO"r;(D : 1 24. ptcrwç.
351,355,359,362,374,391,400,401,
418,420,455. €v6.ùEç: TI 168. K"''' Wl"''<: TI 74,150,178,179,180,183 ~BpOÇ: TI 133, 134, 183 III 317, 347, 369,

y(yvo~aL: 1 19, 26 II 137, 151, 166, 167, gvav,(oç: II 154, 158 III 211, 215, 223, ill259. 381, 399. Cf. j..LOptoV, I-U:ptaTOÇ, à)..LÉ-
169,170,171,173,178,179,180 III 257, 278, 319, 337, 338, 345, 362, 378, KU'tŒ (tnV oùcriuv ou 'tàç oucriaç, avec ou pta'COç.
212,213,216,230,250,259,260,299, 397. sans article) : 124,26, 29, 161, 167 ill ~écroç: TI 179 III 339,342,408,413,415,
345, 357, 360, 377, 378, 392, 394, 395, èvav"Cicocrtç : ru 380. Cf. dv"CiKBLllat. 202,211,211,212, 219, 225, 230, 308, 421.
ëVEKU: (oùcr(aç): II 166, 167,170 III 273, 309,376,380,388,396,400,425,426, l-u:cro'tTjç : III 425.
440,443.
428,430. ~EW~ÙÀÀro: III 211,219,227,357.
8eu"Cepat oùaim : m 204. 274, 278, 318, 321.
gVBpyElU: III 220, 249, 319, 386, 387, K"'~yOpBro: TI 194 ill202, 204, 207, 315, ~EW~OÀ~ : m 242, 251.
81111toUPYtKtl oGaia: 131.
389,393,394,395,402,403. 336,337,354, 358, 365, 367, 372, 374, ~E,al;ù : II 103, 104, 126.
Ot6.0EcrLÇ: III 218, 360, 408.
gnEÀéXElU: III 251, 332, 355, 356, 367, 395,402, ~EtBXro: TI 74,89,91,92,103,107,110,
OlUVEK~Ç: II 56, 57, 58.
olU~Op6.: 131 TI 162 m 248, 302, 355, 369. K(,,~y6p~~a : III 352. 114, 118, 119, 120·122, 123, 125, 126,
ël;tç: m 218, 225, 362, 380, 394. K",~yop(a: III 211,223,225,226,243, 128, 153, 156 ill222, 300, 358, 373, 456.
358,376,380,381,401.
OlOp(Çro: II 115, 148 m 230, 300, 338, Èç,ouaia: 1149. 248,250,369,394,427,456. ).lÉ1:plU OGata: III 411, 413.
358,370,375,390,399. Cf. op(çro . f:1tÉKeLva "Cfïç oùaiaç : II 103, 108-109. KEXroptcr~BVOÇ : III 355, 374, 390, 392, ~~ dvat (to) : TI 103,104, 126·130, 139
06l;a: TI 105, 107, 111,132,136,156,177, gmcr,~~~: TI 81,107,110,135 III 346, 397,402. Cf. Xrop(çro et Xropwt6ç. III 223, 247, 249, 259, 260, 375, 391.
178,184 m 358. 348, 358, 359, 361, 373, 378, 388, 396, KlVBro: TI 151, 152, 153 III 225, 227, 260, Cf. dVa:l.
397,431. 348,363,381. Cf. àK(V~WÇ. j..Llt DV et OÙK ÔV ("Co) : 130 II 93, 126, 145,
oo6.ç : m 372.
epyov: 123, 37; III 230, 273, 274, 278, K(V~crtÇ: II 153 III 211, 213, 219, 223, 146,147, 148, 154, 160,163 III 212,
oùva~Lç : 123, 27 TI 50, 51·52, 53, 80, 88,
105, 108, 109, 150 III 244, 251, 257, 311,322,339,353. 224,225,226,227,230,264,304,305, 222,223,227,243,244,246,247,248,
278,306,319,320,322,356,367,369, eproç: II 108. 310,345,348,360,389,395,397,404. 374, 452. Cf. DV.
389,392,393,395,404,433. gcrcr(a: 134 II 89, 90, 91·92, 93 III 282, KOlV6ç : 126; III 252, 253, 353, 361, 398, ~~ ovw (,It) : 136 II 137, 157. Cf. DVtU.
451. 406,408,413,418,419. ,.uxpai oùcrim: 130, 3I.
ÈyKpUTfIç OGata: II 97.
dooç : 13,31,32 TI 55, 59, 62, 66, 88, 107, Èa'tia: TI 89, 91, 92. Kotvàrl1ç: III 407, 408. J.ltl!Éo~ut (et à1w~wi:o~at): 1187 m 259.
114, 115, 116, 149, 153, 162, 172, 173, "cr,ffi: 123·24,28,33,40 m 282, 450. KOtvœvÉco: TI 151 III 413. ~(~~crLÇ : III 443.
ë'EPOV: II 53,89,114,123,124,152,154, Kotvrovia: II 114, 119, 152, 162, 171 III ~ovltç: TI 168 ill360, 374.
176,178,179,181,183 ill202, 204, 205,
211,212,213, 217, 225, 226, 232, 236, 157, 166, 168, 179, 182 III 202, 211, 408,412. ~OVOE(O~Ç: 1172,75,116,117.
215, 218, 219, 221, 331, 353, 360, 372, Kpicrtç : II 162. ~6plOV: TI 155 ill339, 340, 367, 370, 382,
241, 246, 248, 249, 256, 258, 259, 260,
373,375,379. Kt~~ma (t6.): 141 TI 188,197. 387. Cf. ~époç.
261,265, 274, 275, 281, 282, 302, 304,
eù8aillcoV (oGaia) : II 190. Kup1a (ta) et Kuplw't"œm Coùala): ID 204, ~op~~ : 1 3 m 212, 216, 217, 236, 248,
305, 307, 317, 321, 331, 333, 347, 348,
349, 355, 357, 358, 363, 364, 365, 366, eGea"Cm: 1 24, 91. 205,376. 258,259,265,274,279, 305, 307, 319,
369,370,371,372,376,377,378,380, ftpellouaa oGaia : III 242. Myoç: 125,27 TI 71, 72, 79, 81, 103,109, 331,350,366,377,393,403.
381,382,383,386,388,390,391,392, Odoç: 131,75 III 232, 280, 317. 110, 132, 134, 135, 144, 189, 190 III ~op~ffi: 124.
394,395,398,399,401,441,452. 8E6ç : 124 Il 194 III 390, 426, 431. 202,203,205,207,236,237,258,263, v6~crtç : TI 108, 177, 178 m 404.
Ekffiv: II 183, 184, 189. Œéa: 13 II 55,88, 179 III 356, 357, 358, 264, 265, 273, 275, 278·279, 280, 282, vo~,6ç : 129, 149, 178 III 387.

dvat (,6): 16,25,30,33 TI 58, 72, 87, 90, 373,379,380,390,391,396,400,401, 283,295·297, 303, 304, 305, 306, 307, voùç: 122,29 TI 81,107 m 333, 404, 426,
98, 103, 105, 114, 119, 120, 136, 137, 430. 309,310,311,314,317,319,320,323, 431.
INDEX DE MOTS GRECS 489
488 INDEX DE MOTS GRECS

npoaipemç: 111377. 160e n (1é): III 206, 212, 213, 217, 221, ~p6v~otç: I 29 II 70, 74-75, 151.
boaç: II 167,172 III 361.
npOtEpcn Oôcr{at : III 379. 243,244,245,246,248,249,250,257, '1JUOlK6Ç: III 230,231,233,265,299,369,
oAeOpoç: II 169,
npcf:rcroç ou np-d'nT] (oùoia) : III 204, 205, 265,315,330,331,332,333,334,344, 370, 386, 394.
OAOÇ (et 10 OAOV) : II 193 III 274, 303,
206,230,232,233,264,281,296,304, 350,355,363,366,367,382,386,393, <puotç: I 24, 27, 28, 30, 31, 32 II 80, 82,
326,347,367,391.
347,368,390,370,378,388. 455. 88,95-96,97,99, 136, 172, 173, 179,
b~oté1~Ç: II 160, 162,
aKEoua'Coç: TI 176, 182, 183. 't"6rroç : II 88, 97. 182 III 211, 216, 217, 218, 220, 227,
OV (1é): I 6, 25, 26, 30, 33, 42 II 87, 93, 98,
01àotç : II 153, 154 III 348. ûypù oÙCiia : 1 24, 28. 235,236,254,256,259,274,275,279-
104,105, 108, 126, 138, 144,150, 152,
01Sp~OtÇ: III 217, 248, 361, 362, 378. IiA~
: I 26 II 170, 173 III 212, 216, 217, 280, 281, 282, 283, 300, 301, 303, 306,
156,178 III 206, 210, 212, 213, 215, 217,
010tXëlov: III 254, 310, 357, 358, 377, 230,232,236,237,252,253,258,265, 310,311,312,317,319,321,322,330,
246,247, 263, 264, 283, 315, 331, 344,
386,390,397,398,399,402. 280,282, 304, 331, 351, 358, 363, 365, 333,333,345,347,348,349,356,365,
347, 348,349, 351, 352, 360, 363,373,
III 222, 388. 366, 367, 369, 370, 372, 377, 380, 382, 369,372, 373, 374, 377, 379,386, 388,
374,379,394,398,400,404,430,431, aUyKet).LBVOÇ :
oo~~e~~Kéç (1é): I 29,32 II 59 III 211, 391,392,393,394,395,398,402,403. 391,394,400,401,402,403,425,434,
451-452,455,456. Cf. OV1a et ~~ ov.
212, 216, 217, 218, 219, 220, 221, 227, UAtKéç: III 394, 395, 404. 436,441,454.
ovo~a: I 37 II 53, 89, 96, 97, 135, 189,
303, 304, 332, 337, 346, 349, 356, 357, ÛrrOKf.:-q.LÉvOÇ (et 'tc û1toKf.:i~ŒVOV) : 124 xp~~a1U (1à): I 41, 42 II 50, 79,168, 188,
194, 196 III 403.
359,361,362,375,381,396,426,430, III 211, 212, 213, 215, 216, 217, 220, 197.
oV1a (1à) : I 6, 25, 33, 36, 41 II 56, 89,
433. 223,230,232,236,265,337,343,350, Xpévoç : II 119, 136, 183 III 222, 227,
98,99,115,125,137,145,148,156,196
auveO"'ub : 1 24. 351,353,358,360,363,370,373,380, 319,320,352,354,360,362,387.
III 211, 215, 216, 217, 264, 331, 345,
cruvexEÎa: 111349. 391,393,394,453. XOlpiÇffi : III 362, 363, 392.
357,358,360,361,369,370,373,374,
oovex~ç : III 349. cpavf.:poç ODuta: 1 17 ID 364. cf. àcpavllç Xffipt<Héç: III 212, 243, 245, 248, 348,
387,397,401,404. Cf. OV et ~~ OV1a.
ouvOeotç: III 274, 303, 377. cpâV'tUCiIlU : II 184. 350,352,354,355,366,389,393,396,
ovuûç: II 79, 81, 146, 150, 162, 189.
OUV0010Ç: III 355, 360, 363, 381, 387, CPf.:POIlÉVll OOUtU II 138. 403. Cf. Kf.:XroPtcrIl8VOÇ.
bplÇOl: I 24 II 149 III 205,206,274,275,
395,403. ~eeipOl: II 172 III 357, 360, 369, 391, 'l'UX~: II 73, 79,81,82,189,190 III 264,
279,280,306,307,353,360,362,363,
cruvoocrlu: 141 II 49. 395, 403, 426. 275, 286, 304, 330, 331, 332, 336, 364,
365, 401. Cf. OWpiÇffi.
crum:amç : III 232, 233, 322, ~Olotç : III 242. 370,378,382,383,403,426,
bptcr~éç: III 203, 205, 295, 296, 297, 343,
oX~~o : I 31, 57; III 230. Cf. ùoX~~à­ ~Oopà: I 24 II 172 III 223,226,251,265, rooaù1ffiç 8Xffi: II 70, 72, 74, 150, 151,
350,367,368,372, 381, 382, 391, 399,
natoç. 300,325,341,345,361,391,393,426, 178.
402, 426, 436.
opoç: II 80 III 296, 297, 355, 387, 443. oro~a: I 28 II 56, 57, 73, 149, 179, 180 428. &010: I 28,34 II 89, 93 III 282, 451.
naO~~a: II 74, 151 III 235,306,309. III 225, 230, 231, 233, 252, 253, 254,
nàOoç: I 24, 31 II 50, 54-55, 56, 58 III 255,264,299,304,338,359,360,363,
218,225,230,243,245,252,306,316, 364,370,382,397.
354,357,360,361,362,363,380,404, offi~mtKéç : III 222, 228, 252, 253.
450. 06J~pOlV: III 426, 427, 435.
nav (1é): I 26; II 150, 152. 1à!;tç: III 381.
napaoBlY~a: II 183. 'teÀ61u oÙcr1.u: III 349.
napoucrla: 14111 49. 'tÉÂ.etov ('to): III 397.
naoXffi: II 50, 54, 58 III 218, 223, 224, 1SAOÇ: III 261, 276, 278, 282, 304, 318, 377.
360,375. 1SXV~ : I 36, 42 III 218.
nenepao~svoç: I 26 III 221, 352. Cf. Ti San ('to) et 'to Êau, ô Ëan, 6 1:1 È()'tt,
1tÉpaç. olév ton: I 29 II 52, 54, 60, 62, 66,
1tÉJ.lTt't"ll oùaia : 127, 72,73-74,80,98,117,139,189 III 203,
nspaç: II 170, 172, 378, 397. Cf. nene- 204,207,221,253,261,264,303,305,
paa).lÉvoç et a1tE1.poç. 315,320, 330, 333, 343, 351, 363, 367,
niant; : Ill??, 178. 371,372,375,379,380,382,398,401,
nÂ.€OVEK'tÉro: 111407,414. 426,429,431,432,450,452,454-455.
nA~eOÇ: III 211, 220, 407, 408, 410. '"Ci ~v EtVUt (t6) : 1 30 III 207, 230, 256,
nOAAaxroç : III 210, 352, 358. 259, 263, 264, 265, 279, 280, 281, 282,
"pay~a: I 23, 24, 34 II 53, 56, 57, 59, 89, 283, 286, 289, 296, 297-298, 301, 304,
90,91,96,97,99,189 III 219, 310, 372, 305,310,313,320,324,343,350,351,
373,375,378,398,402,421. 353, 362, 364, 367, 368, 370, 371, 375,
"pa!;tç : II 134, 157 III 273, 322, 436. 378,379,382,386,391,394,399,425,
npEO~eia: II 108, 109. 431,454-455.
TABLE DES MATIÈRES

Liste des auteurs 1


Préface
par A. Motte 3

Note introductive: L'avoir et l'être. Pour une approche de l'oùcr(u


par P. Somville . 9

Chapitre I. Aperçu des emplois d'où"iu dans la littérature


antérieure à Platou
§ 1. Poètes, histodens, orateurs
par A. Motte 15
§2. Les philosophes préclassiques
par A. Motte 21
§3. La collection hippocratiqne
par B. Van Camp 35
§4. Bilan
par A. Motte 39

Chapitre II. Les emplois d'où"iu chez Platon


§ 1. De l'Hippias mineur au Protagoras
par G. Roskarn . 47
§2. Gorgias, Ménon
par A. Lefka . 61
§3. Phédon
par B. Collette-Ducié . 69
§4. Banquet
par P. Somville . 77
§5. Phèdre
par P. Somville . 79
§6. Cratyle
par G. Roskam . 85
492 TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES 493

§7. République §7. De l'âme


paf S. Delcomminette . lOI par R. Bodéüs 329
§8. Parménide §8. P arva naturalia
par C. Steel . 113 par P. De Leemans 335
§9. Théétète §9. Métaphysique A - Z 14
par S. Delcomminette . 131 paf Annick Stevens 343
§ 10. Sophiste §1O. Métaphysique Z 15 - N
par B. Collette-DnCié . 143 par Chf. Rutten. 385
§11. Politique § 11. Politique
par S. Delcomminette . 159 paf A. Lefk:a 405
§12. Philèbe § 12. Constitution d'Athènes
par G. Van Riel 165 par A. Lefk:a 417
§13. Timée, Critias §13. Éthiques
par P. d'Hoine . 175 par A. Lefk:a 423
§14. Lois, Épinomis § 14. Rhétorique
par G. Guldentops . 187 par A. Motte 439
§15. Dubia et spuria §15. Poétique
par G. Guldentops . 193 par P. Somville . 443
§ 16. Tableau récapitulatif des occurrences. Observations §16. Tableau récapitulatif des occurrences. Observations
par A. Motte 195 par M.-A. Gavray 445

Chapitre III. Les emplois d'où"ia chez Aristote Conclusions générales


par A. Stevens 449
§1. Organon
par D. Seron . 201 Bibliographie . 459
§2. Physique Index des occurrences d'où"ia 473
paf G. Fiasse 209
§3. Du ciel Index de mots grecs . 485
par A. Lefk:a . 229
§4. Météorologiques
par P. Somville . 235
§5. Génération et corruption
par B. Collette-Ducié . 239
§6. Génération des animaux, Marche des animaux, Mouvement
des animaux, Parties des animaux
par L. Bodson . 263

Sarviclo de Bibiiotecas
Aristote. Traductions et Études
Aristote et les problèmes de méthode, Communications présentées au
Symposium Aristotelicum tenu à Louvain du 24 août au 1er septembre 1960
(réimpression anastatique 1980), 1961, VTII-362 p,
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Lefèvre, C., Sur l'évolution d'Aristote en psychologie, Préface de
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Lories, D., Le sens commun et le jugement du Phronimos. Aristote et les
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