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Pour une linguistique contrastive variationnelle : le conditionnel


épistémique d''emprunt' en français, en italien et en espagnol

Chapter · January 2014

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Hans Kronning
Uppsala University
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Pour une linguistique contrastive variationnelle :
le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en
italien et en espagnol

Hans Kronning
Université d’Uppsala

Abstract

This article aims at being a plea for variational contrastive lin-


guistics. That is why we study the Reportive Conditional (RC) in
French (Kadhafi serait RC malade ‘Gaddafi is reportedly sick’), Ita-
lian (Gheddafi sarebbe RC malato) and Spanish (Kadafi estarı́a RC
enfermo), analysing intralinguistic variation from a comparative
interlinguistic perspective and using both unidirectional transla-
tion corpora and comparable corpora. The RC seems to be se-
mantically and syntactically fairly equivalent in these languages,
whereas peninsular Spanish differs considerably from French, Ita-
lian and Latin American Spanish from a diaphasic point of view,
which as a result gives rise to a diatopic variation in Spanish. The
diaphasic properties of the RC in peninsular Spanish are partly
determined by a depreciative, purist and sometimes deontological
normative discourse. This purist discourse is sustained by suppo-
sed diachronic differences between Spanish and French. Clearly,
diaphasic, diatopic and diachronic aspects of variation are interde-
pendent in the case of the Spanish RC.

1 Introduction

Les pages qu’on va lire se veulent un plaidoyer pour une linguistique contrastive
variationnelle 1 . Cette linguistique, qui combine l’étude de la variation intra-
linguistique avec la comparaison interlinguistique, est trop rarement pratiquée
et n’a guère fait l’objet d’une théorisation.
1
Connaissant l’intérêt que la dédicataire de ces mélanges porte à la linguistique contras-
tive (p. ex. Hobæk Haff, 2013), nous sommes heureux de pouvoir lui rendre hommage en
traitant un sujet qui relève de ce domaine dans cette contribution.

67
68 Hans Kronning

1.1 La linguistique contrastive variationnelle

« Si l’on remonte aux origines de la linguistique variationnelle, le premier cher-


cheur généralement cité », à en croire Völker (2009 : 29), « est le Norvégien
Leiv Flydal »2 , professeur de philologie romane à l’Université d’Oslo entre
1963 et 1971, et partant, un des prédécesseurs de Marianne Hobæk Haff. La
linguistique variationnelle romane issue de Flydal3 est une tentative de ré-
soudre la tension entre le structuralisme saussurien et la dialectologie, d’une
part, et la stylistique, de l’autre. Dans une telle perspective variationnelle, une
« langue historique » est considérée comme un ensemble de variétés qui re-
présentent la diversité dans le temps (diachronie) et dans l’espace (diatopie),
ainsi que la diversité sociale (diastratie) et situationnelle (diaphasie) et celle
qui résulte du code – oral ou écrit – employé (diamésie). Ces variétés sont
régies par des (sous-)systèmes – et, dirions-nous, des (sous-)normes, au sens
non prescriptif de Coseriu (1952) – qui se recouvrent plus ou moins et qui
forment l’« architecture » (Flydal) ou le diasystème de la langue en question.
Que l’on ait recours aux corpus de traduction ou aux corpus compa-
rables (Johansson, 2007), on compare généralement, au sein de la linguistique
contrastive, les langues en essayant, autant que faire se peut, d’éliminer – par
l’établissement des corpus – ou de neutraliser – par l’interprétation des résul-
tats – toute variation, qu’elle procède de l’hétérogénéité diasystématique, de
la variation individuelle tributaire des auteurs et des traducteurs ou du pro-
cessus de traduction, lequel peut induire le « suremploi » ou le « sous-emploi »
d’une construction (Johansson, 2007 : 32) ou des effets qui ressortissent aux
« universaux de la traduction » (Laviosa, 2011). Cette homogénéisation se fait
dans le but légitime de rendre les langues examinées comparables.
Il arrive que les constructions4 (morphèmes, mots, syntagmes, phrases)
comparées aient des propriétés sémantiques et syntaxiques identiques ou simi-
laires dans les langues étudiées, mais que leurs fréquences varient d’une langue
à l’autre dans les corpus homogénéisés qui sont typiquement censés représen-
ter les langues « standard ». C’est dans ce cas de figure qu’il convient de faire
appel à la linguistique contrastive variationelle en constituant des corpus qui
rendent compte de la variation intralinguistique diasystématique dans chacune
des langues qui font l’objet de la comparaison interlinguistique afin d’établir si
et dans quelle mesure il est possible d’expliquer les divergences quantitatives
constatées entre les langues en termes variationnels.
2
Comme l’affirme Völker lui-même, une histoire de la linguistique variationnelle reste
à écrire. Il suffit de penser à Damourette et Pichon (1911-1940 § 33-38) pour citer des
linguistes qui avaient adopté, bien avant Flydal, une approche variationnelle du point de vue
tant théorique qu’empirique. Völker montre d’ailleurs que Flydal, contre toute attente, a été
inspiré de Hjelmslev.
3
Qu’il faut distinguer de la linguistique variationiste, branche de la sociolinguistique
américaine (Völker 2009 : 33).
4
Dans le sens des grammaires des constructions.
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 69

1.2 Le conditionnel épistémique d’« emprunt »


Afin d’illustrer ce que pourrait être une linguistique contrastive variation-
nelle, nous nous proposons d’étudier ici le conditionnel épistémique d’emprunt
(CEE), simple et composé, en français (1) et (4), en italien (2) et (5) et en
espagnol (3) et (6) en appliquant cette approche :

(1) Kadhafi serait malade avec besoin urgent de soins hors Libye. Manière
de sortir en sauvant la face ? Rumeur ? (Twitter, 17.08.2011)

(2) Il leader libico Muammar Gheddafi sarebbe malato


(agenzianova.com, 17.08.2011)
(3) Kadafi estarı́a enfermo y busca cobijo de Zuma / Estambul. El lı́der
libio Muamar Kadafi está muy enfermo y pretende viajar a Sudáfrica
para tratarse, según informó ayer el diario árabe “Al Sharq Al Awsat”
(territoriodigital.com, 18.08.2011)
(4) Berlusconi aurait songé à éliminer Kadhafi
(20minutes.com, 13.06.2013)

(5) Silvio Berlusconi, nel 2011, avrebbe chiesto al capo dei servizi segreti
Gianni De Gennaro di uccidere il Raı̀s Gheddafi.
(today.it, 13.06. 2013)
(6) Silvio Bersulsconi, de 76 años, habrı́a iniciado el año con una nueva
conquista, una guapa actriz colombiana [...] llamada Aurora Cossio y
44 más joven que Il Cavaliere. (LaVanguardia.com, 06.02.2012)

Traditionnellement, cet emploi est qualifié, entre autres, de « conditionnel


journalistique », de « condizionale di dissociazione » et de « condicional de
rumor ».
Comme nous avons essayé de le montrer ailleurs (Kronning, 2002, 2004,
2005, 2007a, 2009, 2012)5 , le CEE est un marqueur grammatical mixte qui
exprime à la fois la modalisation zéro – indiquant le refus du locuteur de
prendre en charge le contenu cognitif de son énoncé – et un type particulier
de la médiation épistémique (ou évidentialité)6 : l’emprunt à autrui de ce
contenu. Nous nous sommes notamment opposé à l’hypothèse selon laquelle
le CEE serait un marqueur modal qui exprimerait invariablement une attitude
épistémique dubitative (Lazard, 2001 : 214). Ce faisant, nous avons introduit
5
Pour l’étude contrastive du CEE français et des auxiliaires médiatifs (ska, lär, lär ska,
skulle) qui lui correspondent en suédois, voir Kronning 2007b et Sullet-Nylander 2013.
6
Pour ces notions, voir p. ex. Barbet et Saussure 2012, Desclés et Guentchéva 2013,
Kronning 2003 et Wachtmeister Bermúdez 2005.
70 Hans Kronning

la notion de domaine de médiation. Ce domaine ({...}), établi par le CEE, est


constitué par la séquence discursive qui transmet le contenu cognitif emprunté
à autrui et soumis à la modalisation zéro :

(7) Beaucoup d’idioties ont été écrites sur le film [« Wagner » de Tony
Palmer, 1983] depuis son achèvement. {Il durerait 9 heures ; 2 heures ;
5 heures}A−C . Tout cela [{...}A−C ] est faux. Le film fait exactement
7 heures 46 minutes. {Il aurait complètement explosé le budget}D et
{aurait été considéré comme une « perte fiscale » }E . {La chaı̂ne bri-
tannique ITV aurait refusé de le diffuser}F . {Les producteurs auraient
demandé à ce que le film soit brûlé}G . Seule cette dernière affirmation
[{...}G ] est vraie. (Wagner. TP-DVD157. 2011)

(8) C’est la rumeur du jour : selon des sources peu fiables, {Nicole Richie
serait de nouveau enceinte}. . . Sur quoi les sources se basent-elles pour
affirmer une telle nouvelle ! ? Eh bien, étant donné que madame s’habille
régulièrement en mou et qu’elle porte souvent des vêtements amples,
elles supposent qu’elle désire tout simplement cacher ses nouvelles ron-
deurs. . . Euh ! ? C’est un peu tiré par les cheveux. Les vêtements amples
sont à la mode. . . (hollywoodPQ.com, 07.04.2011)

Or, le locuteur peut donner à voir, à l’extérieur du domaine de médiation


du CEE, aussi bien une attitude non dubitative – « certitude » de la fausseté
(7a-7c, 7d-7f) ou de la vérité (7g) du contenu cognitif emprunté – qu’une
attitude plus ou moins dubitative (8) vis-à-vis de ce contenu, ce qui semble
infirmer l’hypothèse de Lazard.
Le CEE représente un cas de figure particulièrement propice à l’applica-
tion de l’approche contrastive variationnelle, car il semble en principe avoir les
mêmes propriétés sémantiques et syntaxiques dans les langues romanes trai-
tées ici7 , à la différence du conditionnel épistémico-inférentiel (CEI), dont les
conditions d’emploi divergent radicalement dans ces trois langues (Kronning,
2007a, Squartini, 2001, 2004)8 . Ainsi, cantonné en français dans les énoncés
accompagnés d’une intonation « mirative » de surprise (9a), le CEI est périmé
dans l’italien de nos jours, d’où la traduction sei affezionata en (9b), alors
qu’en espagnol, le CEI, nullement limité aux énoncés miratifs, n’est employé
que si le moment de référence est un moment « allocentrique » passé (t’ 0 )
(10), le CEI étant remplacé par le futur épistémico-inférentiel (souvent dit
« conjectural ») si le moment de référence est « nynégocentrique » (t 0 ) (9c) :
7
Ainsi qu’en catalan et en portugais (Kronning, 2007a, Squartini, 2004). Cet emploi du
conditionnel existe aussi en roumain (Halvorsen, 2012 : 230, Popescu, 2011).
8
En roumain, les marqueurs qui correspondent au CEI – le Prezumtivul (‘présomptif’)
– et au CEE – le Condiţional (‘conditionnel’) – sont morphologiquement distincts (Panǎ
Dindelegan, 2013 : 53-54, Popescu, 2011).
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 71

(9) a. Alors... c’est seulement pour l’argent que tu le vois. – Non... [...]
Pas seulement. La mère étonnée, [...], dit tout bas : – Tu te serais
attachée à lui... ? (Duras 1991 : Chine du Nord)9
b. «Ti sei affezionata a lui... ?» (Trad. it.)
c. –¿Te habrás encariñado con él... ? (Trad. esp.)

(10) Serı́an las diez de la mañana. Yo estaba recostado en un banco, frente


al rı́o Charles. (Borges 1975 : El libro de arena.)10

Autrement dit, le CEI espagnol peut être considéré comme la transposition


au passé du futur épistémique (Serán las diez de la mañana).
Si les propriétés sémantiques et syntaxiques du CEE en français, en italien
et en espagnol semblent donc en principe être les mêmes, nous tâcherons de
montrer dans ce qui va suivre (a) que l’espagnol se distingue du point de vue
diaphasique et diachronique du français et de l’italien, (b) que les proprié-
tés diaphasiques de l’espagnol résultent de discours normatifs qui s’appuient,
entre autres, sur les propriétés diachroniques du CEE dans cette langue et (c)
que l’espagnol est le lieu d’une variation diatopique – entre l’espagnol péninsu-
laire et l’espagnol latino-américain –, tributaire d’une variation diaphasique.

2 La variation diaphasique

Du point de vue théorique, nous considérons que la variation diaphasique, de


nature « situazionale o funzionale-contestuale » (Berruto, 1993 : 8), se définit
en fonction des genres discursifs, qui sont des « types de pratiques socio-
discursives » (Adam, 1999 : 83), régis par des « normes » (Coseriu, 1952),
situées entre « la langue » et « la parole »11 . Autrement dit, les genres discur-
sifs déterminent en grande partie aussi bien la variation diaphasique que les
propriétés diaphasiques des unités linguistiques.
Étant donné que le CEE est un phénomène relativement peu fréquent dans
nos trois langues romanes, nous nous bornerons ici aux hypergenres discursifs
– qu’il s’agisse du discours journalistique (§ 2.1)12 , du discours historique et
scientifique (§ 2.2) ou du discours littéraire de la fiction romanesque (§ 2.3.) –
avant de nous enquérir sur les discours normatifs (§ 2.4) auxquels est soumis
le CEE.

9
Duras, M. 1991. L’amant de la Chine du Nord. Folio, p. 207.
10
Borges, J. L.. 1975. El libro de arena. Folio bilingue, p. 16
11
Cf. Glessgen (2007 : 105) et surtout Rastier (2011).
12
Nos données quantitatives (§ 4.2) de cet hypergenre relèvent d’un sous-genre journalis-
tique « paratextuel », le titre, qui est particulièrement propice à l’étude du CEE (Kronning,
2004 : 69-71, 2013 : 221-222, Sullet-Nylander, 2005).
72 Hans Kronning

2.1 Le discours journalistique


Selon une idée reçue particulièrement tenace, le CEE serait, aussi bien en fran-
çais qu’en italien et en espagnol, restreint à un genre particulier : le discours
journalistique.
Ainsi, « presque exclusivement réservé au discours journalistique » en fran-
çais, « d’où la terminologie récurrente conditionnel journalistique employée
dans les grammaires »13 , le CEE, qualifié de condizionale giornalistico (Rocci,
2005 : 121), serait en italien employé « nella lingua dell’informazione gior-
nalistica » (Patota, 2006 : 116). De même, en espagnol, dénommé condicio-
nal periodı́stico 14 , le CEE serait « proprio del lenguaje periodı́stico » (Nueva
Gramática 2010, § 23.8.1f). En effet, le CEE serait même intrinsèquement lié
au discours journalistique, car, selon Petitta (2006 : 259), « è indubbia l’inci-
denza diafasica : mettere in discussione la propria fonte è un atteggiamento
tipicamente giornalistico », ce qui expliquerait également l’apparition préten-
dument tardive de ce type de conditionnel : « Le attestazioni [du CEE] sono
dunque », poursuit-elle, « inevitablemente legate al fenomeno di diffusione
della stampa periodica ».
Le CEE est certes caractéristique du discours journalistique (§ 4.2), mais
cet emploi du conditionnel n’est nullement « réservé », nous le verrons, à ce
genre de discours.

2.2 Le discours historique et scientifique


Le CEE est également typique du discours historique et scientifique dans les
trois langues, comme le souligne Serianni (1989 : 516) en affirmant qu’« il
‘condizionale di dissociazione’ si adopera spesso » en italien « anche in àmbiti
lontani dal giornalismo, per esempio nella trattatistica scientifica ». Il est en
effet facile d’attester le CEE dans ces genres discursifs – et ce, en français (11),
(12), (14a), en italien (13), (14b), (15) et en espagnol péninsulaire (14c), (16) et
latino-américain (17) –, qu’il s’agisse de la philosophie (11), de la psychologie
(12), de la linguistique (13), de l’histoire (14a)–(14c), de la médecine (15), de
la géologie (16) ou de l’ethnologie (17) :

(11) S e n s o r i u m a toujours été l’organe de la sensation. La glande


pinéale seroit, selon Descartes, le S e n s o r i u m dans le sens qu’on
rapporte de S c a p u l a.
(Leibniz 1715–1716 : Recueil des lettres)15

13
Évaluateur anonyme à propos du résumé d’une communication de l’auteur de ces lignes.
14
Cf. Vatrican 2010 : 83.
15
Gottfried Wilhelm Leibniz, Recueil des lettres entre Leibniz et Clarke, 1715–1716, in :
Got. Guil. Leibnitii Opera Philosophica Quae Exstant Latina Gallica Germanica Omnia,
Edita ... Joannes Eduardus Erdmann, Pars Altera, Berolini , 1839, p. 757.
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 73

(12) Comprenons qu’un accroissement de charges excitatives venues se


« distribuer » sur le système nerveux, serait, selon Freud, à l’origine
des troubles hystériques. (Decerf 1992 : Aux sources.)16

(13) Tale composizione inferenziale, afferma Kronning, è normalmente ri-


conducibile allo schema dell’entimema, il sillogismo retorico. Si tratta
quindi di un inferenza deduttiva la cui struttura è solo in parte mani-
festata linguisticamente. I contesti in cui compare il modale «devoir»
presenterebbero spesso una o più premesse, o delle trace che permet-
tano di recuperare queste premesse.
(Rocci 1997 : L’analisi )17

(14) a. L’opinion d’après laquelle Jean, fils de Zébédée, aurait écrit l’ou-
vrage, hypothèse que je n’ai jamais complètement admise, mais
pour laquelle, par moments, je montrais quelques faiblesses, est
ici écartée comme improbable.
(Renan 1867 : Vie de Jésus)18
b. L’opinione secondo la quale Giovanni, figlio di Zebedeo, avrebbe
scritto l’opera, ipotesi che non ho mai completamente accettato,
ma per la quale, a tratti, mostravo una certa propensione, è qui
scartata come improbabile.
(Trad. it. par A. Pasquali)
c. La opinión según la cual Juan, hijo de Zebedeo, habrı́a escrito
la obra, hipótesis que nunca he admitido completamente, pero
hacia la cual, en algunos momentos, he mostrado cierta debilidad,
queda aquı́ descartada como improbable.
(Trad. esp. par A. G. Tirado)

(15) Lo stesso Niemeyer ammette differenza fra la flogosi cruposa e la difte-


rica (P. 1a , cap. 11, § 1.), quantunque in ambedue i casi riconosca un
essudato di fibrina. La differenza sarebbe secondo esso solo in ciò,
che nel primo caso l’essudato si farebbe al di fuori, e nel secondo
s’infiltrerebbe nel tessuto stesso della membrana muccosa.
(Giornale critica 1864)19

16
Decerf, A. 1992. Aux sources du fonctionnement psychique. Les presses de l’Université
Laval, p. 10)
17
Rocci, A. 1997. Inferenza ed enunciazione nella semantica dei modali, L’analisi linguis-
tica e letteraria, 2, p. 538.
18
Renan, É. 186713 . Vie de Jésus. Préface. Paris : Folio 1974, p. 41.
19
Lo sperimentale. Giornale critica di medicina e chirurgia, Tomo XIII, Firenze 1864, p.
429, GL.
74 Hans Kronning

(16) Según dichos autores, el Sistema Central estarı́a constituido por una
penillanura finimiocena que queda desnivelada mediante una tectónica
de bloques (Mapa geológico de España 1991)20

(17) Esta escritura de naturaleza muy primitiva estarı́a, según nuestro autor,
emparentada con las pictografı́as de los Pieles Rojas, de los indios Cu-
nas de Panamá.
(Anales 1950)21

2.3 Le discours littéraire


Souvent, le CEE « è stato escluso » par linguistes et grammairiens, comme le
constate Petitta (2006 : 262), « dalla lingua letteraria ». Or, le CEE ne répugne
aucunement au discours littéraire, comme le montre le célèbre passage suivant
(18) de Proust qui contient trois occurrences (a.-c.) du CEE :

(18) « L’opinion semble prévaloir dans les cercles autorisés que, depuis hier,
dans le milieu de l’après-midi, la situation sans avoir bien entendu un
caractère alarmant pourrait être envisagée comme sérieuse et même,
par certains côtés, comme susceptible d’être considérée comme cri-
tique. M. le marquis de Norpois [a.] aurait eu plusieurs entretiens avec
le ministre de Prusse, afin d’examiner dans un esprit de fermeté et de
conciliation, et d’une façon tout à fait concrète, les différents motifs de
friction existants}, si l’on peut parler ainsi. [. . . ] Dernière heure : On
a appris avec satisfaction dans les cercles bien informés, qu’une légère
détente semble s’être produite dans les rapports franco-prussiens. On
[b.] attacherait une importance toute particulière au fait que M. de
Norpois [c.] aurait rencontré unter den Linden le ministre d’Angle-
terre avec qui il s’est entretenu une vingtaine de minutes. [...] » [...]
On a peut-être remarqué dans les pages précédentes que le « condi-
tionnel » était une des formes préférées de l’ambassadeur, dans la lit-
térature diplomatique. (« On [b.] attacherait une importance particu-
liere », pour « il paraı̂t qu’on attache une importance particulière ».)
(Proust 1925 : Albertine)22 23

20
Mapa geológico de España, Vol. 484, Servicio de Publicaciones, Ministerio de Industria
C.S.G., 1991 [Espagne].
21
Anales de arqueologı́a y etnologı́a,11-13, 1950, Universidad Nacional de Cuyo, p. 136
[Argentine].
22
Proust, M. Albertine disparue. 1925. Chap. III. Pléiade 1989, IV, p. 216-217
23
Exemple que nous avons longuement analysé ailleurs (Kronning, 2012 : 93-94, 2013 :
219-221). Cf. Wilmet (2010 : 325).
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 75

Ces occurrences du CEE sont systématiquement rendues par le condition-


nel par quatre traducteurs italiens du roman proustien :

(18a) avrebbe avuto 24 / avrebbe avuto 25 / avrebbe avuto 26 / avrebbe avuto 27


(18b) si attribuirebbe / si attribuirebbe / si attribuirebbe / si attribuirebbe
(18c) avrebbe incontrato / avrebbe incontrato / avrebbe incontrato / avrebbe
incontrato

En revanche, deux traducteurs vers l’espagnol évitent systématiquement


le conditionnel, alors qu’un traducteur hispanophone a systématiquement re-
cours à ce « tiroir » :

(18a’) parece haber mantenido 28 / Al parecer, el señor marqués ha cele-


brado 29 / habrı́a mantenido 30
(18b’) parece concederse / parece atribuirse / se le atribuirı́a
(18c’) se entrevistó al parecer / se haya reunido / se habrı́a encontrado

2.4 Les discours normatifs


Le CEE fait l’objet de discours normatifs en espagnol, repérables entre autres
dans les notes à propos du CEE que deux des traducteurs hispanophones –
Javier Albiñana et Carlos Manzano – ajoutent au passage cité de Proust (18).
Selon Albiñana, le CEE serait une « construcción imposible en castel-
lano »31 . Manifestement erroné du point de vue descriptif, cet énoncé doit
être interprété comme un jugement normatif.
Chez Manzano, le CEE donne lieu à un discours normatif explicitement
puriste : cet emploi du conditionnel est un gallicisme à éviter, bien que fréquent
dans le discours journalistique :

En la traducción [...] se ha substituido ese condicional (llamado ‘de


rumor’) por la expresión ‘al parecer, + indicativo’ para no cometer
un gravı́simo calco sintáctico del francés, pese a que en la actuali-
dad esté tan generalizado en el lenguaje de la prensa –a diferencı́a
24
Trad. it. par F. Fortini.
25
Trad. it. par M. T. Nessi Somaini.
26
Trad. it. par R. Stajano.
27
Trad. it. par G. Raboni.
28
Trad. esp. par J. Albiñana.
29
Trad. esp. par C. Manzano.
30
Trad. esp. par E. Canto.
31
Note du traducteur dans Proust, M. 1988. Albertine desaparecida. Traducción de Javier
Albiñana. Barcelona : Anagrama 1998, p. 188.
76 Hans Kronning

del de los hablantes comunes y corrientes y del de los escritores


[...]–, que ha acabado denominándoselo también ‘condicional per-
iodı́stico’32 .

Or, d’autres pensent, comme Seco (1998 : 350), que le CEE n’est employé
qu’« esporádicamente » dans le discours journalistique de l’espagnol péninsu-
laire, appréciation quantitative qui cadre bien avec le discours normatif puriste
et prétendument déontologique que l’on trouve dans le Libro de estilo de El
Paı́s :

Este uso del condicional de indicativo [le CEE] es francés. [...] Los
giros adecuados para sustituir el condicional francés pueden ser
éstos u otros parecidos [...] : ‘el ministro parece estar dispuesto...’ ;
‘según indicios, el obispo ha establecido...’ [...] El uso del condicio-
nal en ese tipo de frases queda terminantemente prohibido en el
periódico. Además de incorrecto gramaticalmente, resta credibili-
dad a la información33 .

Si nous estimons que ce discours n’est déontologique qu’en apparence, c’est


que les expressions de substitution (parece, según indicios) que conseille le
Libro de estilo ne fournissent pas non plus les sources exactes de l’information
transmise. Curieusement, la Nueva Gramática de la lengua española (2009,
§ 23.15m) nie explicitement, et manifestement à tort, l’existence même de ce
type de discours normatif puriste :

Algunos diarios hispanohablantes han optado por excluir este uso


particular del condicional de conjetura [le CEE] en sus libros de
estilo. No lo hacen, sin embargo, porque exista incorrección gra-
matical en dicha construcción, sino porque el rumor no debe ser
presentado como noticia.

En français, il existe également, à propos du CEE, un discours normatif


déontologique. Ainsi, les auteurs de Le Style du Monde (Paris 2002 : 55, apud
Sullet-Nylander, 2005) décrètent que « l’usage du conditionnel doit être ex-
ceptionnel et se justifier par la citation de nos sources ». Or, ce discours, qui
n’est guère suivi (§ 4.2), n’est pas seulement déontologique en apparence, étant
donné que le CEE est, selon Le Style du Monde, admissible s’il est justifié par
la citation des sources exactes de l’information.
32
Note du traducteur dans Proust, M. 2007. Albertine desaparecida. Traducción de Carlos
Manzano. Barcelona : Lumen, p. 243.
33
http ://estudiantes.elpais.com/libroestilo/apartado12 037.htm
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 77

3 La variation diatopique

Il est probable que le CEE est sujet à la variation diatopique en espagnol.


Ainsi, certains linguistes (Butt & Benjamin, 2000 : 217) estiment que le CEE
est surtout employé dans l’espagnol latino-américain. Le troisième traducteur
hispanophone du passage cité de Proust (18) avait, à la différence des deux pre-
miers, systématiquement rendu le CEE français par le conditionnel en espagnol
((18a’–18c’) habrı́a mantenido, se le atribuirı́a, se habrı́a encontrado). Aussi
s’avère-t-il que la traductrice en l’occurrence, Estela Canto, est Argentine et
écrit, selon un critique littéraire, Herbert E. Craig, « un español totalmente
normativo, pero de América »34 .

4 Le témoignage des corpus

Il est temps de faire appel à des données quantitatives fournies par un corpus
de traduction (§ 4.1) et par des corpus comparables (§ 4.2).

4.1 Corpus de traduction : discours littéraire


Notre corpus de traductions italiennes et espagnoles d’occurrences françaises
du CEE simple et composé relève du discours littéraire de la fiction roma-
nesque de Balzac à Ndiaye (Tableau 1).
Tab. 1 – Traduction du CEE source en français vers l’italien et vers l’espagnol
dans le discours littéraire.
Français Italien Espagnol
Auteur et titre de l’œuvre
CEE CEE CEE
source cible cible
Balzac, Le père Goriot, 1835 4 4 1
Zola, Nana, 1880 1 – –
Proust, Sodome et Gomorrhe II, 1922 4 4 2* Arg.
Proust, Albertine disparue, 1925 12 12 3* Arg.
Cohen, Belle du Seigneur, 1968 1 1 –
Perec, La vie mode d’emploi, 1978 7 4 –
Duras, L’amant de la Chine du Nord, 1991 2 – –
Houellebecq, La possibilité d’une ı̂le, 2005 1 1 1
Littell, Les bienveillantes, 2006 17 12 –
Ndiaye, Trois femmes puissantes, 2009 3 3 1
Total 52 41 8
% CEE 100 % 79 % 15 %
34
lanacion.com, 6.11.2005.
78 Hans Kronning

Ce corpus montre qu’en français le CEE, sans y être d’un emploi fréquent,
n’a rien d’insolite dans ce genre discursif et qu’en italien le CEE est réguliè-
rement traduit par le conditionnel. Il est vrai qu’on ne peut exclure qu’il y ait
« suremploi » sous l’influence du texte français original, mais rien n’indique
que cet emploi soit exceptionnel dans le discours littéraire italien.
Par contre, il ressort de ce corpus qu’en espagnol péninsulaire, le CEE est
exceptionnel dans le discours littéraire. Notre corpus ne nous fournit que cinq
occurrences du CEE traduites en espagnol latino-américain, mais elles sont
toutes rendues par un conditionnel.
La fiction romanesque a ceci de particulier que de nombreux autres genres
(journalistiques, historiques et scientifiques, conversationnels, etc.) peuvent y
être enchâssés sous le mode fictif. Aussi le CEE apparaı̂t-il, dans ce genre
discursif, tant sous la plume du narrateur (19a)–(19c) que dans la bouche
(20a)–(20c) ou sous la plume (18) des personnages :

(19) a. « Bien entendu », aurait dit M. Bergson à M. Boutroux, à en


croire le philosophe norvégien35 , « les hypnotiques pris de temps
en temps à doses modérées n’ont pas d’influence sur cette so-
lide mémoire de notre vie de tous les jours, si bien installée en
nous.[...] » (Proust, 1922 : Sodome)36
b. avrebbe detto (Trad. it. par G. Raboni)
c. habrı́a dicho (Trad. esp. par E. Canto, Argentine)
d. dijo, al parecer, (Trad. esp. par C. Manzano, Espagne)

(20) a. – [...] Eugène, reprit-elle à voix basse, elle y va pour dissiper


d’affreux soupçons. Vous ne savez pas les bruits qui courent sur
elle ? Nucingen est venu me dire ce matin qu’on en parlait hier
au Cercle sans se gêner. A quoi tient, mon Dieu ! l’honneur des
femmes et des familles ! Je me suis sentie attaquée, blessée dans
mon pauvre sœur. Selon certaines personnes monsieur de Trailles
aurait souscrit des lettres de change montant à cent mille francs,
presque toutes échues, et pour lesquelles il allait être poursuivi.
Dans cette extrémité, ma sœur aurait vendu ses diamants à un
juif
(Balzac 1835 : Goriot)37
b. avrebbe firmato – avrebbe venduto
(Trad. it. par C. De Marchi)
c. ha suscrito – habrı́a vendido (Trad. esp. par M. Gutiérrez)
35
Il s’agit en fait d’Algot Ruhe (1867-1944), traducteur suédois de Bergson (Pléiade III,
p. 1524).
36
Proust, M. 1922. Sodome et Gomorrhe II. Chap. III. Pléiade 1988, III, p. 373.
37
Balzac, H. de. 1835. Le Père Goriot. Édition de P.-G. Castex. Paris : Garnier 1963, p.
247.
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 79

Ainsi, le passage antérieurement cité de Proust (18) relève-t-il, dans l’uni-


vers fictionnel, du discours journalistique : c’est « un éditorial » rédigé par un
personnage du roman proustien, le marquis de Norpois. Il est d’autant plus
remarquable qu’un des traducteurs espagnols, Carlos Manzano, affirme – dans
la note qu’on vient de citer (§ 2.4) où il explique son refus d’avoir recours au
conditionnel pour traduire le CEE de Proust – que le CEE est « generalizado
en el lenguaje de la prensa » en espagnol.
À la lumière de nos données quantitatives, il nous semble loisible de conclure
que les effets diaphasiques du discours normatif puriste sont particulièrement
puissants et significatifs dans le discours littéraire de l’espagnol péninsulaire
et que, dans ce cas, le marquage diaphasique du CEE est déterminé diatopi-
quement.

4.2 Corpus comparables : discours journalistique


En réunissant des corpus comparables ressortissant au discours journalistique
et constitués des occurrences des formes conditionnelles (simples et composées)
serait, aurait, sarebbe, avrebbe et estarı́a, habrı́a dans les titres de presse (écrite
et/ou électronique) publiés par Google Actualités, Google News Italia et Google
Noticias pendant un mois en 2012, nous pouvons comparer la fréquence de
l’interprétation en CEE (+CEE ) de ces formes avec la fréquence de ces formes
dont l’interprétation ne relève pas de CEE (–CEE ) (Table 2).

Tab. 2 – Les formes serait, aurait, sarebbe, avrebbe et estarı́a/habrı́a relevant du CEE
(+CEE) par rapport à ces formes ne relevant pas du CEE (–CEE) dans des corpus
journalistiques comparables.
Serait, aurait ; sarebbe, avrebbe ; estarı́a, –CEE +CEE % +CEE
habrı́a /+PP/
Français Le Figaro, Le Monde, Libération, Le Pa- 22 43 66 %
risien, La Croix, Ouest-France, Le Progrès de Lyon, Le
Républicain lorrain
Italien Corriere della Sera, La Repubblica, La 19 10 34 %
Stampa, Il Tempo, Il Mondo, L’Osservatore Romano,
Il Gazzettino, Liberazione
Espagnol péninsulaire ABC, El Mundo, El 34 20 37 %
Paı́s, LaVanguardia, Diario Vasco, El Comercio, El
Economista, La Voz de Galicia, La Verdad
Espagnol latino-américan Cları́n (Arg.), 6 42 87 %
Cronista (Arg.), Diario Época (Arg.), El Mercurio
(Chi.), Diario de Yucatán (Mex.), La Crónica de hoy
(Mex.), El Universal (Col.), Noticias en linea (Ecu.),
LaRepública (Per.), ABC Color (Par.)
80 Hans Kronning

Il ressort de ces données, d’une part, que la variation diatopique entre


l’espagnol péninsulaire et l’espagnol latino-américain est particulièrement im-
portante dans le discours journalistique « paratextuel » des titres et, d’autre
part, que le taux des CEE de l’espagnol péninsulaire (37 %) se distingue peu
de celui de l’italien (34 %). Par conséquent, on ne peut affirmer, comme Seco
le fait (§ 2.4), que le CEE soit employé « esporádicamente » dans le discours
journalistique de l’Espagne.
Or, le discours journalistique péninsulaire est régi par des normes dia-
phasiques conflictuelles. Ainsi, dans un journal comme El Paı́s, soumis à une
norme prescriptive puriste (et prétendument déontologique), les occurrences
du CEE sont rares, mais non inexistantes (1 occ.), alors que dans d’autres
journaux, comme ABC (8 occ.), non soumis à – ou, ce qui revient au même,
non respectant – cette norme, le taux des CEE est nettement plus élevé.
Par contre, malgré le discours déontologique négatif du Monde vis-à-vis du
CEE (§ 2.4), l’emploi du CEE est fréquent (8 occ.) dans ce quotidien français.

5 Perspectives diachroniques

Le discours normatif puriste en Espagne à propos du CEE est-il étayé par des
différences diachroniques entre les trois langues ?
Traditionnellement, on considère que le CEE est un phénomène du XXe
siècle tant en français qu’en italien et en espagnol. Ainsi, en français, les
« exemples avec le conditionnel de reprise donnés par la littérature ne sont
jamais antérieurs au XXe siècle » (Dendale, 2010 : 307)38 . En italien, « no
indisputable example of reportive usage is documented in the 19th century »
(Squartini, 2001 : 325)39 . En espagnol, on ne trouve « nulle trace [du CEE]
avant la première moitié du XXe siècle » (Sarrazin, 2010 : 101).
Or, récemment, Dendale (2010 : 308) a pu reculer la datation de cet emploi
en français jusqu’en 1574. Voici deux attestations du CEE antérieures d’une
vingtaine d’années de celle de Dendale40 (21–22) :

(21) Luther [...] s’adressant à eux, monstre ce sien souhait par lequel il
desiroit vn tel decret estre fait par le Concile, n’estre digne de repre-
hensiõ, non plus que s’il se disoit souhaiter que par l’ordonnance du
38
Affirmation un peu trop catégorique, comme le montrent d’ailleurs Dendale et Coltier
(2012). Nous avions cité nous-même plusieurs exemples du XIXe siècle, provenant de Renan,
de Zola et du Figaro (Kronning, 2004, 2005).
39
Masini (1977) avait pourtant attesté le CEE en italien déjà au milieu du XIXe siècle.
Cf. Petitta (2006 : 258) : « Il condizionale di dissociazione come espressione di dato riportato
non sembra diffuso prima del XIX secolo ».
40
Damourette et Pichon (1911-1940, § 1846) citent des exemples « juridiques » de 1541
qui ressemblent à (22). Cf. Dendale et Coltier (2012). Dendale (communication personnelle)
dispose d’attestations encore plus précoces.
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 81

Concile il fust permis aux prestres de se marier. Ce qu’autrefois le


pape Pie second auroit dit & desiré. Parquoy on ne doit le blasmer
s’il souhaite le pareil.
(Sleidan 1561 : Histoire)41

(22) Septimò, le demandeur ayant quelque fois dit, que le defunct estoit
son debteur, & enquis là dessus, s’il auoit obligation ou recongnois-
sance par escrit auroit dit, que non. Octauò, ledit demandeur auoit
eu puissance de se faire payer, s’il eust esté deu aucune chose : car
il gouuernoit toutes les affaires du defunct. [...] Sur telz moyens ap-
parens, & prouuez il fut enquis en secret par aucuns de Messieurs, &
confessa le faux, dont il fut condamné à mille liures d’amende
(Papon 1556 : Recveil)42

On remarquera que, dans ces exemples, les occurrences du CEE ne sont pas
accompagnées d’un marqueur lexical de médiation (Selon X ) et que l’attitude
épistémique adoptée par le locuteur vis-à-vis du contenu cognitif emprunté
n’est pas dubitative. Ainsi, en concluant Parquoy on ne doit le [Luther] blasmer
s’il souhaite le pareil, le diplomate et historien luxembourgeois Jean Sleidan
(1506–1556) enchaı̂ne sur le procès médié a l’aide du CEE – que le pape Pie
second ait dit qu’il désirait qu’« il fust permis aux prestres de se marier »
– et, par là même, donne à voir son attitude non dubitative vis-à-vis de ce
procès. Peut-être le recours au CEE sert-il simplement, dans ce cas de figure,
à souligner l’objectivité du locuteur par la distanciation qu’il implique.
Qu’en est-il de l’italien et de l’espagnol ? Pour essayer d’apporter des élé-
ments de réponses à cette question, nous avons effectué des recherches systé-
matiques sur Google Livres (1500–1900), en relevant les formes sarebbe/saria,
avrebbe/avria et estarı́a, habrı́a en combinaison avec secondo/ según X 43 .
Pour l’italien, nous avons pu, nous semble-t-il, reculer la datation jusqu’en
1550 (Kronning, 2013, à paraı̂tre b). Les occurrences du CEE d’avant le XIXe
siècle que nous avons relevées ressortissent surtout au discours scientifique ou
historique. Ainsi, notre première attestation du CEE en italien se trouve sous
la plume du célèbre géographe Ramusio (1485–1557) (23) :

41
Iean Sleidan, Histoire entiere Deduite depuis le Deluge iusques au temps present,
Second liure, Chez Jean Crespin,1561.
42
Jehan Papon, Recveil d’arrestz notables des covrts sovveraines de France, A Lyon, Par
Jehan de Tovrnes, 1556, p. 239.
43
Il va de soi qu’une étude diachronique approfondie du CEE exigerait que toutes les
occurrences du conditionnel (de tous les verbes) soient prises en compte, y compris celles qui
ne sont pas accompagnées d’un marqueur lexical d’« emprunt » (secondo/según X ).
82 Hans Kronning

(23) Conciosia cosa che il paese intermedio fra il Nilo & il detto porto sia
largo da cento venti miglia, che saria secondo l’opiniõ di Strabone vna
distanza di sei in sette giornate.
(Ramusio 1550 : Navigationi )44

Rechercher les occurrences du conditionnel en combinaison avec les com-


pléments cadratifs en selon X, secondo X, et según X n’est pas un moyen
infaillible de repérer les CEE, car, dans ce contexte, le conditionnel peut éga-
lement relever de l’hypothétique (Kronning, 2013 : 225-226, Rossari, 2009).
Il semble, en outre, que le conditionnel en combinaison avec un complément
cadratif en secondo X ait également pu – comme c’est toujours possible en
espagnol cf (10) – être interprété comme la transposition, dans un contexte au
passé, du futur épistémico-inférentiel non miratif, dit « conjectural » (Adesso
saranno le quattro). Une telle transposition est attestée dans le DI au passé
jusqu’à Manzoni (Squartini, 2002). Or, dans (23), le conditionnel se trouve
dans un contexte au présent (sia), et le moment de référence de la média-
tion épistémique – l’emprunt du contenu cognitif à Strabon – semble être
nynégocentrique, l’opinion de celui-ci étant pertinent dans le hic et nunc du
locuteur-auteur (Ramusio).
Pour l’espagnol, nous n’avons pu, à l’aide de Google Livres, reculer la da-
tation qu’en 1848. Notre première attestation du CEE en espagnol se trouve,
en outre, dans la traduction espagnole d’un ouvrage scientifique français (24) :

(24) El peritoneo es una membrana serosa que sirve de cubierto á todos los
órganos abdominales. [...] Se divide [...] en dos hojas : 1.o, la parietal
[...] 2.o, la visceral [...]. La parietal es la mas simple ; [...] su grado
de espesor estarı́a, [segun Bichat, en correlacion con el de las paredes
abdominales. (Pétrequin 1848 : Tratado)45

Ajoutons que nous avons également pu attester le CEE dans des textes
espagnols originaux de la même époque (25) :

(25) El oso común que, según Zimmermann, estarı́a difundido por todo el
globo, no existe en América, y parece no haber dejado la Europa y el
Norte de Asia. (Torres Villegas 1857 : Cartografı́a)46
44
Giovanni Battista Ramusio, 1550, Primo volume delle navigationi e viaggi nel qval si
contiene la descrittione dell’Africa, Venetia : Gli Heredi di Lvcantonio Civnti, p. 400
45
Joseph Pierre Eleonor Pétrequin, 1848, Tratado de anatomı́a médico-quirúrgica y topo-
gráfica, Traducido al castellano por D. Aureliano Maestre de San Juan y D. Agustin Remirez
Mauri, Madrid : Roman Matute. p. 373.
46
Francisco Jorge Torres Villegas, 18572 , Cartografı́a hispano-cientı́fica ; ó sea, Los mapas
españoles ..., I, Madrid : Ramón Ballone, p. 250.
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 83

Or, en ayant recours à CORDE (Corpus diacrónico del español), nous


avons pu repérer une occurrence du conditionnel en combinaison avec según
X dans un contexte du passé qui remonte au XVIe siècle et qui relève proba-
blement du CEE :

(26) El infante de Mallorca por este tiempo estaba en Narbona para en-
trar por Rosellón y Cerdania con mucha gente, en que habrı́an –
según publicaban– mil bacinetes y otras compañı́as de gente de armas
(López 1562 : Anales)47

Cependant, l’emploi épistémico-inférentiel non miratif du conditionnel (le


CEI) – y compris en combinaison avec según X – est bien établi dès le XVIe
siècle en espagnol, alors que le CEE, est, à ce qu’il paraı̂t, même aujourd’hui,
relativement peu fréquent dans un contexte au passé (27) :

(27) Cansado de los rumores, la estrella de Glee, Cory Monteith ha decla-


rado recientemente que todo lo que dice la prensa acerca de su vida
romántica, es falsa. Monteith insistió en desmentir las noticias que
decı́an que estarı́a saliendo con la cantante Selena Gomez o incluso
con su compañera en Glee, Lea Michele. »
(www.netjoven.pe, 07.02.2011)

Vu la forte position du CEI espagnol dans les contextes du passé, on pour-


rait hésiter à considérer l’exemple (26) de l’historien Jerónimo Zurita y Castro
(1512-1580) comme totalement probant de l’interprétation d’« emprunt ».
En revanche, dans l’exemple (28a), où Charles Quint (1500-1558) en tant
qu’empereur du Saint-Empire romain germanique et roi d’Espagne défend la
doctrine catholique et s’insurge contre les idées de Luther, le conditionnel
épistémique, se trouvant dans un contexte présent, dénote sans nul doute la
médiation par « emprunt » (CEE) :

(28) a. Vosotros sabeis que Yo deciendo de los empereadores cristianı́si-


mos de la noble nación de Alemania, y de los reyes católicos de
España [...] Después de la muerte, por derecho natural y here-
ditario, nos han dejado las dichas santas observancias católicas,
para vivir y morir en ellas a su ejemplo. Las cuales, como ver-
dadero imitador de los dichos nuestros predecesores, habemos,
por la gracia de Dios, guardado hasta agora. Y a esta causa yo
estoy determinado de las guardar, según que mis predecesores
47
Jerónimo Zurita, Anales de la corona de Aragón. Primera parte, 1562, ed. Ángel Ca-
nellas López, Zaragoza : CSIC 1967, p. 633, CORDE.
84 Hans Kronning

y yo las habemos guardado hasta este tiempo ; especialmente lo


que ha sido ordenado por los dichos mis predecesores, ansı́ en
el Concilio de Canstancia como en otros. Las cuales son ciertas,
y gran vergüenza y afrenta nuestra que un solo fraile [Luther]
contra Dios, errado en su opinión, contra toda la cristiandad, ası́
del tiempo pasado de mil años ha, y más como del presente, nos
quiera pervertir y hacer conocer según su opinión que toda la di-
cha cristiandad serı́a y habrı́a estado todas horas en error. [. . . ]
Hecho en Bormes a 19 de abril en 1521. De mi mano. Yo el Rey.
(Prudencio de Sandoval 1604–1618 : Historia)48
b. toute ladite crestienité seroit et auroit tousjours esté en erreur
(Orig. fr.)49
c. tutta laditta christianità staria e saria sempre stata in errore
(Trad. ital.)50

Or, Charles Quint « rédigea [cette] déclaration contre Luther en langue


française, le 19 avril 1521 » et « sa publication fut prévue non seulement
en français mais aussi en latin, en italien, en allemand, en espagnol et en
néerlandais » (Braun, 2010 : 237). Par conséquent, cette exemple nous permet
en principe de reculer la datation du CEE tant en français (28b) et en italien
(28c) qu’en espagnol (28a) – à condition, toutefois, que l’historien Prudencio
de Sandoval (1552–1620) n’ait pas traduit lui-même la déclaration de Charles
Quint en espagnol – jusqu’au début du XVIe siècle.
Les données diachroniques semblent donc indiquer que l’apparition du CEE
remonte (au moins) au XVIe siècle tant en français et en italien qu’en espagnol.
Sans des dépouillements plus précis et plus exhaustifs, il n’est pas possible
de trancher la question de savoir si le CEE est, comme pourrait le suggérer
(28a–c), un gallicisme en italien et en espagnol – idée qui, on l’a vu, sous-tend
le discours normatif puriste en Espagne – ou si cet emploi du conditionnel
résulte d’une polygenèse romane.

6 Conclusion

Pour conclure, nous commencerons par résumer les résultats de notre étude
du CEE en les mettant en relation avec la nature particulière de la variation
48
Fray Prudencio de Sandoval, Historia de la vida y hechos del Emperador Carlos V,
1604-1618, Alicante, Universidad de Alicante, 2003, CORDE. L’exemple a été complété à
l’aide de différentes éditions consultées sur Googles Livres.
49
Cité par Escamilla, Michèle. 2007. Charles Quint : un Quichotte historique ? In Ruiz-
Galvez Priego, Estrella et Groult, Gilles (eds). Don Quijote de la Mancha dans la Manche.
Paris : L’Harmattan, p. 18.
50
Cité dans Martin Luther und die Reformationsbewegung in Deutschland vom Jahre
1520-1532 in Auszügen aus Marino Sanuto’s Diarien. Ansbach : C. Brug̈el, 1883, p. 18.
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 85

diaphasique (§ 6.1), pour ensuite présenter quelques considérations de portée


générale sur la linguistique contrastive variationnelle inspirées, d’une part,
de notre étude comparée du CEE dans les langues romanes et, d’autre part,
d’une étude contrastive récente par Marianne Hobæk Haff des constructions
conditionnelles en français et en norvégien (§ 6.2).

6.1 Le conditionnel épistémique d’emprunt


Nous avons essayé de montrer dans les pages qu’on vient de lire que l’idée
très répandue selon laquelle l’emploi du CEE est restreint au discours journa-
listique est erronée, même si le CEE est fréquent dans ce genre de discours.
En effet, surtout caractéristique des genres discursifs journalistique, historique
et scientifique, le CEE n’a rien d’exceptionnel dans le discours littéraire en
français, en italien et en espagnol latino-américain ; il est même attestable,
quoique rare, dans le discours conversationnel familier, du moins celui recréé
par écrivains et traducteurs (29)–(30), sans doute à cause de la « souplesse
du diaphasique » (Gadet, 2003), le diaphasique pouvant être (re)négocié en
discours par les interactants :

(29) a. – enfin [...] d’après ce qu’elle nen [sic] dit dans son cahier intime
il serait beau comme je sais pas quoi, son cahier que j’ai un peu
lu dedans c’est pas indiscrétion
(Cohen, A. 1968. Seigneur.)51
b. «[...] secondo quelle che dice lei nel suo quaderno intimo sarebbe
bello come chissacché, il quaderno che ho letto un tantino che
non è mica indiscrezione [...]» (Trad. it.)

(30) a. Elle a beaucoup d’amants, c’est de ça que vous vous souvenez...
– Je crois... [...] – Il y en a eu un, très jeune, il se serait tué pour
elle... je ne sais pas bien. (Duras 1991 : 40)
b. –Hubo uno, muy joven, se habrı́a matado por ella... no sé muy
bien. (Trad. esp.)

Associé en premier lieu, dans les variétés romanes qu’on vient de citer,
aux genres discursifs « sérieux »– journalistique, historique et scientifique –, le
CEE est, dans ces variétés, diaphasiquement orienté vers le haut, c’est-à-dire
vers les registres plutôt soutenus ou formels.
Il y a, en revanche, des normes diaphasiques conflictuelles en espagnol
péninsulaire, si bien que le CEE peut être « perçu »52 comme orienté dia-
phasiquement aussi bien vers le haut que vers le bas. Ainsi, dans une partie
51
Cohen, A. 1968. Belle du Seigneur. Paris : Gallimard, Folio, p. 643.
52
Cf. Moreno Fernández 2012.
86 Hans Kronning

de la presse péninsulaire et, de façon particulièrement puissante et significa-


tive, dans le discours littéraire péninsulaire, le CEE est soumis à un discours
normatif puriste qui considère le CEE comme un gallicisme à éviter, et par-
tant, comme diaphasiquement orienté vers le bas. Ce discours normatif n’est
pas étayé univoquement par les faits diachroniques, car l’apparition du CEE
semble remonter au XVIe siècle tant en français et en italien qu’en espagnol.

6.2 La linguistique contrastive variationnelle

À première vue, il peut sembler naturel que des constructions – comme le


CEE – existant dans toutes ou plusieurs langues d’une même famille linguis-
tique – en l’occurrence les langues romanes – et ayant les mêmes propriétés
sémantiques et syntaxiques soient un cas de figure non problématique pour
l’application de l’approche contrastive variationnelle.
Or, premièrement, rien ne garantit a priori que les constructions de même
origine étymologique53 de langues étroitement apparentées du point de vue
génétique aient les mêmes propriétés sémantiques et syntaxiques. Ainsi, pour
ne citer qu’un exemple éloquent, la périphrase va + Infinitif exprime, en
français, un « futur prospectif », alors qu’en catalan elle dénote un « passé
perfectif » (Solà et al., 2002, § 22.5.3).
Deuxièmement, même si le CEE a les mêmes propriétés sémantiques et
syntaxiques dans les langues étudiées ici, il s’inscrit dans trois systèmes linguis-
tiques sous la forme de trois marqueurs différents – dénommés Condition-
nel, Condizionale, Condicional respectivement –, lesquels n’occupent pas
exactement la même position dans ces systèmes, d’une part parce qu’ils n’ont
pas exactement la même structure polysémique – on a vu qu’ils n’expriment
pas tous le CEI, ou s’ils le font, ils ne le font pas sous les mêmes conditions
– et, d’autre part, parce que les marqueurs de ces systèmes qui entrent en re-
lation paradigmatique avec ces trois marqueurs « conditionnels » ne sont que
partiellement les mêmes.
L’étude de constructions ayant des propriétés sémantiques et syntaxiques
identiques ou similaires dans des langues génétiquement moins étroitement ap-
parentées que les langues romanes – ou même de telles constructions dans des
langues non génétiquement apparentées – constituent également un domaine
pertinent pour une linguistique contrastive variationnelle.
Ainsi, dans un article récent, Marianne Hobæk Haff (2013) compare deux
constructions conditionnelles similaires (A et B) qui dénotent la contrefac-

53
Le conditionnel de l’italien moderne (sarebbe) n’a d’ailleurs pas la même origine étymo-
logique que le conditionnel du français et de l’espagnol (Kronning, 2013 : 223). Begioni et
Rocchetti (2012) soutiennent que cette différence explique certaines divergences sémantiques
entre le conditionnel italien et français.
Le conditionnel épistémique d’« emprunt » en français, en italien et en espagnol 87

tualité54 dans une langue romane (le français) et une langue gérmanique (le
norvégien) :

A Si / Hvis Imparfait Indicatif, Conditionnel simple55

B Si / Hvis Plus-que-parfait Indicatif, Conditionnel composé56

Ce faisant, elle montre que, du point de vue quantitatif, le français préfère


la construction A quand le procès exprimé par la protase est simultané au
moment de l’énonciation, alors que le norvégien préfère la construction B dans
le même cas de figure.
Cette importante étude contrastive en appelle une autre, nous semble-t-
il, de type variationnel, d’autant plus qu’un certain nombre d’informateurs
français porte un jugement de nature diaphasique sur la construction B en
tant que « présent contrefactuel », laquelle serait, selon eux, « an example of
informal or colloquial French » (Hobæk Haff, 2013 : 63).
Contrairement au CEE dans les langues romanes étudiées, les deux construc-
tions contrefactuelles n’ont pas, du moins en français, exactement les mêmes
propriétés sémantiques (Caudal, 2011, Kronning, à paraı̂tre a)57 : la construc-
tion A « do[es] not express forclosure, as opposed to » la construction B (Cau-
dal, 2011 : 203). Autrement dit, la construction A (Si j’étais riche) présente,
contrairement à la construction B (Si j’avais été riche), la situation en cours
(‘ne pas être riche’) comme susceptible de changer.
Ce cas de figure, où il y aurait à la fois différence sémantique et varia-
tion diasystématique – en l’occurrence de nature diaphasique – entre deux
constructions, soulève une autre problématique de portée générale. La diffé-
rence sémantique entre les deux constructions en question s’est-elle estompée,
ou y a-t-il, au contraire, covariation entre cette différence sémantique et la
variation diasystématique, de telle façon qu’une des constructions et sa signi-
fication particulière n’est fréquente que dans une (ou certaines) variété(s) ?
C’est en fournissant des réponses à de telles questions que la linguistique
contrastive variationnelle peut non seulement apporter de nouvelles lumières
sur des différences quantitatives interlinguistiques souvent restées inexpliquées,
mais aussi contribuer à repérer des propriétés syntaxiques et sémantiques in-
tralinguistiques parfois passées inaperçues.
54
Que nombre de langues germaniques et romanes possèdent des constructions de type
A et B pour exprimer la contrefactualité n’a rien d’étonnant pour ceux qui pensent que ces
langues appartiennent à un Sprachbund européen, souvent appelé Standard Average European
(Heine et Kuteva, 2006 : 23-27).
55
L’imparfait de l’indicatif du français correspond en norvégien au prétérit et le condi-
tionnel simple du français correspond en norvégien à la périphrase ville + Infinitif.
56
Le conditionnel composé du français correspond en norvégien à la périphrase ville ha +
Participe passé.
57
Ce qu’observent également les informateurs de Hobæk Haff (2013 : 63).
88 Hans Kronning

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