PRATIQUE MIXTE FORMATION

Nicolas Hénaff
Vétérinaire en productions avicoles à Quintin
(Côtes-d’Armor).
Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées
nationales des GTV, du 16 au 18 mai.

CONFÉRENCE

Impact du programme lumineux

sur les boiteries en élevage de dinde

N
icolas Hénaff a présenté, lors 1. PROGRAMMES LUMINEUX ET RÉPARTITION PAR SALLE
des journées nationales des POUR CHAQUE ESSAI
groupements techniques vété- SALLE 1RE 2E 3E 4E
rinaires 2018, les résultats de
Programme lumineux : 14D 17D 20D 23D
deux études canadiennes sur
> durée de luminosité 14 heures 17 heures 20 heures 23 heures
l’impact du programme lumi-
neux sur les boiteries dans les élevages > durée d’obscurité 10 heures 7 heures 4 heures 1 heure
de dindes. Pour ce faire, deux essais sur Nombre d’enclos 3 3 3 3 3 3 3 3
deux années consécutives ont été réalisés Sexe Mâle Femelle Mâle Femelle Mâle Femelle Mâle Femelle
au mois de novembre, sur 720 dindes et Nombre 20 30 20 30 20 30 20 30
480 dindons de souche lourde Nicholas.
Pour chaque essai, quatre groupes d’ani-
maux ont été constitués de manière aléa- noter que dans ces essais, la luminosité ral des animaux est observé par l’intermé-
toire et soumis à différents programmes est plus basse que celle rencontrée sur le diaire d’enregistrements vidéos réalisés à
lumineux (tableau 1) à partir de 10 jours terrain. 11 et 17 semaines d’âge pendant 24 heu-
d’âge. Tous les animaux suivaient pen- À 11 et 17 semaines, un score de démarche res. Enfin, le poids des animaux et leur
dant les 5 premiers jours de l’essai le pro- est déterminé, selon une grille développée consommation d’aliments, au cours du
gramme de 23 heures de luminosité et initialement pour les poulets mais adap- temps, sont également relevés.
1heure d’obscurité, la durée de lumino- tées aux dindes pour ces essais (tableau2).
sité étant par la suite progressivement De la même façon, un score de lésions po- La mobilité diminue avec
réduite pour atteindre le programme at- dales à 11 et 17 semaines d’âge est déter- la luminosité
tribué à chacun des groupes. De plus, l’in- miné par les auteurs. La présence de lé- À 11 semaines, les chercheurs ont ob-
tensité lumineuse a été diminuée au fur sions cutanées et d’ampoules du bréchet servé une augmentation linéaire des
et à mesure de l’essai : initialement de est également enregistrée. La pression scores de démarche avec la durée de lu-
40 lux, elle a diminué jusqu’à un mini- intra-oculaire à 9, 12, 15 et 18 semaines minosité. Les mâles présentant un plus
mum de 2 lux à partir de la 14e semaine d’âge, de trois mâles de chaque enclos est grand nombre de scores de démarches
pour l’essai 1 et de la 10e pour l’essai 2. À aussi déterminée. Le comportement géné- élevées (3 à 5) que les femelles. À 17 se-

2. SCORE DE DÉMARCHE (MOBILITÉ)

SCORE DE DÉMARCHE DEGRÉ DE DÉFICIENCE DESCRIPTION DÉTAILLÉE

0 Aucun. Jambes droites.

1 Détectable, mais impossible d’identifier Démarche instable (chancelant ou piétinement).

l’anomalie.

2 Anomalie identifiable qui a un impact léger sur La jambe responsable de la boiterie peut être identifiée en 20 secondes.
la démarche globale. Si une boiterie est identifiée en plus de 20 secondes, l’oiseau est classé
en score 1.

3 Anomalie identifiable qui altère la démarche L’oiseau s’écarte de l’observateur qui l’approche, le touche ou le pousse, mais
globale. il ne court pas et s’accroupit en moins de 15 secondes si l’observateur cesse
de l’approcher ou de le pousser.
Si l’oiseau s’accroupit en plus de 15 secondes, il est classé en score 2.

4 Anomalie sévère de la démarche, marche L’oiseau reste accroupi quand on l’approche ou le touche durant 5 secondes.
toujours possible. Il peut sembler se lever mais reste sur ses tarses ou se lève en plus de
5 secondes.
Si l’oiseau se lève en moins de 5 secondes, il est classé en score 3.

5 Boiterie complète. L’oiseau doit utiliser ses ailes pour s’équilibrer.

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© CLÉLIA MATÉO
maines, cette relation linéaire n’est ob-
servée que chez les mâles. Pour les lésions
podales et la pression intra-oculaire, les
essais n’ont pas montré de relation signi-
ficative avec la durée de luminosité. En
revanche, la proportion de lésions cuta-
nées a augmenté linéairement avec la
durée de luminosité. Une nette différence
entre les mâles et les femelles pour les
ampoules de bréchet est notée, les mâles
étant les plus atteints. De plus, l’analyse
statistique a révélé une corrélation posi-
tive entre les scores de démarche et la
présence de lésions cutanées ou d’am-
poules de bréchet à 11 semaines. À cet
âge, les chercheurs ont aussi observé une
augmentation linéaire du comportement
de repos avec la durée de luminosité, la
baisse de la période lumineuse provo-
quant plus d’activité avec plus de
marche, de comportement d’abreuve-
ment et de piquage environnemental.
PRATIQUE MIXTE FORMATION
Une luminosité excessive nuit
au bien-être
La mobilité est considérée comme un in-
dicateur majeur de bien-être chez les
dindes, et les essais montrent qu’elle est
fortement impactée par la durée de lu-
minosité, avec des scores de démarche
qui augmentent linéairement avec la
durée de luminosité, notamment chez
les dindons. De précédentes études
avaient montré que des scores de dé-
marche élevés chez le poulet étaient as-
sociés à de la douleur, ce qui est proba-
blement le cas aussi chez les dindes
dans ces études, selon les auteurs. De
plus, les différences observées entre
mâles et femelles pourraient être dues
à des changements de posture au cours
de la croissance de ces animaux. Pour
les chercheurs, les modifications de l’ac-
tivité des animaux en fonction de la
durée de luminosité montrent qu’avec
des programmes lumineux à forte durée
de luminosité, les dindes ne peuvent pas
exprimer leur comportement naturel.
Une plus longue luminosité entraîne da-
vantage de repos, avec un lissage des
plumes qui diminue chez le dindon, par
exemple. Ce repos, pour les auteurs, est
en réalité une fatigue des animaux en
lien avec une privation de sommeil. Au
contraire, la hausse de la durée de lumi-
nosité provoque notamment moins de
picage, un avantage pour l’éleveur
(moins de blessures et de pertes), mais
le reflet d’une perturbation de l’expres-
sion du comportement naturel de l’es-
pèce. Enfin, les données de productivité
montrent que jusqu’à 42 jours, plus les
animaux disposent de luminosité, plus
ils présentent un poids élevé. Mais au-
delà, le poids diminue avec l’augmenta-
tion de la durée de luminosité. Cette ten-
“durée
Une hausse de la
de luminosité
perturbe l’expression
du comportement
naturel. ”
dance est également observée pour la
quantité d’aliments consommée, tout
comme la mortalité. Ainsi, une plus
longue luminosité, en impactant néga-
tivement le bien-être des animaux, dé-
grade les performances. Actuellement,
il n’existe aucune réglementation euro-
péenne à ce sujet, chacune des organi-
sations de producteurs recommandant
des programmes lumineux. Pour le confé-
rencier, la réglementation risque d’évo-
luer prochainement en fixant une durée
minimale obligatoire d’obscurité en éle-
vage de dindes de chair, comme cela a été
fait pour les poulets de chair. •
TANIT HALFON
Sources :
- Vermette C., Schwean-Lardner K., Gomis S. et
coll. The impact of graded levels of day lenght on
turkey health and behavior to 18 weeks of age.
Poult. Sci. 2016;95(6):1223-1237,
www.bit.ly/2Jbuyuc.
- Vermette C., Schwean-Lardner K., Gomis S. et
coll. The impact of graded levels of day lenght on
turkey productivity to eighteen weeks of age.
Poult. Sci. 2016;95(5):985-996,
www.bit.ly/2xEVHEi.
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