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Université Jean Moulin Lyon 3

École doctorale : Droit


Faculté de Droit

L’infraction politique au XIXeme siècle 

(1814 – 1870)

Par Pascal ARBEY

Thèse de doctorat en Droit

Mention Histoire du droit des institutions et des faits sociaux

Sous la direction de Louis-Augustin BARRIERE

Présentée et soutenue publiquement le 7 novembre 2009 par

Composition du jury :
Louis Augustin BARRIERE, Professeur des universités, Université Lyon 3
Eric GASPARINI, Professeur des universités, Université Aix-Marseille 3
Eric DE MARI, Professeur des universités, Université Montpellier 1
André VARINARD, Professeur émérite, Université Lyon 3
[Avertissement]

L’université Jean Moulin Lyon III n’entend donner aucune approbation,


Ni improbation aux opinions émises dans les thèses :
Ces opinions sont considérées comme propres à leurs auteurs.
[Epigraphe]

« [Le pouvoir] meurt de faiblesse au milieu de ses forces,


comme Midas de faim au milieu de son or ».
François Guizot1.

1
F. Guizot, Des moyens de gouvernement et d’opposition, p. 128.
Remerciements

Je souhaite tout d’abord remercier Monsieur le Professeur Louis-Augustin Barrière qui m’a
dirigé tout au long de ce travail. Ses conseils, ses critiques ainsi que ses encouragements et sa
généreuse et patiente disponibilité m’ont prodigué un estimable soutien.
Je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance au personnel de la bibliothèque municipale de
Lyon et tout particulièrement à M. Hervé Faure pour leur disponibilité et leur amabilité.
J’adresse également mes remerciements au personnel du Tribunal de grande instance de
Bourgoin-Jallieu et plus spécialement à Mme Pétrequin, greffière en chef.
Je tiens aussi à exprimer toute ma reconnaissance au personnel de la bibliothèque de la
Chancellerie à Paris pour leur accueil et les privilèges qu’ils m’ont accordé à l’occasion de la
consultation de leur fond.
Je remercie enfin tous ceux qui tout au long de ces années de recherche m’ont apporté aide et
soutien moral. Un merci tout particulier à mon épouse, Gaëlle, pour sa précieuse aide de
relecture et les diverses corrections qu’elle m’a suggérées, ainsi que pour son fidèle et
ineffable soutien.
Puisse cette thèse faire honneur à la confiance et au temps que chacun m’a accordé.

A mes deux anges, Manon et Clément.
Introduction

« La Révolution française a fondé une société ; elle cherche encore son gouvernement2 ».
Quelques mots seulement suffisent à l’Académicien L. A. Prévost-Paradol pour qualifier
l’évolution politique, constitutionnelle et juridique de la société française durant la période du
XIXème siècle.
Bien que la France ait été dotée par la Révolution française de 1789 d’un régime « moderne »
selon les termes de J.-J. Chevallier3, par opposition à l’Ancien-Régime, en fondant et en
établissant une structure sociale et des principes inédits ; pour autant les Français n’ont de
cesse de rechercher la forme d’un gouvernement idéal et nul n’y parvient durablement.
Comme l’illustre le professeur Chevallier, le gouvernement n’est plus le même après la
Révolution française, mais à la différence de la société « issue de la Révolution » qui sera
définitivement acquise, le gouvernement « n’a pas trouvé, pendant la Révolution, son
assiette », pas plus qu’il ne la trouvera au XIX ème siècle. C’est dans ces conditions que cette
affirmation acquière toute sa signification : la France « cherche encore son gouvernement ».
Témoignent de cette recherche les nombreuses formes de gouvernement qui furent mises en
place à partir de 1789 et qui seront toutes vouées à l’échec. La France s’est dotée de
monarchies constitutionnelles, de républiques et d’empires, illustrant tour à tour des phases
libérales ou arbitraires, et malgré ces nombreuses tentatives, aucune constitution, aucune
forme de gouvernement ne semble viable et ne semble réunir l’unanimité des opinions.
Or, à compter du premier quart du XIXème siècle, les gouvernements tendent à prendre en
considération cette donnée. Assortissant leurs constitutions de dispositions à tendance
libérales par lesquelles ils convoitent un assentiment général, certains gouvernements vont
également modifier leurs législations pénales et révolutionner en partie le droit criminel
français.
Prenant acte de la courte période d’existence des gouvernements malgré la sévérité des lois
qui tendent à les protéger, les législateurs du XIX ème siècle repensent la question de la justice
politique4 selon une vision inédite.
2
L. A. Prévost-Paradol, La France nouvelle, 2ème édition, Paris, 1868, p. 296.
3
J.-J. Chevallier, Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789 à 1958, Dalloz, Paris,
2009, p. 6.
4
La justice politique est définie par R. Charvin, in Justice et politique, Paris, 2003, p. 3, comme « une justice
rendue à l’égard des actes ou des intentions portant le plus gravement atteinte soit à la structure socio-
économique, soit au régime politique ou au personnel politique de la communauté, par toutes les juridictions
Ayant pris conscience que loin d’assurer la protection et la continuité d’un gouvernement, la
sévérité des lois répressives en matière de justice politique constitue plutôt un obstacle et une
cause de déchéance des gouvernements, aussi les législateurs de la fin du premier quart du
XIXème élaborent-ils une politique criminelle plus conforme à l’évolution sociale, politique et
morale de la Nation.
C’est dans ce contexte que la notion de délit politique voit le jour. Influencée par les doctrines
humanistes des Lumières et par le poids que prend l’opinion publique au sein de la société, et
développée par la philosophie libérale du XIXème, la « théorie » du délit politique se substitue
à l’ancienne notion de justice politique dont les traits tendent à être de plus en plus contestés.
Or la difficulté est alors de définir une notion à la fois jeune et ancienne qu’aucune législation
ni aucune doctrine n’a jamais définie. C’est ainsi que va être débattue puis votée la loi du 8
octobre 1830 relative aux délits politiques.
« L’exacte désignation de tous les actes qui peuvent constituer un délit politique est
impossible5 ». Tel est le sentiment développé par le comte Siméon, rapporteur du projet de loi
d’octobre 1830 tendant à traduire dans la législation française la volonté déterminée par le 1°
de l’article 696 de la Charte du 14 août 1830, de soumettre tous les délits politiques à la
compétence du jury dans les délais les plus brefs.
Ce principe de la compétence du jury en matière d’infractions politiques bute néanmoins très
tôt sur un obstacle majeur. La notion d’infraction politique n’ayant encore jamais été définie,
ni par l’ancien droit, ni par le Code pénal de 1810, il devient alors indispensable de procéder à
une définition ou à défaut, de déterminer ce que l’on entendra par « délits politiques ».
Avant de définir et d’apprécier ce que peut être un délit politique, encore faut-il cerner le sens
d’un terme communément utilisé mais dont la signification profonde est encore source

quelles qu’elles soient, les justiciables étant soit les hommes du pouvoir, soit les citoyens qui se dressent contre
le pouvoir ».
5
Moniteur Universel, samedi 18 septembre 1830, n° 261, p. 1111.
6
Art. 69 : Il sera pourvu successivement par des lois séparées et dans le plus court délai possible aux objets qui
suivent :
1° L’application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques
2° La responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir ;
3° La réélection des députés promus à des fonctions publiques salariées ;
4° Le vote annuel du contingent de l'armée ;
5° L'organisation de la garde nationale, avec intervention des gardes nationaux dans le choix de leurs officiers ;
6° Des dispositions qui assurent d'une manière légale l'état des officiers de tout grade de terre et de mer ;
7° Des institutions départementales et municipales fondées sur un système électif ;
8° L'instruction publique et la liberté de l'enseignement ;
9° L'abolition du double vote et la fixation des conditions électorales et d'éligibilité.
d’incertitudes pour de nombreuses personnes aujourd’hui. Cette difficulté résulte du mot
« politique ».
Comme le développe le professeur Chevallier 7, le terme « politique » est communément
admis dans un sens étroit correspondant à l’idée « d’aménagement du gouvernement » ou
encore de celle des « rapports de gouvernement ». Or la politique représente bien plus que
cette simple conception qui peut être définie comme la « politique mineure ».
La politique dans son sens plus général et absolu, c’est-à-dire la « politique majeure », est
celle qui « préside à l’organisation générale de la Cité ». C’est en vertu de cette définition
que devra être entendu le délit politique, c’est-à-dire comme consistant en l’atteinte d’une
norme supérieure régissant l’organisation générale de la société8.
Par ailleurs la notion de « délit politique » est récente dans notre langage juridique en ce
qu’elle n’émerge qu’à partir du XIXème siècle, même si l’idée qui correspond à l’entendement
de ce type de délit est bien plus ancienne et remonte aux origines même de la formation des
États9.
Très tôt10 la Monarchie absolue d’Ancien Régime érige au rang de crime politique le crime de
lèse-majesté11. Les Lois Fondamentales d’Ancien Régime considèrent ce crime comme étant
d’une gravité sans égale dans la mesure où un tel crime vise à détruire le principe même de la
Monarchie et des Lois Fondamentales12.
Il faut attendre les réflexions et les doctrines développées par les publicistes et les philosophes
des Lumières pour voir apparaître en France et en Italie, les prémices d’une réflexion sur la
distinction entre crimes d’État ou publics et crimes privés.
L’un des premiers à consacrer une analyse approfondie sur cette distinction est G. Filangieri.
Dans son traité La science de la législation, G. Filangieri n’établit pas véritablement de

7
J.-J. Chevallier, op. cit., p. 1.
8
Cf. infra, Première partie, Titre II.
9
S. Strachounsky, De la détermination des délits à caractère politique, Montpellier, 1926, p. 17.
10
Selon J.-M. Carbasse (Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2ème édition, PUF, 2006, p. 328), il
semble que le recours à la notion de crime de lèse-majesté tende à se développer dès l’année 1207 au profit de la
Cour du roi, sous le règne de Philippe Auguste. Cette notion réapparait au XII ème siècle après plusieurs siècles
d’oubli, lorsque « les juristes découvrent dans le droit de Justinien le vieux crimen majestatis » et le mettent au
service des princes.
11
F. Desportes et F. Le Gunehec, Droit pénal général, 11ème édition, Economica, 2004, p. 97.
12
Alors même que la matérialité de l’acte est limitée ou inexistante ou que les conséquences peuvent être
minimes, la sanction et le châtiment sont le plus souvent d’une extrême cruauté. Voir à ce titre le supplice de
Damiens développé par M. Foucault, in. Surveiller et punir, 2002, pp. 9 à 12.
distinction entre délit privé et délit public 13 qui laisserait préfigurer une distinction entre délits
politiques et de droit commun14.
En revanche il procède à une répartition des délits selon différentes classes15. Il distingue à ce
titre dix classes de délits. Il y a les délits contre la divinité16, les délits contre le souverain17, les
délits contre l’ordre public18, les délits contre la confiance publique19, les délits contre le droit
des gens20, les délits contre l’ordre de la famille 21, les délits commis contre la personne du
citoyen22, les insultes à la dignité naturelle et civile de l’homme, les attentats contre l’honneur
de l’homme, et enfin les attentats contre la propriété.
Parmi ces délits et les peines qui leurs sont appliquées, il est en qui sont particulièrement
injustes et critiquables. Cela est notamment le cas de la lèse-majesté. Ayant élaboré un
développement très précis sur le contenu de ce type de crime au sein de la civilisation
romaine23, G. Filangieri considère qu’outre leur « impureté » originelle, les lois de lèse-

13
Notons par ailleurs que l’acception du terme « délit » est entendue de façon générique en ce qu’elle concerne
aussi bien les délits que les crimes.
14
Il se limite à définir comme délit publics, ceux que « la partie publique ou le magistrat qui représente la
société » peut poursuivre et qui ne doivent pas rester impunis et comme délits privés, ceux que « la partie
publique ne peut pas poursuivre » sans la plainte et la réquisition de la partie offensée, et qui peuvent être
pardonnés.
Cf. G. Filangieri, La science de la législation, Tome IV, Paris, 1799, pp. 241 et 242.
15
Ibid., pp. 245 à 249.
16
A la différence des autres classes de délits, les délits commis contre la divinité présentent la particularité de
constituer la violation des devoirs de l’homme et non des devoirs du citoyen. En conséquence, il convient de
distinguer certains délits religieux qui sont joints à un délit civil – tels que le parricide, le parjure, l’inceste et « le
mépris des réponses des augures » - auxquels cas la peine est légitimée par la violation du pacte social ; et les
autres délits, dits purement religieux – tels que l’adoration de cultes nouveaux ou étrangers, l’inobservation des
fêtes ou des rituels, l’athéisme… -, tous les faits pour lesquels le pacte social n’est pas altéré et qui ne doivent
recevoir l’application d’aucune peine. Cf. G. Filangieri, ibid. pp. 250 à 259.
17
Il s’agit ici de tous les attentats directement commis soit contre la constitution, soit contre le représentant de la
souveraineté. Il convient de préciser que G. Filangieri (ibid., Tome V, p. 34) définit comme le souverain, la
« personne morale qui exerce le pouvoir suprême », c’est-à-dire celle qui exerce le pouvoir législatif, aussi peut-
il s’agir du monarque dans une monarchie absolue ou du parlement dans une monarchie tempérée ou dans une
république.
En outre, l’adjectif « direct » présente une grande importance dans la mesure où son emploi permet d’exclure de
la catégorie de délits contre le souverain aussi bien les abus d’autorité de la part de fonctionnaires, que les faits
de désobéissance aux ordres du souverain et que les crimes de lèse-majesté.
18
Ce sont des délits qui troublent à la fois l’ordre général et l’intérêt commun. Il s’agit en l’espèce des délits
« contre la justice publique, la sûreté, la tranquillité, la conservation, le commerce, le fisc et l’ordre politique ».
Ainsi, les crimes de lèse-majesté relèvent de cette troisième catégorie en ce qu’ils nuisent indirectement à l’État
et à l’ordre politique, et qu’ils nuisent directement à la personne qui exerce la souveraineté.
19
Il s’agit là d’une catégorie bien particulière qui pourrait se rapprocher de la classe des délits contre l’ordre
public, mais que G. Filangieri érige en catégorie autonome. Ce choix est déterminé par l’idée selon laquelle il
s’agit de la violation des obligations que tout citoyen acquiert à sa naissance envers la société.
20
G. Filangieri entend comme délits contre le droit des gens, les délits qui résultent d’une violation des devoirs et
des obligations issus du « droit universel des nations » ou des « traités particuliers » conclus entre deux ou
plusieurs nations. On peut notamment y voir les actes criminels violant les règles du droit de la guerre.
21
Pour G. Filangieri, la famille constitue une « société » entre la cité et le citoyen. Cette société tient ses droits et
ses devoirs de l’ordre naturel et des lois civiles. Est ainsi considéré comme délit contre l’ordre de la famille,
toute violation de ses droits et devoirs. En l’espèce sont compris dans cette catégorie : le parricide, l’infanticide,
l’adultère, l’inceste, le rapt, etc.
22
Il s’agit des délits qui intéressent directement les individus en particulier.
23
Cf. G. Filangieri, op. cit., Tome V, pp. 3 à 7.
majesté ont été dénaturées par les Nations européennes au cours des siècles. Elles reposent sur
des « principes détestables » qui ont acquis un « nouveau degré d’atrocité en passant dans
nos monarchies modernes24 ».
En effet, selon ce conseiller d’État de Naples, les monarchies européennes disposent en
matière de lois de lèse-majesté25, des lois les « plus injustes » et les « plus barbares que n’en
produisit jamais à Rome la tyrannie au moment de sa naissance »
L’un des symboles les plus manifestes de la barbarie de la répression des justiciables de la
justice politique s’illustre à travers les condamnations prononcées à l’égard des auteurs de
crime de lèse-majesté au premier degré. L’exécution particulièrement sauvage et cruelle du
régicide Damiens26 constitue un des principaux témoignages.
Cet ancien soldat devenu domestique, était âgé de 42 ans lorsqu’il tenta d’assassiner, le 5
janvier 1757, le roi Louis XV. Arrêté immédiatement après sa tentative d’assassinat, sur ordre
du garde des sceaux Machaut d’Arnouville, il fut interrogé sous la torture afin de démasquer
un éventuel complot et de livrer ses présumés complices. Or les interrogatoires demeurèrent
vains et ne permirent de manifester l’existence d’aucun complot ni complice.
Le procès s’ouvrit le 12 février et s’acheva le 26 mars sur une condamnation particulièrement
rigoureuse. Outre la peine de mort prononcée, la sentence prévoyait la peine la plus cruelle du
droit d’Ancien Régime : le bûcher après l’écartèlement. La sentence fut exécutée le 28 mars
dans d’atroces conditions. Le supplice de Damiens dura de nombreuses heures et nécessita la
présence de seize assistants en plus du bourreau.
Outre cette barbarie, le crime de lèse-majesté constitue aussi une injustice. Cette injustice
résulte du fait que les lois de lèse-majesté menacent des peines les plus cruelles 27 les individus
24
Ibid., p. 13.
25
Cf. notamment J.-M. Carbasse, op. cit., p. 328. Selon ce professeur, en permettant de punir tout aussi
sévèrement la seule tentative que l’exécution du crime, en assimilant par une fiction juridique le non-
dénonciateur à l’auteur et en rejetant toute forme d’excuses ordinairement admises par le droit français, le crime
de lèse-majesté s’avère bien plus sévère et rigoureux qu’il ne l’était le droit romain.
26
Cf. P.-A. Merlin, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence, Tome IX, Paris, 1828, p. 772.
27
Cf. J. Domat, Supplément au droit public in. Les lois civiles dans leur ordre naturel, le droit public et legum
delectus, Livre III, Titre II, art. 6, p. 293. Pour ce publiciste français, ceux qui ont attenté à la vie du roi « sont
condamnés aux supplices les plus affreux. Après une amende honorable, on leur coupe le poing, on les tenaille
aux mamelles, aux bras, aux cuisses ; on jette du plomb, de l’huile, de la poix résine, de la cire et du souffre
fondus ensemble, sur les endroits où ils ont été tenaillés. Ensuite on fait tirer et démembrer leur corps à quatre
chevaux ; on brûle leurs membres, on les réduit en cendres, et on les jette au vent. Tous leurs biens sont
confisqués, même ceux qui sont situés dans les provinces où la confiscation n’a point lieu. Les maisons où ils
sont nés sont rasées, sans qu’il soit permis de bâtir dans la suite sur le même fonds ; leur père, leur mère et
leurs enfants sont bannis à perpétuité du royaume. On oblige ceux de leurs parents qui portent le même nom, de
le quitter ».
Il s’agit des huit éléments de la peine du régicide (J.-M. Carbasse, op. cit., pp. 328 et 329). Ces éléments sont
communément déployés contre les régicides. Ce sont : « 1/ l’amende honorable ; 2/ le poing coupé ; 3/ le
tenaillement aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes sur lesquels on jette du plomb fondu, de l’huile
bouillante, de la poix résine, de la cire et du soufre fondus ensemble ; 4/ l’écartèlement, les membres ramassés
jetés au feu pour être consumés ; 5/ la confiscation de tous les biens ; 6/ la démolition et le rasement de la
qui en seraient les auteurs, alors même que leur entreprise criminelle ne constituerait qu’une
tentative, ou alors même qu’aucun acte ne serait commis et que les individus seraient
confondus sur leur seule volonté de commettre un tel crime.
En outre, la condamnation pour crime de lèse-majesté présente une autre particularité en ce
qu’elle ne s’éteint pas avec la mort du condamné. Comme l’explique J.-M. Carbasse28, par une
exception très spécifique à ce type de crime, les auteurs de crimes de lèse-majesté peuvent
être « accusés et condamnés après leur mort, et la punition exécutée contre leur mémoire par
la suppression et anéantissement de leur nom et de leurs armes, confiscation de leurs biens,
rasement de leurs maisons et châteaux, et coupe de leurs bois ».
De même, la simple volonté est punissable. Ainsi pour G. Filangieri, « dans les cas de lèse-
majesté, la volonté de commettre le délit, quoiqu’elle ne soit suivie d’aucun acte, et qu’on la
manifeste lorsqu’elle n’existe plus, sera punissable, comme l’eut été le délit absolument
consommé29 ».
Or, malgré sa gravité, pour G. Filangieri30 un tel crime ne doit pas être considéré comme le
plus important. Au sommet de l’échelle des crimes de lèse-majesté réside la violation du pacte
social, c’est-à-dire celui qui rompt le lien social et par lequel « l’usurpation se joint au
meurtre ».
Autrement dit, il y a lieu de distinguer le crime commis contre la souveraineté et le régicide.
Le second attente à la vie d’un roi ou du chef d’une république mais le successeur dispose des
mêmes pouvoirs que son prédécesseur sans que la société n’en soit bouleversée, tandis que le
premier dissout l’organisation de la société, anéantit l’autorité législative et entraine une

maison avec défense d’y faire à l’avenir aucun bâtiment ; 7/ le bannissement à perpétuité des père, mère et
enfants du criminel ; 8/ enfin défense à ses frère et sœurs, oncles et autres parents de jamais porter son nom ».
P.-A. Merlin (op. cit., Tome IX, p. 771) témoigne également de la cruauté des peines applicables contre le
criminel convaincu de lèse-majesté au premier chef. Selon lui, à l’égard d’un tel criminel la peine consiste à être
« tenaillé vif avec des tenailles rouges » puis « d’être tiré à quatre chevaux ». Il rapporte à ce titre plusieurs
condamnations de personnes exécutées en vertu des lois de crimen majestatis, c’est ainsi que furent exécutés de
manière particulièrement horrible P. Barrière en 1593, J. Châtel en 1594 ou encore plus tard F. Ravaillac et R.-F.
Damiens.
28
J.-M. Carbasse, op. cit., p. 328.
Cf. également J. Domat, op. cit., Livre III, Titre II, art. 8, p. 293. Pour ce publiciste, les supplices doivent être si
grands et dissuasifs que la peine pour crime de lèse-majesté ne s’éteint pas, même avec la mort du criminel. On
fait alors le procès à son cadavre ou à sa mémoire, « on ordonne la confiscation de ses biens au profit du roi, et
on condamne sa postérité aux mêmes peines que s’il avait été convaincu pendant sa vie du crime de lèse-
majesté ».
29
G. Filangieri, op. cit., Tome V, p. 22.
Cf. également J. Domat, op. cit., art. 5, pp. 292 et 293. Selon lui, en matière de crimes de lèse-majesté, sont punis
non seulement « ceux qui les ont commis, mais encore ceux qui ont formé le dessein de les commettre ». Les
peines assorties à ce type de crimes s’étendent également à « ceux qui, ayant quelque connaissance des mauvais
desseins formés contre le roi et contre l’État, ne les ont pas révélés, quoiqu’ils n’aient point eu de part à ces
complots criminels ».
30
G. Filangieri, op. cit., Tome V, pp. 38 et 39.
véritable rupture avec l’ordre établi. Pour G. Filangieri un tel crime constitue le véritable
crime de lèse-majesté31.
G. Filangieri place la notion de pacte social comme donnée supérieure à toute autre, et dont la
violation constitue le crime de lèse-majesté par excellence. Dès lors sa doctrine est conforme
à l’esprit des Lumières en ce qu’elle ôte le pouvoir spirituel de la puissance temporelle d’une
part et qu’elle reconnait l’existence d’un pacte originaire par lequel les hommes sont associés
et organisés volontairement en société.
Or, si l’on considère l’opinion de J. Domat, on voit au contraire le lien très étroit entre le
pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Lorsqu’il définit la notion de crime de lèse-majesté,
ce publiciste réaffirme la conception d’Ancien Régime selon laquelle le roi est l’incarnation
de Dieu sur terre.
Selon lui32, « on appelle crime de lèse-majesté, tous les attentats contre la personne sacrée du
roi et contre l’État. Ces crimes sont les plus énormes de ceux qu’on puisse commettre contre
l’ordre de la société civile : ce sont des sacrilèges, parce que les souverains sont sur la terre
les images de Dieu même ».
En revanche on retrouve dans le Traité de la justice criminelle de D. Jousse33 une conception
inspirée d’une philosophie moins surannée à travers une distinction entre les délits publics et
les délits privés.
Les délits publics constituent une catégorie importante des crimes et des délits, ils
correspondent à ceux « qui troublent l’ordre et la sécurité publique, comme sont les crimes de
lèse-majesté divine ou humaine, l’hérésie, la fausse monnaie, le vol de grand chemin, le port
d’armes et les assemblées illicites, les meurtres et les assassinats, les empoisonnements, les
rébellions à justice, les blasphèmes et autres de cette nature, les injures graves avec voies de
fait et mauvais traitements commis dans un grand chemin ».
A coté du flou d’une telle définition laquelle englobe des crimes et délits variés, et ne permet
pas de véritablement discerner les crimes et délits privés des crimes et délits publics, D.
Jousse élabore une technique permettant de distinguer de manière plus rigoureuse les crimes
publics et les crimes privés34. Il s’agit de les distinguer par leur objet, selon qu’ils attaquent
« la majesté divine, le souverain ou les particuliers ».

31
Ibid., p. 36.
C’est d’ailleurs un tel crime qui sera entendu par les révolutionnaires comme constituant le crime de lèse-Nation.
32
J. Domat, op. cit., art. 1, p. 292.
33
D. Jousse, Traité de la justice criminelle en France, Tome I, Paris, 1771, p. 4.
34
Ibid., pp. 5 et 6.
La première catégorie concerne « les blasphèmes, les impiétés, l’athéisme et les autres crimes
de lèse-majesté divine »35.
La deuxième concerne le crime de lèse-majesté à proprement parler c’est-à-dire « les attentats
contre le prince et contre l’État, ceux qui attaquent le souverain et l’ordre du
Gouvernement ». La troisième catégorie s’étend à tous les autres crimes et délits, ceux qui
offensent les particuliers comme « les vols, les meurtres, l’adultère, les libelles
diffamatoires… ».
Bien que le terme d’infraction politique soit encore inexistant à la fin de l’Ancien Régime,
une telle distinction permet d’annoncer la distinction majeure qui séparera le crime de droit
commun du crime politique au XIXème siècle. Le critère de référence est alors l’État à travers
la personne et la fonction royale ainsi que le gouvernement du roi.
Or, la chute de la Monarchie absolue et l’avènement du libéralisme, prôné et érigé comme
valeur constitutionnelle par les révolutionnaires de 1789, n’atténuent en rien la rigueur
applicable à de telles infractions dans la mesure où, toujours sous couvert de protéger la
Monarchie constitutionnelle puis la République naissante, les crimes d’État se multiplient
dans le Code pénal de 179136 et seront perpétués dans le Code pénal de 1810.
Aussi voit-on se substituer au crime de lèse-majesté une notion inédite plus conforme à la
vision révolutionnaire de l’État ; le crime de lèse-Nation apparait alors dans le droit français.
Cette notion est rapidement dévoyée et adaptée à l’état de la situation politique et sociale du
pays, servant de fondement aux politiques répressives les plus sévères. Le crime de lèse-
Nation devient l’arme principale du salut public et un instrument juridique particulièrement
efficace pour lutter contre toute forme d’opposition.
Au mépris des Droits de l’Homme proclamés quatre ans plus tôt, la Convention élabore ainsi
tout un droit politique, confiant à des juridictions d’exception, tel que le Tribunal
révolutionnaire institué par un décret du 10 mars 179337, la compétence de juger et d’envoyer
à l’échafaud tout « suspect » ou autre « ennemi du peuple »38.

35
Il convient de noter que la lèse-majesté divine, notion héritée des sociétés les plus anciennes (Judée, Perse,
Inde, Chine, Rome…), rejetée un temps ou abandonnée définitivement par les romains et par les civilisations
hellénistiques, fut introduite très tôt en France, dès le Haut Moyen-âge, lorsque l’Église romaine favorisait le
pouvoir royal en proclamant que le roi détenait son pouvoir de Dieu. Cf. S. Strachounsky, op. cit., p. 33 ; cf.
P. A. Papadatos, Le délit politique, contribution à l’étude des crimes contre l’État, Genève, 1955, pp. 5 à 15 ; et
cf. notamment C. Lombroso et R. Laschi, Le crime politique et les révolutions, Tome II, 1892, pp. 213 à 226
36
Sur les 150 infractions prévues, 82 sont de nature politique.
37
Cf. annexe n° 1.
38
F. Desportes et F. Le Gunehec, op. cit., p. 97.
De même la loi dite « des suspects » du 17 septembre 179339 restaure pour les besoins de la
répression une forme de responsabilité familiale permettant d’étendre la responsabilité d’un
émigré à sa famille restée sur le territoire français, dès lors que ses membres n’ont pas
« constamment manifesté leur attachement à la Révolution ».
Cet état de nécessité politique est défini par F. Desportes et F. Le Gunehec dans leur traité de
Droit pénal général. Pour ces juristes, la Terreur établit une « justice expéditive, [une]
responsabilité présumée et collective, [une] peine de mort systématiquement encourue ».
C’est ainsi que sous la Terreur, la répression des infractions considérées comme politiques
atteint à son comble.
Or, en réaction au paroxysme répressif déployé sous la Convention, le XIXème siècle voit se
développer sous la plume de certains libéraux, une conception plus tempérée et raisonnée de
la justice politique.
Certains jugements reposent encore parfois sur des faits politiques ou sont considérés comme
des procès de régime40, mais c’est à cette époque que se produit une véritable rupture en
France. Tant dans la pensée politique que dans la pensée juridique, la justice politique
acquiert une acception nouvelle.
Si le criminel d’État est toujours entendu comme il l’était depuis l’antiquité, c’est-à-dire
comme un ennemi de l’État 41, son statut connait en revanche une évolution sans précédent à
travers laquelle du statut d’ennemi de l’État, le criminel d’État tend à être considéré comme
un penseur, un idéaliste ou un homme « de bonne compagnie42 ». Il est désormais entendu
comme un individu dont la perversité est moindre, sinon inexistante.
Plusieurs explications ont retenu notre attention au titre de cette évolution majeure de notre
droit. D’abord, il y a lieu de prendre en compte l’instabilité politique qui règne en France
depuis la Révolution de 1789, instabilité illustrée par la relativité du pouvoir fondé par les
constituants des divers régimes politiques, qui, bien que convaincus de détenir la constitution
idéale et de lui reconnaitre un caractère perpétuel, sont rapidement renversés et déchus.
Ensuite, par voie de conséquence, on assiste à un phénomène nouveau selon lequel les
adversaires du pouvoir sont considérés comme de véritables héros dès qu’ils parviennent à
conquérir le pouvoir, alors que la veille, ils étaient considérés comme les pires criminels par le

39
Cf. annexe n° 2.
40
Sont ainsi jugés et exécutés pour des raisons et des convenances purement politiques ou idéologiques le duc
d’Enghein sous le premier Empire et le maréchal Ney sous la Restauration.
41
Cf. à ce titre la thèse d’A. Mellor, Les conceptions du crime politique sous la République romaine, Paris, 1934,
pp. 24 et s.
42
Ibid., p. 1.
régime en place. Ce sentiment résulte de la nature même du conflit qu’ils ont entretenu avec le
pouvoir établi en ce qu’ils n’ont fait que remédier aux imperfections d’un système
institutionnel désuet ou critiquable en élaborant une nouvelle forme de régime.
Dès lors, partant de ces données, les libéraux du XIXème siècle élaborent une théorie consistant
à reconnaitre avec compassion et un certain respect, des individus qui n’ont été placés dans
l’illégalité que par leur infortune et non par leur perversité.
En effet, selon A. Homad Sultan43, c’est en 1822 qu’une théorie de la criminalité politique
commence à émerger dans la société française. La France n’est pas le seul pays à développer
cette théorie comme le rappelle L. Hugueney dans l’avant propos, d’autres nations comme la
Russie, l’Italie, la Belgique ou l’Allemagne affirment très tôt des théories sur cette forme de
criminalité.
Pour autant la France mérite d’être reconnue comme l’une des nations qui sont à l’origine de
cette réflexion et chez lesquelles la législation sera très rapidement adaptée dans la mesure où
cette doctrine reçoit en partie une application lors des gouvernements libéraux de la
Restauration et particulièrement sous le gouvernement de Juillet à partir des années 1830 et
sous le gouvernement de la deuxième République.
En dépit de certains regains de sévérités ponctuels expliqués par le gré de circonstances 44, il y
a lieu de constater que la période s’écoulant entre 1814 et les années 1870 est une période
généralement propice à cette doctrine.
Nous considérons que cette doctrine tend à disparaître avec la transformation du délit ou
crime à caractère politique, lorsque ces infractions ne sont plus l’apanage d’idéalistes luttant
pour l’établissement d’une forme de gouvernement plus convenable que la forme existante,
mais lorsque ces infractions deviennent l’œuvre d’individus luttant pour une destruction pure
et simple de tout système de gouvernement et plus généralement pour la destruction de
l’organisation générale de la société.
Dès lors, il ne s’agit plus d’une alternance entre partisans d’institutions monarchiques,
républicaines ou impériales, pas plus qu’il ne s’agit d’octroyer à la Nation des institutions que
l’on considère subjectivement comme meilleures ou mieux appropriées, mais il s’agit
43
A.-W. Homad Sultan, La répression de la criminalité politique en droit comparé, Paris, 1944, p. 35.
1822 est retenue comme date clé par A. Homad parce que c’est entre 1821 et 1822 que paraissent les ouvrages de
F. Guizot Des conspirations et de la justice politique et De la peine de mort en matière politique, ouvrages qui
au-delà de la seule conception libérale de leur auteur, témoignent « de la conscience et de la sensibilité de ses
contemporains ». Autrement dit, plus que l’idée d’un homme, c’est dans la sociologie des débuts des années
1820 que l’on peut trouver les prémices et l’annonce d’un changement décisif sur l’entendement de la criminalité
et de la délinquance politique.
44
Cf. J.-J. Lemouland, Les critères jurisprudentiels de l’infraction politique, RSC, 1988, pp. 17 et 20.
d’opérer une révolution jusque dans les fondements sociaux et moraux les plus solidement
enracinés depuis la Révolution française – fondements qui ont perdurés à travers une dizaine
de régimes politiques – pour détruire l’organisation générale de la Cité.
Le combat idéologique se déplace alors du terrain de la simple organisation institutionnelle du
pouvoir politique à l’annihilation et à une réorganisation générale de la société par l’utilisation
de moyens particulièrement violents. La coloration politique de ce nouveau type de
criminalité étant inexistante, aussi comprend-on que le caractère de délinquant ou de criminel
politique se perde pour intégrer cette forme de criminalité au droit commun.
De plus, il convient de noter que la plupart des infractions qui étaient considérées comme
politiques depuis le Code pénal de 1810 sont abrogées dans les années 1880 45. Ainsi, cette
donnée prise en considération, si l’on ajoute à cela l’abrogation en 1852 de la loi du 8 octobre
1830 qui déterminait les infractions à caractère politique, on voit combien le domaine de
l’infraction politique devient limité à partir des années 1870.
Par ailleurs, la doctrine de tolérance à l’égard des criminels d’État était fondée sur le postulat
à partir duquel l’agent avait agit dans le cadre d’une lutte régulière avec l’État, dirigée
exclusivement contre les intérêts de l’État sans présenter de véritable menace directe pour
l’ensemble des citoyens46.
Or, dans les années 1870 – 1880, les infractions politiques habituelles 47 évoluent vers la
violence48, c’est l’époque de la naissance des premiers attentats terroristes et des mouvements
anarchiques.
En outre, il convient de retenir comme élément justifiant le terme de cette étude à la fin du
second Empire que l’année 1871 et l’extrême violence engendrée et occasionnée lors de
l’avènement de la Commune de Paris, marquent un tournant décisif dans les « relations »
habituelles entre le pouvoir et le délinquant politique.

45
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 433. C’est notamment par l’extension de certaines libertés publiques telles que la
presse, de réunion ou d’association, que de nombreux délits politiques sont abrogés à compter des années 1880.
46
En atteste J.-J. Chevallier (op. cit., p. 168) pour qui c’est durant la période 1815 – 1870 que les « problèmes
constitutionnels et politiques au sens étroit apparaissent comme les principaux ». C’est au cours de cette période
que la France « continue à chercher une forme de gouvernement qui puisse lui assurer la stabilité politique ».
Dès lors s’impose le constat selon lequel le délinquant politique ne doit pas être jugé et condamné
démesurément. Ce délinquant acquiert cette particularité propre au XIX ème siècle au terme de laquelle il ne fait
que s’inscrire dans le cadre d’une lutte de partis, d’opinions ou de philosophies, dénuée de toute perversité.
47
Les séditions, les sociétés secrètes, les excitations à la haine ou au mépris du gouvernement, les offenses au
chef de l’État ou au gouvernement, les ports d’emblèmes, de signes de ralliement ou de décorations non
autorisées, etc.
48
La violence accrue à la fin du XIX ème siècle de certaines infractions habituellement considérées comme
politiques, entraine leur « éviction » de leur rang d’infraction politique. C’est ainsi qu’un certain nombre
d’infractions font l’objet d’une « dépolitisation marquée » pour retomber dans un régime de droit commun. Cf.
R. Koering-Joulin, Infraction politique et violence, La semaine juridique, 1982, n° 2 et s. Cf. également J.-J.
Lemouland, op. cit., p. 20.
Notons également qu’après la chute du second Empire et particulièrement à l’occasion de la
guerre de 1870, les velléités entre monarchistes et républicains tendent à se réduire. La
troisième République tend à acquérir une certaine stabilité, cette stabilité sera d’ailleurs
illustrée par la durée de vie du régime, qui encore aujourd’hui constitue l’un des régimes
politiques français des plus longs49.
Enfin, nous justifions les années 1870 comme terme de notre étude dans la mesure où c’est à
cette période qu’un nouveau mouvement pénal apparait. Ce mouvement est fondé sur une
appréciation différente de la peine des théories traditionnelles qui ont manifesté une certaine
inefficacité devant le taux croissant des récidives 50. Aussi voit-on se substituer aux Écoles
classique et néo-classique, le mouvement du positivisme pénal51.
En conséquence, la période 1814 – 1870 correspond à un moment exceptionnel durant lequel
bien que la France se soit dotée d’une constitution civile à travers les droits de l’homme et les
garanties fondamentales des individus, elle cherche encore son système de gouvernement
idéal.
Cette quête semble bien vaine en ce qu’aucun gouvernement ne parvient à y répondre. A
l’image de la monarchie absolue d’Ancien Régime, les gouvernements post-révolutionnaires
sont tous convaincus de leur légitimité et de leur perpétuité, et malgré ce sentiment aucun
d’entre eux ne parvient à durer.
Considérant que tout groupe social institutionnellement organisé dispose d’un droit naturel à
sa conservation, tous ces gouvernements font preuve de la plus grande rigueur à l’égard de
leurs adversaires. C’est d’ailleurs dans cette optique que sont rédigés les Codes pénaux de
1791 et 1810.
C’est à partir de 1830 qu’une conscience nouvelle émerge au sein de la pensée politique.
Progressivement les hommes d’État prennent conscience que le gouvernement idéal n’existe
pas52 et qu’aucun gouvernement ne peut prétendre à l’éternité. En conséquence, l’individu et
particulièrement le délinquant politique, ne doit plus se heurter aux rigueurs et à
l’intransigeance de l’État.
Or se pose une difficulté majeure au terme de laquelle les gouvernements ne parviennent
jamais à prendre totalement acte des progrès qu’ils entendent réaliser. Cette difficulté repose
49
Entre 1789 et 1870, la durée de vie moyenne d’un régime politique est de onze ans.
50
Cf. J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal…, pp. 448 à 450.
51
Les principaux tenants de ce mouvement inscrits dans la mouvance d’A. Comte, sont C. Lombroso, E. Ferri et
Garofalo.
52
A ce titre la Monarchie de Juillet semble être un bon compromis entre les différents intérêts. Elle satisfait les
orléanistes ainsi que les bonapartistes et les républicains conservateurs qui voient en ce régime « la meilleure des
républiques ».
sur la contradiction qui existe entre la nécessité de conservation du groupe social à travers son
gouvernement et la reconnaissance de la relativité des gouvernements à partir des années
1830.
Cette contradiction constitue l’obstacle le plus grand aux progrès qui pourraient être entrepris
et surtout elle témoigne de cette politique chancelante s’orientant tantôt vers des progrès
considérables en assortissant le statut du criminel politique d’un statut très favorable par
rapport au statut des criminels de droit commun, et tantôt vers une politique répressive très
sévère.
De cette problématique résulte deux aspects. D’une part, il y a lieu de voir que la période
1814 – 1870 correspond à une véritable « révolution » dans l’entendement que l’on porte au
criminel d’État.
Bien que la France ait été dotée par l’Empire d’un socle juridique solide à travers un Code
pénal promouvant la prédominance absolue de l’État sur l’individu, pour autant nous devons
constater l’existence d’une contradiction de principes entre ce socle juridique sur lequel
repose tout notre droit criminel de l’époque avec la haute influence philosophique et
humaniste transmise par les Lumières, ainsi que les doctrines pénales développées par C.
Beccaria et le mouvement général de modération de la sanction pénale.
Désormais deux discours coexistent dans la pensée politique française, l’un considérant l’État
comme norme supérieure à laquelle nul ne peut attenter sous peine d’être exposé aux pires
rigueurs de la loi, et l’autre considérant que chaque individu pris isolément bénéficie de droits
naturels que l’État doit assurer et sauvegarder et dont la violation légitimerait l’insurrection.
Aussi l’individu tend-il à être promu au sommet de cette échelle de valeur, ce qui annonce la
philosophie qui gouverne nos Codes actuels.
Dès lors il conviendra d’observer que le XIXème siècle représente une phase transitoire entre
l’ancienne conception de « crime d’État » ou de « justice politique » vers la notion plus
encadrée de crime ou « délit politique ». Partant du Code pénal de 1810 lequel demeure la
codification de référence en matière criminelle, il conviendra de relever l’aménagement
majeur opéré dans la législation pénale à travers la loi du 8 octobre 1830 (Première partie).
D’autre part il conviendra d’observer que la contradiction évoquée précédemment entre la
place de l’État et celle de l’individu, aura des conséquences dans la répression effectuée par la
politique criminelle et la justice pénale des gouvernements successifs. Partant de l’évolution
du crime d’État en notion d’infraction politique, il sera examiné l’adaptation légale et
réglementaire opérée par les régimes politiques du XIXème siècle.
Il s’agira notamment d’analyser les particularismes vers lesquels s’oriente la répression en
matière de criminalité politique en abordant la question de la nature des juridictions
compétentes ainsi que celle des théories juridiques en vertu desquelles les juridictions
assortissent leurs décisions.
Nous observerons comment et quelle manière la politique criminelle définie par le
gouvernement et adoptée par la jurisprudence s’oriente tantôt vers une certaine rigueur
lorsque la conjoncture est défavorable au pouvoir politique et tantôt vers la clémence, lorsque
la conjoncture est propice au gouvernement (Deuxième partie).
Première partie 
La place de l’infraction politique 
dans la législation du XIXème 
siècle : un aménagement pénal 
fondé sur une conception libérale 
de l’État

L’évolution de la notion et du régime de l’infraction politique au XIX ème siècle est déterminée
par de nombreux facteurs. Historiquement, cette évolution a pour cause les excès engendrés
par l’absolutisme sous l’Ancien Régime à travers les supplices infligés aux criminels d’État
ou encore les exécutions massives perpétrées au nom du salut public sous le régime de la
Convention.
Quelle que soit sa dénomination, la sauvegarde de l’État est une notion qui permet de
légitimer les peines les plus lourdes contre ceux qui osent attenter à l’État. La raison de cette
sévérité tient au fait que depuis les origines de la civilisation, l’organisation sociale des
individus en une entité supérieure constituant l’État est au somment de l’échelle des valeurs.
Or, avec la pensée libérale des philosophes des Lumières, l’homme en tant qu’individu
composant le tissu social, tend à être pris en considération. L’individu ne s’efface plus
derrière le groupe social, il n’est plus considéré comme exclusivement soumis à des devoirs
envers la société mais il est reconnu comme étant un être titulaire de droits et de devoirs.
En conséquence la société est soumise à des devoirs envers l’individu lesquels résident
particulièrement dans le respect et la protection de ses droits. Les droits de l’individu sont
pour l’essentiel ceux qui sont proclamés par les Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen53 tels que la liberté54, la propriété55 ou l’égalité devant la loi56.
Mais plus encore, la société doit garantir les droits politiques de l’individu à travers le respect
de la liberté d’opinion57, la liberté d’expression58 et particulièrement le principe de résistance à
l’oppression59.
Ce dernier principe constitue certainement le droit politique par excellence en ce qu’il permet
à l’individu dont les droits sont violés par le pouvoir politique, de le renverser en toute
légitimité. Dans la mesure où l’homme s’organise en société afin de préserver et conserver ses
droits naturels et imprescriptibles, dès lors que l’organisation politique viole ces droits,
l’homme dispose du droit le plus fondamental de résistance.
Cette place de l’individu par rapport à l’État constitue une révolution d’ordre juridique
rompant avec les conceptions héritées depuis l’antiquité. Or cette conception nouvelle est le
fruit d’une lente évolution qui a pour origine le XVIIIème siècle et notamment la philosophie
des Lumières.
C’est en vertu de cette conception libérale, humaniste voire philanthropique selon laquelle la
société doit rendre sa place à l’individu et garantir ses droits comme elle doit imposer le
respect de ses devoirs, que la conception philosophique du droit de punir évolue
considérablement. Cette philosophie produit un impact extraordinaire sur la pensée libérale du
XIXème siècle entrainant une réflexion tant sur la nature que sur la forme de la peine en général
et en particulier lorsqu’elle concerne la criminalité politique. Dans la continuité de cette
réflexion les penseurs et les hommes politiques du XIXème siècle viennent à développer tout un
discours sur l’abolition de la peine de mort en matière politique (Titre I).
Partant de cette conception libérale de la sanction, il convient d’observer si elle produit ou
non un impact dans la législation pénale du XIX ème. Autrement dit, il y a lieu de rechercher si

53
Cf. annexe n° 3.
54
Art. 4 : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels de
chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces
mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.
55
Art. 17 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
56
Art. 1er : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être
fondées que sur l’utilité commune.
57
Art. 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne
trouble pas l’ordre public établi par la Loi.
58
Art. 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme :
tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas
déterminés par la Loi.
59
Art. 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression.
l’arsenal législatif déployé en matière de criminalité politique tant dans le Code pénal de 1810
que dans la politique criminelle des gouvernements, illustre toujours l’idée d’une
prédominance de l’État sur les intérêts des individus.
A cette interrogation, il s’agira d’observer que le Code Pénal de 1810 et la législation pénale
de l’époque résulte des conceptions absolutiste, révolutionnaire puis impériale de l’État,
conceptions selon lesquelles l’État demeure la norme de référence supérieure à toute autre
valeur. Il conviendra de voir que l’État mérite une protection particulière supérieure aux droits
des individus. A ce titre, la loi du 8 octobre 1830 qui détermine les infractions politiques et les
soumets à la connaissance du jury, présente certes une prise en compte de l’individu mais très
limitée dans la mesure où elle ne place pas l’individu comme valeur supérieure (Titre II).

Titre premier ­ La réflexion libérale sur les 
concepts de crime d’État et de justice 
politique

L’influence de la philosophie des Lumières sur les mœurs françaises, puis sur la politique
suivie par les gouvernements successifs du XIX ème siècle, est une donnée incontestable.
Particulièrement en matière de droit de punir et du droit criminel en général, les Lumières ont
élaborés et développés des principes plaçant l’individu au centre des préoccupations morales
et philosophiques.
Depuis la proclamation des principes fondamentaux des Droits de l’Homme jusqu’à leur
reconnaissance constitutionnelle et à la reconnaissance pénale des principes de légalité, de
proportionnalité des peines et autres garanties pénales applicables aux justiciables ; chaque
gouvernement a contribué à sa manière, en fonction de sa philosophie et de sa nature, à
participer a leur application.
Dès 1791, la reconnaissance des principes et des garanties de droit pénal, tels que les
promouvait C. Beccaria60, est intégrée dans le droit français. Malgré quelques dérives
autoritaires de circonstance, l’enracinement de ces principes dans le droit criminel français est
indubitable.

60
C. Beccaria, Des délits et des peines, Paris, 1980.
Conformément à cette évolution générale du droit criminel, la notion de crime d’État réputée
pour être particulièrement sévère et rigoureuse, semble jouir à la fin du premier quart du
XIXème siècle, d’une acception nouvelle.
Certes l’État est toujours la norme supérieure à toute chose dont le Code criminel reconnait et
protège l’existence. Mais eu égard à la réflexion libérale sur la place de l’individu dans la
société et le droit, on voit apparaitre une sorte de concurrence à travers laquelle l’individu doit
jouir de droits et garanties que l’État doit respecter et assurer.
Deux données méritent d’être évoquées en ce qu’elles permettent d’expliquer l’évolution que
va subir la notion de justice politique au cours du XIXème siècle. A travers elles sont illustrées
à la fois les raisons de l’évolution de l’entendement du crime ou du délit à caractère politique
et l’orientation vers la clémence vers laquelle les gouvernements vont faire incliner l’ancienne
notion de justice politique.
La première donnée est issue de l’évolution des principes des Lumières. Désormais se pose la
question du sort du justiciable de la justice criminelle, de ses droits et garanties pénales, ainsi
que de la nature des crimes pour lesquels il est poursuivi.
Cette réflexion de l’école classique au XVIII ème siècle présente un intérêt cardinal dans la
mesure où elle va annoncer des changements majeurs dans la politique criminelle de la France
du XIXème. Cette réflexion va permettre à terme de faire naître un véritable mouvement de
clémence en faveur du criminel politique (chapitre I).
La seconde donnée concerne la manifestation d’un mouvement plus spécifique portant sur la
question de la peine capitale en matière politique. Dans la continuité de l’école classique qui
considérait les droits et garanties pénales de l’individu comme constituant une créance que ce
dernier avait sur l’État, il devient alors nécessaire pour une partie de l’opinion publique et de
la classe politique, d’assortir le statut juridique du criminel politique d’une garantie nouvelle.
Selon ce mouvement apparu dans les années 1820, il convient de poser la question de la
nature de l’acte commis par le criminel d’État et des conséquences pénales que peut et doit
engendrer un tel acte. Parce que la perversité d’un crime d’État est moindre que celle qui
résulte d’un crime de droit commun et parce que le criminel politique s’inscrit dans le cadre
d’une lutte de principes, de valeurs et d’idées, le vouer à la mort semble constituer un excès
de plus arbitraires (Chapitre II).
Chapitre 1 ­ L’influence libérale de l’École classique : les 
prodromes d’une réflexion sociologique et morale sur 
la justice politique

Se limiter à constater un adoucissement de la justice politique dans le droit et dans les mœurs
du XIXème siècle sans discerner les éléments ayant favorisé cette évolution, serait une lourde
insuffisance.
A l’instar de toute règle de droit ou de toute règle morale, une telle entreprise resterait bien
vaine si l’évolution d’une règle ou d’une situation ne se limitait, pour le juriste ou l’historien,
qu’à l’approche d’une fin sans en étudier ses causes.
Aussi convient-il nécessairement de relever les éléments qui témoignent de l’amélioration
progressive du sort du justiciable, du sort du délinquant politique et plus généralement de
l’infraction à caractère politique au cours du XIXème siècle.
Aux origines de la notion d’infraction politique telle qu’elle apparait au XIXème siècle, se
situent tout un débat et toute une réflexion sur la nature de la peine criminelle. Parce que
l’individu est définit comme un être doté des droits et non plus comme un être exclusivement
soumis à des devoirs, il devient alors nécessaire de modifier son statut pénal.
Sans placer l’individu au dessus de l’État, cette réflexion présente néanmoins l’intérêt de
rejeter une conception surannée de la justice et placer l’individu à une place un plus équitable.
Cette réflexion qui constitue l’apanage de l’École classique sera évoquée dans un premier
temps. Aussi abordera-t-on la doctrine libérale développée par l’École classique (Section I).
Par ailleurs, il sera intéressant d’observer que cette théorie n’est pas restée vaine, en ce qu’elle
a produit dans la pratique un certain impact. Malgré la sévérité résiduelle du droit criminel du
XIXème siècle, grâce à la réflexion développée par l’École classique puis l’École néo-classique
sur le droit de punir, le régime répressif français tend à s’améliorer (Section II).

Section I – L’influence libérale de l’École classique sur la justice pénale 
du XIXème siècle

Le professeur P. Rossi définit positivement et négativement le droit de punir. Positivement on


l’entend comme le droit de repousser ou de réparer le mal par le mal ; négativement, c’est le
droit d’assujettir à un mal correspondant l’auteur d’un mal injuste lorsque ce même mal serait
accompli et absolument irréparable, alors même qu’il n’y aurait plus rien de menaçant de la
part du malfaiteur.
Cette définition doit être entendue restrictivement dans la mesure où elle constitue
l’émanation exclusive de la justice humaine et légale et qu’elle ne consiste pas en l’exercice
d’une vengeance privée. Autrement dit, il s’agit du « pouvoir qu’exerce la société61 ».
En dépit d’une certaine continuité remontant à de temps immémoriaux, faisant application
d’une opinion très rigoureuse, arbitraire et inégalitaire de la peine (§ I), il faut attendre le
XVIIIème siècle pour que des penseurs à travers toute l’Europe, élaborent une réflexion sur ce
sujet.
L’apport de ces hommes qui ne sont pourtant pas forcément des juristes, sur une haute
question de politique criminelle des États et de doctrine pénale, contribue à creuser avec plus
de netteté le fossé qui émerge entre l’arbitraire répressif et un certain philanthropisme. C’est
dans ces conditions qu’éclot et se développe le courant libéral (§ II).

§ I – L’évolution du droit de punir

Au fil des époques, les fondements du droit de punir la criminalité n’ont cessé d’évoluer. Pour
les Grecs et les Romains, le fondement du droit de punir, réside originairement dans l’idée de
vengeance. La peine apparaît d’abord comme le moyen d’assouvir le cœur de la victime et de
lui procurer un certain plaisir en laissant à sa disposition la personne du criminel.
Il s’agit alors d’un « moyen de rendre à l’offensé son honneur perdu […] en infligeant à son
offenseur un outrage qui l’humilie62 ». C’est également, selon J. Ortolan63, l’usage d’une
passion. Cette passion se manifeste par le désir ineffable de « rendre avec usure à l’offenseur
le mal » qu’il a réalisé. Ainsi la vengeance est-elle une passion « active », traduisant un
instinct naturel, qui ne s’apaise qu’une fois satisfaite.
Assez rapidement on s’aperçoit que la place importante laissée à l’idée de vengeance est
insuffisante, d’abord parce qu’elle ne se suffit pas d’un point de vue moral à apaiser le mal
subit, ensuite parce qu’elle est injustifiée d’un point de vue philosophique et juridique, et
enfin parce que la Cité ne prend aucune sinon qu’une part très réduite dans la punition du
coupable.
Aussi voit-on s’opérer un glissement de cette notion de vengeance privée ou de réaction
individuelle vers la société des hommes. La vengeance devient publique. Elle est alors
61
F. Hélie, Œuvres complètes de Pellegrino Rossi, 1872, p. 99-100.
62
J. Pradel, Histoire des doctrines pénales, p. 8.
63
J. Ortolan, Éléments de droit pénal, Tome II, 5ème édition, 1886, p. 81 et 86.
l’apanage d’un roi ou d’un seigneur, qui la prononce soit en son nom, soit au nom d’une
collectivité de personnes. C’est ainsi, alors même que la peine demeure cruelle et souvent
atroce, que la première évolution du droit de punir s’opère. L’élément social se fait entrevoir
et se substitue à l’individu64.
Outre cet instinct naturel de vengeance, et alors que la civilisation avance dans la voie de la
raison, un fondement plus rationnel apparaît : celui de la rétribution. Avec cette notion, la
prise en compte de la faute se déplace de la victime à l’existence même du délit.
Certes la victime est toujours prise en compte, mais la peine prend avant tout en considération
la faute de l’agent et ses conséquences. Dès lors, convient-il de compenser le délit par un
« autre mal65 » au moins semblable à celui causé par le criminel 66. La peine est en général
identique au crime. Ainsi voit-on s’appliquer le système de la loi du Talion.
Ce fondement permet une avancée certaine par rapport au système de la vengeance. Ce
progrès, pour J. Pradel67 est réel, dans la mesure où le criminel n’est plus « écrasé et
humilié », mais il est désormais tenu à subir « un mal égal » à celui qu’il a infligé.
D’une part, le système de rétribution permet à la Cité de compenser moralement le dommage
subit par la victime, à travers l’idée d’une vengeance légale et « institutionnalisée », tout en
conservant la main mise sur l’exécution du châtiment. La jonction est alors établie entre
l’individualité et la société, la première étant reconnue publiquement et vengée, la seconde
étant prééminente par son rôle de juge souverain et en tant que conciliatrice des intérêts en
cause du fait de sa fonction d’arbitre.
D’autre part, ce système qui s’inscrit dans la théorie dite « de la réparation68 » est le corollaire
du lien entre l’individu et la société. Il permet à cette dernière d’être, à l’instar de la victime,
créancière de certains droits. Selon cette théorie, si le délit porte préjudice à la victime, il
porte également atteinte à la société dans son ensemble. Dès lors, celle-ci dispose
légitimement d’un droit à réparation. Il s’agit alors d’une extension, du bénéfice de la théorie
de la réparation au profit d’une victime seule, à celui de la société dans son ensemble.

64
J. Ortolan, ibid., p. 83.
65
J. Pradel, op. cit., p. 9.
66
Nous entendons par le terme « criminel » un sens générique, plus large que le sens purement juridique qui
entendrait l’auteur d’un crime. Aussi entendons-nous ici par « criminel », aussi bien l’auteur d’un délit que
l’auteur d’un crime.
67
J. Pradel, op. cit., p. 10.
68
J. Ortolan, op. cit., p. 83-84. Cette théorie de la réparation est celle qui est contenue dans l’art. 1382 du Code
civil. J. Ortolan la définit comme « le fait d’avoir occasionné par sa faute, contrairement au droit, un préjudice
à quelqu’un. Ce fait est une cause d’obligation. Ce fait nous oblige à réparer le préjudice par nous causé ».
Puis, l’évolution du fondement du droit de punir aboutit par la suite à une autre idée, celle de
la paix sociale. Pour J. Pradel, cette paix recouvre deux sens.
D’abord il s’agit de l’amendement du coupable. L'exégèse de ce concept est attribuée à
Platon. Pour ce philosophe, considéré par certains auteurs 69 comme le « devancier » de la
réflexion pénale, il existe un paradoxe entre la légitimité et la « beauté » de la loi pénale en ce
qu’elle défend la vie sociale à travers la protection des individus et des biens ; et la « laideur »
de la loi, en ce qu’elle inflige à travers le châtiment qu’elle prononce, une « souffrance » à
l’égard du coupable70.
Ce concept vise à déplacer la peine de ses fonctions expiatoires en ce qui concerne la victime
et rétributives pour ce qui est du délit, vers la personne même du criminel. Autrement dit, en
prenant en compte la personne du criminel, la peine aura un double objectif alternatif.
Tantôt elle sera de nature « neutralisante71 » en visant l’extinction ou l’amoindrissement des
tendances perverses criminelles. Il s’agit de l’application de l’idée développée par
Platon selon laquelle, « quelque injustice, petite ou grande, que quelqu’un ait commise, la loi
l’amènera, par enseignement et par contrainte, soit à ne plus jamais la commettre à l’avenir,
soit à la commettre beaucoup moins souvent72 ».
Tantôt la peine consistera en un traitement « positif » du criminel. Le criminel étant comparé à
un malade et la peine à un remède, cette dernière est d’une certaine manière une panacée
éducative ou rééducative permettant au criminel de se socialiser ou de se resocialiser. En dépit
du caractère encore sévère de certaines peines à caractère complémentariste à l’amende et à
l’emprisonnement, le dessein de la peine constitue in fine la « réinsertion » sociale du criminel
et non plus seulement une rédemption.
Le second aspect de la paix sociale est selon J. Pradel, relatif à la protection de la société.
Selon cette conception, la peine doit servir de manière analogue à la société et aux personnes
qui la composent. Elle doit servir d’une part en tant que moyen « préventif », et d’autre part
comme moyen de préservation.

69
Alfred Bertauld, Cours de Code pénal et leçons de législation criminelle, 1864, p.603.
70
On peut d’ores et déjà voir les prémices de la théorie développée par le mouvement de la défense sociale. Ce
mouvement inscrit dans la lignée de l’École positiviste – aussi appelée École anthropologique et sociologique -
fait son apparition à la fin du XIX ème siècle et se développe tout au long du XX ème siècle. Le mouvement de la
défense sociale s’oppose à la peine et préconise une politique répressive tendant à l’amendement. Mais surtout, à
la différence de l’École classique dans laquelle aucune individualisation n’intervient dans le sens que l’auteur
d’un crime « n’a d’autre réalité que celle manifestée par son acte criminel », l’École positive tend au contraire à
aborder la politique criminelle en se fondant sur des données scientifiques, c’est-à-dire en tenant compte de
facteurs qui ont participé à l’élaboration de l’acte criminel ou qui ont réduit le libre-arbitre de l’auteur. Cf. sur
ces questions, l’ouvrage de M. Ancel, La défense sociale, 1989 ; ainsi que R. Charvin, op. cit., p. 427.
71
J. Pradel, op. cit., p. 12.
72
Platon, « Les lois », chap. IX, p. 862.
L’aspect « préventif » correspond au souci de prévenir la réalisation d’un crime par un des
membres de la société. Il s’agit donc d’élaborer des peines suffisamment rigoureuses pour
imprimer dans l’inconscient collectif une répugnance à commettre le crime, par la crainte de
la peine.
La peine exerce alors une « fonction d’intimidation collective73 ». On parle alors
d’exemplarité. Pour Platon, le châtiment « doit servir d’exemple aux autres pour que ceux-ci,
par crainte de la peine qu’ils voient subir au criminel, s’améliorent eux-mêmes ».
Platon ajoute ainsi un autre élément que l’on peut rapprocher du caractère « positif » de la
peine : l’idée de traitement. Toutefois il s’agit ici d’un « traitement » que l’on peut qualifier
de « a priori » parce qu’il est antérieur à la réalisation du crime et donc véritablement
préventif, tandis que le premier que l’on peut entendre comme « a posteriori » ne vise la
« rééducation » du criminel que lorsque le mal a été commis.
L’aspect de préservation74 correspond au deuxième moyen de la paix sociale et s’entend d’une
mesure plus extrême. Il s’agit dans ce cas, alors qu’aucun remède ne peut être porté à la
dangerosité du criminel, d’effectuer une démarche plus expéditive par l’élimination.
Cette peine est le paroxysme de la rigueur dans l’échelle des peines en ce qu’elle consiste en
l’extinction de la menace par la suppression physique pure et simple du criminel. Ce caractère
extrême motive une application exceptionnelle. Aussi, ne doit-elle concerner que des
criminels considérés comme « incurables ».
Notons que la rigueur de la peine est légitimée par le seul droit de conservation et qu’elle peut
en conséquence atteindre certains extrêmes. C’est particulièrement en matière de justice
politique que cet argument sera employé par les gouvernements et les juridictions75.
Toutefois, malgré le degré de gravité de la peine, celle-ci n’est pas exclusive mais alternative.
En effet, pour les sociétés antiques, la peine de mort reste une option, l’exil étant une peine
tout aussi rigoureuse pour le criminel qu’elle est utile pour la société. Ainsi, les moyens mis
en œuvre sont indifférents dans une certaine mesure, entre la mort et l’exil. La fin, en tant
qu’exclusion du criminel de la communauté, semble prévaloir sur les moyens76.
L’évolution suivante du fondement du droit de punir est initiée par les penseurs chrétiens.
S’inspirant à la fois du droit antique et du droit canonique, la peine acquiert un caractère
inédit. Par les enseignements bibliques et la théologie, la notion de vengeance est très tôt
73
Platon, op. cit., p. 862.
74
D’autres auteurs parlent de droit de conservation ou de légitime défense sociale. Cf. J. Ortolan, op. cit., p. 84.
75
Cf. infra, Chapitre 2.
76
J. Pradel, op. cit., p.12.
exclue. En revanche, pour ces penseurs, l’État se voit reconnaître la possibilité d’appliquer
tous types de peines et ainsi de remédier à la justice privée 77. Cette conception de la justice
emprunte alors au droit antique l’idée de rétribution.
Néanmoins, la similitude avec les systèmes antiques s’arrête à cette seule notion de
rétribution. Dès le Moyen-âge, sous l’influence de Saint Thomas d’Aquin, un nouveau
concept est pris en compte : celui de péché.
Le péché est identifié à la volonté et, du fait de ce caractère subjectif, il engage la
responsabilité de son auteur. L’idée est la suivante : le mauvais usage de la liberté entraîne
une punition méritée et de nature à lutter efficacement contre le crime78.
Même si des raisons exogènes peuvent être prises en considération afin de graduer la
responsabilité morale, telles que des influences sociales ainsi que des raisons endogènes
comme la démence ou l’absence de discernement chez le jeune enfant 79, le péché est une
conséquence du libre arbitre de l’homme et le rend donc débiteur d’une peine.
Il y a selon J. Pradel, une « coïncidence entre responsabilité morale [dérivant du péché] et
responsabilité pénale [dérivant du délit] 80 ». On peut y voir une dualité de faute, l’une
spirituelle, l’autre temporelle, entraînant toutes deux l’application d’une justice rétributive et à
dessein d’exemplarité. Cet enchevêtrement de l’aspect religieux et de la justice humaine bien
que combattu par certains monarques81, demeure néanmoins profondément ancré dans la
tradition française jusqu’au siècle des Lumières.
En effet, ces conceptions vont progressivement disparaître ou être repensées de manière plus
rationnelle à partir du XVIIIème siècle avec les philosophes des Lumières. Ceux-ci forment
alors un nouveau mouvement de pensée qui va se développer sur une période de plus de cent
cinquante ans : l’École classique.

§ II - Naissance et développement de l’École


classique : vers une justice plus pragmatique
et humaniste

77
Ibid., p. 13.
78
Ibid., p. 40.
79
C’est ainsi qu’en novembre 1591, un jeune novice carme âgé seulement de 12 ans fut condamné à mort, pour
avoir dit, en tenant un couteau, qu’il pourrait bien être un jour un autre Jacques Clément (ce dernier était un
moine dominicain auteur de l’assassinat du roi Henri III). Cf. P.-A. Merlin, op. cit., Tome IX, p. 773.
80
J. Pradel, op. cit., pp. 14 et 15.
81
Comme Philippe IV le Bel, puis plus tard Louis XIV.
La période qui va marquer indéniablement l’histoire du droit de punir par une « révolution »
philosophique et juridique, est le XIXème siècle. Cette « révolution » consiste en la
manifestation à travers le droit pénal, d’une volonté de soulager le sort du criminel d’une
rigueur exacerbée de la loi pénale82.
Durant cette période encore troublée politiquement, la pensée libérale a pour dessein de
modérer la nature des peines et leur destination, sans établir un régime d’immunité ou
d’impunité.
C’est également à cette époque que se manifeste un mouvement de philanthropie. Cette notion
héritée de l’humanisme des Lumières est employée généreusement à partir de 1830, tant par
des juristes que par des hommes politiques, et contribue à l’évolution du droit pénal et à
l’avènement d’un régime plus clément.
Historiquement, ce sont des philosophes tels que Montesquieu, J. Locke, ou encore C.
Beccaria83, qui permettent de faire évoluer les fondements du droit de punir et des doctrines
pénales en général. (A).
Ils sont les précurseurs d’un mouvement apparaissant entre la fin du XVIIIème siècle et le
début du XIXème. Ce mouvement change dans sa composition, car il n’est plus le propre de
philosophes stricto sensu, mais il est composé d’auteurs majoritairement juristes, lesquels
vont fonder une pensée libérale plus humaine et rationnelle que celle imprégnant le droit
positif (B).

A-/ L’École classique des Lumières

On savait l’influence considérable des Lumières en ce qui concerne la réflexion politique et


philosophique. Or, il est un aspect bien souvent occulté, et qui présente ici un intérêt
essentiel : celui de la pensée pénale.
Cet aspect juridique mérite d’être pris en considération dans la mesure où il illustre un
mouvement de pensée en rupture avec la rigueur de la loi pénale. Ce mouvement permettra à
l’École néo-classique d’influencer la politique criminelle française au XIX ème siècle, dans un
sens d’indulgence, tant pour le criminel de droit commun que pour le criminel politique.

82
Il y a là une véritable rupture avec le passé et le droit d’Ancien Régime dont les fonctions étaient
fondamentalement expiatrices et exemplaires. La cadre juridique fixé sous l’Ancien Régime établissait en effet
comme finalités à la sanction pénale des fonctions expiatoires, compensatrices et dissuasives.
Cf. A.-S. Chavent, La proportionnalité et le droit pénal, th. Lyon, 2002, pp. 59 et 60. Selon cette juriste, la peine
sous l’Ancien Régime est conçue comme « la contrepartie du délit » reposant sur l’idée d’une lésion de la justice
et constituant « un mal légitime » d’une part, et comme « un enseignement moral et un avertissement dissuasif »
d’autre part.
83
La liste de ces auteurs ne se limite pas à ces seules personnalités. A. Bertauld dans son cours de Code pénal
(op. cit., p. 603) évoque aussi Mably, Blackstone, Philipps, Romagnosi, Kant et Portalis.
C’est notamment à travers trois aspects que ce mouvement aura une incidence sur la politique
répressive du XIXème siècle. Il convient de distinguer la prédominance de l’aspect préventif de
la peine (1°) ; l’étendue de la nature de la peine, laquelle se veut modérée et plus juste (2°) ; et
l’idée selon laquelle la peine doit permettre la régénération du criminel (3°).

1°/ Vers une nouvelle définition de l’utilitarisme de la peine

Avec J. Locke, Montesquieu, T. Hobbes, C. Beccaria ou encore J. Bentham, la notion


« d’utilité publique84 » de la peine voit le jour. De part ses origines diffuses et les multiples
dérivés85 qu’elle entraîne, elle demeure une notion encore ambiguë.
Si cette notion qui sous-entend un certain utilitarisme de la peine reprend une conception déjà
connue, elle présente un caractère novateur qui s’incarne à travers l’idée selon laquelle ce
n’est plus la victime ou la dangerosité du criminel qui est prise en compte, mais l’utilité
publique afin de légitimer une peine apportant un plus grand mal que l’avantage retiré.
En ce sens, la peine ne sous-tend plus à la nécessité de satisfaire la victime ou de prévenir la
société d’un risque potentiel. La peine doit être un correctif ferme, juste et rigoureux sans être
excessif. C’est ainsi qu’émerge une conception nouvelle selon laquelle le risque encouru par
la peine étant plus grand que l’avantage tiré du crime, la réalisation des crimes devrait être
limitée86.
Par ailleurs, l’ensemble des philosophes des Lumières s’accorde sur le postulat à partir duquel
le droit de punir découle du contrat social implicitement souscrit par les individus et la sûreté
publique. Aussi, du fait de ces volontés et de ces engagements multilatéraux, la peine doit-elle
s’inscrire dans un dessein non plus seulement de rétribution, mais aussi et surtout dans un
sens d’amendement par la « régénération » du criminel. L’idée même de vengeance est
dépassée, son extinction déjà opérée par les canonistes, est de fait définitivement confirmée.
L’un des premiers de ces penseurs à s’interroger avec pertinence et rigueur sur l’aspect pénal,
est l’italien C. Beccaria, dans son Traité des délits et des peines rédigé en 1764. Parmi les
avancées théoriques que représentent les œuvres de C. Beccaria, le principe de la légalité des
incriminations et des peines qu’il développe, constitue indéniablement l’un des principes dont
l’importance est des plus capitales.

84
J. Ortolan (op. cit., p. 85) attribue cette théorie essentiellement à T. Hobbes et J. Bentham.
85
Découlent de cette théorie « générale », ce que J. Ortolan (ibid.) appelle la « petite monnaie de la théorie
utilitaire » telles que les théories de la prévention, de l’intimidation, de l’avertissement, de la vengeance épurée
ou apaisée, de la correction et de l’amendement.
86
J. Pradel, op. cit., p. 20 à 22.
Ce principe illustré par l’adage nullum crimen, nulla pœna sine lege, est érigé aujourd’hui
dans la hiérarchie des principes du droit pénal, au rang des principes les plus importants et fait
partie de ceux qui disposent d’une valeur constitutionnelle87. Malgré toute son importance, ce
n’est pas directement ce principe qu’il convient d’évoquer ici, mais un des principes qui en
découlent, celui de la « pénologie utilitaire ».
Selon le penseur milanais, la terminologie « utilitaire » signifie que la peine « doit servir à
quelque chose ». J. Pradel expose à ce titre les termes fréquemment employés par Beccaria
afin de qualifier l’utilité de la peine : il parle de « nécessité » ou encore « d’utilité
commune ».
Cet utilitarisme de la peine doit alors prendre un caractère préventif 88, c’est-à-dire qu’il doit
avant tout dissuader et intimider afin d’empêcher la consommation d’infractions. Cette idée
sera reprise un peu plus tard par le criminaliste allemand Ritter Von Feuerbach 89 pour qui la
peine constitue une menace pour le criminel.
Dès lors, l’effet préventif de la loi pénale réside dans cette contrainte psychologique et permet
d’attribuer au droit de punir, une fonction véritablement utile ou utilitaire.
Cette notion de contrainte psychologique est reprise par un juriste italien contemporain à C.
Beccaria. Ce jeune90 juriste, G. Filangieri est conseiller-d’État au département des finances de
Naples. Il justifie la peine par le souci « d’éloigner les hommes du crime par le spectacle des
maux auxquels ils s’exposeraient en le commettant91 ». Ainsi retrouve-t-on également chez
lui, la conception préventive de la peine, agissant en tant que contrainte psychologique.

87
Énoncé par les articles 4 et 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 16 août 1789 (cf.
annexe n° 3), il a également été intégré dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et fait partie du
bloc de constitutionnalité, c’est-à-dire des principes reconnus comme ayant une valeur constitutionnelle, depuis
la décision « Liberté d’association » du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971.
Le principe de la légalité des délits et des peines est également consacré par l’art. 111-3 du nouveau Code pénal
lequel dispose que « nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis
par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni
d’une peine qui n’est pas prévue par la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si
l’infraction est une contravention ».
88
Cf. à ce titre J.-M. Carbasse, op. cit., pp. 396 à 398. Selon ce professeur, la peine tend à perdre au titre de ses
caractéristiques l’idée qu’elle constitue un impératif de justice. Progressivement, une partie des Lumières
considère que la peine doit consister seulement en une mesure dictée par l’utilité sociale. « Il ne faut plus punir
[…] selon une logique rétributive, mais dans un objectif purement préventif ».
Telle est la vision de C. Beccaria (op. cit., p. 56) pour qui le but des peines « n’est ni de tourmenter et affliger un
être sensible, ni de faire qu’un crime déjà commis ne l’ait pas été […] Le but des châtiments ne peut être que
d’empêcher les autres d’en commettre de semblables ».
89
P.-J.-A. Von Feuerbach, Révision des principes et des notions fondamentales de droit pénal, Tome I, Erfurt,
1799.
90
Il n’a que 31 ans lorsqu’il rédige le Tome III de son ouvrage « Science de la législation », intitulé « Des lois
criminelles ».
91
G. Filangieri, op. cit., Tome IV, pp. 18.
Toutefois, à la différence de certains penseurs des Lumières 92, C. Beccaria considère que le
caractère préventif de la peine ne s’entend pas d’un dessein « régénérateur » et (ré-)éducatif
du criminel. Autrement dit, l’utilité de la peine doit aboutir exclusivement à la protection
sociale. La peine n’a nullement comme but celui de la réinsertion du criminel dans la société.
Cette idée est que partiellement confirmée et sous des aspects différents, par l’approche du
juriste italien G. Filangieri et du juriste anglais J. Bentham.
Le premier, dans son traité « La science de la législation93 », illustre l’objet que doit
comporter une peine comme étant celui d’empêcher le coupable de commettre de nouveaux
attentats contre la société. C’est la défense de la société qu’il envisage prioritairement, même
s’il laisse une place, à la différence de C. Beccaria, à l’amendement du coupable.
Le caractère préventif de la peine, selon ce juriste, doit résulter de la conciliation entre
l’adaptation de la peine qui doit « tourmenter le moins le coupable » et une rigueur suffisante
afin de faire « naître le plus d’horreur pour le crime et le plus d’effroi dans l’âme de ceux qui
seraient disposés à le commettre ».
Le second, dans le premier tome de sa « Théorie des peines et des récompenses », développe
des réflexions très pertinentes sur la notion de la peine, en développant une théorie dite de
« l’arithmétique pénale94 ».
Originairement, ce juriste anglais reconnaît à la peine son caractère utilitaire. Mais il se
disjoint de C. Beccaria, à travers son approche de l’attribut préventif en l’étendant à deux
finalités.
La première est une « prévention spéciale » qui concerne directement le délinquant et
indirectement la société. La peine doit être capable d’empêcher l’agent de récidiver. Aussi
concerne-t-elle d’un côté le délinquant par l’idée de régénération sociale ; et de l’autre, la
société, par la mise en œuvre d’une peine propre à la prémunir de toute récidive de la part de
l’agent.
La seconde finalité de la peine qualifiée de « prévention générale », laquelle consiste en une
peine visant à dissuader la population d’imiter l’acte criminel d’un agent. Cette idée ne
présente guère d’intérêt en ce qu’elle illustre une conception déjà ancienne : celle de
l’exemplarité.

92
Dom Jean Mabillon notamment. Il est qualifié de « moine criminaliste » du XVIIème siècle (selon l’expression
d’A. Rivière, in. Nouvelle revue de droit français et étranger, 1889, p. 758) et est considéré comme un
précurseur des principes de la science pénitentiaire. Il fait partie des premiers à ériger au rang de principes, les
notions d’individualisation de la peine et d’humanisation dans l’exécution de la peine.
93
G. Filangieri, op. cit., Tome IV, pp. 15 et 16.
94
J. Bentham, Théorie des peines et des récompenses, Tome I, p. 24.
L’approche de J. Bentham se traduit par une approche arithmétique en ce sens que « tout
individu se gouverne, même à son insu, d’après un calcul bien ou mal fait des peines et des
plaisirs. Préjuge-t-il que la peine sera la conséquence d’un acte qui lui plait, cette idée agit
avec une certaine force pour l’en détourner. La valeur totale de la peine lui paraît-elle plus
grande que la valeur du plaisir, la force répulsive sera la force majeure, l’acte n’aura pas lieu
[…]. Il faut que le mal de la peine surpasse le profit du délit95 ».
En somme l’agent doit composer par un calcul froid et objectif la somme du plaisir ou de
l’intérêt qu’il retirera d’une infraction avec le taux de la peine qu’il encourra en cas de
consommation. Dès lors, convient-il de surenchérir la pénalité de plus du double du bénéfice
retiré d’une infraction pour parvenir à instaurer une borne suffisamment efficace au potentiel
criminel.
Si pour lui, la peine doit être caractérisée par la célérité et la certitude de son exécution afin
d’être efficace, comme l’illustre J. Pradel96, J. Bentham considère surtout que la peine doit
être dissuasive par la réalisation d’une « souffrance ».
Au mal réel, qui s’entend d’une peine rigoureuse mais adaptée et de son exercice
systématique, il faut préférer un mal apparent établissant des peines plus sévères, lequel aura
plus d’impact sur la psychologie de l’agent et jouera ainsi un rôle beaucoup plus dissuasif.
Certes retrouve-t-on la notion de contrainte psychologique développée par C. Beccaria, mais
pour J. Bentham, cette contrainte ne peut opérer que par une nature relativement rigoureuse.
A ce titre, il propose tout un arsenal de peines qui offrent pour la plupart une complémentarité
à la peine principale de l’emprisonnement, laquelle retient son assentiment. Ainsi les travaux
forcés, l’usage de signes d’infamie, la publication du jugement, la rigueur carcérale… sont
des peines et des moyens complémentaires à la privation de liberté, dont le rôle est de
dissuader du crime par l’opprobre qui est attachée à sa réalisation.
Notons enfin qu’un tel dispositif donne un rôle indirect à l’opinion publique qui participe à la
force dissuasive de la peine dans la mesure où elle en est elle-même un élément. Son rôle bien
qu’indirect constitue un moyen substantiel à la prévention du crime. En effet, c’est l’opinion
publique qui reconnaît l’infamie et devant qui est exposé l’agent criminel.

2°/ Vers une pénologie plus juste et modérée

95
J. Bentham, ibid., pp. 12 et 13.
96
J. Pradel, op. cit., p. 46-47.
L’un des premiers à avoir exprimé le souhait de voir aboutir une réforme qui permette de
proportionner la peine en fonction de la gravité d’un crime ou d’un délit, était Montesquieu 97.
Pour ce publiciste, constituait un grand mal le fait « de faire subir la même peine à celui qui
vole sur un grand chemin et à celui qui vole et assassine ». Aussi, au nom de la sûreté
publique, considérait-il comme nécessaire de « mettre quelque différence dans la peine ».
Cette théorie produisit un écho plus grand encore dans la pensée de C. Beccaria qui lui réserva
de nombreux développements au même titre que les principes d’égalité et de légalité des
peines.
Dans son traité Des délits et des peines, il développe en effet l’idée selon laquelle la peine ne
doit pas être disproportionnée, pas plus qu’elle ne doit être discriminatoire selon
l’appartenance à une classe, et qu’elle ne doit être trop rigoureuse. Il prône ainsi l’égalité des
peines, leur modération et leur proportionnalité en rapport avec la gravité de l’infraction.
Même si son opinion pour le châtiment suprême doit être nuancée en ce qu’il l’admet pour
certains crimes98, C. Beccaria estime que l’application des peines doit être certaine mais
modérée : « ce n’est pas la rigueur du supplice qui prévient le plus sûrement les crimes, c’est
la certitude du châtiment. La perspective d’un châtiment modéré mais inévitable fera toujours
une impression plus forte que la crainte vague d’un supplice terrible qui laisse quelque
espoir d’impunité99 ».
A ce titre, il sollicite de la part du législateur fermeté et indulgence et notamment « que les
lois soient inexorables, que les exécuteurs des lois soient inflexibles, mais le législateur soit
indulgent et humain100 ».
C. Beccaria se fait ainsi l’écho de la voix de D. Mabillon, qui un siècle plus tôt, s’opposait
déjà au défaut de proportionnalité de la peine par rapport à la personnalité du condamné et
prônait en conséquence une certaine équité des peines.
Cette conception est reprise par G. Filangieri101 qui, en se fondant sur des données historiques,
critique avec conviction la rigueur des lois criminelles, notamment en matière de lèse-majesté.
Pour lui, quelle que soit la nature de l’infraction, la peine doit être modérée. Malgré ce
caractère modéré, elle peut très bien jouer son rôle d’intimidation. Dès lors, les notions de
modération et d’intimidation ne sont pas antinomiques.

97
Montesquieu, L’esprit des lois, Livre VI, Chap. XVI, Flammarion, Paris, 1979, p. 219.
98
Cf. infra, Chapitre 2, Section I.
99
C. Beccaria, op. cit., p. 81.
100
G. Filangieri, op. cit., Tome IV, p. 83.
101
G. Filangieri, ibid., pp. 209 à 217.
Il convient toutefois de noter que cette idée doit être nuancée dans la mesure où, tout comme
C. Beccaria, il considère qu’il faut admettre la peine capitale pour certains crimes102.
Sur un dernier point G. Filangieri103 va plus loin que C. Beccaria et annonce avec un demi-
siècle d’avance une mesure permettant de concilier la justice et l’efficacité de la peine. C’est
notamment le cas lorsqu’il développe une réflexion sur la nécessité et l’utilité de l’amende.
Même s’il la subordonne à des conditions spécifiques comme l’existence d’avidité financière
de la part de l’agent, en posant le principe de la proportionnalité de l’amende au regard de la
fortune et de la solvabilité de l’agent, G. Filangieri fait un pas considérable en avant.

3°/ Vers une peine régénératrice du criminel

L’apport le plus ancien et le plus audacieux à la signification, à la nature et à la destination de


la peine104, est incontestablement celui de J. Mabillon. Ce moine du XVIIème siècle que le
magistrat A. Rivière105 qualifie de « criminaliste », a su avec clairvoyance et intelligence
établir une théorie, quoique limitée dans ses effets106, révolutionnaire dans son principe.
En effet, selon cet auteur, J. Mabillon fut un personnage très libéral 107 qui, « inspiré par une
véritable prescience, sans guide, sans expérience, a posé avec une merveilleuse sûreté les
principes de la science pénitentiaire, principes qui, […] mettront près de deux siècles à
prévaloir, mais triompheront à peu près tels qu’il les a proclamés ».
D’abord, Mabillon prône l’emprisonnement et exclu rigoureusement la déportation, l’exil et le
bannissement. L’emprisonnement doit s’effectuer par un isolement total des détenus entre
eux, afin qu’aucune influence néfaste ne puisse opérer sur leurs volontés et sur leurs
personnes.

102
En matière d’assassinat ou de trahison.
103
Cf. G. Filangieri, op. cit., pp. 64 s.
104
Notons toutefois que J. Mabillon n’innove pas seulement en ce qui concerne le caractère régénérateur de la
peine, il développe d’autres principes tout aussi importants. Étant influencé par la pensée catholique, il critique
avec un siècle d’avance sur C. Beccaria, les lenteurs des procédures (instructions, perquisitions, enquêtes), les
abus de la publicité (humiliations et le caractère infamant de la peine) et le défaut de proportion entre la peine et
l’état physique et moral du condamné.
105
A. Rivière, op. cit., p. 758.
106
Sa théorie était en partie limitée en ce qu’elle concernait essentiellement la juridiction ecclésiastique.
Toutefois, pour A. Rivière (op. cit., p. 759), l’apport de Mabillon est indéniable et dépasse de fait la seule justice
religieuse, parce qu’en « empruntant à la juridiction ecclésiastique cette haute conception du but imposé à la
peine », les juridictions séculières se sont en conséquence appropriées cette conception de la peine. Il ajoute (p.
772) que « toute cette magnifique thèse sur l’influence de la religion dans le système pénitentiaire est tellement
juste, qu’il a suffi aux ministres du XIX ème siècle de la traduire en circulaires et en règlements pour donner à
leurs prisons la meilleure organisation morale et religieuse ».
107
Selon A. Rivière (ibid., p. 760), J. Mabillon est un personnage plus libéral et plus indulgent pour les coupables
que, un siècle après, les philosophes laïques les plus célèbres le seront.
Mais cet isolement n’est pas total dans la mesure où les détenus doivent 108 pouvoir bénéficier
de l’aide, de conseils et du soutien de divers intervenants. Le domaine d’activité de ces
intervenants est très varié et est composé de ministres du culte, d’instituteurs, du directeur de
la maison pénitentiaire, des membres des commissions de surveillance et des sociétés de
patronage et de toute autre personne qui pourrait apporter des « paroles de consolation ou
d’encouragement ».
Par ailleurs le régime pénitentiaire doit offrir certains aménagements propres à permettre une
meilleure régénération sociale. J. Mabillon exige le travail comme instrument d’émulation, un
cadre de vie plus sain par l’amélioration des infrastructures et la possibilité de « prendre
l’air ». En outre, la faculté d’être conduits dans des lieux où ils puissent entendre la messe,
des visites plus fréquentes et surtout plus longues, et un temps d’emprisonnement pas trop
excessif dans la mesure où le contraire n’améliore pas le condamné et tend à le rendre plus
dangereux, sont autant de mesures tendant à humaniser l’emprisonnement et à porter des
fruits quant à la régénération du criminel.
Or, l’excès de sollicitude prôné par J. Mabillon paraît illusoire et inefficace pour ses
successeurs, dans la mesure où cela reviendrait à ôter à la peine ses aspects de contrainte,
d’exemplarité et d’intimidation109.
Ses successeurs sont plus pragmatiques et pèsent plus rationnellement la nature et le but de la
peine. Aussi convient-il d’examiner un dernier penseur, qui tout en étant tolérant à l’égard du
criminel, se livre à une réflexion logique quant à l’utilité de la peine. Ce penseur mérite d’être
évoqué en ce qu’il constitue le lien et la transition entre l’École classique et l’École néo-
classique.
Ce publiciste est Don Manuel de Lardizabal Orive, il est membre du Conseil du roi d’Espagne
et secrétaire de l’Académie espagnole. Sa contribution à la réflexion sur la peine s’illustre
notamment par la publication en 1782 d’un ouvrage intitulé « Discours sur les peines » dans
lequel il se livre à un examen sur le droit du punir encore plus minutieux que C. Beccaria.

108
J. Mabillon ne considère pas qu’il s’agisse que d’une faculté offerte aux détenus de bénéficier de ces aides ;
c’est une réelle nécessité. De telles personnes ne sont pas seulement « admises » à entrer dans la cellule, pour
prodiguer leurs conseils ou leur aide, mais elles sont véritablement « incitées » à le faire.
109
A. Rivière (op. cit., p. 769) explique que d’après le rapport officiel sur l’administration de la justice criminelle
pour les années 1881 à 1885, les courtes peines n’ont aucun caractère intimidant et nuisent plutôt à
l’amendement qu’elles ne le servent. En effet, l’augmentation de la récidive est le fait, dans plus de 90% des cas,
des condamnés à de courtes peines.
S’il considère que la sécurité des citoyens et la défense de l’État « constituent la première fin
de la peine110 », ce constat lui semble insuffisant. Ainsi deux autres éléments méritent d’être
pris en considération.
D’une part, la victime doit être prise en compte en ce qu’elle doit obtenir un dédommagement.
Aussi la peine doit-elle concevoir, outre sa fin collective et sociale, une fin individuelle
permettant de répondre aux aspirations et aux besoins des victimes.
D’autre part, la peine doit comporter une nature propre à « corriger le délinquant afin qu’il
devienne meilleur et qu’il ne recommence par à nuire à la société 111 ». A ce titre la peine doit
être « régénératrice » ou rééducative.
En conséquence, M. Lardizabal s’inscrit dans cette logique d’amendement initiée par J.
Mabillon, pour qui la finalité de la peine intervient a posteriori de l’infraction. Mais à la
différence de ce dernier, il ne considère pas que le quantum de la peine ne dût être trop
infime. Pour lui, le caractère préventif doit faire preuve de mesure et être de nature à
permettre, tant de dissuader que d’amender le condamné.
En dernière analyse, il convient de considérer que l’École classique des Lumières constitue la
jonction entre deux ères : celle de la rigueur, de l’arbitraire et de l’injustice, et celle du
pragmatisme, de la mesure et de la légalité. Pour cette École composée de manière éclectique
par les tenants de nombreuses professions - juristes, économistes ou hommes de lettres -, le
combat et le débat ne se fait encore que dans les idées et par l’écriture.
Or, pour leurs successeurs, grâce aux évolutions sociales et politiques, le débat se fait sur la
scène politique et se concrétisera par la mise en œuvre de leurs idées. A ce titre, il convient
d’évoquer le témoignage pertinent de F. Hélie, dans la préface de l’édition de 1872 du Traité
de Droit pénal de P. Rossi : « Il a compris (dit-il, en parlant du professeur Rossi) d’après les
enseignements de l’histoire, que la loi pénale suit les phases et les destinées de l’ordre
politique, que […] ses progrès sont liés aux progrès de la liberté, que sa base et ses principes
ne peuvent être que la base et les principes du pouvoir social lui-même112 ».
On parle alors d’École néo-classique. Elle correspond à ce mouvement qualifié de libéral qui
prend forme « institutionnellement113 » dès 1814 et qui laissera place après 1875 à deux
nouveaux mouvements de pensée : l’anthropologie criminelle et la défense sociale.

110
N’ayant pu nous procurer l’œuvre originale de Dom M. Lardizabal, nous renvoyons aux développements
similaires rédigés par J. Pradel, op. cit., p. 51 et F. Desportes et F. Le Gunehec, Le nouveau droit pénal, Paris,
1998.
111
J. Pradel, op. cit., p. 51.
112
F. Hélie, « Œuvres complètes de Pellegrino Rossi », 1872, p. V.
113
En ce sens qu’il devient un mouvement politique, acteur de la vie politique et sociale du pays.
B-/ L’École néo-classique libérale

« C’était une de ces époques de travail et d’enfantement, où les idées se produisent, où la


science est pleine de promesses pour l’avenir, où les théories nouvelles sont accueillies avec
empressement114 », disait F. Hélie à propos de la rédaction en 1829, du Traité de Droit pénal
de P. Rossi.
Traditionnellement, on admet que les tenants de cette école au début du XIX ème siècle, sont V.
Cousin, P. Rossi et J. Ortolan. D’autres comme le baron Pasquier, C. Jordan, P.-P. Royer-
Collard, sont autant d’illustres représentants de la pensée libérale du XIXème siècle, mais bien
que contemporains aux trois juristes précités, ils seront exclus de l’étude de ce paragraphe
dans la mesure où le libéralisme qu’ils prônent est essentiellement politique et qu’ils ne sont
pas juristes. De même, un personnage aussi influent et novateur que F. Guizot ne peut pas être
traité dans l’immédiat, sa pensée portant sur une réflexion plus politique115.
Il conviendra d’observer que si la peine continue à posséder un caractère rétributif, à travers
l’idée fréquemment développée chez ces auteurs, de « peine méritée ». Ils sont toutefois les
partisans d’une peine à but utilitaire, telle que la concevait J. Mabillon 116 et J. Howard117,
c’est-à-dire une peine curative et régénératrice. J. Pradel, dans son ouvrage sur les doctrines
pénales, parle à ce sujet d’un aspect thérapeutique 118. La terminologie employée est pertinente
en ce qu’elle permet de bien cerner la nature nouvelle de la peine qui se veut
incontestablement curative. Société et criminel sont désormais l’un et l’autre, pris en
considération.
Un adage encore d’actualité illustre la pensée de l’École néo-classique : « Ni plus qu’il n’est
utile, ni plus qu’il n’est juste ». Cette maxime attribuée à P. Rossi et J. Ortolan, tous deux
professeurs de droit, illustre leur conviction selon laquelle, la peine doit être utile,
proportionnée et juste.
La peine doit ainsi se situer à la frontière de l’utilité sociale et de la Justice au sens moral du
terme. Nonobstant la multiplicité des théories sur la peine qui foisonnent depuis l’antiquité, J.
Ortolan parvient par un travail d’assimilation à en cerner six119. Même si cette réflexion sur la

114
F. Hélie, op. cit., p. I.
115
Toutefois, eu égard à sa réflexion pertinente et novatrice concernant la justice politique et la peine de mort en
matière politique, il sera étudié postérieurement. Cf. infra, Chapitre 2, Sections I et II.
116
Cf. supra, A.
117
John Howard était anglais, il se consacra à la réforme des prisons, prônant un régime hygiénique plus saint,
l’isolement des détenus et d’autres mesures afin de permettre la réadaptation des détenus.
118
J. Pradel, op. cit., p. 57.
119
Les six fonctions de la peine sont la vengeance, le contrat social, la réparation, le droit de conservation ou de
défense sociale, l’utilité et la justice absolue. Chacune de ces fonctions, prise isolément, serait insuffisante à elle
seule à déterminer le fondement de la peine, c’est pourquoi il faut les combiner ensemble. Pour illustrer cette
peine seule semblera insuffisante à certains120, elle constitue pour autant un apport indéniable
au droit pénal du XIXème siècle et elle s’inscrit indubitablement dans un mouvement de
pragmatisme (1°), de légitimité (2°) et d’optimisme (3°).

1°/ Un droit de punir plus pragmatique : la prise en compte


indirecte de l’intention

Un nouveau concept pénal est progressivement pris en considération et joue un rôle étendu
dans cette « révolution » que subit le droit pénal, allant dans le sens d’une philosophie plus
clémente et favorable au délinquant. Il s’agit de l’intention. Le professeur Rossi puis ses
successeurs, et la pensée libérale plus généralement, expurgent le droit pénal et
particulièrement le droit de punir de sa rigidité et de son indifférence à la morale de l’auteur.
Ce principe que P. Rossi qualifie de notion fondamentale et qui prédomine dans la hiérarchie
de ses principes, est la reconnaissance de la volonté de l’agent. Pour ce juriste, la peine doit
« se proportionner à la nature du devoir violé et à la moralité de l’agent 121 ». L’appréciation
de cette volonté constitue la jonction morale entre l’existence de faits répréhensibles et leur
sanction pénale.
Dès lors, le droit reconnu à la société, d’infliger un mal en rétribution d’un mal consommé par
le criminel, doit fondamentalement tenir compte de la volonté de ce dernier, tant dans la
détermination que dans l’exécution de la peine. Le défaut d’appréciation de la nature des faits,
de leur contexte et de la personnalité de leur auteur, entraîne une forme de déchéance de la loi
qui perd alors toute sa légitimité.
Cette conception du fondement du droit de punir à travers la prise en compte de la
personnalité du criminel122, préfigure la politique criminelle du gouvernement de la
Monarchie de Juillet et notamment la loi de révision du Code pénal de 1832 123 et sa

idée J. Ortolan (op. cit., pp. 86-87) emploie une métaphore d’ordre scientifique : « Celui qui dirait : l’air que
nous respirons est de l’oxygène ; celui qui objecterait : mais non, c’est de l’azote, seraient dans le faux tous les
deux. Le chimiste qui vient dire : cet air est un composé d’oxygène et d’azote mélangés ensemble […] celui-là
seul est dans le vrai ».
120
Cf. A. Bertauld, op. cit., p. 604. Pour ce professeur, la recherche de la légitimité de la peine en elle-même est
insuffisante. En plus de la peine, il faut prendre en considération la norme pénale en tant qu’obligation ou
prohibition. Dès lors, en comparant et en assimilant la règle de droit et sa sanction, on peut véritablement se
prononcer sur le caractère légitime ou non d’une peine : « La peine a sans doute des conditions de légitimité
propre ; mais ses caractères principaux de légitimité sont extérieurs ; elle les emprunte aux lois dont elle a pour
but d’assurer l’exécution ».
121
P. Rossi, Traité de Droit pénal, Tome I, p. 96.
122
Cette conception illustre un autre principe, élaboré à l’époque des Lumières et développé par C. Beccaria ( op.
cit., p. 80), qui présente un intérêt cardinal, mais ne peut être évoqué présentement. Ce principe est celui de
l’individualisation des peines.
123
Cf. infra, Deuxième partie, Titre I, notamment en ce qui concerne l’admission des circonstances atténuantes.
Cf. également annexe n° 4.
configuration libérale124. Elle annonce avant l’heure l’une des raisons principales du
mouvement favorable aux délinquants de droit commun et aux délinquants politiques.
Notons toutefois que l’influence de l’intention criminelle dans la détermination de la peine ne
remet pas cause le principe d’indifférence aux mobiles. En effet, comme le rappelle G.
Deltel125, la loi française ne tient, en principe, aucun compte « des motifs [ayant] déterminé
l’agent à commettre une infraction, [ni] du but qu’il poursuivait en la commettant ». Ce
principe d’indifférence aux mobiles est établit par le législateur et est confirmé avec constance
par la jurisprudence.
Ce choix du législateur est de concevoir le délit « non comme l’œuvre d’un homme obéissant
à des passions, à des mobiles variables, poursuivant peut-être un but élevé à travers
l’infraction, mais comme une abstraction ayant une nature propre, faisant encourir la même
responsabilité pénale exclusivement objective126 à tous ceux qui le commettent ».
Tout au plus l’intention est prise comme élément constitutif de certaines infractions lorsqu’il
s’agit de crimes ou délits intentionnels, mais pour autant cet élément ne consiste nullement en
la recherche du but poursuivi par l’agent. En conséquence, pour P. Rossi, il est nécessaire
d’appréhender la psychologie de l’agent afin de déterminer un quantum et de graduer la peine
en vertu de l’échelle légale. En somme le caractère altruiste ou malveillant de l’agent doit
jouer un rôle dans la détermination de la peine, mais en aucun cas dans la reconnaissance de
sa responsabilité.
En outre, même si la loi déroge dans certains cas à ce principe d’indifférence au mobile 127 et
suppose de rechercher le but poursuivi par l’agent, cette exception ne s’entend néanmoins que
de la prise en compte du mobile à titre d’élément constitutif de l’infraction. Ainsi, le mobile
de l’agent ne constitue ni un fait justificatif ni une cause exonératoire de responsabilité.

2°/ Un droit de punir plus légitime à travers un utilitarisme moins


arbitraire

Outre l’élément intentionnel, le professeur Rossi développe une réflexion autour d’un autre
fondement du droit de punir : celui de l’intérêt social. Si ce système qu’il qualifie de
« système de l’utilité » peut se fonder sur un intérêt individuel ou l’utilité générale128, la seule
124
Cf. à ce titre P.-A. Papadatos, op. cit., p. 50.
125
G. Deltel, De la considération du but de l’agent comme élément de responsabilité pénale, 1930, p. 45-46.
126
Telle sera la position de la jurisprudence à l’égard des délinquants politiques. Nonobstant de rares exceptions
isolées en jurisprudence, le juge retiendra toujours une approche objective quant à l’établissement de la
responsabilité de l’agent, et rejettera systématiquement le mobile invoqué bien qu’il put être louable et altruiste.
A ce titre, cf. infra, Deuxième partie, Titre II, Chapitre 2.
127
Cf. G. Deltel, op. cit., p. 59 à 98. Il s’agit essentiellement d’infractions contre la sûreté de l’État, contre la paix
publique ou contre les particuliers.
128
F. Hélie, op. cit., p. 112.
idée d’utilité est toutefois insuffisante à légitimer la peine et doit composer nécessairement
avec d’autres critères.
Pour ce juriste, l’utilité ne constitue qu’un motif à la réalisation d’une peine. Dans ce système,
la société fait « abstraction de l’être qui souffre, toutes les fois qu’une raison d’utilité ne
force pas à fixer l’attention sur lui 129 ». Cette approche est celle des gouvernements français 130
à propos de la rigueur exercée en matière de justice politique et notamment par l’application
de la peine de mort en matière politique131.
A ce système, il en ajoute un second qui vient compléter le premier, il s’agit du droit de
défense sociale132. Pour le professeur Rossi, la réaction défensive doit se « proportionner
strictement aux dangers matériels de l’acte à réprimer133 ». Il s’agit en effet d’une réponse
judiciaire adaptée à une situation déterminée. Toute idée d’exemplarité 134 par une peine trop
rigoureuse ou de rétribution à titre de pénitence pour le criminel, est exclue135.
Aussi prône-t-il, d’une part, une rétribution juste et mesurée dans sa conception. Dans son
Traité de Droit pénal, il explique que « la mesure de la peine ne doit pas excéder la mesure
du délit136 », pas plus d’ailleurs que « le mal ne doit tourner au profit de son auteur137 ».

129
Ibid., p. 143.
130
Aussi bien l’Ancien Régime, que la Convention, l’Empire, la seconde Restauration, le second Empire et la
Monarchie de Juillet mais pour cette dernière, d’une manière plus tempérée, font abstraction de la personne lésée
par une infraction lorsque l’État a vu un de ses intérêts menacé par l’infraction. La notion d’utilité invoquée par
les gouvernements témoigne particulièrement bien de l’idée selon laquelle l’État est la valeur supérieure laquelle
fait écran entre l’infraction tentée ou commise d’une part et les intérêts autres que les siens qui auraient pu être
altérés d’autre part. L’utilité principale invoquée est celle qui résulte de la menace engendrée sur la sûreté, la
sauvegarde ou la pérennité de l’État.
131
Cf. infra, Section II ; et Chapitre 2, Section I.
132
Il s’agit ici de ce que P. Rossi qualifie de « défense directe », qu’il ne faut pas confondre avec la défense
indirecte (Cf. Faustin Hélie, Œuvres complètes de Pellegrino Rossi, p.158 à 176). Ce deuxième système vise à
infliger un mal certain à un criminel potentiel, uniquement pour se procurer un moyen de sûreté future. On peut
ainsi reconnaître un tel procédé dans les lois sur la censure, la violation des libertés individuelles par la
surveillance du Cabinet noir sous la Restauration, les lois en matière d’attroupements, la répression des sociétés
secrètes… Cf. infra, Titre II, Chapitre 1, Section I et Deuxième partie, Titre I, Chapitre 1, Section II.
133
F. Hélie, op. cit., p. 153.
134
L’exemplarité de la peine n’est pas reniée dans son principe (P. Rossi, op. cit., Tome I, pp. 135 et 136). En
effet, l’exemplarité reste un moyen essentiel et très utile dans le cadre de l’intimidation, mais elle doit être
subordonnée à une condition substantielle de publicité. L’exemplarité de la peine est contestée en revanche,
lorsqu’elle s’avère disproportionnée ou secrète (il cite à titre d’exemple la peine du fouet en Angleterre ou la
peine capitale dans l’État de New-York, qui sont tenues secrètes).
135
La nature de la proportionnalité de la peine est nécessairement subordonnée à la destination que l’on entend
donner à la peine. Selon que le système répressif soit orienté vers des impératifs d’exemplarité, de rétribution ou
d’amendement du délinquant, la notion de proportionnalité ne produira pas les mêmes effets et sera appréciée
différemment.
En témoigne A.-S. Chavent, op. cit., p. 57, pour qui « les termes du rapport constituant le droit pénal […] et le
rôle de la proportionnalité sont subordonnés à la conception de la matière, c’est-à-dire aux fonctions assénées à
la peine. Selon que l’on tourne l’incrimination pénale vers la dissuasion, l’expiation, la resocialisation ou
simplement la restitution, la proportionnalité n’a ni la même place, ni les mêmes implications au sein de cette
incrimination ».
136
P. Rossi, ibid., p. 93.
137
Ibid., p. 96.
La nécessité de proportionnalité dans la rétribution du crime est un principe cardinal pour ce
juriste qui considère que « le mal [doit être] rétribué par le mal […] et en proportion de ce
mal138 ». Il s’agit ainsi d’établir une peine en fonction de la gravité des crimes.
P. Rossi pousse son raisonnement encore plus loin, en ce qu’un même crime peut contenir
plusieurs degrés altérant ou accentuant son immoralité et sa gravité. Pour lui, il faut « une
proportion pénale, non seulement entre crime et crime, mais entre les divers degrés du même
crime139 ». Ainsi se retrouve posée indirectement la question de la prise en considération du
mobile et plus généralement de l’élément moral dans la détermination de la peine.
En conséquence, cette défense sociale implique une peine mesurée mais toutefois supérieure
au profit potentiellement retiré, ce qui passe par une démarche pragmatique à travers un
principe de proportionnalité. La peine doit « surpasser le profit que le coupable retire140 » de
l’infraction sans être pour autant trop rigoureuse.
Il s’agit là du juste équilibre à respecter afin de concilier les intérêts de l’État et ceux des
particuliers. Aussi peut-on observer que le professeur Rossi s’inscrit fidèlement dans cette
doctrine qui tend à rehausser la valeur de l’individu face au poids démesuré de l’État dans
l’échelle des valeurs répressives.

3°/ Un droit de punir plus moderne : entre conservation sociale et


amendement du condamné

Un troisième caractère mérite d’être évoqué en ce que le droit de punir tend progressivement à
se moderniser pour répondre plus fidèlement aux conceptions libérales. La peine trouve sa
justification par l’atteinte infligée à la société et par la rupture d’un contrat implicite 141 des
hommes entre eux. Comme le développe F. Hélie, « l’homme a le devoir envers ses
semblables de conserver l’ordre social et de concourir à son perfectionnement. Qu’un homme
attaque ou trouble cet ordre, qu’il viole cette catégorie de devoirs pratiques spéciaux à
l’humanité […] il a offensé ses semblables, il a été injuste envers eux. Qu’il soit puni ; si
réellement il a été coupable, s’il a été puni avec mesure, sa punition demeure intrinsèquement
légitime142 ».

138
Ibid., p. 75.
139
Ibid., p. 106.
140
Ibid., p. 94.
141
On retrouve cette idée admise par C. Beccaria, J.-J. Rousseau et beaucoup d’autres penseurs, d’un contrat
entre l’homme en tant qu’individualité et les autres hommes lesquels pris dans leur ensemble forment un corps
social.
142
F. Hélie, op. cit., p. 212.
Le droit de défense, que les juristes et les philosophes reconnaissent unanimement comme
étant un droit naturel143, n’est pour l’illustre professeur que « la réaction immédiate du droit
que nous avons à l’existence et au bien-être. C’est le droit de conservation mis en activité
d’une certaine manière ». On trouve ainsi, par le concept de droit de conservation, un critère
récurrent en matière de justice politique qui légitimera souvent une rigueur excessive des
pénalités144.
Depuis toujours, ce droit de conservation des sociétés humaines est, au moins de manière
implicite, reconnu par toutes les civilisations. Toutefois, la réflexion de P. Rossi ne réside pas
en le simple constat de la notion de protection sociale. Elle est inhérente à l’idée de
concomitance entre l’infraction et la réaction. La quasi simultanéité du forfait du criminel et
de la répression exercée par la société à son égard, et le pragmatisme d’une répression a due
proportion du mal commis, illustrent le rejet d’un caractère purement rétributif de la peine.
C’est d’ailleurs par le biais de cette conception que le mouvement abolitionniste de la peine
de mort va émerger. Quand bien même Rossi ne s’inscrit pas dans ce mouvement, il
l’explique pourtant par l’idée suivante : « ceux qui nient la légitimité de la peine mort […] ont
subordonné la question principale à la question secondaire. Ils ont mis en avant, sur le droit
de punir, tous les principes dont ils entrevoyaient qu’on pourrait tirer un argument contre le
droit d’ôter la vie à un criminel. La théorie de la défense était […] singulièrement favorable
à leurs vues ; car il est certain qu’il ne serait pas permis de tuer un agresseur désarmé et
enchaîné145 ».
Par ailleurs, le professeur Rossi reconnaît également l’aspect préventif de la peine en étant
plus précis et détaillé que J.-A. Feuerbach146. A l’instar de ce dernier et à la différence de
Platon pour qui la prévention résulte de la seule exemplarité de la peine, P. Rossi considère
l’aspect préventif de la peine comme constituant une menace pour le criminel potentiel et une
manière de le « réinsérer » dans la société lorsque le crime a été consommé.
D’une part, la peine constitue en amont une menace ou un avertissement. Elle instrumentalise
un « mal direct » par des effets de désapprobation publique, d’infamie, d’interruption ou de
dérangement de ses affaires, de sa carrière ou de ses projets, d’interruption de ses habitudes,
143
C’est également le principe que proclame la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août
1789 dans ses articles 4 et 5 (Cf. annexe n° 3). En vertu de ces articles, la liberté de chaque homme connait
comme bornes celles qui ont été fixées par l’ensemble de la société pour sa propre survie. En conséquence, toute
action de l’homme qui nuit à l’organisation sociale doit être sanctionnée. Même si la place de l’individu à travers
la liberté et la participation à la chose publique est rehaussée comparée à ce qu’elle était antérieurement, elle
demeure néanmoins subordonnée à une donnée supérieure et impérieuse résidant dans le concept de la Nation.
144
Cf. infra, Chapitre 2.
145
P. Rossi, op. cit., Tome I, p. 156 et 157.
146
Cf. supra, A.
de violence à ses goûts, voire d’affaiblissement de sa santé. Ces mécanismes permettent alors,
selon l’expression précédemment évoquée, de peser les risques de la peine par rapport à
l’intérêt ou au bénéfice retiré de l’infraction. C’est la théorie du bilan coût/avantages. Il s’agit
de peines accessoires dont les effets peuvent être nettement plus efficaces qu’une peine
d’emprisonnement, de bannissement ou de déportation.
D’autre part, en tant que mal infligé, la peine constitue en aval un moyen régénérateur. Selon
P. Rossi, elle permet alternativement l’instruction du criminel, elle inspire chez celui-ci la
crainte d’une éventuelle récidive, et son amendement. Dans chacun de ces cas, la peine joue le
rôle d’un « enseignement moral147 » par le biais de l’intimidation et dont le but est une forme
de rédemption du criminel. A ce titre, l’influence de P. Rossi sera très importante dans la
mesure où, comme l’explique J. Pradel148, c’est à sa suite que « se manifeste un engouement
pour la prison qui assure à la fois la prévention générale et l’amendement du condamné ».
Notons enfin qu’apparaissent au début des années 1830, à travers Silvestre Pinheiro
Ferreira149, les prémices d’un mouvement qui s’affirmera véritablement dans le dernier quart
du XIXème siècle sous le nom d’anthropologie criminelle.
Selon J. Ortolan150, la théorie susvisée de l’amendement est certes reprise par S. Ferreira, mais
elle est poussée à son paroxysme. En effet, la théorie du philosophe portugais vise à la
suppression du Code pénal et par voie de conséquence, à « l’abolition de [tout] jugement
décrétant ou appliquant à chaque fait une peine déterminée à l’avance ».
Le système prôné par S. Ferreira, tant original que critiquable, entend établir des maisons dans
lesquelles seraient détenus et traités tous les coupables d’infractions. Il s’agirait ainsi d’une
sorte « d’hôpital moral » au sein duquel des visites fréquentes seraient faites par un jury
médical qui appliquerait, en fonction « du malade » et de l’évolution de « sa maladie », un
traitement variable et proportionné.
Dès lors y reconnaît-on l’idée d’amendement du criminel par des moyens palliatifs et le biais
de la science médicale, assujettissant ainsi systématiquement le libre-arbitre de l’homme à une
cause pathologique. Nonobstant la gravité d’un tel système, J. Ortolan en illustre son caractère
pour le moins original : « Ne rirait-on pas, écrit-il, d’un système qui, pour guérir les malades,
147
P. Rossi, op. cit., Tome I, p. 80.
148
J. Pradel, op. cit., p. 57. Il en résultera en 1877, la création de la Société des prisons, dont l’activité se poursuit
encore à notre époque et dont le dessein n’a cessé de porter sur la réinsertion et l’amélioration des conditions de
détention.
149
Philosophe et homme politique portugais (1769-1846). Il développa ses théories dans deux de ses œuvres :
Principes du droit public constitutionnel, administratif et des gens, publié en 1834, mais surtout dans son Essai
sur la psychologie, comprenant la théorie du raisonnement et du langage, l’ontologie, l‘esthétique et la
dicéosyne, publié en 1828.
150
J. Ortolan, op. cit., p. 85.
consisterait à rédiger un Code médical dont les prescriptions seraient inflexiblement
appliquées à tout sujet dans tout cas prévu ? ».
En conclusion, selon P. Rossi, afin de se conformer aux caractères de justice, de morale et
d’ordre social, la peine doit comporter plusieurs particularités 151. Elle doit être personnelle
(application du principe de personnalité des peines), morale (concilier empirisme et
pragmatisme afin de répondre le plus justement au contexte de l’infraction), divisible
(principe de proportionnalité de la pénalité), appréciable (remédier à l’inégalité des peines
cachée derrière l’apparente égalité, en prenant en compte la fortune et la situation de l’agent),
réparable ou rémissible (possibilité de réparer ses effets), instructive et satisfaisante (la peine
doit être en rapport avec la nature et la gravité des faits), exemplaire (fonction d’intimidation),
réformatrice (elle doit permettre l’amendement du coupable) et rassurante (elle doit rassurer le
public par sa modération et sa capacité à prévenir de nouveaux crimes).
Tous ces penseurs, fussent-ils philosophes ou juristes, économistes ou sociologues, sont les
précurseurs ou les tenants d’un courant que l’on qualifie au XIX ème siècle de « libéral », par
opposition à l’arbitraire de l’Ancien Régime et du radicalisme post-révolutionnaire.
De même, pour certains auteurs152, les doctrines d’intimidation et de rétribution de l’École
classique, s’opposent à celle de leurs successeurs153, lesquels accentueront les idées de
neutralisation et de traitement. Pourtant, il leur revient ce mérite d’avoir élaboré
incontestablement le concept susvisé de traitement à travers l’idée d’amendement.
Ces penseurs classiques et néo-classiques prônent des principes libéraux tant dans un registre
politique ou philosophique que dans le domaine juridique. Dès le début du XIX ème siècle, ces
penseurs se livrent à une analyse de la justice politique dont ils critiquent le fonctionnement et
l’usage arbitraire qui en est fait.

Section II – L’aboutissement de la pensée libérale au XIXème siècle en 
matière d’infraction politique : naissance et développement de la 
critique de la justice politique

« De grandes périls nous assiègent ; des périls plus grands nous menacent. Il en est un dont tous les
esprits sont frappés, mais dont nul peut-être n’a encore mesuré toute l’étendue ; je veux parler de la
justice près de tomber sous le joug de la politique154 ».
151
P. Rossi, op. cit., Tome I, p. 122 à 137.
152
J. Pradel, op. cit., p. 122.
153
Il s’agit du courant de la défense sociale.
154
F. Guizot, Des conspirations et de la justice politique, p. 13.
Justice politique et infraction politique sont deux expressions, qui, dans le langage commun
ne présagent ni distinctions ni effets foncièrement différents. Néanmoins, juridiquement la
terminologie de ces deux notions pose d’amples difficultés.
Si la justice politique est une notion qui perdure depuis les périodes les plus reculées de
l’antiquité, la notion d’infraction politique – c’est-à-dire le délit ou le crime politique - est une
notion encore inconnue au XIXème siècle et dont l’apparition tardive peut se dater aux
alentours de la fin de la première moitié du XIXème.
Préalablement à l’émergence de la notion « d’infraction politique » au XIXème siècle et aux
aménagements que subira le Code pénal de 1810155, il convient de noter que seule la justice
politique est effectivement et « légalement » reconnue ; encore que cette « reconnaissance »
soit bien floue et ne comporte aucune définition pertinente.
Certes des critères de violence, d’inconstance et d’exemplarité permettent d’en discerner
approximativement l’existence, mais aucune définition juridique et scientifique n’est
apportée. D’autant que la justice politique comporte deux notions hétérogènes dans la mesure
où la justice en tant que vertu et principe moral visant au respect du droit et à l’équité 156, est
une notion qui a vocation à perdurer 157 et à être inébranlable, tandis que la politique
correspond à une notion relative à l’organisation et à l’exercice du pouvoir au sein d’un État158
et dont le caractère est par nature variable et précaire, en ce qu’il est étroitement subordonné à
des données contextuelles159.
R. Charvin160 illustre ce constat en considérant qu’une partie importante « de l’histoire se
déroule à la barre des tribunaux » dans la mesure où l’évolution des sociétés se fait à travers
les changements de gouvernements – notamment dans les régimes qui succèdent à la
Révolution – par une multiplication des procès politiques. En conséquence, pour ce

155
Cf. infra, Titre II, Chapitre I.
156
Définition de « justice », in. Le petit Larousse illustré, 1995.
157
R. Charvin, op. cit., pp. 1 et 2.
158
Définition de « politique », in. Le petit Larousse illustré, 1995.
Plus précisément, pour le professeur Garraud, in. Traité théorique et pratique du droit pénal français, Tome I,
Paris, 1913, p. 267 ; l’ordre politique se définit comme l’ensemble des pouvoirs qui ont la direction des intérêts
généraux du pays. Cela se manifeste par deux aspects : d’une part, dans ses rapports avec l’extérieur, l’ordre
politique est le garant de l’indépendance de la Nation, de l’intégrité du territoire et de ses rapports avec les autres
États ; d’autre part, au niveau intérieur, l’ordre politique est le garant de la forme du gouvernement, de
l’organisation des pouvoirs publics, de leurs rapports mutuels et des actes politiques du citoyen. C’est
notamment au regard de ce dernier critère concernant l’ordre interne, que l’ordre politique érige de véritables
barrières juridiques vouées à le protéger des entreprises subversives de ses adversaires, par le biais de la justice
politique. Dès lors que ces mesures répondent de l’état institutionnel et politique d’une société à un moment
déterminé, elles ont vocation à évoluer et à être modifiées au gré des bouleversements institutionnels.
159
P. Bastid, Les grands procès politiques de l’histoire, Paris, 1962, p. 11.
160
R. Charvin, op. cit., p. 7.
professeur, la justice politique prend une place de plus en plus importante dans l’histoire de la
répression.
En outre, la justice politique constitue une « justice de crise161 » qui s’affirme différemment
selon les périodes, et qui surtout, permet de déterminer l’état de la société à un moment donné
ainsi que la plus grande dangerosité de certains adversaires politiques par rapport à d’autres.
Or il est communément admis au début du XIX ème siècle que la justice politique présente un
caractère assez odieux, autoritaire et impétueux. Dans la mesure où l’entendement que l’on
donne à ce type de justice a tendance à être très flou, parce qu’en outre aucune règle, aucune
norme juridique ne vient définir cette notion, celle-ci présente de facto un caractère arbitraire
et fluctuant (§ I).
Cependant le caractère arbitraire n’est pas le seul reproche qui puisse être opposé à ce type de
justice. De fait et parce que des raisons bien précises motivent la plus ou moins grande
sévérité de la répression, la justice politique est très souvent assimilée à une justice sinon
expéditive et sommaire, au moins très lourde et rigoureuse (§ II).

§ I – Une justice politique à caractère arbitraire à


travers le flou et l’abstraction de sa notion

Le caractère arbitraire de la justice politique résulte de deux données constantes et communes


à tous les régimes politiques. D’une part, ce type de justice n’a jamais été théorisé ni
véritablement délimité scientifiquement. L’approche qu’il convient d’adopter vis-à-vis de la
notion de justice politique consiste à la considérer comme résultant toujours d’un certain
opportunisme politique (A).
D’autre part, la justice politique dispose d’une donnée singulière qui tient à la qualité
particulière du justiciable. Le caractère spécifique du délinquant de ce type de justice légitime
d’une certaine manière la latitude dont font preuve les gouvernements à son égard. La
particularité de ce justiciable et l’absence de domaine juridique l’encadrant, entraînent de
facto une répression généralement plus rigoureuse (B).

A-/ Un opportunisme fondé sur la raison d’État

Depuis ses antiques origines de justice sanctionnant le crime de lèse-majesté humaine ou


divine, jusqu’aux Code pénaux de 1791 et de 1810 sanctionnant les crimes contre la sûreté de

161
Ibid.
l’État, la justice politique demeure d’une part une notion extrêmement imprécise et difficile à
cerner, et est d’autre part violente, expéditive et inconstante162.
Dans tous les cas cette « justice » est déployée en vue de prévenir un trouble prolongé de
l’opinion et de maintenir par la force le bon fonctionnement de l’État. La raison d’État 163 est
alors invoquée comme légitimant la célérité et la rigueur avec lesquelles cette justice doit
frapper.
A la différence de la justice pénale, de la justice administrative ou de la justice civile, dont les
notions sont indistinctement reprises et confirmées par l’ensemble des régimes politiques et
des gouvernements164 ; la justice politique dispose d’un caractère propre à chaque
gouvernement, qui semble émaner de son droit naturel de conservation l’autorisant à user de
la force et à sombrer le plus souvent dans l’illégalité. De plus, n’étant nullement déterminée ni
définie par la loi ou par un quelconque usage, la justice politique varie considérablement en
fonction de la forme du gouvernement établi et de la situation politique et sociale du moment.
Aussi, du fait de l’inexistence de règles immarcescibles qui définissant, délimitant et
entourant la notion de justice politique, cette dernière doit-elle être considérée comme une
notion particulièrement obscure et opportune.
Ce caractère obscur est en outre accru d’une part du fait de la rareté des travaux portant sur
cette ladite notion de justice politique165, et d’autre part du fait de la méthode employée pour
la cerner, laquelle méthode demeure essentiellement descriptive166 et ne tient aucun compte
des interactions entre l’élaboration de la règle, sa genèse et sa fin.
Atteste de ce second aspect, le constat tiré par R. Charvin 167 selon lequel « les règles
juridiques sont considérées - par les auteurs et les théoriciens en cette matière - comme des
entités qui se suffisent à elles-mêmes, coupées de la réalité historique et sociale ». Autrement
dit c’est par un opportunisme toujours très subjectif à une situation donnée qu’un

162
Y. Cordonnier, La justice politique, Paris, 1993, p. 1.
163
J.-Y. Calvez, De la justice politique, in. Revue de l’Action Populaire, Paris, 1962, p. 777.
164
Il convient d’observer que le gouvernement n’est pas synonyme du régime politique, contrairement à une
conception traditionnellement colportée. Comme le démontre le professeur J.-J. Chevallier (op. cit., p. 1), le
régime politique ne doit pas être entendu dans un sens purement restrictif consistant seulement en un
gouvernement. Le régime politique est bien plus, il s’agit « d’un ensemble d’institutions sociales,
administratives, civiles, religieuses, économiques » au même titre que les institutions « gouvernementales,
politiques ou constitutionnelles » habituellement reconnues.
165
R. Charvin, op. cit., p. 6.
166
Ibid., p. 4. R. Charvin explique que la principale difficulté entourant la définition de la justice politique,
résulte de l’absence de théorisation. Pour ce professeur, les rares tentatives d’approches de la notion emploient
une méthode peu féconde. « Purement descriptives et statiques (écrit-il) ces études ne font qu’établir un
catalogue de recettes constitutionnelles et pénales ».
167
Ibid., pp. 4-5.
gouvernement va orienter sa justice politique. L’analyse juridique est en conséquence
impossible et doit se limiter à un simple constat factuel.
Notons qu’au surplus, cette justice présente la particularité de n’être légitimée que par une
partie – la partie au nom de qui elle est prononcée – de la société. En effet, quel que soit le
type de justice – pénale, civile ou administrative – qui suppose l’adhésion de l’ensemble des
parties à des « principes fondamentaux de l’organisation sociale au nom desquels on va
juger168 », la justice politique est fréquemment contestée jusque dans sa légitimité originaire.
Par ailleurs, la terminologie employée de « justice politique » est aussi constitutive d’une
difficulté et l’utilisation de ces termes antinomiques « semble jurer169 ».
Tant le juriste que le profane170 reconnaissent que la justice politique constitue en soi un
paradoxe. En effet, les termes de politique et de justice constituent un contresens à la fois dans
l’esprit collectif et pour le théoricien du droit.
Le terme de justice est communément assimilé à des aspects de punition et d’amendement. En
outre, la justice est morale, stable171, indépendante, impartiale et poursuit un but d’équité.
A l’inverse, l’idée de politique s’avère opportuniste, partiale, temporaire et réactionnelle voire
puérile ; elle s’inscrit dans une idéologie de parti et tend à être corrélativement amorale,
discriminatoire et autoritaire.
Politique et justice sont dès lors inévitablement opposées en ce qu’elles sont des notions
« hétérogènes172 » tant dans leurs fondements que dans leurs desseins.
Outre son obscurité et le paradoxe que représente sa terminologie, la notion de justice
politique emporte une difficulté supplémentaire en ce que son appréciation est
considérablement malléable, volatile et fluctuante 173. La notion de justice politique pose ce
problème dans la mesure où son organisation dépend inéluctablement du régime en place et
de ses aspirations, et qu’elle résulte d’une orientation volontariste174.
168
Y. Cordonnier, op. cit., p. 1.
169
J.-Y. Calvez, op. cit., p. 775.
170
Selon R. Charvin, op. cit., p. 1, il y a une convergence entre le juriste et le non juriste sur l’appréciation
terminologique de la notion de justice politique.
171
Ce critère de stabilité de la justice ne s’entend pas de la vocation dont dispose toute règle de droit de fond ou
de forme à évoluer, en ce sens le droit nécessite des réformes et est donc inévitablement instable. Mais il
convient d’entendre par l’idée de stabilité de la justice, l’idée selon laquelle la mission de service public de
résolution des conflits que poursuit la justice, ainsi que les principes de continuité, d’équité, d’égalité, ou encore
son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique sur lesquels elle repose, sont tous des principes voués à être
inaltérables. C’est en ce sens que la justice présente un caractère de stabilité.
172
R. Charvin, op. cit., p. 2. Selon ce professeur, « la justice politique serait le lieu géométrique d’une tension
entre un élément stable, le droit, considéré comme une norme issue d’une idée de justice transcendante, et un
élément dynamique, la politique, étroitement limitée et rattachée à ce qui a rapport au gouvernement de l’État ».
173
R. Charvin (ibid., p. 9), définit la justice politique comme un « phénomène social soumis à l’influence d’un
ensemble complexe de facteurs de nature et d’efficacité variables ».
174
Ibid., p. 8.
Cette idée est développée d’une autre manière mais avec un esprit analogue par J.-Y.
Calvez175 qui considère que « la justice se veut au-dessus des appréciations contingentes et des
opinions relatives, caractéristiques du domaine que l’on appelle politique ».
La justice politique relève ainsi de l’opportunité et de l’adaptation au contexte social ; mais
elle peut être appréhendée de deux manières différentes selon ses fins. Tantôt elle peut être
envisagée comme une justice « contre-pouvoir » - elle consistera alors en un frein aux
éventuels abus des détenteurs du pouvoir au sein des régimes démocratiques 176 ou semi-
démocratiques lors des périodes de calme – et tantôt elle peut être perçue comme une justice
« agent du pouvoir » - en servant de mécanisme de protection et de conservation au
gouvernement dans les régimes autoritaires ou semi démocratiques 177, et dans les régimes
démocratiques lors de périodes troublées178.
C’est notamment en tant que justice « agent du pouvoir » que la justice politique est utilisée
au cours du XIXème siècle, la justice « contre-pouvoir » étant reléguée à un plan secondaire du
fait de sa rareté et de son moindre intérêt à cette époque.
En dépit des difficultés qu’interpelle cette notion, il convient de souligner que toute entreprise
de définition ne serait toutefois pas vaine. En effet, la justice politique comporte trois aspects
permettant de discerner sa spécificité et de la dissocier de la justice de droit commun. La
présence nécessairement jointe179 de chacun de ces aspects permettra de qualifier la justice
politique.
Le premier critère est un critère matériel. Afin de déterminer si une situation entre dans le
champ de compétence de ce type de justice, il est indispensable de se pencher sur la qualité
des auteurs de l’infraction – ou du fait que l’on veut qualifier d’infraction – et/ou sur la nature
de ladite infraction. Ainsi, pour répondre à cette première condition, il faut que les personnes
poursuivies soient des fonctionnaires ou assimilés, et particulièrement des personnes
disposant d’une certaine autorité comme les hauts fonctionnaires, ou bien que la nature de
l’infraction comporte un objet politique, par opposition aux infractions de droit commun.
175
J.-Y. Calvez, op. cit., p. 775.
176
Ce qui est le cas d’une certaine manière pour les régimes démocratiques modernes. C’est ainsi qu’en vertu des
articles 68 et 68-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, d’une part le président de la République est
potentiellement justiciable de la Haute Cour – constituée par le Parlement – pour tout manquement
« manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat », et d’autre part les membres du gouvernement
sont pénalement responsables devant la Cour de justice de la République des actes accomplis dans l’exercice de
leurs fonctions et qui constituent des crimes ou des délits. Ces deux articles de la Constitution actuellement en
vigueur s’inscrivent particulièrement bien dans cette logique de justice contre pouvoir.
177
Nous entendons par régimes « semi démocratiques » les régimes parlementaires dont les membres du pouvoir
législatif ou certains d’entre eux, sont élus par le biais d’élections censitaires. Par exemple la Restauration, la
Monarchie de Juillet et le second Empire.
178
R. Charvin, op. cit., pp. 2 et 10.
179
Ibid., p. 3
Le deuxième critère est un critère organique ou formel. C’est-à-dire que la juridiction
compétente doit présenter certaines particularités. Il s’agira soit d’une juridiction spéciale
constitutionnelle ou extraconstitutionnelle180, soit d’une juridiction de droit commun mais
avec une composition spéciale.
Le troisième critère est un critère fonctionnel. Il consiste en la poursuite du dessein alternatif
précité, d’affaiblissement et de contrôle des agents du pouvoir par la mise en jeu de leur
responsabilité pénale, ou de renforcement l’autorité publique par la répression des actes
d’opposition. Et c’est notamment ce dernier aspect qui est manifesté par la pratique des
gouvernements du XIXème siècle.
Les gouvernements du XIXème siècle orienteront leur justice politique particulièrement sur le
second aspect de la définition181 dans la mesure où la justice agent du pouvoir sera
principalement adoptée à travers tous les régimes de l’époque pour lutter contre les
adversaires du pouvoir.

B-/ La rigueur d’une justice fondée sur les particularismes de


ses justiciables

La justice politique présente une différence majeure par rapport au droit commun, dans la
mesure où pour évaluer une peine et pour en apprécier le degré d’importance, on ne se fie pas
systématiquement à la valeur sociale à laquelle l’agent a attenté ou à la valeur sociale
potentiellement atteinte.
Les gouvernements orientent essentiellement leur répression en fonction de l’hostilité que
présentent les auteurs d’infractions à l’égard des institutions ou du pouvoir. Plus l’hostilité et
la haine vouées aux gouvernants ou au gouvernement est importante et plus la renommée ou
la popularité des prévenus est grande, plus la peine requise ou prononcée sera rigoureuse.
La justice politique représente pour les gouvernements un double moyen. Il s’agit d’abord
d’un instrument très efficace pour neutraliser ou éliminer ses opposants les plus redoutables
sans craindre une potentielle clémence des juridictions pénales ordinaires.

180
Cf. infra, Deuxième partie, Titre II.
181
La justice politique contre-pouvoir ne fut pas pour autant exclue des régimes politiques du XIX ème siècle.
L’une des affaires les plus retentissantes fut l’affaire du scandale Teste-Cubières. Cette affaire qui fut révélée en
mai 1847 faisait intervenir deux personnalités politiques du gouvernement de Juillet, le général Despans-
Cubières (ministre de la guerre entre 1839 et 1840) et J.-B. Teste (ministre du commerce et des travaux publics
en 1834 et de 1839 à 1843). Cette affaire qui portait sur des questions de pot-de-vin et de corruption fut évoquée
par Louis-Philippe devant la Cour des pairs qui rendit son arrêt le 17 juillet 1847 et devait contribuer à la chute
du gouvernement de Juillet par l’impopularité qu’elle avait fait naître contre le pouvoir politique. Cette affaire
est l’une des plus connues, illustrant le caractère de contre-pouvoir que peut constituer la justice politique. Cf.
pour le rôle que joua ce scandale dans la chute du régime, L. Proal, La criminalité politique, Paris, 1895, pp. 209
et 210.
Il s’agit ensuite de pallier le plus efficacement possible aux lenteurs endogènes à la justice de
droit commun. J. Larrieu182 illustre cette idée en considérant que « s’il s’agit de neutraliser,
d’éliminer des opposants irréductibles, la justice n’est pas le moyen le plus efficace ni le plus
rapide […] L’efficacité de la répression est mieux assurée par des moyens de fait tels que les
exécutions sommaires ou les disparitions ».
En outre, la publicité occasionnée par un procès de droit commun s’avère entraîner des
conséquences nuisibles quant à la légitimité dont souhaitent se doter les régimes. Aussi est-il
préférable pour les gouvernements de prononcer des peines rigoureuses et expéditives en
dehors des sentiers battus afin d’éviter toute publicité dommageable à court ou moyen terme
pour le pouvoir. En atteste J. Larrieu183 pour qui « le procès offre toujours une certaine
publicité à la cause combattue et lui fournit des martyrs ».
De la Révolution jusqu’à la troisième République, la tenue de procès publics ou leur publicité
a toujours suscité l’animosité et l’indignation concomitante ou subséquente d’une partie de la
population.
Témoignent de l’impopularité qui en résulta pour les gouvernements en place, l’impact
qu’eurent les procès suivis de la condamnation à mort de Louis XVI et de Marie-Antoinette
lors de l’avènement de la Convention, de Danton et des dantonistes en avril 1794, du duc
d’Enghein sous le premier Empire, du maréchal Ney sous la Restauration ou encore des
quatre sergents de la Rochelle sous la Monarchie de Juillet.
Outre la qualité de martyrs dont sont revêtues les « victimes » de la justice politique, la qualité
ou la renommée de ces personnes emportent aussi une place importante dans le sentiment
d’indignation qui résulte de l’exécution de la sentence.
En effet, bien souvent à travers la qualité de la personne exécutée ou condamnée, une
résistance va être menée. Ainsi les exécutions contre les royalistes sous la Convention et
l’Empire contribuent-elles à favoriser la réaction royaliste, de même que l’exécution du
maréchal Ney et l’exil de Napoléon Ier tendent-ils à favoriser les complots bonapartistes.
En somme, à la différence du procès pénal classique au terme duquel l’objectif est de faire
apparaître la manifestation de la vérité, le procès politique entend avant tout procéder
discrètement à l’élimination des adversaires du pouvoir afin de prémunir le gouvernement
182
J. Larrieu, De quelques constantes de la justice politique Française depuis la Révolution, RSC, 1987, p. 803.
Selon ce juriste, l’un des exemples le plus pertinent est la création et le recours systématique aux tribunaux
révolutionnaires institués par la loi du 17 août 1792 (jusqu’au 29 novembre de la même année) puis rétablis par
la loi du 10 mars 1793, sous la Convention nationale. Ces « tribunaux » dont la compétence était pratiquement
illimitée étaient par nature les organes du pouvoir les plus dévoués, expéditifs et répressifs. Ils témoignent du
paroxysme que peut atteindre l’aspect répressif de la justice politique.
183
Ibid.
établi du danger qu’ils représentent et de se fonder une plus grande légitimité 184 ou de la
sauvegarder.
Mais à défaut de répondre à ces nécessités, du fait de la qualité des suppliciés ou des
condamnés et du fait de la rigueur de la peine, loin de se prémunir de la fumée des dangers ou
de la dissiper, les gouvernements ne font qu’attiser le feu du mépris, de la révolte, voire de
l’insurrection.
Lorsque les débats sont publics, les tribunaux et les cours de justice ne sont dès lors plus que
des champs de bataille au sein desquels les affrontements et les querelles entre les partis se
prolongent. J. Larrieu185 témoigne de ce constat en considérant que le « prétoire se meut en
arène politique où se poursuit le combat entre le pouvoir et ses opposants, le procès
apparaissant même parfois comme une sorte de prolongement de la guerre civile ».
Par ailleurs la sentence contribue à fragiliser davantage la légitimité des régimes dans la
mesure où bien souvent juge et accusé ne tiennent leurs places respectives que d’un concours
de circonstances. En effet, la cause historique par laquelle résulte leur situation est par nature
fragile et leur légitimité est d’autant plus discutable que pour voiler la précarité qui les
menace, ils s’emploient à prendre des mesures qui se veulent perpétuelles.
Empruntant un vieil adage, le doyen J. Carbonnier disait « la perpétuité est dans le vœu de la
loi186 ». Plus encore que dans la loi, c’est dans leur constitution même que les gouvernements
vouent un culte éternel et perpétuel. Or la fin du XVIII ème et la plus grande partie du XIX ème
siècle démontrent que dans notre histoire ce culte de l’immortalité des gouvernements est bien
vain dans la mesure où ces constitutions appelées à durer sont éphémères et où les
gouvernements que l’on disait stables, légitimes et puissants s’effondrent plus vite qu’ils ne se
sont imposés. La versatilité humaine combinée à l’opportunité des intérêts personnels,
contribue constamment à ériger de nouveaux ennemis aux gouvernements en place.
La précarité politique de ces jugements de circonstance est résumée par l’idée que développe
J. Larrieu187, idée selon laquelle « le vainqueur prétend juger le vaincu au nom d’un ordre
intemporel que ce vaincu récuse et considère comme éphémère ».
C’est ainsi que des lois qui se voulaient toutes perpétuelles, sont marquées invariablement du
fait de leur étroite dépendance au régime en place, par le sceau de l’instabilité. Qu’il s’agisse

184
Y. Cordonnier, op. cit., p. 1.
185
J. Larrieu, op. cit., p. 804.
186
J. Carbonnier, Essais sur les lois, Paris, 1979, p. 9. Historiquement cette affirmation solennelle fut inscrite
dans le projet de Code civil de 1804.
187
J. Larrieu, op. cit., p. 803.
de la loi d’amnistie du 12 janvier 1816188 au terme de laquelle l’article 4 procède au
bannissement à perpétuité de Napoléon Bonaparte et de sa famille, ou encore de la loi du 10
avril 1832189 qui par le biais de son article premier prévoit le bannissement de Charles X et de
sa famille, ou qu’il s’agisse enfin du décret du 26 mai 1848 190 qui prononce le bannissement
de Louis-Philippe et de ses proches ; dans tous ces cas, les mesures d’éloignement des
prétendants au pouvoir n’ont qu’un effet relatif lié au régime et aux institutions en place. Ces
mesures sont dès lors d’une très grande précarité, paradoxalement à leurs desseins.
Ce caractère est développé par J. Larrieu191 pour qui « la loi présente une certaine stabilité
sans pour autant prétendre à l’éternité. Elle est l’expression d’un ordre social qui peut changer
[…] L’évolution des évènements se charge quelquefois de démontrer cette précarité en
inversant brutalement les rôles ».
L’opportunisme politique ne consiste toutefois pas seulement à prononcer des condamnations
en fonction de la qualité de la personne considérée comme ennemi du régime, cet
opportunisme permet également d’infliger des peines rigoureuses, le plus souvent au
détriment de la légalité.

§ II – Une justice à caractère arbitraire illustrée


par la sévérité de la répression

Au détriment des règles de droit pénal et de procédure pénale, la justice politique du début du
XIXème siècle se place dans la continuité de la période révolutionnaire en se complaisant d’un
certain opportunisme juridique. Ainsi, il apparaît très fréquemment que le pouvoir politique se
détourne des sentiers de la légalité afin d’établir une justice plus prompte et efficace.
Ce mépris ou cette indifférence de la légalité manifestant une certaine rigueur du pouvoir
politique à l’encontre de ses adversaires, se manifeste tant par la violation des règles de
procédure et de fond (A), que par la rigueur exacerbée des peines infligées, voire parfois par
leur cruauté (B).

A-/ Une répression arbitraire

Le caractère arbitraire de la justice politique peut se manifester sous deux aspects. Le premier
fut historiquement mis en place par la Convention, laquelle en procédant à la mise « hors la

188
Cf. annexe n° 5.
189
Cf. annexe n° 6.
190
Cf. annexe n° 7.
191
J. Larrieu, op. cit., p. 803.
loi192 » de ses adversaires potentiels ou avérés, s’était donné la faculté de contourner le droit et
les règles procédurales en expurgeant du bénéfice de la loi et de ses garanties, ceux qu’elle
désirait éliminer promptement.
C’est ainsi que des individus perdaient leur qualité de citoyen ainsi que les garanties pénales
les plus fondamentales et étaient exclus du champ d’application de la loi pénale commune,
légitimant dès lors des procédures sommaires, simplifiées et arbitraires.
Ce premier aspect tient néanmoins une place marginale au rang des mesures utilisées par les
gouvernements contre leurs adversaires politiques, lesquels gouvernements préfèrent
contourner le droit d’une autre manière.
En effet le second aspect illustrant le caractère arbitraire de la justice politique est le plus
communément usité. Il consiste à dévoyer la procédure et les règles de droit criminel soit en
modifiant la législation criminelle, soit en invoquant un état de nécessité afin de déroger
légitimement à la légalité.
De nombreux exemples peuvent témoigner de ce second aspect à travers la violation flagrante
des règles procédurales et pénales. L’un des plus emblématiques est la condamnation du
maréchal Ney, le 6 décembre 1815.
Cet ancien maréchal d’Empire ayant prêté serment au gouvernement de Louis XVIII au
lendemain de la Restauration, fait acte de trahison une seconde fois 193 en favorisant l’entrée de
l’ex-empereur en France.
Appelé à comparaître devant un conseil de guerre après la chute des Cent-Jours, il refuse
d’être jugé par ses anciens collègues, et eu égard à sa qualité de pair de France, il exige de
comparaître devant la Cour des pairs. Cette dernière pour le condamner à la peine capitale
retient entre autres la qualification de crime de haute trahison.
En dépit des polémiques que put susciter ce jugement, cette seule qualification constituait une
violation flagrante des règles pénales dans la mesure où la Cour retenait à l’encontre du
maréchal la qualification d’un crime qui n’avait jamais été défini par la loi 194. Dès lors, le
principe de non-rétroactivité de la loi pénale était ouvertement bafoué.
De la même manière, à l’occasion du procès du maréchal Ney et du procès des insurgés
d’avril en 1834, la Cour des pairs qui était compétente en vertu de l’article 33 de la Charte
192
Cf. à ce titre le décret du 7 septembre 1793 (annexe n° 8) déclarant hors la loi les Français qui auraient
accepté des fonctions publiques dans des provinces envahies par les puissances ennemies de la Convention.
193
Il avait personnellement contribué à l’abdication de l’empereur ce qui lui avait valu le titre de pair de France
sous la Restauration. Or, après le débarquement à Golfe-Juan le 1 er mars 1815, après avoir tenu ce propos célèbre
selon lequel il s’engageait à ramener Bonaparte « dans une cage de fer », il se rallia très rapidement à ce dernier.
194
Cf. J. Larrieu, op. cit., p. 804.
constitutionnelle de 1814, puis de l’article 28 de la Charte constitutionnelle de 1830, dut
improviser face au silence et à l’incertitude entourant sa fonction de Cour de justice. C’est
ainsi que les règles procédurales ordinaires devaient souffrir d’importantes dérogations, quand
bien même la Cour des pairs essayait dans la mesure du possible d’appliquer le droit commun.
Au reste, de telles illégalités symbolisent fidèlement la justice politique à tous les stades de la
procédure, qu’il s’agisse de l’instruction, du jugement ou des voies de recours. Elles tendent
inéluctablement à s’orienter vers une fin d’efficacité répressive, en accélérant et en facilitant
la répression, en instituant une juridiction partiale195 et en diminuant parfois les droits de la
défense196.
Ainsi, dès le stade de l’instruction, un premier coup est porté à la légalité à travers la violation
du secret de l’instruction et/ou la violation du principe de séparation des autorités
d’instruction et de jugement, comme cela est souvent le cas au sein des Hautes Cours de
justice197.
Ensuite, la phase de jugement est également compromise par la violation du formalisme
procédural et des droits de la défense198, et par la partialité des juges. Ordinairement en
matière de justice politique, notamment parce que la juridiction 199 est directement
subordonnée au pouvoir en place, la sentence est préalablement déterminée et décidée avant
tout jugement. De tels procès constituent « un prélude aussi bref que possible au peloton
d’exécution […] L’accusé étant [est] considéré comme irrécupérable200 ».
Au reste, alors même qu’il s’agirait d’une juridiction de droit commun, bien souvent 201 les
juges ont un avis tranché sur l’issue de l’affaire dans la mesure où par leur serment
d’allégeance au pouvoir politique, ils ont parfaitement et consciemment assimilé le pouvoir en
place.

195
L’un des principaux vices de la justice politique est d’instituer des juridictions dont le pouvoir politique est le
seul dépositaire. Dès lors le gouvernement se trouve être juge et partie, au détriment des principes libéraux les
plus élémentaires de séparation des pouvoirs et d’indépendance du juge. Ainsi, comme l’illustre J. Larrieu (ibid.,
p. 811), en mettant en place une justice politique, « le pouvoir politique escompte que les juges assureront un
résultat conforme à ses objectifs ».
196
J. Larrieu, ibid., p. 805.
197
Cf. infra, Deuxième partie, Titre I, Chapitre 2, Section 1.
198
Pour J.-Y. Calvez (op. cit., pp. 776-777), les droits reconnus à l’assistance d’un conseil et à un recours contre
la sentence font souvent défaut dans les procès politiques. En effet, ces procès sont « fréquemment rapides,
sinon expéditifs, parfois secrets ; et l’accusé n’aura pas la possibilité de s’exprimer en toute liberté ni sur toute
matière. Même si on ne lui refuse [généralement] pas un conseil, on lui déniera parfois le libre choix ».
199
Cela vaut essentiellement pour les juridictions d’exception. Cf. infra, Deuxième partie, Titre I, Chapitre 2,
Section 1.
200
J. Larrieu, op. cit., p. 812.
201
Ce constat représente la majorité des cas en matière de justice politique. En revanche, concernant les
infractions politiques, le système semble s’inverser – hormis en période de troubles – et les juges semblent être
enclins à plus de clémence et d’indulgence contre les délinquants politiques.
Les juges prennent alors en considération le régime établi comme une « réalité permanente
fondée sur des valeurs définitives » et l’ennemi – le justiciable – du régime comme un
« élément extérieur à cette société202 », élément qu’il convient d’ostraciser voire d’éliminer.
Il ne s’agit pas d’un simple procès aussi retentissant soit-il. Il n’y a plus un juge et un accusé,
mais deux partis qui s’affrontent dans une lutte perpétuelle : le pouvoir et l’opposition. Or, à
défaut de combattre à armes égales, le procès politique permet tout de même au justiciable de
disposer d’armes non négligeables contre le pouvoir.
Selon J. Viaud, « les conditions sont plus égales qu’on ne pense, et si l’un des partis dispose
de l’arbitraire et de la force matérielle, le second peut invoquer d’autres secours qui
combattent pour lui203 ». Ainsi ce dernier peut influer sur l’opinion et susciter en son sein une
vague de soutien204. Il peut faire connaître sa cause et rendre l’adversaire odieux, ce qui lui
permettra d’étendre son influence ou au moins de faire reconnaître le pouvoir en place comme
légitimement ou juridiquement discutable205.
En outre, eu égard à la qualité particulière du justiciable et à la forme atypique de la justice
politique, parce qu’il considère le régime en place comme arbitraire, illégal ou despotique,
ledit justiciable refuse fréquemment les règles imposées par le pouvoir et va conduire une
stratégie de défense particulière.
Pour le justiciable de la justice politique la Cour et le procès se transforment en tribune
politique206 au sein de laquelle, à défaut de se défendre face aux accusations avérées ou
calomnieuses, il se livre à une continuation de son combat politique 207. Le justiciable ennemi
politique du régime devient alors un tribun luttant contre un système qu’il conteste.
En conséquence, le jugement n’est plus qu’un semblant de légalité ou qu’un simple
instrument servant à légitimer le prononcé et l’application de la peine. Cet instrument doit
alors être simplifié au maximum afin de rendre toute tentative de défense inopérante.

202
Y. Cordonnier, op. cit., p. 12.
203
J. Viaud, La peine de mort en matière politique : étude historique et critique, Paris, 1902, p. 233.
204
Cf. infra, Chapitre 2, Section II.
205
J. Viaud, op. cit., p. 50. Selon cet auteur, « le déploiement de la force et de l’arbitraire est mieux un secours
qu’un obstacle, parce qu’il autorise de bruyantes récriminations. Le pouvoir par le fait même qu’il constitue un
tribunal suspect perd sa gravité d’arbitre. Il s’est mis au niveau des combattants, il s’est exposé aux hasards de
la discussion et de la lutte, il ne doit pas être surpris de sortir déprécié de l’aventure ».
206
Une telle « dénaturation » du procès est très fréquente. Ce fut notamment le cas lors du procès de G. Danton
et de C. Desmoulins du 2 au 5 avril 1794, ou encore à l’occasion du procès des insurgés de mai 1839 et de
Barbès en juillet de la même année. C’est dans cet ordre d’idées, qu’à l’occasion des procès de mai 1868, un des
prévenus déclare à ses juges : « Si, devant la loi nous sommes, vous des juges et nous des accusés ; devant les
principes, nous sommes deux partis : vous le parti de l’ordre à tout prix, de la stabilité ; nous le parti
réformateur, le parti socialiste ». Cf. R. Charvin, op. cit., p. 159.
Cf. également J.-Y. Calvez, op. cit., p. 775. Pour ce dernier, « la politique hante les prétoires […] Le palais de
justice sert de tribune ».
207
Y. Cordonnier, op. cit., p. 17.
Cette idée est développée par J. Larrieu208 qui considère que « la phase de jugement n’échappe
pas […] à ces altérations du droit commun. La prudence, le formalisme, la précision de la
procédure ordinaire destinés à permettre la recherche méthodique de la vérité et à préserver la
liberté individuelle se trouvent oubliés pour mieux assurer la répression […] On multiplie les
obstacles à l’organisation de la défense, on refuse à l’accusé le droit de choisir librement son
défenseur, ou bien, on le prive carrément d’avocat ».
Enfin, la question de « l’après jugement » est aussi concernée par les rigueurs de la justice
politique, en ce sens que les sentences rendues par les juridictions statuant en cette matière,
sont insusceptibles de recours et de réformation209.
Un tel système entraîne une violation supplémentaire des principes fondamentaux du droit
pénal et ne fait que renforcer la détermination des adversaires du pouvoir et le mépris de
l’opinion publique.
Si la justice politique se délie et se dégage des contraintes légales au niveau de la forme et du
fond de la règle pénale, une autre particularité illustre ce type de justice, il s’agit de l’extrême
rigueur dont vont être constituées les peines.

B-/ Une répression sévère et paroxysmique

La radicalisation de la Révolution avait fournit un nombre incommensurable d’exécutions


politiques. En vertu de la loi des suspects du 17 septembre 1793 210 votée par la Convention
nationale sous l’impulsion de P.-A. Merlin de Douai et de J.-J. Cambacérès, toute personne
suspectée d’être favorable à la royauté ou au fédéralisme, ainsi que toute personne dite
« ennemi de la liberté » (article 2 – 1°) ; de même que les personnes ne pouvant pas justifier
de leurs droits civiques (article 2 – 2°) ou celles qui auront été déchues de l’exercice de ces
droits (article 2 – 3°) ou les fonctionnaires publics suspendus de leurs fonctions par la
Convention (article 2 – 4°) ; et de manière générale toute personne appartenant à la noblesse
ou de la famille d’émigrés qui n’aura pas constamment démontré son attachement à la
Révolution (article 2 – 5° et 6°), sont considérés comme suspectes.
S’ensuivit l’arrestation de nombreux suspects en vertu de l’article 3, c’est-à-dire de toute
personne suspectée d’être ennemie de la Révolution, jusqu’à ce qu’un jugement ait tranché la
question de leur culpabilité.
208
J. Larrieu, op. cit., pp. 805-806.
209
Ibid., p. 812. Cf. également J.-Y. Calvez, op. cit., p. 777, qui souligne le défaut généralisé de tout recours en
matière de justice politique en considérant que « généralement le jugement est sans appel ».
Voir à ce titre la procédure applicable devant la Cour des pairs, puis devant la Haute Cour de justice. Cf. infra,
Deuxième partie, Titre I, Chapitre 2, Section I.
210
Cf. annexe n° 2.
Même si a priori ce décret ne limitait la peine qu’à l’emprisonnement, il s’inscrivait toutefois
dans un contexte répressif beaucoup plus étendu. Ainsi, en le combinant à l’arrêté de la
commune de Paris du 20 vendémiaire an II211 (11 octobre 1793) et à la création du tribunal
extraordinaire du 10 août 1792, la loi dite « des suspects » permettait de déférer aux tribunaux
révolutionnaires toute personne suspecte212 et de faire prononcer d’innombrables sentences de
mort.
La peine de mort devait alors jouer un rôle majeur dans les condamnations des ennemis
politiques des régimes en place. En témoigne cette phrase de M. Morabito213 pour qui « la
mort devient la sanction généralisée des conflits politiques ».
Malgré les massacres et les épurations vendéennes qui n’émanaient pas directement de
sentences judiciaires mais de décisions purement politiques – notamment par la création des
colonnes infernales par Turreau le 17 janvier 1794 – et des massacres commis à l’occasion
d’insurrections populaires214 ; de nombreux procès eurent lieu pour condamner les adversaires
des régimes en place.
C’est ainsi que furent prononcées, pour les plus connues, les exécutions de Louis XVI le 21
janvier 1793, de Marie-Antoinette le 16 octobre 1793, de plusieurs députés girondins le 30
octobre 1793, d’Hébert et des hébertistes le 24 mars 1794 et de Danton et des dantonistes le 5
avril 1794215.
L’exécution de Robespierre et des siens le 28 juillet 1794, mettant fin au règne de la Terreur,
ne faisait pas cesser pour autant les exécutions politiques, même si elles tendaient à diminuer
de plus en plus.
Ainsi l’exécution de Babeuf et de Darthé le 27 mai 1797 et la loi de Lazare Carnot du 16 avril
1797 qui punissait de mort toute apologie de la Constitution de 1793 et tout appel à la
dissolution du Directoire, illustraient de manière explicite la rigueur déployée par le
Directoire pour combattre ses adversaires politiques.
Sous le Consulat et l’Empire, l’échafaud politique demeurait un instrument utile au pouvoir.
Alors même que le régime était moins menacé que les régimes précédents dans la mesure où
Bonaparte avait réussi à instaurer une certaine unité transcendant les factions républicaines et
211
Cf. annexe n° 9.
212
A l’apogée de la Terreur, la qualification d’ennemi politique est si large qu’elle comprend toute personne qui
n’adhère pas personnellement à la politique de Robespierre.
Selon M. Morabito, Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958), p. 108, « La notion d’ennemi acquiert
sa signification la plus large. Tout ce qui ne relève pas du clan robespierriste est désormais suspect ».
213
Ibid.
214
Pour les plus célèbres, les massacres du 10 août 1792 et des 2 et 6 septembre 1792.
215
M. Morabito, op. cit., p. 86.
monarchistes, ces régimes furent pourtant toujours enclins à user de l’échafaud contre leurs
adversaires, et pas forcément contre seulement les plus irréductibles.
La raison est que, selon J. Viaud216, ces deux régimes ont conservé les « principes utilitaires,
qui, pendant la période révolutionnaire, appelaient à l’égard des crimes d’État, une sévérité
outrée ». L’utilitarisme tiendra d’ailleurs une place conséquente dans la légitimation et dans
l’étendue de la sanction en matière de sûreté de l’État dans le Code de 1810217.
Pourtant il semble se dessiner une volonté de modération. L’usage de la mort en matière
politique n’est plus légitimé que par la nécessité. En effet, les régimes du Consulat et de
l’Empire ne font « pas de l’échafaud politique un moyen normal et quotidien de
gouvernement, mais [n’en font usage que] dans la mesure qu’ils croient nécessaire à leur
sécurité218 ».
Aussi peut-on constater l’évolution d’une conception naguère intangible et absolue vers une
conception plus rationnelle et pragmatique. Il semble qu’à partir de l’Empire et surtout à partir
de la première Restauration219, l’usage de la mort en matière politique ne soit plus qu’un
moyen ponctuel et exceptionnel, légitimé le plus souvent par des motifs de vengeance et de
réaction. La clémence et le pardon sont alors placés à l’ordre du jour.
Témoigne de cette volonté de clémence, la devise de Louis XVIII au lendemain de son
avènement : « Paix, repos et oubli220 ». Cette devise est mise en pratique et s’illustre par le
maintien du personnel administratif et militaire napoléonien et par la politique d’amnistie
permettant à des régicides de faire partie du gouvernement221.
Selon E. de Waresquiel et B. Yvert222, dès les débuts de la Restauration, la politique royale et
la politique gouvernementale évitent « de tomber dans le piège des épurations massives et des
fournées d’anciens fonctionnaires napoléoniens sacrifiés à un système nouveau ». Selon ces
historiens, la société est même étonnée d’une telle continuité de l’administration après un
changement de l’ordre politique. Par ailleurs toutes les fonctions, quelle que soit leur autorité,

216
J. Viaud, op. cit., p. 50.
217
Cf. infra, Titre II, Chapitre 1, Section I.
218
J. Viaud, op. cit., p. 2.
219
En effet, selon J. Viaud, Ibid., « traditionnellement les gouvernements réservaient aux délinquants politiques
les plus impitoyables rigueurs, ce n’est qu’à partir de la Restauration qu’une politique plus clémente tend à voir
le jour ».
220
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 67. Selon ces historiens, les desseins de repos et d’oubli, à l’instar de
la paix, caractérisent les débuts du règne de Louis XVIII. Cette devise, qui se veut la clé de voute du nouveau
régime est partagée par de nombreux membres du gouvernement tels que Montesquiou, Pasquier, Louis,
Talleyrand, Dupont, Beugnot, Malouet ou encore un certain F. Guizot…
221
A ce propos, on attribue à l’un desdits régicides (Fouché) cette phrase selon laquelle « Louis XVIII se serait
tout simplement couché dans le lit de Napoléon ».
222
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 69.
bénéficient de cette stabilité, « des maires aux préfets [et] des juges aux procureurs
généraux ».
Pourtant les espérances de calme et d’oubli auxquelles tendait le gouvernement sont
rapidement affectées et remises en cause par la tournure des évènements. Le débarquement de
Bonaparte au Golfe Juan le 1er mars 1814, son ralliement d’une grande partie de l’armée et la
chute de la première Restauration portent un coup fatal aux ambitions de rémission et
d’amnistie des débuts du régime.
Comme l’explique J. Viaud, « l’aventure des Cent-Jours retarde cette espérance en
surexcitant les passions politiques ». La réaction des années 1816 à 1820 sera double :
institutionnellement, elle se traduira par la loi dite « d’amnistie » de janvier 1816223 excluant
de l’amnistie toutes les personnes qui ont pris part au retour de l’ex-empereur 224, et
civilement, elle se manifestera par la Terreur blanche commanditée et opérée, notamment
dans le Sud du pays, par les Ultras225.
Néanmoins, la justice politique, aussi bien durant les Cent-Jours 226 qu’à l’avènement de la
seconde Restauration, semble avoir évolué. La peine de mort contre les ennemis politiques
devient une exception. Ce procédé est désormais utilisé non plus comme un moyen préventif
destiné à l’élimination systématique des opposants politiques, mais comme un moyen
répressif déployé en réponse à des actes déterminés. Autrement dit, de fait la justice politique
semble adopter un semblant de légalité en ne s’abattant que sur la tête de ceux qui ont
« positivement » attenté au pouvoir politique.
En conséquence, il semble que le recours à la justice politique se fait plus rare dans les
dernières années du XVIIIème siècle et dans le premier quart du XIX ème. Les tensions nées de la

223
Cf. annexe n° 5.
224
Pour J. Viaud, op. cit., p. 3 : « Les Cent-Jours font renaître un climat de méfiance et de vengeance, [c’est pour
cette raison que] la seconde Restauration abdique cette clémence ».
225
P. de la Gorce, Terminer la Révolution, Plon, 1952, p. 64. Cet historien témoigne avec pertinence de la phase
de réaction qui apparait dans les premières années de la seconde Restauration. Cette réaction semble être inspirée
d’une part du fait de l’attachement d’une partie de la droite aux principes de l’Ancien Régime, et d’autre part, du
fait de l’état de nécessité dans lequel se trouve l’État en recourant à la notion de salut public. En effet, selon cet
historien, « l’heure n’était plus à la liberté, mais aux lois d’exception, à la censure, à la répression : nouveau
salut public à l’envers par où la droite montrait à travers son attachement à l’Ancien Régime un penchant pour
les mesures d’exception qu’elle partageait avec la tradition révolutionnaire ».
Cf. également A. Nettement, Souvenirs de la Restauration, Éditions J. Lecoffre, Paris, 1858, pp. 149 à 181.
226
Aux débuts des Cent-Jours, rien n’est fait contre le personnel de la Restauration encore en place. Alors même
qu’il s’agit de personnes résolument hostiles à Bonaparte, personne ne semble être inquiété. Ainsi, tant les
préfets que les maires dont la majorité est royaliste et/ou noble, ne sont que partiellement remplacés. Cf. E. de
Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 116.
De la même manière (Ibid., p.112), le duc d’Angoulême, qui, après avoir combattu les troupes bonapartistes dans
le Sud de la France et capitulé le 8 avril à Valence, est retenu prisonnier durant 6 jours. Bonaparte pense d’abord
à en faire un exemple en le condamnant à mort. Mais il est relâché le 14 et embarque le 16 avril à Sète pour
Cadix.
guerre civile s’étant altérées avec le temps et la paix qui s’instaure à l’intérieur de la France 227,
et devant la désapprobation de la peine de mort contre les adversaires politiques des
gouvernements dans l’opinion publique228, aussi les gouvernements du XIXème siècle sont-ils
moins enclins à recourir à des procédés expéditifs contre leurs adversaires. C’est ainsi
qu’hormis l’exécution du duc d’Enghein le 21 mars 1804, de Cadoudal le 10 juin 1804 et du
maréchal Ney le 6 décembre 1815, le recours à la justice politique semble s’atténuer et se
raréfier.
Cette nouvelle approche à l’égard du justiciable de la justice politique allait entraîner et
contribuer, avec l’influence libérale du premier quart du XIXème siècle, à une remise en
question de ce type de justice et à un glissement vers la notion juridiquement moins discutable
et illégitime, celle de l’infraction politique.
Ajoutons que le développement et l’impact que produit dans la pensée politique la conception
humaniste selon laquelle l’individu doit être reconnu comme un être détenteur de droits que
l’État doit assurer, au même titre que l’État est créancier de certains devoirs de la part de
chaque individu, constitue un élément supplémentaire à ce mouvement de contestation.
En effet, il est reconnu depuis la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, que
lorsque la liberté dont chacun dispose de participer à l’organisation sociale est violée par
l’État ou la constitution, l’individu dispose d’un droit légitime à l’insurrection.
En conséquence, punir et affliger de sanctions rigoureuses des individus qui se sont
déterminés à agir dans un tel raisonnement constitue la démonstration d’une dérive arbitraire
de la part du gouvernement.
La question atteint une valeur symbolique encore supérieure lorsque la peine envisagée contre
l’agent justiciable de la justice politique, consiste en la peine de mort. C’est pour cette raison
que l’on voit émerger dès les années 1820 chez quelques personnalités de l’époque et au sein
de l’opinion publique, puis au sein d’une partie de la classe politique sous la Monarchie de
Juillet, pour être définitivement consacré en 1848, un mouvement tendant à prendre en
considération la question de la peine de mort en matière politique.

227
L’un des actes fondateurs de la paix intérieure est le traité de La Jaunaye, conclu entre les principaux chefs
vendéens et notamment Charrette, et les éléments les plus modérés de la Convention thermidorienne représentés
par Ruelle. Ce traité est signé le 17 février 1795 après six jours de négociations. Nonobstant son caractère
éphémère – il sera rompu quelques mois plus tard, le 25 juin 1795 -, il permet néanmoins d’atténuer les tensions
entre les factions rivales et s’inscrit dans un effort de réconciliation nationale.
228
Cf. infra, Chapitre 2.
Chapitre 2 – Genèse et développement du discours 
abolitionniste sur la peine de mort en matière politique

Dans le prolongement de la réflexion initiée par les Lumières sur les fondements du droit de
punir et sur la nature vers laquelle doit tendre la peine, se profile au début du XIX ème siècle un
discours encore inédit sur la question de la peine de mort en matière de justice politique.
Réaffirmant implicitement l’idée selon laquelle tout individu dispose d’un droit naturel à
l’insurrection lorsque l’organisation sociale viole les droits et les libertés fondamentales de
l’individu, les libéraux de l’époque posent la question de savoir s’il est légitime de punir de
mort le justiciable de la justice politique.
La réponse devra mettre près de trente années avant d’être résolue par l’abolition définitive de
la peine de mort en matière politique. Le principe de l’abolition est finalement établi au sein
de la législation française en 1848 au terme d’un débat de plus d’un quart de siècle. La raison
principale de l’adoption tardive de ce principe résulte de l’existence d’un dilemme selon
lequel les hommes politiques de cette époque ne parviennent pas à déterminer quelle est la
valeur sociale qui doit primer sur les autres.
Entre une philosophie individualiste et humaniste qui place l’individu au sommet de l’échelle
des valeurs et une pratique juridique stable et soucieuse du maintien de l’ordre social qui érige
l’État comme norme sacrée et inaliénable 229, le débat demeure ouvert sans parvenir à porter de
fruits dans la pratique répressive des gouvernements.
Or il est intéressant de relever que la naissance et le développement du discours abolitionniste
témoignent de la prise en considération de l’individu. En conséquence nous observerons d’une
part les origines, le développement et l’impact que produit le discours abolitionniste au XIXème
siècle. Nous verrons notamment que partant d’une réflexion des Lumières sur la peine allant
dans un sens de modération, très rapidement s’élève au sein de la société à travers l’opinion
publique, une contestation de la peine de mort en matière politique (Section I).
Par ailleurs il s’agira de relever quels sont les principaux acteurs de ce discours et la manière
par laquelle ils parviennent à influer sur les gouvernements afin d’aboutir à une abolition
définitive. Nous observerons que parallèlement au mouvement de contestation qui se
développe au sein de l’opinion publique, des penseurs commencent à se dresser contre la
peine capitale. Qu’ils soient des juristes, des hommes de lettres ou des hommes politiques, ces
229
En effet on constate que la philosophie qui inspire la législation criminelle n’évolue que très peu. Elle s’illustre
par une certaine stabilité du Code pénal, qui fidèlement à l’esprit dont l’avait doté le législateur de 1810,
maintient la sûreté de l’État au sommet de cette échelle de valeurs. Cf. infra, Titre II, Chapitre 1, Section I.
penseurs présentent de nombreux arguments en faveur d’un abolitionnisme tantôt général et
tantôt limité à la justice politique (Section II).

Section I – L’influence de la pensée libérale sur l’abolition de la peine 
capitale en matière politique

Les idées libérales d’individualisme et d’amendement permettent aux penseurs et à la doctrine


du XIXème siècle de contester la rigueur de certaines peines. C’est notamment par le biais de la
théorie de la révocabilité des peines, que le mouvement abolitionniste va développer une
doctrine s’opposant à l’usage et au recours de la peine capitale concernant la justice politique,
se heurtant avec la conception traditionnelle d’utilitarisme selon laquelle l’État peut user
d’une rigueur implacable pour se préserver de toute atteinte.
Si le mouvement abolitionniste ne résulte qu’indirectement des Lumières, en ce que dans leur
majorité les penseurs de ce courant de pensée demeurent favorables à la peine capitale ; il faut
néanmoins observer qu’ils contribuent au développement du mouvement abolitionniste qui se
développera au XIXème siècle du fait de leur opposition à l’exécution des châtiments cruels et
des supplices (§ I).
Par ailleurs nous observerons que l’une des premières manifestations d’une critique contre la
peine de mort en matière politique émane de la part de l’opinion publique. Nous constaterons
que dès la rédaction des cahiers de doléances, commence à se former une opinion publique
qui porte sur la peine capitale un regard inédit et qui n’aura de cesse de se développer au long
du XIXème siècle (§ II).

§ I – La peine capitale dans la pensée des Lumières :


entre légitimité et modération

« Laissez passer Caïn, il appartient à Dieu230 » disait V. Hugo. Ce passage issu de l’un de ses
nombreux textes, illustre très symboliquement l’un des combats de l’auteur et de certains de
ses contemporains contre la peine capitale et contre les supplices en général.
La réflexion sur la peine de mort peut paraître ancienne dans la mesure où, depuis l’antiquité
et en tous lieux231, elle a toujours passionné l’homme. Mais ce n’est qu’à l’époque des

230
V. Hugo, Les châtiments, Livre IV, I – Sacer esto, Paris, 1852, p. 89. Cf. également J. Picon et I. Violante,
Victor Hugo contre la peine de mort, p. 106.
231
Notons à ce titre la pertinence de la pensée orientale qui considère que c’est en naissant que l’homme est
condamné à mort. Le tribunal, le magistrat ou l’institution qui prononce une peine capitale ne fait alors
qu’anticiper sur un fait inéluctable. Ainsi, selon cette philosophie, on ne peut pas parler de peine de mort stricto
sensu mais de réduction de la vie. En outre cette philosophie n’apporte la qualification de peine de mort qu’à
Lumières que cette question est véritablement repensée avec un regard inédit sous l’influence
de l’humanisme.
Les Lumières contribuent à une réflexion sur la peine de mort, son utilité et sa légitimité.
Néanmoins on ne peut pas parler de mouvement abolitionniste, la réalité en étant encore bien
lointaine. En témoigne J.-M. Carbasse232 qui considère que ce serait « aller vite en besogne,
de présenter les Lumières comme indistinctement « humanisantes » et donc animées d’une
répulsion radicale à l’égard de la peine capitale ».
Pourtant, par leur réflexion sur ce type de peine et par les principes de modération,
d’individualisation et de proportion des peines qu’ils prônent, les penseurs des Lumières
contribuent à la naissance de ce mouvement.
En effet, la peine capitale n’est pas a priori remise en cause par les philosophes des Lumières.
Aussi T. Hobbes dans le Léviathan233, au XVIIème siècle, énonce-t-il que « le châtiment est un
mal infligé par l’autorité publique à celui qui a accompli (ou omis) une action… afin que la
volonté des hommes soit par là d’autant mieux disposée à l’obéissance ».
Plus explicitement encore, J. Locke légitime la peine de mort dans son Traité sur le
gouvernement civil, au regard du droit naturel234. Il rattache ainsi la peine capitale à la loi
naturelle et au principe de conservation des sociétés humaines.
Pour ce philosophe, « chacun dans l’état de nature, est en droit de tuer un meurtrier, afin de
détourner les autres de faire une semblable offense, que rien ne peut réparer, ni compenser
[…] ; et ainsi mettre les hommes à l’abri des attentats d’un criminel, qui ayant renoncé à la
raison, à la règle, à la mesure commune que Dieu a donnée au genre humain, a, par une
injuste violence, et par un esprit de carnage, dont il a usé envers une personne, déclaré la
guerre à tous les hommes, et par conséquent doit être détruit comme un lion ou un tigre,
comme l’une de ces bêtes féroces avec lesquelles il ne peut y avoir de société ni de sûreté235 ».
Dès lors, en expliquant que celui qui fait couler le sang humain devra perdre le sien, et que
l’impunité de celui qui a déclaré la guerre à la société et à la sûreté publique, entraîne une

l’avortement en ce qu’il s’agit d’un acte par lequel on refuse la vie à un être près à la recevoir.
Cf. Pierre Decheix, La peine capitale : mémoires d’un magistrat, in. La peine de mort : droit, histoire,
anthropologie, philosophie, L.G.D.J.,Paris, 2000, p. 122.
232
J.-M. Carbasse, La peine de mort, 2002, p. 57.
233
Th. Hobbes, Le Léviathan, 1921, p. 271.
234
Le même fondement est repris par G. Filangieri, op. cit., pp. 27 et 32. En effet, selon ce juriste, « l’homme
dans l’état de nature, a droit à la vie ; il ne peut renoncer à ce droit, mais il peut le perdre par ses crimes. Tous
les hommes ont, dans cet état, le droit de punir la violation des lois naturelles ; et si cette violation a rendu le
transgresseur digne de mort, chaque homme a droit de lui ôter la vie. Ce droit a été transmis à la société, et
déposé entre les mains du souverain ».
235
J. Locke, Traité du gouvernement civil, Paris, 1802, pp. 43-44.
grave menace envers celles-ci, lesquelles disposent d’un droit légitime de réaction ; J. Locke
reprend et réaffirme la théorie de la loi du Talion issue de la théologie et de la théorie de
l’utilité de la peine fondée sur la paix sociale236.
Cette double vision rétributive et préventive est également employée par E. Kant, J. de
Maistre et L. de Bonald237. Ces derniers considèrent que la mort – exempte de mauvais
traitements – est un juste mal en réparation de celui causé par le criminel, et qu’une telle peine
est le meilleur moyen d’éviter potentiellement de plus grands maux.
Montesquieu légitime également la peine capitale en se fondant sur une explication similaire.
Pour ce philosophe, la violation de la sûreté de la société et l’atteinte à l’un de ses membres,
appelle une peine expéditive et irrévocable. Il développe dans L’esprit des lois l’idée selon
laquelle « un citoyen mérite la mort lorsqu’il a violé la sûreté au point qu’il a ôté la vie, ou
qu’il a entrepris de l’ôter. Cette peine de mort est comme le remède de la société malade238 ».
Néanmoins comme le remarque S. Costa239, sans être un opposant à la peine capitale,
Montesquieu s’inscrit dans le sens d’une abolition partielle en ce qu’il considère dans certains
cas la peine de mort comme disproportionnée et qu’il estime que son usage doit être limité240.
Aussi la clémence doit-elle être une des principales qualités des monarques. Par opposition à
la disgrâce qui équivaut à une peine lourde et jette l’opprobre et la honte sur le disgracié, la
grâce est bénéfique au condamné. Au reste, la clémence est aussi bénéfique au souverain qui
la prononce dans la mesure où ce dernier en tire gloire et profit chez son peuple. En témoigne
ce propos de Montesquieu pour qui « les monarques ont tant à gagner par la clémence, elle
est suivie de tant d’amour, ils en tirent tant de gloire, que c’est presque toujours un bonheur
pour eux d’avoir l’occasion de l’exercer241 ».

236
Cf. supra, Chapitre 1, Section I, § I.
237
J.-M. Carbasse, La peine de mort, pp.86 à 88. Pour cet historien J. de Maistre synthétise le mieux la pensée de
ces trois personnages en ce qu’il considère que « il faut savoir faire couler une goutte de sang pour en épargner
des torrents ».
238
Montesquieu, op. cit., Livre XII, chap. IV, p. 331.
239
S. Costa, op. cit., p. 34.
240
Cela est notamment le cas lorsque un crime viole la sûreté à l’égard des biens. Dans un tel cas selon
Montesquieu (op. cit., Livre XII, chap. IV, p. 331), « il vaudrait mieux, il serait plus de la nature, que la peine
des crimes contre la sûreté des biens fut punie par la perte des biens ». De la même manière, lorsqu’il s’agit de
condamner un individu pour sacrilège, la peine de mort doit être fondamentalement exclue. La peine doit se
limiter « dans la privation de tous les avantages que donne la religion ; l’expulsion hors des temples ; la
privation de la société des fidèles, pour un temps ou pour toujours ; la fuite de leur présence ; les exécrations,
les détestations, les conjurations ». Montesquieu (ibid., pp. 329 à 331) évoque plus généralement quatre classes
de crimes ou délits dont les trois premières doivent être exclues de la peine capitale. Il s’agit des infractions
contre la religion, contre les mœurs et contre la tranquillité des citoyens. Seule la dernière classe constituée des
attentats contre la sûreté des citoyens légitime la peine capitale. La raison de cette justification est fondée sur
l’idée que lorsqu’un citoyen « a violé la sûreté au point qu’il a ôté la vie ou qu’il a entrepris de l’ôter », eu
égard à la nature du fait commis, il mérite la mort.
241
Montesquieu, ibid., Livre VI, chap. XXI, p. 222.
J.-J. Rousseau semble en revanche ne pas partager cette vision de modération. En conciliant
son idée de contrat social avec l’idée de paix sociale, J.-J. Rousseau ajoute sa voix à celle des
partisans de la peine capitale.
Pour lui, « c’est pour n’être pas la victime d’un assassin que l’on consent à mourir si on le
devient […] Tout malfaiteur attaquant le droit social devient par ses forfaits rebelle et traître
à la patrie, il cesse d’en être membre en violant ses droits et même il lui fait la guerre. Alors
la conservation de l’État est incompatible avec la sienne, il faut qu’un des deux périsse […]
Les procédures, le jugement, sont les preuves et la déclaration qu’il a rompu le traité social,
et par conséquent qu’il n’est plus membre de l’État. Or comme il s’est reconnu tel, […] il en
doit être retranché par l’exil comme infracteur du pacte, ou par la mort comme ennemi
public ; car un tel ennemi n’est pas une personne morale, c’est un homme, et c’est alors que
le droit de la guerre est de tuer le vaincu242 ».
Cette opinion de J.-J. Rousseau illustre extraordinairement bien la logique répressive que
suivent les gouvernements dans la répression des crimes d’État. Il illustre très explicitement
l’idée de conservation sociale qui légitime l’élimination de l’adversaire. Se dessine alors
clairement l’idée selon laquelle l’État qui représente l’organisation sociale est une entité
supérieure et qu’elle doit prévaloir sur tous les intérêts individuels d’une part, et que d’autre
part le crime d’État atteste d’une volonté individuelle de rompre le contrat social, excluant dès
lors l’agent de ce pacte et des garanties qui y sont contenues.
Enfin, D. Diderot est également un fidèle partisan de la peine capitale. J.-M. Carbasse, dans
son ouvrage La peine de mort, rapporte une lettre de D. Diderot dans laquelle il affirme que
« il est naturel que les lois aient ordonné le meurtre d’un meurtrier […] Le malfaisant est un
homme qu’il faut détruire, et non punir243 ».
Il ressort de cette missive que la peine capitale est légitimée au regard du droit naturel de
conservation des sociétés, et donc de l’idée selon laquelle la société, afin d’assurer sa propre
conservation, ne doit pas permettre l’amendement mais éliminer définitivement ses ennemis.
Lors de la Révolution, les cahiers de doléances, pourtant très hostiles aux supplices et à la
rigueur des peines, n’entendent pas demander une abolition totale. Seule l’abolition des
supplices est sollicitée244. Les mœurs de l’époque sont certes enclines à plus de modération
242
Rousseau, Du contrat social, Livre II, chap. V, p. 59 s.
243
J.-M. Carbasse, La peine de mort, p. 63.
244
Le principe de l’abolition des supplices est entériné par le décret des 27 septembre et 23 et 30 décembre 1791.
Cf. Y. Jeanclos, La législation pénale de la France du XVIème au XIXème siècle, PUF, 1996, p. 96.
Ce décret relatif à « la peine de mort, à celle de la marque et aux délais accordés aux condamnés pour se
pourvoir en cassation » prévoit en effet à travers son article premier que la peine de mort « ne sera plus
[désormais] que la simple privation de la vie ». Dès lors tout recours aux supplices et autres tortures adjointes à
dans l’usage de cette peine, mais elles ne tendent nullement à son abolition. L’opinion
développée est la suivante : « Que les peines soient modérées et proportionnées aux délits,
que celle de mort ne soit plus décernée que contre les coupables assassins, et que les
supplices qui révoltent l’humanité soient abolis245 ».
Or, on voit de fait que le souci de modération initié par les Lumières se répand très vite dans
la pensée générale de la société. Conformément à l’idée d’émancipation de l’individu, on
constate que l’individu dispose d’une part de déterminisme qu’il peut mettre en œuvre pour
guider les pas du groupe social qu’il compose.
En conséquence voit-on se constituer une opinion publique qui influera indirectement sur les
gouvernements. C’est en partie du fait de cette opinion publique, que les gouvernements
auront tendance à modérer le sort du justiciable de la justice politique.

§ II – La contestation de la peine capitale au sein


de l’opinion publique

L’opinion semble avoir joué un rôle incontestable dans l’évolution du régime applicable aux
infractions politiques au cours du XIX ème siècle. Particulièrement en matière de peine de mort,
lorsque cette peine vient sanctionner des crimes considérés comme politiques, l’opinion
publique s’avère le socle d’une contestation qui influera à moyen terme sur les
gouvernements.
Deux aspects méritent d’être distingués. D’une part il y a lieu de déterminer la nature de ce
concept récent d’opinion publique (A) ; et d’autre part, il s’agit d’expliquer quelles sont les
raisons qui plaident en faveur de ce constat selon lequel son impact est réel sur l’évolution de
la législation en matière de justice politique, ainsi de quelle manière l’opinion publique influe
sur les législateurs successifs (B).

A-/ Détermination de la notion d’opinion publique

une condamnation à mort sont définitivement abolies. De même, est abolie la marque (qui était le signe infamant
que l’on imprimait sur la peau du condamné), en vertu de l’article 2 du décret.
Le souci d’une moindre souffrance pour le condamné à mort est également confirmé par le décret des 20 et 25
mars 1792 relatif « au mode d’exécution de la peine de mort ». Il résulte du texte de ce décret la volonté
incontestable de ne faire endurer aucun supplice au condamné et de l’exécuter promptement et de ne lui procurer
aucune douleur. Le décret est rédigé en ces termes : « l’humanité exige que la peine de mort soit la moins
douloureuse possible dans son exécution, décrète que l’article 3 du Titre I er du Code pénal sera exécuté suivant la
manière indiquée et le mode adopté par la consultation signée du secrétaire perpétuel de l’académie de
chirurgie ». Y. Jeanclos, ibid., pp. 99 et 100.
245
M. Foucault, op. cit., p. 87.
L’opinion publique peut s’entendre de plusieurs sens. Sa nature change en fonction de l’objet
et de l’époque246. Si pour certains elle évoque la notion de démocratie et de libéralisme au
sens politique, pour d’autres elle évoque le pouvoir du peuple à travers le jury, lequel se
prononce sur la culpabilité d’individus dans les matières judiciaires ; ou bien constitue-t-elle
encore pour d’autres la notion d’intérêts propres à une classe ou à une catégorie de la
population.
Indépendamment des spécificités de ces notions, l’opinion publique s’identifie dans tous les
cas à un arbitre ou à une conscience 247. Elle est une sorte de « tribunal dépourvu de pouvoir
juridique248 » selon A. Sauvy et elle constitue le « for intérieur d’une nation ».
Alors même qu’elle ne repose, la plupart du temps 249, sur aucun fondement constitutionnel -
ce qui lui donne sa nature dégagée et affranchie de tout contrôle, voire rebelle - ; cette
« puissance anonyme250 » dispose dans tous les cas d’une force politique en ce qu’elle peut,
directement ou indirectement, influer sur les choix et les actes des gouvernements.
En outre, l’opinion publique comporte un autre élément. Elle s’entend nécessairement comme
une force d’opposition. Elle est inéluctablement la résistance à quelque chose ou à quelqu’un.
En effet, pour A. Sauvy251, on ne parle jamais d’opinion publique lorsqu’il y a communauté
totale d’idées. L’opinion publique tire sa nature du fait même de son caractère réactionnel.
Enfin, il convient d’observer que cette notion dépasse l’idée de simple connaissance.
L’opinion publique, en tant « qu’opinion » implique nécessairement un avis, une position,
voire des solutions sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire252.
Vouloir prétendre qu’il n’existe une opinion publique que dans des régimes démocratiques
serait considérablement réducteur253. Certes elle constitue une force d’opposition ou de
246
Alors qu’elle est corporatiste, mal éclairée et censurée sous l’Ancien Régime, elle devient sous la Révolution,
grâce à la liberté de la presse et à l’influence des Lumières : individualiste, raisonnée et affranchie des lourdes
contraintes passées. Outre sa nature, sa qualification varie selon les époques. Qualifiée généralement « d’esprit
public » sous l’Ancien Régime ou dénommée « volonté générale » par Rousseau, l’opinion publique n’acquiert
sa dénomination moderne qu’à partir des années révolutionnaires. Cf. J. Fernandez Sébastian et J. Chassin,
L’avènement de l’opinion publique, Condé-sur-Noireau, 2005, p. 12.
247
Selon A. Bavaresco, La phénoménologie de l’opinion publique, Paris, 2001, p. 7, l’opinion publique est la
« conscience d’opiner » et correspond à un « processus de la conscience du sujet qui entre en relation avec le
monde. Le phénomène de l’opinion apparait dans un parcours logique de la conscience, qui devient un savoir
dialectique ». Autrement dit, l’opinion publique apparait à partir du moment où l’homme est capable de
raisonner par lui-même et de porter un avis sur les choses du monde qui l’entoure.
248
A. Sauvy, L’opinion publique, PUF, 1997, p. 3.
249
Sauf lorsqu’elle s’exprime par le biais du jury. Dans ce cas, l’opinion publique est constitutionnellement
organisée et obéit à des règles déterminées.
250
A. Sauvy, op. cit., p. 4.
251
Ibid.
252
Ibid., p. 10.
253
L’unique différence entre l’opinion publique au sein d’un régime démocratique ou semi-démocratique et d’un
régime autoritaire, est que dans un cas elle est officielle et légale, alors que dans l’autre, elle est clandestine et
illicite. (Cf. sur cette idée de clandestinité, A. Sauvy, ibid., p. 12).
contestation en un domaine, laquelle s’élève généralement contre le pouvoir en place ; mais
indépendamment du pouvoir dont elle dispose « matériellement » de parvenir ou non à faire
plier un gouvernement, elle tire sa force de sa seule légitimité à travers la faculté naturelle de
l’homme à penser.
En somme pouvons-nous affirmer l’idée selon laquelle l’opinion publique correspond à l’avis
partagé et manifesté par une partie d’individus sur une situation, en opposition ou en réaction
à quelqu’un ou à quelque chose.
Cette définition posée, il convient alors de déterminer quelle fut son influence et son impact
sur les gouvernements du XIXème siècle.

B-/ L’influence de l’opinion publique sur le législateur du


XIXème siècle

De nombreux auteurs254 attestent du rôle déterminant de l’opinion publique dans la phase


finale de l’Ancien Régime et dans le déclenchement du processus révolutionnaire. De la
même manière, les doctrinaires comme P.-P. Royer-Collard ou F. Guizot, qui entendent
l’opinion publique dans un sens purement politique, considèrent qu’elle joue un rôle
important dans la société et qu’il convient dès lors de l’associer au gouvernement et au
pouvoir à travers la représentation255. L’objectif des doctrinaires est de parvenir à l’unité256
conformément à leur philosophie du juste-milieu.
Or, à l’inverse de la pensée contre-révolutionnaire d’E. Burke, de J. de Maistre et de L. de
Bonald257, penseurs pour lesquels il convient de replacer l’homme dans sa place originaire

254
J. Fernandez Sébastian et J. Chassin, op. cit., p. 232, évoquent entre autres François Furet, Mona Ozouf, Keith
Baker et Roger Chartier. En effet, selon eux, tous ces différents auteurs soutiennent « que le caractère
extrêmement rhétorique du recours à l’opinion dans les débats politiques n’a pas empêché ce concept de jouer
un rôle, certes changeant, mais fondamental, d’abord comme moyen grâce auquel on prétendait renforcer le
crédit de la Monarchie puis, sans solution de continuité, comme instance de délégitimation globale de l’Ancien
Régime et d’argument pour justifier son renversement ; plus tard, une fois passée la tourmente révolutionnaire,
l’opinion publique sera considérée surtout comme un des piliers de l’édification du nouvel ordre libéral ».
255
P. Rosanvallon, Le moment Guizot, Mayenne, 1985, p. 427.
256
F. Guizot, Histoire des origines du gouvernement représentatif en Europe, T. I, Paris, 1851, p. 94. Afin de
parvenir à leurs desseins de compromis entre la Révolution et la Monarchie, il faut selon Guizot, « ramener la
multitude à l’unité ».
257
Le caractère obscurantiste et traditionnaliste de L. de Bonald est particulièrement bien décrit par H. Castille,
in. Les journaux et les journalistes sous l’Empire et sous la Restauration, Éditions Ferdinand Sartorius, Paris,
1858, p. 45.
Selon cet homme de lettres, « malgré son royalisme accentué, M. de Bonald fut quelquefois embarrassant. Ses
idées sur le budget, sur l’instruction et sur une multitude de sujets aussi complexes, avaient l’air de sortir d’un
recueil de capitulaires du temps de Charlemagne. Ses motions […] sur le budget de la guerre, sur
l’enseignement, sur les biens de l’État, sur le droit d’aubaine, etc., ressemblaient souvent à un défi porté au sens
commun, à une simple gageure, plutôt qu’à une pensée sérieuse ».
dénuée de tout libre-arbitre et soumise aux volontés divines 258, l’opinion publique joue un rôle
important en certaines matières et particulièrement en matière de justice politique.
De nombreux auteurs ont illustré le rôle indirect mais bien réel de l’opinion publique. L’idée
d’opinion publique et sa réalité sont présentes quand bien même la terminologie serait
différente.
C’est ainsi que R. Rodière259 parle de « conscience publique » et V. Molinier260 parle plus
généralement de « mœurs » pour qualifier l’opinion publique, expliquant que la deuxième
République a « donné satisfaction aux vœux des criminalistes et du pays. Cet acte […] est en
harmonie parfaite avec la justice, avec les mœurs de notre époque et avec les nécessités des
évènements humanitaires dont la France est le théâtre depuis un demi-siècle ».
D’autres encore, parlent de « mouvements d’opinion abolitionniste », comme R. Martinage261
qui qualifie les mouvances philosophiques qui tendent à l’abolition de la peine capitale.
Enfin, d’autres auteurs comme P. Sornay262 restent plus généraux, évoquant l’idée de
« public », lequel exerce tant sur les textes législatifs que sur la jurisprudence, une « influence
profonde263 ».
Malgré ces divergences terminologiques, l’idée est unanime de considérer que l’opposition à
la peine capitale et aux peines trop sévères à l’égard des justiciables de la justice politique,
tend à croître considérablement dans l’esprit de la population. C’est ainsi que dans la
proclamation du gouvernement provisoire de la deuxième République sur l’abolition de la
peine de mort en matière politique, les rédacteurs expliqueront qu’ils n’ont fait que
« manifester la pensée du peuple français264 ».

260
V. Molinier, De l’application du décret du gouvernement provisoire relatif à l’abolition de la peine de mort
en matière de crimes politiques, in. Revue de droit français et étranger, 1848, p. 273.
261
R. Martinage, op. cit., p. 78. Notons toutefois que R. Martinage n’évoque pas seulement la peine de mort en
matière politique, mais l’abolition de la peine capitale en général.
262
P. Sornay, op. cit., p. 16. « Il nous faut, écrit-il, prendre en considération les idées du public touchant le délit
politique. Sans doute, sur de semblables données, on ne saurait construire une théorie juridique, mais il n’en est
pas moins vrai que le droit pénal constitue la traduction, sinon exacte, du moins approximative, sur le terrain de
la technique juridique, du sentiment populaire du juste et de l’injuste ».
263
Ibid., p. 17.
264
Cf. annexe n° 10.
Cette influence tend à s’imposer dès la Restauration 265 et notamment à l’occasion de la
condamnation du maréchal Ney. Selon J. Viaud266, l’opinion qui jusque là regardait la peine
de mort comme « le châtiment nécessaire et adéquat de toutes les conspirations » va
progressivement l’assimiler à un crime.
Il convient néanmoins de noter que le regard critique que porte l’opinion publique sur
l’exécution du maréchal Ney s’explique en grande partie par la particularité du régime
politique de la Restauration dont la légitimité est encore fragile 267. En effet, les Bourbons ne
peuvent pas légitimer cette peine dans la mesure où à leur arrivée au pouvoir, ils étaient sur un
Trône protégé par l’étranger. L’application de la peine de mort ne satisfait dès lors que des
intérêts personnels.
De surcroit, aux yeux de l’opinion publique le justiciable de la justice politique acquiert un
caractère particulier qu’il convient de prendre en compte. P. Sornay268 tire le constat selon
lequel la politique d’indulgence que tend à mettre en œuvre le législateur et la jurisprudence
est insufflée par le poids de l’opinion, laquelle est indignée 269 de voir des délinquants qui
n’obéissent qu’à des mobiles nobles et désintéressés, traités de la même sorte ou plus
gravement encore que des délinquants ordinaires270.

265
Cf. K.-F. Hammerich, Rapport sur la définition du délit politique, in. Actes de la conférence internationale
pour l’unification du droit pénal, 1935, p. 64. La période à laquelle correspond cette influence croissante de
l’opinion publique en faveur des délinquants politiques, se situe sous le régime de la Restauration. Selon ce
juriste « déjà sous la Restauration, l’opinion publique commence à avoir plus d’indulgence en cette matière (de
crimes contre la sûreté de l’État) […] On se prononce nettement en faveur des délinquants politiques, réclamant
pour cette catégorie de justiciables un régime plus indulgent ».
266
J. Viaud, op. cit., p. 172.
267
Pour J. Viaud, Ibid., « aux yeux de l’opinion, l’exécution de Ney reste un crime, tandis que les autres furent
justes. Voici la raison : la Convention, dans son patriotisme exaspéré, assurait le salut de la patrie : en 1815, les
Bourbons qui ne défendaient pas la France et dont le Trône était protégé par l’étranger, ne satisfaisaient que
leur égoïsme et leur vengeance ».
268
P. Sornay, Évolution récente de la notion de délit politique en droit interne, Lyon, 1936, p. 15.
Selon cet auteur, « le XIXème siècle n’a pas vu naître les infractions politiques ; mais il les a groupées en une
classe spéciale, et cela sous la poussée de l’opinion qui voulait voir adopter vis-à-vis de ces infractions une
politique d’indulgence ».
269
P. Sornay, Ibid., p. 18. Pour lui, l’opinion publique commence à prendre position contre la peine de mort en
matière politique dès la Convention : « l’horreur du pays pour ces massacres légalisés entraina à l’égard des
délinquants politiques une certaine indulgence. Une infraction visant le renversement du régime n’était plus
considérée comme un acte inexpiable et la peine de mort semblait disproportionnée avec la gravité du fait ».
270
D’autres auteurs comme J. Viaud, op. cit., p. 280, sont toutefois plus nuancés quant à la genèse de l’abolition
de la peine de mort en matière politique. Cet auteur considère en effet que c’est en ayant conscience de la bonne
foi du délinquant et en l’altruisme de ses mobiles que l’État français a aboli cette peine. Selon lui, « la peine de
mort abolie en matière politique doit s’entendre comme une concession à des ennemis auxquels nous ne
refusons pas la bonne foi ».
En outre il distingue les discordes civiles des cas de trahison. Il considère que cette abolition est intervenue
consécutivement aux guerres civiles et aux conflits de partis qui ont rongé la France mais elle n’a jamais été
fondée et ne doit pas être fondée sur des crimes de trahison. « Quand le gouvernement provisoire décrétait
l’abolition de la peine de mort, écrit-il, quand il déclarait répudier d’attristants souvenirs, nous supposons qu’il
plaignait surtout les victimes de nos discordes civiles. Si la mort n’avait jamais frappé que les traitres, les
applications eussent été moins cruelles et moins nombreuses et sans doute le besoin de son abolition n’eut pas
été si vivement ressenti ».
En effet, selon P. Sornay271, l’idée que se fait le public du délit politique a pour base une
analyse psychologique des mobiles qui ont poussé le délinquant à l’action. Ainsi le public
prête aux auteurs d’infractions politiques de vertueuses intentions en ce qu’elles révèlent de
l’altruisme à travers l’existence de mobiles généreux et désintéressés272.
De la même manière, pour A. Rolin 273, c’est l’opinion publique, qui, très tôt, a fait une
distinction entre ceux qui poursuivaient leurs desseins politiques en commettant des actes
cruels et violents, et ceux qui le faisait dans une illégalité moindre. Les premiers ne devaient
susciter aucun respect de la part de l’opinion publique à la différence des seconds que
l’opinion estimait favorablement.
Pour ce professeur, « on était loin de confondre dans une commune sympathie ceux qui
poursuivaient la réalisation de leurs visées politiques par le meurtre et par l’assassinat, avec
ceux qui, entreprenant une guerre ouverte contre un état social déterminé, ou plutôt contre
une forme de gouvernement particulière, n’avaient pas recours à des crimes ou délits
communs pour atteindre leur but274, et se bornaient à fourbir leurs armes jusqu’à ce que la
guerre eut éclaté, et à user ensuite de tous les moyens légitimes d’hostilité. Il y avait là une
distinction que l’opinion publique a faite de bonne heure… ».
En conséquence, l’hostilité que suscite la sévérité de la justice politique dans l’opinion
publique de l’époque, contribue à rendre les gouvernements moins zélés dans la répression de
leurs adversaires. Cette opinion est particulièrement bien développée par un membre du Corps
législatif, sous le second Empire, en 1853. Le député de la Guéronnière 275 à l’occasion d’un
rapport devant l’Assemblée tient les propos suivants : « depuis cette époque, pas une tête
n’est tombée pour un crime politique sans qu’il y ait eu un frémissement et un trouble dans
l’opinion […] Le peuple avait la nausée de la guillotine ».
Excepté les périodes de la première Restauration et des années 1816-1820 qui connaissent un
certain libéralisme en matière de justice politique, la seconde Restauration reste marquée, eu

271
P. Sornay, op. cit., p. 23.
272
Certains auteurs également reconnaissent au mobile une importance considérable pouvant légitimer certains
crimes parfois très graves. C’est notamment le cas pour G. Tarde, Le délit politique, in. Études pénales et
sociales, 1892, p. 109. Selon ce juriste « il nous reste permis de nous demander, à la vue de cet ouvrier qui
monte sur une barricade un fusil à la main, de ce régicide ou de ce présidenticide qui va mettre le feu à une
bombe, s’il est ou non, et jusqu’à quel point il est coupable. N’est-il pas manifeste qu’il s’agit pour cela de
scruter son cœur, avant tout, et d’y lire le sentiment qui l’anime ; de savoir si son mobile a été égoïste ou
généreux, lâche ou héroïque ? ».
273
A. Rolin, Les infractions politiques, leur histoire, leurs caractères distinctifs, au point de vue de la théorie et
au point de vue du droit belge, in. Revue de droit international et de législation comparée, 1884, p. 148.
274
C’était anticiper sur la future distinction entre les délits politiques purs et les délits politiques mixtes.
275
Cf. Recueil Sirey-Devilleneuve, 1853, III, p. 75.
égard à la réaction276 aux Cents-Jours et à l’assassinat du duc de Berry, par une législation
relativement sévère.
Cet état des choses fait dire à P. Sornay277 que ce n’est pas sous la Restauration « que
l’indulgence populaire pour les délinquants politiques trouva son expression dans les textes »
dans la mesure où le plus souvent dominée par les Ultras, elle se traduisit surtout par une
certaine sévérité à l’égard desdits délinquants278.
Il faut attendre l’avènement de la Monarchie de Juillet pour que le justiciable de la justice
politique soit considéré d’une manière différente et que le droit évolue conformément à
l’opinion de F. Guizot selon laquelle les règles répressives en matière politique ne sont pas
figées et s’adaptent plus aisément aux nécessités d’une époque et de ses mœurs que les règles
répressives de droit commun279.
C’est ainsi que le rôle de l’opinion publique et du libéralisme allait être déterminant pour
l’élaboration d’une notion inédite dans l’histoire de la France, de ses rapports politiques et de
son droit pénal.
L’idée de « justice politique » devait disparaître pour faire place à une notion plus juridique
« d’infraction politique ». Eu égard à ce nouveau concept, le justiciable allait être considéré
avec plus d’humanité et de tolérance aussi bien par les organes législatifs et judiciaires que
par les pouvoirs exécutifs280. Le pouvoir ne semblait plus attaché à une personne ou un groupe
de personnes dont les atteintes légitimaient la plus grande violence.

276
Cf. J. Viaud, op. cit., pp. 164 s. Il illustre à travers le contexte politique et social de l’époque, les ambitions
spécifiques de ces deux régimes. La première Restauration étant basée sur une volonté de pardon et d’oubli, elle
devait mener une politique d’amnistie. Il convenait alors de « frapper juste » mais « frapper moins » en ne
punissant que « les grands et vrais coupables ». C’est ainsi que seuls les plus fideles et irréductibles partisans de
l’empereur, c’est-à-dire ceux qui étaient fondamentalement hostiles aux Bourbons devaient être punis. A défaut
la Charte et le roi promettaient l’amnistie générale. En revanche sous la seconde Restauration, la situation devait
s’avérer profondément différente tant par la législation qui sous l’influence des Ultras était plus rigoureuse, que
dans la société, par la pratique d’exécutions sommaires en réaction aux Cents-Jours, connues sous le nom de
Terreur blanche. Il convenait en effet par cette sévérité de « raffermir le Trône pour écarter à jamais les périls »
qui l’avaient menacé.
277
P. Sornay, op. cit., p. 19.
278
Notamment par les lois d’exception comme la loi du 6 janvier 1816 (bannissant les régicides), la loi du 3
octobre 1815 (suspendant les garanties des libertés individuelles), la loi du 11 novembre 1815 (sur les cris
séditieux), la loi du 6 février 1822 (en matière de presse) et particulièrement les ordonnances du 25 juillet 1830
(en matière de liberté de la presse politique). Toutes ces lois sont autant de coups portés à l’opinion publique de
l’époque qui ont fait germer en son sein une vive opposition qui renversera le gouvernement de la Restauration
lors des journées de juillet 1830.
279
F. Guizot, op. cit., p. 127. « L’immoralité des délits politiques n’est pas aussi claire ni aussi immuable que
celle des délits de droit commun ; continuellement modifiée et observée par les vicissitudes des choses
humaines, elle varie suivant les temps, les événements, les droits et les mérites du pouvoir ».
280
Dès la Restauration les souverains semblent incliner vers une plus grande tolérance contre leurs adversaires en
prononçant de plus en plus souvent des grâces. En effet, selon R. Martinage, op. cit., pp. 77-78, depuis les débuts
du XIXème siècle « les souverains gracient dans une proportion grandissante. Les exécutions se font donc plus
rares ».
Désormais le pouvoir était vu comme la chose d’un parti ou d’un mouvement de pensée et les
atteintes qu’il devait subir s’inscrivaient alors dans un rapport de force d’une nature
différente. Une telle analyse de l’organisation sociale répondait alors extraordinairement bien
à cette idée développée par L.-A. Prévost-Paradol 281, idée selon laquelle, « la France ayant
achevé sa constitution sociale, elle cherchait encore sa constitution politique ».

Section II – Le développement politique et philosophique du discours 
abolitionniste au XIXème siècle

Les Lumières puis les révolutionnaires de 1789 avaient permis d’établir une justice pénale
plus rationnelle et encadrée, à travers la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, par
de nombreux principes remettant en cause ses anciens caractères arbitraires282.
Les principes de légalité des délits et peines, de non-rétroactivité de la loi pénale, de
proportionnalité des peines ou de présomption d’innocence, couvraient la justice criminelle
d’un voile d’humanité. Il ne faudra guère plus d’un quart de siècle pour que ces principes
parviennent à s’ancrer solidement et durablement dans les mœurs de la Nation française.
Désormais la justice criminelle, qu’elle soit de droit commun ou d’exception – à travers la
justice politique – est entendue d’une manière nouvelle. Le prévenu a acquis des droits et des
garanties juridiques à partir de son arrestation jusqu’à l’application de la peine. Les peines
tendent alors à s’harmoniser.
En matière politique particulièrement, la justice fait l’objet de questions, de débats et de
critiques. Pour une partie de la société, il y a un décalage entre la sévérité des peines qui
sanctionnent ce type de justice et la dangerosité réelle des délinquants qui en relèvent.
Plus que dans le droit commun, pour de nombreuses personnes, il convient d’apprécier les
faits des justiciables de la justice politique avec tolérance et modération. Particulièrement
concernant les peines prononcées à leur égard, celles-ci doivent répondre à de nouveaux
critères. D’une peine lourde et exemplaire, vingt-cinq années vont suffire à établir dans les
mentalités, la nécessité d’adopter une peine légère et de principe.
S’il faut attendre l’année 1848 pour que l’usage de la peine capitale soit définitivement aboli
dans les matières politiques, on peut noter deux périodes décisives dans l’évolution de la
discussion sur la peine de mort en matière politique. La première correspond à la réflexion et
281
L. A. Prévost-Paradol, op. cit., p. 296.
282
Les caractères arbitraires contre lesquels s’érige la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
concernent essentiellement les aspects de « caprice, de partialité et d’injustice » de l’ordre social et juridique
d’Ancien Régime. Cf. J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal…, p. 409.
l’influence humaniste des Lumières sur la pensée politique révolutionnaire et post-
révolutionnaire à travers une contestation progressive de la peine capitale. La seconde
correspond à la naissance dès les années 1820 d’un mouvement tendant à contester l’utilité de
la peine de mort dans les matières politiques.
En conséquence il conviendra d’observer dans un premier temps qu’en contestant la rigueur
de la sanction pénale dans le droit d’Ancien Régime, les Lumières permettent de faire naître
une discussion sur la nature de la peine capitale d’une manière générale. Dans ce
prolongement, un mouvement abolitionniste voit le jour au XIXème siècle sous la plume de
certains écrivains, juristes ou hommes politiques. Composé de personnalités de qualité tels V.
Hugo, A. de Lamartine ou encore J. Ortolan, ce mouvement va poser les jalons d’un principe
qui recevra une consécration que très tardivement (§ I)
Mais à coté de ce mouvement assez éclectique qui prône une abolition générale, apparait dans
les années 1820 un autre mouvement, le parti doctrinaire. Ce mouvement, proche des
gouvernements libéraux de la Restauration, parviendra plus aisément à se faire entendre à
moyen terme. Il est composé de nombreuses personnalités de l’époque comme V. Cousin ou
P.-P. Royer-Collard et il va mettre à l’ordre du jour la question de l’abolition de la peine de
mort en matière politique. C’est en son sein que F. Guizot va illustrer ses talents et ses
compétences politiques, historiographiques et littéraires, pour devenir très rapidement l’un de
ses chefs de file et le défenseur incontesté de l’abolitionnisme en matière politique (§ II).
Enfin, il conviendra de conclure dans un troisième temps par le constat selon lequel les
doctrines développées par les tenants de l’abolitionnisme, qu’ils prônent un abolitionnisme
général ou limité à la justice politique, semblent influer sur la politique répressive menée par
les gouvernements. Nous verrons en effet que très tôt, lorsqu’il s’agit de crimes relatifs à la
sûreté de l’État, la peine capitale a tendance à être délaissée (§ III).

§ I – Les prodromes du mouvement abolitionniste dans


la pensée libérale

Le premier et le plus célèbre opposant à la peine capitale est sans conteste C. Beccaria, qui,
dans son Traité des délits et des peines, rejette la peine de mort, tant dans son utilité sociale 283
que dans son effet préventif et exemplaire.

283
Sur l’inefficacité de la peine de mort dans la pensée de C. Beccaria, cf. S. Costa, op. cit, p. 38. Pour elle, C.
Beccaria est favorable à l’abolition de la peine capitale en se plaçant non pas d’un point de vue « humaniste », mais
en s’attachant essentiellement à démontrer son inefficacité juridique.
Considérant que cette peine n’a jamais rendu les hommes meilleurs, C. Beccaria s’interroge
d’abord sur l’origine d’un droit qu’auraient reçu les hommes d’égorger leurs semblables284.
Puis il tend à démontrer que la peine de mort n’est fondée sur aucun droit et qu’elle ne résulte
que d’une guerre déclarée à un citoyen par la Nation285.
Par ailleurs, la peine de mort est inadaptée et inefficace en ce qu’elle n’a « jamais arrêté les
scélérats déterminés à nuire […] La rigueur du châtiment fait moins d’effet sur l’esprit
humain que la durée de la peine 286 ». C. Beccaria prône ainsi les principes que M. Foucault 287
qualifie de règle de la quantité minimale, règle l’idéalité suffisante et règle de la certitude
parfaite, principes qui font perdre au crime son intérêt.
La première règle dite de la quantité minimale s’explique par l’idée selon laquelle c’est
corrélativement aux avantages qu’un crime peut produire, qu’un individu va le commettre. Il
faut alors associer juridiquement à ce crime l’idée d’un désavantage supérieur 288. Dès lors, le
crime perd son intérêt.
Quant à la deuxième règle, dite de l’idéalité suffisante, elle correspond à la représentation de
la peine, laquelle va influer sur le délinquant ou le criminel, et non plus à la réalité corporelle
de ladite peine.
Pour M. Foucault, ce qui fait que la peine va agir sur l’esprit de l’agent, « ce n’est pas la
sensation de souffrance, mais l’idée d’une douleur, d’un déplaisir, d’un inconvénient ».
Autrement dit, l’idée de la menace sensitive et matérielle résultant de la peine aura moins
d'influence sur la volonté de l’agent que la menace purement morale et psychologique de son
désagrément.
Enfin, selon la troisième règle dite de la certitude parfaite, d’une part les inconvénients
encourus par l’agent à travers les effets d’une peine déterminée doivent être connus de tous,
de manière précise et univoque ; et d’autre part, la peine doit être inéluctable et ne souffrir
aucune impunité.
Ainsi le droit de grâce ou tout autre mécanisme permettant une impunité totale ou relative,
doivent-ils être bannis du droit. D’après M. Foucault 289, « aucun crime [ne doit] échapper au
284
C. Beccaria, op. cit., p. 93.
285
Ibid., p. 94.
286
Ibid. Afin d’expliciter son idée sur la durée de la peine, Beccaria ajoute que, si elle est préférable, c’est
« parce que notre sensibilité est plus aisément et plus constamment affectée par une impression légère mais
fréquente, que par une secousse violente mais passagère. Tout être sensible est soumis à l’empire de l’habitude ;
et comme c’est elle qui apprend à l’homme à parler, à marcher, à satisfaire à ses besoins, c’est elle aussi qui
grave dans le cœur de l’homme les idées de morale par des impressions répétées ».
287
M. Foucault, op. cit., pp. 112 et s.
288
Cf. infra, Deuxième partie, Titre II, Chapitre 2, Section II, § I.
289
M. Foucault, op. cit., p. 113.
regard de ceux qui ont à rendre la justice ; rien ne rend plus fragile l’appareil des lois que
l’espoir de l’impunité ; comment pourrait-on établir dans l’esprit des justiciables un lien
strict entre un méfait et une peine, si un certain coefficient d’improbabilité venait
l’affecter ? ».
Ces principes établissant la nécessité d’ériger des sanctions pénales plus douces ou modérées,
tout en étant certaines, sont particulièrement bien développées par Montesquieu. Pour lui,
l’efficacité de la loi pénale réside dans sa modération. Qu’elle permette l’impunité ou qu’elle
use d’une violence arbitraire, les effets seront fatalement, dans les deux cas, inopérants dans
leur utilité et ils seront nuisibles pour le gouvernement. Aussi Montesquieu, dans l’Esprit des
Lois, atteste-t-il des dangers inhérents à l’impunité et à la rigueur.
D’une part, l’impunité est dangereuse en ce qu’elle conforte indirectement la pensée
criminelle. Pour ce publiciste, « qu’on examine la cause de tous les relâchements ; on verra
qu’elle vient de l’impunité des crimes, et non pas de la modération des peines290 ».
D’autre part, la rigueur excessive de la loi pénale présente également de grands inconvénients
en ce que « souvent un législateur qui veut corriger un mal, ne songe qu’à cette correction ;
ses yeux sont ouverts sur cet objet et fermés sur les inconvénients. Lorsque le mal est une fois
corrigé, on ne voit plus que la dureté du législateur ; mais il reste un vice dans l’État, que cette
dureté a produit : les esprits sont corrompus, ils se sont accoutumés au despotisme291 ».
La dualité des aspects d’impunité et de sévérité de la loi pénale illustre en conséquence l’idée
de la nécessaire conciliation entre la modération et la certitude de la peine, développée
successivement par Montesquieu, pour qui « dans les pays où les peines sont douces, l’esprit
du citoyen en est frappé » ; puis par E. de Vattel 292 qui considère que « si [l’on] multiplie les
supplices terribles, les peuples en seront de jour en jour moins frappés [...] Ces spectacles
sanglants ne produiront plus l’effet auquel ils sont destinés, ils n’épouvanteront plus les
méchants […] C’est moins l’atrocité des peines que l’exactitude à les exiger qui retient tout
le monde dans le devoir » ; et enfin G. de Mably293 pour qui, plutôt que d’être sévère, il faut
être explicite, avisé et psychologue : « des lois trop dures n’empêcheront pas plus le mal, que
des lois trop molles ne porteront au bien […]Pour n’être pas réduit à la fâcheuse extrémité
d’écrire les lois en caractère de sang, […] que le législateur avertisse plusieurs fois avant de

290
Montesquieu, op. cit., Livre VI, chap. XII, p. 212
291
Ibid., p. 213.
292
E. de Vattel, Le droit des gens, Tome I, 1768, p. 163.
293
G. de Mably, De la législation, Œuvres complètes, Tome IX, 1792, pp. 270-271.
punir ; qu’il travaille à nous rendre honteux de nos fautes, et que le châtiment frappe l’âme
plutôt que le corps ».
En conséquence, C. Beccaria comme Montesquieu, E. de Vattel et G. de Mably, sont les
tenants de l’idée qui sera reprise par les représentants du mouvement abolitionniste, de
l’inefficacité des supplices et des châtiments trop rigoureux. Cette idée est très explicite dans
les propos de C. Beccaria et est adaptée à ses considérations sur la peine de mort.
Pour le juriste milanais, « le spectacle affreux, mais momentané de la mort d’un scélérat, est
pour le crime un frein moins puissant que le long et continuel exemple d’un homme privé de
sa liberté […] et réparant par des travaux pénibles le dommage qu’il a fait à la société. […]
Cette idée terrible épouvanterait plus fortement les esprits que la crainte de la mort, qu’on ne
voit qu’un instant dans un obscur lointain qui en affaiblit l’horreur294 ».
A l’instar de C. Beccaria, d’autres penseurs des Lumières s’opposent à la peine capitale et
prônent comme moyen de substitution, les mérites des travaux forcés à vie 295. C’est ainsi que
Voltaire, dans un opuscule296 publié dans la gazette de Berne en 1777, développe l’idée selon
laquelle un criminel consacrant sa vie et son temps à travailler pour le compte de la société,
est plus utile qu’un criminel mort.
En effet, Voltaire écrit : « Un homme dévoué tous les jours de sa vie à préserver une contrée
d’inondations par des digues, ou à creuser des canaux, ou à dessécher des marais empestés,
rend plus de services à l’État qu’un squelette branlant à un poteau par une chaîne de fer297 ».
Il reprend ainsi l’idée de C. Beccaria de condamner l’usage de la peine capitale au nom de
« l’utilité sociale et du respect de la vie humaine, tout en affirmant la nécessité d’instaurer
une peine de substitution298 ».
De même, selon J.-M. Carbasse299, Brissot de Warville en 1781, dans sa Théorie des lois
criminelles, préconise une sorte d’esclavage perpétuel comme peine de substitution à la mort.
Tant par l’utilité que peut apporter le travail d’un criminel, que par l’exemplarité que peut
illustrer la « publicité » de la peine, le futur député girondin affirme la nécessité de substituer
à la peine de mort, les travaux forcés.

294
C. Beccaria, op. cit., pp. 95-96.
295
Notons que pour ces philosophes, ce n’est pas l’idée d’amendement qui est préconisée. La peine capitale doit
être substituée essentiellement par une peine apportant une plus-value à la société par le travail du condamné.
Seul l’aspect utilitaire de la peine est modifié. Il n’est pas question de rachat ou de réinsertion du condamné.
296
J.-M. Carbasse, La peine de mort, p. 65-66.
297
Voltaire, Œuvres complètes de Voltaire, Paris, 1880, p. 541
298
S. Costa, La peine de mort : de Voltaire à Badinter, Paris, 2001, p. 48.
299
J.-M. Carbasse, La peine de mort, p. 66.
« Je voudrais, écrit-il, qu’avant d’être enfermé dans les mines ou conduit à des travaux
publics, le condamné parût publiquement et à plusieurs reprises ; qu’on pût lire son crime et
le lui reprocher ; qu’exposé aux regards, à l’indignation de ses concitoyens, on ne le vît
qu’avec horreur ».
A partir de la Révolution française de 1789, on voit se manifester des hommes prônant une
abolition pure et simple, au-delà de la seule abolition en matière politique. C’est ainsi que le
député de la Noblesse, Duport300, présente à l’Assemblée Constituante, le 31 mai 1791, un
projet de suppression de la peine de mort et sa substitution par un enfermement en cachot.
Dans son discours, il soulève la question de la mort et expose la futilité des raisons de
l’empiètement de la justice humaine sur un évènement naturel et commun à tous les hommes.
Il en conclut par l’inefficacité d’une telle peine, qui n’a pratiquement aucune influence sur la
volonté criminelle : « Qu’est-ce que la mort ? […] Une obligation que la nature nous impose
à tous en naissant, et à laquelle nul ne peut se soustraire. Que fait-on donc en immolant un
coupable ? Que hâter le moment d’un événement certain. […] Les scélérats qui, comme
presque tous les hommes, ne sont guère affectés que par les effets, ne sont malheureusement
que trop frappés de cette analogie […] Ils disent tous que la mort n’est qu’un mauvais quart
d’heure, qu’elle est un accident de plus dans leur état. […] Leur esprit s’habitue à ces
calculs, leur âme se fait à ces idées, et, dès lors, vos supplices perdent tout effet sur leur
imagination ».
L’action de Duport ne parvient pas à aboutir en raison d’une multitude de raisons.
L’introduction de la prison pénale, la suppression des supplices, la fracture politique du parti
patriote, l’exil de Duport, les dissensions sur la peine de substitution à la peine capitale, sont
autant de circonstances de nature à faire avorter ce projet de réforme301.
En conséquence, si depuis le XVIIIème siècle quelques voix s’élèvent contre la peine capitale,
il convient néanmoins d’observer, pour la majorité des penseurs des Lumières opposés à cette
peine, aussi constante et solennelle que fut leur opinion, celle-ci comporte souvent des
exceptions. A ce titre, M. Robespierre fut aussi à un moment donné de sa vie, partisan de
l’abolition302.
Même C. Beccaria, qui en 1764, dans son Traité des délits et des peines, déclare la peine de
mort illégitime et est reconnu par Victor Hugo comme le champion de l’abolitionnisme 303, ne
300
Gazette nationale, mardi 31 mai 1791, n° 151, pp.549 et 550.
301
Cf. J. le Quang Sang, La loi et le bourreau : la peine de mort en débats, Montréal, 2001, pp. 21 et s.
302
Il soutint, en mai 1791, le projet du député Duport à l’Assemblée constituante.
303
J. Picon et I. Violante, op. cit., p. 81. Dans un discours prononcé à Hauteville House, le 4 mars 1865,
l’écrivain remercie et accepte (pour) l’invitation, faite par une commission italienne en charge d’élever un
l’exclu pas de manière absolue, considérant qu’il existe des cas dans lesquels elle reste
utile304.
Ce n’est qu’au XIXème siècle que certains juristes, tenants de l’abolitionnisme, érigent un
principe inaltérable et dénué de toute exception se fondant sur la théorie de la révocabilité des
peines305.
Cette théorie est développée par J. Ortolan306. Selon lui, il convient d’ériger des peines qui
soient potentiellement révocables parce que les jugements humains peuvent être couverts
d’une erreur d’appréciation et/ou parce qu’ils peuvent frapper un innocent, ou encore parce
qu’ils peuvent servir le pouvoir en place pour des raisons d’opportunité, ou enfin parce que
l’amendement de tout criminel doit toujours être possible. Ce juriste explique qu’ainsi « il est
démontré que les peines doivent être toujours révocables, ou, en d’autres termes, rémissibles,
c’est-à-dire telles qu’elles puissent cesser à volonté ».
Même si leur cheminement intellectuel est différent, d’autres criminalistes sont intégralement
acquis à l’abolitionnisme, comme Ch. Lucas. Dans son ouvrage Du système pénal et du
système répressif en général, et de la peine de mort en particulier publié en 1827, ce juriste
développe vingt-sept arguments fondés tantôt sur le droit et tantôt sur des règles morales, qui
rendent la peine capitale « illégitime ». Comme J. Ortolan, il poursuit une abolition totale,
immédiate et inconditionnelle, seuls les arguments varient.
Le XIXème siècle illustre également l’opposition à la peine de mort au sein des hommes de
lettres, mouvement que J.-M. Carbasse307 qualifie d’abolitionnisme littéraire. Ainsi, des
auteurs comme A. de Lamartine ou V. Hugo s’opposent radicalement à la peine capitale.
Le premier308, dans ses méditations poétiques, s’inscrit dès 1830 en adversaire de la peine de
mort309. Son Ode contre la peine de mort est marquée par un contexte particulièrement tendu.

monument à la mémoire de C. Beccaria, à en faire partie. L’image que représente C. Beccaria dans l’esprit de V.
Hugo est lourde de symboles, lui faisant dire qu’ « en présence de la statue de Beccaria, la peine de mort n’est
plus possible […] élever la statue de Beccaria, c’est abolir l’échafaud ».
304
Il la légitime dans deux cas : soit que le criminel constituât une menace pour la sécurité de la Nation ou bien
que son existence pût provoquer une révolution dangereuse pour la forme du gouvernement établi, soit que la
mort du criminel ne fut le meilleur moyen ou l’unique moyen de dissuader les autres de commettre des crimes.
305
Nous n’envisageons pas la théorie de la divisibilité, pourtant assez proche par certains aspects de la théorie de
la révocabilité, dans la mesure où la nécessité d’établir le caractère divisible d’une peine, exige de celle-ci
qu’elle soit de nature à se fractionner (c’est-à-dire une peine qui offre un « élément de division »). Or la peine
capitale, est par essence même contraire à cet élément.
306
J. Ortolan, op. cit., pp. 10-11. Pour lui « Les peines doivent être : […] quant à l’imperfection des jugements
humains, quant aux vicissitudes de l’intérêt public, et quant aux résultats obtenus dans l’amendement moral,
révocables, et, autant que possible, réparables ».
307
J.-M. Carbasse, La peine de mort, p 88.
308
A. de Lamartine, Œuvres complètes de Lamartine, T. 3, Paris, 1860, pp. 299 s.
309
A. de Lamartine se mit aussi au service d’autres causes qu’il jugeait importantes comme l’instruction du
peuple, l’abolition de l’esclavage ou encore la liberté de la presse. Cf. S. Costa, op. cit., p. 63.
Il la rédige le 19 octobre 1830, alors que la Restauration vient d’être renversée, et que de
violentes manifestations populaires réclament la mort des ministres de Charles X310.
A. de Lamartine est un homme politique, mais il est également un poète. Et c’est en tant que
poète et homme de lettres qu’il rédige un long poème dans lequel il s’oppose à la peine
capitale311.
Si ce poème est limité au contexte d’octobre 1830, il s’adresse au « peuple » dans ses
éléments révolutionnaires et il comporte certaines lacunes inhérentes à sa nature littéraire, du
fait de l’absence d’argumentation juridique. Il ressort néanmoins de sa philosophie générale,
une opposition inconditionnelle et véhémente à la peine capitale.
Le second intervint aussi relativement tôt dans les rangs des adversaires de la peine de mort.
Sensible comme A. de Lamartine, le baron de Gérando ou H. Passy, à des sujets tels que
l’abolition de l’esclavage, les injustices sociales ou le sort des plus pauvres, V. Hugo prit
position dès 1829 dans la préface de son ouvrage Dernier jour d’un condamné. Dans cette
œuvre, il expose les motifs qui le conduisent à lutter contre la peine capitale.
S. Costa312 démontre un engagement préalablement affectif de V. Hugo, qui est d’abord issu
du traumatisme causé par le « spectacle des exécutions » auxquelles il assista. Puis son
engagement se développe par ses lectures de Montesquieu et C. Beccaria 313. Enfin, dans
l’objectif d’influencer ses contemporains, V. Hugo développe un « modèle de société et de
relations humaines, reposant sur l’amour et le message biblique 314 » selon lequel l’éducation
et l’amélioration des conditions de vie permettraient d’accéder à une « société pacifiée,
solidaire et juste » et dans lequel se venger relève de l’individu, alors que punir relève de
Dieu.
Par ailleurs, à la différence d’A. de Lamartine qui ne s’adressait qu’à un auditoire abstrait, V.
Hugo entend convaincre aussi et surtout l’homme de loi, le jurisconsulte, celui qu’il qualifie
310
Les quatre ministres signataires des ordonnances de juillet, dont le « peuple » réclame la tête, sont le prince de
Polignac, le comte de Peyronnet, V. de Chantelauze et le comte de Guernon-Ranville.
Pour une description du climat social extrêmement tendu qui règne suite à la signature des ordonnances de juillet
et pour une description du lien entre ce mouvement et l’avènement d’un gouvernement nouveau, cf. H. Castille,
op. cit., pp. 46 à 48.
311
Cf. annexe n° 11.
312
S. Costa, op. cit., p. 70.
313
V. Hugo, Le dernier jour d’un condamné, Paris, 1858, p. 26.
314
La réflexion religieuse est particulièrement importante chez cet auteur. Dans l’extrait suivant de son ouvrage
Le dernier jour d’un condamné (p. 25), il montre que la peine de mort s’est détachée de « l’association » de
Dieu, ce qui la rend plus horrible et cruelle encore. « L’âme de cet homme (dit-il au sujet du condamné), y
songez-vous ? Savez-vous dans quel état elle se trouve ? […] Autrefois du moins, quelque foi circulait dans le
peuple ; au moment suprême, le souffle religieux qui était dans l’air pouvait amollir le plus endurci ; un patient
était en même temps un pénitent ; la religion lui ouvrait un monde au moment où la société lui en fermait un
autre ; toute âme avait conscience de Dieu ; l’échafaud n’était qu’une frontière du ciel. Mais quelle espérance
mettez-vous sur l’échafaud maintenant que la grosse foule ne croit plus ? […] Un écrivain plein d’âme et de
talent l’a dis avant nous : C’est une horrible chose de conserver le bourreau après avoir ôté le confesseur ! ».
de dialecticien, de raisonneur, celui qui aime la peine de mort pour la peine de mort, pour sa
beauté, pour sa bonté, pour sa grâce.
A ce dernier et à ses justifications, V. Hugo oppose la légitimité et l’efficacité de
l’emprisonnement. Selon cet écrivain, « ceux qui jugent et qui condamnent disent la peine de
mort nécessaire. D’abord, parce qu’il importe de retrancher de la communauté sociale un
membre qui lui a déjà nui et qui pourrait lui nuire encore. S’il ne s’agissait que de cela, la
prison perpétuelle suffirait. A quoi bon la mort ? Vous objecterez qu’on peut s’échapper
d’une prison ? Faites mieux votre ronde. Pas de bourreau où le geôlier suffit ».
Même si au XIXème siècle les adversaires de la peine capitale sont minoritaires, ils demeurent
toutefois relativement influents315. C’est tout particulièrement le cas s’agissant du mouvement
des doctrinaires. Ce mouvement politique fondé dans les années 1820 va développer tout un
discours sur la question de l’abolition de la peine de mort en matière politique.

§ II – Le développement du principe abolitionniste en


matière politique

L’un des premiers penseurs à avoir élevé la voix contre la rigueur et l’arbitraire de la justice
politique était G. Filangieri. Ce dernier, en analysant l’évolution du crime de lèse-majesté à
travers l’histoire, de l’Antiquité aux monarchies du siècle des Lumières, considérait la justice
politique comme basée sur de mauvais fondements, les qualifiant de « principes
détestables316 ».
Cette voix reste néanmoins marginale pour l’époque, et pour le moins évasive. G. Filangieri
tout en contestant la justice politique à travers les lois de lèse-majesté demeure muet sur la
peine capitale qui y est associée.
Pour d’autres, la peine capitale en matière politique n’est pas remise en cause. Elle est même
prônée. Ainsi, C. Beccaria, qui y est profondément hostile à la peine capitale lorsqu’elle
concerne des infractions de droit commun, reconnait à cette peine en matière politique, une
certaine légitimité.

315
Voir notamment les nombreuses interventions de V. Hugo auprès des Cours d’assises, des Chambres
parlementaires, des chefs de gouvernement et de Louis-Philippe en personne.
316
G. Filangieri, La science de la législation, Tome V, p. 13. Ayant illustré les lois de majesté de Rome, il espère
démontrer « combien est impure la source où la plupart des Nations de l’Europe ont puisé leurs lois sur cette
espèce de crime […] Ces principes détestables ont acquis encore un nouveau degré d’atrocité en passant dans
nos Monarchies modernes ».
Selon lui317, si la peine de mort n’est autorisée par aucun droit dans « l’état ordinaire » des
choses, elle est en revanche légitimée par certaines situations particulières 318. Ainsi en est-il si
l’individu quoique « privé de sa liberté, a encore des relations et une puissance qui peuvent
troubler la tranquillité de la Nation [ou bien] quand son existence peut produire une
révolution dans la forme du gouvernement établi ».
Il faut attendre le début du XIXème siècle pour que des juristes et des hommes politiques
remettent en cause la légitimité de la peine de mort en matière politique. Les premières voix
d’une doctrine tendant à cette contestation sont les représentants de l’école néo-classique du
droit pénal319 à travers le mouvement des « doctrinaires ». Ce mouvement influencera
beaucoup F. Guizot (A) ; c’est ainsi qu’il sera le premier à s’opposer par ses écrits, à une
peine que l’on commence à rejeter avec force au XIXème siècle (B).

A-/ L’influence théorique du mouvement doctrinaire sur


l’abolition de la peine de mort en matière politique

Ce mouvement de pensée regroupe des libéraux comme V. de Broglie, P. Rossi, P.-J. de


Béranger, P.-P. Royer-Collard, V. Cousin et F. Guizot 320. Selon R. Charvin321, ils sont les
premiers à dissocier les délits relevant de droit commun et ceux relevant du domaine
politique, et « contestent l’efficacité d’une justice politique rigoureuse ».
Tout en prônant une certaine nécessité de la répression en matière de justice politique, ces
personnalités considèrent qu’en revanche la punition ne doit pas être trop sévère. En atteste J.
Viaud322 qui explique que l’idée de ces libéraux est de légitimer « la répression contre les
auteurs d’attentats dirigés contre l’État lorsqu’ils menacent sa sécurité, mais [qu’] il ne faut
pas les punir rigoureusement ».
Ainsi ces libéraux s’inscrivent dans un mouvement allant dans un sens de clémence à l’égard
du justiciable de la justice politique. C’est tout particulièrement le cas de F. Guizot, que

317
C. Beccaria, op. cit., p. 61.
318
C. Beccaria fait référence aux notions de sûreté extérieure et intérieure de l’État.
319
R. Charvin, op. cit., p. 101.
320
J. Viaud, op. cit., p. 4. Cf. également F. Hélie, op. cit., p. I. Selon ce professeur, « les esprits, nourris des
fortes et brillantes leçons de M. Cousin et de M. Guizot, étaient naturellement portés vers une œuvre
essentiellement philosophique qui venait imposer à la législation pénale le joug salutaire des préceptes
enseignés par les deux éminents professeurs ».
Cette idée est également affirmée par J. Graven dans la préface qu’il rédige dans l’ouvrage de P.-A. Papadatos,
op. cit., p. VII. Pour ce professeur, ce sont des personnages comme Guizot, de Broglie ou Cousin et leurs idées
« généreuses » qui ont permis de faire triompher une conception libérale dans notre droit pénal.
321
R. Charvin, op. cit., p. 101.
322
J. Viaud, op. cit., p. 49.
R. Charvin323 qualifie « d’apôtre de la tolérance », non parce qu’il fut un ardent philanthrope,
mais pour son rationalisme et son discernement en matière pénale.
Les années 1820 marquent pour F. Guizot une époque riche en contestations alors que la
politique de réaction menée par le gouvernement de la Restauration sous l’influence des
Ultras l’écarte de la vie politique.
C’est durant cette période qu’il rédige et publie quatre ouvrages – il y critique la réaction dans
laquelle est tombé le gouvernement après l’assassinat du duc de Berry - : Du gouvernement
de la France depuis la Restauration et du ministère actuel (octobre 1820), Des moyens de
gouvernement et d’opposition dans l’état actuel de la France (octobre 1821), Des
conspirations et de la justice politique (janvier 1821) et De la peine de mort en matière
politique (juin 1822).
Ses ouvrages Des conspirations et de la justice politique et De la peine de mort en matière
politique sont de pertinents pamphlets en réponse à la politique réactionnaire qui couvre de
son ombre les acquis des débuts de la Restauration et font dire à A.-D. Tudesq 324 que « Guizot
apparaît à la veille de la révolution de 1830 comme un des maîtres à penser de la nouvelle
génération libérale ».
En effet, d’une part, il se fait l’écho d’un courant de pensée qui considère avec indulgence le
délinquant politique et, corrélativement, qui critique la rigueur excessive des lois en matière
de justice politique ; et d’autre part il expose non sans une certaine pudeur, une pensée encore
inédite dans les mœurs de l’époque, au terme de laquelle la peine de mort en matière politique
est odieuse et dangereuse, tant pour le prévenu que pour l’État.
Afin de comprendre l’influence de F. Guizot dans la doctrine politique de son siècle et son
opposition à la peine de mort en matière politique, il convient de revenir sur certains passages
de sa vie et notamment son rôle joué sous la Restauration lors de sa déchéance politique et de
son appartenance à l’opposition.
Il est né le 4 octobre 1787 à Nîmes, d’une famille d’ancienne bourgeoisie protestante. Après
l’exécution de son père en 1794 et son exil avec sa mère, il fit ses premières études au Collège
et à l’Académie de Genève dans une ambiance imprégnée de libéralisme et dévote 325. Ce n’est
qu’en 1805, qu’il rentre en France, pour suivre des études de droit à Paris et devient en outre,
le précepteur des deux fils de P.-A. Stapfer326.

323
R. Charvin, op. cit., p. 101.
324
A.-D. Tudesq, in. Actes du colloque « Guizot, les doctrinaires et la presse », p. 10.
325
P. Rosanvallon, op. cit., p. 403 et s.
En 1807, grâce à de cordiales relations avec J.-B. Suard, directeur du « Publiciste », F. Guizot
est introduit dans les milieux intellectuels libéraux de la capitale. Il parvient rapidement à se
faire connaître grâce à de nombreuses publications. Son ascension intellectuelle est marquée à
la fin de 1812 par sa nomination à la chaire d’histoire de la faculté des lettres de Paris, où
quelques mois plus tard, il sera nommé titulaire d’un nouveau cours d’histoire moderne.
Après le droit et les lettres, F. Guizot fait son entrée en politique, en 1814. Lors de la première
Restauration, il est nommé par l’abbé Montesquiou, sur recommandation de P.-P. Royer-
Collard, secrétaire général du ministère de l’Intérieur.
A ce poste, il contribue notamment à la préparation de la loi sur la presse du 23 octobre 1814
et au projet de réforme universitaire, avorté en 1815. Cette époque marque également la
rédaction de sa première brochure portant sur un domaine qu’il affectionne
particulièrement, la presse327.
Après un court voyage à Gand lors des Cent-Jours, il revient à la vie politique sous la seconde
Restauration au poste de secrétaire général du ministère de la Justice. Mais fidèle à sa vision
libérale de la politique et de la société, il doit démissionner en mai 1816 afin de protester
contre les excès de la Chambre introuvable et de la réaction générale qui embrase la France et
les esprits.
En dépit de sa démission, sa carrière ne cesse pas pour autant. La même année, il est nommé
maître des requêtes au Conseil d’État et il publie deux ouvrages qui le font connaître du grand
public : Essai sur l’histoire et l’état actuel de l’instruction publique et Du gouvernement
représentatif et de l’état actuel de la France.
La dissolution de la Chambre introuvable lui permet de s’impliquer plus directement dans la
vie politique. Le soutien accordé par Louis XVIII aux chefs de la minorité constitutionnelle de
la Chambre parmi lesquels il compte beaucoup d’amis - E. Decazes, H. de Serre, P.-P. Royer-
Collard, le chancelier Pasquier -, lui permet de faire une heureuse avancée dans sa carrière
politique. F. Guizot est promu conseiller d’État et à ce titre, il concourt à l’élaboration de lois
importantes328.
Son ascension se poursuit puisqu’en 1819, il accède au poste de directeur général de
l’Administration départementale et communale, il est également un conseiller très influent

326
1766-1840, il fut ministre des arts et des sciences, ministre plénipotentiaire de la République Helvétique et
vice-président de la Société biblique de France.
327
« Quelques idées sur la liberté de la presse ».
328
Il participe à l’élaboration de la loi du 5 février 1817 sur les élections, celle de la même année sur le
recrutement et aux lois de 1819 sur l’abolition de la censure et l’introduction du jury en matière de délits de
presse.
pour de nombreux ministres. A la même époque, il fonde avec P.-P. Royer-Collard, C. Jordan,
de Barante, H. de Serre et le duc V. de Broglie, un groupe politique qualifié du nom de
doctrinaires329.
L’objectif des doctrinaires et leurs caractéristiques, est d’abord de s’inscrire entre deux
mouvements opposés330. Ils se distinguent d’une part, des ennemis du régime monarchique
(républicains et bonapartistes) lesquels sont avides de vengeance et constituent des
conspirateurs parmi les plus zélés ; et d’autre part, du parti des Ultras, lequel devient lors de la
seconde Restauration, un ennemi tout aussi puissant et dangereux pour le régime
constitutionnel et pour les libertés publiques.
Aussi les doctrinaires s’opposent-ils à la fois à une adhésion sans bornes aux principes
révolutionnaires et aux maximes de l’Ancien Régime 331 ; leur but ultime étant de fonder un
gouvernement constitutionnel.
F. Furet332 et A.-D. Tudesq333 attestent de cette idée lorsqu’ils considèrent que, ces hommes
sont « unis par la volonté de dépasser le conflit entre l’Ancien Régime et la Révolution, en
inventant un avenir neuf, qui marie la liberté et la Révolution » et en pratiquant « cette
politique du juste milieu ».
Les doctrinaires se situent entre une école philosophique et une école historique 334. S’ils sont
des héritiers, ils assument cet héritage sans en devenir ses esclaves. En effet, ils tirent profit
des enseignements de l’histoire tout en s’en affranchissant, dans la mesure où ils acceptent de
bon gré, si nécessaire, de modifier ou de réformer.
Ainsi, selon P. Rosanvallon335, les doctrinaires ont la particularité de se situer entre
conservatisme et réformisme pour avoir, tour à tour, combattu et défendu la Révolution. Ils
ont cette spécificité de se servir de principes, d’expérience et de raison, et d’user d’un
329
Le terme « doctrinaires » était un terme d’abord péjoratif attribué, sous la Restauration, aux partisans d’un
compromis entre la Révolution et la légitimité monarchique. Ils se situaient politiquement entre les républicains,
sur leur gauche, et les Ultras, sur leur droite.
Les principaux doctrinaires étaient P.-P. Royer-Collard (le terme « doctrinaire » fut d’ailleurs attribué à P.-P.
Royer-Collard par des exilés bonapartistes en 1816, en rapport avec les études qu’il avait effectué chez les Pères
de la Doctrine que l’on appelait familièrement les « doctrinaires »), mais également F. Guizot, H. de Serre, V. de
Broglie, Ch. Duchâtel, Ch. de Rémusat, V. Cousin, P. Duvergier de Hauranne, C. Jordan et le baron de Barante.
330
F. Guizot illustre parfaitement ce double rejet. Par sa participation à la création et à la rédaction du journal le
Courier, il s’oppose avec vigueur aux Ultras et dans le même temps, il se sépare des éléments bonapartistes ou
républicains du sein de la gauche. Il s’agit dès lors, de pratiquer la politique du « juste milieu ». En atteste les
virulentes attaques du journal « centriste » le Courier contre des journaux Ultras comme la Quotidienne ou des
journaux bonapartistes comme la Renommée. A.-D. Tudesq, in. Actes du colloque « Guizot, les doctrinaires et
la presse 1820 – 1830 », p. 5 et 6.
331
P. Rosanvallon, op. cit., p. 27.
332
F. Furet, Actes du colloque « Guizot, les doctrinaires et la presse », p. 1 et 2.
333
A.-D. Tudesq, op. cit., p. 6.
334
P. Bouretz, François Guizot et la culture politique de son temps, p. 40.
335
P. Rosanvallon, op. cit., p. 27.
mélange « d’élévation philosophique et de modération politique » afin de « sortir [la France]
du chaos où elle s’était plongée et de relever la tête vers le ciel pour y retrouver la lumière ».
Ces doctrinaires sont antirévolutionnaires sans être rétrogrades et ils sont modestes tout en
étant hautains ; ils ont et ils représentent cette qualité vertueuse de modération 336 si chère à
Aristote337 pour qui « la vertu […] consiste dans la juste mesure ».
Or cette modération s’avère être un handicap pour F. Guizot. En effet, après l’assassinat du
duc de Berry en février 1820, la construction de la France nouvelle est brutalement remise en
cause. La réaction qui émerge consécutivement à cet assassinat, entraine une période sombre
dans l’activité politique de F. Guizot.
Le 13 février, les Ultras338 reviennent en masse sur la scène politique. Dès lors, F. Guizot et
tous les doctrinaires se retrouvent dans l’opposition. Pourtant il ne s’agit pas que d’une simple
alternance de pouvoir, le forfait de Louvel ayant entraîné le retour des Ultras sur la scène
politique, de nombreuses hautes fonctions de l’État sont épurées.
C’est ainsi que F. Guizot et ses amis doctrinaires sont révoqués de leurs fonctions de
conseillers d’État. Cette révocation marque dans sa vie, un retour à la vie privée et à la vie
universitaire à la fin de l’année 1820339.
336
F. Mélonio Naissance et affirmation d’une culture nationale, Paris, p. 84), plus que de modération, parle d’un
art et d’une pédagogie de la « transaction ». « De l’histoire, dit-elle, ils apprennent la nécessité des transactions
et les vertus de la patience : transaction en politique par l’acceptation de la Charte, transaction en philosophie
par l’éclectisme cousinien, transaction en histoire par le recours au concept de civilisation qui intègre les étapes
de l’histoire de France dans une économie du triomphe de la liberté ».
337
Aristote, Éthique de Nicomaque, Livre II, chap. VIII, § 1.
338
Sous leur influence, une politique de réaction est menée par le gouvernement : retour à l’autorisation préalable
et à la censure en matière de presse à travers l’ordonnance du 2 avril 1820 (cf. annexe n° 12), et la loi de sûreté
générale du 28 mars 1820 qui permet au gouvernement d’arrêter et de détenir pendant trois mois tout individu
prévenu de complot contre la personne du roi ou contre la sûreté de l’État (cf. annexe n° 13).
339
L’ostracisme politique que vit F. Guizot depuis 1820 prendra fin avec l’avènement du ministère Martignac en
avril 1828. Il pourra dès lors reprendre le cours qu’il consacrait à l’histoire de la civilisation en France et en
Europe. En outre, c’est à cette époque que son influence intellectuelle sera à son apogée.
Il fondera dans la même période avec d’autres doctrinaires (notamment Ch. Duchâtel, Ch. de Rémusat, O.
Barrot, P. Duvergier de Hauranne…) la société Aide-toi, le ciel t’aidera dont l’objectif est double. D’une part, il
est politique et prépare à l’aide d’une coalition du centre, de la gauche et d’une partie de la droite, les élections
de 1829 ; et d’autre part, il s’inscrit dans la continuité de la participation de F. Guizot à la Société de la morale
chrétienne que présidait le duc V. de Broglie au début des années 1820.
Il sera élu député en janvier 1830 dans l’arrondissement de Lisieux. La révolution de Juillet et le règne de Louis-
Philippe lui permettront de se consacrer à une véritable carrière politique (il sera nommé ministre de l’Intérieur
en août 1830, ministre de l’Instruction publique de 1832 à 1836, ambassadeur à Londres en 1839, ministre des
affaires étrangères en octobre 1840 et président officiel du Conseil en septembre 1847) qui prendra fin en février
1848.
A.-D. Tudesq, op. cit., p. 10, explique cette seconde déchéance de Guizot par son éloignement de la presse. « Il
n’est que plus étonnant […] qu’une fois au pouvoir sous la Monarchie de Juillet, il ait sous-estimé le rôle et la
puissance de la presse qui avait contribué à développer son autorité sous la Restauration ».
F. Guizot s’exilera alors en Grande-Bretagne pour ne revenir qu’en juillet 1849. Ayant définitivement renoncé à
la vie politique malgré son attachement à l’idée d’une fusion monarchique entre le comte de Chambord et la
famille d’Orléans pour laquelle il déploiera de grands efforts, il n’en exercera pas moins une sorte de « magistère
intellectuel et moral » durant tout le second Empire. En effet, il poursuivra ses travaux d’histoire en achevant la
publication de son ouvrage sur l’histoire de l’Angleterre et en se consacrant à la rédaction d’une multitude
d’autres ouvrages. Même éloigné du pouvoir, il continuera à disposer jusqu’à sa mort, le 12 septembre 1874,
d’une grande réputation par le biais de son élection et de sa présence à l’Académie française et à l’Académie des
Cette période est toutefois pour F. Guizot, la plus féconde en matière intellectuelle. Il publie,
en octobre 1820, Du gouvernement depuis la Restauration et du ministère actuel dans lequel
il stigmatise le retour à l’Ancien Régime.
Puis en février 1821, il dénonce un gouvernement poussé vers des rigueurs excessives par la
crainte des complots et des conspirations dans Des conspirations et de la justice politique. La
même année, au mois d’octobre, il publie Des moyens de gouvernement et d’opposition dans
l’état actuel de la France. Cette dernière publication est le moyen pour lui de dénoncer le
retour à l’Ancien Régime vers lequel semble sombrer le pays du fait de l’influence des Ultras
et de donner des solutions pour fonder un nouvel ordre constitutionnel.

B-/ Le combat idéologique d’un doctrinaire : Guizot précurseur


de l’abolitionnisme de 1848

C’est en juin 1822 que F. Guizot publie De la peine de mort en matière politique, ouvrage
dans lequel il expose, avec une prudente modération – afin de ménager la censure – mais avec
une indicible pertinence, les caractères funestes de la peine de mort en matière politique.
En premier lieu, il part du constat selon lequel la Révolution, par ses excès de violence à
travers l’usage de la peine capitale en matière politique, s’est constituée beaucoup
d’ennemis340.
En effet, l’opposition née des principes et des théories révolutionnaires est insignifiante au
regard de l’opposition née de ses actes. Pour lui « la Révolution a fait, à l’emploi de la peine
de mort en politique, beaucoup plus d’ennemis que n’avaient pu lui en susciter tous les livres,
toutes les paroles de la philanthropie philosophique ou littéraire ; elle a laissé, à ce sujet, une
impression bien plus efficace que les idées, qui surmonte même les opinions en apparence les
plus contraires ».
De plus, la peine de mort en matière politique n’a aucune efficacité morale. Certes permet-elle
d’éliminer physiquement un opposant et de conserver une apparente efficacité matérielle 341.
sciences morales et politiques.
François Guizot reste pour la France, un historien et un publiciste de talent des plus remarquables et un
personnage novateur et pragmatique dans ses principes, ayant contribué à développer un mouvement de pensée
inédit pour ses contemporains. Il est « le fil conducteur privilégié […] pour comprendre les mouvements de la
culture politique libérale ». P. Rosanvallon, op. cit., p. 30.
340
F. Guizot, De la peine de mort en matière politique, p. 88.
341
F. Guizot, Ibid., pp. 101 à 103. Selon lui, « l’efficacité des peines est ou matérielle ou morale […] Elle est
matérielle par l’impuissance où elle réduit le coupable, morale par l’exemple que donne son châtiment […]
Cependant toute société, tout pouvoir veut la sécurité. La peine de mort semble encore l’offrir. Mais l’efficacité
des peines n’est point la même dans tous les lieux ni dans tous les temps […] En supprimant l’ennemi connu, on
ne supprime pas toujours le péril […] La mort d’un ennemi n’est aujourd’hui que celle d’un homme ; elle ne
trouble ni n’affaiblit le parti qu’il servait ; si le pouvoir en est rassuré, il se trompe ; son danger demeure le
même, car cet homme ne le créait point. Les causes en sont éparses et profondes ; l’absence d’un chef prétendu
n’atténuera point leur énergie, ne déréglera même pas leur action. Les intérêts, les opinions existent maintenant
pour leur compte, se dirigent par leur propre prudence, se font jour par leur propre vertu. Nul n’en a le
Mais moralement elle ne supprime point le péril que germe dans les esprits pas plus qu’elle ne
permet d’atteindre la foi qui ronge les opposants au régime en place. Bien au contraire les
complots demeurent et survivent à la disparition de leurs commanditaires et le futile dessein
d’exemplarité s’altère pour céder la place à une compassion générale à l’égard du supplicié.
En prétextant sa sauvegarde et le maintien de l’ordre, le pouvoir qui use de cette peine contre
ses adversaires s’« engage dans des routes pleines de périls pour lui-même ». Les malheurs
qu’il cause et qu’il croit342 porter à l’adversaire n’entrainent de conséquences en définitive que
contre lui, dans la mesure où l’hostilité qu’il pensait parer ne fait que croître à son égard.
En outre, les idées de Lumières et les principes révolutionnaires ont permis de nombreux
progrès et notamment une certaine cohésion entre les individus composant la Nation. Les
individus ne sont plus isolés les uns des autres et ne sont plus démunis de garanties et de
mécanismes de protection contre le pouvoir parce qu’ils en sont le fondement et la source.
En effet, comme le souligne R. Charvin343, la participation du peuple aux affaires publiques a
fait changer de nature l’infraction à caractère politique. Il ne s’agit plus d’une infraction
commise contre l’ordre politique ou l’autorité établie, par un individu isolé, mais le délit est
« commis collectivement » et constitue un « fait social344 ». La peine capitale n’a alors, en ce
domaine, « qu’une efficacité très relative ».
Dès lors ne semble-t-il plus possible pour le pouvoir de réduire au silence une opposition en
éliminant ses meneurs. F. Guizot 345 l’affirme en ce sens que « ce n’est plus une multitude
pauvre, faible, séparée des classes influentes que, sur tel ou tel point, il s’agit de réduire au
silence ».
Notons enfin, qu’après avoir développé ses arguments, F. Guizot prend ouvertement parti
contre l’utilisation de la peine capitale en matière politique : « l’emploi de l’échafaud ne peut
pas être une routine ; et quant aux passions qui prétendraient ici quelque empire, je les

monopole, nul ne peut les perdre ou les vendre par sa chute ou sa trahison ».
342
F. Guizot (ibid., p. 97), illustre l’illusion de triomphe et de victoire du pouvoir qui use de la peine capitale
contre ses adversaires. En effet, pour lui, « hors des factions, il n’est presque personne aujourd’hui qui, après
une exécution politique, croie la paix publique mieux garantie et le gouvernement lui-même plus sûr ».
343
R. Charvin, op. cit., p. 102.
344
F. Guizot, op. cit., p. 114. Selon lui, « on ne lutte point avec les faits sociaux ; ils ont des racines où la main
de l’homme ne saurait atteindre, et quand ils ont pris possession du sol, il faut savoir y vivre sous leur empire. Il
n’y a plus maintenant ni grands seigneurs à détruire, ni populace à décimer. Matériellement inutile contre les
individus, puisqu’il n’y en a point dont l’existence soit menacée, la peine de mort l’est également contre les
masses, car elles sont trop fortes et se gardent trop bien pour qu’elle s’y puisse exercer avec efficacité. Sous ce
premier point de vue, et comme suppression directe du péril, la peine de mort est donc vaine ; elle n’est plus
qu’une habitude, un préjugé, une routine empruntée à des temps où en effet elle atteignait son but où elle
délivrait réellement le pouvoir de ses ennemis. Et le pouvoir qui retient encore cette arme vieillie a lui-même le
sentiment de son inutilité : car, s’il s’agit d’hommes peu considérables, il hésite fort sagement à l’employer ; si
c’est telle ou telle partie de la population qu’il redoute, l’impossibilité est si évidente, qu’il ne songe même pas à
en faire l’usage terrible auquel elle se prêtait jadis ».
345
Ibid., p. 113.
récuse, non seulement parce qu’elles ne sont pas justes, mais parce qu’elles ne sont pas
vraies346 ».
Atteste de la sincérité de ses paroles, le rôle qu’il joue lors du procès des ministres de
Charles X au cours duquel, en étant fidèle à ses principes, il vient « prêcher la tolérance347 »
contre ses propres adversaires de la veille, en tenant devant la Chambre des députés, le 30
novembre 1830348, le discours suivant : « après avoir changé le gouvernement et renouvelé la
face du pays c’est une chose misérable que de devoir poursuivre une justice mesquine à coté
de cette justice immense qui a frappé non pas quatre hommes mais un gouvernement tout
entier ».
S’il résulte des ambitions des doctrinaires 349 et de F. Guizot la volonté de s’opposer à la peine
de mort en matière politique, il convient d’observer que cette volonté, jointe à la volonté
d’une ambition générale développée dans le même temps par certains hommes politiques, ne
sera pas vaine.
L’abolitionnisme, notamment en matière politique, va produire assez rapidement ses fruits
dans la mesure où l’usage de la peine capitale en matière politique va avoir tendance à se
modérer.

§ III – L’impact du mouvement abolitionniste sur


l’usage de la peine capitale

Au cours du XIXème siècle, le mouvement abolitionniste représenté par V. Hugo, A. de


Lamartine, C. Lucas et d’autres, ne se limitent pas à une forme de contestation théorique ou
philosophique. Son influence est directe ou indirecte selon les circonstances, mais elle joue un
rôle incontestable en pratique, tant sur le législateur que sur le monarque.
On sait que des personnages comme V. Hugo ont eu une influence incontestable chez certains
magistrats ou chez certains jurés. Notamment, en plaidant pour son fils poursuivi du chef de
désobéissance à la loi en matière de presse, V. Hugo dans Cours d’assises350 se livre à un

346
Ibid., p. 98.
347
R. Charvin, op. cit., p. 129.
348
Moniteur Universel, mardi 30 novembre 1830, n° 554, p. 1587.
349
En témoigne la proposition d’abolition de la peine de mort en matière politique initiée par le marquis Destut
de Tracy en 1830.
350
V. Hugo, Cours d’assises, In. Actes et paroles, 1, pp. 495 s.
véritable plaidoyer351 devant le jury contre la peine capitale. Mais l’influence de ces
personnages peut parfois dépasser le simple cadre d’un procès.
Ainsi, le législateur est aussi quelquefois influencé plus ou moins directement par ce
mouvement. L’une des premières propositions officielles de l’abolition de la peine de mort au
XIXème siècle352, est l’adresse353 que la Chambre des députés adresse au roi Louis-Philippe, le
9 octobre 1830.
Les députés se rendent alors en masse afin de demander au monarque de prendre l’initiative
d’une telle réforme. Pour les parlementaires, « il est un grand principe qui peut, en imprimant
à cette belle époque de notre vie sociale, le caractère d'une généreuse modération, la signaler
à l'admiration du monde. Ce principe est celui qui consacre et fortifie le respect pour la vie
de l'homme : graduellement introduit dans notre législation pénale, il la rendra digne du
siècle témoin de si mémorables événements. Sire, la Chambre des députés eut recherché
l'honneur d'accomplir cette noble tâche ; elle eût voulu entrer la première dans la voie des
améliorations, et proposer d'appliquer immédiatement l'abolition de la peine de mort aux cas
indiqués par le travail de sa commission, et sur lesquels il y a accord de sentiments ; elle eût
désiré retrancher de nos Codes les autres peines excessives. Mais la Chambre ne pouvait
embrasser un sujet si grave dans toute son étendue. Privée de temps et de documents, elle a
craint, en manquant ou en dépassant le but, de nuire à une cause qui est celle de l'humanité.
Sire, la Chambre appelle, sur cette salutaire réforme, la prompte initiative de Votre
Majesté ».
Pourtant cette proposition est limitée, à l’instar de la démarche initiée par C. Beccaria en son
temps et ne répond pas tout à fait aux aspirations de Ch. Lucas 354 qui, - par une pétition sur
l’abolition de la peine de mort et son remplacement par le régime pénitentiaire 355, adressée à
la Chambre des députés et qui avait obtenu un nombre important de signatures - voyait en ce
projet d’adresse la réalisation d’une réforme tant attendue.

351
« Messieurs les jurés, vous êtes les citoyens souverains d’une nation libre, et, sans dénaturer ce débat, on
peut, on doit vous parler comme à des hommes politiques […] Si Louis XVI eût aboli la peine de mort, comme il
avait aboli la torture, sa tête ne serait pas tombée. 93 eût été désarmé du couperet ; il y aurait eu une page
sanglante de moins dans l’histoire : la date funèbre du 21 janvier n’existerait pas. Qui donc […] eût osé relever
l’échafaud pour le roi, pour l’homme dont on aurait pu dire : C’est lui qui l’a renversé ! ».
352
Elle ne fut pas la première de l’histoire de France. Cf. supra § II, sur la proposition du député Duport devant
l’Assemblée Constituante de 1791.
353
Cf. annexe n° 14.
354
Ch. Lucas nourri très tôt des desseins abolitionnistes. Il rédige à ce titre de nombreux ouvrages dans lesquels
il condamne sans condition la peine capitale et souhaite la voir substituée par des peines de nature carcérale. Cf.
à ce titre son ouvrage Du système pénal et du système répressif en général, et de la peine de mort en particulier
qu’il rédige en 1826.
355
Cf. supra, Deuxième partie, Titre II, Chapitre 2, Section II.
Or, la peine de mort que désirent abolir la majorité des parlementaires de 1830 ne concerne
prioritairement que la justice politique ; la peine capitale applicable au droit commun 356 étant
considérée comme subsidiaire.
Il faut attendre l’année 1849, sous la deuxième République, pour que soit soumise au
législateur une proposition d’abolition totale de la peine de mort. Entreprise par le député
Savatier-Laroche, au début du mois de décembre 1849, cette proposition comporte alors deux
articles357. Le premier article abolit purement et simplement la peine capitale et le second
renvoie à la peine immédiatement inférieure dans l’échelle des peines, lorsqu’une infraction
est assortie d’une sentence de mort.
Au titre de ses arguments, le député invoque l’idée de l’illégitimité de la peine de mort et son
inefficacité358. Pour lui, ne peut légitimer le « meurtre » que la situation de la légitime
défense. En effet, « sauf le cas de légitime défense, il n’est pas permis à un homme de donner
la mort à un autre homme » et il en va de même pour la société, qui, « ne pouvant pas avoir
plus de droits, ne peut donner la mort que dans le cas de légitime défense ».
En superposant cette règle du droit commun à la société, il en conclu que pour que la société
ait le droit de donner la mort, « il faut qu’il y ait lutte » et qu’elle soit actuelle. A défaut la
mort ne constitue qu’une vengeance et cette seule qualité emporte son illégitimité. « Il faut,
dit-il, que je tue pour ne pas être tué. Quand ce danger suprême n’existe pas, la peine de mort
n’est plus qu’une vengeance. Ce n’est plus la société qui se défend ; c’est la société qui se
venge, et la vengeance est toujours illégitime ».
De surcroît, il ajoute que l’intimidation est inefficace dans la mesure où l’homme ne s’arrête
nullement à la peine qu’il encourt. Reprenant l’idée déjà développée par ses prédécesseurs, il
explique que l’homme est mu par des passions, des besoins ou des fantasmes dont l’influence
et l’incidence sont bien plus étendues que la simple prévisibilité de la sanction.
Selon ce député, « il n’y a point de peine suffisante pour intimider [le criminel] ; l’homme
obéit aveuglément au furieux instinct qui le pousse ; et plus l’obstacle est grand, plus son
esprit, plus ses mauvaises passions se tendront pour surmonter l’obstacle ; plus l’avenir que
vous lui créerez sera terrible, plus il s’armera en lui-même pour vaincre cet avenir ».

356
C. Beccaria (op. cit., p. 95) avait posé le principe de l’abolition de la peine de mort, mais à l’inverse des
parlementaires de 1830, il réclamait une abolition en matière de droit commun, l’exception étant le maintien de
la peine de mort en matière politique et dans tous les cas si « la mort [était] le seul frein capable d’empêcher de
nouveaux crimes ».
357
Cf. annexe n° 15.
358
Moniteur Universel, 1er supplément au n° 343 du dimanche 9 décembre 1849, p. 3950.
Cette proposition s’avère être un échec pour le député et pour ses collègues comme V. Hugo.
Les arguments développés par le parlementaire rencontrent la résistance majoritaire de ceux
qui légitiment la peine capitale au nom de divers principes, et ceux qui, à défaut de principes,
désirent maintenir cette peine au nom de son utilité. C’est ainsi que la proposition est rejetée
avant même sa prise en considération par une majorité des deux tiers359 de la Chambre.
A côté du rôle des parlementaires, certains juristes influents préconisent sinon une abolition
pure et simple, au moins une prudence et une réserve extrêmes dans son application. Ainsi le
professeur Rossi dans son Traité de droit pénal360 considère que la peine de mort est un
moyen de justice « dangereux, dont on ne peut faire usage qu’avec la plus grande réserve,
qu’en cas de véritable nécessité, qu’on doit désirer de voir supprimer complètement, et pour
l’abolition duquel le devoir nous commande d’employer tous nos efforts, en préparant un état
de choses qui rende l’abolition de cette peine compatible avec la sûreté publique et
particulière ». Or, ce moyen est néanmoins légitime dans son principe. La particularité de son
raisonnement place le professeur dans la « classe » des partisans de la peine capitale, mais
parmi les plus modérés.
De même le garde des sceaux F. Barthe, lors de la proposition de la loi de réforme du Code
pénal devant la Chambre des députés, présente le maintien de la peine de mort comme
provisoire et limitée aux crimes les plus odieux. Il appelle de ses vœux une future abolition
plus générale lorsque les mœurs populaires seront prêtes.
Pour ce ministre361, la peine de mort est « conservée pour des cas qui demeureront très
rares… [Elle] pourra disparaître plus tard, lorsque sa suppression sera en harmonie avec les
mœurs publiques ». Cette philosophie semble être la manifestation de la majorité des hommes
politiques de l’époque qui forment le vœu d’une disparition prochaine de la peine de mort,
mais toujours progressive.
Or, mis à part quelques voix isolées, le débat demeure encore relativement stérile, les
partisans de la peine capitale dans l’arsenal pénal du XIX ème siècle demeurent nettement
majoritaires.
Ce débat n’entraîne guère de conséquences sur la loi pénale. Toutefois la pratique est encline
à une plus grande modération dans l’application de la peine capitale à travers la diminution
continue des verdicts capitaux et par l’usage récurrent de la grâce.

359
Elle est rejetée par 400 voix contre 183. Ibid., p. 3954.
360
F. Hélie, Œuvres complètes de Pellegrino Rossi, p. 108.
361
Moniteur Universel, dimanche 18 mars 1832, n° 78, p. 778.
Alors même que la loi du 28 avril 1832 a supprimé la peine capitale de neufs crimes 362, la
consommation d’infractions particulièrement graves punies par la peine de mort, se multiplie
entre la Restauration et le second Empire. Ainsi, eu égard à cette recrudescence criminelle la
peine de mort aurait dû être prononcée de plus en plus fréquemment.
Mais à travers le compte général de la justice criminelle 363, on constate que la situation est
contraire et que la peine de mort semble de moins en moins appliquée364.
D’abord par le biais de l’application des circonstances atténuantes, le jury depuis 1832 peut
moduler une peine en la remplaçant par la peine inférieure. Aussi, comme le constate J.-M.
Carbasse365, très souvent les jurés prononcent-ils la peine immédiatement inférieure à la peine
capitale, c’est-à-dire celle des travaux forcés.
C’est également par l’usage de la grâce366, que la quantité des exécutions capitales effectuées
se retrouve réduite au regard des exécutions prononcées. Dès 1814, Louis XVIII recourt au
mécanisme de la grâce mais l’inexistence de compte de la justice criminelle ne permet pas de
déterminer le taux d’individus en ayant bénéficié. Toutefois il semble, à la lecture de J.-M.
Carbasse367, que Louis XVIII s’inscrivit dans la continuité des rois de l’Ancien Régime et ne
fut pas avare de l’utilisation de ce droit368.
Selon cet historien, l’histoire n’a « retenu – comme cela est fréquent dans l’histoire des
civilisations, où les erreurs laissent plus de marques que les bienfaits – bien injustement, que
le refus de gracier le maréchal Ney ».
Le premier chiffre officiel rapporté est le taux 369 des grâces sous le règne de Charles X. Entre
1827 et 1830, le tiers (33 à 34 %) des condamnés à mort auraient bénéficié d’une grâce 370. Si

362
La fabrication de fausse monnaie, la contrefaçon du sceau de l’État, le complot contre le roi non suivi
d’attentat, etc.
363
Il est publié en principe annuellement, sous tous les gouvernements, de 1825 à 1870.
364
Cf. annexe n° 16.
365
J.-M. Carbasse, La peine de mort, p. 94.
366
La grâce est une mesure de clémence, en général individuelle, prise par le chef de l’État (monarque, président
ou empereur), qui emporte pour le condamné, remise totale ou partielle de la peine. La grâce ne doit pas se
confondre avec l’amnistie, laquelle est toujours collective, émane du pouvoir législatif et a pour effet d’arrêter
des poursuites ou d’effacer une condamnation déjà prononcée. S. Bissardon, Guide du langage juridique, 2ème
édition, 2005, p.120.
367
J.-M. Carbasse, La peine de mort, pp. 96–97.
368
Notamment lorsqu’il n’y avait pas eu mort d’homme. Cf. R. Martinage, op. cit., p. 99.
369
Cf. annexe n° 16.
370
Notons toutefois que ces chiffres doivent être pris avec réserve dans la mesure où le compte général ne donne
pas systématiquement explicitement le nombre d’individus graciés. Ce nombre, nous sommes parfois amenés à
le déduire de la soustraction du nombre de personnes effectivement exécutées au nombre des condamnés à mort.
Ainsi, parce que diverses raisons peuvent empêcher l’exécution d’un condamné (son décès préalable, sa fuite, sa
disparition, la révision de son procès…), nous ne pouvons affirmer avec la plus grande précision le taux réel des
grâces même si elles représentent l’explication la plus commune de l’inexécution de la peine capitale.
Enfin, les chiffres varient selon les auteurs. Ainsi, pour R. Martinage, op. cit., p. 94, Charles X à la fin de son
règne ne graciait que 25 % des condamnés.
ce chiffre témoigne de la réalité et de l’application indubitable du mécanisme de la grâce ; pris
isolément, il ne permet toutefois pas d’apprécier scientifiquement une évolution durant le
premier quart du XIXème siècle.
Néanmoins le taux de grâces par rapport au nombre de condamnations à mort semble
progresser durant ces quatre années et particulièrement en 1830371 (76 exécutions sur 109
condamnations pour l’année 1827, contre 75 sur 114 en 1828, 38 sur 89 en 1729 et 25 sur 92
en 1830 ; soit 30 % de graciés pour l’année 1827, 34 % en 1828, 57 % en 1829 et atteint 72 %
en 1830).
C’est à partir de 1830, avec le règne de Louis-Philippe, que les exécutions capitales tendent à
diminuer dans une plus grande proportion. Ce dernier a une « sincère répulsion pour la peine
capitale », comme l’explique J.-M. Carbasse372. Aussi dès le mois de septembre 1830, exige-t-
il par circulaire ministérielle qu’aucune exécution n’ait lieu sans que le dossier du condamné
lui soit préalablement soumis, alors même que le condamné n’aurait pas formé de recours en
grâce373. Cette ligne politique sera suivie tout au long de son règne 374, avec 325 grâces sur un
total de 889 condamnations à mort prononcées entre 1831 et 1847, soit une moyenne de
presque 37 %.
En outre, en 1832, une pratique nouvelle voit le jour au terme de laquelle tous types de
criminels peuvent bénéficier du mécanisme de la grâce. C’est ce que R. Martinage 375 appel le
« problème de conscience moderne du souverain » et qui consiste à choisir parmi les
criminels ceux qui devront être soustraits à la guillotine. Outre les circonstances du crime qui
fondaient jusque là la décision du souverain, désormais ce dernier va puiser aussi des
éléments subjectifs dans la personnalité de l’auteur afin d’atténuer sa responsabilité et de le
gracier.
Une hausse de la grâce se fait ressentir après la chute de Louis-Philippe, lors de l’avènement
de la seconde République dans la mesure où pour la seule année 1849, sur un total de 36
condamnés à mort, seulement la moitié de ceux-ci sont exécutés. Le taux de grâce atteint alors
comme en 1829 et 1830 un taux de plus de 50 %.

371
Cette hausse conséquente des grâces sur l’année 1830 s’explique en partie par l’avènement de Louis-Philippe,
lequel est assez défavorable à la peine capitale.
372
J.-M. Carbasse, La peine de mort., p. 97.
373
R. Martinage, op. cit., p. 94.
374
Elle fut toutefois la plus importante dans les trois premières années du règne de Louis-Philippe. De 1830 à
1833, il gracie les deux tiers des condamnés, puis de 1834 à 1847 ce chiffre baisse pour n’atteindre plus que le
tiers des condamnés.
375
R. Martinage, op. cit., p. 99.
Le taux des grâces diminue sensiblement à partir de 1850, et n’évoluera guère jusqu’en 1870.
Entre la présidence de Louis-Napoléon Bonaparte et l’Empire qu’il dirige – périodes libérale
et autoritaire confondues -, sur un total de 773 condamnations à mort, le prince-président
gracie 334 condamnés, soit une moyenne de plus de 43 %. Ainsi, le taux de grâce progresse
par rapport à la Monarchie de Juillet mais il est en baisse par rapport à la deuxième
République.
Notons enfin que l’année 1848 présente une particularité expliquant le taux
exceptionnellement bas de condamnations capitales. Cette particularité est illustrée par le
contexte social particulièrement troublé résultant du changement de régime et la paralysie
corrélative des cours d’assises376.
Le XIXème siècle, à défaut d’emprunter le chemin de l’abolitionnisme, poursuit néanmoins une
voie favorable au délinquant. Il y a là une contradiction flagrante avec l’esprit duquel est
revêtu le Code pénal de 1810.
En effet deux antagonismes divisent la pensée politique et l’orientation de la politique
criminelle du XIXème siècle. La constante opposition de l’individu face au respect du maintien
de l’ordre politique entraine une profonde rupture au sein de la classe politique qui parvient
toutefois à adapter progressivement sa législation vers un plus pragmatisme sinon une plus
grande modération, particulièrement en matière d’infractions politiques.

Titre second – L’arsenal répressif des 
infractions à caractère politique au 
XIX ème  siècle : du crime d’État au délit 
politique

Le XIXème siècle est marqué par de nombreuses évolutions liées au libéralisme et à son
expansion dans la société française. Ces évolutions concernent tant la politique que le droit, et
particulièrement la matière pénale. D’une manière générale une véritable politique
d’adoucissement du droit criminel est préconisée par une grande partie de la doctrine377.

376
Elles ne prononcèrent pour l’année 1848 que 36 condamnations capitales tandis que les années précédentes
ces condamnations atteignaient, annuellement, très fréquemment la centaine. Cf. R. Martinage, op. cit., p. 95.
377
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 426.
Or, la difficulté est que cette volonté d’adoucir le sort du délinquant se heurte constamment à
la philosophie utilitariste du Code pénal de 1810 lequel place l’ordre et la sûreté publique au
sommet de l’échelle de valeurs et en sanctionne la violation par de lourdes peines378.
En conséquence, pour résoudre les antagonismes en présence, le législateur de la Monarchie
de Juillet opte pour un système de compromis, qui, tout en maintenant la conception
traditionnelle d’une pénologie utilitariste au service de l’ordre social, réorganise le système
pénal français en introduisant un régime particulier adoucis pour les infractions qu’il
considère comme relevant d’une catégorie particulière.
Ainsi va se développer dans la conception criminelle française l’idée de délit politique.
S’opère alors un glissement incontestable à partir d’une notion vague et surannée de justice
politique ou de crime d’État, en une notion plus juridique de délit politique.
Tout en maintenant la répression face à des actes qui troublent l’ordre légal, mais dont la
nature témoigne d’une moindre perversité de l’agent en ce qu’elle ne reflète que l’adhésion ou
le rejet d’une doctrine ou d’une pensée politique, le législateur de la Monarchie de Juillet
institue un régime exceptionnel accordant le bénéfice de certains privilèges.
En outre il s’agit de concilier deux doctrines dont le poids semble équivalent mais dont les
conceptions sont foncièrement opposées. Face à la politique d’adoucissement prônée par
certains auteurs et par certains hommes politiques, d’autres sont au contraire les partisans
d’une certaine efficacité de la répression lorsqu’il s’agit de réprimer un délinquant
politique379.
Dès lors, le meilleur moyen de concilier ces théories est de modifier la législation criminelle.
Le législateur opte alors pour une réforme qui permette de continuer à assurer le respect de
l’ordre public à travers une politique criminelle stricte, et qui permette également d’atténuer et
de graduer la pénalité en fonction de la nature de l’infraction, en instituant un régime
d’exception propre aux infractions politiques.

378
Ce Code est qualifié par certains auteurs comme J.-M. Carbasse (Histoire du droit pénal…, p. 439), de « Code
de fer ». Une telle qualification résulte de l’esprit de ce Code qui est sévère et profondément « dominé par le
souci de défendre sans faiblesse l’ordre social et le régime politique ».
379
R. Charvin (ibid., p. 427), distingue deux écoles doctrinales. La première est l’école classique qui prône une
philosophie combinant un système d’intimidation et de justice. Pour cette école, la dissuasion est le principal
dessein de la loi et la responsabilité de l’agent ne doit pas être altérée par des considérations subjectives. Il s’agit
d’une justice « purement objective » qui ne tient compte que de l’acte criminel.
La seconde école est l’école positive qui au contraire tend prendre en considération des « données scientifiques »
afin d’apprécier la responsabilité du délinquant. Autrement dit, il s’agit pour cette école d’introduire un élément
subjectif dans l’appréciation de la responsabilité en prenant en compte des éléments sociologiques. Or, cette
école conçoit la peine comme purement utilitaire.
En dépit de ces différentes conceptions, ces deux écoles partagent la même position concernant la justice
politique. Pour elles, la rigueur déployée contre le délinquant politique doit demeurer le principe.
C’est ainsi qu’à partir de 1830, la rigueur prônée contre les délinquants politiques semble
s’estomper pour laisser place à un plus grand pragmatisme.
Partant de l’état fixé par le Code pénal de 1810, il conviendra d’observer à titre liminaire que
ce Code ne fait point de distinction entre délit politique et délit de droit commun. La seule
distinction opérée réside dans la valeur à laquelle attente l’agent, laquelle réside dans la chose
publique, dans la personne des particuliers ou dans la catégorie de la propriété. Hormis cette
distinction, le criminel d’État ou le justiciable de la justice politique ne bénéficie d’aucun
privilège, ni d’aucun régime de faveur. Celui-ci demeure toujours sévèrement sanctionné
conformément au droit commun jusqu’en 1830 (Chapitre préliminaire).
L’année 1830 marque la naissance de la théorie du délit politique. Bien que cette théorie
exprime suivant la philosophie libérale, la recherche d’une justice meilleure et plus équitable,
elle rencontre toutefois certaines lacunes juridiques. En effet, si la doctrine ne semble pas
parvenir à définir le délit politique, c’est au législateur qu’une telle entreprise va incomber, à
travers la loi du 8 octobre 1830. Or, cette loi va s’avérer décevante en ce qu’elle ne
correspondra qu’à un travail d’énumération (Chapitre I).
Malgré tout une avancée non négligeable va s’opérer. En effet, en dépit du caractère exhaustif
des articles érigés en délits politiques par la loi du 8 octobre 1830, cette loi va permettre
d’apprécier la nature et le domaine de l’infraction politique, permettant ainsi de baliser le
chemin d’une future définition ou au moins de l’entendement que l’on pourra avoir de ce à
qui peut correspondre un délit politique (Chapitre II).

Chapitre Préliminaire – L’arsenal répressif du Code pénal 
de 1810 : le socle d’une conception utilitariste de la 
peine en matière de crime politique

Dans la continuité du Code pénal de 1791 qui optait pour une distinction entre les crimes et
attentats commis contre la chose publique380 et les crimes commis contre les particuliers 381, le
Code pénal de 1810 entreprend une distinction semblable distinguant les crimes et délits

380
Il s’agissait du Titre I de la Deuxième partie du Code.
Ce Titre était lui-même subdivisé en plusieurs sections concernant respectivement les crimes contre la sûreté
extérieure de l’État, les crimes contre la sûreté intérieure, les crimes et attentats contre la constitution, les délits
contre le respect et l’obéissance dus à la loi et à l’autorité des pouvoirs constitués, les crimes commis par les
fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs pouvoirs et les crimes contre la propriété publique.
381
Soit qu’ils attentent à la personne (Section I du Titre II), soit qu’ils nuisent à la propriété (Section II du
Titre II).
commis contre la chose publique au Titre I du Livre III et ceux commis contre les particuliers
au Titre II du même Livre382.
La notion de délit politique ne figure pas dans le Code pénal de 1810 lequel se contente de
distinguer conformément à la pratique traditionnelle les crimes contre la chose publique des
autres crimes. Or, l’une des vocations principales de Code est bien de défendre l’ordre social
et l’ordre politique383.
Le premier point à souligner concerne l’ordre dans lequel s’inscrit le législateur de 1810, au
même titre que son prédécesseur de 1791, établissant la chose publique, c’est-à-dire l’État, au
sommet de la hiérarchie des valeurs à protéger384.
L’État, selon l’ordre déterminé par le législateur de l’Empire constitue la norme de référence
dont l’atteinte est considérée comme étant manifestement la plus grande, bien plus importante
que celle portée contre n’importe quel individu385. Au reste, sur 484 articles, le « Code de
382
Notons que le Livre Ier est relatif aux peines en matière criminelle et correctionnelle, ainsi que leurs effets ; le
Livre II concerne la question de la responsabilité pénale ; et le Livre IV porte sur les contraventions de police et
les peines qui leurs sont applicables.
383
Cf. à ce titre J.-M. Carbasse (Histoire du droit pénal…, pp. 440 à 442) qui rapporte les motivations politiques
et philosophiques qui ont guidé sa rédaction. Ces motivations s’inscrivent essentiellement dans un sens de
conservation sociale.
384
Cf. G. Giudicelli-Delage, Les crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique, RSC, 1993, p. 494.
Cf. également J.-M. Carbasse, op. cit., p. 441. Il reproduit un discours de G. Target qui fut l’un des rédacteurs du
Code pénal de 1810. Selon ce magistrat, « les crimes les plus pernicieux, et par conséquent les plus graves, sont
ceux qui attaquent la sûreté de l’État, qui ébranlent les fondements de l’ordre et de la paix publique parce que,
dans un seul attentat, ils contiennent tous les maux et tous les crimes ».
385
Par comparaison, si l’on examine notre Code pénal actuel depuis sa version de 1994 jusqu’à sa version de
2009, on peut voir qu’en certains points la distinction est similaire. Aussi trouve-t-on respectivement au sein du
Livre Ier portant sur les dispositions générales, un Titre I relatif à la loi pénale (les principes généraux du droit
pénal et les principes relatifs à l’application de la loi pénale dans le temps et dans l’espace), un Titre II relatif à la
responsabilité pénale (comprenant entre autres les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la responsabilité
pénale), et un Titre III relatif aux peines.
En revanche le nouveau Code pénal diffère de l’esprit de celui de 1810 en ce qui concerne le Livre II. Notre
Code actuel place l’individu au sommet de l’échelle des valeurs sociales contrairement au Code de 1810 qui
plaçait à cette place l’État.
Sont ainsi considérés aujourd’hui comme constituant les crimes les plus graves en vertu du Titre I er du Livre II,
les crimes contre l’humanité et contre l’espèce humaine (c’est-à-dire tout crime généralisé commis contre
l’espèce humaine ou contre une partie de celle-ci à travers le génocide, le transfert forcé d’enfants, l’eugénisme,
la déportation, l’esclavage ou plus récemment le clonage humain, art. 211-1 à 214-4). Les peines dont ces crimes
sont assortis figurent au rang des plus sévères. En l’absence de peine capitale depuis son abolition en 1981, les
peines sont désormais celles de la réclusion criminelle à perpétuité, et en vertu de l’article 215-1, l’interdiction
des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction d’exercer une fonction publique, l’interdiction de séjour, la
confiscation des biens de l’agent ainsi que la confiscation du matériel qui aurait servi à commettre l’infraction.
En outre, les personnes morales peuvent également faire l’objet de poursuites et de condamnations. En vertu des
articles 215-3 et 131-39, elles peuvent encourir des peines d’amende, la dissolution, diverses interdictions
professionnelles, économiques ou financières, leur placement sous surveillance judiciaire ou encore la
confiscation de tout ou partie de leurs biens.
Mais surtout, par application de l’article 215-4, hormis les crimes contre l’humanité qui restent imprescriptibles
en vertu d’un arrêt de la Chambre criminelle du 3 juin 1988 faisant application des dispositions du statut du
Tribunal militaire international de Nüremberg et de la résolution des Nations Unies du 13 février 1946, les
crimes contre l’espèce humaine font l’objet d’une prescription exceptionnelle de trente ans, contre vingt ans pour
les autres crimes (art. 133-2).
Après la question des crimes contre l’humanité ou contre l’espèce humaine, le nouveau Code pénal place les
crimes contre la personne humaine (Titre II du Livre II). Il s’agit des atteintes à la vie (Chapitre 1), à l’intégrité
physique ou psychique (Chapitre 2), de la mise en danger (Chapitre 3), des atteintes aux libertés de la personne
(Chapitre 4), à sa dignité (Chapitre 5), des atteintes à la personnalité (Chapitre 6) et des atteintes aux mineurs et à
fer » consacre 197 articles à la sûreté de l’État. Un tel rapport permet aisément d’illustrer la
place prédominante de l’État au rang des valeurs sociales.
Le second aspect à examiner concerne la subdivision choisie par le législateur de 1810. Au
sein du Titre I du Livre III, dont la subdivision constituera le plan de ce chapitre préliminaire,
nous distinguerons les crimes et les délits commis contre la sûreté de l’État compris au
Chapitre 1 (§ I), les crimes et délits contre les constitutions de l’Empire prévus par le Chapitre
2 (§ II) et les crimes et délits contre la paix publique évoqués au Chapitre 3 (§ III).

§ I – Les crimes et délits contre la sûreté de l’État

Au titre des crimes et délits contre la sûreté de l’État, le Code pénal de 1810 établit une
distinction entre les crimes et délits contre la sûreté extérieure de l’État et ceux commis contre
la sûreté intérieure.
Les premiers relèvent des articles 75 à 85. Ils concernent diverses infractions résidant dans le
fait d’avoir porté les armes contre la France (art. 75), d’avoir pratiqué des machinations ou
des intelligences avec des puissances étrangères afin de les engager à commettre des hostilités
envers la France (art. 76) ou afin de leur faciliter leur entrée sur le territoire de l’Empire (art.
77), ou encore le fait pour tout fonctionnaire public d’avoir livré à une puissance ennemie le
secret d’une négociation ou d’une expédition (art. 80) ou d’avoir livré des plans de
fortifications, ports ou rades (art. 81). Tous ces crimes de trahison sont punis de mort et
entrainent la confiscation des biens de l’agent.
Un autre cas est également puni de la peine capitale sans toutefois que les biens du condamné
ne soient confisqués. Cela est le cas du recel d’espions ou de soldats ennemis (art. 83).
A côté de la peine capitale, d’autres peines relativement lourdes viennent sanctionner ces
crimes commis contre la sûreté extérieure, tel le bannissement dans le cas où la
correspondance de l’agent avec l’ennemi, sans avoir pour objet l’un des crimes évoqués à
l’art. 77, aurait eu pour résultat de fournir à l’ennemi des instructions nuisibles pour la France,
la peine encourue par l’agent est le bannissement (art. 78), ou encore pour le fait d’avoir
exposé des Français à des représailles par des actes non approuvés par le gouvernement (art.
85).
Enfin deux autres articles prévoient des peines de déportation au cas où un individu aurait
exposé la France à une déclaration de guerre par des actions hostiles au gouvernement (art.

la famille (Chapitre 7).


Toujours dans un ordre décroissant, se situent ensuite les crimes et les délits contre les biens (Livre III). Ce n’est
qu’au Livre IV que l’on trouve les crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique.
84) et dans l’hypothèse où un individu serait parvenu à soustraire des plans de fortifications et
autres bâtiments publics et les aurait livrés à une puissance étrangère (art. 82).
Les articles suivants relatifs à la sûreté de l’État concernent la sûreté intérieure. Ils sont
subdivisés en deux catégories. La première catégorie a trait aux attentats et aux complots
dirigés contre l’empereur et sa famille, elle est prévue par les articles 86 à 90.
Cette catégorie prévoit une protection particulière pour le chef de l’État et ses proches,
comme le faisaient les lois de lèse-majesté d’Ancien-Régime. En atteste notamment la
terminologie employée et le recours à la qualification de parricide concernant l’individu qui
attenterait par un attentat ou un complot, à la vie ou à la personne de l’empereur. Outre la
peine de parricide, la confiscation des biens est prévue (art. 86).
L’article 90 prévoit néanmoins deux exceptions à cette disposition dans l’hypothèse où il n’y
aurait pas eu de complot, mais seulement une proposition faite et non agréée d’en former un,
auquel cas, la peine consisterait en la réclusion ; et dans l’hypothèse où il y aurait eu une
proposition faite et non agréée d’attenter à la vie ou à la personne d’un ou de plusieurs des
membres de la famille impériale, la peine serait celle du bannissement.
Cette dernière hypothèse correspond au domaine de l’article 97 lequel prévoit la peine
capitale, ainsi que la confiscation des biens, pour toute personne qui attenterait à la vie des
personnes de la famille impériale dès lors que serait relevé l’un des buts suivants : si l’agent
entend détruire ou changer le gouvernement ou l’ordre de successibilité au Trône, ou bien s’il
entend exciter les citoyens à s’armer contre l’autorité impériale.
Les articles 88 et 89 n’étendent pas les incriminations précédentes mais ne font que les
préciser en définissant l’attentat comme un acte commis ou commencé pour parvenir à
l’exécution d’un crime (art. 88) et le complot comme étant la résolution d’agir, de manière
concertée et arrêtée entre deux oui plusieurs conspirateurs (art. 89). Il est intéressant de noter
que ces incriminations sont indifférentes au résultat. Seuls le commencement d’exécution et
une certaine forme de manifestation d’une intention criminelle constituent le fondement à la
répression.
La seconde catégorie de crimes contre la sûreté intérieure est relative aux « crimes tendant à
troubler l’État par la guerre civile, l’illégal emploi de la force armée, la dévastation et le
pillage ».
Il s’agit là aussi de sanctionner de la peine capitale assortie de la confiscation des biens du
condamné les attentats ou les complots ayant eu pour but d’exciter à la guerre civile en armant
ou en portant les citoyens à s’armer les uns contre les autres, ou lorsque ledit attentat ou
complot aura eu pour but de porter la dévastation, le massacre et le pillage (art. 91). Sont
punis des mêmes peines en vertu de l’article 92, les individus qui ont levé ou fait lever des
troupes armées, ou qui ont enrôlé ou qui ont fait enrôler des soldats, ou qui leur ont procuré
des armes sans ordre des autorités légitimes.
De la même manière, sont punis de mort et de la confiscation de leurs biens les individus qui
ont pris un commandement de manière illégitime ou qui ont maintenu en service une troupe
malgré son licenciement (art. 93), ainsi que ceux qui auront incendié ou détruit des édifices
publics (art. 95), ou encore ceux qui, disposant de la force publique, se seront opposés à la
levée des gens de guerre lorsqu’elle est légalement établie et que leur action sera suivie
d’effet386 (art. 94).
Sont enfin punis de la confiscation de leur biens, suivie de la peine capitale les personnes qui
composent une bande lorsque celle-ci a tenté ou exécuté l’un des crimes mentionnés aux
articles 86, 87 et 91 (art. 97), ou encore toute personne qui s’est mise à la tête d’une bande
armée pour envahir, piller ou partager des propriétés publiques, ou pour s’opposer à la force
publique lorsqu’elle agit contre les auteurs de ces crimes (art. 96).
La question des bandes armées constitue dans l’esprit du législateur de 1810 une menace
considérable du fait de leur qualité de groupement séditieux. Aussi le Code pénal entend-il
sanctionner très sévèrement également certains faits de complicité comme le fait de procurer
un logement ou un lieu de retraite aux membres d’une bande armée. En vertu de l’article 99,
la peine prévue pour un tel crime est la peine des travaux forcés à temps.
Et de manière générale, dès lors que la bande armée ne tombe pas sous la qualification des
crimes énoncés aux articles 86, 87 et 91, les individus qui composent la bande armée,
lorsqu’ils n’y ont exercé aucun commandement, sont punis de la peine de la déportation (art.
98).
Notons enfin une particularité contenue à l’article 100 du Code pénal, consistant dans le fait
de punir d’une peine de surveillance de haute police, ceux qui ayant fait partie d’un
mouvement séditieux et s’étant retirés du mouvement dès le premier avertissement de la force
publique ou qui se sont rendus sans résistance et sans armes. Le législateur prévoit qu’aucune
peine ne peut être prononcée contre eux sauf à prononcer leur placement sous la surveillance
de la haute police387.

386
Si le fait n’est pas suivi d’effet, la peine est celle de la déportation.
387
Cf. infra, Deuxième partie, Titre I, Chapitre 1, Section II.
Il convient de relever d’abord que cette peine n’existait pas dans le Code pénal de 1791, il
s’agit d’une mesure sans doute associée à la naissance du cabinet noir dont la motivation est
de maintenir une surveillance constante sur les éléments contestataires du régime impérial.
Ensuite, il est intéressant d’observer qu’il s’agit d’une peine d’une nature spéciale consistant
essentiellement en une mesure préventive destinée à parer toute tentative de renversement du
pouvoir en place.
Aussi cette mesure s’inscrit-elle particulièrement bien dans le domaine des crimes d’État,
même si par la suite elle sera dénaturée de sa fonction originelle en ce qu’elle sera étendue
particulièrement aux délits de vagabondage388.
Malgré cette mesure particulière propre à certains crimes ou délits, la répression des crimes
d’État demeure tout aussi sévère, particulièrement lorsqu’ils portent sur les constitutions de
l’Empire.

§ II – Les crimes et délits contre les constitutions


de l’Empire

Par le terme de constitutions de l’Empire, le législateur de 1810 entend d’abord les crimes et
les délits relatifs à l’exercice des droits civiques, ainsi que les attentats à la liberté, les
coalitions de fonctionnaires et enfin les empiètements des autorités administratives et
judiciaires.
Les peines fixées au titre des crimes et délits contre les constitutions de l’Empire sont
inférieures dans l’échelle des peines mais continuent d’être sévères. Cette sévérité est le gage
pour l’État de la conscience de la nécessité de sa propre survie.
Or, pour leur majorité, ces dispositions tendent essentiellement à protéger l’ordre général de la
société, plus que le maintien de l’existence du gouvernement seul. Ces crimes et délits sont
divisés en quatre catégories.

• La première catégorie, composée de cinq articles, concerne les crimes et les délits
relatifs à l’exercice des droits civiques.
En vertu de l’article 109, sont punis de peines d’emprisonnement de six à deux ans et d’une
déchéance des droits politiques de cinq à dix ans, le fait d’avoir participé, par le biais d’un

388
Dans l’édition du Code pénal de 1810, la peine de surveillance de la haute politique est exclusivement
réservée aux crimes ou délits de nature politique, c’est-à-dire aux crimes ou aux délits qui attentent à la chose
publique. La seule exception est celle qui est contenue à l’art. 246 et qui concerne les individus qui auraient
favorisé ou tenté de favoriser l’évasion de prisonniers.
attroupement, à des voies de fait ou des menaces en vue d’empêcher une ou plusieurs
personnes d’exercer leurs droits civiques.
L’article 110 prévoit comme circonstance aggravante de ce crime le fait de l’avoir commis
dans le cadre d’un plan concerté. Dans ce cas la peine prévue est celle du bannissement.
En outre, le fait d’avoir de falsifié ou soustrait des suffrages à l’occasion du dépouillement
d’un scrutin est puni de la peine du carcan si l’auteur était en charge du dépouillement (art.
111) et d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une déchéance des droits politiques
pour une durée de cinq à dix ans pour toute autre personne (art. 112).
Une dernière disposition prévoit au titre des crimes et délits relatifs à l’exercice des droits
civiques, la déchéance des droits politiques ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction ou
emploi public pour une durée de cinq à dix ans pour toute personne qui aurait vendu ou acheté
des suffrages à l’occasion d’élections. Outre ces peines l’article 113 prévoit en plus pour le
vendeur et pour l’acheteur, une peine d’amende équivalant au double de la valeur des choses
reçues ou promises.

• La deuxième catégorie comprise au titre des crimes et délits commis contre les
constitutions de l’Empire correspond aux attentats à la liberté.
Sont considérés comme tels, le fait pour un fonctionnaire public (art. 114) ou pour un ministre
(art. 115) d’avoir ordonné ou commis un acte arbitraire attentatoire à la liberté individuelle ou
aux droits civiques d’un citoyen. Dans le premier cas la peine consiste en une dégradation
civique, sauf à justifier d’avoir agi sur ordre de l’autorité supérieure, auquel cas l’agent sera
exempté de toute peine – laquelle sera appliquée au donneur d’ordre - ; et dans le second cas,
si l’acte émane d’un ministre, celui-ci encoure une peine de bannissement, sauf à démontrer
en vertu de l’article 116 que sa signature lui a été surprise.
En cas d’usurpation de la signature d’un ministre ou d’un fonctionnaire public, l’auteur du
faux ou celui qui en a fait usage encoure la peine des travaux forcés à temps, dont – énonce
l’art. 118 – le « maximum » sera toujours appliqué dans ce cas.
Par ailleurs l’article 119 prévoit que le fait pour des fonctionnaires publics – de l’ordre
administratif ou judiciaire – de « refuser ou de négliger de déférer une réclamation légale
tendant à constater » des détentions illégales, sans pouvoir justifier d’avoir reçu l’ordre de leur
autorité supérieure, fait encourir au fonctionnaire mis en cause une peine de dégradation
civique.
De la même manière, lorsque des gardiens ou des concierges d’établissement pénitentiaires
ont reçu sans document officiel et qu’ils ont retenu irrégulièrement un prisonnier, ou encore
lorsqu’ils ont refusé de transmettre leurs registres à qui de droit ; ils s’exposent en vertu de
l’article 120, comme convaincus de détention arbitraire, à des peines de six mois à deux ans
d’emprisonnement et d’une amende de seize à deux cents francs.
Si la détention arbitraire ou la traduction devant une juridiction sans mise en accusation
préalable résulte d’un membre du parquet, d’un magistrat ou d’un officier public, la peine
prévue par l’article 122 consiste en une peine de dégradation civique.
S’il revient enfin à tout officier de police judiciaire, magistrat ou procureur d’avoir
« provoqué, donné ou signé » une décision tendant à la poursuite d’un ministre, d’un
parlementaire ou d’un membre du Conseil d’État sans autorisation, l’article 121 établit la
qualification de forfaiture et prévoit une peine de dégradation civique.

• La troisième catégorie comprise au titre des crimes et délits commis contre les
constitutions de l’Empire correspond aux coalitions de fonctionnaire.
En vertu de l’article 123, « tout concert de mesures contraires aux lois » pratiqué par la
réunion d’individus dépositaires d’une part de l’autorité publique, par députation ou par
correspondance entre eux est puni d’une peine d’interdiction des droits civiques et de tout
emploi public pour une durée de dix ans. Dans l’hypothèse d’un concert de mesures contre
l’exécution des lois ou contre les ordres du gouvernement constitue une cause d’aggravation
punie pour l’article 124 de la peine de bannissement, et dans le cas où le concert aurait réuni
des membres des autorités civiles et des autorités militaires, la peine consisterait en de la
déportation.
Une autre circonstance aggravante est prévue par l’article 125 et puni de mort et de la
confiscation des biens, les individus membres du concert dans le cas où celui-ci aurait eu pour
objet un complot attentatoire à la sûreté intérieure de l’État.
Enfin, par application de l’article 126, une dernière disposition prévoit la qualification de
forfaiture et puni de la dégradation civique tous les fonctionnaires publics qui auraient, par
délibération, décidé de donner des démissions afin d’empêcher ou de suspendre le bon
fonctionnement d’un service administratif quelconque.

• La quatrième catégorie comprise au titre des crimes et délits commis contre les
constitutions de l’Empire est relative aux empiètements des autorités administratives
et judiciaires.
Il s’agit ici de qualifier de forfaiture certains faits commis par des magistrats ou des officiers
de police judiciaire et de les sanctionner de peines de dégradation. Il revient à l’article 127 de
déterminer les cas de forfaiture, soit lorsque des juges, procureurs, substituts ou officiers de
polices se sont immiscés dans l’exercice du pouvoir législatif, soit lorsque ces mêmes
fonctionnaires publics ont excédé leurs pouvoirs et se sont immiscés dans des matières
attribuées aux autorités administratives.
De même, au regard de l’article 130, le fait pour des préfets, maires, sous-préfets et autres
administrateurs de s’immiscer dans l’exercice du pouvoir législatif ou bien de prendre des
arrêtés généraux « tendant à intimer des ordres ou des défenses » à des cours ou des
tribunaux, entraine au même titre que l’article 127 à des peines de dégradation civique.
Si en dépit de la réclamation des parties ou de l’une d’elles, ils se sont ingérés dans les
fonctions judiciaires, qu’ils ont prononcé une quelconque décision à l’égard des droits et des
intérêts qui relèvent du ressort de la juridiction et avant la décision de l’autorité supérieure
compétente, la peine est aggravée et consiste en une peine d’amende allant de seize à cent
cinquante francs (art. 131).
Inversement, le fait pour un magistrat de l’ordre judiciaire de se prononcer sur une affaire
avant que l’autorité compétente supérieure ne se soit prononcée entraine une peine d’amende
équivalente en vertu de l’article 128.
La même peine est prévue par l’article 129 pour les juges qui, sans avoir obtenu
préalablement l’autorisation du gouvernement et après une demande d’une partie ou de
l’autorité administrative, auront rendu des ordonnances ou décerné des mandats contre des
agents du gouvernement poursuivis pour des crimes ou des délits dans l’exercice de leurs
fonctions.
Toutes ces incriminations seront qualifiées de délits politiques par la suite, lors de l’adoption
de la loi du 8 octobre 1830. Or il est une dernière catégorie qui est considérée par le Code
pénal de 1810 comme relevant des crimes d’État au titre des infractions contre la chose
publique, mais qui ne sera que très partiellement reprise au titre des délits politiques. Cette
catégorie porte sur la paix publique.

§ III – Les crimes et délits contre la paix publique

Au titre de la paix publique, le Code pénal de 1830 retient un grand nombre d’infractions dont
la nature est très variée. Rares seront les dispositions de cette subdivision du Code criminel à
être reprises au nombre des délits politiques.
Ces crimes et délits sont divisés en une première catégorie portant sur le faux. Cette catégorie
ne sera pas considérée comme relevant des délits politiques. Elle concerne essentiellement la
fausse monnaie (art. 132 à 138) ; la contrefaçon des sceaux de l’État, des billets de banque,
des effets publics et des poinçons, timbres et marques (art. 139 à 144) ; les faux en écritures
publiques ou authentiques, de commerce ou de banque (art. 145 à 149) ; le faux en écriture
privée (art. 150 à 152) ; les faux commis dans les passeports, feuilles de route et certificats
(art. 153 à 162).
Les articles 163 à 165 portent sur les dispositions communes relatives à cette première
catégorie et ne nécessitent pas un examen particulier présentement.
Une deuxième catégorie de crimes et délits contre la paix publique correspond à la forfaiture
et aux crimes et délits des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions. Comme
les cas de forfaiture en matière de crimes et délits commis contre les constitutions de
l’Empire, il est prévu par l’article 167 que la peine par défaut en matière de forfaiture est la
dégradation civique, que la forfaiture ne peut être constituée que d’un crime et non d’un délit
(art. 168) et surtout que constituent une forfaiture, tous les crimes commis par des
fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs fonctions (art. 166).
Le Code pénal de 1810 subdivise la section relative à la forfaiture en sept paragraphes. Nous
ne ferons que les évoquer sans examen approfondi dans la mesure où elles ne concernent pas
directement notre sujet et ne seront pas érigées au rang des délits politiques par la loi du 8
octobre 1830.
Successivement le législateur de 1810 considère comme constituant des actes de forfaitures
ou des crimes et délits commis par des fonctionnaires publics dans l’exercice de leurs
fonctions : les soustractions commises par les dépositaires publics (art. 169 à 173) ; les
concussions commises par des fonctionnaires publics (art. 174) ; les délits de fonctionnaires
qui se sont ingérés dans des affaires ou des commerces incompatibles avec leur qualité (art.
175 et 176) ; la corruption des fonctionnaires publics (art. 177 à 183) ; les abus d’autorité
contre les particuliers (art. 184 à 187) et contre la chose publique (art. 188 à 191) ; certains
délits relatifs à la tenue des actes de l’état civil (art. 192 à 195) ; et l’exercice de l’autorité
publique lorsqu’il est illégalement anticipé ou prolongé (art. 196 et 197).
Une troisième catégorie de crimes et délits contre la paix publique est relative aux troubles
apportés à l’ordre public par les ministres des cultes dans l’exercice de leur ministère. C’est
parmi cette section que certaines dispositions seront érigées en infractions politiques en 1830.
Parmi les infractions commises par des ministres des cultes dans l’exercice de leur ministère,
le législateur de 1810 distingue quatre hypothèses. La première est relative aux contraventions
propres à compromettre l’état civil des personnes (art. 199 et 200) et la troisième est relative
aux critiques, censures ou provocations dirigées contre l’autorité publique dans un écrit
pastoral (art. 204 à 206). Ces deux catégories demeureront dans le droit commun après la loi
du 8 octobre 1830.
En revanche, s’agissant du deuxième paragraphe relatif aux les critiques, censures ou
provocations dirigées contre l’autorité publique dans un discours pastoral prononcé
publiquement (art. 201 à 203), et du quatrième paragraphe relatif à la correspondance des
ministres des cultes avec des cours ou des puissances étrangères, sur des matières de religion
(art. 207 et 208) ; toutes ces dispositions seront érigées en délits politiques en 1830.
Une quatrième section prévoit au titre des crimes et délits contre la paix publique, toutes les
infractions relatives à la désobéissance, la résistance et tous autres manquements envers
l’autorité publique.
Subdivisée en huit paragraphes cette section prévoit respectivement la rébellion (art. 209 à
221) ; les outrages et violences envers les dépositaires de l’autorité et de la force publique (art.
222 à 233) ; les refus d’un service dû légalement (art. 234 à 236) ; l’évasion de détenus et le
recel de criminels (art. 237 à 248) ; les bris de scellés et l’enlèvement de pièces dans les
dépôts publics (art. 249 à 256) ; la dégradation de monuments (art. 257) ; l’usurpation de titres
ou de fonctions (art. 258 et 259) ; et les entraves au libre exercice des cultes (art. 260 à 264).
Une cinquième section envisage également au titre des de la paix publique, la question des
associations de malfaiteurs (art. 265 à 268), du vagabondage (art. 269 à 273) et de la
mendicité (art. 274 à 276) ainsi que quelques dispositions communes aux faits de
vagabondage et de mendicité (art. 277 à 282).
Une sixième section qui sera reprise plus tard au rang des délits politiques prévoit les
hypothèses de délits commis par la voie d’écrits, d’images ou de gravures, distribués sans
noms d’auteur, d’imprimeur ou de graveur (art. 283 à 290).
Enfin une dernière section relative aux associations et aux réunions illicites est prévue au titre
des crimes et délits contre la paix publique. Cette section composée des articles 291 à 294
vient clore le Titre premier sur les crimes et délits contre la chose publique. Les dispositions
de cette section seront également qualifiées en infractions politiques par la loi d’octobre 1830.
Pour l’heure il convient d’observer que de nombreuses infractions dont la nature est variée,
sont prévues comme des mesures tendant à protéger la chose publique. Toutes ne disposent
pas d’une même nature en ce qu’elles défendent tantôt des intérêts politiques, tantôt religieux
et tantôt des intérêts financiers ou économiques de l’État.
Cette diversité explique les raisons des difficultés auxquelles sera confronté le législateur de
1830 lorsqu’il aura pour mission de déterminer quelles sont au sein des nombreuses
dispositions du Code pénal de 1810, les infractions qu’il faut ériger au rang des crimes et
délits politiques.

Chapitre 1 – L’expression d’une volonté d’aménagement de 
la législation criminelle en matière de justice 
politique : la naissance du délit politique

En rupture avec les notions de lèse-majesté héritées de l’Ancien Régime puis de l’Empire ou
les notions de lèse-nation développées par les régimes révolutionnaires, on voit apparaitre
timidement sous le régime de la Restauration puis de manière plus étendue sous la Monarchie
de Juillet, une nouvelle notion plus conforme aux idées libérales du XIX ème siècle à travers la
notion de délit politique.
Le libéralisme qui imprègne cette notion est le résultat de deux facteurs particulièrement
importants. Le premier de ces facteurs est la prise en considération de la part du législateur
d’une catégorie de délinquants à travers la particularité des infractions dont ils sont les
auteurs.
Désormais il convient de penser la justice politique autrement, à travers l’exercice d’une
justice plus pragmatique et moins autoritaire. Le législateur prend progressivement conscience
qu’il convient de traiter les justiciables de la justice politique de façon plus humaine, tout en
maintenant la certitude d’une sanction repoussant ainsi toute idée d’impunité.
Ce constat implique la somme de plusieurs facteurs. On retiendra dans un premier temps deux
critères particulièrement importants en matière de justice politique. Il s’agit d’une part de
l’apparition d’une nouvelle terminologie qualifiant les infractions antérieurement soumises à
la justice politique. Cette nouvelle terminologie permet de délimiter juridiquement l’infraction
politique en la raccrochant à un domaine juridique conforme au droit commun 389 bien
qu’exceptionnel. Il s’agit d’autre part d’entreprendre l’une des réformes majeures concernant

389
C’est-à-dire au regard des garanties pénales qui couvrent l’auteur d’une infraction politique. Celui-ci n’est
plus livré à l’arbitraire de juridictions d’exception, de même que disparait l’opportunisme des poursuites et de la
sanction dont jouissait l’État jusque là.
ce type d’infractions en introduisant un principe d’échevinage. En permettant aux citoyens de
s’exprimer à travers l’institution du jury à côté de magistrats professionnels, le législateur
illustre sa volonté libérale d’introduire le peuple dans le type de justice qui était naguère le
plus contesté (Section I).
Dans un second temps, il conviendra d’observer qu’outre la bonne volonté dont fait preuve le
législateur - sous un angle intellectuel en organisant juridiquement l’ancienne notion de
justice politique et sous un angle politique en permettant au peuple de jouer un rôle dans le
cadre de cette justice - son entreprise sera en partie vaine. Dans la mesure où la loi d’octobre
1830 correspond à l’ambition juridique de définir les infractions considérées comme
politiques, cette loi est néanmoins jugée insuffisante sous cet aspect. En effet, il s’agira
d’observer que la loi d’octobre 1830, en se bornant à simplement établir une liste des
infractions qu’elle considère comme politiques, ne répond pas aux attentes des juristes
(Section II).

Section I – La réorganisation de la notion de crime d’État : entre 
classification et délimitation de l’infraction politique

Les années de la Restauration et de la Monarchie de juillet marquent un tournant décisif en


matière de justice politique. Sous l’influence libérale héritée des Lumières, une réaction
contre l’arbitraire de la justice politique se meut.
C’est particulièrement à travers la loi du 8 octobre 1830 qu’une telle réaction doit s’opérer.
Cette réaction vise à rompre avec l’arbitraire et l’opportunisme traditionnellement mis en
œuvre en matière de justice politique, et par voie de conséquence, cette réaction rompt avec la
rigueur implacable du Code pénal de 1810390.
La volonté d’amélioration du sort du justiciable de la justice politique s’inscrit dans le courant
libéral qui se développe inexorablement et s’illustre d’abord à travers le vocable employé.
Désormais tant le langage populaire que le langage juridique et politique emploie les notions
de délinquant politique et de délit politique (§ I).
En outre, il s’agit de déterminer de quelle manière cette volonté de réagir contre l’arbitraire se
manifeste. Cette réaction est le fait de l’encadrement juridique de l’ancienne notion de justice
politique qui jusqu’alors relevait de l’opportunité des gouvernements et qui désormais dispose
d’un domaine juridique propre (§ II).

390
R. Rodière, op. cit., p. 116.
§ I – La double innovation terminologique et
juridique de la notion d’infraction politique

L’évolution de la justice politique vers la notion d’infraction politique doit, préalablement à


l’étude de sa définition, être illustrée par deux aspects.
D’abord, il convient d’observer que la terminologie change. On ne parle plus ou pratiquement
plus de justice politique ou de crime d’État. Dès les années 1820, on commence à employer
dans le langage populaire d’abord, puis dans le langage juridique ensuite, les termes
d’infraction, de délit ou de crime politique (A).
Par ailleurs, afin de bien comprendre l’évolution que subit la justice politique après le premier
quart du XIXème siècle, il est important d’illustrer l’idée qui témoigne d’un certain
encadrement juridique de la vieille notion de justice politique. Désormais, cet encadrement
légal permet aux justiciables de cette justice de disposer de garanties égales à celles des
délinquants de droit commun (B).

A-/ Le caractère novateur de la justice politique à travers


l’emploi d’une terminologie nouvelle : l’infraction
politique

L’ensemble des auteurs dont les écrits et les recherches ont portés sur le délit politique n’ont
pu déterminer avec précision la période de transition entre la justice politique et le délit
politique. La plupart n’évoquent ce concept de délit politique que sous son aspect juridique 391.
La terminologie et son histoire sont souvent occultées des travaux et des analyses de la
doctrine.
Or il est essentiel pour développer et appréhender une notion et pour en déterminer son
raisonnement, de retourner aux fondements des choses afin d’en cerner les moindres
parcelles. Aussi nous parait-il essentiel et primordial d’analyser dans un premier temps
l’évolution terminologique qui se produit entre la notion de justice politique et celle de délit
politique.
On sait selon R. Charvin, P. Sornay, J. Viaud et de nombreux autres auteurs, que la justice
politique est un concept ancien mais relativement vague. Ce concept qui évolue au gré des
changements de mœurs et de gouvernements, demeure présent dans le langage populaire voire
dans le langage juridique, mais progressivement on lui substitue celui de « délit politique ».

391
Cf. J. Ortolan, op. cit., pp. 303 et s. ; A. Bertauld, op. cit., pp. 372 et s ; J. Carnot, Commentaire sur le Code
pénal, 2ème édition, Paris, 1836, pp. 304 et s ; A. Chauveau et F. Hélie, Théorie du Code pénal, Tome II, 1872,
pp. 386 et s.
Comme l’illustre S. Strachounsky392, il semble que la terminologie de « délit politique » soit
employée pour la première fois dans les années 1815-1820, sous la Restauration.
Contrairement à ce que certains ont pu préjuger à tort, ce vocable n’est pas né avec la loi du 8
octobre 1830.
Ce constat est attesté par E. Garçon 393 pour qui la terminologie du délit politique fait son
apparition, une quinzaine d’années avant 1830. Selon ce dernier, le Code pénal, dans son
édition de 1811, fait déjà référence à la notion de crime politique. E. Garçon explique que la
distinction entre les crimes et délits politiques et les crimes et délits de droit commun est « en
germe » dans le Code de 1811 dans la mesure où ce Code édicte deux peines : « la
déportation et le bannissement lesquelles étaient prononcées, le plus souvent, pour des crimes
politiques ».
Tous les auteurs ne sont toutefois pas aussi précis. C’est ainsi que P.-A. Papadatos 394, se
contente d’estimer l’apparition terminologique du délit politique à la première moitié du
XIXème siècle.
Néanmoins, le terme d’infraction politique semble être absent des documents officiels
jusqu’en 1830. Il n’est alors employé que dans le langage courant. Il faut attendre l’année
1830 pour que cette terminologie soit employée officiellement par les principaux organes de
l’État et particulièrement par l’article 69 de la Charte constitutionnelle du 14 août 1830.
En effet la majorité des auteurs préfèrent retenir l’année 1830 comme date à laquelle on
emploie pour la première fois officiellement ce terme. En témoigne A. Rolin 395 pour qui les
expressions « crime politique, délit politique, infraction politique sont de création récente ».
Selon lui, le « premier monument » législatif dans lequel ces expressions apparaissent, est la
Charte du 14 août 1830396. Cette idée est également développée par V. Pella 397 pour qui les
« conceptions tendant à la création d’un régime spécial de répression des crimes politiques
s’imposent de plus en plus au législateur » et se manifestent pour la première fois à travers la

392
S. Strachounsky, op. cit., p. 43.
393
E. Garçon, Code pénal annoté, Tome I, Paris, 1952, p. 14.
394
P.-A. Papadatos, op. cit., p. 43. Les propos de cet auteur demeurent relativement vagues, dans la mesure où il
considère que la terminologie de délit politique est apparue « sous l’emprise du grand mouvement du libéralisme
politique ». Si le sens de cette formulation est exact, elle ne permet toutefois pas d’apprécier précisément la
période à laquelle l’expression de délit politique fait son apparition.
395
A. Rolin, op. cit., p. 417.
396
Il s’agit de l’article 69 qui, au titre des dispositions particulières prévoit, à travers son 1°, l’élaboration dans
de brefs délais, de lois tendant à soumettre à la compétence du jury les délits de presse et les délits politiques.
Cf. annexe n° 17.
397
V. Pella, La répression des crimes contre la personnalité de l’État, in. Recueil des cours, vol. 33, 1930,
p. 700.
Charte de 1830. Auparavant, aucune loi, aucune constitution ne faisait application de ces
vocables.
Pour d’autres c’est la loi du 8 octobre 1830 qui est le premier texte à évoquer cette notion.
C’est ainsi que A. Blanche398 explique que s’agissant des délits politiques, « aucune loi n’en a
donné la nomenclature », seule la loi du 8 octobre 1830 a réputé certains délits comme délits
politiques. De même selon P. Sornay399, « l’expression nouvelle de délits politiques pénètre
dans les lois françaises avec la loi de 1830 ».
Toutefois, si P. Sornay, à l’instar d’E. Garçon qui datait l’apparition de la formulation
d’infraction politique aux premières années de la Restauration, considère que le vocable de
« délit politique » est une nouveauté dans le langage juridique, ce n’est pas le cas du langage
commun, dans la mesure où cette expression était employée « depuis le début du siècle, sans
cesse, dans le langage courant ».
A défaut de textes légaux400, seuls certains jurisconsultes401 très minoritaires emploient parfois
le terme de délits politiques pour qualifier des délits entrant dans le champ d’action de la
justice politique, mais cette expression demeure extrêmement marginale.
Au reste, notons une particularité de cette expression qui illustre indirectement son origine
profane. L’opinion publique, les auteurs et les législateurs qui emploient tour à tour cette
expression, l’entendent dans un sens général et plus littéral que juridique. Aussi parle-t-on
indifféremment de délit politique alors qu’il s’agit d’une infraction qui entre dans la classe des
délits comme de celle qui entre dans la classe des crimes.
Autrement dit, nul ne fait une distinction académique entre le délit et le crime politique 402. En
témoigne J. Viaud403 qui développe l’idée selon laquelle le délit politique ou le crime politique
est employé indistinctement sans égard à la signification exacte des mots. Selon cet auteur,
« les expressions de délit politique, de crime politique, de crime d’État seront employées dans
398
A. Blanche, Études pratiques sur le Code pénal, Tome I, 1888, p. 133.
399
P. Sornay, op. cit., p. 21.
400
En effet, ni le Code pénal de 1791, ni celui de 1810 n’évoquent la notion de « délit politique ». Ils ne parlent
que d’attentats à la « sureté intérieure et extérieure de l’État ».
Cf. à ce titre P.-A. Papadatos, op. cit., p. 39. Pour cet auteur, sans toutefois évoquer la notion de « délit
politique », le Code pénal de 1810 est le premier à faire une « ébauche entre crimes de droit commun et crimes
politiques ». La raison est essentiellement de pouvoir punir les crimes contre la chose publique plus
rigoureusement que les autres en ce qu’ils sont considérés comme les plus graves.
401
Comme par exemple G. Filangieri. Cf. à ce titre A. Rolin, op. cit., 1884, p. 147.
402
Cf. S. Strachounsky, op. cit., p. 11. Il explique que l’expression « délit » est communément entendue dans un
sens relativement large : « Pour nous « délit » est synonyme « d’infraction », comprenant les crimes et les délits
correctionnels. C’est d’ailleurs dans le même sens que cette expression est employée par de nombreux traités
internationaux et par la doctrine ».
Cf. également A. Rolin, op. cit., 1884, p. 260. Selon ce professeur, « le mot délit est pris [au sens de l’infraction
politique] dans un sens large et comprend même les infractions criminelles ».
403
J. Viaud, op. cit., p. 9, note 1.
un sens générique et regardées comme synonymes […] Le langage courant, qui ne distingue
pas entre les différents termes, est ici le plus exact ».
La terminologie nouvelle permet d’appréhender ce type d’infraction de manière inédite, mais
n’explique qu’insuffisamment les conséquences de cette évolution. Aussi est-il cardinal
d’observer que l’évolution et la compréhension de la justice politique passe par la
reconnaissance et l’examen de son encadrement juridique.

B-/ Le caractère novateur de la justice politique à travers


son caractère juridique : l’encadrement légal du délit
politique

R. Charvin404 considérait qu’entre la Révolution et le premier Empire, toute infraction prenait


inéluctablement une « coloration politique ». Le délinquant était très souvent considéré
comme un traitre ou un élément subversif, alors même que l’infraction ne poursuivait que des
objectifs personnels405.
Il est unanimement admis par les auteurs que c’est à partir de la Restauration et surtout sous la
Monarchie de Juillet qu’une dissociation s’opère entre la justice politique et le droit commun.
C’est en effet lors de cette période, que l’on situe au premier quart du XIX ème siècle, que
l’antique notion de crime d’État parait évoluer et est repensée conformément aux mœurs
libérales.
Cette césure a pour principales causes la lassitude des Français de voir des coups d’État, des
renversements de gouvernement et de subir les troubles qui les entourent 406 ainsi que la
volonté de faire cesser le climat de violence qui illustre les phases de réaction politique
conséquentes aux coups d’État.
Beaucoup ont à l’esprit la rigueur excessive des gouvernements contre leurs ennemis et sont
enclins à regarder avec compassion et tolérance les perdants qui n’ont commis pour erreur que
celle d’avoir échoué.
En outre, hormis l’aspect terminologique, la notion de justice politique acquiert un sens
nouveau au XIXème siècle grâce à la loi du 8 octobre 1830. Il ne s’agit plus de l’ancienne
notion de justice politique qui ne résultait que d’une réaction opportune de la part des

404
R. Charvin, op. cit., p. 11.
405
Voir par exemple le décret du 17 septembre 1793 relatif aux gens suspects (cf. annexe n° 2).
406
Pour P. Sornay, op. cit., p. 18, cette distinction entre infraction politique et de droit commun se développe dès
le début du XIXème siècle alors que le pays commence à avoir « l’expérience de nombreux changements de
régimes et des troubles politiques qui les précèdent ».
gouvernements et qui n’était limitée que par d’indirectes garanties pénales bien trop souvent
bafouées.
Désormais la loi du 8 octobre 1830 permet d’encadrer juridiquement cette notion et d’assurer
corrélativement certaines garanties pénales. R. Charvin407 l’illustre particulièrement bien en
expliquant que c’est notamment par l’article 7 de la loi d’octobre 1830 408 que le « crime
d’État » qui était communément considéré comme une notion purement politique, devient une
« notion juridique » et est assortie en conséquence de toutes les garanties pénales assurées par
la loi.
L’apport est alors considérable. En fixant un cadre juridique à ce type de justice et de délit, le
législateur entend lui établir des bornes et accorder au justiciable le bénéfice de garanties
pénales. Il s’agit dès lors d’assurer une réelle protection contre l’arbitraire.
Le législateur témoigne ainsi d’une volonté libérale tendant à des desseins de clémence et de
tolérance vis-à-vis des justiciables politiques tout permettant de sanctionner des actes qui par
nature demeurent des crimes ou des délits. Dès lors, par la politique de tolérance en matière
d’infraction politique, est fixé un compromis entre le danger de l’impunité et la rigueur
excessive du Code pénal de 1810.
Si l’introduction de cette notion en droit positif par une loi ne permet que très imparfaitement
de parvenir à une définition, il est en revanche essentiel d’illustrer le fait que l’infraction
politique devient pour la première fois de l’histoire française, une notion encadrée par un
système juridique.
Cet encadrement est en outre garanti par l’une des dispositions majeures de la loi. En effet, la
loi du 8 octobre 1830 a pour principal objectif d’attribuer au jury la connaissance des
infractions à caractère politique.

§ II – Un pas majeur vers la libéralisation de


l’infraction politique : l’institution du jury

407
Ibid., p. 104.
408
Art. 7 : Sont réputés politiques les délits prévus, 1° par chapitre Ier et II du titre I du livre III du Code pénal ;
2° par les paragraphes 2 et 4 de la section III, et par la section VII du chapitre III des mêmes livres et titre ; 3°
par l'article 9 de la loi du 25 mars 1822.
Cf. annexe n° 18.
Il ne s’agit pas de développer ici le contenu de cette loi, ni d’en apprécier ses effets, ce travail sera effectué
postérieurement dans le chapitre suivant. En revanche, il convient d’observer dans ce paragraphe qu’à travers
cette loi d’octobre 1830, le législateur assorti l’ancienne notion de justice politique d’un véritable régime légal.
En conséquence les délinquants considérés comme politiques ne devront plus subir l’arbitraire d’un régime et
bénéficieront d’un régime juridique leur assurant les garanties pénales offertes à tout justiciable.
Tout en instituant un régime particulier et exceptionnel aux délinquants politiques, le
gouvernement de Louis-Philippe réalise un acte conforme à sa philosophie libérale et aux
aspirations populaires sur lesquelles il est fondé.
En effet, le législateur de 1830 opte rapidement pour la création d’un régime particulier pour
les délinquants qui jusque là relevaient d’une justice d’exception le plus souvent
excessivement arbitraire. Ces délinquants acquièrent cette particularité de ne pas être
considérés comme des délinquants de droit commun et vont désormais bénéficier de l’une des
garanties des plus importantes de notre droit pénal. Dès 1830 les délinquants politiques au
même titre que les auteurs de délits de presse, bénéficient de l’institution du jury409.
Cette réforme des plus importantes pour l’époque était annoncée par la Charte du 14 août
1830. A travers le 1° de l’article 69410, la Charte prévoit, dans les délais les plus brefs,
l’élaboration d’une loi ayant pour objet d’attribuer au jury la connaissance des délits de presse
et des délits politiques.
Ce régime exceptionnel doit illustrer la philosophie libérale du gouvernement. Cette idée est
développée par P.-A. Papadatos411. Pour lui, parmi toutes les législations du XIXème siècle qui
subissent l’influence du libéralisme, la législation française est la première à instaurer un
régime de tolérance envers la criminalité politique avec la loi du 8 octobre 1830 qui consacre
l’attribution des délits de presse et des délits politiques à la compétence du jury.
La raison invoquée concerne l’indépendance et l’impartialité du jury. P.-A. Papadatos
explique que « l’indépendance du juge populaire vis-à-vis du gouvernement et le fait qu’il
représente l’opinion publique – la plus qualifiée pour comprendre et juger ces infractions –
devaient ainsi garantir l’impartialité du jugement, impartialité à tort ou à raison toujours
contestée en cette matière aux magistrats professionnels ».
D’autres auteurs comme P. Sornay412 vont plus loin encore, en illustrant le rôle important de
l’opinion publique dans la société du XIXème siècle et la nécessité pour les gouvernements de
la prendre en compte. Selon cet auteur, lorsque l’on est en présence d’un « régime de
liberté », l’opinion publique exerce sur le législateur et sur la jurisprudence, une influence
« profonde ».

409
Notons une particularité juridique très intéressante. Cette loi constitue une dérogation considérable au droit
commun dans la mesure où le jury n’est désormais plus seulement compétent pour connaître des crimes. En
effet, lorsqu’il s’agit d’infractions politiques ou de presse, le jury peut également avoir à se prononcer sur des
délits.
410
Cf. annexe n° 17.
411
P.-A. Papadatos, op. cit., p. 50.
412
P. Sornay, op. cit., p. 17.
De plus, à l’égard des délinquants politiques, P. Sornay considère que « l’homme de la rue »
est le plus à même « de se créer une opinion sur sa culpabilité ». Selon lui en effet, la
technicité assortie à de telles qualifications est moindre, par rapport à d’autres types
d’infractions413. Cette moindre technicité est un argument de poids dans la justification de la
compétence du jury.
Même si tous les auteurs partagent à tort ou à raison l’idée selon laquelle le jury est
naturellement plus indulgent et impartial que les magistrats, certains auteurs comme A.
Sabourdin414 considèrent que cette indulgence peut être grave.
En effet pour cet auteur, le jury est « frondeur ». Ce caractère est un défaut et présente un
risque pour le pouvoir politique lorsque le jury a à connaitre de crimes ou de délits qui sont la
manifestation d’un « trouble social ». Autrement dit, pour A. Sabourdin, le jury est inadapté à
l’importance des enjeux dont il a à trancher.
Cette opinion non dénuée de sens ne tient toutefois pas compte de toutes les données et est en
partie insuffisante dans la mesure où l’institution du jury en matière de presse et de délit
politique présente un avantage indubitable pour le pouvoir politique, de répondre à des
aspirations démocratiques en associant le peuple au fonctionnement de la justice et
particulièrement dans des matières sensibles pour lesquelles le peuple porte un grand
intérêt415.
En conséquence, du fait du libéralisme qui entend accorder une plus grande place à l’opinion
publique et du fait de la moindre technicité juridique des infractions politiques, toutes les
raisons sont réunies pour permettre de soumettre à la compétence du jury les infractions de
presse et les infractions politiques.
Or, il convient de ne pas perdre de vue la nature principale de la loi du 8 octobre 1830. Elle
est avant tout une loi de compétence. Malgré cette évidence la plupart des auteurs restent le
plus souvent muets ou évasifs sur cet aspect. En effet, très peu d’auteurs commentent la loi du
8 octobre 1830 sous son aspect de loi de compétence.

413
Il effectue cette comparaison au regard des infractions bancaires ou financières qui sont beaucoup plus
techniques et pour lesquelles un jury serait beaucoup moins efficace et compétent.
414
A. Sabourdin, Du délit de diffamation politique et de sa répression, th. Paris, 1902, p. 123. Selon cet auteur le
jury est naturellement indulgent. Dès lors, en l’associant à l’exercice de la justice dans des matières touchant à la
presse ou aux infractions politiques, cela constitue une menace pour l’État parce qu’il intervient « dans un ordre
de choses où il faut une répression sévère ».
415
En associant le peuple au jugement d’un crime ou d’un délit politique, l’État peut alors se dégager de la
responsabilité morale d’une peine trop rigoureuse qui serait prononcée, alors qu’elle aurait pu en temps normal
lui être reprochée par l’opinion publique. Le jury reste encadré par la compétence et le professionnalisme de
magistrats professionnels tout en étant libre d’admettre ou de rejeter la culpabilité de l’agent poursuivi. Dès lors,
il y a là un compromis entre autorité et liberté assurant à l’État une certaine sûreté en maintenant l’ordre légal et
en empêchant que la réalisation de la justice ne crée des martyrs.
Parmi ceux qui évoquent la nature originelle de cette loi, il convient de citer J. Viaud 416 qui
considère qu’elle n’équivaut pas à une définition d’ordre général, « elle est avant tout une loi
de compétence qui tend à attribuer au jury la connaissance des délits politiques ».
En revanche, s’agissant du second aspect de cette loi, à travers l’idée d’énumération des
infractions politiques à laquelle elle procède, les auteurs sont nettement plus loquaces. En
effet, à travers son aspect de nomenclature des délits politiques, la loi du 8 octobre 1830
suscite beaucoup plus de questions, de réactions, de réflexions, voire de critiques.

Section II – Une réorganisation juridique insuffisante : les limites de la loi 
du 8 octobre 1830

Comme le disait très justement P. Sornay417, « la notion de délit politique est une des plus
imprécises de notre législation ». Malgré la volonté de l’assortir d’un régime légal, le
législateur de 1830 a souffert certaines lacunes et commis quelques incohérences.
Le législateur de 1830 en établissant à travers une simple liste, les infractions qu’il considère
comme politiques, semble s’être livré à deux erreurs qui auront pour conséquence principale,
l’impossibilité durable de ne pouvoir parvenir à formuler une définition de l’infraction
politique.
En effet, il convient de relever présentement que d’une part en dressant une liste exhaustive
de délits et de crimes qu’il assimile à des infractions politiques, le législateur n’a ouvert aucun
débat sur une potentielle théorisation de la notion de délit politique, tout au plus a-t-il admis
lors des travaux préparatoires la possibilité d’en étendre la liste (§ I).
En outre, en se bornant à fixer une liste d’infractions, le législateur semble avoir commis
certaines confusions. En effet, certaines infractions sont exclues de cette liste, alors qu’elles
semblent mieux répondre à ce qu’il convient d’apprécier comme une infraction politique. A
contrario, d’autres infractions énumérées dans la loi d’octobre 1830 présentent parfois
certaines incohérences au regard de l’esprit de la loi (§ II).

§ I – Une loi empreinte d’un caractère d’exhaustivité


: l’absence de théorisation du délit politique

416
J. Viaud, op. cit., pp. 249 et s.
417
P. Sornay, op. cit., p. 9.
L’une des formulations des plus importantes de la loi du 8 octobre 1830 est celle qui permet
de déterminer ce qui fera la différence entre une infraction de droit commun et ces délits
particuliers que constituent les délits politiques418.
Très tôt s’est posée la question de savoir si l’énumération des infractions à caractère politique
contenue à l’article 7 de la loi du 8 octobre 1830, était de nature limitative ou purement
démonstrative.
Il semble qu’il y ait eu à cet égard deux positions distinctes, la première résultant des travaux
préparatoires et notamment de l’opinion du rapporteur de la loi devant la Chambre des pairs,
en vertu de cette première position, il convenait de laisser au juge la possibilité de qualifier
ultérieurement d’infractions politiques des infractions qui initialement n’étaient pas comprises
dans la loi (A).
Mais cette position ne fut pas retenue par les Chambres parlementaires qui retinrent une
conception limitative de l’infraction politique. Cette conception fut ensuite confirmée par la
jurisprudence (B).

A-/ La volonté originaire d’une conception démonstrative du


délit politique.

Initialement, les débats avaient illustré une certaine volonté pour la commission en charge de
cette loi devant la Chambre des pairs 419, d’en élargir le sens en laissant la possibilité de
qualifier ultérieurement d’infraction politique tout délit qui ne figurerait pas dans la liste
dressée par le législateur.
La commission avait alors proposé une formulation volontairement vague afin d’intégrer tous
types d’actes « commis à l’occasion d’assemblées, de discours, d’écrits, d’actes ou de faits
politiques »420.
Les propos du comte Siméon étaient particulièrement équivoques lorsque celui-ci défendait la
thèse selon laquelle tout acte, altérant les lois fondamentales de l’État à travers les crimes et
délits contre la sûreté de l’État ainsi que ceux commis contre la charte constitutionnelle, serait
de nature politique.

418
Au regard de notre sujet la disposition permettant de déterminer la nature des infractions politiques, présente
un intérêt cardinal. Néanmoins deux autres aspects, sont à d’autres égards, tout aussi importants ; il s’agit d’une
part de la nature de cette loi qui est avant tout une loi de compétence en ce qu’elle attribue la connaissance des
infractions qui sont visées à la connaissance des cours d’assises et du jury (cf. supra, Section I, § II), et il s’agit
d’autre part de son domaine élargi lequel concerne tant les délits politiques que les délits en matière de presse.
419
Moniteur Universel, samedi 11 septembre 1830, n° 254, p. 1066.
420
Bien que critiquant cette disposition en ce qu’elle est vague et ne permet pas de définir le délit politique,
J. Ortolan (op. cit., p. 290) reconnait néanmoins la vertu que comporte une telle définition en ce qu’elle permet
de qualifier de délit politique tout délit de droit commun commis sous certaines conditions.
Cette idée était fondée sur l’opinion du comte Siméon selon laquelle « l’exacte désignation de
tous les actes qui peuvent constituer un délit politique est impossible ». On comprenait dès
lors parfaitement quelles étaient les motivations qui le poussaient à opter pour une
formulation générale et à laisser la possibilité pour la jurisprudence de compléter
postérieurement cette liste421.
Le comte Siméon qui était l’auteur de la proposition et le rapporteur devant la Chambre des
pairs, allait ainsi jusqu’à proposer un amendement tendant à ajouter à cette disposition tout
délit qui pourrait préjudicier à la chose publique422. Un tel amendement revenait purement et
simplement à retenir comme critère de référence à la qualification d’une infraction politique,
la notion de chose publique.
Afin de justifier cet amendement, ce parlementaire développait l’idée selon laquelle il existait
deux types de délits politiques. Les premiers étaient contenus dans la proposition et ils
portaient sur la sûreté de l’État ; et une deuxième catégorie bien moins nette que la première
dans la mesure où elle n’est pas constituée de références particulières mais qui permettait
d’étendre le champ d’application de la loi a des cas encore indéterminés.
Selon le comte Siméon, « il est incontestable que tous les délits mentionnés dans les chapitres
I et II du livre III du Code pénal, relatifs à la sûreté extérieure et intérieure de l'État et à la
Charte constitutionnelle, sont des délits politiques, ainsi que ceux mentionnés dans l'article 9
de la loi du 25 mars 1822. Mais n'y a-t-il pas d'autres délits politiques ? Nous avons cherché
dans le Code pénal ; nous n'en avons aperçu aucun qui soit politique essentiellement et par
sa nature ; mais plusieurs peuvent le devenir par les circonstances des temps et du lieu. Et
comme il est impossible de prévoir et de signaler ces circonstances, qui peuvent varier à
l'infini ; nous les avons enveloppées dans une disposition générale423 ».
L’opinion de ce parlementaire correspondait, selon J. Viaud 424, à la définition que faisait
G. Filangieri du délit politique selon laquelle représente un délit politique, tout délit « qui

421
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 106. Cf. aussi S. Strachounsky, op. cit., p. 55. Tous deux rapportent cette citation du
comte Siméon pour qui « l’exacte désignation de tous les actes qui peuvent constituer un délit politique est
impossible ; celle qui contient le projet n’exclut pas les délits auxquels les chambres du Conseil et des mises en
accusation trouveraient un caractère politique ; rien ne les empêcherait de renvoyer à la Cour d’assises parce
qu’elles sont chargées par les articles 133 et 230 du Code d’instruction criminelle de renvoyer les prévenus
devant les juges compétents ».
422
Cet amendement est repoussé au motif qu’il est beaucoup trop vague pour le langage de la loi, selon la
président de la Chambre, le baron Pasquier. Ce dernier s’exprime en ces termes : « Vous venez d’entendre
l’amendement proposé par le comte Siméon. Il me semble que les mots qui pourraient préjudicier à la chose
publique sont bien vagues dans une loi. On les comprend bien dans la conversation, mais je ne les crois pas
admissibles dans le langage d’une loi ». Cf. Moniteur Universel, dimanche 19 septembre 1830, n° 262, p. 1119.
En revanche la Chambre des pairs retient le texte tel qu’il a été proposé par la commission, cf. annexe n° 19.
423
Moniteur Universel, samedi 18 septembre 1830, n° 261, p. 1111.
424
J. Viaud, op. cit., p. 254.
trouble l’ordre déterminé par les lois fondamentales de l’État, la distribution des différentes
parties du pouvoir, les bornes de chaque autorité, les prérogatives des diverses classes qui
composent le corps social, les droits et les devoirs qui naissent de cet ordre ».
Tous deux semblent retenir la valeur sociale atteinte comme critère déterminant la
qualification en infraction politique. Autrement dit, dès lors que la valeur sociale atteinte par
une infraction est l’État, il y aurait lieu de qualifier une telle infraction en crime ou délit
politique425.
Le même constat est tiré par R. Garraud 426 qui développe l’idée selon laquelle l’infraction
purement politique est celle qui n’a pas seulement pour caractère prédominant, mais pour
objet exclusif et unique de détruire, modifier ou troubler l’ordre politique dans un ou plusieurs
de ses éléments. Cette opinion illustre bien la différence que constitue le délit politique dans
la conception populaire d’une part et dans la conception juridique d’autre part.
La première suppose qu’il y a des délinquants politiques et que toutes les infractions qu’ils
commettent sont accomplies sous l’empire de la passion politique, elles doivent être
considérées en conséquence comme des infractions politiques 427. Pour la seconde, il existe des
délits politiques et tous ceux qui les commettent sont des délinquants politiques, alors même
que leurs mobiles sont totalement étrangers à la politique428.
Néanmoins la thèse défendue par le comte Siméon consistant à procéder à une définition large
n’est pas retenue. Ce choix est réalisé au profit de l’opinion du rapporteur de la loi devant la
Chambre des députés, le vicomte de Martignac.
Selon cet ancien ministre, il convient de supprimer la deuxième partie de l’article 7 de la loi
qui est beaucoup trop vague429. Afin de justifier la suppression de cette disposition, le vicomte
de Martignac rappelle qu’il s’agit d’une loi de compétence430, laquelle crée un « ordre
425
Pour des auteurs comme P. Sornay (op. cit., p. 10), quoique modifiée à l’égard de certains termes, la
conséquence reste la même et est considérée comme politique toute infraction visant l’État. Ainsi pour cet
auteur, est considéré comme politique, tout délit « s’attaquant au pouvoir social lui-même, directement ou
indirectement ».
426
R. Garraud, op. cit., Tome I, p. 267.
427
Cette conception inspirera largement les tenants de la théorie subjective du délit politique tels que Ch. Soldan,
A Blanche, E. Garçon ou F. Grivaz (Cf. P. Sornay, op. cit., p. 43). Selon cette théorie, il faut prendre en compte
le mobile du délinquant afin de déterminer la nature politique ou non de l’infraction. Néanmoins cette théorie
sera minoritaire au sein de la doctrine et relativement tardive. L’ensemble des juristes contemporains de la loi du
8 octobre 1830 considère que cette loi ne tient pas compte et qu’elle ne doit pas tenir compte de l’intention de
l’auteur, sauf à graduer la peine, et qu’en conséquence seul compte l’élément matériel. Les mobiles de l’agent
sont inexorablement ignorés de la loi.
428
Cf. P. Sornay, op. cit., p. 60.
429
Il s’agit de la disposition selon laquelle, sont réputés délits politiques tous autres délits commis à l’occasion
d’assemblées, de discours, d’écrits, d’actes ou de faits politiques.
430
Cette idée est développée par J. Viaud, op. cit., p. 249. Pour cet auteur, la loi du 8 octobre 1830 a pour
principale vocation à être une loi de compétence. Ce n’est que subsidiairement qu’elle se livre à une énumération
de délits considérés comme ayant une nature politique. Cette loi ne procède en conséquence à une définition
qu’a posteriori.
exceptionnel de délits pour en attribuer la connaissance à un autre juge » que le juge de droit
commun. De ce fait, il faut nécessairement établir des limites afin que tout justiciable
connaisse parfaitement quel est son juge naturel.
Dès lors, tant la possibilité d’ajouter de nouveaux délits attentatoires à la sûreté de l’État, que
la possibilité d’ériger en infraction politique une infraction de droit commun commise en
vertu de mobiles politiques, est définitivement exclue. Les Chambres parlementaires préfèrent
des caractères plus restreints et retiennent une conception purement limitative du délit
politique.

B-/ L’adoption d’une conception limitative du délit politique.

Afin de justifier du caractère restrictif des infractions politiques, le ministre Martignac


explique qu’il y a peu de délits politiques dans la législation française. Ceux-ci sont contenus
soit dans les lois sur la presse, soit dans les chapitres relatifs à la sûreté de l’État431.
S’il revient à la commission en charge du texte devant la Chambre des députés, de procéder à
une définition du délit politique, à la différence de la Chambre des pairs qui avait opté pour
une dimension beaucoup plus large, souple et réfléchie, la Chambre des députés préfère se
contenter d’une rédaction beaucoup plus formelle et limitative clôturant les débats sans
véritablement donner de définition.
C’est ainsi que, partant d’une volonté incontestable de distinguer du droit commun une
catégorie particulière d’infractions, le législateur opte pour une méthode peu académique et
beaucoup moins juridique mais dont l’ambition est de s’avérer plus pratique.
En effet, à travers l’article 7432 de la loi du 8 octobre 1830, le législateur dresse de manière
purement exhaustive433 une liste d’infractions qu’il définit comme ayant un caractère
politique.

431
Moniteur Universel, mardi 28 septembre 1830, n° 271, p. 1162.
432
Art. 7 : Sont réputés politiques les délits prévus,
1° par le chapitre Ier et II du titre I du livre III du Code pénal ;
2° par les paragraphes 2 et 4 de la section III, et par la section VII du chapitre III des mêmes livres et titres ;
3° par l'article 9 de la loi du 25 mars 1822.
Cf. annexe n° 18.
433
Cette idée est reconnue unanimement par tous les auteurs. Cf. par exemple à ce titre R. Charvin (op. cit.,
p.104) qui explique que le législateur ne donne pas un critère précis permettant de distinguer une infraction
politique de celle qui ne l’est pas, mais une simple énumération.
Cf. également P. Sornay (op. cit., p. 21) pour qui certes la distinction entre délit politique et délit de droit
commun a été établie dans notre droit, mais sans pour autant procéder à une véritable définition.
Cf. aussi S. Strachounsky, op. cit., p.51. Ce juriste soutient dans sa thèse que, si lors des travaux préparatoires de
la loi du 8 octobre 1830 on pouvait être tenté d’y voir « un essai de définition » - il s’agit là d’une référence à la
proposition originaire du comte Siméon – telle n’en fut pas l’issue de la loi, laquelle à travers la rédaction de
l’article 7 adopté de la Chambre des députés, ne cherchait que simplement « à énumérer » les infractions
politiques.
Toutes ces infractions sont contenues dans le Titre premier 434 du Livre troisième435 du Code
pénal. Autrement dit, sous réserve des dispositions de l’article 7, les délits ou les crimes
contenus dans cette partie du Code pénal sont considérés comme politiques.
La loi du 8 octobre 1830 pose les jalons de l’infraction politique en établissant la liste d’un
certain nombre de crimes ou de délits considérés comme tels. Toutefois cette loi, bien que
témoignant de la volonté d’attribuer un caractère sui generis à des infractions touchant à la
sûreté de l’État, ne permet pas d’avancer une définition claire et dont la pertinence juridique
soit satisfaisante.
Tout au plus peut-on relever après un examen attentif de l’ensemble des dispositions 436 que le
législateur répute comme politiques, les infractions qui ont pour objet de sanctionner la
manifestation d’actes représentant un danger pour l’État ou pour la Nation.
Il ne s’agit de fait que d’un embryon de définition dans laquelle on ne peut que présumer le
caractère politique des infractions à travers leur esprit et leur objet. Quoiqu’il s’agisse de la
part d’un législateur, de la première tentative d’apporter une définition, celle-ci se révèle
particulièrement lacunaire dans la mesure où il ne fait que dresser a posteriori une
nomenclature d’infractions, sans apporter la moindre précision sur la manière de déterminer si
une infraction est ou non de nature politique. Cette liste étant verrouillée, elle ne laisse aucune
place aux débats.
En somme peut-on dire et confirmer cette idée de P. Sornay 437 selon laquelle le législateur
s’est toujours comporté, quels que soient les régimes politiques, comme si le critère « de
détermination du délit politique était acquis et ne laissait plus de place au doute ».
A la différence de la position du comte Siméon, les parlementaires ont préféré opter pour une
« définition » plus restrictive du délit politique. C’est ainsi qu’ils ont adopté un texte dont la
vocation est de ne retenir qu’une conception limitative et littérale du délit politique.
Selon cette conception, ne sont considérés comme politiques que certains crimes et délits,
ceux-là même que la loi définie comme tels. Dès lors, la frontière entre le délit politique et le
délit de droit commun est hermétique, ne laissant aucune possibilité au juge de qualifier
ultérieurement de politiques, des infractions qui ne seraient pas comprises dans le texte initial
de 1830.

434
Ce titre du Code pénal est intitulé « Crimes et délits contre la chose publique ».
435
Ce Livre du Code pénal concerne les crimes, les délits et leur punition.
436
Elles concernent toutes la sûreté du l’État, tant extérieure qu’intérieure. Cf. infra, Chapitre II. Voir également
plus haut, les propos développés par le vicomte de Martignac.
437
P. Sornay, op. cit., p. 16.
La forme limitative du texte de la loi de 1830 est également reconnue tant par la doctrine que
par la jurisprudence. De nombreux auteurs vont dans ce sens, comme R. Garraud 438 ou encore
A. Chauveau et F. Hélie439.
Cette position est retenue dans la jurisprudence, pour la première fois par la Cour royale de
Grenoble au terme d’un arrêt du 22 juillet 1831440. La Cour considère en l’espèce que
« l’énumération faite par l’article 7 de la loi du 8 octobre 1830, des délits qui sont réputés
politiques, est limitative ; on ne peut donc considérer comme politique un délit non compris
dans cette énumération, sous prétexte qu’il aurait été commis dans un but politique ».
Cette conception permet alors d’exclure la théorie subjective de l’infraction politique, en vertu
de laquelle pourraient être qualifiées d’infractions politiques des infractions de droit commun
commises sous l’empire d’un mobile politique.
Cette thèse qui reconnait le principe du caractère limitatif du délit politique est confirmée par
la suite à de maintes reprises par la Cour de cassation notamment dans des arrêts du 22 février
1833441, du 13 juillet 1833442 et du 20 décembre 1833443.
Malgré cette carence juridique, la loi du 8 octobre 1830 révèle une autre insuffisance en ce
que le législateur n’intègre pas dans la catégorie des infractions politiques certaines
infractions dont la nature semble être politique, altérant dès lors la conception qui tend à
considérer comme politiques les infractions qui attentent à la sûreté de l’État.

§ II – Les incohérences procédées du caractère


exhaustif de la loi d’octobre 1830

Au-delà des divergences des parlementaires des deux Chambres qui sont restées irrésolues
sous l’angle philosophique, les travaux préparatoires de la loi du 8 octobre 1830 se sont
avérés à certains égards particulièrement insuffisants voire incohérents. En témoigne
P. Sornay444 ou encore R. Charvin445 pour qui de nombreuses infractions dont le caractère
politique ne fait pas de doute, ne sont pas prévues par la loi du 8 octobre 1830.

438
R. Garraud, op. cit., p. 118.
439
A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome II, p. 11.
440
Cour roy. de Grenoble, Ch. Corr., 22 juillet 1831, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1831, II, p. 170.
Cf. annexe n° 20.
441
Ch. Crim., 22 février 1833, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1833, I, p. 111. Cf. annexe n° 21.
442
Ch. Crim., 13 juillet 1833, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1833, I, p. 111. Cf. annexe n° 22.
443
Ch. Crim., 20 décembre 1833, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1833, I, pp. 111 et 112. Cf. annexe n° 23.
444
P. Sornay, op. cit., p. 45.
445
R. Charvin, op. cit., p. 436, note 28.
Comme l’explique J. Viaud446, l’intention du législateur parait être de désigner comme
politiques « les faits qui portent à la société un préjudice direct », mais il en est tout
autrement dans la mesure où certaines infractions qui figurent dans la liste des crimes contre
la chose publique ne sont pas considérées comme politiques.
En effet, si l’on considère cette loi comme s’inscrivant dans le sens d’une théorie objective du
délit politique, c’est-à-dire qu’est qualifiée de politique toute infraction qui porte préjudice à
l’État447 dans son organisation ou dans ses rapports, force est de constater que certaines
infractions dont la nature présente un trouble grave ou un danger certain pour l’État, n’en font
pas partie. Ce qui est entre autres le cas pour les délits d’attroupements, de provocation à
l’attroupement ou encore les infractions d’espionnage448.
Ainsi on peut relever au titre des carences de la loi du 8 octobre 1830, l’absence du
paragraphe III de la Section III du Chapitre III du Code pénal qui concerne les critiques, les
censures et les provocations dirigées contre l’autorité publique dans un écrit pastoral.
Ce paragraphe constitué de trois articles (les articles 204449, 205450 et 206451) prévoit de
sanctionner trois situations dont la nature peut compromettre la sûreté de l’État. Le premier
article concerne tout écrit émané d’un ministre d’un culte à travers lequel il se serait permis de
critiquer ou de censurer le gouvernement ou un acte de l’autorité publique. Le second article
concerne tout écrit d’un ministre d’un culte tendant à provoquer à la désobéissance aux lois ou
à tout autre acte de l’autorité publique, ou bien à provoquer à la guerre civile. Et le dernier
complète les précédents en prévoyant l’hypothèse dans laquelle la provocation aurait porté ses
fruits.
De tels écrits, eu égard à leur nature et à l’influence particulière de leurs auteurs sur les
populations, présentent un danger certain pour l’État. Ce danger est singulièrement bien
illustré par J.-A. Rogron452.

446
J. Viaud, op. cit., p. 252.
447
Par opposition à la théorie subjective qui prend en compte l’intention du délinquant afin de qualifier une
infraction de politique.
448
Cf. R. Charvin, op. Cit, p. 436 ; et P. Sornay, op. cit., p. 45.
449
Art. 204 : Tout écrit contenant des instructions pastorales, en quelque forme que ce soit, et dans lequel un
ministre du culte se sera ingéré de critiquer ou censurer, soit le Gouvernement, soit tout acte de l’autorité
publique, emportera la peine du bannissement contre le ministre qui l’aura publié.
450
Art. 205 : Si l’écrit mentionné en l’article précédent contient une provocation directe à la désobéissance aux
lois ou autres actes de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les
autres, le ministre qui l’aura publié sera puni de la détention.
451
Art. 206 : Lorsque la provocation contenue dans l’écrit pastoral aura été suivie d’une sédition ou révolte dont
la nature donnera lieu contre l’un ou plusieurs des coupables à une peine plus forte que celle de la déportation,
cette peine, quelle qu’elle soit, sera appliquée au ministre coupable de la provocation.
452
J.-A. Rogron, Code pénal expliqué, 2ème édition, Paris, 1835, p. 156.
Selon ce magistrat, « on conçoit l’empire funeste qu’un écrit de cette nature peut exercer sur
des esprits crédules » et « l’étendue du mal qu’un tel écrit peut occasionner, réclamait les
peines sévères dont la loi frappe ces entreprises criminelles ». Pourtant, indépendamment du
danger que représentent des telles infractions pour la sûreté de l’État, ces infractions ne sont
pas énumérées au titre des infractions politiques par la loi du 8 octobre 1830 et sont donc
considérées comme relevant du droit commun.
A contrario, si l’on se réfère aux infractions portant atteinte à la sûreté de l’État, certains
délits comme le vagabondage, la mendicité ou même le faux en écriture privée453, prévus au
titre sur la sûreté de l’État et qui sont qualifiés de délits politiques par la loi du 8 octobre
1830, ne coïncident pas avec ce type d’infractions.
On peut aussi évoquer la question des correspondances des ministres des cultes avec des cours
ou des puissances étrangères, contenues dans le paragraphe IV de la Section III du Chapitre
III du Code pénal. Selon ce paragraphe composé des articles 207 et 208 du Code pénal, est
sanctionné le défaut d’information du gouvernement par le ministre d’un culte de l’objet de sa
correspondance avec une puissance étrangère.
L’objet de la correspondance reste indifférent pour le juge qui n’a à apprécier que le seul
défaut d’information afin de qualifier l’infraction.
En conséquence, on peut constater, à l’instar de P. Sornay 454, qu’on ne peut aboutir qu’à une
liste incomplète des infractions politiques. Dès lors, conformément aux propos tenus par le
comte Siméon lors des travaux préparatoires, il reviendrait aux juridictions de considérer s’il
y a ou pas, pour telle infraction, un caractère politique.
Indépendamment de ses insuffisances, la loi du 8 octobre 1830 présente l’intérêt de classifier
et de distinguer les infractions de droit commun des infractions politiques. Par une étude
transversale, on peut constater qu’un critère général ressort.
Ce critère permet d’apprécier le caractère politique d’un délit à travers la valeur sociale à
laquelle il porte atteinte. C’est ainsi, que par le biais de la loi du 8 octobre 1830, est reconnu
pour la première fois, au moins implicitement, le critère objectif de l’infraction politique.

453
Cf. J. Viaud, op. cit., p. 252.
454
P. Sornay, op. cit., p. 46.
Chapitre 2 – L’aménagement du Code pénal de 1810 par la 
loi du 8 octobre 1830 : la détermination légale des 
délits politiques

Dire que le délit politique n’existe pas, parce qu’aucune définition n’a été donnée par le
législateur ou la doctrine, serait manifestement une erreur. Comme l’explique très bien
P. Sornay455, à défaut de définition, la loi du 8 octobre 1830 a tout de même permis de cerner
le délit politique en consacrant une distinction entre infractions politiques et infractions de
droit commun.
De la même manière, A. Rolin456 considère que la loi d’octobre 1830 a permis d’établir une
transition entre des infractions à caractère politique « auxquelles on réservait un traitement
spécial » et des infractions politiques.
Même si c’est par « la plus pauvre des méthodes457 », c’est-à-dire par l’énumération, cette loi
a toutefois le mérite d’avoir tenté d’esquisser une définition et à défaut d’y être parvenue, elle
a posé les jalons de ce que peut être une infraction politique en dressant une liste d’infractions
correspondant à des délits politiques et en leur fixant un régime particulier. Cette loi, à travers
son article 7458, fait ainsi apparaitre plusieurs infractions entrant dans la classe des délits
politiques.
Si pour le législateur de 1830 il ne s’agit que d’une liste exhaustive, celle-ci consacre
néanmoins un élément substantiel résidant dans l’atteinte à une valeur sociale particulière,
celle de la sûreté de l’État ou de la Nation.
Aussi la loi du 8 octobre 1830, à travers les articles du Code pénal auxquels elle renvoie,
assimile-t-elle à des délits politiques deux types d’atteintes à la Nation. Elle répute politiques
les infractions dirigées contre la sûreté extérieure d’une part (Section I) et les infractions
dirigées contre la sûreté intérieure d’autre part (Section II).

455
P. Sornay, op. cit., p. 9.
456
A. Rolin, op. cit., p. 426.
457
J. Viaud, op. cit., p. 249.
458
Cf. supra, Chapitre I, Section II, § I.
Section I – Les infractions contre la sûreté extérieure de l’État

La sûreté de l’État459 est une notion qui remonte à des origines lointaines. Montesquieu dans
L’esprit des lois utilisait déjà cette terminologie. Cette notion fait référence à la protection des
intérêts de l’État contre les offensives extérieures d’étrangers, on parle alors de sûreté
extérieure, ou contre les offensives intérieures des nationaux, on parle ainsi de sûreté
intérieure460.
Toutefois cette distinction est incomplète dans la mesure où le Code pénal de 1810 envisage
la question de la sûreté extérieure comme relevant d’une atteinte qui émane aussi bien
d’éléments étrangers que de nationaux 461. Dès lors on peut retenir comme définition de la
sûreté extérieure de l’État, tout acte ou toute offensive d’étrangers ou de nationaux tendant,
par des relations ou par une aide extérieure, à nuire aux intérêts de l’État.
Un tel entendement altère néanmoins la qualité de la notion de délit politique dans la mesure
où pour certains auteurs462 le risque que fait courir le délinquant n’est pas le même qu’en
matière de sûreté intérieure. En effet lorsque l’on envisage la sûreté intérieure on constate que
l’agent entend bouleverser l’ordre établi. Il tend « à faire disparaître les principes sur
lesquels repose toute la vie politique du pays ». En revanche lorsque l’on traite de sûreté
extérieure il s’agit d’un véritable « danger de mort » que fait courir le délinquant à la
Nation463.

459
Cette notion vieille relativement ancienne ne disparaitra que très tardivement, lors de la rédaction du nouveau
Code pénal en 1994. C’est à cette époque que le législateur la substitue par la notion de protection des intérêts
fondamentaux de la Nation.
Compris dans le Livre IV portant sur les « crimes et délits contre la Nation, l’État et la paix publique », le Titre
premier, intitulé « des atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation » remplace la notion traditionnelle de
sûreté de l’État. Il revient au premier article de ce Titre de définir ce qu’on entend par intérêts fondamentaux de
la Nation.
En vertu de l’article 410-1, « les intérêts fondamentaux de la Nation s’entendent au sens du présent titre de son
indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des
moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de
l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique
et économique et de son patrimoine culturel ».
Dès lors, on ne peut que constater la similitude de cette nouvelle notion, simplement complétée conformément
aux mœurs et aux moyens actuels, avec la notion de sûreté de l’État, telle qu’elle résultait du Titre I er du Livre III
du Code pénal de 1810 et du Titre I de la deuxième partie du Code pénal du 25 septembre 1791.
460
J.-P. Doucet, Dictionnaire de droit criminel, http://ledroitcriminel/dictionnaire.html
461
Cf. infra, § I, art. 75 à 85 du Code pénal.
462
Cf. par exemple P. Sornay, op. cit., p. 33.
463
Si une telle distinction serait discutable à notre époque, elle est extraordinairement pertinente au XIX ème siècle.
La criminalité politique de l’époque résulte essentiellement d’une lutte de partis pour leur accession au pouvoir.
En conséquence ce n’est pas la Nation – au sens de la somme des intérêts particuliers réunis au sein d’une même
communauté - qui est attaquée, ni ses intérêts financiers ou économiques, il s’agit essentiellement de la forme
constitutionnelle des institutions et du gouvernement.
Or, le législateur de 1830 a jugé nécessaire d’ériger les infractions à la sûreté extérieure en
délit politique. Aussi convient-il d’examiner leur nature. A ce titre nous observerons que les
infractions à la sûreté extérieure de l’État peuvent être subdivisées en deux catégories.
En effet, outre la sûreté extérieure à proprement parler et la sûreté intérieure qui est protégée
par des articles spécifiques464, le législateur de 1830 établit une catégorie hybride d’infractions
tendant à protéger tantôt la sûreté extérieure, tantôt la sûreté intérieure. C’est ainsi qu’il
distingue les infractions contre la sûreté extérieure de l’État (§ I) des infractions que l’on
pourrait qualifier de « mixtes » en ce sens qu’elles sont dirigées alternativement contre la
sûreté extérieure ou intérieure de l’État (§ II).

§ I - Les infractions dirigées exclusivement contre


la sûreté extérieure de l’État

Au sein des dispositions de la loi du 8 octobre 1830 et en l’espèce à travers le 1° de l’article 7,


le législateur érige en délits politiques les infractions dirigées contre la sûreté extérieure de
l’État. Cette disposition renvoie aux infractions qui sont contenues dans la Section I du
Chapitre I du Titre I du Livre III du Code pénal, sous le titre Des crimes et délits contre la
sûreté extérieure de l’État.
Au titre de la sureté extérieure, sont réunis les articles 75 à 85 du Code pénal. Ces articles
entendent protéger l’État contre toute entreprise de trahison ou de mise en danger. La trahison
est le plus souvent punie de mort, de même que le bannissement est parfois prévu.
Néanmoins les peines varient en fonction de l’époque, eu égard à l’évolution du droit pénal.
Aussi voit-on la peine de la déportation dans une enceinte fortifiée se substituer à la peine
capitale sous la deuxième République465 et la peine de détention remplacer celle du
bannissement sous la Monarchie de Juillet.
De la même manière, la peine de la confiscation des biens dont sont assorties de nombreuses
infractions à caractère politique dans le Code pénal de 1810, est retranchée de ce Code à partir
de 1814, en vertu de l’article 66466 de la Charte du 4 juin 1814.
En effet, l’une des peines accessoires communément assimilées à la justice politique, était la
peine de la confiscation. Cette peine sanctionnait de nombreuses infractions contre la sûreté

464
Cf. infra, Section II.
465
La loi du 8 juin 1850 mettra en conformité ces articles avec le décret relatif à l’abolition de la peine de mort
en matière politique. Dès lors, la peine capitale sera systématiquement remplacée par la peine de déportation
dans une enceinte fortifiée. Cf. annexe n° 24.
466
Art. 66 : La peine de la confiscation des biens est abolie, et ne pourra pas être rétablie.
de l’État dans le Code de 1810, or elle est soustraite des textes dès 1814, conformément au
principe d’abolition de la confiscation proclamé par la Charte de 1814.
Notons par ailleurs que la plupart de ces textes étaient originairement prévus au bénéfice de
l’empereur dans le Code pénal de 1810, sont adaptés au fil des époques conformément à la
forme que revêt le pouvoir exécutif.
En d’autres termes, sous réserve qu’un article prévoit une protection particulière de l’organe
exécutif, le législateur procède une modification textuelle de l’organe en question. De la
même manière, la jurisprudence interprète la loi sous son ancienne rédaction et l’adapte à la
situation politique qui lui est contemporaine.
Ainsi, lors de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, certains articles sont modifiés au
profit du roi, tout comme ils le seront au profit du président de la République lors de la
deuxième République467, ou de l’empereur sous le second Empire.
De la même manière, au titre d’Empire se substitue le titre de Royaume en 1814, comme
celui-ci sera remplacé par celui de République à partir de 1848, et le titre de République sera
substitué par celui d’Empire en 1852.
Par delà la diversité des types de régimes qui adaptent successivement ces articles à la forme
de leur gouvernement, il convient de noter que de nombreuses incriminations sont prévues au
titre de la sûreté extérieure de l’État et sont, par la loi du 8 octobre 1830, définies comme des
délits politiques.
C’est ainsi que le législateur entend considérer comme un délit politique le port d’arme contre
la France468. A cet effet l’article 75 du Code pénal fixe un certain nombre de conditions à
commencer par la nécessité d’avoir la nationalité française.
Selon A. Blanche469, cet article permet aussi de poursuivre des personnes qui n’avaient plus la
nationalité française au moment de la commission de l’infraction. Cet article qui pose
également comme condition constitutive le fait de porter les armes contre la France permet
donc de poursuivre indistinctement des civils au même titre que des militaires. Toutefois à la

467
Cf. à ce titre l’arrêt de la Chambre du conseil de la Cour de cassation du 17 février 1849, Recueil Sirey-
Devilleneuve, 1849, II, pp. 225 à 232 (annexe n° 25). Pour la haute juridiction, la disposition de l’art. 87 du
Code pénal protège désormais « le gouvernement républicain comme elle protégeait précédemment le
gouvernement monarchique. En conséquence, l’attentat ayant pour but de détruire ou de changer le
gouvernement républicain est punissable aux termes de cette disposition ».
468
Art. 75 : Tout Français qui aura porté les armes contre la France sera puni de mort.
469
A. Blanche, op. cit., p. 511.
différence d’autres articles470, pour que celui-ci puisse recevoir application, il faut que le port
d’arme soit commis exclusivement contre la France et non contre ses alliés.
Le législateur de 1830 prévoit également l’hypothèse de la trahison contre la France par le
biais d’intelligences avec des pays étrangers ou leurs agents dans le but de faire naître des
hostilités entre la France et les puissances étrangères471.
L’article 76 doit recevoir application quels que soient les effets de l’infraction, qu’il y ait eu
ou non des hostilités. Néanmoins, à la différence de l’article précédent qui ne pouvait
sanctionner que des nationaux, l’article 76 du Code pénal s’applique tant aux Français qu’aux
étrangers résidant en France. La constitution d’une seule des alternatives énumérées permet de
constituer le crime472.
A l’instar de l’article 76, l’article 84473 entend produire des effets tant sur les nationaux que
sur les étrangers. Cet article permet de réprimer des faits pouvant entrainer une déclaration de
guerre contre la France. En effet, cet article est applicable à tous les individus quelle que soit
leur nationalité et ne concerne plus seulement les nationaux ou les étrangers résidant en
France. Mais à la différence de l’article 76, il présente la particularité de distinguer selon les
résultats occasionnés par l’infraction, punissant l’agent de la déportation s’il en a résulté des
conséquences ou à défaut, le sanctionnant d’une peine de bannissement.
Le plus souvent, il s’agit de situations qualifiées explicitement de trahison, qui sont
envisagées au titre des infractions contre la sûreté extérieure de l’État. C’est ce dont
témoignent les hypothèses prévues par les articles 77474 et 78 du Code pénal.
L’article 77 permet de poursuivre et de réprimer toute manœuvre avec des pays ennemis de la
France dont le but serait de leur permettre ou de leur faciliter l’entrée sur le territoire national
ou ses dépendances, ou de leur livrer des villes et autres bases françaises, ou encore de leur
fournir une quelconque assistance. A l’image de l’article précédent475, cet article est applicable

470
Cf. infra, art. 78 et 79 du Code pénal. Ces articles sont applicables au bénéfice d’une puissance alliée de la
France. En conséquence, il n’est pas exigé que la France ait été directement « victime » de l’infraction.
471
Art. 76 : Quiconque aura pratiqué des machinations ou entretenu des intelligences avec les puissances
étrangères ou leurs agents, pour les engager à commettre des hostilités ou à entreprendre la guerre contre la
France, ou pour leur en procurer les moyens, sera puni de mort. Cette disposition aura lieu dans le cas même où
lesdites machinations ou intelligences n’auraient pas été suivies d’hostilités.
472
Cf. A. Blanche, op. cit., p. 515.
473
Art. 84 : Quiconque aura, par des actions hostiles non approuvées par le Gouvernement, exposé l’État à une
déclaration de guerre, sera puni du bannissement ; et, si la guerre s’en est suivie, de la déportation.
474
Art. 77 : Sera puni de mort quiconque aura pratiqué des manœuvres ou entretenu des intelligences avec les
ennemis de l’État, à l’effet de faciliter leur entrée sur le territoire et dépendances du Royaume, ou de leur livrer
des villes, forteresses, places, postes, ports, magasins, arsenaux, vaisseaux ou bâtiments appartenant à la France,
ou de fournir aux ennemis des secours en soldats, hommes, argent, vivres, armes ou munitions, ou de seconder
les progrès de leurs armes sur les possessions ou contre les forces françaises de terre ou de mer, soit en ébranlant
la fidélité des officiers, soldats, matelots ou autres envers le roi et l’État, soit de toute autre manière.
475
Article 76.
aussi bien aux Français qu’aux étrangers résidant en France. La jurisprudence, dans un arrêt
du 5 juin 1812476, a par ailleurs étendu cet article aux manœuvres tendant à ramener à
l’ennemi des prisonniers de guerre.
En outre, à coté des articles 76 et 77, une autre disposition apparait comme un complément à
ces dispositions. Il s’agit de l’article 79477 lequel permet d’accorder aux alliés de la France une
protection similaire en engageant la poursuite des auteurs qui auront agi contre un allié de la
France. Mais cette protection étendue aux alliés de la Nation française ne vaut évidemment
pas pour l’article 75 dans la mesure où cet article concerne le port d’armes contre la France.
Par ailleurs l’hypothèse de l’article 77 est complétée par une disposition supplémentaire
énoncée à l’article 78478. Cette dernière prévoit le cas des correspondances avec les sujets
d’une puissance étrangère, qui, indépendamment de la volonté de leur auteur, auraient eu pour
effet de fournir à ladite puissance, des informations nuisibles sur la situation militaire ou
politique de la France. Afin que l’infraction soit constituée, il convient que deux circonstances
soient réunies. Comme l’explique A. Blanche479, la correspondance doit avoir eu lieu avec les
sujets d’une puissance ennemie et qu’il y ait eu au moins pour résultat de leur fournir des
instructions nuisibles soit pour la France, soit pour ses alliés.
D’autres cas de trahison et de révélation de secret sont prévus. C’est notamment le cas de
l’article 80480 du Code pénal qui a pour but de punir le fait d’avoir révélé « traitreusement481 »
un secret consistant en une négociation ou une expédition, de la part d’un agent du
gouvernement aux agents d’une puissance étrangère, qu’elle soit neutre ou alliée.
A la différence des articles précédents, l’entreprise de trahison ne nécessite plus seulement un
acte accompli auprès d’un ennemi, mais on l’étend ici à tout acte entrepris auprès d’une autre
Nation, quelle que soit sa qualité d’alliée, de puissance neutre ou d’ennemie. En outre il ne
s’agit plus d’une infraction susceptible d’être commise par un citoyen quelconque mais
uniquement par un agent du gouvernement.

476
Cass. Crim. 5 juin 1812. Cf. Annexe n° 26.
477
Art. 79 : Les peines exprimées aux art. 76 et 77 seront les mêmes, soit que les machinations ou manœuvres
énoncées en ces articles aient été commises envers la France, soit qu’elles l’aient été envers les alliés de la
France, agissant contre l’ennemi commun.
478
Art. 78 : Si la correspondance avec les sujets d’une puissance ennemie, sans avoir pour objet l’un des crimes
énoncés en l’article précédent, a néanmoins eu pour résultat de fournir aux ennemis des instructions nuisibles à
la situation militaire ou politique de la France ou de ses alliés, ceux qui auront entretenu cette correspondance
seront punis de la détention, sans préjudice de plus fortes peines, dans le cas où ces instructions auraient été la
suite d’un concert constituant un fait d’espionnage.
479
A. Blanche, op. cit., p. 531.
480
Art. 80 : Sera puni des peines exprimées en l’art. 76, tout fonctionnaire public, tout agent du Gouvernement
ou toute autre personne qui, chargée ou instruite officiellement, ou à raison de son état, du secret d’une
négociation ou d’une expédition, l’aura livré aux agents d’une puissance étrangère ou de l’ennemi.
481
A. Blanche, op. cit., p. 535.
En complément à cet article, il convient de citer également l’article 81 482 du Code pénal qui
réprime la transmission de plans par un agent du gouvernement à une puissance étrangère
qu’elle soit ennemie ou alliée sans qu’il y ait eu de manœuvres frauduleuses pour se les
approprier.
La même situation est prévue par l’article 82483 du Code pénal, à cette différence près que sont
concernées toutes les personnes qui n’ont pas la qualité de fonctionnaire et qui se sont
procurés les plans par des moyens divers et variés.
Une dernière hypothèse de trahison mérite d’être évoquée. Il s’agit d’une disposition qui
prévoit l’infraction de recel d’ennemis. Elle est prévue par l’article 83 484 du Code pénal. Aux
termes de cet article, il s’agit de punir le recel d’espions ou de soldats ennemis commis par
toute personne résidant sur le territoire national.
Cette infraction nécessite toutefois la réunion de deux éléments afin d’être constituée. Il faut
d’une part établir la volonté de l’agent de soustraire l’ennemi aux recherches du
gouvernement et il faut d’autre part démontrer qu’il avait la connaissance de sa qualité485.
Notons enfin une particularité concernant l’article 85486 du Code pénal. A la différence des
autres articles qui tendent à protéger la sûreté de l’État, l’article 85 vient sanctionner d’une
peine de bannissement le fait d’avoir exposé aux représailles d’une nation étrangère, non plus
l’État mais des citoyens Français.
Cet article est qualifié par A. Blanche487 de « diminutif » de l’article 84, en ce sens qu’il ne
s’agit plus ici d’exposer la France sous sa forme générale de Nation à une déclaration de
guerre, mais d’exposer des Français à des représailles. Cet article est critiqué par le professeur
Blanche en ce qu’il demeure vague dans ses dispositions.
En dépit de ces quelques différences de forme, tous ces articles illustrent un objet politique
commun consistant dans le fait de nuire directement ou indirectement à l’État français. Qu’il
482
Art. 81 : Tout fonctionnaire public, tout agent, tout préposé du Gouvernement, chargé, à raison de ses
fonctions, du dépôt des plans des fortifications, arsenaux, ports ou rades, qui aura livré ces plans ou l’un de ces
plans à l’ennemi ou aux agents de l’ennemi, sera puni de mort. Il sera puni du bannissement s’il a livré ces plans
aux agents d’une puissance étrangère, neutre ou alliée.
483
Art. 82 : Toute autre personne qui, étant parvenue, par corruption, fraude ou violence, à soustraire lesdits
plans, les aura livrés, ou à l’ennemi, ou aux agents d’une puissance étrangère, sera puni comme le fonctionnaire
ou agent mentionné dans l’article précédent, et selon les distinctions qui y sont établies. Si lesdits plans se
trouvaient, sans le préalable emploi de mauvaises voies, entre les mains de la personne qui les a livrés, la peine
sera, au premier cas mentionné dans l’art. 81 : la peine de mort et au second cas du même article, la peine de
bannissement.
484
Art. 83 : Quiconque aura recélé ou aura fait recéler les espions ou les soldats ennemis envoyés à la
découverte, et qu’il aura connus pour tels, sera condamné à la peine de mort.
485
A. Blanche, op. cit., p. 539.
486
Art. 85 : Quiconque aura, par des actes non approuvés par le Gouvernement, exposé des Français à éprouver
des représailles, sera puni du bannissement.
487
A. Blanche, op. cit., p. 546.
s’agisse de trahison par le biais de l’aide octroyée à des puissances étrangères par des
intelligences, ou par un soutien logistique ou militaire, ou par la transmission d’informations ;
tous ces cas tendent manifestement à constituer des mécanismes de protection de l’État contre
des entreprises criminelles dont la nature suppose systématiquement un élément d’extranéité.
Or, à côté de ces infractions nécessitant toutes un élément d’extranéité, certaines comportent
la particularité d’être dirigées tantôt contre la sûreté extérieur et tantôt contre la sûreté
intérieure de l’État.

§ II - L’élaboration d’une catégorie hybride de


délits politiques : les infractions dirigées
aussi bien contre la sûreté extérieure que la
sûreté intérieure de l’État

Ces articles d’une nature sui generis visent à protéger la sûreté extérieure et intérieure de
l’État de manière alternative. Ils sont compris dans la Section III du Chapitre I du Titre I du
Livre III du Code pénal, sous le titre De la révélation et de la non-révélation des crimes qui
compromettent la sûreté intérieure ou extérieure de l’État.
Il s’agit des articles 103 à 108 du Code pénal. Le législateur de 1830 les érige en délits
politiques à travers le 1° de l’article 7 de la loi du 8 octobre 1830. Ces articles renvoient à
l’incrimination de non-révélation de complots attentatoires à la sûreté l’État, que la non-
révélation soit intérieure ou extérieure.
Trois cas de non-révélation sont prévus par les articles 103 à 105 du Code pénal. C’est ainsi
que le législateur de 1830 détermine comme délit politique le fait de non-révélation de
complot488 contre la sûreté intérieure ou extérieure de l’État en vertu de l’article 103489, la non-
révélation de complot visant à constituer un crime de lèse-majesté à l’article 104490 et la non-
révélation de toute autre forme de complot aux termes de l’article 105491.

488
Le complot était défini originairement de la manière suivante : « il y a complot dès que la résolution d’agir est
concertée et arrêtée entre deux conspirateurs ou un plus grand nombre, quoiqu’il n’y ait pas eu d’attentat ».
489
Art. 103 : Toutes personnes qui, ayant eu connaissance de complots formés ou de crimes projetés contre la
sûreté intérieure ou extérieure de l’État, n’auront pas fait la déclaration de ces complots ou crimes, et n’auront
pas révélé au Gouvernement ou aux autorités administratives ou de police judiciaire, les circonstances qui en
seront venues à leur connaissance, le tout dans les vingt-quatre heures qui auront suivi ladite connaissance,
seront, lors même qu’elles seraient reconnues exemptes de toute complicité, punies, pour le seul fait de non-
révélation, de la manière et selon les distinctions qui suivent.
490
Art. 104 : S’il s’agit du crime de lèse-majesté, tout individu qui, au cas de l’article précédent, n’aura point fait
les déclarations qui y sont prescrites, sera puni de la réclusion.
491
Art. 105 : A l’égard des autres crimes ou complots mentionnés au présent chapitre, toute personne qui, en
étant instruite, n’aura pas fait les déclarations prescrites par l’article 103, sera punie d’un emprisonnement de
deux à cinq ans et d’une amende de cinq cents à deux mille francs.
Ces trois articles n’exigent qu’un délai relativement bref de vingt-quatre heures pour en faire
la révélation, sous condition qu’il n’y ait eu ni exécution, ni tentative d’exécution auquel cas
l’agent non-révélateur sera reconnu comme complice des auteurs, alors même qu’il n’aurait ni
participé, ni même approuvé l’acte délictueux.
En revanche la jurisprudence est plus souple concernant la liste des autorités auprès
desquelles l’agent doit faire la révélation. Si les textes prévoient que cette révélation soit faite
à un ministre ou aux autorités administratives ou bien aux autorités judiciaires, les juges ont
tendance à étendre la liste de ces autorités 492. Ainsi, par exemple, fut reconnue suffisante la
révélation faite à des chefs militaires.
De la même manière, la jurisprudence semble avoir fait preuve d’une grande souplesse en
considérant que si le gouvernement avait déjà eu connaissance de l’existence d’un complot
avant que l’agent n’en ait eu connaissance, ce dernier n’était plus soumis à l’obligation d’en
faire la révélation. S’il décidait de révéler le complot, il n’était plus considéré comme un
révélateur mais comme un simple témoin. Cette idée est illustrée par J. Carnot 493 pour qui
l’agent « ne pourrait être considéré que comme un témoin qui serait venu se présenter pour
déposer ».
Notons en outre qu’il n’est pas nécessaire que le révélateur du complot désigne
nominativement les auteurs. La jurisprudence a admis que dans certains cas la simple
révélation de l’existence du complot était suffisante.
Dans un jugement en appel du tribunal correctionnel de Blois du 23 août 1816 494, il a été
considéré que « l’obligation de révéler tout complot formé contre la sûreté de l’État,
n’emporte point obligation de désigner par son nom le conspirateur, surtout s’il existe entre le
conspirateur et le révélateur des relations d’amitié ou d’honneur ».
Enfin, il convient de préciser que ces articles sanctionnent la non-révélation de complots
formés ou de crimes concertés. En les combinant avec l’article 89 du Code pénal lequel répute
le complot comme étant la « résolution d’agir concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs
personnes », il devient alors nécessaire, afin de retenir la qualification de ces incriminations
contre un individu, que le complot soit concerté c’est-à-dire qu’il soit élaboré entre deux
personnes au moins495.

492
J. Carnot, op. cit., p. 349.
493
Ibid., p. 355.
494
Cf. annexe n° 27.
495
J. Carnot, op. cit., p. 357.
La sévérité de ces articles est accrue par l’article 106496 du Code pénal. Celui-ci vient
compléter les articles précédents en excluant des causes d’exemption le fait que l’agent
n’aurait pas apporté son soutient au complot ou qu’il se serait opposé aux conspirateurs ou
encore qu’il aurait tenté de les en dissuader.
En revanche, l’article suivant497 fixe une cause d’exemption, qui, conformément au droit
commun prévoit que ni le conjoint, ni les parents ou enfants, ni les collatéraux ou alliés de
l’auteur du complot ne sont soumis à l’obligation de la révélation de l’infraction. Or, eu égard
à la gravité de ces types d’infractions, le législateur a paré à cette exception par le placement
de l’agent sous la surveillance de la haute police.
Notons enfin la particularité de l’article 108498 qui, à la différence des articles précédents, ne
concerne plus les personnes qui ont eu connaissance d’un complot, mais les conspirateurs
eux-mêmes. Cet article leur permet de bénéficier de l’impunité en échange de leur concours à
l’arrestation de leurs complices ou de leur délation.
Il est intéressant d’observer qu’il ne s’agit plus ici de notion de révélation de complot mais de
délation entre les auteurs. Cela s’explique par l’idée qu’il ne s’agit que des auteurs et non plus
des personnes étrangères au complot qui en auraient eu simplement connaissance. Il s’agit
d’établir un mécanisme permettant directement à l’un des auteurs, membre d’un complot, de
faire échouer l’entreprise criminelle en lui promettant l’exemption de toute peine et de toute
poursuite, sous réserve toutefois d’un placement sous surveillance. Ainsi là encore, à l’instar
de la mesure prévue par l’article précédent, l’article 108 impose la mise sous surveillance de
la haute police dans un but préventif.
La qualité de « délit politique » de ces incriminations sera toutefois éphémère dans la mesure
où la plupart de ces articles seront abrogés par la loi du 28 avril 1832 499. Pourtant il est
intéressant d’observer qu’à travers ces divers articles, les législateurs successifs ont entendu

496
Art. 106 : Celui qui aura eu connaissance desdits crimes ou complots, non révélés, ne sera point admis à
excuse, sur le fondement qu’il ne les aurait point approuvés, ou même qu’il s’y serait opposé et aurait cherché à
en dissuader les auteurs.
497
Art. 107 : Néanmoins, si l’auteur du complot ou crime est époux, même divorcé, ascendant ou descendant,
frère ou sœur ou allié aux mêmes degrés, de la personne prévenue de réticence, celle-ci ne sera point sujette aux
peines portées par les articles précédents ; mais elle pourra être mise, par l’arrêt ou le jugement, sous la
surveillance spéciale de la haute police, pendant un temps qui n’excédera point dix ans.
498
Art. 108 : Seront exemptés des peines prononcées contre les auteurs de complots ou d’autres crimes
attentatoires à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État, ceux des coupables qui, avant toute exécution ou
tentative de ces complots ou de ces crimes, et avant toutes poursuites commencées, auront les premiers donné au
Gouvernement ou aux autorités administratives ou de police judiciaire, connaissance de ces complots ou crimes
et de leurs auteurs ou complices, ou qui, même depuis le commencement des poursuites, auront procuré
l’arrestation desdits auteurs ou complices. Les coupables qui auront donné ces connaissances ou procuré ces
arrestations, pourront néanmoins être condamnés à rester pour la vie ou à temps sous la surveillance de la haute
police.
499
Il s’agit des articles 103, 104, 105, 106 et 107. Cf. annexe n° 4.
protéger l’État et non pas seulement le gouvernement contre des faits de trahison,
d’espionnage, de complot ou de forfaiture alors même que l’infraction n’aurait entrainée
aucune conséquence et alors même que l’objet de l’infraction ne serait pas politique.
Mais surtout, il convient de noter la particularité de ce type d’infraction dans l’esprit du
législateur de 1830. Ce dernier tend à la considérer comme ayant un caractère politique de
manière objective par le simple constat de la valeur sociale atteinte, c’est-à-dire celle de
l’État. L’esprit du texte devait consacrer la naissance et l’adoption de fait, en droit français, de
la conception objective du délit politique notamment concernant les infractions contre la
sureté intérieure.

Section II ­ Les infractions contre la sureté intérieure de l’État

Plusieurs types de crimes et de délits contre la sureté intérieure sont définis dans le Code
pénal de 1810 puis repris sous la dénomination de délits politiques par la loi du 8 octobre
1830. Ces incriminations méritent d’être divisées en fonction de la valeur à laquelle elles
portent atteinte.
Quel que soit leur domaine, le point commun de ces dispositions est d’assurer la protection et
la sauvegarde de l’État et du gouvernement en place. Certains auteurs 500 ont néanmoins
critiqué cette qualification dans la mesure où dans les principes, les articles relatifs aux
atteintes à la sûreté intérieure entendent protéger l’État, alors que dans les faits les
gouvernements qui ne sont que les représentants de l’État se sont arrogé ces mécanismes
protecteurs en les étendant à leurs propres intérêts.
C’est notamment ce qu’illustre R. Charvin pour qui les atteintes à la sûreté intérieure de l’État
s’entendent des « atteintes contre les institutions essentielles que l’État s’est données pour
fixer et protéger les conditions fondamentales de développement de la vie politique,
économique et sociale sur l’étendue du territoire où s’exerce sa souveraineté501 ».
Or, les gouvernements qui ne sont que les dépositaires de l’autorité de l’État et les
représentants de la Nation, se sont attribué les mécanismes protecteurs de l’État dans leur
propre intérêt de conservation. Aussi peut-on voir deux groupes de dispositions relevant de la
sûreté intérieure de l’État mais dont la valeur sociale protégée varie.

500
Cf. P.-A. Papadatos, op. cit., p. 2. Pour cet auteur le crime d’État c’est-à-dire l’infraction qui attente à la sûreté
de l’État, devient une atteinte « contre les gouvernants et non plus contre la société ; il perd son caractère
odieux et devient un délit politique ».
501
R. Charvin, op. cit., p. 433.
Si un premier groupe de dispositions pénales tend à protéger la Nation à travers le maintien et
la protection de l’ordre social et de l’autorité de l’État et correspond à la notion définie par J.-
J. Chevallier, de « politique majeure » (§ I) ; le second est toutefois plus distant de la
définition originelle en ce qu’il ne protège non plus la Nation, mais à l’un de ses organes, le
gouvernement, et correspond à l’idée de « politique mineure » (§ II).

§ I – Une protection directe des intérêts de la


Nation à travers la sauvegarde de la notion de
« politique majeure »

Conformément à la conception définie par le Code pénal de 1810 selon laquelle l’État est la
valeur suprême et mérite une protection particulière à travers une politique répressive sévère,
le législateur de 1830 s’inscrit toujours dans une logique selon laquelle l’État demeure la
valeur supérieure aux autres.
Le législateur de 1830 a bien conscience de cette nécessité de sauvegarder la Nation et plus
fondamentalement de sauvegarder la constitution sociale sur laquelle repose le pays contre
toute atteinte visant à la détruire.
Bien que de tels faits soient qualifiés de crimes ou de délits politiques, ce qui emporte des
conséquences sur leur régime, ces infractions demeurent néanmoins soumises à un régime
rigoureux illustrant la nécessité de maintenir la constitution sociale du pays.
Sous la dénomination de constitution sociale du pays laquelle correspond à la notion de
« politique majeure » comme la définissait J.-J. Chevallier, il convient d’entendre deux
rubriques considérées comme constituant des crimes ou délits politiques.
La première rubrique tendant à protéger l’ordre social correspond au maintien de la paix
publique (A). La seconde rubrique contenue dans la notion de « politique majeure » répond à
la nécessité de la préservation de l’autorité de l’État contre toute tentative d’usurpation,
d’altération ou de dérision du bon fonctionnement des services de l’État et de leurs rapports
(B).

A-/ Les attentats tendant à troubler la paix publique

Ces attentats sont variés, ils sont développés dans le paragraphe II de la Section II du Chapitre
2 du Titre I du Livre III du Code pénal. Il s’agit d’infractions qui tendent à troubler l’État par
divers moyens.
Préalablement à l’étude de ces infractions, il convient de relever la particularité de l’article
102502 du Code pénal. Cette disposition résulte de la loi du 17 mai 1819 503 relative à la
répression des crimes et délits commis par voie de presse. Elle sanctionne de peines
d’emprisonnement et d’amende les auteurs de provocation à des crimes ou à des délits, quelle
que soit leur nature. L’aspect général de cet article lui confère sa spécificité au regard des
autres articles relatifs à la paix et à la tranquillité publique.
Il est intéressant d’observer que, comme l’atteste un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour
de cassation du 18 janvier 1833504, les dispositions de l’article 1er de la loi du 17 mai 1819 sont
certes assimilées à la catégorie des infractions ayant un caractère politique par les articles 1 et
6 de la loi du 8 octobre 1830, mais que toutefois de tels faits n’ont, la plupart du temps et plus
particulièrement dans l’espèce, aucun caractère politique505.
Il résulte des termes de cet arrêt, que « tous les délits commis par les moyens de publication
énoncés en l’art. 1er de la loi du 17 mai 1819, et par conséquent ceux commis par de simples
discours comme ceux commis par la voie de la presse, sont de la compétence des Cours
d’assises, encore bien que ces délits n’aient aucun caractère politique, tel, par exemple, le
délit de provocation à la rébellion, commis par des discours et cris proférés publiquement ».
Cette particularité mise à part, les autres articles relatifs aux attentats tendant à troubler la paix
publique peuvent se regrouper et s’articuler autour de deux axes principaux. Une partie
d’entre eux a trait à la provocation à la guerre civile, aux conflits entre la population et à la
sédition (1°), et une autre partie concerne ceux qui attentent à l’organisation de l’État à travers
ses biens et son autorité (2°).

1°/ La répression des infractions tendant à la guerre civile et aux


séditions

502
Art. 102 : Quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics,
soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures ou emblèmes vendus ou distribués, mis
en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du
public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre, sera réputé
complice, et puni comme tel. Quiconque aura, par l'un des moyens énoncés par l'alinéa précédent, provoqué à
commettre un ou plusieurs crimes, sans que ladite provocation ait été suivie d'aucun effet, sera puni d'un
emprisonnement qui ne pourra être de moins de trois mois, ni excéder cinq années, et d'une amende qui ne
pourra être en dessous de 50 Francs, ni excéder 6000 Francs.
503
Cf. annexe n° 28. En effet, cette rédaction résulte de la loi du 17 mai 1819, qui par ses articles 1, 2 et 26 a
abrogé et remplacé l’ancienne formulation qui disposait : « Seront punis comme coupables des crimes et
complots mentionnés dans la présente section, tous ceux qui, soit par discours tenus dans des lieux ou réunions
publics, soit par placards affichés, soit par des écrits imprimés, auront excité directement les citoyens ou
habitants à les commettre. Néanmoins, dans le cas où lesdites provocations n’auraient été suivies d’aucun effet,
leurs auteurs seront simplement punis du bannissement ».
504
Cf. annexe n° 29.
505
La même application est faite concernant les délits de provocation publique à un délit, qu’elle soit ou non
suivie d’effet. De telles infractions sont considérées par la loi du 8 octobre 1830 comme des délits politiques. Cf.
à ce titre, Cass. Crim., 24 août 1832, Dalloz, 1832, I, p. 412.
La politique pénale conduite au XIXème siècle contre les risques de guerre civile ou de sédition
présente deux aspects en fonction de la gravité de l’infraction, l’un préventif et l’autre
répressif.
Par certains articles, la législation pénale introduit un élément purement préventif. Ainsi les
associations et leurs réunions sont-elles rigoureusement encadrées afin d’éviter toute
entreprise subversive ou illégale (a).
Mais à d’autres égards, la législation criminelle entend affirmer une conception plus
répressive en sanctionnant avec rigueur certaines entreprises criminelles beaucoup plus graves
comme celles qui tendent à la provocation à la guerre civile ou à l’organisation de bandes
armées (b).

a-) Un aspect préventif à travers la règlementation sur les


associations

Au titre du 2° de l’article 7 de la loi du 8 octobre 1830, le législateur assimile au délit


politique la Section VII du Chapitre 3 du Titre I du Livre III du Code pénal. Cette section
comprend les articles 291 à 294 et concerne les associations et les réunions illicites.
L’aspect préventif de ces articles s’illustre d’abord par le fait que l’article 291 506 exige un
agrément du gouvernement pour toutes les associations de plus de vingt personnes, quel que
soit leur objet. Cette formalité d’agrément permet de recenser les diverses associations et leurs
activités.
Mais surtout l’article 291 pose comme condition substantielle à la licéité des associations, le
respect de conditions préalablement fixées par l’autorité publique. Dès lors, peut-on dire que
le caractère unilatéral des modifications qui peuvent être apportées aux statuts des
associations permet un certain contrôle de l’autorité publique sur les activités de ces dernières.
Néanmoins cet article comporte un domaine relativement étroit en ce qu’il ne concerne que
les associations dont « le but sera de se réunir tous les jours ou à certains jours » particuliers.
En conséquence cet article ne déroge pas aux autres règles relatives aux associations. Le
caractère de délit politique ne doit se rencontrer que lorsqu’elles ont vocation à se réunir à
jours fixes dans le but de traiter d’objets religieux ou politiques entre autres.

506
Art. 291 : Nulle association de plus de vingt personnes, dont le but sera de se réunir tous les jours ou à
certains jours marqués pour s’occuper d’objets religieux, littéraires, politiques ou autres, ne pourra se former
qu’avec l’agrément du gouvernement, et sous les conditions qu’il plaira à l’autorité publique d’imposer à la
société. Dans le nombre de personnes indiqué par le présent article, ne sont pas comprises celles domiciliées
dans la maison où l’association se réunit.
En cas de violation des règles fixées à l’article 291, la dissolution de l’association est
encourue et ses responsables peuvent être condamnés à verser une amende. Ces peines sont
prévues par l’article 292507.
Outre l’encadrement légal des statuts et du fonctionnement des associations, le Code pénal
accorde à l’autorité publique un pouvoir de coercition supplémentaire, illustrant l’aspect
préventif de la réglementation sur les associations.
Ce pouvoir résulte de l’article 294508 du Code pénal et consiste en la nécessité d’obtenir une
autorisation de l’autorité municipale pour se réunir dans un endroit déterminé. A défaut de
cette autorisation, indépendamment des sanctions encourues par les membres et les
responsables de l’association, la personne qui aura consenti à une association l’usage de sa
maison ou de son appartement, sera passible d’une peine amende.
Par ailleurs, alors même qu’une association répondrait à toutes les formalités exigées par la
loi, les responsables de l’association peuvent aussi encourir des peines d’amende et
d’emprisonnement dans l’hypothèse où serait faite une provocation à un crime ou à un délit509.
En effet il résulte de l’article 293510 du Code pénal la possibilité de poursuivre les
responsables d’une association pour certains propos incitatifs à la criminalité ou à la
délinquance.
L’article 293 n’entend pas sanctionner directement la provocation à la violation d’une loi,
laquelle incrimination résulte d’autres textes de droit commun qui entraineront la
condamnation de leur auteur, mais il vise à réprimer les responsables de l’association pour la
négligence et le manque de diligence dont ils auraient fait preuve dans le cadre de leurs
responsabilités et de leurs pouvoirs au sein de l’association.

507
Art. 292 : Toute association de la nature ci-dessus exprimée qui se sera formée sans autorisation, ou qui, après
l’avoir obtenue, aura enfreint les conditions à elles imposées, sera dissoute. Les chefs, directeurs ou
administrateurs de l’association seront en outre punis d’une amende de seize francs à deux cents francs.
508
Art. 294 : Tout individu qui, sans la permission de l’autorité municipale, aura accordé ou consenti l’usage de
sa maison ou de son appartement, en tout ou en partie, pour la réunion des membres d’une association même
autorisée, ou pour l’exercice d’un culte, sera puni d’une amende de seize francs à deux cent francs.
509
Cette disposition est en certains points semblable à celle développée par l’article 102 du Code pénal, eu égard
à son aspect préventif général. Mais à la différence de cet article qui s’applique au domaine de la presse et des
crieurs publics, l’article 293 concerne les chefs, les directeurs et les administrateurs d’association.
510
Art. 293 : Si, par discours, exhortations, invocations ou prières, en quelque langue que ce soit, ou par lecture,
affiche, publication ou distribution d’écrits quelconques, il a été fait, dans ces assemblées, quelque provocation à
des crimes ou à des délits, la peine sera de cent francs à trois cent francs d’amende, et de trois mois à deux ans
d’emprisonnement, contre les chefs, directeurs et administrateurs de ces associations, sans préjudice des peines
plus fortes qui seraient portées par la loi contre les individus personnellement coupables de la provocation,
lesquels, en aucun cas, ne pourront être punis d’une peine moindre que celle infligée aux chefs, directeurs et
administrateurs de l’association.
Le législateur est toutefois indifférent à la nature de la provocation laquelle peut être verbale
ou écrite, ou proférée en langue française ou dans une langue étrangère, et laquelle peut tout
aussi bien consister en une litanie, qu’un discours ou une prière.
La formulation volontairement étendue de l’article 293 permet alors de sanctionner tout
responsable d’association, tant à vocation politique qu’à vocation religieuse ou sociale, dès
lors que ledit responsable a usé de son influence et de son autorité pour provoquer à la
réalisation de crimes ou de délits de droit commun ou de nature politique.
Il résulte de ces quatre articles une volonté de prévenir les risques de subversion et les risques
d’atteinte à la tranquillité publique. En effet, eu égard à l’aspect général du domaine de ces
textes, un caractère préventif prédomine en ce sens qu’ils sanctionnent essentiellement une
forme de manque de diligence de la part des responsables des associations et les risques qu’ils
peuvent faire courir sur l’organisation sociale.
Or, tout en envisageant des faits de provocation, d’autres dispositions s’avèrent comporter un
caractère beaucoup plus répressif dans la mesure où ladite provocation présente un danger
plus grand, imminent et certain.

b-) Un aspect répressif illustré par la dangerosité accrue de la


provocation

De nombreux articles du Code pénal manifestent la volonté du législateur de protéger l’État


face aux conflits civils et aux séditions. Ces infractions sont codifiées sous le paragraphe II de
la Section II du Chapitre 1 du Titre I du Livre III du Code pénal. Il s’agit principalement des
articles 91, 96, 97, 98, 99 et 100, étant observé par ailleurs que l’article 101 du Code pénal
permet de définir certains éléments de ces dispositions.
Tous ces articles ont un domaine relativement important dans la mesure où ils portent pêle-
mêle sur des provocations aux séditions, aux pillages, aux massacres ou aux guerres civiles.
Indépendamment de la variété du domaine qui les compose, ces dispositions tendent toutes à
protéger l’organisation sociale et à préserver la paix publique.
En premier lieu, l’article 91511 distingue deux hypothèses de provocation à la guerre civile ou
de crime consistant à porter la dévastation, le massacre et le pillage, selon que l’acte a bien
été commis, commencé ou tenté d’une part, et la simple élaboration d’un complot tendant à
ces crimes d’autre part.
511
Art. 91 : L’attentat dont le but sera, soit d’exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou
habitants à s’armer les uns contre les autres, soit de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou
plusieurs communes, sera puni de mort. Le complot ayant pour but l’un des crimes prévus au présent article, et la
proposition de former ce complot, seront punis des peines portées en l’art. 89, suivant les distinctions qui y sont
établies.
Dans le premier cas - c’est-à-dire en cas d’exécution, de commencement ou de tentative
d’exécution d’un tel crime -, la sanction est la peine capitale ; tandis que dans le second cas -
dans l’hypothèse d’un complot -, par le biais d’un renvoi à l’article 89 du Code pénal, l’article
91 prévoit la déportation, la détention, l’emprisonnement et la dégradation de certains droits
civiques et civils.
Il convient de préciser que la guerre civile s’entend d’une lutte armée entre « les enfants
d’une même patrie », qu’elle embrase toute une nation ou qu’elle ne soit que partielle.
Autrement dit, pour qu’un conflit soit qualifié de guerre civile, il suffit qu’il puisse être
assimilé à une guerre et qu’il ait lieu entre les citoyens d’un même pays 512.
Par ailleurs, il résulte de l’article 91 que la seule provocation à la guerre civile est insuffisante
pour constituer ce crime. En effet, l’agent doit avoir armé les citoyens, en leur fournissant les
moyens logistiques et matériels d’entreprendre une guerre, ou bien en les ayant poussé à
s’armer, c’est-à-dire en ayant incité les citoyens à se procurer des armes.
La seconde branche de l’alternative de cet article consiste dans le fait de porter la
dévastation, le massacre et le pillage. Il s’agit ici d’éléments cumulatifs illustrés par la
conjonction de coordination « et ». Aussi afin d’être constitué ce crime doit-il nécessairement
réunir ces trois éléments.
Néanmoins, le législateur n’entend pas exiger au titre des éléments constitutifs la nécessité
d’avoir atteint son but. En conséquence, la seule réunion de ce triple but est suffisante pour
établir la responsabilité du prévenu indépendamment de tout résultat.
Outre la volonté de qualifier de « politiques » les crimes tendant à semer la discorde entre les
citoyens et à faire naître des conflits entre eux, le législateur de 1830 attribue également le
caractère de délit politique aux crimes et délits commis par les bandes armées. Il s’agit ici de
faire référence au caractère séditieux de certains groupements qui représentent un véritable
danger pour le gouvernement et pour la population. Eu égard à ce danger, le législateur
développe, au même titre qu’à l’article 91, des dispositions particulièrement sévères.

512
A. Blanche, op. cit., p. 586.
Parmi les différentes incriminations relatives aux bandes armées et aux séditions, on peut
relever à travers l’article 96513 du Code pénal, deux crimes distincts dont le premier réside
dans la réalisation d’un fait principal et dont le second est relatif à des faits de complicité.
D’abord, s’agissant du premier aspect de l’article 96, en ce qu’il consiste dans la volonté
d’envahir des domaines et autres propriétés publiques, nationales ou appartenant à une
généralité de citoyens, ou bien dans la volonté de piller ou de partager des propriétés de l’État,
ou encore à travers le dessein d’attaquer ou de résister à la force publique lorsqu’elle opère
contre des crimes relevant de l’article 96 ; il convient d’observer que le législateur entend
punir de mort tout individu qui se serait mis à la tête de l’une des bandes armées qui
poursuivrait l’un de ces buts.
Il est intéressant de noter que d’une part la répression est particulièrement sévère dans la
mesure où il s’agit de réprimer de graves atteintes à la Nation, et que d’autre part le domaine
de l’article 96 est relativement large en ce qu’il concerne aussi bien l’acte consommé que la
simple tentative. Afin de lutter efficacement contre de tels dangers, le législateur ne pose que
peu de conditions constitutives. Dès lors, pour que l’infraction soit constituée, il suffit que le
juge relève l’existence de l’un des buts énumérés par la loi.
Cet article, qui est assez général, permet en conséquence de sanctionner indistinctement les
auteurs d’atteintes aux biens et aux propriétés de l’État, au même titre que les auteurs de
séditions tendant à résister à la force publique ou encore les personnes qui auraient
directement ou indirectement participé à l’organisation de bandes armées.
Dans un second temps, l’article 96 sanctionne les faits de complicité aux crimes sus-évoqués à
travers le fait d’avoir « dirigé l’association, levé ou fait lever, organisé ou fait organiser les
bandes, soit de leur avoir, sciemment et volontairement, fourni ou procuré des armes,
munitions et instruments de crimes, ou envoyé des convois de subsistances, soit d’avoir, de
toute autre manière, pratiqué des intelligences avec les directeurs ou commandants des
bandes ».

513
Art. 96 : Quiconque, soit pour envahir des domaines, propriétés ou deniers publics, places, villes, forteresses,
postes, magasins, arsenaux, ports, vaisseaux ou bâtiments appartenant à l’État, soit pour piller ou partager des
propriétés publiques ou nationales, ou celles d’une généralité de citoyens, soit enfin pour faire attaque ou
résistance envers la force publique agissant contre les auteurs de ces crimes, se sera mis à la tête de bandes
armées, ou y aura exercé une fonction ou commandement quelconque, sera puni de mort. Les mêmes peines
seront appliquées à ceux qui auront dirigé l’association, levé ou fait lever, organisé ou fait organiser les bandes,
ou leur auront, sciemment ou volontairement, fourni ou procuré des armes, munitions et instruments de crime, ou
envoyé des convois de subsistances, ou qui auront, de toute autre manière, pratiqué des intelligences avec les
directeurs ou commandants des bandes.
Il s’agit, par ces dispositions, d’avoir apporté son concours à la bande armée en l’organisant,
en la structurant, en lui procurant des fournitures et de manière générale en lui ayant procuré
un soutient logistique.
Néanmoins l’article 96 pose une condition importante, dans la mesure où quelle que soit la
fonction de l’agent et quels que soient les moyens qu’il a déployé, il faut nécessairement
relever de sa part ce que l’on défini aujourd’hui comme un dol spécial. Ainsi, l’agent doit
avoir agit « sciemment et volontairement ». En effet, il semble qu’on ne puisse retenir la seule
connaissance du caractère criminel de la bande armée, encore faut-il avoir volontairement
apporté son soutient en poursuivant un objectif criminel déterminé.
Notons par ailleurs que la terminologie employée de « bandes armées » exclue l’idée des
réunions séditieuses qui ne sont par nature que fortuites et accidentelles, ainsi que celle des
associations de malfaiteurs lesquelles n’opèrent que contre des intérêts particuliers, et enfin
celle des bandes « ordinaires » qui ne se livrent qu’au pillage de denrées ou de marchandises.
Les « bandes armées » présentement pénalement une importance beaucoup plus grande du fait
de leur dangerosité pour l’État et du caractère subversif de leurs mobiles. Cette dangerosité est
manifestée par leurs conditions d’existence lesquelles sont constituées par leur caractère de
groupe armé514, par leur permanence et par leur hiérarchisation.
Enfin, par cet article il ne s’agit pas de sanctionner tous les membres de la bande armée, mais
principalement ses meneurs, c’est-à-dire ceux qui y ont « exercé une fonction ou un
commandement » et certains complices, à savoir ceux qui ont procuré un soutient logistique
par des intelligences avec les responsables de la bande armée. Les autres membres de la bande
armée relèvent de l’article 98515 du Code pénal et sont punis de la déportation, sous réserve
toutefois de l’application des articles 86, 87 et 91.
Plus général et plus rigoureux encore, l’article 97516 vient compléter l’article précédent en
prévoyant la peine de mort contre tous les membres de la bande armée, sans tenir compte de
leurs fonctions et des rôles qu’ils ont exercé au sein dudit groupement.

514
Sur cet aspect, il convient pour le juge de relever par une appréciation in concreto si le groupe disposait ou
non d’un nombre suffisant d’armes pour donner à la généralité de la bande un caractère armé. Cf. A. Blanche,
op. cit., p. 602.
515
Art. 98 : Hors le cas où la réunion séditieuse aurait eu pour objet ou résultat l’un ou plusieurs des crimes
énoncés aux articles 86, 87 et 91, les individus, faisant partie des bandes dont il est parlé ci-dessus, sans y
exercer aucun commandement ni emploi, et qui auront été saisis sur les lieux, seront punis de la déportation.
516
Art. 97 : Dans le cas où l’un ou plusieurs des crimes mentionnés aux articles 86, 87 et 91, auront été exécutés
ou simplement tentés par une bande, la peine de mort sera appliquée, sans distinction de grades, à tous les
individus faisant partie de la bande, et qui auront été saisis sur le lieu de la réunion séditieuse. Sera puni des
mêmes peines, quoique non saisi sur le lieu, quiconque aura dirigé la sédition ou aura exercé dans la bande un
emploi ou commandement quelconque.
Afin que cette infraction soit constituée, l’article 97 pose comme conditions constitutives que
la bande armée tende soit à nuire à la vie ou à la personne du prince ou à la vie des membres
de sa famille, soit à détruire ou à changer le gouvernement ou l’ordre de successibilité au
Trône ou à exciter les citoyens à s’armer contre l’autorité royale (ou impériale), soit enfin si
elle tend à inciter à la guerre civile ou à porter la dévastation, le massacre et le pillage dans les
communes françaises.
Ainsi, cette loi ne fait aucune distinction entre les chefs et les subalternes de la bande qui
seraient saisis sur le lieu de la sédition. Il semble en outre, d’après A. Blanche 517, que le fait
que les individus soient arrêtés sans armes, ne justifie pas une requalification ou un non-lieu à
leur égard, le caractère armé de la bande s’imprime sur chacun de ses participants, qu’ils
soient armés ou non.
Néanmoins la jurisprudence a eu à préciser certaines dispositions de cet article, notamment
concernant la question des individus qui, membres du complot, n’auraient pas été arrêtés sur
les lieux de la réunion séditieuse.
La Cour de cassation dans un célèbre arrêt du 30 août 1833 518 fait une application stricte de
l’article 97 en considérant qu’il s’applique également à l’égard « de ceux qui ont été saisis
hors des lieux de la réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes, qu’autant
qu’ils sont déclarés expressément par le jury avoir exercé un emploi ou un commandement
quelconque dans la bande, ou l’avoir dirigée ».
A l’instar de l’article 96 qui, outre la répression d’un fait principal contient une disposition
spécifique sur la complicité, l’article 99519 apporte un complément à l’article 97 en
sanctionnant certains faits de complicité.
Ainsi, toute personne qui, sous réserve de sa connaissance du but et de l’organisation d’une
bande armée, et qui en l’absence de toute contrainte aura fourni des locaux à ses membres,
sera punie d’une peine de travaux forcés. Là encore il s’agit de prononcer une peine
relativement sévère en relation avec la démarche criminelle de l’agent, laquelle tend à être
considérée avec une gravité croissante au regard de la menace qu’elle fait peser sur la société.
Néanmoins, d’autres articles viennent contraster l’aspect répressif de ces textes en en limitant
le champ d’application. C’est ainsi que l’article 100 520 exclut certaines personnes de toute
517
A. Blanche, op. cit., p. 616.
518
Cf. annexe n° 30. Voir également la jurisprudence antérieure allant dans le même sens, Cass. Crim., 9 février
1832, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1832, I, pp. 141 à 143.
519
Art. 99 : Ceux qui, connaissant le but et le caractère desdites bandes, leur auront, sans contrainte, fourni des
logements, lieux de retraite ou de réunion, seront condamnés à la peine des travaux forcés à temps.
520
Art. 100 : Il ne sera prononcé aucune peine pour le fait de sédition, contre ceux qui, ayant fait partie de ces
bandes sans y exercer aucun commandement, et sans y remplir aucun emploi ni fonctions, se seront retirés au
poursuite de la qualification de fait de sédition sous la condition formelle de n’avoir exercé
aucune fonction de commandement ou toute autre fonction particulière, et sous la condition
de s’être retiré, dès le premier avertissement de la force publique de se séparer.
Ajoutons enfin que l’article 101521 du Code pénal permet de déterminer ce que peut être un
groupe « armé ». En effet, cet article définit ce que le législateur entend par « arme » comme
étant tout instrument « tranchant, perçant ou contondant » tel que des couteaux, masses,
dagues, épées, piques, hallebardes, flèches, munitions, etc.
Autrement dit tout instrument permettant de blesser ou de tuer est considéré comme une arme.
Les simples couteaux de poche, ciseaux, cannes et autres bâtons n’acquièrent le caractère
d’arme au sens de l’article 101, que lorsqu’ils sont utilisés dans le but d’infliger une blessure
ou de tuer.
Si dans leur ensemble ces articles permettent de sanctionner les membres de bandes armées
ou les personnes ayant joué un rôle dans la manifestation de guerres civiles ou de massacres
de populations, les autres dispositions du paragraphe II de la Section II du Chapitre 2 du Titre
I du Livre III du Code pénal permettent de réprimer les atteintes faites directement à
l’organisation de l’État.

2°/ La répression des atteintes à l’organisation de l’État

Certains articles du Code pénal auxquels renvoie la loi du 8 octobre 1830, prévoient de punir
les atteintes faites à l’organisation de l’État. Deux types d’infractions peuvent ainsi être
relevés.
Il convient de distinguer entre des incriminations qui manifestent la volonté de protéger l’État
et son organisation en sanctionnant toute violation des règles de commandement de l’autorité
publique légitime d’une part (a), et des incriminations qui visent à assurer la sauvegarde et la
protection des propriétés de l’État d’autre part (b).

premier avertissement des autorités civiles ou militaires, ou même depuis, lorsqu’ils n’auront été saisis que hors
des lieux de la réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes. Ils ne seront punis, dans ces cas, que
des crimes particuliers qu’ils auraient personnellement commis ; et néanmoins ils pourront être renvoyés, pour
cinq ans, ou au plus jusqu’à dix ans, sous la surveillance spéciale de la haute police.
521
Art. 101 : Sont compris dans le mot armes toutes machines, tous instruments ou ustensiles tranchants,
perçants ou contondants. Les couteaux et ciseaux de poche, les cannes simples, ne seront réputés armes qu’autant
qu’il en aura été fait usage pour tuer, blesser ou frapper.
Pour un exemple d’application, cf. annexe n° 31, Cass. Crim., 31 juillet 1823. Cf. également les nombreux
autres arrêts réaffirmant continuellement que des bâtons sont des objets contondants qui ont le caractère d’arme :
Cass. Crim., 3 octobre 1817, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1817, I, p. 375 ; Cass. Crim., 19 juin 1828, Recueil
Sirey-Devilleneuve, 1828, I, p. 114 ; et Cass. Crim., 29 juin 1821, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1821, I, p. 462.
De même, la Cour de cassation qualifie d’armes les pierres, cf. Cass. Ass., 20 août 1812, Recueil Sirey-
Devilleneuve, 1812, I, pp. 174 et 175 ; ou encore Cass. Crim., 30 avril 1824, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1824, I,
pp. 450 et 451.
a-) Une atteinte manifestée par l’emploi irrégulier des forces
armées

La loi du 8 octobre 1830 entend comprendre dans la détermination des infractions à caractère
politique certaines infractions liées aux règles de commandement de l’autorité publique. Si
l’exposé des motifs n’en fait pas apparaître précisément les raisons, il semble, par une lecture
transversale de la loi et des articles auxquels elle renvoie, que l’État doive se protéger contre
les actes et les dérives de ses propres officiers, en cas de défaillance, de désobéissance, de
résistance ou d’hostilité de leur part.
Par un renvoi aux articles 92, 93 et 94 du Code pénal 522, le législateur de 1830 érige en délits
politiques l’emploi irrégulier des forces armées. Positivement, en vertu des articles 92523 et
93524, il assimile à des délits politiques le fait d’enrôler directement ou indirectement des
soldats ou de lever des troupes (art. 92), ainsi que le fait de prendre ou de conserver un
commandement sans droit ou sans ordre de l’autorité légitime (art. 93).
Ces deux incriminations constituent d’importants mécanismes de protection contre les
atteintes à l’organisation de l’État dans la mesure où elles tendent à éviter toute tentative de
rébellion, d’usurpation, voire de coup d’État militaire.
Outre les cas d’enrôlement de soldats ou de troupes, l’article 92 sanctionne également le fait
de leur procurer des armes ou des munitions, sans autorisation du gouvernement. Cet article
codifié dans le Code pénal ne doit pas être confondu avec l’infraction d’embauchage prévue
par le Code militaire, laquelle réside dans le fait « d’avoir provoqué des militaires ou des
individus au service de la marine à passer à l’ennemi ou aux rebelles armés, de leur en avoir
sciemment facilité les moyens ou d’avoir fait des enrôlements pour une puissance en guerre
avec la France ».
En effet cet article du Code militaire qui n’est pas assimilé à un délit politique par la loi du 8
octobre 1830 est une référence directe à la trahison525. En revanche l’article 92 du Code pénal
évoque la manifestation d’une pensée criminelle plus générale consistant soit en la violation

522
Ces articles font partie du paragraphe II de la Section II du Chapitre 1 du Titre I du Livre III du Code pénal.
523
Art. 92 : Seront punis de mort, ceux qui auront levé ou fait lever des troupes armées, engagé ou enrôlé, fait
engager ou enrôler des soldats, ou leur auront fourni ou procuré des armes ou munitions, sans ordre ou
autorisation du pouvoir légitime.
524
Art. 93 : Ceux qui, sans droit ou motif légitime, auront pris le commandement d’un corps d’armée, d’une
troupe, d’une flotte, d’une escadre, d’un bâtiment de guerre, d’une place forte, d’un poste, d’un port, d’une ville ;
ceux qui auront retenu, contre l’ordre du Gouvernement, un commandement militaire quelconque, ou les
commandants qui auront tenu leur armée ou troupe rassemblée, après que le licenciement ou la séparation en
auront été ordonnés, seront punis de mort.
525
On peut raisonnablement adopter un regard critique sur une telle carence dans la mesure où de nombreux cas
de trahison envers la Nation sont considérés comme politiques. Cf. supra, Section I, § I et tout particulièrement
les articles 76 à 82 du Code pénal sur les intelligences avec des puissances étrangères et autres cas de trahison de
la Nation française.
du défaut d’autorisation du pouvoir légitime dans l’enrôlement ou l’engagement d’individus
qui ne sont pas sous les drapeaux et qui deviennent soldats par la destination que leur donne
ledit enrôlement ou engagement526, soit consistant en la violation du défaut d’autorisation de
mise à disposition d’armes ou de munitions à des soldats.
D’autre part l’article 93 complète l’article précédent en réprimant la prise de commandement
d’un effectif militaire ou d’une ville sans autorisation et sans droit, ou bien en réprimant le
maintien d’un commandement après l’avoir perdu soit personnellement, soit du fait du
licenciement d’une troupe.
Contrairement à certains de ses contemporains qui considèrent que cet article ne s’applique
qu’aux militaires, A. Blanche527 estime que cet article vaut aussi bien pour les civils que pour
les militaires. En effet, pour lui, en période d’insurrection, il n’est pas rare que des individus
étrangers à l’armée viennent à occuper des postes de commandement.
A côté de l’incrimination sanctionnant l’acte positif de prendre un commandement ou de
procéder à un enrôlement de troupes contre toute autorisation, l’article 94 528 du Code pénal
prévoit de sanctionner toute action pouvant entraver la levée de gens de guerre. Il s’agit du cas
dans lequel toute personne disposant de prérogatives de puissance publique 529 aura usé de ses
prérogatives afin d’entraver la levée de personnels militaires et plus généralement de gens de
guerre.
Par ailleurs, deux observations méritent d’être relevées. D’une part, l’article 94 distingue
selon que le comportement incriminé aura ou non été suivi d’effet. Dès lors, l’agent sera puni
de la peine de capitale dans la première hypothèse, tandis que si l’infraction n’a pas produit
d’effet, la peine consistera en la déportation. Autrement dit, très rationnellement le législateur
a érigé en circonstance aggravante le cas où l’infraction serait suivie d’effet.
D’autre part, cet article s’applique tant aux militaires qu’aux civils dans la mesure où il
concerne toute personne disposant de prérogatives de la force publique à raison de ses
fonctions ou de sa qualité. Dès lors, peuvent être concernés des maires ou des officiers de

526
Cf. Cass. Crim., 13 février 1823.
527
A. Blanche, op. cit., p. 592.
528
Art. 94 : Toute personne qui, pouvant disposer de la force publique, en aura requis ou ordonné, fait requérir
ou ordonner l’action ou l’emploi contre la levée des gens de guerre légalement établie, sera punie de la
déportation. Si cette réquisition ou cet ordre ont été suivis de leur effet, le coupable sera puni de mort ».
529
Il faut ainsi nécessairement que l’agent dispose de par ses fonctions, de certaines prérogatives de puissance
publique ; à défaut cet article ne peut pas être constitué. Cf. A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome II, p. 144.
Selon ces juristes, « cet article ne s’applique qu’aux personnes qui peuvent disposer de la force publique, et qui
en ont requis l’action contre la levée des gens de guerre légalement établie. Ainsi donc, si la réquisition a été
faite par une personne dénuée d’autorité ; si la force publique a été utilisée à tout autre objet qu’à empêcher la
levée des gens de guerre ; enfin, si la levée contre laquelle cette force a été déployée n’a pas été légalement
autorisée, les conditions élémentaires du crime n’existent plus ».
police judiciaire au même titre que les militaires. Or, contrairement à l’article 93, l’article 94
ne semble pas avoir suscité de divergences doctrinales particulières sur ce dernier point.
A côté de ces trois articles illustrant des situations par lesquelles des individus vont passer
outre ou dévoyer les ordres de l’autorité légitime, l’organisation de l’État peut aussi être
remise en cause par une atteinte portée à ses biens ou à ses propriétés.

b-) Une atteinte manifestée par la destruction des biens de l’État

A l’instar des biens des personnes privées, les biens de l’État sont protégés par certaines
dispositions du Code pénal dont l’atteinte est sanctionnée par des peines relativement sévères.
Toutefois, à la différence des atteintes à la propriété des personnes privées, les atteintes
dirigées contre les biens de l’État vont, sous certaines conditions, constituer des infractions
politiques en vertu de la loi du 8 octobre 1830.
La raison de cette qualification semble s’expliquer par l’idée selon laquelle certains actes de
destruction des biens de l’État sont particulièrement violents et tendent à altérer son
organisation matérielle. En conséquence, parce que la loi entend sanctionner de véritables
actes terroristes, elle va assortir ces infractions de peines relativement sévères.
Cette disposition est contenue à l’article 95 530 du Code pénal, lequel prévoit la peine capitale
pour la destruction soit par incendie, soit par explosion, de divers édifices appartenant à l’État.
En vertu de cet article, selon A. Blanche531, il convient d’accorder une protection spéciale aux
propriétés de l’État « contre l’éventualité d’un dommage résultant d’un fait déterminé », en
l’espèce par l’utilisation d’une mine.
En d’autres termes, afin d’entrer dans le champ d’application de cette disposition, la
destruction ou l’incendie doit nécessairement avoir eu lieu par l’utilisation d’une mine. Cela
entraine comme conséquence que l’incendie volontaire de biens appartenant à l’État n’est pas
suffisant en lui-même pour constituer cette incrimination. Encore faut-il que l’incendie ou la
destruction vise certains biens déterminés et qu’il soit le fait de l’explosion d’une mine. A
défaut, on en revient à la règle générale prévue par les articles 434 532 et 435533 du Code pénal
et à l’application du droit commun.

530
Art. 95 : Tout individu qui aura incendié ou détruit, par l’explosion d’une mine, des édifices, magasins,
arsenaux, vaisseaux ou autres propriétés appartenant à l’État, sera puni de mort.
531
A. Blanche, op. cit., p. 595.
532
Art. 434 : Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers,
forêts, bois taillis ou récoltes, soit sur pied, soit abattus, soit aussi que les bois soient en tas ou en cordes, et les
récoltes en tas ou en meules, ou à des matières combustibles placées de manière à communiquer le feu à ces
choses ou à l’une d’elles, sera puni de mort.
533
Art. 435 : La peine sera la même contre ceux qui auront détruit, par l’effet d’une mine, des édifices, navires
ou bateaux.
Néanmoins, conformément aux autres infractions politiques, cet article ne distingue pas entre
ceux qui étaient mus par des haines politiques et ceux qui étaient guidés par d’autres passions.
La seule réunion d’éléments purement matériels suffit à constituer l’infraction. Cela permet de
confirmer le constat selon lequel le législateur français n’a opté à aucun moment pour la prise
en compte du mobile de l’agent dans la détermination des infractions à caractère politique.
En conséquence s’il semble que le législateur fasse preuve d’une grande rigueur dans les
domaines relatifs à l’ordre social et au maintien de la paix publique, ce constat peut être
étendu à un autre type d’infractions auquel le législateur de 1830 attribue le caractère de
« politique ». Il s’agit des infractions relatives aux atteintes aux signes et aux symboles de
l’État, lesquelles constituent l’un des piliers les plus importants en matière de défense des
intérêts de la Nation et font partie de la notion de « politique majeure » développée par J.-J.
Chevallier.

B-/ Les atteintes aux signes et aux symboles de l’autorité


publique

Au titre des atteintes aux signes et aux symboles de l’autorité publique, le législateur de 1830
a érigé diverses infractions qui ont pour point commun, outre l’atteinte à la sûreté intérieure,
d’altérer le bon fonctionnement de l’État ou de le discréditer.
Ces infractions poursuivent deux objectifs distincts, l’un résidant dans la volonté de
discréditer l’autorité de l’État, l’autre résidant dans le dessein de paralyser ou d’altérer le bon
fonctionnement des institutions.
Néanmoins ces infractions ne sont pas toujours applicables à tous les individus dans la mesure
où certaines nécessitent de la part de leur auteur, une qualité particulière. La liste de ces
atteintes peut ainsi être scindée en deux catégories, l’une concernant des infractions reposant
sur des actes ou des provocations qui ont pour objet de jeter le discrédit sur l’autorité de l’État
ou d’inciter à la subversion et dont la qualité de l’auteur n’a aucune incidence (1°) et une
autre catégorie, plus restreinte que la première, limitée à certaines personnes et qui concerne
des infractions dont le but est de procéder à un affaiblissement de l’autorité de l’État (2°).

1°/ Une qualification générale indépendante de la qualité de


l’auteur

Ce premier groupe d’infractions dont l’atteinte s’étend aux signes et aux symboles de
l’autorité publique est énuméré par le 3° de l’article 7 de la loi du 8 octobre 1830534, lequel fait

534
Cf. annexe n° 18.
référence à l’article 9 de la loi relative à la presse du 25 mars 1822 535. Alors même que
l’article 9 de la loi du 25 mars 1822 fait partie d’une loi relative à la presse, il présente
néanmoins la particularité de comporter un domaine général s’étend au-delà de la presse, à
toute personne quelle que soit sa qualité. Cet article prévoit trois hypothèses concernant les
atteintes aux signes et aux symboles de l’autorité publique.
En premier lieu est considéré comme constituant un délit politique, le fait d’enlever ou de
dégrader des signes publics de l’autorité royale (ou impériale) en manifestant un caractère de
haine ou de mépris envers cette autorité. Cette disposition illustre particulièrement bien le
caractère sacré de l’autorité royale (ou impériale) et la protection qui lui est accordée.
Afin d’être constituée l’infraction doit réunir cumulativement deux éléments, à savoir un
élément matériel consistant en une atteinte à des signes représentant le pouvoir politique et un
élément moral manifesté par l’hostilité portée à ce pouvoir.
La deuxième disposition de l’article 9 de la loi du 25 mars 1822 à laquelle renvoie la loi de
1830 concerne une forme de prosélytisme politique ou philosophique à travers le fait de porter
publiquement des signes attestant de la part de l’auteur de l’infraction une sympathie ou une
adhésion à une idéologie non autorisée.
Cet article vise lui aussi à protéger le pouvoir et la forme du gouvernement contre ses
adversaires en sanctionnant le port public de signes, de décorations ou autres emblèmes
illégaux. Néanmoins, il convient de noter que cet article est avant tout préventif en ce sens
qu’aucune atteinte n’est exigée, il suffit que l’agent exprime son opposition au gouvernement
par le port de signes ou d’emblèmes illicites. Il s’agit dès lors de sanctionner le danger
potentiel qui peut être engendré par une forme de publicité ou de propagande politique.
Enfin l’article 9 de la loi du 25 mars 1822 comporte une dernière disposition attestant de la
crainte du pouvoir politique du prosélytisme de ses adversaires, en sanctionnant le fait
d’exposer dans des lieux ou réunions publics, ou bien de distribuer ou de mettre en vente des
signes ou des symboles dont l’effet pourrait être de nature à propager l’esprit de rébellion ou
de troubler la paix publique. A travers cet article, il s’agit de prémunir le gouvernement contre
certains actes pouvant entrainer un esprit de révolte ou une guerre civile.

535
Art. 9 : Seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une amende de 100 Francs à 4000
Francs :
1° l'enlèvement ou la dégradation des signes publics de l'autorité royale, opérés en haine ou mépris de cette
autorité ;
2° le port public de tous signes extérieurs de ralliement non autorisés par le roi ou par des règlements de police ;
3° l'exposition dans les lieux ou réunions publics, la distribution ou la mise en vente de tous signes ou symboles
destinés à propager l'esprit de rébellion ou à troubler la paix publique.
Cf. annexe n° 32.
Ces trois dispositions entendent établir un régime protecteur de l’autorité publique en
sanctionnant, tantôt de manière préventive un risque ou un danger, et tantôt de manière
réactive en punissant la manifestation matérielle d’une pensée criminelle et subversive.
Il convient pour chacun de ces cas de lutter efficacement contre les entreprises de
déstabilisation dont peuvent être victimes les institutions constitutionnelles. Notons toutefois
que si les infractions aux signes et aux symboles de l’autorité publique s’appliquent à toute
personne sans considération de sa qualité ou de son appartenance à un corps quelconque, il en
est d’autres qui, tendant à assurer cette même protection de l’autorité publique, ne peuvent
être constituées au contraire qu’à l’égard de certaines personnes.

2°/ Une qualification conditionnée par la qualité de l’auteur

Parmi les infractions aux signes et aux symboles de l’autorité publique que l’on va qualifier
en fonction de la qualité de l’auteur, trois catégories doivent être retenues. Nous allons ainsi
distinguer selon que l’auteur soit un religieux ou bien qu’il appartienne à un corps
administratif.
La première catégorie concerne certains actes qui émanent des religieux (a), la deuxième
catégorie intéresse les fonctionnaires et dépasse dans certains cas la simple personne du
fonctionnaire, pour concerner de manière beaucoup plus large, les administrations (b).

a-) La qualité de ministre d’un culte

Deux séries d’infractions commises par des ministres d’un culte méritent d’être envisagées au
titre des atteintes aux signes et aux symboles de l’autorité publique. Ces infractions acquièrent
le caractère de délit politique en ce qu’elles relèvent du 2° de l’article 7 de la loi du 8 octobre
1830536.
Il s’agit des paragraphes II et IV de la Section III du Chapitre 3 du Titre I du Livre III du
Code pénal. Le paragraphe II correspond aux provocations et autres critiques dirigées contre
l’autorité publique dans un discours pastoral d’une part, et le paragraphe IV fait référence aux
correspondances des ministres des cultes avec des États étrangers sans autorisation du
gouvernement d’autre part.

• Les critiques, censures ou provocations dirigées contre l’autorité publique dans un


discours pastoral prononcé publiquement
Cette première série d’infractions développée par le paragraphe II de la Section III du
Chapitre 3 du Titre I du Livre III du Code pénal concerne les critiques, censures ou

536
Cf. annexe n° 18.
provocations dirigées contre l’autorité publique dans un discours pastoral prononcé
publiquement et comprend trois articles.
Le premier de ces articles, l’article 201537 comporte un domaine relativement large et
important dans la mesure où il permet de poursuivre tout ministre de culte pour des propos
calomnieux ou séditieux tenus dans le cadre de son office, lorsqu’il émane de ceux-ci une
censure ou une critique de la politique du gouvernement.
Cet article dispose d’un domaine important en ce qu’il concerne aussi bien la critique du
gouvernement que celle d’une loi, d’une ordonnance ou de tout autre acte élaboré par
l’autorité publique.
Il correspond originairement à l’ambition du législateur développée par J.-A. Rogron 538, de
réprimer de « coupables efforts funestes à la sécurité publique » et toutes les « déclamations
du fanatisme, prêchant le désordre et l’anarchie au nom d’une religion de paix et d’amour ».
Ce délit est considéré comme politique eu égard à son aspect subversif et attentatoire à la paix
publique et à la légitimité de l’autorité publique.
Toujours dans la même logique de défendre l’autorité publique contre des entreprises de
subversion initiées par des religieux, l’article 202539 du Code pénal prévoit un alourdissement
des peines en raison de la gravité accrue de certains faits.
Il s’agit, à l’instar de l’article 201, de protéger le gouvernement en place et le maintien de la
paix publique contre toute provocation de la part des ministres des cultes, mais avec cette
différence que le discours ne doit plus seulement tendre à critiquer un acte du gouvernement.
L’article 202 prévoit expressément les cas d’une provocation à la désobéissance aux lois ou
aux actes du gouvernement, ou d’une provocation à la guerre.
Par ailleurs cet article distingue deux hypothèses selon que la provocation ait ou non produit
un effet. C’est ainsi que dans l’hypothèse où la provocation à la sédition ou à la révolte aurait
produit ses effets, la peine encourue consistera en une peine de bannissement, contre une
« simple » peine d’emprisonnement de deux à cinq ans si la provocation est restée
infructueuse.

537
Art. 201 : Les ministres des cultes qui prononceront, dans l’exercice de leur ministère, et, en assemblée
publique, un discours contenant la critique ou censure du Gouvernement, d’une loi, d’une ordonnance royale ou
de tout autre acte de l’autorité publique, seront punis d’un emprisonnement de trois mois à deux ans.
538
J.-A. Rogron, op. cit., p. 155.
539
Art. 202 : Si le discours contient une provocation directe à la désobéissance aux lois ou aux autres actes de
l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte
qui l’aura prononcé sera puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans, si la provocation n’a été suivie d’aucun
effet ; et du bannissement, si elle a donné lieu à désobéissance, autre toutefois que celle qui aurait dégénéré en
sédition ou révolte.
Enfin l’article 203540 du Code pénal complète les deux précédents articles en réprimant d’une
peine supérieure au bannissement l’auteur de la provocation. Il s’agit par cette disposition
d’établir une forme de complicité à l’égard du ministre du culte auteur d’une provocation
lorsque cette dernière a donné lieu à une sédition ou une révolte dont la nature a entrainé chez
ses auteurs des peines supérieures au bannissement.
Autrement dit lorsque le fait incriminé fait encourir la peine capitale aux auteurs de la sédition
ou de la révolte, cette peine s’étend au ministre du culte auteur de la provocation 541, considéré
comme l’initiateur ou l’instigateur de l’infraction eu égard à l’influence qu’il a exercé sur les
agents.
Si à l’issue de l’examen de ces trois articles on peut retenir que les ministres des cultes
engagent leur responsabilité pénale pour des faits de provocation, leurs correspondances font
également l’objet d’une attention particulière du législateur.

• Les correspondances des ministres des cultes avec des cours ou des puissances
étrangères
La question des correspondances des ministres des cultes fait l’objet du paragraphe IV de la
Section III du Chapitre 3 du Titre I du Livre III du Code pénal. Au titre du 2° de l’article 7 de
la loi du 8 octobre 1830542, ledit paragraphe IV est considéré comme relevant des délits
politiques.
Ce paragraphe du Code pénal renvoi à la notion de sûreté extérieure de la Nation. Mais à la
différence des articles 75 à 85 du Code pénal relatifs à la sûreté extérieure, le paragraphe IV
fait référence à des matières non plus politiques mais religieuses. Ce paragraphe porte sur la
correspondance des ministres des cultes avec des cours ou des puissances étrangères et il
comprend deux articles.
D’abord, à travers l’article 207543 du Code pénal, est réprimé le fait pour un ministre du culte,
d’avoir entretenu avec une puissance étrangère, des correspondances sans en avoir informé les
autorités françaises compétentes et sans en avoir obtenu leur permission.

540
Art. 203 : Lorsque la provocation aura été suivie d’une sédition ou révolte dont la nature donnera lieu contre
l’un ou plusieurs des coupables à une peine plus forte que celle du bannissement, cette peine, quelle qu’elle soit,
sera appliquée au ministre coupable de la provocation.
541
Cet article illustre particulièrement bien les règles légales de l’époque en matière de complicité traduites par la
notion selon laquelle le complice est puni comme l’auteur.
542
Cf. annexe n° 18.
543
Art. 207 : Tout ministre d’un culte qui aura, sur des questions ou matières religieuses, entretenu une
correspondance avec une cour ou une puissance étrangère, sans en avoir préalablement informé le ministre du roi
chargé de la surveillance des cultes, et sans avoir obtenu son autorisation, sera, pour ce seul fait, puni d’une
amende de cent francs à cinq cent francs, et d’un emprisonnement d’un mois à deux ans.
Il convient de noter que les conditions constitutives de ce délit exigent la réunion cumulative
de deux éléments à savoir l’absence d’information au ministre responsable de la surveillance
des cultes et l’absence d’autorisation de ce dernier.
En conséquence, dès lors qu’un ministre de culte a transmis à l’autorité publique compétente
une demande d’autorisation de correspondance avec une puissance étrangère, l’initiateur de la
demande ne pourra pas être poursuivi sur le fondement de cet article au seul motif qu’il aurait
passé outre le défaut d’autorisation.
Il convient toutefois d’observer dans cette hypothèse, que l’objet de la correspondance qui
serait intervenue en violation du défaut d’autorisation, doit être conforme avec la demande qui
avait été transmise à l’autorité publique française.
Aussi peut-on relever que si la loi ne retient pas le seul défaut d’autorisation au titre des
conditions constitutives de cette infraction, la raison est que c’est avant tout un mécanisme de
contrôle et de surveillance que vise à établir l’article 207. Autrement dit, cet article se
positionne principalement dans une optique préventive, à l’instar des articles 106 à 108 et 291
à 294 du Code pénal, et des 2° et 3° de l’article 9 de la loi du 25 mars 1822.
L’article 207 du Code pénal reste toutefois muet sur l’objet et les motivations desdites
correspondances. Il entend avant tout sanctionner l’opacité des rapports entre les ministres des
cultes officiant sur le territoire français et les puissances étrangères. Mais il demeure
indifférent à la position de la puissance étrangère à l’égard de la France, qu’elle soit neutre,
alliée ou ennemie.
Par ailleurs, en complément à l’article 207, l’article 208544 du Code pénal prévoit des peines
plus lourdes dans le cas où, à l’absence d’information et au défaut d’autorisation du
gouvernement, serait adjointe la perpétration de faits délictueux. Cet article ne fait qu’évoquer
une circonstance aggravante de l’article 207, mais il illustre bien l’idée selon laquelle le
contrôle du gouvernement doit être étendu dans un objectif préventif de sauvegarde de la
sûreté de la Nation.
Ces deux articles demeurent néanmoins marginaux dans la mesure où, hormis le caractère
d’extranéité qui les guide, leur nature particulière engendre le fait que les juridictions n’aient
pas eu à se prononcer très souvent sur de telles incriminations.

544
Art. 208 : Si la correspondance mentionnée en l’article précédent a été accompagnée ou suivie d’autres faits
contraires aux dispositions formelles d’une loi ou d’une ordonnance du roi, le coupable sera puni du
bannissement, à moins que la peine résultant de la nature de ces faits ne soit plus forte, auquel cas cette peine
plus forte sera seule appliquée.
Notons enfin que ces deux articles concernent des délits qui supposent des éléments
semblables aux articles 75 à 85 du Code pénal qui portent sur la sûreté extérieure de l’État.
Néanmoins leur nature diffère en ce sens que les articles 207 et 208 concernent des matières
religieuses et s’inscrivent dans une politique de surveillance et de contrôle de la part de
l’autorité publique, elle même inscrite dans un dessein supérieur de sauvegarde des symboles
de l’autorité publique.
A côté de ces articles, le législateur de 1830 a aussi érigé en délits politiques d’autres
infractions qui, au titre des infractions contre les signes et les symboles de l’autorité publique,
ne peuvent être commises que par certaines personnes. La qualité conditionnant leur
qualification est celle relative à la fonction de l’agent.

b-) La qualité de fonctionnaire

La loi du 8 octobre 1830 assimile à des délits politiques certains crimes et délits commis par
les fonctionnaires. Elle prévoit à ce titre deux types d’infractions.
Vont ainsi être considérées comme des infractions politiques les coalitions de fonctionnaires
d’une part, et les empiètements des autorités administratives et judiciaires d’autre part.

• Les coalitions de fonctionnaires

Parmi les articles visés par le 1° de l’article 7 de la loi du 8 octobre 1830, quatre d’entre eux
exigent de la part de l’auteur des faits une qualité spécifique. Il s’agit des articles 123 à 126 du
Code pénal. Ces articles forment la Section III du Chapitre II du Titre I du Livre III du Code
pénal et portent sur les coalitions de fonctionnaires.
Tout d’abord plusieurs observations méritent d’être avancées concernant l’article 123545 du
Code pénal. Comme l’explique J. Carnot546, l’article 123 ne s’applique que restrictivement en
ce qu’il n’est applicable qu’aux fonctionnaires et « non à tous les individus quelconques ».
En effet, la formulation employée par cet article peut paraître floue et ambigüe. Cela est
notamment le cas s’agissant de l’idée de réunion d’individus. Or à travers cette idée de
réunion d’individus il faut entendre la qualité de fonctionnaires ou d’officiers publics qui
n’appartiennent pas à un même corps.
Autrement dit cet article est applicable à toute personne dépositaire d’une partie de l’autorité
publique, qu’elle soit civile ou militaire. La seule nuance à apporter est celle du caractère de

545
Art. 123 : Tout concert de mesures contraires aux lois, pratiqué soit par la réunion d’individus ou de corps
dépositaires de quelque partie de l’autorité publique, soit par députation ou correspondance entre eux, sera puni
d’un emprisonnement de deux mois au moins et de six mois au plus, contre chaque coupable, qui pourra de plus
être condamné à l’interdiction des droits civiques, et de tout emploi public, pendant dix ans au plus.
546
J. Carnot, op. cit., pp. 412 et 413.
la réunion, selon qu’elle soit composée de personnes appartenant à des corps différents ce qui
résulte des termes de réunion d’individus ou bien de personnes appartenant à un même corps,
ce qui résulte de la notion de corps dépositaires de quelque partie de l’autorité publique.
Par ailleurs cet article ne vise à prononcer que des peines correctionnelles et individuelles
contre chacun des membres ayant pris part au concert. Il ne s’agit pas de prononcer des peines
criminelles, une telle qualification résulte de l’article 124547 du Code pénal.
En outre, J. Carnot illustre le caractère facultatif de l’interdiction des droits civiques et de
l’interdiction d’exercer un emploi public à travers l’utilisation du verbe pouvoir lorsque
l’article dispose que chaque coupable « pourra » être condamné à l’interdiction des droits
civiques et de tout emploi public.
En conséquence le juge doit tenir compte du degré de participation de chacun à l’infraction
afin de moduler et d’adapter la peine en fonction du degré de responsabilité de chacun des
agents auteurs de l’infraction.
Si l’article 123 relève d’une nature correctionnelle, d’autres hypothèses plus graves sont
prévues par l’article 124 du Code pénal et sont de nature criminelle. Il s’agit dans cet article
de sanctionner le crime de concert entre fonctionnaires et autres agents publics dans le but de
s’opposer à l’exécution des lois ou aux ordres du gouvernement.
L’article 124 prévoit également une cause d’aggravation de la pénalité lorsque le concert a eu
lieu entre des autorités civiles et des autorités militaires. Une telle hypothèse illustre le plus
souvent la réalisation ou la préparation d’une tentative de renversement de régime548.
Comme le rappel J. Carnot549, à la différence de l’article 123 du Code pénal à travers lequel
les prévenus peuvent alléguer « un oubli ou une inadvertance de quelques dispositions
prohibitives », en empêchant ou en voulant empêcher l’exécution d’une loi ou d’un ordre
positif, le domaine de l’article 124 sous-entend de la part des auteurs du concert un dol
spécial.
Autrement dit la qualification de crime s’explique d’une part par la gravité des conséquences
de l’infraction, et d’autre part du fait du caractère de l’intention qui manifeste chez les auteurs

547
Art. 124 : Si, par l’un des moyens exprimés ci-dessus, il a été concerté des mesures contre l’exécution des lois
ou contre les ordres du gouvernement, la peine sera le bannissement. Si ce concert a eu lieu entre les autorités
civiles et les corps militaires ou leurs chefs, ceux qui en seront les auteurs ou provocateurs seront punis de la
déportation ; les autres coupables seront bannis.
548
Témoigne de l’aspect particulièrement subversif d’un concert entre autorités civiles et militaires, J. Carnot,
op. cit., p. 415. Ce dernier explique qu’un tel amalgame entre les autorités civiles et les corps militaires ou leurs
chefs, peut devenir « fort dangereux » pour le gouvernement.
549
Ibid. pp. 414 et 415.
de l’infraction tant la connaissance du caractère illégal des mesures concertées que la volonté
d’atteindre un résultat déterminé.
Une autre précision mérite d’être apportée quant à la terminologie. Il s’agit de se poser la
question de savoir ce que l’on entend par ordres du gouvernement. Il semble que l’on assimile
ces ordres à ceux qui émanent expressément du gouvernement du roi, de l’empereur ou du
président, c’est-à-dire tout ordre qui se retrouve revêtu de la signature d’un ministre
responsable550.
Si l’article précédent n’envisage pas explicitement le but de l’infraction et se borne à faire
constater que les auteurs ont eu connaissance de son caractère illicite et qu’ils ont cherché à
l’atteindre, l’article 125551 du Code pénal va plus loin en prévoyant une pénalité accrue
lorsque l’objectif du concert a porté sur la réalisation d’un complot attentatoire à la sûreté
intérieure de l’État.
Comme l’illustre J. Carnot552, il s’agit en effet d’une aggravation de la pénalité prévue par
l’article 124 résultant de l’aggravation du crime prévu par ce même article dès lors que l’on
peut relever la volonté d’un complot attentatoire à la sûreté intérieure de l’État.
Relativement à la condition d’atteinte à la sûreté intérieure, le juge doit relever
nécessairement au titre de l’objet ou du résultat du concert, l’un des crimes prévus dans la
Section II du Chapitre I du Titre I du Livre III du Code pénal553.
Enfin une dernière forme de responsabilité des fonctionnaires est prévue au titre des atteintes
aux signes et aux symboles de l’autorité publique. Cette responsabilité résulte de l’article
126554 du Code pénal et prévoit la qualification de forfaiture pour les fonctionnaires publics
qui auraient, toujours manière concertée, projeté de donner des démissions dans le but
d’attenter à la bonne marche ou à la continuité d’un service public.

550
Cf. J. Carnot, Ibid. p. 415. Pour ce pénaliste, on ne « peut pas donner aux ordres des préfets et des autres
agents subalternes du gouvernement, une autorité qu’ils n’ont pas et qu’ils ne peuvent avoir ».
551
Art. 125 : Dans le cas où ce concert aurait eu pour objet ou résultat un complot attentatoire à la sûreté
intérieure de l’État, les coupables seront punis de mort, et leurs biens seront confisqués.
552
J. Carnot, op. cit., p. 416. Selon J. Carnot, l’article 125 « n’est que le corollaire de l’article 124. C’est comme
si cet article avait dit que la peine de la déportation serait convertie en celle de mort, si le complot était
attentatoire à la sûreté intérieure de l’État ».
553
C’est-à-dire essentiellement les articles 91 à 101. Comme le démontre J. Carnot (ibid., p. 417), afin de
motiver la condamnation fixée par l’article 125, « il devrait être déclaré, d’une manière formelle, que le concert
avait eu pour objet ou qu’il aurait eu pour résultat l’un des crimes mentionnés dans les articles de la deuxième
section du Chapitre II ».
554
Art. 126 : Seront coupables de forfaiture, et punis de la dégradation civique, les fonctionnaires publics qui
auront, par délibération, arrêté de donner des démissions dont l’objet ou l’effet serait d’empêcher ou de
suspendre soit l’administration de la justice, soit l’accomplissement d’un service quelconque.
Afin d’être constitué, l’article 126 ne nécessite que deux éléments. Le premier élément est un
élément matériel consistant en la tenue d’une « simple délibération de donner des
démissions555 ». Il s’agit de la manifestation d’une coalition illustrant un objet commun
tendant à aboutir à des démissions.
Le second élément résulte de l’intention des membres de la coalition, dès lors qu’elle exprime
la volonté d’altérer temporairement ou pour une durée indéterminée, le bon fonctionnement
d’un service public.
Outre les coalitions de fonctionnaires, le législateur de 1830 répute également au titre des
délits politiques, les empiètements des autorités administratives et judiciaires.

• Les empiètements des autorités administratives et judiciaires

Ces délits portant sur les empiètements des autorités administratives et judiciaires sont
considérés comme des infractions politiques en vertu du 1° de l’article 7 de la loi du 8 octobre
1830. Ils relèvent de la Section IV du Chapitre II du Titre I du Livre III du Code pénal et sont
prévus par les articles 127 à 131.
Ces articles furent vivement critiqués par certains auteurs comme F.-N. Bavoux 556 qui
voyaient à travers la Section IV du Code pénal, « la faculté de frapper avec l’autorité
judiciaire l’autorité administrative, et vice versa, tout y étant soigneusement prévu pour tous
les fonctionnaires publics » sauf pour les ministres qui étaient au dessus ou en dehors des lois.
L’article 127557 consiste à retenir la forfaiture à l’égard de certains fonctionnaires publics pour
leur immixtion dans l’exercice du pouvoir législatif ou dans l’exercice d’autres autorités
administratives.
Cet article est en partie critiqué par F. Hélie et A. Chauveau 558. Ils estiment que la raison
d’être de cet article est « chimérique » dans la mesure où les fondements sur lesquels repose la
magistrature ainsi que sa mission sociale « ne lui permettent aucune sorte d’empiètement ».

555
J. Carnot, op. cit., p. 417.
556
F.-N. Bavoux, Leçons préliminaires sur le Code pénal, Paris, 1821, p. 105.
557
Art. 127 : Seront coupables de forfaiture, et punis de la dégradation civique : 1° les juges, les procureurs
généraux ou du roi, ou leurs substituts, les officiers de police, qui se seront immiscés dans l’exercice du pouvoir
législatif, soit par des règlements contenant des dispositions législatives, soit en arrêtant ou en suspendant
l’exécution d’une ou de plusieurs lois, soit en délibérant sur le point de savoir si les lois seront publiées ou
exécutées ; 2° Les juges, les procureurs généraux ou du roi, ou leurs substituts, les officiers de police judiciaire,
qui auraient excédé leur pouvoir, en s’immisçant dans les matières attribuées aux autorités administratives, soit
en faisant des règlements sur ces matières, soit en défendant d’exécuter les ordres émanés de l’administration, ou
qui, ayant permis ou ordonné de citer des administrateurs pour raison de l’exercice de leurs fonctions, auraient
persisté dans l’exécution de leurs jugements et ordonnances, nonobstant l’annulation qui en aurait été prononcée
ou le conflit qui leur aurait été notifié.
558
F. Hélie et A. Chauveau, op. cit., Tome II, p. 245.
Ces pénalistes considèrent néanmoins qu’une telle disposition applicable à des fonctionnaires
autres que ceux appartenant à la magistrature serait plus judicieuse. En effet, pour eux « la
sollicitude de la loi aurait dû se tourner principalement vers l’administration » en ce qu’elle
est soumise à des règles « moins sures » que la magistrature et parce qu’elle peut plus
aisément « se laisser entrainer à des envahissements de pouvoir ».
En outre, A. Chauveau et F. Hélie confortent leur opinion par l’idée selon laquelle
l’indépendance du pouvoir judiciaire est supérieure et « plus précieuse » que celle de
l’autorité administrative559 parce que l’autorité judiciaire représente la sauvegarde des droits
des citoyens et qu’elle est le « seul refuge contre l’arbitraire ».
En revanche l’article 130560 assure une certaine indépendance du pouvoir judiciaire contre les
autorités administratives en sanctionnant les auteurs d’arrêtés généraux dont le dessein serait
d’empiéter sur le pouvoir judiciaire en lui intimant des ordres.
Cet article est d’autant plus nécessaire selon A. Chauveau et F. Hélie 561, que les excès de
pouvoir sont le plus souvent commis par l’autorité administrative.
Par ailleurs, la peine sanctionnant les fonctionnaires publics justiciables de l’article 130 du
Code pénal ne leur semble pas insuffisante dans la mesure où les actes administratifs sont
« en général plus spontanés et moins réfléchis » que ceux des magistrats, ce qui témoigne
d’une criminalité moins intense562.
Si les articles 127 et 130 du Code pénal suscitent chez F. Hélie et A. Chauveau un certain
nombre d’observations563, les autres articles concernant les empiètements des autorités
administratives et judiciaires ne semblent pas emporter de difficultés particulières.
Ainsi l’article 128564 concerne une forme négative de déni de justice se matérialisant à travers
le fait, pour un magistrat saisi d’un conflit régulièrement introduit, de passer outre le conflit et
de statuer au fond.

559
Ibid., p. 246.
560
Art. 130 : Les préfets, sous-préfets, maires et autres administrateurs qui se seront immiscés dans l’exercice du
pouvoir législatif, comme il est dit au n° 1 de l’article 127, ou qui se seront ingérés de prendre des arrêtés
généraux tendant à intimer des ordres ou des défenses quelconques à des cours ou tribunaux, seront punis de la
dégradation civique.
561
A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome II, p. 247.
562
Pour A. Chauveau et F. Hélie, ibid., entre les empiètements d’une autorité administrative et ceux de l’autorité
judiciaire, le délit moral, consistant en une usurpation du pouvoir, est identique. La différence réside dans la
manifestation de cette usurpation qui est le plus souvent méticuleusement réfléchie de la part des magistrats alors
qu’elle demeure plus spontanée chez les agents de l’ordre administratif.
563
Ibid., pp. 246 à 250.
564
Art. 128 : Les juges qui, sur la revendication formellement faite par l’autorité administrative d’une affaire
portée devant eux, auront néanmoins procédé au jugement avant la décision de l’autorité supérieure, seront punis
chacun d’une amende de seize francs au moins et de cent cinquante francs au plus. Les officiers du ministère
public qui auront fait des réquisitions ou donné des conclusions pour ledit jugement, seront punis de la même
peine.
L’article 129565 apporte un complément aux dispositions du précédent article, en ajoutant la
possibilité de prononcer une amende contre le magistrat qui, sans autorisation du
gouvernement, aura rendu une ordonnance ou décerné un mandat contre tout agent ou préposé
d’une autorité administrative prévenu de crime ou de délit commis dans l’exercice de ses
fonctions.
En effet, le magistrat n’est limité dans une telle situation qu’à l’égard de son pouvoir coercitif
sur la liberté personnelle du prévenu, pouvoir qui n’est d’ailleurs que suspendu. Les autres
pouvoirs du magistrat ne sont aucunement altérés, aussi doit-il toujours rechercher tout acte
permettant de constater le crime ou le délit et de démasquer son ou ses auteurs.
En conséquence l’article 129 n’apporte une dérogation à l’étendue des pouvoirs du magistrat
que temporairement et que concernant les actes juridiques portant sur la liberté du prévenu
fonctionnaire public566. Excepté cette limite, le magistrat conserve la plénitude de ses
pouvoirs.
Il convient enfin d’évoquer une dernière disposition qui est le corolaire des articles 128 et 129
du Code pénal et qui porte sur les empiètements de l’autorité administrative sur l’autorité
judiciaire. Cette disposition est contenue à l’article 131567 du Code pénal et entend prononcer
des peines d’amende contre les administrateurs c’est-à-dire les préfets, sous-préfets, maires et
autres administrateurs568 qui se seront immiscés dans certaines des fonctions relevant du
pouvoir judiciaire.
Cet article manifeste une certaine insuffisance en ce qu’il ne dispose que concernant les droits
et intérêts privés des citoyens. Or, dès les années 1820-1830 les tribunaux sont également
compétents pour connaître des droits politiques des citoyens.
En ne sanctionnant les administrateurs que pour des immixtions relatives aux droits privés
des citoyens, l’article 131 s’avère trop restrictif et incomplet selon A. Chauveau et F. Hélie 569.
En effet, pour ces derniers, il serait « nécessaire que la prohibition s’étendit jusqu’aux

565
Art. 129 : La peine sera d’une amende de cent francs au moins et de cinq cents francs au plus contre chacun
des juges qui, après une réclamation légale des parties intéressées ou de l’autorité administrative, auront, sans
autorisation du Gouvernement, rendu des ordonnances ou décerné des mandats contre ses agents ou préposés,
prévenus de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. La même peine sera appliquée aux
officiers du ministère public ou de police qui auront requis lesdites ordonnances ou mandats.
566
Cf. A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome II, p. 251. Ces criminalistes expliquent que « le pouvoir du
magistrat n’est suspendu qu’en ce qui concerne la liberté personnelle de l’agent inculpé […] Mais tous les actes
qui se rattachent à la constatation du crime et à la recherche de ses auteurs restent dans le droit commun ».
567
Art. 131 : Lorsque ces administrateurs entreprendront sur les fonctions judiciaires en s’ingérant de connaître
de droits et intérêts privés du ressort des tribunaux, et qu’après la réclamation des parties ou de l’une d’elles, ils
auront néanmoins décidé l’affaire avant que l’autorité supérieure ait prononcé, ils seront punis d’une amende de
seize francs au moins et de cent cinquante francs au plus.
568
A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome II, p. 254.
569
Ibid., p. 255.
contestations relatives à ces droits [les droits politiques], lorsque la loi en a réservé la
décision au pouvoir judiciaire ».
Pour conclure, il convient de noter que ces articles portant sur les empiètements des autorités
administratives et judiciaires, ont reçu en pratique une application extrêmement faible. Mais
parce qu’ils forment la sanction nécessaire de l’un des principes des plus importants de l’ordre
constitutionnel français c’est-à-dire de « l’harmonie des pouvoirs publics570 », ces articles qui
ne reçurent quasiment aucune application en pratique, s’imposaient en revanche dans la
théorie comme étant des mécanismes d’une grande valeur pour le respect du principe de
séparation des pouvoirs.
Parce qu’ils sont des moyens juridiques permettant d’assurer la cohésion et l’harmonie entre
les pouvoirs politiques et qu’en conséquence ils doivent permettre d’assurer la continuité des
gouvernements et le maintien de l’organisation sociale, ces articles s’inscrivent dans la
philosophie du législateur de 1830 d’ériger au titre des délits politiques toutes les infractions
susceptibles de porter atteinte à l’organisation générale de la société.
Or cette seule organisation générale de la société ne devait pas à elle seule relever du domaine
de l’infraction politique, une protection similaire devait être donnée à l’un des organes la
composant, cet organe étant représenté par le gouvernement.

§ II – Une protection indirecte des intérêts de la


Nation à travers la sauvegarde de la notion de
« politique mineure »

A côté de l’idée de « politique majeure » illustrée par la défense des intérêts résultant de
« l’organisation générale de la Cité571 », se profilent d’autres dispositions tendant à protéger
exclusivement l’une des entités composant l’organisation sociale de la société : le
gouvernement.
Correspondant à l’idée de « politique mineure », le gouvernement n’est qu’un des organes de
l’État. Toutefois son rôle au sein de l’organisation sociale, indépendamment de ses qualités et
de ses défauts, constitue un rôle essentiel que les législateurs successifs ont entendu protéger
et sauvegarder. C’est notamment par le biais des dispositions relatives à la sûreté intérieure de
l’État que la sûreté du gouvernement est assurée.

570
Ibid.
571
J.-J. Chevallier, op. cit., p. 1.
En effet, le législateur de 1830 qualifie d’infractions politiques certains crimes et délits dont
l’objectif n’est plus d’assurer la protection générale de la Nation, mais une protection plus
indirecte et atténuée, celle des intérêts du gouvernement. C’est ainsi qu’il retient dans son
énumération, les infractions dirigées contre le prince (A) et les infractions dirigées contre
l’ordre constitutionnel (B).

A-/ Les attentats dirigés contre le prince et sa famille

Ces articles visent essentiellement la forme du gouvernement et la protection successive des


familles royales, impériales et de la personne des présidents de la République. Aussi ces
articles ont-ils vocation à assurer la protection respectivement des Bourbon, des Orléans et
des Bonaparte, et ne reçoivent qu’une application atténuée lors des gouvernements
républicains.
Préalablement à l’étude du contenu de ces articles considérés comme relevant de la catégorie
des infractions politiques, il convient d’illustrer l’idée selon laquelle la théorie objective du
délit politique est pleinement affirmée.
Dans de telles infractions, le législateur français retient non pas l’atteinte à la vie de la
personne humaine dans son sens général et absolu, mais une atteinte bien plus spécifique se
caractérisant par une atteinte à la vie du prince. Autrement dit, il s’agit d’assurer la sûreté de
la Nation à travers le chef du pouvoir exécutif. C’est l’expression la plus solennelle du crime
de régicide.
Le premier article à faire référence à la protection des princes et de leurs familles est l’article
86572 du Code pénal. Cet article, résiduel des lois de lèse-majesté d’Ancien Régime, fixe
l’incrimination la plus lourde dans le droit criminel de l’époque, c’est-à-dire celle du
parricide573.
Il convient néanmoins d’observer que la qualification de parricide n’est prononcée que contre
celui qui attente à la vie ou à la personne du prince, les attentats à la vie ou à la personne des
autres membres des familles royales ou impériales étant sanctionnées par la « simple » peine
de mort.
572
Art. 86 : L’attentat contre la vie ou contre la personne du roi est puni de la peine du parricide. L’attentat
contre la vie ou contre la personne des membres de la famille royale est puni de la peine de mort. Toute offense
commise publiquement envers la personne du roi sera punie d’un emprisonnement de six mois à cinq ans, et
d’une amende de cinq cents à dix mile francs. Le coupable pourra, en outre, être interdit de tout ou partie des
droits mentionnés en l’art. 42, pendant un temps égal à celui de l’emprisonnement auquel il aura été condamné.
Ce temps courra à partir du jour où le coupable aura subi sa peine.
573
Ce terme communément admis pour désigner celui qui ôte la vie à son père, sa mère ou quelque autre
ascendant, est entendu ici dans un sens différent correspondant à l’idée de régicide, c’est-à-dire celui qui attente
à la vie d’un souverain. L’idée est que ce dernier est établi dans une fonction l’inscrivant dans un lien parenté
avec ses sujets comparable à celui d’un parent sur ses descendants. Ce terme synonyme de régicide est
étroitement lié à la notion de lèse-majesté.
Outre la protection à l’intégrité et à la vie de la personne des souverains et des membres de
leurs familles, cet article entend également assurer un certain respect du souverain en
incriminant les offenses faites à son égard. En sanctionnant ces offenses, le législateur a
entendu punir tout acte d’outrage574, de diffamation ou d’injure575 ce qui permet de poursuivre
aisément de nombreux comportements irrévérencieux et irrespectueux à l’égard du souverain,
particulièrement en matière de presse.
Plus généralement, concernant cette dernière disposition, il convient de noter la présence de
deux conditions substantielles, à savoir que l’offense ait été commise publiquement d’une part
et envers la personne du roi d’autre part. Autrement dit, sur ce dernier point, le fait d’offenser
la qualité de roi en général sans faire référence à un prince particulier ne peut donner lieu à
des poursuites sur la base de cette qualification.
Une dernière remarque doit être faite concernant cette disposition. Toute offense qui serait
faite à l’égard d’un des membres d’une famille royale ou impériale ne peut donner lieu à
l’application de l’article 86, lequel ne vise que le prince. Il convient dès lors de recourir à
d’autres qualifications comme celles par exemple, du délit de diffamation ou des lois en
matière de délits de presse.
Au-delà de la personne, la fonction royale ou impériale est également protégée en tant
qu’institution par l’article 87576 du Code pénal. Cet article sanctionne l’attentat inscrit dans un
dessein de renversement du gouvernement ou d’une dynastie.
En effet, la disposition de l’article 87 punit de la peine de mort le fait d’attenter à la continuité
du gouvernement. Cette disposition fait indirectement référence aux coups d’État tendant
aussi bien à détruire le gouvernement établi qu’à le remplacer. Le terme « gouvernement »
s’entend ici au sens de l’institution royale ou impériale577.
En outre cet article prévoit la peine capitale pour tout attentat visant à modifier l’ordre de
successibilité au Trône. Par cette disposition, le législateur entend réprimer sévèrement toute
574
A la différence des autres notions de diffamation ou d’injure, la notion d’outrage est relativement confuse et
vague. Elle ne sera véritablement définie par la jurisprudence que très tardivement. Sa définition résulte d’un
arrêt de la Cour de cassation du 8 mai 1891. Cf. annexe n° 33. Selon cet arrêt l’outrage s’entend de « tout ce qui
peut blesser ou offenser la personne à qui il est adressé […]. Il n’est point nécessaire que la parole ou l’écrit
incriminé soit caractérisé par un mot grossier, un terme de mépris ou une invective. L’outrage peut se rencontrer
sous des expressions en apparence inoffensives ou même polies ; il existe légalement dès que, en réalité, ces
expressions, quelle qu’en soit la forme extérieure, comportent en raison des circonstances un sens injurieux ou
diffamatoire ».
575
Cf. J. Carnot, op. cit., p. 306 ; cf. également A. Sabourdin, op. cit., pp. 26 à 28.
576
Art. 87 : L’attentat dont le but sera, soit de détruire, soit de changer le Gouvernement ou l’ordre de
successibilité au Trône, soit d’exciter les citoyens ou habitants à s’armer contre l’autorité royale, sera puni de
mort.
577
Le gouvernement s’entend ici dans son sens « étroit » et constitutionnel. Il s’agit de la coloration
constitutionnelle du pouvoir, c’est la forme républicaine, monarchique ou impériale du pouvoir. Cf. J.-J.
Chevallier, op. cit., pp. 1 et 2.
entreprise politique visant à écarter la famille du prince ou au sein d’une même famille,
d’écarter un ou plusieurs de ses membres, en violation des règles dévolutives de la couronne.
Là encore, le texte subit de profondes mutations au XIX ème siècle. Alors qu’il concernait
l’empereur et sa famille dans la rédaction originelle du Code pénal de 1810, il est modifié en
1814 au profit des Bourbon sous la Restauration, puis des Orléans sous la Monarchie de
Juillet pour être adapté lors de la deuxième République 578 et rétabli au profit des Bonaparte
sous le second Empire.
L’article 87 est complété par l’article 88 579 qui dispose de manière très concise que la
tentative, au même titre que l’exécution, constitue l’attentat. Dès lors le résultat est indifférent
à l’exercice des poursuites.
Le seul constat de la participation de l’agent à l’attentat, quel que fut le résultat, suffira à
engager sa responsabilité. Cet article illustre la rigueur héritée du Code de 1810 qui assimile
la tentative à l’exécution et permet par ce biais de punir sévèrement les auteurs d’une tentative
au même titre que ceux qui auraient exécuté leurs plans.
De la même manière, le simple complot est sévèrement réprimé. Il s’agit là aussi d’user de
mécanismes particulièrement coercitifs et intimidants contre les volontés criminelles
d’attenter aux dynasties régnantes.
Sous la disposition de l’article 89580 du Code pénal, est prévue la répression de tout complot
dont le but serait d’attenter à la personne ou à la vie du prince, d’attenter à la vie des membres
de la famille du prince, ou qui aurait pour dessein de changer ou de détruire le gouvernement
ou l’ordre de successibilité au Trône581. En outre, le complot qui poursuivrait l’objectif
d’exciter les citoyens à s’armer contre l’autorité royale ou impériale est également sanctionné
par cet article.

578
Afin d’attester du maintien et de l’adaptation à une nouvelle forme de gouvernement des textes qui protègent
la forme particulière de certaines institutions politiques déchues, il convient notamment de se reporter à un arrêt
de la Cour de cassation du 17 février 1849. Cf. annexe n° 25.
En effet, en vertu de cet arrêt, si certaines dispositions d’un article tendant à protéger une institution sont
abrogées tacitement, l’article ne cesse toutefois pas de demeurer en vigueur pour le reste de ses autres
dispositions dès lors qu’elles ne sont pas inconciliables avec la nouvelle forme du gouvernement.
579
Art. 88 : L’exécution ou la tentative constitueront seules l’attentat.
580
Art. 89 : Le complot ayant pour but les crimes mentionnés aux art. 86 et 87, s’il a été suivi d’un acte commis
ou commencé pour en préparer l’exécution, sera puni de la déportation. S’il n’a été suivi d’aucun acte commis
ou commencé pour en préparer l’exécution, la peine sera celle de la détention. Il y a complot dès que la
résolution d’agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes. S’il y a eu proposition faite et non
agréée de former un complot pour arriver aux crimes mentionnés dans les art. 86 et 87, celui qui aura fait une
telle proposition sera puni d’un emprisonnement d’un an à cinq ans. Le coupable pourra, de plus, être interdit, en
tout ou en partie, des droits mentionnés en l’art. 42.
581
Ces notions ne semblent pas poser de problèmes en pratique, la jurisprudence les réaffirmant régulièrement.
Pour un exemple d’application, cf. Cass. Crim., 28 septembre 1832, annexe n° 34.
Comme l’explique A. Blanche582, dès lors que la résolution d’agir a été concertée entre deux
ou plusieurs personnes, quelles que soient les conséquences, que la résolution ait abouti ou
non à un acte commis pour en préparer l’exécution, cet article va s’appliquer. Il est en effet
indispensable eu égard à la notion de concertation qui nécessite la réunion de plusieurs
personnes et à la différence de l’attentat qui peut être le fait d’un seul individu, que le complot
réunisse la participation d’au moins deux personnes pour être constitué.
Néanmoins, il n’est pas nécessaire que l’intention criminelle émane de tous les individus
auteurs de la résolution. La Cour de cassation reconnait l’existence du complot dès lors qu’il y
a eu concert, nonobstant la part de responsabilité propre à chacun des auteurs. Cette position
résulte entre autres d’un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 octobre
1851583.
La haute juridiction considère aux termes de cet arrêt que « dans une accusation de complot
ayant pour but de changer la forme du gouvernement et d’exciter la guerre civile en portant
les citoyens à s’armer les uns contre les autres, il suffit, pour qu’il y ait concert dans le sens de
l’art. 89 du Code pénal, que la résolution d’agir ait été arrêtée en commun par plusieurs
individus, encore qu’il n’y aurait d’intention criminelle, et, par conséquent, de responsabilité
pénale ».
Par ailleurs, l’article 89 prévoit l’hypothèse par laquelle la proposition faite ne serait pas
agréée. Cette hypothèse ne permet pas de constituer un complot, mais le Code pénal prévoit
toutefois une incrimination.
Ainsi, l’agent auteur de la proposition peut être poursuivi, que ladite proposition ait été non
agréée ou rejetée584. En conséquence l’article 89 permet tout à la fois de réprimer le complot
tout comme la simple proposition de complot.
L’article 90585 envisage un cas différent du précédent article qui concernait des hypothèses de
collégialité. Ici se pose la question de l’individu qui a formé seul la résolution d’attenter à la
vie ou la personne du prince, ou à la vie des membres de sa famille. Il n’est plus question de
proposition ou de complot, cet article n’envisage de réprimer que les « complots » ourdis par
des personnes isolées.

582
A. Blanche, op. cit., p. 576.
583
Cf. annexe n° 35.
584
A. Blanche, op. cit., p. 577.
585
Art. 90 : Lorsqu’un individu aura formé seul la résolution de commettre l’un des crimes prévus par l’art. 86 et
qu’un acte pour en préparer l’exécution aura été commis ou commencé par lui seul et sans assistance, la peine
sera celle de la détention.
Afin d’être constitué, ce crime nécessite lui aussi la réunion de conditions bien particulières 586.
Il faut que le prévenu ait formé la résolution d’attenter aux personnes évoquées par l’article 86
du Code pénal, que cette résolution ait été suivie d’un acte commis ou commencé afin d’en
préparer l’exécution et qu’il ait été seul tant dans l’élaboration de son forfait que dans la
réalisation de l’acte préparatoire.
Dans l’échelle de la gravité des incriminations prévues par le législateur relativement aux
crimes et délits contre le gouvernement, on trouve à la suite des attentats et des complots
contre le prince, les crimes qui entendent nuire à la constitution et aux libertés qu’elle
proclame.

B-/ Les infractions dirigées contre la Charte


constitutionnelle et les libertés publiques

Les infractions commises contre la Charte constitutionnelle peuvent être scindées en deux
groupes d’incriminations. On trouve les infractions qui attentent à l’exercice des droits
politiques garantis par la Charte à travers les violations des droits civiques (1°) et un autre
groupe d’infractions tendant à réprimer les violations aux libertés individuelles proclamées
par la Charte (2°).

1°/ La répression des infractions à l’exercice des droits civiques

Cette première série de mesures visant à protéger l’exercice des droits civiques est prévue par
les articles 109 à 113 au titre de la Section I du Chapitre II du Titre I du Livre III du Code
pénal. Il s’agit pour l’essentiel d’infractions électorales dont le but est de troubler la sérénité
et la légalité des élections. Ces articles peuvent être regroupés en trois groupes.
Dans un premier temps, le législateur de 1830 érige en délit politique le fait de corruption
électorale. L’article 113587 distingue selon qu’il s’agisse d’un électeur qui vend son suffrage
ou d’un citoyen qui achète le suffrage d’un électeur. L’article ne précise pas la qualité que
doit avoir l’acheteur. Rien ne précise si l’acheteur doit être le bénéficiaire de la voix ou un
préposé ou encore une tierce personne588. L’article 113 se limite à sanctionner celui qui a fait
l’offre d’achat, c’est-à-dire l’acheteur.

586
A. Blanche, op. cit., p. 582.
587
Art. 113 : Tout citoyen qui aura, dans les élections, acheté ou vendu un suffrage à un prix quelconque sera
puni d’interdiction des droits de citoyen et de toute fonction ou emploi public, pendant cinq ans au moins et dix
ans au plus. Seront, en outre, le vendeur et l’acheteur du suffrage condamnés chacun à une amende double de la
valeur des choses reçues ou promises.
588
Cf. Cass. Crim., 4 décembre 1846, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1846, I, pp. 871 à 874. La Cour de cassation
reconnait implicitement que l’art. 113 est constitué dès lors que l’on peut relever des offres de vente ou d’achat
de suffrages au cours d’élections, et ce, quelle que soit la qualité du prévenu. Pour la Chambre criminelle, « les
délits d’achat et de vente de suffrages dans les élections, sont des délits politiques, dont la connaissance dès lors
appartient au jury seul, et non à la juridiction correctionnelle ».
En revanche la question du vendeur ne pose pas de difficulté. Il s’agit de toute personne qui a
reçu en contrepartie de sa voix, une somme d’argent, un service ou un bien. L’article ne fixe
d’ailleurs pas de valeur minimum. Le montant de la somme ou de la valeur du bien objet de la
corruption n’a d’importance que pour la fixation de l’amende, laquelle doit être évaluée au
double. De même le législateur ne fait pas de différence selon que la chose objet de la
corruption ait été reçue ou simplement promise.
Notons enfin que le vendeur et l’acheteur sont systématiquement punis de l’interdiction des
droits civiques pour une durée qui peut aller de cinq ans jusqu’à dix ans. Outre la perte du
droit de vote pour le ou les prévenus, si l’acheteur est personnellement la personne éligible, il
sera retiré des listes électorales, il sera démis de ses autres mandats s’il était déjà élu et si la
condamnation intervient après qu’il ait été élu, l’élection sera invalidée.
Une autre forme de corruption est envisagée aux articles 111 et 112 et concerne la
falsification de bulletins de vote. Cette falsification peut prendre plusieurs formes. Par
l’article 111589 du Code pénal, le législateur envisage la falsification de bulletins de vote 590,
leur soustraction ou leur adjonction, ou encore l’inscription de noms autres que ceux qui
seraient déclarés par des électeurs illettrés. Néanmoins cet article ne s’applique qu’aux
personnes en charge du dépouillement des bulletins, lors du scrutin.
Les personnes visées par l’article 111 encourent une peine assez rigoureuse dans la mesure où
la sanction est la dégradation civique. Cette peine définie par l’article 34 du Code pénal
comme consistant en « la destitution et l'exclusion du condamné de toutes fonctions ou
emplois publics, et dans la privation de tous les droits énoncés en l'article 28 591 » entraine,
outre l’exclusion des emplois publics et des emplois militaires, l’interdiction d’être juré,
expert et témoin. De plus les conséquences d’une telle condamnation emportent l’incapacité
d’être tuteur ou curateur, de même qu’elles emportent la déchéance du port d’armes.

589
Art. 111 : Tout citoyen qui, étant chargé, dans un scrutin, du dépouillement des billets contenant les suffrages
des citoyens, sera surpris falsifiant cas billets, ou en soustrayant de la masse, ou y en ajoutant, ou inscrivant sur
les billets des votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés, sera puni de la peine de
la dégradation civique.
590
Pour un exemple d’application concernant la falsification de bulletins de vote, cf. Cass. Crim., 15 juin 1848,
Recueil Sirey-Devilleneuve, 1848, I, p. 518. En l’espèce la Chambre criminelle considère que « l’addition
frauduleuse, sur les feuilles de pointage des votes électoraux, de signes représentatifs des suffrages obtenus par
l’un des candidats, constitue le délit de falsification puni par les art. 111 et 112 ».
591
Art. 28 : Quiconque aura été condamné à la peine des travaux forcés à temps, du bannissement, de la réclusion
ou du carcan, ne pourra jamais être juré, ni expert, ni être employé comme témoin dans les actes, ni déposer en
justice autrement que pour y donner de simples renseignements.
Il sera incapable de tutelle et de curatelle, si ce n'est de ses enfants et sur l'avis seulement de sa famille.
Il sera déchu du droit de port d'armes et du droit de servir dans les armées de l'Empire (ou du Royaume).
Les autres personnes, quelle que soit leur qualité, relèvent de l’article 112592 et sont punis
d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans et d’une interdiction du droit de voter
et d’être éligible pour une durée de cinq ans à dix ans.
Une troisième catégorie d’infraction est prévue. Elle relève des articles 109 et 110 du Code
pénal et prévoit l’incrimination de tout comportement tendant à empêcher des citoyens
d’exercer leurs droits civiques.
Cette catégorie est plus générale que les deux précédentes dans la mesure où en vertu de
l’article 109593 quiconque soit par voie de fait 594, soit par des menaces, soit par un
attroupement, empêche autrui d’exercer un ou plusieurs de ses droits civiques, sera réprimé 595.
Les sanctions prévues sont l’emprisonnement d’une durée de six mois à deux ans et la
déchéance du droit de vote et d’éligibilité pour une durée comprise entre cinq et dix ans.
L’article suivant établit une circonstance aggravante tirée de deux éléments cumulatifs
manifestés par la motivation originaire du législateur d’avoir entendu confondre dans une
même disposition l’atteinte portée au droit individuel des citoyens et l’atteinte portée au droit
collectif de réunion596.
En effet l’article 110597 prévoit comme sanction la peine du bannissement sous réserve de la
présence de deux conditions. Il s’agit de relever d’une part que l’infraction prévue à l’article
109 a été consécutive d’un plan concerté, c’est-à-dire qu’elle a résulté du fait d’au moins deux
personnes, et d’autre part qu’elle visait à s’étendre à l’ensemble d’un territoire déterminé,
qu’il s’agisse de la France, d’un ou de plusieurs départements, ou bien d’un ou de plusieurs
arrondissements d’une commune.

592
Art. 112 : Toutes autres personnes coupables des faits énoncés dans l’article précédent, seront punies d’un
emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et de l’interdiction du droit de voter et d’être
éligibles pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.
593
Art. 109 : Lorsque par attroupement, voies de fait ou menaces, on aura empêché un ou plusieurs citoyens
d’exercer leurs droits civiques, chacun des coupables sera puni d’un emprisonnement de six mois au moins et de
deux ans au plus, et de l’interdiction du droit de voter et d’être éligible pendant cinq ans au moins et dix ans au
plus.
594
La voie de fait en matière pénale est définie comme un acte de violence sans coup ni blessure. Cf. S.
Bissardon, op. cit., p. 414. La voie de fait constitue ainsi un mécanisme juridique relativement souple et
malléable permettant de caractériser une grande quantité de situations.
595
Voir à ce titre l’arrêt du 23 juin 1836 de la Cour de cassation qui réaffirme le principe contenu à l’art. 109 du
Code pénal. Selon la haute juridiction, « l’empêchement apporté, par voie de fait, à l’exercice des droits
civiques, constitue un délit politique de la compétence de la Cour d’assises. Cf. annexe n° 36.
Cf. également Cass. Crim., 9 janvier 1851, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1851, I, p. 80. La haute juridiction étend
le caractère politique résultant de voies de fait perpétrées par des électeurs en vue d’empêcher des opérations
électorales, à des élections communales.
596
A. Blanche, op. cit., p. 658.
597
Art. 110 : Si ce crime a été commis par suite d’un plan concerté pour être exécuté, soit dans tout le Royaume,
soit dans un ou plusieurs départements, soit dans un ou plusieurs arrondissements communaux, la peine sera le
bannissement.
A côté des infractions à l’exercice des droits civiques, au titre des atteintes à la Charte
constitutionnelle, le législateur de 1830 comprend également les atteintes aux libertés
publiques.

2°/ La répression des infractions aux libertés publiques

Ces infractions sont développées par les articles 114 à 122 dans la Section II du Chapitre II du
Titre I du Livre III du Code pénal, au titre des attentats à la liberté. En matière de protection
des libertés publiques, le Code pénal prévoit une protection relativement large contre les
autorités administratives.
On peut alors distinguer une protection étendue contre les actes positifs ou négatifs des
fonctionnaires publics d’une part (a) et certaines actions de la part de hauts représentants de
l’autorité publique d’autre part (b).

a-) La responsabilité des fonctionnaires publics

Pour la plupart des incriminations contenues dans la Section II du Chapitre II du Code pénal,
le législateur a entendu originairement permettre d’engager la responsabilité d’agents de
l’autorité publique du fait de leur action voire de leur inaction.
Le premier article à poser le principe de la responsabilité des fonctionnaires au regard des
libertés individuelles est l’article 114598. Cet article comporte un champ d’application
volontairement vaste afin de constituer un rempart efficace contre toute violation des libertés
individuelles de la part des agents publics.
En effet, cet article permet de sanctionner tout agent du gouvernement quel que soit l’acte
qu’il a accompli, lorsque celui-ci est attentatoire soit aux libertés publiques, soit aux droits
civiques.
J. Carnot599 énumère les personnes que l’on peut qualifier d’agents et de préposés du
gouvernement. Selon cet auteur, ont cette qualité tous les fonctionnaires, tous les officiers
publics, et même tous les employés dans les administrations publiques « ayant serment en
justice ». Autrement dit tout agent au service de l’État ayant prêté un serment en justice est
considéré comme relevant de cet article600.
598
Art. 114 : Lorsqu’un fonctionnaire public, un agent ou un préposé du Gouvernement, aura ordonné ou fait
quelque acte arbitraire, ou attentatoire soit à la liberté individuelle, soit aux droits civiques d’un ou de plusieurs
citoyens, soit à la Charte, il sera condamné à la peine de la dégradation civique. Si néanmoins il justifie qu’il a
agi par ordre de ses supérieurs pour des objets du ressort de ceux-ci, et sur lesquels il leur était dû obéissance
hiérarchique, il sera exempt de la peine, laquelle sera, dans ce cas, appliquée seulement aux supérieurs qui auront
donné l’ordre.
599
J. Carnot, op. cit., p. 382.
600
Pour un exemple d’application, voir l’arrêt du 25 juillet 1821, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1821, I, p. 478.
Selon cet arrêt, les percepteurs des contributions bien que n’étant pas des fonctionnaires publics de l’ordre
administratif ou judiciaire, n’en rentrent pas moins dans la disposition de l’article 114 eu égard à leur qualité
Cet article pose toutefois la nécessité que l’acte arbitraire soit revêtu d’un caractère public. A
défaut d’un tel caractère, le délit entrerait dans les dispositions des articles 341 à 344 du Code
pénal.
L’article 114 fait en outre preuve d’une certaine souplesse à deux égards. D’une part
conformément au droit commun, cet article permet à l’agent public d’échapper aux poursuites
lorsque l’acte contesté a été exécuté sur ordre d’un supérieur hiérarchique envers lequel il a un
devoir d’obéissance. Aussi l’article 114 permet-il de poursuivre directement le supérieur
instigateur de l’ordre illicite.
D’autre part, quant à la nature de l’acte commis et aux conditions dans lesquelles l’acte a été
commis, l’article 114 n’exige la manifestation ni de voies de fait, ni de menaces, ni même la
concertation d’un plan601. Pour qualifier cet article, il suffit simplement de constater que les
droits civiques d’un citoyen ou que la liberté individuelle ont été violés par un agent de l’État
quel que soit le mode de réalisation de l’infraction.
Notons enfin que la peine prévue par cet article est relativement lourde dans la mesure où elle
consiste en une dégradation civique. Cette peine est par ailleurs complétée par la disposition
de l’article 117602 au terme duquel le législateur fixe un montant de dommages-intérêts
plancher de 25 francs par jour de détention illégale ou arbitraire.
Outre les articles 114 et 117, il convient d’évoquer l’article 119 603 du fait de sa
complémentarité en ce qu’il sanctionne une forme de complicité à ce type d’infraction.
L’article 119 permet d’engager la responsabilité pénale de fonctionnaires publics alors même
qu’ils ne seraient pas les auteurs de l’acte arbitraire ou attentatoire à une liberté individuelle
ou aux droits civiques. Afin d’engager la responsabilité desdits fonctionnaires il suffit de
constater leur refus ou leur négligence « de déférer à une réclamation légale tendant à
constater » une détention illégale ou arbitraire.

d’agents ou de préposés du gouvernement. Cf. annexe n° 37.


601
Cf. J. Carnot, op. cit., p. 383.
602
Art. 117 : Les dommages-intérêts qui pourraient être prononcés à raison des attentats exprimés dans l’article
114, seront demandés, soit sur la poursuite criminelle, soit par la voie civile, et seront réglés, eu égard aux
personnes, aux circonstances et au préjudice souffert, sans qu’en aucun cas, et quel que soit l’individu lésé, les
dommages-intérêts puissent être au dessous de 25 francs pour chaque jour de détention illégale et arbitraire et
pour chaque individu.
603
Art. 119 : Les fonctionnaires publics chargés de la police administrative ou judiciaire, qui auront refusé ou
négligé de déférer à une réclamation légale tendant à constater les détentions illégales et arbitraires, soit dans les
maisons destinées à la garde des détenus, soit partout ailleurs, et qui ne justifieront pas les avoir dénoncées à
l’autorité supérieure, seront punis de la dégradation civique, et tenus des dommages-intérêts, lesquels seront
réglés comme il est dit dans l’article 117.
Néanmoins, à la différence de l’article 114 qui s’applique à tous les agents de l’État, la
disposition de l’article 119 ne s’applique qu’aux fonctionnaires publics chargés de la police
administrative ou judiciaire.
Par ailleurs, l’article 122604 du Code pénal réprime le fait pour certains fonctionnaires comme
les magistrats et les officiers publics, d’avoir retenu ou donné l’ordre de retenir un individu
dans un lieu autre que ceux prévus par l’autorité publique, ou bien d’avoir traduit un individu
devant une Cour spéciale sans mise en accusation préalable. Cet article sanctionne de telles
infractions de la peine de la dégradation civique.
Une autre disposition prévue à l’article 120605 du Code pénal permet d’engager la
responsabilité d’une autre catégorie de fonctionnaires pour des faits de détention arbitraire.
Cette disposition concerne les gardiens et autres personnels assimilés des maisons d’arrêt,
lorsque ces derniers ont retenu ou refusé de représenter un détenu ou de transmettre leurs
registres aux personnes habilitées à les consulter, en l’absence de tout mandat, ordre ou
jugement.
De la même manière, l’article 121606 prononce des peines contre certains fonctionnaires
publics pour le fait d’avoir, sans autorisation, provoqué ou pris un jugement, une ordonnance
ou un mandat tendant à la poursuite personnelle ou à l’accusation contre un ministre, un pair,
un député ou un conseiller d’État.
La qualification est celle de la forfaiture et la peine consiste en la dégradation civique. Le
domaine de cet article est toutefois limité en ce qu’il concerne que les officiers de police
judiciaire et les magistrats.
Il convient par ailleurs de noter que cet article prévoit deux hypothèses distinctes, l’une
concernant la mise en accusation ou l’ouverture de poursuites, l’autre portant sur l’adoption
d’un mandat de saisie ou d’arrêt. Dans ce dernier cas, l’article 121 pose comme condition
604
Art. 122 : Seront aussi punis de la dégradation civique, les procureurs généraux ou du roi, les substituts, les
juges ou les officiers publics qui auront retenu ou fait retenir un individu hors des lieux déterminés par le
gouvernement ou par l’administration publique, ou qui auront traduit un citoyen devant une Cour spéciale, sans
qu’il ait été préalablement mis légalement en accusation.
605
Art. 120 : Les gardiens et concierges des maisons de dépôt, d’arrêt, de justice ou de peine, qui auront reçu un
prisonnier sans mandat ou jugement, ou sans ordre provisoire du Gouvernement ; ceux qui auront retenu, ou
auront refusé de le représenter à l’officier de police ou au porteur de ses ordres, sans justifier de la défense du
procureur du roi ou du juge ; ceux qui auront refusé d’exhiber leurs registres à l’officier de police, seront, comme
coupables de détention arbitraire, punis de six mois à deux ans d’emprisonnement, et d’une amende de seize
francs à deux cents francs.
606
Art. 121 : Seront, comme coupables de forfaiture, punis de la dégradation civique, tout officier de police
judiciaire, tous procureurs généraux ou du roi, tous substituts, tous juges, qui auront provoqué, donné ou signé
un jugement, une ordonnance ou un mandat, tendant à la poursuite personnelle ou accusation, soit d’un ministre,
soit d’un membre de la Chambre des pairs, de la Chambre des députés ou du Conseil d’État, sans les
autorisations prescrites par les lois de l’État ; ou qui, hors les cas de flagrant délit ou de clameur publique,
auront, sans les mêmes autorisations, donné ou signé l’ordre ou le mandat de saisir ou arrêter un ou plusieurs
ministres ou membres de la Chambre des pairs, de la Chambre des députés ou du Conseil d’État.
constitutive de l’infraction que le mandat ait été pris alors qu’il n’a été constaté aucun flagrant
délit et qu’aucun soupçon initié par la clameur publique ne peut être retenu.
Toutes ces incriminations permettent de poursuivre des agents de l’État, parfois de manière
générale et d’autres fois limitativement, en ne visant que certaines catégories de
fonctionnaires.
Hormis la particularité de l’article 118607 qui entend punir indistinctement tous ceux qui,
quelle que soit leur qualité, auront usurpé la signature d’un ministre ou d’un fonctionnaire
public dans un acte tendant à attenter à la liberté individuelle ou aux droits civiques ; tous les
degrés et tous les rangs de la hiérarchie des agents de l’État sont visés. Il en est ainsi de
certains textes qui permettent de réprimer également les actions commises par les hauts
fonctionnaires de l’État.

b-) La responsabilité des hauts fonctionnaires

De nombreuses personnes peuvent être entendues comme étant de hauts fonctionnaires de


l’État. Il s’agit des ministres, des conseillers d’État, des pairs et des députés. Malgré le régime
immunitaire propre à certains d’entre eux, deux articles permettent en théorie d’engager
directement leur responsabilité.
D’une part en vertu de l’article 115608 tout ministre qui aurait permis de sa propre autorité,
sans agir dans l’intérêt de l’État, d’arrêter un individu ou de le traduire devant une Cour
spéciale, encoure le bannissement.
D’autre part au terme de l’article 116609 qui complète l’article précédent, le ministre qui
invoquerait comme moyen de défense que sa signature lui a été surprise, devra, tout en faisant
cesser l’acte litigieux, dénoncer le ou les auteurs sous peine de poursuites personnelles.

607
Art. 118 : Si l’acte contraire à la Charte a été fait d’après une fausse signature du nom d’un ministre ou d’un
fonctionnaire public, les auteurs du faux, et ceux qui en auront sciemment fait usage, seront punis des travaux
forcés à temps, dont le maximum sera toujours appliqué dans ce cas.
608
Art. 115 : Si c’est un ministre qui a ordonné ou fait les actes ou l’un des actes mentionnés en l’article
précédent, et si, après les invitations mentionnées dans les articles 63 et 67 de l’acte du 28 floréal an XII, il a
refusé ou négligé de faire réparer ces actes dans les délais fixés par ledit acte, il sera puni du bannissement.
609
Art. 116 : Si les ministres prévenus d’avoir ordonné ou autorisé l’acte contraire à la Charte, prétendent que la
signature à eux imputée leur a été surprise, ils seront tenus, en faisant cesser l’acte, de dénoncer celui qu’ils
déclareront auteur de la surprise ; sinon ils seront poursuivis personnellement.
Néanmoins il est à noter que l’article 115 du Code pénal qui renvoi aux articles 63 et 67 610 de
l’acte du 28 floréal an XII et l’article 116 qui le complète ont été maintenus dans le Code
pénal alors que les institutions auxquelles ils faisaient référence s’étaient éteintes avec la
chute de l’Empire.
En conséquence, du fait de leur nature surannée, ces articles ne présentent aucun intérêt
particulier dans le cadre de la loi du 8 octobre 1830 sinon celui d’être relevés afin d’en
déterminer leur substance.

Conclusion de la première partie

Les idées héritées des Lumières à travers les écoles classique et néo-classique ont permis de
considérer le délinquant et l’individu d’une manière générale de manière plus humaine. Cette
empreinte humaniste léguée par les Lumières à travers la contestation de la rigueur des
châtiments exécutés sous l’Ancien Régime, s’est progressivement étendue depuis la
Révolution de 1789 jusqu’au XIXème siècle dans toutes les strates de la société. Partie des
mouvements intellectuels et philosophiques, l’empreinte humaniste s’est ensuite étendue à la
masse pour marquer de son sceau en dernier lieu les gouvernements et les législateurs.
La fin du premier quart du XIXème siècle illustre bien l’expansion du libéralisme issu de deux
siècles de combats philosophiques et idéologiques. Mais surtout, cette période illustre
l’influence grandissante de certaines écoles de pensée libérales qui ont su par leur
discernement sur la place de l’individu dans l’ordre social, faire germer les graines de la
sagesse au sein même du pouvoir politique. La pensée libérale a ainsi joué un rôle capital dans
la prise en compte, par les autorités supérieures de l’État, de l’importance de l’individu.
Les mouvements de philanthropie juridique qui ont représenté cette évolution ont permis
d’adapter le droit criminel aux aspirations humanistes libérales. On a pu alors assister à une
libéralisation de la politique répressive à travers l’émergence de garanties pénales et le respect
de la personne. Cette politique a entrainé toute une réflexion sur la peine de mort allant

610
Au titre des dispositions sur le Sénat, l’article 63 disposait que « si, après trois invitations consécutives,
renouvelées dans l'espace d'un mois, la personne détenue n'est pas mise en liberté ou renvoyée devant les
tribunaux ordinaires, la commission demande une assemblée du Sénat, qui est convoquée par le président, et qui
rend, s'il y a lieu, la déclaration suivante : « Il y a de fortes présomptions que N. est détenu arbitrairement ». On
procède ensuite conformément aux dispositions de l'article 112, titre XIII, de la Haute Cour impériale ».
L’article 67 énonçait que « si, après trois invitations consécutives, renouvelées dans l'espace d'un mois, les
empêchements subsistent, la commission demande une assemblée du Sénat, qui est convoquée par le président,
et qui rend, s'il y a lieu, la déclaration suivante : « Il y a de fortes présomptions que la liberté de la presse a été
violée ». On procède ensuite conformément à la disposition de l'article 112, titre XIII, de la Haute Cour
impériale ».
jusqu’à son abolition effective en 1848, et passant par une régression générale de l’usage de
cette peine et par un adoucissement des peines en général.
Très rationnellement, conformément à l’évolution pénale qui a résulté de cet élan libéral et du
fait de l’arbitraire qui la caractérisait, la justice politique fut critiquée, repensée puis
profondément remodelée.
En 1830, les constituants du régime de la Monarchie de Juillet dans un premier temps 611 puis
le législateur dans un second temps612, exprimaient leur implacable volonté d’assortir cette
justice tant critiquée, d’un régime plus juste et plus conforme aux principes humanistes et
libéraux, notamment en le soumettant à la compétence du jury.
Ayant pris comme socle le Code pénal de 1810 et les infractions qu’il contenait au titre des
crimes et délits contre la chose publique, le législateur de 1830 procédait à un réaménagement
de tout un pan du Code napoléonien en le qualifiant selon une notion inédite.
Les termes mêmes de justice politique étaient abandonnés au profit d’une terminologie plus
juridique et moins péjorative. La notion de délit politique apparaissait alors dans le droit et
dans la pensée politique française.
Bien qu’elle ne soit pas définie ni théorisée, ce qui devait marquer cette notion d’un caractère
peu commun au regard de la pensée juridique traditionnelle, cette notion constituait
néanmoins une avancée considérable tant par les garanties qu’elle offrait que par l’apport
juridique qu’elle constituait.
D’une part elle permettait aux délinquants politiques de bénéficier de garanties semblables
aux autres délinquants dans la mesure où la compétence du jury devait exclure toute
confusion d’intérêts, le pouvoir politique n’étant plus juge et partie. La garantie de
l’impartialité du juge semblait dès lors pleinement respectée.
D’autre part, bien que déterminée de manière exhaustive par la loi, la notion de délit politique
faisait son apparition dans le droit positif en donnant les moyens au juge de distinguer
l’infraction politique de l’infraction de droit commun613.
La loi du 8 octobre 1830 manifestait une opinion dont l’assise s’étendait inexorablement
jusqu’au sommet du pouvoir politique. Cette opinion était celle de la reconnaissance de
l’individu comme élément composant la société, comme un membre jouissant de droits
politiques conjointement aux devoirs dont il était débiteur envers la société.

611
A travers l’article 69 de la Charte de 1830.
612
A travers la loi du 8 octobre 1830.
613
Cf. R. Garraud, op. cit., n° 107, p. 202.
En tant qu’élément actif de la Cité, même si l’aspect censitaire de la société limitait encore
considérablement ses droits politiques, le délinquant politique était reconnu comme un
délinquant d’une nature bien différente des délinquants de droit commun. Cette nature
particulière devait lui assurer le bénéfice d’un régime favorable et dérogatoire du régime
criminel commun.
Face à la conception traditionnelle sur laquelle reposaient encore les régimes politiques
consistant à légitimer la répression des infractions contre la chose publique au nom d’un
principe de légitime défense de l’ordre social, s’élevait l’idée selon laquelle le délinquant
politique n’était que l’adversaire d’un gouvernement, d’une forme de régime politique ou
d’une constitution et qu’il n’était nullement l’adversaire de toute l’organisation sociale dans
son ensemble614.
De ce fait, il devait et méritait d’être traité sous un statut dérogatoire du droit commun. Mais
bien qu’il ne soit pas empreint d’une perversité semblable à celle d’un délinquant commun, il
ne fallait pas risquer de laisser ses actes impunis au risque d’altérer le fonctionnement de la
justice et la sûreté des gouvernements ; de même qu’il convenait nécessaire d’associer le
peuple à l’exercice de la justice.
En associant le peuple à la décision judiciaire par le mécanisme du jury, le législateur trouvait
le moyen de légitimer la peine infligée au délinquant politique conformément à la ratio legis
de la législation relative au crime d’État, tout en donnant l’illusion d’une adhésion sociale à la
décision pénale.
Conséquemment à l’esprit de la loi d’octobre 1830 et à la notion de délit politique qu’elle
enfantait, le règne de Louis-Philippe allait s’illustrer cette prise en considération du caractère
atypique du délinquant politique par une évolution orientée vers un caractère de culpabilité
relative du délinquant politique615.
Même si la loi ne tenait absolument pas compte du mobile du délinquant politique, le mobile
devait néanmoins jouer un rôle sous l’angle philosophique et psychologique pour justifier
l’application d’une pénalité moindre que celle qui serait attachée à une infraction de droit
commun. Le mobile ne devait entrainer aucune conséquence sur la qualification de
l’infraction politique mais il allait entrainer des conséquences sur l’approche philosophique de
cette notion et principalement sur le régime qui lui était assorti.

614
Pour que des délinquants soient considérés comme tels, il faudra attendre les débuts de la III ème République et
le développement des attentats anarchistes. C’est à cette époque que le délinquant politique perdra sa qualité
particulière d’adversaire du gouvernement pour devenir un adversaire contre l’organisation générale de la Cité.
C’est à partir de là que ce produira une rupture considérable dans l’histoire de l’évolution du délit politique.
615
Cf. J. Viaud, op. cit., p. 206.
La peine devait s’avérer plus modérée et adaptée aux faits et à la personnalité du
délinquant616. L’assurance d’une justice modérée, prompte et certaine permettait dès lors de
concilier à la fois les libertés fondamentales d’opinion et d’expression avec l’impérieuse
nécessité de sauvegarder le pouvoir établi et les institutions.
Pourtant, l’apport que constituait la loi d’octobre 1830 pour la pensée pénale allait s’avérer
éphémère dans la mesure où, alors qu’elle avait été maintenue par la deuxième République et
réaffirmée par l’article 83617 de la Constitution de 1848, une vingtaine d’année après son
entrée en vigueur elle était abrogée par un décret impérial du 25 février 1852618.
Cette abrogation supprimait le privilège de juridiction dont bénéficiaient les délinquants
politiques et les auteurs de délits de presse ce qui entrainait en conséquence un durcissement
de régime619. Ainsi le régime souple et tolérant qu’avait connu la Monarchie de Juillet et la
deuxième République prenait fin. Le régime politique du second Empire, du point de vue de
la politique pénale, constituait un retour en arrière.
Surtout, ce décret illustrait la grande souplesse qui caractérisait la notion d’infraction
politique. Il devait s’inscrire comme un élément supplémentaire attestant de l’idée selon
laquelle la notion de délit politique était une notion extrêmement souple et malléable.
Les motifs et les desseins de la politique répressive élaborée en matière d’infraction politique
devaient particulièrement bien témoigner des nombreuses adaptations qu’allait subir le régime
des infractions politiques en droit français.

616
Cf. infra, Deuxième partie, Titre II.
617
Art. 83 : La connaissance de tous les délits politiques et de tous les délits commis par la voie de la presse,
appartient exclusivement au jury. Les lois organiques détermineront la compétence en matière d’injures et de
diffamation envers les particuliers.
618
Il s’agit en l’espèce de l’art. 4 du décret aux termes duquel : « Sont et demeurent abrogées toutes dispositions
relatives à la compétence, contraires au présent décret, et notamment celles qui résultent de la loi du 8 octobre
1830, en matière de délits politiques ou réputés tels ; de l’article 6 de la loi du 10 décembre 1830, relative aux
afficheurs et crieurs publics ; de l’art. 10 du décret du 7 juin 1848 sur les attroupements ; de l’art. 16 paragraphe
2 de la loi du 28 juillet 1848 sur les clubs et les sociétés secrètes ; de l’art. 117 de la loi électorale du 15 mars
1849 ». Cf. annexe n° 38.
619
Cf. P. Sornay, op. cit., p. 34.
Seconde partie 
Les particularismes du régime 
répressif de l’infraction politique 
au XIXème siècle : la recherche 
d’un compromis entre rigueur et 
clémence

Le droit en tant qu’ensemble de règles et de normes générales et impersonnelles régissant les


rapports sociaux620 est à l’image des autres sciences, une science en constante évolution.
Depuis les débuts de la Révolution et tout au long du XIX ème siècle, l’influence des
mouvements intellectuels ainsi que l’évolution et l’émancipation des idées et des mœurs ont
permis de faire évoluer cette science pour l’adapter aux aspirations politiques et sociales.
Outre le domaine général du droit pénal, certaines notions plus spécifiques comme la justice
politique ont été repensées, modifiées et adaptées en fonction de diverses données. Ainsi, on a
vu s’opérer une transformation de la justice politique en tant qu’instrument politique des
gouvernements et du pouvoir, en une notion juridique soustraite de l’arbitraire et inscrite dans
la légalité avec l’apparition de la notion d’infraction politique.
Cette transformation fut-elle essentielle dans l’histoire de l’évolution de la justice politique, se
limiter au seul constat de son existence serait insuffisant. En effet, au-delà de l’entendement
purement théorique de la notion d’infraction politique au XIX ème siècle, notamment entre 1814
et 1870, il convient de prendre également en considération les particularités du régime
répressif qui l’entoure.
Le régime répressif de l’infraction politique témoigne d’une difficulté majeure et de tout un
paradoxe qui pèse sur les gouvernements de l’époque entre d’une part la nécessité d’opter

620
Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 204.
pour une politique criminelle rigoureuse favorable à la sauvegarde des institutions et de l’État,
et d’autre part, la traduction juridique de la reconnaissance des droits naturels et des garanties
fondamentales de l’individu à travers l’amélioration du sort des délinquants, et plus
spécialement en matière de justice politique, la prise en compte juridique des particularités qui
définissent le criminel d’État621.
Cette difficulté s’illustre en pratique par le maintien de nombreuses dispositions du Code
pénal de 1810 qui sanctionnent les infractions commises contre l’État ou la Nation et
notamment par la nature de la peine qui demeure essentiellement fondée sur des valeurs
utilitaristes. Outre l’utilitarisme de la sanction, l’impérieuse nécessité de sauvegarder tant
l’organisation sociale que le pouvoir politique nécessite, quel que soit le régime en place, la
création ou le maintien de particularismes juridictionnels (Titre I).
Paradoxalement, eu égard à certains facteurs, le XIXème siècle présente la particularité de voir
se développer un certain nombre de mesures de clémence en matière de criminalité politique.
Ces mesures favorables au délinquants politiques peuvent recouvrir différentes formes telles
que des grâces ou des amnisties, ou à l’occasion du procès pénal et du prononcé de la peine,
sous la forme d’un aménagement de peines. Les fondements de ce système pénal favorable
sont doubles. Ils sont motivés tantôt par des raisons conjoncturelles et tantôt par la prise en
compte des particularités du délinquant politique (Titre II).

621
Cf. notamment J.-J. Lemouland (op. cit., p. 17) pour qui depuis le XIX ème siècle, « les fluctuations ont été
nombreuses, au gré des événements, entre la clémence et la rigueur ».
Voir également Stéfani, Levasseur et Bouloc, Droit pénal général, 11ème édition, n° 100.*******
Titre premier ­ La rigueur du régime 
répressif de l’infraction politique : du 
caractère utilitariste de la peine aux 
particularismes juridictionnels

Fidèles à l’esprit des Codes criminels de 1791 et de 1810, les législateurs successifs du XIXème
siècle maintiennent l’État et l’organisation sociale comme valeur supérieure. Malgré quelques
aménagements de forme ou de fond, malgré l’abolition de peines considérées comme trop
sévères comme la confiscation, certaines peines infamantes et la peine capitale en matière
politique, les législateurs de cette époque ne placent toutefois pas l’individu au sommet des
valeurs sociales protégées et maintiennent dans leurs codes criminels une certaine rigueur
contre le criminel d’État.
Leur objectif principal reste d’assurer la sauvegarde et le maintien de l’organisation politique
et sociale établie. Aussi adoptent-ils cette conception traditionnelle de la peine consistant à
neutraliser le criminel ou le délinquant soit afin de l’empêcher par anticipation de commettre
un crime ou un délit en usant de mécanismes préventifs, soit afin de l’empêcher de récidiver
ou d’étendre son influence sur des tiers.
L’impossibilité pour un criminel ou un délinquant de récidiver peut s’entendre de deux
manières, à savoir par une impossibilité physique ou par une impossibilité morale. Si la
doctrine de l’époque reste muette sur le choix à adopter, certains comme J. Ortolan 622 sont
partisans d’une impossibilité morale, c’est-à-dire de mettre le délinquant dans un état de
nature à lui ôter toute volonté de récidive. Une telle solution peut être apportée par le recours
à certaines peines comme la déchéance de certains droits et par la privation ou l’incapacité
temporaire ou définitive de certaines fonctions.
En dépit du bien fondé d’une telle analyse, un tel système semble peu concluant en pratique
lorsqu’il s’agit d’infractions à caractère politique. Le plus souvent, l’utilitarisme de la
sanction en matière politique s’illustre par une élimination physique du délinquant en
recourant à l’usage de la peine capitale, ou par une élimination sociale qui se traduit par le fait
de l’ostraciser à travers l’application de peines de déportation ou de bannissement.

622
J. Ortolan, op. cit., p. 9.
Dans ce second cas, sans être éliminé physiquement, le délinquant présente un moindre
danger pour le pouvoir politique ou pour l’ordre social du fait de la garantie de
l’éloignement623. On le voit, dans de telles situations, l’usage de peines recourant à des fins de
réformation morale du délinquant reste encore très marginal.
Aussi conviendra-t-il d’observer dans un premier temps que le système répressif en matière
criminalité politique demeure rigoureux. Tant par la nécessité d’appliquer une peine efficace
et certaine, que par la nécessité de prévenir l’apparition ou la récidive d’une action criminelle
attentatoire à la chose publique, les législateurs du XIXème siècle maintiennent une philosophie
criminalistique conforme à celle du Code pénal de 1810 (Chapitre 1).
Par ailleurs, au nom d’une forme atténuée de salut public, les législateurs du XIX ème mettent
en place un système juridictionnel propre à la criminalité politique. Sans tomber dans une
justice d’exception dans la mesure où les droits et les garanties fondamentales proclamés par
les Droits de l’Homme sont respectés dans leur ensemble, ils élaborent néanmoins des règles
juridictionnelles spécifiques à la criminalité politique.
Parce qu’il illustre un aspect discriminatoire en réaction au principe d’égalité devant la loi, un
tel système témoigne d’une certaine rigueur et mérite d’être examiné sous ce titre. En
conséquence, même s’il résulte de la pratique que le système juridictionnel applicable à la
criminalité politique s’avère parfois favorable au criminel politique 624, parce qu’il présente la
particularité d’être dérogatoire au droit commun, il conviendra d’examiner que globalement
un tel système s’inscrit dans un sens rigoureux (Chapitre 2).

623
Cette mesure n’est toutefois pas très efficace en ce sens que les proscriptions des adversaires d’un régime ne
les empêchent pas d’entretenir une résistance à distance et de fomenter des complots. En effet l’histoire a montré
les faiblesses de ces mesures lesquelles n’ont pas empêché les émigrés de la Révolution, puis par la suite
l’empereur Napoléon Bonaparte, puis la branche aînée des Bourbons ou encore Napoléon III de fomenter leur
retour en France par des correspondances et autres intrigues. Malgré les proscriptions auxquelles furent sujet
tous ces personnages, ceux-ci parvinrent tous à illustrer la fragilité incontestable de telles mesures.
624
Tel est le cas de l’application du jury aux délinquants politiques, de même que la procédure applicable devant
la Cour des pairs. Cf. infra, Chapitre 2.
Chapitre 1 – Une pénologie de l’infraction politique fondée 
sur des nécessités de surveillance et de neutralisation

A l’image de la pensée sur les fondements du droit de punir de l’École classique, les
législateurs du XIXème siècle optent pour une répression fondée sur un double aspect. Afin de
d’assurer la pérennité et le caractère inébranlable de la constitution sociale instaurée par la
Révolution française de 1789, quelle que soit la forme des régimes politiques, tous tendent à
recourir à des mécanismes coercitifs.
C’est en vertu de la protection de la société dite « moderne625 », par opposition à l’Ancien
Régime définitivement déchu, que les gouvernements du XIXème siècle s’inscrivent dans le
cadre d’une répression rigoureuse de la criminalité politique.
Cette rigueur s’illustre par deux aspects. Le premier facteur attestant d’une certaine rigueur et
d’une certaine sévérité de la législation criminelle en matière d’infractions à caractère
politique, résulte de l’idée de neutralisation du délinquant. Cette idée se traduit par la
nécessité de faire cesser toute menace et tout danger que pourrait constituer un délinquant à
l’égard du pouvoir politique (Section I).
Le second facteur résulte d’une volonté préventive. Il s’agit de prévenir par une répression par
anticipation toute menace aussi bien en amont qu’en aval de phénomène criminel. A cette fin,
les législateurs usent de multiples procédés tels que l’utilisation de la contrainte
psychologique ou des mécanismes de surveillance (Section II).

625
Cf. J.-J. Chevallier, op. cit., pp. 167 à 177. Selon cet historien, l’organisation sociale qui a résulté de la
Révolution française de 1789 est qualifiée de « moderne ». Cette nouvelle société est consolidée par les codes
napoléoniens et constitue pour l’avenir une « arche sainte ». Dès lors, toute tentative de retour en arrière serait
vaine et serait considérée comme « les excès de fous, dénués de sens politique ».
Aussi, Louis XVIII prend-il conscience de cet état de choses. Pris entre une situation de fait reposant sur
l’existence de cette société nouvelle dont il faut assurer la sauvegarde et dont toute atteinte entrainerait
inévitablement sa déchéance, et une situation personnelle par laquelle le parti de son frère cadet a pour ambition
de détruire cet ordre nouveau afin de rétablir l’ancienne société antérieure à 1789, aussi Louis XVIII s’inscrit-il
dans une politique de compromis. Son règne et la politique qu’il mène témoignent de ces antagonismes. En
fondant sa Charte sur des principes libéraux – de souveraineté nationale, de représentativité politique, de
responsabilité ministérielle ou encore sur l’idée que les impôts doivent être librement consentis – et en niant dans
le même temps l’histoire politique de la France des trente dernières années à travers le préambule de la Charte –
se déclarant roi de France et de Navarre rappelé à régner par la divine Providence et surtout à travers le fait qu’il
« octroi » la Charte de sa seule autorité -, dès son retour en France Louis XVIII illustre une politique de
compromis entre l’ordre ancien et l’ordre nouveau dont la diversité des gouvernements – tantôt libéraux et tantôt
ultras - sera la plus fidèle démonstration.
Section I – Une neutralisation légitimée par des impératifs de protection 
et de conservation de l’ordre social

La vocation principale et l’un des droits naturels des plus fondamentaux d’un gouvernement à
l’instar de l’homme en tant qu’individu ou de n’importe qu’elle espèce animale, est sa propre
conservation. Ce véritable droit naturel qu’est la nécessité de conservation est moralement
pleinement légitime pour un être vivant. En revanche lorsqu’elle est appliquée à des
institutions ou à un gouvernement, cette nécessité devient dans certains cas discutable 626,
notamment à partir du moment où d’une protection à l’organisation sociale dans sa généralité,
elle est employée à défendre les intérêts plus limités d’un gouvernement.
L’histoire a montré que la justification pour des gouvernements d’une répression sévère au
nom d’un besoin de conservation, n’avait que peu de valeur en tant qu’argument politique et
qu’elle produisait bine souvent l’effet contraire du but escompté dans la mesure où loin de se
préserver de la subversion, les gouvernements se mettaient à dos l’opinion publique.
Indépendamment de la nature libérale ou autoritaire du régime, de telles mesures bien que
moralement légitimes, apparaissent arbitraires aux yeux de la société et de l’opinion publique.
Pour autant les gouvernements ont unanimement recours à des mécanismes coercitifs afin
d’assurer leur propre conservation ainsi que celle de l’organisation générale de la société. Il
s’agit là d’une donnée incontestable que l’on retrouve indistinctement chez tous les
gouvernements, fussent-ils ou non respectueux et tolérants à l’égard de la criminalité
politique627.
Dès lors, il convient de relever et d’examiner qu’elles sont les raisons qui légitiment l’usage
ou l’élaboration d’une justice plus sévère en matière d’infraction à la sûreté de l’État. Il sera
observé que la raison d’être de la rigueur des systèmes répressifs essentiellement fondée lors
des périodes troublées, repose sur la nécessité de neutralisation de l’ennemi politique. De cette
neutralisation dépend la survie du régime politique en question (§ I).

626
Il s’agit là d’un véritable dilemme dans la mesure où le combat en vue de la conservation de toute entité ou de
tout être vivant relève de ses droits naturels. Ce fut d’ailleurs par cette notion fondamentale que la première
norme pénale apparut. Comme l’explique P.A. Papadatos (op. cit., p. 5), l’apparition de la norme pénale « est
due à la réaction de la collectivité contre les atteintes à son existence en tant que telle ».
Or, la légitimité de la réaction pénale opérée dans un but de conservation politique est progressivement
contestée, eu égard aux doctrines humanistes initiées par les Lumières qui rejettent la rigueur excessive déployée
par les gouvernements. C’est ainsi qu’au XIX ème siècle, lorsque les doctrines des Lumières ont pénétré
l’ensemble de la société, l’opinion publique va constituer un moyen de pression important, n’hésitant plus à
protester, par la « plume ou la voix de ses représentants » contre « d’inutiles sévérités ». Cf. pour ce dernier point
le développement de J. Viaud, op. cit., p. 3.
627
Dans de telles situations, les gouvernements prennent des dispositions favorables aux délinquants politiques,
leur assurant la jouissance d’un régime de faveur par l’usage de grâces, d’amnisties, d’un statut pénitentiaire
privilégié, etc. Néanmoins, la législation demeure rigoureuse rejetant tout risque d’impunité. Cf. infra, Titre II.
Cette question des origines et des fondements de la rigueur pénale déployée par les
gouvernements résolue, il conviendra de s’attacher à l’analyse du contenu même de ces
réformes pénales pour constater que la peine entend constituer un obstacle absolu à la
perpétration de faits attentatoires à la sûreté des gouvernements ou de la société (§ II).

§ I - Ratio legis d’une politique criminelle


rigoureuse : la neutralisation du criminel
politique dans un but de conservation

R. Charvin628 a montré que l’École néo-classique du droit pénal a fait la synthèse de deux
doctrines. Elle a fait la combinaison de la doctrine d’E. Kant qui faisait de l’idée morale le
fondement du droit de punir, et celle de J. Bentham qui légitimait la sanction par son utilité
sociale.
Pour le premier, la désobéissance à la loi pénale est, à côté du tort causé à la victime, une
faute supplémentaire qui nécessite une réparation. Il ne s’agit pas tant de répondre par la
punition du coupable à la réparation de l’acte à l’égard de la victime, que de l’obligation de
« rétablir l’ordre troublé629 ». E. Kant fonde son analyse sur une sorte d’obligation morale de
rétablissement de l’ordre troublé, dont le pouvoir politique a la charge.
Le second en revanche développe l’idée selon laquelle la sanction est légitimée par l’utilité
qu’elle produit630. J. Bentham développe la notion d’utilité sociale de la peine dans la mesure
où la peine est nécessaire et vise à produire un effet utile pour la société.
Bien que partisane d’une certaine rigueur de la peine comme moyen nécessaire à la
conservation sociale et politique, l’influence de l’École néo-classique ne semble pas rayonner
sur l’action des gouvernements lors des périodes troublées.
En effet, si cette École est fidèle à l’idée de conservation sociale et politique par une
répression sévère lorsqu’il s’agit de crimes et des délits de droit commun, elle conteste en
revanche « l’efficacité d’une justice politique rigoureuse631 ». C’est sur ce dernier point
qu’elle se trouve en opposition avec les gouvernements lesquels orientent constamment leurs
politiques criminelles vers un sens très rigoureux notamment lors des périodes difficiles.

628
R. Charvin, op. cit., p. 101.
629
Cf. notamment l’analyse de C. Debuyst, F. Digneffe et A.-P. Pires, Histoire des savoirs sur le crime et la
peine, Montréal, 2005, p. 165.
630
J. Bentham, op. cit., Tome I, p. 177.
631
R. Charvin, op. cit., p. 101.
Cette rigueur considérée à tort ou à raison comme excessive, s’explique par le fait que
l’infraction politique, bien plus que l’infraction de droit commun, fait peser sur la société un
danger réel et d’une grande ampleur632.
Indépendamment de la nature du mobile lequel peut être noble, et malgré toute considération
subjective liée à la volonté du délinquant, une telle infraction représente objectivement une
menace élevée pour l’ordre politique633.
En témoigne cette illustration de P. Sornay634 qui explique que « l’indulgence du législateur
ne saurait se justifier que par cette estimation de la culpabilité du délinquant, car du point de
vue répressif, l’infraction politique fait courir à la société de plus grands dangers qu’une
infraction ordinaire ».
De nombreux témoignages traduisent cette « loi impérieuse de la conservation635 »
revendiquée par le pouvoir politique comme moyen de légitimation de sa politique criminelle.
Ces témoignages se font l’écho de cette affirmation émise lors d’un réquisitoire du procureur
Delapalme636 : « nous avons une société, nous avons un ordre social, bon ou mauvais, nous
devons le conserver ».
Parmi les propos les plus intéressants il convient d’évoquer S. Strachounsky qui explique que
la frontière entre l’indulgence et la sévérité d’un gouvernement ou d’un législateur à l’égard
des délinquants politiques, correspond la situation de tranquillité ou d’agitation que traverse le
pays. Selon cet auteur637, « l’attitude d’indulgence du législateur ne se manifeste qu’autant
qu’un pays est calme et ne court aucun danger ; mais, quand l’ennemi le menace au dehors,
quand sa tranquillité est compromise au-dedans, l’instinct de conservation oblige ce pays de
se montrer implacable à l’égard des délinquants politiques ».

632
Cette idée très ancienne a même séduit des personnalités très attachées à la modération de la peine. Aussi C.
Beccaria pourtant hostile à la peine capitale, admit-il comme exception à une abolition totale de la peine capitale,
la nécessité de recourir à la peine de mort lorsque l’infraction peut entraîner « une révolution dangereuse dans la
forme du gouvernement établi ». Cette exception doit néanmoins être interprétée très restrictivement dans la
mesure où elle ne doit être admise que lors des périodes « d’anarchie » ou exceptionnellement troublées. Cf. C.
Beccaria, op. cit., p. 94. Cf. également J. Pradel, op. cit., p. 34.
633
Cf. à ce titre R. Charvin, op. cit., p. 427. Il s’agit là de la conception de l’École classique selon laquelle du fait
de la seule gravité de l’acte criminel, il y a une absence totale d’individualisation : « l’auteur d’un crime d’État
n’a d’autre réalité que celle manifestée par son acte criminel ». Autrement dit, tant le législateur lorsqu’il
légifère, que le juge lorsqu’il applique la loi, doivent ne tenir compte que de l’acte matériel. C’est sous cette
seule condition que la loi pénale constituera une utilité suffisante.
Notons toutefois que le juge sera moins constant que le législateur, et qu’eu égard à l’objet même de sa mission
qui consiste en la recherche d’un équilibre, il démontrera en pratique que le régime pénal appliqué aux
délinquants politiques est relativement souple et pragmatique (Cf. infra, Titre II, Chapitre 1, Section II).
634
P. Sornay, op. cit., p. 23.
635
A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome III, pp. 172 et 175 et Tome IV, p. 179.
Ces juristes qualifient également cette loi de conservation comme une loi inhérente à la substance de tout être
vivant car « la nature a déposé au fond de notre âme l’instinct conservateur de l’existence ».
636
Réquisitoire reproduit par S. Charléty, in. Histoire du Saint-simonisme (1825-1864), Paris, 1931, p. 132.
637
S. Strachounsky, op. cit., p. 48.
De la même manière, pour A. Rolin, ce qui caractérise les regains de sévérité vers lesquels
tendent les gouvernements à l’égard de leurs adversaires politiques, réside dans le fait que les
infractions à caractère politique présentent « des conséquences dangereuses pour l’État638 ».
Aussi, eu égard au péril de telles infractions représentent pour l’ordre social ou politique, les
gouvernements recourent-ils a « plus de sévérité ».
Une analyse semblable est développée par E. Cauchy639 qui assimile la réaction des
gouvernements contre leurs opposants politiques à de la légitime défense. Selon ce juriste,
« quand la société est attaquée à main armée, elle tire l’épée pour sauver sa vie […] ; il
s’agit de légitime défense, il s’agit de repousser la force par la force ».
En conséquence, parce qu’il s’agit de protéger la société et l’organisation politique contre
toute entreprise qui tendrait à l’anéantir, les législateurs vont assortir le régime des infractions
à caractère politique de « peines très sévères dans un but d’élimination des ennemis du
régime640 ».
Le caractère répressif de la loi pénale déployée en matière politique va même plus loin. En
effet, alors même que les régimes politiques du XIX ème siècle orientent leur politique
criminelle vers un adoucissement des pénalités, le « souci de la sûreté de l’État » vient
constituer un frein manifestement contraignant à la politique d’adoucissement des peines en
matière politique641.

§ II - Une neutralisation marquée par l’application


de mesures rédhibitoires à la dangerosité du
criminel politique

Lorsque l’on évoque le gouvernement en tant qu’organe détenteur de la puissance publique


dans un régime parlementaire, nous entendons aussi bien l’organe exécutif que l’organe
législatif. En matière de politique criminelle, ce sont ces deux organes qui en orientent la
coloration et la destination.
Il convient d’exclure de l’objet de ce titre le pouvoir judiciaire pour deux raisons. D’une part,
parce que le pouvoir judiciaire est subordonné au travail des deux autres pouvoirs s’agissant
de l’élaboration de la politique criminelle. En d’autres termes, le pouvoir judiciaire ne dispose

638
A. Rolin, op. cit., 1883, p. 426.
639
E. Cauchy, Les précédents de la Cour des pairs, Paris, 1839, p. 175.
640
P. Sornay, op. cit., p. 30.
641
Ibid., p. 33.
pas de la compétence d’élaborer une politique criminelle différente, sa fonction étant
d’appliquer la politique criminelle définie par le gouvernement et contenue dans la loi.
D’autre part, du fait de son autonomie et de sa vocation à rechercher un équilibre entre les
faits et le droit, le pouvoir judiciaire va jouer le plus souvent le rôle d’un élément
modérateur642.
Dès lors, il convient de distinguer deux aspects au titre de l’élaboration des mesures
rédhibitoires au danger que peuvent représenter les délinquants politiques. Nous distinguerons
d’une part l’action dictée par le gouvernement en tant que pouvoir exécutif. Il sera constaté à
ce titre une certaine sévérité du fait de la nature des peines préconisées et de la politique
suivie (A).
D’autre part, nous verrons que le pouvoir législatif reste fidèle à l’action gouvernementale 643
et qu’il réaffirme la politique répressive élaborée par le pouvoir exécutif, lorsqu’il n’est pas
lui-même à l’origine de cette politique (B).

A-/ L’action gouvernementale de répression des infractions à


caractère politique

Dans le cadre de la lutte pour la conservation de l’ordre politique et social établi, le


gouvernement est le plus souvent le centre d’impulsion de la politique criminelle. C’est à lui
qu’il revient en général, quelle que soit la période et la nature du régime, de définir les
orientations de la politique répressive.
Pour bien cerner cette influence du pouvoir exécutif sur la politique criminelle, seront
distingués dans un ordre chronologique à travers les différents régimes politiques, les
principaux actes des gouvernements du XIXème siècle qui illustrent la nature de leur politique
répressive en matière d’infractions à caractère politique.
Il conviendra dans un premier temps de faire référence aux périodes de la fin du premier
Empire et des Cent-Jours (1°), puis d’étudier ensuite la période de la Restauration (2°), puis la

642
Nous étudierons cette question plus loin, cf. infra, Titre II, Chapitre 1, Section II.
643
Avançons toutefois une réserve en ce que le pouvoir législatif semble moins farouche que le pouvoir exécutif.
Notamment lorsqu’il s’agit de protéger un gouvernement au « sens étroit », il n’est pas rare que certaines
personnalités de l’État ne « surnagent » pour employer le terme de J.-J. Chevallier (op. cit., p. 172) pour
favoriser la naissance d’un régime nouveau alors qu’ils avaient la charge et le devoir de protéger le régime dont
ils étaient antérieurement les garants.
C’est ainsi qu’E. Sieyès, C.-M. de Talleyrand, une partie de la Chambre des députés sous le règne de Charles X
et bien d’autres personnalités encore, ont respectivement renié le serment qui les liaient à un régime devenu
contesté ou faible, pour favoriser l’essor d’un régime politique nouveau.
Notons que de telles défections n’ont eu lieu que lorsqu’il s’agissait de modifier la constitution politique du pays.
Autrement dit, la défection des hauts-fonctionnaires et des personnalités politiques ne s’est manifestée dans la
pratique lorsque le vent de l’insurrection ne soufflait que sur la forme constitutionnelle du pouvoir.
période de la Monarchie de Juillet (3°), avant de se pencher sur la deuxième République (4°),
pour terminer sur le second Empire (5°).

1°/ La période de la fin de l’Empire et des Cent-Jours

De nombreux documents attestent du regain de sévérité dont font preuve les différents
gouvernements du XIXème siècle, fussent-ils libéraux ou autoritaires. La nature de ces
documents est variée dans la mesure où il peut s’agir aussi bien d’ordonnances, que de
décrets, de circulaires ou de simples avis. Tous émanent présentement du pouvoir exécutif à
travers le chef de l’exécutif – le roi, le président ou l’empereur selon le régime en place – ou
de son gouvernement.
Il est fondamental de souligner que le recours à la sévérité exprimée à travers ces documents a
un lien très étroit avec le contexte politique ou social du moment. En effet, de tels documents
sont bien moins fréquents lors des périodes de calme et de tranquillité.
Malgré la rigueur déployée par certains articles du Code pénal de 1810 à l’égard des auteurs
d’infractions contre la sûreté de l’État, la fin du régime du premier Empire illustre bien le
recours à une politique exceptionnelle insufflée par un besoin de conservation.
Ces mesures sont très variées. Certaines, comme un décret publié le 28 février 1814 644,
tendent à recourir à la peine capitale pour des faits d’apparence anodins, comme le port
d’insignes ou de décorations non autorisées.
Ce décret permet d’illustrer la rigueur répressive très souvent excessive vers laquelle un
gouvernement peut se diriger lorsqu’il craint pour sa propre survie. Il s’agit, en vertu de
l’article 3645, de traduire sans délai devant les tribunaux les individus qui manifesteraient leur
attachement à la dynastie des Bourbons par un simple port de signes ou de décorations, de
même que tout français qui auraient accompagné les alliés dans leur campagne militaire en
direction de Paris646 .
Bien que d’une nature différente, un autre décret publié au Moniteur le 7 mars 1814 647, permet
également d’illustrer la crainte du pouvoir politique établi de se faire renverser. Il s’agit ici
d’une obligation de faire, et en l’espèce, d’une obligation de résister face aux armées
644
Cf. annexe n° 39.
645
Art. 3 : Tout Français qui aura porté les signes ou les décorations de l’ancienne dynastie, dans les lieux
occupés par l’ennemi, et pendant son séjour, sera déclaré traître, et comme tel jugé par une commission militaire
et condamné à mort. Ses biens seront confisqués au profit du domaine de l’État.
646
Art 1er : Il sera dressé une liste des Français qui, étant au service des puissances coalisées, ou qui, sous
quelques autres titres que ce soit, ont accompagné les armées ennemies dans l’invasion du territoire de l’Empire,
depuis le 20 décembre 1813.
Art. 2 : Les individus qui se trouveront compris sur ladite liste seront traduits, sans aucun délai, et toutes affaires
cessantes, devant nos cours et tribunaux, pour y être jugés, condamnés aux peines portées par les lois, et leurs
biens être confisqués au profit du domaine de l’État, conformément aux lois existantes.
647
Cf. annexe n° 40.
coalisées. Ce décret, à travers son article 1648, dispose que tout citoyen français a le devoir de
prendre les armes et d’user de tout moyen afin de résister à l’ennemi.
De la même manière, un autre décret publié le même jour 649 déclare « traître » tout
fonctionnaire public ou toute autre personne qui atténuerait l’élan patriotique du peuple dans
sa résistance face aux coalisés. Il est intéressant de relever ce décret dans la mesure où, là
encore, est prévu le recours à des peines particulièrement sévères, la traîtrise étant punissable
de mort650. En outre, ce décret évoque la notion de légitime défense laquelle permet de
souligner le danger qu’encourt le pouvoir politique devant ces incursions.
La volonté de dissuasion des trahisons et des infractions à caractère politique est entérinée par
les propos tenus par le ministre de la justice J.-J. Cambacérès lors des Cent-Jours, à l’occasion
d’une circulaire du 11 mai 1815651 qu’il adresse aux parquets. Par cette circulaire, il incite les
membres du ministère public à faire preuve d’une grande rigueur à l’égard des ennemis de la
tranquillité publique.
Par ailleurs, dans cette circulaire qui fait suite à un décret du 9 mai 1815 652 relatif à la sûreté
de l’État, le garde des sceaux rappelle que le caractère préventif de la loi pénale passe par la
certitude de la peine et par son exécution effective.
En exhortant les parquets à redoubler de vigilance et de zèle, il leur ordonne de « déployer
une juste sévérité [afin de] confondre des machinations dont le but serait de compromettre
l’existence de l’État ». Plus loin, il ajoute que les parquets ont la charge de « mettre les
tribunaux en garde contre des applications erronées de la loi, dont l’effet laisserait impunis
des délits aussi préjudiciables à la société ».
Ces décrets ne sont pas l’apanage du gouvernement de l’Empire, la Restauration au lendemain
des Cent-Jours aura également recours à de semblables procédés afin de sauvegarder la
Constitution politique dont elle sera la manifestation.

2°/ La période de la seconde Restauration

648
Art 1er : Tous les citoyens français sont non seulement autorisés à courir aux armes, mais requis de la faire ; de
sonner le tocsin aussitôt qu’ils entendront le canon de nos troupes s’approcher d’eux, de se rassembler, de
fouiller les bois, de couper les ponts, d’intercepter les routes, et de tomber sur les flancs et sur les derrières de
l’ennemi.
649
Cf. annexe n° 41.
650
Art 1er : Tous les maires, fonctionnaires publics et habitants qui, au lieu d’exciter l’élan patriotique du peuple,
le refroidissement ou dissuadant les citoyens d’une légitime défense, seront considérés comme traîtres, et traités
comme tels.
651
Cf. annexe n° 42.
652
Cf. annexe n° 43.
Si l’orientation politique voulue par Louis XVIII lors de son avènement en 1814, tendait à
répondre à desseins de paix, de réconciliation et de pardon 653, cette orientation fut seulement
temporaire. En effet, très rapidement, lorsque l’empereur Bonaparte débarque à Golfe Juan le
1er juin 1815, le gouvernement de Louis XVIII pour se prémunir de tout renversement, prend
une série de mesures d’exception.
Parmi ces mesures, le gouvernement rend une ordonnance publiée au Moniteur Universel du 7
mars 1815654. Aux termes de l’article 1er de cette ordonnance655, il est enjoint à toute personne
de stopper l’empereur déchu et de le traduire devant des conseils de guerre.
En outre, cette ordonnance renvoie aux qualifications de complots et d’attentats tendant à
inciter à la guerre civile et à détruire le gouvernement. Ces infractions sont sanctionnées par la
peine capitale en vertu des articles 89 à 91 du Code pénal.
Notons également que cette ordonnance n’est pas applicable uniquement à Bonaparte parce
que d’une part elle s’étend aussi en vertu de l’article 2 656, à tout militaire qui aurait
accompagné l’empereur dans sa marche sur la capitale ; et que d’autre part, elle vise par les
articles 3657 et 4658, toute personne qui aurait prêté directement ou indirectement son aide ou
son assistance à l’empereur, ou bien qui aurait, par quelque moyen que ce soit, provoqué les
citoyens à la révolte ou les aurait incité à ne pas repousser l’intrusion de l’empereur.
Il en est de même au lendemain de l’avènement de la seconde Restauration. Dans la mesure
où de nombreuses personnalités politiques et militaires vont trahir le serment qu’elles avaient
prêté à la Charte de Louis XVIII lors du retour de l’empereur de l’île d’Elbe, ces personnes
seront placées sous un régime particulièrement sévère.

653
Il s’agit de l’expression employée par Louis XVIII, cette expression synthétise son programme de politique
criminelle : « oubli et pardon ». E. de Waresquiel et B. Yvert, Histoire de la Restauration, 1814 – 1830, Paris,
2002, p. 69.
654
Cf. annexe n° 44.
655
Art. 1er : Napoléon Bonaparte est déclaré traître et rebelle pour s'être introduit à main armée dans le
département du Var. Il est enjoint à tous les gouverneurs, commandants de la force armée, gardes nationales,
autorités civiles et mêmes aux simples citoyens, de lui courir sus, de l'arrêter et de le traduire incontinent devant
un conseil de guerre qui, après avoir reconnu l'identité, provoquera contre lui l'application des peines prononcées
par la loi.
656
Art. 2 : Seront punis des mêmes peines et comme coupables des mêmes crimes, les militaires et les employés
de tout grade qui auraient accompagné ou suivi ledit Bonaparte dans son invasion du territoire français, à moins
que dans le délai de huit jours, à compter de la publication de la présente ordonnance, ils ne viennent faire leur
soumission entre les mains de nos gouverneurs, commandants de divisions militaires, généraux ou
administrations civiles.
657
Art. 3 : Seront pareillement poursuivis et punis comme fauteurs et complices de rébellion et d'attentats tendant
à changer la forme du gouvernement et provoquer la guerre civile, tous administrateurs civils et militaires, chefs
et employés dans lesdites administrations, payeurs et receveurs de deniers publics, même les simples citoyens
qui prêteraient directement ou indirectement aide et assistance à Bonaparte.
658
Art. 4 : Seront punis des mêmes peines, conformément à l'article 102 du code pénal, ceux qui, par des
discours tenus dans des lieux ou réunions publiques, par des placards affichés ou par des écrits imprimés auraient
pris part ou engagé les citoyens à prendre part à la révolte, ou à s'abstenir de la repousser.
Le régime répressif tendant à sanctionner les individus qui ont fait défection de leurs
fonctions ou de leurs postes concerne diverses catégories. C’est ainsi que les magistrats
ouvertement bonapartistes ou qui ont simplement manifesté leur attachement au bonapartisme
sont révoqués de leurs fonctions en vertu d’une ordonnance du 15 février 1815659.
J.-P. Royer660 témoigne bien de cette période difficile pour une grande partie de la
magistrature. Selon cet historien, « c’est par centaines » que sont chassés en 1815 de leurs
fonctions judiciaires, les magistrats « qui avaient sans précaution servi Napoléon, ralliés à
son offre de réconciliation nationale et venus des horizons de pensée les plus divers, parfois
même des rangs légitimistes ».
De la même manière, une ordonnance publiée au Moniteur Universel du 26 juillet 1815 661,
considère comme démissionnaires de leurs fonctions de pairs de France, tous ceux qui ont
siégé à la Chambre des pairs lors la période des Cent-Jours, sous réserve toutefois de
démontrer qu’ils n’ont ni effectivement siégé, ni voulu siéger au sein de cette institution.
Le même état d’esprit guide la célèbre loi d’amnistie du 12 janvier 1816662 laquelle exclut du
bénéfice de l’amnistie proclamée par Louis XVIII, tous les régicides qui ont voté l’acte
additionnel du 22 avril 1815.
Or, les peines prévues contre les régicides sont nettement plus rigoureuses qu’une simple
démission en ce qu’elles sont perpétuelles et consistent en des mesures d’éloignement du
pouvoir central par des peines d’exil assorties de peines de déchéance civile et politique.
La répression opérée en réaction des trahisons au gouvernement de Louis XVIII s’étend
également aux officiers et autres commandants de l’armée en vertu d’une ordonnance publiée
au Moniteur du 30 juillet 1815663.
Cette ordonnance vise à travers son article 1er, les officiers généraux qui auraient comprimé
l’élan et la fidélité des sujets au gouvernement du roi. En outre, une ordonnance publiée le 9
août 1815664 vient interdire à tout français de servir à l’avenir dans un quelconque régiment

659
Cette ordonnance aurait donné lieu selon R. Charvin (op. cit., p. 117), à près de 94 révocations de magistrats
des Cours royales et 1400 révocations de magistrats des autres tribunaux.
660
J.-P. Royer, Histoire de la justice en France, 1995, p. 463.
661
Cf. annexe n° 45.
662
Cf. annexe n° 5.
663
Cf. annexe n° 46.
664
Les propos du ministre E. Decazes à l’occasion de cette ordonnance sont les suivants : « Dans la juste
horreur qu'inspirera partout cet odieux forfait, il importe de suivre la trace de tous les bruits auxquels il pourra
donner lieu, et de surveiller ceux des voyageurs qui propageraient de fausses craintes […] Il est essentiel de
veiller également aux publications par la presse auxquelles ce déplorable événement peut donner occasion, et
dans le cas peu vraisemblable où il serait possible qu'un crime aussi infâme servit de texte à des professions de
principe anarchiques et criminels, la plus grande célérité devrait être apportée pour arrêter la circulation, et
pour appeler sur ces coupables écrits l'action du ministère public et des tribunaux ». Cf. annexe n° 47.
constitué par Bonaparte665 et à défendre également aux officiers civils et militaires de faire
exécuter quelque loi ou ordre illégal666 qui se rapporterait à l’article 1er sous peine de
destitution667.
Les périodes transitoires entre les régimes successifs ne sont pour autant pas les seules
périodes de troubles légitimant une réaction politique motivée par un souci de conservation.
Les années 1820 marquent également une période troublée qui fait suite à l’assassinat du duc
de Berry par L.-P. Louvel, le 13 février 1820. Cette épisode sanglant pour la dynastie des
Bourbons ravive la Terreur blanche et entraîne dans la politique gouvernementale une
réaction rigoureuse contre les ennemis avérés ou supposés du gouvernement, comme l’illustre
une circulaire du ministre de l’intérieur adressée aux préfets, publiée au Moniteur du 26 mars
1820668.
L’idée d’une réaction pénale motivée par des impératifs de conservation du régime établi est
remarquablement bien illustrée par la réponse que fait Louis XVIII à une adresse de la
Chambre des députés tendant à lui demander de renforcer le système répressif des infractions
à la sûreté de l’État. Louis XVIII répond par ces mots : « Je suis profondément touché de la
part que la Chambre des députés prend à ma juste douleur. Je vois avec plaisir qu’elle se
dispose à concourir à mes vues dans cette grave circonstance. Elle ne doit pas douter
qu’homme par le cœur, roi par devoir, je ne prenne les mesures propres à préserver l’État
des dangers dont l’attentat d’aujourd’hui ne m’avertit que trop669 ».
C’est en ayant pris acte de ces périls que le gouvernement de Louis XVIII, sous l’autorité du
baron Pasquier alors ministre des affaires étrangères, présente devant la Chambre des députés,
un projet de loi relatif à la liberté individuelle670.

665
Art. 1er : Il est défendu à tout Français, soit qu'il ait fait précédemment partie de nos troupes, soit qu'il n'ait
point servi, d'obéir à aucune prétendue loi de conscription, de recrutement ou à tout autre ordre illégal
quelconque qui émanerait de Napoléon Bonaparte, de tous corps ou autorités politiques, civils et militaires qu'il
pourrait appeler ou établir, ou qui lui auraient obéi depuis le 1er mars 1815 ou obéiront à l'avenir.
666
Art. 2 : Il est pareillement défendu à tous gouverneurs et officiers généraux commandant dans nos divisions
militaires et dans les départements de notre royaume, aux officiers de notre gendarmerie royale, et à tout
gendarme qui ont fait partie, à tout colonel, major ou chefs de corps, comme aussi à tous nos amiraux, vice-
amiraux et autres officiers de notre marine royale, aux préfets maritimes et aux commandants de nos ports et
arsenaux, à tous préfets, sous-préfets, maires ou adjoints de maire, d'exécuter ou de faire exécuter aucune des
prétendues lois de conscription ou de recrutement, ou aucun des actes ou ordres illégaux mentionnés dans
l'article précédent.
667
Art. 4 : Tous gouverneur ou officier général commandant dans nos divisions militaires, ou dans les
départements de notre royaume, tout colonel, major ou chef de corps, tout commandant de nos places, forteresses
ou postes de guerre, tout officier de nos corps royaux du génie et de l'artillerie, tout amiral, vice-amiral ou autre
officier de notre marine royale, préfet maritime et commandant de nos ports et arsenaux, qui, au mépris du
serment qu'il nous a prêté, aurait adhéré au parti de Napoléon Bonaparte, sera destitué, privé de toute solde
d'activité ou pension de retraite pour l'avenir, à moins qu'après avoir eu connaissance de notre présente
ordonnance, il ne rentre à l'instant dans son devoir envers nous.
668
Cf. annexe n° 48.
669
Moniteur Universel, mardi 15 février 1820, n° 46, p. 183.
670
Cf. annexe n° 49.
Tant l’exposé des motifs que la rédaction du projet de loi témoignent de l’orientation de la
politique criminelle rigoureuse poursuivie par le gouvernement et des impératifs de
sauvegarde de celui-ci.
D’abord à travers l’exposé des motifs, le ministre Pasquier évoque les circonstances graves,
tristes et douloureuses de la conjoncture, provoquées par l’attentat contre la vie du duc de
Berry671. Selon le ministre, cet attentat est la raison de l’impérieuse nécessité de prendre des
précautions « pour arrêter les progrès de ce fléau universel qui menace d'une subversion
entière la religion et la morale, la monarchie et la liberté, tout ordre public et toute
combinaison sociale ».
A travers cette formulation, le baron Pasquier exprime la crainte du gouvernement d’assister à
un renversement du pouvoir politique établi672, de l’ordre et de la tranquillité publique, de la
paix sociale, des mœurs et de la liberté.
De plus, le ministre des affaires étrangères insiste sur le fait qu’il s’agit de mesures
extraordinaires motivées par la gravité des circonstances et consistant, à travers l’article 1 er du
projet, en la possibilité d’arrêter et de détenir « sans qu'il soit besoin de le traduire en justice,
tout individu prévenu de complots ou de machinations contre la personne du roi, la sûreté de
l'État ou les membres de la famille royale ». La justification de recourir à de telles mesures
profondément attentatoires à la liberté individuelle est partagée par le pouvoir législatif qui
adopte le projet673.
A côté du gouvernement, la préfecture de police intervient aussi dans les matières touchant à
la sûreté de l’État, et conformément au ministère de l’intérieur, elle procède par la mise en
place d’une politique toujours rigoureuse lors des périodes troublées.

671
Moniteur Universel, mercredi 16 février 1820, n° 47, p. 190.
672
Il s’agit de la forme monarchique et parlementaire du gouvernement. Néanmoins le baron Pasquier insiste
particulièrement sur l’aspect dynastique en tant qu’objet d’une protection rigoureuse contre toute atteinte. Cette
phrase tirée de son exposé des motifs devant la Chambre résume parfaitement bien la pensée du gouvernement.
« Ne sommes-nous pas trop suffisamment avertis par ce coup imprévu, qu'il nous faut veiller à la conservation
de ce tronc antique et sacré dont une main sacrilège vient d'abattre le plus jeune rejeton ? […] Nous vous
demandons les moyens de veiller particulièrement à la sûreté du roi, de sa famille et de l'État, tous menacés ».
673
La sévérité du texte semble être néanmoins contestée par de nombreux députés dans la mesure où le texte
n’emporte l’adhésion que d’une modeste majorité, à raison de 134 voix contre 115. Moniteur Universel, jeudi 16
mars 1820, n° 76, p. 342.
Une fois ce projet de loi adopté par la Chambre des députés, il est présenté à la Chambre des pairs par le ministre
de l’intérieur, le comte Siméon. Ce dernier exprime les mêmes motivations et les mêmes craintes que celles
développées par le baron Pasquier. En effet, selon le comte Siméon, « ce que la prudence prescrit à tous les
pères de famille est un devoir pour les rois et pour les gouvernements. La famille du souverain ne peut être
frappée sans que le contrecoup ne se fasse ressentir dans tout l'État ; et si le crime qui enlève à la dynastie
régnante le plus jeune et le plus fécond de ses rejetons a pour motif avoué de l'éteindre tout entière, il n'est pas
moins dirigé contre l'État, qui a un si grand intérêt la stabilité du trône et à la conservation de ses héritiers, que
contre la famille elle-même ». Moniteur Universel, dimanche 19 mars 1820, n° 79, pp. 351 et 352.
Le projet, quelque peu remanié par le gouvernement, est néanmoins toujours fidèle à sa rédaction originelle. Cf.
annexe n° 50.
C’est ainsi que par une ordonnance publiée au Moniteur du 8 juin 1820 674, le préfet de police
réaffirme la rigueur avec laquelle les pouvoirs publics doivent répondre aux réunions et aux
attroupements sur la voie publique675.
Rappelant sa compétence en matière d’attroupements, de réunions tumultueuses et autres
troubles à la tranquillité publique, il expose les attributions et les pouvoirs de la force
publique pour faire cesser les troubles676 ainsi que les conséquences pénales très lourdes qui
pèsent sur les individus convaincus de résistance à la force publique677.
Cette ordonnance qui fait suite à certains incidents survenus dans la capitale à l’occasion
d’attroupements, est un mécanisme et un témoignage supplémentaire à la nécessité de rétablir
l’ordre et la sûreté de l’État.
S’il s’agit de prévenir et de sanctionner par de lourdes peines les adversaires politiques qui
représentent une menace pour les gouvernements, la peine pénale n’est toutefois pas le seul
mécanisme coercitif employé par les gouvernements.
En effet, il est certains cas dans lesquels, alors même qu’il n’y a pas eu de crime ou de délit
commis, il convient toutefois pour le pouvoir politique de se prémunir contre la menace de la
subversion. Parce que le danger pour le gouvernement est hypothétique mais toujours
possible, celui-ci va prendre une série de mesures appropriées tendant à circonscrire et
prévenir le danger.
En témoigne deux arrêtés du baron Cuvier officiant comme président de la commission
d’instruction publique. Le premier arrêté publié au Moniteur du 6 juin 1820 678 prévoit
d’exclure définitivement des facultés de Paris, tout étudiant qui serait convaincu d’avoir
participé à des attroupements illicites ou bien à des voies de fait.
Il intéressant de noter que d’une part cet arrêté ne s’adresse qu’aux facultés de Paris ce qui
illustre la notion de proximité avec le pouvoir central, et que d’autre part l’énoncé de l’arrêté
souligne bien l’intérêt de la mesure édictée par la nécessité d’empêcher la « conduite
désordonnée » d’étudiants qui pourraient faire « rejaillir une réputation de turbulence ».

674
Cf. annexe n° 51.
675
Art. 1er : Nouvelles défenses sont faites à toutes personnes de former des réunions ou attroupements sur la voie
publique.
676
Art. 2 : Toute réunion ou attroupement, qui après sa troisième sommation qui aura été faite par les
commissaires et autres officiers de police administrative ou judiciaire, par les chefs de la force armée ou
commandants de patrouille, refusera de se séparer, sera immédiatement dispersé par la force.
677
Art. 3 : Tous les individus qui s'étant rendus coupables de cet acte de désobéissance ; ceux qui se rendraient
coupables ou complices de résistances, d'injures ou voies de fait, envers les commissaires et autres officiers de
police administrative ou judiciaire et envers la force armée, qui seront arrêtés, seront traduits devants les
tribunaux pour être poursuivis en raison du crime ou délit de rébellion, suivant les circonstances, conformément
aux articles du Code pénal visés ci-dessus.
678
Cf. annexe n° 52.
Le second arrêté élaboré par la commission d’instruction publique, publié au Moniteur du 12
juin 1820679, est un complément au premier en ce qu’il tend à exclure des facultés
nominativement les individus qui ont pris part aux rassemblements et aux attroupements qui
ont éclaté dans la capitale.
Toutes ces mesures prises par le gouvernement de la Restauration, bien que n’étant pas
exhaustives, permettent d’appréhender les motivations qui poussent le gouvernement royal à
recourir à la répression contre ses adversaires politiques680.
Ces mesures s’inscrivent dans cette logique de phase de réaction développée par H. Passy 681.
Cette théorie veut que « les restaurations – d’un régime ou d’un système déchu par le passé –
apportent avec elles les germes de nouvelles tempêtes. C’est à un parti vaincu qu’elles
rendent la domination, et ce parti la reprend non seulement avec le désir d’en user au profit
de la cause qu’il a soutenue, mais avec celui de venger sa défaite sur ceux qui la lui ont fait
essuyer ».
Comme cela était le cas pour l’Empire, la Restauration mue par des volontés de conservation
et parfois par des volontés de vengeance, répond en fonction des circonstances par
l’élaboration de mesures extraordinaires adaptées à la situation. Ce phénomène, bien que
différent sous certains aspects, se poursuit également sous le gouvernement de la Monarchie
de Juillet.

3°/ La période de la Monarchie de Juillet

A l’instar des gouvernements précédents, le gouvernement de la Monarchie de Juillet traverse


des périodes plus ou moins tumultueuses en fonction desquelles il recourt à des mesures
répressives plus rigoureuses.
Ces mesures peuvent également prendre plusieurs aspects dans la mesure où elles peuvent
consister en l’élaboration d’incriminations nouvelles, ou en l’aggravation des pénalités ou des
procédures existantes à l’égard d’une incrimination déterminée. Elles peuvent aussi prendre la
forme de révocations de fonctionnaires ou de militaires, ou bien de circulaires enjoignant les
parquets ou les services de maintien de l’ordre à plus de sévérité. Malgré leur diversité, tous
ces cas témoignent de la même crainte de renversement que les gouvernements précédents.

679
Cf. annexe n° 53.
680
La mesure la plus célèbre, qui en outre aura raison du gouvernement de Charles X, correspond aux
ordonnances de juillet 1830. Nous ne reviendrons pas ici sur l’impact que produisirent ces célèbres ordonnances
sur la société. Cf. néanmoins l’annexe n° 54, qui reproduit le rapport fait au roi à l’occasion de la situation du
gouvernement, comme motivation aux ordonnances afin de comprendre quelles furent les desseins des ministres
signataires.
681
H. Passy, Des formes de gouvernement et des lois qui les régissent, Paris, 1870, p. 260.
A l’instar de la pluralité des situations difficiles qui ont marqué ses prédécesseurs, le
gouvernement de la Monarchie de Juillet est confronté à de multiples circonstances entraînant
de sa part une réaction.
L’un des premiers actes de rigueur du gouvernement de juillet contre ses adversaires, est de
procéder à l’établissement du serment des fonctionnaires publics 682. Afin de s’assurer de la
fidélité de ces derniers lesquels jouent un rôle crucial pour la sauvegarde du gouvernement,
Louis-Philippe et son garde des sceaux Dupont de l’Eure, publient une ordonnance
prescrivant le prononcé d’un serment683. Cela permet de contraindre moralement à la
démission, les « éléments de la magistrature les plus hostiles à la branche cadette684 ».
Outre cette ordonnance qui a pour objet d’opérer un tri parmi les magistrats, le gouvernement
va prononcer de nombreuses révocations de magistrats du parquet, de même que quelques
membres au sein de la magistrature du siège présenteront leur démission du fait de leur
fidélité au gouvernement déchu685. Le grand nombre de révocations des membres du parquet
et la manière dont elles interviennent fait qualifier cette phase par certains auteurs
d’épurations686.
Le gouvernement de juillet témoigne de sa crainte d’être renversé en étant également à
l’origine d’un projet de loi soumis aux chambres parlementaires. Il s’agit de la présentation
d’une loi relative aux crieurs publics, par laquelle le ministre de l’intérieur 687, le comte de
Montalivet, vient défendre « une garantie pour le bon ordre et la paix publique ». Cette
crainte est exprimée par la conception des crieurs publics que se fait le gouvernement à
travers la voix de son ministre, lesquels crieurs constituent un « puissant moyen
d’insurrection ».
Le comte de Montalivet insiste longuement sur l’idée selon laquelle il convient de prévenir les
désordres. Selon ce ministre, il faut voir, à travers le projet de loi relatif aux crieurs publics,
« une précaution d’ordre et de police pour assurer la libre circulation sur la voie publique et
prévenir toute cause de débats tumultueux entre les citoyens ». Autrement dit, par le

682
Cf. annexe n° 55.
683
Cette ordonnance intervient en complément d’une loi du 1 er septembre 1830 relative à la prestation de serment
de tous les fonctionnaires publics.
684
J.-P. Royer, op. cit., p. 467.
685
Selon R. Charvin (op. cit., p. 117), 426 membres du parquet sont révoqués et 213 magistrats du siège
démissionnent.
686
J.-P. Royer, op. cit., p. 467. Comme ce fut le cas au lendemain de la seconde Restauration, il s’agit d’une
véritable « épuration » de fonctionnaires de l’ordre judiciaire. Cette épuration est motivée par le public qui la
réclame en arguant de la servilité des magistrats. Néanmoins ces épurations ne s’étendent qu’au parquet et ne
touchent que très exceptionnellement les magistrats du siège auxquels le gouvernement de juillet reconnait et
confirme leur inamovibilité de principe.
687
Moniteur Universel, dimanche 5 décembre 1830, n° 339, p. 1620.
mécanisme contraignant de la déclaration préalable imposée au crieur public auprès des
autorités publiques, le législateur entend légitimer une limitation à la liberté d’expression au
nom du maintien de la paix publique et de la sûreté de l’État.

Le devoir de maintien de l’ordre et de la paix publique est rappelé à maintes reprises comme
en atteste trois documents distincts. Le premier est un rapport rendu au roi faisant état de
troubles qui ont éclaté dans l’Ouest de la France. Dans son rapport, le ministre secrétaire
d’État à l’intérieur Montalivet exprime la crainte du gouvernement à l’égard de l’opposition
légitimiste.
Ayant réaffirmé que le « premier devoir du gouvernement est de maintenir et de protéger la
paix publique », le ministre de l’intérieur demande au roi d’appliquer les lois d’exception aux
territoires touchés par les séditions légitimistes688.
La référence à la protection du gouvernement semble secondaire, placée derrière la protection
de l’organisation sociale, dans la mesure où il est question d’empêcher de prime abord la
guerre civile ; néanmoins elle est bien présente à travers la crainte qu’inspire le parti de la
branche aînée des Bourbons. C’est dans ces conditions qu’est élaborée une ordonnance
déclarant l’état de siège de certaines communes de l’Ouest de la France689.
Le deuxième document attestant de la volonté du gouvernement de remédier aux troubles qui
ont éclaté en certains points du Royaume, est une proclamation rédigée par le ministre de
Montalivet à destination des parisiens. Cette proclamation publiée au Moniteur du 6 juin
1832690 tend à prévenir tout risque de subversion au sein de la capitale.
Le ministre fait référence dans sa proclamation non plus aux seuls légitimistes, mais à deux
partis qu’il considère comme des « fléaux » pour le parti monarchiste libéral : les carlistes et
les républicains.
Cette proclamation vient entériner cette idée selon laquelle les partis qui ont le pouvoir à un
moment donné sont en constante lutte contre les autres partis pour leur propre préservation à
la tête du pouvoir. Une phrase du ministre illustre particulièrement bien cette idée : « sous des
couleurs diverses, dit-il, reconnaissez les mêmes passions, les passions qui conspirent le
bouleversement de la société. Notre devoir est de la défendre ».

688
« La loi, écrit le ministre Montalivet, a spécifié des moyens exceptionnels : le moment est venu de faire, sur
un point du Royaume, l’application de ces moyens qui appartiennent toujours à l’ordre légal [...] Le
gouvernement du roi a prouvé en toute occasion son respect pour le droit commun ; mais en présence des actes
de brigandage auxquels se livrent des rebelles, une plus longue persévérance dans les voies ordinaires n’aurait
pour résultat que d’entretenir un foyer qu’il faut éteindre ». Moniteur Universel, 2 juin 1832, n° 154, p. 1275.
689
Cf. annexe n° 56.
690
Cf. annexe n° 57.
Le troisième type de document qu’il convient d’évoquer est rédigé sous la forme d’une
dépêche691. A l’instar de la proclamation du 6 juin cette dépêche n’emporte pas de
conséquences d’ordre juridique, mais il convient néanmoins de l’évoquer pour conforter ce
constat selon lequel les gouvernements craignent considérablement leurs adversaires
politiques.
Par cette dépêche adressée à tous les préfets de département, le ministre de l’intérieur les
enjoint à la plus grande vigilance à l’égard du parti des Bourbons et plus particulièrement
concernant la duchesse de Berry. Notamment, il leur recommande d’utiliser tous les moyens
dont ils disposent afin de démanteler le parti des « rebelles » et de les déférer devant la justice
le plus promptement possible.
A coté de ces textes prescrivant des injonctions de faire aux fonctionnaires publics ou
informant ces fonctionnaires sur l’état de la situation politique à un moment donné, d’autres
types de textes attestent des craintes des gouvernements et des mesures qui sont prises dans le
but de s’en prémunir.
C’est ainsi que l’on peut relever à titre d’exemple 692 un rapport du ministre de l’intérieur suivi
d’une ordonnance dont l’objet est de dissoudre une compagnie militaire au motif d’une forme
de désertion693.
Cette ordonnance mérite d’être évoquée dans la mesure où elle intervient en réaction à
l’inobservation des obligations de défense des institutions auxquelles était astreinte cette
compagnie. En effet, le ministre prend cette mesure de dissolution de ladite compagnie au
motif qu’elle « n’a pas répondu à l’appel de la loi, quand il s’agissait de s’opposer aux
projets criminels des ennemis de nos institutions ».
Notons enfin que, comme ce fut le cas sous la Restauration, la rébellion 694 ou la participation
d’étudiants de facultés ou de grandes écoles à la manifestation d’attroupements séditieux
entraîne des réactions sévères de la part du gouvernement.
C’est ainsi qu’une partie des élèves de l’école polytechnique et d’une école vétérinaire est
renvoyée, par une ordonnance publiée au Moniteur le 7 juin 1832695 du fait de leur
participation à une sédition.

691
Cf. annexe n° 58.
692
De telles ordonnances sont en effet extrêmement fréquentes.
693
Cf. annexe n° 59.
694
Elle est définie par le député Isambert comme « la résistance avec violence et voies de fait contre l’exécution
des ordres de l’autorité publique ». Moniteur Universel, samedi 2 avril 1831, n° 92, p. 689.
695
Cf. annexe n° 60.
Tous ces textes soit qu’ils émanent du roi, soit qu’il émane de son gouvernement ou de ses
préfets, illustrent bien l’idée de recourir à des moyens rigoureux lorsque le pouvoir politique
craint pour sa survie et sa conservation. Or, le recours à de tels mécanismes n’est pas propre
aux empires et aux monarchies dans la mesure où les républiques y recourent également.

4°/ La période de la deuxième République

La deuxième République comme les régimes précédents est un régime politique qui connaît
de constantes oppositions. Face aux menaces royalistes et socialistes, le gouvernement de la
deuxième République va également devoir recourir ponctuellement à certains procédés
rigoureux.
La sûreté de l’État est régulièrement mise en avant notamment à travers le décret de 11 août
1848696. Aux termes de ce décret qui renvoi à l’article 1 er de la loi du 17 mai 1819697, tout
individu qui aura attenté, par les moyens évoqués par l’article 1 er, aux différentes institutions,
à la constitution, à la souveraineté ou au principe du suffrage universel de la deuxième
République, sera puni d’emprisonnement et d’une lourde amende.
En outre l’infraction d’excitation à la haine et au mépris du gouvernement ainsi que
l’infraction relative au port public de signes de ralliement non autorisés, à l’enlèvement ou la
dégradation de signes publics de l’autorité et de la diffusion de symbole tendant à propager
l’esprit de rébellion, sont reprises et adaptées aux particularismes du gouvernement
républicain. Ces infractions figurent respectivement sous les articles 4 698 et 6699 du décret du
11 août 1848.
De même, par un décret du gouvernement provisoire publié au Moniteur le 25 février 1848 700,
le nouveau gouvernement issu de la révolution de février 1848 démontre sa crainte de ne
pouvoir s’installer ni se maintenir à la tête de la Nation.

696
Cf. annexe n° 61.
697
Art. 1er : Quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics,
soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures ou emblèmes vendus ou distribués, mis
en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du
public, aura provoqué l'auteur ou les auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre, sera réputé
complice, et puni comme tel. Cf. annexe n° 28.
698
Art. 4 : Quiconque, par l'un des moyens énoncés en l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819, aura excité à la haine ou
au mépris du gouvernement de la République, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à quatre ans, et d'une
amende de cent cinquante francs à cinq mille francs.
La présente disposition ne peut porter atteinte au droit de discussion et de censure des actes du pouvoir exécutif
et des ministres.
699
Art. 6 : Seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une amende de cent francs à quatre
mille francs :
1° l'enlèvement ou la dégradation des signes publics de l'autorité du gouvernement républicain, opéré en haine
ou mépris de cette autorité ;
2° le port public de tous signes extérieurs de ralliement non autorisés par la loi ou par des règlements de police ;
3° l'exposition dans des lieux ou réunions publics, la distribution ou la mise en vente de tous signes ou symboles
propres à propager l'esprit de rébellion ou à troubler la paix publique.
700
Cf. annexe n° 62.
En l’espèce il s’agit d’un appel au « patriotisme de l’armée » afin d’éviter toute défection,
toute désertion voire toute trahison. Il enjoint notamment les autorités militaires à recourir
avec sévérité et rigueur, à l’arrestation des déserteurs et à leur traduction devant les
juridictions compétentes afin qu’ils soient sanctionnés conformément à la loi701.
En outre, le gouvernement républicain témoigne également de sa volonté inébranlable de se
protéger contre toutes les atteintes, au besoin par la force. En effet, à l’occasion d’une
proclamation702 faite aux habitants de Paris, le ministre de l’intérieur L. Faucher explique
qu’eu égard aux menaces déployées par « l’agitation perpétuelle, l’anarchie, la destruction
de la propriété et le renversement de tous les principes », le gouvernement a fait appel en vue
de « la défense de l’ordre social » à la garde nationale. Le ministre ajoute, qu’outre l’appel à
la garde nationale, c’est aux citoyens qu’il appartient de seconder le gouvernement « dans la
répression des troubles qui agitent la place publique ».
Dans le même ordre d’idées, le gouvernement somme à tous les citoyens de se rallier autour
du pouvoir central afin de lutter contre ses adversaires politiques, à travers deux
proclamations du 13 juin 1849703.
La terminologie employée par les ministres et par le président Bonaparte, auteurs de ces
proclamations, sont explicites quant à l’aspect de défense sociale qu’il convient d’adopter
contre les factieux.
Il s’agit pour le gouvernement et la représentation nationale de défendre la Constitution et la
République contre les auteurs d’insurrections « jusqu’à la mort » en luttant activement et
rigoureusement contre les tentatives séditieuses. Une phrase rédigée par L.-N. Bonaparte
illustre cette idée lorsqu’il écrit que « il est temps que les bons se rassurent et que les mauvais
tremblent ».
Si Paris fait l’objet de nombreuses agitations, la Province n’est pas épargnée par les tensions
et il appartient au gouvernement d’y maintenir son autorité. Aussi certains exemples
témoignent-ils du fait que le pouvoir central se préoccupe de l’état de la Province au même
titre que celui de la capitale.
En effet, le gouvernement de la deuxième République a conscience que les insurrections ne
sont pas une particularité parisienne, l’histoire ayant démontré que des séditions peuvent
apparaître en tous points du territoire.

701
Rappelons que la loi pénale est particulièrement répressive en matière de désertion comme en matière de
trahison, dans ces deux cas la sanction prévue est la peine capitale.
702
Cf. annexe n° 63.
703
Cf. annexe n° 64.
C’est dans ces conditions que le gouvernement républicain est amené à prendre des mesures
coercitives contre des fonctionnaires publics lorsque ceux-ci n’ont pas respecté leurs serments
et leurs missions de protection de la paix et de la tranquillité publique.
En témoigne deux arrêtés publiés au Moniteur du 12 février 1849704 par lesquels le ministre de
l’intérieur révoque de leurs fonctions le maire d’une commune et un bataillon d’infanterie de
la garde nationale au motif qu’ils ne sont pas intervenus lors d’une sédition. Ces arrêtés
apparaissent comme un moyen efficace de rappeler les obligations envers le pouvoir central
auxquelles sont astreints les fonctionnaires publics et les militaires.
Tous ces actes gouvernementaux témoignent de ce concept très usité à l’époque
révolutionnaire, celui de salut public. A situation exceptionnelle, moyens exceptionnels. En
fonction de l’état de la société à un moment donné, et parce que les gouvernements ont pris
conscience de leur fragilité et de leur vocation à être renversés à tout instant, aussi recourent-
ils à des mesures exorbitantes et dérogatoires au droit commun.
Néanmoins, à l’instar des régimes précédents, la rigueur vers laquelle le gouvernement de la
deuxième République voue sa politique criminelle, n’est pas suffisamment efficace. Quelle
que sévère que soit la répression politique vers laquelle puisse tendre le gouvernement
républicain, elle ne l’empêchera pas de s’effondrer à son tour lors du coup d’État du 2
décembre 1851 par le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte.

5°/ La période du second Empire

Le second Empire fait également preuve d’une certaine rigueur contre ses adversaires
politiques fussent-ils républicains ou monarchistes, notamment lors de la période autoritaire
qui s’étend jusqu’à la fin des années 1850.
Parmi les principaux actes du gouvernement témoignant de la sévérité déployée en matière de
sûreté de l’État, il convient de citer deux arrêtés ministériels des 3705 et 4706 décembre 1851. Le
principe de l’abolition de la peine de mort en matière politique est directement remis en cause
par le premier arrêté707 et implicitement par le second.

704
Cf. annexe n° 65.
705
Cf. annexe n° 66.
706
Cf. annexe n° 67.
707
Il convient néanmoins d’observer que l’approche de cet arrêté est délicate dans la mesure où on peut la
concevoir, comme le fait R. Charvin (op. cit., p. 146), comme consistant en une limitation de la liste des
infractions politiques. Pour cet auteur, le gouvernement du second Empire ne fait que retirer une incrimination
de la liste des délits politiques en l’assortissant de la peine capitale. Cela a pour conséquence de lui faire perdre
son caractère politique. R. Charvin inscrit alors son raisonnement dans ce courant de pensée qui consiste à
définir l’infraction politique au regard de la peine qui lui est applicable. Autrement dit, toute infraction qui fait
application de la peine de mort au titre des sanctions, est considérée comme une infraction de droit commun.
En effet, en vertu de l’arrêté du 3 décembre, la peine de mort est rétablie à l’égard d’une
catégorie particulière de délinquants politiques. En vertu de cet arrêté, toute personne prise les
armes à la main, ou bien construisant ou défendant des barricades sera passible d’exécution
par fusillade. Cette infraction qui jusque là était considérée comme relevant des infractions
politiques voit en conséquence son régime profondément changer.
Dans le second arrêté, le lien avec la peine capitale est en revanche plus implicite dans la
mesure où il se borne à renvoyer les auteurs de résistance au gouvernement, devant des
conseils de guerre. C’est par renvoi aux qualifications desquelles peuvent relever les auteurs
de résistance, que la peine de mort peut dans certains être retenue.
Quelle que moins rigoureuse que soit la peine infligée aux citoyens jugés dangereux pour le
pouvoir impérial, les peines d’expulsion voire de déportation sont également d’autres mesures
dont use fréquemment le gouvernement impérial contre ses adversaires.
C’est ainsi que par deux décrets du 9 janvier 1852 708, de nombreux députés sont expulsés de
France et des colonies françaises, définitivement ou temporairement, pour cause de sûreté
générale.
Il convient d’observer que, conformément à ce que développe R. Charvin 709, la plupart des
représentants de la deuxième République qui sont visés dans ce décret, sont les députés et les
chefs socialistes qui n’ont pas pris part aux émeutes, « mais dont les opinions sont jugées
dangereuses ». De telles mesures rappellent beaucoup l’exclusion de la Chambre des députés
dont fut l’objet le député Manuel, sous la Restauration.
Par ailleurs le gouvernement du second Empire, à l’image de ses prédécesseurs, recourt à des
mesures de placement des territoires touchés par une situation particulièrement troublée, en
état de siège.
C’est ainsi que le département des Hautes-Alpes est placé en état de siège par un décret du 4
janvier 1852710. Dans l’exposé des motifs, le ministre de l’intérieur de Morny justifie cette
mesure en raison du « péril imminent » qui résulte des graves agitations qui troublent ce
département.
En outre, au titre des mesures tendant à la protection du gouvernement, est élaboré un décret
qui institue un ministère de la police générale. Il s’agit d’un décret du 22 janvier 1852 711
lequel est motivé par une volonté de surveillance et de contrôle.
708
Cf. annexe n° 68.
709
R. Charvin, op. cit., p. 157.
710
Cf. annexe n° 69.
711
Cf. annexe n° 70.
Ce ministère se veut particulièrement efficace à l’égard des délinquants politiques dans la
mesure où parmi ses attributions établies par l’article 2712, le ministre de la police générale est
compétent en matière de sûreté et de tranquillité publique, de maintien de l’ordre public ou
encore de surveillance de la presse. Ces domaines intéressent directement la sûreté de l’État et
peuvent être, de par cette nature, assimilés à des délits politiques.
Notons enfin une circulaire co-rédigée par les ministres de l’intérieur, de la justice et de la
guerre, le 3 février 1852713. Cette circulaire vient en application d’une autre circulaire relative
à l’injonction adressée aux préfets de faire mettre en liberté tous les détenus politiques dont le
caractère subversif est incertain et ne présentant aucun danger pour la sûreté publique.
Ce qui est intéressant de noter relativement à la circulaire du 3 février, c’est la volonté
exprimée dans l’exposé des motifs, de statuer dans les plus brefs délais « sur le sort de tous
les individus compromis dans les mouvements insurrectionnels ou les tentatives de désordre »
qui ont eu lieu depuis le 2 décembre 1851.
Le but illustré par cette promptitude à juger ces individus, est de déterminer ceux qui, ne
présentant aucun danger pour l’État, devront être libérés, et ceux qui, dans le cas contraire,
qualifiés de pernicieux éléments, constituent une menace pour le gouvernement impérial et
doivent être par conséquent neutralisés.
Tous les exemples soulevés par le biais des différents actes gouvernementaux ont témoigné
unanimement de la vocation des gouvernements du XIX ème siècle de recourir à des moyens de
force et de rigueur afin de déjouer les entreprises criminelles de leurs adversaires politiques. Il
convient également de rechercher dans l’action du législateur en tant que pouvoir législatif
constitutionnellement séparé du pouvoir exécutif, s’il dispose des mêmes craintes que le
gouvernement et s’il poursuit les mêmes velléités que ce dernier contre les adversaires du
pouvoir politique.

B-/ Une application législative conforme à la politique


répressive gouvernementale

712
Art. 2 : Le ministre de la police aura les attributions suivantes :
L’exécution des lois relatives à la police générale, à la sûreté et à la tranquillité intérieure de la République ;
Le service de la garde nationale, de la garde républicaine, de la gendarmerie, pour tout ce qui est relatif au
maintien de l’ordre public ;
La surveillance des journaux, des pièces de théâtre et des publications de toute nature ;
La police des prisons, maisons d’arrêt, de justice et de réclusion ;
Le personnel des préfets de police de Paris et des départements, des agents de toute sorte de la police générale ;
La police commerciale, sanitaire et industrielle ;
La répression de la mendicité et du vagabondage.
713
Cf. annexe n° 71.
Les périodes socialement ou politiquement troublées entraînent également pour le pouvoir
législatif la nécessité de recourir à des mesures exceptionnelles. Ces mesures peuvent prendre
le plus souvent l’aspect de lois, mais elles peuvent également prendre l’aspect d’adresses au
souverain, ou encore, lorsque la Chambre parlementaire dispose d’attributions
juridictionnelles, ces mesures peuvent recouvrir l’aspect d’une mise en accusation contre un
ou plusieurs ministres.
Il convient par ailleurs de préciser que le pouvoir législatif ne peut valablement disposer d’un
pouvoir coercitif que lorsqu’il est constitutionnellement défini comme tel. En conséquence
nous ne traiterons pas de la période du premier Empire et des Cent-Jours contrairement à la
partie précédente, dans la mesure où le pouvoir législatif est réduit sous l’Empire, à un simple
rôle d’enregistrement des décisions du pouvoir exécutif. C’est ainsi qu’il conviendra de
distinguer les périodes de la Restauration (1°), de la Monarchie de Juillet (2°), de la deuxième
République (3°) et du second Empire (4°).

1°/ La période de la Restauration

A l’instar des gouvernements, les chambres parlementaires semblent également avoir joué un
rôle très important en matière de répression politique au XIX ème siècle. La courte période de la
première Restauration n’illustre pas cette réaction de la part du pouvoir législatif, pas plus que
du pouvoir exécutif, contre leurs adversaires politiques.
En revanche, sous la seconde Restauration, le but de la politique criminelle développée à
l’égard des adversaires politiques est de procéder à une vive réaction comme en attestent P.
Sornay714 et J. Viaud715.
En effet selon J. Viaud, de nombreux moyens défensifs sont mis en place afin de prémunir le
gouvernement monarchique notamment contre les auteurs et les complices des Cent-Jours.
L’objectif du législateur, comme celui du gouvernement, est de frapper « juste et atteindre les
vrais et grands coupables ». Cette période « riche » en mesures répressives s’explique par la
volonté de fortifier « les assises du Trône et déjouer les entreprises ennemies716 ».

714
P. Sornay, op. cit., pp. 19 et 20. Cet auteur démontre le lien entre les Ultras et la politique de réaction menée
par le gouvernement et les parlementaires. C’est, explique-t-il, sous leur influence directe, que de nombreuses
lois d’exception sont prises, comme la loi d’amnistie du 6 janvier 1816, la loi du 3 octobre 1815 sur les libertés
individuelles, la loi du 11 novembre 1815 sur les cris séditieux, la loi du 6 février 1822 sur la presse ou encore la
célèbre loi sur le sacrilège. De la même manière, les ordonnances de suspension de la presse de juillet 1830
résultent de l’esprit des Ultras et témoignent « du peu de dispositions à l’indulgence du gouvernement et du
législateur ».
715
J. Viaud, op. cit., pp. 163 et 164.
716
J. Viaud, ibid., p. 173.
Il s’agit principalement, comme l’illustre R. Charvin717, d’opérer une réaction face aux
trahisons perpétrées par certaines personnalités lors des Cent Jours et face aux craintes
d’affaiblissement du pouvoir royal. C’est donc dans un contexte très tendu qu’est élaborée et
adoptée quasi unanimement718 la loi sur les cris séditieux du 9 novembre 1815719.
Le cri séditieux est défini par l’article 5 de la loi comme étant tout cri, discours ou écrit
tendant à affaiblir par divers moyens 720 le pouvoir royal ou bien à provoquer à la
désobéissance au roi ou à la Charte721.
La sévérité de cette loi s’illustre à travers les peines auxquelles elle recourt, lesquelles
semblent disproportionnées au regard des infractions commises. C’est ainsi que l’article 1 er
répute crime le fait de publier ou de distribuer des écrits, ou bien d’avoir proféré dans des
lieux publics des cris dont l’objet est de menacer la vie ou la personne du roi ou de sa famille,
ou bien de provoquer au renversement du gouvernement ou de l’ordre de successibilité au
Trône722.
La qualification de crime est également reconnue pour le fait d’arborer un autre drapeau que
le drapeau blanc723. De même, le simple fait de tenir des propos séditieux sur le passage du roi
ou au sein de son palais, est puni de la peine de déportation724.
Par ailleurs, en vertu de la loi du 29 octobre 1815725, la liberté individuelle est
considérablement remise en cause par le pouvoir législatif au nom de la conservation du
gouvernement.

717
R. Charvin, op. cit., p. 110.
718
Elle est en effet adoptée en dernière lecture devant la Chambre des pairs à une majorité de 121 voix contre 35.
Moniteur Universel, mercredi 8 novembre 1815, n° 312, p. 1232.
719
Cf. annexe n° 72.
720
Comme par exemple le fait de colporter de fausses alarmes (art. 8), ou bien de dégrader des symboles de
l’autorité royale, ou encore le port d’emblèmes ou de décorations contraires au gouvernement royal (art. 7).
721
Art. 5 : Sont déclarés séditieux tous cris, tous discours proférés dans des lieux publics ou destinés à des
réunions de citoyens ; tous écrits imprimés, même tous ceux qui, n'ayant pas été imprimés, auraient été ou
affichés, ou vendus, ou distribués, ou livrés à l'impression ; toutes les fois que, par ces cris, ces discours ou ces
écrits, on aura tenté d'affaiblir, par des calomnies ou des injures, le respect dû à la personne ou à l'autorité du roi,
ou à la personne des membres de sa famille, et que l'on aura invoqué le nom de l'usurpateur ou d'un individu de
sa famille, ou de tout autre chef de rébellion ; toutes les fois encore que l'on n'aura, à l'aide de ces cris, de ces
discours ou de ces écrits, excité à désobéir au roi et à la Charte constitutionnelle.
722
Art. 1er : Seront poursuivies et jugées criminellement toutes personnes coupables d'avoir, ou imprimé, ou
affiché, ou distribué, ou vendu, ou livré à l'impression des écrits ; d'avoir, dans des lieux publics, ou destinés à
des réunions habituelles de citoyens, fait entendre des cris ou proféré des discours ; toutes les fois que ces cris,
ces discours ou ces écrits auront exprimé la menace d'un attentat contre la vie, la personne du roi, la vie ou la
personne des membres de la famille royale, ou qu'ils auront provoqué directement ou indirectement au
renversement du gouvernement, ou au changement de l'ordre de successibilité au trône, lors même que ces
tentatives n'auraient été suivies d'aucun effet, et n'auraient été liées à aucun complot. Les coupables des crimes
ci-dessus énoncés seront punis de la peine de la déportation.
723
Art. 2 : Seront punis de la même peine toutes personnes coupables d'avoir arboré, dans un lieu public, ou
destiné à des réunions habituelles de citoyens, un drapeau autre que le drapeau blanc.
724
Art. 3 : Seront punis de la déportation toutes personnes qui feront entendre des cris séditieux dans le palais du
roi, ou sur son passage.
725
Cf. annexe n° 73.
Cette loi d’exception est certes temporaire726, mais elle n’en constitue pas moins une violation
de la Charte constitutionnelle en permettant l’arrestation et la détention pour une durée
indéterminée des individus convaincus de crimes ou délits contre le roi, sa famille ou la sûreté
de l’État727.
De la même manière, la loi d’amnistie du 12 janvier 1816 728 témoigne de la sévérité du
législateur des débuts de la seconde Restauration à l’égard des individus qui ont violé leur
serment prêté à Louis XVIII en 1814. Il s’agit d’une loi de proscription tendant à éloigner du
pouvoir central et à sanctionner fermement les individus compris dans la liste dressée par le
législateur.
Notons enfin que l’année 1819 est particulièrement féconde en matière de lois relatives à la
délinquance politique. Les menaces de séditions, de rébellion ou d’attentats contre les
principales institutions du régime constituent l’argument principal des textes élaborés par les
chambres.
Par trois lois, la répression est renforcée contre les auteurs d’infractions attentatoires à la
sûreté de l’État.
D’abord à travers la loi du 17 mai 1819729, sont sanctionnés rigoureusement les délits de
provocation publique à certains crimes et délits. Il importe de noter que les crimes ou délits
auxquels fait référence cette loi sont exclusivement relatifs à la sûreté de l’État dans la mesure
où ils concernent l’inviolabilité du roi, l’ordre de successibilité au Trône et le respect des
autorités constitutionnellement instituées730.
En dépit de la moindre gravité des peines auxquelles elle recourt, il convient également
d’évoquer la loi du 26 mai 1819731 au titre des mécanismes tendant à prémunir le
gouvernement contre toute entreprise subversive.
Cette loi modifie dans le sens d’un assouplissement, les conditions aux poursuites à l’égard
des offenses faites aux chambres parlementaires (art. 2), au roi ou aux souverains étrangers

726
Art. 4 : Si la présente loi n'est pas renouvelée dans la prochaine session des chambres, elle cessera de plein
droit d'avoir son effet.
727
Art. 1er : Tout individu, quelle que soit sa profession, civile, militaire ou autre, qui aura été arrêté comme
prévenu de crimes ou de délits contre la personne et l'autorité du roi, contre les personnes de la famille royale ou
contre la sûreté de l'État, pourra être détenu, jusqu'à l'expiration de la présente loi, si avant cette époque, il n'a été
traduit devant les tribunaux.
728
Cf. annexe n° 5.
729
Cf. annexe n° 28.
730
Art. 4 : Sera réputée provocation au crime et punie des peines portées par l'article deux, toute attaque formelle
par l'un des moyens énoncés en l'article premier, soit contre l'inviolabilité de la personne du roi, soit contre
l'ordre de successibilité au trône soit contre l'autorité constitutionnelle du roi et des chambres.
731
Cf. annexe n° 74.
(art. 3), ainsi que les cas de diffamation ou d’injures des cours, tribunaux, corps constitués
(art. 4) et autres agents publics (art. 5).
Enfin, toujours en matière de presse, les chambres recourent fréquemment à des mécanismes
coercitifs en vue de lutter contre les opinions défavorables au pouvoir politique. En témoigne
la loi du 9 juin 1819732 qui met en place le régime de la déclaration préalable et du
cautionnement (art. 1er) sous peine d’emprisonnement et d’importantes amendes (art. 6).
Outre la loi, le pouvoir législatif témoigne de sa rigueur contre la délinquance à caractère
politique par sa pratique des adresses au roi et par son pouvoir de mise en accusation devant la
Chambre des pairs733.
Il est en effet fréquent sous les régimes monarchiques du XIX ème siècle que les chambres
parlementaires rédigent des adresses au roi. Ces adresses peuvent comporter divers objets,
comme dans certains cas, l’expression d’un soutient inconditionnel au pouvoir exécutif.
En l’occurrence, à l’occasion de l’assassinat du duc de Berry, la Chambre des députés
témoigne de son soutien et de sa volonté farouche d’éliminer certains adversaires politiques734.
Elle fait part de sa volonté de « concourir avec autant d’énergie que de dévouement aux
mesures » que le gouvernement jugerait utiles et « nécessaires en de si graves
circonstances ». La nécessité l’emporte alors sur la légalité et peut justifier parfois certaines
violations constitutionnelles, il s’agit là d’une résurgence de la notion de salut public.
De plus, son pouvoir de mise en accusation devant la Chambre des pairs, constitue une arme
particulièrement efficace contre les auteurs de certaines infractions à caractère politique, voire
même contre les hommes politiques.
L’une des principales propositions de mise en accusation est celle du député Clausel de
Coussergues en février 1820735, à l’égard du duc Decazes alors membre du gouvernement. Le
député accuse ouvertement le ministre E. Decazes d’être « complice de l’assassinat » du duc
de Berry.

732
Cf. annexe n° 75.
Notons à ce titre que la législation en matière de presse constitue une grande préoccupation des gouvernements
du XIXème siècle. Cependant ne reproduirons-nous pas toutes les lois relatives à la presse. Nous nous limiterons à
la loi du 9 juin 1819 dans la mesure où elle est manifestement l’une des plus importantes. En effet, elle met en
place un régime de déclaration préalable, ainsi que le mécanisme du cautionnement et elle procède à une
définition précise des crimes et délits de presse et des pénalités afférentes.
733
Concernant plus spécifiquement de la mission judiciaire de la Chambre des pairs en tant que cour de justice,
cf. infra Chapitre 2, Section I.
734
Cf. annexe n° 76.
735
Moniteur Universel, mardi 15 février 1820, n° 46, p. 185.
Même si l’accusation que ce député entend développer contre le ministre est abandonnée lors
de la séance du 29 février 736 devant le tôlé qu’elle a produit au sein de la Chambre et au motif
qu’E. Decazes n’est plus ministre, cela n’empêche pourtant pas le député C. de Coussergues
de développer des propos particulièrement sévères contre l’ancien ministre737.
Il le qualifie de traître au motif qu’il aurait « propagé toutes les doctrines impies et
antisociales », des « calomnies et invectives contre la famille royale », et d’ajouter que
conséquemment aux doctrines qu’il aurait véhiculé, c’est lui qui aurait « mis le poignard à la
main de Louvel » rendant le régicide complice du ministre et non plus le ministre complice du
régicide738.
Notons enfin l’élaboration de nouveaux délits à caractère politiques comme la création du
délit de tendance739. Ce délit qui peut être assimilé à la fois au titre des délits politiques et au
titre des délits de presse, est un délit qui résulte de l’article 3 740 de la loi des 17 et 18 mars
1822741.
Au terme de cette loi, tout journal peut désormais être suspendu d’abord temporairement puis
définitivement, en cas d’atteinte à la paix publique. Cette « arme des plus dangereuses contre

736
Moniteur Universel, mardi 29 février 1820, n° 60, p. 250.
737
Cf. C. de Coussergues, Projet de la proposition d’accusation contre M. le duc Decazes, Paris, 1820.
Néanmoins, dans cet ouvrage il ne s’agit plus de porter une accusation sur le fondement de complicité à
l’assassinat du duc de Berry, mais d’orienter l’accusation sur le fondement de la trahison conformément à
l’article 56 de la Charte.
En l’espèce le député développe cette proposition devant la Chambre des députés le 16 février. Cf. Moniteur
Universel, jeudi 17 février 1820, n° 48, p. 193.
738
C. de Coussergues, op. cit., p. VI.
739
Le délit de tendance est une innovation de la politique criminelle de la seconde Restauration. Il ne doit pas
être confondu avec le délit d’opinion lequel est plus ancien et est « l’apanage des changements de régime ». Cf.
à ce titre A. Philippe, Un délit d’opinion à Épinal en 1816 : Jean-Charles Pellerin poursuivi pour vente
d’images séditieuses, Épinal, 1926, pp. 1 et 2.
740
Art. 3 : Dans le cas où l'esprit d'un journal ou écrit périodique, résultant d'une succession d'articles, serait de
nature à porter atteinte à la paix publique, au respect dû à la religion de l’État ou aux autres religions légalement
reconnues en France, à l'autorité du roi, à la stabilité des institutions constitutionnelles, à l'inviolabilité des ventes
des domaines nationaux et à la tranquille possession de ces biens, les cours royales dans le ressort desquelles ils
seront établis, pourront, en audience solennelle de deux chambres, et après avoir entendu le procureur général et
les parties, prononcer la suspension du journal ou écrit périodique pendant un temps qui ne pourra excéder un
mois pour la première fois et trois mois pour la seconde. Après ces deux suspensions, et en cas de nouvelle
récidive, la suppression définitive pourra être ordonnée.
741
Cf. annexe n° 77.
la liberté de la presse742 » fut à l’origine de très nombreux procès de presse entre avril 1822 et
juillet 1828743.
Si le législateur de la Monarchie de Juillet est moins en proie aux réactions politiques et plus
libéral que celui de la Restauration, il convient de noter que pour autant, le pouvoir législatif
demeure un allié puissant et efficace pour le pouvoir exécutif dans la défense de la sûreté de
l’État.

2°/ La période de la Monarchie de Juillet

De nombreuses lois sont également élaborées par les chambres parlementaires sous la
Monarchie de Juillet au titre de la répression de la délinquance à caractère politique. Ce
constat est spécialement apparent lors des périodes troublées.
C’est particulièrement dans les quatre premières années du régime que la législation est la
plus féconde en ce domaine. Parmi les lois les plus importantes élaborées en cette matière, il
convient d’évoquer la loi d’avril 1831 sur les attroupements 744. Cette loi adoptée à une grande
majorité de voix745 permet de recourir à la force en cas d’attroupement sur la voie publique,
lorsqu’après trois sommations, l’attroupement ne s’est pas dispersé746.
Cette loi se divise en plusieurs temps. Dans un premier temps, elle permet d’arrêter et de
traduire dans les plus brefs délais devant les tribunaux de simple police, les individus qui ne
se seraient pas dispersés après la première sommation 747. Puis dans un second temps, au cas
où l’attroupement ne se séparerait pas malgré les sommations et dans l’hypothèse où
l’attroupement emprunterait un caractère présentant un trouble à l’ordre public, cette loi

742
L. Fauvel, Le délit de tendance et le délit d’opinion dans les lois sur la presse, th. Paris, 1912, p. 10. Cf. ibid.
pp. 37 et 38 pour les éléments constitutifs du délit de tendance. Selon L. Fauvel, il suffit qu’une succession
d’articles – de tout écrit – porte atteinte à la paix publique, au respect dû à la religion ou à la stabilité des
institutions constitutionnelles pour que le journal puisse encourir une condamnation à une forme de censure.
C’est au gouvernement qu’il appartient d’apprécier « l’esprit général qui se dégage de la lecture d’une certaine
quantité d’articles ». Ces infractions de presse sont qualifiées de « délits d’induction » ou de « délits
constructifs » dans la mesure où elles ne peuvent être constituées que lorsqu’elles résultent de la somme de
plusieurs articles de presse, un seul article étant insuffisant. Mais, comme l’illustre l’auteur, les poursuites pour
délit de tendance, à la différence de la censure, relèvent d’une procédure a posteriori tandis que la censure
résulte d’un contrôle a priori.
743
C’est en effet sous l’impulsion du gouvernement libéral dirigé par Martignac et en l’espèce, par la loi du 18
juillet 1828, que le régime prohibitif de la loi des 17 et 18 mars 1822 prend fin. Cf. annexe n° 78.
744
Cf. annexe n° 79.
745
Elle est adoptée par la Chambre des députés à une majorité de 227 voix contre 54 pour un total de 281
votants. Moniteur Universel, dimanche 3 avril 1831, n° 93, p. 702.
746
Art. 1er : Toutes personnes qui formeront des attroupements sur les places ou sur la voie publique, seront
tenues de se disperser à la première sommation des préfets, sous-préfets, maires, adjoints de maires, ou de tous
magistrats et officiers civils chargés de la police judiciaire.
Si l'attroupement ne se disperse pas, les sommations seront renouvelées trois fois. Chacune d'elles sera précédée
d'un roulement de tambour ou d'un son de trompe. Si les trois sommations sont demeurées inutiles, il pourra être
fait emploi de la force, conformément à la loi du 3 août 1791.
747
Art. 2 : Les personnes qui, après la première sommation, continueront à faire partie d'un attroupement, seront
arrêtées et traduites, dans le plus bref délai, devant les tribunaux de simple police, pour y être punies des peines
portées contre les contraventions, au chapitre Ier du livre IV du Code pénal.
prévoit que les personnes en faisant partie seraient traduites devant les cours d’assises et
seraient passibles de peines d’emprisonnement 748, avec des peines plus élevées contre les
personnes armées ainsi que les chefs et autres meneurs749.
La loi relative aux attroupements permet bien d’illustrer la crainte d’un renversement
politique. A l’instar du gouvernement de la Restauration, celui de la Monarchie de Juillet a
compris que sa survie dépend essentiellement du contrôle et de la maîtrise dont il dispose sur
les populations. En conséquence, tout groupement ou toute association de personnes constitue
une menace potentielle pour sa sauvegarde.
Témoignent de cette menace que constituent les différents groupements d’individus pour le
maintient et la sauvegarde de l’ordre établi, les propos tenus par le ministre F. Barthe lors de
la discussion de la loi sur les associations de mars 1832750.
Le ministre y développe l’idée suivante : « Dans tous les temps, le droit d’association aura
besoin d’être réglé par la loi. L’expérience de ces dernières années doit montrer aux plus
incrédules qu’il s’agit ici non d’une théorie vaine, mais d’une loi de conservation pour
l’ordre social ».
C’est toujours cet impératif de conservation de l’ordre social qui guide l’esprit du législateur
lors de l’élaboration de la loi du 9 septembre 1835751. En vertu de son premier article752, cette
loi assimile aux attentats à la sûreté intérieure prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal,
les simples faits de provocation par tout moyen de publicité en vue de ces attentats.

748
Art. 3 : Si l’attroupement dans sa marche ou par des cris ou clameurs a troublé la tranquillité publique, les
personnes qui, après trois sommations, continueront à faire partie de l’attroupement, seront arrêtées et traduites
devant la Cour d’assises, et punies d’un emprisonnement qui ne pourra excéder trois mois.
749
Art. 4 : La peine sera celle d'un emprisonnement de trois mois à deux ans,
1° contre les chefs et les provocateurs de l'attroupement, s'il ne s'est pas entièrement dispersé après la troisième
sommation ;
2° contre tous individus porteurs d'armes apparentes ou cachées, s'ils ont continué à faire partie de l'attroupement
après la première sommation.
750
Moniteur Universel, vendredi 28 mars 1832, n° 88, p. 723.
751
Cf. annexe n° 80.
752
Art. 1er : Toute provocation, par l’un des moyens énoncés en l’article 1 er de la loi du 17 mai 1819, aux crimes
prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal, soit qu’elle ait été ou non suivie d’effet, est un attentat à la sûreté
de l’État.
Si elle a été suivie d’effet, elle sera punie conformément à l’article 1er de la loi du 17 mai 1819.
Si elle n’a pas été suivie d’effet, elle sera punie de la détention et d’une amende de dix mille à cinquante mille
francs.
Dans l’un comme dans l’autre cas, elle pourra être déférée à la Chambre des pairs, conformément à l’article 28
de la Charte.
De plus, cette loi assimile aux attentats à la sûreté de l’État, le fait d’offenser le roi en vue
d’exciter à la haine ou au mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle 753, ainsi
que le fait d’attaquer le principe ou la forme du gouvernement monarchique constitutionnel754.
La presse n’est pas épargnée par la politique répressive déployée contre la délinquance à
caractère politique. Si de nombreux projets de lois sont présentés devant les chambres
parlementaires, certains sont particulièrement sévères à l’égard de cette délinquance hostile au
pouvoir politique.
C’est ainsi qu’au titre de sanctions prévues par la loi du 25 mars 1822 755 relative aux délits de
presse, la pénalité de l’amende756 est considérablement accrue par la loi du 29 novembre
1830757.
En effet, en matière d’atteinte à l’autorité royale ou aux chambres parlementaires, ou encore
en cas d’atteinte à la Charte constitutionnelle, le maximum légal de la peine d’amende passe
du simple (6000 fr.) à plus du double (16000 fr.). Désormais, pourront encourir des amendes
très élevées, les individus qui, « soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des
lieux ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des
peintures ou emblèmes vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou
réunions publics, soit par des placards et affiches exposés aux regards du public758 ».
De la même manière, le fait de distribuer des écrits, dessins et autres emblèmes sur la voie
publique devient une infraction plus lourdement sanctionnée par le biais de peines
d’emprisonnement en vertu de la loi du 15 février 1834759.

753
Art. 2 : L’offense au roi, commise par les mêmes moyens, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la haine ou au
mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle, est un attentat à la sûreté de l’État.
Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes de l’article
précédent.
754
Art. 5 : L’attaque contre le principe ou la forme du gouvernement établi par la Charte de 1830, tels qu’ils sont
définis par la loi du 29 novembre 1830, est un attentat à la sûreté de l’État, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la
destruction ou au changement du gouvernement.
Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes de l’article 1er.
755
Cf. annexe n° 32.
756
La pénalité de l’amende applicable à cette infraction passe de six mille francs à seize mille francs. La volonté
d’alourdir cette peine est presque unanime au sein de la Chambre des députés, laquelle adopte la loi à une
majorité écrasante de 217 voix contre seulement 17 voix sur 234 votants. Cf. Moniteur Universel, supplément au
n° 331 du samedi 27 novembre 1830, p. 1570.
757
Art. 1er : Toute attaque par l’un des moyens énoncés en l’article 1er de la loi du 17 mai 1819 contre la dignité
royale, l’ordre de successibilité au trône, les droits que le roi tient du vœu de la nation française, exprimé dans la
rédaction du 7 août 1830, et de la Charte constitutionnelle, par lui acceptée et jurée dans la séance du 9 août de la
même année, son autorité constitutionnelle, l’inviolabilité de sa personne, les droits et l’autorité des Chambres,
sera puni d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans, et d’une amende de trois cents Francs à seize mille
Francs. Cf. annexe n° 81.
758
Il s’agit de la rédaction de l’article 1er de la loi du 17 mai 1819. Cf. annexe n°28.
759
Cf. annexe n° 82.
C’est enfin toujours ce même esprit de défiance à l’égard de l’adversaire politique qui se
manifeste à travers la loi du 31 août 1830 relative à la prestation de serment760.
En effet cette loi entend écarter des hautes fonctions administratives et judiciaires 761 ainsi que
des fonctions politiques762, en considérant comme démissionnaire, toute personne qui ne
témoignerait pas solennellement de son soutien, de son attachement et de sa fidélité au
gouvernement issu de la révolution de juillet 1830.
L’influence du contexte politique et social sur l’orientation que suivent les gouvernements et
les législateurs dans leur politique répressive n’est pas exclusive des monarchies et est aussi
bien illustrée par les actions des députés de la deuxième République.

3°/ La période de la deuxième République

Le caractère exceptionnel des actes auxquels le législateur de la deuxième République est


amené à recourir s’illustre d’abord par le biais d’un décret du 26 juin 1848 763. L’objectif de ce
décret est de « déterminer les origines des insurrections de mai et de juin, et de constater les
faits qui s’y rattachent764 ».
En vertu de son premier article765, ce décret vise à transporter hors de la métropole, au nom de
la sûreté générale, les individus convaincus d’avoir pris part aux insurrections.
Les auteurs d’une note figurant dans le recueil Sirey, témoignent de la nature politique de
cette mesure766. Pour eux, il résulte des termes même de la notion de « sûreté générale »,
l’idée que « la transportation dont il s’agit ici, n’est pas une peine dans le sens de nos lois
criminelles, mais une mesure purement politique ».

760
Cf. annexe n° 83.
761
Art. 2 : Tous les fonctionnaires actuels dans l’ordre administratif et judiciaire, et tous les officiers maintenant
employés ou disponibles dans les armées de terre et de mer, prêteront le serment ci-dessus dans le délai de
quinze jours à compter de la promulgation de la présente loi, faute de quoi ils seront considérés comme
démissionnaires, à l’exception de ceux qui ont déjà prêté serment au gouvernement actuel.
Cf. également l’arrêt Adam du Conseil d’État du 4 mai 1854, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1854, II, pp. 635 à
637. Le Conseil d’État affirme un principe comparable à celui qui est contenu dans l’art. 2 précité et qui
reconnait la qualité de fonctionnaires aux membres des chambres de commerce. Le Conseil d’État considère en
l’espèce que « les membres des chambres de commerce sont des fonctionnaires publics, et doivent, comme tels,
prêter le serment prescrit par la Constitution du 14 janvier 1852 ».
762
Art. 3 : Nul ne pourra siéger dans l’une ou l’autre Chambre, s’il ne prête le serment exigé par la présente loi.
Tout député qui n’aura pas prêté le serment dans le délai de quinze jours sera considéré comme démissionnaire.
Tout pair qui n’aura pas prêté le serment dans le délai d’un mois, sera considéré comme personnellement déchu
du droit de siéger dans la Chambre des pairs.
763
Cf. annexe n° 84.
764
R. Charvin, op. cit., p. 156.
765
Art. 1er : Seront transportés, par mesure de sûreté générale, dans les possessions françaises d’Outre-mer, autres
que celles de la Méditerranée, les individus actuellement détenus qui seront reconnus avoir pris part à
l’insurrection du 23 juin et jours suivants.
Les femmes et les enfants des individus ainsi transportés hors du territoire, seront admis à partager le sort de leur
mari et de leur père.
766
Recueil Sirey-Devilleneuve, 1848, III, p. 98, note 3.
Ces auteurs traduisent parfaitement bien la définition de la peine de transportation développée
par le député Vivien767, membre de la commission en charge du décret du 26 juin. Selon ce
député, « nous n’avons pas voulu que des mesures qui étaient prises dans les circonstances
où nous les prenions, pussent être considérées comme constituant la peine de la déportation
établie par le Code pénal, avec les conséquences qu’elle entraîne, avec la mort civile, avec
tous les autres résultats qui en découlent ; c’est la transportation, c’est une mesure
politique ».
En outre, atteste du caractère exceptionnel de ce décret au regard de la légalité et de la
constitution, le fait qu’il constitue un réel empiètement du pouvoir législatif sur le pouvoir
judiciaire. Cet empiètement résulte du fait que la commission d’enquête instituée par ce décret
est recrutée au sein de l’Assemblée nationale et dispose de certaines attributions du pouvoir
judiciaire et notamment la possibilité d’ordonner des perquisitions.
Les dérogations à la légalité sont également illustrées par un décret du 26 juin 1848 768 qui
démontre la volonté du législateur d’instituer un régime répressif d’exception pour répondre à
tel évènement conjoncturel.
Il s’agit en l’espèce d’un décret de l’Assemblée nationale, qui, en relation avec le placement
de Paris en état de siège769, interdit dans la capitale l’apposition de toute affiche à caractère
politique qui n’émanerait pas du gouvernement républicain.
Par ailleurs, face à la menace constituée par les groupements et les attroupements, à l’instar du
gouvernement de juillet qui était intervenu avec la loi d’avril 1831 sur les attroupements, le
législateur de la deuxième République déploie une grande rigueur contre les individus
composant les attroupements armés sur la voie publique par une loi du 7 juin 1848770. Cette loi
opère une criminalisation de l’ancien délit d’attroupement armé sur la voie publique.
Or, contrairement aux textes qui ont précédé, le législateur oriente davantage l’esprit de cette
loi vers la notion de « défense sociale » que vers la notion de protection du régime dans la
mesure où il met en avant la protection de l’organisation sociale et des individus771.

767
Moniteur Universel, mercredi 28 juin 1848, n° 180, p. 1520.
768
Cf. annexe n° 85.
769
La notion d’état de siège est une notion étroitement liée à la défense et à la sauvegarde de l’ordre dans un lieu
déterminé à un moment donné. Comme en témoigne l’article 1 er de la loi organique des 9 et 11 août 1849, l’état
de siège est déclaré dès lors que l’on peut constater un péril imminent pour la sécurité intérieure ou extérieure.
Cf. annexe n° 86.
770
Cf. annexe n° 87.
771
Une référence terminologique semblable est faite une année plus tard, à l’occasion de la loi du 19 juin 1849.
Au terme de cette loi relative aux clubs et au droit de réunion, le législateur exprime de manière explicite cette
idée en évoquant la notion de « sécurité publique ». Cf. annexe n° 88.
Pour autant les peines prévues pour de telles infractions sont adaptées et varient
considérablement en fonction de la dangerosité du délinquant pour le pouvoir politique772.
C’est ainsi que, comme le démontre R. Charvin 773, tantôt ces infractions acquièrent la nature
de délit politique et sont punies de peines de détention, et tantôt elles acquièrent la nature de
crime de droit commun et sont sanctionnées de peines de réclusion.
A côté de ces particularismes élaborés en fonction de circonstances particulières, une autre
dérogation à la légalité et à la procédure criminelle est faite à l’occasion du décret du 9 juillet
1848774.
L’aspect répressif de ce décret s’illustre par sa vocation à éloigner de Paris et du pouvoir
central, en l’absence de tout jugement, tout individu pris les armes à la main. La peine prévue
est une mesure d’éloignement qui consiste en la déportation vers les possessions d’Outre-mer.
Le caractère particulièrement exceptionnel de ce décret est soulevé par R. Charvin qui livre
les propos du rapporteur Méaulle selon lequel, lorsque l’on est en période révolutionnaire, « il
faut faire taire les principes de la légalité775 ».
Notons enfin un dernier texte témoignant du caractère exorbitant des lois répressives
élaborées en matière de protection du régime politique. Il s’agit d’un décret du 7 août 1848,
qui, à l’image de la loi du 31 août 1830 relative au serment, tend à exclure certaines personnes
des fonctions de juré.
Ainsi, il convient de relever à côté des causes classiques d’incapacité, le fait d’avoir été
condamné pour délit politique776. Selon R. Charvin777, cette cause d’incapacité s’explique par
le fait qu’il ne faut pas laisser « les intérêts de la société » à des hommes « peu sensibles au
danger du désordre et à la nécessité de le réprimer ».
Néanmoins, il convient de préciser que le législateur laisse une certaine latitude au juge à
travers le caractère facultatif de prononcer cette déchéance. Autrement dit, tous les

772
La question des attroupements demeure relativement délicate à envisager dans la mesure où elle est couverte
par un paradoxe. En effet, les attroupements conservent par principe leur caractère de délit politique, pourtant
lorsqu’ils sont particulièrement menaçants pour la sûreté de l’État et que plus qu’à tout autre moment il
conviendrait de les considérer comme ayant une nature politique, ils perdent cette nature pour retomber dans le
droit commun. Cette particularité n’est pas propre au délit d’attroupement et concerne également l’article 86 du
Code pénal relatif aux attentats contre la vie du souverain ou des membres de sa famille. Cet article qui
originairement relevait d’une nature purement politique, perd progressivement ce caractère pour s’intégrer
définitivement dans le droit commun. La nature particulière des personnes lésées par un tel crime n’engendre
plus de conséquences quant à la qualification en infraction politique, mais seulement quant aux peines.
Cf. E. Trébutien, Cours élémentaire de droit criminel, Tome I, 1878, p. 207.
773
R. Charvin, op. cit., p. 155.
774
Cf. annexe n° 89.
775
R. Charvin, op. cit., p. 156.
776
Cf. annexe n° 90.
777
R. Charvin, op. cit., p.147.
délinquants politiques ne seront pas systématiquement reconnus comme incapables d’être
jurés, mais seulement lorsque le caractère particulièrement subversif de leurs idées le
nécessitera.
La rigueur du régime déployé contre la délinquance à caractère politique par la deuxième
République va également profondément imprégner les actes du gouvernement sous le second
Empire. Toutefois le pouvoir législatif ne sera pas aussi fécond que les législateurs
précédents, l’élaboration de textes en de telles matières émanant essentiellement du
gouvernement.

4°/ La période du second Empire

Si le législateur du second Empire n’intervient pas autant que le gouvernement, il est


néanmoins à l’origine de quelques lois et de quelques décrets relativement répressifs 778 à
l’égard des délinquants à caractère politique.
Il convient d’en évoquer deux, lesquels semblent les plus importants au regard de la sûreté de
l’État. A l’instar des législateurs précédents, les chambres parlementaires du second Empire
vont faire preuve d’une certaine sévérité en matière de répression des infractions relatives à la
sûreté de l’État.
D’une part, la vigilance du législateur à l’égard de ses adversaires politiques se traduit dès le
mois de décembre 1851 par l’élaboration d’un décret élaboré par le pouvoir législatif et signé
par le prince président le 31 décembre779.
Par ce décret780, sont retirés aux cours d’assises et par voie de conséquence au jury, les délits
politiques. Sous l’apparente souplesse inhérente au changement de compétence
juridictionnelle, le système est néanmoins durci dans la mesure où le législateur retire aux
délinquants politiques le bénéfice du jury au profit de magistrats professionnels.
D’autre part, il convient d’évoquer la loi de sûreté générale du 27 février 1858 781 qui permet,
sur simple signature d’un préfet, de faire transporter à Cayenne toute personne suspecte
d’hostilité au pouvoir politique.
L’extrême rigueur de cette loi est illustrée par le fait qu’elle concerne aussi bien les anciens
transportés ou expulsés politiques qui auraient purgé leur peine, que les amnistiés. Autrement
dit, toute personne suspectée d’entretenir des velléités contre le gouvernement impérial est
778
Le caractère particulièrement sévère du législateur et du gouvernement du second Empire est illustré par P.
Sornay (op. cit., p. 21), qui décrit la période qui succède au coup d’État du 2 décembre 1851, comme une période
de réaction.
779
Cf. annexe n° 91.
780
Il est complété par un décret du 25 février 1852. Cf. annexe n° 92.
781
Cf. annexe n° 93.
considérée comme inexorablement suspecte aux yeux du pouvoir politique, et peut, du jour au
lendemain, faire l’objet d’une transportation sans jugement et sur une simple signature du
préfet et du ministre. Une telle sanction intervient alors même que la personne visée n’est plus
sous la sanction d’une peine ou bien que la peine a été effacée de son passé judiciaire.
En conséquence, il convient de constater que tous les régimes politiques du XIX ème siècle,
qu’ils soient libéraux ou autoritaires, ont tous eu tendance à recourir à des moyens plus ou
moins exceptionnels, expéditifs et exorbitants lorsque les circonstances l’exigeaient.
Ce constat s’explique par le fait qu’aussi bien les chambres parlementaires que les membres
du pouvoir exécutif sont des organes constitutionnellement institués, et que chacun d’entre
eux a intérêt à veiller à sa propre conservation.
C’est pourquoi, malgré toute considération philosophique de libéralisme ou d’autoritarisme à
laquelle ils adhèrent, ils légitiment par une forme de droit naturel de conservation, le recours à
des moyens répressifs plus rigoureux que les moyens répressifs habituels.
La peine étant un mécanisme utilitaire et efficace à la bonne marche du régime politique et au
maintien de l’organisation sociale, aussi adaptent-ils la peine à des situations ne présentant
qu’un danger potentiel. C’est dans ces conditions que le recours à la répression par
anticipation tend à se développer considérablement au XIXème siècle.

Section II – La répression par anticipation des infractions politiques : de 
la contrainte psychologique aux mécanismes de surveillance

L’aspect préventif de la législation pénale déployée à l’égard de la délinquance politique n’est


pas exclusif des périodes de tranquillité ou d’agitation politique ou sociale, mais il joue un
rôle particulièrement important lors des périodes de calme en ce qu’il constitue un frein
potentiel à de nombreux éléments contestataires et subversifs de l’ordre établi et de la société.
Il s’agit alors pour les législateurs d’élaborer une répression par anticipation, c’est-à-dire
d’établir divers mécanismes préventifs de nature à empêcher la réalisation d’infractions.
Afin de comprendre le rôle de l’aspect préventif de la législation pénale en matière
d’infraction politique, il conviendra d’aborder dans un premier temps sa nature. Aussi
observera-t-on que le pouvoir politique a rapidement introduit de nouveaux mécanismes lui
permettant de s’informer et de surveiller certaines personnes afin de se prémunir le plus tôt
possible contre tout danger (§ I).
Dans un second temps, il conviendra d’aborder la question de la contrainte psychologique que
constitue une peine sévère dans l’esprit des délinquants politiques potentiels. En d’autres
termes, il s’agira d’examiner l’usage et d’apprécier de l’efficacité des desseins d’intimidation
de la loi pénale à l’égard de la délinquance politique (§ II).

§ I – Le recours aux mécanismes préventifs de


surveillance

En matière politique comme en matière de droit commun, la prévention des infractions


constitue depuis longtemps un mécanisme complémentaire à la politique répressive. Cet
aspect de subsidiarité ne doit toutefois pas occulter l’importance qu’il convient de reconnaître
à la prévention au sein de la politique criminelle.
Alors même que la politique préventive fait appel à des mécanismes qui ne sont pas toujours
les plus adaptés ni les plus utiles, elle témoigne néanmoins d’une prise en compte générale de
la société et de son avenir.
Si la valeur sociale que l’on veut protéger varie selon que l’on soit en présence de délits
politiques ou de droit commun 782, la vocation de la politique préventive est toutefois
commune à ces différents types de délits. Aussi n’y a-t-il pas de mécanisme exclusif de l’une
ou l’autre catégorie.
Aussi bien la police politique783 que la peine de surveillance de la haute police se retrouvent
applicables ou appliquées aux délinquants politiques comme aux délinquants de droit
commun.
Le premier mécanisme qu’il conviendra de développer porte sur la police politique. Il s’agira
d’observer que si son usage n’est pas limité à la seule délinquance politique, il s’avère
néanmoins principalement utilisé par le gouvernement de l’Empire à l’égard de faits de nature
politique. Mais ses attributions et son mode de fonctionnement qui ne relèvent d’aucun texte
légal, se retrouvent dénaturés sous la Restauration pour tomber en désuétude dès les années
1820 (A).
Le second mécanisme est de nature juridique contrairement au premier. Par la peine de
surveillance de la haute police, le législateur de 1810 a instauré un instrument dont le but est
782
En effet, la valeur sociale protégée par le régime des infractions à caractère politique concerne
systématiquement l’État en tant que pouvoir politique constitutionnellement établi ou en tant qu’organisation
générale de la Cité.
Certaines infractions tendent certes à protéger la Nation, mais il semble que cette valeur ne soit pas exclusive et
qu’elle soit une valeur complémentaire à la sauvegarde du pouvoir politique qui est toujours sous-jacente.
783
Bien que dans une moindre mesure par rapport à la surveillance de la haute police, la police politique peut en
effet s’étendre à des infractions autres que celles dont la nature est politique.
semblable à la police politique mais avec comme principales différences, la légitimité et la
« publicité ». En l’inscrivant dans l’échelle des peines pénales et a fortiori dans le domaine du
droit, le législateur a élaboré un instrument moralement moins contestable que les
gouvernements ne l’avaient fait pour la police politique (B).

A-/ Un moyen de prévention de nature politique : la police


politique

Qu’il s’agisse de prévenir des infractions de droit commun ou des infractions à caractère
politique, la police politique est, dans la théorie, le mécanisme privilégié. Il présente la
particularité de relever d’une nature officieuse et purement politique dans la mesure où il ne
fait pas partie des moyens légaux de prévention élaborés par le législateur et mis à la
disposition des juridictions. En effet, tant son organisation que son usage relèvent de la seule
volonté du pouvoir politique.
Aussi convient-il d’observer que si sa vocation de mécanisme préventif au service du pouvoir
politique est la même pour les deux régimes qui y recourent, ses attributions, son organisation
et son utilisation font en revanche l’objet d’une grande souplesse, en ce sens qu’elles varient
considérablement en fonction de ces deux régimes politiques.
La police politique est organisée très tôt au XIX ème siècle sous la forme d’un « cabinet noir »
par Napoléon Bonaparte et J. Fouché. Il s’agit alors d’un outil précieux et très utilisé dans le
cadre de la protection du pouvoir personnel de l’empereur (1°).
Cet instrument repris par le gouvernement de la Restauration subit par la suite de grands
changements. Il ne s’agit alors plus que d’un outil d’information le plus souvent détourné au
profit d’intérêts personnels de la part des membres du gouvernement. Ce dévoiement
entraînera sa suppression dans les années 1820 (2°).

1°/ Le cabinet noir sous l’Empire : des attributions arbitraires et


variées

L’un des principaux moyens de prévention de la délinquance et de la criminalité à caractère


politique sous l’Empire est la police politique. Cet instrument à la fois secret et efficace pour
le pouvoir politique est organisé par J. Fouché alors ministre de la police de Bonaparte784.
Nommé en juillet 1799 au poste de ministre de la police, J. Fouché s’est attaché rapidement et
rigoureusement à donner une nouvelle impulsion à l’institution policière française en dotant le
pouvoir politique d’une institution secrète et beaucoup plus efficace que l’institution policière
traditionnelle.
784
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 49.
A la différence de la police ordinaire qui comporte au titre de ses attributions des éléments de
nature préventive à coté d’éléments de nature répressive, la police politique est d’une nature
exclusivement préventive785. En effet, les termes de l’auteur de cet article sont explicites : « si
la police est essentiellement préventive, la police politique ne peut se disculper de l’être. Elle
l’est même par excellence ».
Jusqu’à la mise en place de cette police politique, la préfecture de police de Paris et les préfets
des départements disposaient, outre leurs compétences ordinaires, de la police de
renseignement786.
Or, du fait des séditions, des insurrections et des tentatives de coups d’État, N. Bonaparte opte
pour la création d’une brigade particulière, spécialisée dans le renseignement. C’est dans ce
contexte de tensions et dans le sentiment de méfiance à l’égard des opposants politiques,
qu’est institué le « cabinet noir787 ».
Comme l’explique un auteur788, l’usage de la police politique est très fréquent en matière
politique dans la mesure où la valeur sociale à protéger est le gouvernement. L’auteur
développe l’idée selon laquelle « le délit politique blesse tout d’abord le gouvernement ; il le
tue quelquefois ; et le pouvoir qui ne l’a point saisi dès sa naissance, risque de ne plus être là
pour le punir ».
La conséquence est qu’il est « naturel » et « légitime » que le gouvernement accorde aux
infractions à caractère politique « toute la sollicitude que donne l’instinct de conservation, et
qu’il s’efforce d’en étouffer le germe de partout où il l’entrevoit ».
La police politique - ou cabinet noir - recourt très rapidement à de multiples procédés, parfois
illégaux ou amoraux, afin de renseigner le pouvoir politique sur les dangers que représentent
les opposants du régime789.
Tantôt la police politique fait appel à des indicateurs, tantôt elle recourt à des violations de
correspondances, voire parfois à des arrestations et à des détentions arbitraires 790. La police
785
Article Le Livre noir de MM. Delavau et Franchet ou Répertoire alphabétique de la police politique sous le
ministère déplorable, in. Revue française, n° VIII, mars 1829, p. 182.
786
Histoire de la police nationale, 2006. Cf. sur cette question, sur le site officiel du ministère de l’intérieur :
http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/histoire/histoire-pn/view
787
Le cabinet noir est une expression synonyme de police politique. Néanmoins il existe une différence en ce que
l’expression de police politique semble plus générale. Cette dernière désigne la notion de police préventive c’est-
à-dire le mécanisme par lequel on poursuit l’obtention de renseignements, tandis que le cabinet noir désigne
matériellement et institutionnellement l’organisation qui poursuit ce but.
788
Article Le Livre noir de MM. Delavau et Franchet, op. cit., p. 182.
789
Elle procède par le biais de la tenue de fichiers de données ainsi que par l’élaboration et l’envoi à l’empereur
quotidiennement de bulletins de renseignements.
790
La vocation de surveillance des délits est rapidement dévoyée par l’utilisation étendue et arbitraire qu’en font
les gouvernements en l’étendant à une surveillance des opinions. Cf. article Le Livre noir de MM. Delavau et
Franchet, op. cit., p. 184.
politique en tant qu’instrument « destiné à la sûreté de l’État plus que de la société 791 »
s’inscrit dès lors dans le cadre d’un régime d’exception, en dehors du droit et de la légalité, et
ayant une grande influence sur le pouvoir politique.
Avec la chute de l’Empire et l’avènement de la première Restauration, le cabinet noir ne
disparaît pas pour autant et conserve sa raison d’être792, mais ses procédés semblent désormais
plus modérés et plus limités.

2°/ Le cabinet noir sous la Restauration : des attributions limitées


à un simple usage d’information

Selon E. Daudet793 le rôle de la police politique sous la Restauration diverge de ce qu’il était
sous l’Empire. En effet, le cabinet noir ne se cantonne plus qu’à son rôle originaire de
renseignement, et devient un véritable instrument d’information.
L’objectif du cabinet noir reste néanmoins commun avec celui qui avait été fixé par
l’empereur. Pour Louis XVIII comme pour Napoléon I er en son temps, cet instrument
politique lui permet de connaître et d’identifier ses ennemis. En outre, le cabinet noir permet
aussi de « pénétrer leurs intrigues, conjurer leurs attaques [et] déjouer leurs menaces794 ».
La surveillance qu’exerce le cabinet noir est relativement large dans la mesure où elle s’étend
aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la France795.
A l’extérieur, cette surveillance concerne les bannis796, certains haut fonctionnaires797 voire
même certains membres de la famille royale798.

Restauration, Paris, 1912, p. II.


793
Ibid., p. I.
Cet auteur explique que sous la Restauration, à la différence de l’Empire qui faisait usage du cabinet noir de
manière très étendue, « on ne relève à son compte [la police politique] ni des arrestations ténébreuses, ni des
détentions arbitraires, ni des exécutions à peine précédées de simulacres de jugement ».
En outre, à travers les bulletins quotidiens transmis à l’empereur, le cabinet noir jouait un rôle direct dans
certaines décisions impériales. Selon E. Daudet, ce rôle est considérablement limité sous la Restauration dans la
mesure où la police politique « ne pèse pas sur les décisions gouvernementales ».
794
Ibid., p. III.
795
Ibid., p. XI.
796
Il s’agit principalement des régicides frappés par les proscriptions prononcées par l’article 6 la loi du 12
janvier 1816. Cf. annexe n° 5.
Malgré l’exil des régicides, cette surveillance s’explique par le fait qu’ils commencent à publier des pamphlets et
des libelles séditieux qui font craindre au gouvernement de Louis XVIII la préparation de complots.
797
Notamment J. Fouché qui a été éloigné de Paris et qui se sent menacé par la haine des ultraroyalistes.
798
C’est le cas du duc d’Orléans qui s’obstine de manière mystérieuse à ne pas rentrer en France.
A l’intérieur, la surveillance du cabinet noir est tout aussi étendue 799 en ce qu’elle concerne
aussi bien les étrangers qui résident en France, que les ambassadeurs, les anciens serviteurs de
l’empereur non frappés de proscription800 et les chefs de file du parti des Ultras801.
En dépit des missions du cabinet noir qui semblent être les mêmes entre l’Empire et la
Restauration, les moyens dont il dispose se sont d’une certaine manière « modérés », en ce
sens qu’ils ont été considérablement limités.
Un facteur important témoigne de cette modération du cabinet noir par rapport à la période de
l’Empire. Désormais, la direction et l’organisation de ce cabinet ne relèvent plus de la
compétence du ministre de la police générale, mais de la compétence du directeur des
postes802.
Ce changement d’autorité hiérarchique de tutelle du cabinet noir en faveur du directeur des
postes, illustre l’idée selon laquelle l’usage de la police politique va se limiter à une simple
surveillance des individus par la seule interception de leurs correspondances.
Le ministre de la police générale est, quant à lui, réduit au rang d’une simple direction du
ministère de l’intérieur803. Il conserve toutefois ponctuellement quelques pouvoirs de
surveillance.
C’est en effet le ministre de la police générale qui est temporairement compétent quant à la
mission de surveillance des individus proscrits par l’article 2 de l’ordonnance du 24 juillet
1815804.
Néanmoins, cette méthode est peu concluante pour le gouvernement dans la mesure où les
agents du cabinet noir ne font pratiquement aucune découverte intéressant la sûreté de
l’État805.
Ce manque d’efficacité s’explique par deux raisons. D’une part, l’existence du cabinet noir est
« trop connue pour qu’un homme politique confie à la poste les choses qu’il veut cacher », et

799
Cette opinion est affirmée entre autres par R. Charvin, op. cit., p. 112. Selon lui, la police politique joue « un
grand rôle » sous la Restauration dans la mesure où ses attributions sont variées comme le contrôle des
correspondances ou encore la surveillance des personnalités politiques.
800
Il s’agit de tous ceux qui, quoique fidèles à Napoléon Ier, n’ont joué qu’un rôle secondaire lors des Cent-Jours.
801
Particulièrement Chateaubriand dont l’attitude semble louche et hostile pour le gouvernement de Louis XVIII.
Cf. E. Daudet, op. cit., pp. 252 s.
802
Cf. E. Daudet, op. cit., p. XII. Cet auteur explique que le directeur des postes nomme et gouverne le personnel
du cabinet noir. Il s’agit d’un « personnel de choix et de confiance, que nul ne connait et qui travaille dans
l’ombre. Ces messieurs, ajoute-t-il, sont chargés d’ouvrir les lettres particulières et quand elles leur paraissent
mériter d’être lues par le gouvernement, d’en prendre copie avant de les réexpédier ou de les détruire ».
803
Histoire de la police nationale, op. cit.
804
Cf. annexe n° 94.
805
E. Daudet (op. cit., p. XIII) explique que les agents du cabinet noir ne font pratiquement aucune découverte
dont la divulgation soit profitable au gouvernement, tout au plus mettent-ils la main sur « des aveux et des
confidences des personnages haut placés, qui éclairent d’un jour inattendu des situations privées… ».
d’autre part, parce que les agents du cabinet noir choisissent aléatoirement, par le seul fait du
hasard, les correspondances dont ils prennent connaissance806.
Dès lors, selon E. Daudet807 le cabinet noir ne présente aucune utilité sérieuse à la chose
publique. Tout au plus représente-t-il un « outil d’information » qui sera exploité dans les
heures de crise808.
Une opinion similaire est développée par G. de Bertier de Sauvigny, l’un des plus éminents
spécialistes de la période de la Restauration. Pour cet auteur, le cabinet noir ne fait que
rapporter des petits « potins » à Louis XVIII809.
Tout au plus, le cabinet noir est-il utilisé par certains membres du gouvernement comme
E. Decazes. Ce dernier, dans un but de contre-attaque face aux menées des Ultras, se sert du
cabinet noir afin de faire relever dans les correspondances privées de ses adversaires des
« paroles désobligeantes pour le roi », ce qui a pour effet de les « discréditer » aux yeux du
roi810.
En conséquence, eu égard au manque d’efficacité et aux dérives du cabinet noir, celui-ci est
supprimé dans les années 1820. La date de sa suppression ne peut être davantage précisée
dans la mesure où les auteurs ne sont pas nécessairement en accord sur cette date.
E. Daudet811 considère qu’elle prend fin en 1821 tandis que J. Viaud 812 fixe la date de son
abolition à l’année 1828 par une décision du ministère Martignac.
Si le cabinet noir fut dissous officiellement à la fin du régime de la seconde Restauration, la
police politique devait néanmoins revoir le jour à partir de la troisième République. Le cabinet
noir est à l’origine de l’institution actuelle des renseignements généraux813.
Durant la période de la Monarchie de Juillet, de la deuxième République et du second Empire,
l’absence de police politique n’empêche par les gouvernements de se protéger de la
délinquance à caractère politique par d’autres moyens préventifs.

806
Ibid., p. XII.
807
Ibid., p. XV.
808
Il faut y voir ici une sorte d’outil « médiatique » dont le gouvernement peut se servir pour écarter des
membres d’opposition de la scène politique, en utilisant des informations étrangères à la sûreté de l’État mais qui
portent sur la vie privée des personnes.
809
G. de Bertier de Sauvigny, La Restauration, 1974, p. 128.
810
Ibid., p. 150.
811
E. Daudet, op. cit., p. II.
812
Cf. J. Viaud, op. cit., p. 140 note 1. Selon cet auteur la raison de l’abolition du cabinet noir par le
gouvernement Martignac s’explique par la contestation que faisait ce gouvernement de la « violation constante
du secret des lettres ». Le ministère Martignac fut particulièrement sensible aux violations de correspondances
dont se rendait coupable la police politique depuis de nombreuses années.
813
J.-M. Berlière et M. Vogel, De la police des chemins de fer aux renseignements généraux, in. Aux origines de
la police politique républicaine, 2008. http://www.criminocorpus.cnrs.fr/article339.html
C’est ainsi, qu’au titre des mécanismes de surveillance élaborés par les gouvernements du
XIXème siècle, la deuxième République institue un outil de surveillance particulièrement
efficace par un décret du 28 juillet 1848814.
Cette loi permet en effet, outre la formalité de la déclaration préalable, de placer sous la
surveillance d’un agent de l’État tous les clubs et les sociétés politiques 815 de manière à
contrôler leur respect de « l’ordre public et de la défense sociale ».
Cet outil de surveillance diffère néanmoins du mécanisme de surveillance institué par la loi du
10 décembre 1830816 sur les crieurs publics. A la différence de la loi du 28 juillet 1848 qui
institue une surveillance a posteriori, la loi du 10 décembre 1830 institue un moyen de
surveillance a priori en enjoignant aux crieurs publics de procéder à une déclaration préalable
du contenu de leurs discours. Cette loi concourt, bien qu’inefficacement, à un impératif de
surveillance et de contrôle de la société.
Néanmoins ces deux derniers mécanismes de surveillance présentent une nature
fondamentalement différente de la police politique en ce qu’ils relèvent de lois et sont en
conséquence des moyens légaux mis à la disposition du pouvoir judiciaire.
Malgré la disparition de la police politique et parallèlement à l’apparition de certains
mécanismes spécifiques de surveillance, il convient de constater qu’un mécanisme de nature
plus générale a survécu depuis l’époque napoléonienne. Il s’agit de l’instrument juridique de
la surveillance de la haute police, lequel sera particulièrement apprécié des gouvernements et
très utilisé par les juridictions.

B-/ Un moyen de prévention de nature juridique : la


surveillance de la haute police

Qu’il s’agisse de délinquance de droit commun ou de délinquance politique, la loi prévoit


aussi bien des peines de nature répressive que des peines de nature préventive. Parmi ces
dernières, l’une des plus usuelles au XIXème siècle est le placement sous surveillance de la
haute police.
C’est avec le Code pénal de 1810 que la peine de surveillance de la haute police fait son
apparition dans le droit français. Le but de cette peine est alors de placer un individu qui a été
condamné pénalement, une fois sa peine purgée, « sous l’œil de l’autorité » publique afin que

814
Cf. annexe n° 95.
815
R. Charvin, op. cit., p. 156.
816
Cf. annexe n° 96.
cette dernière puisse surveiller sa conduite et « se rendre compte de ses moyens d’existence et
connaître toutes ses actions817 ».
En conséquence, un individu condamné à une peine perpétuelle ne peut pas faire l’objet d’une
telle mesure. Ce principe résulte d’un arrêt du 13 septembre 1834 818 de la Cour de cassation,
au terme duquel la Haute juridiction considère que « la peine de la surveillance de la haute
police ne peut être appliquée qu’aux condamnés à des peines temporaires : lorsqu’elle a été
prononcée accessoirement à une peine perpétuelle, il y a lieu d’annuler cette partie de
l’arrêt ».
Aussi est-il nécessaire que l’individu ait recouvré sa liberté pour pouvoir appliquer la peine de
surveillance de la haute police à son égard. Tout individu subissant un nouvel
emprisonnement verra la peine de surveillance suspendue durant la période d’incarcération.
Telle est la position de la Cour de cassation, qui dans un arrêt du 5 septembre 1840 819,
considère que « le renvoi sous la surveillance de la haute police est une peine consistant en
certaines restrictions à l’état de liberté, et qui ne peut, dès lors, être subie que par un individu
en liberté. En conséquence, si le condamné à la surveillance vient à commettre un autre délit
pour lequel un emprisonnement est prononcé contre lui, l’exécution de cette peine nouvelle
interrompt l’exécution de la peine de surveillance, laquelle ne reprendra son cours qu’à
l’expiration de l’emprisonnement ».
La peine de surveillance de la haute police est définie par P. de Croos 820 comme une peine
privative de droits, qui emporte « restriction de la liberté, par rapport à la libre circulation, à
la libre résidence, en la personne de celui qui y est soumis ».
De la même manière, elle est définie par A. Giraud 821 comme « une peine accessoire822,
conséquence d’une autre peine, qui restreint pour certains condamnés le droit qu’a chaque
citoyen d’aller de venir sur tout le territoire [de l’Empire] et qui est une sorte de
bannissement non infamant ».

817
P. de Croos, De la surveillance de la haute police, in. La France judiciaire, 1ère partie, 1878-79, pp. 393-394.
818
Cf. l’arrêt Perrier, Cass. Ass. du 13 septembre 1834, Journal du Droit Criminel, 1834, art. 1412, pp. 268 et
269. Cf. annexe n° 97.
819
Cass. Crim., 5 septembre 1840, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1840, I, p. 341. Cf. annexe n° 98.
820
P. de Croos, op. cit., p. 394.
821
A. Giraud, De la surveillance de la haute police et de la réhabilitation, Paris, 1862, p. 9.
822
Sur le caractère accessoire de la peine de surveillance de la haute police, cf. l’arrêt confirmatif de la Chambre
correctionnelle de la Cour d’appel de Paris du 7 juin 1851, in. Recueil Sirey-Devilleneuve, 1851, II, pp. 351 et
352. Il résulte de cet arrêt que la surveillance de la haute police, « quand elle est la conséquence de la peine
appliquée, suit nécessairement le sort de cette peine. Si donc la peine principale est absorbée par une autre
condamnation à une peine plus élevée dans l’échelle pénale, la surveillance résultant de la première
condamnation disparaît. En sorte que, si la seconde condamnation vient, elle, à être effacée plus tard par une
amnistie, le condamné est à l’abri de toute surveillance ».
De plus, A. Giraud illustre l’idée selon laquelle cette peine est éminemment de nature
préventive et non répressive dans la mesure où son existence est motivée par la seule
appréhension de périls à venir.
Dès lors, comme l’a reconnue le tribunal civil de Riom dans un jugement du 22 avril 1841 823,
« la surveillance de la haute police ne prive pas celui qui y est assujetti de l’exercice de ses
droits civils, civiques et politiques, et notamment de son droit à concourir aux élections
municipales ».
Pourtant il convient d’observer que le régime de cette peine évolue considérablement d’un
gouvernement à l’autre. Dans sa rédaction originelle824, la disposition relative à la peine de
surveillance de la haute police prévoit que le condamné peut être exempté de cette peine s’il
présente une caution de bonne conduite dont le montant est ordinairement de 100 Francs.
Moyennant cette caution, le libéré récupère le « plein exercice de sa liberté825 ».
Or, l’application de cette disposition relative au versement d’une caution est facultative et ne
s’impose pas au gouvernement qui se réserve toujours la possibilité de refuser cette caution.
A défaut de fournir une caution, - que l’administration la refuse ou que l’individu ne puisse
pas s’en acquitter, - l’individu demeure à la disposition du gouvernement qui peut, par voie
administrative, imposer son éloignement de certains lieux et l’établissement de sa résidence
en un lieu déterminé.
En cas de désobéissance à ces règles, l’individu est considéré comme étant en état de rupture
de ban826. C’est l’article 45827 du Code pénal de 1810 qui envisage cette hypothèse et prévoit
l’arrestation et la détention de l’individu pendant une durée qui ne peut excéder le délai fixé
par la peine de surveillance de la haute police.
Notons toutefois que certains critères fixés par cette loi ne sont pas une innovation du Code
pénal. En effet, on trouvait déjà sous l’Ancien Régime, à travers certaines ordonnances

823
Trib. Civ. de Riom, 22 avril 1841, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1841, II, p. 430. Cf. annexe n° 99.
824
Art. 44 du Code pénal de 1810. Cet article disposait : « L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute
police de l'État, sera de donner au gouvernement, ainsi qu'à la partie intéressée, le droit d'exiger, soit de
l'individu placé dans cet état, après qu'il aura subi sa peine, soit de ses père et mère, tuteur ou curateur, s'il est en
âge de minorité, une caution solvable de bonne conduite, jusqu'à la somme qui sera fixée par l'arrêt ou le
jugement : toute personne pourra être admise à fournir cette caution. Faute de fournir ce cautionnement, le
condamné demeure à la disposition du gouvernement, qui a le droit d'ordonner, soit l'éloignement de l'individu
d'un certain lieu, soit sa résidence continue dans un lieu déterminé de l'un des départements de l'Empire ».
825
Cf. P. de Croos, op. cit., p. 394.
826
Cette infraction à part entière est relativement fréquente dans la première moitié du XIX ème siècle.
827
Art. 45 : En cas de désobéissance à cet ordre, le gouvernement aura le droit de faire arrêter et détenir le
condamné, durant un intervalle de temps qui pourra s'étendre jusqu'à l'expiration du temps fixé pour l'état de la
surveillance spéciale.
royales des XVIIème et XVIIIème siècles828, une réglementation portant interdiction de certains
séjours, assignation à résidence et établissant des sanctions en cas de rupture de ban829.
Mais ce régime, à l’image de toute règle de droit pénal, n’est pas immuable ; il est modifié par
trois reprises au cours du XIXème siècle830. La première réforme, illustrant le libéralisme que
poursuit le gouvernement de la Monarchie de juillet, date de l’année 1832. Elle résulte
précisément de la loi du 28 avril 1832 relative à la réforme du Code pénal et du Code
d’instruction criminelle831.
L’objet principal de cette réforme concernant la surveillance de la haute police, est de
procéder à la suppression de la faculté de se racheter de la surveillance par le cautionnement.
Les motivations qui ont poussé à cette réforme s’expliquent d’une part du fait que ce système
constituait une loi très inégalitaire, et d’autre part du fait que ce mécanisme de rachat de la
peine de surveillance de la haute police présentait l’inconvénient de ne bénéficier réellement
qu’aux individus les plus malhonnêtes832.
Le nouvel article 44833 du Code pénal établi un régime à la fois plus égalitaire en supprimant
le mécanisme du cautionnement et plus souple quant au mode de désignation du lieu de
résidence du condamné. Ce dernier dispose désormais du droit de désigner, avant sa
libération, sa prochaine résidence.
L’une des plus grandes avancées réside dans le fait que dorénavant, le condamné peut changer
de lieu de résidence de manière peu contraignante, simplement en avertissant le maire de la
commune qu’il veut quitter, trois jours avant son départ, afin d’obtenir de plein droit de ce
dernier une feuille de route déterminant son itinéraire834.
828
Cf. entre autres l’ordonnance criminelle de 1670 ou encore les déclarations des 21 mai 1682, 29 avril 1687, 25
juillet 1700, 8 janvier et 12 mars 1719, 5 juillet 1722, 4 mars 1724 et 5 février 1751.
829
P. de Croos, op. cit., p. 394.
830
Outre ses modifications textuelles, le régime de la surveillance peut être plus ou moins étendu en fonction des
périodes et des gouvernements. En témoigne une circulaire datée du 31 mars 1815, du ministre de la police
générale à destination des préfets. Cette circulaire prise lors des Cent-Jours, demande aux préfets de limiter
l’étendue et les effets de la surveillance de la haute police. Selon le ministre, « il faut abandonner les errements
de cette police d'attaque, qui sans cesse agitée par le soupçon, sans cesse inquiète et turbulente, menace sans
garantir et tourmente sans protéger. Il faut se renfermer dans les limites d'une police libérale et positive ».
Cf. annexe n° 100.
831
Moniteur Universel, jeudi 3 mai 1832, n° 124, p. 1153. Cf. annexe n° 4.
832
En effet, selon P. de Croos (op. cit., p. 394), ce système laissait « la société sans protection contre les
condamnés, les plus habiles ordinairement et les plus malintentionnés, surtout ceux des grandes villes, qui
parvenaient à se procurer la caution ».
833
Art. 44 : L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera de donner au gouvernement le droit de
déterminer certains lieux dans lesquels il sera interdit au condamné de paraître après qu'il aura subi sa peine. En
outre, le condamné devra déclarer, avant sa mise en liberté, le lieu où il veut fixer sa résidence ; il recevra une
feuille de route réglant l'itinéraire dont il ne pourra s'écarter, et la durée de son séjour dans chaque lieu de
passage. Il sera tenu de se présenter, dans les vingt-quatre heures de son arrivée, devant le maire de la commune ;
il ne pourra changer de résidence sans avoir indiqué, trois jours à l'avance, à ce fonctionnaire, le lieu où il
propose d'aller habiter, et sans avoir reçu de lui une nouvelle feuille de route.
834
Cf. P. de Croos, op. cit., p. 395.
De plus, les peines de détention subordonnées aux cas de rupture de ban835 sont adoucies.
Désormais le maximum légal est fixé à cinq années 836 et non plus à un délai correspondant au
temps fixé à la peine de la surveillance qui pouvait parfois s’étendre jusqu’à une dizaine
d’années.
Par ailleurs il ne revient plus à l’autorité administrative de se prononcer sur la durée de
l’emprisonnement, mais au tribunal correctionnel.
P. de Croos illustre bien la différence de régime de la peine de surveillance de la haute police
entre le système de 1810 et celui de 1832. Selon lui, sous l’empire du Code pénal de 1810,
« le libéré qui n’avait pu fournir caution demeurait, toute la durée de sa surveillance, dans
une sorte de captivité dans la commune qui était assignée, tandis que la loi de 1832 lui
rendait sa liberté presque entière, sous la seule obligation d’informer l’autorité de ses
changements de résidence ».
Or, en pratique les innovations apportées par cette loi sont insuffisantes et ne permettent pas
de limiter outre mesure les récidives. C’est pourquoi les améliorations du régime de la peine
de surveillance de la haute police instituées par la loi d’avril 1832 ne seront applicables
qu’une vingtaine d’années seulement.
Le régime de cette peine est renforcé par un décret du 8 décembre 1851 837 qui rétablit le
régime de résidence obligée avec interdiction générale du séjour dans Paris et sa banlieue838.
En revanche les autres caractéristiques de la peine demeurent les mêmes. Le cautionnement
n’est pas rétabli et le tribunal correctionnel demeure compétent pour fixer la durée de la
détention pour l’individu coupable d’une rupture de ban.
Notons qu’en outre, une circulaire destinée au préfet de police vient confirmer et témoigner de
la crainte qu’inspirent au gouvernement les individus placés sous surveillance de la haute
police à l’image des sociétés secrètes839.
Dans cette circulaire, le ministre répute lesdits individus en véritables ennemis politiques dont
il faut se prémunir et contre les actes desquels il faut se préserver. Cette circulaire permet

835
En outre, la jurisprudence considère qu’en matière de rupture de ban, en vertu de l’article 45 du Code pénal, il
ne peut pas y avoir de complicité. Cela résulte d’un arrêt de la Cour impériale de Rennes du 2 janvier 1862. Aux
termes de cet arrêt, « en matière de rupture de ban de surveillance de la haute police, la loi pénale ne reconnaît
pas de complicité ». Cf. annexe n° 101.
836
Art. 45 : En cas de désobéissance aux dispositions prescrites par l'article précédent, l'individu mis sur la
surveillance de la haute police sera condamné par les tribunaux correctionnels à un emprisonnement qui ne
pourra excéder cinq ans. Cf. annexe n° 4.
837
Cf. annexe n° 102.
838
Ce régime d’interdiction de séjour est étendu par la suite à l’agglomération lyonnaise, par un décret du 9
juillet 1852, cf. annexe n° 103.
839
Cf. annexe n° 104.
aussi de comprendre l’utilité que se font les gouvernements de la peine de surveillance de la
haute police, en tant que mécanisme visant à surveiller et à éloigner les individus subversifs
des institutions politiques.
Le système institué par le décret de 1851 prendra fin sous la troisième République par le biais
de la loi des 23 et 30 janvier 1874840, laquelle s’inspirera largement du système de 1832.
D’après ce nouveau régime, le gouvernement dispose du droit de déterminer « certains lieux
dans lesquels il est interdit aux libérés de paraître ». En outre l’individu doit déclarer, au
moins quinze jours avant sa mise en liberté, le lieu où il souhaite fixer sa résidence. A défaut
de cette déclaration, c’est au gouvernement qu’il appartient de fixer le lieu de résidence.
Enfin, le condamné à la surveillance doit respecter un délai minimum de six mois avant de
changer de lieu de résidence841.
En dépit des volontés des législateurs de rendre ce mécanisme de surveillance de la haute
police le plus efficace possible pour la société et dans l’intérêt du condamné, l’effet contraire
s’est produit842.
En effet les statistiques ont montré que ces lois ne permettaient ni d’amender le coupable qui
devenait un paria, ni d’ôter aux délinquants les plus zélés leurs moyens de nuire 843. Selon P.
de Croos, la surveillance produit « les plus regrettables conséquences par suite de
l’antagonisme qu’elle établit entre la société et les libérés. Pour les amendés comme pour les
mauvais, elle est une cause de répulsion, un obstacle au travail et au reclassement
désirable ».

840
Cf. annexe n° 105.
841
Une exception est toutefois établie. Ce délai peut ne pas être respecté si l’individu obtient une autorisation du
ministre de l’intérieur. De même, dans certains cas assez restreints, il peut directement faire une telle demande
au préfet s’il s’agit de se déplacer à l’intérieur du département ou bien dans certains cas d’urgence et à titre
provisoire seulement.
Par ailleurs le délai de six mois vaut pour chaque déplacement et pas seulement pour la première résidence.
842
Cette peine illustre très bien l’immense fossé qui existe entre la théorie et la pratique. Comme l’ont expliqué
certains auteurs, l’idée d’une surveillance dans un but préventif peut être une idée séduisante en théorie, or son
application est constitutive de graves inconvénients. Cf., la correspondance de P.-A. Fanet, juge d’instruction à
Bayeux, adressée à un conseiller de la Cour impériale de Paris, in. Revue critique de législation et de
jurisprudence, T. XXVI, 1865, pp. 468, 469, 472 et 473.
Le juge Fanet explique que la surveillance de la haute police est « une idée incontestablement bonne par le but
qu’elle se propose, et qui de plus pourrait avoir chance, si elle était d’une application pratique possible, […] de
contribuer dans une certaine proportion à moraliser ceux qu’elle concerne directement, et d’arrêter par suite,
dans une certaine mesure, la progression si affligeante des récidives ». Or, ce magistrat ajoute plus loin que cette
peine, dans l’état de la législation, produit de funestes effets et qu’elle entraîne une « impossibilité matérielle,
malgré la bonne volonté [des individus qui y sont condamnés], de se procurer des moyens d’existence licites ».
C’est pourquoi, il conviendrait selon lui, de favoriser un élément de « moralisation » en modifiant l’organisation
des mécanismes de la peine de surveillance de la haute police de façon à remédier au fait selon lequel ils
contribuent le plus souvent à faire considérer l’individu condamné à la surveillance « brutalement et avec
mépris ». Cet élément de moralisation consisterait globalement en la mise en place dans chaque canton, d’un
atelier public au sein duquel le condamné pourrait « trouver sûrement et immédiatement un travail suffisamment
rémunéré pour le faire vivre », ce qui permettrait d’aboutir à son amendement.
843
Cf. P. de Croos, op. cit., pp. 397 et 400.
Cette surveillance fait entrer le délinquant dans un cercle vicieux duquel il est pratiquement
impossible de sortir. Le délit engendre la surveillance, laquelle entraîne pour l’individu qui y
est condamné dans une impossibilité pratique de trouver un travail 844, et sans ressources,
l’individu est contraint le plus souvent de recourir au délit.
En atteste l’opinion du juge d’instruction P.-A. Fanet 845 qui constate qu’une grande part de la
récidive846 est constituée par des individus en état de rupture de ban ou de vagabondage eu
égard à la situation précaire dans laquelle les a plongé la peine de surveillance de la haute
police. Il explique que « d’après les statistiques, […] le chiffre des récidives est
singulièrement grossi précisément par les délits négatifs de vagabondage, mendicité, rupture
de ban, ainsi que par les délits et crimes positifs, tant contre les propriétés que contre les
personnes, auxquels les soumis à la surveillance et repris de justice se sont livrés bien plutôt
par suite des exigences de la situation […] que par la perversité même de leurs instincts ».
De nombreux juristes expriment cette idée. Citons entre autres un juge d’instruction de
Villefranche qui écrit en 1864, qu’il « n’est pas rare de voir les individus frappés de cette
peine s’abandonner au découragement, entreprendre une lutte désespérée contre la loi, et se
livrer ouvertement à l’oisiveté et au vagabondage, entassant condamnations sur
condamnations, passant d’un tribunal à un autre, et ne sortant de prison que pour y entrer
peu de temps après847 ».
De la même manière pour le magistrat Gouin848, procureur du roi à Guingamp, « la
surveillance replonge et endurcit le condamné dans le vice ; […] elle cause l’effet qu’elle a
puni, […] elle est exorbitante, en ce qu’elle constitue une peine, en ce qu’elle succède à
l’expiation d’un délit ; […] elle est insuffisante et surabondante comme moyen de police et de
précaution, en ce que la loi offre des difficultés qui s’opposent à son exécution, […] elle est
funeste pour les condamnés, en ce qu’elle crée l’incorrigibilité ».

844
Sur cet aspect, cf. P.-A. Fanet, op. cit., p. 469. Ce juge d’instruction illustre la situation très récurrente chez les
individus condamnés à une peine de surveillance, selon laquelle en les « cantonnant dans une résidence obligée,
ils ne peuvent aller chercher de travail ailleurs ».
845
Ibid.
846
La surveillance produit des effets néfastes sur la criminalité en ce qu’elle constitue une cause certaine et
directe d’une partie des récidivistes. Cette idée est très bien résumée à travers cette phrase de P. de Croos, op.
Cit, p. 401 : « la surveillance fait plus de récidivistes que n’en fait le système des maisons centrales ».
847
Ce magistrat, M. Auzouy est cité par P. de Croos, Ibid., p. 402. Hélas devant l’absence de référence sur les
sources consultées par l’auteur, nous ne pouvons en dire plus sur l’origine de cette source.
848
Revue critique de législation et de jurisprudence, 1840, p. 272
Notons une dernière particularité d’ordre purement juridique. Il s’agit d’observer que la peine
de surveillance de la haute police peut être envisagée soit à titre de peine principale, soit à
titre de peine accessoire849.
Or, lorsque l’on est en présence d’une infraction ayant une coloration politique, cette peine
n’est jamais envisagée au titre d’une peine accessoire, mais seulement en tant que peine
principale.
La peine de surveillance de la haute police disparaitra tardivement. Elle sera abrogée par
l’article 19 de la loi du 27 mai 1885850 relative à la relégation des récidivistes. Elle sera
remplacée par la peine de notion de défense faite à un condamné de paraître dans certains
lieux.
Si l’objectif de la peine de surveillance de la haute police au même titre que celui du cabinet
noir relève d’une nature purement préventive, les législateurs au fil du XIX ème siècle vont
également assortir leur politique criminelle d’un caractère préventif en recourant à l’égard de
certaines infractions à une pénalité plus sévère. L’aspect préventif s’explique par l’idée de la
contrainte psychologique que va constituer la rigueur de la peine.

§ II – Le rôle préventif d’une répression plus sévère


à travers la contrainte psychologique de la
peine

849
La peine de surveillance de la haute police peut en effet se manifester en tant que peine principale ou peine
accessoire. Rappelons qu’elle concerne aussi bien les crimes et délits de droit commun que les infractions à
caractère politique.
Or, ce n’est qu’au titre de peine principale que la surveillance de la haute police est envisagée en matière de
sûreté de l’État. Elle correspond à deux hypothèses particulières. La première résulte de l’article 100 du Code
pénal et concerne certains faits de sédition. Il s’agit en l’espèce de toute personne qui, bien qu’ayant participé au
sein d’une bande armée, mais sans y exercer de commandement ou toute autre fonction, s’est retirée de la bande
armée sans résistance, dès le premier avertissement de l’autorité publique.
La seconde hypothèse, résulte de l’article 108 du Code pénal et concerne certains cas de complots et autres
crimes attentatoires à la sûreté de l’État. Ces cas correspondent aux situations dans lesquelles des membres du
complot se seront livrés à des actes de délation procurant ainsi l’arrestation des autres membres du complot.
Dans ces deux hypothèses, la loi ne prévoit aucune peine d’amende ni d’emprisonnement, la seule peine
applicable est celle de la surveillance.
Néanmoins il est important de noter que cette peine est facultative et qu’en conséquence, le juge a toute latitude
pour la prononcer ou non.
A côté de la peine de surveillance de la haute police en tant que peine principale, l’utilisation majeure de cette
peine se fait à l’égard de qualifications pénales qui l’envisagent en tant que peine accessoire. Mais il convient de
noter qu’aucun des articles qui prévoient l’usage de cette peine à titre accessoire, n’est relatif à une infraction à
caractère politique. Tous ces articles sans exception sont relatifs au droit commun. Il s’agit des articles 67, 221,
246, 271, 282, 308, 315, 317, 320, 334, 335, 343, 388, 389, 401, 416, 418, 419, 420, 444 et 452 du Code pénal.
Tout au plus serait-il loisible d’assimiler l’article 221 à une infraction à caractère politique, eu égard la nature de
cette infraction, dans la mesure où elle concerne les chefs d’une rébellion et la provocation à la rébellion.
Toutefois, si l’on se réfère au contenu de la loi du 8 octobre 1830 (cf. supra, Première partie, Titre II, Chapitre
2 ; et cf. également annexe n° 18), l’article 221 n’est pas considéré par le législateur comme une infraction
politique.
850
Cf. annexe n° 106.
Dès l’époque des Lumières et la profusion des idées de l’École classique, la nature et les
enjeux de la peine en matière criminelle sont développées et pensées sous un aspect
essentiellement utilitariste851.
A travers l’aspect utilitariste de la peine, émerge l’idée d’une nature préventive pour les
jurisconsultes et les penseurs de l’École classique 852. Ce caractère préventif résulte de l’impact
même que produit la rigueur d’une peine sur l’ensemble de la société.
Comme l’illustre G. Filangieri853, l’un des desseins de la peine est « d’éloigner les hommes du
crime par le spectacle des maux auxquels ils s’exposeraient en le commettant ». Cette notion
constitue un des principaux fondements à la volonté préventive qui pénètre la législation
pénale en général et notamment la répression du délinquant politique au XIXème siècle (A).
En outre, le régime répressif applicable aux délinquants politiques atteste particulièrement
bien de cet aspect préventif à travers la volonté intimidatrice déployée au sein de la loi par les
législateurs de cette période (B).

A-/ L’aspect théorique de la contrainte psychologique comme


fondement des législations pénales du XIXème siècle

Lorsque G. Filangieri rédige la Science de la législation en 1799, la même année P.J.A. Von
Feuerbach publie les deux volumes de son ouvrage intitulé Révision des principes et des
notions fondamentales de droit pénal854.
Pour ce professeur allemand, à travers la menace qu’elle représente dans l’esprit du
délinquant potentiel, la peine doit servir de mesure préventive. Selon lui, la menace de la
peine produit une « coaction psychologique » dans l’âme des citoyens. Le mécanisme de
contrainte psychologique à travers la menace (Drohung) de la peine est tout aussi important
que l’autre but de la peine qu’est l’exécution de celle-ci (Verhängung)855.

851
Cet aspect de la peine est l’une des nombreuses différences qui séparent cette École de l’École positive dans
la mesure où cette dernière n’admet pas la peine dans son échelle de valeurs. A défaut de peine, elle préconise
l’élaboration de mesures de sûreté destinées à juguler l’état dangereux du délinquant. L’École positive s’inscrit
en effet dans la recherche de mesures tendant au double objectif de traitement et d’intimidation.
852
La notion de dissuasion à travers la pénalité est un aspect important de la doctrine classique. En effet l’École
classique considère que la loi doit punir sévèrement afin de détourner les hommes de commettre certains crimes.
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 427.
853
G. Filangieri, op. cit., Tome IV, pp. 15-16. Cf. supra, Première partie, Titre I, Chapitre I, Section I, § II, B.
854
Paul Johann Anselm von Feuerbach, Revision der Grundsätze und Grundbegriffe des positiven peinlichen
Rechts, Erfurt, 1799.
855
P.J.A. von Feuerbach, Ibid., Tome I, Chapitres I et II. Nous ne pouvons préciser davantage de renseignements
sur l’ouvrage en question dans la mesure où il est introuvable dans sa version française. Aussi nous reportons-
nous aux nombreux auteurs qui développent l’idée de contrainte psychologique de la peine théorisée par
Feuerbach. Cf. à ce titre notamment J. Pradel, Histoire des doctrines pénales, p. 41 ; M. Ancel, La défense
sociale, p. 47 ; ou encore J.-L. Vieillard-Baron et Y. C. Zarka, Hegel et le droit naturel moderne, 2006, p. 73.
Cette théorie tendant à considérer la peine comme un mécanisme préventif développée par G.
Filangieri et P.J.A. Feuerbach est reprise et particulièrement bien analysée par J. Bentham en
1868.
Pour ce juriste anglais, il convient de partir du principe selon lequel les individus ne
conçoivent leurs intérêts que sous le rapport du plaisir et de la peine. La peine qui est
synonyme de « punition », est définie par J. Bentham856 comme le fait « d’infliger un mal à un
individu, avec une intention directe par rapport à ce mal, à raison de quelque acte qui paraît
avoir été fait ou omis ».
Pour ce juriste, certes la peine doit être la contrepartie du mal occasionné mais cette idée seule
est insuffisante. L’élément le plus important est que la peine doit également avoir pour
ambition d’empêcher la commission d’un délit ou d’un crime.
Pour J. Bentham857, après l’avènement d’un acte nuisible, deux pensées doivent pénétrer
l’esprit du législateur ou du magistrat, « l’une [est] de prévenir la répétition de délits
semblables, l’autre [est] de réparer autant que possible le mal du délit passé ».
Pour empêcher la commission ou la récidive d’un acte criminel, J. Bentham se réfère à un
équilibre qui procède du calcul que tout individu va faire entre les plaisirs qu’il peut retirer
d’une infraction et la peine qu’il pourra endurer en contrepartie de cette infraction858.
Dès lors que la punition pèse plus lourd que le profit ou le plaisir attendu d’un acte criminel.
La peine permet alors de satisfaire à sa vocation préventive. Inversement si le plaisir retiré
d’une infraction apparaît supérieur à la crainte qu’inspire la peine, cette dernière ne jouera pas
son rôle d’intimidation.
Comme l’explique M. Ancel859, ce système préventif s’adresse à l’homme « raisonnable et
raisonneur, conscient de ses actes et maître de sa liberté, que l’on veut intimider ou
simplement avertir par la menace de la peine légale ». Cet homme, ajoute M. Ancel,
« évaluera d’abord le profit incertain que pourrait procurer le délit, avec le risque certain de
la sanction édictée par la loi ».

856
J. Bentham, op. cit., Tome I, p. 2.
857
Ibid., p. 12.
858
Ibid., pp. 12 et 13. Notons par ailleurs que J. Bentham distingue deux types de prévention : la prévention
particulière et la prévention générale. S’agissant du premier type de prévention (prévention particulière) qui
concerne la récidive à travers une application à un délinquant donné, J. Bentham considère que l’on peut
prévenir la récidive par trois manières. Soit on ôte au délinquant le pouvoir de commettre un délit, « l’homme ne
peut plus le commettre », soit on lui en fait perdre le désir par une « réformation morale », soit enfin on lui ôte
l’audace de le commettre par « l’intimidation ou la terreur de la loi ». Si ces trois moyens répondent à des
objectifs de prévention, seul le dernier peut néanmoins être assimilé à la prévention générale laquelle comporte
« comme but principal » l’exemplarité et la dissuasion.
859
M. Ancel, op. cit., p. 47.
Tous ces jurisconsultes et ces penseurs représentent le pivot de la doctrine pénale et de la
politique répressive du XIXème siècle. Leur conception de la nature et des enjeux de la peine
est directement la source de la politique répressive élaborée par les gouvernements de cette
période jusqu’aux débuts de la troisième République, période marquée par l’affirmation des
positivistes et du mouvement de la défense sociale860.
Néanmoins, il est intéressant d’observer qu’en dépit des divergences entre les Écoles
classique et positive, toutes deux ont conscience qu’il est nécessaire d’établir et d’organiser
une politique criminelle préventive.
Pour l’heure, de nombreuses lois et ordonnances élaborées lors de périodes de troubles
permettent d’illustrer cette philosophie. Outre l’objectif de neutralisation, la rigueur de la
peine tend à prévenir la commission de certains crimes et délits, tout particulièrement en
matière politique.
La pratique de la politique criminelle des gouvernements du XIX ème siècle confirme
singulièrement bien de cette volonté préventive qui paraît être amplifiée lors des périodes
troublées. En effet, à côté du droit commun, les peines prévues au titre des infractions à
caractère politique témoignent également d’une volonté d’intimidation.

B-/ L’illustration pratique de la contrainte psychologique à


travers le régime répressif applicable au délinquant
politique

De nombreuses lois ou ordonnances méritent d’être évoquées afin d’illustrer la volonté de


dissuasion et d’intimidation vers laquelle s’oriente la politique criminelle poursuivie par les
gouvernements.
Or, il convient de reproduire présentement seulement les exposés des motifs de certaines de
ces ordonnances ou de ces lois, dans la mesure où les textes en eux-mêmes ne témoignent pas
explicitement de l’aspect préventif de la peine, cet aspect se manifestant plutôt à travers les
débats et les discours parlementaires qu’à travers les textes légaux.
L’intimidation vers laquelle doit tendre la peine est constamment rappelée par les classes
politiques qui souhaitent se protéger de leurs adversaires et lutter contre leur influence. Plus

860
C’est en effet vers la fin du XIX ème siècle que s’introduisent au sein de la science pénale les notions
d’individualisme, d’état dangereux et des mesures de sûreté qualifiées de « mesures de défense sociale ». Selon
M. Ancel, (ibid., p. 14), « en dehors de toute finalité punitive et de toute coloration morale, [ces sanctions]
avaient pour objet d’assurer la prévention du crime et spécialement celle de la récidive ». Notons également que
cet auteur qualifie lesdites mesures de « sanctions intimidantes » (ibid., p. 47). Cette idée fait référence au rejet
de la part des positivistes, de la notion de « peine », à laquelle se substitue la notion de sanction ; avec toutefois
pour point commun à la pensée classique : la notion d’intimidation.
qu’en matière de droit commun, cette volonté d’intimidation est illustrée avec une vive force
voire parfois avec frénésie en matière de criminalité et de délinquance politique.
L’un des principaux témoignages de cette volonté intimidante résulte des propos tenus en
1815 par le député de La Bourdonnaye 861. Selon ce député Ultra, seule la plus grande rigueur
pénale permet de jouer un rôle préventif en complémentarité à l’aspect répressif.
En l’espèce il critique l’ordonnance du 24 juillet 1815 862 portant arrestation des hauts
représentants de l’Empire et des régicides et les plaçant sous la surveillance du ministre de la
police générale, dans la mesure où cette ordonnance lui semble trop modérée.
En effet, il considère les individus visés par cette ordonnance comme d’incorrigibles ennemis
politiques dont il faut se méfier et se prémunir en établissant une répression très rigoureuse.
Le député de La Bourdonnaye tient les propos selon lesquels « pour arrêter leurs trames
criminelles, il faut des fers, des bourreaux, des supplices ; la mort seule peut effrayer leurs
complices et mettre fin à leurs complots ».
Bien que critiquée, cette ordonnance illustre néanmoins, - au même titre que les autres textes
élaborés lors de périodes socialement ou politiquement troublées, - la coloration qu’emprunte
la législation pénale en matière de sûreté de l’État. De nombreux textes attestent de cette
sévérité dans un objectif d’intimidation863.
A titre d’exemples, il convient de citer l’ordonnance du 11 mars 1815 864 qui détermine les
peines applicables aux embaucheurs, aux provocateurs à la désertion et aux soldats qui
abandonneraient leurs drapeaux pour passer à l’ennemi.
L’exposé des motifs de cette ordonnance illustre l’idée selon laquelle elle constitue « une
mesure [exigée] par la sûreté de l’État pour repousser par la force » les ennemis du
gouvernement. Cet exposé des motifs ajoute qu’il convient de « repousser par la force […] et
de réprimer par des peines sévères et promptement appliquées, les tentatives de séduction
employées auprès des armées, pour les détacher de leurs devoirs ».
De la même manière, lors de la séance du 25 octobre 1815 865, le baron Pasquier en tant que
rapporteur de la commission en charge du projet de loi relatif aux cris séditieux, explique que

861
Cf. E. Daudet, Histoire de la Restauration 1814 - 1830, Paris, 1882, p. 131.
862
Annexe n° 94.
863
Il convient d’évoquer entre autres la célèbre proclamation de Cambrai du 8 juillet 1815 par laquelle
Louis XVIII promet l’amnistie à tous les actes de rébellion commis entre son départ de Lille, le 23 mars 1815 et
son retour en France le 8 juillet 1815, hormis ceux qui auraient été commis par des individus au service de
Bonaparte. Outre la volonté de vengeance des Ultras, la principale raison à cette exception découle d’une volonté
explicite d’intimidation contre les tentatives de sédition qui pourraient naître. Cf. J. Viaud, op. cit., p. 164.
864
Cf. annexe n° 107.
865
Moniteur Universel, mercredi 25 octobre 1815, n° 298, p. 1174.
la peine doit être prioritairement dissuasive à travers la promptitude avec laquelle la loi
frappe.
Pour ce parlementaire, il ne s’agit pas expressément d’établir une peine trop sévère, mais
d’orienter le caractère de la loi sur l’idée de promptitude. Selon lui, c’est par la célérité de
l’application de la loi pénale que va s’imprimer le plus fortement dans les esprits la crainte
qu’elle doit inspirer. « Il faut, dit-il, que la loi veille plus assidûment que le crime ; il faut que
la peine soit proportionnée au délit ; il faut surtout que la promptitude de l'exemple inspire
un effroi salutaire à ceux qui seraient tentés d'imiter le coupable qui vient de porter la peine
de son crime ».
De nombreux autres témoignages pourraient être relevés, or il convient principalement de
retenir qu’en matière d’infraction à caractère politique, comme en matière de droit commun,
la dissuasion inspirée par la peine pénale constitue un mécanisme important de prévention.
Tous les grands théoriciens du droit pénal reconnaissent cette vocation de la loi pénale à
prévenir les crimes et les délits par l’usage de la dissuasion ou de l’intimidation. Même s’ils
l’évoquent en tant que principe général applicable à l’ensemble du droit pénal, cette idée
s’adapte extraordinairement bien aux infractions à caractère politique et se retrouve évoquée
par les principaux auteurs du XIXème siècle.
Ainsi pour J. Ortolan, le premier but de la peine est l’exemple. Selon ce juriste, toute peine
doit être exemplaire dans la mesure où elle doit « combattre, par l’exemple salutaire de
l’application qui en est faite, le mauvais exemple produit par le fait du délit ». Il ajoute que
toutes les peines doivent disposer de cette qualité.
En revanche l’exemple que produit la peine à travers son intensité doit varier en fonction de la
gravité du délit866.
De la même manière F. Hélie et A. Chauveau 867 considèrent que la « justice sociale peut
légitimement intervenir pour prévenir l’exécution d’un crime ». Il s’agit là d’une synthèse de
l’opinion développée quelques années auparavant par le professeur P. Rossi868, lequel
expliquait que l’un des aspects de la peine était le caractère préventif.
Dans son Traité de droit pénal, il développe les propos suivants : « ne punissez pas le vol,
vous multipliez les voleurs. Qui ne l’a jamais nié ? La peine est préventive. C’est dire que le
866
Il convient en effet selon J. Ortolan (op. cit., Tome II, p. 7) de proportionner la peine. Il insiste tout
particulièrement sur le fait que la peine ne doit pas être trop laxiste, cela lui ferait perdre son objectif de
dissuasion. « Si l’affliction contenue dans la peine, dit-il, quelque sérieuse qu’elle put être en réalité, n’était pas
de nature à faire impression sur le public, à être comprise ou sentie par ceux qu’il importe de détourner du
délit, le but de l’exemple et par suite celui de la peine serait manqué ».
867
F. Hélie et A. Chauveau, op. cit., Tome IV, p. 2.
868
P. Rossi, op. cit., Tome II, pp. 231 et 232.
fait de la sanction pénale et celui de la punition produisent des effets, et qu’un de ces effets,
l’effet le plus important, est de prévenir un nombre plus ou moins grand de délits semblables.
Vous ne punissez pas un délit, si vous n’avez pas l’espoir de prévenir par ce moyen le
renouvellement trop fréquent du même fait ».
Néanmoins le professeur Rossi insiste sur l’idée que l’aspect préventif n’est qu’un des aspects
de la peine, laquelle poursuit inévitablement comme autre objectif, la punition de l’auteur et
l’impuissance dans laquelle elle le place869.
Outre son effet préventif de menace 870, la peine en tant que mal effectivement infligé
répondant à une fonction de rétribution 871, poursuit également un objectif utilitariste dans la
mesure où elle tend, en fonction de la gravité des actes et de la moralité du délinquant, tantôt à
le neutraliser et tantôt à l’instruire ou à l’amender872.
Il résulte de ces éléments que le caractère préventif de l’intimidation de la loi pénale est sous-
jacent. En effet, l’objectif avoué de la politique criminelle élaborée notamment lors des
périodes de crises est avant tout de constituer un mécanisme utile à la protection sociale 873 par
l’exercice d’une répression rigoureuse et certaine en vue de procéder à l’élimination sociale
ou physique du délinquant politique dans les cas les plus graves ou la neutralisation de sa
volonté criminelle. Il ne s’agit plus d’ôter au délinquant potentiel le goût de réaliser une
infraction, mais d’empêcher le délinquant d’aller au bout de ses actes ou bien de l’empêcher
de récidiver.

Chapitre 2 – Un régime juridictionnel adapté aux 
particularismes de l’infraction politique

La règle de la compétence juridictionnelle, à l’instar de toute règle de droit, évolue


constamment au XIXème siècle. Calquée sur la politique répressive qui incline selon la
situation politique et sociale du pays vers plus d’autorité ou de liberté, la procédure pénale est
ainsi en perpétuelle mutation.
869
Ibid., p. 239.
870
Ibid. pp. 234 à 236. Cet effet est purement préventif dans la mesure où il tend à empêcher la manifestation de
toute volonté de commettre une infraction à la fois par l’avertissement de la loi pénale (il s’agit de « l’instruction
donnée par le législateur [laquelle] opère comme enseignement moral et comme avertissement ») et par la
crainte de la peine laquelle, conformément au principe développé par J. Bentham et réaffirmé par P. Rossi,
participe à un système de balance « entre les plaisirs de l’infraction et le mal de la peine ».
871
Selon P. Rossi (ibid., p. 233), la loi contient ce principe éternel selon lequel « le mal [est] rétribué pour le
mal, à l’auteur et en proportion de ce mal ».
872
Sur les questions d’amendement, voir l’idée d’amendement moral à travers la notion de correction morale
développée par J. Ortolan (op. cit., pp. 7 et 8).
873
Cf. J. Ortolan, ibid., Tome II, p. 2.
Si tous les gouvernements, quelle que soit leur sensibilité politique ou philosophique, se
plaisent à rejeter et à dénoncer la conception de tribunaux extraordinaires, ils n’en admettent
pas moins le recours à certaines adaptations de la compétence des juridictions de droit
commun874.
Le Titre VI du Code d’instruction criminelle de 1808 prévoit à ce titre dans sa rédaction
originelle la mise en place de cours spéciales875. Ces cours sont composées du président de la
cour d’assises, de quatre magistrats et trois militaires en vertu de l’article 556876 de ce Code.
Ces cours sont compétentes pour connaitre de tous les crimes commis par des vagabonds, des
mendiants, des individus déjà condamnés antérieurement à une peine afflictive ou infamante,
ainsi que des auteurs de crime de rébellion877 ou de contrebande armée, de faux monnayage
(art. 553) et d’assassinat, si ce dernier crime avait été préparé par un attroupement armé (art.
554).
Même si ces articles restent muets sur la qualité que doit revêtir le crime, qu’il soit de droit
commun ou de nature politique, ils instituent néanmoins parallèlement aux juridictions de
droit commun, des juridictions particulières878.
Il faut attendre l’avènement de la Restauration pour voir apparaître la constitution d’autres
juridictions avec des prérogatives spécifiques au rang de leurs attributions dans les matières
politiques.

874
Particulièrement dans les moments de tumulte les plus virulents, très souvent les gouvernements admettent
sans réserve, sous l’emprise « de la passion », la constitution et l’usage de tribunaux extraordinaires. Cf. J.-Y.
Calvez, op. cit., p. 778.
875
Il s’agit des articles 553 à 599, lesquels sont répartis en cinq sections. La première section est relative à la
compétence de la cour spéciale (art. 553 à 565), la deuxième concerne l’instruction et la procédure (art. 566 à
572), la troisième porte sur l’examen (art. 573 à 579), la quatrième est relative au jugement (art. 580 à 597), et la
dernière traite de l’exécution de l’arrêt (art. 598 et 599).
876
Art. 556 : La cour spéciale ne pourra juger qu’au nombre de huit juges ; elle sera composée :
1° du président de la cour d’assises, lorsqu’il sera sur les lieux ; en son absence, ou en cas d’empêchement, d’un
des membres de la cour impériale qui aurait été délégué à la cour d’assises ; et à leur défaut, du président du
tribunal de première instance dans le ressort duquel la cour tiendra ses séances ;
2° des quatre juges formant, aux termes des articles 253 et 254, avec le président, la cour d’assises ;
3° de trois militaires ayant au moins le grade de capitaine.
Une loi particulière règlera l’organisation de la cour spéciale du département de la Seine.
877
A condition toutefois que la rébellion ait été commise par trois personnes au moins. Cela résulte plusieurs
arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation et notamment de deux arrêts, l’un du 6 août 1812 et
l’autre du 11 novembre 1813. Aux termes de ces arrêts, la haute juridiction estime que « les Cours spéciales ne
sont appelées à connaître de la rébellion qu’alors qu’elle est commise par plus de trois personnes armées, et des
assassinats qu’autant qu’ils ont été préparés par des attroupements armés ». Cf. Cass. Crim., 6 août 1812, Recueil
Sirey-Devilleneuve, 1812, I, p. 165 ; et Cass. Crim., 11 novembre 1813, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1813, I, p.
463.
878
On peut également les qualifier de juridictions d’exception dans la mesure où elles disposent d’attributions
particulières. Par opposition à la juridiction de droit commun qui est une juridiction à compétence générale, la
juridiction d’exception (ou spécialisée) est une juridiction dont la compétence est limitée à certains litiges
expressément énumérés par la loi. Cf. S. Bissardon, op. cit., pp. 289 et 290.
Dès lors examinerons-nous à titre liminaire, la courte période durant laquelle le régime de
Louis XVIII rétablit une vieille institution juridictionnelle d’Ancien Régime. Par le
rétablissement des cours prévôtales, le gouvernement de la Restauration fait apparaitre
temporairement le spectre d’une justice surannée unanimement rejetée par la société moderne
née de la Révolution française. Aussi cet archétype ne résistera-t-il pas aux critiques et à la
mauvaise presse qu’il suscitera (Section préliminaire)
Cette question de l’échec des cours prévôtales posée, il conviendra de porter notre attention
sur deux types de juridictions plus adaptées aux mœurs de l’époque mais dont la nature est
foncièrement différente.
Dans un premier cas, méritera d’être examinée la question relative d’autres juridictions
spéciales. Bien qu’instituées constitutionnellement ou légalement, ces juridictions ne
disposent toutefois pas de la nature de juridictions de droit commun en ce que leur
compétence est limitée à certains litiges. Ce caractère spécial s’explique tant par leur
composition que par la nature des attributions particulières qui leurs sont conférées pour
connaître des infractions qui mettant en péril la sûreté de l’État ou de la société (Section I).
A côté de ces juridictions d’exception, le législateur maintien également dans certains cas la
compétence des juridictions traditionnelles en l’adaptant toutefois aux particularismes
inhérents à la délinquance politique. C’est ainsi que, conformément aux dispositions légales
déterminant leur compétence, les conseils de guerre et les cours d’assises qui sont par principe
des juridictions de droit commun, conservent leur compétence en matière de crimes et de
délits politiques (Section II).

Section préliminaire – Le rétablissement éphémère des cours prévôtales

Dès son avènement, le gouvernement de Louis XVIII a pris conscience qu’il convenait
d’établir parallèlement aux juridictions de droit commun, des juridictions d’une nature bien
particulière : les cours prévôtales879.

879
Il faut observer qu’il existe une controverse sur la volonté plus ou moins affirmée des ministres de Louis
XVIII de recourir à des juridictions de ce type. C’est notamment le cas pour le ministre de la justice Barbé-
Marbois qui aurait « cédé à regret et avec répugnance » aux exigences des Ultras, pour les uns, ou qui serait
directement à l’initiative du vote du recours à de telles juridictions, pour les autres. Cf. A. Paillet, Les cours
prévôtales, Revue des deux mondes, Tome IV, pp. 124 et 125.
Concernant les partisans de l’idée d’une adhésion réservée du ministre, cf. L. de Viel-Castel, Histoire de la
Restauration, Tome IV, Paris, 1860, p. 202. Selon cet historien « ce n’était pas sans répugnance que le garde
des sceaux avait prêté son concours au ministre de la guerre pour la préparation d’une telle loi ». La même
opinion est développée par P. Duvergier de Hauranne, in. Histoire du gouvernement parlementaire, Tome III,
Paris, 1859, p. 286. Pour cet homme politique, la loi sur les cours prévôtales était pour « un magistrat austère et
consciencieux comme M. Barbé-Marbois […] bien moins justifiable que la loi des cris séditieux et même que la
loi de la sûreté générale ». Cf. enfin pour une opinion similaire, le témoignage rapporté par F. Guizot, in.
Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, Tome I, p. 120. Il rapporte la réponse qu’aurait formulé le
Même si la terminologie employée par le pouvoir politique de l’époque tend à exclure les
cours prévôtales de la qualification de « tribunaux extraordinaires », il convient néanmoins
d’observer que par leur composition, ceux-ci en présentent certains caractères880.
Bien qu’ayant réaffirmé le principe selon lequel nul ne pourrait être distrait de ses juges
naturels en vertu de l’article 62881 de la Charte du 4 juin 1814, le constituant n’exclut pas
néanmoins le recours à des juridictions prévôtales par le biais de l’article 63 882. Cette
éventualité résulte de la qualification même qu’attribue la Charte à ce type de juridictions, en
énonçant que « ne sont pas comprises sous cette dénomination [de tribunaux extraordinaires]
les juridictions prévôtales ».
Il faut attendre la fin des Cent-Jours et l’avènement de la seconde Restauration pour que le
législateur procède au rétablissement des cours prévôtales 883 en l’introduisant dans le Code
d’instruction criminelle, par une loi du 27 décembre 1815884.
Cette loi est motivée par plusieurs facteurs dont le point commun est de concerner la
conservation du pouvoir politique.
Elle résulte d’abord d’une opinion très répandue à l’époque selon laquelle le succès de
l’expédition de l’empereur en mars 1815 est dû à une « vaste conspiration tramée dans tout le
Royaume885 ».

ministre Barbé-Marbois à Louis XVIII lorsque ce dernier lui demandait où en était le projet de loi sur les cours
prévôtales. Selon Guizot le ministre aurait répondu « Sire, je suis honteux de dire à Votre Majesté, qu’elle est
déjà prête ».
En revanche pour une minorité d’auteurs le garde des sceaux Barbé-Marbois serait l’un des principaux initiateurs
tant de la loi sur les cours prévôtales que de la loi sur la suspension des libertés individuelles. Selon cette
opinion, la majorité royaliste de la Chambre des députés n’aurait fait qu’adopter par « esprit de
discipline monarchique » des projets auxquels tenait particulièrement le ministre de la justice. Cf. J. de Villèle,
Mémoires et correspondances du comte de Villèle, Tome I, Paris, 1888, pp. 374 et 375.
880
Une des plus grandes particularités de ces juridictions, est qu’elles ne sont pas extraconstitutionnelles dans la
mesure où la Charte prévoit leur rétablissement, quoique ce rétablissement ne soit qu’éventuel et que ces
juridictions soient étroitement liées au pouvoir établi. Dès lors, étant prévues par l’acte constitutionnel qui fonde
le régime, de telles juridictions acquièrent en vertu de leur aspect organique une forme constitutionnelle.
Néanmoins pour R. Charvin (op. cit., pp. 169 et 170), il s’agit de juridictions très particulières en ce qu’elles sont
extraconstitutionnelles parce qu’instituées par une loi sur proposition du pouvoir exécutif tout en étant
« constitutionnalisées » parce que prévues par la Charte.
881
Art. 62 : Nul ne pourra être distrait de ses juges naturels.
882
Art. 63 : Il ne pourra en conséquence être créé de commissions et tribunaux extraordinaires. Ne sont pas
comprises sous cette dénomination les juridictions prévôtales, si leur rétablissement est jugé nécessaire.
883
La justice prévôtale est apparue sous le règne de Charles IX sous l’égide du chancelier de l’Hôpital. Afin de
répondre avec efficacité « aux maux qui désolaient la France », la justice des prévôts devait être à la fois
« sévère dans ses formes et prompte dans son action ». Modifiée à de maintes reprises afin de la rendre toujours
plus efficace, elle fut abolie lors de la Révolution, en 1790. Moniteur Universel, vendredi 15 décembre 1815,
séance de la Chambre des pairs du mardi 12 décembre, n° 349, p. 1390.
884
Cf. annexe n° 108.
885
A. Paillet, op. cit., p. 125. En effet pour cet auteur, chez les contemporains qui avaient assisté au retour de
l’empereur, était apparu « un sentiment d’appréhension très vif […] contre les projets que pouvait méditer un
parti vaincu ». Quid de cette volonté pour les partisans du pouvoir établi de réclamer des mesures de rigueur qui
représentent plus la marque de leur « zèle » qu’un gage « d’efficacité ».
Cette loi est en outre motivée par des considérations plus ponctuelles en ce qu’elle intervient
suite à de graves troubles qui ont éclaté dans le Sud de la France, et notamment, selon C.
Aubert886, eu égard « aux exactions des Verdets887 à Toulouse et à Nîmes et aux assassinats
des généraux Brune et Ramel ».
C’est dans ces conditions que sont rétablies les prévôtés et que les règles procédurales qui les
régentent témoignent d’un caractère exceptionnel.
D’une part, le recours en cassation est fermé ce qui entraine l’impossibilité de tout contrôle
sur leurs décisions888, et d’autre part, ce sont les prévôts qui ont la charge d’instruire les
affaires889. Or, leur qualité de personnel militaire 890 fait apparaître cette institution comme
« un débris suspect d’un ordre judiciaire aboli, introduit maladroitement dans l’organisation
moderne, où il ne pouvait trouver place pour fonctionner normalement891 ».
Néanmoins ces cours ne constituent pas des tribunaux exclusivement politiques 892. La
compétence des cours prévôtales relève de celle qui était établie par les articles 553 et 554 du
Code d’instruction criminelle au profit des cours spéciales auxquelles elles viennent se
substituer893.
En l’espèce peuvent faire l’objet d’une saisine d’une cour prévôtale, de nombreux cas
correspondant aussi bien à des infractions de droit commun qu’à des infractions à caractère
politique.
Outre la nature des infractions qui relevaient antérieurement de la compétence des cours
spéciales, laquelle compétence est dévolue aux cours prévôtales en vertu de l’article 8894, les
886
C. Aubert, Le temps des conspirations – La répression politique en Maine-et-Loire entre 1814 et 1870, Paris,
2006, p. 49.
887
L’origine de ce nom provient de la cocarde de couleur verte qu’arboraient les royalistes fidèles à Charles X et
qui organisaient dans le Sud du pays la Terreur blanche.
888
Art. 45 : Les arrêts des cours prévôtales seront rendus en dernier ressort, et sans recours en cassation.
889
Art. 20 : Les prévôts sont spécialement chargés de la recherche et de la poursuite de tous les crimes dont la
connaissance est attribuée aux cours prévôtales.
890
Art. 4 : Les prévôts seront pris parmi les officiers de l’armée de terre ou de mer ayant le grade de colonel, au
moins, et âgés de trente ans accomplis.
891
A. Paillet, op. cit., p. 132.
892
A. Paillet, ibid., p. 127. Si par leurs attributions ces cours ne sont pas ne sont pas exclusivement politiques, en
revanche, leur composition atteste d’une certaine partialité. Pour A. Paillet (ibid. p. 133), on trouve parmi les
candidats acceptés une part importante d’anciens émigrés. Parmi les prévôts, une grande majorité a obtenu son
grade lors de la première Restauration et est promu à ces fonctions de prévôt plus par son appartenance politique
que par ses services militaires effectivement rendus. En conséquence, cette composition ne s’avère pas « de
nature à donner à la nouvelle juridiction l’aspect d’impartialité qui eut été souhaitable ».
893
Sur ce constat de substitution des cours spéciales par les cours prévôtales, cf. A. Paillet, ibid., p. 126. Selon
cet auteur, avec les licenciements de troupes, les changements de garnisons et les mises en demi-solde d’une
grande quantité de militaires suite aux Cents-Jours, les cours spéciales se sont trouvées structurellement
désorganisées. Parce qu’elles constituaient un mécanisme non négligeable de la répression politique, aussi fallut-
il organiser la justice politique de manière différente et avec le plus de célérité possible. C’est ainsi qu’on
remplaça les cours spéciales par les cours prévôtales.
894
Art. 8 : Les cours prévôtales connaitront des crimes qui étaient attribués aux cours spéciales par le Code
d’instruction criminelle.
juridictions prévôtales acquièrent un nombre important d’attributions supplémentaires par la
loi de 27 décembre 1815.
Désormais, sont compris comme relevant de la compétence des cours prévôtales les crimes de
rébellion armée, de réunion séditieuse, de prise de commandement sans motif ni droit légitime
ainsi que la fourniture de subsistances au profit d’une bande armée. Sont également compris
au titre de leurs attributions : la levée de bande armée, son organisation ou le simple concours
à l’existence de la bande armée895.
La loi du 27 décembre 1815 attribue également au titre de la compétence des cours prévôtales
la connaissance de certains délits de presse ou d’opinion. Sont ainsi prévus la distribution ou
la vente d’écrits dans des lieux publics ainsi que le fait d’avoir proféré des cris ou tenu des
discours exprimant une menace d’attentat à l’égard du roi ou de sa famille dans un lieu
public896.
L’article 10 prévoit également les cas de provocation au renversement du gouvernement ou au
changement d’ordre de successibilité au Trône. Enfin cet article prévoit un dernier cas
correspondant au fait de provoquer des citoyens à s’armer contre l’autorité royale.
Une dernière infraction dont la nature est politique est prévue au titre des infractions relevant
de la compétence des cours prévôtales. Elle résulte de l’article 11 897 de la loi du 27 décembre
1815. En vertu de cet article relèvent également de la compétence des juridictions prévôtales
d’une part, le fait d’arborer dans un lieu public une cocarde autre que la cocarde blanche et
d’autre part, le fait de tenir des propos séditieux au sein du palais du roi ou sur son passage.
A côté de ces infractions dont le caractère politique est indéniable, certaines infractions de
droit commun sont également prévues. Relèvent ainsi de la compétence prévôtale les auteurs
d’assassinats ou de vols à mains armées ou avec violence lorsqu’ils sont commis sur les

895
Art. 9 ; Les cours prévôtales procéderont contre tout individu, quelle que soit sa profession, civile, militaire ou
autre, qui se serait rendu coupable du crime de rébellion armée, ou qui aurait été arrêté faisant partie d’une
réunion séditieuse, ou qui, sans droit ou sans motif légitime, aurait pris le commandement d’une force armée,
d’une place forte, d’un poste, d’un port, ou d’une ville ; ou qui aurait levé ou organisé une bande armée, ou qui
aurait fait partie d’une telle bande, ou lui aurait fourni des armes, des munitions ou des vivres.
896
Art. 10 : Elles procéderont également contre toute personne prévenue d’avoir affiché, distribué ou vendu dans
des lieux publics des écrits ; d’avoir, dans des lieux publics ou destinés à des réunions habituelles de citoyens,
fait entendre des cris ou proféré des discours, toutes les fois que ces cris, ces discours ou ces écrits, auront
exprimé la menace d’un attentat contre la personne du roi ou la personne des membres de la famille royale, ou
qu’ils auront excité à s’armer contre l’autorité royale, ou qu’ils auront provoqué au renversement du
gouvernement ou au changement de l’ordre de successibilité au Trône.
897
Art. 11 : Elles procéderont contre toutes personnes prévenues d’avoir arboré dans un lieu public, ou destiné à
des réunions habituelles de citoyens, un drapeau autre que le drapeau blanc, et contre toutes personnes qui feront
entendre des cris séditieux dans le palais du roi ou sur son passage.
grands chemins898. De même, l’importation de marchandises prohibées ou frauduleuses 899
ainsi que le fait de contrebande organisée par les préposés des douanes 900, viennent s’ajouter à
la liste en vertu de la loi du 28 avril 1816901 relative aux douanes.
Enfin certaines infractions commises par des militaires relèvent également des cours
prévôtales. Cela est le cas des militaires ou assimilés qui sont prévenus de vols ou d’actes de
violences lorsque ces infractions sont qualifiées de crimes par le Code pénal et qu’elles ne
relèvent ni des règles de discipline militaire, ni des règles relatives à la subordination
militaire902.
Indépendamment de la moindre rigueur du texte adopté par les chambres par rapport à son
contenu initial903, par le rétablissement de telles juridictions et la spécificité de leurs
attributions, le pouvoir politique parvient à faire échapper à la connaissance du jury le
contrôle d’une partie non négligeable de la criminalité politique. La raison est que le
gouvernement craint l’indulgence des jurés à l’égard du type de criminalité qui constitue à son
égard la plus grande menace.
Néanmoins la pratique illustre une certaine rigueur dans le respect des formes et des
procédures. Le garde des sceaux intervient fréquemment pour trancher d’éventuels litiges
entre magistrat et prévôt904, ou pour recadrer le prévôt qui manifeste un excès de zèle par
exemple en tentant d’élargir ses compétences ou ses pouvoirs.
A. Paillet905 témoigne de nombreux cas attestant de ce constat, tous ces cas débouchent soit
sur un simple recadrage, soit sur un blâme voire sur une révocation.

898
Art. 12 : Seront justiciables des cours prévôtales les prévenus d’assassinat ou de vol avec port d’armes ou
violence, lorsque ces crimes auront été commis sur les grands chemins. Ne sont pas regardés comme grands
chemins les routes dans les villes, bourgs, faubourgs et villages.
899
Art. 48 : Seront justiciables des cours prévôtales, les prévenus de toute importation prohibée ou frauduleuse,
si, étant à cheval, ils sont au nombre de trois et plus, et si, étant à pied, ils sont en nombre supérieur à six.
900
Art. 55 : Seront également justiciables des cours prévôtales, les préposés des douanes prévenus de forfaiture,
comme ayant fait eux-mêmes la contrebande, ou s’étant laissé corrompre pour la favoriser ; et il ne sera pas
besoin alors de l’autorisation du Gouvernement pour leur mise en jugement.
901
Cf. J.-B. Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, avis du conseil d’État,
Tome XX, 2ème édition, Paris, 1837, pp. 343 à 357.
902
Art. 13 : Seront justiciables des cours prévôtales les militaires et les individus à la suite des armées ou des
administrations militaires, prévenus de vol ou d’acte de violence, qualifiés crimes par le Code des délits et des
peines, toutes les fois que lesdits actes ne pourront être considérés comme des infractions aux lois sur la
subordination et la discipline militaire.
903
Grâce à l’intervention du commissaire du roi, le baron Cuvier, le projet initial fut purgé de certaines
dispositions. Furent ainsi écarté toute idée de rétroactivité sur la forme et toute extension à des infractions d’une
nature plus secrète telle que les complots. En effet, comme le développe A. Paillet (op. cit., p. 128), les chambres
ont préféré la seule notion de flagrance et se sont attachées « à ne déférer aux nouvelles cours que les crimes et
attentats présentant un acte matériel de violence publique ».
904
Cf. A. Paillet, Ibid., p. 138. Dans toutes ces affaires le garde des sceaux se range « invariablement du côté des
magistrats civils » et n’hésite pas à rappeler aux prévôts la modération dont ils doivent faire preuve.
905
A. Paillet, Ibid., pp. 136 à 138.
De même, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur l’étendue de leur compétence, laquelle
est limitée par des conditions d’indivisibilité de procédure. Ainsi, lorsque plusieurs prévenus
poursuivis pour un même délit ne sont pas tous justiciables des Cours prévôtales eu égard à
leur qualité, la Cour de cassation reconnait depuis un arrêt du 14 août 1812 relatif aux cours
spéciales, la compétence des juridictions ordinaires pour l’ensemble des justiciables906.
En effet, pour la haute juridiction, si « parmi les accusés, les uns sont justiciables, à raison de
leur qualité, d’une Cour prévôtale, et les autres des tribunaux ordinaires, c’est aux tribunaux
ordinaires qu’il appartient de statuer ».
A côté de la nouvelle rédaction de l’article 381 du Code pénal applicable aux infractions de
presse en vertu duquel « nul ne peut remplir les fonctions des jurés s’il ne jouit des droits
politiques et civils907 », le rétablissement des cours prévôtales s’avère un moyen très efficace
pour conserver le contrôle de la justice politique908.
Les juridictions prévôtales représentent de fait un outil particulièrement efficace pour le
pouvoir politique dans la mesure où elles prononcent pour la seule période qui s’étend entre
1815 et 1818, plusieurs milliers de condamnations909. Ainsi pour l’année 1818, 2280 affaires
sont portées devant les cours prévôtales dont 31 % correspondent à des affaires à caractère
politique910.
L’institution des cours prévôtales prend fin en 1818911, en vertu de l’art. 55912 de la loi de 1815
et est définitivement abolie par la Charte du 14 août 1830 913. Avec la disparition de ces cours,
l’année 1818 doit marquer également la disparition définitive des cours spéciales les plus
contestées afin de permettre au principe de l’article 63 de la Charte de 1814 de recevoir enfin
une stricte application.

906
Cf. annexe n° 109. La Cour de cassation réaffirme sa position dans plusieurs arrêts. Cf. notamment Cass.
Crim., 4 décembre 1812, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1812, I, pp. 240 et 241 ; et Cass. Crim., 4 juin 1813,
Recueil Sirey-Devilleneuve, 1813, I, p. 364.
907
La motivation du pouvoir politique est de ne retenir que des citoyens dont le dévouement est présumé acquis
pour le gouvernement. Cf. à ce titre R. Charvin, op. cit., p. 117.
908
R. Charvin, ibid., p. 116.
909
P. Sornay, op. cit., p. 20.
910
Il s’agit des assassinats par attroupements armés, des rébellions armées, des réunions séditieuses et autres
affaires politiques. Cf. annexe n° 110.
911
Il s’agissait initialement d’une loi temporaire applicable pour la seule période s’écoulant entre 1815 et 1818,
sous réserve du vote d’une loi de prorogation. Aucune loi n’étant votée en 1818, ces cours sont supprimées de
fait.
912
Art. 55 : La présente loi cessera d’avoir son effet après la session de 1817, si elle n’a été renouvelée dans le
courant de ladite session.
913
Articles 53 et 54.
Malgré la disparition des cours prévôtales, toutes les juridictions spéciales ne sont pas abolies
ou abrogées. Certaines, dont l’autorité est plus solennelle et semble plus légitime, sont
maintenues et traverseront même de nombreux régimes.
Bien qu’elles disposent d’attributions particulières manifestées par une compétence de
principe à l’égard de certains actes attentatoires à la sûreté de l’État, on constate néanmoins en
pratique que les hautes cours font preuve d’un certain respect pour les libertés publiques et
individuelles.

Section I – La rigueur d’un régime répressif illustrée par l’organisation de 
juridictions spéciales

Les hautes cours que représentent successivement au XIXème siècle la Cour des pairs et la
Haute Cour de Justice sont qualifiées selon les auteurs, de juridictions politiques
extraconstitutionnelles914, de juridictions spéciales915 ou d’instances politiques érigées en cours
de justice916, mais elles ne doivent pas être assimilées aux tribunaux extraordinaires instaurés
par le décret des 10 et 12 mars 1793917.
Ces deux juridictions sont instituées successivement par la Charte du 4 juin 1814918 et celle du
14 août de 1830919 en ce qui concerne la Cour des pairs, et par la Constitution du 4 novembre
1848920 et celle du 14 janvier 1852921 s’agissant de la Haute Cour de Justice.
Les articles respectifs des chartes ou des constitutions qui instituent ces Cours prévoient des
règles de compétence semblables. Leur compétence concerne principalement les crimes de
haute trahison et autres crimes et attentats à la sûreté de l’État.

914
R. Charvin, op. cit., p. 168. Ces juridictions correspondent à ce type de justice que ce professeur qualifie de
justice « agent du pouvoir » (Ibid., p. 347).
915
J.-Y. Calvez, op. cit., p. 779.
916
J.-P. Royer, op. cit., p. 481.
917
Cf. annexe n° 1.
918
Art. 33 : La Chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'État qui
seront définis par la loi.
919
Art. 28 : La Chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'État, qui
seront définis par la loi.
920
Art. 91 ; Une Haute Cour de justice juge, sans appel ni recours en cassation, les accusations portées par
l'Assemblée nationale contre le président de la République ou les ministres.
Elle juge également toutes personnes prévenues de crimes, attentats ou complots contre la sûreté intérieure ou
extérieure de l'État, que l'Assemblée nationale aura renvoyées devant elle.
Sauf le cas prévu par l'article 68, elle ne peut être saisie qu'en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale, qui
désigne la ville où la Cour tiendra ses séances.
921
Art. 54 : Une Haute Cour de justice juge, sans appel ni recours en cassation, toutes personnes qui ont été
renvoyées devant elle comme prévenues de crimes, attentats ou complots contre le président de la République, et
contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'État.
Elle ne peut être saisie qu'en vertu d'un décret du président de la République.
Seule la Constitution du 4 novembre 1848 ajoute un autre cas de compétence qui correspond
aux poursuites engagées contre le président de la République ou contre des ministres922.
Quelle que soit le régime politique en place, les hautes cours politiques disposent d’un certain
nombre de points communs. Outre leur compétence, ces cours ne sont pas saisies de plein
droit des crimes politiques. Si en théorie elles sont compétentes pour connaitre des crimes
d’État les plus importants, il est fondamental de relever le caractère facultatif 923 de leur
saisine.
Aussi retiendrons-nous comme élément de distinction la nature du régime en vertu duquel
elles dépendent en distinguant d’une part la Cour des pairs instituée par les régimes
monarchiques de 1814 et de 1830 (§ I) et d’autre part la Haute Cour de Justice instituée par
les Constitutions républicaine puis impériale de 1848 et de 1852 (§ II)

§ I – La Cour des pairs

Sans déroger à l’usage établi depuis la Révolution française, d’instituer des hautes cours pour
connaître des crimes attentatoires à la sûreté de l’État, la Charte du 4 juin 1814 institue une
cour de justice appelée Cour des pairs au terme des articles 33, 34 et 55. Ces articles sont
repris par la Charte du 14 août 1830 sous les articles 28, 29 et 47.
La qualification de Cour des pairs est en relation avec la composition de cette cour qui est
composée de parlementaires appartenant à la Chambre des pairs. Ce premier aspect démontre
une rupture avec les hautes cours précédentes.
En effet, les deux Chartes constitutionnelles ne prévoient pas la désignation spéciale d’élus de
la Nation comme cela était le cas antérieurement 924, mais une transformation de la Chambre
haute en cour spéciale. Il s’agit d’un « tribunal mixte925 » dont la nature est à la fois judiciaire
et politique.
La Cour des pairs dispose d’attributs purement politiques lui permettant d’agir comme justice
« contre pouvoir » en ce qu’elle peut connaître de certains actes spécifiques, soit qu’ils
émanent de la part de ministres, soit qu’ils mettent en cause pénalement les membres de la
Chambre (A).
922
Sous la deuxième République, la Haute Cour de Justice est considérée à la fois comme une justice « agent du
pouvoir » et « contre-pouvoir ». Mais cette disposition est retranchée de la Constitution de 1852 qui institue la
Haute Cour de Justice exclusivement comme un véritable agent du pouvoir.
En revanche la disposition qui permet à ces hautes cours de juger des ministres se retrouve également insérée
dans les chartes constitutionnelles de 1814 (art. 55) et de 1830 (art. 47).
923
R. Charvin, op. cit., p. 132.
924
Cf. R. Lindon et D. Amson, La Haute Cour 1789 – 1987, Paris, 1987, p. 29.
925
A. Lair, Des hautes cours politiques en France et à l’étranger et de la mise en accusation du président de la
République et des ministres, Paris, 1889, p. 194.
A coté de ces attributs politiques, la Cour des pairs constitue également une justice « agent du
pouvoir » en ce qu’elle dispose de prérogatives lui permettant de connaître de certaines
infractions commises par des particuliers contre l’État et la chose publique (B).

A-/ Une justice « contre pouvoir »

La procédure applicable devant la cour des pairs est semblable, selon J.-P. Royer, à la
procédure anglaise d’impeachment par laquelle des membres du gouvernement et d’autres
hauts fonctionnaires peuvent faire l’objet de poursuites sur demande de la Chambre des
communes devant la Chambre des lords926. Cette assimilation résulte de l’article 55927 de la
Charte de 1814 et de l’article 47928 de la Charte de 1830.
C’est notamment en vertu de ce dernier article et de l’article 56929 que sont poursuivis et jugés
les quatre ministres930 de Charles X sous la qualification de crime de haute trahison931.
C’est encore en vertu de l’article 55 de la Charte de 1814 que le député Clausel de
Coussergues soumet à la Chambre des députés en 1820 une demande d’accusation contre le
ministre de l’intérieur, le duc Decazes.
Outre cette compétence de justice « contre-pouvoir », la Cour des pairs dispose aussi d’une
compétence particulière pour connaître des affaires criminelles de droit commun mettant en
cause l’un de ses membres.

928
Art. 47 : La chambre des députés a le droit d'accuser les ministres et de les traduire devant la chambre des
pairs, qui seule a celui de les juger.
929
Cf. à ce titre l’arrêt de la Cour des pairs du 21 décembre 1830, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1830, II, p. 1098.
La Cour des pairs se prononce entre autres sur la responsabilité pénale et constitutionnelle des ministres et
considère que « sont coupables de trahison, et tout à fait inexcusables, les ministres qui signent et publient des
ordonnances attentatoires aux lois fondamentales et aux libertés du pays ».
930
Il s’agit du président du conseil, le prince de Polignac, du garde des sceaux, Jean de Chantelauze, du ministre
de l’intérieur, le comte de Peyronnet, et du ministre de l’instruction publique, le comte de Guernon-Ranville.
931
Cette mise en accusation résulta de la proposition d’un député d’extrême gauche, E. de Salverte, le 13 août
1830. Le grand nombre de députés de gauche qui appuyait sa demande, réclamait en outre l’exécution des
ministres. Cette situation dangereuse pour la Nation eut pour conséquence une levée de bouclier du centre et de
la droite, qui, sous l’impulsion de V. Destut de Tracy, proposa d’abolir la peine de mort, au moins pour les
crimes et délits politiques.
Cet épisode est intéressant dans la mesure où il illustre un facteur supplémentaire aux arguments qui plaident à
l’époque en faveur de l’abolition de la peine de mort en matière politique. Outre la prise de conscience de la
relativité des gouvernements et de la nécessité de ménager ses adversaires politiques, il semble que l’épisode
relatif au procès des ministres de Charles X témoigne également de la crainte de voir ressurgir des épurations
judiciaires semblables à celles qui mirent la France à feu et à sang en 1793. Cf. annexe n° 2.
Il résulte en effet de l’article 34932 de la Charte de 1814, puis de l’article 29 933 de la Charte de
1830, une compétence de principe de la Cour des pairs pour poursuivre et juger les membres
de la Chambre haute à l’occasion de crimes dont ils seraient impliqués.
Mais la Cour des pairs n’est pas uniquement une juridiction s’inscrivant dans le sens d’une
justice de contre-pouvoir, mais elle est principalement une justice « agent du pouvoir ». Cette
dernière qualité constitue en théorie et surtout dans la pratique, ses principales attributions.

B-/ Une justice « agent du pouvoir »

Les articles attribuant à la Cour des pairs la fonction de protéger le pouvoir contre les crimes
les plus graves, sont prévus par les articles 33934 de la Charte de 1814 et 28935 de la Charte de
1830.
Ces articles prévoient la compétence de la Cour des pairs pour crimes de trahison et autres
attentats contre la sûreté de l’État. Toutefois, les Chartes restent relativement floues sur la
nature précise de ces crimes dans la mesure où elles se contentent de renvoyer à la loi le soin
de définir ultérieurement les crimes qui engendrent la compétence de la Cour des pairs.
Ce dernier point constitue un handicap important illustrant une insuffisance936 certaine de la
Charte en ce qu’elle met en concurrence la Cour des pairs avec les cours d’assises, attribuant à
ces dernières la connaissance des crimes intéressant la sûreté de l’État lorsque la Cour des
pairs n’a pas été saisie pour le gouvernement937.
Si la Chambre des pairs tente de pallier à cette insuffisance par la rédaction d’une résolution 938
en février 1816, il faut attendre l’année 1821 pour que la compétence de la Cour des pairs soit
repensée et réorganisée par une ordonnance.
Mais là aussi il y a lieu de relever une insuffisance dans la mesure où l’ordonnance du 20 avril
1821939 ne concerne que la procédure devant la Cour des pairs et ne fourni aucun
932
Art. 34 : Aucun pair ne peut être arrêté que de l'autorité de la chambre, et jugé que par elle en matière
criminelle.
933
Art. 29 : Aucun pair ne peut être arrêté que de l'autorité de la chambre et jugé que par elle en matière
criminelle.
934
Art. 33 : La chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'État qui
seront définis par la loi.
935
Art. 28 : La chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'État, qui
seront définis par la loi.
936
P. Vielfaure, L’évolution du droit pénal sous la Monarchie de Juillet, Marseille, 2001, p. 265.
937
Cette concurrence est rappelée et tranchée par la Cour de cassation qui considère dans un arrêt du 14
décembre 1815, que « l’attribution à la Chambre des pairs de la connaissance des attentats contre la sûreté de
l’État, est purement facultative. Dès lors, la Cour d’assises est compétente pour connaitre d’un crime de cette
nature, tant que la Chambre des pairs n’en a pas été régulièrement saisie ». Cf. annexe n° 111.
938
Cf. annexe n° 112. Cette résolution ne sera toutefois jamais adoptée et ne sera d’aucune valeur juridique.
Néanmoins elle permet de donner une information sur l’entendement que porte la Chambre sur sa compétence en
tant que cour de justice.
939
Cf. annexe n° 113.
renseignement sur la nature particulière des crimes et délits politiques qu’elle est en mesure
de connaitre.
Afin de pouvoir préciser l’étendue de la compétence de la Cour des pairs, il convient de se
reporter aux débats parlementaires. Il ressort de ceux-ci une opinion majoritaire, exprimée par
le rapporteur de la commission en charge du projet du 23 décembre 1815 sur l’étendue de la
compétence de la Cour des pairs et attestée essentiellement par les articles 1940 et 2941 de la
résolution adoptée par la Chambre.
Selon le comte Molé, rapporteur de la commission, la Cour des pairs française ne doit pas
disposer de prérogatives aussi étendues que celles dont est titulaire la Cour des pairs anglaise.
La Cour des pairs elle est limitée par la Charte même et par la nature des choses, notamment
par l’article 62 de la Charte qui veut que nul ne soit distrait de ses juges naturels.
Ses propos sont particulièrement explicites sur la nature restrictive de la compétence de la
Cour des pairs. Selon ce parlementaire 942, « la Chambre des pairs d’Angleterre n’a point de
bornes : la notre est et doit être extrêmement restreinte. Ce n’est pas seulement dans la
Charte, mais dans la nature des choses que nous en avons cherché les limites. Le but de
toutes les lois, de tous les règlements en matière de compétence, est de donner à chacun ses
juges naturels. La Charte a consacré ce principe éternel de toute justice […] Or, le juge
naturel ou compétent est celui que son existence sociale rapproche de l’accusé, et à qui elle
donne la mesure exacte de la moralité de l’action et l’intention qu’il s’agit de juger. En
suivant cette définition, Messieurs, vous voyez déjà quels sont vos justiciables. Ce sont ceux
qui ne peuvent trouver que parmi vous des juges naturels et compétents. Il existe des hommes
si élevés par leurs dignités ou leurs fonctions, qu’ils ne rencontreraient ailleurs que des juges
auxquels ils imposeraient par leur importance, ou dont ils auraient à redouter la secrète et
jalouse envie. Vous ne pourriez sans injustice refuser de juger de tels hommes, et vous devez
encore le faire dans l’intérêt de la société ».
Si les propos du comte Molé illustrent bien les raisons et la nature de la compétence de la
Cour des pairs à l’égard des pairs eux-mêmes quelle que soit la nature de l’infraction dont ils
sont responsables, ils comportent néanmoins une lacune substantielle dans la mesure où ils ne
font pas référence aux individus « ordinaires » qui seraient impliqués dans un crime politique
et qui seraient justiciables de la Cour des pairs.

940
Art. 1er : La compétence de la Chambre des pairs, comme cour de justice, est déterminée par la nature des
délits et des crimes, et la qualité des personnes qui en sont prévenues.
941
Art. 2 : Cependant l’attentat ou complot dirigé contre la personne du roi, de la Reine ou de l’héritier
présomptif de la couronne, est toujours de la compétence de la Chambre, quelle que soit la qualité des prévenus.
942
Archives parlementaires, séance du 16 février 1816, p. 174.
Or, il convient de souligner que le mode de saisine de la Cour des pairs, lorsqu’il s’agit de
connaitre d’infractions commises par des particuliers, est subordonné à un acte du pouvoir
exécutif.
En vertu de l’article 33 de la Charte de 1814, la Cour des pairs ne peut pas se saisir de plein
droit et ne peut l’être que par un acte du gouvernement. C’est ainsi que la Cour de cassation
reconnait depuis un arrêt du 8 décembre 1820943, que c’est aux Cours d’assises, en vertu du
principe d’universalité de leur juridiction, qu’il revient de connaitre des crimes de haute
trahison et d’attentat à la sureté de l’État.
Outre le mode de saisine, la question de l’étendue des compétences de la Cour des pairs est
constamment posée. C’est notamment sous la Monarchie de Juillet que le législateur procède
par des mesures de circonstances944, à une avancée législative en matière de compétence de la
Cour des pairs à l’égard des auteurs de certaines infractions politiques.
Par deux lois, l’une du 10 avril 1834945 et l’autre du 9 septembre 1835946, le législateur étend
la compétence de la Cour des pairs à certains délits de nature politique.
D’une part, à travers l’article 4947 de la loi du 10 avril 1834, le législateur établit la
compétence de la Cour des pairs à l’égard des auteurs d’attentats contre la sûreté de l’État
lorsqu’ils font partie d’une association de plus de vingt personnes.
D’autre part, en vertu de l’article premier948, de l’article 2949 et de l’article 5950 de la loi du 9
septembre 1835 relative à la presse, la Cour des pairs est reconnue compétente pour juger :

• 1° les auteurs de provocation d’attentat contre la vie ou la personne du roi ou des


membres de sa famille, ainsi que les auteurs de provocation à l’attentat dont le but
serait soit de détruire, soit de changer le gouvernement ou l’ordre de successibilité au
Trône, soit d’exciter les citoyens à s’armer contre l’autorité royale ; lorsque cette
provocation s’est manifestée par des discours, des cris ou des menaces proférées dans
un lieu public ou à l’occasion d’une réunion publique par des écrits, des imprimés, des
dessins, des gravures, des peintures ou des emblèmes, ou bien lorsque cette
provocation s’est manifestée par des placards ou affiches exposés au regard du public.

• 2° les auteurs de provocation à l’excitation à la haine ou au mépris de la personne du


roi ou de son autorité constitutionnelle, lorsque cette provocation s’est manifestée par
des offenses.

• 3° les auteurs de provocation à la destruction ou au changement du gouvernement,


lorsque cette provocation s’est manifestée par une attaque contre le principe ou la
forme même du gouvernement.
En revanche lorsqu’un membre d’une Chambre a été outragé par des paroles, alors même que
l’outrage a été commis à l’occasion des fonctions de ce parlementaire, un tel délit n’est pas
considéré comme politique et relève de la compétence des tribunaux correctionnels. Plusieurs
arrêts confirment cette idée et notamment un arrêt sur renvoi, de la Cour royale d’Orléans du
5 mai 1834951.

948
Art. 1er : Toute provocation, par l’un des moyens énoncés en l’article 1 er de la loi du 17 mai 1819, aux crimes
prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal, soit qu’elle ait été ou non suivie d’effet, est un attentat à la sûreté
de l’État.
Si elle a été suivie d’effet, elle sera punie conformément à l’article 1er de la loi du 17 mai 1819.
Si elle n’a pas été suivie d’effet, elle sera punie de la détention et d’une amende de dix mille à cinquante mille
francs.
Dans l’un comme dans l’autre cas, elle pourra être déférée à la Chambre des pairs, conformément à l’article 28
de la Charte.
949
Art. 2 : L’offense au roi, commise par les mêmes moyens, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la haine ou au
mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle, est un attentat à la sûreté de l’État.
Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes de l’article
précédent.
950
Art. 5 : L’attaque contre le principe ou la forme du gouvernement établi par la Charte de 1830, tels qu’ils sont
définis par la loi du 29 novembre 1830, est un attentat à la sûreté de l’État, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la
destruction ou au changement du gouvernement.
Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes de l’article 1er.
951
Cf. annexe n° 116.
Par ailleurs, très tôt se pose une question essentielle en matière de compétence. Cette question
concerne les cas de connexité952, c’est-à-dire lorsqu’il existe à côté des crimes de haute
trahison ou d’attentat à la sûreté de l’État poursuivis devant la Cour des pairs, des crimes de
droit commun et tout autre crime qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour des pairs.
Cette question fut tranchée par deux célèbres arrêts de la Cour des pairs, l’un du 19 septembre
1831 aux termes duquel la Cour considère que « l’indivisibilité du délit entraîne
l’indivisibilité de la poursuite » conformément au principe de l’article 227953 du Code
d’instruction criminelle, et l’autre du 17 juillet 1847 954 concernant des questions de
complicité.
Ainsi, en matière de complicité, la règle est calquée sur celle de la connexité et entraîne dès
lors les mêmes conséquences quant à la compétence de la Cour des pairs 955. Dans la mesure
où elle est exclusivement compétente pour connaître de la responsabilité des ministres et celle
de ses membres, selon l’adage « l’accessoire suit le principal » et la règle de l’indivisibilité, la
Chambre des pairs se reconnait compétente pour juger de la responsabilité des complices, au
même titre que celle de ses propres justiciables.
Si les règles qui régissent la compétence de la Cour des pairs, ne sont que partiellement
définies par la loi, cette lacune n’empêche pas toutefois cette Cour de se saisir de nombreuses

952
Cf. pour cette question, les propos très détaillés d’E. Cauchy, op. cit., pp. 48 et s.
953
Art. 227 : Les délits sont connexes, soit lorsqu’ils ont été commis en même temps par plusieurs personnes
réunies, soit lorsqu’ils ont été commis par différentes personnes, même en différents temps et en divers lieux,
mais par suite d’un concert formé à l’avance entre elles ; soit lorsque les coupables ont commis les uns pour se
procurer les moyens de commettre les autres, pour en faciliter, pour en consommer l’exécution, ou pour en
assurer l’impunité.
Pour un exemple d’application, voir l’arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 1841, Journal du Droit
Criminel, 1841, art. 2986, pp. 7 et 8. Dans cet arrêt la Chambre criminelle considère que « lorsqu’à un délit
politique se rattachent des délits correctionnels qui sont connexes, le tout doit être déféré à la Cour d’assises ».
Cf. également l’arrêt de la Chambre criminelle du 18 janvier 1849, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1849, I, pp. 127
et 128. Dans le second moyen de son arrêt, la Cour de cassation rappelle le principe de l’indivisibilité du délit en
considérant que « les délits communs, connexes à un délit politique, doivent être déférés au jury conjointement
avec ce délit, bien que seuls ils soient de la compétence d’une autre juridiction ».
954
Cette notion résulte d’une jurisprudence constante, confirmée à maintes reprises par la Cour des pairs, à
l’occasion d’abord de l’arrêt de Kergorlay, de Brian et de Genoude, puis de l’arrêt de Montalembert, et enfin à
l’occasion de l’affaire Teste du 17 juillet 1847. Cf. notamment Cour des pairs, 17 juillet 1847, Recueil Sirey-
Devilleneuve, 1847, II, pp. 513 à 517. En matière de complicité la Cour des pairs fait une stricte application du
principe de l’indivisibilité de la poursuite et de la compétence. Elle considère que lorsqu’elle est saisie d’une
accusation criminelle contre l’un de ses membres, elle « est également compétente pour statuer à l’égard de
simples particuliers poursuivis comme complices ».
955
A. Lair, op. cit., p. 212.
La solution est d’ailleurs la même lorsqu’il s’agit de juger dans une même affaire des accusés présents et des
contumax. La Cour des pairs a considéré dans un arrêt du 16 juillet 1821 que « lorsque dans une affaire soumise
à la Cour des pairs, il se trouve des accusés présents et des accusés contumaces, il doit être procédé par un seul
arrêt au jugement des uns et des autres, si la contumace est régulièrement instruite ». Cf. Cour des pairs, 16
juillet 1821, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1821, II, pp. 449 et 450.
affaires tant durant la Restauration que durant la Monarchie de Juillet 956, la Cour devant le
plus souvent juger et résoudre une affaire avec la plus grande célérité957.
La question sur la compétence de la Cour fut partiellement résolue à l’occasion du procès de
Louvel au terme duquel le procureur général Bellart établi et fit admettre à la Cour 958 la
légitimité de se déclarer compétente malgré l’absence de loi particulière.
En effet selon E. Cauchy959, le procureur Bellart parvint à établir et à faire reconnaitre par la
Cour des pairs que sa compétence résultait « suffisamment des articles 33 et 68 de la Charte
de 1814, dont l’un attribuait à la Chambre des pairs la connaissance des attentats à la sûreté
de l’État qui seraient définis par une loi, tandis que l’autre maintenait en vigueur, jusqu’à ce
qu’il y eut été formellement dérogé, les lois existantes, et par conséquent le Code pénal, dont
l’article 87 mettait au nombre des crimes contre la sûreté de l’État : l’attentat ou le complot
contre la vie ou la personne des membres de la famille royale ».
A coté de sa compétence, il convient également de rechercher l’étendue des garanties qu’elle
offre à ses justiciables. Sur cette question, il s’avère qu’en pratique elle demeure respectueuse
des droits et des garanties de ses justiciables dans la mesure où les droits de la défense sont
observés de manière comparable aux juridictions classiques.
Or, à la différence des juridictions pénales ordinaires qui sont tenues de prononcer le quantum
d’une peine entre un minimum et un maximum fixés par la loi, la Cour des pairs dispose
d’une particularité lui permettant de ne pas être liée par le minimum légal.
Autrement dit, la Cour des pairs peut librement s’affranchir des lois écrites et « n’écouter que
les règles de l’équité et de la raison 960 » pour diminuer le quantum de la peine en deçà du
minimum légal961.

956
Parmi les procès les plus célèbres, il convient d’évoquer les procès du maréchal Ney, de Louvel, des ministres
de Charles X ou encore celui des accusés d’avril 1834. Cf. à ce titre les synthèses intéressantes développées par
P. Bastid, op. cit., pp. 249 à 318. Cf. également A. Lair, op. cit., pp.187 à 249.
957
Pour R. Charvin (op. cit., p. 134), les individus justiciables de cette Cour relèvent d’une nature particulière, ce
sont « des opposants irréductibles ». Eu égard à cette nature, le pouvoir politique craint toujours qu’un
revirement s’opère et que les accusés ne deviennent des martyrs voire des héros. Aussi convient-il de les juger le
plus promptement possible.
958
Il s’agit de l’arrêt du 6 juin 1820.
959
E. Cauchy, op. cit., p. 25.
960
R. Charvin, op. cit., pp. 129 et 130.
961
A. Lair, op. cit., pp. 195 et 228. Selon cet auteur, « aucune règle précise ne déterminait ni les crimes et délits
dont elle devait connaitre, ni les formes et la procédure qu’elle devait suivre, ni les peines qu’elle devait
appliquer ». Il ajoute plus loin qu’en raison de son caractère mixte – politique et judiciaire – et notamment parce
qu’elle comporte une fonction politique, la Cour des pairs a toujours disposé d’un « pouvoir arbitraire en
matière de pénalité », pouvoir dont elle n’a toujours usé « que pour modérer la peine ».
La principale raison est liée au fait que s’agissant d’une juridiction insusceptible de tout
recours, elle est totalement libre de moduler la peine sans tenir égard à la loi en ne dépassant
toutefois jamais le maximum légal962.
Cette liberté va même plus loin que la seule faculté de parcourir « l’échelle entière de la
pénalité963 » en ce qu’elle s’est très vite reconnue le droit d’admettre des circonstances
atténuantes alors même que la qualification d’une infraction en excluait théoriquement
l’admission. Cette pratique reçu sa première application à l’égard de l’affaire de Kergorlay, le
24 novembre 1830.
En conséquence, malgré les critiques que put inspirer la Cour des pairs de par sa nature et sa
compétence, la pratique illustra une certaine modération 964 due à son rang de Chambre haute
et au respect qu’elle accordait aux droits et aux garanties de ses justiciables.
Le caractère solennel de cette Cour est illustré par E. Cauchy 965 qui reproduit les propos de
l’un de ses membres selon lesquels « il ne suffit pas de s’occuper du temps où l’on vit et
d’avoir raison aux yeux de l’opinion publique de son époque : il faut que l’arrêt que la Cour
va rendre ait encore raison dans dix ans, dans un siècle ».
Or, avec la chute de la Monarchie de Juillet et de ses institutions, la Cour des pairs va
disparaitre. La compétence qui lui était dévolue depuis une quart de siècle ne va toutefois pas
retourner entre les mains des juridictions pénales ordinaires. A la Cour des pairs succède une
nouvelle institution dès les débuts de la deuxième République, il s’agit de la Haute Cour de
Justice.

§ II – La Haute Cour de Justice

A l’instar de la Cour des pairs qui avait été instituée par les Chartes constitutionnelles de 1814
et de 1830, c’est par la voie constitutionnelle que la Haute Cour de Justice est instituée, en

962
Pour un exemple d’application, cf. A. Lair (op. cit., p. 224), qui illustre ce constat par l’affaire du 19 août
1820 à l’occasion de laquelle l’accusé Laverderie est condamné à une peine d’emprisonnement de dix années,
peine inférieure au minimum légal qui correspondait, pour son infraction, au bannissement.
Voir également l’arrêt du 24 novembre 1821, au terme duquel la Cour des pairs modère la peine applicable à un
crime prévu par le Code pénal en deçà du minimum légal. Cf. annexe n° 117.
963
A. Lair, op. cit., pp. 228 et 229.
964
On lui reprocha parfois son indulgence comme signe de faiblesse de sa part. Or ce reproche que certains lui
portèrent était au contraire, selon E. Cauchy, une grande qualité parce que « ce qui semblait une faiblesse pour le
présent devait être une force pour l’avenir ». C’est notamment pour cette raison que son existence fut maintenue
par la Charte de 1830 et qu’elle conserva tout au long du règne de Louis-Philippe, une certaine légitimité.
Cf. E. Cauchy, Du jugement des crimes politiques au point de vue moral et en particulier de la Cour des pairs et
de la Haute Cour, Paris, 1867, p. 202.
965
E. Cauchy, Ibid., p. 188.
vertu de l’article 91966 de la Constitution du 4 novembre 1848 puis de l’article 54 967 de la
Constitution du 14 janvier 1852.
Les règles régissant le fonctionnement de la Haute Cour de Justice présentent un certain
nombre de différences avec celles qui régissaient la Cour des pairs.
Si le mode de saisine ne constitue pas une véritable rupture au regard de celui qui s’appliquait
à la Cour des pairs, les règles relatives à la composition de la Haute Cour sont toutefois
inédites (A). En revanche tant la procédure que la compétence rationae materiae applicable
devant la Haute Cour demeurent fidèles à l’expérience développée par la Cour des pairs (B).

A-/ Saisine et composition de la Haute Cour

Les conditions de la saisine de la Haute Cour sont comparables à celles de la Cour des pairs
notamment pour la période de la deuxième République. Selon l’article 91 de la Constitution
de 1848, la Haute Cour de Justice ne peut être saisie que par l’Assemblée nationale par le
biais d’un décret, ou se saisir d’office dans certaines circonstances conformément à l’article
68968.
Le mode de saisine est en revanche différent sous le second Empire en ce que la Haute Cour
de Justice ne peut être saisie que par le prince-président.
A la différence de la deuxième République où la Haute Cour pouvait agir comme « contre-
pouvoir » et connaître de certaines accusations portées contre le président de la République 969

966
Art. 91 : Une Haute Cour de justice juge, sans appel ni recours en cassation, les accusations portées par
l'Assemblée nationale contre le président de la République ou les ministres.
Elle juge également toutes personnes prévenues de crimes, attentats ou complots contre la sûreté intérieure ou
extérieure de l'État, que l'Assemblée nationale aura renvoyées devant elle.
Sauf le cas prévu par l'article 68, elle ne peut être saisie qu'en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale, qui
désigne la ville où la Cour tiendra ses séances.
967
Art. 54 : Une Haute Cour de justice juge, sans appel ni recours en cassation, toutes personnes qui ont été
renvoyées devant elle comme prévenues de crimes, attentats ou complots contre le président de la République et
contre la sûreté intérieure ou extérieure de l'État.
Elle ne peut être saisie qu'en vertu d'un décret du président de la République.
968
Art. 68 : Le président de la République, les ministres, les agents et dépositaires de l'autorité publique, sont
responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du gouvernement et de l'administration.
Toute mesure par laquelle le président de la République dissout l'Assemblée nationale, la proroge ou met
obstacle à l'exercice de son mandat, est un crime de haute trahison.
Par ce seul fait, le président est déchu de ses fonctions ; les citoyens sont tenus de lui refuser obéissance ; le
pouvoir exécutif passe de plein droit à l'Assemblée nationale. Les juges de la Haute Cour de justice se réunissent
immédiatement à peine de forfaiture : ils convoquent les jurés dans le lieu qu'ils désignent, pour procéder au
jugement du président et de ses complices ; ils nomment eux-mêmes les magistrats chargés de remplir les
fonctions du ministère public.
Une loi déterminera les autres cas de responsabilité, ainsi que les formes et les conditions de la poursuite.
969
Il était prévu initialement de pouvoir poursuivre le président de la République dans d’autres cas
conformément à ce qu’annonçait le dernier alinéa de l’article 68 de la Constitution. Or cette réforme n’est restée
qu’à l’état de projet, le coup d’État de décembre 1851 intervenant alors que le projet de loi était encore en
préparation au sein du Conseil d’État. C’est ainsi que l’unique incrimination pour laquelle le président de la
République peut être poursuivi sous la deuxième République, correspond aux crimes de haute trahison.
Cf. A. Lair, op. cit., p. 255.
ou ses ministres, la Haute Cour n’est plus sous l’Empire, qu’une institution « agent du
pouvoir » dans la mesure où elle n’est compétente qu’en matière de complots et d’attentats
contre le chef de l’exécutif.
En effet, conformément à ce qu’illustre R. Charvin 970, il convient de voir qu’aussi bien sous la
deuxième République que sous le second Empire, la Haute Cour de Justice n’a pas remplie sa
tache de contre-pouvoir.
D’une part le principe inscrit à l’article 68 de la Constitution du 4 novembre 1848 ne semble
avoir qu’une valeur purement symbolique et n’y figure que « pour l’honneur des principes »
avant de disparaître purement et simplement à l’avènement de la Constitution du 14 janvier
1852971.
En effet, en pratique de nombreuses propositions de mise en accusation sont faites par des
membres de l’Assemblée nationale, mais aucune n’aboutit pour des « raisons d’opportunité
politique972 » dans la mesure où toutes ces accusations émanent de l’opposition.
D’autre part, il semble que le mode de recrutement des juges – qui consiste en l’élection
annuelle au sein de la Cour de cassation de cinq magistrats et de deux suppléants - favorise
dans certains cas le recrutement de juges relativement hostiles aux adversaires du pouvoir
politique. Cela est particulièrement vrai pour le second Empire en ce que les magistrats qui
composent la Haute Cour de Justice, sont tous nommés par le chef de l’État.
En outre, les trente six jurés qui siègent au sein de la Haute Cour de Justice, ainsi que leurs
quatre suppléants, préjugent d’une certaine docilité 973 à l’égard du pouvoir politique dans la
mesure où ils sont tirés au sort parmi les membres des Conseils généraux. D’autant que les
règles qui régissent leurs attributions sont de nature exorbitantes en ce que les jurés près la
Haute Cour de Justice ne sont pas soumis aux obligations des jurés des cours d’assises.

972
R. Charvin, op. cit., p. 144.
973
Même si elle diffère dans la nature et l’origine des magistrats qui composent la Haute Cour de Justice, on
retrouve toutefois la même volonté que sous les Chartes de 1814 et de 1830, d’établir une institution dont la
composition assure une certaine fidélité à l’égard du pouvoir politique. Cf. à titre d’exemple l’affaire Victor Noir
rapportée par R. Charvin, op. cit., p. 154.
Ce caractère exceptionnel résulte d’un arrêt de la Haute Cour de Bourges du 7 mars 1849974
qui considère que les règles relatives au jury ne s’appliquent pas à la Haute Cour.
En revanche l’incompatibilité entre les fonctions de jurés et celles de représentant du peuple
résultant de l’article 92975 de la Constitution, est étendue par la Haute Cour de Versailles, par
un arrêt du 13 octobre 1849976, à des conseillers généraux appelés à être jurés alors qu’ils
n’ont pourtant pas la qualité de représentants du peuple, dès lors qu’ils faisaient partie de
l’Assemblée nationale à l’époque où a été rendu le décret–loi qui a déféré les accusés devant
la Haute Cour.
Suite à cet examen des règles relatives à la composition de la Haute Cour de Justice, il
convient d’évoquer les nombreuses attributions de cette Cour et notamment celles qui relèvent
de sa compétence rationae materiae, ainsi que la question de sa procédure.

B-/ La compétence et la procédure devant de la Haute Cour

En vertu de sa compétence rationae materiae contenue à l’article 91 de la Constitution de


1848 et à l’article 54 de la Constitution de 1852, la Haute Cour doit connaitre des « crimes,
attentats ou complots contre la sûreté extérieure ou intérieure ». La formulation est assez
proche de celle qui était employée par la Cour des pairs, laquelle connaissait des crimes de
haute trahison et des attentats à la sûreté de l’État.
La Haute Cour de Justice est amenée dans la pratique à connaître de nombreuses affaires
touchant à la sûreté de l’État. Il convient de citer, pour les plus célèbres, les attentats du 15
mai 1848 et du 13 juin 1849977 sous la deuxième République.
974
Cf. l’arrêt de la Haute Cour de Bourges du 7 mars 1849, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1849, II, p. 236. En
l’espèce il s’agissait d’un haut juré qui avait siégé comme juré de Cour d’assises dans la même année et qui
invoquait comme fondement de sa propre récusation, l’article 21 de la loi du 7 août 1848 selon lequel nul ne
pouvait être obligé de remplir des fonctions de jurés plus d’une fois sur une période de trois ans. La Haute Cour
rejeta cette excuse au motif de l’autonomie et du caractère exceptionnel des règles qui la régissent. Aussi
considéra-t-elle que les règles relatives au jury ordinaire ne s’appliquaient pas.
975
Art. 92 : La Haute Cour est composée de cinq juges et de trente-six jurés.
Chaque année, dans les quinze premiers jours du mois de novembre, la Cour de cassation nomme, parmi ses
membres, au scrutin secret et à la majorité absolue, les juges de la Haute Cour, au nombre de cinq, et deux
suppléants. Les cinq juges appelés à siéger feront choix de leur président.
Les magistrats remplissant les fonctions du ministère public sont désignés par le président de la République, et,
en cas d'accusation du président ou des ministres, par l'Assemblée nationale.
Les jurés, au nombre de trente-six, et quatre jurés suppléants, sont pris parmi les membres des conseils généraux
des départements.
Les représentants du peuple n'en peuvent faire partie.
Cf. également pour un exemple d’application de cet article, l’arrêt de la Haute Cour de Versailles du 12 octobre
1849, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1849, II, pp. 721 et 722. Il résulte de cet arrêt que « les représentants du
peuple qui faisaient partie de l’Assemblée nationale à l’époque où la Haute Cour de justice a été saisie de la
connaissance d’une accusation, ne peuvent être jurés dans l’affaire, alors même qu’ils auraient cessé d’être
représentants au moment du jugement. Peu importe aussi que l’affaire n’ayant pu d’abord être jugée, la Haute
Cour, actuellement saisie, l’ait été par un second décret rendu depuis que ces haut-jurés ont cessé d’avoir la
qualité de représentants ».
976
Cf. annexe n° 118.
977
A. Lair, op. cit., p. 260.
En revanche, sous le second Empire, les attentats contre l’empereur ne sont pratiquement pas
jugés par la Haute Cour mais par des cours d’assises comme en témoigne l’attentat
d’Orsini978.
Il résulte de la pratique que la procédure suivie devant la Haute Cour de Justice est toujours
respectueuse des droits et des garanties fondamentales des justiciables 979, à l’instar de la
procédure applicable devant la Cour des pairs. C’est ainsi que pour tout ce qui « concerne le
jugement et la pénalité, la Haute Cour suit le Code d’instruction criminelle et le Code
pénal980 » scrupuleusement.
Ce respect des pénalités et de la procédure va perdurer sous le second Empire. L’article 22 du
sénatus-consulte du 30 décembre 1852 réaffirme le principe selon lequel « lorsque l’accusé ou
le prévenu a été reconnu coupable, la Haute Coute applique la peine prononcée par la loi ».
Le respect que témoigne la Haute Cour de Justice à la procédure pénale et aux droits et aux
garanties de la défense est un gage contre l’arbitraire et fait de cette juridiction, « une
véritable cour de justice rigoureusement astreinte à se renfermer dans les limites légales981 ».
Néanmoins, la procédure devant la Haute Cour de Justice comporte une particularité
procédurale semblable à la Cour des pairs en ce qu’elle juge sans appel et sans recours en
cassation.
Malgré certaines critiques ponctuelles, aucun gouvernement ne souhaite porter atteinte au
caractère souverain d’une telle juridiction qui représente « l’expression la plus haute de la
justice du pays982 ».
La Haute Cour de Justice sera abolie par un décret du 4 novembre 1870 983, mais cette
abolition ne sera que temporaire, le gouvernement de la troisième République la rétablissant
en vertu de l’article 9984 de la loi du 24 février 1875985 relative à l’organisation du Sénat.

978
Ibid., p. 274.
979
A travers un arrêt de la Haute Cour de Versailles du 10 novembre 1849, in. Recueil Sirey-Devilleneuve, 1849,
II, p. 748, la Haute Cour rappelle son attachement aux grands principes comme le droit à l’insurrection, mais
avec cette limite que « ce droit sacré ne peut dégénérer en agression contre les principes inviolables qui sont le
fondement de toute société ». Elle illustre par là la différence qu’il peut y avoir entre l’atteinte au régime
politique laquelle peut être légitimée dans certains cas et l’atteinte à l’organisation sociale, qui en tant que
fondement social de la Nation nécessite de réprimer toute attaque.
980
R. Charvin, op. cit., p. 152. Ce professeur ajoute que la seule exception au droit commun est relative au
nombre de voix exigé pour se prononcer sur l’admission des circonstances atténuantes.
981
A. Lair, op. cit., p. 279.
982
Ibid., p. 259.
983
Cf. annexe n° 119.
984
Art. 9 : Le Sénat peut être constitué en Cour de justice pour juger, soit le président de la République, soit les
ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l’État.
985
Cf. annexe n° 120.
Les règles procédurales que suivent les Hautes Cours françaises au XIX ème siècle et
l’application qu’elles font du droit, font de ces juridictions un excellent instrument judiciaire.
Aussi peut-on voir qu’à travers les différents régimes politiques de ce siècle, en accordant une
place importante aux droits naturels et aux garanties fondamentales des citoyens, les Hautes
Cours tendent à s’inscrire dans une logique d’atténuation du régime répressif applicable à la
délinquance politique.
Or, ces juridictions demeurent inscrites dans le cadre d’une politique de préservation du
pouvoir politique. C’est surtout à travers la compétence des juridictions de droit commun que
va s’illustrer cet aspect d’atténuation.

Section II – Une rigueur atténuée par le maintien d’une compétence 
juridictionnelle de droit commun

Bien qu’ayant supprimé les juridictions d’exception, certaines juridictions sont conservées ou
instituées pour faire preuve d’une plus grande efficacité à l’égard des délinquants politiques.
Quelle que soit leur nature, quelle que soit l’étendue de leurs attributions, quel que soit le
régime politique en place, que ces juridictions soient spéciales ou qu’elles relèvent du droit
commun moyennant certaines adaptations, elles partagent toutes un même objectif. Toutes ces
juridictions ont pour fonction d’assurer la protection et la sauvegarde du régime986.
Néanmoins il convient d’opérer une distinction entre deux juridictions bien spécifiques. Alors
même que ces deux juridictions partagent le plus souvent un objectif analogue de répression
des délits à caractère politique et qu’elles s’inscrivent parfois dans une logique de justice
politique, celles-ci disposent néanmoins d’attributions et de compétences bien particulières.
Aussi distinguerons-nous un premier organe qui sans être exclusif de la justice politique lui
est néanmoins étroitement lié. Cet organe est représenté par l’institution des conseils de
guerre (§ I).
A côté de cette juridiction, il conviendra d’évoquer un second organe qui résulte de certains
aménagements d’une juridiction de droit commun. Il s’agira de relever la compétence
particulière qu’acquiert la cour d’assises pour juger les délits politiques (§ II).

§ I - Les conseils de guerre

986
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 171.
Alors que les tribunaux extraordinaires sont interdits par l’article 63 de la Charte de 1814, le
gouvernement de la Restauration élargi la compétence des juridictions militaires que
constituent les conseils de guerre, à des individus non militaires987.
L’une des plus célèbres mises en accusation devant un conseil de guerre et qui témoigne des
desseins de ces conseils sous la Restauration, est celle du comte de Lavalette. Cet ancien
militaire avait été directeur général des postes sous le premier Empire. Resté fidèle à
l’empereur Bonaparte et ayant appris son retour en mars 1815, il se rend à l’administration
des postes le 20 mars au matin pour enjoindre le directeur général Ferrand de se démettre de
ses fonctions et pour annoncer « la retraite du roi et l’enthousiasme prétendu de la
capitale988 ».
Eu égard aux faits de trahison auxquels il s’est livré en 1815, le comte de Lavalette est arrêté à
l’avènement de la seconde Restauration après l’abdication de l’empereur et la dispersion de
ses partisans. Suite à son arrestation il est renvoyé devant un conseil de guerre pour être jugé
pour ses actes de trahison.
L’ancien garde des sceaux Pasquier et de nombreux personnages politiques influents 989 de
l’époque interviennent alors rapidement dans ce dossier en arrachant l’ancien fonctionnaire
impérial des mains de la justice des conseils de guerre.
Mais cette intervention est insuffisante dans la mesure où la cour d’assises devant laquelle il
est traduit pour conspiration et usurpation de fonctions, le condamne avec la même sévérité
que l’aurait fait un conseil de guerre990, à la peine capitale. Le comte n’est toutefois pas
exécuté grâce à son évasion et il est gracié en 1822 par Louis XVIII.
Cette affaire témoigne particulièrement bien de la crainte qu’inspirent les conseils de guerre 991
sur la population d’une part, et de l’étendue de leur compétence à des individus non militaires
d’autre part.

987
Cf. à ce titre l’exemple que soulève R. Charvin (op. cit., p. 121) d’une insurrection qui eu lieu à Grenoble en
1816. A l’issue de cette insurrection, un conseil de guerre fut nommé pour juger les trente individus poursuivis.
Alors même qu’il ne s’agissait pas de militaires, le conseil de guerre ne fut pas pour autant reconnu comme
incompétent pour connaître du sort des civils poursuivis au titre de cette insurrection. Le recours à ce type de
juridiction permettait d’obtenir une prompte et rigoureuse justice. Sur les trente prévenus, vingt et un furent
condamnés à la peine de mort.
988
A. de Lamartine, Histoire de la Restauration, Tome VI, p. 4.
989
Sont intervenus aux côtés d’E. Pasquier, la princesse de Vaudemont, le baron de Vitrolles, J. Fouché, C.-M.
Talleyrand et E. Decazes. Cf. A. de Lamartine, Ibid., p. 5.
990
Quoi que la cour d’assises fut moins prompte qu’un conseil de guerre. L’arrêt de condamnation fut prononcé
deux mois après l’ouverture des débats.
991
La rigueur et la célérité des décisions des conseils de guerre constituent également l’une des principales
raisons qui motivèrent les défenseurs du maréchal Ney à réclamer l’instruction et le jugement par et devant la
Cour des pairs.
Lorsqu’il s’agit d’évoquer la réputation d’intransigeance dont ces conseils font preuve, il y a
lieu de relever la hâte avec laquelle le ministre Pasquier est intervenu pour faire échapper le
comte de Lavalette à la compétence des conseils de guerre.
Comme ce sera le cas pour le maréchal Ney, préférant la saisine d’une cour politique – la cour
des pairs – à la compétence de juridictions militaires présumées à tort ou à raison comme plus
rigoureuses que des juridictions civiles ; en renvoyant l’examen de l’affaire du comte de
Lavalette devant une cour d’assises, les représentants politiques auteurs de ce transfert de
compétence témoignent bien des appréhensions qui reposent sur les tribunaux militaires.
L’intérêt pour le pouvoir politique de recourir à de telles juridictions est d’obtenir une parfaite
efficacité dans la mesure où les droits de la défense y sont généralement supprimés. Ce
constat est illustré par le professeur Charvin 992 pour qui « aucune chambre de mise en
accusation ne déclare préalablement l’existence de la prévention. [En outre] aucun témoin
n’est admis, ni aucune récusation ».
Le rôle que jouent les conseils de guerre sous la Restauration à l’égard des criminels
politiques s’avère important. A l’instar des motivations qui ont poussé le gouvernement à
rétablir les cours prévôtales, par l’élargissement de compétence des conseils de guerre aux
personnes civiles, l’objectif est d’évincer toute forme de criminalité politique de la
compétence du jury ou des juridictions civiles et par voie de conséquence, de l’évincer de leur
clémence potentielle. En outre, devant l’efficacité incontestable des conseils de guerre, leur
recours permet d’acquérir la certitude d’une justice politique prompte, sévère et constante.
Or, cette compétence exceptionnelle ne survivra pas à la chute de la Restauration. Parce que le
gouvernement de la Monarchie de Juillet s’avère de fait plus respectueux du principe de
l’interdiction des commissions et tribunaux extraordinaires, aussi va-t-il interdire tout
élargissement de compétence des conseils de guerre à des individus non militaires.
Cette interdiction résulte de la disposition générale de l’article 54 993 de la Charte du 14 août
1830. A la différence de la Charte de 1814 qui réservait la possibilité d’un recours aux
juridictions prévôtales, la Charte de 1830 supprime purement et simplement toute idée de
recours ultérieur à une juridiction extraordinaire, quelle que soit sa forme.
C’est conformément à cette idée que la Cour de cassation se prononce et tranche
définitivement le débat à l’occasion d’une ordonnance du 6 juin 1831 relative à l’état de siège.
En vertu de cette ordonnance, le gouvernement entendait attribuer la compétence
992
R. Charvin, op. cit., p. 120.
993
Art. 54 : Il ne pourra en conséquence être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre
et sous quelque dénomination que ce puisse être.
juridictionnelle à des conseils de guerre pour connaître des infractions commises aussi bien
par des non militaires que des infractions commises par des militaires.
Cette ordonnance constituait une dérogation importante au droit commun dans la mesure où
elle tendait à substituer à la compétence des cours d’assises, la compétence des conseils de
guerre pour tout fait de nature politique.
En outre, parce que cette ordonnance était une loi de compétence, elle emportait de lourdes
conséquences du fait de son caractère rétroactif. Cette ordonnance visait à s’appliquer à des
cas antérieurs à son élaboration et qui n’avaient pas encore été jugés.
La Cour de cassation est alors saisie du recours d’un accusé politique condamné à la peine
capitale. Celui-ci soulève l’incompétence du conseil de guerre qui l’a condamné au motif
d’une violation de l’article 54 de la Charte de 1830, en ce sens que la rétroaction de la loi est
inconstitutionnelle et que les faits pour lesquels il a été condamné étaient antérieurs à l’état de
siège et devaient relever des juridictions de droit commun.
Malgré les réquisitions994 pertinentes du ministère public, la Cour suprême casse 995 l’arrêt de
condamnation au motif que « les conseils de guerre, même permanents, ne sont des tribunaux
ordinaires que pour le jugement des crimes et délits commis par des militaires ». À défaut, les
conseils de guerre deviennent de véritables tribunaux extraordinaires et sont en conséquence
illégaux lorsqu’il s’agit de juger des civils.
Cette décision va permettre d’introduire temporairement dans le droit français une certaine
sérénité quant aux risques de dérives vers des juridictions d’exception, la compétence en
matière de justice politique relevant soit de la Cour des pairs996, soit de la cour d’assises997.
Cette sûreté n’est que temporaire en ce sens que par une circulaire du 3 février 1852 998, le
prince-président introduit au titre des règles de compétence judiciaire une réforme tendant à
dessaisir les juridictions de droit commun au profit de juridictions d’exception.
Cette circulaire est explicitement établie afin de lutter contre les éléments les plus
« pernicieux » qui menacent de « dissoudre la société », autrement dit les opposants
994
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 121. Selon ce professeur, « le ministère public prétend que l’ordonnance qui
déclare l’état de siège, ne le créé pas ; l’état de siège préexistait dans les faits qui motivent l’ordonnance qui ne
fait que constater. Aussi l’attribution de juridiction doit remonter à l’instant même où ces faits ont commencé.
De plus, la Charte n’a pas abrogé expressément la possibilité pendant l’état de siège de substituer aux
tribunaux ordinaires les tribunaux militaires, c’est-à-dire le décret du 24 décembre 1811 […] En outre, les
articles de la Charte contiennent une défense de créer à l’avenir des tribunaux autres que ceux dont les lois
actuelles reconnaissent l’existence. Enfin […] les lois constitutionnelles ne sont jamais sensées abolir les lois
spéciales et exceptionnelles à moins d’une disposition formelle ».
995
Cf. annexe n° 121.
996
Cf. supra, Section I.
997
Cf. infra, § II.
998
Cf. annexe n° 71.
politiques du régime. Son objet est d’établir des commissions qui pourront statuer dans les
délais les plus brefs999 « sur le sort des individus compromis dans les mouvements
insurrectionnels ou les tentatives de désordre qui ont eu lieu depuis le 2 décembre ».
Sont ainsi instituées des commissions afin de juger le plus promptement possible les détenus
politiques qui n’ont pas été libérés par le bénéfice de la circulaire du 29 janvier 1852 1000. La
composition de ces commissions spéciales témoigne de l’efficacité que le pouvoir politique
souhaite voir émaner de leur part.
Elles sont composées en vertu du paragraphe premier 1001 de la circulaire du 3 février : d’un
commandant de la division militaire, du préfet et d’un représentant du parquet. Cette
composition illustre la partialité dont on entend assortir ces commissions.
En outre, en vertu de l’alinéa 3 du paragraphe 31002, ces commissions extraordinaires disposent
du pouvoir de renvoyer devant des conseils de guerre les auteurs de certains crimes 1003, quelle
que soit leur qualité, alors même qu’il s’agirait de personnes non militaires.
De même, en vertu dudit paragraphe 3, ces commissions ont la possibilité de prononcer des
peines de transportation vers Cayenne contre les détenus politiques qui seraient des repris de
justice. En d’autre termes, il s’agit là de juridictions extraordinaires particulièrement efficaces
pour le pouvoir politique tant au regard de leur composition, que de leur compétence et de
leurs attributions.

999
L’idée de célérité est un aspect fondamental de cette circulaire rappelée à plusieurs reprises par les termes de
« prompte détermination » ou encore « le plus bref délai ».
1000
Cf. annexe n° 122.
1001
§ 1er : La commission sera composée : au chef-lieu d’une division militaire, du commandant de la division, du
préfet et du procureur général ou procureur de la République ; au chef-lieu de la Cour d’appel qui ne sera pas
chef-lieu d’une division militaire, du préfet, du commandant militaire du département et du procureur général ;
dans tous les autres départements, du préfet, du commandant militaire et du procureur de la République de ce
chef-lieu.
1002
§ 3 : Les mesures qui pourront être appliquées suivant le degré de culpabilité, les antécédents politiques et
privés, la position de famille des inculpés, sont les suivantes :
Le renvoi devant les conseils de guerre ;
La transportation à Cayenne ;
La transportation en Algérie ;
L’expulsion de France ;
L’éloignement momentané du territoire ;
L’internement, c’est-à-dire l’obligation de résider dans une localité déterminée ;
Le renvoi en police correctionnelle ;
La mise sous la surveillance du ministère de la police générale ;
La mise en liberté.
Toutefois, la commission ne renverra devant les conseils de guerre que les individus convaincus de meurtre ou
de tentative de meurtre, et ne prononcera la transportation à Cayenne que contre ceux des inculpés qui seront
repris de justice.
Dans les départements qui n’ont pas été déclarés en état de siège, la transportation à Cayenne sera prononcée
contre les individus de la première catégorie, même non repris de justice.
1003
Il s’agit des détenus politiques inculpés de meurtre ou de tentative de meurtre.
D’abord concernant leur composition. Parce qu’elles sont composées de militaires, de préfets
et de membres du parquet, ces commissions témoignent d’une certaine partialité. Ensuite au
regard de leur compétence étendue. Dans la mesure où on leur attribue comme compétence la
connaissance des infractions commises par des délinquants considérés comme dangereux pour
le gouvernement ainsi que les infractions commises par tous ses opposants, il faut y voir une
volonté de rétablir des juridictions agissant ouvertement comme des « agents du pouvoir1004 »,
quand bien même ces juridictions ne sont que temporaires et instituées ponctuellement pour
répondre à des impératifs particuliers.
Enfin, eu égard à la forme extralégale de leurs attributions. Dans la mesure où les décisions de
ces commissions sont insusceptibles de tout recours, que les débats sont tenus sous une forme
excessivement simplifiée par rapport à la procédure habituelle et que d’une manière générale
les droits et les garanties de la défense sont considérablement limités, il s’agit bien de
tribunaux d’exception. L’unique raison d’être de ces commissions extraordinaires est de
« prononcer un grand nombre de sentences dans un minimum de temps1005 ».
Si la Monarchie de Juillet et la deuxième République semblent éviter tout recours à une
justice d’exception stricto sensu ou « camouflée » à travers l’institution de conseils de guerre,
pour autant un mécanisme exceptionnel est élaboré dès le début du règne de Louis-Philippe et
sera confirmé par le gouvernement de la deuxième République.
Désormais, la cour d’assises va jouer un rôle central à l’égard des délinquants politiques grâce
à un élargissement de compétence.

§ II - La cour d’assises

Traditionnellement, conformément aux règles fondamentales du droit pénal, la compétence


juridictionnelle est subordonnée à la nature et la gravité d’une infraction. En vertu de la
classification tripartite des infractions admise depuis l’époque révolutionnaire, à chaque type
d’infraction, correspondent des peines et des juridictions spécifiques.
Sont ainsi compétents pour connaître des contraventions, les tribunaux de simple police, pour
connaître des délits, les tribunaux correctionnels et pour connaître des crimes, les cours
d’assises.
Cette règle connait néanmoins des exceptions et est relativisée par la pratique. L’une des
principales entorses à ce principe et sans conteste l’une des plus durables, est celle qui est

1004
R. Charvin, op. cit., p. 10.
1005
R. Charvin, op. cit., p. 157.
instituée par la loi du 8 octobre 1830 relative à l’application du jury aux délits de presse et aux
délits politiques1006.
En vertu de cette loi les cours d’assises obtiennent la compétence de connaître et de trancher
tous les délits politiques. Outre les crimes politiques et les crimes de droit commun qui
jusqu’alors relevaient de leur compétence traditionnelle, en octobre 1830 les cours d’assises
deviennent également compétentes pour se prononcer en matière de certaines infractions
qualifiées de délits par la loi.
Cette exception résulte de l’article 1er de la loi concernant les délits de presse 1007 et de l’article
6 pour les délits politiques 1008. En dehors de quelques exceptions relevant des articles 2 et 3 de
la loi, le principe est désormais établi d’une compétence exclusive de la cour d’assises pour
les délits politiques et les délits de presse, conformément à ce qu’annonçait la charte du 9 août
1830 à travers le 1° de son article 691009.
Il est cardinal d’observer qu’il ne s’agit pas d’une criminalisation de certains délits, mais
véritablement d’un changement de compétence, le gouvernement voulant attribuer la
connaissance de certains délits au jury et non plus exclusivement à des juges professionnels.
Désormais le jury devient un organe associé à l’évolution, à l’exercice et à la réalisation de la
justice politique, il représente alors le corps social qui s’autorégule1010.
L’une des principales raisons d’un tel système consiste à dire qu’en associant le peuple à
l’exercice de la justice politique, cela légitime en quelque sorte la sentence qui sera prononcée
contre le délinquant politique.
Cela permet d’amoindrir et d’atténuer par conséquent l’indignation qui pourrait
potentiellement naître au sein de la population suite à une sentence trop sévère voire
expéditive.
1006
Cf. annexe n° 18.
1007
Art. 1er : La connaissance de tous les délits commis, soit par la voie de la presse, soit par tous les autres
moyens de publication énoncés en l'article premier de la loi du 17 mai 1819, est attribuée aux cours d'assises.
1008
Art. 6 : La connaissance des délits politiques est pareillement attribuée aux cours d'assises.
1009
Art. 69 : Il sera pourvu successivement par des lois séparées et dans le plus court délai possible aux objets qui
suivent :
1° L’application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques ;
2° La responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir ;
3° La réélection des députés promus à des fonctions publiques salariées ;
4° Le vote annuel du contingent de l'armée ;
5° L'organisation de la garde nationale, avec intervention des gardes nationaux dans le choix de leurs officiers ;
6° Des dispositions qui assurent d'une manière légale l'état des officiers de tout grade de terre et de mer ;
7° Des institutions départementales et municipales fondées sur un système électif ;
8° L'instruction publique et la liberté de l'enseignement ;
9° L'abolition du double vote et la fixation des conditions électorales et d'éligibilité.
1010
Cf. supra, Première partie, Titre II, Chapitre 1, Section I, § II.
Parce que les jurés sont une forme d’émanation de l’opinion publique, parce qu’ils sont
l’expression même du corps social, le peuple acceptera plus facilement la rigueur de la
condamnation d’un adversaire politique prononcée en son nom que si elle est prononcée au
nom du seul gouvernement à travers la décision de magistrats professionnels.
En effet, une telle décision prise exclusivement par des magistrats professionnels laisse trop
souvent planer des doutes sur leur impartialité et leur indépendance à l’égard du
gouvernement1011.
En outre, si l’on considère l’idée développée par le professeur Charvin selon laquelle les
changements de compétence laissent généralement augurer un « renforcement de la
répression politique1012 », malgré la véracité de ce propos concernant certaines situations,
cette opinion ne peut néanmoins recevoir une quelconque valeur lorsque l’on évoque la loi
d’octobre 1830.
En témoignent les propos de Dupin aîné 1013 lesquels illustrent bien l’idée d’une amélioration
du droit et des garanties pénales à travers l’attribution des délits politiques au jury. Selon ce
parlementaire, « ce que nous cherchons surtout, en fortifiant l’institution du jury, c’est de
placer sous sa protection la conservation des droits politiques ».
Cette idée est parfaitement synthétisée par A.-W. Homad Sultan 1014 qui explique que cette
dérogation juridictionnelle « fut motivée par la crainte de la sévérité dans la répression, que
pourrait alors exercer le juge professionnel, alors qu’au contraire les jurés représentaient
l’opinion de la masse ».
Au surplus, certaines critiques ont parfois été soulevées contre un tel système. Ces critiques se
basent sur la composition même du jury, lequel, composé essentiellement de notables, est le
plus souvent dévoué à la cause du gouvernement et ne constitue alors qu’un faux semblant
d’organe démocratique ou semi-démocratique.

1011
Comme l’explique R. Charvin (op. cit., p. 205), le jury qui compose la cour d’assises est « un élément de
liberté et d’indépendance », ces qualités en font une « limitation au pouvoir ». En conséquence, le jury est une
institution qui est reconnue comme indifférente aux préoccupations politiques du gouvernement et ses décisions
n’emportent aucune partialité ni aucune subordination au pouvoir politique.
De la même manière, R. Rodière (op. cit., p. 122) illustre le caractère généralement reconnu d’indépendance et
d’impartialité du jury. Alors même qu’il y eut des exceptions dans lesquelles le jury ne fut pas si « intègre »
qu’on l’aurait pensé ; au demeurant, « le jury constitue, tout d’abord, la seule juridiction dont l’indépendance
dans les procès politiques soit assurée. A l’égard des affaires de cette nature, l’impartialité des magistrats,
nommés par le gouvernement, sera toujours, à tort ou à raison, suspectée ».
Cf. également A.-W. Homad Sultan, op. cit., p. 52. Pour ce juriste, parce qu’ils sont maîtres de l’incrimination et
ne sont point soumis à l’autorité des gouvernements, les jurés peuvent « apprécier sans crainte l’infraction
reprochée à l’agent ».
1012
R. Charvin, op. cit., p. 204.
1013
Archives parlementaires, deuxième série, Tome LXIV, 1830, p. 43.
1014
A.-W. Homad Sultan, op. cit., p. 52.
Autrement dit, selon cette critique, le gouvernement de juillet aurait pris acte de la nécessité
de légitimer la rigueur pénale contre les délinquants politique en la faisant reposer sur le biais
d’une institution d’apparence démocratique mais qui lui était théoriquement dévouée. Dès
lors, la sanction demeure certaine et l’État répond à ses impératifs de sauvegarde et de
conservation, tout en donnant au peuple dans son ensemble l’impression d’être représenté et
entendu.
Si ces critiques ne sont pas dénuées de sens, il semble toutefois plus rationnel de les prendre
avec circonspection et de voir, à l’instar de J. Ortolan 1015, que cette loi intervient
principalement dans « un but de plus grande garantie » dans la mesure où il s’agit de déférer
au « jugement des jurés » des faits qui par leur nature même relèvent de l’opinion publique ou
qui émanent d’une partie de cette dernière1016.
Notons enfin que le rôle du jury dans le procès politique, au même titre que pour un procès
« commun », constitue un contrepoids très important à la dépendance politique du pouvoir
judiciaire.
Ainsi, face à certaines épurations dont la magistrature est sujette comme c’est le cas par le
décret du 17 avril 18481017, la compétence du jury permet d’altérer l’influence politique sur le
pouvoir judiciaire et de maintenir une certaine indépendance dans les procès politiques1018.
La justice politique n’est toutefois pas l’apanage des seules cours d’assises 1019 dans la mesure
où les gouvernements connaissent la tendance modératrice des magistrats de l’ordre
judiciaire1020 et préfèrent palier à d’éventuelles carences de leur part en prévoyant la
compétence de juridiction spéciales1021.
Pour autant, force est de constater qu’il y a bien un mouvement inscrit comme le contre-
courant à la politique de rigueur développée en matière de criminalité politique. Un certain
nombre de facteurs méritent d’être examinés au titre de ce mouvement qui incline à la
clémence ou à une moindre sévérité contre le délinquant politique.

1015
J. Ortolan, op. cit., p. 309.
1016
Cf. également J. Viaud (op. cit., p. 222) pour un développement similaire. Pour ce juriste, le jury constitue
une illustration de la liberté de penser. Selon lui, « la liberté d’opinion se mesure à l’extension de la compétence
du jury pour délits politiques ».
1017
Cf. annexe n° 123.
1018
Cf. à ce titre R. Charvin, op. cit., p. 148. Ce professeur relate de nombreuses épurations dont la magistrature
est victime et particulièrement l’absence de liberté de parole des membres du ministère public.
1019
D’autant que ce « privilège de juridiction » selon les termes de P. Sornay (op. cit., p. 34), prend fin par le
décret du 25 février 1852. Ne bénéficient de l’institution du jury, plus que les délits de presse. Cf. annexe n° 38.
1020
J. Larrieu, op. cit., p. 813.
1021
Cf. supra, Section I.
Titre second ­ L’évolution du régime de 
l’infraction politique vers une politique 
répressive plus clémente

Plus que toute autre notion de droit pénal, le régime de l’infraction politique est
inéluctablement lié aux variations du contexte politique et social. Il s’ensuit que l’infraction à
caractère politique et la peine1022 dont elle est assortie, évoluent et sont constamment adaptés
en fonction de l’état de la société.
Ce constat peut être illustré par les orientations des politiques répressives de tous les
gouvernements successifs depuis la Révolution jusqu’aux débuts du XXème siècle, qu’ils soient
libéraux ou autoritaires. Ces politiques tendent tantôt à restreindre les libertés publiques
lorsque l’État ou la société est menacée, et tantôt à étendre ces mêmes libertés à travers une
répression plus souple lorsque la paix et la sûreté intérieure ou extérieure de l’État ne se
semblent pas compromises.
Que l’on parle de justice politique, de crime d’État, de sûreté intérieure ou extérieure, ou bien
d’infraction politique, et quelle que soit la période étudiée le même constat s’impose : à
chaque fois le régime de la justice politique ou de l’infraction politique est adapté aux
évolutions des mœurs et aux maux dont souffre la société1023.
Cette dernière idée est particulièrement bien étayée par la pratique que font les gouvernements
révolutionnaires de la justice politique. Il suffit pour cela de se référer aux mécanismes
1022
Concernant l’évolution de la peine en fonction du contexte, cf. notamment P. Rossi, op. cit., Tome I, p. 116.
Ce professeur explique que la mesure de la peine est « variable selon les temps et les circonstances ».
1023
Plusieurs auteurs évoquent le caractère évolutif et l’influence directe de la conjoncture politique et sociale sur
le régime de la justice politique.
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 432. Pour ce premier auteur, « la volonté de différenciation [entre le délit politique et
le délit de droit commun] est purement liée à une conjoncture historique déterminée ».
Cf. P. Sornay (op. cit., p. 10) qui développe l’idée selon laquelle le délit politique est « la matière du droit qui
subit le plus les contrecoups de la vie politique ». Cet auteur insiste bien sur l’idée d’instabilité qui caractérise
tant la politique que le régime de l’infraction politique.
Cf. G. Sagone, Pour une répression efficace du délit politique, RIDP, 1930, p. 311. Ce juriste explique que le
délit politique est en constante mutation. Il insiste notamment sur la diversité des facteurs desquels procède cette
évolution. Selon lui la nature des délits politiques varie d’aspect « avec le changement des temps et des
coutumes, ainsi qu’avec la succession des formes diverses de gouvernement et le progrès de la civilisation ».
Cf. également J.-Y. Calvez, op. cit., p. 777. Cet auteur oriente sa réflexion sur la différence de régime de
l’infraction politique élaborée par les gouvernements en fonction du caractère et de la nature de ces derniers,
selon qu’il s’agisse de gouvernements autoritaires ou constitutionnels. Indépendamment de cette particularité, J.-
Y. Calvez atteste du même constat à savoir que la sévérité ou la clémence dont est marquée la politique
répressive à l’égard des délinquants politiques est subordonnée à la conjoncture politique. En évoquant la
sévérité, la justice d’exception et la suppression des garanties pénales de droit commun à l’égard des délinquants
politiques, il explique qu’il s’agit d’anomalies qui sont « ressuscitées dans les régimes totalitaires, [alors
qu’elles ont] tendance à disparaître ou à s’atténuer dans les régimes constitutionnels ».
autoritaires élaborés par certains gouvernements révolutionnaires à l’occasion des troubles
politiques et sociaux qu’ils rencontrent.
Il est nécessaire d’établir ce parallèle avec les gouvernements révolutionnaires dans la mesure
où, s’ils ne concernent pas directement notre réflexion, ceux-ci concourent néanmoins, par
l’exercice d’une justice politique circonstanciée, à en illustrer ce phénomène1024.
En outre, il intéressant d’observer que depuis la fin de la période de l’Empire, un mouvement
de tolérance a émergé au sein de la société et de l’opinion publique, marquant ainsi une
véritable rupture avec le passé1025.
Ce mouvement prend en compte d’une part le caractère désintéressé du mobile du délinquant
politique qui ne s’inscrit que dans une lutte de principes et d’idées motivée par un intérêt
général, et d’autre part le fait que les atteintes portées à la chose publique ne sont plus
orientées contre les fondements de la société 1026 mais le plus souvent contre la forme du
gouvernement1027 ce qui permet d’atténuer la présomption d’une certaine perversion de la part
du délinquant politique.
Ces éléments entrainent une orientation de la politique répressive vers plus de clémence et
parviennent à influencer plus ou moins efficacement une partie des législateurs du XIX ème
siècle. C’est ainsi que dans leur ensemble les délinquants politiques perdent indéniablement
aux yeux de la collectivité la crainte, le mépris et la haine qu’ils lui inspiraient.
Aussi conviendra-t-il d’examiner dans un premier temps le domaine de ce système
d’adoucissement du régime répressif en matière politique. Il s’agira alors d’observer les
raisons qui déterminent cette « révolution » d’ordre juridique en relevant à la fois des données
d’ordre général et des données plus subjectives tenant à la personnalité du délinquant
politique (chapitre I).
Puis il s’agira d’appréhender les facteurs qui témoignent de ce changement majeur dans
l’histoire de la justice politique. Il conviendra de voir que c’est notamment à travers deux

1024
Cf. l’opinion développée par R. Charvin, op. cit., p. 7. Il développe l’idée selon laquelle en fonction de l’état
de la société à un moment donné, le législateur aura à recourir à l’élaboration de textes plus adaptés à la
situation. Selon ce professeur, « dans les périodes de calme relatif le droit établi suffit, mais lorsqu’une crise
survient ce droit se laisse inévitablement déborder par les faits, qui eux-mêmes nécessitent l’élaboration de
nombreux textes régissant l’organisation et le fonctionnement de la justice politique : des infractions nouvelles
sont créées, les peines sont modifiées et renforcées, les procédures subissent des modifications… ».
1025
Comme l’illustre J. Viaud, (op. cit., p. 2), la sévérité et la rigueur la plus absolue étaient portées aux
délinquants politiques depuis les temps les plus reculés. Il s’agissait d’une véritable « tradition invétérée,
indiscutée, universelle » par laquelle on vouait « les ennemis de l’État aux plus impitoyables rigueurs ».
1026
C’est-à-dire « l’organisation générale de la Cité », pour reprendre les termes de J.-J. Chevallier.
Cf. J.-J. Chevallier, op cit., pp. 5 et 6.
1027
C’est-à-dire le régime politique au sens « étroit ». Cf. J.-J. Chevallier, ibid.
facteurs que ce changement se manifeste. Cela est le fait du développement des mécanismes
de pardon et le fait du déclin de la peine capitale en matière politique (Chapitre II).

Chapitre 1 – La modération du régime répressif de 
l’infraction politique

L’efficacité à court terme de la justice politique réside, selon R. Charvin1028, dans


l’élimination des opposants politiques. Cette efficacité à travers une répression exagérée
sollicitée par les États, témoigne pour J. Viaud1029, d’un « espoir étroit de conservation et de
vengeance ».
Si le recours à une justice rigoureuse et à des peines sévères est une donnée incontestable
illustrée par les périodes troublées, pour autant cette sévérité tend de plus en plus à être de
nature transitoire ou temporaire1030. Plus généralement il convient d’observer que la politique
répressive évolue par certains aspects vers un régime plus clément et favorable au délinquant
politique.
La peine de mort qui, sous l’Ancien Régime, lors de la période révolutionnaire et sous le
premier Empire, tendait à sanctionner de nombreux crimes attentatoires à la sûreté de l’État,
commence à disparaître à partir du premier quart du XIX ème siècle. Certes les textes y
recourent jusqu’en 1848, néanmoins son usage devient moins fréquent et tend à se limiter aux
cas le plus graves d’attentats ou de tentatives d’attentats contre la personne du souverain.
Les excès engendrés par les révolutions et les gouvernements successifs à travers l’instabilité
et l’insécurité politique ont suscité dans l’inconscient collectif une volonté de rupture. Il est
alors nécessaire pour les hommes politiques du début du XIX ème siècle de concilier les
principes issus de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, assurant ainsi la
garantie des libertés publiques et individuelles, avec un État stable et juste, assurant le
maintien de l’ordre, le respect de la loi et de la propriété, et surtout le maintien de la cohésion
sociale.

1028
R. Charvin, op. cit., p. 199.
1029
J. Viaud, op. cit., p. 50.
1030
Cette idée est très bien démontrée par le président du conseil des ministres, le duc de Richelieu, à l’occasion
d’une circulaire qu’il adresse aux préfets, aux membres du parquet et aux officiers généraux de l’armée. Dans
cette circulaire relative à l’application de deux lois d’exception, le duc de Richelieu rappelle le caractère
temporaire de celles-ci dans la mesure où elles sont motivées par des impératifs de sûreté. « Le gouvernement,
écrit-il, dans sa sollicitude pour le maintien de l’ordre public, a proposé aux chambres deux lois qui viennent de
recevoir la sanction royale […] Toutes deux sont temporaires, et leur action doit se terminer avec la fin de la
prochaine session des chambres ». Cf. annexe n° 124.
Aussi conviendra-t-il d’examiner dans un premier temps que la conjoncture politique et
sociale représente une condition nécessaire à la politique d’adoucissement que subit le régime
répressif de l’infraction politique. Par opposition aux phases de réactions qui surviennent lors
des périodes troublées, on constate que lorsque le contexte politique ou social est favorable,
un régime plus clément tend à se développer en matière de justice politique (Section I).
Ce régime plus tolérant est illustré par certains facteurs dont les principaux correspondent au
développement d’une politique de pardon à l’égard des délinquants politiques et d’une
pratique politique et judiciaire orientée vers un déclin de la peine capitale en matière politique
(Section II).

Section I – Une modération subordonnée aux données conjoncturelles

Certains facteurs permettent au régime répressif de l’infraction politique d’évoluer dans un


sens d’une plus grande clémence. Malgré quelques périodes durant lesquelles un recul semble
s’opérer à travers l’apparition de mouvements de réactions, comme cela est le cas aux débuts
de la seconde Restauration avec la politique réactionnaire menée par les Ultras, pour autant
d’une manière générale le contexte pacifié dans lequel est entré la France à la fin de l’Empire
constitue un élément efficace à cette politique de clémence vers laquelle vont s’orienter les
gouvernements.
Aussi conviendra-t-il d’examiner dans un premier temps que la conjoncture politique de la
France va jouer un rôle essentiel pour la réflexion libérale sur l’évolution de la justice
politique (§ I). Puis nous observerons que cette réflexion va prendre une certaine assise dans
la pratique, dès lors que la situation du pays sera stable et sereine (§ II).

§ I – Une conjoncture politique française favorable à


la réflexion sur la justice politique

Les premières années de la Restauration constituent le moment opportun pour de nombreuses


réflexions. Même si l’ambivalence de ce régime, caractérisée par l’alternance de périodes
libérales et réactionnaires, ne permet pas de le qualifier de manière absolue de
« gouvernement libéral », une telle facette est pour autant en pleine émergence.
Ces années marquent la naissance du libéralisme politique en France et l’avènement de
nombreuses personnalités qui joueront un grand rôle en ce début de XIX ème siècle. C’est
d’abord dans un climat de pacification des rapports avec l’extérieur et la volonté de mettre fin
aux guerres interminables qu’il faut se placer (A), pour constater ensuite l’inexorable volonté
d’achever la Révolution dans le pays afin d’apaiser les dissensions intestines. C’est dans ce
contexte qu’émerge la doctrine politique du libéralisme et dans son prolongement,
l’appréciation nouvelle qu’elle donnera à la justice politique (B).

A-/ La volonté de stabiliser la France par rapport aux


conflits externes

Depuis l’époque au cours de laquelle la Révolution s’est durcie et a sombré dans un


despotisme violent sous le régime de la Convention, la France a été plongée dans de multiples
guerres avec les principaux États européens.
Même si les persécutions contre les ennemis du pouvoir à l’intérieur, sont en partie éteintes
sous l’Empire1031, la guerre perdure et continue de placer la France face aux nombreuses
alliances et coalitions européennes.
La coalition la plus importante - la sixième - est constituée de l’Angleterre, la Russie, la
Prusse, l’Autriche et la Suède. A elle seule, cette alliance comprend plus d’un million de
soldats entraînés et bien armés. Face à elle, l’armée de l’Empire 1032 est composée de
seulement trois cent mille hommes dont la plupart ne sont que des conscrits et des individus
sans expérience militaire.
Par ses nombreuses victoires et par la prise de plusieurs grandes villes de l’Est de la France,
cette alliance va renverser la volonté conquérante de Bonaparte au début de l’année 1814.
Par ailleurs, la Nation française lasse des guerres napoléoniennes, de la conscription 1033, des
ravages directs et indirects1034 causés par ces conflits et par la politique menée par
l’administration impériale, n’aspire plus qu’à la paix1035.

1031
En partie seulement. En effet, il convient de se reporter au Code pénal de 1810 qui reste très rigoureux en
matière de crimes et délits contre la chose publique (cf. supra, Première partie, Titre II, Chapitre préliminaire)
notamment à l’égard des conspirateurs. En témoigne le simulacre de procès du duc d’Enghein.
1032
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p.11 ; G. de Bertier de Sauvigny, op. cit., p. 9.
1033
G. de Bertier de Sauvigny, op. cit., p. 11. Pour cet auteur, la conscription constitue un motif particulièrement
important à la lassitude de la population, notamment au sein de la classe paysanne. « A mesure, dit-il, que la
guerre s’est prolongée et s’est étendue, la conscription s’est faite plus exigeante ; à peine les fils ont-ils l’âge de
pousser la charrue que les plus solides d’entre eux sont appelés et disparaissent à jamais, quand ils ne
reviennent pas estropiés ».
1034
De nombreux facteurs viennent aggraver l’état moral de la Nation. Il s’agit du régime d’oppression mené par
l’empereur, la manque de main d’œuvre, le blocus continental de 1807, la pénurie de denrées et la disette, la
perte de parents ou de richesses, le nombre incalculable d’infirmes et de mutilés de guerre, l’endettement de
l’État et la hausse croissante des impôts depuis 1809, ainsi que les multiples banqueroutes dans tous les secteurs
d’activité, la hausse du chômage et de la mendicité. Cf. E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 14 à 19.
1035
Latour-Maubourg, commissaire extraordinaire, envoyé à Caen en 1813 disait : « La paix est le plus grand
bienfait que l’Empereur puisse accorder au peuple et je ne doute pas que tous les commissaires de Sa Majesté
ne vous tiennent le même langage : elle est un besoin général ». Cf. G. de Bertier de Sauvigny, op. cit., p. 16.
Ce sentiment de lassitude qui suscite beaucoup d’hostilité à l’Empereur chez une majorité de
Français1036, est utilisé également par les alliés comme « une arme psychologique et
politique1037 » afin de neutraliser et d’éliminer politiquement Bonaparte.
Une phrase de L. de Caulaincourt témoigne du sentiment d’inimitié des coalisés, qui n’est
constitué qu’à l’égard du chef de l’Empire français : « Paix à la France, guerre à Napoléon ».
En effet, les États coalisés n’ont pas pour dessein de démembrer le territoire national 1038, pas
plus que de plonger la France « dans le malheur ». Il s’agit seulement pour eux d’abolir le
règne conquérant1039 de Napoléon Ier.
Pourtant à cette époque, la population n’est pas ouvertement gagnée par l'hostilité flagrante et
avouée à l’Empereur. Beaucoup sont surtout« apathiques », comme le relèvent E. de
Waresquiel et B. Yvert.
De même, G. de Bertier de Sauvigny 1040 constate qu’il n’y a pas de révolte ouverte, ni aucune
résistance à visage découvert ; la lassitude de la population se traduit essentiellement par une
désaffection croissante à l’égard de la conscription.
Néanmoins, à partir de 1813, lorsque l’apathie se transforme progressivement en hostilité, des
révoltes ouvertes éclatent et les préfets sont obligés de suspendre l’exécution des ordres
impériaux.
De fait, l’animosité la plus vigoureuse contre celui qui sera surnommé « l’usurpateur »
quelques mois plus tard, provient essentiellement de la bourgeoisie. Le divorce 1041 de
Napoléon Ier et de la Nation, est le fait des notables, selon les auteurs précités, lesquels
notables ne supportent plus le dirigisme et le népotisme imposés par N. Bonaparte, et aspirent
en outre à la liberté et à la paix.

1036
« Si Napoléon est tombé, c’est d’abord et avant tout parce qu’il a voulu continuer la guerre » écrivent E. de
Waresquiel et B. Yvert (op. cit., p. 18).
1037
Ibid., p.11.
1038
Sauf toutefois cette réserve concernant les territoires conquis, des premiers conflits révolutionnaires aux
conquêtes impériales. La volonté des alliés est que la France retrouve ses frontières telles qu’elles existaient
« sous ses rois », c’est-à-dire celles de 1791.
1039
Il n’est pourtant pas encore question d’un changement dynastique, d’autant que par son mariage, l’Empereur
a acquis une certaine légitimité monarchique. Aussi les alliés envisagent-ils un accord avec N. Bonaparte dans
l’hypothèse où il renoncerait à ses prétentions hégémoniques. L’ennemi véritable est, dans cette mesure,
l’Empereur conquérant, et non le chef de la Nation française. Les buts poursuivis par les alliés demeurent encore
flous jusqu’au mois de mars 1814, entre la seule voie de la paix par des tractations avec l’Empereur ou
l’abolition pure et simple de l’Empire.
1040
G. de Bertier de Sauvigny, op. cit., p. 12.
1041
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 15. La rhétorique est tout aussi explicite chez Bertier de Sauvigny
qui parle de « fossé » entre l’empereur et la Nation.
Cette animosité gagne toutes les classes de la population et notamment la paysannerie qui
représente les quatre cinquièmes de la Nation. G. de Bertier de Sauvigny1042 explique cette
hostilité par certaines mesures fiscales perçues comme particulièrement dangereuses
économiquement et rétrogrades historiquement.
De même, la classe ouvrière nourrit aussi une certaine animosité envers l’Empereur, bien que
tardive, en ce qu’elle lui reproche une hausse permanente du chômage et une législation
excessivement répressive1043.
C’est dans ce contexte économique et social plus que tendu et par cette volonté de retour à la
paix1044, que la famille royale des Bourbons va parvenir à affermir sa légitimité et à asseoir un
pouvoir potentiellement stable.
Les fondements de cette stabilité se forment malgré l’isolement dont ils sont sujets lors des
négociations engagées avec les coalisés et l’opinion défavorable qu’ils suscitent chez certains
du fait de leur retour atypique sur leur territoire français, perçu comme une forme de
trahison1045.
La protection des alliés et l’opportunité de l’invasion et de l’occupation temporaire des
coalisés sur le territoire national, constitueront bien souvent un reproche adressé à la branche
aînée des Bourbons par leurs adversaires ou leurs détracteurs.
Ce reproche doit néanmoins être relativisé dans la mesure où les conditions de la paix,
comparées à celles de 1807 et de 1809, restent exceptionnellement douces, la France ne
perdant pratiquement aucun territoire en métropole 1046 et n’étant soumise à aucune indemnité
de guerre. Talleyrand parlera même de « très bonne paix »1047.

1042
G. Bertier de Sauvigny, op. cit., p. 11. Il s’agit de l’administration des droits réunis, créée en 1804, qui taxe
les boissons à tous les stades (de la fabrication à la consommation), l’impôt sur le sel rétabli en 1806 et le
monopole des tabacs en 1810. Économiquement elles affaiblissent le pouvoir d’achat des classes les plus
modestes en taxant des produits très usités. Historiquement elles rappellent certaines taxes d’Ancien Régime
contre lesquelles la Révolution avait œuvré avec succès.
L’impôt constitue un motif important d’insurrection ou d’hostilité envers les gouvernements. Nul besoin n’est de
rappeler la place qu’avait prise la contestation de l’impôt à la veille de la Révolution française. La question de
l’impôt est récurrente dans la marche des révolutions. C’est ainsi que les détracteurs de la Restauration
colporteront fréquemment entre 1815 et 1820, l’idée selon laquelle le gouvernement de Louis XVIII entendrait
rétablir certains impôts d’Ancien Régime, afin de déstabiliser le gouvernement face à l’opinion publique et de
faire s’accroitre les mouvements hostiles à la royauté et à la Charte.
1043
Ibid., p. 12. Les lois napoléoniennes avait institué, l’interdiction de se coaliser, et à travers la rigueur des
livrets ouvriers, l’interdiction de changer librement d’adresse et de patron. Et surtout, la pauvreté était assimilée
à un crime dont la peine était l’internement dans un « dépôt de mendicité ».
1044
Ibid., p. 9. G. de Bertier de Sauvigny illustre clairement cette idée : « 1814… la France épuisée par vingt
années de fièvre révolutionnaire et conquérante subit le choc en retour des forces qu’elle a déchaînées ».
1045
Pendant longtemps il sera reproché aux Bourbons d’être revenus dans les « fourgons de l’étranger ».
1046
Ses pertes concernent essentiellement l’Outre-mer. La France perd définitivement Malte, l’île de France et
une partie des Antilles (Tobago, Sainte-Lucie et Rodrigues qui était administrée depuis l’île de France).
1047
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 63-64.
Pourtant l’arrivée de Louis XVIII et de la Charte 1048 que ce dernier octroie1049 au pays, sont
rapidement et durablement le symbole d’une paix intérieure 1050 et extérieure. Sur ce dernier
point, la position du roi sera rigoureusement respectée et permettra d’expliquer en partie
l’engouement des populations à son égard, lors de son retour en France et de son entrée dans
la capitale, le 3 mai. L’enthousiasme des foules sur le passage de Louis XVIII, fait dire à E.
de Waresquiel et B. Yvert, qu’il ne s’agit pas seulement d’un évènement dynastique ; pour les
populations, Louis incarne la paix1051.
Ce sentiment de paix ne doit toutefois pas se suffire à lui seul comme constituant les prémices
du libéralisme dans la société française. Il convient d’examiner à cet égard la volonté
commune à beaucoup de contemporains de l’époque, de terminer la Révolution afin
d’instaurer un régime stable et capable d’assurer la paix sociale. Il s’agit alors de fonder un
régime qui permette de réconcilier deux entités en conflit depuis vingt-cinq années comme
l’exprimera parfaitement bien la devise d’E. Decazes : « royaliser la France et nationaliser la
Monarchie1052 ».

B-/ Les prémices d’une répression politique plus clémente sous


la Restauration

Pour la société française dans son ensemble, la fin de l’Empire et l’arrivée de Louis XVIII à la
tête du pays constituent potentiellement l’avènement d’une ère nouvelle. La Charte octroyée
par Louis XVIII semble enfin donner, après vingt-cinq années de révolution et huit
Constitutions successives1053, la « bonne Constitution1054 » que la France désire.
Aussi, pour P. Rosanvallon, cet espoir d’accéder à la paix intérieure et extérieure et de
terminer la Révolution, semble-t-il trouver une consistance plus probable et tangible que les
1048
Charte présentée le 4 juin 1814 aux deux Chambres. Rédigée dans la précipitation et dans un climat politique
tendu, elle se veut concise et beaucoup plus libérale que les constitutions précédentes. Elle proclame l’égalité de
tous devant la loi (art. 1), devant l’impôt (art. 2), devant les emplois publics (art. 3) et devant la justice (art. 62).
Elle garantit en outre, la liberté individuelle (art. 4), celle de la presse (art. 8), la liberté de pétition (art. 53) et
d’une manière relative, dans la mesure où la religion catholique est érigée au rang de religion d’État, elle garantit
la liberté de religion (art. 5). Enfin, elle consacre un autre principe libéral fondamental, allant dans le sens de la
protection de la propriété et du principe d’individualisation des peines, par le biais de l’abolition de la
confiscation (art. 66).
1049
Sur cet aspect, la nature du pacte conclu entre le roi et la Nation demeure particulière. Certes la Charte est
octroyée mais elle reste surtout un compromis entre le prince et la Nation, entre la légitimité royale et la
Révolution. Le terme de Charte, reste le plus propice à exprimer une concession faite librement par le roi à ses
sujets. Elle s’inscrit dans un régime qualifié de « monarchie limitée ».
Cf. E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 58.
1050
Toutefois celle-ci sera considérablement et régulièrement remise en cause du fait des Cent-Jours, puis plus
tard corrélativement à l’assassinat du duc de Berry.
1051
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 55.
1052
Cf. Biographie spéciale des pairs et des députés du Royaume, Session de 1818-1819, Paris, 1819, p. 124.
1053
Monarchie parlementaire de 1791, République monocamérale de la Convention, République bicamérale du
Directoire et Monarchie plébiscitaire de l’Empire.
1054
P. Rosanvallon, op. cit., p. 17.
vaines proclamations de Barnave en 1791 déclarant « la Révolution finie » ou de N. Bonaparte
lors de la déclaration du 18 Brumaire annonçant la Révolution « fixée aux principes qui
[l’avaient] commencée ».
C’est ainsi que la Charte de 1814, octroyée par Louis XVIII, instaure un régime à vocation de
stabilité, de durée et d’intangibilité, vocation qu’A. de Tocqueville 1055 qualifie de « véritable
obsession pour cette génération ».
De plus, la Charte de 1814 s’avère être en marge des expériences tentées jusqu’alors. Elle
porte en elle un caractère inhabituel comparé aux Constitutions qui ont succédé à la
Révolution et à l’égard des lois fondamentales de l’Ancien Régime.
La Charte de 1814 permet la conciliation d’un pouvoir monarchique fort, appuyé sur la double
légitimité historique et religieuse des Bourbon, avec les principes de la Constituante : les
droits du roi et la Déclaration des Droits de l’Homme1056.
Cette Charte s’avère effectivement concilier une réminiscence de l’Ancien Régime par le
biais d’un monarque fort avec le respect des principes fondateurs de la Révolution de 1789 à
travers la liberté1057, la propriété1058 et cette notion encore abstraite, tout au moins dans le
texte, de l’égalité1059.
Toutefois cette nouvelle Constitution ne constitue pas seule une rupture avec les Constitutions
précédentes. Indépendamment de la forme du gouvernement et des institutions, ainsi que des
pouvoirs attribués à ces derniers, c’est toute une philosophie qui évolue. C’est la manière de
penser l’État qui change.
Les Ultras comme les libéraux se rejoignent sur l’idée que donner une bonne Constitution à la
France ne suffit pas, il est nécessaire de redéfinir les rapports entre la société et le pouvoir
politique. C’est tout l’ordre social qui doit être repensé « selon un mode biologique et non
plus mécanique1060 ».

1055
Ibid.
1056
E. de Waresquiel et B. Yvert, op. cit., p. 7.
1057
Art. 4 : La liberté individuelle est garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas
prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit ; Art. 5 : Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et
obtient pour son culte la même protection ; Art. 8 : Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs
opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté.
1058
Art. 9 : Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi
ne mettant aucune différence entre elles.
1059
Art. 1er : Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs ; Art. 2 :
Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune, aux charges de l'État ; Art. 3 : Ils sont tous
également admissibles aux emplois civils et militaires.
1060
P. Rosanvallon, op. cit., p. 18.
Dès lors, dans l’opinion des libéraux, il s’agit de construire véritablement une société nouvelle
en rompant avec les idées des philosophes du XVIII ème, tout en conservant les acquis de la
Révolution.
Pour P. Rosanvallon1061, les libéraux de 1814 se définissent comme « les héritiers de
l’ambition des révolutionnaires de 1789 mais ont le sentiment d’appartenir à une génération
radicalement novatrice par la nature des tâches que l’histoire lui assigne ».
L’auteur cite trois personnalités, F. Guizot, A. de Lamartine et E. Quinet, attestant de ce
sentiment de rejet de la philosophie « de leurs pères » qui n’a porté comme enseignement que
la critique des choses existantes et corrélativement, cette indicible volonté, non pas de
reconstruire ou de modifier, mais de construire rationnellement et scientifiquement un ordre
politique.
Pour l’un, le malheur réside dans le fait « d’être né dans ce maudit temps où tout ce qui est
vieux s’écroule, et où il n’y a pas encore de neuf1062 ».
De la même manière, E. Quinet1063 se sent impuissant et seul sans guide à qui se fier :
« j’avais le pressentiment qu’il s’agissait d’un renouvellement presque entier des choses de
l’esprit. Et comme je ne voyais personne y travailler, je me croyais seul […] C’était plutôt
une aveugle impatience de vivre, une attente fiévreuse, une ambition prématurée d’avenir,
une sorte d’enivrement de la pensée renaissante, une soif effrénée de l’âme après le désert de
l’Empire. Tout cela, joint à un désir consumant de produire, de créer, de faire quelque chose,
au milieu d’un monde vide encore ».
Enfin, plus explicite encore est la pensée du jeune F. Guizot, qui, en 1820, observe ce
phénomène funeste pour la nouvelle génération, laquelle « n’hérite des temps qui l’ont
précédée que des besoins et des intérêts. Elle n’est pas simplement appelée à continuer la
société ; il faut qu’elle la reconstruise… Nuls principes fixes, nulles nécessités reconnues,
nulles habitudes réglées ne lui ont été transmises. Le passé qui est derrière elle ne lui a rien
légué… Lois, opinions, sentiments, situations mêmes, tout a été obscur ou incertain autour de
son berceau. Elle ne peut vivre sur un fonds venu de ses pères1064 ».
Ce sentiment de nécessité de la recherche d’une organisation politique conforme à
l’organisation sociale née de la Révolution, se veut rationnel et scientifique. De plus, il n’est
pas l’apanage ou l’exclusivité de ces personnages, mais il est le sentiment commun de la

1061
Ibid.
1062
A. de Lamartine, Correspondances de Lamartine, Tome II, 1873, p. 399.
1063
E. Quinet, Histoire d’un enfant : histoire de mes idées, 2ème édition, 1905, p. 181.
1064
F. Guizot, Du gouvernement de la France depuis la Restauration et du ministère actuel, 1820, p. 152.
classe politique libérale dans son ensemble. Des personnes aussi illustres que B. Constant, A.
Comte ou encore Mme de Staël partagent cette opinion selon laquelle il faut faire sortir la
politique des passions des partis pour la faire entrer dans « l’âge de la raison et substituer aux
aléas de la volonté les régularités d’un ordre scientifique1065 ».
Le libéralisme politique qui se répand dans l’esprit des penseurs, des philosophes et des
hommes politiques, n’est cependant qu’un aspect d’une doctrine plus large qui comprend bien
d’autres domaines et notamment la question de la justice politique. C’est par leur contribution
que la question sera posée et qu’elle s’orientera rapidement vers des aspects de clémence et de
modération.
Outre l’influence des penseurs du début du XIX ème siècle, la modération du régime répressif
en matière politique résulte d’un autre facteur, celui de la conjoncture politique et sociale.

§ II – La modération du régime répressif de


l’infraction politique en l’absence de conflits
politiques et sociaux

Parallèlement à l’évolution progressive du droit pénal du XIXème siècle qui s’oriente vers une
plus grande modération, le régime répressif applicable aux délinquants politiques tend à
s’imprimer également d’une moindre rigueur1066. Plusieurs facteurs initiés par l’apprentissage
du libéralisme politique expliquent ce mouvement favorable aux délinquants politiques.
D’une part il s’agit de répondre légalement de manière conforme aux évolutions des mœurs
dans la mesure où le délinquant politique tend à perdre le caractère odieux que la société
imprimait à ses actes, au profit d’un caractère altruiste.
En conséquence, parce que le délinquant politique est considéré plus favorablement par
l’opinion publique et les juristes dans un premier temps, puis par certains hommes politiques
dans un second temps, et parce qu’il est considéré en outre comme relevant d’une nature
particulière en ce qu’il apparaît moins antisocial qu’un délinquant ordinaire, aussi convient-il
de modérer les peines et le régime qui lui sont applicables.
D’autre part, avec l’apprentissage du parlementarisme il devient nécessaire de prendre en
considération les susceptibilités de l’opinion publique. Même s’il faut attendre la deuxième
République pour voir apparaître de véritables mécanismes démocratiques à travers le suffrage
universel, la naissance du parlementarisme a néanmoins définitivement enraciné au sein de la

1065
P. Rosanvallon, op. cit., p. 20.
1066
J.-J. Lemouland, op. cit., p. 16.
société française, l’idée selon laquelle la population fait partie de la société 1067 et qu’il
convient de la ménager et de ne pas s’en faire un adversaire.
Il s’agit dès lors de faire application de l’idée développée par Machiavel 1068 selon laquelle
« un des plus puissants remèdes qu’ait un prince contre les conspirations, c’est de n’être haï,
ni méprisé par la masse […] Alors les difficultés qu’ont à surmonter les conspirateurs sont
infinies ».
En conséquence il s’agira de distinguer dans un premier temps le fondement d’un système
libéral tendant à assimiler le délinquant politique plus favorablement que jamais. Ce
fondement découle de la prise en considération indirecte de l’aspect psychologique du
délinquant politique à travers ses motivations et ses mobiles (A).
Puis dans un second temps il conviendra de déterminer et d’examiner la manière dont les
législateurs et les gouvernements répondent aux particularités du délinquant politique.
Autrement dit, il s’agira de répondre à la question de la nature des actes du pouvoir politique
qui témoignent d’un relâchement et d’un apaisement de la sévérité déployée contre les
délinquants politique depuis l’antiquité (B).

A-/ La prise en compte indirecte du but désintéressé du


délinquant politique

Le régime légal de l’infraction politique tend essentiellement à s’articuler autour de ce que


nous qualifions aujourd’hui de théorie objective du délit politique en ce sens que le législateur
ne reconnaît pas la nature de délit politique au regard de l’intention du délinquant mais en
fonction de la nature de la valeur sociale atteinte1069.
Pourtant, de fait, tant l’opinion publique 1070 qu’une minorité de pénalistes1071 reconnaissent
que le caractère subjectif a une certaine importance. Le législateur lui-même, par une voie
indirecte, prend en compte le mobile du délinquant1072.
1067
Il s’agit de l’une des manifestations de la constitution sociale dont s’est dotée la France lors de la Révolution
française.
1068
Machiavel, Le prince, Paris, 1998, Chap. XIX, pp. 96 et s.
1069
Cf. la définition donnée par le professeur E. Trébutien, (op. cit., p. 200) qui définit l’infraction politique
comme l’infraction qui, « sans léser aucun intérêt privé ni constituer de crime ou de délit spécial, s’attaque à
l’organisation générale d’un pays pour la troubler ou la changer ».
1070
La position de l’opinion publique tendant à demander un adoucissement du régime pénal applicable aux
délinquants politiques semble uniforme quels que soient les pays. Cf. A. Rolin, op. cit., p. 425.
1071
Cf. E. Trébutien, (op. cit., p. 203), qui expose cette opinion qu’il ne partage pas personnellement, mais que
certains de ses contemporains mettent en avant. Selon cette opinion, le caractère du délit politique dérive de deux
éléments : il dérive des « circonstances au milieu desquelles il se produit » d’une part, et « du but qu’il se
propose » d’autre part. Dès lors, apparait l’idée du mobile qui guide l’acte du délinquant politique.
1072
Il s’agit en effet que d’une voie indirecte. Dans la mesure où le critère de détermination du délit politique qui
résulte de l’esprit du législateur, demeure le critère objectif, le mobile ne joue aucun rôle dans l’assimilation
d’une infraction déterminée à un délit politique. Cette conception constitue, selon R. Charvin (op. cit., p. 106)
l’une des carences majeures du libéralisme « du droit de la justice politique sous les Chartes ». Néanmoins, par
Dès lors, à défaut de jouer un rôle dans la qualification pénale d’une infraction, le mobile du
délinquant a toutefois une incidence dans la modération vers laquelle le législateur oriente sa
politique criminelle.
A la différence des criminels de droit commun qui agissent par égoïsme, par vengeance ou par
intérêt purement personnel, le législateur a rapidement admis que le délinquant politique
agissait selon des mobiles bien différents illustrant une moindre perversion que les
délinquants de droit commun.
Comme l’explique J.-J. Lemouland, il existe depuis le courant libéral du XIX ème siècle une
« tendance » à attribuer au délinquant politique « une psychologie particulière où la
conviction joue un rôle important et où les mobiles, pour n’être pas toujours désintéressés,
n’en sont pas moins singularisés par leur caractère idéologique1073 ».
De très nombreux auteurs attestent du caractère désintéressé du mobile du délinquant
politique et des conséquences que cela entraîne sur la clémence du législateur et des
juridictions pénales. Ce caractère est développé entre autres par A. Rolin 1074, P.-A.
Papadatos1075, R. Rodière1076, J. Viaud1077 ou encore P. Sornay1078.

le biais des circonstances atténuantes, par l’attribution de compétence au jury et par le système des grâces et des
amnisties, le législateur permet d’atténuer le sort et les peines applicables au délinquant politique, lors de la
procédure ou a posteriori.
1073
J.-J. Lemouland, op. cit., p. 16.
1074
A. Rolin, op. cit., p. 426. Pour ce professeur, en fonction de l’époque et du contexte, soit on réprime les
auteurs d’infractions politiques avec sévérité lorsque leurs actes présentent des « conséquences dangereuses
pour l’État », soit on les réprime avec indulgence en prenant « en considération leur mobile qui est le plus
souvent désintéressé ».
1075
P.-A. Papadatos, op. cit., p. 43. Selon ce juriste, le délinquant politique est « généralement poussé par des
mobiles nobles, [il] témoigne par ses actes d’une inquiétude de l’esprit plutôt que de corruption, d’audace plutôt
que de perversité, de fanatisme plutôt que de vice ». Dans ces conditions, le délinquant politique paraît « digne
d’indulgence » et le caractère désintéressé qui habite ses actes et ses motivations légitime des peines « légères et
non déshonorantes ».
1076
R. Rodière, op. cit., p. 159. La même volonté d’indulgence résultant du caractère désintéressé du délinquant
politique est évoquée par cet auteur. « Le peuple, écrit-il, parle des délits politiques avec indulgence et surtout
sympathie ; répétons que c’est qu’il a constaté que le plus souvent il faut admirer et non blâmer leurs auteurs.
Pour un sentiment si vif, les législateurs ont senti que les circonstances atténuantes ne suffiraient pas. Ce n’est
pas une diminution de peine qu’il faut : c’est une peine de nature toute différente ».
1077
J. Viaud, op. cit., p. 48. Cet auteur n’examine pas expressément et directement le caractère du mobile du
délinquant politique. Néanmoins, il y fait une référence indirecte et en évoquant la rébellion. A l’instar des autres
auteurs, il démontre également la nécessité d’une certaine clémence de la peine. Selon lui, « une fiction veut que
l’acte de généreuse rébellion soit puni, mais qu’il ne le soit pas sans indulgence ». Cf. également J. Viaud, ibid.
p. 206, sur l’idée de culpabilité relative du délinquant politique.
1078
P. Sornay, op. cit., p. 32. Pour lui également, « l’indulgence du public pour les infractions politique [est]
basée principalement sur le caractère noble et désintéressé des mobiles que l’on prête à leurs auteurs ».
En outre, les particularités du délinquant politique font que de manière générale mais pas
systématiquement1079, ce dernier fait l’objet de respect, voire d’une certaine admiration de la
part de l’opinion publique1080 lorsque celle-ci n’y est pas tout au moins indifférente1081.
Cette sympathie se manifeste au sein de l’opinion publique alors même qu’elle ne partage pas
forcément les idées du délinquant politique. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit
d’infractions contre la forme du gouvernement auquel cas les crimes et délits sont « plus
facilement excusés1082 ».
En effet, alors même qu’il s’agit d’infractions à caractère politique, il convient de distinguer
et de sanctionner différemment les auteurs d’une insurrection légitime des auteurs d’une
rébellion. Comme le développe J.-Y. Calvez1083, si l’atteinte à l’autorité de l’État et la
rébellion « sont et demeurent de véritables crimes qui doivent être réprimés », il est des cas
pour lesquels il y a lieu d’exclure la peine la plus sévère. C’est notamment le cas pour « les
attentats simples contre l’autorité de l’État » lorsqu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une lutte
légitime contre l’arbitraire et respectueuse du droit des gens.
En conséquence, il est apparu relativement dangereux pour le pouvoir politique, de
sanctionner trop durement les délinquants politiques. Une trop grande rigueur à leur égard
pourrait en faire des martyrs aux yeux de l’opinion publique1084 et entraîner le risque pour le
pouvoir politique de créer une opposition massive au sein de l’opinion publique1085.

1079
Sont exclus en effet certains criminels politiques. L’altruisme de leur mobile ne permet pas d’absoudre la
perversion dont leurs actes les plus graves sont empreints. Cf. R. Garraud, op. cit., pp. 208 et 209.
1080
G. Tarde, op. cit., p. 111. Cette admiration de l’opinion publique résulte pour cet auteur, de ses qualités de
psychologue. En effet, selon G. Tarde l’opinion publique « est psychologue sans le savoir, beaucoup plus que
sociologue » en ce qu’elle trouve d’elle-même la « psychologie de l’insurgé bien plus intéressante que celle du
brigand ordinaire ». Quid d’un changement radical de l’approche de l’opinion publique au délinquant politique.
C’est principalement par des raisons psychologiques que la vision du criminel politique par rapport au XVIII ème
siècle a évolué et que le criminel politique provoque désormais « l’indulgence ou la faveur universelle ».
1081
Cf. P. Sornay, op. cit., p. 32.
1082
Cf. F. le Comte, Des complots et attentats contre la sûreté de l’État au point de vue des lois pénales et
constitutionnelles, th. Paris, 1901, p. 11. L’explication est que de tels crimes et délits contre la chose publique ne
sont que « l’explosion violente du sentiment public, la manifestation brutale de la volonté d’un peuple, brisant la
convention qui l’enchaine, pour en rétablir une autre qui semble le satisfaire davantage ».
1083
J.-Y. Calvez, op. cit., p. 783.
1084
L’histoire n’a que trop d’exemples d’individus sacrifiés au nom de la raison d’État et qui sont devenus par
suite des martyrs. Ce fut le cas pour Louis XVI, le duc d’Enghein, le maréchal Ney ou encore les quatre sergents
de la Rochelle. Le risque pour le pouvoir politique de faire d’un adversaire politique un martyr est beaucoup plus
grand que le risque de prononcer une peine de principe et de le voir récidiver. Le gouvernement de Juillet a très
vite pris conscience de cette vérité, c’est pourquoi la peine prononcée contre le futur Napoléon III en 1840 lors
du procès de Boulogne, est une peine relativement modérée comparée à la gravité légalement reconnue de son
infraction. Comme l’explique R. Charvin (op. cit., p. 135), « l’opinion publique étant dans l’ensemble favorable
au Prince, une peine trop rigoureuse risquait de transformer le condamné en martyr ».
1085
C’est pourquoi très souvent le gouvernement préfère opter pour la clémence et le pardon. Pour P. Sornay ( op.
cit., p. 33), le législateur ne peut pas « ne pas sacrifier aux sentiments d’indulgence qui agitent l’opinion
publique ». En effet, cet auteur (ibid., p. 23) définit le délinquant politique comme un être mu par une certaine
conception de la justice et de la société qui lui est propre. Au nom de sa conception, il « expose sa liberté et
quelquefois sa vie pour la faire triompher et améliorer ainsi la situation de ses concitoyens. [En conséquence],
un tel homme aux yeux du public ne devrait pas être puni avec une sévérité excessive ».
Ainsi, alors même qu’un pouvoir serait impopulaire ou contesté, le choix de marques
d’indulgence contre ses adversaires politiques lui permettra de réduire son impopularité et
inversement, s’il emprunte la voie de la sévérité ou d’une répression accrue contre ses
adversaires, il ne fera qu’aggraver son impopularité ou la fera naître s’il n’était pas
initialement impopulaire.
Cette idée est relativement bien développée par J. Viaud 1086. Pour ce dernier, il est de l’intérêt
même des États d’encourager la modération à l’égard des délinquants politiques. « Un
pouvoir discuté, écrit-il, qui condamnerait ses ennemis au nom d’un dogmatisme rigide,
attirerait sur lui de dangereuses colères. L’opinion, au contraire, oublie plus aisément ses
griefs contre un gouvernement impopulaire, quand celui-ci fait l’aveu de ses fautes et les
rachète par sa modération ».
Néanmoins tous les crimes d’apparence politique ne sont pas pardonnables ou admissibles par
l’opinion publique et, a fortiori par le droit. Ainsi en est-il de certains actes jugés
particulièrement infâmes.
R. Garraud1087 a singulièrement bien développé cette idée en considérant qu’il faut distinguer
entre certains crimes commis sous un état d’insurrection et qui sont absorbés par les
nécessités mêmes du crime politique, de certains autres crimes qui, même s’ils sont commis
au cours d’une insurrection, ne peuvent et ne doivent pas être absorbés par le caractère
politique de l’insurrection.
Cela est notamment le cas lorsque les crimes commis sont particulièrement odieux au regard
du droit des gens1088. L’ idée de R. Garraud est développée en ces termes : « tous les crimes de
droit commun, tels que les pillages, meurtres, incendies, qui seraient légitimés, s’ils se
produisaient dans un état de guerre régulier, seront absorbés, en quelque sorte, par le crime
politique d’insurrection […] Mais si, au cours de l’insurrection, il se commet des attentats
contre les personnes ou les propriétés, qui seraient réprouvés par le droit des gens, même
dans un état de guerre régulier, et qui constitueraient des actes de barbarie odieux ou de
vandalisme inutile, ces faits resteront des crimes de droit commun ».
Témoigne d’un tel état d’esprit l’amendement proposé par le député de Ludre, lors de la
discussion du projet d’abolition de la peine de mort en matière politique de 1848. Devant la

1086
J. Viaud, op. cit., p. 49.
1087
R. Garraud, op. cit., pp. 208 et 209.
1088
Inversement, lorsque certaines violences, contre les personnes ou les propriétés, relevant du droit commun
sont commises dans le « cadre d’une lutte régulière », elles peuvent perdre leur caractère de droit commun.
C’est le cas notamment lorsque ces infractions sont la consommation du crime principal dont elles empruntent la
nature politique. Cf. à ce titre J. Viaud, op. cit., p. 266.
gravité de certains crimes politiques, ce député propose un amendement tendant à exclure du
bénéfice de l’abolition de la peine capitale, les auteurs de crimes de lèse-nation1089.
C’est notamment pour ces raisons que les amnisties prononcées au bénéfice des délinquants
politiques par les différents gouvernements, soit après leur accession au pouvoir, soit au cours
de leur gouvernance, excluent limitativement certains délinquants politiques. Ne bénéficient
ainsi jamais d’amnisties les auteurs d’infractions particulièrement graves comme les régicides,
les assassins, les incendiaires et les pilleurs1090.
Malgré ces cas particuliers, les nombreux auteurs d’infractions politiques témoignent d’une
certaine noblesse de leurs mobiles et voient leurs peines commuées ou amnistiées
particulièrement sous le règne de Louis-Philippe et sous la deuxième République1091.
Les commutations de peines et les amnisties sont fréquentes à l’égard de la majorité des délits
politiques, qu’il s’agisse de complots, de cris séditieux, d’offenses au chef de l’exécutif ou
d’une chambre parlementaire, de délits d’excitation à la haine ou au mépris du gouvernement
ou d’une classe de personnes, de même qu’en matière de délits de presse.
Plusieurs raisons motivent la clémence du gouvernement à leur égard. D’abord, comme nous
l’avons examiné auparavant, il y a lieu de ménager l’opinion publique afin de ne pas en faire
un adversaire du pouvoir politique. Cette raison est l’un des éléments principaux qui ont
motivé le législateur de la Monarchie de Juillet à attribuer au jury la connaissance des délits
politiques et des délits de presse.
Mais également, dans certains cas particuliers comme en matière de complots, des raisons
plus spécifiques sont invoquées. C’est ainsi qu’une opinion commence à être admise sous la
Monarchie de Juillet, selon laquelle certains délits ne comportant pas d’actes matériels ne
relèvent que de la pensée ou de l’expression et doivent bénéficier d’un régime relativement
clément.
Cette position est parfaitement résumée par le député de Laboulie 1092 qui considère que « le
complot n’est qu’un crime de pensées et de paroles » constituant en conséquence un « acte
immatériel1093 ».

1089
Cf. sur cette question les développements intéressants de J. Viaud, op. cit., p. 283.
1090
J. Viaud, op. cit., p. 261.
1091
Cf. infra, Section II, § I.
1092
Moniteur Universel, jeudi 25 août 1845, n° 237, p. 1951.
1093
Cf. F. le Comte, op. cit., pp. 39 et 40. Cf. également pour une analyse relativement proche, J. Viaud, (op. cit.,
p. 156) qui distingue le complot de l’attentat. Pour cet auteur, le complot correspond au « crime résolu » tandis
que l’attentat s’entend du « crime accompli ».
Un dernier argument mérite d’être soulevé au titre des justifications à la modération du
régime répressif appliqué aux délinquants politiques. Cet argument est tiré du fait que la
plupart des délits politiques sont l’œuvre de partis ou de factions en lutte pour la conquête du
pouvoir politique. Or, les conséquences judiciaires de nombreux délits politiques sont
subordonnées à l’issue du conflit.
Dès lors, si les délinquants de la veille triomphent de leurs adversaires et qu’ils parviennent à
accéder au pouvoir, les infractions dont ils étaient entachés disparaissent. Cela correspond à
l’idée régulièrement développée selon laquelle les délinquants de la veille deviennent des
héros le lendemain1094.
C’est également ce que développe F. le Comte 1095 pour qui, « un fait criminel en soi, si les
évènements sont favorables, devient alors pour le public un acte glorieux ».
De la même manière, E. Cauchy1096 explique que l’on peut voir dans certains cas en matière
de crimes politiques, par « une étrange révolution morale, ce qui la veille était réputé crime,
être glorifié et récompensé le lendemain ».
La raison de ce retournement de situation est des plus rationnelles dans la mesure où comme
l’expose J. Viaud1097, le crime politique n’a « de réalité que par l’insuccès ». En cas de
victoire de l’insurrection, il n’y a plus de lois ni de constitution à protéger et à défendre,
« l’agression a cessé d’être légalement criminelle ».
Le même constat est tiré par J.-Y. Calvez1098 qui, dans un paragraphe qu’il intitule « Criminel
aujourd’hui, héros national demain ? », développe l’idée selon laquelle « la fréquence des
révolutions et la différenciation croissante des crimes politiques ont fait apparaître la
relativité du crime politique. Elles ont montré comment le criminel de la veille pouvait être le
héros du lendemain […] Elles ont conseillé l’indulgence à ceux surtout que la révolution de
Juillet et plus tard celle de 1848 avaient fait passer de la catégorie des délinquants politiques
dans celle des gouvernants ».
Cet auteur a en outre le mérite d’avoir dressé un constat complet de ce jeu politique dans la
mesure où il en démontre la véracité à l’appui de l’expérience de deux gouvernements des

1094
Cf. G. Tarde, op. cit., p. 108. Cet auteur démontre bien combien la frontière entre un simple rebelle et un
véritable « régénérateur » est sensible. Il subordonne la qualité de « rebelle » ou de « régénérateur » au résultat
sur lequel débouche la conspiration. Selon cet auteur, « Une conspiration éclate. Les conspirateurs sont-ils des
régénérateurs ou des rebelles ? L’avenir le dira. S’ils réussissent, on les saluera grands hommes ; s’ils
échouent, on les fusillera ».
1095
F. le Compte, op. cit., p. 11.
1096
E. Cauchy, Du jugement des crimes politiques…, op. cit., p. 171.
1097
J. Viaud, op. cit., p. 297.
1098
J.-Y. Calvez, op. cit., p. 780.
plus libéraux du XIXème siècle. C’est en effet parce qu’ils étaient eux-mêmes considérés
comme des rebelles, des traîtres ou des délinquants politiques la veille, que ces hommes
politiques mettent en œuvre après leur accession au pouvoir, une politique empreinte
d’indulgence à l’égard de leurs adversaires.
Concluons enfin sur l’un des témoignages les plus explicites de la relativité du crime
politique. Il convient de se reporter à R. Lindon et D. Amson 1099 qui retracent le procès du
futur Napoléon III, connu sous le nom de procès de Boulogne.
A l’occasion de ce procès tenu en 1840, le futur empereur comparait devant la Cour des pairs
pour tentative de soulèvement militaire et tentative de renversement du gouvernement établi.
Il développe au titre de ses moyens de défense que s’il était parvenu à réussir son coup d’État,
il ne serait pas reçu comme un prévenu, mais serait accueilli en héros.
Cet argument qui n’est que le témoignage d’une réalité qui s’est démontrée à de maintes
reprises, est contenu dans cette réponse qu’il formule à l’un pair qui lui demandait s’il avait
des complices, en lui disant : « la France entière et les pairs eux-mêmes si j’avais connu le
succès ».
Ce témoignage illustre bien une habitude héritée depuis l’époque révolutionnaire selon
laquelle, c’est l’issue d’une sédition, d’une insurrection ou d’un coup d’État qui détermine le
sort du délinquant politique de la veille.
Soit il sera absous de ses crimes et sera accueilli en triomphateur s’il réussi, soit il sera
considéré comme une menace pour le pouvoir politique et sera passible de lourdes peines s’il
échoue. Cette issue et ses conséquences témoignent parfaitement bien de la relativité du délit
politique1100.
Tous ces différents éléments découlant de la particularité du délinquant politique entraînent
un certain relâchement de la rigueur déployée habituellement contre les délinquants
politiques. Tantôt en amont les lois sont modifiées dans un sens d’une plus grande clémence
par exemple en modifiant l’échelle des peines applicables à un délit politique 1101, et tantôt en
aval en procédant à des remises ou à des commutations de peines1102.

B-/ Vers un adoucissement du régime répressif applicable à la


délinquance politique

1099
R. Lindon et D. Amson, op. cit., p. 67.
1100
Cf. sur la question de la relativité du délit politique, C. Aubert, op. cit., pp. 335 et 336.
1101
Cf. infra, Chapitre 2.
1102
Cf. infra, B et Section II, § II.
Dès les années 1830 le rôle de l’opinion publique est pris en considération par le pouvoir
politique dans son ensemble 1103. En réaction à la censure et aux mesures restrictives à la
liberté d’expression qui avaient frappées la presse et les crieurs publics par les lois du 29
octobre 1815, du 9 novembre 1815, du 14 juin 1819, du 9 juin 1820, des 17 et 18 mars 1822
et par les ordonnances de juillet 1830, le gouvernement libéral constitué autour de Louis-
Philippe a conscience qu’il ne faut pas comprimer les libertés.
Ce gouvernement, issu de l’opposition libérale qui s’est considérablement développée durant
les dernières années de la Restauration, a parfaitement compris qu’il était nécessaire de
prendre en considération l’opinion publique tant en matière de presse qu’en matière de délit
politique.
En effet, devant l’opinion publique qui tend à s’insurger de plus en plus face à la sévérité des
lois qui frappent les délinquants politiques1104, le gouvernement de Juillet va témoigner par
plusieurs actes de sa volonté libérale. Qu’il s’agisse de l’adresse de la Chambre des députés
relative à l’abolition de la peine de mort1105, ou bien de la loi du 8 octobre 18301106 relative à la
compétence du jury en matière de délits de presse et de délits politiques, ou encore par la loi
du 28 avril 18321107 relative à l’admission des circonstances atténuantes en matière
criminelle ; tous ces actes témoignent d’une volonté de ménager l’opinion publique.
De la même manière, en abolissant définitivement la peine de mort en matière de crimes
politiques par la déclaration du 26 février 18481108, le gouvernement provisoire de la deuxième
République donnera une réponse conforme aux aspirations populaires de pardon et de
clémence envers les criminels politiques.
Au-delà de ces quelques témoignages ponctuels d’adoucissement du régime répressif de la
délinquance politique, c’est essentiellement dans la pratique des grâces et des amnisties qu’il
convient rechercher un témoignage de clémence.

1103
Antérieurement à 1830, on trouve néanmoins déjà certains hommes politiques qui inclinent vers une certaine
indulgence. C’est le cas pour F. Guizot, le baron Cuvier, le ministre Barbé-Marbois, le baron Pasquier, le
ministre de Serre, le vicomte Beugnot, J.-G. Hyde de Neuville ou encore P.-P. Royer-Collard. Cf. F. Guizot, in.
Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, Tome I, Paris, 1858, pp. 119 à 127.
En l’occurrence, F. Guizot (ibid., p. 126) rapporte des propos tenus par son ami P.-P. Royer-Collard lors de la
discussion sur la loi d’amnistie de 1816 qui illustrent bien ces nécessités de modération et d’intelligence. Il prête
à ce dernier les propos suivants : « Ce n’est pas toujours le nombre des supplices qui sauve les empires, l’art de
gouverner les hommes est plus difficile et la gloire s’y acquiert à un plus haut prix. Nous aurons assez puni si
nous sommes sages et habiles, jamais assez si nous ne le sommes pas ».
1104
Cf. A. Rolin, op. cit., p. 425.
1105
Cf. annexe n° 14.
1106
Cf. annexe n° 18.
1107
Cf. annexe n° 4.
1108
Cf. annexe n° 10.
Alors même que les périodes troublées légitiment un regain de sévérité à l’encontre des
délinquants politiques, les chefs d’État sous les gouvernements de la Monarchie de Juillet et
de la deuxième République usent fréquemment de leurs pouvoirs de grâce et d’amnistie pour
témoigner d’une véritable orientation de clémence.
Le droit de grâce en tant que « survivance de la justice retenue1109 » est un droit très ancien
qui consiste en une remise de peine au bénéfice d’un ou plusieurs délinquant(s) déterminé(s),
en une peine de degré moindre auquel cas la grâce est partielle, ou en une remise de la totalité
de la peine, on parle alors de remise totale.
Dans tous les cas, la grâce est prononcée par le souverain mais elle n’efface pas les traces de
la condamnation. Même remise totalement, la condamnation continue à produire des effets au
regard de la récidive, du sursis ou encore au regard des incapacités attachées à la peine.
Ce droit est reconnu respectivement au roi en vertu de l’article 67 1110 de la Charte du 4 juin
1814 pour le régime de la Restauration, puis de l’article 58 1111 de la Charte du 7 août 1830
pour le régime de la Monarchie de Juillet. Le droit de grâce est reconnu au président de la
République après avis du Conseil d’État en vertu de l’alinéa 1 de l’article 55 1112 de la
Constitution du 4 novembre 1848. Le droit de grâce est également reconnu au président de la
République (le prince-président) par l’article 91113 de la Constitution du 14 janvier 1852, puis
par l’article premier1114 du sénatus-consulte du 25 décembre 1852 portant modification et
interprétation de la Constitution du 14 janvier, et enfin par l’article 161115 du sénatus-consulte
du 21 mai 1870 fixant la Constitution de l’Empire.
Si pour le profane l’amnistie peut être synonyme de grâce, sa réalité juridique est tout autre.
L’amnistie est une fiction juridique qui entend « supprimer les conséquences d’une
condamnation1116 ». A la différence de la grâce qui emporte remise totale ou partielle d’une ou
plusieurs peines, l’amnistie consiste en l’abolition des délits, poursuites et condamnations
prononcées à l’égard de faits déterminés1117.

1109
R. Charvin, op. cit., p. 228.
1110
Art. 67 : Le roi a le droit de faire grâce, et celui de commuer les peines.
1111
Art. 58 : Le roi a le droit de faire grâce et celui de commuer les peines.
1112
Art. 55 : (al. 1) Il (président de la République) a le droit de faire grâce, mais il ne peut exercer ce droit
qu’après avoir pris l’avis du Conseil d’État.
1113
Art. 9 : Il (président de la République) a le droit de faire grâce.
1114
Art. 1er : L’empereur a le droit de faire grâce et d’accorder des amnisties.
1115
Art. 16 : L’empereur a le droit de faire grâce et d’accorder des amnisties.
1116
R. Charvin, op. cit., p. 234.
1117
Cf. annexe n° 125.
Il s’agit d’une mesure collective tendant à l’oubli d’une infraction dont l’effet est d’effacer
toutes poursuites et toutes condamnations1118, indépendamment de l’action civile des parties
lésées1119.
De plus, selon J. Viaud la nature de l’amnistie présente un autre objectif au XIX ème siècle en
ce qu’elle tend à apaiser les tensions entre factions politiques en éteignant « les haines de
parti1120 ». Ce dernier caractère présente une incidence particulière en matière de délits
politiques dans la mesure où le but est de calmer les tensions et les rivalités politiques.
Néanmoins le critère politique n’est pas exclusif, car si l’amnistie est une mesure qui ne visait
initialement que des faits de nature politiques 1121, progressivement des lois et des ordonnances
sont intervenues et en ont étendu le domaine à d’autres infractions 1122. Aussi voit-on sous le
règne de Louis-Philippe de nombreux domaines autres que celui des délits politiques, visés
par des amnisties.
L’une des premières amnisties votées au cours du XIXème siècle ne se situe toutefois pas sous
la Monarchie de Juillet, mais est élaborée par le législateur de la Restauration sur proposition
du gouvernement. Présenté devant la Chambre des députés au début du mois décembre 1815
par le duc de Richelieu, ce projet de loi entend amnistier les auteurs de certains délits
politiques. Il s’agit en l’espèce de ceux qui « ont pris part à la rébellion et à l’usurpation de
Napoléon Bonaparte1123 ».
Outre le caractère répressif de la disposition de l’article 2 qui tend à ostraciser 1124 trente huit
individus nommés par une ordonnance du 24 juillet 1815, tant l’objectif de la loi que son
intitulé de loi d’amnistie en fait que cette loi demeure prioritairement inscrite dans un sens de
pardon et d’oubli. En effet le principe de cette loi est l’amnistie, et l’exception est le
bannissement1125.
1118
A travers sa jurisprudence, la Cour de cassation définie l’amnistie comme ayant pour effet de « couvrir du
voile de l’oubli et d’effacer les condamnations ou poursuites encourues ». Cf. Cass. Crim., 19 juillet 1839,
Recueil Sirey-Devilleneuve, 1839, I, pp. 984 et 985.
1119
Cf. infra, Section II, § III.
1120
J. Viaud, op. cit., p. 260. Pour ce juriste, lorsque le législateur proclame une amnistie, « il se propose
d’éteindre les haines de parti, en pardonnant les crimes passés dont il ne redoute plus le retour. C’est par ces
motifs que le sens des délits politiques sera expliqué. Ils comprendront ceux que la loi d’amnistie, dans un but
d’apaisement souhaitable, juge bon d’effacer ».
1121
R. Charvin, op. cit., p. 235.
1122
Ce fut notamment le cas pour les délits forestiers, de même que pour certains délits militaires comme les
désertions, ainsi que les délits de chasse, de voirie, de fraudes au Trésor ou encore certains délits électoraux.
1123
Art. 1er du projet de loi. Cet article qui sera repris dans son intégralité par la loi d’amnistie du 13 janvier
1816, dispose que « Amnistie pleine et entière est accordée à tous ceux qui, directement ou indirectement, ont
pris part à la rébellion et à l'usurpation de Napoléon Bonaparte, sauf les exceptions ci-après ». Cf. annexe n° 5.
1124
En les éloignant de la métropole et du pouvoir central.
1125
Cette loi tend en effet à deux fins. D’abord il s’agit d’apaiser les conflits civils qui ont résulté de la période
des Cent Jours. Ensuite il s’agit de sanctionner par des exils, au nom de la « sûreté de l’État et des peuples »,
ceux qui ont pris une part active au retour de l’empereur. Selon le duc de Richelieu, la peine de bannissement n’a
toutefois pas vocation à être définitive. En effet, il résulte d’une part, de la disposition de l’article 3 que la peine
Mais en rupture avec le projet de loi qui était de nature trop libérale, la Chambre des députés
opte pour un texte nettement plus répressif 1126 faisant du bannissement le principe et de
l’amnistie, l’exception.
En effet, tout en conservant une possibilité de pardon du souverain, l’article 3 de la loi
amendé par la commission et adopté par la Chambre étend néanmoins le champ d’application
des personnes susceptibles de faire l’objet d’un bannissement à toute personne non comprise
dans l’ordonnance de juillet 18151127.
En outre, dans un article 41128 inséré par la commission dans le projet initial est dressée une
liste exhaustive d’individus supplémentaires exemptés du bénéfice de l’amnistie. Mais cet
amendement est rejeté par la Chambre.
En conséquence, peut-on voir dans le projet initial du gouvernement une tentative de
clémence conforme au souhait de Louis XVIII. Mais cette volonté est totalement dénaturée
par la composition de la Chambre des députés et a posteriori par celle de la commission
majoritairement composée de députés Ultras, hostiles à toute idée de clémence et de pardon.
La pratique même des amnisties montre que le régime de la Restauration n’est pas très enclin
à en prononcer en matière de délits politiques. Sa préférence semble porter pour les délits de
désertion comme en attestent plusieurs ordonnances publiées respectivement au Moniteur du

peut prendre fin avec l’autorisation du roi par le biais d’une grâce notamment, et d’autre part, les propos du
ministre sont équivoques sur cette question lorsqu’il évoque la possibilité d’un « acte de clémence du roi ».
Moniteur Universel, samedi 9 décembre 1815, n° 343, p. 1365.
1126
De plus cette loi constitue une véritable violation de la Charte du 4 juin 1814 en rétablissant le principe de la
confiscation, cette peine étant abolie par l’article 66.
1127
Art. 3 : Le roi pourra, dans l'espace de deux mois, à dater de la promulgation de la présente loi, éloigner de la
France, ceux des individus compris dans l'article 2 de ladite ordonnance qu'il y maintiendra et qui n'auront pas
été traduits devant les tribunaux ; et dans ce cas, ils sortiront de France dans le délai qui leur sera fixé, et n'y
rentreront pas, sans l'autorisation expresse de Sa Majesté ; le tout sous peine de déportation.
Le roi pourra pareillement les priver de tous biens et pensions à eux concédés à titre gratuit.
1128
Art. 4 : Sont exceptés de l'amnistie, comme principaux auteurs et instigateurs de la révolte,
1° ceux qui ont été complice du retour de l'usurpateur en France, en correspondant avec lui ou ses agents à l'île
d'Elbe, pour lui en faciliter les moyens ;
2° les individus qui, avant le 23 mars, ont accepté de l'usurpateur les fonctions de ministres, ou de conseillers
d'État ;
3° les préfets nommés par le roi, qui ont reconnu usurpateur avant le 23 mars ;
4° les maréchaux et généraux commandant une division militaire, qui se sont déclarés pour l'usurpateur avant
son entrée à Paris ;
5° les généraux en chef qui ont dirigé leurs forces contre les armées royales.
Conformément à l'article 4 de l'ordonnance du 24 juillet, ces individus ne pourront être poursuivis que dans les
formes et suivant les lois constitutionnelles. Néanmoins la prescription de dix années, par l'article 637 du Code
d'instruction criminelle, est réduite à trois mois à leur égard.
5 mai 18161129, du 7 décembre 18231130, du 21 décembre 18231131, du 2 octobre 18241132, du 8
octobre 18241133, du 19 mai 18251134 et du 30 mai 18251135.
Néanmoins, quelques ordonnances sont prises à des fins d’amnistie ou de grâce pour des faits
politiques. C’est ainsi qu’en vertu de l’article premier 1136 d’une ordonnance publiée au
Moniteur du 25 juin 18161137, sont graciés des poursuites ou des condamnations dont ils font
l’objet, les auteurs de certains délits à caractère politique, lorsque leur but était de « servir la
cause royale ».
Cette commutation de peine tend à les dégager de toutes poursuites, ou s’ils ont déjà été
condamnés, elle tend à interrompre tout séquestre, toute confiscation et toute amende
prononcés à leur égard.
Une autre ordonnance publiée au Moniteur du 30 mai 1825 1138 prévoit d’amnistier les auteurs
de certains délits politiques déterminés. L’article 1er de l’ordonnance renvoie en l’espèce aux
cas prévus par les articles 1, 2, 3, 4, 8, 9 et 10 de la loi du 25 mars 1822 1139. L’ordonnance
prévoit néanmoins que certains effets des condamnations des individus amnistiés continueront
de se poursuivre comme les saisies d’écrits ou de gravures1140.
Une dernière ordonnance relative à des infractions à caractère politique est publiée au
Moniteur du 4 novembre 18261141. Cette amnistie correspond néanmoins plus à une grâce dans
la mesure où elle concerne trois individus nommément cités.

1129
Cf. annexe n° 126.
1130
Cf. annexe n° 127.
1131
Cf. annexe n° 128.
1132
Cf. annexe n° 129.
1133
Cf. annexe n° 130.
1134
Cf. annexe n° 131.
1135
Cf. annexe n° 132.
1136
Art. 1er : Toute poursuite, tout séquestre opérés à la diligence de l'administration de l'enregistrement, en
exécution d'arrêts ou jugements prononçant des confiscations générales, pour quelque cause que ce soit, ou ayant
pour objet d'assurer le recouvrement des amendes encourues et des frais de procédure prononcés par les cours et
les tribunaux, pour le recouvrement des frais de procédure dans des affaires relatives à des faits purement
politiques dont le but évident était de servir la cause royale, cesseront d'avoir leur effet pour la partie qui n'aurait
pas été perçue au moment de la publication de notre présente ordonnance.
1137
Cf. annexe n° 133.
1138
Cf. annexe n° 134.
1139
Cf. annexe n° 32. Il s’agit respectivement des outrages à la religion (art. 1) ; des attaques contre la dignité
royale, contre les droits ou l’autorité du roi ou des chambres et contre l’inviolabilité du roi (art. 2) ; des attaques
contre les droits de liberté et d’égalité des cultes (art. 5 de la Charte de 1814) et contre la propriété (art. 9 de la
Charte de 1814) (art. 3) ; des délits d’excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi (art. 4) ; des cris
séditieux (art. 8) ; du port public de signes de ralliement non autorisés, de l’enlèvement ou de la dégradation de
signes de l’autorité royale et de la vente ou distribution de tous signes ou symboles destinés à propager la
rébellion ou à troubler la paix publique (art. 9) ; et enfin, au délit d’excitation à la haine ou au mépris contre une
classe de personnes (art. 10).
1140
Art. 2 : Continueront néanmoins d'avoir leur effet toutes saisies d'écrits ou gravures formées en exécution
desdites lois et de celle du 25 mai 1819.
1141
Cf. annexe n° 135.
Malgré cette particularité, cette ordonnance porte sur des délits politiques et elle a vocation à
amnistier les condamnations dont les trois individus susvisés ont fait l’objet. Or, les faveurs
du pouvoir politique ne sont pas sans concession, le gouvernement préférant par précaution
placer les individus amnistiés sous la surveillance de la haute police1142.
D’autres cas particuliers témoignent d’une volonté de pardon du gouvernement de la
Restauration à l’égard de certains condamnés pour des faits politiques. Il s’agit dans tous ces
cas, de grâces. La première est d’une nature générale mais peut emporter des conséquences
sur des délinquants politiques. Les suivantes portent en revanche exclusivement sur des
délinquants politiques.
Le premier témoignage d’une volonté de pardon résulte d’une ordonnance publiée au
Moniteur du 16 février 18181143. En vertu de cette ordonnance, tout individu condamné
pénalement peut faire l’objet d’une commutation ou d’une remise de peine sous certaines
conditions.
Dans un premier temps le ministre de l’intérieur, après communication par les préfets des
dossiers des délinquants qui se sont fait remarquer par « leur bonne conduite et leur assiduité
au travail » et après une étude de leurs dossiers (art. 2), transmet au garde des sceaux une liste
de noms d’individus pouvant solliciter la clémence royale (art. 3). Le garde des sceaux se
livre alors à une enquête auprès des membres du parquet dans le ressort desquels sont détenus
les condamnés et choisit en dernier lieu quels individus seront recommandés à la grâce du
souverain (art. 4). Puis c’est ce dernier, qui, le 25 août de chaque année, peut gracier les
individus que le garde des sceaux lui a sollicités.
Si cette ordonnance ne vise pas expressément les délinquants politiques, elle ne les en exclus
toutefois pas de son champ d’application. Aussi de tels délinquants pourront-ils, sous réserve
que leur dossier et leur attitude soient satisfaisants, bénéficier de la clémence du roi.
D’autres grâces sont en revanche ponctuellement prononcées à l’égard de délinquants
politiques. C’est le cas notamment d’une ordonnance publiée au Moniteur du 8 avril 18241144
laquelle accorde grâce pleine et entière aux dix-huit complices de l’auteur d’un attentat à la
sûreté de l’État en 1822. Ces derniers recouvrent leur liberté moyennant comme mesure de
précaution, leur placement sous la surveillance de la haute police.

1142
Cf. supra, Titre I, Chapitre 1, Section II.
1143
Cf. annexe n° 136.
1144
Cf. annexe n° 137.
De la même manière, certains délinquants politiques relevant des articles 2 et 3 de la loi du 12
janvier 18161145 bénéficient parfois des mesures de clémence. C’est ainsi que par deux
ordonnances publiées respectivement au Moniteur du 26 novembre 18191146 et du 14 février
18201147, deux militaires compris dans la loi du 12 janvier 1816 et poursuivis au titre de
trahison au gouvernement de Louis XVIII, sont amnistiés et réintégrés dans leurs fonctions.
Cette clémence du gouvernement à l’égard des délinquants politiques n’est encore, sous la
Restauration, qu’à un état embryonnaire et très ponctuelle 1148. Il faut attendre le règne de
Louis-Philippe1149 et de son gouvernement libéral pour que la clémence royale soit en plein
essor.
Le premier acte de ce gouvernement est de suspendre toutes poursuites et toutes
condamnations par une ordonnance du 2 août, publiée au Moniteur du 3 août 1830 1150, à
l’égard tous les individus condamnés pour des délits politiques ou des délits de presse. Cette
suspension générale tend à geler temporairement les condamnations résiduelles et à faire
cesser les poursuites qui seraient en cours.
Puis, à la suite de ce premier acte de clémence du gouvernement de Juillet, ce dernier
entreprend de proposer l’abrogation des articles 3 et 7 de la loi du 12 janvier 1816. Il s’agit
d’un projet de loi1151 présenté par le garde des sceaux Dupont (de l’Eure) devant la Chambre
des députés au mois d’août 1830 et devant la Chambre des pairs au mois de septembre de la
même année.
Ce projet tend à amnistier et à réintégrer dans tous les leurs droits, les individus bannis en
vertu des articles 3 et 7 la loi de 1816 1152. Le texte est adopté selon sa version initiale par les
deux Chambres à une majorité de 206 voix sur 237 votants pour la Chambre des députés1153, et
de 78 voix sur 85 votants pour la Chambre des pairs1154.

1145
Cf. annexe n° 5.
1146
Cf. annexe n° 138.
1147
Cf. annexe n° 139.
1148
Malgré les grâces qui sont régulièrement accordées par le roi et qui concernent tous les délinquants en
général, les amnisties accordées aux auteurs de délits politiques interviennent seulement à l’occasion de périodes
particulières comme le mariage du duc de Berry, ou encore l’intronisation puis le sacre de Charles X.
1149
Sur la clémence de Louis-Philippe à l’égard des délinquants et plus particulièrement des délinquants
politiques, cf. J. Viaud, op. cit., p. 217. Selon ce juriste, « la clémence de Louis-Philippe fut plus généreuse que
celle d’Auguste ». Cf. également L. Blanc, Histoire de dix ans, 1830-1840, Tome V, 11ème édition, Paris, pp. 451
à 457.
1150
Cf. annexe n° 140.
1151
Cf. annexe n° 141.
1152
Cf. annexe n° 5.
1153
Moniteur Universel, vendredi 3 septembre 1830, n° 246, p. 1020.
1154
Moniteur Universel, samedi 11 septembre 1830, n° 254, p. 1068.
Dans le même temps, le gouvernement de Juillet réitère sa volonté de clémence à l’égard des
délinquants politique par une amnistie générale de tous les délits politiques commis avant le
27 juillet 1830.
C’est par une ordonnance publiée au Moniteur du 27 août 1830 1155 que le gouvernement de
Louis-Philippe entérine la suspension des poursuites et des condamnations prononcées par
l’ordonnance du 2 août. Désormais les poursuites et les condamnations sont définitivement
éteintes à l’égard de tous les délinquants poursuivis pour des délits à caractère politique
commis entre le 7 juillet 1815 et le 27 juillet 1830.
En outre cette ordonnance réintègre les individus amnistiés dans leurs fonctions et dans
l’intégralité de leurs droits civils et politiques. Néanmoins elle ne s’étend pas aux amendes et
autres dépens déjà versés au Trésor lesquels ne sont pas remboursables.
Pour autant, devant l’ampleur de cette mesure, il convient d’y voir, avec le décret du 25
février 18481156, l’une des deux plus importantes amnisties en matière de délits politiques
durant toute la période du XIXème siècle.
Notons enfin que d’autres ordonnances d’amnistie au bénéfice des auteurs d’infractions à
caractère politique sont ponctuellement élaborées. C’est notamment le cas d’une ordonnance
du 8 mai 18371157 qui prévoit dans son premier article1158, d’amnistier et par suite de remettre
en liberté tous les individus emprisonnés par suite de crimes ou de délits politiques 1159. Cette
ordonnance prévoit aussi la commutation de peine des individus condamnés par la Chambre
des pairs en une peine de bannissement de dix années.
A coté des délits politiques, d’autres infractions bénéficient également de la clémence du
gouvernement. Ainsi, en matière de presse, une ordonnance publiée le 27 août 18301160 étend
l’amnistie pour les délits politiques à toutes les contraventions et à tous les délits de presse.

1155
Cf. annexe n° 142.
1156
Cf. annexe n° 10.
1157
Cf. annexe n° 143.
1158
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous les individus actuellement détenus dans les prisons de l’État, par suite
de condamnations prononcées pour crimes et délits politiques.
Toutefois, la mise en surveillance est maintenue à l’égard des condamnés à des peines afflictives ou infamantes,
ainsi qu’à l’égard de ceux qui y ont été assujettis par jugement.
1159
Néanmoins comme le rappelle une circulaire du garde des sceaux adressée aux procureurs du Royaume, cette
amnistie ne doit s’étendre qu’aux individus condamnés et détenus pour crimes et délits politiques, et non aux
autres types de criminalité, pas plus qu’aux contumaces ou aux individus qui se seraient soustraits aux
condamnations qu’ils encourraient. En effet, pour le ministre F. Barthe, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1837, II, p.
255, « l’ordonnance d’amnistie s’étend aux individus actuellement détenus. Ces termes vous indiquent que les
contumaces n’y sont pas comprises, non plus que les individus qui se sont soustraits par la fuite aux
condamnations par eux encourues. L’amnistie est accordée aux crimes et délits politiques ; elle ne l’est pas aux
crimes et délits d’un autre ordre. Les délits de la presse, lorsqu’ils ont été commis contre les particuliers, ne
sauraient y être compris ».
1160
Cf. annexe n° 144.
Comme pour les délits politiques, l’idée du gouvernement est de faire table rase du passé, en
séparant « avec précision le passé du présent » afin de concilier ses propres intérêts avec les
aspirations variées des opposants du régime antérieur et de « rétablir l’ordre et la paix ». En
outre, comme en matière de délits politiques, l’amnistie générale dont bénéficient les auteurs
de contraventions et de délits de presse s’explique comme une marque de bienveillance
temporaire en attendant le rétablissement de la légalité.
La délinquance politique et la délinquance de la presse ne sont toutefois pas les seules à
bénéficier de marques de pardon et d’oubli de la part du nouveau gouvernement. D’autres
amnisties sont prises en faveur des auteurs de contravention de simple police par une
ordonnance publiée au Moniteur du 29 septembre 18301161, ou encore pour les militaires
auteurs de voies de fait ou d’insubordination envers leurs supérieurs, par une ordonnance
publiée le 22 octobre 18301162.
De la même manière, en matière d’amnistie de délits de désertion, la pratique instaurée sous la
Restauration perdure sous le gouvernement de Juillet lequel intervient très rapidement et très
fréquemment en cette matière. C’est ainsi que par des ordonnances du 30 août 1830 1163, du 7
septembre 18301164 ou encore du 29 avril 18311165, le gouvernement de Louis-Philippe prend
rapidement l’habitude de pardonner et de montrer sa clémence à certains délits militaires.
Si la Monarchie de Juillet a su intervenir de manière très libérale et tolérante en amnistiant les
auteurs de maints types de délits et en graciant de nombreux de condamnés à mort 1166, cette
politique ne cesse pas après la révolution de février 1848.
En effet, le gouvernement provisoire de la deuxième République démontre par certains
décrets une volonté similaire à celle de ses prédécesseurs. Comme ce fut le cas pour
l’ordonnance du 2 août 1830, dès son avènement, le gouvernement de la deuxième
République rend un décret publié au Moniteur du 25 février 18481167 au terme duquel tous les
détenus politiques sont remis en liberté. La généralité de ce décret atteste de la même volonté
de pardon et de clémence que le gouvernement de Louis-Philippe.
Le gouvernement républicain de 1848 témoigne également de sa clémence à l’égard des
délinquants politiques en prenant une autre mesure qui sera l’une des plus grandes innovations

1161
Cf. annexe n° 145.
1162
Cf. annexe n° 146.
1163
Cf. annexe n° 147.
1164
Cf. annexe n° 148.
1165
Cf. annexe n° 149.
1166
Cf. infra, Section II, § II.
1167
Cf. annexe n° 150.
du XIXème siècle, à travers la déclaration du 26 février 18481168 portant abolition de la peine de
mort en matière politique.
Cette réforme majeure intervient dans une époque où, selon J. Viaud1169, « l’idée spiritualiste
dégage le droit pénal du joug des écoles utilitaires ». En effet, le gouvernement apprend à
« mesurer la peine au regard de la moralité » et du degré de perversité de l’esprit humain, et
non plus au regard exclusif du danger social que représentent certains comportements pour
l’État.
Cette conception qui favorise, au sens de J. Viaud, « l’atténuation de la pénalité politique »,
s’inscrit désormais dans le marbre, alors qu’elle n’était jusque là - depuis une trentaine
d’années - que la pâle manifestation de la pensée libérale.
Désormais, les paroles et les opinions développées initialement par F. Guizot en 1820 puis
réaffirmées depuis près de trente ans par certains hommes politiques, prennent un sens
nouveau en devenant une réalité juridique.
En abolissant la peine de mort contre des hommes dont les mobiles n’étaient pas foncièrement
mauvais, le gouvernement de 1848 témoigne de sa conscience à la fois en l’impérieuse
nécessité de fixer un régime adapté à des individus dont la culpabilité est relative et que les
criminels de la veille sont couverts « d’une sorte de prescription1170 » dictée par la nature
même de l’infraction.
Cette période d’adoucissement du régime de l’infraction politique est certes entrecoupée de
soubresauts, soit au regard des évènements, lorsque le pouvoir est particulièrement menacé
par la subversion des certains individus ou de certains partis 1171, soit parce que le pouvoir
passe aux mains d’un gouvernement plus autoritaire, comme ce sera le cas lors du second
Empire ; elle demeure néanmoins la représentation d’un mouvement de modération de la
peine en matière politique qui tend à prendre de plus en plus d’importance en pratique.

1168
Cf. annexe n° 10.
1169
J. Viaud, op. cit., p. 3.
1170
J.-Y. Calvez, op. cit., p. 784.
1171
Cf. sur cette question, l’analyse pertinente de R. Rodière (op. cit., pp. 10 et 11) qui développe l’idée selon
laquelle l’infraction politique présente un véritable dilemme pour les gouvernements dans la mesure où elle ne
permet pas de donner « satisfaction au sentiment populaire » en optant de manière constante et invariable vers
une voie de modération. En effet, les gouvernements sont soumis malgré eux à une interminable « lutte entre des
élans d’indulgence et le nécessaire utilitarisme de la loi pénale ».
Section II – Une modération illustrée par la pratique d’une politique 
répressive adaptée au délinquant politique

Les débuts du XIXème siècle et particulièrement les années 1820 illustrent une certaine
autonomie de pouvoir judiciaire à l’égard du pouvoir politique à travers la jurisprudence
élaborée en matière d’infractions politiques.
Le pouvoir judiciaire ne constitue plus une arme du gouvernement comme cela pouvait être le
cas encore sous l’Empire. L’évolution libérale qui s’est opérée dans la société et dans une
partie de la classe politique, a également produit des effets au sein de la magistrature malgré
la charge de leur serment qui continue à peser surtout sur le parquet.
Il semble que désormais la magistrature du siège soit moins docile qu’elle ne l’était
auparavant dans la mesure où elle fait preuve d’une plus grande indépendance à l’égard du
pouvoir politique et d’un plus grand pragmatisme lorsqu’il s’agit de trancher un problème de
droit ayant trait à la criminalité politique. En conséquence, en vertu de leur indépendance, les
juridictions pénales commencent à constituer au XIXème siècle un outil efficace de
modération1172, de rationalisation du droit et de pragmatisme.
Dès lors, peut-on constater un gage de clémence qui transparait à travers deux facteurs. Le
premier concerne l’application généralement généreuse que font les juridictions à l’égard des
amnistiés (§ I), le second résulte directement de l’application de la peine capitale, laquelle
alors même qu’elle n’est pas encore abolie en matière politique, tend à tomber en désuétude
notamment au regard de la hausse constante des commutations de peines prononcées par le
souverain (§ II).

§ I – L’application jurisprudentielle des mécanismes


de pardon

Dès la Restauration les gouvernements ont pris l’habitude d’amnistier les crimes et les délits
politiques afin d’apaiser les conflits et les tensions politiques 1173. Aussi la jurisprudence

1172
Selon J. Larrieu (op. cit., p. 814), il est possible de dater cette modération de la justice pénale à l’égard des
délinquants politiques à l’époque du Directoire. En effet, les juges civils et les juges de paix se montraient « peu
sévères lorsqu’ils avaient à juger au pénal les ennemis de la Révolution ». Il faudra attendre l’avènement de la
Monarchie de Juillet pour que cette « tendance modératrice » se propage de manière générale au sein des cours
et des tribunaux.
1173
Cf. supra, Section II, § II. Cf. également R. Rodière, op. cit., p. 182. Selon cet auteur l’amnistie des
infractions politiques fut courante au XIX ème siècle dans la mesure où « chaque révolution amnistiait ceux qui
sous le régime antérieur avaient soutenu la cause dès lors triomphante ». En outre, lorsque plusieurs années
s’étaient écoulées, le nouveau gouvernement avait également pris l’habitude d’amnistier « les derniers tenants
du régime aboli encore dans les prisons ».
intervient-elle fréquemment afin de préciser ou d’interpréter la pensée du gouvernement
lorsque ce dernier prend une ordonnance d’amnistie.
Force est de constater que tout au long du XIXème siècle, un certain nombre de règles sont
définies, établies ou adaptées par la jurisprudence, principalement concernant la pénalité dont
sont assortis les crimes et délits politiques qui font l’objet d’une amnistie.
Il est particulièrement intéressant d’observer que, lorsqu’elles sont saisies de questions
relatives à des amnisties, les juridictions inclinent le plus souvent vers une certaine
bienveillance à l’égard du délinquant politique.
C’est ce dont témoignent les auteurs d’une note insérée au Recueil Sirey1174 concernant un
arrêt du 8 février 1817 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Selon ces auteurs,
parce que la distinction entre infractions politiques et infractions de droit commun est difficile
à établir, il convient en cas de doute « de se décider pour le parti le plus favorable : celui qui
fait entrer le fait dans l’amnistie ».
Si cette règle vaut lorsqu’il y’a un doute sur la nature politique ou non d’une infraction, le
plus souvent les juridictions qualifient assez aisément de politique ou de droit commun un
crime ou un délit donné. Dès lors que l’infraction est reconnue comme faisant partie du droit
commun, les effets de l’amnistie doivent évidemment être exclus.
C’est ainsi que dans un arrêt du 10 septembre 1830 1175, la Cour de cassation considère qu’une
ordonnance du 2 août 1830 relative à l’amnistie de délits politiques de la presse n’est pas
applicable à un délit de diffamation commis contre des particuliers.
Bien qu’il émane d’un journal, le délit en l’espèce n’a pas la qualité de délit politique d’une
part parce qu’il a été commis contre des particuliers et d’autre part, parce qu’il n’a fait l’objet
de poursuites que sur la requête des individus diffamés1176.
De plus, si les faits compris par la nature de l’amnistie doivent être strictement appréciés, il en
est de même concernant la période sur laquelle elle s’étend. Telle est la position de la Cour de
cassation, qui, dans un arrêt du 20 avril 18331177, distingue les notions de « date » d’adoption
d’un texte et de promulgation.
Elle explique qu’on ne peut pas étendre le bénéfice d’une ordonnance d’amnistie à des faits
commis ultérieurement à son adoption. Notamment elle considère qu’à la différence des

1174
Cf. note 3 sous Cass. Crim., 8 février 1817, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1817, I, p. 279.
1175
Cf. annexe n° 151.
1176
Cette position de la haute juridiction est confirmée dans un arrêt du 22 septembre 1832 concernant des faits
de diffamation par voie de presse à l’égard d’un fonctionnaire public. Cf. annexe n° 152.
1177
Cf. annexe n° 153.
autres textes qui obligent les citoyens, les amnisties n’ont d’effet qu’à l’égard des infractions
commises avant la date de l’adoption de l’ordonnance et non celles qui sont commises entre la
date de son adoption et celle de sa promulgation1178.
Selon la haute juridiction, « les ordonnances d’amnistie doivent, dans leur application, être
restreintes aux délits qui étaient commis au moment même de leur date. On ne peut en étendre
les effets aux délits commis dans l’intervalle qui s’écoule entre cette date et l’époque après
laquelle les lois et ordonnances sont réputées connues a partir de leur promulgation : les délais
fixés à cet égard ne sont relatifs qu’aux lois et ordonnances imposant des obligations aux
citoyens ».
En conséquence les faits compris par l’amnistie s’imposent au juge, lequel ne doit pas donner
suite aux poursuites qui seraient entreprises tant postérieurement que concomitamment contre
l’auteur des faits.
Cette interdiction de statuer résulte d’un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour
impériale de Douai du 1er mars 18601179. En l’espèce la Cour impériale considère que
« l’amnistie décrétée le 16 août 1859 pour tous délits politiques, s’applique même à ceux qui,
quoique antérieurs, seraient poursuivis postérieurement et le juge doit déclarer qu’il n’y a lieu
à statuer ».
En outre, lorsque le caractère politique d’un délit est reconnu et que ledit délit fait l’objet
d’une amnistie, celle-ci est irrévocable et la renonciation de son bénéfice par l’individu
amnistié est sans effet.
Ainsi en a estimé la Chambre criminelle au terme d’un arrêt du 10 juin 1831 1180. La Cour de
cassation considère que « la renonciation au bénéfice d’une ordonnance d’amnistie est sans
effet devant les tribunaux. En conséquence, est non-recevable le pourvoi en cassation contre
un jugement de condamnation qu’une ordonnance d’amnistie a déclaré non avenu »1181.
Par ailleurs il convient d’observer que l’amnistie peut aussi bien abolir purement et
simplement la peine, que la réduire. La question s’est posée concernant une ordonnance
d’amnistie qui avait opéré, à défaut d’extinction, un abaissement de la peine en substituant à
une peine de déportation, un placement sous la surveillance de la haute police.

1178
Cet arrêt est confirmé par deux autres arrêts, l’un de la Chambre criminelle en date du 17 août 1838, in.
Recueil Sirey-Devilleneuve, 1838, I, p. 316 ; et le second en Assemblée en date du 16 juillet 1839, in. Recueil
Sirey-Devilleneuve, 1839, I, pp. 634 à 637.
1179
Cf. annexe n° 154.
1180
Cf. annexe n° 155.
1181
Cf. également pour un exemple d’application, l’arrêt de la Cour d’assises de la Seine du 5 juin 1837, in.
Journal du Droit Criminel, 1837, art. 1979, pp. 136 et 137.
Dans un arrêt du 1er septembre 18371182, la Cour de cassation considère que « le droit
d’amnistie ou de grâce emporte non seulement le droit d’abolir la peine, mais encore celui de
l’abaisser à un degré inférieur dans l’ordre légal des pénalités ».
De la même manière, la Chambre criminelle a reconnue dans un arrêt du 18 février 1864 1183
que l’amnistie emporte l’abolition aussi bien de la peine principale que des peines accessoires.
Il résulte de cet arrêt que « l’amnistie a pour effet d’emporter abolition complète des crimes et
délits auxquels elle est relative, et de ne rien laisser subsister des condamnations
antérieurement encourues à raison de ces crimes ou délits.
Ainsi, spécialement, elle efface l’interdiction des droits civiques et politiques prononcée
accessoirement à la peine de l’emprisonnement, aussi bien que cette peine principale elle-
même »1184.
Néanmoins en vertu de deux arrêts de la Chambre civile de la Cour de cassation en date du 19
mai 18481185 et du 9 février 18491186, lorsque l’affaire est pendante, le juge peut et doit
toujours se prononcer sur l’action civile, nonobstant l’abolition des peines opérée par
l’amnistie. Ainsi, seule l’action publique est éteinte, l’action civile des parties lésées demeure.
Pour la haute juridiction, « les actes d’amnistie n’anéantissent que l’action publique résultant
des crimes ou des délits auxquels ils s’appliquent, et laissent subsister de plein droit l’action
civile des parties lésées, quand ils ne déclarent pas le contraire. Il en est ainsi particulièrement
de l’amnistie prononcée par le décret du Gouvernement provisoire du 29 février 1848, qui a
annulé toutes condamnations pour faits de presse, et aboli toute poursuite commencée à raison
de ces faits ».
Par ailleurs, les juridictions et notamment la Cour de cassation ont souvent à rappeler que le
bénéfice d’une amnistie est subordonné à des éléments tenant à la personne du justiciable.
L’une des questions principales posées à ce sujet concerne le passé pénal d’un délinquant.
Il convient d’observer à ce titre que l’amnistie produit des effets quant à la récidive et quant
aux circonstances atténuantes. Dans la mesure où elle a pour effet d’effacer jusqu’à la
condamnation de l’individu compris dans l’ordonnance, l’amnistie entraine comme

1182
Cf. annexe n° 156.
1183
Cf. annexe n° 157.
1184
Cette jurisprudence vient indirectement confirmer deux jurisprudences antérieures du 31 juillet 1850 et du 8
décembre 1851. Ces arrêts portent que l’amnistie accordée à des condamnés qui sont morts civilement, revalide
de plein droit leur mariage et leur communauté lesquels étaient dissous par l’effet de la mort civile. Cf. à ce titre
Ch. Req., 31 juillet 1850, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1850, I, pp. 672 et 673 ; Cass. Civ., 8 décembre 1851,
Recueil Sirey-Devilleneuve, 1851, I, pp. 215 à 218 ; et Ch. Req., 31 juillet 1850, Recueil Sirey-Devilleneuve,
1850, I, pp. 672 et 673.
1185
Cf. annexe n° 158.
1186
Cf. Cass. Civ., 9 février 1849, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1849, I, pp. 240 et 241.
conséquence l’interdiction faite au juge de retenir au titre de la récidive une condamnation
antérieurement amnistiée, et de priver le prévenu du bénéfice des circonstances atténuantes.
Ce double principe résulte d’un arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 1844 1187, au terme
duquel la Cour considère que « un individu amnistié, qui commet un nouveau délit, ne doit
être ni condamné aux peines de la récidive, ni privé du bénéfice des circonstances
atténuantes »1188.
De plus, sauf dispositions contraires contenues dans l’ordonnance d’amnistie, celle-ci profite
aussi bien aux condamnés qui purgent leur peine, qu’aux contumaces. Aussi ne convient-il
pas de distinguer selon que l’individu soit ou non un contumace.
Ce principe est rappelé et mis en application par un arrêt de la Cour d’assises de la Vendée du
3 juin 18461189. Il résulte de cet arrêt que « l’ordonnance d’amnistie en faveur de toutes
personnes détenues ou non détenues à raison de certains crimes ou délits, s’applique même
aux condamnés par contumace ».
Il convient également de noter que l’amnistie ne concerne que les auteurs des faits qu’elle vise
et en aucun cas leurs complices. C’est ainsi qu’en matière de complicité, la Cour de cassation
rejette constamment la demande d’extension de lois d’amnisties au bénéfice des complices de
l’auteur principal.
Cette règle vaut aussi bien en matière forestière que militaire ou politique. Il s’agit d’une
jurisprudence ancienne dont une des premières décisions a été prise à travers un arrêt du 8
mars 18111190.
Dans cet arrêt la Chambre criminelle considère que « l’amnistie accordée aux auteurs de
dévastation commises dans les forêts, est sans application au maire qui s’est rendu complice
de ces dévastations ».
Notons enfin que certains éléments relevant de la volonté du délinquant sont parfois pris en
considération par le juge afin de déterminer le caractère politique d’une infraction, pour

1187
Cf. annexe n° 159.
1188
Cette décision est confirmée par un autre arrêt de la Chambre criminelle du 4 janvier 1851. La haute
juridiction considère que « les condamnations couvertes par une amnistie ne peuvent servir de base à
l’application des peines de la récidive dans le cas de délit ultérieur commis par l’amnistié ». Cf. Cass. Crim. 4
janvier 1851, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1851, I, pp. 550 à 552.
1189
Cf. annexe n° 160.
1190
Cf. Cass. Crim., 8 mars 1811, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1811, I, pp. 303 et 304.
pouvoir la comprendre ou l’exclure du champ d’application d’une amnistie 1191. En atteste un
arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour impériale de Paris du 19 novembre 18591192.
Aux termes de ce arrêt, la Chambre correctionnelle considère que l’amnistie du 16 août 1859
relative aux délits politiques « ne s’applique pas au délit de provocation à des attroupements
non armés, qui est prévu par l’art. 6 de la loi du 7 juin 1848, lorsque la provocation et
l’attroupement n’avaient pour objet qu’un conflit d’intérêt purement local et communal ».
Si la subjectivité est une donnée déterminante quant à l’application d’une amnistie, la
jurisprudence dans son ensemble est relativement attentive aux particularités du délinquant
politique.
A côté de la question particulière des amnisties, la question de la peine capitale est
fréquemment mise à l’ordre du jour et est appliquée de manière de plus en plus favorable au
délinquant politique.

§ II – Le déclin de l’usage de la peine capitale en


matière de crimes politiques

Au sommet de l’échelle des peines se situe la peine capitale. Cette peine a toujours été
appliquée contre les criminels politiques les plus dangereux. Or, au XIX ème siècle se pose une
difficulté majeure quant à l’estimation de l’usage de la peine capitale en matière politique
dans la mesure où les comptes généraux de la justice criminelle restent relativement discrets
sur l’étendue de la peine capitale à l’égard des criminels politiques1193.
En effet, depuis 1825, date à partir de laquelle les gardes des sceaux établissent chaque année
un compte général de la justice criminelle, la nature des crimes ayant entraîné des
condamnations à la peine de mort et à leur exécution, demeure très générale.
Aussi ne retrouve-t-on que des références génériques relatives à des assassinats, à des
tentatives d’assassinats, à des meurtres, à des parricides, à des infanticides voire à du faux
monnayage.

1191
Il convient toutefois de noter que cet arrêt s’inscrit dans le sens d’une jurisprudence minoritaire tendant à
prendre en considération le mobile de l’agent pour déterminer le caractère politique d’une infraction. Il s’agit là
d’une manifestation de la théorie subjective du délit politique.
1192
Cf. annexe n° 161.
1193
Hormis les années 1831, 1832 et 1833. Pour ces trois années seulement le compte général de la justice
criminelle distingue les condamnés à mort pour des crimes politiques des autres condamnés à mort pour crimes
de droit commun. Sur un total de 32 condamnés à la peine capitale durant ces trois années, 5 sont exécutés (1 en
1832 et 4 en 1833). Cf. P. Vielfaure, op. cit., p. 589.
L’aspect général de ces références constitue une lacune importante dans la mesure où elles
comprennent au titre des catégories de crimes évoqués, aussi bien des crimes de droit
commun que des crimes politiques sans les distinguer.
En conséquence il est pratiquement impossible de déterminer un pourcentage de criminels
politiques parmi un nombre donné d’individus exécutés ou condamnés à mort puis graciés.
En dépit de ces lacunes, on peut néanmoins raisonnablement affirmer que, malgré la clémence
générale qui tend à émerger de la jurisprudence et des décisions pénales à l’égard des
délinquants politiques, lorsque l’État est confronté à une crise politique ou sociale importante,
les sanctions prises à l’encontre de la délinquance politique sont particulièrement sévères.
C’est notamment en vertu des articles 86 et 87 du Code pénal, que sont punis de mort les
individus convaincus d’assassinat ou de tentative d’assassinat sur la personne du chef de
l’État (le roi ou l’empereur) ou sur certains membres de sa famille dans le premier cas, ainsi
que les auteurs d’attentat dont le but est soit de changer ou de détruire le gouvernement ou
l’ordre de successibilité au Trône, soit d’exciter les habitants à s’armer contre l’autorité du
chef de l’État dans le second cas.
Ces crimes font l’objet d’une sévérité exceptionnelle eu égard à la gravité majeure qu’ils
représentent. Dès lors, que les juridictions soient de droit commun ou d’exception, et quelles
soient composées de personnel militaire, de magistrats professionnels ou qu’elles soient
échevinales, toutes recourent presque systématiquement à la peine capitale lorsque les articles
86 ou 87 du Code pénal sont retenus au titre de la qualification pénale.
De nombreux exemples attestent de cette rigueur justifiée d’une part au regard de la gravité du
crime et d’autre part au regard du contexte particulièrement tendu que traverse le pouvoir
politique. Sont ainsi condamnés à mort puis exécutés le duc d’Enghein sous le premier
Empire, le maréchal Ney ou encore le régicide Louvel, sous la seconde Restauration.
A coté de ces célèbres exécutions, il convient de se reporter à R. Charvin 1194 qui dresse une
liste pertinente des grands arrêts de condamnations à mort de criminels politiques. On peut
alors citer les nombreuses condamnations prononcées aux lendemains des insurrections du 9
mai 1816 à Lyon, Nîmes, Carcassonne, Orléans et au Mans, de même que les exécutions
prononcées à l’issue de la conspiration de Nantil en 1821, ainsi que les exécutions des quatre
sergents de la Rochelle en 1822 ou encore celles qui ont suivi les émeutes de juin 1832.
De la même manière, certains révolutionnaires particulièrement dangereux pour le pouvoir
politique sont condamnés puis exécutés pour tentative d’attentat sur le chef de l’exécutif.
1194
R. Charvin, op. cit., p. 114.
C’est notamment le cas pour Fieschi, Morey et Pépin en 1836, Meunier en 1837, Lecomte en
1846 ou encore pour le républicain Aliband1195.
Ces exécutions interviennent pour la plupart dans le cadre d’un contexte relativement troublé
d’oppositions ou de rancunes contre les gouvernants ou la forme du gouvernement, et elles
sont pour le pouvoir politique, un gage d’exemplarité, de dissuasion et d’élimination physique
de ses ennemis les plus intrépides.
Pourtant les exécutions au titre de condamnation pour crime politique tendent à disparaitre.
D’une part le rapport entre le nombre de condamnations à la peine capitale pour crime
politique sous la Monarchie de Juillet et le nombre d’exécutions effectives, est relativement
bas. Lorsqu’il y a une condamnation à mort suivie d’exécution, « il faut y rechercher un
crime vulgaire, un mobile bas et intéressé1196 ».
D’autre part ces exécutions disparaissent purement et simplement avec l’abolition de la peine
de mort en matière politique en 1848. Cette disparition n’est toutefois que temporaire dans la
mesure où elle réapparaît à partir du second Empire sous de nouveaux fondements juridiques.
En effet, avec l’abrogation de la loi du 8 octobre 1830 qui réputait politiques les crimes des
articles 86 et 87 du Code pénal, les auteurs d’attentats ou de tentatives d’attentats contre la
personne du prince-président ou de sa famille 1197, ainsi que les auteurs de complots contre la
forme du gouvernement impérial sont désormais considérés comme des criminels de droit
commun.
En conséquence, des peines capitales peuvent de nouveau être prononcées à l’encontre des
auteurs de tels crimes, mais ces condamnations sont prononcées en vertu du droit commun
sans la moindre contradiction du principe abolitionniste de 1848.
Notons enfin que malgré le degré de gravité des crimes considérés comme politiques, la peine
de mort tend de manière générale à décliner au fil du XIX ème siècle1198 ; et, lorsqu’elle est
prononcée, elle tend le plus souvent à être commuée en une autre peine. Ce système
d’adoucissement voit le jour sous la Monarchie de Juillet, période à partir de laquelle « on
évite, le plus souvent possible, de dresser l’échafaud1199 ».

1195
D’autres, comme Blanqui, sont condamnés à mort mais leur peine est commuée en une peine de degré
inférieur.
1196
A.-W. Homad Sultan, op. cit., p. 58.
1197
Il s’agit d’une loi d’exception qui prendra fin avec la chute du gouvernement impérial. En effet, les délits
politiques et les délits de presse seront de nouveau soumis à la compétence du jury par l’article 2 de la loi du 15
avril 1871. Cf. F. Le Comte, op. cit., p. 62 et cf. également E. Trébutien, op. cit., p. 206.
1198
Cf. annexe n° 162.
1199
J. Viaud, op. cit., p. 3.
A ce titre, il convient de citer un passage de F. Hélie et A. Chauveau attestant du sentiment
abolitionniste qui ressort de l’esprit du gouvernement de Louis-Philippe 1200. Selon ces
pénalistes, « l’une des gloires les plus pures de la révolution de 1830 et du gouvernement
qu’elle a fondé, est d’avoir érigé en principe, et maintenu au milieu des orages populaires,
l’abolition de la peine de mort en matière politique : aucune exécution capitale n’a eu lieu,
depuis cette époque, à raison d’un crime purement politique. Le gouvernement a traversé les
agitations de la place publique et les tourmentes qui menaçaient son établissement, avec cette
noble devise inscrite sur sa bannière, et il n’a pas craint de la proclamer à la tribune en face
des périls ».
Il semble en effet que, malgré le contenu très répressif du Code pénal de 1810 qui demeure le
socle du droit criminel du XIXème siècle, tant la magistrature que le jury a d’importants
scrupules à recourir à la peine capitale en matière politique dans la mesure où l’opinion
publique ainsi qu’une part importante de la magistrature considèrent désormais la peine
capitale comme un « châtiment injuste et inutile pour les délits politiques1201 ».
Bien que conservée dans le Code pénal jusqu’en 1848, la peine de mort en matière politique
est massivement contestée tant par la population que par les juristes, voire, à partir des années
1830, que par une partie importante des parlementaires1202.
On ne peut que constater, que d’une manière générale, le recours à la peine de mort, tend à
décroître entre 1825 et 18701203. Le nombre de condamnations à cette peine, comprenant aussi
bien les condamnés contradictoirement que les condamnés par contumace, passe de 176 pour
l’année 1825 à 24 pour l’année 1870. En dépit de quelques pics entre 1826 et 1833, et pour les
années 1841, 1843, 1844, 1846, 1847, 1854, 1855 et 1862, la tendance générale s’oriente vers
un recul progressif du recours à la peine capitale.
De plus, il convient d’observer que le recours à la peine de mort est courant dans les années
1830, années durant lesquelles le nombre de condamnations peut s’élever parfois jusqu’à 200
sur une même année, néanmoins lors de cette période le nombre d’exécutions est
proportionnellement relativement marginal1204. En effet, le taux d’exécutions représente à

1200
A. Chauveau de F. Hélie, op. cit., p. 18. Ces professeurs ajoutent que si le principe de l’abolition de la peine
de mort en matière politique ne fut point inscrit dans la loi et le Code pénal, c’est que le législateur de l’époque
n’avait pas encore pensé que le temps soit venu « de détruire la menace constante qui la loi adresse aux
résolutions criminelles ».
1201
S. Strachounsky, op. cit., p. 46.
1202
Cf. annexe n° 14, sur l’adresse des députés à Louis-Philippe, relative à l’abolition de la peine de mort en
matière politique, le 9 octobre 1830.
1203
Cf. annexe n° 163.
1204
Cf. annexe n° 164.
peine plus de 20 % contre 76 % pour l’année 1851, 69 % pour 1853 ou encore 68 % pour
l’année 1867.
Outre ce phénomène de déclin de la peine capitale, il convient d’examiner que c’est le régime
pénal qui est plus généralement adapté et orienté dans un sens plus favorable envers les
délinquants politiques.

Chapitre 2 – Une politique criminelle adaptée aux 
particularités du délinquant politique

Le régime applicable aux auteurs d’infractions à caractère politique est un régime spécifique
du fait de la nature particulière de ces délinquants. Les délinquants politiques sont soit
considérés comme avoir agit sous de nobles mobiles contrairement aux délinquants de droit
commun et doivent par conséquent mériter un sort plus confortable que les autres, soit ils sont
considérés comme de redoutables adversaires dont les gouvernements doivent se débarrasser
promptement afin « d’assurer leur défense1205 ».
Ainsi, quelle que soit la situation, le délinquant politique est soumis à un régime particulier
différent du droit commun, attestant tantôt d’une grande sévérité fondée sur la raison d’État 1206
conformément à l’esprit du Code pénal de 1810 et tantôt d’un régime de faveur, lequel résulte
d’une lente évolution de la politique criminelle élaborée sous l’empire de certains régimes
politiques du XIXème siècle.
Or, on commence à observer qu’à côté d’une jurisprudence très attentive aux particularismes
de la délinquance politique en ce que les juridictions pénales ordinaires ainsi que la Cour de
cassation témoignent de toute l’étendue de leur indépendance, n’hésitant pas parfois « à
décevoir les gouvernants en manifestant une certaine clémence à l’égard des délinquants
politiques1207 », la législation elle-même intervient dans certains cas en faveur des délinquants
politiques.
C’est ainsi que le régime pénal est progressivement adapté aux particularités inhérentes à la
délinquance politique. Prenant en considération l’individu, on voit qu’une évolution
considérable se produit dans l’élaboration des politiques criminelles. Alors que les Codes
criminels restent empreints d’une certaine sévérité à l’égard de la criminalité de manière

1205
R. Charvin, op. cit., p. 115.
1206
Cf. P. Bastid, op. cit., p. 20. Selon cet auteur, la raison d’État justifie une solution rapide au procès politique
et une procédure le plus souvent secrète afin « d’éviter un trouble prolongé de l’opinion ».
1207
J. Larrieu, op. cit., p. 813.
générale, on voit néanmoins se développer un courant plus modérateur qui prend
progressivement en compte l’individu en adaptant tant le droit pénal de fond que la procédure
criminelle (Section I).
« L’après-procès » est également pris en considération par les législateurs. Dans un souci de
modernisation de la peine, ils élaborent une nouvelle peine au sein de l’arsenal répressif.
L’incarcération qui restait jusque là très exceptionnelle 1208, fait son apparition dans le droit
criminel du XIXème siècle1209. C’est à cette époque que l’emprisonnement va être envisagé
comme peine à part entière. En matière de criminalité politique notamment, l’incarcération va
se substituer aux nombreuses autres peines pour devenir une peine par défaut de plus en plus
souvent prononcée et adaptée à travers certains privilèges au statut particulier de cette forme
de criminalité (Section II).

Section I ­ Un régime pénal adapté aux particularités du délinquant 
politique

Le régime répressif applicable au délinquant politique est un régime en constante mutation en


fonction des aléas de la vie politique et des faits sociaux. A côté de l’importance que prend la
conjoncture dans la détermination du degré de gravité d’une peine, les législateurs du XIX ème
siècle font preuve d’une volonté inédite en adaptant les peines de manière à donner une
certaine latitude au juge dans la détermination de la peine qu’il aura à prononcer en fonction
de la situation dont il est saisi et de la personnalité de l’auteur des faits.
S’il est possible de relever les premiers signes d’une certaine indulgence du juge et de certains
textes1210 notamment en matière de presse, ce phénomène reste encore assez exceptionnel sous
la Restauration. Jusque dans années 1830 le législateur tend à conserver la rigueur héritée du
Code pénal de 1810. Il faut attendre le règne de Louis-Philippe pour que la loi soit orientée
vers une plus grande clémence ou au moins vers un certain pragmatisme.
En adaptant la peine et certaines règles procédurales en fonction de la nature d’une infraction
et en donnant au juge les moyens juridiques d’adapter équitablement la justice qu’il prononce
de manière conforme aux intérêts de la société et à ceux de l’individu, le législateur opère une

1208
Prévue originairement par le Code pénal de 1791 aux articles 20 à 27, elle restait néanmoins exceptionnelle
dans la mesure où en ne pouvant excéder une durée de six ans (art. 26) la détention ne pouvait pas être appliquée
à tous types de crimes ou de délits.
1209
Elle devient la peine principale des infractions relevant de la matière correctionnelle en vertu de l’art. 9 du
Code pénal de 1810. Cet article dispose que « les peines en matière correctionnelle sont, 1° l’emprisonnement à
temps dans un lieu de correction ; 2° l’interdiction à temps de certains droits civiques, civils ou de famille ; 3°
l’amende.
1210
P. Sornay, op. cit., p. 19. Il s’agit notamment des lois sur la presse de 1819.
avancée considérable. Le principe de la personnalisation de la peine reçoit alors sa pleine
consécration.
Ce principe est d’autant plus rigoureusement affirmé lorsqu’il s’agit de se prononcer sur un
crime ou un délit à caractère politique. Afin de répondre aux exigences posées par les
spécificités composant la personnalité du délinquant politique, un certain nombre de réformes
voient le jour et témoignent de ce mouvement de prise en compte de l’individu (§ I).
C’est à cette époque que des réformes sont entreprises en créant, en abrogeant ou en modifiant
des infractions pénales mais également en adaptant la procédure pénale. C’est ainsi qu’à coté
des dispositions relatives aux infractions politiques contenues dans le Code pénal, le Code
d’instruction criminel est aussi modifié en fonction de l’orientation politique poursuivie. Dès
lors, s’impose le constat selon lequel la matière procédurale fait également l’objet de
modifications parfois substantielles (§ II).

§ I – L’adaptation générale du droit criminel vers


une prise en compte de l’individu

En 1791, afin de trouver un remède au caractère arbitraire des lois et notamment des peines, le
législateur était tombé dans l’excès inverse en établissant une rigidité absolue des peines1211.
Cette rigidité avait été partiellement atténuée dans un premier temps par le Code pénal de
1810, puis plus profondément dans un second temps à travers certaines réformes initiées par
le courant libéral et son adaptation aux évolutions de la société. C’est ainsi que la nécessité de
réformer la nature des peines devenait l’une des priorités du législateur.
Pour autant le fondement de la peine restait inchangé1212 et l’utilité demeurait toujours son
objectif principal. Autrement dit, le fondement du droit de punir subsistait, mais l’innovation
résidait dans la nature et dans l’application de la peine laquelle devait subir des changements
considérables.
Cette innovation devait concerner deux aspects de la législation criminelle. Le premier aspect
consistait en une volonté de répondre plus équitablement aux intérêts des criminels et des

1211
E. Boitard, Leçons sur les Codes pénal et d’instruction criminelle, 4ème édition, Paris, 1847, p. 560. « Au
principe de l’arbitraire absolu, ils [le législateur de 1791] substituèrent le principe opposé, celui de la fixité…
Chaque crime, chaque délit se trouva classé dans ce Code, et taxé à des peines temporaires absolument fixes, et
pour l’application desquelles aucune latitude n’appartenait aux juges ».
1212
A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome I, p. 26. « Le Code pénal a été rédigé sous l’empire du système
utilitaire, et de là l’exagération de ses peines. La révision qu’il a subie n’a eu ni pour but ni pour effet de lui
imprimer un nouveau principe […] mais l’accession secondaire d’un principe moral qui se manifeste par
l’atténuation des peines, par une plus juste proportion entre les délits et les châtiments […] Un sentiment
d’humanité y a déposé un germe nouveau […] L’atténuation des châtiments, voilà le véritable esprit de la loi
nouvelle ».
délinquants dans leur ensemble (§ I). A côté de cet aspect général, c’était également la
question du sort du délinquant politique qui était mise en avant et qui se manifestait par
l’élaboration de règles plus appropriées à sa nature particulière (§ II).

A-/ Les principales garanties et évolutions de fond de la


législation pénale du XIXème siècle

En vingt ans, depuis la rédaction du Code pénal de 1810, la société, les aspirations des
Français et leurs besoins ont profondément évolué. L’archaïsme de certaines règles et la
rigidité de la loi font dire à A. Chauveau et F. Hélie 1213 que « la réforme de cette législation
était devenue un besoin public » et à E. Boitard1214, qu’on « ne tarda par à sentir […] que la
loi pénale, ne pouvant prévoir et frapper les crimes en masse, à l’avance et indistinctement,
ne pouvait pas entrer dans ces nuances infinies de moralité […] qu’entre deux meurtres, deux
vols, deux faux ou tout autre crime, il y avait, sous l’identité de nom, sous l’apparente
ressemblance de ces deux crimes [...] d’énormes différences pratiques, dont il fallait tenir
compte ».
Dès lors, la rigueur de la politique criminelle française doit nécessairement s’altérer pour
répondre aux attentes d’une société en constante évolution dans ses mœurs, sa philosophie
politique et dans l’appréciation de la place de l’individu dans la société1215.
C’est dans ce contexte que la loi du 28 avril 18321216, considérée comme l’une des principales
œuvres de la Monarchie de Juillet, vient ponctuellement1217 réformer le système pénal.
Le projet initial est présenté le 31 août 1831 par le garde des sceaux F. Barthe, devant la
Chambre des députés avec le soutien de Louis-Philippe en personne. Pour le ministre et pour
le roi, il est cardinal d’opérer une réforme du Code pénal, lequel est trop sévère au regard des
mœurs de l’époque et demeure de ce fait inefficace et désuet.
Outre la sévérité du Code de 1810, le ministre critique le manque de pertinence et de
cohérence de certaines notions pénales. En effet, il considère la loi en vigueur, trop
« inflexible » et rigide en ce qu’elle ne tient pas compte de la réalité des circonstances et des
auteurs.

1213
Ibid., p. 22.
1214
E. Boitard, op. cit., p. 560.
1215
Pour A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., p. 22, « La marche progressive des idées libérales, l’adoucissement
des mœurs, les discussions philosophiques avaient amené l’opinion à réclamer énergiquement des améliorations
dans le système pénal ».
1216
Cf. Annexe n° 4.
1217
A la déception de certains juristes et parlementaires qui voyaient dans cette loi, une refonte générale du Code
de 1810, la loi d’avril 1832 devait se limiter à quelques parties du Code seulement.
Pourtant, cette critique est loin de faire l’unanimité1218. Pour les uns ce projet est trop timoré
alors que pour les autres il est trop radical. Les premiers souhaitent une réforme globale du
Code de 1810, tandis que les seconds voient d’un mauvais œil un projet aussi « vaste ».
Ce projet illustre toutefois bien la politique de compromis menée par les gouvernements
successifs de Louis-Philippe et la situation difficile dans laquelle ils se trouveront jusqu’à la
révolution de février 1848. Pourtant, cette loi, forte de cent cinq articles 1219, correspond à
l’évolution inexorablement nécessaire de la loi pénale et laissera derrière elle le témoignage
d’un certain pragmatisme.
D’abord elle permet au juge d’adapter la peine qu’il prononce à l’acte dont il a à apprécier la
substance.
A ce titre, l’article 304 du Code pénal punissait de la peine capitale, le meurtre qui avait eu
lieu antérieurement, concomitamment ou postérieurement à la réalisation d’un autre crime ou
délit. La rédaction originaire de cet article n’exigeait alors, pour prononcer cette peine, aucun
lien entre le meurtre et les autres infractions.
Désormais, le juge doit nécessairement constater un lien de causalité entre les infractions, sauf
cas de concomitance1220. Ainsi, le juge doit dorénavant être particulièrement attentif à la
nature des actes et relever un lien entre eux. Néanmoins cette évolution est limitée par
l’exception que constitue la simultanéité des infractions.
De la même manière, l’article 309 du Code pénal punissait de la réclusion l’auteur de coups et
blessures ayant entraîné une incapacité de travail de plus de vingt jours. La nouvelle rédaction
ajoute une condition à la qualification de cette infraction, prenant en compte l’intention du
délinquant.
Dorénavant est posée la condition que les coups aient été donnés volontairement. Là aussi, le
juge devra être particulièrement attentif à la nature des faits et relever l’intention afin de
retenir ou non la qualification de l’article 309.
Ensuite, en établissant un régime propre à l’enfance délinquante, cette loi permet au juge de
s’adapter à la personnalité du délinquant et spécialement à l’âge de ce dernier.

1218
P. Vielfaure, op. cit., p. 349.
1219
Cf. annexe n°4. Les douze premiers articles concernent le Code d’instruction criminelle. Les quatre vingt
treize articles suivants réforment le Code pénal.
1220
La rédaction de l’article par la commission, grâce au soutien de la Chambre des pairs, l’emporte sur celle qui
émanait de la Chambre des députés. Le législateur préféra encore une fois le compromis entre clémence et
sévérité. Ainsi, il pallia le défaut de causalité entre plusieurs infractions par la règle de la concomitance.
Cf. P. Vielfaure, op. cit., p. 353.
En dépit de l’aspect moral de la loi à travers ses dispositions 1221 relatives à la répression des
auteurs d’agressions sur des enfants, un autre aspect témoigne du principe d’individualisation
de la peine dont est imprégnée la loi du 28 avril 1832 relativement protectrice à l’égard des
enfants.
Comme l’énoncent A. Chauveau et F. Hélie 1222, la loi couvre l’enfance d’une présomption
d’innocence au titre de la règle de l’irresponsabilité à travers les excuses de l’âge. Aussi
l’enfant jouit-il d’un régime d’exception relativement favorable – mais qui décroît avec les
années - et qui consiste à laisser la charge de la preuve de la réalisation de l’infraction et du
discernement du mineur à l’accusation1223. Cette présomption s’altère toutefois avec l’âge et le
développement du discernement de l’enfant1224.
Or la difficulté est de déterminer de manière absolue l’âge auquel doit commencer
l’imputabilité1225. A défaut de réponse scientifiquement absolue, la doctrine est amenée à
développer une théorie fondée sur le pragmatisme 1226 et le législateur à fixer « arbitrairement »
l’âge de seize ans, tout en laissant au juge la latitude d’apprécier les circonstances1227.
En outre, le législateur étend le régime protecteur de l’enfance délinquante à tout mineur,
quand bien même celui-ci aurait agit avec discernement. Ainsi, en matière criminelle, par
l’article 361228 de la loi du 28 avril 1832 (codifié à l’article 67 du Code pénal), un délinquant
1221
Articles 76, 77 et 78 de la loi du 28 avril 1832 (codifiés aux articles 331, 332 et 333 du Code pénal).
1222
A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome I, p. 480. « La loi, écrivent-ils, doit se borner à couvrir les actes de
l’enfance par une présomption d’innocence. Cette présomption favorable, qui la protège et la défend, satisfait à
toutes les exigences de la justice. En effet, personne ne conteste l’irresponsabilité des enfants dans leurs
premiers ans ; mais plus ils avancent en âge, plus cette excuse devient douteuse et s’affaiblit ».
1223
Cf. infra, § II.
1224
A. Chauveau et F. Hélie (op. cit., Tome I, p. 481) expliquent l’évolution de l’irresponsabilité en fonction du
développement dans le temps de l’enfant et/ou de son discernement. Lors de la plus basse enfance, l’excuse de
l’âge est d’abord une preuve dirimante de son innocence, puis se transforme en une simple présomption, pour
enfin disparaître lorsqu’il devient adulte (lorsqu’il atteint l’âge de seize ans). La présomption est alors inversée.
1225
Pour le professeur Rossi (op. cit., Tome II, p. 26), la détermination d’un âge plancher fixe permettant
l’irresponsabilité pénale est dans le principe impossible, et dans la pratique, contestable. Il considère en effet
qu’il est « impossible de déterminer a priori le moment où la raison prend dans l’homme ce développement qui
légitime l’imputation pénale » ; qu’en outre le caractère subjectif doit tenir un rôle cardinal, chaque enfant
évoluant différemment des autres ; et qu’au surplus, il est strictement impossible de déterminer à quel moment
de sa vie, un individu a « dû posséder les qualités d’où résulte l’imputabilité morale ».
1226
Selon P. Rossi, (ibid.) il faut que le juge compare l’ensemble des faits et des circonstances afin de parvenir à
déterminer au cas par cas, l’imputabilité morale réelle.
1227
A. Chauveau et F. Hélie (op. cit., Tome I, p. 482) confirment l’existence du droit dont disposent les juges de
constater et d’apprécier le discernement de l’enfant, et de l’absoudre quel que soit son âge
1228
Art. 36 : S'il est décidé qu'il a agi avec discernement, les peines seront prononcées ainsi qu'il suit :
S'il a encouru la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, de la déportation, il sera condamné à la peine de
dix à vingt ans d'emprisonnement dans une maison de correction.
S'il a encouru la peine des travaux forcés à temps, de la détention ou de la réclusion, il sera condamné à être
renfermé dans une maison de correction pour un temps égal au tiers au moins et à la moitié au plus de celui pour
lequel il aurait pu être condamné à l'une de ces peines.
Dans tous les cas, il pourra être mis par l'arrêt ou le jugement sous la surveillance de la haute police pendant cinq
ans au moins de dix ans au plus.
S'il a encouru la peine de la dégradation civique ou du bannissement, il sera condamné à être enfermé d'un an à
cinq ans dans une maison de correction.
mineur, totalement conscient de ses actes, ne pourra encourir certaines peines trop rigoureuses
comme la peine capitale, les travaux forcés, la détention, la réclusion ou la déportation. Selon
la gravité de ses actes et leur nature, il s’exposera à des peines de maison de correction et/ou à
titre accessoire, de surveillance de la haute police.
Par ailleurs, le mineur auteur d’un crime, bénéficie d’un autre privilège. En effet, pour
certains crimes, le législateur de 1832 procède à une correctionnalisation à travers l’article
371229 de la loi (article 68 du Code pénal).
Ainsi tout mineur de seize ans, à condition de ne pas avoir de complice d’un âge supérieur à
seize ans et de ne pas encourir certaines peines 1230, sera justiciable des tribunaux
correctionnels.
En outre, le mineur de 16 ans jouit d’un régime répressif sui generis et toujours favorable en
matière délictuelle. L’article 381231 de la loi de 1832 (article 69 du Code pénal) prévoit à son
égard, un plafond dans l’échelle des peines, que le juge ne pourra pas dépasser. Le mineur est
ainsi prémuni légalement du caractère rigoureux de certaines peines, en ce qu’il est assuré
d’encourir un taux inférieur ou égal à la moitié des peines prévues en matière délictuelle.
Enfin, par son article 201232 (article 22 du Code pénal), la loi du 28 avril 1832 exonère le
mineur de la peine de l’exposition publique et opère une extension de la majorité pénale, qui
passe de 16 à 18 ans, dans ce cas déterminé. Ainsi tout mineur de 18 ans au moment des faits,
quelle que soit la peine principale encourue, ne pourra subir à titre accessoire – ni même à
titre principal – l’exposition publique.
Notons néanmoins qu’en certaines dispositions, sous prétexte de vouloir adoucir la loi pénale
en permettant au juge de graduer la peine au regard de la nature d’une infraction ou de la
personnalité du délinquant, la loi du 28 avril 1832 s’avère plus sévère, malgré ses apparents
desseins d’indulgence.

1229
Art. 37 : L’individu âgé de moins de seize ans qui n’aura pas de complices présents au-dessus de cet âge, et
qui sera prévenu de crimes autres que ceux que la loi punit de la peine de mort, de celle des travaux forcés à
perpétuité, de la peine de la déportation ou de celle de la détention, sera jugé par les tribunaux correctionnels, qui
se conformeront aux deux articles ci-dessus.
1230
Cette correctionnalisation n’a lieu que si la peine prévue pour l’infraction commise est la mort, les travaux
forcés à perpétuité, la déportation ou la détention.
1231
Art. 38 : Dans tous les cas où le mineur de seize ans n’aura commis qu’un simple délit, la peine qui sera
prononcée contre lui ne pourra s’élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné, s’il
avait eu seize ans.
1232
Art. 20 : Quiconque aura été condamné à l'une des peines des travaux forcés à perpétuité, des travaux forcés à
temps ou de la réclusion, avant de subir sa peine demeurera durant une heure exposé aux regards du peuple sur la
place publique. Au-dessus de sa tête sera placé un écriteau portant, en caractères gros et lisibles, ses noms, sa
profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation.
En cas de condamnation aux travaux forcés à temps ou à la réclusion, la cour d'assises pourra ordonner par son
arrêt que le condamné, s'il n'est pas en état de récidive, ne subira pas l'exposition publique.
Néanmoins l'exposition publique ne sera jamais prononcée à l'égard des mineurs de 18 ans et des septuagénaires.
Comme le souligne P. Vielfaure1233, le législateur de 1832, afin de « mieux proportionner la
peine à la gravité de l’acte », est conduit à ériger de nouvelles infractions. Aussi cet auteur
prend-il comme exemple celui de l’article 317 du Code pénal concernant la répression de
l’avortement.
Jusqu’en 1832, celui qui administrait des substances nuisibles à la santé était punissable
qu’autant que ces substances étaient mortelles. A partir de 1832, le simple fait d’administrer
des substances nuisibles à la santé, à condition qu’il résulte de leur administration une
incapacité de travail, constitue selon la gravité des effets, un crime ou un délit.
Malgré cette exception, dans son ensemble la loi du 28 avril 1832 témoigne de la volonté
générale du législateur de donner au juge des outils et des règles lui permettant d’être plus
proche de la réalité et ainsi d’y répondre avec une plus grande rectitude et une plus grande
justesse.
Or, à côté de ce régime général applicable à l’ensemble des justiciables, les législateurs du
XIXème siècle sont spécialement attentifs au statut particulier du délinquant politique. C’est
ainsi que le plus souvent, ils élaborent une législation plus favorable pour ce type de
délinquants, notamment en ce qui concerne la peine.

B – Un régime pénal adapté à travers l’établissement d’une


échelle de peines spécifique

Historiquement, les peines déployées à l’égard des justiciables de la justice politique ont
toujours disposé d’une nature particulière. Que la justice soit rendue par les gouvernements
eux-mêmes, par des cours politiques, des conseils de guerre, des juridictions d’exception ou
encore par des juridictions de droit commun, dans tous les cas la peine appliquée au
condamné politique a toujours relevé d’une nature spéciale.
Cette spécificité s’explique notamment à travers l’idée que le condamné politique est
systématiquement considéré ou traité comme un ennemi du pouvoir en place1234, quel que soit
le climat social, qu’il soit empreint d’hostilité, de crainte, de tolérance ou de sympathie à
l’égard des condamnés politiques.
1233
P. Vielfaure, op. cit., p. 354.
1234
En effet, au regard de la nature particulière du crime ou du délit commis par le délinquant politique, parce
que son infraction porte atteinte directement ou indirectement à l’État, à ses intérêts ou à son fonctionnement, le
délinquant politique est considéré et traité par le pouvoir politique comme un véritable ennemi. Ce sentiment est
unanimement partagé par l’ensemble des institutions ; aussi bien le législateur que le juge assimile le délinquant
politique à un ennemi de l’État. La différence portera selon les situations sur la coloration de la répression qui
sera plus sévère lorsque le contexte est troublé, ou plus clémente si la situation sociale et politique est calme.
Cf. J. Ortolan, op. cit., p. 308. Selon ce professeur, « quelle que soit la justice avec laquelle l’idée de culpabilité
et de châtiment mérité puisse y être mêlée, la peine du délit politique aura toujours en son principe quelque
chose des mesures qu’on applique à un ennemi : le législateur pénal en l’organisant ne doit pas perdre de vue
ce caractère ».
C’est en vertu de ce sentiment relatif à la nature particulière du délinquant politique, que les
gouvernements et les législateurs ont établi depuis l’antiquité une législation assez sévère.
Or, avec la prise en considération de l’individu et la nécessité d’appliquer des peines adaptées
à sa personnalité et aux faits qu’il a commis, les législateurs du XIX ème siècle tendent à
adapter l’arsenal pénal et répressif au délinquant politique.
En outre, traditionnellement la propriété des peines applicables au condamné politique était
indifférente à la société. Or, on constate que progressivement les gouvernements prennent
conscience de l’impact que peut constituer une condamnation politique au sein de l’opinion
publique, en ce sens que le délinquant politique provoque habituellement au sein de l’opinion
publique de l’indulgence voire de la sympathie.
La raison principale de ce constat est issue du degré particulier de culpabilité qui entache le
cheminement criminel du condamné politique, laquelle culpabilité « monte ou descend ici sur
une tout autre échelle » dans la mesure où « les passions ou les vices qu’il s’agit de corriger
ou d’amortir sont si différents1235 » de ceux d’un criminel ordinaire.
Il s’agit de l’idée développée en d’autres termes par R. Garraud lorsqu’il écrit que le délit
politique n’a « pas la même immoralité1236 » que le délit de droit commun.
En dépit de l’orientation criminelle des gouvernements, que la politique répressive et que la
pénalité dont les infractions politiques sont assorties tendent vers la rigueur ou au contraire
qu’elles tendent vers la clémence, la peine destinée au délinquant politique s’inscrit toujours
dans une échelle parallèle à l’échelle des peines de droit commun et s’avère adaptée à son
profil.
C’est ce dont témoigne le XIXème siècle, période durant laquelle une innovation majeure se
produit. La pénalité qui naguère manifestait son caractère exceptionnel à travers la sévérité et
la nature excessive dont elle était assortie, conserve certes toujours un caractère exceptionnel,
mais elle s’oriente davantage vers la clémence et la modération.
En effet, il ne s’agit plus de tirer ce caractère exceptionnel de la rigueur de la pénalité, mais au
contraire, consécutivement à un inversement de tendance, il convient de l’appréhender au
regard de la clémence de la peine et surtout au regard de l’adaptabilité de certaines peines au
délinquant politique.

1235
J. Ortolan, op. cit., p. 308.
1236
R. Garraud, op. cit., p. 211.
Désormais, parce que le délinquant politique est reconnu comme avoir agit sous l’empire de
mobiles nobles dans le cadre d’une « lutte désintéressée1237 » et parce qu’un tel délinquant est
recouvert « de la double auréole de la sympathie et du malheur1238 », aussi son sort appelle-t-il
à la mansuétude les législateurs et les magistrats, et lui fait-il bénéficier de peines appropriées
qui sont le plus souvent d’une moindre rigueur.
Comme en témoigne J. Ortolan1239, être un condamné politique devient alors un « titre » dont
cherchent « à se décorer les malfaiteurs lorsqu’ils veulent donner le change sur leur
compte ».
La qualification de délinquant politique est rapidement assimilée à un privilège dans la
mesure où à partir des années 1830, le régime pénal applicable à la criminalité politique
devient un régime de faveur1240.
En effet, il revient au gouvernement de la Monarchie de Juillet d’avoir introduit pour la
première fois dans une législation 1241 un régime de faveur envers les délinquants politiques,
subséquemment à la distinction entre délits politiques et délits de droit commun.
C’est notamment par la loi de révision du Code pénal du 28 avril 1832 que ce changement
s’opère, en procédant à la division des peines en deux échelles 1242, l’une pour les infractions
de droit commun, l’autre pour les infractions politiques1243.
Sont désormais des peines de droit commun : la mort, les travaux forcés à perpétuité, les
travaux forcés à temps et la réclusion ; alors qu’en matière politique les peines sont la mort1244,

1237
J.-Y. Calvez, op. cit., p. 782.
1238
J. Viaud, op. cit., p. 264.
1239
J. Ortolan, op. cit., p. 308.
1240
Néanmoins, comme le développera plus tard K.-F. Hammerich (op. cit., p. 314) dans son rapport sur la
définition du délit politique à l’occasion de la conférence internationale pour l’unification du droit pénal : tous
les délits politiques ne doivent pas pour autant bénéficier systématiquement d’un régime de faveur. Le régime
pénal et particulièrement le régime carcéral de faveur doivent être réservés à certains délits politiques et en
exclure les plus graves. Selon ce rapporteur et membre de la Cour d’arbitrage de La Haye, « le régime
pénitentiaire spécial octroyé en faveur des délits politiques ne devra pas s’appliquer indistinctement à
l’ensemble de ces délits. Ne devront bénéficier d’aucun privilège pénitentiaire les délits qui portent atteinte à la
vie ou à la santé humaine, ou qui ont été perpétrés dans des circonstances qui, selon l’appréciation de l’autorité
compétente en la matière, justifieront l’application de sanctions réservées aux délits de droit commun ».
1241
Il s’agit de la reconnaissance juridique d’un courant d’idées prônant l’application d’un « régime plus
indulgent » au profit des délinquants politiques. Ce courant est apparu lors de la Restauration « sous la plume
des écrivains du parti libéral ». K.-F. Hammerich, ibid., p. 64.
1242
Selon J.-J. Lemouland (op. cit., p. 17), cette loi est la première dans l’histoire de notre droit criminel qui
permet de déterminer « une échelle politique des peines criminelles ».
1243
Toutefois cette loi à elle seule est insuffisante. Comme l’illustrent J. Viaud (op. cit., p. 218) et P. Sornay (op.
cit., p. 21), la réforme de « spécialisation des peines » engagée par la loi de 1832 ne sera « perfectionnée » qu’en
1848 grâce au principe de l’abolition de la peine de mort en matière politique et en 1850, en vertu de sa
substitution par la peine de déportation dans une enceinte fortifiée.
1244
Cette peine perdure jusqu’en 1848. Toutefois, avant 1848 cette peine est le plus souvent commuée dans la
pratique par des lettres de grâce. Cf. supra, Titre I, Chapitre II, Section II, § I.
la déportation dans une enceinte fortifiée 1245, la déportation simple, la détention, le
bannissement et la dégradation civique comme peine principale.
On le voit, il s’agit essentiellement de peines afflictives 1246 ou infamantes. Hormis la détention
qui est une peine récente, de nature purement correctionnelle, toutes les peines infligées aux
auteurs d’infractions politiques relèvent des peines afflictives ou infamantes.
Notons par ailleurs que l’échelle des peines instituée par le législateur de 1832 est considérée
par de nombreux auteurs comme un régime « privilégié1247 » pour plusieurs raisons.
La première raison est que les auteurs de crimes d’État sont désormais exemptés de toute
peine déshonorante1248 dans la mesure où la peine des travaux forcés est réservée aux seules
infractions de droit commun.
En vertu de ses articles 40 à 49 et 63 1249, cette loi introduit à l’égard des délinquants politiques
les peines de déportation, de détention, de bannissement et de dégradation civique1250.

1245
A partir de 1850.
1246
Les peines afflictives et infamantes sont déterminées par l’article 7 du Code pénal de 1810 comme étant la
mort, les travaux forcés à perpétuité, la déportation, les travaux forcés à temps et la réclusion. A côté de cette
première catégorie, on trouve les peines purement infamantes qui sont constituées par le carcan, le bannissement
et la dégradation civique (art. 8).
1247
Cf. notamment K.-F. Hammerich, op. cit., p. 64 ; R. Charvin, op. cit., pp. 106 et 448 ; et J. Viaud, op. cit.,
p. 218.
1248
Le caractère déshonorant de certaines peines telles que la peine des travaux forcés est rapidement critiqué
lorsqu’il s’agit de l’appliquer à des condamnés politiques. Il semble que l’opinion publique ne soit pas étrangère
à l’intervention du législateur de 1832 dans le sens de cette spécialisation des peines. Selon P. Sornay ( op. cit., p.
30), « il ne suffit pas au sentiment populaire que les délinquants politiques bénéficient d’une indulgence
exceptionnelle. Ce n’est pas seulement une diminution de peine qu’il exige, c’est une peine de nature toute
différente. Non seulement il semblerait injuste que les délinquants politiques fussent mêlés dans les prisons aux
assassins ou aux escrocs, mais encore le seul fait de leur appliquer la même peine qu’à ces derniers paraîtrait
excessif. Celui qui a subi une peine de droit commun est « déshonoré », alors qu’on voudrait éviter au contraire
cette marque d’infamie au délinquant politique qui conserve malgré son infraction l’estime du public. Une
prison spéciale pour ces délinquants n’est pas suffisante, il faut des peines spéciales ne comportant aucun
caractère déshonorant ».
1249
Cf. annexe n° 4.
1250
Seule la peine de mort ainsi que les peines correctionnelles restent communes aux infractions de droit
commun et aux infractions politiques. Cf. J. Viaud, op. cit., p. 218, note 2.
Cf. également supra, Première partie, Titre II, Chapitre 2, Section II, pour la liste des infractions désignées par le
législateur de 1830 comme des infractions politiques (art. 75 à 131, 201 à 203, 207, 208, 291 à 294 du Code
pénal et l’article 9 de la loi du 25 mars 1822).
La seconde raison attestant d’un régime pénal plus favorable au délinquant politique est
illustrée par l’article 941251 de la loi de 1832 à travers le principe de la personnalité des peines
illustré résultant du régime des circonstances atténuantes1252.
En effet, en vertu son deuxième alinéa, l’article 94 (nouvel article 463 du Code pénal) prévoit
qu’en matière de crimes attentatoires à la sûreté de l’État punissables de la peine capitale,
dans le cas où le jury retiendrait l’existence de circonstances atténuantes, la Cour devra
adapter la sanction et descendre d’un degré dans l’échelle de peines pour prononcer une peine
de déportation ou de détention1253.
A côté de la loi du 28 avril 1832, d’autres sources juridiques entrainent un régime de faveur
quant à la pénalité applicable au délinquant politique. C’est ainsi que par une circulaire du 5
avril 1841, le gouvernement de Louis-Philippe interdit toute extradition dans les matières
politiques et assure ainsi aux délinquants politiques une certaine sûreté.
Mais également en vertu de la loi des 8 et 16 juin 1850 1254, le régime de la pénalité applicable
à la criminalité politique est amélioré.

1251
Art. 94 : (463) Les peines prononcées par la loi contre celui ou ceux des accusés reconnus coupables, en
faveur de qui le jury aura déclaré des circonstances atténuantes, seront modifiées ainsi qu’il suit :
Si la peine prononcée par la loi est la mort, la cour appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité, ou celle
des travaux forcés à temps ; néanmoins, s’il s’agit de crimes contre la sûreté extérieure ou intérieure de l’État, la
cour appliquera la peine de la déportation ou celle de la détention ; mais, dans les cas prévus par les articles 86,
96 et 97, elle appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité ou celle des travaux forcés à temps.
Si la peine est celle des travaux forcés à perpétuité, la cour appliquera la peine des travaux forcés à temps ou
celle de la réclusion.
Si la peine est celle de la déportation, la cour appliquera la peine de la détention ou celle du bannissement.
Si la peine est celle des travaux forcés à temps, la cour appliquera la peine de la réclusion ou les dispositions de
l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-dessous de deux ans.
Si la peine est celle de la réclusion, de la détention, du bannissement ou de la dégradation civique, la cour
appliquera les dispositions de l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-
dessous d’un an.
Dans les cas où le Code prononce le maximum d’une peine afflictive, s’il existe des circonstances atténuantes, la
cour appliquera le minimum de la peine, ou même la peine inférieure.
Dans tous les cas où la peine de l’emprisonnement et celle de l’amende sont prononcées par le Code pénal, si les
circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux correctionnels sont autorisés, même en cas de récidive, à
réduire l’emprisonnement même au-dessous de six jours, et l’amende même au-dessous de seize francs ; ils
pourront aussi prononcer séparément l’une au l’autre de ces peines, et même substituer l’amende à
l’emprisonnement, sans qu’en aucun cas, elle puisse être au-dessous des peines de simple police.
1252
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 106.
1253
Cela correspond pour les infractions de droit commun à la peine des travaux forcés. Néanmoins, eu égard à la
gravité de certains crimes politiques, l’article 94 aménage une exception au principe de la spécialisation des
peines, admettant le recours aux travaux forcés si la qualification pénale est fondée sur les articles 86, 96 et 97
du Code pénal. Ces hypothèses correspondent respectivement à l’attentat contre la vie ou contre la personne du
roi ou d’un membre de sa famille (art. 86) et à l’organisation ou la participation au sein de bandes armées dans
certains cas (art. 96 et 97).
1254
Cf. annexe n° 165.
L’article 11255 de cette loi prévoit que « dans tous les cas où la peine de mort est abolie par
l’article 51256 de la Constitution, cette peine est remplacée par celle de la déportation dans une
enceinte fortifiée ». Par cette réforme, le législateur entérine le grand principe de l’abolition
de la peine de mort en matière politique proclamé par le constituant de la deuxième
République.
Avant cette loi, il convenait de se reporter à la jurisprudence de la Cour de cassation, laquelle
a eu à se prononcer sur cette question à plusieurs reprises. C’est notamment à travers un arrêt
du 3 février 18491257, que la Chambre criminelle considère qu’en vertu de l’article 5 de la
Constitution de 1848, « l’abolition de la peine de mort, en matière politique a pour effet, non
d’affranchir de toute peine les crimes politiques emportant précédemment la peine capitale,
mais de leur rendre applicable la peine immédiatement inférieure ».
La haute juridiction ajoute qu’en matière de crimes politiques, la peine immédiatement
inférieure à la peine de mort est, « non celle des travaux forcés à perpétuité, mais celle de la
déportation ».
Néanmoins, pour que cette échelle s’impose au juge et qu’elle emporte des conséquences en
matière de peine de mort, encore faut-il que le crime jugé soit un crime considéré comme
purement politique. En d’autres termes, lorsqu’il y a connexité, la Cour de cassation fait
prévaloir l’infraction de droit commun sur l’infraction politique et reconnait la légalité de la
peine capitale.
Dans un arrêt du 9 mars 18491258, alors que les demandeurs condamnés à la peine capitale par
un conseil de guerre pour des faits de rébellion à l’occasion de l’insurrection de juin 1848,
réclament la censure de l’arrêt de condamnation en invoquant entre autres comme moyen, que
le conseil de guerre a commis un excès de pouvoir en violant l’article 5 de la Constitution, la
Chambre criminelle rejette leur demande.

1255
Art. 1er : Dans tous les cas où la peine de mort est abolie par l’article 5 de la Constitution, cette peine est
remplacée par celle de la déportation dans une enceinte fortifiée, désignée par la loi, hors du territoire continental
de la République.
Les déportés y jouiront de toute la liberté compatible avec la nécessité d’assurer la garde de leurs personnes.
Ils seront soumis à un régime de police et de surveillance déterminé par un règlement d’administration publique.
1256
Art. 5 : La peine de mort est abolie en matière politique.
1257
Cass. Crim., 3 février 1849, Recueil Sirey-Devilleneuve, I, pp. 145 à 151. Cf. annexe n° 166.
1258
Cass. Crim., 9 mars 1849, Recueil Sirey-Devilleneuve, 1849, I, pp. 209 à 215. Cf. annexe n° 167. Cette
jurisprudence est confirmée par un autre arrêt de la Chambre criminelle en date du 10 avril 1852, Recueil Sirey-
Devilleneuve, 1852, I, pp. 580 à 582. La Cour de cassation considère aux termes de cet arrêt que « la disposition
de l’art. 304, § I du Code pénal, portant que le meurtre emportera la peine de mort, lorsqu’il aura été précédé,
accompagné ou suivi d’un autre crime, est applicable quelle que soit la nature de cet autre crime, fut-ce un crime
politique ». Elle ajoute que « l’abolition de la peine de mort prononcée par l’art. 5 de la Constitution de 1848 ne
profite qu’aux crimes purement politiques, et non aux crimes de droit commun, connexes avec des crimes
politiques » et qu’en conséquence, « la peine capitale continue d’être applicable au meurtre accompagné d’un
crime politique ».
Afin de rejeter cette demande, la Cour de cassation considère que l’acte aggravant à la
rébellion qui a été retenu à l’encontre des demandeurs, constitue un crime de droit commun et
que la connexité de ce crime avec l’insurrection, ne peut être considérée comme une excuse et
permettre une atténuation de la peine.
En conséquence, la haute juridiction pose le principe selon lequel, le bénéfice de l’abolition
de la peine de mort en matière de crimes politiques ne doit produire des effets que concernant
les crimes purement politiques, et non à l’égard des crimes de droit commun qui seraient
connexes à des crimes politiques.
Cette loi est une des dernières réformes en matière de pénalité relative aux infractions
politiques qui atteste d’un régime de faveur1259. Il faudra attendre la troisième République et
l’année 1885 pour qu’un législateur établisse de nouvelles réformes favorables au délinquant
politique et qui contribueront à élargir la distance séparant le régime pénal applicable au
délinquant de droit commun de celui qui est applicable au délinquant politique.
En l’espèce il s’agit d’une loi du 27 mai 1885. C’est notamment en vertu de son article 3 1260
que cette loi s’avère favorable. Elle vient élargir la liste des règles permettant d’attester du
caractère privilégié du régime applicable aux délinquants politiques. Cet article présente une
particularité supplémentaire en ce qu’il bénéficie non seulement aux infractions purement
politiques, mais également aux infractions qui leurs sont connexes.
Cet article porte sur la relégation et dispose que les autorités judiciaires ne devront en aucun
cas compter les condamnations pour des faits politiques ou pour les faits qui leurs sont
connexes, au titre de la relégation.
Enfin, il convient de citer une dernière loi comme attestant de la spécificité des peines
applicables aux délinquants et criminels politiques. Il s’agit d’une loi des 13 mai et 1 er juin
1863 au terme de laquelle, le bannissement devient une peine exclusivement politique1261.
Or, à la différence des réformes antérieures applicables au régime pénal et carcéral des
délinquants politiques, cette loi ne s’inscrit pas dans un sens de clémence envers les
condamnés politiques dans la mesure où la peine de bannissement peut constituer une
véritable sanction d’ostracisme1262.

1259
Cf. P. Sornay, op. cit., p. 34.
1260
Art. 3 : Les condamnations pour crimes ou délits politiques ou pour crimes ou délits qui leur sont connexes
ne seront en aucun cas comptées pour la relégation ».
1261
Cf. à ce titre P. Sornay, op. cit., p. 21.
1262
Cf. J. Viaud, op. cit., p. 65. Ce juriste fait en l’espèce référence au bannissement perpétuel prononcé en 1830,
puis en 1848 à l’égard des familles royales détrônées. Selon lui, « l’exil prononcé au cours de notre siècle contre
les familles princières n’est ni plus ni moins juste que l’ostracisme : il a le même fondement, mails il est plus
rigoureux, car il est perpétuel et frappe jusqu’à des enfants ».
Notons enfin que l’élaboration d’une échelle de peines spécifique aux infractions politiques
présente un intérêt particulièrement important. Elle entraine des conséquences quant à la
définition même du délit politique dans la mesure où certains auteurs préconisent de partir de
la peine applicable à un crime ou un délit afin de déterminer s’il s’agit d’une infraction de
droit commun ou d’une infraction politique.
Ainsi, lorsque la peine de mort est applicable à un crime, selon cette théorie, le crime sera
considéré comme étant de droit commun, et inversement, lorsque la peine se traduira par une
peine de déportation dans une enceinte fortifiée, le crime sera considéré comme étant de
nature politique.
Cette théorie est notamment développée par E. Garçon1263 lequel considère que l’on peut « à
coup sûr juger du caractère du délit par la nature politique de la peine quand celle-ci est la
déportation, la détention ou le bannissement ». Néanmoins au titre de cette théorie, cet
imminent juriste s’inscrit dans une doctrine minoritaire.
Si le délinquant commun et le délinquant politique bénéficient progressivement d’un régime
pénal plus favorable, les règles procédurales évoluent aussi considérablement au XIX ème siècle
vers plus de pragmatisme et d’équité.

§ II – Une prise en compte de l’individu confirmée


par l’adaptation des règles de la procédure
criminelle

A l’égard des règles procédurales également le caractère libéral des réformes contenues dans
la loi du 28 avril 1832, mérite de retenir l’attention. Cet intérêt résulte de deux aspects de la
loi : la notion des circonstances atténuantes d’une part, et les garanties de la défense d’autre
part.
Déjà la loi du 25 juin 18241264 avait laissé une certaine liberté au juge et permis de « desserrer
un peu l’étau législatif1265 », en introduisant par son article 41266, le recours aux circonstances
atténuantes pour certaines infractions déterminées.

1263
E. Garçon, op. cit., commentaire n° 172.
1264
Moniteur Universel, Samedi 26 juin 1824, n° 178, p. 855. Cf. annexe n° 168.
1265
J.-M. Carbasse, Histoire du droit pénal…, p. 447.
1266
Art. 4 : Les cours d'assises, lorsqu'elles auront reconnu qu'il existe des circonstances atténuantes, et sous la
condition de le déclarer expressément, pourront, dans les cas et de la manière déterminés par les articles 5 et
suivants, jusque et y compris l'article 12, réduire les peines prononcées par le Code pénal.
Ainsi, la mère infanticide (art. 5)1267, l’auteur de violences volontaires ayant entraîné une
incapacité de travail de plus de vingt jours (art. 6)1268, l’auteur de vol ou de tentative de vol
simple sur un chemin public (art. 7)1269 ou par effraction ou escalade dans tout autre lieu (art.
8)1270, ou encore si l’auteur avait moins de seize ans (art. 9)1271, pouvaient désormais bénéficier
d’une appréciation in concreto du juge et obtenir, au gré des circonstances, la condamnation à
une peine moindre que le minimum légal.
Néanmoins, le caractère libéral de cette loi demeurait très étroit, en ce que le texte
subordonnait d’abord le bénéfice des circonstances atténuantes à très peu de situations (art. 5
à 12), qu’il subordonnait ce bénéfice à la nécessité – rationnelle – qu’aucune circonstance
aggravante ne soit constatée (art. 10)1272 et enfin à la qualité des prévenus (art. 12)1273. De
même, seul le juge avait le pouvoir de se prononcer sur les circonstances atténuantes, non le
jury.
Un pas était certes franchi, mais l’œuvre demeurait timide et inachevée. Il faudra attendre les
années 1830 avec la loi du 28 avril 1832, pour que la procédure pénale se modernise vraiment
afin de répondre plus efficacement aux exigences sociales.
Au sein de la multitude de réformes opérées par cette loi, l’une d’entre elles est
particulièrement importante, il s’agit de celle qui établit dans notre droit le régime des
circonstances atténuantes.

1267
Art. 5 : La peine prononcée par l'article 302 du Code pénal contre la mère coupable d'infanticide, pourra être
réduite à celle des travaux forcés à perpétuité. Cette réduction de peine n'aura lieu à l'égard d'aucun individu
autre que la mère.
1268
Art. 6 : La peine prononcée par l'article 309 du Code pénal contre tout individu coupable d'avoir
volontairement fait des blessures ou porté des coups dont il est résulté une incapacité de travail de plus de vingt
jours, pourra être réduite aux peines déterminées par l'article 401 du même code, sans que l'emprisonnement
puisse être au dessous de 3 années.
La peine ne pourra être réduite dans les cas prévus par les articles 310 et 312 du même code.
1269
Art. 7 : La peine prononcée par l'article 383 du Code pénal contre les coupables de vols ou de tentatives de
vols sur un chemin public, quand ces vols auront été commis sans menaces, sans armes apparentes ou cachées,
sans violence et sans aucune des autres actes circonstances aggravantes prévues par l'article 381 du Code pénal,
pourra être réduite, soit à celle des travaux forcés à temps, soit à celle de la réclusion.
1270
Art. 8 : La peine prononcée par l'article 384 du Code pénal contre les coupables de vol ou de tentative de vol
commis à l'aide d'effraction ou d'escalade, pourra être réduite, soit à celle de la réclusion, soit au maximum des
peines correctionnelles déterminées par l'article 401 du même code.
1271
Art. 9 : La peine prononcée par l'article 386 du Code pénal contre les individus déclarés coupables des vols
prévus par le numéro premier de cet article, pourra être réduite au maximum des peines correctionnelles
déterminées par l'article 401 du même code.
1272
Art. 10 : Les articles 2, 3 et 8 de la présente loi ne s'appliquent pas aux vols commis la nuit, ni aux vols
commis par deux ou plusieurs personnes.
Les dispositions de ces articles, ainsi que celles de l'article 9, seront également inapplicables aux vols qui,
indépendamment des circonstances spécifiées dans chacun desdits articles, auront été accompagnés d'une ou de
plusieurs des autres circonstances aggravantes prévues par les articles 381 et suivants du Code pénal.
Les vols dont il vient d'être fait mention continueront à être punis conformément au Code pénal.
1273
Art. 12 : Les dispositions ci-dessus, autres toutefois que celle de l'article 5, ne s'appliquent ni aux mendiants,
ni aux vagabonds, ni aux individus qui, antérieurement au fait pour lequel ils sont poursuivis, auront été
condamnés, soit à des peines afflictives ou infamantes, soit à un emprisonnement correctionnel de plus de six
mois.
Son importance est soulignée par de nombreux auteurs1274 qui voient ce régime comme la clé
de voûte de la loi de 1832, et par le législateur qui l’érige, par l’article 51275 de la loi (article
341 du Code d’instruction criminelle) au rang des principes d’ordre public dont l’omission
entraîne purement et simplement la nullité de la procédure.
C’est notamment à travers sa dualité d’objectifs que cette réforme est fondamentale,
puisqu’elle vise, d’une part à adoucir le droit pénal, et d’autre part à répondre avec la plus
grande justesse à une situation déterminée1276.
Sur ce dernier point, c’est en montrant le lien très étroit qui associe désormais les faits au
droit, que J. Pradel illustre l’intérêt de cette réforme. Selon lui, « les jurés devenaient les
maîtres du jeu : ils allaient tout à la fois voter la culpabilité et éviter la peine de mort. Le
législateur venait d’abaisser la barrière entre le fait, abandonné au jury et la peine, réservée
aux magistrats […] On perçoit aussitôt que fait et droit sont bien imbriqués puisque la
diminution de peine ne peut procéder que d’une diminution de la culpabilité, concept de
fait ».
A. Chauveau et F. Hélie témoignent également de cette idée d’un double dessein consistant en
un adoucissement du droit pénal et une meilleure appréciation des faits. En effet, pour eux
1274
Cf. P. Vielfaure (op. cit., pp. 369 et s.) qui réserve une section complète à cette notion. Il l’évoque comme
étant « l’essentiel de la réforme ».
Cf. J.-P. Royer, op. cit., p. 492. Pour cet historien, la réforme de 1832 est indubitablement la plus célèbre du
XIXème siècle notamment au regard de son caractère libéral et progressiste. A travers la généralisation des
circonstances atténuantes, cette loi opère un déplacement « des centres d’intérêts, de la protection de l’État à
celle de l’individu ».
Cf. également A Chauveau et F. Hélie, op. cit., Tome I, p. 23. Ces auteurs comparent la loi de 1832 à l’une des
plus grandes réformes attestant du caractère philanthropique de la société. S’ils n’envisagent pas directement la
notion des circonstances atténuantes, c’est plus globalement qu’ils illustrent le caractère modérateur et
progressiste de la loi : « Dirigé par une pensée d’humanité, le législateur de 1832 n’a semblé frappé que de
l’échelle pénale ; il a borné sa mission à rétablir plus de proportion entre les peines et les délits ».
Cf. aussi R. Martinage, Punir le crime : la répression judiciaire depuis le Code pénal, 1989, p. 101. Pour elle, le
mécanisme des circonstances atténuantes est un outil particulièrement important dans la loi de 1832 et dans son
dessein de modération des peines : « C’est bien l’utilisation pratique des textes du Code qui entraîne, par le jeu
des réponses du jury aux questions sur les circonstances aggravantes, les circonstances atténuantes et la
culpabilité, l’adoucissement de la répression ».
Cf. enfin A. Bertauld, (op. cit., p. 348). Ce professeur considère que « le système des circonstances atténuantes
[…] s’est épanoui, dans la loi du 28 avril 1832, dans la réforme libérale du Code pénal de l’Empire ». Il ajoute
que certes le système des circonstances atténuantes avait des antécédents, mais l’ancien système était incomplet.
Pour ce professeur, enfin, le système des circonstances atténuantes est une véritable abdication d’une partie de la
souveraineté du législateur au jury en ce qu’il « se déchargeait sur le jury du soin de vérifier si les réformes qu’il
introduisait étaient suffisantes ». Autrement dit, le jury devenait malgré lui un informateur crucial pour le
pouvoir, sur les nécessités et les attentes sociales.
1275
Art. 341 : En toute matière criminelle, même en cas de récidive, le président, après avoir posé les questions
résultant de l’acte d’accusation et des débats, avertira le jury, à peine de nullité, que s’il pense, à la majorité de
plus de sept voix, qu’il existe, en faveur d’un ou de plusieurs accusés reconnus coupables, des circonstances
atténuantes, il devra en faire la déclaration dans ces termes :
« A la majorité de plus de sept voix, il y a des circonstances atténuantes en faveur de tel accusé ».
Ensuite le président remettra les questions écrites aux jurés, dans la personne du chef du jury ; et il leur remettra
en même temps l’acte d’accusation, les procès verbaux qui constatent les délits, et les pièces du procès autres
que les déclarations écrites des témoins.
Il fera retirer l’accusé de l’auditoire.
1276
Jean Pradel, Les méandres de la Cour d’assises française de 1791 à nos jours, 1996, p. 143.
cette loi a pour objectif de « tempérer par une règle générale, les pénalités trop rigoureuses
et quelquefois excessives du Code ; de tenir compte de certaines circonstances de fait, de
certaines nuances de la culpabilité que le Code n’a pas prévues, et qui cependant, pour que
le châtiment soit juste, doivent entrer dans l’appréciation de l’agent ».
De la même manière, E. Trébutien1277 illustre ce double aspect de la loi de 1832, en étant
toutefois plus nuancé quant au risque d’utilisation abusive des circonstances atténuantes par le
jury.
Pour ce professeur, « il [le jury] eut le droit d’appliquer arbitrairement ce palliatif des
circonstances atténuantes. Il les devait sans doute à qui les méritait, mais il pouvait encore
les accorder sans motif particulier au coupable, pour réformer une loi qu’il croyait trop
sévère. Le danger d’une telle organisation est évident ».
Outre les raisons de sa genèse, la loi de 1832 entend étendre le bénéfice des circonstances
atténuantes à tous les crimes à travers son article 5. Cet aspect n’est pas sans toutefois susciter
une certaine opposition de magistrats et de parlementaires.
Comme l’explique P. Vielfaure1278, l’extension des circonstances atténuantes à toute forme de
crime a provoqué l’indignation de quelques notables qui y voient une violation d’un certain
ordre moral.
En effet, étendre le bénéfice de cette disposition à des auteurs d’empoisonnement,
d’assassinat ou de parricide1279, est pour certains juristes et parlementaires, une faiblesse du
législateur et une preuve de laxisme de sa part.
Pourtant la ratio legis de la loi de 1832 est d’éviter au maximum l’impunité des crimes et des
délits. Aussi le législateur préfère-t-il laisser au jury le soin de retenir des circonstances
atténuantes quel que soit le crime et la nature du prévenu - alors même qu’il s’agirait d’un
récidiviste - quitte à diminuer le quantum de la peine, plutôt que de risquer une impunité
systématique qui serait prononcée au moindre doute de la part de jurés.
De la même manière, en matière délictuelle, le législateur laisse au tribunal correctionnel,
toute la latitude de constater et de prononcer des circonstances atténuantes. En effet l’article
941280 in fine (article 463 du Code pénal) de la loi du 28 avril 1832, ne tient pas compte des

1277
E. Trébutien, op. cit., p. 90.
1278
P. Vielfaure, op. cit., p. 370.
1279
La qualification du parricide est double, elle concerne aussi bien le meurtre d’un ascendant que celui du
monarque.
1280
Art. 463 in fine : Dans tous les cas où la peine de l’emprisonnement et celle de l’amende sont prononcées par
le Code pénal, si les circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux correctionnels sont autorisés, même en
cas de récidive, à réduire l’emprisonnement même au-dessous de six jours, et l’amende même au-dessous de
seize francs ; ils pourront aussi prononcer séparément l’une au l’autre de ces peines, et même substituer
motifs qui ont animé et fondé la décision de la juridiction, donnant corrélativement la
possibilité au juge de réduire considérablement la peine.
Un tel système, en dépit de la modération des peines qu’il emporte, permet en contrepartie
une plus grande certitude de la répression. R. Martinage 1281 témoigne de l’efficacité avérée de
ce système qui permet une diminution du nombre des acquittements. Selon elle, « avant la
réforme de 1832, le jury acquittait entre quatre et six accusés sur dix. […]La diminution du
nombre des acquittements est compensée par l’octroi des circonstances atténuantes qui
modèrent les peines infligées ».
Ainsi, en déployant le domaine de l’article 4631282 du Code pénal, le législateur pare à la
généralisation de l’impunité1283. L’extension du mécanisme des circonstances atténuantes à
tous les crimes et délits, n’est toutefois pas la seule réforme importante du Code d’instruction
criminelle. La loi du 28 avril 1832 permet également une extension des droits de la défense.
L’article 399 du Code d’instruction criminelle, prévoyait que « l’accusé premièrement et le
procureur général [récuseraient] tels jurés qu’ils [jugeraient] à propos ». Aussi la
jurisprudence1284 avait-elle rapidement exclu le rôle de l’avocat ; considérant que son rôle ne
consistait qu’à aider le prévenu dans sa défense, laquelle ne commençait qu’avec l’acte
d’accusation du ministère public.

l’amende à l’emprisonnement, sans qu’en aucun cas, elle puisse être au-dessous des peines de simple police ».
1281
R. Martinage, op. cit., p. 103.
1282
Art. 463 : Les peines prononcées par la loi contre celui ou ceux des accusés reconnus coupables, en faveur de
qui le jury aura déclaré des circonstances atténuantes, seront modifiées ainsi qu’il suit :
Si la peine prononcée par la loi est la mort, la cour appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité, ou celle
des travaux forcés à temps ; néanmoins, s’il s’agit de crimes contre la sûreté extérieure ou intérieure de l’État, la
cour appliquera la peine de la déportation ou celle de la détention ; mais, dans les cas prévus par les articles 86,
96 et 97, elle appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité ou celle des travaux forcés à temps.
Si la peine est celle des travaux forcés à perpétuité, la cour appliquera la peine des travaux forcés à temps ou
celle de la réclusion.
Si la peine est celle de la déportation, la cour appliquera la peine de la détention ou celle du bannissement.
Si la peine est celle des travaux forcés à temps, la cour appliquera la peine de la réclusion ou les dispositions de
l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-dessous de deux ans.
Si la peine est celle de la réclusion, de la détention, du bannissement ou de la dégradation civique, la cour
appliquera les dispositions de l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-
dessous d’un an.
Dans les cas où le Code prononce le maximum d’une peine afflictive, s’il existe des circonstances atténuantes, la
cour appliquera le minimum de la peine, ou même la peine inférieure.
Dans tous les cas où la peine de l’emprisonnement et celle de l’amende sont prononcées par le Code pénal, si les
circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux correctionnels sont autorisés, même en cas de récidive, à
réduire l’emprisonnement même au-dessous de six jours, et l’amende même au-dessous de seize francs ; ils
pourront aussi prononcer séparément l’une au l’autre de ces peines, et même substituer l’amende à
l’emprisonnement, sans qu’en aucun cas, elle puisse être au-dessous des peines de simple police ».
1283
Cf. P. Vielfaure, op. cit., p. 371.
1284
Ibid., pp. 394-395.
Dès lors, l’accusé se voyait privé, dans l’exercice de ce droit de récusation, de l’aide et des
conseils de son avocat. Or, une telle position était manifestement défavorable aux droits de la
défense.
Aussi, la loi du 28 avril 1832 opère-t-elle, sur cette question, une réforme très attendue
particulièrement chez les avocats, en permettant désormais au conseil de l’accusé de récuser
des jurés sans fournir aucune justification (art. 10 1285 codifié à l’art. 399 du Code d’instruction
criminelle).
Enfin concernant les délinquants mineurs de seize ans1286 au moment des faits, par le biais de
l’article 41287 (article 340 du Code d’instruction criminelle), la loi du 28 avril 1832 exige que
le président de la cour constate l’existence ou l’absence de discernement. Le manque de
diligence du magistrat à cet égard entraîne la nullité de la procédure.
Par ailleurs, concernant plus spécifiquement les délinquants politiques, il convient de
constater que le régime procédural est également modifié dans le sens d’une plus grande
clémence.
L’une des premières réformes procédurales concernant les délits et crimes à caractères
politiques est relative à l’extradition. Elle est initialement soulevée par L. de Bonald1288 en
1802, qui distingue déjà deux types de délits : les délits attentatoires aux lois fondamentales
des sociétés d’une part et les délits locaux et politiques d’autre part.
Même s’il ne définit pas précisément de critère distinctif et qu’il ne donne pas de définition de
ce qu’il entend par délit politique, il établit néanmoins la distinction selon laquelle les
premiers doivent faire l’objet d’une extradition, tandis que les seconds ne le doivent pas.
En effet, selon ce publiciste, « l’étranger prévenu d’un délit dans son pays, et réclamé par
son gouvernement, doit lui être rendu, mais seulement dans des cas spécifiés d’avance, et
pour des crimes manifestement attentatoires aux lois fondamentales des sociétés, et punis
chez tous les peuples civilisés de peines capitales : l’extradition ne doit pas être accordée
pour des délits locaux et politiques ».

1285
Art. 399 : Au jour indiqué, et pour chaque affaire, l’appel des jurés non excusés et non dispensés sera fait
avant l’ouverture de l’audience, en leur présence, en présence de l’accusé et du procureur général.
Le nom de chaque juré répondant à l’appel sera déposé dans une urne.
L’accusé premièrement, ou son conseil et le procureur général, récuseront tels jurés qu’ils jugeront à propos, à
mesure que leurs noms sortiront de l’urne, sauf la limitation exprimée ci-après.
L’accusé, son conseil, ni le procureur général, ne pourront exposer leurs motifs de récusation.
Le jury de jugement sera fourni à l’instant où il sera sorti de l’urne douze noms de jurés non récusés.
1286
L’âge de seize ans constitue, en vertu de l’article 66 du Code pénal, la majorité pénale.
1287
Art. 340 : Si l’accusé a moins de seize ans, le président posera, à peine de nullité, cette question : l’accusé a-
t-il agit avec discernement ?
1288
L. de Bonald, Divers traités et discours politiques, in. Législation primitive, Paris, 5ème édition, 1857, p. 182.
Cette opinion est traduite pour la première fois en droit positif en 1815, à travers le principe
du droit d’asile politique, par le gouvernement de Gibraltar 1289. Le gouvernement français
adopte ce principe dès les débuts de la Monarchie de Juillet en vertu d’une circulaire du 5
avril 1841. Cette circulaire prévoit notamment que le gouvernement français ne demandera
jamais d’extradition en matière politique et qu’il n’accordera plus aucune extradition en de
telles matières.
Cette innovation majeure en matière d’infractions politiques est entérinée par une série de
conventions1290 conclues par la France avec la Belgique le 22 novembre 1834, avec la
Sardaigne en 1838, avec le comté de Bade en 1844 et avec la Prusse en 1845. Toutes ces
conventions affirment le principe selon lequel la France n’accorde pas l’extradition et ne
demande pas l’extradition des individus poursuivis pour des faits ou des infractions
politiques.
A côté de ce premier privilège procédural accordé aux délinquants politiques, l’État français
insère dans le droit criminel une autre garantie, qui, si elle dispose d’un domaine général,
s’étend également aux auteurs d’infractions politiques.
En mettant en place la généralisation du système des circonstances atténuantes par l’article
941291 de la loi de révision du 28 avril 18321292, le gouvernement français permet au juge
d’atténuer la rigueur des peines qui jusque là demeuraient relativement sévères pour les
délinquants politiques. En effet, le juge bénéficie désormais « d’un pouvoir personnel

1289
P.-A. Papadatos, op. cit., p. 64.
1290
Cf. à ce titre R. Charvin, op. cit., p. 109.
1291
Art. 94 : (463) Les peines prononcées par la loi contre celui ou ceux des accusés reconnus coupables, en
faveur de qui le jury aura déclaré des circonstances atténuantes, seront modifiées ainsi qu’il suit :
Si la peine prononcée par la loi est la mort, la cour appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité, ou celle
des travaux forcés à temps ; néanmoins, s’il s’agit de crimes contre la sûreté extérieure ou intérieure de l’État, la
cour appliquera la peine de la déportation ou celle de la détention ; mais, dans les cas prévus par les articles 86,
96 et 97, elle appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité ou celle des travaux forcés à temps.
Si la peine est celle des travaux forcés à perpétuité, la cour appliquera la peine des travaux forcés à temps ou
celle de la réclusion.
Si la peine est celle de la déportation, la cour appliquera la peine de la détention ou celle du bannissement.
Si la peine est celle des travaux forcés à temps, la cour appliquera la peine de la réclusion ou les dispositions de
l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-dessous de deux ans.
Si la peine est celle de la réclusion, de la détention, du bannissement ou de la dégradation civique, la cour
appliquera les dispositions de l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-
dessous d’un an.
Dans les cas où le Code prononce le maximum d’une peine afflictive, s’il existe des circonstances atténuantes, la
cour appliquera le minimum de la peine, ou même la peine inférieure.
Dans tous les cas où la peine de l’emprisonnement et celle de l’amende sont prononcées par le Code pénal, si les
circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux correctionnels sont autorisés, même en cas de récidive, à
réduire l’emprisonnement même au-dessous de six jours, et l’amende même au-dessous de seize francs ; ils
pourront aussi prononcer séparément l’une au l’autre de ces peines, et même substituer l’amende à
l’emprisonnement, sans qu’en aucun cas, elle puisse être au-dessous des peines de simple police.
1292
Cf. annexe n° 4.
d’appréciation1293 » lui permettant de modérer la peine en fonction des éléments de fait
recueillis.
La politique criminelle élaborée sous le second Empire tend également à engendrer des
conséquences sur le régime procédural entourant les infractions à caractère politique.
Notamment, en vertu de ses articles 11294 et 71295, la loi des 13 et 20 mai 18631296 ferme
désormais aux délinquants politiques la procédure correctionnelle dite du flagrant délit. Cette
procédure permettait de conduire un délinquant devant un procureur, de procéder à son
interrogatoire et de le déférer devant le tribunal sans délais.
Contrairement au mouvement général « d’évolution législative anti-libéral1297 », la loi du 13
mai 1863 n’opère pas véritablement de durcissement du régime juridique entourant les
infractions politiques dans la mesure où elle ne fait qu’accentuer la séparation entre le crime
et le délit politique en réservant aux seuls délits politiques la peine du bannissement.
Plus encore, par la loi du 20 mai 1813, le gouvernement impérial établit une garantie au
bénéfice des délinquants politiques en excluant la procédure sommaire du flagrant délit du
régime des infractions politiques.
En revanche un durcissement semble être mis en œuvre à travers l’élaboration en 1856 d’un
traité entre la France et la Belgique au terme duquel les régicides peuvent faire l’objet d’une
extradition. Pour certains, ce traité semble remettre en cause le principe de la non-extradition
des criminels politiques.
Or, il ne s’agit pas d’une remise en cause du principe de non extradition des délinquants
politiques. En effet, cet accord ne fait qu’opérer une requalification des attentats contre la
personne des chefs d’État ou de leur famille, laquelle infraction est désormais intégrée
purement et simplement dans le droit commun.
Ce traité présente l’intérêt de faire perdre son caractère politique à l’ancien crime de lèse-
majesté pour le qualifier de crime de droit commun. Dès lors, en faisant partie du droit
commun, un tel crime n’est plus soumis aux prescriptions relatives aux infractions politiques

1293
R. Charvin, op. cit., p. 107.
1294
Art. 1er : Tout inculpé arrêté en état de flagrant délit pour un fait puni de peines correctionnelles est
immédiatement conduit devant le procureur impérial, qui l’interroge et, s’il y a lieu, le traduit sur le champ à
l’audience du tribunal.
Dans ce cas, le procureur impérial peut mettre l’inculpé sous mandat de dépôt.
1295
Art. 7 : La présente loi n’est point applicable aux délits de presse, aux délits politiques, ni aux matières dont
la procédure est réglée par des lois spéciales.
1296
Cf. annexe n° 169.
1297
R. Charvin, op. cit., p. 145.
et devient alors susceptible d’extradition, au même titre qu’il devient susceptible de
condamnation à la peine capitale.
Ce principe est qualifié de clause d’attentat. Il sera maintes fois réaffirmé par des traités
bilatéraux ultérieurs1298.
Néanmoins, dans la continuité de l’orientation élaborée sous la Monarchie de Juillet, le
régime procédural ainsi que le régime carcéral applicable aux délinquants politiques atteste
d’une amélioration continue jusque dans les années 19301299.
On constate en effet que depuis le règne de Louis-Philippe, le droit pénal de fond comme la
procédure pénale connaissent une évolution marquée par un adoucissement général de la
peine. Pourtant, les circonstances atténuantes, la plus juste proportion des peines et leur
individualisation ne témoignent pas seules de ce mouvement d’adoucissement.
Progressivement le droit de la pénalité tend à évoluer et intègre à l’échelle de peines, un peine
nouvelle, dont les desseins protecteurs s’étendent à la fois à la société et au délinquant. C’est
l’introduction généralisée dans le droit français, de la peine de l’emprisonnement.

1298
Cf. à ce titre la liste de certains traités dressée par R. Charvin (ibid., p. 148). La clause d’attentat est
reproduite dans plusieurs traités successifs signés avec Parme en 1856, avec le Vatican en 1859, avec les Pays-
Bas et le Chili en 1860, ou encore avec les États Scandinaves et la Bavière en 1869.
1299
De nombreuses améliorations sont listées par J. Viaud (op. cit., p. 248) et par R. Charvin (op. cit., pp. 448 et
449). En vertu d’un arrêté ministériel du 4 janvier 1890 complété par des circulaires du 5 novembre 1907, du 6
novembre 1912, du 22 février 1921 et du 15 septembre 1922, le gouvernement recommande à l’administration
pénitentiaire d’appliquer un régime de détention plus favorable aux délinquants politiques. Ces privilèges
correspondent à l’isolement du délinquant politique des délinquants de droit commun, à la possibilité de vivre en
commun, à l’absence de toute contrainte concernant les visites, à la possibilité de recevoir des denrées et de
l’argent de l’extérieur et à la suppression de toute limitation de leurs correspondances. Enfin, les détenus
politiques sont dispensés de l’obligation au travail pénal et du port du costume pénal.
En outre, en vertu d’une loi du 27 mai 1885 (annexe n° 106) le système de la relégation est également modifié à
l’égard des délinquants politiques. La relégation est une peine supplémentaire qui consiste à maintenir interné
dans une colonie, un condamné aux travaux forcés à l’issue de sa peine principale. Désormais les condamnations
au titre d’infractions politiques ne sont plus prises en compte dans le calcul des peines concernant la relégation.
De plus, au terme d’une loi du 26 mars 1891 (annexe n° 170), les condamnations antérieures pour des
infractions politiques n’emportent aucune incidence sur le droit à bénéficier d’un sursis.
Par la suite, une série de lois a été élaborée en vue d’interdire toute condamnation à une incapacité d’exercice
professionnel pour les délinquants politiques. Sont ainsi intervenues successivement la loi du 30 novembre 1892
(annexe n° 171) relative à l’exercice de la médecine, la loi du 31 mars 1928 (annexe n° 172) pour l’exercice de
professions militaires, la loi du 19 juin 1930 (annexe n° 173) pour l’exercice de la profession de banquier et la
loi du 10 février 1931 (annexe n° 174) relative à l’exercice de la profession d’entrepreneur d’assurances.
Il convient également de citer une circulaire du 23 mars 1907 qui dispense les délinquants politiques de la
mensuration anthropométrique.
De même, par une loi du 15 novembre 1921 (annexe n° 175), la condamnation pour des faits politiques
n’entraine plus la déchéance paternelle.
Enfin, en vertu d’une loi du 9 juillet 1934 (annexe n° 176), aucun mandat d’arrêt ou de dépôt ne peut être
décerné à l’égard d’un délinquant politique.
Section II – Un régime pénitentiaire adapté aux particularités du 
délinquant politique

Le libéralisme des Lumières recouvre de nombreux domaines : sociologique, politique,


économique et juridique. Au-delà de divergences ponctuelles toujours très subjectives et
généralement relatives à la politique, les desseins de tolérance, de justice et d’équité de ce
mouvement de pensée font en revanche son unanimité.
C’est notamment par l’humanisme de leurs principes que les Lumières et leurs successeurs
concordent vers une même fin. Certes les moyens sont constamment très subjectifs à la
personnalité de leur auteur, de par son milieu, ses fonctions et son éducation 1300. La fin est
néanmoins commune et vise à l’amélioration de la condition humaine.
Dans le prolongement de leur influence, en 1791 apparait pour la première fois dans notre
droit criminel, la peine de l’emprisonnement. Réservée jusque là exclusivement aux religieux,
cette peine encore peu usitée dans le Code pénal de 1791 va connaitre un véritable essor dans
le Code de 1810.
Par la suite la peine d’emprisonnement est fréquemment appliquée en matière d’infractions
politiques afin d’éviter de recourir à d’autres peines considérées comme exorbitantes ou
excessives au regard de ce type de criminalité. De même l’aménagement de cette peine fait
très tôt l’objet de considérations politiques.
Rapidement des voix s’élèvent afin de demander de meilleures conditions d’incarcération. On
peut ainsi relever certaines tentatives restées le plus souvent infructueuses ou manifestement
vagues comme l’article 411301 de la loi du 30 janvier 1847 1302. Or, il faudra attendre les années
1870 pour le régime carcéral soit touché par ce mouvement de clémence et qu’il tende à être
modifié et à être adapté au délinquant politique.
Aussi conviendra-t-il d’aborder dans un premier temps la question de mécanisme pénal de
l’emprisonnement en examinant ses origines et son développement au cours du XIX ème siècle

1300
Si les Lumières poursuivent le dessein d’une plus grande humanité des châtiments et davantage de garanties
procédurales, les opinions divergent par exemple en matière d’application de la peine capitale, entre ceux qui la
légitiment et ceux qui la contestent.
1301
Art. 41 : Les dispositions de la présente loi ne sont point applicables aux individus poursuivis ou condamnés :
1° Pour crimes punis de la déportation ou dont la peine est remplacée par la détention, conformément à l’article
17 du Code pénal ;
2° Pour délits réputés politiques aux termes de la loi du 8 octobre 1830 ;
3° Pour délits commis, soit par la voie de la presse, soit par tous autres moyens de publication énoncés en l’art.
1er de la loi du 17 mai 1819.
La présente loi n’est pas non plus applicable aux condamnés pour contraventions de simple police.
1302
Cf. annexe n° 177.
(§ I), puis d’observer dans un second temps qu’à défaut d’un acquittement, les peines
d’emprisonnement ont tendance à être de plus en plus utilisées en matière d’infractions
politiques (§ II).

§ I – Naissance et développement de l’incarcération


dans l’arsenal répressif du XIXème siècle

Les années 1830, sous l’autorité du libéralisme, représentent un adoucissement - théorique ou


de fait – du système répressif français grâce à l’introduction et la généralisation en droit pénal,
des circonstances atténuantes et du jury, ainsi que par la pratique des amnisties et des grâces,
et le refus des peines jugées trop cruelles.
A partir des années 1840, on assiste à un autre débat tout aussi important, à travers les
principes qualifiés de philanthropiques. Ce débat porte sur l’amélioration du sort des
délinquants et le rôle d’une peine récemment admise dans le droit criminel français :
l’emprisonnement.
Ce débat permet notamment de dépoussiérer le Code pénal de 1810 de peines archaïques et
barbares en en supprimant certaines, comme la marque – ou flétrissure - et le carcan 1303, leur
substituant généralement la peine d’emprisonnement.
Ainsi, outre la suppression des peines corporelles, ce débat permet d’introduire en droit pénal
français, une peine qui depuis longtemps était un privilège et était réservée à la seule classe du
Clergé. Désormais, au nom du principe d’égalité devant la loi et des principes de
proportionnalité et de modération des peines, tous les justiciables peuvent subir une peine
d’emprisonnement. Toutefois l’emprisonnement n’est pas seulement une peine, assez
rapidement on l’intègre à un système, celui de l’incarcération (A).
Par ailleurs, l’œuvre initiée par les révolutionnaires est progressivement complétée par celle
des philanthropes du XIXème siècle. En effet, ces derniers ne perdent pas de vue la ratio legis
et les desseins de cette peine qui sont de permettre l’amendement du coupable afin de le
réinsérer. Aussi la question des conditions de détention devient-elle cruciale et fréquemment
mise à l’ordre du jour (B).

A-/ L’instauration d’une nouvelle peine : l’incarcération

1303
Cf. R. Martinage, op. cit., p. 71.
Si le droit laïc de l’Ancien Régime connaissait les mesures d’emprisonnement, celles-ci
n’étaient appliquées qu’en matière procédurale. La prison était un lieu dédié uniquement à la
détention préventive1304 des prévenus, dans un triple but.
D’abord, le fait d’emprisonner temporairement un individu visait à l’empêcher de prendre la
fuite. Ensuite, cela permettait de le tenir à la disposition des juges durant l’instruction de la
procédure. Enfin, cette mesure était destinée à prévenir les manœuvres par lesquelles le
prévenu aurait pu faire disparaître des éléments de preuve.
En dépit de cette unique exception introduite dans le droit laïc, l’emprisonnement n’était
pénalement et véritablement une peine, qu’en matière religieuse 1305. En effet, elle était
réservée exclusivement aux juridictions ecclésiastiques et aux justiciables de cet ordre.
Il faut attendre la rédaction du Code pénal du 25 septembre 17911306, pour que l’Assemblée
législative y insère, pour la première fois de l’histoire française, une échelle des peines.
Désormais une peine inédite1307 fait son entrée dans le droit criminel et occupera une place
durable au sein de l’échelle des peines : il s’agit de l’emprisonnement1308.
Son introduction dans le droit criminel témoigne d’une évolution des mœurs pénales et
s’inscrit en droite ligne dans la continuité des Lumières du XVIII ème siècle et de la Déclaration
des Droits de l’Homme et du Citoyen de 17891309.
Cette peine nouvelle résulte néanmoins d’une réflexion progressive des révolutionnaires de
1789. Pour ces derniers, dans un premier temps, il faut faire jouer contre elle-même, la force
qui a porté au crime. C’est dans l’existence même de cette force que doit résulter l’expédient
du crime à travers la peine idéale1310.

1304
Cette tradition datait de l’antiquité romaine. L’emprisonnement, en tant que détention préventive, remontait à
Ulpien, qui, dans le Digeste, énonçait que « la prison [devait] être employée pour retenir les hommes, non pour
les punir ». Cf. Maryvonne Lorcy, L’évolution des conceptions de la peine privative de liberté. In. Surveiller et
punir, surveiller ou punir ? : perspectives de la peine privative de liberté, colloque des 29-30 janvier 2004, p. 11.
1305
L’emprisonnement était exclu du droit criminel laïc pour des raisons essentiellement utilitaires et financières.
Il semble qu’il était préférable de procéder à l’élimination définitive (peine capitale, exil ou bannissement) ou
temporaire (travaux forcés, déportation) plutôt qu’à un emprisonnement simple, dans la mesure où l’élimination
du criminel représentait une voie plus simple et moins coûteuse pour l’État. En outre, les peines, de la plus
insignifiante à la plus lourde, se voulaient avant tout, être un spectacle. Or, en contradiction avec la doctrine qui
considérait la prison comme répondant à une condition d’intimidation ; pour l’État et le pouvoir royal,
l’emprisonnement n’offrait en aucun cas un exemple direct et ne satisfaisait pas en conséquence, aux nécessités
d’intimidation. Cf. M. Lorcy, ibid., p. 12.
1306
Il s’agit du premier Code pénal français.
1307
Le caractère inédit de son introduction dans notre droit ne doit toutefois pas induire en erreur sur les origines
d’une peine qui existait déjà en matière pénale dans d’autres pays comme les États-Unis, la Belgique ou les
Pays-Bas. Ainsi des pénitenciers comme ceux de Gand, Gloucester et Walnut Street furent des modèles de la
détention pénale, qui influencèrent avec les années, le système français.
1308
Art. 1er : Les peines qui seront prononcées contre les accusés trouvés coupables par le jury, sont la peine de
mort, les fers, la réclusion dans la maison de force, la gêne, la détention, la déportation, la dégradation civique, le
carcan ».
1309
Notamment par les principes d’égalité (art. 1 et 6), de légalité (art. 7 et 8) et de nécessité des peines (art. 8).
1310
M. Foucault, op. cit., pp. 124-125.
C’est la réaffirmation la plus solennelle de l’idée de la balance coût/avantage, selon laquelle il
faut diminuer le désir qui rend le crime attrayant et accroître l’intérêt de la peine à travers son
caractère redoutable.
Ainsi, aux termes de la réflexion révolutionnaire, il convient de retrancher dans les
proportions les plus grandes, les avantages au crime, par une peine laissant l’empreinte d’un
inconvénient naturel directement en relation avec la force qui a poussé à un crime déterminé.
Ainsi, comme l’expose L.-M. Le Peletier 1311, pour qui il faut « des rapports exacts entre la
nature du délit et la nature de la punition », la peine doit être adaptée à la nature de
l’infraction ou de son auteur. Par exemple, contre l’orgueilleux la peine la plus adaptée doit
être l’infamie, contre le paresseux on usera de peines basées sur le travail, etc.
Cette pénologie répond à l’idée antérieurement développée par G. de Mably1312 selon laquelle
il fallait « aller droit à la source du mal » et par J.-P. Marat1313 qui considérait que « tirer le
délit du châtiment [était] le meilleur moyen de proportionner la punition au crime… les
peines ne venant plus de la volonté du législateur, mais de la nature des choses ».
Néanmoins dans l’esprit révolutionnaire, cette réflexion limitée à la seule condition d’une
peine qui soit adaptée à la nature du crime, paraît insuffisante. Il est nécessaire, pour que les
peines aient une utilité, d’établir une modulation temporelle en excluant toute idée de
perpétuité1314.
En effet, une peine qui n’aurait pas de terme serait contradictoire, dans la mesure où son
objectif d’amendement disparaîtrait pour reprendre – conformément à sa nature sous l’Ancien
Régime – une nature de supplice 1315. Dès lors, toute peine – à l’exclusion de quelques
exceptions – doit comporter un terme variable1316 et certain.
Enfin, l’idée selon laquelle le condamné deviendrait une sorte de propriété mise au service de
la société, tend à se développer 1317. Plutôt que de procéder à une annihilation physique de
l’individu, germe la pensée d’une appropriation à durée déterminée de l’individu.

1311
L.-M. Le Peletier de Saint-Fargeau, Archives parlementaires, T. XXVI, pp. 320 et 321.
1312
G. de Mably, op. cit., p. 246.
1313
Cf. M. Foucault, op. cit., p. 124.
1314
La seule exception, pour les constituants de 1789, est celle des traîtres et des assassins qu’il convient
d’éliminer. En dehors de ce type de criminalité, toutes les autres infractions doivent permettre l’amendement et
les peines ne peuvent en conséquence, être supérieures à vingt cinq ans.
1315
Cf. M. Foucault, op. cit., p. 127.
1316
Outre la recherche d’un caractère temporaire, la peine doit impérativement être souple afin de pouvoir cesser
avant le terme, en fonction de l’évolution du condamné si celle-ci le permet.
1317
L’idée est de faire servir « l’État [par le condamné] dans un esclavage qui serait plus ou moins étendu selon
la nature de son crime ». Plus que la mort, est éloquent l’exemple d’un homme « auquel on a ôté la liberté et qui
est obligé d’employer le reste de sa vie pour réparer la perte qu’il a causée à la société ».
Cf. M. Foucault, op. cit., p. 129.
Comme l’explique M. Foucault1318 à la fois les peines « éclatantes » c’est-à-dire les supplices
publics, et les peines « secrètes » deviennent inutiles. Seuls les châtiments pouvant être vus
comme des « rétributions faites par le coupable à ses concitoyens » et pouvant être connus de
tous les citoyens1319, semblent répondre d’une certaine cohérence sociologique et pénale.
Une telle pénologie permet en conséquence de répondre tant aux intérêts sociaux qui exigent
la visibilité1320 de la peine afin de prévenir les germes de futurs crimes, qu’aux intérêts
particuliers de réparation, qu’à ceux du condamné qui conserve toujours une chance d’expier
sa faute et de réintégrer le corps social.
Dès lors, pour les constituants de 1789 et leurs successeurs de 1791, plutôt que la mort et les
peines corporelles, la peine des travaux forcés1321 constitue une panacée et répond à ces
impératifs. Or, la peine des travaux forcés n’est pas la seule à séduire les révolutionnaires,
celle de l’emprisonnement répond par de nombreux aspects à l’idée qu’ils se font de la peine.
Conformément à la nécessité de diversifier les peines et de les adapter à la nature du crime ou
du délit, l’emprisonnement - au même titre que les travaux forcés et les autres peines - ne doit
pas être une exclusivité de l’arsenal répressif. Néanmoins cette peine est intégrée dans le Code
pénal de 1791 et sanctionne de nombreuses infractions, dans la mesure où elle répond avec
beaucoup de pertinence et de cohérence à leurs spécificités.
L’emprisonnement devient le châtiment réservé à ceux qui « attentent à la liberté des
individus1322 » et il concerne aussi bien les auteurs de rapt, de séquestration ou d’enlèvement,
que ceux qui abusent de la liberté, autrement dit, les auteurs de troubles à l’ordre public, de
rébellion, de désordre ou de violence.
Néanmoins cette peine nouvelle n’est pas sans susciter l’animosité de certains
révolutionnaires. Leur critique porte sur sa partielle inutilité en ce qu’elle ne répond pas aux

1318
Ibid.
1319
C’est l’idée largement admise par L.-M. Le Peletier et certains penseurs du XVIII ème siècle, selon laquelle la
population doit disposer du droit - voire même du devoir – de visiter les détenus régulièrement, afin d’imprimer
dans sa conscience une profonde crainte sinon un profond dégoût du crime.
Selon M. Foucault, ibid., p. 131, « la durée qui rend le châtiment efficace pour le coupable est utile aussi pour
les spectateurs. Ils doivent pouvoir consulter à chaque instant le lexique permanent du crime et du châtiment ».
1320
La notion d’exemplarité tend à tomber en désuétude. Les révolutionnaires de 1789 lui préfèrent l’idée de
visibilité de la peine. Ainsi, tant pour J.-P. Brissot qui avance la nécessité de « contempler » les proscrits, que Le
Peletier pour qui la présence du coupable doit « instruire » l’âme du peuple ; la visibilité devient un principe
fondamental du Code pénal. En effet, pour l’ancien président du Parlement de Paris, la vue du coupable, « dans
l’état pénible où l’a réduit son crime, porte dans l’âme du peuple une instruction publique ». Cf. sur ce dernier
point, M. Lorcy, op. cit., p. 13.
1321
Les travaux forcés avaient remplacés depuis la fin de l’Ancien Régime la peine des galères. On parlait alors
de bagne. Le condamné était attaché par le pied à un boulet et devait exécuter des travaux pour le compte de
l’État, à vie ou temporairement.
1322
M. Foucault, op. cit., p. 134.
exigences de visibilité. Surtout, l’emprisonnement est coûteux pour l’État, il entraîne parfois
une multiplication des vices et entretient les détenus – autres que les forçats – dans l’oisiveté.
La prison est alors pour certains révolutionnaires un monde d’obscurité, de violence et de
soupçon, n’offrant guère d’issue positive pour le condamné 1323 et une charge financière
considérable pour l’État.
C’est ainsi que la place que lui accorde le Code de 1791 demeure relativement étroite et fait
dire à R. Martinage que du fait de la rareté des situations offrant une nature favorable à son
utilisation et des difficultés qu’elle éprouve à permettre l’amendement, elle n’est codifiée
qu’« à dose homéopathique1324 ».
En revanche, le Code pénal de 1810 semble accueillir l’emprisonnement plus favorablement.
C’est ainsi, qu’entre les amendes et la peine capitale, l’emprisonnement est prévu par de
nombreux articles et occupe, selon M. Foucault 1325, « presque tout le champ des punitions
possibles ».
Mais il convient de nuancer la terminologie d’un tel vocable. Si la peine de l’emprisonnement
au sens juridique1326 du terme tend à s’accroître et à concerner un plus grand éventail
d’infractions par rapport à 1791, elle demeure néanmoins durant le premier quart du XIX ème
siècle encore relativement restreinte, alors que le système de l’emprisonnement en tant que
moyen d’incarcération visant à enfermer et priver de sa liberté un condamné tend au contraire,
à se répandre à l’ensemble des infractions.
Aussi le système générique de l’emprisonnement – en tant qu’incarcération – concerne-t-il
des peines aussi variées que celles des travaux forcés, de la réclusion, de la détention et de
l’emprisonnement correctionnel.
Il faut attendre la fin de la Restauration pour voir évoluer l’utilisation de l’emprisonnement.
Même si les peines privilégiées restent essentiellement les travaux forcés à perpétuité ou à
temps, on constate en effet dès l’année 1825, grâce à la publication des comptes généraux de
l’administration de la justice criminelle, une tendance à la croissance dans l’exécution des
peines d’emprisonnement.
A l’évolution de l’emprisonnement en tant que peine dans l’arsenal répressif, coïncide dès la
Restauration et surtout à partir des années 1830, l’émergence d’un mouvement qui voue une
attention particulière aux conditions de détention dans les prisons françaises.
1323
Au reste, c’est ce que leur reprochera A. de Tocqueville un demi-siècle plus tard. Cf. infra 2°.
1324
Cette peine reste exceptionnelle notamment pour des raisons matérielles. Cf. R. Martinage, op. cit., p. 71.
1325
M. Foucault, op. cit., p. 136.
1326
En tant que peine privative de liberté sanctionnant des délits.
Désormais la prison ne doit plus être un lieu de vice, d’obscurité et de crime ; plus que jamais,
l’incarcération constitue un mécanisme offrant la possibilité d’un traitement rééducatif en
milieu fermé et doit dès lors offrir certaines garanties et protections.

B-/ Une politique criminelle inscrite dans un dessein


d’amélioration des conditions d’incarcération

La vocation d’amélioration des conditions de détention n’est pas récente et a motivé des
publicistes et des juristes français et étrangers depuis les origines des pénitenciers.
L’un des premiers français à avoir pris part à cette réflexion sur les conditions d’incarcération
est Mirabeau. Lors des débats sur la rédaction du Code pénal de 1791, dans un rapport sur les
maisons d’amélioration, Mirabeau1327 préconise déjà d’enseigner aux détenus un travail
manuel susceptible de développer leurs vertus morales et de permettre à l’issue de leur peine,
leur réinsertion.
En dépit de ce rapport, les conditions de l’incarcération sont souvent déplorables. Loin de
permettre la réinsertion, les prisons sont des écoles du vice et du crime, aggravant le plus
souvent le potentiel criminel des détenus. Aussi, convient-il de résoudre un problème crucial
que soulignera A. de Tocqueville 1328 en 1843, en démontrant qu’un mauvais système
pénitentiaire entraîne indubitablement une recrudescence du crime
C’est à partir des années 1820 que, sous l’influence du catholicisme social, un mouvement
philanthrope1329 tende à se développer à travers des sociétés de secours ou de patronage.
Prônant une théorie fondée sur la tradition chrétienne de peine médicinale 1330, ce mouvement
entend promouvoir par des études et différents travaux, un système carcéral utilitaire,
permettant la réinsertion des condamnés. Mais en dépit d’une volonté louable, leurs tentatives
restent vaines.
Ce n’est qu’à partir de 1831 que l’État entreprend de réformer le système carcéral en
chargeant G. de Beaumont et A. de Tocqueville d’une mission officielle. Ces derniers, à deux
reprises – en 1831 et 1836 – se rendent aux États-Unis avec la mission d’étudier le régime de
l’emprisonnement cellulaire de différents États comme ceux de Pennsylvanie, New-York,
Philadelphie, du Massachusetts ou encore du Maryland.

1327
M. Lorcy, op. cit., p. 13.
1328
Rapport de M. de Tocqueville sur le projet de réforme des prisons. In. Système pénitentiaire aux États-Unis
et de son application en France, 3ème édition, 1845, p. 375.
1329
Sur la question des mouvements philanthropiques avant 1830 et de leur composition d’une grande partie des
personnalités politiques, cf. B. Appert, Dix ans à la cour du roi Louis-Philippe, vol. 3, Paris, 1846, pp. 72 à 94.
Cf. également les propos du petit-fils du comte de Salaberry, in. Souvenirs politiques du comte de Salaberry sur
la Restauration, Tome II, Éditions A. Picard et fils, 1900, pp. 237 et 238.
1330
Cf. M. Lorcy, op. cit., p. 13.
La raison pour laquelle ces deux personnalités sont envoyées Outre-Atlantique est que les
États-Unis disposent d’un système carcéral atypique. La prison y est définie comme un
« réformatoire1331 ».
Ce système fut mis en place par Howard et Blackstone 1332 en 1779 afin d’adapter un système
répressif conforme aux principes élaborés lors de l’Indépendance des États-Unis. Un tel
système doit nécessiter des règles bien spécifiques comme le travail obligatoire en ateliers,
l’occupation constante des détenus, le financement de la prison par leur travail mais
également leur rétribution financière afin d’assurer leur réinsertion morale et matérielle. Dans
ces conditions la prison est un lieu qui doit permettre la transformation des individus en sujets
loyaux et honnêtes, tout en respectant l’intégrité physique et morale des détenus1333.
Si l’intérêt que suscite cet exemple américain sur G. de Beaumont et A. de Tocqueville est
incontestable, leur préférence porte sur l’exemple pennsylvanien, qui procède à un
enfermement individuel en cellule, de jour comme de nuit. Les raisons développées portent
sur deux aspects.
Le premier concerne la société car un tel système permet une réduction des coûts de
surveillance. Le second intéresse tant la société que le détenu en ce que l’isolement permet de
réduire les risques de récidive1334.

1331
Terme attribué par l’américain J. Hanway, in. The defects of police. Cf. M. Foucault, op. cit., p. 145.
1332
Ils décrivent l’emprisonnement individuel comme répondant à une triple exigence et permettant l’accession à
une fin de réinsertion. D’abord il doit constituer un exemple redoutable, ensuite il doit s’avérer représenter un
instrument de conversion, et enfin présenter des garanties suffisantes à un apprentissage. Dès lors, ils préconisent
une détention isolée, un travail régulier et une instruction religieuse. Ces thèmes seront largement repris par les
sociétés philanthropiques françaises et par les partisans d’un système carcéral tendant à l’amendement.
1333
Cette idée d’amendement est un des desseins principaux de la réforme à introduire en droit français. Partant
de la critique du système antérieur, A. de Tocqueville (op. cit., pp. 375 et 376) établit le lien avec l’augmentation
de la délinquance. Selon lui, « les anciennes prisons de l’Europe avaient été toutes bâties dans un but
d’intimidation et non de réforme. Rien n’y était préparé pour améliorer l’état de l’âme… La nourriture était
insuffisante ou malsaine ; on y était mal vêtu ; on y couchait d’ordinaire sur la paille ; on y endurait le froid et
souvent la faim. Toutes les précautions de l’hygiène y étaient parfois méconnues d’une manière inhumaine ; la
mortalité y était très grande. Tel était encore, à peu d’exceptions près, l’état de beaucoup d’entre nos prisons en
1817… Les conséquences fâcheuses de cet état de choses, se sont manifestées par l’augmentation des premiers
crimes et par l’accroissement plus marqué encore des récidives ».
1334
Selon A. de Tocqueville, le fait de rendre l’emprisonnement plus pénible en procédant à l’isolement des
condamnés, peut favoriser la réforme morale du prisonnier qui reste seul face à sa conscience. Il convient
néanmoins d’observer que pour lui, ce n’est pas tant le sort même du condamné qui importe que celui de la
société qu’il faut protéger de la récidive. En revanche, il considère que les délinquants ou les criminels qui sont
mineurs méritent un régime de faveur par rapport aux autres détenus, dans la mesure où eu égard à leur âge, ils
sont moins coupables que des adultes dont le discernement est a priori incontestable. Aussi, accepte-t-il en 1839
de faire partie de la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray créée par F.-A. Demetz, qui propose de favoriser
l’amendement des mineurs condamnés, par le travail de la terre, l’enseignement et la prière. Au reste, dès 1838
les mineurs sont astreints à l’isolement cellulaire sans possibilité de communication entre eux en dehors du
travail et des repas, conformément à une décision ministérielle du 11 novembre 1835.
Ce système est partiellement approuvé par Ch. Lucas 1335, chef de file des philanthropes
particulièrement réputé pour ses travaux et ses actions en faveur de l’abolition de la peine de
mort1336 et le développement de l’emprisonnement préventif, répressif et pénitentiaire.
Il démontre à travers l’illustration de statistiques et des exemples américain et suisse, que
l’isolement permet certes une diminution notable de la mortalité 1337 mais il demeure plus
nuancé quant à la question de l’amendement du condamné et se sépare sur ce dernier point
des opinions des autres auteurs1338.
Ainsi au titre de la réinsertion, il illustre l’importance cardinale que joue la prison, qui
consiste à rendre meilleur les condamnés. Pour Ch. Lucas « le but du système pénitentiaire,
c’est d’obtenir l’amendement du condamné par de bonnes habitudes, dont l’éducation doit
provoquer et diriger le développement1339 ».
Tout particulièrement concernant l’éducation des mineurs, il considère que le travail de la
terre et l’enseignement par le biais du patronage, représentent une avancée notable qu’il
qualifie « d’admirable institution1340 ».
Or, il demeure plus circonspect sur la question de l’isolement qu’il préconise, mais sous une
forme atténuée, consistant à isoler le détenu des autres seulement la nuit, et en fonction du
type de détenu. Selon lui, un isolement permanent empêche alors l’accomplissement des voies
de l’enseignement1341.
En conséquence pour ce juriste, l’amendement doit passer par un encadrement étroit du
travail, des enseignements académiques et religieux des condamnés, et par une surveillance
accrue des rapports entre eux.

1335
Juriste et homme politique de tendance libérale, il est inspecteur général des prisons de 1830 à 1865. Ses
travaux en cette matière sont nombreux et illustrent une profonde conviction de sa part. Il rédige entre autres en
1834 Du système pénitentiaire en Europe et aux États-Unis (éditions E. Legrand, Paris, 1836), puis entre 1836 et
1838, De la réforme des prisons ou de la théorie de l’emprisonnement (éditions E. Legrand, Paris, 1836), et un
Appendice à la théorie de l’emprisonnement, ou réponse aux écoles opposantes en général, et à l’école
pennsylvanienne en particulier (éditions de Bourgogne et Martinet, Paris, 1838) ; et en 1844, à l’occasion du
projet de loi sur la réforme des prisons, il réalise conjointement avec L. Faucher un rapport intitulé De
l’emprisonnement individuel sous le rapport sanitaire et des attaques dirigées contre lui (Revue des deux
mondes, 1er février 1844). Ce dernier était lui-même déjà connu pour avoir participé à de nombreuses
commissions sur la question et avoir rédigé, en 1838, un rapport intitulé De la réforme des prisons.
1336
Cf. supra, Première partie, Titre I, Chapitre 2, Section I.
1337
Ch. Lucas, De l’emprisonnement individuel sous le rapport sanitaire, 1844, pp. 12, 25, 42 à 44, 63, 69 et 70.
1338
Comme il l’énonce, il est en « communauté d’opinion » avec les autres publicistes sur l’ensemble des
observations, mais il y a divergence sur un point, celui de la mise en œuvre de l’isolement. Cf. à ce titre les
distinctions qu’il préconise d’opérer quant à l’isolement en fonction du type de détenu, in. Exposé de l’état de la
question pénitentiaire en Europe et aux États-Unis, 1844, pp. 2-3.
1339
Ch. Lucas, Appendice à la théorie de l’emprisonnement, 1838, pp.26 s.
1340
Ibid., p. 126.
1341
Ibid., p. 28. Il prend à ce titre l’exemple de l’enseignement religieux qui doit nécessairement être fait en
commun : « il n’y a pas de religion qui ne place au nombre de ses pratiques essentielles la prière en commun, la
prédication, enfin le service religieux ».
L’isolement certes nécessaire ne doit être en revanche que nocturne et consister à séparer les
condamnés en fonction de leur nature. Aussi convient-il pour Ch. Lucas de concilier
isolement cellulaire, séparation des détenus et travail en commun au sein d’une même
catégorie.
Parallèlement aux travaux effectués par ces auteurs, le gouvernement de la Monarchie de
Juillet montre un intérêt incontestable pour ces questions, quoique limité qualitativement.
C’est ainsi que des commissions sont ponctuellement constituées afin d’étudier la situation au
sein des centres pénitentiaires et pour travailler à l’amélioration des conditions de détention,
parfois déplorables. Aussi des textes sont-ils parfois élaborés, concernant des aspects bien
précis.
C’est ainsi que la question du silence entre les détenus est réglée par une circulaire du 10 mai
18391342, qui, dans son article 1er défend aux condamnés de s’entretenir même à voix basse
entre eux, sauf nécessités liées au travail.
Puis les questions de l’enseignement académique1343 et de l’enseignement religieux1344 sont
traitées par des circulaires ou des règlements. Surtout la question du régime général est réglée
à travers le premier texte décrivant et structurant la composition du personnel pénitentiaire, le
30 octobre 18411345.
En dépit de quelques améliorations sensibles des conditions de détention, la législation
demeure timide en raison des divergences entre parlementaires et parfois au sein même du
gouvernement.
Pourtant une ultime tentative est faite en 1847, lors du dépôt d’un projet de loi 1346 devant la
Chambre des pairs, par le ministre de l’intérieur Ch. Duchâtel et son sous-secrétaire d’État A.
Passy.
Riche de 46 articles, ce projet prévoit entre autres : l’isolement cellulaire (art. 6, 12, 16 et 20),
la salubrité des cellules (art. 6 et 12), la libre communication avec son avocat (art. 9), la
rémunération par le travail effectué (art. 10, 13, 17 et 21), le placement en apprentissage des
mineurs (art. 28), l’enseignement religieux - quelle que soit la confession – (art. 33), et la

1342
Cf. annexe n° 177.
1343
Circulaire du 24 avril 1840 sur l’instruction primaire dans les maisons centrales, cf. annexe n° 178. Dans la
même optique, une circulaire du 4 septembre 1841 prévoit la formation de bibliothèques au sein des maisons
centrales.
1344
Circulaire du 22 mai 1841 concernant le service des sœurs dans les maisons centrales, suivi du règlement
pour le service des sœurs, du même jour, cf. annexe n° 179.
1345
Cf. annexe n° 180.
1346
Cf. annexe n° 181.
vocation à l’amendement par l’intermédiaire de l’instruction, de la vigilance hygiénique et de
la communication avec divers organes sociaux (art. 34 , 36 et 37).
Or ce projet, ne restera qu’à l’état de proposition et ne sera jamais entérinée par le législateur.
Avec la révolution de février 1848 et le changement de régime, les nouveaux parlementaires
et ceux du régime précédemment déchu membres du nouveau gouvernement, parviennent à
faire voter quelques réformes importantes concernant la matière pénitentiaire.
C’est ainsi que dans un premier temps une circulaire 1347 du ministre de l’intérieur J. Dufaure
prohibe les punitions dont usent certains directeurs de maisons centrales à l’égard des détenus,
en violation de l’arrêté du 10 mai 1839.
Par la suite, la peine de mort qui est abolie en matière politique 1348 emporte des conséquences
sur le monde carcéral, dans la mesure où la loi des 8 et 16 juin 1850 1349 prévoit comme peine
de substitution un type particulier d’emprisonnement (art. 1 er) en enceinte fortifiée, voire une
détention simple en cas des circonstances atténuantes (art. 2).
Enfin, une loi du 5 août 18501350, dite loi Corne – du nom du député de qui procède l’initiative
de cette loi – réaffirme l’encadrement éducatif dans son art. 1 er en précisant les domaines de
cet encadrement – moral, religieux et professionnel – par le travail de la terre ou des travaux
dits sédentaires (art. 3, 4 et 11).
Cette loi organise également des conseils de surveillance (art. 8 et 18) et l’obligation pour le
directeur de l’institution de leur rendre compte de l’évolution des détenus (art. 13), ainsi
qu’une visite annuelle du procureur général qui exerce également une mission de contrôle et
de surveillance (art. 14) et la possibilité d’être placé, à titre d’épreuve, hors du centre (art. 9).
Outre ces textes, il convient d’évoquer un rapport1351 du garde des sceaux Odilon Barrot,
adressé au président Louis-Napoléon Bonaparte, au début du mois de mai 1849. Le ministre y
souligne l’importance et la nécessité de l’élaboration de mesures tendant à l’amélioration des
conditions de détention.
Ces mesures permettront, selon le ministre, d’établir une jonction entre les intérêts de l’État
afin de « raffermir l’ordre dans la société » et ceux de la société en ce qu’elles répondront à
un « intérêt d’humanité ». Cette tâche doit être accomplie par le gouvernement avec d’autant
plus de célérité - « la réforme est urgente, dit-il » -, que déjà les gouvernements antérieurs

1347
Cf. annexe n° 182.
1348
Article 5 de la Constitution du 4 novembre 1848.
1349
Cf. annexe n° 165.
1350
Cf. annexe n° 183.
1351
Moniteur Universel, vendredi 4 mai 1849, n° 124, p. 1665.
avaient procédé à des travaux préparatoires1352 sur cette question sans parvenir à la résoudre.
O. Barrot n’envisage néanmoins que l’aspect judiciaire 1353 de la question, la partie
administrative étant écartée faute de compétence de sa part.
Pourtant, pour le garde des sceaux, les objectifs de la réforme à accomplir sont doubles. Afin
de répondre aux deux intérêts sus évoqués, le système pénitentiaire doit achever les efforts
entrepris, depuis les années 1840 par la Chambre des pairs.
Il convient de concilier la politique d’amélioration des conditions de détention avec celle de
l’amendement moral des condamnés. Le but est de leur permettre de se réinsérer dans la
société en luttant contre la crainte et la déconsidération qu’ils suscitent chez les populations et
en parvenant à faire établir le respect de l’ordre et de la discipline, dans ces « écoles de
perversité1354 » au sein desquelles se développe par des « leçons de dépravation » une
véritable « contagion morale » entraînant à la récidive et marquant les détenus du sceau de
l’opprobre.
Enfin, si le rapport n’apporte pas de proposition concrète sur la marche à suivre et se limite à
déléguer cette tache à une commission, notons toutefois que le choix de cette commission est
pertinent en ce qu’elle regroupe entre autres, des personnes comme A. Bérenger 1355, A. de
Tocqueville1356 ou encore F. Hélie1357.
Au reste, ce travail doit être fait dans un climat de coopération entre les institutions faisant
intervenir commissions de surveillance, sociétés de patronage et auxiliaires issus de la
magistrature.
Une proposition1358 relative à la détention préventive est faite fin juillet 1849. Cette
proposition comporte deux articles que la commission laisse inchangés. Les deux articles
entendent améliorer les conditions de détention à une catégorie particulière d’individus : les
détenus préventifs.

1352
Cf. les travaux de G. de Beaumont, A. de Tocqueville, Ch. Lucas, Ch. Duchâtel ou ceux de L. Faucher.
1353
Il entend par là l’examen de l’utilité de la peine, son efficacité et ses conséquences : « il est nécessaire
[explique-t-il] d’examiner si cette nouvelle organisation [le système pénitentiaire] maintient au châtiment son
caractère intrinsèque… répressif ; si la pensée d’expiation, que son exécution doit incessamment développer,
n’est pas affaiblie ; si les peines conservent leurs caractères distincts, leurs degrés divers de gravité, leurs
rapports avec les faits qu’elles frappent ».
1354
Ce propos avait déjà été employé par le ministre de l’intérieur L. Faucher.
1355
Président de chambre à la Cour de cassation et ancien rapporteur devant la Cour des pairs (séance du 25
janvier 1847) d’une proposition tendant à l’amélioration du sort des détenus.
1356
Particulièrement connu et compétent pour ses travaux en cette matière.
1357
Illustre pénaliste alors directeur des affaires criminelles et des grâces.
1358
Elle est proposée par conjointement par les députés Morellet, Duché, Chanay, Denayrousse, Raspail, Benoît
(du Rhône) et Bac. Moniteur Universel, jeudi 2 août 1849, n° 214, p. 2555.
Selon le premier article1359, le détenu préventif ne doit pas être enfermé avec des condamnés et
confirme le principe de séparation. De plus, l’article évoque les conditions de la détention.
Aussi le détenu préventif doit-il être traité avec « humanité », c’est-à-dire qu’il doit bénéficier
d’un lit, de nourriture et peut recevoir dans une pièce aménagée sa famille.
L’article 21360 envisage les droits de la défense entre autres, et vise à permettre au détenu de
bénéficier des conseils de son défenseur et de ne pas être mis au secret, sauf cas exceptionnel
spécialement motivé par la Chambre du conseil.
Pourtant, la possibilité d’interdire les communications du détenu durant l’instruction de
l’affaire doit être spécialement et uniquement motivée par des raisons inhérentes à l’enquête
et être expressément autorisée par la Chambre du conseil, comme le rappelle le rapporteur A.
Labordère1361 de la commission chargée d’étudier cette proposition.
Or, pour ce dernier, cela contribuerait à empiéter sur le rôle du juge d’instruction et pourrait
causer des « dommages irréparables ». En effet, le fait de demander et d’attendre une décision
motivée de la Chambre du conseil ne ferait qu’allonger et alourdir la procédure de délais
supplémentaires. Dès lors, A. Labordère demande et obtient de l’Assemblée que cette
proposition ne soit pas prise en considération.
La fin précipitée de la deuxième République empêche la réalisation d’autres réformes. Notons
d’ailleurs que le second Empire qui lui succède, est peu fécond de réformes en matière
pénitentiaire.
Hormis la réforme du Code pénal du 18 avril 1863 qui n’entraîne qu’une incidence indirecte
sur le monde carcéral du fait de la correctionnalisation de certains crimes, la réforme la plus
importante et qui touche directement les maisons centrales, est la circulaire de F. de Persigny
du 17 août 18531362.
Cette circulaire entend interrompre le système de l’emprisonnement cellulaire et généraliser
celui des quartiers séparés, répondant ainsi favorablement aux vœux de séparation des détenus

1359
Art. 1er : Aucun citoyen arrêté préventivement ne pourra être renfermé, ni confondu pêle-mêle avec des
condamnés ou des repris de justice. Il devra être traité avec humanité, pourvu d’un lit et d’une nourriture
convenable ; il lui sera loisible de recevoir ensemble, ou séparément, dans sa chambre ou dans une chambre
disposée à cet effet, ses père et mère, sa femme ou son mari, ses enfants.
1360
Art. 2 : Les prévenus ne seront, sous aucun prétexte, même pendant l’état de siège, mis au secret et privés
temporairement de la visite des membres de leur famille, de leurs défenseurs, que sur une décision motivée de la
Chambre du conseil du tribunal à qui l’instruction devra être déférée, à peine de forfaiture contre l’agent de la
force publique ou judiciaire.
1361
Moniteur Universel, 3ème suppl. du mardi 7 août 1849, p. 2613.
1362
Cf. annexe n° 184.
en fonction de leur nature et particulièrement au conseil que prodiguait A. de Tocqueville dix
ans plus tôt1363.
En outre, cette circulaire veut généraliser la prescription du règlement du 30 octobre 1841
concernant le droit des détenus de pouvoir se rendre aux offices religieux, droit qui reste
inappliqué dans de nombreuses maisons centrales.
Si la question pénitentiaire a su animer et enrichir les débats des penseurs et des hommes
politiques depuis la Monarchie de Juillet jusqu’au second Empire, l’intervention du législateur
ou des gouvernements s’est toujours faite ponctuellement, et, sauf à de rares exceptions, sur
des points bien particuliers.
L’analyse de ces travaux apporte le double constat suivant lequel conformément aux autres
domaines de la pénologie, la question de l’incarcération et de son déroulement demeure
bercée par des idéaux philanthropes mais qui ne se concrétisent que très rarement ne
demeurant le plus souvent qu’au rang des principes. L’amendement du délinquant demeure
tantôt exclusivement, tantôt conjointement à d’autres préoccupations, la ratio legis des textes
légaux pris en cette matière.
Le nombre important de débats et d’interventions en matière d’amélioration des conditions
d’incarcération, ainsi que les réformes entreprises en cette matière s’expliquent également par
l’usage croissant que font les tribunaux des peines d’incarcération.

§ II – La recrudescence des acquittements et des


mesures d’isolement du délinquant politique

Avec l’introduction dans le Code pénal de 1810 et le développement des peines


d’emprisonnement dans la législation pénale du XIXème siècle, ce type de peine connait un
grand succès notamment en matière d’infractions politiques.
Très rapidement les juridictions recourent à ces mécanismes coercitifs qui représentent un
intérêt supérieur aux peines traditionnelles, à la fois pour l’individu et pour la société. Or,
parce qu’elle permet d’écarter un délinquant de la société pour une durée déterminée avec un
espoir d’amendement, l’incarcération se développe considérablement en pratique.

1363
A. de Tocqueville, op. cit., p. 377. Lors de son rapport devant la Chambre des députés, en 1843, il soulignait
les risques majeurs auxquels on exposait des prévenus ou accusés lorsqu’on les enfermait avec des condamnés.
« S’il était un cas où le droit de la société put aller jusqu’à séparer les détenus les uns des autres, c’était
assurément celui où il s’agissait non plus d’empêcher des coupables de se corrompre davantage, mais de
s’opposer à ce que des hommes honnêtes ne devinssent, malgré eux, corrompus par le contact impur des
criminels. Détenir un accusé jusqu’à ce que son innocence soit prouvée est rigoureux, mais le forcer de vivre, en
attendant son jugement, au milieu d’une population de malfaiteurs, est tout à la fois imprudent et cruel ».
En effet, on peut observer que les juridictions pénales privilégient en pratique les mesures
témoignant d’une certaine modération se traduisant le plus souvent par des mesures
d’isolement du délinquant voire par des acquittements.
Le XIXème siècle marque un tournant majeur dans l’histoire de la justice politique attestant de
l’évolution de la conception du crime politique. Cette évolution entraine une adaptation
perpétuelle des politiques criminelles et des pratiques judiciaires. L’évolution de la peine en
constitue un témoignage extrêmement précieux.
Tout d’abord, il convient d’observer qu’entre 1814 et 1848, alors qu’elle n’est pas encore
abolie en matière politique, la peine capitale tend progressivement à décliner. Plusieurs
raisons peuvent être invoquées comme l’utilisation du mécanisme des circonstances
atténuantes, la préférence pour certaines peines considérées comme plus utiles, mais
également la question des acquittements.
On constate en pratique que les magistrats et les jurés ont une tendance croissante à prononcer
des acquittements en matière de crimes politique. Néanmoins il convient d’opérer une
distinction en fonction du contexte. Ainsi, lorsque l’État ne subit pas de crise sociale ou
politique particulière, les juridictions sont enclines le plus souvent à une certaine modération.
En revanche, lorsque la période est troublée, le nombre d’acquittements par rapport au
nombre de poursuites décline fortement. En témoigne le rapport du nombre des acquittements
au regard du nombre de prévenus pour délits politiques, lequel tend à faiblir considérablement
en de telles périodes1364.
On voit effectivement le taux d’acquittement relativement bas lors des dernières années de la
Restauration en ne dépassant pas 27 %. De la même manière, depuis les années qui succèdent
au coup d’État de décembre 1851 jusqu’à la fin du second Empire, le taux d’acquittement en
matière de délits politiques est extrêmement bas et particulièrement en 1866, année durant
laquelle il est de 0 %.
A l’inverse lors des périodes plus calmes, le taux des acquittements augmente, illustrant par là
un déclin de l’aboutissement des procédures engagées au titre des délits politiques. Ainsi on
voit le pourcentage d’acquittements atteindre pratiquement 90 % en 1838, 1840 et 1846. De
1831 à 1851, durant les périodes libérales des gouvernements orléaniste et républicain, le taux
d’acquittement pour délits politiques n’est jamais inférieur à 59 %.
Les variations des données relatives au taux des acquittements des délits politiques peuvent
s’expliquer par plusieurs facteurs. D’abord, il y a lieu de prendre en considération l’influence
1364
Cf. annexes n° 185 et 186.
et l’impact dans les classes politiques et dans les instances judiciaires du discours selon lequel
le délinquant politique n’est pas un délinquant ordinaire et qu’en conséquence il convient de
le juger avec une certaine clémence.
Ensuite il convient de prendre en considération la loi du 8 octobre 1830 qui, en attribuant la
connaissance des délits politiques au jury, a introduit un élément modérateur dans le système
pénal français, lorsqu’il s’agit de juger des délits politiques1365.
En outre, la généralisation du principe des circonstances atténuantes, par l’article 5 de la loi
du 28 avril 18321366, a permis d’ajouter un facteur supplémentaire à cette tendance libérale de
clémence à l’égard des délinquants politiques.
Enfin une dernière explication, résultant de la synthèse des trois précédentes explications,
consisterait à dire que dans un régime plus libéral à l’image de la courte période de la
première Restauration, ou bien lors des régimes de la Monarchie de Juillet ou de la deuxième
République, la politique répressive tend à accorder plus facilement le pardon aux ennemis du
régime que dans une période plus autoritaire comme ce fut le cas lors des dernières années de
la Restauration ou lors du second Empire.
Conformément à ce constat, il convient d’observer que les peines d’emprisonnement
prononcées au titre des délits politiques évoluent également en fonction de la nature du
régime ainsi que de la conjoncture qu’il traverse. On peut ainsi constater que les peines
d’emprisonnement de plus d’un an représentent une part très marginale des sanctions
prononcées contre les délinquants politiques1367. Malgré une tendance à la souplesse, on peut
néanmoins relever un léger pic dans les débuts des années 1850.
A contrario les peines d’emprisonnement de moins d’un an sont les peines les plus fréquentes
en matière de délit politique1368. Elles représentent proportionnellement la peine la plus
prononcée par rapport aux peines d’emprisonnement de plus d’un an et aux peines d’amende.
Mais là aussi, si l’on observe le nombre de condamnations, on peut relever qu’il y a une
tendance à une recrudescence lors de certaines périodes. Ainsi, entre 1833 et 1849, il y a un
taux très faible d’emprisonnement, alors que lors des périodes moins libérales comme ce fut le
cas pour les dernières années de la Restauration ou pour le second Empire, ou encore
lorsqu’un gouvernement libéral est confronté à des tensions importantes, le nombre de

1365
A l’inverse, lorsqu’il s’agit de crimes politiques beaucoup plus graves, comme ceux qui relèvent de l’article
86 du Code pénal, le jury est tout aussi sévère et rigoureux que le sont les magistrats professionnels.
1366
Cf. annexe n° 4.
1367
Cf. annexe n° 187.
1368
Cf. annexe n° 188.
poursuites pour délits politiques1369 et le nombre de condamnations à des peines
d’emprisonnement tend à s’accroître.
Il convient par ailleurs de noter que la nature des délits politiques évolue constamment. En se
reportant aux tableaux des années 1831 à 1851, années durant lesquelles les gardes des sceaux
ont expressément distingué la nature des délits politiques, on peut constater que certains délits
sont régulièrement poursuivis.
Ainsi les cris et les chants séditieux représentent l’infraction la plus fréquemment poursuivie
devant les cours et tribunaux1370. Même si elle n’aboutit que rarement et qu’elle ne donne lieu
que très exceptionnellement à des emprisonnements de plus d’un an, il s’agit néanmoins de
l’infraction politique la plus souvent qualifiée.
A coté des cris séditieux, d’autres infractions politiques font régulièrement l’objet de
poursuites. Certes ces infractions constituent quantitativement une part moins importante des
poursuites que les qualifications de cris séditieux, mais elles tiennent une place constante au
titre des infractions poursuivies.
Parmi ces infractions on peut retenir respectivement les délits d’excitation à la haine ou au
mépris du gouvernement ou d’une classe de citoyens 1371, les offenses publiques au roi ou au
président de la République1372, les attaques contre l’autorité constitutionnelle du roi ou contre
les institutions républicaines1373, ou encore les délits de provocation à la guerre civile, à la
révolte, à commettre un attentat à la sûreté intérieure, à la désobéissance aux lois ou à
commettre des crimes et délits1374.

1369
Cf. annexes n° 187 et 188.
1370
Cf. annexes n° 189 à 193, 197, 199 à 201, 203, 205 et 206.
1371
Cf. annexes n° 189 à 192, 194, 196, 198, 199 et 205 à 209. 652 prévenus ont été traduits devant les
juridictions pénales entre 1831 et 1851 pour ces types de délits. Sur ce chiffre qui représente environ une
moyenne d’une cinquantaine de prévenus par an, 427 acquittements furent prononcés (soit 65 %). Notons
toutefois que cette qualification est invoquée de manière inconstante. Elle connaît un véritable pic entre les
années 1849 et 1851.
1372
Cf. annexes n° 189 à 202, 204, 205 et 207 à 209. Les offenses publiques au chef de l’État représentent 358
acquittements (soit 65 %) pour 551 prévenus, soit 193 condamnations pour l’ensemble de la période comprise
entre 1831 et 1851.
1373
Cf. annexes n° 189 à 195 et 207 à 209. Néanmoins cette infraction n’a abouti qu’assez exceptionnellement
sur des condamnations, la qualification ayant été presque toujours écartée. Seulement 18 condamnations à des
peines de moins d’un an d’emprisonnement et 2 condamnations à des peines de plus d’un an furent prononcées
entre 1831 et 1837, et 14 condamnations à des peines d’emprisonnement de moins d’un an et 2 à des peines de
plus d’un an entre 1849 et 1851. Sur 139 prévenus, 102 personnes furent acquittés du chef d’accusation d’attaque
contre l’autorité constitutionnelle du roi ou les institutions républicaines, soit 73 % des prévenus.
1374
Cf. annexes n° 189 à 193, 196, 200, 203, 205 à 209. Le nombre de prévenus des différents chefs de
provocation entre 1831 et 1851 s’élève à 534. Sur ce nombre de prévenus 397 individus furent acquittés (soit
74 %). Parmi les acquittements, 362 furent prononcés (contre 108 condamnés) pour les délits de provocation à la
désobéissance aux lois ou à commettre des crimes et délits, et 35 (contre 29 condamnés) pour les délits de
provocation à la révolte ou à la guerre civile. Il est intéressant de noter que les poursuites pour l’ensemble de ces
délits correspondent essentiellement à deux périodes politiquement et socialement troublées ; la première s’étend
sur les années 1831 à 1834, et la seconde, beaucoup plus importante quantitativement, s’étend sur les années
1849 à 1851.
Il convient également d’aborder un autre type de délit politique qui fait fréquemment l’objet
de poursuites mais dont la nature est variée. Il s’agit des délits d’outrages lesquels peuvent
porter sur des fonctionnaires1375, sur la religion et la morale publique 1376 ou contre une classe
de citoyens1377.
Par ailleurs, il convient de contredire un préjugé qui tendrait à considérer qu’il y a une part
importante de délits correspondant aux propositions faites et non agréées de former un
complot contre la sûreté intérieure de l’État 1378. En effet de tels délits représentent une part
très faible des délits politiques pour la période comprise entre 1831 et 1851.
En revanche certains délits spécifiques comme le délit d’appartenance à une société secrète,
connaissent à un réel succès devant les juridictions pénales. Ce délit est introduit dans le Code
pénal à la fin des années 1840 par l’article 13 du décret sur les clubs du 28 juillet 18481379.
Il est très bien accueilli par les parquets qui y recourent en maintes occasions. Ce délit
constitue d’ailleurs le principal délit politique en termes de poursuites pour les années 1850 et
18511380, et en termes de condamnations pour l’année 18501381.
Ce délit est en outre particulièrement souple d’usage, eu égard à ses conditions constitutives.
En effet, le législateur n’ayant pas spécifié les caractères que doit emprunter un groupement
d’individus pour constituer une société secrète, il revient au juge d’en déterminer
souverainement les caractères.
C’est ce qui résulte de plusieurs arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation et
notamment des arrêts du 28 décembre 1855 1382 et du 18 décembre 18621383. C’est

1375
Cf. annexes n° 189 à 193 et 195. Il s’agit spécifiquement d’outrages par paroles envers des fonctionnaires
publics ou des agents de la force publique. Le taux d’acquittement de ces délits est assez élevé et correspond à 58
acquittements (soit 79 %) sur les 73 individus poursuivis. Les peines prononcées contre les individus condamnés
sont relativement basses et n’excèdent pas un an d’emprisonnement ou une simple amende dans la plupart des
cas.
1376
Cf. annexes n° 190, 191, 193 à 199 et 201 à 209. Les poursuites pour ce chef de délit n’aboutissent que
rarement à des condamnations. En effet, sur 115 prévenus, 86 individus sont acquittés (soit près de 75 %).
1377
Cf. annexe n° 197. Ce délit est néanmoins l’un des plus marginaux dans la mesure où ne sont répertoriées de
telles poursuites que pour l’année 1839. De plus, sur les 12 individus poursuivis, tous sont acquittés.
1378
Cf. annexes n° 190, 191, 195, 202 et 206. En effet seulement 25 individus sont poursuivis pour le délit de
proposition faite et non agréée de former un complot contre la sûreté intérieure de l’État. Sur ces 25 prévenus,
seulement 11 (soit 44%) sont condamnés à des peines d’emprisonnement contre 14 acquittés (soit 56 %).
1379
Cf. annexe n° 95.
1380
Cf. annexes n° 208 et 209. Sur ces deux seules années, 387 personnes sont poursuivies du chef d’accusation
d’appartenance à une société secrète.
1381
Cf. annexe n° 208. Pour l’année 1850, 84 individus sont condamnés pour appartenance à une société secrète
(un est condamné à l’amende, 22 sont condamnés à des peines de plus d’un an d’emprisonnement et 61 sont
condamnés à des peines de moins d’un an). A lui seul, ce délit représente plus du quart (soit 27 %) des
condamnations prononcées pour des délits politiques durant l’année 1850.
1382
Cf. annexe n° 210.
1383
Cf. annexe n° 211.
conformément à cette logique, que dès 18491384, la Cour de cassation a qualifié les réunions
politiques fondées irrégulièrement, de sociétés secrètes.
Comme en matière de sociétés secrètes, certains délits politiques anciens connaissent un
regain d’activité à la fin des années 1840. C’est ainsi que le port ou l’exposition publique
d’emblèmes ou de signes de ralliement figure parmi les principaux délits politiques poursuivis
à partir de 18491385.
Ces délits originairement introduits par le gouvernement de la Restauration à travers la loi du
17 mai 18191386 font l’objet de quelques poursuites durant les quatre premières années de la
Monarchie de Juillet, pour tomber en désuétude après 18341387 jusqu’en 1849.
La rigueur de cette infraction est renforcée par le célèbre décret-loi du 17 février 1852 tendant
à museler la presse et la liberté d’expression plus généralement. En l’espèce il s’agit de la
disposition de l’art. 17, laquelle subordonne l’exposition ou la mise en vente de tout emblème
à l’obtention d’une autorisation administrative.
La notion d’emblème est relativement large et concerne tous les signes assimilés à une autre
forme de gouvernement que le gouvernement impérial. La jurisprudence fait une application
extensive de cette loi dans la mesure où elle assimile à des emblèmes entrant dans le champ
d’application du décret-loi de 1852, tous types de supports y compris les bijoux, alors même
que ce support ne serait employé sans aucune volonté de prosélytisme et simplement à des
fins d’ornementation1388.
A coté de ces délits, d’autres délits politiques sont ponctuellement et plus rarement poursuivis.
Il en est ainsi pour les critiques et les censures à l’occasion de discours pastoraux contre les

1384
Cf. annexe n° 212.
1385
Cf. annexes n° 207 à 209. Entre 1849 et 1851, 164 personnes sont poursuivies du chef de port ou
d’exposition publique d’emblèmes propres à exciter à la guerre civile. Parmi ces 164 prévenus, peu d’individus
seront toutefois condamnés. En effet cette infraction aboutit assez peu souvent à des condamnations dans la
mesure où 119 personnes sur les 164 prévenus, sont acquittées. Ce type de délit représente l’un des délits
politiques pour lesquels le taux d’acquittement (près de 73 %) est le plus élevé.
En outre ce délit ne donne que très exceptionnellement lieu à des emprisonnements de plus d’un an (2 seulement
sur les 45 condamnations) contre 38 emprisonnements de moins d’un an et 5 condamnations uniquement à
l’amende.
Notons enfin que sur les 266 prévenus poursuivis de ce chef de délit entre 1831 et 1851, plus de la moitié (soit
plus de 61 %) sont poursuivis sur les seules années 1849, 1850 et 1851.
1386
Cf. annexe n° 28.
1387
Cf. annexes n° 189 à 192 (pour les années 1831 à 1834). Cf. également les annexes 193, 194, 196 à 199, 201
à 203 et 206 (pour les années 1835 à 1848).
Entre 1831 et 1834, sont introduites 71 préventions du chef de port ou d’exposition publique de signes ou de
symboles propres à troubler la paix publique ou à propager la rébellion, contre 29 pour les années s’étendant
entre 1835 et 1848. A l’image du caractère exceptionnel des taux d’acquittements des années 1849, 1850 et
1851, le taux d’acquittement pour ces délits est relativement important dans la mesure où il s’élève à près de
58 % pour les années 1831 à 1834 et à 59 % pour les années 1835 à 1848.
1388
Cf. annexe n° 213.
actes du gouvernement1389, de même que pour les délits d’enlèvement ou de dégradation de
signes de l’autorité publique1390, ainsi que les délits de non révélation de complot 1391 ou encore
l’apologie du crime de régicide et de tous faits qualifiés crimes par la loi1392.
Notons enfin que certains délits électoraux considérés comme délits politiques font également
l’objet de poursuites à partir de l’année 1831. Même si ces délits ne représentent qu’une partie
infime des délits politiques, il convient néanmoins de les évoquer.
Aussi trouve-t-on le délit de soustraction de billets de l’urne électorale 1393, le délit
d’inscription sur le bulletin d’un électeur illettré d’un autre nom que celui qu’il avait dicté 1394,
le délit d’achat ou de vente de suffrages électoraux 1395 et enfin le délit d’entrave à l’exercice
des droits civiques ou aux opérations électorales1396.
Il convient en conséquence de constater que la nature et la gravité des délits politiques sont
relativement variées. Toutefois, si de nombreux délits politiques font l’objet de qualifications
pénales à travers le XIXème siècle, la fréquence des poursuites dépend essentiellement de la
conjoncture que traverse le pays. Comme l’illustre E. Cauchy1397, « ce n’est pas
ordinairement dans les temps calmes que les grands procès politiques se produisent », mais
dans les périodes troublées durant lesquelles le pouvoir politique est sérieusement menacé.
Ainsi, lors des premières années du règne de Louis-Philippe, pour faire face aux
attroupements, aux rébellions et autres rassemblements, puis par la suite à l’occasion des
insurrections de juin 1848 ou encore après le mécontentement général occasionné après le
coup d’État de décembre 1851 du prince-président, dans tous ces cas, dès lors que la
contestation voire la subversion gagne la société, les tribunaux connaissent un regain
d’activité en matière de délits politiques.

1389
Cf. annexes n° 190 à 192 et 195. Ce délit est relativement peu poursuivi. Nous pouvons dénombrer 16
préventions d’ouvertes pour les années 1832 à 1837 dont 5 seulement aboutissent à des condamnations (2 portent
sur des peines d’emprisonnement de moins d’un an contre 2 à un emprisonnement supérieur à un an et 1 à
l’amende uniquement.
1390
Cf. annexes n° 189 à 191, 193, 207 et 208. Ces délits ne représentent que 43 poursuites entre les années
1831 et 1850 qui n’ont abouti qu’à 7 condamnations (soit 16 %) allant de la simple amende à l’emprisonnement
de moins d’un an.
1391
Cf. annexes n° 189 à 191. De telles poursuites sont relativement marginales et n’aboutissent presque jamais
à des condamnations. On dénombre seulement 9 cas de poursuites sous ce chef d’accusation et une seule
condamnation à une peine d’emprisonnement de plus d’un an pour l’année 1831.
1392
Cf. annexes n° 195 et 199. Parmi les 3 individus poursuivis en 1837 et en 1851, tous furent acquittés.
1393
Cf. annexes n° 193 et 206. Ce délit ne donna lieu qu’à une seule condamnation à une peine de moins d’un an
d’emprisonnement contre 19 acquittements.
1394
Cf. annexes n°198 et 199. Ce délit fut invoqué trois fois devant les juridictions pénales et ne donna lieu à
aucune condamnation.
1395
Cf. annexe n°205. Sur 21 prévenus, 16 furent acquittés et 5 furent condamnés à de simples peines d’amende.
1396
Cf. annexes n° 189, 205 et 206. Des 29 prévenus de ce chef d’accusation, 25 obtinrent un acquittement et 4
furent emprisonnés pour une durée de moins d’un an.
1397
E. Cauchy, op. cit., p. 172.
Mais surtout, il convient de constater qu’à travers les différentes infractions politiques
poursuivies, et notamment à travers les peines prononcées, les juridictions optent quasiment
toujours pour des peines d’emprisonnement.
L’incarcération constitue alors le moyen de la plus efficace de concilier la nécessité de
sanctionner un comportement hostile à la loi avec la nécessité d’adapter une peine modérée
adaptée aux particularismes du délinquant politique.

Conclusion de la deuxième partie

Le régime pénal applicable au délinquant politique est un régime qui ne cesse d’évoluer
depuis le début du XIXème siècle. Subordonnés aux fluctuations conjoncturelles, qu’elles
soient sociales, politiques ou morales, tant le régime pénal que le régime procédural
témoignent d’une indubitable souplesse du droit criminel.
En conformité avec l’évolution de la notion d’infraction politique, on constate que le régime
de l’infraction politique est repensé, remodelé et réadapté tant aux nécessités juridiques,
sociales et politiques, qu’en fonction des particularités du délinquant politique.
Le règne de Louis-Philippe est la période charnière d’une transition. Cette transition amorcée
sous la Restauration par les théories développées par certains hommes politiques et par la
souplesse d’une partie de la jurisprudence, reçoit une consécration légale sous la Monarchie
de Juillet.
Il s’agit d’une véritable révolution juridique dans la mesure où cette transition se manifeste
par la transformation d’un régime ancestral, rigide et extrêmement rigoureux de justice
politique en un régime beaucoup plus souple et indulgent, celui de l’infraction politique.
Bien que son entreprise fût maladroite, incomplète et juridiquement insuffisante, en tentant de
définir la notion d’infraction politique, le législateur de 1830 est néanmoins parvenu à
déterminer et à distinguer une catégorie d’infractions.
Avec la loi du 8 octobre 1830, le législateur de Juillet a posé les jalons et les repères
permettant sinon de définir, du moins d’appréhender la notion d’infraction politique, et
surtout de lui donner un régime adapté aux mœurs et aux aspirations de la société de l’époque.
On a pu alors constater après quelques regains de sévérité illustrés par des situations
conjoncturelles déterminées, une tendance générale à un apaisement, une inclinaison au
pardon, à la compassion voire à la sympathie envers le délinquant politique. Et plus
généralement, on a pu constater une évolution de la peine sanctionnent le crime d’État d’une
peine rigoureuse à une peine adaptée traduite par l’utilisation de mécanismes d’incarcération.
Le contexte politique et l’évolution historique des gouvernements depuis la Révolution ont
indubitablement participé à cette sorte d’émancipation du délinquant politique. En effet, étant
les premiers témoins des séditions, des intrigues et des coups d’État qui ont fait avorter tous
les gouvernements depuis 1789, les hommes politiques du XIX ème siècle prennent conscience
que tout gouvernement, quelles que soient ses qualités ou ses défauts, quelles que soient ses
forces ou ses faiblesses, est inexorablement voué à l’extinction.
Cette prise de conscience témoigne de l’évolution d’une société qui a trouvé dans l’œuvre
opérée par la Révolution française de 1789, le socle intangible de valeurs ayant dotée la
France d’une constitution sociale, mais qui continue à rechercher la constitution politique
adaptée.
Dès lors, les gouvernants du XIX ème siècle ont pris conscience que les gouvernements et les
juridictions ne doivent pas se montrer trop fermes vis-à-vis de cet idéaliste qui commet un
crime ou un délit motivé uniquement par la soif d’établir la constitution politique qu’il
considère comme plus adaptée. Plus cet idéaliste sera puni sévèrement, moins le pouvoir
politique ne fera preuve de concessions à son égard et plus ce même pouvoir sera voué à une
prompte et inéluctable déchéance.
En effet, parce que cet idéaliste est commandé par des mobiles qui ne sont pas foncièrement
mauvais, mais qui au contraire témoignent d’un certain altruisme de sa part, le délinquant
politique est auréolé du double voile de la sympathie et de la compassion.
Enfin, les gouvernants ont pris conscience que l’opinion publique est une donnée qu’il faut
prendre en considération et avec laquelle il faut compter dans la mesure où la survie d’un
régime repose le plus souvent sur la fidélité ou tout au moins sur le soutient de la masse.
En conséquence, bien que le délinquant politique ait pu commettre des actions répréhensibles
et attentatoires à l’ordre public, il apparait néanmoins nécessaire de ménager son sort et de le
distinguer des délinquants ordinaires.
Aussi peut-on observer un dilemme relativement important auquel sont confrontés les
gouvernements du XIXème siècle. Ce dilemme expliquera les raisons d’une alternance entre
des phases de pardon et de clémence envers les délinquants politiques et des phases de
réaction traduites par des regains de sévérité.
Ce dilemme résulte de l’opposition entre la nécessité de protéger le régime politique en usant
de moyens légaux et pénaux opportuns et rigoureux, en empêchant le délinquant politique de
nuire à l’ordre établi, et la nécessité de faire preuve de bienveillance et de pardon à l’égard de
délinquants qui, du fait de leurs particularités, peuvent devenir des martyrs aux yeux de la
société s’ils sont trop sévèrement sanctionnés.
C’est en fonction de l’approche qu’en font les gouvernements successifs que l’on peut
distinguer deux types de périodes.
Les premières sont celles durant lesquelles on recourt à la rigueur comme ce fut le cas avec
les nombreuses lois sur la censure et les lois attentatoires aux libertés individuelles sous la
Restauration et sous le second Empire. Dans tous ces cas, les gouvernants légitiment leur
législation par des motifs de maintient de l’ordre public, de la défense des institutions ou de la
sauvegarde de l’État.
Les secondes correspondent aux périodes durant lesquelles on procède à un adoucissement du
régime applicable aux délinquants politiques, ce qui est notamment le cas de la Monarchie de
Juillet et de la deuxième République. Cet adoucissement peut résulter directement de la
politique criminelle poursuivie par le gouvernement ou le législateur, ou bien de la souplesse
dont font preuve les juridictions répressives à l’égard des délinquants politiques.
Les manifestations majeures de ce second système résultent d’une part de l’habitude que
prennent les gouvernements à amnistier les individus condamnés pour des faits politiques et
d’autre part, des lois du 8 octobre 18301398 et du 28 d’avril 18321399 qui soumettent à la
compétence du jury les auteurs de délits politiques et surtout de la déclaration du 26 février
18481400 portant abolition de la peine de mort en matière politique.
Tous ces éléments témoignent d’un réel pragmatisme de la part des institutions et des
gouvernements du XIXème siècle, illustrant une véritable rupture par rapport au passé et
marquant ainsi un tournant majeur dans l’histoire de la justice politique.

Conclusion Générale

Le XIXème siècle a permis d’apprécier la notion d’infraction politique comme une catégorie
particulière méritant des règles propres au regard des autres règles de droit commun. C’est

1398
Cf. annexe n° 18.
1399
Cf. annexe n° 4.
1400
Cf. annexe n° 10.
dans cette mesure que la période de la première moitié du XIX ème siècle a pu être qualifiée
« d’âge d’or du concept de criminalité politique ».
Selon le professeur R. Koering-Joulin1401, cet âge d’or s’explique d’un point de vue pratique,
d’une part au regard du « triomphe » du droit extraditionnel à l’égard des délinquants
politiques sur le protectionnisme politique traditionnel, et d’autre part du fait de l’avènement
d’un nouveau regard sur la nature du délinquant politique. Désormais, le délinquant politique
n’est plus assimilé au criminel le plus odieux, de même il n’est plus châtié de manière
excessive puisqu’il bénéficie d’un « statut de faveur ».
Cet âge d’or débute précisément dans les années 1830 avec l’avènement de la Monarchie de
Juillet, dans la mesure où les fondateurs de ce régime ont pris conscience qu’ils ne sont que
les délégataires de la masse des citoyens et parce qu’ils ont pris conscience du caractère
temporaire et fragile des régimes politiques.
Les enseignements véhiculés par les faits politiques produits depuis la Révolution française
témoignent de la fragilité des gouvernements quels que sévères qu’ils fussent. La conjoncture
politique depuis 1789 a engendré une conscience nouvelle sur la manière d’appréhender
l’organisation et le fonctionnement du pouvoir politique.
En organisant un nouvel ordre social articulé autour de la somme des intérêts de chaque
individu, la Révolution française a permis d’opérer une dichotomie entre la Nation d’une part
et le pouvoir politique pris dans son sens « étroit » d’autre part.
Cette dichotomie fut notamment illustrée par une mutation du crime considéré comme le plus
abject et le plus grave par l’ancien droit. En substituant à la notion de lèse-majesté celle de
lèse-nation, les révolutionnaires de 1789 témoignent d’un changement fondamental de
valeurs.
Désormais, alors même que le régime politique est une Monarchie constitutionnelle, le roi
n’est plus l’émanation de la Nation, il n’existe plus de confusion entre les intérêts de la France
et celle du monarque. Le roi n’est plus que le délégataire d’une partie de la puissance publique
au service de laquelle il doit œuvrer.
L’expression si chère à Louis XIV consistant à dire « l’État, c’est moi » est profondément
bouleversée. Les révolutionnaires de 1789 établissent une distinction qui s’imposera comme
le principe le plus sacré. Cette distinction établit laquelle l’ordre social, parce qu’il est
composé de la somme des intérêts de tous, comme la norme supérieure à toute autre, bien plus
importante encore que celle d’un seul gouvernement.
1401
R. Koering-Joulin, Infraction politique et violence, La semaine juridique, 1982-I-3066.
Le gouvernement ou le pouvoir politique au sens « étroit » comme le qualifie J.-J. Chevallier,
bien que protégé au titre de certaines incriminations pénales relatives à la chose publique,
demeure néanmoins une valeur subsidiaire.
En conséquence, l’atteinte au gouvernement, à la forme politique ou constitutionnelle de
l’État n’est plus aussi grave que la lèse-majesté sous l’Ancien Régime ou que la lèse-Nation
mise en place par les révolutionnaires.
A la différence du crime de lèse-Nation qui consiste en un crime de nature à détruire toute une
organisation sociale, l’attentat contre la forme du gouvernement ou contre la seule personne
d’un ou de plusieurs représentants de l’État n’induit pas le même degré de gravité. Il s’agit
dans ce dernier cas d’une menace plus ciblée, moins perverse et dirons-nous, plus politique.
L’individu qui attente à l’organisation constitutionnelle, l’insurgé, le criminel d’État, le
délinquant politique, cet individu est reconnu pour ce qu’il est vraiment, c’est-à-dire une
personne en guerre contre un gouvernement, contre sa forme constitutionnelle ou contre une
institution déterminée.
Ce délinquant ne constitue plus cet ennemi juré de l’organisation sociale, il n’est que l’ennemi
de sa représentation, de la manière dont elle se manifeste à un moment donnée. Il ne fait que
poursuivre le dessein altruiste de donner une meilleure constitution politique à cette
constitution sociale à laquelle il adhère1402.
A partir de 1830 les gouvernants ont pris conscience que la forme d’un gouvernement est
éphémère ; ils prennent également conscience que la rigueur excessive de la justice politique
ne mérite plus d’être légitimée au nom de la seule autorité d’un gouvernement définie
habituellement par la « raison d’État », mais seulement au nom de la Nation.
Ils admettent en conséquence que la force et la crainte, ne permettent plus d’assurer la
conservation des gouvernements, mais qu’au contraire elles ne font que précipiter la
déchéance de ceux-ci. Ils ont pris conscience de l’émancipation des peuples et de l’influence
que constitue l’opinion publique1403 pour la survie d’un gouvernement.
1402
Il y a cependant parfois des exceptions. Ainsi, sous la Restauration, la vocation principale des Ultras était
bien de renverser cet ordre social institué par la Révolution française en souhaitant le rétablissement pur et
simple de l’ancien ordre social d’Ancien Régime. De même, les attentats anarchistes et les crimes commis lors
de la commune après 1870, attestent d’une volonté de destruction de l’ordre social établi. L’attentat à
l’organisation sociale est d’ailleurs illustré dans ces deux cas, par la perpétration de crimes de droit commun
étrangers à toutes contingences purement politiques et qui ne peuvent être admis dans aucun cas, pas même dans
le cas d’une guerre régulière.
Or la plupart de temps, lorsque l’on envisage les infractions politiques dans leur ensemble, hormis ces cas
particuliers, on constate que le criminel politique n’est pas l’ennemi de « l’organisation générale de la Cité »,
bien au contraire, il en est souvent un défenseur des plus exemplaires ; il n’a pour tort que d’être l’adversaire
d’un gouvernement qu’il ne reconnait pas et qu’il considère inadapté à l’organisation sociale.
1403
Cette influence de l’opinion publique lie désormais toutes les formes de gouvernements qu’ils soient de
forme monarchique, impériale ou républicaine, et quelle que soit leur tendance (qu’ils soient de nature
Enfin ils sont parfaitement conscients qu’eux-mêmes étaient des délinquants aux yeux de
leurs adversaires avant d’arriver au pouvoir, qu’ils le seraient peut-être de nouveau à l’avenir
et qu’inversement leurs propres adversaires seraient peut-être les héros de demain1404.
Toutes ces raisons ont contribué à bouleverser substantiellement l’approche qu’il convenait
d’avoir à l’égard de l’adversaire politique à travers une évolution de la notion et du régime de
la justice politique.
En conséquence, et parce qu’il était tenu par ses engagements moraux envers le peuple qui
l’avait porté au pouvoir, le gouvernement de Juillet se devait de juger ses adversaires avec la
plus grande modération. Il ne s’agissait alors plus « de dompter ses ennemis et de maintenir
l’ordre par la terreur, mais de se les concilier, les acheter, par sa générosité1405 ».
C’est pour cette raison que la composition du pouvoir sous la Monarchie de Juillet était assez
variée. Indépendamment du formalisme exigé par la prestation du serment politique, le
personnel politique était aussi bien composé de royalistes que de bonapartistes et de
républicains.
Ce panachage était peut-être le moyen le plus « révolutionnaire » jamais institué dans aucun
gouvernement français dans la mesure où la diversité des partis et des philosophies qui y
étaient représentées, témoignait d’une réelle volonté d’émulation des divers courants
politiques.
Un tel système apportait, selon J. Viaud1406, un puissant « remède aux haines irréductibles ».
Cette monarchie d’un genre nouveau constituait malgré tout pour les républicains, adversaires
traditionnels de la forme monarchique, la « meilleure des républiques ».
Les vertus de tolérance de Louis-Philippe a l’égard de ses adversaires politiques furent si
constantes1407 qu’elles firent dire à J. Viaud1408 que « si l’histoire de la pénalité politique était
l’histoire tout entière, les dix-huit années du règne de Louis-Philippe seraient les plus
fécondes et les plus honorables de notre histoire ».

autoritaire, semi-démocratique ou démocratique).


1404
Pour E. Cauchy (op. cit., p. 171), l’histoire politique française a témoigné du caractère relatif du délit ou du
crime politique. Il est désormais fréquent de voir des faits « qui la veille étaient réputés crime, être glorifiés et
récompensés le lendemain ».
1405
G. Tarde, op. cit., p. 106.
1406
J. Viaud, op. cit., p. 212.
1407
Néanmoins cette tolérance se subordonne à une condition. Il ne faut pas que l’acte (crime ou délit politique)
soit trop atroce ni qu’il soit réprouvé par le droit des gens. En présence de l’une de ces deux situations,
l’infraction perd son caractère de politique, et dans l’hypothèse où elle conserve son caractère politique, l’agent
perd le bénéfice de la bienveillance attachée aux délinquants politiques. Cf. K.-F. Hammerich, op. cit., p. 69.
1408
J. Viaud, op. cit., p. 206.
Certes l’idée de conservation du gouvernement était toujours présente, mais à la différence de
leurs prédécesseurs, les fondateurs du régime de Juillet étaient pleinement conscients que la
sauvegarde par la force devait aboutir inéluctablement à la déchéance des gouvernements à
court terme.
Aussi convenait-il de ménager le sort de l’adversaire politique tant pour éviter qu’il ne
devienne un martyr et suscite la sympathie de l’opinion publique, que pour éviter d’être perçu
comme un pouvoir autoritaire s’exposant à des risque de coups d’État.
Cette idée est particulièrement bien développée par A.-W. Homad Sultan 1409. Selon ce juriste,
« c’est sous la Monarchie de Juillet que furent jetées les bases du régime de faveur accordé
aux délinquants politiques. Tant qu’un parti est de l’opposition, il est pressé d’arriver au
pouvoir afin de réaliser son programme. Mais une fois au pouvoir, il ralentit son ardeur pour
les réformes. […] Heureusement pour la criminalité politique, les libéraux de 1830 avaient
une bonne mémoire et beaucoup d’énergie. Ils étaient tenus par l’opinion publique. En outre,
ils ne croyaient pas à l’éternité de leur gouvernement, comme y avaient cru les
gouvernements précédents. Ceux-ci, en proie à un orgueil déraisonnable, aimaient à
proclamer publiquement leur nécessité et leur perpétuité, entendant par là que leur intérêt
était l’intérêt de tous […] Le crime de l’ennemi du pouvoir devait être rigoureusement
réprimé, car c’était pire qu’un assassin, c’était un monstre. La Monarchie de Juillet ne
pouvait pas invoquer ces idées, dangereuses pour elle, pour la seule raison qu’elle était née
d’une révolution contre un pouvoir légitimement établi, celui des Bourbons […] La
Monarchie de Juillet devait tirer sa légitimité de sa présence et son respect de sa conduite ».
C’est ainsi qu’une politique d’adoucissement devait voir le jour à la fin du premier quart du
XIXème siècle et qu’il devenait nécessaire de ménager et de modérer le sort judiciaire et
carcéral du délinquant politique, tout en sanctionnant ses actions lesquelles demeuraient
répréhensibles.
La principale difficulté des législateurs fut alors de respecter un équilibre entre la rigueur
excessive et l’impunité1410. C’est pourquoi, tout en maintenant l’existence de peines utilitaires,
les législateurs du XIXème siècle ont instauré un régime pénal et carcéral propre aux
délinquants politiques. Cette catégorie de délinquance est même devenue un titre privilégié

1409
A.-W. Homad Sultan, op. cit., p. 49.
1410
Cf. E. Cauchy, op. cit., p. 169. En effet, selon cet auteur il y a en matière de crimes ou délits politiques,
« deux excès dont il faut se garantir […] le trop d’indulgence et le trop de sévérité ; une indulgence souvent
irréfléchie dans l’appréciation du fait criminel, et une rigueur de circonstance, que l’on colore du nom de
nécessité, dans la poursuite du coupable. Ces deux choses semblent contradictoires, et cependant elles résultent,
l’une et l’autre, de la nature particulière de ces crimes ».
dont de nombreux délinquants et criminels de droit commun se sont indûment qualifiés afin
d’usurper des privilèges auxquels ils ne pouvaient pas prétendre.
Néanmoins, cette évolution a témoigné de certaines carences et de certaines lacunes. Comme
en atteste cette célèbre citation du comte Siméon alors rapporteur devant la Chambre des pairs
du projet de loi d’octobre 1830, selon laquelle « l’exacte désignation de tous les actes qui
peuvent constituer un délit politique est impossible ». En posant les jalons de la notion du
délit politique, le législateur allait également ouvrir malgré lui un débat qui devrait rester vain.
Cette opinion résume parfaitement l’histoire de l’évolution de la notion de l’infraction
politique depuis le Code pénal de 1810 jusqu’à nos jours. Cette évolution est celle d’une
quête juridique perpétuelle qui n’a jamais pu être résolue et qui continue encore aujourd’hui à
diviser doctrine et jurisprudence1411.
La raison de cette impossibilité résulte directement de la nature de l’infraction politique. Il
s’agit d’une notion extrêmement volatile et en constante mutation. L’infraction politique est
plus que toute autre notion de droit pénal, une notion fondamentalement subordonnée à une
conjoncture déterminée1412.
De même certains exemples viennent renforcer cette impossibilité technique de définir
l’infraction politique. L’exemple le plus flagrant est celui du régicide ou du présidenticide. Ce
crime qui semble constituer le crime politique par « excellence », a évolué d’un statut de
crime politique n’ouvrant pas droit aux privilèges applicables aux criminels et délinquants
politiques « ordinaires », à un statut de crime de droit commun.
Bien que l’infraction politique soit impossible à désigner avec exactitude, le chemin d’une
définition à néanmoins été balisé depuis les années 1830 par la doctrine et la jurisprudence.
Ces derniers ont élaboré deux concepts, le premier courant étant fondé sur une conception
objective du délit politique et le second étant fondé une conception subjective.

1411
Cf. à ce titre J.-J. Lemouland (op. cit., pp. 18 et 19) pour qui aucun texte ne définit l’infraction politique ou ne
donne un critère permettant de la définir. Si l’on souhaite en préciser la notion, il y a lieu de se reporter aux
décisions élaborées par « des autorités très variées » telles que les juridictions pénales et administratives. Or, la
jurisprudence elle-même n’apporte pas véritablement de réponse satisfaisante dans la mesure où elle n’est jamais
parvenue à établir un critère uniforme.
1412
D’autant que les infractions considérées comme politiques hier n’existent plus pour une très grande partie
dans notre droit criminel moderne.
Le premier concept correspond à la théorie objective du délit politique. Il est celui qui est
majoritaire, tant au sein des auteurs1413 que pour la jurisprudence1414. Cette théorie distingue
les délits politiques par la nature de l’ordre qu’ils atteignent ou par la nature du danger qu’ils
font naitre1415.
En conséquence, selon la théorie objective du délit politique, il convient d’exclure l’intention
de l’auteur comme élément déterminant la nature d’une infraction politique ou de droit
commun. Seule compte la matérialité des faits, c’est-à-dire la valeur sociale à laquelle l’agent
attente par son acte.
S’oppose à la théorie objective du délit politique, la théorie subjective. Cette théorie n’a
jamais prévalu en France, néanmoins elle est apparu en même temps que la théorie objective
et bien qu’elle ne soit pas majoritaire chez les juristes ou les hommes politiques, elle a
pendant longtemps fait l’unanimité au sein de l’opinion publique.
Selon la théorie subjective du délit politique, le critérium du délit politique réside dans
l’intention de l’agent, dans ses mobiles ou dans le but qu’il poursuit. Afin d’élaborer cette
théorie, ses auteurs se sont basés sur le fait que généralement les délits politiques
s’accomplissent par suite de mobiles non-égoïstes ou même altruistes1416.

1413
Pour R. Garraud (op. cit., pp. 204 et 207), le caractère du délit politique est « toujours déterminé par la
nature du droit lésé ». Dès lors le juge ne doit appréhender les mobiles qu’à l’occasion de « l’examen de la
culpabilité individuelle » pour justifier de la peine à appliquer mais en aucun cas pour qualifier l’infraction de
politique.
Pour A. Chauveau et F. Hélie (op. cit., p. 10), s’il ne faut pas confondre les crimes publics et les crimes
politiques, il convient néanmoins de reconnaitre que « tous les crimes politiques rentrent dans la catégorie des
crimes publics ». Dès lors, il faut relever la nature de l’ordre atteint pour qualifier ou non un crime ou un délit en
infraction politique.
1414
Selon P. Sornay (op. cit., pp. 47 et s.) la jurisprudence a fait une stricte interprétation des textes dès le départ.
Il en résulte qu’elle ne « s’est jamais livré à une recherche des mobiles » sous peine de « s’abandonner à un
arbitraire sans bornes ».
Voir notamment l’arrêt de la Cour royale de Grenoble du 22 juillet 1831 (annexe n° 20). Dans cet arrêt la Cour
exprime clairement la position majoritaire de l’époque selon laquelle l’énumération opérée par la loi du 8
octobre 1830 est limitative et qu’en conséquence, « on ne peut considérer comme politique un délit non compris
dans cette énumération sous prétexte qu’il aurait été commis dans un but politique ». Notons toutefois que cet
arrêt ne fait que rejeter le principe de la théorie subjective, dans la mesure où il fait application du principe selon
lequel la loi de 1830 est limitative. Il s’inscrit dans l’idée générale de l’époque selon laquelle on ne peut pas
élargir la liste des infractions politiques, quand même la matérialité des faits laisserait entendre à une
qualification en infraction politique. Seul le législateur dispose du pouvoir d’élargir ou de restreindre la liste des
infractions politiques.
1415
Cf. à titre d’exemple la définition donnée par le Lexique des termes juridiques, 14ème édition, éditions Dalloz,
2003. La théorie objective du délit politique y est définie comme étant constituée de tout agissement qui porte
directement atteinte à un intérêt ou à une prérogative de nature politique, telle qu’une atteinte à l’existence ou à
l’organisation de l’État.
1416
Pour la particularité des mobiles des délinquants politiques, cf. R. Rodière, op. cit., p. 10.
Néanmoins la noblesse des mobiles qui poussent le délinquant politique à enfreindre la loi, est critiquée par A.
Chauveau et F. Hélie en ce qu’elle n’est pas systématique. Pour ces derniers (op. cit., p. 14), on trouve souvent
dans la catégorie des crimes politiques, « des attentats qui égalent assurément, par le degré de leur immoralité,
les crimes communs les plus graves ». Partant de l’exemple d’un individu qui trahi sa patrie en livrant à l’ennemi
des arsenaux ou des forteresses, ou encore celui qui excite à la guerre civile en l’absence de toute résistance
légitime à l’oppression, un tel individu commet bien un crime politique, sans que son intention soit exempte
d’immoralité. Cette conception semble expliquer leur rejet de la théorie subjective (ibid., p. 15). La grande
différence entre le crime politique et le crime de droit commun tient lieu à la nature de l’ordre auquel on attente
C’est parce que l’agent n’agit pas dans son propre intérêt mais dans un intérêt plus général ou
dans l’intérêt d’une idée politique qui n’a comme vice que celui d’être en contradiction avec
les principes du pouvoir politique établi, que ce type de délinquant mérite un régime
exceptionnel et plus clément que celui auquel sont astreints les délinquants ordinaires.
Bien que la théorie objective ait été consacrée par la pratique et que la théorie subjective n’ait
produit d’impact qu’au sein de l’opinion publique1417 et d’une partie minoritaire de la doctrine,
de la jurisprudence ou des gouvernements1418, les tenants de ces deux courants ont néanmoins
toujours partagé l’idée selon laquelle, seuls les délits purement politiques devaient bénéficier
du régime de faveur attaché au délit politique1419.
C’est ainsi que les délits politiques dits relatifs telles que les infractions connexes à un délit
politique ou que les infractions politiques complexes ont été exclus de toute qualification en
infraction politique1420.
Il y a infraction politique complexe lorsqu’un même fait matériel lèse à la fois l’ordre
politique et le droit commun 1421. Pour l’ensemble des criminalistes, un tel fait nécessite
l’application des peines ordinaires de droit commun.
C’est également ce que considèrent A. Chauveau et F. Hélie1422. Pour ces professeurs, on est
en présence d’une infraction dite complexe, lorsqu’une infraction réunit « un crime politique
et un crime de droit commun ». Dès lors, les faits doivent être frappés par des peines
ordinaires1423.
et réside dans le fait que le premier, en ce qu’il attente à l’organisation politique d’un État, est « essentiellement
variable » et adapté en fonction des « besoins des temps et des mœurs », tandis que le second, en tant que crime
commis contre l’homme ou la propriété, « n’expire pas aux frontières d’un État ».
Déjà F. Guizot (op. cit., p. 153) considérait en 1821, lors de la rédaction de son ouvrage sur la peine de mort en
matière politique, que la noblesse des mobiles du délinquant politique était une donnée incertaine et non
automatique. Selon lui, « la tentative de changer un gouvernement établi, n’entraina-t-elle aucun crime privé,
peut réunir au plus haut degré les deux caractères généraux du crime, l’immoralité de l’acte même et la
perversité de l’intention ».
1417
Cf. R. Rodière, op. cit., p. 16.
1418
Cf. P. Sornay, op. cit., p. 41. Par une circulaire de 1894 à l’intention des services pénitentiaires, le ministre de
l’intérieur prévoit que pour appliquer le régime politique aux détenus, il faudra préalablement rechercher « ceux
dont l’ardeur de la passion politique a poussé jusqu’à la violation de la loi ». Si cette circulaire entend faire
procéder à une recherche des mobiles qui ont guidé le délinquant pour lui faire bénéficier d’un régime de faveur,
il convient de relativiser ce point. D’une part il s’agit d’une circulaire qui n’engage que les services
pénitentiaires ce qui n’emporte aucune conséquence sur les qualifications pénales, et d’autre part, en tant que
circulaire, cet acte n’a pas la même valeur qu’une loi ou un acte réglementaire, il ne s’agit que d’une instruction
donnée par un ministre à une administration déterminée.
1419
Cf. K.-F. Hammerich, op. cit., p. 68.
1420
Cf. à ce titre P. Sornay, op. cit., pp. 51 à 54 ; cf. également R. Charvin, op. cit., p. 437.
1421
Cf. R. Garraud, op. cit., p. 270. La même définition est donnée par G. Vidal et J. Magnol, in. Cours de droit
criminel et de science pénitentiaire, Tome I, p. 107.
1422
A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., p. 21.
1423
Tous les auteurs ne partagent toutefois pas la même idée concernant la question des peines à appliquer en cas
de concours idéal d’infractions. A ce titre, P. Sornay (op. cit., pp. 51 et 52) distingue deux hypothèses.
Soit il émane de la volonté de l’auteur la recherche d’un but politique. Dans ce premier cas, le but de l’auteur
étant indifférent à la qualification de l’infraction, il n’y a pas lieu de la qualifier de politique. C’est notamment le
cas de l’assassinat, du vol ou encore de l’incendie politique. Il n’y a pas lieu de les distinguer de l’assassinat, du
« On ne peut admettre, expliquent-ils, que les attentats contre les personnes ou contre les propriétés
soient punis de peines moins rigoureuses, parce qu’ils ont été commis dans un but politique, car ce
serait reconnaitre que ce but est en lui-même une circonstance atténuante de tous les crimes. Si le
délit politique reflète une immoralité spéciale, ce n’est qu’autant qu’il reste pur, pour ainsi dire, de tout
mélange avec les délits communs ; mais, si l’agent n’a pas reculé devant le meurtre ou le brigandage
pour accomplir ses desseins politiques, il est évident que la criminalité relative de son intention ne
saurait plus le protéger, et que le droit commun revendique un coupable qui s’est souillé d’un crime
commun ».

Ainsi, les attentats commis contre un chef d’État ont été reconnus comme relevant du droit
commun. Dans la mesure où ils attentent principalement à la vie humaine, l’intention
présumée ou avérée de nuire à l’État ne produit strictement aucune influence sur la
qualification des faits en infraction politique, ils sont alors considérés comme relevant du
droit commun1424.
Par ailleurs, s’agissant des infractions connexes, c’est-à-dire des infractions de droit commun
commises à l’occasion d’une infraction politique 1425, la jurisprudence1426 a toujours appliqué la
théorie dite de la prédominance1427.

vol ou de l’incendie commis par vengeance, par cupidité ou par passion.


Soit il y a dualité de dispositions légales. C’est-à-dire que deux ou plusieurs articles répriment un même fait, les
uns étant de nature politique et les autres relevant du droit commun. Il y a alors un concours idéal d’infractions
lequel est résolu le plus souvent par « le critère de la discrimination au profit de l’infraction politique ».
1424
Cf. R. Charvin, op. cit., p. 438. Cf. également J. Viaud, op. cit., pp. 269 et 299.
Selon J. Viaud, il existe une différence « non de nature » entre l’assassinat politique et l’assassinat de droit
commun, « mais une différence de mobiles ». La théorie retenue presque unanimement en France étant la théorie
objective, et parce qu’elle fait abstraction du mobile, aussi un tel crime est-il reconnu par l’ensemble des
pénalistes comme un crime de droit commun.
En revanche, il semble que l’opinion publique soit davantage orientée vers un sentiment relevant de la théorie
subjective, dans la mesure où pour elle, l’assassinat d’un chef d’État constitue un crime politique. Cf. P. Sornay,
op. cit., p. 26.
Cf. également R. Rodière, op. cit., p. 179. Pour ce juriste, l’exemple de l’assassinat d’un chef d’État est le plus
pertinent pour définir l’infraction politique complexe. Un tel crime illustre un concours idéal d’infractions en ce
que le même fait matériel constitue à la fois l’attentat prévu par l’art. 87 du Code pénal et le crime prévu par
l’art. 296. De la même manière, les coups portés contre un électeur pour l’empêcher de voter constituent
également un concours idéal d’infractions en ce qu’ils relèvent à la fois du délit politique relatif à l’empêchement
de l’exercice des droits civiques prévu par l’art. 109 du Code pénal et du délit de coups et blessures volontaires
de l’art. 309.
1425
Cf. R. Rodière, op. cit., p. 183.
1426
Depuis un arrêt de la Cour de cassation du 9 mars 1849 (annexe n° 167), le principe a été reconnu que
l’infraction connexe à une infraction politique l’emportait sur le caractère politique. La Cour a considéré à
l’occasion des assassinats du général Bréa et du capitaine Mangin que « l’acte aggravant la rébellion constitue
par lui-même un crime de droit commun, il ne peut échapper à la peine que la loi commune prononce ; qu’en
effet, la connexité avec l’insurrection, c’est-à-dire avec un autre crime, ne peut être considérée comme une
excuse et déterminer une atténuation de la peine ». En conséquence, « l’art. 5 de la Constitution, qui a aboli la
peine de mort en matière politique, ne peut, conformément à ces principes, profiter qu’aux crimes purement
politiques ».
1427
Suivant cette théorie, il s’agit de dissocier les deux éléments dont se compose le délit politique relatif, pour
rechercher quel est celui de ces deux faits délictueux qui est le plus grave ou que la société a le plus d’intérêt à
punir. Il s’agit de déterminer si le droit principalement lésé est d’ordre politique ou d’ordre commun. Cf. K.-F.
Hammerich, op. cit., p. 68.
Afin d’illustrer la théorie de la prédominance, certains auteurs ont établi comme critère de
référence la notion d’état de guerre régulier. C’est ainsi que pour R. Garraud1428, pour résoudre
la question de la connexité il faut distinguer si les infractions connexes commises à l’occasion
d’un crime ou d’un délit politique sont « absorbées » par ce crime ou ce délit, ou si au
contraire, ils sont exorbitants et prédominent sur le crime ou le délit politique.
Dès lors que des crimes ou des délits de droit commun seront commis contre les personnes ou
contre les propriétés et qu’ils seraient « réprouvés par le droit des gens, même s’ils étaient
commis dans un état de guerre régulier », le caractère de droit commun devra prévaloir sur le
caractère politique. Inversement, s’ils étaient légitimés dans un état de guerre régulier, ils
seront absorbés par le crime ou le délit politique.
La difficulté de définition et les divergences érigées au fil des années par la doctrine et la
jurisprudence1429 pour définir l’infraction politique, ont aboutit à l’apparition de certains
préjugés. Trop souvent l’opinion publique et certains juristes ont été amenés à considérer que
« tout crime qui intéressait de près ou de loin un homme politique » serait un crime
politique1430. Alors même qu’il pouvait s’agir d’élections municipales, le moindre crime
commis autour de personnes exerçant des fonctions politiques, pouvait être considéré comme
une infraction politique.
Ces préjugés ne résultent que de l’ignorance de la masse sur les questions juridiques et en
l’espèce sur des notions pénales. Aussi ont-ils confondu assez fréquemment crime politique et
criminel politique, exprimant leur compassion au nom des mobiles de l’agent alors que le
droit n’en tenait absolument aucun compte1431.
En outre, la détermination de ce à quoi correspond l’ordre politique entraine régulièrement
des difficultés. La raison de ces difficultés est que l’ordre politique « est essentiellement
variable1432 » et qu’ainsi la délimitation de l’illicite est en ce domaine « environnée d’une
incertitude qui doit militer en faveur de l’accusé ».
Il convient également de noter que bien qu’abrogée sous le second Empire, la loi du 8 octobre
1830 a permis à la doctrine et à la jurisprudence de baliser le terrain d’une définition du délit
1428
Cf. R. Garraud, op. cit., pp. 208 et 209. Cf. aussi R. Charvin, op. cit., p. 146.
1429
Comme le rappelle J.-J. Lemouland (op. cit., pp. 19 et 20), ce qui caractérise la jurisprudence en matière de
délit politique est essentiellement son éclectisme, son pragmatisme, son improvisation, voire ses incohérences.
1430
Cf. R. Rodière, op. cit., p. 156.
1431
Le parallèle peut aisément être fait avec l’euthanasie. Bien qu’elle demeure un crime et qu’elle constitue un
assassinat, l’euthanasie est parfois dictée par des mobiles nobles et désintéressés, l’agent ne poursuivant que le
repos et la fin des souffrances du mourant. Aussi les juridictions sont-elles partagées entre l’obligation
impérieuse qui pèse sur elles de prononcer et d’appliquer la loi, et un jugement moral tendant à apprécier des
faits à leur juste gravité sans pénaliser de façon excessive des individus qui n’ont finalement pas agit dans leur
propre intérêt.
1432
K.-F. Hammerich, op. cit., pp. 66 et 67.
politique. Il est notamment intéressant d’observer que malgré son abrogation, le chemin
qu’elle a tracé demeure encore aujourd’hui visible à travers les tentatives de définitions qui
sont apportées.
Parmi les nombreuses définitions qui furent apportées, il semble que celles qui furent données
à l’occasion de la conférence internationale pour l’unification du droit pénal de 1935 soient
particulièrement pertinentes.
Même si certaines définitions furent relativement vagues comme celles fournies par K.-F.
Hammerich1433, par le juriste belge Simon 1434 ou par le professeur Donnedieu de Vabres 1435, il
revint au texte1436 adopté par l’Assemblée générale de la conférence internationale pour
l’unification du droit pénal d’apporter un début de définition satisfaisante.
En vertu du § I de la définition du délit politique sur le plan international, l’Assemblée
générale retient que seront des délits politiques, « les infractions dirigées contre l’organisation
et le fonctionnement de l’État, ainsi que celles dirigées contre les droits qui en découlent pour
le citoyen ».
De même, sont considérés comme politiques en vertu du § II, « les délits de droit commun qui
sont la mise en œuvre des atteintes prévues par le § I, ainsi que les actes commis pour
favoriser la commission d’un délit politique ou pour permettre à l’auteur de ce délit
d’échapper à l’application de la loi pénale ». Enfin, selon le § IV, les actes de terrorisme sont
exclus de la catégorie des infractions politiques.
Bien que le concept objectiviste semble prévaloir dans cette définition, il convient d’observer
que le § III introduit une part de subjectivisme dans la mesure où l’intention doit être prise en
compte afin d’exclure de la qualification de crimes ou délits politiques, ceux qui seraient
commis sous l’impulsion d’un « mobile égoïste ou vil ».
Néanmoins une telle définition prise dans son ensemble a le mérite de répondre à la théorie
développée par J. Ortolan1437 pour qui, afin d’être qualifié en infraction politique, tout délit
doit répondre à trois questions.
1 Quelle est la personne directement lésée par ce délit ? L’État.

1433
Ibid., p. 314. Ce juriste définit comme étant des délits politiques tous les « actes punissables dirigés contre
les intérêts politiques de l’État ou contre les droits politiques d’un citoyen ».
1434
Ibid., p. 315. Selon ce juriste, « constitue un délit politique tout acte qui porte atteinte au fondement politique
de l’État ou à la base politique de l’État ».
1435
Ibid., p. 316. Selon ce professeur, sont considérés comme politiques « les faits qualifiés crimes ou délits qui
menacent la sécurité de l’État ou qui compromettent le fonctionnement de ses organes constitutionnels ou
administratifs ».
1436
Ibid., p. 334.
1437
J. Ortolan, op. cit., p. 291.
2 Dans quelle sorte de droit l’État se trouve-t-il lésé ? Dans un droit touchant à son
organisation sociale ou politique.
3 Quel genre d’intérêt a-t-il à la répression ? Un intérêt touchant à cette organisation sociale
ou politique.
Il nous semble en effet qu’une telle définition, à défaut de définition idéale, soit préférable
aux autres dans la mesure où elle laisse une certaine latitude au juge pour qualifier un crime
ou un délit en infraction politique, sans avoir à cloisonner la définition par une énumération
d’articles et sans avoir à dénaturer le principe selon lequel le mobile de l’agent reste
indifférent à la qualification pénale.
En conséquence, l’opinion de J. Ortolan nous semble très pertinente en ce qu’elle traduit
parfaitement l’idée que nous nous faisons au terme de nos travaux, selon laquelle peut être
qualifié d’infraction politique, tout crime ou délit réalisé ou tenté directement contre les
prérogatives et les intérêts politiques ou sociaux de l’État ou de l’un de ses organes
constitutionnellement établis.
Une telle définition présente, selon nous, plusieurs mérites.
D’abord elle confirme l’idée selon laquelle l’État ou l’un de ses organes est la seule entité qui
puisse être la cible d’une infraction politique. Sont ainsi concernées les différentes institutions
constitutionnellement établies de même que le corps social qui est la base du pouvoir
politique.
En outre, il faut que cette attaque soit directe. A défaut, l’atteinte illustre une violation
principalement dirigée contre des intérêts privés, qui sont par nature extrinsèques aux intérêts
politiques et sociaux, et à la sauvegarde de l’État.
Peu importe par ailleurs que les mobiles de l’agent témoignent d’hostilité envers un régime ou
qu’ils soient empreints d’altruisme. Reconnaitre une certaine subjectivité dans la définition du
délit politique expose à des difficultés d’ordre pratique considérables dans la mesure où 1° il
sera extrêmement difficile de rapporter la preuve de la résolution criminelle de l’agent ; 2°
que de plus, cela reviendrait sous la seule condition de la coloration du mobile, à donner le
caractère d’infraction politique à toute infraction pénale ; 3° et qu’enfin, toutes les infractions
supposées habituellement comme étant de nature politique, ne nécessitent pas forcément un
« esprit d’hostilité » à l’égard du pouvoir politique1438.

1438
Cf. à ce titre J. Ortolan, op. cit., n° 717 et 718, p. 291. Selon ce criminaliste, « le délit politique ne suppose
pas nécessairement un esprit d’hostilité contre le système de gouvernement ou contre le pouvoir établis ; il peut
être commis même pour soutenir ce système ou ce pouvoir ; par exemple, en corrompant ou intimidant des
suffrages, en ajoutant ou supprimant indûment des noms sur la liste des électeurs, ou par toute autre action
illégitime exercée sur le mécanisme politique contrairement aux lois mêmes de ce mécanisme ».
Enfin, il est nécessaire que l’atteinte soit dirigée contre des intérêts spécifiques de l’État
lesquels doivent concerner soit son organisation politique, c’est-à-dire le mode d’organisation
et de fonctionnement des institutions ainsi que les rapports entre elles, soit l’organisation
sociale de l’État, à savoir l’exercice des droits et des devoirs civiques et politiques des
individus qui composent le tissu social et leurs rapports avec les institutions1439.
Il reste qu’aujourd’hui cette question n’est toujours pas véritablement tranchée. Bien que la
jurisprudence ait évolué au cours des cinquante dernières années en introduisant dans des cas
restreints et le plus souvent à titre d’exceptions, certains aspects de la conception subjective
du délit politique, soit parce que le degré de gravité des faits était moindre 1440, soit parce qu’il
s’agissait d’affaires qui comportaient un caractère d’extranéité1441 et qui étaient le plus
souvent relatives au droit extraditionnel1442 ; il demeure néanmoins que le principe reconnu et

Ainsi selon le professeur Ortolan, la nature des personnes qui peuvent commettre des infractions politiques
constitue un argument en défaveur de la théorie subjective. Il ne suffit pas d’avoir la qualité « d’adversaire » du
pouvoir pour être l’auteur d’une infraction politique. En effet, « si le sujet passif du délit politique est toujours
l’État, le sujet actif peut être divers ; il se peut en effet que le délit politique vienne de l’un des grands pouvoirs
de l’État, ou du pouvoir dirigeant lui-même, de ses fonctionnaires ou agents, de ses partisans ou de ses
ennemis ».
1439
Il convient de distinguer les intérêts politiques et sociaux de l’État, de ses autres intérêts qui peuvent être
d’ordre financier ou purement matériels. Seuls les premiers méritent d’être pris en considération afin d’ériger un
crime ou un délit en une infraction politique. L’atteinte aux propriétés de l’État et à ses intérêts financiers ne peut
entrainer la qualification en infraction politique eu égard au caractère très relatif de la désorganisation sociale ou
politique qu’elle peut produire.
Ainsi, là encore nous saluons la pertinence de l’opinion développée par J. Ortolan (ibid., pp. 291 et 292). Selon
lui, « tous les intérêts et tous les droits de l’État à l’intérieur ou à l’extérieur ne se lient pas à son existence, à
ses droits d’organisation sociale ou politique. Il est une multitude de ces intérêts qui tiennent à la fortune de
l’État, droits de propriété, de créance ou autres de même nature, à l’égard desquels l’État joue à peu de choses
près le rôle d’un propriétaire ordinaire ; il en est d’autres, en fort grand nombre, qui tiennent uniquement à la
police générale ou locale du pays, sans que les questions d’organisation sociale ou politique y soient en rien
engagées. Si quelque acte coupable a lieu contre de pareils intérêts […] de tels délits sont bien des délits contre
les intérêts publics, l’État en est bien directement le sujet passif ; mais ce ne sont point des délits politiques […].
La nuance sera quelquefois difficile à saisir ; il faudra une analyse bien exacte et un discernement bien exercé
pour reconnaitre si tel délit blesse seulement la police générale ou locale, ou s’il touche à l’ordre social ou
politique lui-même ».
1440
Cela est notamment le cas lorsque le degré de gravité de l’infraction est moindre. En effet, il résulte de l’arrêt
« Croissant » du Conseil d’État en date du 7 juillet 1978 (cf. annexe n° 214) que compte tenu de la gravité des
faits il n’y a pas lieu de qualifier l’infraction en infraction politique. Il ressort négativement de cet arrêt que dès
lors qu’une infraction aura produit un effet de peu de gravité, il sera possible de retenir le mobile de l’agent
comme élément déterminant la qualité politique d’une infraction.
En effet, le Conseil d’État considère que « il est reproché au sieur X... d'avoir fourni des moyens de
correspondance à des détenus qui étaient poursuivis pour s'être associé dans le but de commettre des crimes
contre les personnes et pour avoir effectivement commis plusieurs crimes de cette nature ; que la circonstance
que ces crimes, qui ne sont pas politiques par leur objet, auraient eu pour but, selon le mandat d'arrêt précité "de
renverser l'ordre établi en République fédérale d'Allemagne" ne suffit pas, compte tenu de leur gravité, à les faire
regarder comme ayant un caractère politique. Que, si le sieur X... prétend qu'en ce qui le concerne il a agi dans le
but de faire respecter les droits de la défense, ce mobile, à le supposer établi, n'est pas de nature à donner un
caractère politique aux infractions qui lui sont reprochées et qui consistent dans une aide apportée par le sieur
X... à des détenus dont il était l'avocat en vue de leur permettre non pas d'assurer leur défense, mais de
poursuivre leurs activités criminelles ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en accordant son
extradition, les auteurs du décret attaqué ont violé les dispositions précitées de l'article 4 de la convention du 29
novembre 1951 ».
1441
En témoigne J.-J. Lemouland (op. cit., p. 21) pour qui la jurisprudence à toujours établi une distinction entre
« les décisions touchant aux questions de droit interne et celles relatives à l’extradition […] qualifiant plutôt sur
le fondement d’un critère objectif en droit interne mais s’inspirant davantage d’un critère subjectif dans le
cadre de l’art. 5 de la loi du 10 mars 1927 ».
1442
Cf. à ce titre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 4 décembre 1967 (annexe n° 215) à travers lequel la Cour
considère qu’au regard de la loi du 10 mars 1927 qui interdit l’extradition pour les auteurs d’infractions
appliqué par l’ensemble de la jurisprudence est celui qui découle de la conception objective
du délit politique.
Notons enfin, que la loi est toujours muette sur la définition du délit politique. Si l’on examine
l’art. 5 de la loi du 10 mars 19271443 et l’art. 696-4 du Code de procédure pénale 1444 lesquels
interdisent formellement l’extradition lorsqu’elle est demandée pour des raisons politiques ou
à l’occasion d’une infraction considérée comme politique, ces textes demeurent toutefois
insuffisants en ce qu’aucun n’a produit une définition du concept de délit politique.
Même si elle adopte de manière générale, malgré certaines exceptions, la même conception
objective du délit politique qu’elle a suivie depuis le XIXème siècle, la jurisprudence elle-
même demeure confuse et divisée.
Aussi constate-t-on en pratique que la jurisprudence illustre plus une faculté d’adaptation de
la justice aux mœurs d’une époque et la volonté de proportionner et d’adapter la peine en
fonction d’une situation déterminée, que d’apporter une définition uniforme.
Ce caractère toujours conditionnel, incertain et casuistique constitue la raison même de cette
impossibilité continuelle de définir uniformément et durablement le délit politique.

considérées comme politique et que par application d’une convention bilatérale entre la France et le Portugal du
13 juillet 1854, il y a lieu de retenir le mobile politique de l’agent comme élément déterminant la qualité
d’infraction politique. Si la Cour semble faire application de la théorie subjective du délit politique, il convient
de relever que c’est par la nature particulière du litige dont elle est saisie, dans la mesure où certaines
conventions internationales en matière de droit extraditionnel, dérogent au principe objectiviste en admettant de
recourir à l’appréciation du mobile politique de l’agent.
La Cour d’appel considère en l’espèce que « il résulte des documents fournis en complément d'information par le
Gouvernement portugais à la suite de l'arrêt de cette Chambre du 9 octobre 1967, que les procédures suivies
antérieurement devant les juridictions portugaises se référaient à des faits de caractère politique ; qu'il est établi
que X est bien connu pour son activité politique militante ; qu'il apparaît enfin, d'après les pièces produites dans
la procédure, que les faits imputés à X dans le mandat d'arrêt du 24 juillet 1967 par le juge de la circonscription
judiciaire de Figueira da Foz, bien que d'une particulière gravité, se rattachent à cette activité politique, ont bien
été accomplis pour un motif politique et uniquement dans un but politique » et que en conséquence, « il s'agit en
l'espèce d'un crime politique au sens de l'art. 7 de la Convention franco-portugaise du 13 juillet 1854 et du
paragraphe 2 de l'art. 5 de la loi du 10 mars 1927 ».
1443
Cf. annexe n° 216.
1444
Art. 696-4 : L'extradition n'est pas accordée :
1° Lorsque la personne réclamée a la nationalité française, cette dernière étant appréciée à l'époque de
l'infraction pour laquelle l'extradition est requise ;
2° Lorsque le crime ou le délit à un caractère politique ou lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est
demandée dans un but politique ;
3° Lorsque les crimes ou délits ont été commis sur le territoire de la République ;
4° Lorsque les crimes ou délits, quoique commis hors du territoire de la République, y ont été poursuivis et jugés
définitivement ;
5° Lorsque, d'après la loi de l'État requérant ou la loi française, la prescription de l'action s'est trouvée acquise
antérieurement à la demande d'extradition, ou la prescription de la peine antérieurement à l'arrestation de la
personne réclamée et d'une façon générale toutes les fois que l'action publique de l'État requérant est éteinte ;
6° Lorsque le fait à raison duquel l'extradition a été demandée est puni par la législation de l'État requérant d'une
peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français ;
7° Lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'État requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties
fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ;
8° Lorsque le crime ou le délit constitue une infraction militaire prévue par le livre III du code de justice
militaire.
En conséquence peut-on conclure que la nature politique d’une infraction est foncièrement
subordonnée à un faisceau d’éléments à la fois intrinsèques et extrinsèques au litige qui
l’infirment ou la confirment au gré des circonstances et des personnes.
Nous devons ainsi reproduire comme témoignage ultime cette idée développée par le
professeur R. Koering-Joulin selon laquelle « rien n’est moins harmonieux que cette notion
de délit politique qui balance au gré des volontés habilitées à la qualifier sans qu’on
parvienne à dégager avec certitude et cohérence ce qui la différencie de la délinquance
ordinaire1445 ».

1445
R. Koering-Joulin, Infraction politique et violence, La semaine juridique, 1982-I-3066 n° 17.
Annexes

Annexe n° 1 : Décret des 10 et 12 mars 1793 
relatif à la formation d’un tribunal criminel, 
http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_crimi
nelle/anciens_textes/lois_penales_revolution_fr
ancaise.htm

Titre I : De la composition et de l'organisation d'un tribunal criminel extraordinaire.

Art. 1er : Il sera établi à Paris un tribunal criminel extraordinaire, qui connaîtra de toute entreprise contre-
révolutionnaire, de tous attentats contre la liberté, l'égalité, l'unité, l'indivisibilité de la république, la sûreté
intérieure et extérieure de l'État , et de tous les complots tendant à rétablir la royauté, ou à établir toute autre
autorité attentatoire à la liberté, à l'égalité et à la souveraineté du peuple, soit que les accusés soient
fonctionnaires civils ou militaires, ou simples citoyens.

Art. 2 : Le tribunal sera composé d'un jury et de cinq juges qui dirigeront l'instruction, et appliqueront la loi après
la déclaration des jurés sur le fait.

Art. 3 : Les juges ne pourront rendre aucun jugement s’ils ne sont au moins au nombre de trois.

Art. 4 : Celui des juges qui aura été le premier élu présidera ; et, en cas d'absence, il sera remplacé par le plus
ancien d'âge.

Art. 5 : Les juges seront nommés par la Convention nationale, à la pluralité relative des suffrages, qui ne pourra
néanmoins être inférieure au quart des voix.

Art. 6 : II y aura auprès du tribunal un accusateur public et deux adjoints ou substituts, qui seront nommés par la
Convention nationale, comme les juges et suivant le même mode.

Art. 7 : Il sera nommé dans la séance de demain, par la Convention nationale, douze citoyens du département de
Paris et des quatre départements qui l'environnent, qui rempliront les fonctions de jurés, et quatre suppléants du
même département, qui remplaceront les jurés, en cas d'absence, de récusation ou de maladie. Les jurés
rempliront leurs fonctions jusqu'au 1 er mai prochain, et il sera pourvu par la Convention nationale à leur
remplacement et à la formation d'un jury pris entre les citoyens de tous les départements.

Art. 8 : Les fonctions de la police de sûreté générale, attribuées aux municipalités et aux corps administratifs par
le décret du 11 août dernier, s'étendront à tous les crimes et délits mentionnés dans l'art. 1 er du présent décret.
Art. 9 : Tous les procès-verbaux de dénonciation, d'information, d'arrestation, seront adressés en expédition par
les corps administratifs à la Convention nationale, qui les renverra à une commission de ses membres, chargée
d'en faire l'examen et de lui en faire le rapport.

Art. 10 : Il sera formé une commission de six membres de la Convention nationale, qui sera chargée de l'examen
de toutes les pièces, d'en faire le rapport, et de rédiger et présenter les actes d'accusation, de surveiller
l'instruction qui se fera dans le tribunal extraordinaire, d'entretenir une correspondance suivie avec l'accusateur
public et les juges sur toutes les affaires publiques qui seront envoyées au tribunal, et d'en rendre compte à la
Convention nationale.

Art. 11 : Les accusés qui voudront récuser un ou plusieurs jurés seront tenus de proposer les causes de récusation
par un seul et même acte, et le tribunal en jugera la validité dans les vingt-quatre heures.

Art. 12 : Les jurés voteront et formeront leur déclaration publiquement, à haute voix, et à la pluralité absolue des
suffrages.

Art. 13 : Les jugements seront exécutés sans recours au tribunal de cassation.

Art. 14 : Les accusés en fuite, qui ne se représenteront pas dans les trois mois du jugement, seront traités comme
émigrés, et sujets aux mêmes peines, soit par rapport à leur personne, soit par rapport à leurs biens.

Art. 15 : Les juges du tribunal éliront, à la pluralité absolue des suffrages, un greffier et deux huissiers. Le
greffier aura deux commis, qui seront reçus par les juges.

Titre II : Des peines.

Art. 1er : Les juges du tribunal extraordinaire prononceront les peines portées par le Code pénal et les lois
postérieures contre les accusés convaincus; et lorsque les délits qui demeureront constants seront dans la classe
de ceux qui doivent être punis des peines de la police correctionnelle, le tribunal prononcera ces peines sans
renvoyer les accusés aux tribunaux de police.

Art. 2 : Les biens de ceux qui seront condamnés à la peine de mort seront acquis à la république ; et il sera
pourvu à la subsistance des veuves et des enfants, s'ils n'ont pas de biens d'ailleurs.

Art. 3 : Ceux qui seraient convaincus de crimes ou de délits qui n'auraient pas été prévus par le Code pénal et les
lois postérieures, ou dont la punition ne serait pas déterminée par les lois, et dont l'incivisme et la résidence sur le
territoire de la république auraient été un sujet de trouble public et d'agitation , seront condamnés à la peine de
déportation.

Art. 4 : Le conseil exécutif est chargé de pourvoir à l'emplacement du tribunal.

Art. 5 : Le traitement des juges, greffier, commis et des huissiers, sera le même que celui qui a été décrété pour
les juges, greffier, commis et huissiers du tribunal criminel du département de Paris.

Annexe n° 2 : Décret du 17 septembre 1793 
relatifs à l’arrestation des gens suspects, 
Art. 1er : Immédiatement après la publication du présent décret, tous les gens suspects qui se trouvent dans le
territoire de la république, et qui sont encore en liberté, seront mis en état d'arrestation.

Art. 2 : Sont réputés gens suspects :

1° ceux qui, soit par leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, se sont montrés
partisans de la tyrannie on du fédéralisme, et ennemis de la liberté ;

2° ceux qui ne pourront pas justifier, de la manière prescrite par le décret du 21 mars dernier, de leurs moyens
d'exister et de l'acquit de leurs devoirs civiques ;

3° ceux à qui il a été refusé des certificats de civisme ;

4° les fonctionnaires publics suspendus ou destitués de leurs fonctions par la Convention nationale ou par ses
commissaires, et non réintégrés, notamment ceux qui ont été ou doivent être destitués en vertu du décret du 14
août dernier ;

5° ceux des ci-devant nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs, et agents
d'émigrés, qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la révolution ;

6° ceux qui ont émigré dans l'intervalle du 1 er juillet 1789, à la publication du décret du 30 mars-8 avril 1792,
quoiqu'ils soient rentrés en France dans le délai fixé par ce décret, ou précédemment.

Art. 3 : Les comités de surveillance établis d'après le décret du 21 mars dernier, ou ceux qui leur ont été
substitués, soit par les arrêtés des représentants du peuple envoyés près les armées et dans les départements, soit
en vertu des décrets particuliers de la Convention nationale, sont chargés de dresser, chacun dans son
arrondissement, la liste des gens suspects, de décerner contre eux les mandats d'arrêt, et de faire apposer les
scellés sur leurs papiers. Les commandants de la force publique à qui seront remis ces mandats seront tenus de
les mettre à exécution sur-le-champ, sous peine de destitution.

Art. 4 : Les membres du comité ne pourront ordonner l'arrestation d'aucun individu, sans être au nombre de sept,
et qu'à la majorité absolue des voix.

Art. 5 : Les individus arrêtés comme suspects seront d'abord conduits dans les maisons d'arrêt du lieu de leur
détention ; à défaut de maison d'arrêt, ils seront gardés à vue dans leurs demeures respectives.

Art. 6 : Dans la huitaine suivante, ils seront transférés dans les bâtiments nationaux que les administrations de
département seront tenues, aussitôt après la réception du présent décret, de désigner et faire préparer à cet effet.

Art. 7 : Les détenus pourront faire transporter dans ces bâtiments les meubles qui leur seront d'une absolue
nécessité ; ils y resteront gardés jusqu'à la paix.

Art. 8 : Les frais de garde seront à la charge des détenus, et seront répartis entre eux également : cette garde sera
confiée de préférence aux pères de famille et aux parents de citoyens qui sont ou marcheront aux frontières. Le
salaire en est fixé par chaque homme de garde à la valeur d'une journée et demi de travail.

Art. 9 : Les comités de surveillance enverront sans délai au comité de sûreté générale de la Convention nationale
l'état des personnes qu'ils auront fait arrêter, avec les motifs de leur arrestation et les papiers qu'ils auront saisis
sur elles.

Art. 10 : Les tribunaux civils et criminels pourront, s'il y a lieu, faire retenir en état d'arrestation comme gens
suspects, et envoyer dans les maisons de détention ci- dessus énoncées les prévenus de délits à l'égard desquels il
serait déclaré n'y avoir pas lieu à accusation, ou qui seraient acquittés des accusations portées contre eux.
Annexe n° 3 : Déclaration des Droits de 
l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.

Art. 1er : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être
fondées que sur l'utilité commune.

Art. 2 : Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.

Art. 3 : Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut
exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Art. 4 : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de
chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces
mêmes droits Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Art. 5 : La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la
loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Art. 6 : La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement
ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle
punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et
emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Art. 7 : Nul homme ne peut être accusé, arrêté ou détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les
formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires
doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant ; il se rend coupable
par la résistance.

Art. 8 : La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en
vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Art. 9 : Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable
de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée
par la loi.

Art. 10 : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble
pas l'ordre public établi par la loi.

Art. 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout
citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la loi.

Art. 12 : La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc
instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée.

Art. 13 : Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune
est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés.
Art. 14 : Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la
contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le
recouvrement et la durée.

Art. 15 : La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

Art. 16 : Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n'a point de Constitution.

Art. 17 : La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Annexe n° 4 : Loi du 28 avril 1832, relative aux 
modifications apportées au Code pénal et au 
Code d’instruction criminelle, Moniteur Universel, 
jeudi 3 mai 1832, n° 124, p. 1153.

Titre I : Code d’instruction criminelle.

Art. 1er : Les articles 206, 339, 340, 341, 345, 347 sont abrogés ; ils seront remplacés par les articles suivants.

Art. 2 : (206) La mise en liberté du prévenu acquitté ne pourra être suspendue, lorsqu’aucun appel n’aura été
déclaré ou notifié dans les trois jours de la prononciation du jugement.

Art. 3 : (339) Lorsque l’accusé aura proposé pour excuse un fait admis comme tel par la loi, le président devra, à
peine de nullité, poser la question ainsi qu’il suit : « tel fait est-il constant ? »

Art. 4 : (340) Si l’accusé a moins de seize ans, le président posera, à peine de nullité, cette question : « l’accusé
a-t-il agit avec discernement ? »

Art. 5 : (341) En toute matière criminelle, même en cas de récidive, le président, après avoir posé les questions
résultant de l’acte d’accusation et des débats, avertira le jury, à peine de nullité, que s’il pense, à la majorité de
plus de sept voix, qu’il existe, en faveur d’un ou de plusieurs accusés reconnus coupables, des circonstances
atténuantes, il devra en faire la déclaration dans ces termes :

« A la majorité de plus de sept voix, il y a des circonstances atténuantes en faveur de tel accusé ».

Ensuite le président remettra les questions écrites aux jurés, dans la personne du chef du jury ; et il leur remettra
en même temps l’acte d’accusation, les procès verbaux qui constatent les délits, et les pièces du procès autres
que les déclarations écrites des témoins.

Il fera retirer l’accusé de l’auditoire.

Art. 6 : (345) Le chef du jury les interrogera d’après les questions posées, et chacun d’eux répondra ainsi qu’il
suit :
1° Si le juré pense que le fait n’est pas constant, ou que l’accusé n’en est pas convaincu, il dira :

« Non, l’accusé n’est pas coupable ». En ce cas, le juré n’aura rien de plus à répondre.

2° S’il pense que le fait est constant, que l’accusé en est convaincu, et que la preuve existe à l’égard de toutes les
circonstances, il dira :

« Oui, l’accusé est coupable d’avoir commis le crime avec toutes les circonstances comprises dans la position
des questions ».

3° S’il pense que le fait est constant, que l’accusé en est convaincu, mais que la preuve n’existe qu’à l’égard de
quelques-unes des circonstances, il dira :

« Oui, l’accusé est coupable d’avoir commis le crime avec telle circonstance ; mais il n’est pas constant qu’il
l’ait fait avec telle autre ».

4° S’il pense que le fait est constant, que l’accusé en est convaincu, mais qu’aucune des circonstances n’est
prouvée, il dira :

« Oui, l’accusé est coupable, mais sans aucune des circonstances ».

5° S’il pense que des circonstances atténuantes existent en faveur de l’accusé, il dira :

« Oui, il y a des circonstances atténuantes en faveur de l’accusé ».

Art. 7 : (347) La décision du jury se formera contre l’accusé à la majorité de plus de sept voix.

Elle se formera à la même majorité de plus de sept voix sur l’existence des circonstances atténuantes.

Dans l’un et l’autre cas, la déclaration du jury constatera cette majorité, à peine de nullité, sans que jamais le
nombre de voix puisse y être exprimé.

Art. 8 : (368) L’accusé ou la partie civile qui succombera, sera condamné aux frais envers l’État et envers l’autre
partie.

Dans les affaires soumises au jury, la partie civile qui n’aura pas succombé, ne sera jamais seule tenue des frais.

Dans le cas où elle en aura consigné, en exécution du décret du 18 juin 1811, ils lui seront restitués.

Art. 9 : (372) Le greffier dressera un procès-verbal de la séance, à l’effet de constater que les formalités
prescrites ont été observées.

Il ne sera fait mention au procès-verbal, ni des réponses des accusés, ni du contenu aux dispositions, sans
préjudice toutefois de l’exécution de l’article 318 concernant les changements, variations et contradictions dans
les déclarations des témoins.

Le procès-verbal sera signé par le président et le greffier, et ne pourra être imprimé à l’avance.

Les dispositions du présent article seront exécutées à peine de nullité.

Le défaut de procès-verbal et l’inexécution des dispositions du troisième paragraphe qui précède, seront punis de
cinq cents francs d’amende contre le greffier.

Art. 10 : (399) Au jour indiqué, et pour chaque affaire, l’appel des jurés non excusés et non dispensés sera fait
avant l’ouverture de l’audience, en leur présence, en présence de l’accusé et du procureur général.

Le nom de chaque juré répondant à l’appel sera déposé dans une urne.
L’accusé premièrement, ou son conseil et le procureur général, récuseront tels jurés qu’ils jugeront à propos, à
mesure que leurs noms sortiront de l’urne, sauf la limitation exprimée ci-après.

L’accusé, son conseil, ni le procureur général, ne pourront exposer leurs motifs de récusation.

Le jury de jugement sera fourni à l’instant où il sera sorti de l’urne douze noms de jurés non récusés.

Art. 11 : (619) Tout condamné à une peine afflictive ou infamante qui aura subi sa peine, ou qui aura obtenu, soit
des lettres de commutation, soit des lettres de grâce, pourra être réhabilité.

La demande en réhabilitation ne pourra être formée par les condamnés aux travaux forcés à temps, à la détention
ou à la réclusion, que cinq ans après l’expiration de leur peine ; et par les condamnés à la dégradation civique,
qu’après cinq ans à compter du jour où la condamnation sera devenue irrévocable, et cinq après qu’ils auront
subi la peine de l’emprisonnement, s’ils y ont été condamnés. En cas de commutation, la demande en
réhabilitation ne pourra être formée que cinq après l’expiration de la nouvelle peine, et, en cas de grâce, que cinq
ans après l’enregistrement des lettres de grâce.

Titre II : Code pénal.

Art. 12 : Les articles 2, 7, 8, 13, 17, 18, 20, 22, 23, 24, 28, 29, 30, 33, 34, 35, 36, 44, 45, 47, 51, 56, 63, 67, 68,
69, 71, 78, 81, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 108, 111, 132, 133, 139, 143, 144, 165, 177, 178, 184, 187, 189, 198, 200,
205, 228, 232, 235, 259, 263, 271, 282, 304, 309, 310, 311, 317, 331, 332, 333, 344, 362, 363, 364, 365, 381,
382, 385, 386, 388, 389, 400, 408, 434, 435, 463, 471, 475, 476, 477, 478, 479, 480, 483 du Code pénal sont
abrogés ; ils seront remplacés par les articles suivants :

Art. 13 : (2) Toute tentative de crime qui aura été manifestée par un commencement d'exécution, si elle n'a été
suspendue ou si elle n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur,
est considérée comme le crime même.

Art. 14 : (7) Les peines afflictives et infamantes sont,

1° la mort,

2° les travaux forcés à perpétuité,

3° la déportation,

4° les travaux forcés à temps,

5° la détention,

6° la réclusion.

Art. 15 : (8) Les peines infamantes sont,

1° le bannissement,

2° la dégradation civique.

Art. 16 : (13) Le coupable condamné à mort pour parricide sera conduit, sur le lieu de l'exécution, en chemise, nu
pieds, et la tête couverte d'un voile noir.

Il sera exposé sur l'échafaud, pendant qu'un huissier fera au peuple lecture de l'arrêt de condamnation, et il sera
immédiatement exécuté à mort.

Art. 17 : (17) La peine de la déportation consistera à être transporté, et à demeurer à perpétuité, dans un lieu
déterminé par la loi hors du territoire continental du Royaume.
Si le déporté rentre sur le territoire du Royaume, il sera, sur la seule preuve de son identité, condamné aux
travaux forcés à perpétuité.

Le déporté qui ne sera pas rentré sur le territoire du Royaume, mais qui sera saisi dans les pays occupés par les
armées françaises, sera conduit dans le lieu de sa déportation.

Tant qu'il n'aura pas été établi un lieu de déportation, ou lorsque les communications seront interrompues entre le
lieu de la déportation et la métropole, le condamné subira à perpétuité la peine de la détention.

Art. 18 : (18) Les condamnations aux travaux forcés à perpétuité et à la déportation emporteront mort civile.

Néanmoins le gouvernement pourra accorder au condamné à la déportation l'exercice des droits civils ou de
quelques-uns de ses droits.

Art. 19 : (20) Quiconque aura été condamné à la détention sera renfermé dans l'une des forteresses situées sur le
territoire continental du Royaume qui auront été déterminées par une ordonnance du roi rendue dans la forme de
règlement d'administration publique.

Il communiquera avec les personnes placées dans l'intérieur du lieu de la détention ou avec celles du dehors,
conformément aux règlements de police établis par une ordonnance du roi.

La détention ne peut être prononcée pour moins de cinq ans, sauf le cas prévu par l'article 33.

Art. 20 : (22) Quiconque aura été condamné à l'une des peines des travaux forcés à perpétuité, des travaux forcés
à temps ou de la réclusion, avant de subir sa peine demeurera durant une heure exposé aux regards du peuple sur
la place publique. Au-dessus de sa tête sera placé un écriteau portant, en caractères gros et lisibles, ses noms, sa
profession, son domicile, sa peine et la cause de sa condamnation.

En cas de condamnation aux travaux forcés à temps ou à la réclusion, la cour d'assises pourra ordonner par son
arrêt que le condamné, s'il n'est pas en état de récidive, ne subira pas l'exposition publique.

Néanmoins l'exposition publique ne sera jamais prononcée à l'égard des mineurs de 18 ans et des septuagénaires.

Art. 21 : (23) La durée des peines temporaires comptera du jour où la condamnation sera devenue irrévocable.

Art. 22 : (24) Néanmoins, à l'égard des condamnations à l'emprisonnement prononcées contre des individus en
état de détention préalable, la durée de la peine, si le condamné ne s'est pas pourvu, comptera du jour du
jugement ou de l'arrêt, nonobstant l'appel ou le pourvoi du ministère public, et quel que soit le résultat de cet
appel ou de ce pourvoi.

Il en sera de même temps dans les cas où la peine aura été réduite, sur l'appel ou le pourvoi du condamné.

Art. 23 : (28) La condamnation à la peine des travaux forcés à temps, de la détention, de la réclusion ou du
bannissement, emportera la dégradation civique. La dégradation civique sera encourue du jour où la
condamnation sera devenue irrévocable, et, en cas de condamnation par contumace, du jour de l'exécution par
effigie.

Art. 24 : (29) Quiconque aura été condamné à la peine des travaux à temps, de la détention ou de la réclusion,
sera de plus, pendant la durée de sa peine, en état d'interdiction légale ; il lui sera nommé un tuteur et un
subrogé-tuteur, pour gérer et administrer ses biens, dans les formes prescrites pour les nominations des tuteurs et
subrogés-tuteurs aux interdits.

Art. 25 : (30) Les biens du condamné lui seront remis après qu'il aura subi sa peine, et le tuteur lui rendra compte
de son administration.
Art. 26 : (33) Si le banni, avant l'expiration de sa peine, rentre sur le territoire du Royaume, il sera, sur la seule
preuve de son identité, condamné à la détention pour un temps au moins égal à celui qui restait à courir jusqu'à
l'expiration du bannissement, et qui ne pourra excéder le double de ce temps.

Art. 27 : (34) La dégradation civique consiste,

1° dans la destitution et l'exclusion des condamnés de toutes fonctions, emplois ou offices publics ;

2° dans la privation du droit de vote, d'élection, d'éligibilité, et, en général, de tous les droits civiques et
politiques, et du droit de ne porter aucune décoration ;

3° dans l'incapacité d'être juré, expert, d'être employé comme témoin dans des actes, et de déposer en justice
autrement que pour donner de simples renseignements ;

4° dans l'incapacité de faire partie d'aucun conseil de famille, et d'être tuteur, curateur, subrogé-tuteur, ou conseil
judiciaire, si ce n'est de ses propres enfants, et sur l'avis conforme de la famille ;

5° dans la privation du droit de port d'armes, du droit de faire partie de la garde nationale, de servir dans les
armées françaises ; de tenir école, ou d'enseigner et d'être employé dans aucun établissement d'instruction à titre
de professeur, maître ou surveillant.

Art. 28 : (35) Toutes les fois que la dégradation civique sera prononcée comme peine principale, elle pourra être
accompagnée d'un emprisonnement dont la durée, fixée par l'arrêt de condamnation, n'excédera pas cinq ans.

Si le coupable est un étranger ou un Français ayant perdu la qualité de citoyen, la peine de l'emprisonnement
devra toujours être prononcée.

Art. 29 : (36) Tous arrêts qui porteront la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité et à temps, la
déportation, la détention, la réclusion, la dégradation civique et le bannissement, seront imprimés par extraits.

Ils seront affichés dans la ville centrale du département, dans celle où l'arrêt aura été rendu, dans la commune du
lieu où le délit aura été commis, dans celle où se fera l'exécution, et dans celle du domicile du condamné.

Art. 30 : (44) L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera de donner au gouvernement le droit de
déterminer certains lieux dans lesquels il sera interdit au condamné de paraître après qu'il aura subi sa peine. En
outre, le condamné devra déclarer, avant sa mise en liberté, le lieu où il veut fixer sa résidence ; il recevra une
feuille de route réglant l'itinéraire dont il ne pourra s'écarter, et la durée de son séjour dans chaque lieu de
passage. Il sera tenu de se présenter, dans les vingt-quatre heures de son arrivée, devant le maire de la commune ;
il ne pourra changer de résidence sans avoir indiqué, trois jours à l'avance, à ce fonctionnaire, le lieu où il
propose d'aller habiter, et sans avoir reçu de lui une nouvelle feuille de route.

Art. 31 : (45) En cas de désobéissance aux dispositions prescrites par l'article précédent, l'individu mis sur la
surveillance de la haute police sera condamné par les tribunaux correctionnels à un emprisonnement qui ne
pourra excéder cinq ans.

Art. 32 : (47) Les coupables condamnés aux travaux forces à temps, à la détention et à la réclusion, seront de
plein droit, après qu'ils auront subi leur peine et pendant toute la vie, sous la surveillance de la haute police.

Art. 33 : (51) Quand il y aura lieu à restitution, le coupable pourra être condamné, en outre, envers la partie
lésée, si elle le requiert, à des indemnités dont la détermination est laissée à la justice de la cour ou du tribunal,
lorsque la loi ne les aura pas réglées, sans que la cour ou le tribunal puisse, du consentement même ladite partie,
en prononcer l'application à une œuvre quelconque.
Art. 34 : (56) Quiconque ayant été condamné à une peine afflictive ou infamante aura commis un second crime
emportant, comme peine principale, la dégradation civique, sera condamné à la peine du bannissement.

Si le second crime emporte la peine du bannissement, il sera condamné à la peine de la détention.

Si le second crime emporte la peine de la réclusion, il sera condamné à la peine des travaux forces à temps.

Si le second crime emporte la peine de la détention, il sera condamné au maximum de la même peine, laquelle
pourra être élevée jusqu'au double.

Si le second crime emporte la peine de la déportation, il sera condamné aux travaux perpétuité.

Quiconque ayant été condamné aux travaux à perpétuité aura commis un second crime emportant la même peine,
sera condamné à la peine de mort.

Toutefois, l'individu condamné par un tribunal militaire ou maritime ne sera, en cas de crime ou délit postérieur,
passible des peines de la récidive qu'autant que la première condamnation aurait été prononcée pour des crimes
ou délits punissables d'après les lois pénales ordinaires.

Art. 35 : (63) Néanmoins la peine de mort, lorsqu'elle sera applicable aux auteurs des crimes, sera remplacée, à
l'égard des receleurs, par celle des travaux forces à perpétuité.

Dans tous les cas, les peines des travaux à perpétuité ou de la déportation, lorsqu'il y aura lieu, ne pourront être
prononcées contre les recéleurs qu'autant qu'ils seront convaincus d'avoir eu, au temps du recélé, connaissance
des circonstances auxquelles la loi attache les peines de mort, des travaux forcés à perpétuité et de la
déportation ; sinon ils ne subiront que des peines de travaux forcés à temps.

Art. 36 : (67) S'il est décidé qu'il a agi avec discernement, les peines seront prononcées ainsi qu'il suit :

S'il a encouru la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, de la déportation, il sera condamné à la peine de
10 à 20 ans d'emprisonnement dans une maison de correction.

S'il a encouru la peine des travaux forcés à temps, de la détention ou de la réclusion, il sera condamné à être
renfermé dans une maison de correction pour un temps égal au tiers au moins et à la moitié au plus de celui pour
lequel il aurait pu être condamné à l'une de ces peines.

Dans tous les cas, il pourra être mis par l'arrêt ou le jugement sous la surveillance de la haute police pendant cinq
ans au moins de dix ans au plus.

S'il a encouru la peine de la dégradation civique ou du bannissement, il sera condamné à être enfermé d'un an à
cinq ans dans une maison de correction.

Art. 37 : (68) L’individu âgé de moins de seize ans qui n’aura pas de complices présents au-dessus de cet âge, et
qui sera prévenu de crimes autres que ceux que la loi punit de la peine de mort, de celle des travaux forcés à
perpétuité, de la peine de la déportation ou de celle de la détention, sera jugé par les tribunaux correctionnels, qui
se conformeront aux deux articles ci-dessus.

Art. 38 : (69) Dans tous les cas où le mineur de seize ans n’aura commis qu’un simple délit, la peine qui sera
prononcée contre lui ne pourra s’élever au-dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait pu être condamné, s’il
avait eu seize ans.

Art. 39 : (71) Ces peines seront remplacées, à leur égard, savoir : celle de la déportation, par la détention à
perpétuité, et les autres par celle de la réclusion, soit à perpétuité, soit à temps, selon la durée de la peine qu’elle
remplacera.
Art. 40 : (78) Si la correspondance avec les sujets d'une puissance ennemie, sans avoir pour objet l'un des crimes
énoncés en l'article précédent, a néanmoins eu pour résultat de fournir aux ennemis des instructions nuisibles à la
situation militaire ou politique de la France ou de ses alliés, ceux qui auront entretenu cette correspondance
seront punis de la détention, sans préjudice des plus fortes peines, dans le cas où ces instructions auraient été la
suite d'un concert constituant un fait d'espionnage.

Art. 41 : (81) Tout fonctionnaire public, tout agent, tout préposé du gouvernement, chargé à raison de ses
fonctions du dépôt des plans de fortifications, arsenaux, ports ou rades, qui aura livré ces plans à l'ennemi ou aux
agents de l'ennemi, sera puni de mort.

Il sera puni de la détention, s'il a livré ces plans aux agents d'une puissance étrangère, neutre ou alliée.

Art. 42 : (86) L'attentat contre la vie ou contre la personne du roi est puni de la peine du parricide.

L'attentat contre la vie ou contre les personnes des membres de la famille royale est puni de la peine de mort.

Toute offense commise publiquement envers la personne du roi sera punie d'un emprisonnement de six mois à
cinq ans et d'une amende de 150 Francs à 10 000 Francs. Le coupable pourra en outre être interdit de tout ou
partie des droits mentionnés en l'article 42, pendant un temps égal à celui de l'emprisonnement auquel il aura été
condamné. Ce temps courra à compter du jour où le coupable aura subi sa peine.

Art. 43 : (87) L'attentat dont le but sera, soit de détruire, soit de changer le gouvernement ou l'ordre de
successibilité au trône, soit d’exciter les citoyens ou habitants à s'armer contre l'autorité royale, sera puni de
mort.

Art. 44 : (88) L'exécution ou la tentative constitueront seules l'attentat.

Art. 45 : (89) Le complot ayant pour but les crimes mentionnés aux articles 86 et 87, s'il a été suivi d'un acte
commis ou commencé pour en préparer l'exécution, sera puni de la déportation.

S'il n'a été suivi d'aucun acte commis ou commencé pour en préparer l'exécution, la peine sera celle de la
détention.

Il y a complot dès que la résolution d'agir est concertée et arrêtée entre deux ou plusieurs personnes.

S'il y a eu proposition faite et non agréée de former un complot pour arriver aux crimes mentionnés dans les
articles 86 et 87, celui qui aura fait une telle proposition sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans.

Le coupable pourra de plus être interdit, en tout ou en partie, des droits mentionnés en l'article 42.

Art. 46 : (90) Lorsqu'un individu aura formé seul la résolution de commettre l'un des crimes prévus par l'article
86, et qu'un acte pour en préparer l'exécution aura été commis ou commencé par lui seul et sans assistance, la
peine sera celle de la détention.

Art. 47 : (91) L'attentat dont le but sera, soit d'exciter la guerre civile en armant ou en portant les citoyens ou
habitants à s'armer les uns contre les autres, soit de porter la dévastation, le massacre et le pillage dans une ou
plusieurs communes, sera puni de mort.

Le complot ayant pour but l'un des crimes prévus au présent article, et la proposition de former ce complot, sera
puni des peines portées en l'article 89, suivant les distinctions qui y sont établies.

Art. 48 : (108) Seront exemptés des peines prononcées contre les auteurs de complots ou d'autres attentatoires à
la sûreté intérieure et extérieure de l'État, ceux des coupables qui, avant toute exécution ou tentative de ces
complots ou de ces crimes, et avant toutes poursuites commencées, auront les premiers donné au gouvernement
ou aux autorités administratives ou de police judiciaire, connaissance de ces complots ou crimes et de leurs
auteurs ou complices, ou qui, même depuis le commencement des poursuites, auront procuré l'arrestation desdits
auteurs ou complices.

Les coupables qui auront donné ces connaissances ou procuré ces arrestations, pourront néanmoins être
condamnés à rester pour la vie ou à temps sous la surveillance de la haute police.

Art. 49 : (111) Tout citoyen qui, étant chargé, dans un scrutin, du dépouillement des billets contenant les
suffrages des citoyens, sera surpris falsifiant ces billets ou en soustrayant de la masse, ou en y ajoutant, ou
inscrivant sur les billets des votants non lettrés des noms autres que ceux qui lui auraient été déclarés, sera puni
de la peine de la dégradation civique.

Art. 50 : (132) Quiconque aura contrefait ou altéré les monnaies d’or ou d’argent ayant cours légal en France, ou
participé à l’émission ou exposition desdites monnaies contrefaites ou altérées, ou à leur introduction sur le
territoire français, sera puni des travaux forcés à perpétuité.

Art. 51 : (133) Celui qui aura contrefait ou altéré des monnaies de billon ou de cuivre ayant cours légal en
France, ou participé à l’émission ou exposition desdites monnaies contrefaites ou altérées, ou à leur introduction
sur le territoire français, sera puni des travaux forcés à temps.

Art. 52 : (139) Ceux qui auront contrefait le sceau de l’État, ou fait usage du sceau contrefait ;

Ceux qui auront contrefait ou falsifié, soit des effets émis par le Trésor public avec son timbre, soit des billets de
banques autorisées par la loi, ou qui auront fait usage de ces effets et billets contrefaits ou falsifiés, ou qui les
auront introduits dans l’enceinte du territoire français, seront punis des travaux forcés à perpétuité.

Art. 53 : (143) Sera puni de la dégradation civique quiconque s’étant indûment procuré les vrais sceaux, timbres
ou marques ayant l’une des destinations exprimées en l’art. 142, en aura fait une application ou usage
préjudiciable aux droits ou intérêts de l’État, d’une autorité quelconque, ou même d’un établissement particulier.

Art. 54 : (144) Les dispositions de l’article 138 sont applicables aux crimes mentionnés dans l’article 139.

Art. 55 : (165) Tout faussaire condamné, soit aux travaux forcés, soit à la réclusion, subira l’exposition publique.

Art. 56 : (177) Tout fonctionnaire public de l’ordre administratif ou judiciaire, tout agent ou préposé d’une
administration publique, qui aura agréé des offres ou promesses, ou reçu des dons ou présents pour faire un acte
de sa fonction ou de son emploi, même juste, mais non sujet à salaire, sera puni de la dégradation civique, et
condamné à une amende double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues, sans que ladite amende
puisse être inférieure à deux cents Francs.

La présente disposition est applicable à tout fonctionnaire, agent ou préposé de la qualité ci-dessus exprimée,
qui, par offres ou promesses agréées, dons ou présents reçus, se sera abstenu de faire un acte qui entrait dans
l’ordre de ses devoirs.

Art. 57 : (178) Dans le cas où la corruption aurait pour objet un fait criminel emportant une peine plus forte que
celle de la dégradation civique, cette peine plus forte sera appliquée aux coupables.

Art. 58 : (184) Tout fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire, tout officier de justice ou de police, tout
commandant ou agent de la force publique, qui, agissant en sa dite qualité, se sera introduit dans le domicile d’un
citoyen contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus par la loi et sans les formalités qu’elle a prescrites, sera puni
d’un emprisonnement de six jours à un an, et d’une amende de seize Francs à cinq cents Francs, sans préjudice
de l’application du second paragraphe de l’article 114.

Tout individu qui se sera introduit à l’aide de menaces ou de violences dans le domicile d’un citoyen, sera puni
d’un emprisonnement de six jours à trois mois et d’une amende de seize à deux cents Francs.

Art. 59 : (187) Toute suppression, toute ouverture de lettres confiées à la poste, commise ou facilitée par un
fonctionnaire ou un agent du gouvernement ou de l’administration des postes, sera punie d’une amende de seize
à cinq cents Francs, et d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans. Le coupable sera, de plus, interdit de toute
fonction ou emploi public pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.

Art. 60 : Si cette réquisition ou cet ordre ont été suivis de leur effet, la peine sera le maximum de la réclusion.

Art. 61 : (198) Hors les cas où la loi règle spécialement les peines encourues pour crimes ou délits commis par
les fonctionnaires ou officiers publics, ceux d’entre eux qui auront participé à d’autres crimes ou délits qu’ils
étaient chargés de surveiller ou de réprimer, seront punis comme il suit :

S’il s’agit d’un délit de police correctionnelle, ils subiront toujours le maximum de la peine attachée à l’espèce
de délit ;

Et s’il s’agit de crime, ils seront condamnés, à savoir :

A la réclusion, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine du bannissement ou de la dégradation
civique ;

Aux travaux forcés à temps, si le crime emporte contre tout autre coupable la peine de la réclusion ou de la
détention ;

Et aux travaux forcés à perpétuité, lorsque le crime emportera contre tout autre coupable la peine de la
déportation ou celle des travaux forcés à temps.

Au-delà des cas qui viennent d’être exprimés, la peine commune sera appliquée sans aggravation.

Art. 62 : (200) En cas de nouvelle contravention de l’espèce exprimée en l’article précédent, le ministre du culte
qui les aura commises sera puni, savoir :

Pour la première récidive, d’un emprisonnement de deux à cinq ans ;

Et pour la seconde, de la détention.

Art. 63 : (205) Si l’écrit mentionné en l’article précédent contient une provocation directe à la désobéissance aux
lois ou autres actes de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou armer une partie des citoyens contre les
autres, le ministre qui l’aura publié sera puni de la détention.

Art. 64 : (228) Tout individu qui, même sans armes, et sans qu’il en soit résulté de blessures, aura frappé un
magistrat dans l’exercice de ses fonctions, ou à l’occasion de cet exercice, sera puni d’un emprisonnement de
deux à cinq ans.

Si cette voie de fait a lieu à l’audience d’une cour ou d’un tribunal, le coupable sera en outre puni de la
dégradation civique.

Art. 65 : (231) Si les violences exercées contre les fonctionnaires et agents désignés aux articles 228 et 230 ont
été la cause d’effusion de sang, blessure ou maladie, la peine sera la réclusion ; si la mort est suivie dans les
quarante jours, le coupable sera puni des travaux forcés à perpétuité.
Art. 66 : (233) Si les coups ont été portés ou les blessures faites à un des fonctionnaires ou agents désignés aux
articles 228 et 230, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, avec intention de donner la
mort, le coupable sera puni de mort.

Art. 67 : (259) Toute personne qui aura publiquement porté un costume, un uniforme ou une décoration qui ne
lui appartiendra pas, sera punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans.

Art. 68 : (263) Quiconque aura frappé le ministre d’un culte dans ses fonctions sera puni de la dégradation
civique.

Art. 69 : (271) Les vagabonds ou gens sans aveu qui auront été légalement déclarés tels, seront, pour ce seul fait,
punis de trois à six mois d’emprisonnement. Ils seront renvoyés, après avoir subi leur peine, sous la surveillance
de la haute police pendant cinq ans au moins et dix ans au plus.

Néanmoins, les vagabonds âgés de moins de seize ans ne pourront être condamnés à la peine
d’emprisonnement ; mais, sur la preuve des faits de vagabondage, ils seront renvoyés sous la surveillance de la
haute police jusqu’à l’âge de vingt ans accomplis, à moins qu’avant cet âge ils n’aient contracté un engagement
régulier dans les armées de terre ou de mer.

Art. 70 : (282) Les mendiants qui auront été condamnés aux peines portées par les articles précédents, seront
renvoyés, après l’expiration de leur peine, sous la surveillance de la haute police pour cinq au moins et dix ans
au plus.

Art. 71 : (304) Le meurtre emportera la peine de mort lorsqu’il aura été précédé, accompagné ou suivi un autre
crime.

Le meurtre emportera également la peine de mort, lorsqu’il aura eu pour objet, soit de préparer, faciliter ou
exécuter un délit, soit de favoriser la fuite ou d’assurer l’impunité des auteurs ou complices de ce délit.

En tout autre cas, le coupable de meurtre sera puni des travaux forcés à perpétuité.

Art. 72 : (309) Sera puni de la réclusion, tout individu qui volontairement aura fait des blessures ou porté des
coups, s’il est résulté de ces sortes de violences une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de
vingt jours.

Si les coups portés ou les blessures faites volontairement, mais sans intention de donner la mort, l’ont pourtant
occasionnée, le coupable sera puni des travaux forcés à temps.

Art. 73 : (310) Lorsqu’il y aura eu préméditation ou guet-apens, la peine sera, si la mort s’en est suivie, celle des
travaux forcés à perpétuité, et si la mort ne s’en est pas suivie, celle des travaux forcés à temps.

Art. 74 : (311) Lorsque les blessures ou les coups n’auront occasionné aucune maladie ou incapacité de travail
personnel de l’espèce mentionnée en l’article 309, le coupable sera puni d’un emprisonnement de six jours à
deux ans et d’une amende de seize francs à deux cents francs, ou de l’une de ces deux peines seulement.

S’il y a eu préméditation ou guet-apens, l’emprisonnement sera de deux ans à cinq ans, et l’amende de cinquante
francs à cinq cents francs.

Art. 75 : (317) Quiconque, par aliments, breuvages, médicaments, violences, ou par tout autre moyen, aura
procuré l’avortement d’une femme enceinte, soit qu’elle y ait consenti ou non, sera puni de la réclusion.

La même peine sera prononcée contre la femme qui se sera procuré l’avortement à elle-même, ou qui aura
consenti à faire usage des moyens à elle indiqués ou administrés à cet effet, si l’avortement s’en est suivi.
Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré
ces moyens, seront condamnés à la peine de travaux forcés à temps, dans le cas où l’avortement aurait eu lieu.

Celui qui aura occasionné à autrui nue maladie ou incapacité de travail personnel en lui administrant
volontairement, de quelque manière que ce soit, des substances qui, sans être de nature à donner la mort, sont
nuisibles à la santé, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une amende de seize francs à cinq
cents francs ; il pourra, de plus, être renvoyé sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et
dix ans au plus.

Si la maladie ou incapacité de travail personnel a duré plus de vingt jours, la peine sera celle de la réclusion.

Si le coupable a commis, soit le délit, soit le crime, spécifié aux deux paragraphes ci-dessus, envers un de ses
ascendants, tels qu’ils sont désignés en l’article 312, il sera puni, au premier cas, de la réclusion, et, au second
cas, des travaux forcés à temps.

Art. 76 : (331) Tout attentat à la pudeur, consommé ou tenté sans violence, sur la personne d’un enfant de l’un
ou l’autre sexe, âgé de moins de onze ans, sera puni de la réclusion.

Art. 77 : (332) Quiconque aura commis le crime de viol, sera puni des travaux forcés à temps.

Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis, le coupable
subira le maximum de la peine des travaux forcés à temps.

Quiconque aura commis un attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l’un
ou l’autre sexe, sera puni de la réclusion.

Si le crime a été commis sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis, le coupable
subira la peine des travaux forcés à temps.

Art. 78 : (333) Si les coupables sont les ascendants de la personne sur laquelle a été commis l’attentat, s’ils sont
de la classe de ceux qui ont autorité sur elle, s’ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages ou serviteurs à
gages des personnes ci-dessus désignées, s’ils sont fonctionnaires ou ministres d’un culte, ou si le coupable, quel
qu’il soit, a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes, la peine sera celle des travaux forcés à temps
dans les cas prévus par l’article précédent.

Art. 79 : (344) Dans chacun des deux cas suivants :

1° Si l’arrestation a été exécutée avec le faux costume, sous un faux nom ou sur un faux ordre de l’autorité
publique ;

2° Si l’individu arrêté, détenu ou séquestré a été menacé de la mort ;

Les coupables seront punis des travaux forcés à perpétuité.

Mais la peine sera celle de la mort, si les personnes arrêtées, détenues ou séquestrées, ont été soumises à des
tortures corporelles.

Art. 80 : (362) Quiconque sera coupable de faux témoignage en matière correctionnelle, soit contre le prévenu,
soit en sa faveur, sera puni de la réclusion.

Quiconque sera coupable de faux témoignage en matière de police, soit contre le prévenu, soit en sa faveur, sera
puni de la dégradation civique, et de la peine de l’emprisonnement pour un an au mois et cinq ans au plus.

Art. 81 : (363) Le coupable de faux témoignage en matière civile sera puni de la peine de la réclusion.
Art. 82 : (364) Le faux témoin en matière correctionnelle ou civile, qui aura reçu de l’argent, une récompense
quelconque ou des promesses, sera puni des travaux forcés à temps.

Le faux témoin en matière de police qui aura reçu de l’argent, une récompense quelconque ou des promesses,
sera puni de la réclusion.

Dans tous les cas, ce que le faux témoin aura reçu sera confisqué.

Art. 83 : (365) Le coupable de subornation de témoins sera passible des mêmes peines que le faux témoin, selon
les distinctions contenues dans les articles 361, 362, 363 et 364.

Art. 84 : (381) Seront punis des travaux forcés à perpétuité, les individus coupables de vols commis avec la
réunion des cinq circonstances suivantes :

1° Si le vol a été commis la nuit ;

2° S’il a été commis par deux ou plusieurs personnes ;

3° Si les coupables ou l’un d’eux étaient porteurs d’armes apparentes ou cachées ;

4° S’ils ont commis le crime, soit à l’aide d’effraction extérieure ou d’escalade ou de fausses clefs, dans une
maison, appartement, chambre ou logement habités ou servant à l’habitation, ou leurs dépendances, soit en
prenant le titre d’un fonctionnaire public ou d’un officier civil ou militaire, ou après s’être revêtus de l’uniforme
ou du costume du fonctionnaire ou de l’officier, ou en alléguant un faux ordre de l’autorité civile ou militaire ;

5° S’ils ont commis avec violence ou menace de faire usage de leurs armes.

Art. 85 : (382) Sera puni de la peine des travaux forcés à tems, tout individu coupable de vol commis à l’aide de
violence, et de plus avec deux des quatre premières circonstances prévues dans le précédent article.

Si même la violence, à l’aide de laquelle le vol a été commis, a laissé des traces de blessures ou de contusions,
cette circonstance seule suffira pour que la peine des travaux forcés à perpétuité soit prononcée.

Art. 86 : (383) Les vols commis sur les chemins publics emporteront la peine des travaux forcés à perpétuité,
lorsqu’ils auront été commis avec deux des circonstances prévues dans l’article 381.

Ils emporteront la peine des travaux forcés à temps, lorsqu’ils auront été commis avec une seule de ces
circonstances.

Dans les autres cas, la peine sera celle de la réclusion.

Art. 87 : (386) Sera puni de la peine de la réclusion, tout individu coupable de vols commis dans l’un des cas ci-
après :

1° Si le vol a été commis la nuit et par deux ou plusieurs personnes, ou s’il a été commis avec une de ces deux
circonstances seulement, mais en même temps dans un lieu habité ou servant à l’habitation, ou dans les édifices
consacrés aux cultes légalement établis en France ;

2° Si le coupable, ou l’un des coupables, était porteur d’armes apparentes ou cachées, même quoique le lieu où le
vol a été commis ne fut ni habité, ni servant à l’habitation, et encore quoique le vol ait été commis de jour et par
une seule personne ;

3° Si le voleur est un domestique ou un homme de service à gages, même lorsqu’il aura commis le vol envers
des personnes qu’il ne servait pas, mais qui se trouvaient, soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il
l’accompagnait ; ou, si c’est un ouvrier, compagnon ou apprenti, dans la maison, l’atelier ou le magasin de son
maître ; ou un individu travaillant habituellement dans l’habitation où il aura volé ;

4° Si le vol a été commis par un aubergiste, un hôtelier, un voiturier, un batelier ou un de leurs préposés,
lorsqu’ils auront volé tout ou partie de choses qui leur étaient confiées à ce titre.

Art. 88 : (388) Quiconque aura volé ou tenté de voler, dans les champs, des chevaux ou bêtes de charge, de
voiture ou monture, gros et menus bestiaux, ou des instruments d’agriculture, sera puni d’un emprisonnement
d’un an au moins et de cinq ans au plus, et d’une amende de seize francs à cinq cents francs.

Il en sera de même à l’égard des vols de bois dans les ventes et de pierres dans les carrières, ainsi qu’à l’égard du
vol de poisson en étang, vivier ou réservoir.

Quiconque aura volé ou tenté de voler, dans les champs, des récoltes ou autres productions utiles de la terre déjà
détachées du sol, ou des meules de grains faisant partie de récoltes, sera puni d’un emprisonnement de quinze
jours à deux ans, et d’une amende de seize francs à deux cents francs.

Si le vol a été commis, soit la nuit, soit par plusieurs personnes, soit à l’aide de voitures ou d’animaux de charge,
l’emprisonnement sera d’un an à cinq ans, et l’amende de seize francs à cinq cents francs.

Lorsque le vol ou la tentative de vol de récoltes ou autres productions utiles de la terre qui, avant d’être
soustraites, n’étaient pas encore détachées du sol, aura eu lieu, soit avec des paniers ou des sacs, ou autres objets
équivalents, soit la nuit, soit à l’aide de voitures ou d’animaux de charge, soit par plusieurs personnes, la peine
sera d’un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d’une amende de seize francs à deux cents francs.

Dans tous les cas spécifiés au présent article, les coupables pourront, indépendamment de la peine principale,
être interdits de tout ou partie des droits mentionnés en l’art. 42, pendant cinq au moins et dix ans au plus, à
compter du jour où ils auront subi leur peine. Ils pourront aussi être mis par l’arrêt ou le jugement sous la
surveillance de la haute police pendant le même nombre d’années.

Art. 89 : (389) Sera puni de la réclusion, celui qui, pour commettre un vol, aura enlevé ou déplacé des bornes
servant de séparation aux propriétés.

Art. 90 : (400) Quiconque aura extorqué par force, violence ou contrainte, la signature ou la remise d’un écrit,
d’un acte, d’un titre, d’une pièce quelconque, contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni
de la peine des travaux forcés à temps.

Le saisi qui aura détruit, détourné ou tenté de détourner des objets saisis sur lui et confiés à sa garde, sera puni
des peines portées en l’article 406.

Il sera puni des peines portées en l’article 401, si la garde des objets saisis et par lui détruits ou détournés avait
été confiée à un tiers.

Celui qui aura recelé sciemment les objets détournés, le conjoint, les ascendants et descendants du saisi qui
l’auront aidé dans la destruction ou le détournement de ces objets, seront punis d’une peine égale à celle qu’il
aura encourue.

Art. 91 : (408) Quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, des
effets, deniers, marchandises, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou
décharge, qui ne lui auraient été remis qu’à titre de louage, de dépôt, de mandat, ou pour un travail salarié ou non
salarié, à la charge de les rendre ou représenter, ou d’en faire un usage ou un emploi déterminé, sera puni des
peines portées en l’article 406.

Si l’abus de confiance prévu et puni par le précédent paragraphe a été commis par un domestique, homme de
service à gages, élève, clerc, commis, ouvrier, compagnon ou apprenti, au préjudice de son maître, la peine sera
celle de la réclusion.

Le tout sans préjudice de ce qui est dit aux articles 254, 255 et 256, relativement aux soustractions et
enlèvements de deniers, effets ou pièces, commis dans les dépôts publics.

Art. 92 : (434) Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers,
quand ils sont habités ou servent à l’habitation, et généralement aux lieux habités ou servant à l’habitation, qu’ils
appartiennent ou n’appartiennent pas à l’auteur du crime, sera puni de mort.

Sera puni de la même peine, quiconque aura volontairement mis le feu à tout édifice servant à des réunions de
citoyens.

Quiconque aura volontairement mis le feu à des édifices, navires, bateaux, magasins, chantiers, lorsqu’ils ne sont
ni habités, ni servant à l’habitation, ou à des forêts, bois taillis ou récoltes sur pied, lorsque ces objets ne lui
appartiennent pas, sera puni de la peine des travaux forcés à perpétuité.

Celui qui, mettant le feu à un des objets énumérés dans le paragraphe précédent et à lui-même appartenant, aura
volontairement causé un préjudice quelconque à autrui, sera puni des travaux forcés à temps.

Quiconque aura volontairement mis le feu à des bois ou récoltes abattus, soit que les bois soient en tas ou en
cordes, et les récoltes en tas ou en meules, si ces objets ne lui appartiennent pas, sera puni des travaux forcés à
temps.

Celui qui, en mettant le feu à l’un des objets énumérés dans le paragraphe précédent, et à lui-même appartenant,
aura volontairement causé un préjudice quelconque à autrui, sera puni de la réclusion.

Celui qui aura communiqué l’incendie à l’un des objets énumérés dans les précédents paragraphes, en mettant
volontairement le feu à des objets quelconques appartenant, soit à lui, soit à autrui, et placés de manière à
communiquer ledit incendie, sera puni de la même peine que s’il avait directement mis le feu à l’un desdits
objets.

Dans tous les cas, si l’incendie a occasionné la mort d’une ou de plusieurs personnes se trouvant dans les lieux
incendiés au moment où il a éclaté, la peine sera la mort.

Art. 93 : (435) La peine sera la même, d’après les distinctions faites en l’article précédent, contre ceux qui auront
détruit, par l’effet d’une mine, des édifices, navires, bateaux, magasins ou chantiers.

Art. 94 : (463) Les peines prononcées par la loi contre celui ou ceux des accusés reconnus coupables, en faveur
de qui le jury aura déclaré des circonstances atténuantes, seront modifiées ainsi qu’il suit :

Si la peine prononcée par la loi est la mort, la cour appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité, ou celle
des travaux forcés à temps ; néanmoins, s’il s’agit de crimes contre la sûreté extérieure ou intérieure de l’État, la
cour appliquera la peine de la déportation ou celle de la détention ; mais, dans les cas prévus par les articles 86,
96 et 97, elle appliquera la peine des travaux forcés à perpétuité ou celle des travaux forcés à temps.

Si la peine est celle des travaux forcés à perpétuité, la cour appliquera la peine des travaux forcés à temps ou
celle de la réclusion.
Si la peine est celle de la déportation, la cour appliquera la peine de la détention ou celle du bannissement.

Si la peine est celle des travaux forcés à temps, la cour appliquera la peine de la réclusion ou les dispositions de
l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-dessous de deux ans.

Si la peine est celle de la réclusion, de la détention, du bannissement ou de la dégradation civique, la cour


appliquera les dispositions de l’article 401, sans toutefois pouvoir réduire la durée de l’emprisonnement au-
dessous d’un an.

Dans les cas où le Code prononce le maximum d’une peine afflictive, s’il existe des circonstances atténuantes, la
cour appliquera le minimum de la peine, ou même la peine inférieure.

Dans tous les cas où la peine de l’emprisonnement et celle de l’amende sont prononcées par le Code pénal, si les
circonstances paraissent atténuantes, les tribunaux correctionnels sont autorisés, même en cas de récidive, à
réduire l’emprisonnement même au-dessous de six jours, et l’amende même au-dessous de seize francs ; ils
pourront aussi prononcer séparément l’une au l’autre de ces peines, et même substituer l’amende à
l’emprisonnement, sans qu’en aucun cas, elle puisse être au-dessous des peines de simple police.

Art. 95 : (471) Seront punis d’amende, depuis un franc jusqu’à cinq francs inclusivement,

1° Ceux qui auront négligé d’entretenir, réparer ou nettoyer les fours, cheminées ou usines où l’on fait usage du
feu ;

2° Ceux qui auront violé la défense de tirer, en certains lieux, des pièces d’artifices ;

3° Les aubergistes et autres qui, obligés à l’éclairage, l’auront négligé ; ceux qui auront négligé de nettoyer les
rues ou passages, dans les communes où ce soin est laissé à la charge des habitants ;

4° Ceux qui auront embarrassé la voie publique, en y déposant ou y laissant sans nécessité des matériaux ou des
choses quelconques qui empêchent ou diminuent la liberté ou la sûreté du passage ; ceux qui, en contravention
aux lois et règlements, auront négligé d’éclairer les matériaux par eux entreposés ou les excavations par eux
faites dans les rues et places ;

5° Ceux qui auront négligé ou refusé d’exécuter les règlements ou arrêtés concernant la petite voirie, ou d’obéir
à la sommation émanée de l’autorité administrative de réparer ou démolir les édifices menaçant ruine ;

6° Ceux qui auront jeté ou exposé, au-devant de leurs édifices, des choses de nature à nuire par leur chute ou par
des exhalaisons insalubres ;

7° Ceux qui auront laissé dans les rues, chemins, places, lieux publics, ou dans les champs, des coutres de
charrue, pinces, barres, barreaux ou autres machines, ou instruments ou armes dont puissent abuser les voleurs
ou autres malfaiteurs ;

8° Ceux qui auront négligé d’écheniller dans les campagnes ou jardins, où ce soin est prescrit par la loi ou les
règlements ;

9° Ceux qui, sans autre circonstance prévue par les lois, auront cueilli ou mangé, sur le lieu même, des fruits
appartenant à autrui ;

10° Ceux qui, sans autre circonstance, auront glané, râtelé ou grappillé dans les champs non encore entièrement
dépouillés et vidés de leurs récoltes, ou avant le moment du lever ou après celui du coucher du soleil ;

11° Ceux qui, sans avoir été provoqués, auront proféré contre quelqu’un des injures autres que celles prévues
depuis l’article 367 jusque et y compris l’article 378 ;
12° Ceux qui imprudemment auront jeté des immondices sur quelque personne ;

13° Ceux qui, n’étant ni propriétaires, ni usufruitiers, ni locataires, ni fermiers, ni jouissant d’un terrain ou d’un
droit de passage, ou qui n’étant agents ni préposés d’aucune de ces personnes, seront entrés et auront passé sur ce
terrain ou sur partie de ce terrain, s’il est préparé ou ensemencé ;

14° Ceux qui auront laissé passer leurs bestiaux ou leurs bêtes de trait, de charge ou de monture, sur le terrain
d’autrui, avant l’enlèvement de la récolte ;

15° Ceux qui auront contrevenu aux règlements légalement faits par l’autorité administrative, et ceux qui ne se
seront pas conformés aux règlements ou arrêtés publiés par l’autorité municipale, en vertu des articles 3 et 4, titre
XI de la loi du 16 – 24 août 1790, et de l’article 46, titre 1er de la loi du 19 – 22 juillet 1791.

Art. 96 : (475) Seront punis d’amende, depuis six francs jusqu’à dix francs inclusivement,

1° Ceux qui auront contrevenu aux bans de vendanges ou autres bans autorisés par les règlements ;

2° Les aubergistes, hôteliers, logeurs ou loueurs de maisons garnies, qui auront négligé d’inscrire de suite et sans
aucun blanc, sur un registre tenu régulièrement, les noms, qualités, domicile habituel, date d’entrée et de sortie
de toute personne qui aurait couché ou passé une nuit dans leurs maisons ; ceux d’entre eux qui auraient manqué
à représenter ce registre aux époques déterminées par les règlements, ou lorsqu’ils en auraient été requis, aux
maires, adjoints, officiers ou commissaires de police, ou aux citoyens commis à cet effet : le tout sans préjudice
des cas de responsabilité mentionnés en l’article 73 du présent Code, relativement aux crimes ou aux délits de
ceux qui, ayant logé ou séjourné chez eux, n’auraient pas été régulièrement inscrits ;

3° Les rouliers, charretiers, conducteurs de voitures quelconques ou de bêtes de charge, qui auraient contrevenu
aux règlements par lesquels ils sont obligés de se tenir constamment à portée de leurs chevaux, bêtes de trait ou
de charge et de leurs voitures, et en état de les guider et conduire ; d’occuper un seul côté des rues, chemins ou
voies publiques ; de se détourner ou ranger devant toutes autres voitures, et, à leur approche, de leur laisser libre
au moins la moitié des rues, chaussées, routes et chemins ;

4° Ceux qui auront fait ou laissé courir les chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture, dans l’intérieur d’un
lieu habité, ou violé les règlements contre le chargement, la rapidité ou la mauvaise direction des voitures ;

Ceux qui contreviendront aux dispositions des ordonnances et règlements ayant pour objet,

La solidité des voitures publiques ;

Leur poids ;

Le mode de leur chargement ;

Le nombre et la sûreté des voyageurs ;

L’indication, dans l’intérieur des voitures, des places qu’elles contiennent et du prix des places ;

L’indication à l’extérieur du nom du propriétaire ;

5° Ceux qui auront établi ou tenu dans les rues, chemins, places ou lieux publics, des jeux de loterie ou d’autres
jeux de hasard ;

6° Ceux qui auront vendu ou débité des boissons falsifiées, sans préjudice des peines plus sévères qui seront
prononcées par les tribunaux de police correctionnelle, dans le cas où elles contiendraient des mixtions nuisibles
à la santé ;
7° Ceux qui auraient laissé divaguer des fous ou des furieux étant sous leur garde, ou des animaux malfaisants ou
féroces ; ceux qui auront excité ou n’auront pas retenu leurs chiens lorsqu’ils attaquent ou poursuivent les
passants, quand même il n’en serait résulté aucun mal ni dommage ;

8° Ceux qui auront jeté des pierres ou d’autres corps durs ou des immondices contre les maisons, édifices et
clôtures d’autrui, ou dans les jardins ou enclos, et ceux aussi qui auraient volontairement jeté des corps durs ou
des immondices sur quelqu’un ;

9° Ceux qui, n’étant propriétaires, usufruitiers ni jouissant d’un terrain ou d’un droit de passage, y sont entrés et
y ont passé dans le temps où ce terrain était chargé de grains en tuyau, de raisins ou autres fruits murs ou voisins
de la maturité ;

10° Ceux qui auraient fait ou laissé passer des bestiaux, animaux de trait, de charge ou de monture, sur le terrain
d’autrui, ensemencé ou chargé d’une récolte, en quelque saison que ce soit, ou dans un bois taillis appartenant à
autrui ;

11° Ceux qui auraient refusé de recevoir les espèces et monnaies nationales, non fausses ni altérées, selon la
valeur pour laquelle elles ont cours ;

12° Ceux qui, le pouvant, auront refusé ou négligé de faire les travaux, le service, ou de prêter le secours dont ils
auront été requis, dans les circonstances d’accidents, tumultes, naufrage, inondation, incendie ou autres
calamités, ainsi que dans les cas de brigandages, pillages, flagrant délit, clameur publique ou d’exécution
judiciaire ;

13° Les personnes désignées aux articles 284 et 288 du présent Code ;

14° Ceux qui exposent en vente des comestibles gâtés, corrompus ou nuisibles ;

15° Ceux qui déroberont, sans aucune des circonstances prévues en l’article 388, des récoltes ou autres
productions utiles de la terre qui, avant d’être soustraites, n’étaient pas encore détachées du sol.

Art. 97 : (476) Pourra, suivant les circonstances, être prononcé, outre l’amende portée en l’article précédent,
l’emprisonnement pendant trois jours au plus contre les rouliers, charretiers, voituriers et conducteurs en
contravention ; contre ceux qui auront contrevenu aux règlements ayant pour objet, soit la rapidité, la mauvaise
direction ou le chargement des voitures ou des animaux, soit la solidité des voitures publiques, leur poids, le
mode de leur chargement, le nombre ou la sûreté des voyageurs ; contre les vendeurs et débitants de boissons
falsifiées ; contre ceux qui auraient jeté des corps durs ou des immondices.

Art. 98 : (477) Seront saisis et confisqués,

1° Les tables, instruments, appareils de jeux ou de loteries établis dans les rues, chemins et voies publiques, ainsi
que les enjeux, les fonds, denrées, objets ou lots proposés aux joueurs, dans le cas de l’article 476 ;

2° Les boissons falsifiées, trouvées appartenir au vendeur et débitant : ces boissons seront répandues ;

3° Les écrits ou gravures contraires aux mœurs : ces objets seront mis sous le pilon ;

4° Les comestibles gâtés, corrompus ou nuisibles : ces comestibles seront détruits.

Art. 99 : (478) La peine de l’emprisonnement pendant cinq jours au plus sera toujours prononcée, en cas de
récidive, contre toutes les personnes mentionnées dans l’article 475.
Les individus mentionnés au n° 5 du même article qui seraient repris, pour le même fait, en état de récidive,
seront traduits devant le tribunal de police correctionnelle et punis d’un emprisonnement de six jours à un mois,
et d’une amende de seize francs à deux cents francs.

Art. 100 : (479) Seront punis d’une amende de onze à quinze francs inclusivement,

1° Ceux qui, hors les cas prévus depuis l’article 434 jusque et y compris l’article 462, auront volontairement
causé du dommage aux propriétés mobilières d’autrui ;

2° Ceux qui auront occasionné la mort ou la blessure des animaux ou bestiaux appartenant à autrui, par l’effet de
la divagation des fous ou furieux, ou d’animaux malfaisants ou féroces, ou par la rapidité ou la mauvaise
direction ou chargement excessif des voitures, chevaux, bêtes de trait, de charge ou de monture ;

3° Ceux qui auront occasionné les mêmes dommages par l’emploi ou l’usage d’armes sans précaution ou avec
maladresse, ou par jet de pierres ou d’autres corps durs ;

4° Ceux qui auront causé les mêmes accidents par la vétusté, la dégradation, le défaut de réparation ou
d’entretien des maisons ou édifices, ou par l’encombrement ou l’excavation, ou telles autres œuvres, dans ou
près les rues, chemins, places ou voies publiques, sans les précautions ou signaux ordonnés ou d’usage ;

5° Ceux qui auront de faux poids ou de fausses mesures dans leurs magasins, boutiques, ateliers ou maisons de
commerce, ou dans les halles, foires ou marchés, sans préjudice des peines qui seront prononcées par les
tribunaux de police correctionnelle contre ceux qui auraient fait usage de ces faux poids ou de ces fausses
mesures ;

6° Ceux qui emploieront des poids ou des mesures différents de ceux qui sont établis par les lois en vigueur ; les
boulangers et bouchers qui vendront le pain ou la viande au-delà du prix fixé par la taxe légalement faite et
publiée ;

7° Les gens qui font le métier de deviner et pronostiquer ou d’expliquer les songes ;

8° Les auteurs ou complices de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes troublant la tranquillité des habitants ;

9° Ceux qui auront méchamment enlevé ou déchiré les affiches apposées par ordre de l’administration ;

10° Ceux qui mèneront sur le terrain d’autrui des bestiaux de quelque nature qu’ils soient, et notamment dans les
prairies artificielles, dans les vignes, oseraies, dans les plans de câpriers, dans ceux des oliviers, de mûriers, de
grenadiers, d’orangers et d’arbres de même genre, dans tous les plants ou pépinières d’arbres fruitiers ou autres,
fait de main d’homme ;

11° Ceux qui auront dégradé ou détérioré, de quelque manière que ce soit, les chemins publics, ou usurpé sur
leur largeur ;

12° Ceux qui, sans y être dûment autorisés, auront enlevé des chemins publics les gazons, terres ou pierres, ou
qui, dans les lieux appartenant aux communes, auraient enlevé les terres ou matériaux, à moins qu’il existe un
usage général qui l’autorise.

Art. 101 : (480) Pourra, selon les circonstances, être prononcée la peine d’emprisonnement pendant cinq jours au
plus,

1° Contre ceux qui auront occasionné la mort ou la blessure des animaux ou bestiaux appartenant à autrui, dans
les cas prévus par le n° 3 du précédent article ;

2° Contre les possesseurs de faux poids et de fausses mesures ;


3° Contre ceux qui emploient des poids ou des mesures différents de ceux que la loi en vigueur a établis ; contre
les boulangers et bouchers, dans les cas prévus par le paragraphe 6 de l’article précédent ;

4° Conte les interprètes de songes ;

5° Contre les auteurs ou complices de bruits ou tapages injurieux ou nocturnes.

Art. 102 : (483) Il y a récidive dans tous les cas prévus par le présent livre, lorsqu’il a été rendu contre le
contrevenant, dans les douze mois précédent, un premier jugement pour contravention de police commise dans le
ressort du même tribunal.

L’article 163 du présent Code sera applicable à toutes les contraventions ci-dessus indiquées.

Art. 103 : Les articles 37, 38, 39, 46, 103, 104, 105, 106, 107, 136, 137 et 280 du Code pénal, sont abrogés, ainsi
que les lois du 25 juin 1824 et du 28 juin 1829.

Titre III – Dispositions transitoires

Art. 104 : Immédiatement après la promulgation de la présente loi, il sera publié une édition officielle du Code
d’instruction criminelle et du Code pénal, dans laquelle seront faites toutes les rectifications ordonnées par
l’article 57 de la Charte, par la loi du 4 mars 1831 et par la présente loi.

Art. 105 : La présente loi sera exécutée dans tout le Royaume, trente jours après la date du numéro du Bulletin
des lois dans lequel elle sera contenue.

Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, Barthe.

Annexe n° 5 : Loi d’amnistie du 12 janvier 1816, 
Moniteur Universel, dimanche 14 janvier 1816, n° 
14, p. 49.

Art. 1er : Amnistie pleine et entière est accordée à tous ceux qui, directement ou indirectement,
ont pris part à la rébellion et à l'usurpation de Napoléon Bonaparte, sauf les exceptions ci-
après.
Art. 2 : L'ordonnance du 24 juillet continuera à être exécutée à l'égard des individus compris
dans l'article premier de cette ordonnance.
Art. 3 : Le roi pourra, dans l'espace de deux mois, à dater de la promulgation de la présente
loi, éloigner de la France, ceux des individus compris dans l'article 2 de ladite ordonnance
qu'il y maintiendra et qui n'auront pas été traduits devant les tribunaux ; et dans ce cas, ils
sortiront de France dans le délai qui leur sera fixé, et n'y rentreront pas, sans l'autorisation
expresse de Sa Majesté ; le tout sous peine de déportation.
Le roi pourra pareillement les priver de tous biens et pensions à eux concédés à titre gratuit.
Art. 4 : Les ascendants et descendants de Napoléon Bonaparte, ses oncles et ses tantes, ses
neveux et ses nièces, ses frères, leurs femmes et leurs descendants, ses sœurs et leurs maris,
sont exclus du royaume à perpétuité, et sont tenus d'en sortir dans le délai d'un mois, sous la
peine portée par article 91 du Code pénal.
Ils ne pourront y jouir d'aucun droit civil, y posséder aucun bien, titre, pensions à eux
concédés à titre gratuit ; et ils seront tenus de vendre dans le délai de six mois, les biens de
toute nature qu'ils possédaient à titre onéreux.
Art. 5 : La présente amnistie n'est pas applicable aux personnes contre lesquelles ont été
dirigées des poursuites ou sont intervenus des jugements avant la promulgation de la présente
loi ; les poursuites seront continuées, et les jugements seront exécutés conformément aux lois.
Art. 6 : Ceux des régicides qui, au mépris d'une clémence presque sans bornes, ont voté pour
l'acte additionnel ou accepté des fonctions ou emplois de l'usurpateur, et qui par là se sont
déclarés ennemis irréconciliables de la France et du Gouvernement légitime, sont exclus à
perpétuité du royaume, et sont tenus d'en sortir dans le délai d'un mois, sous la peine portée
par l'article 33 du Code pénal ; il ne pourront y jouir d'aucun droit civil, y posséder aucuns
biens, titres ni pensions à eux concédés à titre gratuit.
Signé Louis XVIII, Richelieu et le garde des sceaux Barbé-Marbois.

Annexe n° 6 : Loi relative au bannissement de 
Charles X et de sa famille, Moniteur Universel, 
mercredi 11 avril 1832, n° 102, p. 1028.

Art. 1er : Le territoire de la France et de ses colonies est interdit à perpétuité à Charles X,
déchu de la royauté par la déclaration du 7 août 1830, à ses descendants, aux époux et épouses
de ses descendants.
Art. 2 : Les personnes désignées dans le précédent article, ne pourront jouir en France d’aucun
droit civil ; elles ne pourront posséder aucuns biens, meubles ou immeubles ; elles ne pourront
en acquérir à titre gratuit ou onéreux.
Art. 3 : Les mêmes personnes sont tenues de vendre, d’une manière définitive, tous les biens,
sans exception, qu’elles possèdent en France. Cette vente sera effectuée, pour les biens libres,
dans l’année, à dater de la promulgation de la présente loi, et, pour tous ceux qui seraient
susceptibles de liquidation ou de discussion, dans l’année, à partir de l’époque à laquelle la
propriété en aura été irrévocablement fixée.
Les biens meubles et immeubles acquis et possédés par Charles X, pendant son règne, et qui
sont confiés à l’administration provisoire de l’ancienne dotation de la Couronne, continueront
d’être ainsi administrés jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la liquidation de l’ancienne liste
civile.
Il est fait réserve expresse aux créanciers de Charles X et de sa famille, de droit de
commencer et de mettre fin à telles poursuites qu’il appartiendra.
Art. 4 : Faute d’effectuer la vente dans le délai prescrit, il y sera procédé à la diligence de
l’administration des domaines, savoir : pour les majeurs, selon les formes administratives, et
pour les mineurs, devant les tribunaux, selon le mode usité en pareil cas ; mais sans avis
préalable d’un conseil de famille. Néanmoins les propriétaires, pour le compte et au nom
desquels la vente sera poursuivie auront la faculté de vendre à l’amiable, jusqu’au jour de
l’adjudication, sous la condition expresse que les frais de poursuite seront remboursés
préalablement au Trésor.
Art. 5 : Le prix de toutes les ventes sera remis aux ayant-droit, propriétaires ou créanciers ; les
droits de l’État, s’il en existe, demeurant également réservés.
Art. 6 : Les dispositions des articles 1 et 2 de la présente loi sont applicables aux ascendants et
descendants de Napoléon, à ses oncles et tantes, à ses neveux et nièces, à ses frères, leurs
femmes et leurs descendants, à ses sœurs et à leurs maris.
Art. 7 : Est et demeure abrogé l’article 4 de la loi du 12 janvier 1816.
Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, Barthe.

Annexe n° 7 : Décret sur le bannissement de 
Louis­Philippe, Moniteur Universel, vendredi 16 
juin 1848, n° 168, p. 1379.

La commission du pouvoir exécutif a proposé,


L’Assemblée nationale a adopté,
La commission du pouvoir exécutif promulgue le décret dont la teneur suit :
Le territoire de la France et de ses colonies, interdit à perpétuité à la branche aînée des
Bourbons par la loi du 10 avril 1832, est interdit également à Louis-Philippe et à sa famille.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 26 mai 1848.
Signé Senard, Peupin, Robert (des Ardennes), Émile Péan, Edmond Lafayette, Landrin,
Bérard (président et secrétaires de l’Assemblée nationale) ; Arago, Garnier-Pagès, Marie,
Lamartine, Ledru-Rollin (membres de la commission du pouvoir exécutif).

Annexe n° 8 : Décret du 7 septembre 1793 
relatif aux Français acceptant des fonctions 
publiques dans des provinces de la République 
occupées par les puissances ennemies, source 
http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_crimi
nelle/anciens_textes/lois_penales_revolution_fr
ancaise.

Art. 1er : Tous les Français qui ont accepté ou accepteraient ci-après, des fonctions publiques
dans les parties du territoire de la République envahies par les puissances ennemies, sont
déclarés traîtres à la patrie et hors de la loi.
Art. 2 : Tous les biens des personnes mentionnées dans l'article précédent, sont confisqués au
profit de la République.

Annexe n° 9 : Arrêté de la commune de Paris 
du 11 octobre 1793, source : http://hypo.ge­
dip.État­
ge.ch/www/cliotexte/html/france.revolution.1789
.html.

Art. 1er : Ceux qui, dans les assemblées du peuple, arrêtent son énergie par des discours
astucieux, des cris turbulents et des menaces.
Art. 2 : Ceux qui, plus prudents, parlent mystérieusement des malheurs de la République,
s'apitoient sur le sort du peuple, et sont toujours prêts à répandre des mauvaises nouvelles
avec une douleur affectée.
Art. 3 : Ceux qui ont changé de conduite et de langage selon les événements; qui, muets sur
les crimes des royalistes et des fédéralistes, déclament avec emphase contre les fautes légères
des patriotes et affectent, pour paraître républicains, une austérité, une sévérité étudiées, et qui
cèdent aussitôt qu'il s'agit d'un modéré ou d'un aristocrate.
Art. 4 : Ceux qui plaignent les fermiers et les marchands avides contre lesquels la loi est
obligée de prendre des mesures.
Art. 5 : Ceux qui ayant toujours le mot de Liberté, République et Patrie sur les lèvres,
fréquentent les ci-devant nobles, les prêtres contre-révolutionnaires, les aristocrates, les
feuillants, les modérés, et s'intéressent à leur sort.
Art. 6 : Ceux qui n'ont pris aucune part dans tout ce qui intéresse la révolution et qui, pour
s'en disculper, font valoir le paiement de leurs contributions, leurs dons patriotiques, leur
service de la garde nationale par remplacement ou autrement, etc.
Art. 7 : Ceux qui ont reçu avec indifférence la constitution républicaine et ont fait part de
fausses craintes sur son établissement et sa durée.
Art. 8 : Ceux qui n'ayant rien fait contre la liberté, n'ont aussi rien fait pour elle.
Art. 9 : Ceux qui ne fréquentent pas leur section et donnent pour excuse qu'ils ne savent pas
parler, ou que leurs affaires les en empêchent.
Art. 10 : Ceux qui parlent avec mépris des autorités constituées, des signes de la loi, des
sociétés populaires, des défenseurs de la liberté.
Art. 11 : Ceux qui ont signé des pétitions contre-révolutionnaires, ou fréquenté des sociétés et
clubs anticiviques.
Art. 12 : Les partisans de La Fayette et les assassins qui se sont transportés au Champ-de-
Mars.
Le Conseil général, après avoir entendu la lecture des caractères qui distinguent les gens
suspects, en approuve la rédaction, et considérant qu'il est du plus grand intérêt pour la
République d'établir sur des bases fixes les motifs de rejet ou d'adoption pour les places,
Arrête l'impression, l'envoi aux quarante-huit sections et aux sociétés populaires des
caractères distinctifs des gens suspects.
Signé : Lubin, vice-président, Dorat-Cubières, secrétaire, greffier adjoint.

Annexe n° 10 : Déclaration du 26 février 1848 
relative à l’abolition de la peine de mort en 
matière politique, Moniteur Universel, dimanche 27 
février 1848, n° 58, p. 507.

Le gouvernement provisoire, convaincu que la grandeur d’âme est la suprême politique, et


que chaque révolution opérée par le peuple français doit au monde la consécration d’une
vérité philosophique de plus ;
Considérant qu’il n’y a pas de plus sublime principe que l’inviolabilité de la vie humaine ;
Considérant que, dans les mémorables journées où nous sommes, le gouvernement provisoire
a constaté avec orgueil que pas un cri de vengeance ou de mort n’est sorti de la bouche du
peuple ;
Déclare :
Que dans sa pensée la peine de mort est abolie en matière politique, et qu’il présentera ce vœu
à la ratification définitive de l’Assemblée nationale. Le gouvernement provisoire a une si
ferme conviction de la vérité qu’il proclame au nom du peuple français, que si les hommes
coupables qui viennent de faire couler, le sang de la France, étaient dans les mains du peuple,
il y aurait à ses yeux un châtiment plus exemplaire à les dégrader qu’à les frapper.

Annexe n° 11 : A. de Lamartine, Contre la peine de  
mort, (extrait), in. Œuvres complètes, Tome III.
[…]

Peuple, dirais-je, écoutes ! Et juge !

Oui, tu fus grand, le jour où du bronze affronté

Tu le couvris comme un déluge

Du reflux de la liberté !

Tu fus fort, quand pareil à la mer écumante,

Au nuage qui gronde, au volcan qui fermente,

Noyant les gueules du canon,

Tu bouillonnais semblable au plomb dans la fournaise,

Et roulais furieux sur une plage anglaise

Trois couronnes dans ton limon !

[…]

Un cri de stupeur et de gloire,

Sorti de tous les cœurs, monta sous chaque ciel,

Et l’écho de cette victoire

Devint un hymne universel.

Moi-même dont le cœur date d’une autre France,

Moi dont la liberté n’allaita pas l’enfance,

Rougissant et fier à la fois,

Je ne pus retenir mes bravos à tes armes,

Et j’applaudis de mes mains, en suivant de mes larmes,

L’innocent orphelin des Rois !

Tu reposais dans ta justice

Sur la foi des serments conquis, donnés, reçus :

Un jour brise dans un caprice

Les nœuds par deux règnes tissus !

Tu t’élances bouillant de honte et de délire :

Le lambeau mutilé du gage qu’on déchire

Reste dans les dents du lion.

On en appelle au fer ; il t’about. Qu’il se lève

Celui qui jetterait ou la pierre ou le glaive

A ton jour d’indignation !

Mais tout pouvoir a des salaires

A jeter aux flatteurs qui lèchent ses genoux,


Et les courtisans populaires

Sont les plus serviles de tous.

Ceux-là, des rois honteux pour corrompre les âmes,

Offrent les pleurs du peuple, ou son or, ou ses femmes,

Aux désirs d’un maître puissant ;

Les tiens, pour caresser des penchants plus sinistres,

Te font sous l’échafaud, dont ils sont les ministres,

Respirer des vapeurs de sang !

Dans un aveuglement funeste

Ils te poussent de l’œil vers un but odieux,

Comme l’enfer poussait Oreste,

En cachant le crime à ses yeux.

La soif de ta vengeance, ils l’appellent justice :

Et bien, justice soit ! Est-ce un droit de supplice

Qui par tes morts fut acheté ?

Que feras-tu, réponds, du sang qu’on te demande ?

Quatre têtes sans tronc, est-ce donc là l’offrande

D’un grand peuple à sa liberté ?

N’en ont-ils pas fauché sans nombre ?

N’en ont-ils pas jeté des monceaux, sans combler

Le sac insatiable et sombre

Où tu les entendais rouler ?

Depuis que la mort même, inventant ses machines,

Eut ajouté la roue aux faux des guillotines

Pour hâter son char gémissant,

Tu comptais par centaine, et tu comptas par mille !

Quand on presse du pied le pavé de ta ville,

On craint d’en voir jaillir du sang.

[…]

Songe au passé, songe à l’aurore

De ce jour orageux levé sur nos berceaux ;

Son ombre te rougit encore

Du reflet pourpré des ruisseaux.

Il t’a fallu dix ans de fortune et de gloire


Pour effacer l’horreur de deux pages d’histoire.

Songe à l’Europe qui te suit,

Et qui, dans le sentier que ton pied fort lui creuse,

Voit marcher, tantôt sombre et tantôt lumineuse,

Ta colonne qui la conduit !

Veux-tu que sa liberté feinte

Du carnage civique arbore aussi la faux,

Et que partout sa main soit teinte

De la fange des échafauds ?

Veux-tu que le drapeau qui la porte aux deux mondes,

Veux-tu que les degrés du trône que tu fondes,

Pour piédestal aient un remord ?

Et que ton Roi, fermant sa main pleine de grâces,

Ne puisse à son réveil descendre sur tes places

Sans entendre hurler la mort ?

Aux jours de fer de tes annales

Quels dieux n’ont pas été fabriqués par tes mains ?

Des divinités infernales

Reçurent l’encens des humains ;

Tu dressas des autels à la Terreur publique,

A la peur, à la mort, dieux de ta république :

Ton grand prêtre fut ton bourreau !

De tous ces dieux vengeurs qu’adora ta démence,

Tu n’en oublias qu’un, ô peuple ! La Clémence !

Essayons d’un culte nouveau.

Le jour qu’oubliant ta colère,

Comme un lutteur grandi qui sent son bras plus fort,

De l’héroïsme populaire

Tu feras le dernier effort ;

Le jour où tu diras : « Je triomphe et pardonne !... »

Ta vertu montera plus haut que ta colonne

Au dessus des exploits humains ;

Dans des temples voués à ta miséricorde

Ton génie unira la force et la concorde,


Et les siècles battront des mains !

Peuple, diront-ils, ouvre une ère

Que dans ses rêves seuls l’humanité tenta ;

Proscris des codes de la terre

La mort que le crime inventa !

Remplis de ta vertu l’histoire qui la nie ;

Réponds par tant de gloire à tant de calomnie ;

Laisse la pitié respirer !

Jette à tes ennemis des lois plus magnanimes,

Ou, si tu veux punir, inflige à tes victimes

Le supplice de t’admirer !

[…]

Mais le jour où le long des fleuves

Tu reviendras les yeux baissés sur tes chemins,

Suivi, maudit par quatre veuves

Et par des groupes d’orphelins,

De ton morne triomphe en vain cherchant la fête,

Les passants se diront, en détournant la tête :

Marchons, ce n’est rien de nouveau !

C’est, après la victoire, un peuple qui se venge.

Le siècle en a menti ; jamais l’homme ne change :

Toujours ou victime, ou bourreau !

Annexe n° 12 : Ordonnance du 2 avril 1820 
relative à la censure des journaux et des écrits 
périodiques, Moniteur Universel, dimanche 2 avril 
1820, n° 93, p. 435.

Titre I. De l’autorisation des journaux et écrits périodiques.


Art. 1er : Dans les cinq jours qui suivront la publication de la présente ordonnance, les
propriétaires ou éditeurs responsables des journaux et écrits périodiques, actuellement
existants, seront tenus de déclarer, à Paris, devant le préfet de police, et dans les départements
devant les préfets, qu'ils entendent se conformer aux dispositions de la loi du 31 mars 1820, et
profiter en conséquence de l'autorisation qui leur est accordée par l'article 2 de ladite loi.
Art. 2 : À l'avenir, toute personne qui voudra publier un nouveau journal, sera tenue, pour
obtenir notre autorisation, de présenter sa demande à notre ministre secrétaire d'État au
département de l'intérieur, si sa demande est admise, notre autorisation sera accordée au
requérant sur la preuve qu'il a satisfait aux conditions prescrites en l'article 1er de la loi du 9
juin 1819.
Art. 3 : Le brevet d'autorisation délivré par notre ministre secrétaire d'État de l'intérieur, sera
enregistré, sans frais, au tribunal civil du lieu où le journal ou écrit périodique sera publié.
Titre II. De la censure.
Art. 4 : Il y aura, à Paris, auprès de notre ministre secrétaire d'État au département de
l'intérieur, une commission chargée de l'examen préalable de tous les journaux et écrits
périodiques.
Art. 5 : Cette commission sera composée de douze censeurs.
Ils seront nommés par nous sur la présentation de notre ministre secrétaire d'État de l'intérieur.
Art. 6 : Tout article de journal ou écrit périodique devra, avant d'être imprimé, avoir été revêtu
du visa de la commission qui en autorisera, la publication conformément à l'article 5 de la loi
du 31 mars 1820.
Art. 7 : La commission ne pourra prononcer s'il n'y a au moins cinq membres présents.
Art. 8 : Dans chaque chef-lieu de département, il y aura auprès du préfet une commission de
trois censeurs, chargée de l'examen préalable des journaux et écrits périodiques qui seront
publiés dans le département.
Art. 9 : Un conseil de neuf magistrats, nommés par nous, sur la présentation de notre garde
des sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice, sera chargé de la
surveillance de la censure.
Art. 10 : La commission de censure de Paris rendra une fois par semaine un compte raisonné
de ses décisions au conseil de surveillance. Les commissions des départements lui rendront
compte de leurs opérations de moins une fois par mois.
Art. 11 : Quand il y aura lieu, en exécution de l'article 6 de la loi du 31 mars 1820, à la
suspension provisoire d'un journal ou écrit périodique, elle sera prononcée par le conseil de
surveillance, sous l'approbation de notre ministre secrétaire d'État au département de la
justice. Il en sera de même quand il y aura lieu, en exécution de l'article 7 de ladite loi, de
prononcer la suspension ou la suppression d'un journal ou écrit périodique après jugement.
Titre III. Des dessins, estampes et gravures.
Art. 12 : L'autorisation préalable exigée par l'article 8 de la loi du 31 mars 1820, pour la
publication, exposition, distribution ou mise en vente de tout dessin ou estampe gravée ou
lithographiée, qui, à l'avenir, sera déposé, conformément à l'article 8 de notre ordonnance du
24 octobre 1814, sera accordée, s'il y a lieu, en même temps que le récépissé mentionné en
l'article 9 de ladite ordonnance.
Toute autorisation accordée sera insérée au Journal de la Librairie.
Art. 13 : Notre ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur, et notre garde des
sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice, sont chargés, chacun en ce qui
le concerne, de l'exécution de la présente ordonnance.

Annexe n° 13 : Loi du 28 mars 1820 sur la 
liberté individuelle, Moniteur Universel, mardi 28 
mars 1820, n° 88, p. 399.

Art. 1er : Tout individu prévenu de complots ou de machinations contre la personne du roi, la sûreté de l'État et
les personnes de la famille royale, pourra, sans qu'il y ait nécessité de le traduire devant les tribunaux, être arrêté
et détenu en vertu d'un ordre délibéré dans le conseil des ministres, et signé de trois ministres au moins, et dont il
lui sera laissé copie.

Art. 2 : Tout prévenu, arrêté en exécution du précédent article, sera directement conduit dans la maison d'arrêt du
tribunal de l'arrondissement de sa résidence, ou de l'arrondissement dans lequel il aura donné lieu à ladite
prévention.

Le geôlier ou gardien de la maison d'arrêt remettra dans les vingt-quatre heures une copie de l'ordre d'arrestation
au procureur de roi, qui, soit par lui-même, soit par l'un de ses substituts, entendra immédiatement le détenu,
l'interrogera, tant sur les faits qui seront à sa connaissance, que sur les documents transmis par le ministère,
dressera procès-verbal des dires et des réponses du détenu, recevra de lui tous mémoires, réclamations et autres
pièces, et enverra le tout, sans délai, par l'intermédiaire du procureur général, au ministre de la justice, pour en
être fait rapport au conseil du roi, qui statuera.

Art. 3 : Ce rapport, la décision du conseil, soit pour le renvoi du prévenu devant les juges compétents, soit pour
sa mise en liberté, en lui donnant connaissance par écrit des causes de son arrestation, devra avoir lieu dans les
trois mois au plus tard qui suivront l'envoi fait des pièces ci-dessus au ministre de la justice par le procureur
général.

Art. 4 : Si la présente loi n'est pas renouvelée dans la prochaine session des chambres, elle cessera de plein droit
d'avoir son effet.

Art. 5 : La présente loi ne déroge en rien aux dispositions du droit commun, relatives à la forme des arrestations
et au temps pendant lequel elles peuvent être faites.

Annexe n° 14 : Adresse de la Chambre des 
députés relative à l’abolition de la peine de 
mort, Moniteur Universel, dimanche 10 octobre 
1830, n° 283, p. 1277.

« Sire, la révolution qui a consacré tant de droits, jusqu'ici méconnus, a besoin, pour que ses
bienfaits soient à jamais assurés, d'institutions sages et d'un système de lois qui soit en
harmonie avec l'état avancé de notre civilisation.
Déjà par un contrat solennel les libertés publiques sont garanties. Mais il est un grand principe
qui peut, en imprimant à cette belle époque de notre vie sociale, le caractère d'une généreuse
modération, la signaler à l'admiration du monde.
Ce principe est celui qui consacre et fortifie le respect pour la vie de l'homme : graduellement
introduit dans notre législation pénale, il la rendra digne du siècle témoin de si mémorables
événements.
Sire, la Chambre des députés eut recherché l'honneur d'accomplir cette noble tâche ; elle eût
voulu entrer la première dans la voie des améliorations, et proposer d'appliquer
immédiatement l'abolition de la peine de mort aux cas indiqués par le travail de sa
commission, et sur lesquels il y a accord de sentiments ; elle eût désiré retrancher de nos
Codes les autres peines excessives.
Mais la Chambre ne pouvait embrasser un sujet si grave dans toute son étendue. Privée de
temps et de documents, elle a craint, en manquant ou en dépassant le but, de nuire à une cause
qui est celle de l'humanité.
Sire, la Chambre appelle, sur cette salutaire réforme, la prompte initiative de Votre Majesté.
Trop de gloire y est attachée, trop d'avantages doivent en résulter, pour que la nation veuille la
devoir à d'autres qu'à son roi ».
Sa Majesté a répondu :
« Messieurs, je reçois avec une grande satisfaction l'adresse que vous me présentez. Le vœu
que vous y exprimez était depuis longtemps dans mon cœur. Témoin, dans mes jeunes années,
de l’épouvantable abus qui a été fait de la peine de mort en matières politiques, et de tous les
maux qui en sont résulté pour la France et pour l’humanité, j’en ai constamment et bien
vivement désiré l’abolition. Le souvenir de ce temps de désastre, et le sentiment douloureux
qui m’oppriment quand j’y reporte ma pensée, vous sont un sûr garant de l’empressement que
je vais mettre à vous faire présenter un projet de loi qui soit conforme à votre vœu. Quant au
mien, il ne sera complètement rempli que quand nous aurons entièrement effacé de notre
législation toutes les peines et toutes les rigueurs que repoussent l’humanité et l’état actuel de
la société ».

Annexe n° 15 : Proposition d’abolition de la 
peine de mort du député Savatier­Laroche, 
Moniteur Universel, 1er supplément au n° 343 du 
dimanche 9 décembre 1849, p. 3954.

Art. 1er : La peine de mort est abolie.


Art. 2 : Dans tous les cas où la peine de mort est prononcée, il sera fait application de la peine
du degré immédiatement inférieur.

Annexe n° 16 : Tableau sur la peine de mort et 
les exécutions
Condamnations à mort Proportion des
prononcées (soit par exécutions au regard
Années Exécutions effectives
contumace, soit des condamnations
contradictoirement) prononcées
1825 176 111 63%
1826 197 110 56%
1827 160 76 48%
1828 175 75 43%
1829 135 60 44%
1830 152 38 25%
1831 162 34 21%
1832 200 41 21%
1833 162 34 21%
1834 76 15 20%
1835 83 39 47%
1836 60 21 35%
1837 44 25 57%
1838 63 34 54%
1839 66 22 33%
1840 72 45 63%
1841 83 38 46%
1842 57 29 51%
1843 93 33 35%
1844 98 41 42%
1845 62 37 60%
1846 106 40 38%
1847 95 45 47%
1848 48 18 38%
1849 67 24 36%
1850 53 33 62%
1851 45 34 76%
1852 58 32 55%
1853 39 27 69%
1854 79 37 47%
1855 61 28 46%
1856 46 17 37%
1857 58 32 55%
1858 38 23 61%
1859 36 21 58%
1860 39 27 69%
1861 26 12 46%
1862 44 25 57%
1863 32 11 34%
1864 16 5 31%
1865 19 10 53%
1866 26 9 35%
1867 25 17 68%
1868 33 5 15%
1869 31 10 32%
1870 24 5 21%
Annexe n° 17 : Article 69 de la Charte 
constitutionnelle du 14 août 1830.

Article 69. - Il sera pourvu successivement par des lois séparées et dans le plus court délai
possible aux objets qui suivent :
1° L'application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques ;
2° La responsabilité des ministres et des autres agents du pouvoir ;
3° La réélection des députés promus à des fonctions publiques salariées ;
4° Le vote annuel du contingent de l'armée ;
5° L'organisation de la garde nationale, avec intervention des gardes nationaux dans le choix
de leurs officiers ;
6° Des dispositions qui assurent d'une manière légale l'état des officiers de tout grade de terre
et de mer ;
7° Des institutions départementales et municipales fondées sur un système électif ;
8° L'instruction publique et la liberté de l'enseignement ;
9° L'abolition du double vote et la fixation des conditions électorales et d'éligibilité.

Annexe n° 18 : Loi du 8 octobre 1830 relative à 
l’application du jury aux délits de la presse et 
aux délits politiques, Moniteur universel, dimanche 
10 octobre 1830, n° 283, p. 1277.

Art. 1er : La connaissance de tous les délits commis, soit par la voie de la presse, soit par tous
les autres moyens de publication énoncés en l'article premier de la loi du 17 mai 1819, est
attribuée aux cours d'assises.
Art. 2 : Sont exceptés les cas prévus par l'article 14 de la loi du 26 mai 1819.
Art. 3 : Sont pareillement exceptés les cas où les chambres, cours et tribunaux jugeraient à
propos d'user des droits qui leur sont attribués par les articles 15 et 16 de la loi du 25 mars
1822.
Art. 4 : La poursuite des délits mentionnés en l'article premier de la présente loi aura lieu
d'office et à la requête du ministère public, en se conformant aux dispositions des lois des 26
mai et 9 juin 1819.
Art. 5 : Les articles 12, 17 et 18 de la loi du 25 mars 1822, sont abrogés.
Art. 6 : La connaissance des délits politiques est pareillement attribuée aux cours d'assises.
Art. 7 : Sont réputés politiques les délits prévus,
1° par les chapitres Ier et II du titre I du livre III du Code pénal ;
2° par les paragraphes 2 et 4 de la section III, et par la section VII du chapitre III des mêmes
livres et titre ;
3° par l'article 9 de la loi du 25 mars 1822.
Art. 8 : Les délits mentionnés dans la présente loi, qui ne seraient pas encore jugés, le seront
suivant les formes qu'elle prescrit.
Le 8 octobre 1830. Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, Dupont (de l'Eure).

Annexe n° 19 : Projet de loi sur l’application du 
jury aux délits de la presse et aux délits 
politiques, Moniteur Universel, dimanche 19 
septembre 1830, n° 262, p. 1119.

Projet de loi adopté par la Chambre des pairs à une majorité de 90 voix sur 96 votants :
Art. 1er : La connaissance de tous les délits commis soit par la voie de la presse, soit par tous
les autres moyens de publication énoncés en l’article 1 er de la loi du 17 mai 1819, est attribuée
aux cours d’assises.
Art. 2 : Sont exceptés les cas prévus par l'article 14 de la loi du 26 mai 1819.
Art. 3 : Sont pareillement exceptés les cas où les chambres, cours et tribunaux jugeraient à
propos d'user des droits qui leur sont attribués par les articles 15 et 16 de la loi du 25 mars
1822.
Art. 4 : La poursuite des délits mentionnés en l'article premier de la présente loi aura lieu
d'office et à la requête du ministère public, en se conformant aux dispositions des lois des 26
mai et 9 juin 1819.
Art. 5 : En conséquence, les articles 17 et 18 de la loi du 25 mars 1822, sont abrogés.
Art. 6 : La connaissance des délits politiques est pareillement attribuée aux cours d'assises.
Art. 7 : Sont réputés délits politiques :
1° tous les délits prévus par les chapitres I et II du titre I du livre III du Code pénal et par
l’article 9 de la loi du 25 mars 1822 ;
2° tous autres délits commis à l’occasion d’assemblées, de discours, d’écrits, d’actes ou de
faits politiques.
Art. 8 : Les délits mentionnés dans la présente loi qui ne seront pas encore jugés, le seront
suivant les formes qu’elle prescrit.

Annexe n° 20 : Arrêt de la Chambre 
correctionnelle de la Cour royale de Grenoble 
du 22 juillet 1831, Recueil Sirey­Devilleneuve, 1831, 
II, p. 170.

LA COUR ; - Attendu que les dispositions supplémentaires de la Charte de 1830 (art. 69),
n’ont fait que poser des principes qui devaient recevoir leurs développements dans des lois
subséquentes, dont on signalait la nécessité et l’urgence ; - Attendu que l’application du jury
aux délits de la presse et aux délits politiques, a été sanctionnée par la loi du 8 octobre 1830,
qui a eu pour but d’accomplir la promesse faite par la Charte, et en même temps de définir les
délits politiques, qui, jusque là, ne l’avaient pas été ; - Attendu que le premier soin du
législateur, en matière criminelle et pénale, en donnant à des faits déterminés le caractère de
délits politiques, était de les définir d’une manière claire et précise, soit quant à la pénalité,
soit quant à la juridiction, afin de ne pas tout livrer à la confusion et à l’arbitraire ;
• Attendu que, d’après cette règle, on ne peut réputer délits politiques que ceux spécifiés
dans l’art. 7 de la loi du 8 octobre 1830, par elle spécialement prévus et qualifiés tels ;
- Attendu que les magistrats, pour déterminer leur compétence, et qualifier les faits
que la loi répute criminels, ne peuvent que se renfermer littéralement dans les termes
qu’elle prescrit, et pour cela, ne doivent apprécier que le fait matériel et les
circonstances prouvées, sans recourir à l’intention présumée ou avouée des prévenus,
sous peine de s’abandonner à un arbitraire sans bornes ; - Attendu que les faits imputés
à G., G. et R., tels qu’ils sont qualifiés dans l’ordonnance de la Chambre du conseil du
13 juin 1831, ne sont pas prévus par l’art. 7 de la loi du 8 octobre 1830 et les articles
des lois auxquels ils se réfèrent ; qu’ils ne constituent pas, d’ailleurs, un délit politique,
et que l’intention dans laquelle les prévenus auraient agi ne peut en changer le
caractère ; que, par suite, mal à propos, les premiers juges ont renvoyé les prévenus
par devant la Cour d’assises :

• Attendu, néanmoins, que les premiers juges se sont occupés que de la question de
compétence ; qu’ils n’ont nullement examiné le point de savoir si la culpabilité était
établie ; que, par suite, le premier degré de juridiction n’a pas été épuisé, et qu’il est
juste de conserver aux prévenus toute la garantie, toute la latitude de défense et toutes
les chances que la juridiction correctionnelle leur assure ;

• Par ces motifs, statuant sur l’appel interjeté par le ministère public, du jugement
correctionnel, réforme ledit jugement, et renvoie les prévenus devant le même
tribunal, pour être statué sur le fond par d’autres juges que ceux qui ont concouru au
jugement du 20 juin 1831.

Annexe n° 21 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 22 février 1833, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1833, I, p. 111.

LA COUR ; - Vu les art. 1 et 2 de la loi du 8 octobre 1830, l’art. 6 de la loi du 25 mars 1822,
et les art. 1 et 14 de celle du 26 mai 1819 ; - Attendu que l’art. 1er de la loi précitée du 8
octobre 1830 attribue d’une manière générale et absolue à la juridiction des Cours d’assises, la
connaissance de tous les délits qui y sont énoncés, sous la seule exception spécifiée par l’art.
2, laquelle ne s’applique qu’aux cas prévus par l’art. 14 de la loi du 26 mai 1819 ; - Attendu
que les faits prévus et punis par l’art. 6 de la loi du 25 mars 1822, sont tout-à-fait distincts de
ceux qui sont caractérisés par l’art. 14 de la loi du 26 mai 1819, et sont, par conséquent,
attribués à la juridiction des Cours d’assises, par l’effet des dispositions générales de l’art. 1er
de la loi précitée du 8 octobre 1830 ;
Attendu que les faits à l’égard desquels la compétence de la juridiction correctionnelle était
contestée, lors de l’arrêt attaqué, présentaient, d’après ledit arrêt et l’arrêt de la Chambre
d’accusation, le caractère d’un outrage fait publiquement à un membre de la Chambre des
députés, à raison de ses fonctions, fait prévu et puni par l’art. 6 de ladite loi du 25 mars 1822 ;
d’où il suit qu’en se déclarant compétente, par l’arrêt attaqué, la Cour royale de Bourges,
chambre des appels de police correctionnelle, a violé l’art. 1er et faussement appliqué l’art. 2
de la loi du 8 octobre 1830.
Par ces motifs, casse et annule…

Annexe n° 22 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 13 juillet 1833, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1833, I, p. 111.

LA COUR ; - Attendu que, dans l’exploit introductif d’instance, en date du 14 décembre


1832, le ministère public près le tribunal d’Ussel avait, aux termes de l’art. 2 de la loi du 8
avril 1831, articulé et qualifié, comme matière de la prévention, des faits d’outrages commis
dans les lieux ou réunions publics, envers des agents de l’autorité publique, ou des
fonctionnaires publics, à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ; - Attendu que, d’après
ladite loi et l’art. 1er de celle du 8 octobre 1830, le fait ainsi articulé était de la compétence
exclusive de la Cour d’assises ; d’où il suit que la juridiction correctionnelle, en ne se
déclarant pas incompétente in limine litis, a commis un excès de pouvoir et violé les lois
précitées ;
Casse le jugement rendu le 11 février dernier, par le tribunal de Tulle, par appel de celui
d’Ussel, et prononçant le renvoi du sieur T. de la prévention dirigée contre lui.
Annexe n° 23 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 20 décembre 1833, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1833, I, p. 111.

LA COUR ; - Vu l’art. 1er de la loi du 8 octobre 1830, l’art. 1 er de la loi du 17 mai 1819, et
l’art. 6 de la loi du 25 mars 1822 ; - Attendu qu’aux termes de l’art. 1er de la loi du 8 octobre
1830, les Cours d’assises sont investies du droit exclusif de connaître de tous les délits
commis à l’aide d’un des moyens énoncés en l’art. 1er de la loi du 17 mai 1819 ; - Attendu que
l’exception de l’art. 2 de la loi du 8 octobre, relative aux délits de diffamation et d’injures, ne
renferme pas le délit d’outrage prévu par l’art. 6 de la loi du 25 mars, et dont la connaissance
est, d’après la combinaison dudit article avec l’art. 1er de la loi du 8 octobre, attribuée aux
Cours d’assises ; - Attendu que l’arrêt frappé de pourvoi établit contre les intervenants la
prévention d’un outrage fait publiquement à des fonctionnaires publics, à raison de leurs
fonctions, ce qui constitue le délit puni par l’art. 6 de la loi du 25 mars ; - Attendu dès lors que
ledit arrêt, en renvoyant A. et D. devant le tribunal de Saint-Pôl pour y être jugés
correctionnellement, a faussement interprété l’art. 2 de la loi du 8 octobre, et a violé les
dispositions des articles de lois ci-dessus transcrits ;
Casse l’arrêt rendu par la Cour royale de Douai le 5 septembre dernier.

Annexe n° 24 : Loi du 8 juin 1850, Journal du Droit  
Criminel, 1850, art. 4784, pp. 232 et 233.

Art. 1er : Dans tous les cas où la peine de mort est abolie par l’art. 5 de la Constitution, cette
peine est remplacée par celle de la déportation dans une enceinte fortifiée, désignée par la loi,
hors du territoire continental de la République.
Les déportés y jouiront de toute la liberté compatible avec la nécessité d’assurer la garde de
leurs personnes.
Ils seront soumis à un régime de police et de surveillance, déterminé par un règlement
d’administration publique.
Art. 2 : En cas de déclaration de circonstances atténuantes, si la peine prononcée par la loi est
celle de la déportation dans une enceinte fortifiée, les juges appliqueront celle de la
déportation simple ou celle de la détention ; mais, dans les cas prévus par les art. 86, 96 et 97
du Code pénal, la peine de la déportation simple sera seule appliquée.
Art. 3 : En aucun cas, la condamnation à la déportation n’emporte la mort civile : elle entraine
la dégradation civique.
De plus, tant qu’une loi nouvelle n’aura pas statué sur les effets civils des peines perpétuelles,
les déportés seront en état d’interdiction légale, conformément aux art. 29 et 31 du Code
pénal.
Néanmoins, hors le cas de déportation dans une enceinte fortifiée, les condamnés auront
l’exercice des droits civils dans le lieu de déportation.
Il pourra leur être remis, avec l’autorisation du gouvernement, tout ou partie de leurs biens.
Sauf l’effet de cette remise, les actes par eux faits dans le lieu de déportation ne pourront
engager ni affecter les biens qu’ils possédaient au jour de leur condamnation, ni ceux qui leur
seront échus par succession ou par donation.
Art. 4 : La vallée de Waïthau, aux îles Marquises, est déclaré lieu de déportation pour
l’exécution de l’art. 1er de la présente loi.
Art. 5 : L’île de Noukahiva, l’une des Marquises, est déclarée lieu de déportation pour
l’application de l’art. 17 du Code pénal.
Art. 6 : Le gouvernement déterminera les moyens de travail qui seront donnés aux
condamnés, s’ils le demandent.
Il pourvoira à l’entretien des déportés qui ne subviendraient pas à cette dépense par leurs
propres ressources.
Art. 7 : Dans le cas où les lieux établis pour la déportation viendraient à être changés par la
loi, les déportés seraient transférés des anciens lieux de déportation dans les nouveaux.
Art. 8 : La présente loi n’est applicable qu’aux crimes commis postérieurement à sa
promulgation.
Annexe n° 25 : Arrêt de la Cour de cassation 
du 17 février 1849, Journal du Droit Criminel, 1849, 
art. 4429, pp. 62 à 64.

La Cour ; - En ce qui touche l’arrêt de renvoi : - Attendu, 1° que les demandeurs ont été mis
en accusation pour s’être rendus coupables d’un attentat ayant pour but de détruire ou de
changer le gouvernement, et d’un attentat ayant pour but d’exciter à la guerre civile en armant
ou en portant les citoyens à s’armer les uns contre les autres ; - que ces faits sont
formellement prévus et punis de peines afflictives et infamantes, par les art. 87 et 91 du Code
pénal ; - que si les dispositions de l’art. 87, qui protège et l’autorité royale et l’ordre de
successibilité au Trône, se trouvant aujourd’hui sans application possible, doivent être
considérées comme abrogées tacitement, il ne s’ensuit pas que la première disposition de cet
article ait cessé d’être en vigueur, puisqu’elle n’a rien d’inconciliable avec la forme du
gouvernement proclamée par l’Assemblée nationale antérieurement au 15 mai ;
- Attendu […] Rejette.

Annexe n° 26 : Arrêt de la Chambre criminelle 
du 5 juin 1812, Bulletin des arrêts de la Cour de 
cassation rendus en matière criminelle, Tome XVII, 
1813, pp. 265 à 267.

Vu l’article 77 du Code pénal ;


La Cour, considérant que le procureur général près la cour de Montpellier, avait exposé dans
son réquisitoire du 24 avril 1812, qu’il résultait de la procédure, que Michel Ranfast, après
avoir passé quelque temps dans la Cerdagne, lorsqu’elle était occupée par les Espagnols
révoltés, s’était transporté à Macon, où des officiers prisonniers de guerre espagnols sont
retenus sur leur parole ; qu’il s’était adressé à trois différentes reprises, soit à Joachim
Manent, capitaine, soit à Francisco Calvo, ayant grade de capitaine, tous les deux prisonniers
de guerre espagnols à Macon, qu’il les avait provoqués à retourner en Espagne, qu’il avait
offert de leur en fournir les moyens ; que Francisco Calvo s’étant enfin rendu aux
sollicitations de Ranfast, celui-ci le conduisit à Lyon, où les attendait Ignace Nouvell, conscrit
réfractaire ; que Ranfast et Nouvell donnèrent à Calvo un faux passeport, et qu’ils le
reconduisaient ainsi en Espagne, lorsqu’ils furent arrêtés, ainsi que Calvo, dans le
département des Pyrénées Orientales ; que Ranfast et Nouvell avaient fait les frais du voyage,
quoiqu’ils n’eussent alors aucun moyen légitime d’existence ; que de ces faits et autres
consignés au procès, le procureur général avait conclu qu’il avait été formé un complot pour
ramener sous les drapeaux des espagnols révoltés, ceux des espagnols prisonniers de guerre
qui voudraient suivre Ranfast et Nouvell ; que ceux-ci en avaient reçu la mission expresse et
les moyens pécuniaires ; que le procureur général avait en conséquence requis que Ranfast et
Nouvell fussent mis en accusation ;
Considérant que, bien que ces faits soient qualifiés crimes par l’article cité ci-dessus,
néanmoins la cour impériale a renvoyé Ranfast et Nouvell devant le tribunal correctionnel de
Prades, comme prévenus seulement d’avoir favorisé l’évasion d’un prisonnier de guerre, et
d’avoir altéré un passeport ;
Considérant que cette cour ne pouvait ainsi écarter les caractères du crime prévu par les
articles 77 et 2 du Code pénal, et qui avaient été spécifiés par le procureur général, qu’autant
qu’elle aurait préalablement reconnu et déclaré qu’il ne résultait pas de l’instruction, des
preuves ou des indices des faits qui avaient été la matière et la base du réquisitoire du
procureur général ; que néanmoins elle ne s’est point expliquée sur ces faits élémentaires ;
qu’elle n’a point dit qu’ils fussent démentis par l’instruction ; que, dès lors, elle est réputée les
avoir reconnus prouvés ; qu’en réglant donc la compétence par l’application à ces faits de
l’article 238 du Code pénal, cette cour a fait une fausse application de cet article, et violé les
règles de compétence établies par la loi ;
Par ces motifs, la Cour casse et annule l’arrêt rendu le 24 avril 1812, par la cour impériale de
Montpellier, Chambre d’accusation.

Annexe n° 27 : Jugement en appel du Tribunal 
correctionnel de Blois du 23 août 1816, Recueil 
Sirey­Devilleneuve, 1816, II, pp. 189 et 190.
LE TRIBUNAL ; - Considérant que, si l’art. 103 du Code pénal punit, pour le seul fait de non
révélation, ceux qui n’ont pas fait celle de complots formés ou de crimes projetés contre la
sûreté de l’État, et des circonstances qui en seraient venues à leur connaissance, il n’a pas
exprimé, comme une de ces circonstances, la déclaration du nom de celui par qui ils ont
connu les complots ; - Considérant qu’au contraire, l’art. 108, en exemptant de la peine ceux
qui, ayant fait partie de ces complots, les auraient dévoilés dans un temps utile, a voulu qu’ils
en dévoilassent aussi les auteurs et complices, ce qui annonce la différence que la loi met
entre l’un et l’autre de ces cas, et ce qui prouve que les noms des auteurs et complices ne sont
pas une des circonstances dont l’art. 103 commande la révélation ; - Considérant que l’art.
107 n’est pas applicable à l’espèce puisque, par suite de l’art. 103, il ne concerne que ceux qui
n’ont pas fait de révélation, et que le major C. en a fait une ; - Considérant que le major C. a
rempli le vœu textuel de l’art. 103 du Code pénal, puisqu’en faisant la déclaration du complot
qui lui avait été confié, il en a déclaré les circonstances parvenues à sa connaissance, telle que
celle de faire un coup de main sur le dépôt d’armes que l’armée de la Loire pouvait avoir
laissé à Chinon, et de s’emparer du château de Saumur ; - Considérant que, s’il n’est jamais
permis aux tribunaux d’ajouter aux lois pénales, et de les interpréter, c’est surtout lorsque cet
abus de pouvoir serait impolitique, lorsque les suites en seraient dangereuses au
gouvernement ; qu’elles le seraient dans la circonstance actuelle, puisqu’elles pourraient, par
le motif qui retient aujourd’hui le major C., arrêter des révélations importantes pour la sûreté
publique ; - Considérant que les circonstances révélées par le prévenu ont pu suffire pour
mettre le gouvernement à portée de déjouer les complots révélés, qui effectivement n’ont pas
été exécutés ; - Qu’en appliquant au major C. la peine prononcée par le jugement dont est
appel, et plus encore celle requise par le ministère public, ce serait le punir comme s’il n’eut
rien révélé, comme si le complot eut été exécuté, et qu’il eut momentanément réussi ; tandis
que ce complot, s’il a réellement existé, n’a été connu que par la révélation du major, et c’est
peut-être à cette révélation qu’on en doit l’anéantissement ;
- Faisant droit sur les appels respectifs, - Dit qu’il a été mal jugé ; - Émendant et corrigeant, -
Décharge le major C. de la peine prononcée contre lui ; - Le renvoie de la plainte, etc.

Annexe n° 28 : Loi du 17 mai 1819 relative à la 
répression des crimes et délits commis par la 
voie de la presse, Moniteur Universel, lundi 14 juin 
1819, n° 165, p. 781.

Chapitre Premier : De la provocation publique aux crimes et délits.


Art. 1er : Quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux ou
réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des gravures, des peintures ou
emblèmes vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics,
soit par des placards et affiches exposés aux regards du public, aura provoqué l'auteur ou les
auteurs de toute action qualifiée crime ou délit à la commettre, sera réputé complice, et puni
comme tel.
Art. 2 : Quiconque aura, par l'un des moyens énoncés par l'article premier, provoqué à
commettre un ou plusieurs crimes, sans que ladite provocation ait été suivie d'aucun effet, sera
puni d'un emprisonnement qui ne pourra être de moins de trois mois, ni excéder cinq années,
et d'une amende qui ne pourra être en dessous de 50 Francs, ni excéder 6000 Francs.
Art. 3 : Quiconque aura, par l'un des mêmes moyens, provoqué à commettre un ou plusieurs
délits, sans que ladite provocation ait été suivie d'aucun effet, sera puni d'un emprisonnement
de trois jours à deux années, et d'une amende de 30 Francs à 4000 Francs, ou de l'une de ces
deux peines seulement, selon les circonstances ; sauf les cas dans lesquels la loi prononcerait
une peine moins grave contre l'auteur même du délit, laquelle sera alors appliquée au
provocateur.
Art. 4 : Sera réputée provocation au crime et punie des peines portées par l'article deux, toute
attaque formelle par l'un des moyens énoncés en l'article premier, soit contre l'inviolabilité de
la personne du roi, soit contre l'ordre de successibilité au trône soit contre l'autorité
constitutionnelle du roi et des chambres.
Art. 5 : Seront réputés provocation au délit, et punis des peines portées par l'article 3 :
1° tous cris séditieux publiquement proférés, autres que ceux qui rentreraient dans la
disposition de l'article 4 ;
2° l'enlèvement ou la dégradation des signes publics de l'autorité royale, opérés par haine ou
mépris de cette autorité ;
3° le port public de tous signes extérieurs de ralliement non autorisés par le roi ou par des
règlements de police ;
4° l'attaque formelle, par l'un des moyens énoncés en l'article premier, des droits garantis par
les articles 5 et 9 de la Charte constitutionnelle.
Art. 6 : La provocation, par l'un des mêmes moyens, à la désobéissance aux lois, sera
également punie des peines portées en l'article 3.
Art. 7 : Il n'est point dérogé aux lois qui punissent la provocation et la complicité résultant de
tous actes autres que les faits de publication prévus par la présente loi.
Chapitre 2 : Des outrages à la morale publique et religieuse, ou aux bonnes mœurs.
Art. 8 : Tout outrage à la morale publique et religieuse, ou aux bonnes mœurs, par l'un des
moyens énoncés en l'article premier, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an, et
d'une amende de 16 Francs à 500 Francs.
Chapitre 3 : Des offenses publiques envers la personne du Roi.
Art. 9 : Quiconque, par l'un des moyens énoncés en l'article 1er de la présente loi, se sera
rendu coupable d'offenses envers la personne du roi, sera puni d'un emprisonnement qui ne
pourra être de moins de six mois, ni excéder cinq années, et d'une amende qui ne pourra être
au-dessous de 500 Francs, ni excéder 10 000 Francs.
Le coupable pourra, en outre, être interdit de tout ou partie des droits mentionnés en l'article
42 Code pénal, pendant un temps égal à celui de l'emprisonnement auquel il aura été
condamné : ce temps courra à compter du jour où le coupable aura subi sa peine.
Chapitre 4 : Des offenses publiques envers les membres de la famille royale, les chambres, les
souverains et les chefs de gouvernement étrangers.
Art. 10 : L'offense, par l'un des moyens énoncés en l'article 1er, envers les membres de la
famille royale, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une amende de 100
Francs à 5000 Francs.
Art. 11 : L'offense, par l'un des mêmes moyens, envers les chambres ou l'une d'elles, sera
punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une amende de 100 Francs à 5000
Francs.
Art. 12 : L'offense, par l'un des mêmes moyens, envers la personne des souverains ou envers
celle des chefs des gouvernements étrangers, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à
trois ans, et d'une amende de 100 Francs à 5000 Francs.
Chapitre 5 : De la diffamation et de l’injure publique.
Art. 13 : Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la
considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé, est une diffamation.
Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective, qui ne renferme l'imputation
d'aucun fait, est une injure.
Art. 14 : La diffamation et l'injure commises par l'un des moyens énoncés en l'article 1er de la
présente loi, seront punies d'après les distinctions suivantes.
Art. 15 : La diffamation ou l'injure envers les cours, tribunaux ou autres corps constitués, sera
puni d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une amende de 50 Francs à 4000
Francs.
Art. 16 : La diffamation envers tout dépositaire ou agent de l'autorité publique, pour des faits
relatifs à ses fonctions, sera punie d'un emprisonnement de huit jours à dix-huit mois, et d'une
amende de 50 Francs à 3000 Francs.
L'emprisonnement et l'amende pourront, dans ce cas, être infligés cumulativement ou
séparément, selon les circonstances.
Art. 17 : La diffamation envers les ambassadeurs, ministres plénipotentiaires, envoyés,
chargés d'affaires, ou autres agents diplomatiques accrédités près du roi, sera punie d'un
emprisonnement de huit jours à dix-huit mois, et d'une amende de 50 Francs à 3000 Francs,
ou de l'une de ces deux peines seulement, selon les circonstances.
Art. 18 : La diffamation envers les particuliers sera punie d'un emprisonnement de cinq jours
à un an, et d'une amende de 25 Francs à 2000 Francs, ou de l'une de ces deux peines
seulement, selon les circonstances.
Art. 19 : L'injure contre les personnes désignées par les articles 16 et 17 de la présente loi,
sera punie d'un emprisonnement de cinq jours à un an, et d'une amende de 25 Francs à 2000
Francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, selon les circonstances.
L'injure contre les particuliers sera punie d'une amende de 16 Francs à 500 Francs.
Art. 20 : Néanmoins, l'injure qui ne renfermerait pas l'imputation d'un vice déterminé, ou qui
ne serait pas publique, continuera d'être punie des peines de simple police.
Chapitre 6 : Dispositions générales.
Art. 21 : Ne donneront ouverture à aucune action, les discours tenus dans le sein de l'une des
deux chambres, ainsi que les rapports ou toutes autres pièces imprimées par ordre de l'une des
deux chambres.
Art. 22 : Ne donnera lieu à aucune action, le compte fidèle des séances publiques de la
chambre des députés, rendu de bonne foi dans les journaux.
Art. 23 : Ne donneront lieu à aucune action en diffamation ou injure ou, les discours
prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux : pourront néanmoins les juges saisis de
la cause, en statuant sur le fond, prononcer la suppression des écrits injurieux ou
diffamatoires, et condamner qu'il appartiendra en des dommages et intérêts.
Les juges pourront aussi, dans le même cas, faire des injonctions aux avocats et officiers
ministériels, ou même les suspendre de leurs fonctions.
La durée de cette suspension ne pourra excéder six mois ; en cas de récidive, elle sera d'un an
au moins et de cinq ans ou plus.
Pourront, toutefois, les faits diffamatoires étrangers à la cause, donner ouverture, soit à
l'action publique, soit à l'action civile des parties, lorsqu'elle leur aura été réservée par les
tribunaux, et dans tous les cas, à l'action civile des tiers.
Art. 24 : Les imprimeurs d'écrits dont les auteurs seraient mis en jugement en vertu de la
première loi, et qui auraient rempli les obligations prescrites par le titre II de la loi du 21
octobre 1814, ne pourront être recherchés pour le simple fait d'impression de ces écrits, à
moins qu’ils n’aient agi sciemment, ainsi qu'il est dit à l'article 60 du Code pénal, qui définit
la complicité.
Art. 25 : En cas de récidive des crimes et délits prévus par la présente loi, il pourra y avoir
lieu à l'aggravation de peines prononcées par le chapitre IV, livre premier du Code pénal.
Art. 26 : Les articles 102, 217, 367, 368, 369, 370, 371, 372, 374, 375, 377 du Code pénal, et
la loi du 9 novembre 1815, sont abrogés.
Toutes les autres dispositions du Code pénal auxquelles il n'est pas dérogé par la présente loi,
continueront d'être exécutées.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux H. de Serre.

Annexe n° 29 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 18 janvier 1833, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1833, I, p. 243.

LA COUR ; - Vu les art. 565 et suivants du Code d’instruction criminelle sur les règlements
de juges ; - Vu les art. 1er de la loi du 17 mai 1819, 211 du Code pénal et 1 er de la loi du 8
octobre 1830 ; - Attendu que les dispositions de l’art. 1er de la loi du 8 octobre 1830 sont
générales et absolues ; qu’elles ne sont point limitées, pour l’attribution aux Cours d’assises
des délits qu’elles prévoient, aux délits politiques, puisque l’attribution de ces derniers aux
Cours d’assises est ordonnée spécialement par l’art. 6 de la loi du 8 octobre 1830, et qu’il
s’agit, d’après les faits de la prévention, de provocation à la rébellion par des discours et des
cris proférés publiquement et dans un lieu public :
Renvoie devant la chambre des mises en accusation de Bordeaux.

Annexe n° 30 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 30 août 1833, Recueil  
Sirey­Devilleneuve, 1833, I, p. 683.

LA COUR ; - Vu l’art. 97 du Code pénal ; - Attendu que, pour que la peine de mort établie
par cet article puisse être légalement prononcée par la Cour d’assises, il faut que le jury
déclare l’existence de tous les faits constitutifs de ce genre de crime ; qu’il ne suffit pas qu’il
soit déclaré que l’accusé a fait partie de bandes armées, dont le but était de commettre les
crimes prévus par les art. 87 et 91 du même Code ; - Que le législateur a de plus exigé qu’il
fut en même temps déclaré si les accusés ont été pris sur le lieu de la réunion séditieuse, ou
s’ils ont exercé un emploi ou commandement dans ces bandes ; qu’ainsi il ne s’agit pas d’une
question d’excuse dont les accusés soient tenus de provoquer la position, pour obtenir
l’exemption de toute peine, autre que la surveillance de la haute police, prévue par l’art. 100
du Code pénal ;
Attendu que, dans l’espèce, C. a été déclaré coupable par le jury d’avoir, en faisant
volontairement partie de bandes séditieuses, commis un ou plusieurs attentats dont le but était
la perpétration des crimes prévus et définis par les art. 87 et 91 du Code pénal ; que, du
moment où ledit C. n’était convaincu d’avoir commis le fait criminel qu’en faisant partie des
bandes, il ne pouvait être rangé dans la catégorie prévue par lesdits art. 87 et 91 ; que, par
suite, en prononçant contre lui la peine de mort, la Cour d’assises des Deux-Sèvres a fait une
fausse application de l’art. 97 et commis un excès de pouvoir ; - Mais attendu que, par la
réponse du jury à la deuxième question, ledit C. a été déclaré coupable d’avoir volontairement
fait partie d’une bande de malfaiteurs, fait prévu par les art. 265, 266 et 268 du Code pénal ;
qu’ainsi, d’après l’art. 365 du Code d’instruction criminelle, il y aurait lieu de statuer sur
l’application de ces articles qui entrainent la surveillance de la haute police, ce qui en écarte
l’application facultative, en vertu de l’art. 100, pour le premier fait déclaré constant par le
jury : que, dès lors, il y a lieu à recevoir le pourvoi ;
- Casse, et renvoie etc.

Annexe n° 31 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 31 juillet 1823, 
Bulletin des arrêts de la Cour de cassation rendus en 
matière criminelle, 1824.

Vu l’article 410 du Code d’instruction criminelle, d’après lequel les arrêts des cours royales
peuvent être cassés pour fausse application de la loi ;
Vu les articles 101 et 102 du Code pénal ;
Attendu que C. est déclaré, par l’arrêt attaqué, coupable d’avoir, lors de son arrestation, fait
résistance avec violence et voies de fait envers la force publique, en se servant contre le
sergent de garde d’un petit bâton dont il était porteur ; Attendu que ce petit bâton était une
canne dans la main dudit C., et qu’étant déclaré constant qu’il s’en était servi contre le sergent
de garde, il demeurait constant qu’il en avait fait usage pour le frapper, et qu’ainsi la cour
royale de Lyon, en n’appliquant audit C. que la peine de trois mois d’emprisonnement, a fait
une fausse application de la seconde partie de l’article 212 du Code pénal, violé la première
partie de cet article et l’article 101 du même Code ;
D’après ces motifs, la Cour, statuant sur le pourvoi du procureur général près la cour royale
de Lyon, casse et annule l’arrêt rendu par cette cour royale, Chambre des appels de police
correctionnelle, le 7 juillet 1823, en ce qui concerne C. seulement ;
Renvoie ledit C. et les pièces de la procédure devant la Chambre des appels de police
correctionnelle de la cour royale de Riom.
Annexe n° 32 : Loi du 25 mars 1822 relative à la 
répression des délits de presse, Moniteur 
Universel, mardi 26 mars 1822, n° 85, p. 461.

Titre I : De la répression.
Art. 1er : Quiconque, par l'un des moyens énoncés en l'article 1er de la loi du 17 mai 1819,
aura outragé ou tourné en dérision la religion de l'État, sera puni d'un emprisonnement de trois
mois à cinq ans, et d'une amende de 300 Francs à 6000 Francs.
Les mêmes peines seront prononcées contre quiconque aura outragé ou tourné en dérision
toute autre religion dont l'établissement est légalement reconnu en France.
Art. 2 : Toute attaque, par l'un des mêmes moyens, contre la dignité royale, l'ordre de
successibilité au trône, les droits que le roi tient de sa naissance, ceux en vertu desquels il a
donné la Charte, son autorité constitutionnelle, l'inviolabilité de sa personne, les droits ou
l'autorité des chambres, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans, et d'une
amende de 300 Francs à 6000 Francs.
Art. 3 : L'attaque, par l'un de ces moyens, des droits garantis par les articles 5 et 9 de la Charte
constitutionnelle, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une amende de
100 Francs à 4000 Francs.
Art. 4 : Quiconque, par l'un des mêmes moyens, aura excité à la haine ou au mépris du
gouvernement du roi, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à quatre ans, et d'une amende
de 150 Francs à 5000 Francs.
La présente disposition ne peut pas porter atteinte au droit de discussion et de censure des
actes des ministres.
Art. 5 : La diffamation ou l'injure, par l'un des mêmes moyens, envers les cours, tribunaux,
corps constitués, autorités, ou administrations publiques, sera punie d'un emprisonnement de
quinze jours à deux ans, et d'une amende de 150 Francs à 5000 Francs.
Art. 6 : L'outrage fait publiquement, d'une manière quelconque, à raison de leurs fonctions ou
de leur qualité, soit à un ou plusieurs membres de l'une des deux chambres, soit à un
fonctionnaire public, soit enfin à un ministre de la religion de l'État ou de l'une des religions
dont l'établissement est légalement reconnu en France, sera puni d'un emprisonnement de
quinze jours à deux ans, et d'une amende de 100 Francs à 4000 Francs.
Le même délit envers un juré, à raison de ses fonctions, ou envers un témoin, à raison de sa
déposition, sera puni d'un emprisonnement de dix jours à un an, et d'une amende de 150
Francs à 3000 Francs.
L'outrage fait à un ministre de la religion de l'État, ou de l'une des religions légalement
reconnues en France, dans l'exercice même de ses fonctions, sera puni des peines portées par
l'article 1er de la présente loi.
Si l'outrage, dans les différents cas prévus par le présent article, a été accompagné d'excès ou
violences prévus par le premier paragraphe de l'article 228 du Code pénal, il sera puni des
peines portées audit paragraphe et à l'article 229, et que en outre de l'amende portée au
premier paragraphe du présent article.
Si l'outrage est accompagné des excès prévus par le second paragraphe de l'article 228 et par
les articles 231, 232 et 233, le coupable sera puni conformément audit Code.
Art. 7 : L'infidélité et la mauvaise foi dans le compte que rendent les journaux et écrits
périodiques des séances des chambres et des audiences des cours et tribunaux, seront punies
d'une amende de 1000 Francs à 6000 Francs.
En cas de récidive, ou lorsque le compte-rendu sera offensant pour l'une ou l'autre des
chambres, ou pour l'un des pairs ou des députés, ou injurieux pour la cour, le tribunal, ou l'un
des magistrats, des jurés ou des témoins, les éditeurs du journal seront en outre condamnés un
emprisonnement d'un mois à trois ans.
Dans les mêmes cas, il pourra être interdit, pour un temps limité ou pour toujours, aux
propriétaires et éditeurs du journal ou écrit périodique condamné, de rendre compte des débats
législatifs ou judiciaires. La violation de cette défense sera punie de peines doubles de celles
portées au présent article.
Art. 8 : Seront punis d'un emprisonnement de six jours à deux ans, et d'une amende de 16
Francs à 4000 Francs, tous cris séditieux publiquement proférés.
Art. 9 : Seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une amende de 100
Francs à 4000 Francs :
1° l'enlèvement ou la dégradation des signes publics de l'autorité royale, opérés en haine ou
mépris de cette autorité ;
2° le port public de tous signes extérieurs de ralliement non autorisés par le roi ou par des
règlements de police ;
3° l'exposition dans les lieux ou réunions publics, la distribution ou la mise en vente de tous
signes ou symboles destinés à propager l'esprit de rébellion ou à troubler la paix publique.
Art. 10 : Quiconque, par l'un des moyens énoncés en l'article 1er de la loi du 17 mai 1819,
aura cherché à troubler la paix publique en excitant le mépris ou la haine des citoyens contre
une ou plusieurs classes de personnes, sera puni des peines portées en l'article précédent.
Art. 11 : Les propriétaires ou éditeurs de tout journal ou écrit périodique seront tenus d'y
insérer, dans les trois jours de la réception, ou dans le plus prochain numéro, s'il n'en était pas
publié avant l'expiration des trois jours, la réponse de toute personne nommée ou désignée
dans le journal ou écrit périodique, sous peine d'une amende de 50 Francs à 500 Francs, sans
préjudice des autres peines et dommages intérêts auxquels l'article incriminé pourrait donner
lieu. Cette insertion sera gratuite, et la réponse pourra avoir le double de la longueur de
l'article auquel elle sera faite.
Art. 12 : Toute publication, vente ou mise en vente, exposition, distribution, sans l'autorisation
préalable du gouvernement, de dessins gravés ou lithographiés, sera, pour ce seul fait, punie
d'un emprisonnement de trois jours à six mois, et d'une amende de 10 Francs à 500 Francs,
sans préjudice des poursuites auxquelles pourrait donner lieu le sujet du dessin.
Art. 13 : L'article 10 de la loi du 9 juin 1819 est commun à toutes les dispositions du présent
titre, en tant qu'elles s'appliquent aux propriétaires ou éditeurs d'un journal ou écrit
périodique.
Art. 14 : Dans les cas de délits correctionnels prévus par les premier, second et quatrième
paragraphes de l'article 6, par l'article 8 et par le premier paragraphe de l'article 9 de la
présente loi, les tribunaux pourront appliquer, s'il y a lieu, l'article 463 du Code pénal.
Titre II : De la poursuite.
Art. 15 : Dans le cas d'offense envers les chambres ou l'une d'elles par l'un des moyens
énoncés en la loi du 17 mai 1819, la chambre offensée, sur la simple réclamation d'un de ses
membres, pourra, si mieux elle n'aime autoriser les poursuites par la voie ordinaire, ordonner
que le prévenu sera traduit à sa barre. Après qu'il aura été entendu ou dûment appelé, elle le
condamnera, s'il y a lieu, aux peines portées par les lois. La décision sera exécutée sur l'ordre
du président de la chambre.
Art. 16 : Les chambres appliqueront elles-mêmes, conformément à l'article précédent, les
dispositions de l'article 7 relatives au compte rendu par les journaux de leurs séances.
Les dispositions du même article 7 relatives au compte rendu des audiences des cours et
tribunaux, seront appliquées directement par les cours et tribunaux qui auront tenu ces
audiences.
Art. 17 : Seront poursuivis devant la police correctionnelle et d'office, les délits commis par la
voie de la presse, et les autres délits énoncés en la présente loi et dans celle du 17 mai 1819,
sauf que les cas prévus par les articles à 15 et 16 ci-dessus. Néanmoins la poursuite de n'aura
lieu d'office, dans le cas prévu par l'article 12 de la loi du 17 mai 1819, et dans celui de
diffamation ou d'injure contre tout agent diplomatique étranger, accrédité près du roi, ou
contre tout particulier, que sur la plainte ou à la requête soit du souverain ou du chef de
gouvernement qui se croira offensé, soit de l'agent diplomatique ou du particulier qui se croira
diffamé ou injurié.
Les appels des jugements rendus par les tribunaux correctionnels sur les délits commis par des
écrits imprimés par un procédé quelconque, seront portés directement, sans distinction de la
situation locale desdits tribunaux, aux cours royales pour y être jugés par la première chambre
civile et la chambre correctionnelle réunies, dérogeant, quant à ce que, aux articles 200 et 201
du Code d'instruction criminelle.
Les appels des jugements rendus par les mêmes tribunaux sur tous les autres délits prévus par
la présente loi et par celle du 17 mai 1819, seront jugés dans la forme ordinaire fixée par le
Code pour les délits correctionnels.
Art. 18 : En aucun cas la preuve par témoins ne sera admise pour établir la réalité des faits
injurieux ou diffamatoires.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux de France, ministre secrétaire d'état au département
de la justice, de Peyronnet.

Annexe n° 33 : Arrêt du 8 mai 1891 de la 
Chambre criminelle de la Cour de cassation, 
Dalloz 1892, I, p. 105.

La Cour ; - Sur le premier moyen…


Sur le deuxième moyen, pris de ce que les paroles et l’écrit non rendu public adressés par le
demandeur à des jurés de session ne constituerait pas un outrage punissable dans les termes de
l’art. 222 du Code pénal : - Attendu, en fait, qu’il est constaté par l’arrêt entrepris que, les 11
et 12 novembre dernier, Moro, attaché comme reporter au journal, Le Matin, s’est présenté
chez les sieurs Vigier, Soleau, Desmarets et Baillon, tous les quatre inscrits sur la liste des
jurés désignés par le vote du sort, en audience publique, pour faire les service de la session
d’assises de la Seine dont l’ouverture se trouvait alors fixée au 16 dudit mois de novembre ;
qu’il les a successivement priés, soit verbalement, soit (pour l’un d’eux), après s’être fait
précéder d’une demande d’audience écrite et motivée, de lui faire connaitre leur opinion sur
l’influence de l’hypnotisme dans ses rapports avec la criminalité et spécialement dans l’affaire
Eyraud-Bompard, qui figurait au rôle de la session, lors prochaine ; que, parmi ces jurés ainsi
provoqués à trahir leur devoir, trois ont absolument refusé de répondre et que l’un d’eux à
éconduit son visiteur en terme indignés ; que tous, d’ailleurs, soit à l’audience où ils
comparaissaient comme témoins, soit au cours de l’information écrite, ont déclaré s’être sentis
gravement atteints dans leur délicatesse par l’interpellation dont ils avaient été l’objet ;
Attendu qu’il est, en outre, nettement affirmé par les juges du fait que la question adressée par
le demandeur aux jurés de session prénommés avait bien pour objet, ainsi qu’il l’a reconnu
lui-même et que l’a compris chacun des interpellés, d’obtenir sous une forme plus ou moins
directe l’avis de ces derniers sur le degré de culpabilité de l’un et l’autre accusé dans l’affaire
Eyraud-Bompard ;
Attendu, en droit, que l’outrage envers des magistrats ou des jurés, dans l’exercice ou à
l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, tel que le prévoit l’art. 222 du Code pénal, consiste
dans toute parole, tout écrit ou dessin non rendu public qui, d’une manière quelconque, tend à
inculper leur honneur ou leur délicatesse ; qu’il n’est point nécessaire que la parole ou l’écrit
incriminé soit caractérisé par un mot grossier, un terme de mépris ou une invective ; que
l’outrage peut, en effet, se rencontrer sous des expressions en apparence inoffensives ou
même polies ; qu’il existe légalement, dès qu’en réalité ces expressions, qu’elle qu’en soit la
forme extérieure, comportent, à raison des circonstances, un sens injurieux et diffamatoire, et
peuvent par suite blesser dans leur honneur le magistrat ou le juré à qui elles sont adressées ;
que, dans l’espèce, notamment, si le demandeur a interpellé « en termes polis » les jurés de
session Vigier, Soleau, Desmarets et Baillon, il n’en a pas moins témoigné, comme le déclare
l’arrêt, par le caractère même de cette interpellation, qu’il les croyait capables de manquer
gravement à leur devoir ; D’où suit qu’en décidant, par appréciation des faits qu’il a
souverainement constatés, que les paroles ou l’écrit non rendu public adressés à ces jurés à
l’occasion de l’exercice de leurs fonctions constituaient un outrage de nature à inculper leur
honneur ou leur délicatesse, l’arrêt entrepris, loin de méconnaitre le sens de l’art. 222 du Code
pénal, en a fait, au contraire, une saine interprétation ;
Sur le troisième moyen […]
Par ces motifs, rejette.

Annexe n° 34 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 28 septembre 1832, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1832, II, p. 243.

LA COUR ; - Vu la requête du procureur général près la Cour royale d’Angers, tendant à ce


qu’il soit réglé de juges dans le procès instruit contre A., prévenu d’avoir fait une proposition
non agréée de former un complot dont le but aurait été, soit de changer de gouvernement ou
l’ordre de successibilité au trône, soit d’exciter les citoyens à s’armer contre l’autorité royale ;
- Vu l’arrêt de la chambre des mises en accusation de la Cour royale d’Angers, du 9 août
dernier, qui, annulant l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance
de Saumur, et déclarant la prévention suffisante sur le délit ci-dessus relaté, renvoie A., en état
de mandat de dépôt, devant le tribunal de première instance d’Angers, pour y être jugé
correctionnellement ; -Vu le jugement correctionnel dudit tribunal, rendu le 25 du même
mois, par lequel il s’est déclaré incompétent, par le motif que le délit dont il s’agissait était
prévu par l’article 89 du Code pénal, de la compétence de la Cour d’assises, d’après les
articles 6 et 7 de la loi du 8 octobre 1830 ;
Attendu que l’arrêt de la chambre des mises en accusation, non attaqué en temps de droit, a
acquis l’autorité de la chose jugée ; qu’il en est particulièrement du jugement correctionnel
dont il n’y a point d’appel, et auquel le procureur général renonce implicitement d’appeler,
puisqu’il forme lui-même la demande en règlement de juges ; - Attendu qu’il résulte de la
contrariété entre l’arrêt et le jugement susmentionnés, un conflit négatif qui suspend le cours
de la justice qu’il importe de rétablir ; - Vu les articles 122 et suivants du Code d’instruction
criminelle, sur les règlements de juges ; - Vu l’article 89 in fine du Code pénal, les articles 6 et
7 de la loi du 8 octobre 1830 ; - Attendu que le fait de la prévention constitue un délit
politique de la compétence des Cours d’assisses, d’après les dispositions des articles de la loi
ci-dessus cités ; - Sans s’arrêter ni avoir égard à l’arrêt de la chambre des mises en accusation
de la Cour royale d’Angers, du 9 août dernier, qui sera comme non avenu, renvoi A. devant la
chambre des mises en accusation Cour royale de Poitiers, pour être statué comme et ainsi
qu’il appartiendra sur l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance
de Saumur, rendu le 4 août dernier contre A.

Annexe n° 35 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 9 octobre 1851, 
Dalloz, 1851, I, pp. 331 et 332.

LA COUR ; - Sur le moyen proposé puisé dans la violation des art. 364 du Code d’instruction
criminelle et 89 du Code pénal, en ce que le demandeur G. a été condamné pour complot,
malgré la contradiction et l’incompatibilité qu’impliquait dans le verdict du jury l’affirmation
que G. aurait concerté une résolution d’agir avec D., L. et D. et la négation du même fait vis-
à-vis ces derniers accusés :
Attendu, en fait, que sur l’accusation portée tant contre le demandeur G. que contre D., L. et
D., et par des questions posées dans les termes de l’arrêt de renvoi, il a été demandé par des
questions séparées et successivement relativement à chacun des accusés : 1° s’il était
coupable d’avoir, dans le courant des mois de mai et juin 1850, formé dans la Dordogne et le
Lot-et-Garonne une résolution d’agir, concertée et arrêtée entre lui et ses trois coaccusés,
ayant pour but de changer le gouvernement ; 2° par une autre question, si cette résolution
d’agir ainsi formée et concertée, avait eu pour but d’exciter la guerre civile en portant les
citoyens ou habitants à s’armer les uns contre les autres ; - Attendu que sur ces deux
questions, relatives au demandeur, le jury a répondu oui il est coupable à la majorité de plus
de sept voix ; - Et que toutes les autres questions qui concernaient ses trois coaccusés D., L. et
D. ont été répondues par le mot non ;
Attendu, en droit, que la réponse négative du jury à la question complexe qui lui est posée en
se conformant à l’art. 337 du Code d’instruction criminelle, et qui comprend en même temps
l’existence du fait et sa moralité, n’est nullement exclusive de la matérialité de ce fait ; - Qu’il
suit de là qu’il n’existait ni contradiction ni inconciliabilité entre la déclaration du jury
affirmative quant au demandeur G. et négative relativement à ses trois coaccusés, puisque les
réponses des concernant il résulte seulement que par des motifs qu’on ne peut rechercher,
puisque le jury n’en doit aucun compte, il avait reconnu que lesdits coaccusés n’étaient pas
criminellement responsables du fait poursuivi ; - Attendu que la question légalement posée et
qui concernait le demandeur, comprenant tous les éléments constitutifs du crime, la réponse
du jury, qui l’en déclarait coupable, remplissait complètement le vœu de la loi et nécessitait
l’application qui lui a été faite de la peine prononcée par l’art. 89 du Code pénal, modifiée
dans les limites déterminées par l’art. 463 du même Code, par l’effet des circonstances
atténuantes reconnues ; - Qu’ainsi l’arrêt attaqué n’a violé ni ledit art. 89 du Code pénal ni
l’art. 364 du Code d’instruction criminelle ;
- Rejette.

Annexe n° 36 : Arrêt de la Cour de cassation 
du 23 juin 1836, Journal du Droit Criminel, 1836, art. 
1912, p. 31.

LA COUR ; - Attendu que le fait, tel qu’il se trouve relevé, tant par l’ordonnance de la
chambre du conseil du Tribunal de Saint-Palais, que par le jugement du Tribunal
correctionnel de la même ville, considéré comme empêchement par voies de fait à l’exercice
des droits civiques, constituerait le délit prévu par l’art. 109 du Code pénal, et que ce délit
appartiendrait, aux termes de l’art. 6 de la loi du 8 octobre 1830, à la juridiction des Cours
d’assises, comme ayant, d’après l’art. 7 de la loi précitée, le caractère d’un délit politique,
sans s’arrêter à l’ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de Saint-Palais, du 28
décembre 1835, laquelle sera considérée comme non-avenue, renvoie les pièces du procès et
E., ancien maire de la commune de Gestas, devant la chambre des mises en accusation de la
Cour royale de Pau, pour, d’après l’instruction faite et le complément qu’elle pourra ordonner,
s’il y a lieu, être statué, tant sur la prévention que sur la compétence, conformément à la loi : -
Ordonne, etc.
Annexe n° 37 : Arrêt du 25 juillet 1821 de la 
Chambre criminelle de la Cour de cassation, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1819­1821, I, p. 478.

La Cour ;
Attendu 1° que, si les percepteurs sont des fonctionnaires publics, ils ne peuvent être
néanmoins considérés comme des magistrats de l’ordre administratif ou judiciaire ; que les
dispositions de l’art. 222 du Code pénal sont donc inapplicables aux outrages qui peuvent
avoir été commis envers eux dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ;
Attendu, 2° que si la preuve des faits diffamatoires imputés à des dépositaires ou agents de
l’autorité publique, doit être admise devant les tribunaux saisis d’une poursuite en diffamation
par la plainte de ces dépositaires ou agents de l’autorité publique, et que, dès lors, il ne puisse
y avoir lieu à sursis sur ces poursuites, ce principe consacré par l’art. 20 de la loi du 26 mai
1819, doit être restreint au cas où les faits imputés ne sont pas punissables selon la loi, mais
que, lorsque ces faits sont passibles de peine, ils rentrent dans les dispositions de l’art. 25 de
la même loi ; et que s’il y a eu poursuite ou dénonciation sur ces faits, il doit être sursis,
conformément à cet article, à la poursuite et au jugement du délit de diffamation ; que, dans
l’espèce, il a été reconnu par la Cour royale de Pau que, parmi les faits imputés qui faisaient
l’objet de la plainte de Mène, il y en avait qui étaient punissables selon la loi ; que cette cour,
en ordonnant, dans cette circonstance, qu’il serait sursis à la poursuite du délit de diffamation
ainsi que l’avait demandé Peyré, a fait une juste application des art. 20 et 25 de la loi du 26
mai 1819 ;
Attendu, 3° que l’art. 25 de cette loi n’a pas distingué le cas où la dénonciation aurait précédé
ou suivi la plainte ; que cette distinction ne peut donc être faite par les tribunaux ;
Attendu, 4° que, lorsqu’une plainte porte sur plusieurs faits, dont un ou plusieurs sont
punissables suivant la loi, ces faits punissables deviennent des faits principaux dont les autres
ne sont que des accessoires qui doivent demeurer soumis aux règles prescrites pour les faits
principaux ;
Rejette.
Annexe n° 38 : Décret impérial du 25 février 
1852, Moniteur Universel, jeudi 26 février 1852, n° 
57, p. 321.

Considérant que la règle de compétence posée par l’art. 179 du Code d’instruction criminelle
forme le droit commun ; que déjà la connaissance des délits commis au moyen de la parole ou
de la presse a été restituée aux tribunaux de police correctionnelle par les décrets des 31
décembre 1851 et 17 février 1852 ;
Qu’on ne saurait, sans une véritable anomalie, laisser encore aux cours d’assises la
connaissance de quelques autres délits analogues par leur nature ou assimilés par le législateur
à ceux qui sont déjà rentrés dans la règle commune ;
Considérant qu’il est de principe que les lois de procédure et de compétence sont
immédiatement applicables aux affaires à l’égard desquelles il n’y a pas jugement ou
dessaisissement,
Décrète :
Art. 1er : Tous les délits dont la connaissance est actuellement attribuée aux cours d’assises et
qui ne sont pas compris dans les décrets des 31 décembre 1851 et 17 février 1852 seront jugés
par les tribunaux correctionnels, à raison des fonctions et de la qualité des inculpés.
Art. 2 : Ces juridictions connaîtront de ceux de ces délits qui ont été commis antérieurement
au présent décret et sur lesquels il n’aurait pas été statué autrement.
Art. 3 : Les poursuites seront dirigées selon les formes et es règles prescrites par le code
d’instruction criminelle.
Art. 4 : Sont et demeurent abrogées toutes dispositions relatives à la compétence, contraires
au présent décret, et notamment celles qui résultent de la loi du 8 octobre 1830, en matière de
délits politiques ou réputés tels ; de l’article 6 de la loi du 10 décembre 1830, relative aux
afficheurs et crieurs publics ; de l’art. 10 du décret du 7 juin 1848, sur les attroupements ; de
l’art. 16 paragraphe 2, de la loi du 28 juillet 1848, sur les clubs et les sociétés secrètes ; de
l’art. 117 de la loi électorale du 15 mars 1849.
Art. 5 : Le garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice, est chargé
de l’exécution du présent décret.
Signé Louis-Napoléon et le garde des sceaux Ch. Abbatucci.

Annexe n° 39 : Décret impérial du 28 février 
1814, Moniteur Universel, lundi 28 février 1814, n° 
59, p. 233.

Décret portant que tout Français qui aura accompagné l’ennemi sur le territoire français,
sera traduit devant les tribunaux pour y être jugé, toutes affaires cessantes, et que ceux qui
auront portés des signes ou décorations de l’ancienne dynastie, seront condamnés à mort.
Art 1er : Il sera dressé une liste des Français qui, étant au service des puissances coalisées, ou
qui, sous quelques autres titres que ce soit, ont accompagnés les armées ennemies dans
l’invasion du territoire de l’Empire, depuis le 20 décembre 1813.
Art. 2 : Les individus qui se trouveront compris sur ladite liste seront traduits, sans aucun
délai, et toutes affaires cessantes, devant nos cours et tribunaux, pour y être jugés, condamnés
aux peines portées par les lois, et leurs biens être confisqués au profit du domaine de l’État,
conformément aux lois existantes.
Art. 3 : Tout Français qui aura porté les signes ou les décorations de l’ancienne dynastie, dans
les lieux occupés par l’ennemi, et pendant son séjour, sera déclaré traître, et comme tel jugé
par une commission militaire et condamné à mort. Ses biens seront confisqués au profit du
domaine de l’État.
Art. 4 : Nos ministères sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent
décret, qui sera inséré au bulletin des lois.
Signé Napoléon et le ministre secrétaire d’État, le duc de Bassano.

Annexe n° 40 : Décret impérial du 7 mars 1814, 
Moniteur Universel, lundi 7 mars 1814, n° 66, p. 
262.
Décret portant que tout Français est tenu de courir aux armes et de sonner le tocsin aussitôt
qu’il entendra le canon de nos troupes, et que tout Français mis à mort par l’ennemi, sera
vengé par la mort d’un prisonnier.
Considérant que les généraux ennemis ont déclaré qu’ils passeraient par les armes tous les
paysans qui prendraient les armes. Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
Art 1er : Tous les citoyens français sont non seulement autorisés à courir aux armes, mais
requis de la faire ; de sonner le tocsin aussitôt qu’ils entendront le canon de nos troupes
s’approcher d’eux, de se rassembler, de fouiller les bois, de couper les ponts, d’intercepter les
routes, et de tomber sur les flancs et sur les derrières de l’ennemi.
Art. 2 : Tout citoyen français pris par l’ennemi, et qui serait mis à mort, sera sur le champ
vengé par la mort, en représailles, d’un prisonnier ennemi.
Art. 3 : Nos ministres sont chargés de l’exécution du présent décret, qui sera imprimé, affiché
et inséré au bulletin des lois.
Signé Napoléon et le duc de Bassano.

Annexe n° 41 : Décret impérial du 7 mars 1814, 
Moniteur Universel, lundi 7 mars 1814, n° 66, p. 
262.

Décret qui déclare traître tout fonctionnaire public qui atténuerait le zèle des habitants en les
dissuadant d’une défense légitime.
Considérant que les peuples des villes et des campagnes, indignés des horreurs que
commettent sur eux les ennemis, et spécialement les Russes et les cosaques, courent aux
armes, par un juste sentiment de l’honneur national, pour arrêter des partis de l’ennemi,
enlever ses convois et lui faire le plus de mal possible ; mais que dans plusieurs lieux ils en
ont été détournés par le maire ou d’autres magistrats. Nous avons décrété et décrétons ce qui
suit :
Art 1er : Tous les maires, fonctionnaires publics et habitants qui, au lieu d’exciter l’élan
patriotique du peuple, le refroidissement ou dissuadant les citoyens d’une légitime défense,
seront considérés comme traîtres, et traités comme tels.
Art. 2 : Nos ministres sont chargés de l’exécution du présent décret, qui sera inséré au bulletin
des lois.
Signé Napoléon et le duc de Bassano.

Annexe n° 42 : Circulaire du garde des sceaux 
du 11 mai 1815, Moniteur Universel, n° 133, p. 542.

Circulaire du ministre de la justice sur l’exécution du décret du 9 mai, relatif à la répression


des manœuvres tendant à troubler la tranquillité publique.
MM., dans un rapport des 7 de ce mois, Monsieur le ministre de la police générale a rendu
compte à sa majesté l'Empereur des manœuvres pratiquées par les ennemis de la tranquillité
publique.
Pour arrêter le mal dans sa source, sa majesté a rendu, le 9 du courant, un décret dont les
dispositions sont entièrement fondées sur les lois existantes, et qui a été inséré au Bulletin des
lois, n° 28.
Ce décret rappelle tous les Français qui pourraient au dehors ourdir des trames criminels ; il
ordonne de poursuivre au dedans tous auteurs et complices de correspondances ayant pour
objet les complots spécifiés par l'article 77 du Code pénal ; enfin il tend à réprimer tous actes
séditieux d'où pourraient naître des troubles.
Chargés par les lois de provoquer et de diriger les poursuites judiciaires contre tous les excès
contraires à l'ordre public, vous devez redoubler de vigilance et de zèle, et déployer même une
juste sévérité pour confondre des machinations dont le but serait de compromettre l'existence
même de l'État.
La police administrative surveille plutôt qu'elle ne poursuit ; ceux qu'elle observe ne sont
point encore reconnus coupables ; elle leur ôte avec sagesse, et souvent à leur insu, les
occasions de le devenir ; quelquefois même elle semble disparaître, quand elle s'est bien
assuré que le mal ne peut pas franchir certaines limites.
Mais plus elle se montre circonspecte, plus la police judiciaire doit ensuite déployer d'ardeur
et d'inflexibilité. Celle-ci s'attache au crime déjà commis : elle dévoile toutes les circonstances
qui le caractérisent ; elle en recherche, sans acception de personnes, les auteurs et les
complices ; elle les suit sans relâche jusqu'au dernier asile où la justice les saisit, et le
ministère public ne doit plus les quitter que la vengeance des lois ne soit pleinement satisfaite.
Les crimes dont je vous entretiens, sont de ceux en faveur desquels on tente quelquefois
d'émouvoir une imprudente pitié : ce sentiment doit fléchir à l'aspect des conséquences
qu'entraînerait leur impunité.
Il faut aussi remarquer, à l'égard de cette nature de délits, que ceux qui trament une
conspiration contre l'État, qui entretiennent des intelligences avec ses ennemis, couvrent leurs
démarches avec tant de mystère et d'adresse, que souvent chacun fait particulier de leur
conduite, pris isolément, n'offre, en apparence, rien de répréhensible ; de sorte que, pour
apprécier toute l'étendue de leurs desseins, il est nécessaire qu'un examen franc et dégagé de
subtilités, contemple l'ensemble des faits et des circonstances, et en prononce que de bonne
foi les résultats.
Enfin, MM., vous emploierez tous vos soins à mettre les tribunaux en garde contre des
applications erronées de la loi, dont l'effet laisserait impunis des délits aussi préjudiciables à
la société.
Telles sont les réflexions qu'il est de mon devoir de vous communiquer, à l'occasion du décret
important dont l'exécution est confiée en grande partie à votre zèle. Vous en ferez part aux
procureurs impériaux et aux juges instructeurs de votre ressort.
La répression des délits est la partie le plus essentielle des attributions du ministère public.
Son action s'est, à cet égard, malheureusement ralentie depuis quelque temps : cet
engourdissement doit cesser.
L'ordre judiciaire a ; dans ce moment, une noble tâche à remplir : son énergie peut prévenir de
grands désordres. Tandis que la foule de nos guerriers se précipite vers nos frontières pour les
garantir d'invasion, l'Empereur a droit de compter que la tranquillité intérieure sera maintenue
par le courage et la vigilance des magistrats.
Signé Cambacérès, prince archichancelier de l’Empire, chargé du portefeuille du ministère de
la Justice.

Annexe n° 43 : Décret impérial du 9 mai 1815, 
mercredi 10 mai 1815, Moniteur Universel, n° 130, 
p. 530.
Art. 1er : Tous les Français, autres que ceux compris dans l'article 2 de notre décret du 12 mars
dernier, qui se trouvent hors de France, au service, ou auprès, soit de Louis Stanislas Xavier
comte de Lille, soit des princes de sa maison, sont tenus de rentrer en France, et de justifier de
leur retour dans le délai d'un mois, conformément aux articles 7, 8 et 9 de notre décret du 6
avril 1809, à peine d'être poursuivis aux termes dudit décret.
Art. 2 : Les officiers de police judiciaire, y compris les préfets et les maires, remettront à nos
procureurs généraux et impériaux l'état des noms, prénoms, qualités et demeures des individus
domiciliés dans leur ressort, qu'ils croiront susceptibles de l'application de l'article précédent.
Art. 3 : Nous enjoignons à nos procureurs généraux et impériaux de poursuivre, sans délai, les
auteurs et complices de toute relation et correspondance qui aurait lieu de l'intérieur de
l'Empire avec le comte de Lille, les princes de sa maison ou leurs agents, lorsque lesdites
relations ou correspondances auraient pour objet les complots ou manœuvres spécifiés dans
l'article 77 du code pénal.
Art. 4 : Toute personne convaincue d'avoir enlevé le drapeau tricolore placé sur le clocher
d'une église ou tout autre monument public, sera punie conformément à l'article 237 du code
pénal.
Art. 5 : Les communes qui ne se seront point opposées à l'enlèvement du drapeau tricolore,
fait par attroupement public, seront poursuivies en exécution de la loi du 10 vendémiaire an
IV, relative à la responsabilité des communes.
Art. 6 : Toute personne convaincue d'avoir porté un signe de ralliement autre que la cocarde
nationale sera punie d'une année d'emprisonnement, conformément à l'article 9 de la loi du 27
germinal an IV, sans préjudice des peines portées par l'article 91 du Code pénal, dans les cas
prévus par cet article.
Art. 7 : Les préfets feront réimprimer le chapitre Ier du titre 1er livre III du Code pénal.
Il en sera de même des paragraphes 2 et 3 de la section 3 des mêmes, titre et livre.
Art. 8 : Notre cousin le prince archichancelier, chargé du portefeuille du ministère de la
justice, et notre ministre de la police générale, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.
Signé Napoléon et le duc de Bassano.
Annexe n° 44 : Ordonnance royale du 7 mars 
1815, Moniteur Universel, mardi 7 mars 1815, n° 66, 
p. 263.

Ordonnance qui ordonne de courre sus à Napoléon Bonaparte, et qui détermine les peines à
appliquer à ceux qui lui prêteraient directement ou indirectement aide ou assistance.
L’article 12 de la charte constitutionnelle nous charge spécialement de faire les règlements et
ordonnances nécessaires pour la sûreté de l’État, elle serait essentiellement compromise si
nous ne prenions pas des mesures promptes pour réprimer l’entreprise qui vient d’être formée
sur un des points de notre royaume, et arrêter l’effet des complots et attentats tendant à exciter
la guerre civile et détruire le gouvernement.
A ces causes, et sur le rapport qui nous a été fait par notre amé et féal chevalier, chancelier de
France, le sieur Dambray, commandeur de nos ordres, sur l’avis de notre conseil, nous avons
ordonné et ordonnons, déclaré et déclarons ce qui suit :
Art. 1er : Napoléon Bonaparte est déclaré traître et rebelle pour s'être introduit à main armée
dans le département du Var. Il est enjoint à tous les gouverneurs, commandants de la force
armée, gardes nationales, autorités civiles et mêmes aux simples citoyens, de lui courir sus, de
l'arrêter et de le traduire incontinent devant un conseil de guerre qui, après avoir reconnu
l'identité, provoquera contre lui l'application des peines prononcées par la loi.
Art. 2 : Seront punis des mêmes peines et comme coupables des mêmes crimes, les militaires
et les employés de tout grade qui auraient accompagné ou suivi ledit Bonaparte dans son
invasion du territoire français, à moins que dans le délai de huit jours, à compter de la
publication de la présente ordonnance, ils ne viennent faire leur soumission entre les mains de
nos gouverneurs, commandants de divisions militaires, généraux ou administrations civiles.
Art. 3 : Seront pareillement poursuivis et punis comme fauteurs et complices de rébellion et
d'attentats tendant à changer la forme du gouvernement et provoquer la guerre civile, tous
administrateurs civils et militaires, chefs et employés dans lesdites administrations, payeurs et
receveurs de deniers publics, même les simples citoyens qui prêteraient directement ou
indirectement aide et assistance à Bonaparte.
Art. 4 : Seront punis des mêmes peines, conformément à l'article 102 du code pénal, ceux qui,
par des discours tenus dans des lieux ou réunions publiques, par des placards affichés ou par
des écrits imprimés auraient pris part ou engagé les citoyens à prendre part à la révolte, ou à
s'abstenir de la repousser.
Art. 5 : Notre chancelier, nos ministres secrétaires d'état et notre directeur général de la police,
chacun en ce qui le concerne, sont chargés de l'exécution de la présente ordonnance qui sera
insérée au Bulletin des lois, adressée à tous les gouverneurs de divisions militaires, généraux,
commandants, préfets, sous-préfets et maires de notre royaume, avec ordre de la faire
imprimer et afficher tant à Paris qu'ailleurs et partout où besoin sera.
Donné au château des Tuileries, le 6 mars 1815, et de notre règne le 20e. Signé Louis et
Dambray.

Annexe n° 45 : Ordonnance royale du 24 juillet 
1815, Moniteur Universel, mercredi 26 juillet 1815, 
n° 207, pp. 843 et 844.

Ordonnance qui considère comme démissionnaires les pairs de France qui ont siégé dans la
soi-disant Chambre des pairs, instituée par Napoléon.
Il nous a été rendu compte que plusieurs membres de la chambre des pairs ont accepté de
siéger dans une soi-disant chambre des pairs, nommés et assemblés par l'homme qui avait
usurpé le pouvoir de nos États, depuis le 20 mars, jusqu'à notre rentrée dans le Royaume. Il
est hors de doute que des pairs de France, tant qu'ils n'ont pas encore été rendus héréditaires,
ont pu et peuvent donner leur démission, puisqu'en cela, ils ne font que disposer d'intérêts qui
leur sont purement personnels. Il est également évident que l'acceptation de fonctions
incompatibles avec la dignité dont on est revêtu, suppose et entraîne la démission de cette
dignité, et par conséquent les pairs qui se trouvent dans le cas ci-dessus énoncé, ont
réellement abdiqué leur rang, et sont démissionnaires de fait de la pairie de France.
À ces causes, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Ne font plus partie de la chambre des pairs, les dénommés ci-après :
Le comte Clément-de-Ris, le comte Colchen, le comte Cornudet, le comte d’Aboville, le
maréchal duc de Dantzick, le comte de Croix, le comte Dedeley-d’Agier, le comte Dejean, le
comte Fabre de l’Aude, le comte Gassendi, le comte Lacépède, le comte de Latour-Maubourg,
le duc de Praslin, le duc de Plaisance, le maréchal duc d’Eichingen, le maréchal duc
d’Albuféra, le maréchal duc de Conégliano, le maréchal duc de Trévise, le comte de Barral,
archevêque de Tours, le comte Boissy d’Anglas, le duc de Cadore, le comte Canclaux, le
comte Casabianca, le comte de Montesquiou, le comte de Pontécoulant, le comte Rampon, le
comte de Ségur, le comte de Valence, le comte Belliard
Art. 2 : Pourront cependant être exceptés de la disposition ci-dessus énoncée, ceux des
dénommés qui justifieront n'avoir ni siégé ni voulu siéger dans la soi-disant chambre des
pairs, à laquelle ils avaient été appelés, à la charge par eux de faire cette justification dans le
mois qui suivra la publication de la présente ordonnance.
Art. 3 : Notre président du conseil des ministres est chargé de l'exécution de la présente
ordonnance.
Signé Louis XVIII et le prince de Talleyrand.

Annexe n° 46 : Ordonnance royale du 28 juillet 
1815, Moniteur Universel, dimanche 30 juillet 1815, 
n° 211, p. 856.

Ordonnance qui prescrit l’arrestation et la traduction devant les conseils de guerre des
officiers-généraux ou commandants militaires qui, par la violence ou la force des armes, ont
comprimé ou comprimeraient l’élan et l’expression de la fidélité des sujets du roi.
D'après le compte qui nous a été rendu que plusieurs officiers généraux et autres
commandants militaires des départements et villes du Royaume avaient comprimé, par une
résistance coupable et par la violence, l'expression des sentiments de sujets ; et considérant
qu'en les empêchant de se réunir sous les couleurs établies, ils avaient armé les Français
contre les Français, et fait couler le sang dans des querelles civiles, avons ordonné et
ordonnons :
Art. 1er : Les officiers généraux et autres commandants militaires des départements et villes de
notre Royaume, qui ont comprimé ou comprimeraient l'élan et l'expression de la fidélité de
sujets par la violence et la force des armes, seront arrêtés et traduit devant les conseils de
guerre, pour y être jugés conformément aux lois militaires.
Art. 2 : Notre ministre secrétaire d'état de la guerre est chargé de l'exécution de la présente
ordonnance.
Signé Louis XVIII et le maréchal Gouvion Saint-Cyr.

Annexe n° 47 : Ordonnance royale du 9 août 
1815, Moniteur Universel, mercredi 9 août 1815, n° 
221, p. 888.

La trahison de presque tous les corps de l'armée destinée à défendre la patrie, rendant
indispensable de changer entièrement les mesures que nous avions cru devoir prendre ;
Voulant prévenir les nouveaux malheurs dont nos peuples sont menacés par la présence de
Napoléon Bonaparte sur le territoire français ;
Considérant que la conscription a été abolie par le douzième article de la charte
constitutionnelle, et que le recrutement de l'armée de terre et de mer n’à plus être encore
déterminé par une loi ;
Vu l'article 14 de ladite charte qui met à notre disposition les forces de terre et de mer ;
Considérant que par le même article de la charte, il nous appartient de faire et de publier les
ordonnances et les règlements nécessaires à la sûreté de notre royaume ; que nous avons été
solennellement invité par la chambre des pairs et par la chambre des députés des
départements, dans leur adresse du 17 de ce mois, à faire usage de cette autorité dans toute
son étendue.
Considérant enfin qu'à tous les pouvoirs dont nous investissent, dans les temps ordinaires,
notre titre royal et la charte constitutionnelle, viennent se réunir, dans une crise si périlleuse,
tous ceux que le danger, la confiance, la volonté de la nation et le vœu exprimé par ses
représentants, nous imposent le devoir d'exercer.
À ces causes, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Il est défendu à tout Français, soit qu'il ait fait précédemment partie de nos troupes,
soit qu'il n'ait point servi, d'obéir à aucune prétendue loi de conscription, de recrutement ou à
tout autre ordre illégal quelconque qui émanerait de Napoléon Bonaparte, de tous corps ou
autorités politiques, civils et militaires qu'il pourrait appeler ou établir, ou qui lui auraient obéi
depuis le 1er mars 1815 ou obéiront à l'avenir.
Art. 2 : Il est pareillement défendu à tous gouverneurs et officiers généraux commandant dans
nos divisions militaires et dans les départements de notre royaume, aux officiers de notre
gendarmerie royale, et à tout gendarme qui ont fait partie, à tout colonel, major ou chefs de
corps, comme aussi à tous nos amiraux, vice-amiraux et autres officiers de notre marine
royale, aux préfets maritimes et aux commandants de nos ports et arsenaux, à tous préfets,
sous-préfets, maires ou adjoints de maire, d'exécuter ou de faire exécuter aucune des
prétendues lois de conscription ou de recrutement, ou aucun des actes ou ordres illégaux
mentionnés dans l'article précédent.
Art. 3 : Tout français que l'on voudrait contraindre à s'enrôler sous les drapeaux de Napoléon
Bonaparte, est autorisé par nous à s'y soustraire, même à main armée.
Art. 4 : Tous gouverneur ou officier général commandant dans nos divisions militaires, ou
dans les départements de notre royaume, tout colonel, major ou chef de corps, tout
commandant de nos places, forteresses ou postes de guerre, tout officier de nos corps royaux
du génie et de l'artillerie, tout amiral, vice-amiral ou autre officier de notre marine royale,
préfet maritime et commandant de nos ports et arsenaux, qui, au mépris du serment qu'il nous
a prêté, aurait adhéré au parti de Napoléon Bonaparte, sera destitué, privé de toute solde
d'activité ou pension de retraite pour l'avenir, à moins qu'après avoir eu connaissance de notre
présente ordonnance, il ne rentre à l'instant dans son devoir envers nous.
Art. 5 : Nous licencions par la présente ordonnance tous officiers et soldats des corps de terre
et de mer qui, entraînés par des chefs qui nous ont trahis, auraient participé à la révolte et
passé momentanément sous le commandement de Napoléon Bonaparte, ou de ses adhérents,
et nous ordonnons à ces dits officiers et soldats de se rendre sur le champ dans leurs foyers.
Art. 6 : Nos ministres de la guerre et de l'intérieur sont chargés chacun en ce qui le concerne,
de l'exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis XVIII et le comte François de Jaucourt.

Annexe n° 48 : Circulaire du ministre de 
l’intérieur, Moniteur Universel, 2ème supplément au 
n° 86 du dimanche 26 mars 1820, p. 381.
Circulaire du ministre de l’intérieur aux préfets, sur l’assassinat du duc de Berry.
Monsieur,
Un déplorable attentat vient de consterner la capitale : monseigneur le duc de Berry, frappé
par un assassin, a succombé ce matin à six heures. Le prévenu est arrêté, la chambre des pairs
va connaître de son crime.
Dans la juste horreur qu'inspirera partout cet odieux forfait, il importe de suivre la trace de
tous les bruits auxquels il pourra donner lieu, et de surveiller ceux des voyageurs qui
propageraient de fausses craintes, et qui joindraient à la nouvelle d'un fait déplorablement
véritable, le récit alarmant d'autres périls et d'autres malheurs qu'ils supposeraient avoir frappé
la famille royale.
Le Roi, dans la profonde douleur d'un coup si affreux, est attentif aux besoins de son peuple et
à la sûreté de l'État ; une procédure solennelle va s'instruire, les indices accidentels les plus
légers peuvent avoir leur importance, et l'administration doit les recueillir avec soin, en
mettant à cette recherche le calme et la régularité qu'exigent les lois. Il est essentiel de veiller
également aux publications par la presse auxquelles ce déplorable événement peut donner
occasion, et dans le cas peu vraisemblable où il serait possible qu'un crime aussi infâme servit
de texte à des professions de principe anarchiques et criminels, la plus grande célérité devrait
être apportée pour arrêter la circulation, et pour appeler sur ces coupables écrits l'action du
ministère public et des tribunaux.
Le gouvernement reconnaîtra dans l'activité et la sage mesure que vous montrerez dans cette
occasion votre dévouement accoutumé au service du roi.
Signé le ministre secrétaire d'État au département de l'intérieur, le comte Decazes.

Annexe n° 49 : Projet de loi relatif à la liberté 
individuelle (tel que proposé à la Chambre des 
députés), Moniteur Universel, mercredi 16 février 
1820, n° 47, p. 190.

Art. 1er : Tout individu, prévenu de complots ou de machinations contre la personne du roi, la
sûreté de l'État, et les personnes de la famille royale, pourra, sans qu'il y ait nécessité de le
traduire devant les tribunaux, être arrêté et détenu en vertu d'un ordre délibéré dans le conseil
des ministres, et signé de trois ministres au moins.
Art. 2 : Dans le cas de l'article précédent, tous geôliers, et gardiens des maisons d'arrêt ou de
détention, seront tenus de remettre, dans les vingt-quatre heures de l'arrivée de la personne
arrêtée, une copie de l'ordre d'arrestation au procureur du roi, lequel entendra immédiatement
le détenu, dressera procès-verbal de ses dires, recevra de lui tous mémoires, réclamations ou
autres pièces, et transmettra le tout, par l'intermédiaire du procureur général, au ministre de la
justice, pour être fait rapport au conseil du roi, qui statuera.
Le ministre de la justice fera, dans tous les cas, connaître au prévenu la décision du conseil.
Art. 3 : Si la présente loi n'est pas renouvelée dans la prochaine session des chambres, elle
cessera de plein droit d'avoir son effet.

Annexe n° 50 : Projet de loi relatif à la liberté 
individuelle (tel que proposé à la Chambre des 
pairs), Moniteur Universel, dimanche 19 mars 1820, 
n° 79, p. 352.

Art. 1er : Tout individu prévenu de complots ou de machinations contre la personne du roi, la
sûreté de l’État, et les personnes de la famille royale, pourra, sans qu’il y ait nécessité de le
traduire devant les tribunaux, être arrêté et détenu en vertu d’un ordre délibéré dans le conseil
des ministres, et signé de trois ministres au moins, et dont il lui sera laissé copie.
Art. 2 : Tout prévenu arrêté en exécution du précédent article, sera directement conduit dans
la maison d’arrêt du tribunal de l’arrondissement de sa résidence ou de l’arrondissement dans
lequel il aura donné lieu à ladite prévention.
Le geôlier ou gardien d’arrêt remettra dans les 24 heures une copie de l’ordre d’arrestation au
procureur du roi, qui, soit par lui-même, soit par l’un de ses substituts, entendra
immédiatement le détenu, l’interrogera tant sur les faits qui seront à sa connaissance que sur
les documents transmis par le ministère, dressera procès verbal des dires et des réponses du
détenu, recevra de lui tous mémoires, réclamations et autres pièces, et enverra le tout sans
délai, par l’intermédiaire du procureur général, au ministre de la justice, pour en être fait
rapport au conseil du roi, qui statuera.
Art. 3 : Ce rapport, la décision du conseil, soit pour le renvoi du prévenu devant les juges
compétents, soit pour sa mise en liberté, en lui donnant connaissance par écrit des causes de
son arrestation, devront avoir lieu dans les trois mois, au plus tard, qui suivront l’envoi fait
des pièces ci-dessus au ministre de la justice, par le procureur général.
Art. 4 : Si la présente loi n’est pas renouvelée dans la prochaine session des chambres, elle
cessera de plein droit d’avoir son effet.
Art. 5 : La présente loi ne déroge en rien aux dispositions du droit commun, relatives à la
forme des arrestations et au temps pendant lequel elles peuvent être faites.

Annexe n° 51 : Ordonnance du préfet de police 
relative aux attroupements, Moniteur Universel, 
jeudi 8 juin 1820, n° 160, p. 763.

Ordonnance du préfet de police concernant les attroupements.


Considérant qu'au mépris de notre ordonnance du 4 du courant concernant les attroupements,
des réunions tumultueuses se sont formées sur divers points de cette ville, que les personnes
qui les ont formées ont refusé de se séparer malgré les sommations qui leur ont été faites par
les officiers de police, et que leur persistance à désobéir à ces sommations légales, a nécessité
l'action de la force publique ;
Que des voies de fait et de violence ont eu lieu ;
Qu'il importe de donner la plus grande publicité, afin que nul n'en prétexte cause d'ignorance,
aux dispositions des lois relatives à toute attaque, à toute résistance avec violence et voies de
fait envers la force publique, les officiers ou agents de la police administrative ou judiciaire
agissant pour l'exécution des lois, ordres ou ordonnances de l'autorité publique, laquelle
attaque ou résistance est qualifiée, selon les circonstances, crime ou délit de rébellion (Code
pénal, article 209) ;
Qu'il importe de faire connaître aux personnes qui se mêlent aux attroupements et ne s'en
séparent pas après les sommations faites par les officiers de police administrative ou
judiciaire, qu'elles se rendent complices de tous les actes commis par les personnes qui font
partie de l'attroupement et sont passibles des mêmes peines.
Vu les articles 210, 211, 214, 215, 217 et 221 du Code pénal, portant :
Article 210 : si elle (la rébellion) a été commise par plus de vingt personnes armées, les
coupables seront punis des travaux forcés à temps, et s'il n'y a pas eu port d'armes, ils seront
punis de la réclusion. Article 211 : si la rébellion a été commise par une réunion armée de
trois personnes ou plus jusqu'à 20 inclusivement, la peine sera la réclusion ; s'il n'y a pas eu
port d'armes, la peine sera un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus.
Article 214 : toute réunion d'individus pour un crime ou un délit, est réputée réunion armée,
lorsque plus de deux personnes portent des armes ostensibles. Article 215 : les personnes qui
se trouveraient munies d'armes cachées, et qui auraient fait partie d'une troupe ou réunion non
réputée armée, seront individuellement punies comme si elles avaient fait partie de d'une
troupe ou réunion armée. Article 217 : sera puni comme coupable de la rébellion, quiconque y
aura provoqué, soit par des discours tenus dans des lieux ou réunions publics, soit par placards
affichés, soit par écrits imprimés. Article 221 : les chefs d'une rébellion, et ceux qui l'auront
provoquée, pourront être condamnés à rester, après l'expiration de leur peine, sous la
surveillance spéciale de la haute police, pendant cinq ans au moins, et dix ans au plus. Vu
l'article 16 de la loi du 5 février 1800 (28 pluviôse an VIII) et l'article 10 de l'arrêté du 1er
juillet (12 messidor) de la même année, portant que le préfet de police prendra les mesures
propres à prévenir ou dissiper les attroupements, les réunions tumultueuses ou menaçant la
tranquillité publique.
Avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Nouvelles défenses sont faites à toutes personnes de former des réunions ou
attroupements sur la voie publique.
Art. 2 : Toute réunion ou attroupement, qui après sa troisième sommation qui aura été faite
par les commissaires et autres officiers de police administrative ou judiciaire, par les chefs de
la force armée ou commandants de patrouille, refusera de se séparer, sera immédiatement
dispersé par la force.
Art. 3 : Tous les individus qui s'étant rendus coupables de cet acte de désobéissance ; ceux qui
se rendraient coupables ou complices de résistances, d'injures ou voies de fait, envers les
commissaires et autres officiers de police administrative ou judiciaire et envers la force
armée, qui seront arrêtés, seront traduits devants les tribunaux pour être poursuivis en raison
du crime ou délit de rébellion, suivant les circonstances, conformément aux articles du Code
pénal visés ci-dessus.
Art. 4 : Les commissaires de police, les officiers de paix, les inspecteurs de police et la
gendarmerie sont chargés spécialement de ne laisser former aucune réunion ou attroupement
quelconque sur la voie publique.
Art. 5 : Lesdits commissaires et autres officiers de police, requerront, en cas de besoin,
l'assistance de la force armée, pour que force reste à la loi.
Art. 6 : La présente ordonnance sera publiée et affichée.
Expédition en sera adressée à M. le maréchal commandant la garde nationale de Paris, et à M.
le maréchal, major général de la garde royale, commandant toutes les troupes qui sont dans
cette ville lesquels sont requis de prendre, chacun en ce qui le concerne, toutes les mesures
nécessaires pour assurer l'exécution.

Annexe n° 52 : Arrêté de la commission 
d’instruction publique du 5 juin 1820, Moniteur 
Universel, mardi 6 juin 1820, n° 158, p. 782.

Arrêté de la commission d’instruction publique, séance du 5 juin 1820.


La commission, sur le rapport qui lui a été fait que quelques étudiants des facultés ont pris
part aux attroupements tumultueux qui ont eu lieu dans la soirée du 3 de ce mois, et dont un
évènement déplorable a été la suite ;
Convaincue que l’immense majorité des étudiants est trop pénétrée du respect dû aux lois et à
l’ordre public, pour se laisser entraîner à des mouvements dont les conséquences pourraient
devenir si pénibles pour eux, pour leurs familles et pour leur pays ; voulant empêcher
toutefois que la conduite désordonnée de quelques jeunes gens sans expérience ne fasse
rejaillir sur des écoles également renommées par le bon esprit et par l’application qui y
règnent, une réputation de turbulence qui leur porterait un si grand préjudice dans l’esprit de
tous les bons citoyens, a arrêté et arrête :
Art. 1er : Tout étudiant qui sera convaincu d’avoir pris part, sous un prétexte quelconque à des
attroupements illicites et à des troubles et voies de fait, sera rayé des registres de la faculté à
laquelle il appartient : sa carte d’admission lui sera retirée, et l’entrée des cours lui sera
interdite.
Art. 2 : Le présent arrêté sera adressé dans le jour aux doyens des cinq facultés de l’académie
de Paris, chargés de le faire publier sur le champ, et de le faire lire aux leçons des professeurs.
Signé, le membre de la commission faisant les fonctions de président, le baron Cuvier.

Annexe n° 53 : Arrêté de la commission 
d’instruction publique du 10 juin 1820, Moniteur 
Universel, lundi 12 juin 1820, n° 164, p. 817.

Arrêté de la commission d’instruction publique, qui exclut des cours auxquels ils
appartenaient, divers étudiants pour avoir pris part aux rassemblements qui ont troublé la
capitale.
Un arrêté de la commission d’instruction publique en date du 10 juin, présent mois, exclut des
cours auxquels ils appartiennent les étudiants dont les noms suivent, savoir :
Dans la faculté de droit, Lerilavoix, Grenier, Parfait, Anceau, Robin, Gallot, Cailleteau,
Desgeorges.
Dans la faculté de médecine, Anfray, Ecol, Moulin, Born, Giroux.
Les cartes d’inscription ou d’admission seront retirées aux élèves ci-dessus nommés, et
l’entrée des cours leur sera interdite.
Signé, le membre de la commission faisant les fonctions de président, le baron Cuvier.

Annexe n° 54 : Rapport au roi suivi de 
l’ordonnance qui suspend la liberté de la 
presse, Moniteur Universel, lundi 26 juillet 1830, n° 
207, pp. 813 et 814.
Rapport au roi.
Vos ministres seraient peu dignes de la confiance dont Votre Majesté les honore, s'ils
tardaient plus longtemps à placer sous vos yeux un aperçu de notre situation intérieure, et à
signaler à votre haute sagesse les dangers de la presse périodique.
À aucune époque, depuis quinze années, cette situation ne s'était présentée sous un aspect plus
grave et plus affligeant. Malgré une prospérité matérielle dont nos annales n'avaient jamais
offert d'exemple, des signes de désorganisation et des symptômes d'anarchie se manifestent
sur presque tous les points du Royaume.
Les causes successives qui ont concouru à affaiblir les ressorts du gouvernement
monarchique, tendent aujourd'hui à en altérer et à en changer la nature : déchue de sa force
morale, l'autorité, soit dans la capitale, soit dans les provinces, de lutte plus qu'avec
désavantage contre les factions ; des doctrines pernicieuses et subversives, hautement
professées, répandent et se propagent dans toutes les classes de la population ; des inquiétudes
trop généralement accréditées agitent les esprits et tourmentent la société. De toutes parts on
demande au présent des gages de sécurité pour l'avenir.
Une malveillance active, ardente, infatigable, travaillait à ruiner tous les fondements de l'ordre
et ravir à la France le bonheur dont elle jouit sous le sceptre de ses rois. Habile à exploiter
tous les mécontentements et à soulever toutes les peines, elle fomente, parmi les peuples, un
esprit de défiance et d'hostilité envers le pouvoir, et cherche à semer partout des germes de
troubles et de guerre civile.
Et déjà, Sire, des événements récents ont prouvé que les passions politiques, contenues
jusqu'ici dans les sommités de la société, commencent à en pénétrer les profondeurs et à
émouvoir les masses populaires. Ils ont prouvé aussi que ces masses ne s'ébranleraient pas
toujours sans danger pour ceux-là même qui s'efforcent de les arracher au repos.
Une multitude de faits, recueillis dans le cours des opérations électorales, confirment ces
données, et nous offriraient le présage trop certain de nouvelles commotions, s'il n'était au
pouvoir de Votre Majesté d'en détourner le malheur...
Il faut bien le reconnaître : ces agitations, qui ne peuvent s'accroître sans de grands périls, sont
presque exclusivement produites et excitées par la liberté de la presse. Une loi sur les
élections, non moins féconde en désordres, a sans doute concouru à les entretenir ; mais ce
serait nier l'évidence que de ne pas voir dans les journaux le principal foyer d'une corruption
dont les progrès sont chaque jour plus sensibles, et la première source des calamités qui
menacent le Royaume.
L'expérience, Sire, parle plus hautement que les théories. Des hommes éclairés sans doute, et
dont la bonne foi d'ailleurs n'est pas suspecte, entraînés par l'exemple mal compris d'un peuple
voisin, ont pu croire que les avantages de la presse périodique en balanceraient les
inconvénients, et que ses excès se neutraliseraient par des excès contraires. Il n'en a pas été
ainsi : l'épreuve est décisive, et la question est maintenant jugée dans la conscience publique.
À toutes les époques, en effet, la presse périodique n'a été, et il est dans sa nature de n'être
qu'un instrument de désordre et de sédition.
Que de preuves nombreuses et irrécusables à apporter à l'appui de cette vérité ! C'est par
l'action violente et non interrompue de la presse que s'expliquent les variations trop subites,
trop fréquentes de notre politique intérieure. Elle n'a pas permis qu’il s’établisse en France un
système régulier et stable de gouvernement, ni qu'on s'occupât avec quelque suite d'introduire
dans toutes les branches de l'administration publique les améliorations dont elles sont
susceptibles. Tous les ministères depuis 1814, quoique formés sous des influences diverses et
soumis à des directions opposées, ont été en butte aux mêmes traits, aux mêmes attaques et au
même déchaînement de passions. Les sacrifices de tout genre, les concessions du pouvoir, les
alliances de parti, rien n'a pu les soustraire à cette commune destinée.
Ce rapprochement seul, si fertile en réflexions, suffirait pour assigner à la presse son véritable,
son invariable caractère. Elle s'applique, par des efforts soutenus, persévérants, répétés chaque
jour, à relâcher tous les liens d'obéissance et de subordination, à user les ressorts de l'autorité
publique, à la rabaisser, à l'avilir dans l'opinion des peuples, et à lui créer partout des embarras
et des résistances.
Son art consiste, non pas à substituer à une trop facile soumission d'esprit une sage liberté
d'examen, mais à réduire en problème les vérités les plus positives ; non pas à provoquer sur
les questions politiques une controverse franche et utile, mais à les présenter sous un faux jour
et à les résoudre par des sophismes.
La presse a jeté ainsi le désordre dans les intelligences les plus droites, ébranlé les convictions
les plus fermes, et produit, au milieu de la société, une confusion de principes qui se prête aux
tentatives les plus funestes. C'est par l'anarchie dans les doctrines qu'elle prélude à l'anarchie
dans l'État...
La presse ne tend pas moins à subjuguer la souveraineté et à envahir les pouvoirs de l'État.
Organe prétendu de l'opinion publique, elle aspire à diriger débats des deux chambres, et il est
incontestable qu'elle y apporte le poids d'une influence non moins fâcheuse que décisive.
Cette domination a pris surtout depuis deux ou trois ans dans la chambre des députés un
caractère manifeste d'oppression et de tyrannie. On a vu, dans cet intervalle de temps, les
journaux poursuivre de leurs insultes et de leurs outrages les membres dont le vote leur
paraissait incertain ou suspect.
On ne peut qualifier en termes moins sévères la conduite des journaux de l'opposition dans
des circonstances plus récentes. Après avoir eux-mêmes provoqué une adresse attentatoire
aux prérogatives du trône, ils n'ont pas craint d'ériger en principe la réélection des 221 députés
dont elle est l'ouvrage...
Mais de tous les excès de la presse, le plus grave peut-être nous reste à signaler. Dès les
premiers temps de cette expédition dont la gloire jette un éclat si pur et si durable sur la noble
couronne de France, la presse en a critiqué avec une violence inouïe les causes, les moyens,
les préparatifs, les chances de succès. Insensible à l'honneur national, il n'a pas dépendu d'elle
que notre pavillon ne restât flétri des insultes d'un barbare.
Ce n'est point assez : par une trahison que nos lois auraient pu atteindre, la presse s'est
attachée à publier tous les secrets de l'armement, à porter à la connaissance de l'étranger l'état
de nos forces, le dénombrement de nos troupes, celui de nos vaisseaux, l'indication des points
de station... Tout, jusqu'au lieu du débarquement, a été divulgué comme pour ménager à
l'ennemi une défense plus assurée. Et, chose sans exemple chez un peuple civilisé, la presse,
par de fausses alarmes sur les périls à courir, n'a pas craint de jeter le découragement dans
l'armée, et signalant à sa haine le chef même de l'entreprise, elle pour ainsi dire excité les
soldats à lever contre lui l'étendard de la révolte ou à déserter leurs drapeaux !
La presse périodique n'a pas mis moins d'ardeur à poursuivre de ses traits envenimés la
religion et le prêtre. Elle veut, elle voudra toujours déraciner, dans le cœur des peuples,
jusqu'au dernier germe des sentiments religieux. Sire, ne doute pas qu'elle n'y parvienne en
attaquant les fondements de la foi, en altérant les sources de la morale publique, et en
prodiguant à pleines mains la dérision et le mépris aux ministres des autels... Placée et
replacée à plusieurs intervalles sous le joug de la censure, elle n’a autant de fois ressaisie la
liberté que pour reprendre son ouvrage interrompu.
Ces derniers effets, Sire, sont passagers ; mais des effets plus durables se font remarquer dans
les mœurs et dans le caractère de la nation. Une polémique ardente, mensongère et
passionnée, école de scandale et de licence, y produit des changements graves et des
altérations profondes ; elle donne une fausse direction aux esprits, les remplit de préventions
et de préjugés, les détourne des études sérieuses, nuit ainsi au progrès des arts et des sciences,
excite parmi nous une fermentation toujours croissante, entretient, jusque dans le sein des
familles, de funestes dissensions, et pourrait par degrés nous ramener à la barbarie…
Les mœurs judiciaires se prêtent difficilement à une répression efficace. Cette vérité
d’observation avait depuis longtemps frappé de bons esprits : elle a acquis nouvellement un
caractère plus marqué d’évidence. Pour satisfaire aux besoins qui l’ont fait instituer, la
répression aurait dû être prompte et forte : elle est restée lente, faible et à peu près nulle.
Lorsqu’elle intervient, le dommage est commis ; loin de le réparer, la punition y ajoute le
scandale du débat.
La poursuite juridique se lasse, la presse séditieuse ne se lasse jamais. L’une s’arrête, parce
qu’il y a trop à sévir, l’autre multiplie ses forces en multipliant ses délits.
Dans des circonstances diverses, la poursuite a eu ses périodes d’activité ou de relâchement ;
mais, zèle ou tiédeur de la part du ministère public, qu’importe à la presse ? Elle cherche dans
le redoublement de ses excès la garantie de leur impunité…
Entendez, Sire, ce cri prolongé d’indignation et d’effroi qui part de tous les points de votre
Royaume. Les hommes paisibles, les gens de bien, les amis de l’ordre élèvent vers Votre
Majesté des mains suppliantes : tous lui demandent de les préserver du retour des calamités
dont leurs pères ou eux-mêmes eurent tant à gémir. Ces alarmes sont trop réelles pour n’être
pas écoutées ; ces vœux sont trop légitimes pour n’être pas accueillis.
Il n’est qu’un seul moyen d’y satisfaire, c’est de rentrer dans la Charte. Si les termes de
l’article 8 sont ambigus, son esprit est manifeste. Il est certain que la Charte n’a pas concédé
la liberté des journaux et des écrits périodiques. Le droit de publier ses opinions personnelles
n’implique sûrement pas le droit de publier, par voie d’entreprise, les opinions d’autrui : l’un,
est l’usage d’une faculté que la loi a pu laisser libre, ou soumettre à des restrictions ; l’autre
est une spéculation d’industrie qui, comme les autres, et plus que les autres, suppose la
surveillance de l’autorité publique.
Les intentions de la Charte, à ce sujet, sont exactement expliquées dans la loi du 21 octobre
1814, qui en est en quelque sorte l’appendice ; on peut d’autant moins en douter que cette loi
fut présentée aux Chambres le 5 juillet, c’est-à-dire un mois après la promulgation de la
Charte. En 1819, à l’époque même où un système contraire prévalut dans les Chambres, il y
fut hautement proclamé que la presse périodique n’était point régie par la disposition de l’art.
8. Cette vérité est d’ailleurs attestée par les lois mêmes qui ont imposé aux journaux la
condition d’un cautionnement…
Votre Majesté seule conserve la force de la rasseoir et de la raffermir sur ses bases.
Le droit, comme le devoir, d’en assurer le maintien, est l’attribut inséparable de la
souveraineté. Nul gouvernement sur la terre ne resterait debout, s’il n’avait le droit de
pourvoir à sa sûreté : ce pouvoir est préexistant aux lois parce qu’il est dans la nature des
choses… L’article 14 a investi Votre Majesté d’un pouvoir suffisant, non sans doute pour
changer nos institutions, mais pour les consolider et les rendre plus immuables. Le moment
est venu de recourir à des mesures qui rentrent dans l’esprit de la Charte, mais qui sont en
dehors de l’ordre légal, dont toutes les ressources ont été inutilement épuisées.
Ordonnance du roi qui suspend la liberté de la presse périodique, et prescrit de nouvelles
dispositions pour la publication des journaux et des écrits périodiques.
Art. 1er : La liberté de la presse périodique est suspendue.
Art. 2 : Les dispositions des articles premiers, 2 et 9 du titre premier de la loi du 24 octobre
1814 sont remises en vigueur.
En conséquence, nul journal et écrit périodique ou semi-périodique, établi ou à établir, sans
distinction des matières qui y seront traitées, ne pourra paraître, soit à Paris, soit dans les
départements, qu'en vertu de l'autorisation qu'en auront obtenue de nous séparément les
auteurs et l'imprimeur.
Cette autorisation devra être renouvelée tous les trois mois.
Elle pourra être révoquée.
Art. 3 : L’autorisation pourra être provisoirement accordée et provisoirement retirée par les
préfets aux journaux et ouvrages périodiques ou semi-périodiques publiés ou à publier dans
les départements.
Art. 4 : Les journaux et écrits, publiés en contravention à l’art. 2, seront immédiatement saisis.
Les presses et caractères qui auront servi à leur impression seront placés dans un dépôt public
et sous scellés, ou mis hors de service.
Art. 5 : Nul écrit au dessous de vingt feuilles d’impression ne pourra paraître qu’avec
l’autorisation de notre ministre secrétaire d’État de l’intérieur, à Paris, et des préfets dans les
départements.
Tout écrit de plus de vingt feuilles d’impression qui ne constituera pas un même corps
d’ouvrage sera également soumis à la nécessité de l’autorisation.
Les écrits publiés sans autorisation seront immédiatement saisis.
Les presses et caractères qui auront servi à leur impression seront placés dans un dépôt public
et sous scellés ou mis hors de service.
Art. 6 : Les mémoires sur procès et les mémoires des Sociétés savantes ou littéraires sont
soumis à l’autorisation préalable, s’ils traitent en tout ou en partie de matières politiques, cas
auquel les mesures prescrites par l’art. 5 leur seront applicables.
Art. 7 : Toute disposition contraire aux présentes restera sans effet.
Art. 8 : L’exécution de la présente ordonnance aura lieu en conformité de l’art. 4 de
l’ordonnance du 27 novembre 1816 et de ce qui est prescrit par celle du 18 janvier 1817.
Art. 9 : Nos ministres secrétaires d’État sont chargés de l’exécution des présentes.
Signé Charles X, le président du conseil des ministres, prince de Polignac ; le garde des
sceaux, Chantelauze ; le ministre secrétaire d’État de la marine et des colonies, baron
d’Haussez ; le ministre secrétaire d’État à l’intérieur, comte de Peyronnet ; le ministre
secrétaire d’État des finances, Montbel ; le ministre secrétaire d’État des affaires
ecclésiastiques et de l’instruction publique, comte de Guernon-Ranville ; et le ministre
secrétaire d’État des travaux publics, baron Capelle.

Annexe n° 55 : Ordonnance relative au serment 
des fonctionnaires publics, Moniteur Universel, 
mercredi 1er septembre 1830, n° 244, p. 1003.

Art. 1er : Immédiatement après la promulgation de la loi du 31 août, relative au serment des
fonctionnaires de l'ordre judiciaire, les premiers présidents de nos cours convoqueront
l'assemblée générale des chambres.
Toutes les personnes convoquées seront tenues de se rendre à la convocation, nonobstant tous
congés qui leur auraient été accordés.
Art. 2 : Les premiers présidents qui n'auront pas prêté serment entre nos mains, prêteront le
serment prescrit par la loi en audience publique.
Les procureurs généraux près nos cours qui n'auront pas prêté le même serment entre nos
mains, et tous les membres du parquet et les greffiers, prêterons le même serment devant la
cour.
Sur la réquisition des procureurs généraux, tous les membres de la cour prêteront
individuellement le serment entre les mains du premier président ou du magistrat qui le
remplacera.
Art. 3 : Les cours délégueront un ou plusieurs de leurs membres pour recevoir le serment des
membres des tribunaux civils et de commerce de leur ressort, y compris les membres du
parquet et les greffiers.
Le tribunal convoquera ensuite les juges de paix, leurs suppléants et leurs greffiers pour
recevoir leur serment.
Les commissaires délégués par les cours se transporteront immédiatement dans lesdits
ressorts, et se concerteront de manière que les convocations des tribunaux et juge de paix
aient lieu, et que le serment soit prêté dans le délai voulu par la loi.
Art. 4 : Il sera dressé procès-verbal desdites prestations de serment.
Art. 5 : À l'expiration du délai fixé par la loi, nos procureurs généraux transmettront à notre
garde des sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la justice, les procès-verbaux de
prestation de serment, et l'état des fonctionnaires qui ne se seront pas présentés, ou qui auront
refusé de prêter le serment tel qu'il est prescrit par la loi.
Art. 6 : Pour l'exécution de la loi du 31 août et de la présente ordonnance, il est, en tant que de
besoin, dérogé aux dispositions réglementaires concernant les vacations.
Art 7 : Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la justice, est
chargé de l'exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe fut et le garde des sceaux, Dupont de l'Eure.

Annexe n° 56 : Rapport au roi suivi de 
l’ordonnance qui déclare l’état de siège de 
certaines communes de l’Ouest, Moniteur 
Universel, samedi 2 juin 1832, n° 154, p. 1275.
Rapport au roi sur les troubles qui ont éclaté à Laval, Château-Gonthier et Vitré, suivi de
l’ordonnance royale qui déclare en état de siège toutes les communes comprises dans ces
arrondissements.
Sire,
Le premier devoir du gouvernement est de maintenir et de protéger la paix publique. La loi a
prévu elle-même le cas où le droit commun ne pourrait plus suffire au rétablissement de la
tranquillité ; la loi a spécifié des moyens exceptionnels : le moment est venu de faire, sur un
point du Royaume, l’application de ces moyens, qui appartiennent toujours à l’ordre légal.
Le parti du gouvernement déchu avait organisé un complot qui devait éclater sur plusieurs
points à la fois. Vaincu, sans combat à Marseille, il a tenté la guerre civile dans l’Ouest. La
chouannerie, arme favorite de cette faction, a reparu dans plusieurs départements avec son
cortège accoutumé de vols, d’incendie et d’assassinat. Le commerce est interrompu dans les
localités parcourues par les bandes d’insurgés ; la sûreté des personnes compromise ; le cours
de la justice ordinaire suspendu. Un tel état de choses ne saurait se prolonger.
Déjà, grâce à l’activité, au courage et au dévouement des autorités, des gardes nationales et
des troupes de ligne, l’insurrection a été étouffée sur plusieurs points, et refoulée dans un
cercle étroit où il importe de l’anéantir en un moment.
Le gouvernement du roi a prouvé en toute occasion son respect pour le droit commun ; mais
en présence des actes de brigandage auxquels se livrent des rebelles, une plus longue
persévérance dans les voies ordinaires n’aurait pour résultat que d’entretenir un foyer qu’il
faut éteindre, dans les limites où il se trouve aujourd’hui resserré. L’humanité elle-même
réclame des moyens décisifs qui appartiennent à une légalité spéciale, et leur usage n’est que
trop justifié d’avance par les excès qui le provoquent. Une répression prompte et sévère, en
épargnant le sang, de nos braves soldats, et des citoyens généreux qui s’associent à leurs
dangers, sauvera les malheureux eux-mêmes que cette faction entraîne à leur perte.
L’état de siège est demandé par tous les intérêts, Sire ; et c’est parce que nous avons
aujourd’hui la conviction de son efficacité pour mettre à fin ces désordres, dans leur dernier
retranchement, que nous nous sommes décidés à proposer à Votre Majesté de déclarer la mise
en état de siège des communes comprises dans les arrondissements de Laval, de Château-
Gonthier et de Vitré.
Signé le pair de France, ministre secrétaire d’État de l’intérieur, Montalivet.
Ordonnance relative à l’état de siège de certaines communes de l’Ouest de la France.
Considérant qu’il importe d’étouffer avec rapidité et de réprimer par tous les moyens que les
lois fournissent, les mouvements insurrectionnels actuellement concentrés dans les trois
arrondissements de Laval, Château-Gonthier et Vitré, nous avons ordonné et ordonnons ce qui
suit ;
Art. 1er : Les communes comprises dans les arrondissements de Laval, Château-Gontier et
Vitré, sont déclarées en état de siège.
Art. 2 : Nos ministres de la guerre et de l’intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne,
de l’exécution de la présente ordonnance.

Annexe n° 57 : Proclamation du ministre de 
l’intérieur, Moniteur Universel, mercredi 6 juin 
1832, n° 158, p. 1291.

Proclamation aux habitants de Paris sur les troubles de la capitale.


Habitants de Paris,
Vous avez frémi, dans le cours de cette journée, des attentats dont les factions ont affligé
quelques points de cette capitale, sous prétexte de rendre hommage à la mémoire d’un brave
dont la famille et les amis s’indignaient comme vous de ces sacrilèges excès.
Le gouvernement du roi, créé par le vœu national, vous annonce aujourd’hui qu’il saura
remplir la mission que la France lui a confiée. Rassurez-vous ; il est fort de votre confiance et
il la justifiera.
Des hommes désespérés des échecs éprouvés dans le Midi, dans l’Ouest, par les ennemis
éternels de nos libertés, des hommes qui se sont vantés d’appeler l’anarchie au secours de la
contre-révolution, ont tendu la main aux ennemis de la Monarchie constitutionnelle. Le
carlisme et la république se sont levés à la fois aujourd’hui contre le trône de juillet, l’un
espérant se servir de l’autre pour préparer son triomphe.
Habitants de Paris, vous vous souvenez de l’essai de république qui a décimé vos familles : la
république est restée la terreur des bons, parce qu’elle fut le règne des méchants. Vous savez
aussi ce que la contre-révolution vous réparait ; ces deux fléaux se sont unis aujourd’hui
contre vous.
La révolte s’est montrée sous un emblème digne d’elle, sous un drapeau rouge opposé à notre
glorieux drapeau tricolore. Le drapeau tricolore qui a vaincu, il y a peu de jours encore, dans
la Vendée, le drapeau de la contre-révolution, triomphera encore aussi facilement de celui de
l’anarchie.
La garde nationale s’est déjà serrée avec l’armée autour du drapeau français pour confondre
ces deux factions. Elles en triompheront.
C’est dans le moment où tous les vrais patriotes s’unissent au gouvernement pour anéantir
dans l’Ouest les derniers débris du parti que vous avez vaincu en juillet, que la révolte éclate
ici même pour servir d’auxiliaire à la chouannerie. Sous des couleurs diverses, reconnaissez
les mêmes passions, les passions qui conspirent le bouleversement de la société. Notre devoir
est de la défendre.
Habitants de Paris, votre roi vient d’arriver au milieu de vous le front paré de ces couleurs
nationales qui lui furent toujours chères comme à vous. Pour lui c‘est défendre encore ces
couleurs sacrées que de défendre la couronne qu’il a reçue des Français. Fiez-vous à lui
comme il se confie à vous, et périssent les factions aux pieds du trône de juillet soutenu par la
France constitutionnelle !
Signé le pair de France, ministre secrétaire d’État de l’intérieur, Montalivet.

Annexe n° 58 : Dépêche du ministre de 
l’intérieur aux préfets, Moniteur Universel, 
mercredi 6 juin 1832, n° 158, p. 1291.

Dépêche adressée par le ministre de l’intérieur aux préfets des départements.


Monsieur le préfet, des avis recueillis directement à Paris, et des saisies de pièces importantes
qui ont fourni de précieux renseignements ne permettent plus de douter que Mme la duchesse
de Berry ne soit dans l’Ouest, accompagnée de Mme Charrette, et de M. de Bourmont. Elle
n’a point de résidence fixe ; elle voyage de commune en commune, presque toujours à cheval,
dans un état d’incertitude et d’agitation qui doit faire remarquer ses démarches.
Au reçu de la présente, Monsieur le préfet, vous devez vous concerter immédiatement avec
toutes les autorités, principalement (ceci concerne les préfets dont les départements sont
riverains de la mer) avec les chefs des douanes pour rechercher les traces de la duchesse.
Multipliez les moyens de surveillance ; faites éclairer les routes et les campagnes, par de
nombreux agents ; que la gendarmerie ait les yeux ouverts sur tous les voyageurs ; ordonnez
des visites dans les châteaux, fermes et métairies, où vous pouvez supposer qu’elle a cherché
un asile ; n’épargnez aucun moyen, aucune dépense pour découvrir son refuge, soit qu’elle se
trouve aujourd’hui dans votre département, soit qu’elle s’y réfugie pour échapper aux
poursuites dont elle aurait été l’objet dans quelque autre. J’approuve d’avance les promesses
que vous seriez dans le cas de faire, pour récompenser des avis reconnus utiles au succès des
recherches.
M. le ministre de la guerre transmet des instructions conformes aux autorités militaires. M. le
ministre de la marine fait disposer des croisières sur les côtes.
Si la duchesse de Berry est découverte dans votre département, elle doit être immédiatement
mise en état d’arrestation avec ses compagnons de voyage. Vous la ferez déposer, avec eux,
dans le lieu de détention qui vous paraîtra offrir le plus de sûreté (depuis l’envoi de cette
dépêche, le gouvernement a ordonné que la duchesse fût transférée à Nantes, dès qu’elle serait
arrêtée, en attendant son jugement). Vous m’en donnerez aussitôt l’avis par la voie la plus
prompte, et je vous transmettrai, sans retard, des instructions sur la destination ultérieure des
prisonniers.
Je n’ai pas besoin de vous recommander d’apporter la plus grande activité dans l’exécution de
ces ordres, dont vous appréciez l’importance.

Annexe n° 59 : Rapport au roi suivi de 
l’ordonnance qui procède à la dissolution 
d’une compagnie militaire, Moniteur Universel, 
dimanche 13 mai 1832, n° 134, p. 1195.

Rapport au roi sur le zèle et le dévouement de la garde de Marseille, dans la journée du 30


avril, à l’exception de la 4e compagnie du 1er bataillon de la 2e légion, qui a positivement
refusé de répondre à l’appel ; suivi de l’ordonnance royale qui dissout cette compagnie.
J’ai eu l’honneur de soumettre avec empressement à Votre Majesté, et elle a accueilli avec
satisfaction, les rapports qui me sont parvenus sur le zèle et le dévouement que la garde
nationale de Marseille a déployés dans la journée du 30 avril.
Vous m’avez chargé, Sire, et je me suis hâté de transmettre à M. le préfet des Bouches du
Rhône, les témoignages de votre haute approbation, qui sera pour la brave garde nationale de
cette grande cité, la plus flatteuse des récompenses.
Mais je n’aurais pas rempli mon devoir tout entier, si je ne faisais connaître à Votre Majesté
qu’une compagnie (une seule, je m’empresse de le déclarer), la 4ème compagnie du 1er bataillon
de la 2ème légion de la garde nationale de Marseille, n’a pas répondu à l’appel de la loi, quand
il s’agissait de s’opposer aux projets criminels des ennemis de nos institutions.
J’ai besoin cependant de faire remarquer que le capitaine, deux lieutenants, trois sous-officiers
et six grenadiers de cette compagnie se présentèrent le 30. Cette démarche a été constatée.
Le lendemain 1er mai, cette même compagnie ne s’est point rendue à la revue où toute la garde
nationale était accourue avec un enthousiasme unanime, pour protester, par sa présence sous
le drapeau de juillet, et le jour anniversaire de la fête de Votre Majesté, contre le crime de la
veille.
Dans cette solennité, deux officiers et deux soldats seulement de cette compagnie se sont
réunis à la 2ème légion.
Une conduite aussi coupable qui contraste d’une manière si frappante avec le patriotisme
manifesté, en cette circonstance, par la population marseillaise, révèle assez l’antipathie des
membres de cette compagnie pour la royauté constitutionnelle et la Charte de 1830 que la
garde nationale a pour mission de défendre.
Il ne m’est donc plus permis d’hésiter.
J’ai l’honneur de proposer à Votre Majesté d’user des pouvoirs que lui confère l’art. 5 de la
loi du 21 mars 1831, et de prononcer la dissolution de la 4 ème compagnie du 1er bataillon de la
2ème légion de la garde nationale de Marseille. C’est ajouter un nouveau prix aux témoignages
de satisfaction que Votre Majesté fait adresser à la garde nationale tout entière ; car c’est
rendre justice à tous.
Signé, le pair de France, ministre secrétaire d’État de l’intérieur, Montalivet.
Ordonnance du roi.
Art. 1er : La 4ème compagnie du premier bataillon de la garde nationale de Marseille est
dissoute.
Art. 2 : Notre ministre secrétaire d’État au département de l’intérieur est chargé de l’exécution
de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe, et le ministre de l’intérieur, Montalivet.

Annexe n° 60 : Rapport au roi suivi de deux 
ordonnances relatives au licenciement de deux 
grandes écoles, Moniteur Universel, jeudi 7 juin 
1832, n° 159, p. 1295.

Rapport au roi.
Sire, c’est avec douleur que je me vois dans l’obligation de rendre compte à Votre Majesté
des graves désordres auxquels s’est livré un grand nombre d’élèves de l’École polytechnique.
Ces jeunes gens, égarés par de déplorables illusions, et mettant en oubli les devoirs qu’ils ont
à remplir envers l’État, qui contribue à grands frais à leur instruction, et qu’ils se destinaient à
servir un jour dans les diverses carrières publiques, ont forcé la consigne de l’École pour aller
se joindre aux séditieux : ils ont pris une part active aux actes de rébellion dont les fauteurs de
l’anarchie se sont rendus coupables ; ils ont cherché à entraîner ceux de leurs camarades qui
sont restés fidèles à leur devoir ; ils sont revenus à deux reprises pour tenter de les séduire, et
ne pouvant y parvenir, ils ont manifesté, par des actes, l’intention de leur enlever les armes de
l’École, que ces derniers élèves ont constamment défendues avec honneur.
Dans cet état de choses, ne pouvant plus répondre du dévouement de la totalité des élèves de
l’École polytechnique aux institutions et au trône fondés par notre glorieuse révolution de
juillet, je me vois à regret dans la nécessité de proposer à Votre Majesté le licenciement de
cette École. Mais je remplis en même temps un devoir en appelant la bienveillance du roi sur
les élèves qui ont fait preuve des bons sentiments dont ils sont animés.
Tel est le but du projet d’ordonnance que j’ai l’honneur de soumettre à la signature de Votre
Majesté.
Ordonnance relative à l’école polytechnique.
D’après le compte qui nous a été rendu des graves désordres auxquels un grand nombre
d’élèves de l’École polytechnique s’est livré,
1° en forçant la consigne de l’École, pour aller se joindre aux séditieux, et en prenant part aux
actes de rébellion dont les fauteurs de l’anarchie se sont rendus coupables ;
2° en revenant à plusieurs reprises chercher à séduire les élèves qui sont demeurés fidèles à
leur devoir, et ayant manifesté l’intention de leur enlever les armes de l’École, que ces
derniers élèves ont constamment défendu avec honneur ;
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’État au département de la guerre, nous avons
ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Les élèves de l’École polytechnique sont licenciés, et rentreront immédiatement dans
leurs familles.
Art. 2 : L’École polytechnique sera immédiatement réorganisée.
Art. 3 : Les élèves de l’École polytechnique qui, demeurés fidèles à leur devoir, ont défendu
honneur les armes de l’École, feront partie de l’École réorganisée, dont ils composeront le
noyau. Il sera pourvu au complément de l’École par les nouvelles admissions qui auront lieu
après les examens de cette année, conformément aux lois et ordonnances.
Art. 4 : Notre ministre secrétaire d’État de la guerre est chargé de l’exécution de la présente
ordonnance.
Signé Louis-Philippe, et le ministre secrétaire d’État de la guerre, le maréchal duc de
Dalmatie.
Ordonnance relative à l’école vétérinaire d’Alfort.
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d’État au département du commerce et des travaux
publics ; notre Conseil d’État entendu, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : L’École royale vétérinaire d’Alfort est licenciée. Notre ministre du commerce et des
travaux publics nous en proposera la réorganisation, s’il y a lieu.
Art. 2 : Notre ministre secrétaire d’État au département du commerce et des travaux publics
est chargé de l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe, et le ministre du commerce et des travaux publics, le comte d’Argout.

Annexe n° 61 : Décret du 11 août 1848 relatif à 
la sûreté de l’État, Moniteur Universel, samedi 12 
août 1848, n° 225, p. 1977.
Les lois des 17 mai 1819 et 25 mars 1822 sont modifiées ainsi qu'il suit :
Art. 1er : Toute attaque par l'un des moyens énoncés en l'art. 1 er de la loi du 17 mai 1819,
contre les droits et l'autorité de l'Assemblée nationale, contre les droits et l'autorité que les
membres du pouvoir exécutif tiennent des décrets de l'assemblée, contre les institutions
républicaines et la constitution, contre le principe de la souveraineté du peuple et du suffrage
universel, sera punie d'un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d'une amende de trois
cents francs à six mille francs.
Art. 2 : L'offense par l'un des moyens énoncés en l'art. 1er de la loi du 17 mai 1819 envers
l'assemblée nationale sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une amende
de cent francs à cinq mille francs.
Art. 3 : L'attaque par l'un de ces moyens contre la liberté des cultes, le principe de la propriété
et les droits de la famille, sera punie d'un emprisonnement d'un mois à trois ans, et d'une
amende de cent francs à quatre mille francs.
Art. 4 : Quiconque, par l'un des moyens énoncés en l'art. 1 er de la loi du 17 mai 1819, aura
excité à la haine ou au mépris du gouvernement de la République, sera puni d'un
emprisonnement d'un mois à quatre ans, et d'une amende de cent cinquante francs à cinq mille
francs.
La présente disposition ne peut porter atteinte au droit de discussion et de censure des actes du
pouvoir exécutif et des ministres.
Art. 5 : L'outrage fait publiquement d'une manière quelconque, à raison de leurs fonctions ou
de leur qualité, soit à un ou plusieurs membres de l'assemblée nationale, soit à un ministre de
l'un des cultes qui reçoivent un salaire de l'État, sera puni d'un emprisonnement de quinze
jours à deux ans, et d'une amende de cent francs à quatre mille francs.
Art. 6 : Seront punis d'un emprisonnement de quinze jours à deux ans, et d'une amende de
cent francs à quatre mille francs :
1° l'enlèvement ou la dégradation des signes publics de l'autorité du gouvernement
républicain, opéré en haine ou mépris de cette autorité ;
2° le port public de tous signes extérieurs de ralliement non autorisés par la loi ou par des
règlements de police ;
3° l'exposition dans des lieux ou réunions publics, la distribution ou la mise en vente de tous
signes ou symboles propres à propager l'esprit de rébellion ou à troubler la paix publique.
Art. 7 : Quiconque, par l'un des moyens énoncés en l'art. 1 er de la loi du 17 mai 1819, aura
cherché à troubler la paix publique en excitant le mépris ou la haine des citoyens les uns
contre les autres, sera puni des peines portées en l'article précédent.
Art. 8 : L'art. 463 du Code pénal est applicable aux délits de la presse.

Annexe n° 62 : Décret du gouvernement 
provisoire, Moniteur Universel, samedi 25 février 
1848, n° 57, p. 503.

Décret du Gouvernement provisoire contre la désertion dans les rangs de l’armée,


Le gouvernement provisoire de la République française :
Informé que quelques militaires ont déserté et remis leurs armes, donne les ordres les plus
sévères, dans départements, pour que les militaires qui abandonnent ainsi leurs corps soient
arrêtés et punis selon la rigueur des lois.
Jamais le pays n’eut plus besoin de son armée pour assurer au dehors de son indépendance, et
au-dedans sa liberté.
Le gouvernement provisoire, avant de faire appel aux lois, fait appel au patriotisme de
l’armée.
Pour le gouvernement provisoire de la République française.

Annexe n° 63 : Proclamation du ministre de 
l’intérieur, Moniteur Universel, mardi 30 janvier 
1849, n° 30, p. 303.

Proclamation du ministre de l’intérieur, à l’occasion de tentatives de troubles dans Paris.


Citoyens de Paris,
Nous avons appelés la garde nationale sous les armes. Nous l’avons appelée à la défense de
l’ordre social, menacé encore une fois par les mêmes ennemis qui l’attaquèrent dans les
journées de juin.
Les projets de ces hommes n’ont pas changé. Ce qu’ils veulent empêcher à tout prix, c’est
l’établissement d’un gouvernement régulier et honnête. Ce qu’il leur faut, c’est un régime
d’agitation perpétuelle, l’anarchie, la destruction de la propriété, le renversement de tous les
principes. C’est le despotisme d’une minorité qu’ils espèrent fonder, en usurpant comme un
privilège la propriété commune, le nom sacré de la République.
Pour colorer la révolte contre les lois, ils disent que nous avons violé la constitution et que
nous voulons détruire le gouvernement républicain. C’est là une calomnie méprisable. La
République n’a pas de plus fermes appuis que ceux qui cherchent à la préserver des excès
révolutionnaires, avec lesquels on a trop confondu cette forme de gouvernement. La
constitution, M. le président de la République a juré de la respecter et de la faire respecter ; il
tiendra son serment. Ses ministres ont un passé qui ne laisse à personne le droit de suspecter
leurs intentions ; et ils ne peuvent pas donner une plus grande preuve de leur attachement aux
institutions républicaines que l’énergie avec laquelle ils sont déterminés à réprimer tout
désordre, quelles qu’en soient les proportions.
Habitants de Paris, il ne suffit pas que la société soit forte, il faut encore qu’elle montre sa
force ; le repos et la sécurité sont à ce prix. Que tous les bons citoyens secondent le
gouvernement dans la répression des troubles qui agitaient la place publique. C’est la
République, c’est la société elle-même, ce sont les bases éternelles du pouvoir que les
perturbateurs mettent en question. La victoire de l’ordre doit être décisive et irrévocable. Que
chacun fasse donc son devoir, le gouvernement ne manquera pas au sien.
Paris, le 29 janvier 1849.
Signé le ministre de l’intérieur, Léon Faucher.

Annexe n° 64 : Proclamations du président et 
du gouvernement, Moniteur Universel, jeudi 14 juin 
1849, n° 165, p. 2061.

Tentative d’un mouvement insurrectionnel dans Paris.


L’Assemblée législative au peuple français :
Citoyens, gardes nationaux et soldats, la République et la société sont menacées ; la
souveraineté du peuple est odieusement méconnue par une minorité factieuse qui fait appel à
la force, et qui, par une guerre impie, compromet de nouveau, avec la paix publique, la
prospérité du pays près de renaître. L’Assemblée législative, issue de la volonté nationale,
remplira énergiquement tous les devoirs qui lui sont imposés dans ces circonstances
suprêmes : c’est à elle qu’il appartient de parler au nom du peuple, qui n’a remis qu’à elle son
mandat souverain.
Gardienne de la République et de la constitution, qui sont les garanties inviolables de la
société et de l’ordre en péril, la représentation nationale défendra jusqu’à sa mort, contre une
insurrection criminelle, la constitution et la République indignement attaquées.
Citoyens, ralliez-vous autour de vos représentants, des représentants du peuple français : c’est
dans votre union avec eux, avec le président de la République, avec notre brave et fidèle
armée, c’est dans votre concorde unanime qu’est le salut commun. Citoyens, gardes nationaux
et soldats, au nom de la patrie, au nom de l’honneur, de la justice et des lois, l’Assemblée
législative vous appelle solennellement à la défense de la République, de la constitution et de
la société.
Signé le président et les secrétaires, Dupin, Arnaud (de l’Ariège), Peupin, Lacaze, Chapot,
Heeckeren, Bérard.
Proclamation du président de la République.
Le président de la République au peuple français :
Quelques factieux osent encore lever l’étendard de la révolte contre un gouvernement
légitime, puisqu’il est le produit du suffrage universel. Ils m’accusent d’avoir violé la
constitution, moi qui ai supporté depuis six mois, sans en être ému, leurs injures, leurs
calomnies, leurs provocations.
La majorité de l’Assemblée elle-même est le but de leurs outrages. L’accusation dont je suis
l’objet n’est qu’un prétexte, et la preuve, c’est que ceux qui m’attaquent me poursuivaient
déjà avec la même haine, la même injustice, alors que le peuple de Paris me nommait
représentant et le peuple de la France, président de la République.
Ce système d’agitation entretient dans le pays le malaise et la défiance qui engendrent la
misère ; il faut qu’il cesse. Il est temps que les bons se rassurent et que les méchants
tremblent. La République n’a pas d’ennemis plus implacables que ces hommes qui,
perpétuant le désordre, nous forcent de changer la France en un camp, nos projets
d’amélioration et de progrès en des préparatifs de lutte et de défense.
Élu par la Nation, la cause que je défends est la votre, est celle de vos familles comme celle de
vos propriétés, et celle du pauvre comme du riche, celle de la civilisation toute entière. Je ne
reculerai devant rien pour la faire triompher.
Signé le président de la République, L.-N. Bonaparte.

Annexe n° 65 : Arrêtés portant dissolution et 
révocation, Moniteur Universel, lundi 12 février 
1849, n° 43, p. 459.

Arrêté portant dissolution du bataillon d’infanterie de la garde nationale de Cette et arrêté


qui révoque le sieur Mercier, maire de la ville de Cette.
Monsieur le président,
Dans la soirée du 7 février, la ville de Cette a été le théâtre de graves désordres. Une foule
égarée a pénétré violemment dans la salle où le conseil municipal délibère ; elle a saccagé
plusieurs maisons dont le mobilier a été livré aux flammes. Les propriétés, les personnes, la
force publique, rien n’a été respecté. Cette scène de dévastation et de violence s’est prolongée
pendant quatre heures, au milieu d’une ville importante qui avait une garnison, une garde
nationale et des autorités municipales, sans qu’aucun effort n’ait été tenté pour rétablir l’ordre.
La satiété seule a pu mettre un terme à d’aussi coupables excès.
Dans des circonstances qui appelaient tout son dévouement, la garde nationale de Cette n’a
pas fait ce qu’elle devait faire. Sur soixante hommes qui avaient reçu la mission de protéger
l’hôtel de ville, vingt à peine se sont présentés. Plusieurs citoyens inscrits sur les contrôles
n’ont pas même craint de se joindre à l’émeute. Le drapeau de l’ordre a été abandonné et
attaqué par ceux qui auraient dû le porter et le défendre.
La garde nationale est le pays armé ; elle doit protéger l’exécution des lois, et faire respecter
les biens ainsi que les personnes. Aucune force ne peut suppléer celle-là. L’ordre périrait
bientôt, la liberté serait impossible dans les rangs d’une nation qui aurait des armes et qui ne
s’en servirait pas pour rétablir ou pour maintenir la sécurité publique. En face du désordre,
tout citoyen est soldat. La garde nationale de Cette a manqué à ce devoir ; je vous propose,
Monsieur le président, de la dissoudre.
Le pouvoir municipal, dans la journée du 7 février, a gardé une attitude qui ne me paraît pas
moins répréhensible. M. le maire de Cette n’est pas intervenu personnellement pour réprimer
le désordre, qui aurait pu s’arrêter à sa voix et devant son autorité. Il n’a pas fait faire les
sommations que la loi prescrit ; il n’a pas employé la force publique, quand il le fallait, ni
d’une manière utile ; il a laissé le champ libre au désordre : un plus grand scandale ne pouvait
pas être donné à la population. Vous jugerez sans doute, monsieur le président, qu’une
réparation éclatante est due à l’autorité du pouvoir indignement abaissée. J’ai l’honneur de
vous proposer la révocation de M. le maire de Cette. Permettez-moi d’exprimer ici le regret
que j’éprouve de ne pas trouver, dans les droits dont le gouvernement est investi, une mesure
qui se proportionne davantage à la gravité des faits.
Paris, le 11 février 1849.
Signé le ministre de l’intérieur, Léon Faucher.
Arrêtés :
Le président de la République,
Vu l’article 5 de la loi du 22 mars 1831 ;
Sur le rapport du ministre de l’intérieur, Arrête :
Art. 1er : Le bataillon d’infanterie de la garde nationale de Cette, département de l’Hérault, est
dissous.
Art. 2 : Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Signé L.-N. Bonaparte et le ministre de l’intérieur, Léon Faucher.
Le président de la République,
Sur le rapport du ministre de l’intérieur,
Vu l’article 10 du décret du 3 juillet 1848, Arrête :
Art. 1er : Le sieur Mercier, maire de la ville de Cette, département de l’Hérault, est révoqué de
ses fonctions.
Art. 2 : Le ministre de l’intérieur est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Signé L.-N. Bonaparte et le ministre de l’intérieur, Léon Faucher
Annexe n° 66 : Arrêté ministériel du 3 
décembre 1851, Moniteur Universel, vendredi 5 
décembre 1851, n° 339, p. 3027.

Arrêté du 3 décembre.
Le ministre de la guerre,
Vu la loi sur l’état de siège,
Arrête :
Tout individu pris construisant ou défendant une barricade, ou les armes à la main, sera
fusillé.
Signé le ministre de la guerre, le général Leroy de Saint-Arnaud.

Annexe n° 67 : Arrêté ministériel du 4 
décembre 1851, Moniteur Universel, samedi 6 
décembre 1851, n° 340, p. 3031.

Arrêté du 4 décembre.
Tout individu, quelle que soit sa qualité, qui sera trouvé dans une réunion ou une association
tendant à organiser une résistance quelconque au Gouvernement, ou à paralyser son action,
sera considéré comme complice de l’insurrection.
En conséquence, il sera immédiatement arrêté et livré aux conseils de guerre qui sont en
permanence.
Signé le ministre de la guerre, le général Leroy de Saint-Arnaud.
Annexe n° 68 : Décrets d’expulsion du 9 janvier 
1852, Moniteur Universel, samedi 10 janvier 1852, 
n° 10, p. 45.

Décret d’expulsion de France et des colonies.


Art. 1er : Sont expulsés du territoire français, de celui de l’Algérie et de celui des colonies,
pour cause de sûreté générale, les anciens représentants à l’Assemblée législative dont les
noms suivent. (66 représentants dont Victor Hugo, Laboulaye, Raspail…).
Art. 2 : Dans le cas où, contrairement au présent décret, l’un des individus désignés en
l’article 1er rentrerait sur les territoires qui lui sont interdits, il pourra être déporté par mesure
de sûreté générale.
Signé Louis-Napoléon et de Morny, ministre de l’intérieur.
Décret d’expulsion temporaire de France et des colonies.
Art. 1er : Sont momentanément éloignés du territoire français et de celui de l’Algérie, pour
cause de sûreté générale, les anciens représentants à l’assemblée législative dont les noms
suivent : (18 représentants dont Duvergier de Hauranne, le général de Lamoricière, A. Thiers,
Ch. de Rémusat, Émile de Girardin, le général Laidet, Pascal Duprat, Edgar Quinet…).
Art. 2 : Ils ne pourront rentrer en France ou en Algérie qu’en vertu d’une autorisation spéciale
du président de la République.
Signé Louis-Napoléon et de Morny, ministre de l’intérieur.

Annexe n° 69 : Décret impérial du 4 janvier 
1852, Moniteur Universel, dimanche 11 janvier 
1852, n° 11, p. 49.

Décret déclarant le département des Hautes-Alpes en état de siège.


Vu la loi du 9 août 1849 ; Vu le décret du 26 décembre 1851, concernant la délimitation des
nouvelles circonscriptions des divisions et subdivisions militaires ;
Considérant que le département des Hautes-Alpes se trouve aujourd’hui compris dans la
circonscription de la 8ème division militaire, et que tous les départements qui l’avoisinent ayant
été le théâtre d’agitations graves ont été mis successivement en état de siège ;
Considérant que l’unité d’action de l’autorité militaire serait paralysée sur ce point de la 8 ème
division, si le département des Hautes-Alpes se trouvait seul placé en dehors des conditions de
la loi du 9 août 1849 ;
Considérant qu’à la suite des évènements qui ont ensanglanté les départements voisins, le
département des Hautes-Alpes a été sur quelques points agité par des scènes de désordre qui
ont révélé l’existence de projets anarchiques ;
Attendu que cette situation constitue l’état de péril imminent prévu par la loi du 9 août 1849 ;
Le conseil des ministres entendu, Décrète :
Art. 1er : Le département des Hautes-Alpes est déclaré en état de siège.
Art. 2 : Les ministres de l’intérieur et de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne,
de l’exécution du présent décret.
Signé Louis-Napoléon et A. de Morny, ministre de l’intérieur.

Annexe n° 70 : Décret impérial du 22 janvier 
1852 instituant un ministère de la police 
générale, Moniteur Universel, vendredi 23 janvier 
1852, n° 23, p. 119.

Décret qui créé un ministère de la police générale.


Art. 1er : Il est créé un ministère sous le nom de ministère de la police générale.
Art. 2 : Le ministre de la police aura les attributions suivantes :
L’exécution des lois relatives à la police générale, à la sûreté et à la tranquillité intérieure de
la République ;
Le service de la garde nationale, de la garde républicaine, de la gendarmerie, pour tout ce qui
est relatif au maintien de l’ordre public ;
La surveillance des journaux, des pièces de théâtre et des publications de toute nature ;
La police des prisons, maisons d’arrêt, de justice et de réclusion ;
Le personnel des préfets de police de Paris et des départements, des agents de toute sorte de la
police générale ;
La police commerciale, sanitaire et industrielle ;
La répression de la mendicité et du vagabondage.
Art. 3 : Le ministre de la police aura la correspondance avec les diverses autorités constituées,
pour ce qui concerne la sûreté de la République.
Art. 4 : Un décret ultérieur règlera l’organisation centrale et les services actifs du nouveau
ministère.
Art. 5 : Les ministres seront chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent
décret.
Signé Louis-Napoléon et X. de Casabianca, ministre d’État.

Annexe n° 71 : Circulaire du 3 février 1852 
relative à la formation des commissions de 
jugement des détenus politiques, Moniteur 
Universel, mercredi 4 février 1852, n° 35, p. 189.

Circulaire aux procureurs généraux, sur la formation de commissions départementales pour


le jugement sommaire des détenus politiques.
Monsieur le procureur général.
Animé du désir de mettre un terme aux difficultés qu’ont fait naître les nombreuses
arrestations opérées à la suite des derniers troubles, et de voir la société délivrée des
pernicieux éléments qui menaçaient de la dissoudre, le gouvernement veut qu’il soit statué
dans le plus bref délai possible sur le sort de tous les individus compromis dans les
mouvements insurrectionnels ou les tentatives de désordre qui ont eu lieu depuis le 2
décembre.
Déjà, par une circulaire du 29 janvier, insérée au Moniteur, M. le ministre de l’intérieur a
donné l’ordre aux préfets de faire mettre sur le champ et libérer tous ceux des détenus qu’ils
jugeraient avoir été seulement égarés et pouvoir être relaxés sans danger pour la sécurité
publique.
MM. les préfets se seront sans doute empressés de répondre à cet égard aux intentions du
prince président, et ceux qui ne l’auraient point fait encore devront prescrire l’élargissement
immédiat de tous les détenus susceptibles d’être mis en liberté sans autre examen, et en rendre
compte, dans le plus bref délai, aux ministres de la guerre et de l’intérieur.
Après exécution de cette mesure, il restera dans les prisons un certain nombre d’individus plus
ou moins compromis, à l’égard desquels il convient également de prendre une prompte
détermination.
Le gouvernement a pensé que, pour concilier à la fois les intérêts de la justice, de la sûreté
générale et de l’humanité, il ne pouvait mieux faire que de confier dans chaque département le
jugement de ces inculpés à une sorte de tribunal mixte composé de fonctionnaires de divers
ordres, assez rapprochés des lieux où les faits se sont passés pour en apprécier le véritable
caractère, assez haut placés dans la hiérarchie pour comprendre l’importance d’une semblable
mission, en accepter résolument la responsabilité, et offrir à la société comme aux particuliers
toute garantie d’intelligence et d’impartialité.
Afin de laisser à ces commissions départementales une entière liberté d’appréciation, toutes
les autorités judiciaires, administratives ou militaires qui ont pu jusqu’ici être chargées
d’informer sur les derniers évènements, telles que commissions militaires, juges et
commissions d’instruction, sont, dès à présent, complètement dessaisies et doivent cesser
leurs opérations.
Toutes les pièces de procédure, actes d’information, procès-verbaux et autres documents
recueillis dans chaque département par ces diverses autorités seront immédiatement envoyés à
la préfecture pour y être centralisés et mis à la disposition de la commission.
Voici maintenant comment sera composée et comment procédera cette commission :
§ 1er : La commission sera composée : au chef-lieu d’une division militaire, du commandant
de la division, du préfet et du procureur général ou procureur de la République ; au chef-lieu
de la Cour d’appel qui ne sera pas chef-lieu d’une division militaire, du préfet, du
commandant militaire du département et du procureur général ; dans tous les autres
départements, du préfet, du commandant militaire et du procureur de la République de ce
chef-lieu.
§ 2 : La commission ainsi composée se réunira à l’hôtel de la préfecture. Là, elle compulsera
tous les documents qui auront été mis à sa disposition, soit par les parquets, soit par les
commissions militaires, soit par les administrations civiles, et, après un mûr examen, elle
prendra, à l’égard de chaque inculpé, une décision qui sera transcrite sur un registre avec les
motifs à l’appui, et signée de trois membres.
Si, pour quelques inculpés, elle ne se trouvait pas suffisamment éclairée par les documents
déjà recueillis, elle ordonnerait un supplément d’information qui pourrait être fait
indistinctement par tout agent judiciaire, administratif ou militaire.
§ 3 : Les mesures qui pourront être appliquées suivant le degré de culpabilité, les antécédents
politiques et privés, la position de famille des inculpés, sont les suivantes :
Le renvoi devant les conseils de guerre ; La transportation à Cayenne ; La transportation en
Algérie ; L’expulsion de France ; L’éloignement momentané du territoire ; L’internement,
c’est-à-dire l’obligation de résider dans une localité déterminée ; Le renvoi en police
correctionnelle ; La mise sous la surveillance du ministère de la police générale ; La mise en
liberté.
Toutefois, la commission ne renverra devant les conseils de guerre que les individus
convaincus de meurtre ou de tentative de meurtre, et ne prononcera la transportation à
Cayenne que contre ceux des inculpés qui seront repris de justice.
Dans les départements qui n’ont pas été déclarés en état de siège, la transportation à Cayenne
sera prononcée contre les individus de la première catégorie, même non repris de justice.
§ 4 : Aussitôt que les délibérations seront closes, un état des affaires sur lesquelles il aura été
définitivement statué sera dressé en triple expédition et envoyé aux ministères de la justice, de
l’intérieur et de la guerre.
Cet état contiendra : 1° les noms et prénoms, lieu de naissance et de domicile des inculpés ; 2°
la décision prise à l’égard de chacun d’eux ; 3° dans une colonne d’observations, un résumé
succinct de la délibération, et particulièrement les motifs qui auront déterminé la commission
à placer l’inculpé dans la catégorie indiquée par la décision, de manière à ce que le
gouvernement puisse juger du mérite des classifications.
§ 5 : Les présentes instructions ont été délibérées en commun par les ministres de la justice,
de l’intérieur et de la guerre ; elles doivent donc être exécutées de concert par les
fonctionnaires désignés qui dépendent des trois départements. Ces fonctionnaires auront à se
pénétrer de la double pensée qui les a dictées : accord entre toutes les autorités pour
concourir à une grande mesure de justice et de sûreté générale ; célérité dans les décisions à
prendre, afin de faire cesser au plus tôt une situation qui ne peut se prolonger davantage.
Le gouvernement compte assez sur la haute intelligence et le dévouement des membres qui
composeront les commissions pour être convaincu qu’ils marcheront ensemble dans une
parfaite entente et avec toute l’activité dont ils sont capables vers le but qu’il s’agit d’atteindre
dans le plus court délai. Le gouvernement désire que tout le travail soit terminé et le sort des
inculpés fixé au plus tard à la fin du mois de février.
§ 6 : Ces instructions ne sont pas applicables aux départements qui composent la 1 ère division
militaire.
Pour les autres départements, elles remplaceront toutes celles qui auraient pu être adressées
jusqu’ici, relativement au même objet, aux de la justice, de l’administration et de l’armée, et
qui seront considérées dès lors comme non avenues.
Signé le ministre de la justice Abbatucci, ministre de la guerre de Saint-Arnaud et ministre de
l’intérieur de Persigny.

Annexe n° 72 : Loi du 9 novembre 1815 relative 
aux cris séditieux, Moniteur Universel, lundi 13 
novembre 1815, n° 317, p. 1255.

Loi pénale contre les auteurs des cris, écrits et discours séditieux, et les provocations à la
révolte.
Nous eussions voulu laisser toujours à l'action sage et mesurée des tribunaux ordinaires la
répression de tous les délits. Mais, après de si longs troubles, au milieu de tant de malheurs,
de grandes passions s'agitent encore. Il faut, pour les comprimer, pour arrêter les désordres
que produirait leur explosion, des formes plus simples, une justice plus rapide, et des peines
qui concilient les droits de la clémence et la sûreté de l'État. Notre Charte constitutionnelle a
réservé, par l'article 63, le tribunal que réclament les circonstances. La juridiction prévôtale a,
en sa faveur, l'expérience des temps passés, et nous promet les heureux résultats qu'elle a
produits sur les rois nos ancêtres. Mais tandis que notre conseil prépare, avec maturité, les
dispositions de la loi qui doit la rétablir, nous avons cru devoir chercher un remède
momentané dans une législation provisoire.
Nous avons proposé, les chambres ont adopté, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Seront poursuivies et jugées criminellement toutes personnes coupables d'avoir, ou
imprimé, ou affiché, ou distribué, ou vendu, ou livré à l'impression des écrits ; d'avoir, dans
des lieux publics, ou destinés à des réunions habituelles de citoyens, fait entendre des cris ou
proféré des discours ; toutes les fois que ces cris, ces discours ou ces écrits auront exprimé la
menace d'un attentat contre la vie, la personne du roi, la vie ou la personne des membres de la
famille royale, ou qu'ils auront provoqué directement ou indirectement au renversement du
gouvernement, ou au changement de l'ordre de successibilité au trône, lors même que ces
tentatives n'auraient été suivies d'aucun effet, et n'auraient été liées à aucun complot. Les
coupables des crimes ci-dessus énoncés seront punis de la peine de la déportation.
Art. 2 : Seront punis de la même peine toutes personnes coupables d'avoir arboré, dans un lieu
public, ou destiné à des réunions habituelles de citoyens, un drapeau autre que le drapeau
blanc.
Art. 3 : Seront punis de la déportation toutes personnes qui feront entendre des cris séditieux
dans le palais du roi, ou sur son passage.
Art. 4 : Les cours d'assises connaîtront des crimes énoncés aux précédents articles.
Art. 5 : Sont déclarés séditieux tous cris, tous discours proférés dans des lieux publics ou
destinés à des réunions de citoyens ; tous écrits imprimés, même tous ceux qui, n'ayant pas été
imprimés, auraient été ou affichés, ou vendus, ou distribués, ou livrés à l'impression ; toutes
les fois que, par ces cris, ces discours ou ces écrits, on aura tenté d'affaiblir, par des calomnies
ou des injures, le respect dû à la personne ou à l'autorité du roi, ou à la personne des membres
de sa famille, et que l'on aura invoqué le nom de l'usurpateur ou d'un individu de sa famille,
ou de tout autre chef de rébellion ; toutes les fois encore que l'on n'aura, à l'aide de ces cris, de
ces discours ou de ces écrits, excité à désobéir au roi et à la Charte constitutionnelle.
Art. 6 : Sont aussi déclarés coupables d'actes séditieux les auteurs, marchands, distributeurs,
expositeurs de dessins ou images dont la gravure, l'exposition ou la distribution tendraient au
même but les cris, les discours et les écrits mentionnés en l'article précédent.
Art. 7 : Sont déclarés actes séditieux l'enlèvement ou la dégradation du drapeau blanc, des
armes de France, et autres signes de l'autorité royale, la fabrication, le port, la distribution de
cocardes quelconques, et de tous autres signes de ralliement ou défendus ou même non
autorisés par le roi.
Art. 8 : Sont coupables d'actes séditieux toutes personnes qui répandraient ou accréditeraient,
soit des alarmes touchant l'inviolabilité des propriétés qu'on appelle nationales, soit des bruits
d'un prétendu rétablissement des dîmes ou des droits féodaux, soit des nouvelles tendant à
alarmer les citoyens sur le maintien de l'autorité légitime, et à ébranler leur fidélité.
Art. 9 : Sont encore déclarés séditieux les discours et écrits mentionnés dans l'article 5 de la
présente loi, soit qu'ils ne contiennent que des provocations indirectes aux délits énoncés aux
article 5, 6, 7 et 8 de la présente loi, soit qu'ils donnent à croire que des délits de cette nature,
ou même les crimes énoncés aux article 1, 2 et 3 seront commis, ou qu'ils répandent
faussement qu'ils ont été commis.
Art. 10 : Les auteurs et complices des délits prévus par les article 5, 6, 7, 8 et 9 de la présente
loi, seront poursuivis et jugés par les tribunaux de police correctionnelle ; ils seront punis d'un
emprisonnement de cinq ans au plus, et de trois mois au moins. Ils seront en outre condamnés
à une amende dont le minimum sera de 50 Francs, et qui pourra être élevée jusqu'à la somme
de 20 000 Francs.
Tout condamné qui se verra jouir d'une pension de retraite civile ou militaire, ou d'un
traitement quelconque de non activité, sera privé de tout ou partie de sa pension de retraite, ou
de tout ou partie de son traitement de non activité, pour un temps qui sera déterminé par le
tribunal.
L'interdiction mentionnée en l'article 42 du Code pénal pourra être ajoutée à la condamnation
pour dix ans au plus, et cinq ans au moins.
Les condamnés demeureront en outre, après l'expiration de la peine, sous la surveillance de la
haute police pendant un temps qui sera déterminé par le jugement, et qui ne pourra excéder
cinq années ; le tout conformément au chapitre 3 du livre 1 er du Code pénal, sans préjudice
des poursuites criminelles et de l'application des peines plus graves de prescrite par le Code
pénal, dans les cas où les cris ou, les discours, écrits et actes séditieux ou aurait été suivies de
quelques effets, ou liés à quelques complots.
En cas de récidive, les coupables seront punis d'une peine double, de telle manière que
l'emprisonnement pourra être de dix années, et la mise en surveillance de dix années
pareillement.
Art. 11 : Les dispositions de l'article 114 du Code d'instruction criminelle, et celles de l'article
453 du Code pénal, ne pourront être appliquées dans les cas prévus par la présente loi.
Art. 12 : Les tribunaux pourront ordonner l'impression et l'affiche des jugements portant
condamnation dans tout ou partie du ressort de l'arrondissement.
Art. 13 : Les dispositions du Code d'instruction criminelle et du Code pénal continueront
d'être exécutées dans tout ce à quoi il n'est pas dérogé par la présente loi, notamment en ce qui
touche les attentats et complots contre la personne du roi et contre sa famille, et les crimes
tendant à troubler l'État par la guerre civile, tels qu'ils sont désignés dans la section II du
chapitre premier du livre III du Code pénal.
La présente loi, discutée, délibérée et adoptée par la chambre des pairs et par celle des
députés, et sanctionnée par nous cejourd'hui, sera exécutée comme loi de l'État ; voulons en
conséquence qu'elle soit gardée et observée dans tout notre royaume, terres et pays de notre
obéissance.
Si, donnons en mandement à nos cours et tribunaux, préfets, corps administratifs, et tous
autres, que les présentes ils gardent et maintiennent, fassent garder, observer et maintenir, et,
pour les rendre plus notoires à tous nos sujets, ils les fassent publier et enregistrer partout où
besoin sera ; car tel est notre désir ; et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous y
avons fait mettre notre scel.

Annexe n° 73 : Loi du 29 octobre 1815 relative à 
la sûreté générale, Moniteur Universel, mercredi 1er 
novembre 1815, n° 305, p. 1201.

Loi restrictive de la liberté individuelle.


Art. 1er : Tout individu, quelle que soit sa profession, civile, militaire ou autre, qui aura été
arrêté comme prévenu de crimes ou de délits contre la personne et l'autorité du roi, contre les
personnes de la famille royale ou contre la sûreté de l'État, pourra être détenu, jusqu'à
l'expiration de la présente loi, si avant cette époque, il n'a été traduit devant les tribunaux.
Art. 2 : Les mandats à décerner contre les individus prévenus d'un des crimes mentionnés à
l'article précédent, ne pourront l'être que par les fonctionnaires, à qui les lois confèrent ce
pouvoir ; il en sera par eux rendu compte dans les vingt-quatre heures au préfet du
département et par celui-ci au ministre de la police de générale, qui en référera au conseil du
roi.
Le fonctionnaire public qui aura délivré le mandat, sera tenu en outre d'en donner
connaissance, dans les vingt-quatre heures, au procureur du roi de l'arrondissement, lequel en
informera le procureur général, qui en instruira le ministre de la justice.
Art. 3 : Dans le cas où les motifs de prévention ne seraient pas assez graves pour déterminer
l'arrestation, le prévenu pourra provisoirement être renvoyé sous la surveillance de la haute
police, telle qu'elle est réglée au chapitre 3 du livre premier du Code pénal.
Art. 4 : Si la présente loi n'est pas renouvelée dans la prochaine session des chambres, elle
cessera de plein droit d'avoir son effet.
La présente loi, discutée, délibérée et adoptée par la chambre des pairs et par celle des députés
et sanctionnée par nous cejourd'hui, sera exécutée comme loi de l'État ; voulons, en
conséquence, qu'elle soit gardée et observée dans tout notre royaume, terres et pays de notre
obéissance.
Si donnons en mandement à nos cours et tribunaux, préfets, corps administratifs et tous autres,
que les présentes ils gardent et maintiennent, fassent garder, observer et maintenir et pour les
rendre plus notoires à tous nos sujets, ils les fassent publier et enregistrer partout où besoin
sera. Car tel est notre désir ; et afin que ce soit chose ferme et stable a toujours, nous y avons
fait mettre notre scel.
Signé Louis XVIII, le ministre secrétaire d'État au département de la police générale, Decazes
; et le garde des sceaux ministre de la justice, Barbé-Marbois.

Annexe n° 74 : Loi relative à la presse du 26 
mai 1819, Moniteur Universel, lundi 14 juin 1819, n° 
165, p. 782.

Loi relative à la poursuite et au jugement des crimes et délits commis par la voie de la presse,
ou par tout autre moyen de publication.
Art. 1er : La poursuite des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre
moyen de publication, aura lieu d'office et à la requête du ministère public, sous les
modifications suivantes.
Art. 2 : Dans les cas d'offense envers les chambres, ou l'une d'elles, par voie de publication, la
poursuite n'aura lieu qu'autant que la chambre qui se croira offensée l'aura autorisée.
Art. 3 : Dans le cas du même délit contre la personne des souverains et celle des chefs des
gouvernements étrangers, la poursuite n'aura lieu que sur la plainte ou à la requête du
souverain ou du chef de gouvernement qui se croira offensé.
Art. 4 : Dans les cas de diffamation ou d'injure contre les cours, tribunaux, ou autres corps
constitués, la poursuite n'aura lieu qu'après une délibération de ces corps prise en assemblée
générale et requérant les poursuites.
Art. 5 : Dans les cas des mêmes délits contre tout dépositaire ou agent de l'autorité publique,
contre tout agent diplomatique étranger, accrédité près du roi, ou contre tout particulier, la
poursuite n'aura lieu que sur la plainte de la partie qui se prétendra lésée.
Art. 6 : La partie publique, dans son réquisitoire, si elle poursuit d'office, ou le plaignant, dans
sa plainte, seront tenus d'articuler et de qualifier les provocations, attaques, offenses, outrages,
faits diffamatoires ou injures, à raison desquels est intentée, et ce, à peine de nullité de la
poursuite.
Art. 7 : Immédiatement après avoir reçu le réquisitoire ou la plainte, le juge d'instruction
pourra ordonner la saisie des écrits, imprimés, placards, dessins, gravures, peintures,
emblèmes ou autres instruments de publication.
L'ordre de saisir et le procès-verbal de saisie seront notifiés, dans les trois jours de ladite
saisie, à la personne entre les mains de laquelle la saisie aura été faite, à peine de nullité.
Art. 8 : Dans les huit jours de ladite notification, le juge d'instruction est tenu de faire son
rapport à la chambre du conseil, ainsi qu'il est dit au Code d'instruction criminelle, livre
premier, chapitre 9, sauf les dispositions ci-après.
Art. 9 : Si la chambre du conseil est unanimement d'avis qu'il n'y a pas lieu à poursuivre, elle
prononce la main levée de la saisie.
Art. 10 : Dans le cas contraire, ou dans le cas de pourvoi du procureur du roi ou de la partie
civile contre la décision de la chambre du conseil, les pièces sont transmises, sans délai, au
procureur général près la cour royale, qui est tenu, dans les cinq jours de la réception, de faire
son rapport à la chambre des mises en accusation, laquelle est tenue de prononcer dans les
trois jours dudit rapport.
Art. 11 : À défaut par la chambre du conseil du tribunal de première instance d'avoir prononcé
dans les dix jours de la notification du procès-verbal de saisie, la saisie sera de plein droit
périmée. Elle le sera également à défaut par la cour royale d'avoir prononcé sur cette même
saisie dans les dix jours du dépôt en son greffe de la requête que la partie saisie est autorisée à
présenter, à l'appui de son pourvoi, contre l'ordonnance de la chambre du conseil. Tous les
dépositaires des objets saisis seront tenus de les rendre au propriétaire sur la simple exhibition
du certificat des greffiers respectifs, constatant qu'il n'y a pas eu d'ordonnance ou d'arrêt dans
les délais ci-dessus prescrits.
Les greffiers sont tenus de délivrer ces certificats à la première réquisition, sous peine d'une
amende de 300 Francs, sans préjudice des dommages intérêts, s'il y a lieu.
Toutes les fois qu'il ne s'agira que d'un simple délit, la péremption de la saisie entraînera celle
de l'action publique.
Art. 12 : Dans les cas où les formalités prescrites par les lois et règlements concernant le
dépôt auront été remplies, les poursuites à la requête du ministère public ne pourront être
faites que devant les juges du lieu où le dépôt aura été opéré, ou de celui de la résidence du
prévenu.
En cas de contravention aux dispositions ci-dessus rappelées concernant le dépôt, les
poursuites pourront être faites soit devant le juge de la résidence du prévenu, soit dans les
lieux où les écrits et autres instruments de publication auront été saisis.
Dans tous les cas, la poursuite à la requête de la partie plaignante pourra être portée devant les
juges de son domicile, lorsque la publication y aura été effectuée.
Art. 13 : Les crimes et délits commis par la voie de la presse ou tout autre moyen de
publication, à l'exception de ceux désignés dans l'article suivant, seront renvoyés par la
chambre des mises en accusation de la cour royale devant la cour d'assises, pour être jugés à
la plus prochaine session. L'arrêt de renvoi sera de suite notifié au prévenu.
Art. 14 : Les délits de diffamation verbale ou d'injure verbale contre toute personne, et ceux
de diffamation ou d'injure par une voie de publication quelconque contre des particuliers,
seront jugés par les tribunaux de police correctionnelle, sauf les cas attribués aux tribunaux de
simple police.
Art. 15 : Sont tenues, la chambre du conseil du tribunal de première instance, dans le
jugement de mise en prévention, et la chambre des mises en accusation de la cour royale, dans
l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises, d'articuler et de qualifier les faits à raison desquels
lesdits prévention ou renvoi sont prononcés, à peine de nullité dédits jugement ou arrêt.
Art. 16 : Lorsque la mise en accusation aura été prononcée pour crimes commis par voie de
publication, et que l'accusé n'aura pu être saisi, ou qu'il ne se présentera pas, il sera procédé
contre lui, ainsi qu'il est prescrit au livre II, titre IV, du Code d'instruction criminelle, chapitre
des contumaces.
Art. 17 : Lorsque le renvoi à la cour d'assises avait été fait pour délits spécifiés dans la
présente loi, le prévenu, s'il n'est présent au jour fixé pour le jugement par l'ordonnance du
président, dûment notifiée audit prévenu ou à son domicile, dix jours au moins avant
l'échéance, outre un jour par cinq myriamètres de distance, sera jugé par défaut. La cour
statuera sans assistance ni intervention de jurés, tant sur l'action publique que sur l'action
civile.
Art. 18 : Le prévenu pourra former opposition à l'arrêt par défaut dans les dix jours de la
notification qui lui en aura été faite ou à son domicile, outre un jour par cinq myriamètres de
distance, à charge de notifier son opposition, tant au ministère public qu'à la partie civile.
Le prévenu supportera, sans recours, les frais de l'expédition et de la signification de l'arrêt
par défaut et de l'opposition, ainsi que de l'assignation et de la taxe des témoins appelés à
l'audience pour le jugement de l'opposition.
Art. 19 : Dans les cinq jours de la notification de l'opposition, le prévenu devra déposer au
greffe une requête tendant à obtenir du président de la cour d'assises une ordonnance fixant le
jour du jugement de l'opposition : cette ordonnance fixera le jour aux plus prochaines assises ;
elle sera signifiée, à la requête du ministère public, tant au prévenu qu'au plaignant, avec
assignation au jour fixé, dix jours au moins avant échéance. Faute par le prévenu de remplir
les formalités mises à sa charge par le présent article, ou de comparaître par lui-même ou par
un fondé de pouvoir au jour fixé par l'ordonnance, l'opposition sera réputée non avenue, et
l'arrêt par défaut sera définitif.
Art. 20 : Nul ne sera admis à prouver la vérité des faits diffamatoires, si ce n'est dans le cas
d'imputation contre des dépositaires ou agents de l'autorité, ou contre toutes personnes ayant
agi dans un caractère public, de faits relatifs à leurs fonctions.
Dans ce cas, les faits pourront être prouvés par devant la cour d'assises par toutes les voies
ordinaires, sauf la preuve contraire par les mêmes voies.
La preuve des faits imputés met l'auteur de l'implication à l'abri de toute peine, sans préjudice
des peines prononcées contre toute injure qui ne serait pas nécessairement dépendante des
mêmes faits.
Art. 21 : Le prévenu qui voudra être admis à prouver la vérité des faits dans le cas prévu par le
précédent article, devra, dans les huit jours qui suivront la notification de l'arrêt de renvoi
devant la cour d'assises, ou de l'opposition à l'arrêt par défaut rendu contre lui, faire signifier
au plaignant,
1° les faits articulés et qualifiés dans cet arrêt desquels il entend prouver la vérité ;
2° la copie des pièces ;
3° les noms, professions et demeures des témoins par lesquels il entend faire sa preuve.
Cette signification contiendra élection de domicile près la cour d'assises ; le tout à peine d'être
déchu de la preuve.
Art. 22 : Dans les huit jours suivants, le plaignant sera tenu de faire signifier au prévenu, au
domicile par lui élu, la copie des pièces, et les noms, professions et demeures des témoins par
lesquels il entend faire la preuve contraire ; le tout également sous peine de échéance.
Art. 23 : Le plaignant en diffamation ou injure pourra faire entendre des témoins qui
attesteront sa moralité : les noms, professions et demeures de ces témoins seront notifiés au
prévenu ou à son domicile, un jour au moins avant l'audition.
Le prévenu ne sera point admis à faire entendre des témoins contre la moralité du plaignant.
Art. 24 : Le plaignant sera tenu, immédiatement après l'arrêt de renvoi, d'élire domicile près la
cour d'assises, et de notifier cette élection au prévenu et au ministère public ; à défaut de quoi
toutes significations seront faites valablement au plaignant au greffe de la cour.
Lorsque le prévenu sera en état d'arrestation, toutes notifications, pour être valables, devront
lui être faites à personne.
Art. 25 : Lorsque les faits imputés seront punissables selon la loi, et qu'il y aura des poursuites
commencées à la requête du ministère public, ou que l'auteur de l'imputation aura dénoncé ces
faits, il sera, durant l'instruction, sursis à la poursuite et au jugement du délit de diffamation.
Art. 26 : Tout arrêt de condamnation contre les auteurs ou complices des crimes et délits
commis par voie de publication, ordonnera la suppression ou la destruction des objets saisis,
ou de tout ou en partie, suivant qu'il y aura lieu pour l'effet de la condamnation.
L'impression ou l'affiche de l'arrêt pourront être ordonnées aux frais du condamné.
Ces arrêts seront rendus publics dans la même forme que les jugements portant déclaration
d'absence.
Art. 27 : Quiconque, après que la condamnation d'un écrit, de dessins ou gravures, sera
réputée connue par la publication dans les formes prescrites par l'article précédent, les
réimprimera, vendra ou distribuera, subira le maximum de la peine qu'aurait pu encourir
l'auteur.
Art. 28 : Toute personne inculpée d'un délit commis par la voie de la presse, ou par tout autre
moyen de publication, contre laquelle il aura été décerné un mandat de dépôt ou d'arrêt,
obtiendra sa mise en liberté provisoire, moyennant caution. La caution à exiger de l'inculpé ne
pourra être supérieure au double du maximum de l'amende prononcée par la loi contre le délit
qui lui est imputé.
Art. 29 : L'action publique contre les crimes et délits commis par la voie de la presse, ou tout
autre moyen de publication, se prescrira par six mois révolus, à compter du fait de publication
qui donnera lieu à la poursuite.
Pour faire courir à cette prescription de six mois, la publication d'un écrit devra être précédée
du dépôt et de la déclaration que l'éditeur entend le publier.
S'il a été fait, dans cet intervalle, un acte de poursuite ou d'instruction, l'action publique ne se
prescrira qu'après un an, à compter du dernier acte, à l'égard même des personnes qui ne
seraient pas impliquées dans ces actes d'instruction ou de poursuite.
Néanmoins, dans le cas d'offense envers les chambres, le délai ne courra pas dans l'intervalle
de leurs sessions.
L'action civile ne se prescrira, dans tous les cas, que par la résolution de trois années, à
compter du fait de la publication.
Art. 30 : Les délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication, et
qui ne seraient point encore jugés, le seront suivants les formes prescrites par la présente loi.
Art. 31 : La loi du 28 février 1817 est abrogée.
Les dispositions du Code d'instruction criminelle auxquelles il n'est pas dérogé par la présente
loi, continueront d'être exécutées.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux H. de Serre.

Annexe n° 75 : Loi du 9 juin 1819 relative à la 
publication des journaux et écrits périodiques, 
Moniteur Universel, lundi 14 juin 1819, n° 165, p. 
782.

Art. 1er : Les propriétaires ou éditeurs de tout journal ou écrit périodique, consacré en tout ou
en partie aux nouvelles ou matières politiques, et paraissant, soit à jour fixe, soit par livraison
et irrégulièrement, mais plus d'une fois par mois, seront tenus,
1° de faire une déclaration indiquant le nom, au moins, d'un propriétaire ou éditeur
responsable, sa demeure, et l'imprimerie, dûment autorisée, dans laquelle journal ou l'écrit
périodique doit être imprimé ;
2° de fournir un cautionnement qui sera, dans les départements de la Seine, de Seine et Oise et
de Seine-et-Marne, de 10 000 Francs de rente pour les journaux quotidiens, et de 5000 Francs
de rente pour les journaux ou écrits périodique paraissant à des termes moins rapprochés ;
Et dans les autres départements, le cautionnement relatif aux journaux quotidiens sera de 2500
Francs de rente dans les villes de 50 000 âmes et au-dessus ; de 1500 Francs de rente dans les
villes au-dessous, et de la moitié de ces rentes pour les journaux ou écrits périodiques qui
paraissent à des termes moins rapprochés.
Les cautionnements pourront être également effectués à la caisse des consignations, en y
versant le capital de la rente au cours du jour du dépôt.
Art. 2 : La responsabilité des auteurs ou éditeurs indiqués dans la déclaration s'étendra à tous
les articles insérés dans le journal ou écrit périodique, sans préjudice de la solidarité des
auteurs ou rédacteurs desdits articles.
Art. 3 : Le cautionnement sera affecté, par privilège, aux dépens, dommages intérêts et
amendes auxquelles les propriétaires ou éditeurs pourront être condamnés : le prélèvement
s'opérera dans l'ordre indiqué au présent article. En cas d'insuffisance, il y aura lieu à recours
solidaire sur les biens des propriétaires ou éditeurs déclarés responsables du journal ou écrit
périodique, et des auteurs et rédacteurs des articles condamnés.
Art. 4 : Les condamnations encourues devront être acquittées et le cautionnement libéré ou
complété dans les quinze jours de la notification de l'arrêt ; les quinze jours révolus sans que
la libération ou le complètement ait été opéré, et jusqu'à ce qu'il le soit, le journal ou écrit
périodique cessera de paraître.
Art. 5 : Au moment de la publication de chaque feuille ou livraison du journal ou écrit
périodique, il en sera remis, à la préfecture pour les chefs-lieux de département, à la sous-
préfecture pour ceux d'arrondissement, et dans les autres villes, à la mairie, un exemplaire
signé d'un propriétaire ou éditeur responsable.
Cette formalité ne pourra ni retarder ni suspendre le départ ou la distribution du journal ou
écrit périodique.
Art. 6 : Quiconque publiera un journal ou écrit périodique sans avoir satisfait aux conditions
prescrites par les articles 1, 4 et 5 de la présente loi, sera puni correctionnellement d'un
emprisonnement d'un mois à six mois, et d'une amende de 200 Francs à 1200 Francs.
Art. 7 : Les éditeurs de tout journal ou écrit périodique ne pourront rendre compte des séances
secrètes des chambres, ou de l'une d'elles sans que leur autorisation.
Art. 8 : Tout journal sera tenu d'insérer les publications officielles qui lui seront adressées, à
cet effet, par le gouvernement, le lendemain du jour de l'envoi de ces pièces, sous la seule
condition du paiement des frais d'insertion.
Art. 9 : Les propriétaires ou éditeurs responsables d'un journal ou écrit périodique, ou auteurs
ou rédacteurs d'articles imprimés dans ledit journal ou écrit, prévenus de crimes ou délits pour
fait de publication, seront poursuivis et jugés dans les formes et suivant les distinctions
prescrites à l'égard de toutes les autres publications.
Art. 10 : En cas de condamnation, les mêmes peines seront appliquées : toutefois les amendes
pourront être élevées au double, et, en cas de récidive, portées au quadruple, sans préjudice
des peines de la récidive prononcées par le Code pénal.
Art. 11 : Les éditeurs du journal ou écrit périodique seront tenus d'insérer dans l'une des
feuilles ou des livraisons qui paraîtront dans le mois du jugement ou de l'arrêt intervenu
contre eux, extrait contenant les motifs et le dispositif dudit jugement ou arrêt.
Art. 12 : La contravention aux articles 7, 8 et 11 de la présente loi, sera punie
correctionnellement d'une amende de 100 Francs à 1000 Francs.
Art. 13 : Les poursuites auxquelles pourront donner lieu les contraventions aux articles 7, 8 et
11 de la présente loi, se prescriront par le laps de trois mois, à compter de la contravention, ou
de l'interruption des poursuites s'il y en a de commencées en temps utile.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux H. de Serre.
Annexe n° 76 : Adresse de la Chambre des 
députés au roi, Moniteur Universel, mardi 15 
février 1820, n° 46, p. 183.

Adresse de la Chambre des députés au roi, à l’occasion de la mort du duc de Berry.


« Nous n’essayerons pas de peindre l’horreur que cause à vos fidèles sujets de la Chambre
des députés, l’attentat qu’a enfanté la dernière nuit. Nous venons mêler notre douleur à la
douleur de Votre Majesté. Déjà la consternation répandue dans toutes les classes du peuple de
cette capitale s’est jointe à l’indignation publique. En voyant qu’une main parricide a porté la
mort dans le sein du prince que nous pleurons, la France formera le vœu de voir resserrer les
liens qui unissent le peuple français à votre auguste Maison, sans laquelle ni la liberté ni la
paix publique ne peuvent subsister.
Mais Votre Majesté attend de ses fidèles sujets de la Chambre plus de force d’âme ; le
caractère du crime, les suites qu’il peut avoir, tout nous porte à penser que Votre Majesté
veille au salut de son peuple, comme nous veillerons à la conservation de sa dynastie.
C’est dans l’adversité surtout que les rois se montrent au dessus des autres hommes.
Persuadés que la grande âme de Votre Majesté surmonte sa douleur pour prévenir les
conséquences d’une exécrable forfait, nous sommes prêts à concourir avec autant d’énergie
que de dévouement, dans l’ordre de nos devoirs constitutionnels, aux mesures que la sagesse
de Votre Majesté jugera nécessaires en de si graves circonstances ».

Annexe n° 77 : Loi des 17 et 18 mars 1822 
relative à la police des journaux et écrits 
périodiques, Moniteur Universel, lundi 18 mars 
1822, n° 77, p. 411.
Art. 1er : Nul journal ou écrit périodique, consacré en tout ou en partie aux nouvelles ou
matières politiques, et paraissant soit régulièrement et à jour fixe, soit par livraison ou
irrégulièrement, ne pourra être établi et publié sans l'autorisation du roi.
Cette disposition n'est pas applicable aux journaux et écrits périodiques existant le 1er janvier
1822.
Art. 2 : Le premier exemplaire de chaque feuille ou livraison des écrits périodiques et
journaux sera, à l'instant même de son tirage, remis et déposé au parquet du procureur du roi
du lieu de l'impression.
Cette remise tiendra lieu de celle qui était prescrite par l'article 5 de la loi du 9 juin 1819.
Art. 3 : Dans le cas où l'esprit d'un journal ou écrit périodique, résultant d'une succession
d'articles, serait de nature à porter atteinte à la paix publique, au respect dû à la religion de
l’État ou aux autres religions légalement reconnues en France, à l'autorité du roi, à la stabilité
des institutions constitutionnelles, à l'inviolabilité des ventes des domaines nationaux et à la
tranquille possession de ces biens, les cours royales dans le ressort desquelles ils seront
établis, pourront, en audience solennelle de deux chambres, et après avoir entendu le
procureur général et les parties, prononcer la suspension du journal ou écrit périodique
pendant un temps qui ne pourra excéder un mois pour la première fois et trois mois pour la
seconde. Après ces deux suspensions, et en cas de nouvelle récidive, la suppression définitive
pourra être ordonnée.
Art. 4 : Si dans l'intervalle des sessions des chambres, des circonstances graves rendaient
momentanément insuffisantes les mesures de garantie et de répression établies, les lois des 31
mars 1820 et 26 juillet 1821 pourront être remises immédiatement en vigueur, en vertu d'une
ordonnance du roi, délibérée en conseil et contresignée par trois ministres.
Cette disposition cessera de plein droit un mois après l'ouverture de la session des chambres,
si, pendant ce délai, elle n'a pas été convertie en loi.
Elle cessera pareillement de plein droit le jour où serait publiée une ordonnance qui
prononcerait la dissolution de la chambre des députés.
Art. 5 : Les dispositions des lois antérieures auxquelles il n'est pas dérogé par la présente,
continueront d'être exécutées.
Signé Louis XVIII ; et le garde des sceaux de France, ministre secrétaire d'état au département
de la justice, de Peyronnet.
Annexe n° 78 : Loi du 18 juillet 1828 relative 
aux journaux et écrits périodiques, Moniteur 
Universel, jeudi 24 juillet 1828, n° 206, p. 1191.

Art. 1er : Tout Français majeur, jouissant des droits civils, pourra, sans autorisation préalable,
publier un journal ou écrit périodique, en se conformant aux dispositions de la présente loi.
Art. 2 : Le propriétaire ou les propriétaires de tout journal ou écrit périodique seront tenus,
avant sa publication, de fournir un cautionnement.
Si le journal ou écrit périodique paraît plus de deux fois par semaine, soit à jour fixe, soit par
livraisons et irrégulièrement, le cautionnement sera de 6000 Francs de rentes.
Le cautionnement sera égal aux trois-quarts du taux fixé, si le journal ou écrit périodique ne
paraît que deux fois par semaine.
Il sera égal à la moitié de ce cautionnement, si le journal ou écrit périodique ne paraît qu'une
fois par semaine.
Il sera égal au quart, si le journal ou écrit périodique paraît seulement plus d'une fois par mois.
Le cautionnement des journaux quotidiens publiés dans les départements autres que ceux de la
Seine, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne, sera de 2000 Francs de rentes dans les villes de
50 000 âmes et au-dessus, de 1200 Francs de rentes dans les autres villes, et de la moitié de
ces rentes pour les journaux ou écrits périodiques qui paraissent à des termes moins
rapprochés.
Art. 3 : Seront exempts de tout cautionnement,
1° les journaux ou écrits périodiques qui ne paraissent qu'une fois par mois ou plus rarement ;
2° les journaux ou écrits périodiques exclusivement consacrés, soit aux sciences
mathématiques, physiques et naturelles, soit aux travaux et recherches d'érudition, soit aux
arts mécaniques et libéraux, c'est-à-dire aux sciences et aux arts dont s'occupent les trois
Académies des sciences, des inscriptions le est des beaux-arts de l'Institut royal ;
3° les journaux ou écrits périodiques étrangers aux matières politiques, et exclusivement
consacrés aux lettres ou à d'autres branches de connaissances non spécifiées précédemment,
pourvu qu'ils ne paraissent au plus que deux fois par semaine ;
4° tous les écrit périodiques étrangers aux matières politiques et qui seront publiés dans une
autre langue que la langue française ;
5° les feuilles périodiques exclusivement consacrées aux avis, annonces, affiches judiciaires,
ouvrages maritimes, mercuriales et prix courants.
Toute contravention aux dispositions du présent article et du précédent sera punie
conformément à l'article 6 de la loi du 9 juin 1819.
Art. 4 : En cas d'association, la Société devra être l'une de celles qui sont définies et régies par
le Code de commerce.
Hors le cas où le journal serait publié par une Société anonyme, les associés seront tenus de
choisir entre eux un, deux ou trois gérants, qui, aux termes des articles 22 et 24 du Code de
commerce, auront chacun individuellement la signature.
Si l'un des gérants responsables vient à décéder ou à cesser ses fonctions par une cause
quelconque, les propriétaires seront tenus, dans le délai de deux mois, de le remplacer, ou de
réduire par un acte revêtu des mêmes formalités que celui de société, le nombre de leurs
gérants. Ils auront aussi, dans les limites ci-dessus déterminées, le droit d'augmenter ce
nombre en remplissant les mêmes formalités.
S'ils n'en avaient constitué qu'un seul, ils seront tenus de le remplacer dans les quinze jours
qui suivront son décès ; faute par eux de le faire, le journal ou écrit périodique cessera de
paraître, à peine de 1000 Francs d'amende pour chaque feuille ou livraison qui serait publiée
après l'expiration de ce délai.
Art. 5 : Les gérants responsables, ou l'un ou deux d'entre eux, surveilleront et dirigeront par
eux-mêmes la rédaction du journal ou écrit périodique.
Chacun des gérants responsables devra avoir les qualités requises par l'article 980 du Code
civil, être propriétaire au moins d'une part ou action dans l'entreprise, et posséder en son
propre et privé nom 1/4 au moins du cautionnement.
Art. 6 : Aucun journal ou écrit périodique soumis au cautionnement par les dispositions de la
présente loi ne pourra être publié, s'il n'a été fait préalablement une déclaration contenant,
1° le titre du journal ou écrit périodique, et les époques auxquelles il doit paraître ;
2° le nom de tous les propriétaires autres que les commanditaires, leur demeure, leur part dans
l'entreprise ;
3° le nom et la demeure des gérants responsables ;
4° l'affirmation que ces propriétaires et gérants réunissent les conditions de capacité prescrites
par la loi ;
5° l'indication de l'imprimerie dans laquelle le journal ou écrit périodique devra être imprimé.
Toutes les fois qu'il surviendra quelque mutation, soit dans le titre du journal ou dans les
conditions de sa périodicité, soit parmi les propriétaires ou les gérants responsables, il en sera
fait déclaration devant l'autorité compétente dans les quinze jours qui suivront la mutation, à
la diligence des gérants responsables. En cas de négligence, ils seront punis d'une amende de
500 Francs.
Il en sera de même si le journal ou écrit périodique venait à être imprimé dans une autre
imprimerie que celle qui a été originairement déclarée.
Dans le cas où l'entreprise aurait été formée par une seule personne, le propriétaire, s'il réunit
les qualités requises par le paragraphe 2 de l'article 5, sera en même temps le gérant
responsable du journal.
Dans le cas contraire, il sera tenu de présenter un gérant responsable, conformément à l'article
5.
Les journaux exceptés du cautionnement seront tenus de faire la déclaration préalable
prescrite par les numéros 1, 2 et 5 du premier paragraphe du présent article.
Art. 7 : Ces déclarations seront accompagnées du dépôt des pièces justificatives : elles seront
signées par chacun des propriétaires du journal ou écrit périodique, par le fondé de pouvoir de
chacun d'eux. Elles seront reçues à Paris à la direction de la librairie, et dans les départements
au secrétariat général de la préfecture.
Art. 8 : Chaque numéro de l'écrit périodique sera signé en minute par le propriétaire, s'il est
unique ; par l'un des gérants responsables, si l'écrit périodique est publié par une Société en
nom collectif ou en commandite ; et par l'un des administrateurs, s'il est publié par une
Société anonyme.
L'exemplaire signé pour minute sera, au moment de la publication, déposé au parquet du
procureur du roi du lieu de l'impression, ou à la mairie dans les villes où il n'y a pas de
tribunal de première instance, à peine de 500 Francs d'amende contre les gérants. Il sera
donné récépissé du dépôt.
La signature sera imprimée au bas de tous les exemplaires, à peine de 500 Francs d'amende
contre l'imprimeur, sans que la révocation du brevet puisse s'ensuivre.
Les signataires de chaque feuille ou livraison seront responsables de son contenu et passibles
de toutes les peines portées par la loi à raison de la publication des articles ou passages
incriminés, sans préjudice de la poursuite contre l'auteur ou les auteurs desdits articles ou
passages, comme complices. En conséquence, les poursuites judiciaires pourront être dirigées,
tant contre les signataires des feuilles ou livraisons, que contre l'auteur ou les auteurs des
passages incriminés, si ces auteurs peuvent être connus ou mis en cause.
Art. 9 : Il est accordé aux propriétaires actuels des journaux existants, sans qu'on puisse leur
opposer les dispositions de l'article premier, un délai de six mois, à dater de la promulgation
de la présente loi, pour présenter un, deux ou trois gérants responsables, réunissant les
conditions requises par les articles précédents, et faire la déclaration prescrite par l'article 6.
Si ces gérants responsables ne possèdent pas en propre le quart du cautionnement, ils seront
admis à justifier que, outre leur part dans l'entreprise, ils sont vrais et légitimes propriétaires
d'immeubles payant au moins 500 Francs de contributions directes, si le journal est publié
dans les départements de la Seine, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne, et 150 Francs dans
les autres départements. Ces immeubles devront être libres de toute hypothèque.
En ce cas, il sera fait mention expresse de cette circonstance dans la déclaration.
Art. 10 : En cas de contestation sur la régularité ou la sincérité de la déclaration prescrite par
l'article 6 et des pièces à l'appui, il sera statué par les tribunaux, à la diligence du préfet, sur
mémoire, sommairement et sans frais, la partie ou son défenseur et le ministère public
entendus.
Si le journal n'a point encore paru, il sera sursis à la publication jusqu'au jugement à
intervenir, lequel sera exécutoire nonobstant appel.
Art. 11 : Si la déclaration prescrite par l'article 6 et reconnue fausse et frauduleuse en
quelqu'une de ses parties, le journal cessera de paraître. Les auteurs de la déclaration seront
punis d'une amende dont le minimum sera d'une somme égale au dixième, et le maximum,
d'une somme égale à la moitié du cautionnement.
Art. 12 : Dans le cas où un journal ou écrit périodique est établi et publié par un seul
propriétaire, si ce propriétaire vient à mourir, sa veuve ou ses héritiers auront un délai de trois
mois pour présenter un gérant responsable ; ce gérant devra être propriétaire d'immeubles
libres de toute hypothèque et payant au moins 500 Francs de contributions directes, si le
journal est publié dans les départements de la Seine, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne, et
150 Francs dans les autres départements.
Le gérant que la veuve ou les héritiers seront admis à présenter, devra réunir les conditions
requises par l'article 980 du Code civil.
Dans les dix jours du décès, la veuve ou les héritiers seront tenus de présenter un rédacteur,
qui sera responsable du journal jusqu'à ce que le gérant soit accepté.
Le cautionnement du propriétaire décédé demeurera affecté à la gestion.
Art. 13 : Les condamnations pécuniaires prononcées soit contre les signataires responsables,
soit contre l'auteur ou les auteurs des passages incriminés, seront prélevés, 1° sur la portion du
cautionnement appartenant en propre aux signataires responsables, 2° sur le reste du
cautionnement dans le cas où celle-ci serait insuffisante, sans préjudice, pour le surplus, des
règles établies par les articles 3 et 4 de la loi du 9 juin 1819.
Art. 14 : Les amendes, autres que celles portées par la présente loi, qui auront été encourues
pour délit de publication par la voie d'un journal ou écrit périodique, ne seront jamais
moindres du double du minimum fixé par les lois relatives à la répression des délits de la
presse.
Art. 15 : En cas de récidive par le même gérant et dans les cas prévus par l'article 58 du Code
pénal, indépendamment des dispositions de l'article 10 de la loi du 9 juin 1819, les tribunaux
pourront, suivant la gravité du délit, prononcer la suspension du journal ou écrit périodique
pour un temps qui ne pourra excéder deux mois, ni être moindre de dix jours. Pendant ce
temps, le cautionnement continuera à demeurer en dépôt à la caisse des consignations, et il ne
pourra recevoir une autre destination.
Art. 16 : Dans les procès qui ont pour objet la diffamation, si les tribunaux ordonnent, aux
termes de l'article 64 de la Charte, que les débats auront lieu à huis clos, les journaux ne
pourront, à peine de 2000 Francs d'amende, publier les faits de diffamation, ni donner l'extrait
des mémoires ou écrits quelconques qui les contiendraient.
Dans toutes les affaires civiles ou criminelles où un huis clos aura été ordonné, ils ne
pourront, sous la même peine, publier que le prononcé du jugement.
Art. 17 : Lorsqu'aux termes du dernier paragraphe de l'article 23 de la loi du 17 mai 1819, les
tribunaux auront, pour les faits diffamatoires étrangers à la cause, réservé, soit l'action
publique, soit l'action civile des parties, les journaux ne pourront, sous la même peine, publier
ces faits, ni l'extraits des mémoires qui les contiendraient.
Art. 18 : La loi du 17 mars 1822, relative à la police des journaux et écrits périodiques, est
abrogée.
Signé Charles X et le pair de France, garde des sceaux, ministre secrétaire d'État au
département de la justice, le comte Portalis.

Annexe n° 79 : Loi du 12 avril 1831 relative aux 
attroupements, Moniteur Universel, mardi 12 avril 
1831, n° 102, p. 771.

Art. 1er : Toutes personnes qui formeront des attroupements sur les places ou sur la voie
publique, seront tenues de se disperser à la première sommation des préfets, sous-préfets,
maires, adjoints de maires, ou de tous magistrats et officiers civils chargés de la police
judiciaire, autres que les gardes champêtres et gardes forestiers.
Si l'attroupement ne se disperse pas, les sommations seront renouvelées trois fois. Chacune
d'elles sera précédée d'un roulement de tambour ou d'un son de trompe. Si les trois
sommations sont demeurées inutiles, il pourra être fait emploi de la force, conformément à la
loi du 3 août 1791.
Les maires et adjoints de la ville de Paris ont le droit de requérir la force publique et de faire
les sommations.
Les magistrats chargés de faire lesdites sommations, seront décorés d’une écharpe tricolore.
Art. 2 : Les personnes qui, après la première des sommations prescrites par le second
paragraphe de l’article précédent, continueront à faire partie d'un attroupement, pourront être
arrêtées et seront traduites, sans délai, devant les tribunaux de simple police, pour y être
punies des peines portées au Chapitre 1er du Livre IV du Code pénal.
Art. 3 : Après la seconde sommation, la peine sera de trois mois d’emprisonnement au plus, et
après la troisième, si le rassemblement ne s’est pas dissipé, la peine pourra être élevée jusqu’à
un an de prison.
Art. 4 : La peine sera celle d'un emprisonnement de trois mois à deux ans, 1° contre les chefs
et les provocateurs de l'attroupement, s'il ne s'est point entièrement dispersé après la troisième
sommation ; 2° contre tous individus porteurs d'armes apparentes ou cachées, s'ils ont
continué à faire partie de l'attroupement après la première sommation.
Art. 5 : Si les individus condamnés en vertu des deux articles précédents, n'ont par leur
domicile dans le lieu où l'attroupement a été formé, le jugement ou l'arrêt qui les condamnera
pourra les obliger, à l’expiration de leur peine, à s'éloigner de ce lieu à un rayon de dix
myriamètres, pendant un temps qui n'excédera pas une année, si mieux ils n'aiment retourner à
leur domicile.
Art. 6 : Tout individu qui, au mépris de l'obligation à lui imposée par le précédent article,
serait retrouvé dans les lieux à lui interdits, sera arrêté, traduit devant le tribunal de police
correctionnelle et condamné à un emprisonnement qui ne pourra excéder le temps restant à
courir pour son éloignement du lieu où aura été commis le délit originaire.
Art. 7 : Toute arme saisie sur une personne faisant partie d’un attroupement sera, en cas de
condamnation, déclarée définitivement acquise à l’État.
Art. 8 : Si l’attroupement a un caractère politique, les coupables des délits prévus par les
articles 3 et 4 de la présente loi, pourront être interdits pendant trois ans au plus, en tout ou en
partie, de l’exercice des droits mentionnés dans les quatre premiers paragraphes de l’article 42
du Code pénal.
Art. 9 : Toutes personnes qui auraient continué à faire partie d’un attroupement après les trois
sommations, pourront, pour ce seul fait, être déclarées civilement et solidairement
responsables des condamnations pécuniaires qui seront prononcées pour réparation des
dommages causés par l’attroupement.
Art. 10 : La connaissance des délits énoncés aux articles 3 et 4 de la présente loi, est attribuée
aux tribunaux de police correctionnelle, excepté dans le cas où l’attroupement ayant un
caractère politique, les prévenus devront être, aux termes de la Charte constitutionnelle et de
la loi du 8 octobre 1830, renvoyés devant la Cour d’assises.
Art. 11 ; Les peines portées par la présente loi, seront prononcées sans préjudice de celles
qu’auraient encourues, aux termes du Code pénal, les auteurs et les complices des délits et des
crimes commis par l’attroupement. Dans le cas du concours de deux peines, la plus grave
seule sera appliquée.
Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, Barthe.
Annexe n° 80 : Loi du 9 septembre 1835, 
Moniteur Universel, jeudi 10 septembre 1835, n° 
253, p. 2075.

Loi relative aux crimes, délits et contraventions de la presse et autres moyens de publication.
Titre I - Des crimes, délits et contraventions.
Art. 1er : Toute provocation, par l’un des moyens énoncés en l’article 1 er de la loi du 17 mai
1819, aux crimes prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal, soit qu’elle ait été ou non
suivie d’effet, est un attentat à la sûreté de l’État.
Si elle a été suivie d’effet, elle sera punie conformément à l’article 1 er de la loi du 17 mai
1819.
Si elle n’a pas été suivie d’effet, elle sera punie de la détention et d’une amende de dix mille à
cinquante mille francs.
Dans l’un comme dans l’autre cas, elle pourra être déférée à la Chambre des pairs,
conformément à l’article 28 de la Charte.
Art. 2 : L’offense au roi, commise par les mêmes moyens, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la
haine ou au mépris de sa personne ou de son autorité constitutionnelle, est un attentat à la
sûreté de l’État.
Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes
de l’article précédent.
Art. 3 : Toute autre offense au roi sera punie conformément à l’article 9 de la loi du 17 mai
1819.
Art. 4 : Quiconque fera remonter au roi le blâme ou la responsabilité des actes de son
gouvernement sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de cinq
cents à cinq mille francs.
Art. 5 : L’attaque contre le principe ou la forme du gouvernement établi par la Charte de
1830, tels qu’ils sont définis par la loi du 29 novembre 1830, est un attentat à la sûreté de
l’État, lorsqu’elle a pour but d’exciter à la destruction ou au changement du gouvernement.
Celui qui s’en rendra coupable sera jugé et puni conformément aux deux derniers paragraphes
de l’article 1er.
Art. 6 : Toute autre attaque prévue par la loi du 29 novembre 1830 continuera d’être punie
conformément aux dispositions de cette loi.
Art. 7 : Seront punis des peines prévues par l’article précédent, ceux qui auront fait
publiquement acte d’adhésion à toute autre forme de gouvernement, soit en attribuant des
droits au Trône de France aux personnes bannies à perpétuité par la loi du 10 avril 1832, ou à
tout autre que Louis-Philippe 1er et sa descendance ;
Soit en prenant la qualification de républicain ou toute autre incompatible avec la Charte de
1830 ;
Soit en exprimant le vœu, l’espoir ou la menace de la destruction de l’ordre monarchique
constitutionnel, ou de la restauration de la dynastie déchue.
Art. 8 : Toute attaque contre la propriété, le serment, le respect dû aux lois ; toute apologie de
faits qualifiés crimes et délits par la loi pénale ; toute provocation à la haine entre les diverses
classes de la société, sera punie des peines portées par l’article 8 de la loi du 17 mai 1819.
Néanmoins, dans les cas prévus par le paragraphe précédent et par l’article 8 de la loi précitée,
les tribunaux pourront, selon les circonstances, élever les peines jusqu’au double du
maximum.
Art. 9 : Dans tous les cas de diffamation prévus par les lois, les peines qui sont portées
pourront, suivant la gravité des circonstances, être élevées au double du maximum, soit pour
l’emprisonnement, soit pour l’amende. Le coupable pourra, en outre, être interdit, en tout ou
partie, des droits mentionnés dans l’article 42 du Code pénal, pendant un temps égal à la
durée de l’emprisonnement.
Art. 10 : Il est interdit aux journaux et écrits périodiques de rendre compte des procès pour
outrages ou injures, et des procès en diffamation, où la preuve des faits diffamatoires n’est pas
admise par la loi ; ils pourront seulement annoncer la plainte sur la demande du plaignant ;
dans tous les cas, ils pourront insérer le jugement.
Il est interdit de publier les noms des jurés, excepté dans le compte rendu de l’audience où le
jury aura été constitué.
Il est interdit de rendre compte des délibérations intérieures, soit des jurés, soit des cours et
tribunaux.
L’infraction à ces diverses prohibitions sera poursuivie devant les tribunaux correctionnels, et
punie d’un emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende de cinq cents à cinq mille
francs.
Art. 11 : Il est interdit d’ouvrir ou annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet
d’indemniser des amendes, frais, dommages et intérêts prononcés par des condamnations
judiciaires. Cette infraction sera jugée et punie comme il est dit à l’article précédent.
Art. 12 : Les dispositions de l’article 10 de la loi du 9 juin 1819 sont applicables à tous les cas
prévus par la présente loi. En cas de seconde ou ultérieure condamnation contre le même
gérant ou contre le même journal dans le cours d’une année, les cours et tribunaux pourront
prononcer la suspension du journal pour un temps qui n’excédera pas deux mois, suivant la loi
du 18 juillet 1828. Cette suspension pourra être portée à quatre mois si la condamnation a eu
lieu pour crime.
Les peines prononcées par la présente loi et par les lois précédentes sur la presse et autres
moyens de publication, ne se confondront point entre elles, et seront toutes intégralement
subies lorsque les faits qui y donneront lieu seront postérieurs à la présente poursuite.
Titre II. Du gérant des journaux et écrits périodiques.
Art. 13 : Le cautionnement que les propriétaires de tout journal ou écrit périodique sont tenus
de fournir sera versé, en numéraire, au Trésor, qui en paiera l’intérêt au taux réglé pour les
cautionnements.
Le taux de ce cautionnement est fixé comme il suit :
Si le journal ou écrit périodique paraît plus de deux fois par semaine, soit à jour fixe, soit par
livraison et irrégulièrement, le cautionnement sera de cent mille francs.
Le cautionnement sera de soixante-quinze mille francs, si le journal ou écrit périodique ne
paraît que deux fois par semaine.
Il sera de cinquante mille francs, si le journal ou écrit périodique ne paraît qu’une fois la
semaine.
Il sera de vingt-cinq mille francs, si le journal ou écrit périodique paraît seulement plus d’une
fois par mois.
Le cautionnement des journaux quotidiens, publiés dans les départements autres que ceux de
la Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, sera de vingt-cinq mille francs dans les villes de
cinquante mille âmes et au-dessus.
Il sera de quinze mille francs dans les villes au-dessous, et respectivement de la moitié de ces
deux sommes, pour les journaux et écrits périodiques qui paraissent à des termes moins
rapprochés.
Il est accordé aux propriétaires des journaux ou écrits périodiques actuellement existants, un
délai de quatre mois pour se conformer à ces dispositions.
Art. 14 : Continueront à être dispensés de tout cautionnement les journaux et écrits
périodiques mentionnés en l’article 3 de la loi du 18 juillet 1828.
Art. 15 : Chaque gérant responsable d’un journal ou écrit périodique devra posséder, en son
propre et privé nom, le tiers du cautionnement.
Dans le cas où, soit des cessions totales ou partielles de la portion du cautionnement
appartenant à un gérant, soit des jugements passés en force de chose jugée, prononçant la
validité de saisies-arrêts formées sur ce cautionnement, seraient signifiées au Trésor, le gérant
sera tenu de rapporter, dans les quinze jours de la notification qui lui en sera faite, soit la
rétrocession, soit la mainlevée de la saisie-arrêt ; faute de quoi le journal devra cesser de
paraître, sous les peines portées en l’article 6 de la loi du 9 juin 1819.
Art. 16 : Conformément à l’article 8 de la loi du 18 juillet 1828, le gérant d’un journal ou écrit
périodique sera tenu de signer, en minute, chaque numéro de son journal.
Toute infraction à cette disposition sera poursuivie devant les tribunaux correctionnels, et
punie d’une amende de cinq cents francs à trois mille francs.
Art. 17 : L’insertion des réponses et rectifications prévues par l’article 11 de la loi du 25 mars
1822 devra avoir lieu dans le numéro qui suivra le jour de la réception ; elle aura lieu
intégralement, et sera gratuite ; le tout sous les peines portées par ladite loi.
Toutefois, si la réponse a plus du double de la longueur de l’article auquel elle sera faite, le
surplus de l’insertion sera payé suivant le tarif des annonces.
Art. 18 : Tout gérant sera tenu d’insérer, en tête du journal, les documents officiels, relations
authentiques, renseignements et rectifications qui lui seront adressés par tout dépositaire de
l’autorité publique ; la publication devra avoir lieu le lendemain de la réception des pièces,
sous la seule condition du paiement des frais d’insertion.
Toute autre insertion réclamée par le gouvernement, par l’intermédiaire des préfets, sera faite
de la même manière, sous la même condition, dans le numéro qui suivra le jour de la
réception des pièces.
Les contrevenants seront punis par les tribunaux correctionnels, conformément à l’article 11
de la loi du 25 mars 1822.
Art. 19 : En cas de condamnation contre un gérant pour crime, délit ou contravention de la
presse, la publication du journal ou écrit périodique ne pourra avoir lieu, pendant toute la
durée des peines d’emprisonnement et l’interdiction des droits civils, que par un autre gérant
remplissant toutes les conditions exigées par la loi.
Si le journal n’a qu’un gérant, les propriétaires auront un mois pour en présenter un nouveau,
et, dans l’intervalle, ils seront tenus de désigner un rédacteur responsable. Le cautionnement
entier demeurera affecté à cette responsabilité.
Titre III - Des dessins, gravures, lithographies et emblèmes.
Art. 20 : Aucun dessin, aucunes gravures, lithographies, médailles et estampes, aucun
emblème, de quelque nature et espèce qu’ils soient, ne pourront être publiés, exposés ou mis
en vente sans l’autorisation préalable du ministre de l’intérieur, à Paris, et des préfets, dans les
départements.
En cas de contravention, les dessins, gravures, lithographies, médailles, estampes ou
emblèmes pourront être confisqués, et le publicateur sera condamné, par les tribunaux
correctionnels, à un emprisonnement d’un mois à un an, et à une amende de cent francs à
mille francs, sans préjudice des poursuites auxquelles pourraient donner lieu la publication,
l’exposition et la mise en vente desdits objets.
Titre IV - Des théâtres et des pièces de théâtre.
Art. 21 : Il ne pourra être établi, soit à Paris, soit dans les départements, aucun théâtre ni
spectacle, de quelque nature qu’ils soient, sans l’autorisation préalable du ministre de
l’intérieur, à Paris, et des préfets, dans les départements.
La même autorisation sera exigée pour les pièces qui y seront représentées.
Toute contravention au présent article sera punie par les tribunaux correctionnels, d’un
emprisonnement d’un mois à un an, et d’une amende de mille francs à cinq mille francs, sans
préjudice, contre les contrevenants, des poursuites auxquelles pourront donner lieu les pièces
représentées.
Art. 22 : L’autorité pourra toujours, pour des motifs d’ordre public, suspendre la
représentation d’une pièce, et même ordonner la clôture provisoire du théâtre.
Ces dispositions et celles contenues en l’article précédent sont applicables aux théâtres
existants.
Art. 23 : Il sera pourvu, par un règlement d’administration publique, qui sera converti en loi
dans la session de 1837, au mode d’exécution des dispositions précédentes, qui n’en
demeurent pas moins exécutoires à compter de la promulgation de la présente loi.
Titre V - De la poursuite et du jugement.
Art. 24 : Le ministère public aura la faculté de faire citer directement à trois jours les prévenus
devant la Cour d’assises, même lorsqu’il y aura eu saisie préalable des écrits, dessins,
gravures, lithographies, médailles ou emblèmes. Néanmoins la citation ne pourra être donnée,
dans ce dernier cas, qu’après la signification, au prévenu, du procès-verbal de saisie.
Art. 25 : Si, au jour fixé par la citation, le prévenu ne se présente pas, il sera statué par défaut.
L’opposition à cet arrêt devra être formée dans les cinq jours, à partir de la signification, à
peine de nullité.
L’opposition emportera, de plein droit, citation à la première audience.
Toute demande en renvoi devra être présentée à la cour avant l’appel et le tirage au sort des
jurés.
Lorsque cette dernière opération aura commencé en présence du prévenu, l’arrêt à intervenir
sur le fond sera définitif et non susceptible d’opposition, quand même il se retirerait de
l’audience après le tirage du jury ou durant le cours des débats.
Art. 26 : Le pourvoi en cassation contre les arrêts qui auront statué tant sur les questions de
compétence que sur des incidents, ne sera formé qu’après l’arrêt définitif et en même temps
que le pourvoi contre cet arrêt.
Aucun pourvoi formé auparavant ne pourra dispenser la cour d’assises de statuer sur le fond.
Art. 27 : Si, au moment où le ministère public exerce son action, la session de la cour
d’assises est terminée, et s’il ne doit pas s’en ouvrir d’autre à une époque rapprochée, il sera
formé une cour d’assises extraordinaire par ordonnance motivée du premier président. Cette
ordonnance prescrira le tirage au sort des jurés, conformément à l’article 388 du Code
d’instruction criminelle, et elle désignera le conseiller qui doit présider.
Dans les chefs-lieux des départements où ne siègent pas les cours royales, le président du
tribunal de première instance sera, de droit, président de la cour d’assises, si le ministre de la
justice ou le premier président n’en ont pas désigné un autre.
Disposition générale.
Art. 28 : Les dispositions des lois antérieures qui ne sont pas contraires à la présente
continueront d’être exécutées selon leur forme et teneur.
Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, C. Persil.
Annexe n° 81 : Loi du 29 novembre 1830 
relative aux délits de presse, Moniteur Universel, 
mercredi 1er décembre 1830, n° 335, p. 1591.

Art. 1er : Toute attaque, par l’un des moyens énoncés en l’article 1 er de la loi du 17 mai 1819
contre la dignité royale, l’ordre de successibilité au trône, les droits que le roi tient du vœu de
la Nation française, exprimé dans la rédaction du 7 août 1830, et de la Charte
constitutionnelle, par lui acceptée et jurée dans la séance du 9 août 1830, son autorité
constitutionnelle, l’inviolabilité de sa personne, les droits et l’autorité des Chambres, sera puni
d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans, et d’une amende de trois cents Francs à seize
mille Francs.
Art. 2 : L’article 2 de la loi du 25 mars 1822 est et demeure abrogé.
Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, Dupont (de l’Eure).

Annexe n° 82 : Loi du 15 février 1834 relative 
aux crieurs publics, Recueil Sirey­Devilleneuve, 
1834, II, p. 145.

Art. 1er : Nul ne pourra exercer, même temporairement, la profession de crieur, de vendeur ou
de distributeur, sur la voie publique, d’écrits, dessins ou emblèmes imprimés, lithographiés,
autographiés, moulés, gravés, ou à la main, sans autorisation préalable de l’autorité
municipale.
Cette autorisation pourra être retirée.
Les dispositions ci-dessus sont applicables aux chanteurs sur la voie publique.
Art. 2 : Toute contravention à la disposition ci-dessus sera punie d’un emprisonnement de six
jours à deux mois pour la première fois, et de deux mois à un an, en cas de récidive. Les
contrevenants seront traduits devant les tribunaux correctionnels, qui pourront, dans tous les
cas, appliquer les dispositions de l’article 463 du Code pénal.
Annexe n° 83 : Loi du 31 août 1830, Moniteur 
Universel, jeudi 2 septembre 1830, n° 245, 
p. 1009.

Loi relative à la prestation de serment.


Art. 1er : Tous les fonctionnaires publics dans l’ordre administratif et judiciaire, les officiers
de terre et de mer, seront tenus de prêter le serment dont la teneur suit :
« Je jure fidélité au roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du
Royaume ».
Il ne pourra être exigé d’eux aucun autre serment, si ce n’est en vertu d’une loi.
Art. 2 : Tous les fonctionnaires actuels dans l’ordre administratif et judiciaire, et tous les
officiers maintenant employés ou disponibles dans les armées de terre et de mer, prêteront le
serment ci-dessus dans le délai de quinze jours à compter de la promulgation de la présente
loi, faute de quoi ils seront considérés comme démissionnaires, à l’exception de ceux qui ont
déjà prêté serment au gouvernement actuel.
Art. 3 : Nul ne pourra siéger dans l’une ou l’autre Chambre, s’il ne prête le serment exigé par
la présente loi.
Tout député qui n’aura pas prêté le serment dans le délai de quinze jours sera considéré
comme démissionnaire.
Tout pair qui n’aura pas prêté le serment dans le délai d’un mois, sera considéré comme
personnellement déchu du droit de siéger dans la Chambre des pairs.
Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux Dupont (de l’Eure).

Annexe n° 84 : Décret du 26 juin 1848, Moniteur 
Universel, vendredi 30 juin 1848, n° 182, p. 1521.

Art. 1er : Seront transportés, par mesure de sûreté générale, dans les possessions françaises
d’Outre-mer, autres que celles de la Méditerranée, les individus actuellement détenus qui
seront reconnus avoir pris part à l’insurrection du 23 juin et jours suivants.
Les femmes et les enfants des individus ainsi transportés hors du territoire, seront admis à
partager le sort de leur mari et de leur père.
Art. 2 : L’instruction commencée devant les conseils de guerre suivra son cours, nonobstant la
levée de l’état de siège en ce qui concerne ceux que cette instruction désignerait comme chefs,
fauteurs ou instigateurs de l’insurrection, comme ayant fourni ou distribué de l’argent, des
armes ou des munitions de guerre, exercé un commandement ou commis quelque acte
aggravant leur rébellion.
Il en sera de même à l’égard des réclusionnaires ou forçats libérés ou évadés qui auront pris
part à l’insurrection.
Art. 3 : Un décret de l’Assemblée nationale déterminera le régime spécial auquel seront
soumis les individus transportés.
Art. 4 : Le pouvoir exécutif est chargé de procéder sans délai à l’exécution du présent décret.

Annexe n° 85 : Décret du 26 juin 1848, Moniteur 
Universel, lundi 26 juin 1848, n° 178, p. 1495.

Art. 1er : Toutes affiches traitant des matières politiques, et n’émanant pas de l’autorité, sont
défendues jusqu’au rétablissement de la tranquillité publique.
Art. 2 : Toutes les autorités civiles et militaires tiendront la main à l’exécution du présent
arrêté.

Annexe n° 86 : Loi des 9 et 11 août 1849, Journal  
du Droit Criminel, 1849, art. 4602, pp. 321 à 330.

Loi organique sur l’état de siège.


Chap. 1er : Des cas où l’état de siège peut être déclaré.
Art. 1er : L’état de siège ne peut être déclaré qu’en cas de péril imminent pour la sécurité
intérieure ou extérieure.
Chap. 2 : Des formes de la déclaration de l’état de siège.
Art. 2 : L’Assemblée nationale peut seule déclarer l’état de siège, sauf les exceptions ci-après.
La déclaration de l’état de siège désigne les communes, les arrondissements ou départements
auxquels il s’applique et pourra être étendu.
Art. 3 : Dans le cas de prorogation de l’Assemblée nationale, le président de la République
peut déclarer l’état de siège, de l’avis du conseil des ministres.
Le président, lorsqu’il a déclaré l’état de siège, doit immédiatement en informer la
commission instituée en vertu de l’art. 32 de la Constitution, et, selon la gravité des
circonstances, convoquer l’Assemblée nationale.
La prorogation de l’Assemblée cesse de plein droit lorsque Paris est déclaré en état de siège.
L’Assemblée nationale, dès qu’elle est réunie, maintient ou lève l’état de siège.
Art. 4 : Dans les colonies françaises, la déclaration de l’état de siège est faite par le
gouverneur de la colonie. Il doit en rendre compte immédiatement au gouvernement.
Art. 5 : Dans les places de guerre et postes militaires, soit de la frontière, soit de l’intérieur, la
déclaration de l’état de siège peut être faite par le commandant militaire, dans les cas prévus
par la loi du 10 juillet 1791 et par le décret du 24 décembre 1811.
Le commandant en rend compte immédiatement au gouvernement.
Art. 6 : Dans les cas des deux articles précédents, si le président de la République ne croit pas
devoir lever l’état de siège, il en proposera sans délai le maintien à l’Assemblée nationale.
Chap. 3 : Des effets de l’état de siège.
Art. 7 : Aussitôt l’état de siège déclaré, les pouvoirs dont l’autorité civile était revêtue pour le
maintien de l’ordre et de la police passent tout entiers à l’autorité militaire.
L’autorité civile continue néanmoins à exercer ceux de ces pouvoirs dont l’autorité militaire
ne l’a pas dessaisie.
Art. 8 : Les tribunaux militaires peuvent être saisis de la connaissance des crimes et délits
contre la sûreté de la République, contre la Constitution, contre l’ordre et la paix publique,
quelle que soit la qualité des auteurs principaux et des complices.
Art. 9 : L’autorité militaire a le droit : 1° de faire des perquisitions de jour et de nuit dans le
domicile des citoyens ; 2° d’éloigner les repris de justice et les individus qui n’ont pas leur
domicile dans les lieux soumis à l’état de siège ; 3° d’ordonner la remise des armes et
munitions, et de procéder à leur recherche et à leur enlèvement ; 4° d’interdire les publications
et les réunions qu’elle juge de nature à exciter ou à entretenir le désordre.
Art. 10 : Dans les lieux énoncés en l’art. 5, les effets de l’état de siège continuent, en outre, en
cas de guerre étrangère, à être déterminés par les dispositions de la loi du 10 juillet 1791 et du
décret du 24 décembre 1811.
Art. 11 : Les citoyens continuent, nonobstant l’état de siège, à exercer tous ceux des droits
garantis par la Constitution, dont la jouissance n’est pas suspendue en vertu des articles
précédents.
Chap. 4 : De la levée de l’état de siège.
Art. 12 : L’Assemblée nationale a seule le droit de lever l’état de siège lorsqu’il a été déclaré
et maintenu par elle.
Néanmoins, en cas de prorogation, ce droit appartiendra au président de la République.
L’état de siège, déclaré conformément aux art. 3, 4 et 5, peut être levé par le président de la
République, tant qu’il n’a pas été maintenu par l’Assemblée nationale.
L’état de siège, déclaré conformément à l’art. 4, pourra être levé par les gouverneurs des
colonies, aussitôt qu’ils croiront la tranquillité suffisamment rétablie.
Art. 13 : Après la levée de l’état de siège, les tribunaux militaires continueront de connaître
des crimes et délits dont la poursuite leur avait été déférée.

Annexe n° 87 : Loi du 7 juin 1848 sur les 
attroupements, Moniteur Universel, vendredi 9 juin 
1848, n° 161, p. 1303.

Art. 1er : Tout attroupement armé formé sur la voie publique est interdit.
Est également interdit, sur la voie publique, tout attroupement non armé qui pourrait troubler
la tranquillité publique.
Art. 2 : L’attroupement est armé,
1° quand plusieurs des individus qui le composent sont porteurs d’armes apparentes ou
cachées ;
2° lorsqu’un seul de ces individus, porteur d’armes apparentes, n’est pas immédiatement
expulsé de l’attroupement par ceux-là mêmes qui en font partie.
Art. 3 : Lorsqu’un attroupement armé ou non armé se sera formé sur la voie publique, le maire
ou l’un de ses adjoints, à leur défaut le commissaire de police ou tout autre agent ou
dépositaire de la force publique et du pouvoir exécutif, portant l’écharpe tricolore, se rendra
sur le lieu de l’attroupement.
Un roulement de tambour annoncera l’arrivée du magistrat.
Si l’attroupement est armé, le magistrat lui fera sommation de se dissoudre et de se retirer.
Cette première sommation restant sans effet, une seconde sommation, précédée d’un
roulement de tambour, sera faite par le magistrat.
En cas de résistance, l’attroupement sera dissipé par la force.
Si l’attroupement est sans armes, le magistrat, après le premier roulement de tambour,
exhortera les citoyens à se disperser. S’ils ne se retirent pas, trois sommations seront
successivement faites.
En cas de résistance, l’attroupement sera dissipé par la force.
Art. 4 : Quiconque aura fait partie d’un rassemblement armé sera puni comme il suit :
Si l’attroupement s’est dissipé après la première sommation et sans avoir fait usage de ses
armes, la peine sera d’un mois à un an d’emprisonnement.
Si l’attroupement s’est formé pendant la nuit, la peine sera d’un an à trois ans
d’emprisonnement.
Néanmoins, il ne sera prononcé aucune peine pour fait d’attroupement contre ceux qui, en
ayant fait partie, sans être personnellement armés, se seront retirés sur la première sommation
de l’autorité.
Si l’attroupement ne s’est dissipé qu’après la deuxième sommation, mais avant l’emploi de la
force, et sans qu’il ait fait usage de ses armes, la peine sera d’un an à trois ans, et de deux à
cinq ans si l’attroupement s’est formé pendant la nuit.
Si l’attroupement ne s’est dissipé que devant la force ou après avoir fait usage de ses armes, la
peine sera de cinq à dix ans de détention pour le premier cas, et de cinq à dix ans de réclusion
pour le second cas. Si l’attroupement s’est formé pendant la nuit, la peine sera la réclusion.
L’aggravation de peine résultant des circonstances prévues par la disposition du paragraphe 5
qui précède, ne sera applicable aux individus non armés faisant partie d’un attroupement
réputé armé, dans le cas d’armes cachées, que lorsqu’ils auront eu connaissance de la
présence dans l’attroupement de plusieurs personnes portant des armes cachées, sauf
l’application des peines portées par les autres paragraphes du présent article.
Dans tous les cas prévus par les troisième, quatrième et cinquième paragraphes du présent
article, les coupables pourront être interdits pendant un an au moins et cinq ans au plus, de
tout ou partie des droits mentionnés en l’article 42 du Code pénal.
Art. 5 : Quiconque faisant partie d’un attroupement non armé ne l’aura pas abandonné après
le roulement de tambour précédant la deuxième sommation, sera puni d’un emprisonnement
de quinze jours à six mois.
Si l’attroupement n’a pu être dissipé que par la force, la peine sera de six mois à deux ans.
Art. 6 : Toute provocation à un attroupement armé ou non armé, par des discours proférés
publiquement et par des écrits ou des imprimés, affichés ou distribués, sera puni comme le
crime et le délit, selon les distinctions ci-dessus établies.
Les imprimeurs, graveurs, lithographes, afficheurs et distributeurs seront punis comme
complices, lorsqu’ils auront agi sciemment.
Si la provocation faite par les moyens ci-dessus n’a pas été suivie d’effet, elle sera punie, s’il
s’agit d’une provocation à un attroupement nocturne et armé, d’un emprisonnement de six
mois à un an ; s’il s’agit d’un attroupement non armé, l’emprisonnement sera de un mois à
trois mois.
Art. 7 : Les poursuites dirigées pour un crime ou délit d’attroupement ne font aucun obstacle à
la poursuite pour crimes et délits particuliers qui auraient été commis au milieu des
attroupements.
Art. 8 : L’article 463 du Code pénal est applicable aux crimes et délits prévus et punis par la
présente loi.
Art. 9 : La mise en liberté provisoire pourra toujours être accordée avec ou sans caution.
Art. 10 : Les poursuites pour délits et crimes d’attroupements seront portées devant la Cour
d’assises.
Signé les président et secrétaires, Senard, Peupin, Robert (des Ardennes), Émile Péan, Ed.
Lafayette, Landrin, Bérard.

Annexe n° 88 : Loi du 19 juin 1849, Journal du 
Droit Criminel, 1849, art. 4510, p. 195.

Loi provisoire sur les clubs et le droit de réunion.


Art. 1er : Le gouvernement est autorisé, pendant l’année qui suivra la promulgation de la
présente loi, à interdire les clubs et autres réunions publiques qui seraient de nature à
compromettre la sécurité publique.
Art. 2 : Avant l’expiration de ce délai, il sera présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi
qui, en interdisant les clubs, règlera l’exercice du droit de réunion.
Art. 3 : Il sera rendu compte à l’Assemblée nationale, à l’expiration de ce délai, de l’exécution
qu’aura reçue la présente loi.

Annexe n° 89 : Décret du 9 juillet 1848, Recueil 
Sirey­Devilleneuve, 1848, III, p. 98, note 5.

Art. 1er : Il est institué quatre commissions militaires composées chacune de trois membres
militaires, dont un officier supérieur président.
Art. 2 : Ces commissions militaires après examen des pièces composant les différents dossiers
qui leur seront soumis, statueront :
1° Sur les cas de mise en liberté, le droit de mise en liberté réservé néanmoins au colonel
Bertrand pour les cas d’urgence ;
2° Sur les individus sujets à être transportés ;
3° Sur les renvois devant les conseils de guerre permanents de la 1ère division ;
Le tout conformément au décret du 27 juin.
Art. 3 : Les commissions militaires se réuniront au lieu de la commission centrale, au Palais
de Justice, sur l’ordre qui leur en sera donné par M. le colonel Bertrand.
Art. 4 : Sont nommés membres des quatre commissions … liste de noms
Signé le président et les secrétaires de l’Assemblée nationale.

Annexe n° 90 : Article 3 du décret du 7 août 
1848 relatif à la composition du jury, Moniteur 
Universel, vendredi 11 août 1848, n° 224, p. 1957.
Art. 3 : Sont incapables d’être jurés :
Ceux à qui l’exercice de tout ou partie des droits politiques, civils et de famille, a été interdit ;
Les faillis non réhabilités ;
Les interdits et ceux qui sont pourvus d’un conseil judiciaire ;
Ceux qui sont en état d’accusation ou de contumace ;
Les individus qui ont été condamnés, soit à des peines afflictives ou infamantes, soit à des
peines correctionnelles pour faits qualifiés crimes par la loi, ou pour délits de vol,
d’escroquerie, abus de confiance, usure, attentat aux mœurs, vagabondage ou mendicité, et
ceux qui, à raison de tout autre délit, auront été condamnés à plus d’un an d’emprisonnement.
Les condamnations pour délits politiques n’entraineront l’incapacité qu’autant que le
jugement le prononcerait.

Annexe n° 91 : Décret du 31 décembre 1851, 
Moniteur Universel, jeudi 1er janvier 1852, n° 1, p.1.

Considérant que, parmi les délits prévus par les lois en vigueur sur la presse, ceux qui sont
commis au moyen de la parole, tels que les délits d’offenses verbales ou de cris séditieux, se
sont considérablement multipliés ;
Considérant que l’attribution à la Cour d’assises de la connaissance de ces délits rend la
répression moins rapide et moins efficace ;
Considérant qu’il est de principe que les lois de procédure sont immédiatement applicables
aux affaires non encore jugées,
Décrète :
Art. 1er : La connaissance de tous les délits prévus par les lois sur la presse, et commis au
moyen de la parole, est déférée aux tribunaux de police correctionnelle.
Art. 2 : Ces tribunaux connaitront ceux de ces délits qui ont été commis antérieurement au
présent décret et ne sont pas encore jugés contradictoirement.
Art. 3 : Les poursuites seront dirigées selon les formes et règles prescrites par le Code
d’instruction criminelle pour la juridiction correctionnelle.
Annexe n° 92 : Décret du 25 février 1852, 
Moniteur Universel, jeudi 26 février 1852, n° 57, p. 
321.

Considérant que la règle de la compétence posée par l’art. 179 du Code d’instruction
criminelle forme le droit commun ; que déjà la connaissance des délits commis au moyen de
la parole ou de la presse a été restituée aux tribunaux de police correctionnelle par les décrets
des 31 décembre 1851 et 17 février 1852 ;
Qu’on ne saurait, sans une véritable anomalie, laisser encore aux cours d’assises la
connaissance de quelques autres délits analogues par leur nature ou assimilés par le législateur
à ceux qui sont déjà rentrés dans la règle commune ;
Considérant qu’il est de principe que les lois de procédure et de compétence sont
immédiatement applicables aux affaires à l’égard desquelles il n’y a pas jugement ou
dessaisissement, décrète :
Art. 1er : Tous les délits dont la connaissance est actuellement attribuée aux cours d’assises et
qui ne sont pas compris dans les décrets des 31 décembre 1851 et 17 février 1852 seront jugés
par les tribunaux correctionnels, sauf les cas pour lesquels il existe des dispositions spéciales,
à raison des fonctions ou de la qualité des inculpés.
Art. 2 : Ces juridictions connaitront de ceux de ces délits qui ont été commis antérieurement
au présent décret et sur lesquels il n’aurait pas été statué autrement.
Art. 3 : Les poursuites seront dirigées selon les formes et les règles prescrites par le Code
d’instruction criminelle.
Art. 4 : Sont et demeurent abrogées toutes dispositions relatives à la compétence, contraires
au présent décret, et notamment celles qui résultent de la loi du 8 octobre 1830, en matière de
délits politiques ou réputés tels ; de l’article 6 de la loi du 10 décembre 1830, relative aux
afficheurs et crieurs publics ; de l’article 10 du décret du 7 juin 1848, sur les délits
d’attroupements ; de l’article 16, § 2, de la loi du 28 juillet 1848 sur les clubs et les sociétés
secrètes ; de l’article 117 de la loi électorale du 15 mars 1849.
Art. 5 : Le garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice, est chargé
de l’exécution du présent décret.
Signé Louis-Napoléon et le garde des sceaux, Abbatucci.

Annexe n° 93 : Loi du 27 février 1858, Moniteur 
Universel, mardi 2 mars 1858, n° 61, p. 273.

Art. 1er : Est puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende de cinq cents
francs à dix mille francs, tout individu qui a provoqué publiquement, d’une manière
quelconque, aux crimes prévus par les articles 86 et 87 du Code pénal, lorsque cette
provocation n’a pas été suivie d’effet.
Art. 2 : Est puni d’un emprisonnement d’un mois à deux ans, et d’une amende de cent francs à
deux mille francs, tout individu qui, dans le but de troubler la paix publique ou d’exciter à la
haine ou au mépris du gouvernement de l’Empereur, a pratiqué des manœuvres ou entretenu
des intelligences, soit à l’intérieur, soit à l’étranger.
Art. 3 : Tout individu qui, sans y être légalement autorisé, a fabriqué ou fait fabriquer, débité
ou distribué :
1° des machines meurtrières agissant par explosion ou autrement ;
2° de la poudre fulminante, quelle qu’en soit la composition, est puni d’un emprisonnement
de six mois à cinq ans et d’une amende de cinquante francs à trois mille francs.
La même peine est applicable à quiconque est trouvé détenteur ou porteur, sans autorisation,
des objets ci-dessus spécifiés.
Ces peines sont prononcées sans préjudice de celles que les coupables auraient pu encourir
comme auteurs ou complices de tous autres crimes ou délits.
Art. 4 : Les individus condamnés par application des articles précédents peuvent être interdits,
en tout ou en partie, des droits mentionnés en l’article 42 du Code pénal, pendant un temps
égal à la durée de l’emprisonnement prononcé.
Art. 5 : Tout individu condamné pour l’un des délits prévus par la présente loi peut être, par
mesure de sûreté générale, interné dans un des départements de l’Empire ou en Algérie, ou
expulsé du territoire français.
Art. 6 : Les mêmes mesures de sûreté générale peuvent être appliquées aux individus qui
seront condamnés pour crimes ou délits prévus :
1° par les articles 86 à 101, 153, 154 § 1er, 209 à 211, 213 à 221 du Code pénal ;
2° par les articles 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la loi du 21 mai 1834 sur les armes et munitions de
guerre ;
3° par la loi du 7 juin 1848 sur les attroupements ;
4° par les articles 1 et 2 de la loi du 27 juillet 1849.
Art. 7 : Peut être interné dans un des départements de l’Empire ou en Algérie, ou expulsé du
territoire, tout individu qui a été, soit condamné, soit interné, expulsé ou transporté, par
mesure de sûreté générale, à l’occasion des événements de mai et juin 1848, de juin 1849 ou
de décembre 1851, et que des faits graves signaleraient de nouveau comme dangereux pour la
sûreté publique.
Art. 8 : Les pouvoirs accordés au gouvernement par les articles 5, 6 et 7 de la présente loi
cesseront au 31 mars 1865, s’ils n’ont pas été renouvelés avant cette époque.
Art. 9 : Tout individu interné en Algérie, ou expulsé du territoire, qui rentre en France sans
autorisation, peut être placé dans une colonie pénitentiaire, soit en Algérie, soit dans une autre
possession française.
Art. 10 : Les mesures de sûreté générale autorisées par les articles 5, 6 et 7 seront prises par le
ministre de l’intérieur sur l’avis du préfet du département, du général qui y commande et du
procureur général. L’avis de ce dernier sera remplacé par l’avis du procureur impérial, dans
les chefs-lieux où ne siège pas une cour impériale.
Signé le président de Morny et les secrétaires, H. de Kersaint, J. Murat, de Chaumont-Quitry
et Tesnière.

Annexe n° 94 : Ordonnance royale du 24 juillet 
1815, Moniteur Universel, mercredi 26 juillet 1815, 
n° 207, p. 844.

Ordonnance qui prescrit l’arrestation et la traduction devant les conseils de guerre


compétents de plusieurs officiers-généraux et autres, et met provisoirement plusieurs
individus sous la surveillance du ministre de la police générale.
Voulant par la punition d'un attentat sans exemple, mais en graduant la peine, et limitant le
nombre des coupables, concilier l'intérêt de nos peuples, la dignité de notre couronne et la
tranquillité de l'Europe, avec ce que nous devons à la justice et à l'entière sécurité de tous les
autres citoyens sans distinction.
Avons déclaré et déclarons, ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Les généraux et officiers qui ont trahi le roi avant le 23 mars ou qui ont attaqué la
France et le Gouvernement à main armée, et ceux qui par violence se sont emparés du
pouvoir, seront arrêtés et traduits devant les conseils de guerre compétents, dans leurs
divisions respectives ;
Savoir :
Ney, Labedoyère, les deux frères Lallemant, Drouet d’Erlon, Lefebvre Desnouettes, Ameilh,
Brayer, Gilly, Mouton Duvernet, Grouchy, Clausel, Laborde, Debelle, Bertrand, Drouot,
Cambrone, Lavalette, Rovigo.
Art. 2 : Les individus dont les noms suivent, savoir :
Soult, Alix, Excelmans, Bassano, Marbot, Félix Lepelletier, Boulay (de la Meurthe), Méhée,
Fressinet, Thibaudeau, Carnot, Vandamme, Lamarque (général), Lobau, Harel, Piré, Barrère,
Arnault, Pommereuil, Regnauld (de Saint-Jean d’Angely), Arrighi (de Padoue), Dejean fils,
Garrau, Réal, Bouvier Dumolard, Merlin (de Douay), Durbach, Dirat, Defermont, Bory Saint-
Vincent, Félix Desportes, Garnier de Saintes, Mellinet, Hullin, Cluys, Courtin, Forbin-Janson,
fils aîné, Le Lorgne Dideville.
Sortiront dans trois jours de la Ville de Paris, et se retireront dans l'intérieur de la France, dans
les lieux que notre ministre de la police générale leur indiquera, et où ils resteront sous sa
surveillance, en attendant que les Chambres statuent sur ceux d'entre eux qui devront ou sortir
du Royaume, ou être livré à la poursuite des tribunaux.
Seront arrêtés sur le champ, ceux qui ne se rendraient pas au lieu qui leur sera assigné par
notre ministre de la police générale.
Art. 3 : Les individus qui seront condamnés à sortir du royaume, auront la faculté de vendre
leurs biens et propriétés dans le délai d'un an, d'en disposer, et d'en transporter le produit hors
de France, et d'en recevoir pendant ce temps le revenu dans les pays étrangers, en fournissant
néanmoins la preuve de leur obéissance à la présente ordonnance.
Art. 4 : Les listes de tous les individus auxquels les articles 1 et 2 pourraient être applicables,
sont et demeurent closes, par les désignations nominales contenues dans ces articles, et ne
pourront jamais être étendues à d'autres pour quelques causes et sous quelque prétexte que ce
puisse être, autrement que dans les formes, et suivant les lois constitutionnelles auxquelles il
n'est expressément dérogé que pour ce cas seulement.
Signé Louis XVIII et le duc d'Otrante.

Annexe n° 95 : Décret sur les clubs du 28 juillet 
1848, Moniteur Universel, mercredi 2 août 1848, n° 
215, p. 1837.

Art. 1er : Les citoyens ont le droit de se réunir, en se conformant aux dispositions suivantes.
Art. 2 : L’ouverture de tout club ou réunion de citoyens sera précédée d’une déclaration faite
par les fondateurs, à Paris, à la préfecture de police, et dans les départements, au maire de la
commune et au préfet. Cette déclaration aura lieu quarante-huit heures au moins avant
l’ouverture de la réunion. Elle indiquera les noms, qualités et domicile des fondateurs, le
local, les jours et heures des séances. Il sera immédiatement donné acte de la déclaration.
Aucun club ne pourra prendre une dénomination autre que celle du lieu de ses séances.
Les édifices publics ou communaux ne pourront être affectés, même temporairement, à ces
réunions.
Art. 3 : Les clubs seront publics, et ne pourront, dans aucun cas, ni restreindre la publicité par
aucun moyens directs ou indirects, ni se constituer en comité secret.
Pour assurer cette publicité, un quart au moins des places sera réservé aux citoyens étrangers
au club.
Les femmes et les mineurs ne pourront être membres du club ni y assister.
Les séances des clubs ne pourront se prolonger au-delà de l’heure fixée par l’autorité pour la
fermeture des lieux publics.
Art. 4 : L’autorité qui aura reçu la déclaration pourra toujours déléguer pour assister aux
séances des clubs, un fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire.
Ce fonctionnaire y prendra une place spéciale, à son choix, et devra être revêtu de ses
insignes.
Art. 5 : Un procès-verbal sera dressé et signé, à la fin de chaque séance, par tous les membres
du bureau ; il contiendra,
1° les noms des membres qui auront fait partie du bureau ;
2° le résumé exact de tout ce qui se sera passé à la séance. Il sera représenté à toute réquisition
de l’autorité publique.
Le fonctionnaire présent à la séance pourra requérir l’insertion au procès-verbal de toutes les
constatations qu’il jugera nécessaires, sans préjudice du droit qui lui appartient de dresser
procès-verbal de toute contravention à la loi.
Art. 6 : Les membres du bureau ne peuvent tolérer la discussion d’aucune proposition
contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, ou tendant à provoquer un acte déclaré crime
ou délit par la loi, ni des dénonciations contre les personnes, ou attaques individuelles.
Les discours, cris ou menaces proférés dans un club sont considérés comme proférés dans un
lieu public, et demeurent soumis à la même responsabilité.
Il en sera de même de tous imprimés ou emblèmes distribués dans l’intérieur du club.
Art. 7 : Sont interdits : les rapports, adresses et toutes autres communications de club à club,
les députations ou délégations de commissaires faites par un club, quel que soit l’objet de la
mission des députés ou délégués.
Sont également interdits : toutes affiliations entre clubs, tous signes extérieurs d’association et
toutes affiches, proclamations et pétitions collectives de club.
Il sera interdit à tous clubs ou réunion de prendre des résolutions dans la forme des lois,
décrets, arrêtés, ordonnances, jugements ou autres actes de l’autorité publique.
Art. 8 : Quiconque se présentera dans un club avec des armes apparentes ou cachées, sera
puni d’un emprisonnement de trois mois à six mois, et de la privation des droits civiques
pendant trois ans au moins et dix ans au plus.
Seront punis de la même peine,
1° les membres du bureau qui auront provoqué le fait, ou qui, en étant informés, ne l’auront
pas empêché, en ordonnant l’expulsion immédiate des individus armés ;
2° tous ceux qui, par des discours proférés publiquement, ou par des écrits publiés ou affichés,
auront provoqué les citoyens à se rendre en armes au club, ou à s’armer au dehors.
Art. 9 : Toute contravention aux articles 2, 3, 4 et 5 sera punie d’une amende de cent à cinq
cent francs, et, s’il y a lieu, de la privation, en tout ou partie, pendant un an au moins et trois
ans au plus, de l’exercice des droits civiques mentionnés dans l’article 42 du Code pénal. Ces
peines seront prononcées contre les présidents, secrétaires et autres membres du bureau qui
auront assisté aux séances sans que les règles prescrites par les articles précités aient été
observées.
Art. 10 : Toute contravention aux dispositions des articles 6 et 7 sera punie d’une amende de
cent à cinq cents francs, et, suivant les cas, d’un emprisonnement de quinze jours à trois mois
et de la privation des droits civiques de un an à cinq ans.
Ces peines seront prononcées contre les présidents, secrétaires et autres membres du bureau
qui auront autorisé les contraventions prévues par ces articles, et, en outre, contre les membres
qui auront pris une part active à ces contraventions.
Art. 11 : Le tribunal, en prononçant les peines édictées par les trois articles qui précèdent,
pourra, en outre, selon la gravité des circonstances, ordonner la fermeture des clubs.
Dans les cas de délits ou contraventions constatés par un procès-verbal et ayant donné lieu à
un réquisitoire à fin de poursuites, la chambre du conseil pourra, par une ordonnance spéciale,
rendue sur les réquisitions du ministère public et le rapport du juge d’instruction, ordonner la
fermeture immédiate et provisoire du club ou de la réunion, jusqu’au jugement définitif des
délits ou contraventions.
Cette ordonnance ne sera sujette à aucun recours.
Art. 12 : En cas de réunion d’un club après la dissolution ou suspension prononcée, la peine
contre les contrevenants sera de six mois à un an d’emprisonnement, et de la privation des
droits civiques de cinq à dix ans.
Art. 13 : Les sociétés secrètes sont interdites. Ceux qui seront convaincus d’avoir fait partie
d’une société secrète seront punis d’une amende de cent à cinq cents francs, d’un
emprisonnement de six mois à deux ans, et de la privation des droits civiques de un an à cinq
ans.
Ces condamnations pourront être portées au double contre les chefs ou fondateurs desdites
sociétés.
Ces peines seront prononcées sans préjudice de celles qui pourraient être encourues pour
crimes ou délits prévus par les lois.
Art. 14 : Les citoyens peuvent fonder, dans un but non politique, des cercles ou réunions non
publiques, en faisant préalablement connaitre à l’autorité municipale le local et l’objet de la
réunion, et les noms des fondateurs, administrateurs et directeurs.
A défaut de déclaration ou en cas de fausse déclaration, la réunion sera fermée
immédiatement, et ses membres pourront être poursuivis comme ayant fait partie d’une
société secrète.
Les dispositions qui précèdent ne sont point applicables aux associations industrielles ou de
bienfaisance.
Art. 15 : Les réunions non publiques, dont le but sera politique, ne pourront se former qu’avec
la permission de l’autorité municipale, et aux conditions qu’elle déterminera, sauf recours, en
cas de refus, à l’autorité supérieure.
L’administration pourra toujours révoquer les autorisations accordées et faire fermer les
réunions qui n’en seraient pas pourvues.
En cas de contravention, les membres, chefs et fondateurs seront punis des peines prononcées
par l’article 13.
Art. 16 : Les infractions aux formalités prescrites par le présent décret, pour l’ouverture des
clubs et la tenue des séances, seront déférées aux tribunaux de police correctionnelle.
Toutes les autres infractions seront soumises au jugement du jury.
Art. 17 : En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits commis dans les réunions
publiques ou non publiques, la peine la plus forte sera seule appliquée aux faits antérieurs à la
poursuite.
Art. 18 : L’article 463 du Code pénal pourra être appliqué à toutes les infractions prévues par
le présent décret.
Lorsque les circonstances atténuantes seront admises, la cour ou le tribunal appliquera
l’article 401 du Code pénal.
Néanmoins, la durée de l’emprisonnement pourra être réduite au minimum fixé par la
présente loi.
La liberté provisoire pourra, dans tous les cas, être accordée avec ou sans caution.
Art. 19 : Les dispositions du présent décret ne sont pas applicables aux réunions ayant pour
objet exclusif l’exercice d’un culte quelconque, ni aux réunions électorales préparatoires.
Signé le président A. Marrast et les secrétaires Peupin, Léon, Robert, Landrin, Bérard, E.
Péan, E. Lafayette.
Annexe n° 96 : Loi du 10 décembre 1830 sur les 
crieurs publics, Moniteur Universel, dimanche 12 
décembre 1830, n° 346, p. 1681.

Loi concernant les affiches, les afficheurs et les crieurs publics.


Art. 1er : Aucun écrit, soit à la main, soit imprimé, gravé ou lithographié, contenant des
nouvelles politiques, ou traitant d'objets politiques, ne pourra être affiché ou placardé dans les
rues, places ou autres lieux publics.
Sont exceptés de la présente disposition les actes de l'autorité publique.
Art. 2 : Quiconque voudra exercer, même temporairement, la profession d'afficheur ou crieur,
de vendeur ou distributeur, sur la voie publique, d'écrits imprimés, lithographiés, gravés ou à
la main, sera tenu d'en faire préalablement la déclaration devant l'autorité municipale, et
d'indiquer son domicile.
Le crieur ou afficheur devra renouveler cette déclaration chaque fois qu'il changera de
domicile.
Art. 3 : Les journaux, feuilles quotidiennes ou périodiques, les jugements et autres actes d'une
autorité constituée, ne pourront être annoncés dans les rues, places et autres lieux publics,
autrement que par leur titre.
Aucun autre écrit imprimé, lithographié, gravé ou à la main, ne pourra être crié sur la voie
publique, qu'après que le crieur ou distributeur, aura fait connaître à l'autorité municipale le
titre sous lequel il veut l'annoncer, et qu'après avoir remis à cette autorité un exemplaire de cet
écrit.
Art. 4 : La vente ou distribution de faux écrits de journaux, jugements ou et actes de l'autorité
publique, est défendue, et sera punie des peines ci-après.
Art. 5 : L'infraction aux dispositions des articles 1er et 4 de la présente loi sera punie d'une
amende de 25 à 500 Francs, et d'un emprisonnement de six jours à un mois, cumulativement
ou séparément.
L'auteur ou l'imprimeur des faux extraits défendus par l'article ci-dessus, sera puni du double
de la peine infligée au crieur, vendeur ou distributeur de faux extraits.
Les peines prononcées par le présent article seront appliquées sans préjudice des autres peines
qui pourraient être encourues par suite des crimes et délits résultant de la nature même de
l'écrit.
Art. 6 : La connaissance des délits punis par le précédent article, est attribuée aux cours
d'assises. Ces délits seront poursuivis conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi du
8 octobre 1830.
Art. 7 : Toute infraction aux articles 2 et 3 de la présente loi, sera punie, par la voie ordinaire
de police correctionnelle, d'une amende de 25 à 500 Francs, et d'un emprisonnement de six
jours à un mois, cumulativement ou séparément.
Art. 8 : Dans les cas prévus par la présente loi, les cours d'assises et les tribunaux
correctionnels pourront appliquer l'article 463 du Code pénal, si les circonstances leur
paraissent atténuantes, et si le préjudice causé n'excède pas 25 Francs.
Art. 9 : La loi du 5 nivôse an V, relatives aux crieurs publics, et l'article 290 du Code pénal
sont abrogés.
Signé Louis-Philippe, et le garde des sceaux, Dupont (de l'Eure).

Annexe n° 97 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 13 septembre 1834, 
Journal du Droit Criminel, 1834, art. 1412, pp. 268 et 
269.

LA COUR : - Vu le mémoire en cassation du défenseur du condamné, joint à la procédure ; -


Sur l’unique moyen de cassation invoqué par le demandeur et tiré de ce que l’arrêt attaqué
renferme une combinaison de peines qu’on ne retrouve pas dans le Code pénal, et qui est
formellement proscrite par l’art. 50 du même Code ; - Vu la déclaration du jury, d’après
laquelle l’accusé Perrier est déclaré coupable d’avoir, en avril 1834, volontairement mis le feu
à la maison des époux Brandin, mais avec des circonstances atténuantes ; - Vu l’arrêt rendu en
conséquence le 21 août dernier par la Cour d’assisses d’Eure-et-Loir, qui, par application des
art. 434, 463 et 22 Code pénal, a condamné Louis-François Perrier à la peine des travaux
forcés à perpétuité, à l’exposition et aux frais, et a ordonné de plus qu’il sera et demeurera
placé sous la surveillance de haute police à compter de l’expiration de sa peine, et pendant
toute sa vie ; - Vu les trois art. cités dans cet arrêt, et encore les art. 47, 48, 49 et 50 Code
pénal et 429 et 434 Code d’instruction criminelle ;
Attendu que de la combinaison de ces divers articles, il suit que la mise sous surveillance de
la haute police ne peut jamais, et dans aucun cas, être prononcée que contre des individus
condamnés à des peines temporaires et nullement contre des condamnés à des peines
perpétuelles ; ce qui serait tout à la fois inutile et dérisoire à leur égard ; - Attendu que Louis-
François Perrier, déclaré par le jury coupable du crime d’incendie qui aurait dû dès lors, et
aux termes de l’art. 434 Code pénal, être condamné à la peine de mort, si le même jury n’avait
pas reconnu en sa faveur l’existence de circonstances atténuantes, ne devait plus encourir que
celle des travaux forcés à perpétuité ou de travaux forcés à temps, d’après l’art. 463, § 2 du
même Code ; qu’en fait, la Cour d’assises du département d’Eure-et-Loir, à qui il était
facultatif de choisir entre ces deux peines, a prononcé contre lui la peine des travaux forcés à
perpétuité avec l’exposition, qui est toujours l’accessoire forcé et nécessaire de cette peine,
aux termes de l’article 22 du même Code ;
Que si, par une disposition subséquente et séparé dudit arrêt elle a ordonné de plus, et mal à
propos, que ledit Perrier serait et demeurerait placé de plein droit sous la surveillance de la
haute police, à compter de l’expiration de sa peine, et pendant toute sa vie, il y’a lieu
d’annuler cette dernière disposition comme erronée, inutile, dérisoire et en contradiction avec
le surplus de la condamnation prononcée contre lui ; mais en laissant toutefois subsister cette
condamnation qui est elle-même régulière et légale, et sans que, dès lors, il y ait lieu
d’ordonner le renvoi dudit Perrier et du procès devant une autre Cour d’assisses ;
Casse.

Annexe n° 98 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 5 septembre 1840, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1840, I, p. 341.

LA COUR ; - Vu les art. 44 et 45 du Code pénal ; attendu qu’en règle générale, et sauf les
exceptions établies par la loi, tout délit doit être puni d’une peine, et toute peine prononcée
doit être subie ; - attendu que le renvoi sous la surveillance de la haute police est une peine qui
consiste, d’après l’art. 44 du Code pénal, dans certaines restrictions apportées à l’état de
liberté ; qu’elle ne peut, dès lors, être réellement subie que par un individu en liberté ; que
lorsque le condamné à la surveillance vient à commettre un autre délit pour lequel un
emprisonnement est prononcé contre lui, l’exécution de cette nouvelle peine interrompt
nécessairement l’exécution de la peine de la surveillance, qui ne reprend son cours qu’à
l’expiration de l’emprisonnement ;
Qu’aucune disposition ne déroge à ces principes pour le cas où la condamnation à
l’emprisonnement a pour cause une infraction au ban de surveillance ;
Attendu que si, sous l’empire de l’ancienne législation, la détention que le gouvernement était
autorisé par l’art. 45 du Code pénal à faire subir au condamné qui rompait son ban, ne
prolongeait pas d’autant la surveillance, c’est qu’alors cette détention, qui n’était qu’un mode
de surveillance plus rigoureux, substitué administrativement au mode ordinaire auquel le
condamné n’avait pas voulu se soumettre, ne pouvait jamais s’étendre, d’après la disposition
expresse dudit art. 45, au-delà du temps fixé par la condamnation pour l’état de surveillance ;
- Qu’à partir de la révision du Code pénal en 1832, un ordre de choses tout différent a prévalu,
que la désobéissance au ban de surveillance a été érigée en délit ; qu’elle est punie d’une
véritable peine ; que cette peine, lorsqu’il y a lieu de la prononcer, doit être subie sans aucune
diminution dans la peine de la surveillance ;
Attendu que le système d’après lequel on compterait, à la décharge du condamné, dans le
temps de la surveillance, la durée de la peine d’emprisonnement, est inconciliable avec la
latitude laissée aux juges par l’art. 45 de porter l’emprisonnement jusqu’à cinq ans, quel que
soit le temps que la surveillance a encore à courir, puisque le bénéfice de ce système ne
pourrait profiter à ceux dont l’emprisonnement, d’après les conditions et les termes dans
lesquels il aurait été prononcé, devrait se prolonger au-delà de l’expiration de la surveillance ;
- Et attendu, en fait, que R. avait été condamné à 5 ans de surveillance, qui ont commencé à
courir le 22 février 1835 ; que dans l’intervalle il a subi diverses condamnations pour rupture
de ban s’élevant ensemble à 20 mois et 16 jours, qui ont reculé d’autant l’expiration de sa
surveillance ; que par suite, il y était encore soumis, lorsqu’il a été arrêté au mois de mars
dernier à Paris, où il se trouvait sans autorisation ; que cependant la Cour royale de Paris a
refusé de lui faire application de l’art. 45 du Code pénal ;
Casse.
Annexe n° 99 : Jugement du Tribunal civil de 
Riom du 22 avril 1841, Recueil Sirey­Devilleneuve, 
1841, II, pp. 429­430.

LE TRIBUNAL ; - Attendu que s’il est vrai que l’ordonnance d’amnistie ait placé le sieur A.
en état de surveillance, ainsi que l’a pensé M. le maire dans son arrêté, il est certain aussi qu’il
ne peut en résulter contre A. d’autres conséquences que celles de le soumettre aux effets de
cette surveillance, tels qu’ils sont déterminés par la loi, art. 44 et s. du Code pénal ; - Attendu
qu’aucun article de loi n’attribue à la simple surveillance l’effet de priver celui qui y est
assujetti de la jouissance de ses droits civils, civiques et politiques ; - Qu’ainsi, c’est
illégalement que M. le maire, par son arrêté du 2 février, a rejeté la demande du sieur A.,
tendante à son inscription sur la liste des électeurs communaux, puisqu’il ne l’a rejetée que
sur le motif erroné que l’amnistie, en maintenant la surveillance, n’avait pas effacé de la
condamnation du sieur A. la privation de ses droits civils et politiques, qui était bien la
conséquence de cette condamnation, mais qui n’est pas et ne peut pas être la conséquence de
sa mise en surveillance, seule peine à laquelle il puisse être considéré comme assujetti :
- Sans avoir égard à l’arrêté de M. le maire, en date du 2 février dernier, lequel sera considéré
comme non avenu, ayant au contraire égard à l’avis de la commission du premier du même
mois, ordonne que le nom du sieur A. sera inscrit sur la liste des électeurs communaux de la
ville de Riom.

Annexe n° 100 : Circulaire du ministre de 
l’intérieur du 31 mars 1815, Moniteur Universel, 
mardi 4 avril 1815, n° 94, p. 382.

Circulaire du ministre de la police générale aux préfets sur les principes de l’action de la
police.
Monsieur le préfet, il m'a apparu nécessaire de déterminer le but et la nature des relations qui
vont s'établir entre vous et moi.
Les principes de la police ont été subvertis : ceux de la morale et de la justice n'ont pas
toujours résisté à l'influence des passions. Tous les actes d'un gouvernement né de la trahison
ont dû porter l'empreinte de cette origine. Ce n'était pas seulement par des mesures publiques
qu'il pouvait flétrir les souvenirs les plus chers à la nation, préparez des vengeances, exciter
des haines, briser les résistances de l'opinion, rétablir la domination des privilèges et anéantir
la puissance tutélaire des lois : ce gouvernement, pour accomplir ses intentions, a mis en jeu
les ressorts secrets d'une tyrannie subalterne, de toutes les tyrannies la plus insupportables. On
l'a vu s'entourer de délateurs, étendre ses recherches sur le passé, pousser ses mystérieuses
inquisitions jusqu'au sein des familles, effrayer par des persécutions clandestines, semer les
inquiétudes sur toutes les existences, détruire enfin par ses instructions confidentielles
l'appareil imposteur de ses promesses et de ses proclamations.
De pareils moyens blessaient les lois et les mœurs de la France. Ils sont incompatibles avec un
gouvernement dont les intérêts se confondent avec ceux des citoyens.
Chargée de maintenir l'ordre public, de veiller à la sûreté de l'état et à celle des individus, la
police, avec des formes différentes, ne peut avoir d'autre règle que celle de la justice ; elle en
est le flambeau, mais elle n'en est pas le glaive : l'une prévient ou réprime les délits que l'autre
ne peut punir ou ne peut atteindre : toutes deux sont instituées pour assurer l'exécution des lois
et non pour les enfreindre ; pour garantir la liberté des citoyens et non pour y porter atteinte ;
pour assurer la sécurité des hommes honnêtes et non pour empoisonner la source des
jouissances sociales.
Ainsi, Monsieur, votre surveillance ne doit s'étendre au-delà de ce qu'exige la sûreté publique
ou particulière, ni s'embarrasser dans les détails minutieux d'une curiosité sans objet utile, ni
gêner le libre exercice des facultés humaines et des droits civils, par un système violent de
précautions que les lois n'autorisant pas ; ni ne se laisser entraîner par des présomptions
vagues et des conjectures hasardées à la poursuite de chimère qui s'évanouissent au milieu de
l'effroi qu'elles occasionnent. Votre correspondance, réglée sur les mêmes principes, doit
sortir de la routine de ces rapports périodiques, de ces aperçus superficiels et purement
moraux qui, loin d'instruire et d'éclairer l'autorité, répandent autour d'elle les erreurs, les
préventions, une sécurité fausse ou de fausses alarmes.
Je ne demande et ne veut connaître que des faits, des faits recueillis avec soin, présentés avec
exactitude et simplicité, développés avec tous les détails qui peuvent en faire sentir les
conséquences, en indiquer les rapports, en faciliter leur rapprochement.
Vous remarquerez toutefois que, resserrée dans d'étroites limites, votre surveillance ne peut
juger l'importance des faits qu'elle observe. Tel événement peu remarquable en apparence,
dans la sphère d'un département, peut avoir un grand intérêt dans l'ordre général, par ses
liaisons avec des analogues que vous n'avez pu connaître : c'est pourquoi je ne dois rien
ignorer de ce qui se passe d'extraordinaire ou selon le cours habituel des choses.
Telle est, Monsieur, la tache et simple facile qui vous est imposée.
La France, réintégrée dans la jouissance de ses droits politiques, replacée dans toute sa gloire,
sous la protection de son Empereur, la France n'a plus de vœux à former et plus d'ennemis à
craindre. Le gouvernement se trouve dans la réunion de tous les intérêts, dans l'assentiment de
toutes les classes, une force réelle à laquelle les ressources artificielles de l'autorité ne peuvent
rien ajouter. Il faut abandonner les errements de cette police d'attaque, qui sans cesse agitée
par le soupçon, sans cesse inquiète et turbulente, menace sans garantir et tourmente sans
protéger. Il faut se renfermer dans les limites d'une police libérale et positive, de cette police
d'observation, qui, calme dans sa marche, mesurée dans ses recherches, active dans ses
poursuites, partout présente et toujours protectrice, veille pour le bonheur du peuple, pour les
travaux de l'industrie, pour le repos de tous.
Ne cherchez dans le passé que ce qui est honorable et glorieux à la nation, ce qui peut
rapprocher les hommes, affaiblir les préventions et réunir tous les Français dans les mêmes
idées et les mêmes sentiments.
J'aime à croire, Monsieur, que je serais puissamment secondé de vos lumières, de votre zèle,
de votre patriotisme et de votre dévouement à l'Empereur.
Signé le ministre de la police générale, le duc d'Otrante.

Annexe n° 101 : Arrêt de la Cour impériale de 
Rennes du 2 janvier 1862, Recueil Sirey­
Devilleneuve, 1862, II, pp. 135 et 136.

LA COUR ; - Attendu que, si l’on voit un délit dans la rupture de ban, ce délit doit être
considéré comme étant d’une nature spéciale, et comme ne comportant pas l’existence d’une
complicité ; que la rupture de ban, en effet, ne se comprend que comme étant exclusivement
l’œuvre personnelle du délinquant ; qu’il existe d’ailleurs, dans le Code pénal, d’autres délits,
tels que le vagabondage et la banqueroute simple, pour lesquels en vertu du même principe, la
loi n’admet pas de complice ; - Attendu que le législateur a lui-même classé la rupture de ban
en dehors de tous les autres délits, puisque, dans le Code pénal, il l’a fait figurer à part, et non
sous la rubrique des délits concernant la chose publique, les personnes et les propriétés ; qu’il
est, d’ailleurs, de principe général que, sauf quelques cas particuliers, on ne peut être réputé
complice que d’un délit que l’on aurait pu commettre comme auteur principal ; - Attendu que
la désobéissance aux obligations imposées au condamné placé sous la surveillance, quel que
soit le châtiment qu’elle puisse entraîner, constitue plutôt une contravention purement
matérielle qu’un véritable délit ; - Attendu, en effet, qu’en droit pénal on ne considère pas
uniquement comme contraventions les fautes contre la simple police punissables dans les
limites des art. 465 et 466 Code pénal ; que le seul caractère qui distingue le délit de la
contravention, c’est la nécessité, pour l’existence d’un délit, de deux éléments, le fait matériel
et l’intention coupable, tandis que pour la contravention, le fait matériel suffit ; - Attendu que
la rupture de ban existe indépendamment de toute intention coupable par le seul fait de
l’infraction aux règles prescrites par l’art. 44 Code pénal, et le décret du 8 décembre 1851 ;
qu’elle peut même se rencontrer dans l’inaction du condamné à la surveillance, qui, mis en
liberté à l’expiration de sa peine, reste là où il a été libéré, sans rejoindre la résidence qui lui a
été assignée ; qu’il faut dès lors, en conclure que la rupture de ban n’est qu’un contravention,
puisque la désobéissance à la loi morale constitue seule le délit ; - Attendu que si la rupture de
ban ne constitue qu’une contravention, les art. 59 à 62, qui n’impliquent l’existence de la
complicité que pour les crimes et les délits, ne sauraient la concerner ; qu’il est de principe
qu’en matière de contravention il n’y a pas de complicité, à moins d’exceptions fort rares
spécialement indiquées par la loi pour certains cas particuliers ;
Confirme.

Annexe n° 102 : Décret du 8 décembre 1851, 
relatif à la surveillance de la haute police, 
Moniteur Universel, mardi 9 décembre 1851, n° 
343, p. 3047.
Considérant que la France a besoin d’ordre, de travail et de sécurité ; que, depuis un trop
grand nombre d’années, la société est profondément inquiétée et troublée par les machinations
de l’anarchie ainsi que par les tentatives insurrectionnelles des affiliés aux sociétés secrètes et
repris de justice, toujours prêts à devenir des instruments de désordre ;
Considérant que, par ses constantes habitudes de révolte contre toutes les lois, cette classe
d’hommes, non seulement compromet la tranquillité, le travail et l’ordre public, mais encore
autorise d’injustes attaques et de déplorables calomnies contre la saine population ouvrière de
Paris et de Lyon ;
Considérant que la législation actuelle est insuffisante et qu’il est nécessaire d’y apporter des
modifications, tout en conciliant les devoirs de l’humanité avec les intérêts de la sécurité
générale,
Décrète :
Art. 1er : Tout individu placé sous la surveillance de la haute police qui sera reconnu coupable
du délit de rupture de ban pourra être transporté, par mesure de sûreté générale, dans une
colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie.
La durée de la transportation sera de cinq années au moins et de dix ans au plus.
Art. 2 : La même mesure sera applicable aux individus reconnus coupables d’avoir fait partie
d’une société secrète.
Art. 3 : L’effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera, à l’avenir, de donner au
gouvernement le droit de déterminer le lieu dans lequel le condamné devra résider après qu’il
aura subi sa peine.
L’administration déterminera les formalités propres à constater la présence continue du
condamné dans le lieu de sa résidence.
Art. 4 : Le séjour de Paris et celui de la banlieue de cette ville sont interdits à tous les
individus placés sous la surveillance de la haute police.
Art. 5 : Les individus désignés par l’article précédent seront tenus de quitter Paris et sa
banlieue dans le délai de dix jours à partir de la promulgation du présent décret, à moins qu’ils
n’aient obtenu un permis de séjour de l’administration ; il sera délivré à ceux qui le
demanderont une feuille de route qui règlera leur itinéraire jusqu’à leur domicile d’origine ou
jusqu’au lieu qu’ils auront désignés.
Art. 6 : En cas de contravention aux dispositions prescrites par les articles 4 et 5 du présent
décret, les contrevenants pourront être transportés, par mesure de sûreté générale, dans une
colonie pénitentiaire à Cayenne ou en Algérie.
Art. 7 : Les individus transportés en vertu du présent décret seront assujettis au travail sur
l’établissement pénitentiaire ; ils seront privés de leurs droits civils et politiques ; ils seront
soumis à la juridiction militaire ; les lois militaires leur seront applicables.
Toutefois, en cas d’évasion de l’établissement, les transportés seront condamnés à un
emprisonnement qui ne pourra excéder le temps pendant lequel ils auront encore à subir la
transportation.
Ils seront soumis à la discipline et à la subordination militaire envers leurs chefs et
surveillants civils ou militaires pendant la durée de l’emprisonnement.
Art. 8 : Des règlements du pouvoir exécutif détermineront l’organisation de ces colonies
pénitentiaires.
Art. 9 : Les ministres de l’intérieur et de la guerre sont chargés, chacun en ce qui le concerne,
de l’exécution du présent décret.
Signé Louis-Napoléon Bonaparte et le ministre de l’intérieur, A. de Morny.

Annexe n° 103 : Décret du 9 juillet 1852 relatif 
aux interdictions de séjour dans les communes 
de l’agglomération lyonnaise, Moniteur Universel, 
lundi 12 juillet 1852, n° 194, p. 1065.

Art. 1er : Le séjour du département de la Seine et celui des communes formant l’agglomération
lyonnaise, désignées dans l’article 3 de la loi du 19 juin 1851, peuvent être interdits
administrativement pendant un délai déterminé, qui ne pourra excéder deux ans, à ceux qui,
n’étant pas domiciliés dans ce département ou ces communes :
1° ont subi depuis moins de dix ans une condamnation à l’emprisonnement pour rébellion,
mendicité ou vagabondage, ou une condamnation à un mois de la même peine pour coalition ;
2° ou n’ont pas, dans les lieux sus indiqués, des moyens d’existence.
L’interdiction de séjour pourra être renouvelée.
Art. 2 : L’arrêté d’interdiction est pris par le préfet de police ou par le préfet du Rhône, et
approuvé par le ministre de la police générale.
Il est notifié à l’individu qu’il concerne, avec sommation d’y obtempérer dans un délai
déterminé.
Art. 3 : Toute contravention à un arrêté d’interdiction sera punie d’un emprisonnement de huit
jours à un mois.
Le tribunal pourra, en outre, placer les condamnés sous la surveillance de la haute police,
pendant un an au moins et cinq ans au plus.
En cas de récidive, la peine sera de deux mois à deux ans d’emprisonnement, et le condamné
sera placé sous la surveillance de la haute police, pendant un an au moins et cinq ans au plus.
Signé Louis-Napoléon Bonaparte, Abbatucci (secrétaire d’État au département de la justice)
et de Casabianca (ministre d’État).

Annexe n° 104 : Circulaire du ministre de 
l’intérieur au préfet de police, du 12 décembre 
1851, Moniteur Universel, mardi 16 décembre 1851, 
n° 350, p. 3072.

M. le préfet,
Vous avez pris connaissance du décret rendu le 8 décembre contre les repris de justice en
rupture de ban et contre les hommes convaincus d’affiliation aux sociétés secrètes.
Ce décret ne doit pas être une lettre morte, il faut l’exécuter avec une persévérante énergie.
Veuillez à cet égard prendre les mesures les plus promptes. Il faut absolument débarrasser la
capitale de tous les éléments impurs et dangereux que la décision du gouvernement permet
d’atteindre.
Il faut éloigner de Paris et, au besoin, de la France ces meneurs qui égarent les hommes
faibles et préparent les révolutions.
Il faut enfin que Paris cesse d’être le refuge des bandits de tous les pays, qui s’y donnent
rendez-vous pour mettre la société en péril.
Je m’en rapporte à votre zèle, et je suis convaincu que vous pensez aussi bien que moi qu’il
est temps d’imprimer à ces hommes qui ont troublé le paye depuis trente ans une terreur
salutaire, afin de rassurer les bons citoyens et de donner au travail honnête de la sécurité et de
l’avenir.
Signé le ministre de l’intérieur A. de Morny.

Annexe n° 105 : Loi des 23 et 30 janvier 1874 
relative à la surveillance de la haute police, 
Moniteur Universel, lundi 2 février 1874, n° 32, p. 
161.

Art. 1er : Les articles 44, 46, 47 et 48 du Code pénal sont modifiés ainsi qu’il suit :

• Art. 44 : l’effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera de donner au


gouvernement le droit de déterminer certains lieux dans lesquels il sera interdit au
condamné de paraître après qu’il aura subi sa peine.
Le condamné devra déclarer, au moins quinze jours avant sa mise en liberté, le lieu où
il veut fixer sa résidence ; à défaut de cette déclaration, le gouvernement la fixera lui-
même.
Le condamné à la surveillance ne pourra quitter la résidence qu’il aura choisie ou qui
lui aura été assignée, avant l’expiration d’un délai de six mois, sans l’autorisation du
ministre de l’intérieur.
Néanmoins, les préfets pourront donner cette autorisation :
1° dans les cas de simples déplacements dans les limites mêmes de leur département ;
2° dans les cas d’urgence, mais à titre provisoire seulement.
Après l’expiration du délai de six mois, ou avant même l’expiration de ce délai, si
l’autorisation nécessaire a été obtenue, le condamné pourra se transporter dans toute
résidence non interdite, à la charge de prévenir le maire huit jours à l’avance.
Le séjour de six mois est obligatoire pour le condamné dans chacune des résidences
qu’il choisira successivement pendant tout le temps qu’il sera soumis à la surveillance,
à moins d’autorisation spéciale, donnée conformément aux dispositions précédentes,
soit par le ministre de l’intérieur, soit par les préfets.
Tout condamné qui se rendra à sa résidence recevra une feuille de route réglant
l’itinéraire dont il ne pourra s’écarter et la durée de son séjour dans chaque lieu de
passage.
Il sera tenu de se présenter, dans les vingt quatre heures de son arrivée, devant le maire
de la commune qu’il devra habiter.

• Art. 46 : en aucun cas, la durée de la surveillance ne pourra excéder vingt années.


Les coupables condamnés aux travaux forcés à temps, à la détention et à la réclusion
seront de plein droit, après qu’ils auront subi leur peine et pendant vingt années, sous
la surveillance de la haute police.
Néanmoins, l’arrêt ou le jugement de condamnation pourra réduire la durée de la
surveillance ou même déclarer que les condamnés n’y seront pas soumis.
Tout condamné à des peines perpétuelles, qui obtiendra commutation ou remise de sa
peine, sera, s’il n’en est autrement disposé par la décision gracieuse, de plein droit
sous la surveillance de la haute police pendant vingt ans.

• Art. 47 : les coupables condamnés au bannissement seront de plein droit sous la même
surveillance pendant un temps égal à la durée de la peine qu’ils auront subie, à moins
qu’il n’en ait été disposé autrement par l’arrêt ou le jugement de condamnation.
Dans les cas prévus par le présent article et par les § 2 et 3 de l’article précédent, si
l’arrêt ou le jugement ne contient aucune dispense ou réduction de la surveillance,
mention sera faite, à peine de nullité, qu’il en a été délibéré.

• Art. 48 : la surveillance pourra être remise ou réduite par voie de grâce.


Elle pourra être suspendue par mesure administrative.
La prescription de la peine ne relève pas le condamné de la surveillance à laquelle il
est soumis.
En cas de prescription d’une peine perpétuelle, le condamné sera de plein droit sous la
surveillance de la haute police pendant vingt années.
La surveillance ne produit son effet que du jour où la prescription est accomplie.
Art. 2 : Des règlements d’administration publique détermineront le mode d’exercice de la
surveillance et fixeront les conditions sous lesquelles, après un temps d’épreuve, cette
surveillance pourra être suspendue.
Annexe n° 106 : Loi du 27 mai 1885 relative aux 
récidivistes, Journal Officiel, jeudi 28 mai 1885, n° 
144, pp. 2721 et 2722.

Art. 1er : La relégation consistera dans l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou
possessions françaises des condamnés que la présente loi a pour objet d’éloigner de France.
Seront déterminés par décrets rendus en forme de règlement d’administration publique, les
lieux dans lesquels pourra s’effectuer la relégation, les mesures d’ordre et de surveillance
auxquelles les relégués pourront être soumis par nécessité de sécurité publique, et les
conditions dans lesquelles il sera pourvu à leur subsistance, avec obligation de travail à défaut
de moyens d’existence dûment constatés.
Art. 2 : La relégation ne sera prononcée que par les cours et tribunaux ordinaires comme
conséquence des condamnations encourues devant eux, à l’exclusion de toutes juridictions
spéciales et exceptionnelles.
Ces cours et tribunaux pourront toutefois tenir compte des condamnations prononcées par les
tribunaux militaires et maritimes en dehors de l’état de siège ou de guerre, pour les crimes ou
délits de droit commun spécifiés à la présente loi.
Art. 3 : Les condamnations pour crimes ou délits politiques ou pour crimes ou délits qui leur
sont connexes ne seront, en aucun cas, comptées pour la relégation.
Art. 4 : Seront relégués les récidivistes qui, dans quelque ordre que ce soit et dans un
intervalle de dix ans, non compris la durée de toute peine subie, auront encouru les
condamnations énumérées à l’un des paragraphes suivants :
1° Deux condamnations aux travaux forcés ou à la réclusion, sans qu’il soit dérogé aux
dispositions des paragraphes 1 et 2 de l’article 6 de la loi du 30 mai 1854 ;
2° Une des condamnations énoncées au paragraphe précédent et deux condamnations, soit à
l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes, soit à plus de trois mois d’emprisonnement
pour : vol ; escroquerie ; abus de confiance ; outrage public à la pudeur ; excitation habituelle
des mineurs à la débauche ; vagabondage ou mendicité par application des articles 277 et 279
du Code pénal ;
3° Quatre condamnations, soit à l’emprisonnement pour faits qualifiés crimes, soit à plus de
trois mois d’emprisonnement pour les délits spécifiés au paragraphe 2 ci-dessus ;
4° Sept condamnations, dont deux au moins prévues par les deux paragraphes précédents, et
les autres, soit pour vagabondage, soit pour infraction à l’interdiction de résidence signifiée
par application de l’article 19 de la présente loi, à la condition que deux de ces autres
condamnations soient à plus de trois mois d’emprisonnement.
Sont considérés comme gens sans aveu et seront punis des peines édictées contre le
vagabondage, tous individus qui, soit qu’ils aient ou non un domicile certain, ne tirent
habituellement leur subsistance que du fait de pratiquer ou faciliter sur la voie publique
l’exercice de jeux illicites, ou la prostitution d’autrui sur la voie publique.
Art. 5 : Les condamnations qui auront fait l’objet de grâce, commutation ou réduction de
peine seront néanmoins comptées en vue de la relégation. Ne le seront pas celles qui auront
été effacées par la réhabilitation.
Art. 6 : La relégation n’est pas applicable aux individus qui seront âgés de plus de soixante
ans ou de moins de vingt-un ans à l’expiration de leur peine.
Toutefois, les condamnations encourues par le mineur de 21 ans compteront en vue de la
relégation, s’il est, après avoir atteint cet âge, de nouveau condamné dans les conditions
prévues par la présente loi.
Art. 7 : Les condamnés qui auront encouru la relégation resteront soumis à toutes les
obligations qui pourraient leur incomber en vertu des lois sur le recrutement de l’armée.
Un règlement d’administration publique déterminera dans quelles conditions ils accompliront
ces obligations.
Art. 8 : Celui qui aurait encouru la relégation par application de l’article 4 de la présente loi,
s’il n’avait pas dépassé soixante ans, sera, après l’expiration de sa peine, soumis à perpétuité à
l’interdiction de séjour édictée par l’article 19 ci-après.
S’il est mineur de vingt et un ans, il sera, après l’expiration de sa peine, retenu dans une
maison de correction jusqu’à sa majorité.
Art. 9 : Les condamnations encourues antérieurement à la promulgation de la présente loi
seront comptées en vue de la relégation, conformément aux précédentes dispositions.
Néanmoins, tout individu qui aura encouru avant cette époque des condamnations pouvant
entrainer dès maintenant la relégation, n’y sera soumis qu’en cas de condamnation nouvelle
dans les conditions ci-dessus prescrites.
Art. 10 : Le jugement ou l’arrêt prononcera la relégation en même temps que la peine
principale ; il visera expressément les condamnations antérieures par suite desquelles elle sera
applicable.
Art. 11 : Lorsqu’une poursuite devant un tribunal correctionnel sera de nature à entrainer
l’application de la relégation, il ne pourra jamais être procédé dans les formes édictées par la
loi du 20 mai 1863 sur les flagrants délits.
Un défenseur sera nommé d’office au prévenu, à peine de nullité.
Art. 12 : La relégation ne sera appliquée qu’à l’expiration de la dernière peine à subir par le
condamné. Toutefois, faculté est laissée au gouvernement de devancer cette époque pour
opérer le transfèrement du relégué.
Il pourra également lui faire subir tout ou partie de la dernière peine dans un pénitencier.
Ces pénitenciers pourront servir de dépôt pour les libérés qui y seront maintenus jusqu’au plus
prochain départ pour le lieu de relégation.
Art. 13 : Le relégué pourra momentanément sortir du territoire de relégation en vertu d’une
autorisation spéciale de l’autorité supérieure locale.
Le ministre seul pourra donner cette autorisation pour plus de six mois ou la réitérer.
Il pourra seul aussi autoriser, à titre exceptionnel et pour six mois au plus, le relégué à rentrer
en France.
Art. 14 : Le relégué qui, à partir de l’expiration de sa peine, se sera rendu coupable d’évasion
ou de tentative d’évasion, celui qui, sans autorisation, sera rentré en France ou aura quitté le
territoire de la relégation, celui qui aura outrepassé le temps fixé par l’autorisation, sera
traduit devant le tribunal correctionnel du lieu de son arrestation ou devant celui du lieu de
relégation et, après connaissance de son identité, sera puni d’un emprisonnement de deux ans
au plus.
En cas de récidive, cette peine pourra être portée à cinq ans.
Elle sera subie sur le territoire des lieux de relégation.
Art. 15 : En cas de grâce, le condamné à la relégation ne pourra en être dispensé que par une
disposition spéciale des lettres de grâce.
Cette dispense par voie de grâce pourra d’ailleurs intervenir après l’expiration de la peine
principale.
Art. 16 : Le relégué pourra, à partir de la sixième année de sa libération, introduire devant le
tribunal de la localité une demande tendant à se faire relever de la relégation, en justifiant de
sa bonne conduite, des services rendus à la colonisation et de moyens d’existence.
Les formes et conditions de cette demande seront déterminées par le règlement
d’administration publique prévu par l’article 18 ci-après.
Art. 17 : Le gouvernement pourra accorder aux relégués l’exercice, sur les territoires de
relégation, de tout ou partie des droits civils dont ils auraient été privés par l’effet des
condamnations encourues.
Art. 18 : Des règlements d’administration publique détermineront :

• Les conditions dans lesquelles les relégués accompliront les obligations militaires
auxquelles ils pourraient être soumis par les lois sur le recrutement de l’armée ;

• L’organisation des pénitenciers mentionnés en l’article 12 ;

• Les conditions dans lesquelles le condamné pourra être dispensé provisoirement ou


définitivement de la relégation pour cause d’infirmité ou de maladie, les mesures
d’aide et d’assistance en faveur des relégués ou de leur famille, les conditions
auxquelles des concessions de terrains provisoires ou définitives pourront leur être
accordées, les avances à faire, s’il y a lieu, pour premier établissement, le mode de
remboursement de ces avances, l’étendue des droits de l’époux survivant, des héritiers
ou des tiers intéressés sur les terrains concédés et les facilités qui pourraient être
données à la famille des relégués pour les rejoindre ;

• Les conditions des engagements de travail à exiger des relégués ;

• Le régime et la discipline des établissements ou chantiers ou ceux qui n’auraient ni


moyens d’existence ni engagement seront astreints au travail ;

• Et en général toutes les mesures nécessaires à assurer l’exécution de la présente loi.

Le premier règlement destiné à organiser l’application de la présente loi, sera promulgué dans
un délai de six mois au plus à dater de sa promulgation.
Art. 19 : Est abrogée la loi du 9 juillet 1852, concernant l’interdiction, par voie administrative,
du séjour du département de la Seine et des communes formant l’agglomération lyonnaise.
La peine de surveillance de la haute police est supprimée. Elle est remplacée la défense faite
au condamné de paraître dans les lieux dont l’interdiction lui sera signifiée par le
gouvernement avant sa libération.
Toutes les autres obligations et formalités imposées par l’article 44 du Code pénal sont
supprimées à partir de la promulgation de la présente loi, sans qu’il soit toutefois dérogé aux
dispositions de l’article 635 du Code d’instruction criminelle.
Restent en conséquence applicables pour cette interdiction les dispositions antérieures qui
réglaient l’application ou la durée, ainsi que la remise ou la suppression de la surveillance de
la haute police et les peines encourues par les contrevenants, conformément à l’article 45 du
Code pénal.
Dans les trois mois qui suivront la promulgation de la présente loi, le gouvernement signifiera
aux condamnés actuellement soumis à la surveillance de la haute police, les lieux dans
lesquels il leur sera interdit de paraître pendant le temps qui restait à courir de cette peine.
Art. 20 : La présente loi est applicable à l’Algérie et aux colonies.
En Algérie, par dérogation à l’article 2, les conseils de guerre prononceront la relégation
contre les indigènes des territoires de commandement qui auront encouru, pour crimes ou
délits de droit commun, les condamnations prévues par l’article 4 ci-dessus.
Art. 21 : La présente loi sera exécutée à partir de la promulgation du règlement
d’administration publique mentionné au dernier paragraphe de l’article 18.
Art. 22 : Un rapport sur l’exécution de la présente loi sera présenté chaque année, par le
ministre compétent, à M. le président de la République.
Art. 23 : Toutes dispositions antérieures sont abrogées en ce qu’elles ont de contraire à la
présente loi.
Signé le président de la République, Jules Grévy et le ministre de l’intérieur, H. Allain-Targé.

Annexe n° 107 : Ordonnance du 11 mars 1815 
relative à la détermination de certaines peines, 
Moniteur Universel, lundi 13 mars 1815, n° 72, p. 
288.
Ordonnance qui détermine les peines à infliger aux embaucheurs, aux provocateurs à la
désertion, et aux soldats et citoyens appelés à défendre la patrie, qui abandonneraient leurs
drapeaux, ne les rejoindraient pas, ou passeraient à l’ennemi.
Nous avons pris toutes les mesures qu’exigeaient l’honneur et la sûreté de l’État, pour
repousser par la force l’ennemi qui ose attenter à la tranquillité publique, et qui cherche à
détruire le Gouvernement constitutionnel sur lequel reposent le bonheur et la prospérité de
notre royaume.
Mais il ne nous suffit pas de rassembler promptement des forces imposantes, si nous ne
réprimons par des peines sévères et promptement appliquées les tentatives de séduction
journellement employées auprès de nos braves armées, pour les détacher de leur devoir.
A ces causes, de l’avis de notre conseil, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : La loi du 4 nivôse an IV continuera d’être exécutée suivant sa forme et teneur : en
conséquence, tout embaucheur pour l’ennemi ou pour les rebelles sera puni de mort.
Art. 2 : Sera réputé embaucheur celui qui, par argent, par discours ou par la distribution et
publication d’écrits incendiaires, chercherait à éloigner de leur devoir les soldats ou les
citoyens appelés à repousser l’ennemi, ou à les faire passer aux rebelles.
Art. 3 : Seront punis des mêmes peines tous les soldats et citoyens appelés à défendre la
patrie, qui abandonneraient leurs drapeaux, ou ne les rejoindraient pas et passeraient à
l’ennemi.
Art. 4 : Il sera établi auprès de chaque corps d’armée, et dans les chefs lieux de département
où nous le jugerons convenable, des conseils de guerre spécialement chargés de juger les
coupables des délits ci-dessus mentionnés.
Les jugements des conseils de guerre seront exécutés dans les 24 heures, à l’égard des
coupables pris les armes à la main, ou arrêtés en flagrant délit en cherchant à débaucher les
soldats et officiers de nos armées.
Art. 5 : La présente ordonnance sera publiée et affichée partout où besoin sera, et insérée au
Bulletin des lois, pour être adressée à tous les préfets, sous-préfets, cours et tribunaux et
municipalités du Royaume.
Donné à Paris, le 11 mars 1915. Signé Louis et Dambray.
Annexe n° 108 : Loi du 27 décembre 1815 
relative aux cours prévôtales, Archives 
parlementaires, Tome XV, p. 451.

Loi relative au rétablissement des cours prévôtales.

Titre I – Des cours prévôtales et de leur organisation.

Art. 1er : Il sera établi dans chaque département et dans le lieu où siège la cour d’assises une cour prévôtale.

Art. 2 : Les cours prévôtales seront composées d’un président, d’un prévôt, et de quatre juges, dont un désigné
pour remplir les fonctions d’assesseur.

Art. 3 : Le président et les juges seront choisis parmi les membres du tribunal de première instance du lieu où
siègera la cour prévôtale.

Art. 4 : Les prévôts seront pris parmi les officiers de l’armée de terre ou de mer ayant le grade de colonel, au
moins, et âgés de trente ans accomplis.

Art. 5 : Le roi nommera, pour la durée de la loi, président de la cour prévôtale et le prévôt. Les juges et
assesseurs seront annuellement désignés par le premier président de la cour royale du ressort ; néanmoins ils le
seront pour la première fois par le ministre secrétaire d’État au département de la justice.

Art. 6 : Les fonctions du ministère public seront exercées, près de chaque cour prévôtale, par le procureur du roi
près le tribunal de première instance, ou par l’un des substituts.

Art. 7 : Les fonctions de greffier seront remplies par les greffiers des tribunaux de première instance, ou par leurs
commis assermentés.

Titre II – De la compétence.

Art. 8 : Les cours prévôtales connaitront des crimes qui étaient attribués aux cours spéciales par le Code
d’instruction criminelle.

Art. 9 ; Les cours prévôtales procéderont contre tout individu, quelle que soit sa profession, civile, militaire ou
autre, qui se serait rendu coupable du crime de rébellion armée, ou qui aurait été arrêté faisant partie d’une
réunion séditieuse, ou qui, sans droit ou sans motif légitime, aurait pris le commandement d’une force armée,
d’une place forte, d’un poste, d’un port, ou d’une ville ; ou qui aurait levé ou organisé une bande armée, ou qui
aurait fait partie d’une telle bande, ou lui aurait fourni des armes, des munitions ou des vivres.

Art. 10 : Elles procéderont également contre toute personne prévenue d’avoir affiché, distribué ou vendu dans
des lieux publics des écrits ; d’avoir, dans des lieux publics ou destinés à des réunions habituelles de citoyens,
fait entendre des cris ou proféré des discours, toutes les fois que ces cris, ces discours ou ces écrits, auront
exprimé la menace d’un attentat contre la personne du roi ou la personne des membres de la famille royale, ou
qu’ils auront excité à s’armer contre l’autorité royale, ou qu’ils auront provoqué au renversement du
gouvernement ou au changement de l’ordre de successibilité au Trône.
Art. 11 : Elles procéderont contre toutes personnes prévenues d’avoir arboré dans un lieu public, ou destiné à des
réunions habituelles de citoyens, un drapeau autre que le drapeau blanc, et contre toutes personnes qui feront
entendre des cris séditieux dans le palais du roi ou sur son passage.

Art. 12 : Seront justiciables des cours prévôtales les prévenus d’assassinat ou de vol avec port d’armes ou
violence, lorsque ces crimes auront été commis sur les grands chemins. Ne sont pas regardés comme grands
chemins les routes dans les villes, bourgs, faubourgs et villages.

Art. 13 : Seront justiciables des cours prévôtales les militaires et les individus à la suite des armées ou des
administrations militaires, prévenus de vol ou d’acte de violence, qualifiés crimes par le Code des délits et des
peines, toutes les fois que lesdits actes ne pourront être considérés comme des infractions aux lois sur la
subordination et la discipline militaire.

Art. 14 : Sont compris dans la disposition de l’article précédent les militaires en activité de service, ou jouissant
d’un traitement d’activité ou de non-activité autre que la solde de retraite, et les militaires licenciés ou congédiés
pendant l’année qui suivra leur licenciement ou la délivrance de leur congé absolu.

Art. 15 : Si, dans une affaire qui n’aurait été renvoyée devant la cour prévôtale qu’à cause de la qualité des
prévenus, il se trouve un ou plusieurs d’entre eux qui n’en soient point justiciables par leur qualité, le procès et
les parties seront renvoyés devant qui de droit.

Art. 16 : Lorsque dans une affaire portée devant la cour prévôtale à cause de la nature de l’accusation, le crime
dont l’accusé est prévenu se trouvera, par le résultat des débats, dépouillé des circonstances qui le rendaient cas
prévôtal, la cour renverra l’accusé et le procès devant qui de droit.

Art. 17 : Si, par le résultat des débats, le fait dont l’accusé est convaincu n’était pas de nature à entrainer peine
afflictive ou infamante, la cour appliquera les peines correctionnelles ou de police encourues par l’accusé.

Art. 18 : Si les accusés ou quelques-uns des accusés compris dans le même procès sont en même temps prévenus
de crimes autres que ceux dont la poursuite est attribuée aux cours prévôtales, lesdites cours, après avoir statué
sur l’affaire dont elles doivent connaitre, renverront pour le surplus, s’il y a lieu, devant qui de droit.

Art. 19 : Tous les crimes prévus par la présente loi, et commis postérieurement à sa promulgation, seront jugés
par la cour prévôtale ; en conséquence, immédiatement après son installation, les procès et les prévenus lui
seront renvoyés, sans préjudice aux poursuites et à l’instruction préalable qui seront faites jusque là par les juges
ordinaires.

Les crimes de la compétence des cours spéciales, commis même antérieurement à la promulgation de la présente
loi, seront jugés par les cours prévôtales.

Titre III – Du prévôt.

Art. 20 : Les prévôts sont spécialement chargés de la recherche et de la poursuite de tous les crimes dont la
connaissance est attribuée aux cours prévôtales.

Art. 21 : Dans le cas de flagrant délit ou de clameur publique, les prévôts sont tenus de se transporter sur les
lieux pour dresser les procès-verbaux des faits, et de tout ce qui pourra servir à la décharge ou conviction des
accusés ; ils réuniront tous renseignements.

Art. 22 : Les prévôts, en cas de flagrant délit, feront saisir les prévenus présents contre lesquels il existerait des
indices graves.
Art. 23 : Lorsque les prévôts auront reçu des plaintes ou dénonciations relatives à des faits de la compétence des
cours prévôtales, ils informeront contre les prévenus ; ils pourront se transporter, s’il est besoin, sur les lieux, à
l’effet d’y dresser tous les procès-verbaux nécessaires : ils pourront décerner des mandats d’amener ; ils seront,
dans les circonstances prévues par le présent article, assistés de leur assesseur.

Art. 24 : Les prévôts feront citer devant eux les personnes qui auront été indiquées par la plainte, par la
dénonciation ou par le procureur du roi, et celles qu’ils jugeront utile d’entendre.

Art. 25 : Après avoir entendu les prévenus et le procureur du roi, les prévôts pourront décerner des mandats
d’arrêt.

Art. 26 : Les prévôts peuvent requérir directement la gendarmerie et toute autre force publique.

Art. 27 : En l’absence du prévôt, et dans le cas de sa compétence, les juges de paix, officiers de gendarmerie,
commissaires généraux de police, maires, adjoints de maire, et commissaires de police, seront tenus de dresser
tous procès-verbaux et tous actes ; en cas de flagrant délit ou de clameur publique, ils feront saisir les prévenus
ou décerneront mandats d’amener contre eux.

Art. 28 : Tous officiers de gendarmerie seront tenus d’instruire le prévôt de tous les faits de sa compétence qu’ils
viendraient à découvrir ; ils doivent lui fournir tous les renseignements qu’il leur demandera.

Art. 29 : Lorsque le prévôt jugera qu’il y a lieu d’instruire prévôtalement, il en donnera avis au procureur du roi
du tribunal du lieu où siège la cour prévôtale.

Titre V – De l’instruction et du jugement.

Art. 30 : Les crimes dont la connaissance est attribuée par la présente loi aux cours prévôtales, seront poursuivis
d’office, par les procureurs du roi près des lieux où siège la cour d’assises, sous la surveillance des procureurs
généraux.

Art. 31 : Les plaintes et dénonciations pourront être reçues pour tous les officiers de police judiciaire, qui les
adresseront, en ce cas, dans les vingt quatre heures, au procureur du roi près le tribunal du chef lieu du
département.

Art. 32 : A l’instant même de la capture, le prévenu sera traduit dans les prisons les plus prochaines, et transféré,
sans délai, dans celles de la cour prévôtale.

Art. 33 : Dans les vingt quatre heures de l’arrivée du prévenu dans les prisons de la cour, le prévôt procédera à
son interrogatoire ; et, dans le plus court délai, à l’audition des témoins.

Il sera assisté de son assesseur, et, en cas d’empêchement, d’un juge désigné par le président de la cour ;
l’assesseur signera l’interrogatoire et le procès-verbal d’audition des témoins ; le tout à peine de nullité.
L’assesseur pourra requérir le prévôt de faire à l’accusé telle question qu’il jugera nécessaire à l’éclaircissement
de l’affaire.

Art. 34 : Dans le cours de l’interrogatoire, le prévenu sera averti qu’il sera jugé prévôtalement, en dernier ressort,
et sans recours en cassation ; il sera sommé de proposer ses exceptions contre la compétence, s’il en a à
présenter, il sera fait mention dans le procès-verbal, de ladite sommation et des réponses du prévenu ; il lui sera
demandé s’il a fait choix d’un conseil ; et, s’il ne l’a pas fait, le prévôt lui en nommera un d’office : le tout à
peine de nullité.

Art. 35 : Sur le vu des pièces communiquées au ministère public, la cour jugera sa compétence.
Art. 36 : Les jugements de compétence seront rendus en la chambre du conseil, et hors la présence de l’accusé,
sur le rapport du prévôt ou du juge qui l’aura assisté, et sur les conclusions écrites du ministère public.

Art. 37 : Ce jugement sera signifié dans les vingt quatre heures à l’accusé.

Art. 38 : Dans le cas où la cour prévôtale se déclarerait incompétente, elle renverra l’accusé et les pièces devant
qui de droit. Le ministère public pourra, dans les dix jours de ce jugement, se pourvoir contre par devant la cour
royale du ressort, chambre d’accusation. Si cette dernière cour réforme le jugement, elle renverra la cause et les
parties à une autre cour prévôtale de son ressort, qui procédera immédiatement au jugement définitif.

Art. 39 : Dans le cas où la cour prévôtale se déclarerait incompétente, elle prononcera s’il y a lieu à une mise en
accusation, et décernera l’ordonnance de prise de corps ; le jugement de compétence sera envoyé immédiatement
au procureur général, qui sera chargé toute affaire cessante, de la soumettre à la délibération de la chambre
d’accusation de la cour royale pour qu’elle statue définitivement sans recours en cassation.

Art. 40 : L’instruction sur le fond du procès ne sera pas suspendue par l’envoi du jugement de compétence à la
cour royale ; mais il sera sursis aux débats et au jugement définitif, jusqu’à ce qu’il ait été prononcé par ladite
cour sur ce jugement de compétence.

Art. 41 : La cour prévôtale, saisie d’une affaire par le renvoi que lui en aura fait la cour royale, procédera au
jugement définitif sans jugement préalable sur sa compétence.

Art. 42 : L’acte d’accusation sera dressé par le ministère public.

Art. 43 : Les cours prévôtales se conformeront en tout ce qui concerne la recherche des prévenus, l’audition des
témoins, la récusation des juges, l’examen, la défense de l’accusé, la police de l’audience, le jugement et
l’exécution, aux formes établies par le Code d’instruction criminelle pour les cours spéciales sauf les
modifications prescrites par la présente loi.

Art. 44 : Les cours prévôtales ne peuvent infliger d’autres peines que celles portées par les lois.

Art. 45 : Les arrêts des cours prévôtales seront rendus en dernier ressort, et sans recours en cassation.

Art. 46 : Ils seront exécutés dans les vingt quatre heures, à moins que la cour prévôtale n’ait usé de la faculté
accordée par l’article 595 du Code d’instruction criminelle, pour recommander le condamné à la commisération
du roi.

Art. 47 : Lorsque le prévenu n’aura pu être saisi, ou qu’après avoir été saisi il s’évadera, il sera procédé contre
lui par contumace.

Art. 48 : La cour jugera sa compétence, et, après avoir pris connaissance de la procédure et de l’acte
d’accusation, elle prononcera sur le procès principal.

Art. 49 : Les effets de la contumace demeurent au surplus tels qu’ils sont réglés par le Code d’instruction
criminelle.

Titre V – Dispositions générales.

Art. 50 : En cas d’absence ou d’empêchement légitime, les membres des cours prévôtales seront remplacés,
savoir : le président, par le juge le plus ancien ; le prévôt, par l’officier commandant la gendarmerie du
département ; les juges, par des membres du tribunal de première instance, et, à leur défaut, par des avocats
inscrits sur le tableau.
Art. 51 : La cour prévôtale, sur la réquisition du prévôt ou du procureur du roi, et après délibération pourra se
transporter et siéger dans les lieux du département qu’elle aura indiqués.

Art. 52 : Les cours prévôtales ne peuvent juger qu’au nombre de six membres.

Art. 53 : Les présidents des cours prévôtales présideront aussi les audiences de police correctionnelle du tribunal
dont ils font partie.

Art. 54 : Les présidents et les prévôts prêteront serment, avant d’entrer en fonction, devant la cour royale du
ressort.

Art. 55 : La présente loi cessera d’avoir son effet après la session de 1817, si elle n’a été renouvelée dans le
courant de ladite session.

Annexe n° 109 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 14 août 1812, Recueil 
Sirey­Devilleneuve, 1812, I, p. 170.

LA COUR ; - Vu l’art. 408 du Code d’instruction criminelle ; - Attendu qu’il est de principe
que si, parmi les prévenus des crimes qui sont, par la simple qualité des personnes, attribués à
des juridictions extraordinaires et d’exception, il s’en trouve qui ne sont point, par ladite
qualité, justiciables de ces juridictions, le procès et les parties doivent être renvoyés devant les
juridictions ordinaires ; - Attendu que ce principe a été consacré par diverses lois, notamment
par la loi du 22 messidor an IV, relativement aux conseils militaires, et par l’art. 555 du Code
d’instruction criminelle, relativement aux Cours spéciales ; - Attendu que T., non préposé des
douanes, est prévenu de complicité du vol commis par H., préposé des douanes, dans
l’exercice de ses fonctions de préposé, et que ledit T. n’est point, par sa qualité, justiciable des
Cours prévôtales ; que, dès lors, à raison de l’indivisibilité de la procédure, le procès et les
prévenus devaient être renvoyés devant la juridiction ordinaire ; d’où il suit que la Cour
prévôtale des douanes de Valenciennes, en se déclarant compétente dans l’espèce, a violé les
règles de compétence ;
Casse, etc.
Annexe n° 110 : Tableau relatif au nombre 
d’affaires instruites par les cours prévôtales 
pour l’année 1818.

Nature de l'infraction Nombre d'affaires


Vagabonds et récidivistes 457
Militaires en activité ou libérés depuis
279
moins d'un an
Contrebande armée et délits de douane 275
Fausse monnaie 249
Assassinats ou vols avec violence sur les
300
grands chemins
Assassinats par attroupements armés 65
Rébellion armée 243
Réunion séditieuse ou organisation de
175
bandes armées
Affaires politiques (cris et discours
séditieux, écrits séditieux, arboration du 237
drapeau tricolore)
Total 2280

Annexe n° 111 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 14 décembre 1815, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1815, I, pp. 125 et 126.

LA COUR ; - Attendu, sur le premier moyen, que le demandeur a été mis en accusation, et
renvoyé devant la Cour d’assisses du département de la Seine, comme complice d’un attentat
contre la sûreté de l’État ; que l’article 33 de la Charte constitutionnelle n’attribue pas à la
chambre des pairs, indistinctement, la connaissance de tous les attentas contre la sûreté de
l’État ; qu’il restreint cette attribution aux attentats contre la sûreté de l’État, qui seront définis
par la loi ; qu’aucune loi n’a encore déterminé ceux de ces attentats qui, conformément à cet
article de la Charte, doivent être soumis au jugement de la chambre des pairs ; qu’ils
demeurent donc tous encore dans le droit commun, et que la Cour d’assisses du département
de la Seine a été compétente pour instruire et prononcer sur l’accusation intentée contre le
demandeur ;
Attendu, sur le second moyen, que le procès-verbal des séances de la Cour d’assisses constate
la présence des jurés dans le cours des séances du 21 au matin et 21 au soir ; que de cette
preuve résulte la présomption légale de continuité non interrompue de la présence des jurés, à
chacune de ces deux instances, pendant le surplus de leur durée : fait d’autant plus
indubitable, qu’il n’est pas contredit ;
Attendu, sur le troisième moyen, que les articles 337 et 338 du Code d’instruction criminelle,
en indiquant l’ordre de la position des questions, ne les prescrivent point, à peine de nullité :
qu’en général, la position des questions est régulière, lorsque, d’une part, elle est conforme,
soit au résumé de l’acte d’accusation, soit au résultat des débats ; et que, de l’autre, elle est
susceptible d’une réponse catégorique : double condition parfaitement vérifiée dans la
position de question dont il s’agit ;
Attendu que le rejet de la demande de l’accusé, tendant à séparer la question de l’usurpation
des fonctions de celle du fait principal, loin de rien présenter d’irrégulier, était conforme à la
nature de leurs rapports ; que si le fait de l’usurpation de fonctions devait former le sujet
d’une question séparée, dans le cas où il n’aurait aucun trait avec le fait principal : par la
raison contraire, on devait le comprendre avec lui dans une seule et même question, dès que,
d’après l’acte d’accusation, il devenait une dépendance, et formait une des circonstances
élémentaires et constitutives de la culpabilité principale ;
Attendu que la disposition de l’article 337 du Code d’instruction criminelle, ordonnant de
poser la question relative aux circonstances à la suite de celles du fait principal, ne concerne
que les circonstances aggravantes, qu’il est naturel de n’énoncer qu’après le fait qu’elles
modifient ; qu’il est évident que cet article ne s’applique point aux circonstances qui sont, non
pas aggravantes, mais élémentaires et constitutives de la culpabilité principale qui en devient
le résultat, tels que les faits qui, dans la première partie de la question, sont énoncés avant
celui de la complicité à l’attentat ; que par conséquent ces faits devaient être rappelés, ainsi
qu’ils l’ont été avant le fait général de la complicité, comme le principe avant la conséquence,
et qu’en suivant cet ordre de la position de la question, les jurés conservaient la liberté
d’émettre leur vœu soit sur les circonstances élémentaires soit sur le fait principal ;
Attendu que la seconde série des circonstances relatives au caractère moral de la complicité
n’a été énoncée, qu’à la suite du fait principal et des circonstances particulières qui en
formaient les éléments ; qu’ainsi, le jury n’a été obligé de s’expliquer sur le caractère moral,
qu’après avoir délibéré sur le fait matériel ; qu’avec un ordre inverse, il lui aurait fallu faire sa
déclaration sur la moralité de l’action, avant que de voter sur sa réalité, ce qui était
impossible ; qu’en déclarant que l’accusé s’était rendu coupable de l’attentat, en aidant et
assistant sciemment son auteur par un ou plusieurs faits particuliers qui formaient la première
partie de la question, les jurés n’ont fait que déterminer le caractère moral de ces faits
particuliers ; que la Cour d’assisses a d’ailleurs prononcé sur la complicité dans ses rapports
avec la loi qui en fixe le caractère, en faisant à la déclaration du jury l’application des articles
59, 60 et 37 du Code pénal ;
Attendu, sur le quatrième moyen, qu’il est constaté par le procès-verbal des débats légalement
signé par le président et le greffier, qu’il a été statué par la Cour d’assisses sur la réclamation
de l’accusé relative à la position des questions ; que l’article 370 invoqué par le demandeur
sur ce moyen, n’est relatif qu’aux jugements définitifs ; que cet article n’est pas même prescrit
à peine de nullité ; que d’après l’article 227 les décisions qui doivent être rendues par la Cour
d’assisses sur les réquisitions du ministère public, ont un caractère d’authenticité suffisant par
la signature du président et du greffier, que la loi n’ayant établi aucune disposition particulière
relativement aux décisions des mêmes Cours sur les demandes des accusés, l’article 277 peut
seul, et par voie de corrélation, leur être applicable ;
Attendu, sur le cinquième moyen, que, d’après le procès-verbal de la Cour d’assisses, ce fut
sur la proposition de M. le président, et du consentement de l’accusé, que M. de Torcy,
conseiller, assista aux débats comme remplaçant éventuel de l’un des juges en cas
d’empêchement ; qu’ayant commencé à siéger en cette qualité, il est présumé de droit n’avoir
continué que de la même manière ; que rien ne prouve, qu’il n’est pas même allégué,
qu’aucun empêchement n’étant survenu à aucun des membres de la Cour d’assisses, ce juge
suppléant ait participé en aucune manière aux débats, aux décisions d’instruction, ni au
jugement définitif ;
Attendu, sur le sixième moyen, que le procès-verbal des débats constate que le président a
résumé l’affaire ; qu’il s’ensuit la présomption qu’il a aussi fait remarquer aux jurés les
principales preuves pour et contre l’accusé ; que d’ailleurs l’article 336, qui sert de base à ce
moyen, n’est prescrit à peine de nullité ;
- Rejette.
Annexe n° 112 : Résolution de la Chambre des 
pairs du 16 février 1816, Archives parlementaires, 
Tome XVI, pp. 177 et 178.

Titre premier : De la compétence.


Art. 1er : La compétence de la Chambre des pairs, comme cour de justice, est déterminée par
la nature des délits et des crimes, et la qualité des personnes qui en sont prévenues.
Art. 2 : Cependant l’attentat ou complot dirigé contre la personne du roi, de la Reine ou de
l’héritier présomptif de la couronne, est toujours de la compétence de la Chambre, quelle que
soit la qualité des prévenus.
Art. 3 : Les crimes de la compétence de la Chambre des pairs, auxquels se rapporte l’article
33 de la Charte, sont ceux mentionnés au Code pénal, depuis l’article 75 jusqu’à l’article 104
inclusivement, lorsque le prévenu, ou l’un des prévenus, est revêtu de l’une des dignités, ou
remplit une des fonctions suivantes, savoir :
Princes du sang ; Pairs de France ; Maréchaux de France ; Grands officiers de la couronne ;
Capitaines des gardes en activité de service ; Archevêques ou évêques ; Ministres secrétaires
d’État ; Ministres d’État ; Ambassadeurs et ministres près les cours étrangères ; Généraux
commandant en chef ; Gouverneurs de colonies et de divisions militaires.
Art. 4 : Toutefois, et conformément à l’article 34 de la Charte, un pait ne peut être jugé que
par la Chambre des pairs, même pour tous autres crimes ou délits que ceux exprimés ci-
dessus, lorsque ces crimes ou délits emportent une peine correctionnelle ou afflictive.
Art. 5 : S’il arrive que les tribunaux ordinaires, dont les pairs ne cessent point d’être
justiciables en matière de simple police, prononcent contre un pair la peine
d’emprisonnement, le jugement ne peut recevoir son effet que sur l’exequatur du président de
la Chambre, qui, dans ce cas, exerce le pouvoir dévolu à la Chambre des pairs par l’article 34
de la Charte.
Art. 6 : Si parmi les prévenus des crimes ou délits spécifiés en la présente loi, il s’en trouve
qui soient justiciables de la Chambre des pairs, en raison de leurs dignités ou fonctions, le
tribunal saisi de l’affaire la renvoie devant la Chambre, qui continue alors l’instruction, et
procède au jugement de tous les prévenus, quelle que soit leur qualité.
Art. 7 : Il sera pourvu par une loi particulière à la forme d’accusation à suivre par la Chambre
des députés, dans le cas prévu par les articles 55 et 56 de la Charte.
Titre II : Du mode de procéder et du jugement.
Art. 8 : Les fonctions du ministère public près la Chambre des pairs sont exercées par le
procureur général de la cour royale dans le ressort de laquelle siège la Chambre ;
Il peut se faire assister de deux membres du même parquer.
Art. 9 : Pour tous crimes ou délits dont la connaissance appartient à la Chambre des pairs, les
fonctionnaires publics qualifiés par le Code comme agents directs du pouvoir judiciaire, ou
comme auxiliaires du même pouvoir, peuvent recevoir des dénonciations ou des plaintes, et
faire toutes les recherches, poursuites, chacun suivant sa compétence.
Art. 10 : Dans ce cas, les dénonciations et les plaintes qu’ils reçoivent, ainsi que le résultat de
leurs recherches, sont transmises par eux, sans délai, au procureur général du ressort, lequel
doit en informer sur le champ le président de la Chambre, sans que les poursuites en
demeurent suspendues ou ralenties.
Art. 11 : Le président de la Chambre transmet toutes les pièces qui lui sont adressées au
procureur général remplissant les fonctions du ministère public près la Chambre des pairs,
lequel peut alors requérir du président le permis d’informer.
Art. 12 : L’information se fait, soit devant le président de la Chambre, soit devant un pair,
commis par lui à cet effet.
Art. 13 : Quand le procureur général juge les informations suffisantes, il présent à la Chambre
son réquisitoire, et l’acte d’accusation, s’il y a lieu.
Art. 14 : La Chambre admet ou rejette l’accusation, à la majorité absolue des suffrages.
Art. 15 : Les pairs opinent à haute voix et en séance secrète, tant sur l’accusation que dans
toutes les décisions, déclarations ou arrêts qui interviennent pendant le cours de l’instruction
et du jugement.
Art. 16 : Avant l’ouverture des débats, le président arrête la liste des pairs présents, lesquels
peuvent seuls participer au jugement ;
Il invite l’accusé à choisir ses défenseurs, et, à défaut par lui de le faire, il lui en nomme
d’office.
Art. 17 : A l’ouverture des débats, l’accusé présente ses moyens préjudiciels, s’il en a.
Art. 18 : Toutefois il ne peut alléguer d’autres causes de récusation que celles prévues au titre
XXI du Code de procédure civile ;
La Chambre les admet ou les rejette.
Art. 19 : Les débats sont publics.
Art. 20 : Les cinq huitièmes des voix sont nécessaires pour la condamnation.
Art. 21 : Les voix de tous les pairs sont comptées, quels que soient les alliances ou degrés de
parenté existant entre eux.
Art. 22 : Le président prononce le jugement en séance publique ;
En cas de condamnation, il est lu à l’accusé par le greffier.
Titre III : De l’application des peines.
Art. 23 : Les peines prononcées par la Chambre des pairs, sont :
La mort, la déportation, la détention à perpétuité, le bannissement et la détention à temps.
Art. 24 : Elle fait l’application de ces peines dans les cas et la manière prévus au Code pénal.
Art. 25 : Cependant, lorsque le Code pénal prononce une autre peine que celles portées en
l’article 23 de la présente loi, la Chambre peut y substituer la déportation, le bannissement ou
la détention, en les graduant, d’après la gravité du délit ou du crime, et selon ce que la justice
exige.
Art. 26 : En matière correctionnelle, la Chambre des pairs prononce toutes les peines portées
par le Code, et dans les cas qu’il a prévus.

Annexe n° 113 : Ordonnance du 20 avril 1821 
relative à la compétence de la Cour des pairs, 
Archives parlementaires, Tome XXXI, pp. 91 à 93.

Titre premier : De la recherche et de la poursuite.


Section I. Du ministère public.
Art. 1er : Il y aura près de la Cour des pairs un procureur général ; il sera assisté dans
l’exercice de ses fonctions par deux avocats généraux et deux substituts.
Art. 2 : Les fonctions d’avocat général et de substitut près la Cour des pairs ne sont point
incompatibles avec celles du ministère public près les cours et tribunaux.
Art. 3 : Les ordonnances de nomination de ces officiers sont portées à cette Cour par des
commissaires du roi.
Ces officiers sont reçus et installés solennellement en séance publique.
Art. 4 : Le procureur général agit d’office dans les cas prévus par l’article 34 de la Charte
constitutionnelle.
Art. 5 : Dans les cas prévus par l’article 33 de la Charte constitutionnelle, le procureur général
ne peut agir s’il n’est provoqué, soit par le flagrant délit, soit par une ordonnance du roi, qui
défère à la Cour des pairs le crime dénoncé.
Art. 6 : Dans les cas prévus par l’article 55 de la Charte constitutionnelle, le procureur général
n’est point partie ; il est seulement entendu sur l’accusation, et requiert, pendant le cours de
l’instruction et des débats, pour la régularité des formes, et avant le jugement pour
l’application de la loi.
Art. 7 : Lorsque le procureur croit devoir intenter d’office un procès criminel contre un pair,
d’après une dénonciation secrète, il ne peut le faire sans avoir préalablement fait écrire la
dénonciation circonstanciée sur un registre qu’il tient à cet effet, et l’avoir fait signer par
chaque dénonciateur.
Section II. De l’instruction.
Art. 8 : Lorsqu’il s’agit de crimes ou délits de la compétence de la Cour des pairs, les
fonctions d’un juge d’instruction seront remplies par la chancelier de France présidant cette
Cour ; il sera assisté, et pourra être suppléé par un ou plusieurs des quatre pairs qu’il
désignera à cet effet, et dont il proclamera les noms à l’ouverture de chaque session législative
ordinaire de la Chambre des pairs, aussitôt après que la Chambre sera constituée.
Les pairs ainsi désignés pourront être appelés à assister ou à suppléer le chancelier, jusqu'au
commencement de la session législative ordinaire qui suivra l’époque de leur nomination.
Art. 9 : Toute personne qui se prétendrait lésée par un des crimes ou délits dont la
connaissance est réservée à la Cour des pairs par l’article 34 de la Charte constitutionnelle,
pourra en rendre plainte et se constituer partie civile, soit devant le chancelier de France, soit
conformément à l’article 63 du Code d’instruction criminelle, devant tel juge d’instruction
qu’il appartiendra.
Dans ce dernier cas la plainte est transmise au chancelier de France par le ministre secrétaire
d’État au département de la justice.
Art. 10 : Il sera procédé à l’instruction, conformément aux lois du Royaume.
Titre II : Des mises en liberté.
Art. 11 : Au commencement de chaque session législative ordinaire de la Chambre des pairs,
et dans la même séance où il aura désigné les quatre pairs destinés à l’assister ou à le suppléer
dans l’instruction criminelle, le chancelier de France tirera au sort le nom des soixante pairs,
parmi lesquels il en choisira douze qui formeront le conseil des mises en liberté.
Art. 12 : Les membres de ce conseil ne pourront délibérer s’ils ne sont au moins au nombre de
sept ; leurs fonctions dureront jusqu’au commencement de la session législative ordinaire qui
suivra l’époque de leur nomination.
Art. 13 : Dans les cas prévus par l’article 33 de la Charte constitutionnelle, aussitôt que le
chancelier ou les pairs l’assisteront, ou par lesquels il sera suppléé, seront d’avis qu’il y a lieu
de mettre l’inculpé en liberté, ils en rendront compte au conseil des mises en liberté qui
statuera sur l’élargissement demandé.
Titre III : De l’accusation.
Art. 14 : Quand le procureur général juge l’instruction complète, il requiert la réunion de la
Cour.
Art. 15 : Avant d’entendre le rapport sur l’instruction, il est procédé, par le président, à l’appel
nominal des membres de la Cour. La liste des pairs présents est arrêtée ; ceux y sont inscrits
peuvent seuls prononcer sur l’accusation.
Art. 16 : Le rapport fait, le procureur général est entendu, il dépose ses réquisitions écrites et
signées, et se retire. Le président avertit la Cour que chacun de ses membres peut demander
au rapporteur des éclaircissements qui lui paraissent nécessaires, ou la lecture des diverses
pièces de la procédure. Les éclaircissements donnés et les pièces lues, le président recueille
les opinions ; toute discussion préalable est interdite.
Art. 17 : Les opinions sont recueillies dans l’ordre des réceptions, en commençant par le pair
reçu le dernier. Néanmoins, le rapporteur, quel que soit son rang de réception, opine le
premier. Les opinions sont prononcées à haute voix, et en séance secrète, tant sur l’accusation
que dans toutes les décisions, déclarations ou arrêts qui interviennent pendant le cours de
l’instruction et du jugement.
Art. 18 : Sur l’accusation, il est toujours procédé à un second tour d’opinions. L’accusation
n’est prononcée que lorsqu’après ce second tour la moitié des suffrages, plus deux, se réunit
pour l’admettre.
Art. 19 : Dans le premier, comme dans le second tour d’opinions, chaque pair est libre de
donner à son opinion tous les développements qu’il juge convenable.
Art. 20 : S’il y a plusieurs inculpés, la Cour délibère séparément sur le sort de chacun d’eux ;
néanmoins elle prononce par un seul et même arrêt.
Art. 21 : Les voix de tous les pairs sont comptées, quels que soient leurs alliances et les degrés
de parenté existant entre eux.
Art. 22 : Si la Cour n’aperçoit aucune trace d’un délit prévu par la loi, ou si elle ne trouve pas
des indices suffisants de culpabilité, elle déclare qu’il n’y a lieu à suivre, et ordonne la mise
en liberté du prévenu, s’il n’est détenu pour autre cause.
Art. 23 : Si la Cour estime que le fait imputé au prévenu n’est pas de sa compétence, elle
ordonne que le prévenu soit renvoyé devant qui de droit, a la diligence du procureur général
du roi.
Art. 24 : Si la Cour prononce l’accusation, le procureur général est tenu, dans les dix jours qui
suivront la prononciation de l’arrêt, de rédiger et de faire signifier l’acte d’accusation. Il est
ensuite procédé, conformément à ce qui est prescrit par les articles 241 et suivants du Code
d’instruction criminelle.
Titre IV : Du jugement.
Art. 25 : Aussitôt que l’acte d’accusation est signifié, le président invite l’accusé à choisir son
conseil, et, à défaut par lui de le faire, il lui en nomme un d’office.
Art. 26 : Le président indique le jour de la réunion de la Cour par une ordonnance notifiée aux
accusés et à leurs défenseurs. Au jour fixé, et préalablement à toute opération, la Cour se
constitue, conformément à l’article 23 du présent règlement.
Art. 27 : Les débats sont publics.
Art. 28 : Tout pair peut être récusé :
1° S’il est parent ou allié des parties ou de l’une d’elles, jusqu’au degré de cousin issu de
germain inclusivement ;
2° S’il est créancier ou débiteur de l’une des parties ;
3° S’il y a un procès entre lui, sa femme, leurs ascendants ou descendants, ou alliés de la
même ligne, et l’une des parties, et que ce procès eut été intenté avant la récusation proposée ;
4° S’il est tuteur, subrogé tuteur ou curateur, héritier présomptif ou donataire de l’une des
parties, ou enfin si l’une des parties est sa présomptive héritière ;
5° S’il a déposé comme témoin dans le cours de l’instruction ;
6° S’il y a inimitié capitale entre lui et l’une des parties, s’il y a lieu de sa part ou de celle de
l’une des parties agression, injures ou menaces, dans les six mois qui précèdent la récusation.
Art. 29 : Tout pair qui sait cause de récusation, en sa personne est tenu de le déclarer à la
Cour, qui prononce, ainsi que sur toutes les récusations proposées par l’accusé.
Art. 30 : Le président dirige les débats, aucun pair ne peut interroger ni interpeller, soit les
accusés, soit les témoins. Néanmoins tout pair qui désire obtenir un éclaircissement en adresse
la demande au président, qui fait, soit aux témoins, soit aux accusés, les interpellations
nécessaires.
Art. 31 : Après la clôture des débats, la Cour se retire en la Chambre du conseil, pour y
délibérer ; le président fait le résumé de l’affaire et pose les questions qui résultent de l’acte
d’accusation ou des débats.
Art. 32 : Les cinq huitièmes des voix sont nécessaires pour la condamnation de l’accusé. Pour
former la décision de la Cour, il est procédé à deux tours d’opinions, ainsi qu’il est dit en
l’article 18 du présent règlement.
Art. 33 : Lorsque l’accusé aura été déclaré non coupable, le président prononcera qu’il est
acquitté de l’accusation, et ordonnera qu’il soit mis en liberté, s’il n’est détenu pour autre
cause.
Art. 34 : Sur l’application de la peine, le président recueille trois fois les suffrages : le dernier
tour d’opinions, fait l’arrêt. On ne peut opiner à ce dernier tour que par oui ou par non, et les
votants sont tenus d’opter entre les deux avis qui ont obtenu le plus grand nombre de
suffrages au tour précédent.
Art. 35 : L’arrêt est prononcé par le président en séance publique, en présence de l’accusé. En
cas de condamnation, la Cour peut ordonner qu’il sera lu à l’accusé, dans sa prison, par le
greffier.
Titre V : Dispositions générales.
Art. 36 : En exécution de l’article 26 de la Charte constitutionnelle, la Cour des pairs ne peut
se rassembler, ni la Chambre des pairs se constituer en Cour de justice, que sur l’ordre exprès
du roi.
Art. 37 : Les fonctions attribuées par le roi aux greffiers des cours et tribunaux dans les
affaires criminelles, seront exercées, près la Cour des pairs, par le secrétaire archiviste de la
Chambre des pairs et son adjoint. Il pourra s’adjoindre un ou deux commis assermentés.
La Cour recevra le serment du greffier en chef et des commis greffiers en séance publique.
Art. 38 : Les arrêts de la Cour des pairs seront revêtus de la même forme exécutoire que les
lois et arrêts.
Art. 39 : Le procureur général et les défenseurs des accusés, lorsqu’ils s’adressent au
président de la Cour des pairs, lui donnent le titre de Monseigneur ou de Votre Grandeur ; en
parlant a la Cour, ils emploient l’une des formules suivantes : nobles et illustres pairs, ou Vos
Seigneuries.
Art. 40 : Le présent règlement sera porté à la Chambre des pairs par notre président du conseil
des ministres et notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice,
pour y être lu et enregistré, et ensuite inséré au Bulletin des Lois.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux, H. de Serre.

Annexe n° 114 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 8 décembre 1820, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1820, I, p. 342.

LA COUR ; - Statuant sur le pourvoi formé par le procureur général en la Cour royale de
Besançon envers l’arrêt rendu le 2 novembre dernier, par la chambre d’accusation de cette
Cour, par lequel cette chambre a ordonné la suspension et le renvoi par devant la Cour des
pairs, de la procédure instruite contre P., C. et autres, prévenus de crimes d’attentat à la sûreté
de l’État, prévus par les art. 86, 87, 88, 89 et 91 du Code pénal ; - Vu l’art. 33 de la Charte
constitutionnelle ; - Vu aussi l’art. 231 du Code d’instruction criminelle ; - Attendu que de cet
article il résulte, en faveur des Cours d’assises, une attribution générale sur tous les faits
qualifiés crimes ; - Que cette attribution ne peut être restreinte qu’à l’égard des crimes qui en
ont été particulièrement distraits ; - Que l’art. 33 de la Charte constitutionnelle a investi la
Chambre des pairs de la connaissance des crimes de haute trahison et d’attentat à la sûreté de
l’État ; mais qu’il a renvoyé à une loi à intervenir la détermination des circonstances dans
lesquelles cette branche du pouvoir législatif en serait saisie ; - Que cette loi n’a pas encore
été rendue ; - Qu’il appartient donc encore aux Cours d’assises, en vertu de l’universalité de
leur juridiction sur tous les faits qualifiés crimes, de connaitre des crimes de haute trahison et
d’attentats à la sûreté de l’État, dont elles n’ont pas été dessaisies par un acte du pouvoir
supérieur et constitutionnel, déclaratif, relativement aux faits dont il s’agit, de la compétence
de la Cour des pairs ; - Et attendu que par l’arrêt contre lequel le procureur général de la Cour
royale de Besançon s’est pourvu, il a été reconnu et déclaré que la procédure présentait des
indices suffisants de crimes contre la sûreté de l’État, prévus et punis par les art. 86, 87, 88, 89
et 91 du Code pénal ; - Qu’aucun acte d’un pouvoir supérieur et constitutionnel n’avait saisi la
Chambre des pairs de l’instruction de ces crimes, - Que la Cour royale de Besançon devait
donc, conformément à l’art. 231 du Code d’instruction criminelle, apprécier les charges vis-à-
vis des prévenus, et prononcer, s’il y avait lieu, leur mise en accusation et leur renvoi devant
la Cour d’assises ; - Qu’elle a, au contraire, ordonné la suspension de la procédure et son
renvoi devant la Cour des pairs ; - Qu’en jugeant ainsi, elle a violé les règles de sa
compétence, commis contravention à l’art. 231 du Code d’instruction criminelle, et
faussement appliqué l’art. 220 du même Code ;
Casse, etc.

Annexe n° 115 : Loi du 10 avril 1834 relative 
aux associations, Archives parlementaires, Tome 
LXXXVIII, p. 451.

Art. 1er : Les dispositions de l’article 29 du Code pénal sont applicables aux associations de
plus de vingt personnes, alors même que ces associations seraient partagées en sections d’un
nombre moindre, et qu’elles ne se réuniraient pas tous les jours ou à des dates marqués.
L’autorisation donnée par le gouvernement est toujours révocable.
Art. 2 : Quiconque fait partie d’une association non autorisée sera puni de deux mois à un an
d’emprisonnement et de cinquante francs à mille francs d’amende.
En cas de récidive, les peines pourront être portées au double.
Le condamné pourra, dans ce dernier cas, être placé sous la surveillance de la haute police,
pendant un temps qui n’excédera pas le double du maximum de la peine.
L’article 463 du Code pénal pourra être appliqué dans tous les cas.
Art. 3 : Seront considérés comme complices et punis comme tels, ceux qui auront prêté ou
loué sciemment leur maison ou appartement pour une ou plusieurs réunions d’une association
non autorisée.
Art. 4 : Les attentats contre la sûreté de l’État, commis par les associations ci-dessus
mentionnées, pourront être déférés à la juridiction de la Chambre des pairs, conformément à
l’article 28 de la Charte constitutionnelle.
Les délits politiques commis par lesdites associations seront déférés au jury, conformément à
l’article 69 de la Charte constitutionnelle.
Les infractions à la présente loi et à l’article 291 du Code pénal seront déférées aux tribunaux
correctionnels.
Art. 5 : Les dispositions du Code pénal, auxquelles il n’est pas dérogé par la présente loi,
continueront de recevoir leur exécution.

Annexe n° 116 : Arrêt sur renvoi de la Cour 
royale d’Orléans du 5 mai 1834, Recueil Sirey­
Devilleneuve, 1834, II, pp. 291 et 292.

LA COUR ; - Considérant que la Cour étant saisie par le renvoi de cassation, des différentes
questions résolues par la Cour de Bourges, il doit être statué, nonobstant l’absence des
prévenus, sur chacun des moyens d’incompétence qu’ils ont fait valoir à l’appui de leur
appel ;
Sur le premier moyen, résultant de l’art. 6 de la loi du 8 octobre 1830 : - Considérant que les
délits politiques, attribués aux Cours d’assises, ont été, sinon définis, au moins clairement
énumérés par l’art. 7 de la même loi ; que les faits imputés aux prévenus ne rentrant dans
aucune des trois classes de délits réputés politiques par cet art. 7, il s’ensuit que le tribunal
correctionnel était compétent à l’exclusion de la Cour d’assises ; - Que cela résulte, non
seulement du texte de la loi telle qu’elle a été sanctionnée, mais encore des discussions
auxquelles elle a donné lieu devant la Chambre des députés, où il a été exprimé que l’art. 7
n’était pas énonciatif, mais limitatif, et que tout délit qui sortait de la limite posée devait être
jugé par les tribunaux ordinaires ;
Sur le second moyen, tiré de l’art. 1er de la même loi, combiné avec l’art. 1er de la loi du 17
mai 1819 : - Considérant que les délits prévus par l’art. 14 de la loi du 26 mai 1819, se
trouvent formellement exceptés de l’attribution aux Cours d’assises ; que les cris outrageants
et injurieux, proférés dans un attroupement, en admettant qu’ils fussent prouvés,
constitueraient le délit d’injure verbale dont la répression est réservée aux tribunaux
correctionnels, quelle que soit la personne injuriée ; que c’est en ce sens que la Cour de
cassation a décidé, le 16 mars 1832, que le délit d’injures verbales, proférées publiquement
contre un adjoint dans l’exercice de ses fonctions, devait être jugé par le tribunal
correctionnel, parce que, porte l’arrêt, les mots : contre toute personne ; mis en relation dans
l’art. 14, avec ceux-ci : contre les particuliers, prouvent que les fonctionnaires publics sont
nécessairement compris dans la première partie de cet article ; - Que si cet arrêt est conforme
aux vrais principes, on ne peut douter que l’application de la doctrine qu’il contient ne puisse
être faite à des prévenus d’injures verbales proférées contre un député qui n’était pas dans
l’exercice de ses fonctions ; - Considérant, au surplus, que les lois des 26 mai 1819 et 8
octobre 1830 étant des lois de compétence, elles doivent être interprétées l’une par l’autre,
abstraction faite de la pénalité qui est prononcée par d’autres lois ; qu’ainsi, il importe peu que
l’art. 6 de la loi du 25 mars 1822, qui punit l’outrage fait publiquement à un député en raison
de ses fonctions ou de sa qualité, se soit servi de l’expression d’outrage, au lieu de celle
synonyme d’injure, employée par l’art. 14 de la loi du 26 mai 1819, et définie par l’art. 13 de
celle du 17 du même mois, puisque l’expression ne change en rien la nature du fait constitutif
du délit, et que, soit que la loi fut appliquée par un tribunal correctionnel, soit qu’elle le fut
par une Cour d’assises, la pénalité serait toujours la même ;
Sur le troisième moyen, tiré des coups portés au garde champêtre, par une ou plusieurs
personnes faisant partie de l’attroupement : - Considérant d’abord qu’il résulte de la procédure
que ces coups n’ont causé ni blessure, ni effusion de sang, susceptibles de faire caractériser le
fait comme un crime ; que, d’un autre coté, le ministère public ne s’étant pas pourvu contre
les décisions qui ont considéré comme de simples délits les voies de fait reprochées aux
prévenus, il y a désormais, sur ce point, autorité de chose jugée ;
Par ces motifs, statuant sur les réquisitions du procureur général du roi, donne défaut contre
lesdits B., etc., non comparants, quoique légalement assignés ; rejette les trois moyens
d’incompétence ; ordonne qu’il sera plaidé au fond ; et, faute de le faire, adoptant les motifs
des premiers juges, met l’appellation au néant ; confirme le jugement du tribunal de Bourges
dans toutes ses dispositions.
Annexe n° 117 : Arrêt de la Cour des pairs du 
24 novembre 1821, Recueil Sirey­Devilleneuve, 1821, 
II, p. 488.

LA COUR DES PAIRS ; - Vu l’arrêt du 21 février dernier, ensemble l’acte d’accusation


dressé en conséquence contre M. et autres ; - Vu pareillement l’arrêt du 16 juillet dernier ; -
Ouï les témoins en leurs dépositions ; - Ouï le procureur général et ses dires et réquisitions,
lesquelles réquisitions par lui déposées sur le bureau de la Cour, sont ainsi conçues ; - Ouï
pareillement l’accusé en ses moyens de défenses et ses défenseurs en leurs plaidoiries ; -
Attendu que M. est convaincu d’avoir fait une proposition non agréée de complot, donc le but
était de détruire ou changer le gouvernement ou l’ordre de successibilité au Trône, et d’exciter
les citoyens et habitants à s’armer contre l’autorité royale ; - Le déclare coupable du crime
prévu par l’art. 90 du Code pénal […] – Et néanmoins, attendu que la majorité des membres
de la Cour qui a voté contre lui l’application des peines portées en l’art. 90 du Code pénal, et
ce, dans la conviction où elle est, qu’il n’appartient pas à la Cour d’appliquer des peines qui
ne sont pas celles prononcées par la loi contre le fait incriminé, ne forment pas la majorité des
cinq huitièmes, adoptée jusqu’à ce jour dans les jugements rendus par la Cour, l’obligation de
choisir entre deux opinions dont aucune n’a pu obtenir la majorité requise, entraine la
nécessité d’adopter l’opinion la moins sévère, et que cette opinion est qu’il y a lieu
d’appliquer seulement audit M. la peine de l’emprisonnement ; - Le condamne à cinq années
d’emprisonnement ; - Le condamne pareillement aux dépens, dont la liquidation pour la
portion qui doit être à sa charge, sera faite conformément à la loi ;
- Ordonne que le présent arrêt, prononcé en audience publique, en présence du condamné et
de ses défenseurs, sera exécuté à la diligence du procureur général, imprimé, publié et affiché
partout où besoin sera.

Annexe n° 118 : Arrêt de la Haute Cour de 
Versailles du 13 octobre 1849, Recueil Sirey­
Devilleneuve, 1849, II, pp. 722 à 728.
LA HAUTE COUR ;
- Attendu, en ce qui concerne la juridiction, qu’elle n’est qu’un mode d’exercice de la
puissance publique ; que le législateur étant toujours le maître de modifier cet exercice suivant
le besoin des temps, restreindre, à des conditions qu’il n’a pas déterminées, l’effet des
changements qu’il y apporte, ce serait entraver dans sa sphère d’action la souveraineté
nationale qu’il représente, et arrêter le cours de la justice ; - Attendu, quant à la capacité légale
du haut-jury, que l’Assemblée constituante, appelée par le suffrage universel à organiser les
pouvoirs publics a saisi du droit de statuer sur les faits spéciaux, par elle définis, les membres
des conseils-généraux de France ; - Que l’art. 113 de la Constitution a virtuellement maintenu
l’existence et la composition de ces conseils ; - Attendu qu’en vertu du mandat général et
absolu dont elle était investie, il lui appartenait de ne subordonner l’exercice de l’attribution
qu’elle leur conférait, ni à une élection nouvelle, ni à une réorganisation ultérieure ; - Attendu
qu’il n’est pas permis au juge de distinguer là où la loi fondamentale ne distingue pas, et de
paralyser ainsi, pendant un temps indéterminé, l’action d’une juridiction légalement
constituée ;
Par ces motifs, rejette le déclinatoire proposé, et ordonne qu’il sera passé outre au tirage du
haut-jury.

Annexe n° 119 : Décret du 4 novembre 1870 
portant abolition de la Haute Cour de Justice, 
Bulletin des Lois, 1870, n° 30, p. 169.

Considérant que, malgré l’abrogation des constitutions impériales, des doutes se sont élevés
relativement à l’existence de la Haute Cour de Justice comme institution judiciaire,
Décrète :
Article unique : La Haute Cour de Justice est abolie.
Signé Général Trochu, Jules Favre, Emm. Arago, Eugène Pelletan, Jules Ferry, Jules Simon,
Garnier-Pagès, Ernest Picard.
Annexe n° 120 : Loi du 24 février 1875 relative à 
l’organisation du Sénat, Bulletin des Lois, 1875, n° 
3954, pp. 167 et 168.

Art. 1er : Le Sénat se compose de trois cents membres :


Deux cent vingt-cinq élus par les départements et les colonie, et soixante quinze élus par
l’Assemblée nationale.
Art. 2 : Les départements de la Seine et du Nord éliront chacun cinq sénateurs ;
Les départements de la Seine Inférieure, Pas-de-Calais, Gironde, Rhône, Finistère, Côtes-du-
Nord, chacun quatre sénateurs ;
La Loire Inférieure, Saône et Loire, Ille-et-Vilaine, Seine-et-Oise, Isère, Puy de Dôme,
Somme, Bouches du Rhône, Aisne, Loire, Manche, Maine-et-Loire, Morbihan, Dordogne,
Haute-Garonne, Charente Inférieure, Calvados, Sarthe, Hérault, Basses-Pyrénées, Gard,
Aveyron, Vendée, Orne, Oise, Vosges, Allier, chacun trois sénateurs ;
Tous les autres départements, chacun deux sénateurs.
Le territoire de Belfort, les trois départements de l’Algérie, les quatre colonies de la
Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes françaises éliront chacun un
sénateur.
Art. 3 : Nul ne peut être sénateur s’il n’est Français, âgé de quarante ans au moins et s’il ne
jouit de ses droits civils et politiques.
Art. 4 : Les sénateurs des départements et des colonies sont élus à la majorité absolue, et,
quand il y a lieu, au scrutin de liste, par un collège réuni au chef-lieu, au scrutin de liste, par
un collège réuni au chef-lieu du département ou de la colonie et composé :
1° Des députés ;
2° Des conseillers généraux ;
3° Des conseillers d’arrondissement ;
4° Des délégués élus, un par chaque conseil municipal, parmi les électeurs de la commune.
Dans l’Inde française, les membres du conseil colonial ou des conseils locaux sont substitués
aux conseillers généraux, aux conseillers d’arrondissement et aux délégués des conseils
municipaux.
Ils votent au chef-lieu de chaque établissement.
Art. 5 : Les sénateurs nommés par l’Assemblée sont élus au scrutin de liste et à la majorité
absolue des suffrages.
Art. 6 : Les sénateurs des départements et des colonies sont élus pour neuf années et
renouvelables par tiers, tous les trois ans.
Au-delà de la première session, les départements seront divisés en trois séries contenant
chacune un égal nombre de sénateurs. Il sera procédé, par la voie du tirage au sort, à la
désignation des séries qui devront être renouvelées à l’expiration de la première et de la
deuxième période triennale.
Art. 7 : Les sénateurs élus par l’Assemblée sont inamovibles.
En cas de vacance par décès, démission ou autre cause, il sera, dans les deux mois, pourvu au
remplacement par le Sénat lui-même.
Art. 8 : Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés, l’initiative et la confection
des lois. Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, présentées à la Chambre
des députés et votées par elle.
Art. 9 : Le Sénat peut être constitué en cour de justice pour juger, soit le président de la
République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de
l’État.
Art. 10 : Il sera procédé à l’élection du Sénat un mois avant l’époque fixée par l’Assemblée
nationale pour sa séparation. Le Sénat entrera en fonctions et se constituera le jour même où
l’Assemblée nationale se séparera.
Art. 11 : La présente loi ne pourra être promulguée qu’après le vote définitif de la loi sur les
pouvoirs publics.

Annexe n° 121 : Arrêt de la chambre criminelle 
du 29 juin 1832, Recueil Sirey­Devilleneuve, 1832, I, 
pp. 428 et 429.
Attendu que ni la Charte ni aucune loi postérieure ne se sont occupées des lois et décrets qui
régissent l’état de siège ;
Que ces lois et ces décrets doivent donc être exécutés dans toutes les dispositions qui ne sont
pas contraires au texte formel de la Charte ;
Vu l’article 77 de la loi du 27 ventôse an VIII, ainsi conçu : « Il n’y a ouverture en cassation,
ni contre les jugements en dernier ressort des juges de paix, si ce n’est pour cause
d’incompétence ou d’excès de pouvoir ; ni contre les jugements des tribunaux militaires de
terre et de mer, si ce n’est pour cause d’incompétence ou d’excès de pouvoir, proposée par un
citoyen non militaire, ni assimilé aux militaires par les lois, à raison de ses fonctions ».
Vu l’article 1er de la loi du 22 messidor an IV, ainsi conçu : « Nul délit n’est militaire, s’il n’a
pas été commis par un individu qui fait partie de l’armée. Tout autre individu ne peut jamais
être traduit comme prévenu devant les juges délégués par les lois militaires ».
Vu l’article 53 de la Charte, ainsi conçu : « Nul ne pourra être distrait de ses juges naturels ».
Vu l’article 54 de la Charte, qui porte : « Il ne pourra, en conséquence, être créé de
commissions et tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce
puisse être ».
Vu l’article 56, qui porte : « L’institution des jurés est conservée ».
Vu l’article 69, qui étend les attributions du jury aux délits de la presse et aux délits
politiques ;
Vu la loi du 8 octobre 1830, qui, par suite, définit les délits politiques ;
Vu, enfin, l’article 103 du décret du 24 décembre 1811, ainsi conçu : « Pour tous les délits
dont le gouverneur ou le commandant n’a pas jugé à propos de laisser la connaissance aux
tribunaux ordinaires, les fonctions d’officier de police judiciaire sont remplies par un prévôt
militaire, choisi, autant que possible, parmi les officiers de gendarmerie ; et les tribunaux
ordinaires sont remplacés par les tribunaux militaires ».
Attendu que la disposition de cet article 103 dudit décret, est inconciliable avec le texte
comme avec l’esprit des articles précités de la Charte ; que les conseils de guerre ne sont des
tribunaux ordinaires que pour le jugement des crimes et des délits commis par des militaires
ou par des individus qui leur sont assimilés par la loi ;
Qu’ils deviennent des tribunaux extraordinaires, lorsqu’ils étendent leur compétence sur des
crimes ou des délits commis par des citoyens non militaires ;
Attendu que Geoffroy, traduit devant le 2e conseil de la première division militaire, n’est ni
militaire ni assimilé aux militaires ; que, néanmoins, ce tribunal a déclaré implicitement sa
compétence et statué au fond ;
En quoi, il a commis un excès de pouvoir, et violé les règles de sa compétence et les
dispositions des articles 53 et 54 de la Charte, et celles des lois précitées ;
Par ces motifs, reçoit le pourvoi de Geoffroy contre la forme de procédure instruite contre le
demandeur devant le 2e conseil de guerre et tout ce qui s’en est suivi, et notamment le
jugement de condamnation du 18 juin présent mois ; - Et pour être procédé conformément à la
loi, le renvoie en état de mandat de dépôt par devant l’un des juges d’instruction du tribunal
de première instance de Paris, à ce déterminé par la délibération spéciale de la chambre du
conseil ; - Ordonne qu’à la diligence du procureur général le présent arrêt sera imprimé et
transcrit sur les registres du 2e conseil de guerre de la 1ère division militaire.

Annexe n° 122 : Circulaire du 29 janvier 1852 
relative à la libération de certains détenus 
politiques, Moniteur Universel, vendredi 30 janvier 
1852, n° 30, p. 157.

Circulaire du ministre de l’intérieur aux préfets des départements.


Monsieur le préfet, les nouvelles que reçoit le Gouvernement sur la manière dont se poursuit
l’instruction des troubles du mois dernier l’autorisent à penser que dans quelques
départements le zèle des autorités administratives n’est pas suffisamment pénétré de ses
intentions ; et en conséquence il croit nécessaire de vous les faire connaitre d’une manière
précise.
Lorsqu’à la suite du 2 décembre, des mouvements insurrectionnels éclatèrent sur plusieurs
points du territoire, il fallait qu’une répression prompte et énergique vint garantir la sécurité
du pays et assurer la liberté du suffrage universel. Alors il était sage et prudent non-seulement
de comprimer par les armes toute tentative de rébellion, mais de prévenir par des arrestations
les efforts désespérés des factions vaincues.
Aujourd’hui que le peuple tout entier a donné ses pouvoirs au neveu de l’empereur,
aujourd’hui qu’il a constitué de ses mains un gouvernement puissant dont l’autorité légitime
impose à tous les partis le respect et l’obéissance, rien ne doit plus s’opposer à ce que les
généreuses intentions du chef de l’État soient promptement réalisées.
Vous savez, monsieur le préfet, que s’il existe parmi les insurgés de décembre de ces hommes
pervers et dangereux dont il importe de débarrasser le pays, les autres, pour la plupart, sont de
malheureux ouvriers ou habitants des campagnes, qui n’ont été entrainés à la révolte que par
faiblesse ou ignorance. N’est-il pas affligeant de penser que de pauvres gens égarés, qui n’ont
été que des instruments entre les mains des véritables coupables, soient livrés, comme ces
derniers, aux rigueurs d’une détention si prolongée, et que tant de familles privées de leurs
soutiens gémissent dans la misère et dans les larmes ?
Une telle situation a ému le prince Président, et, en conséquence, il me charge de vous
transmettre les pouvoirs nécessaires pour faire sortir immédiatement des prisons et rendre à
leurs familles, quelle que soit d’ailleurs l’état de l’instruction commencée à leur égard, tous
ceux des détenus que vous jugerez n’avoir été qu’égarés, et dont la mise en liberté ne peut
offrir de danger pour la société.
Le caractère de vos fonctions, en vous rapprochant des sources les plus naturelles
d’information, vous permettra, je l’espère, de faire aisément la distinction que je vous signale.
Je vous préviens d’ailleurs que les autorités militaires et judiciaires, avec lesquelles vous
aurez à vous entendre à ce sujet, vont recevoir en même temps que vous, par l’intermédiaire
de MM. les ministres de la guerre et de la justice, les ordres du prince Président.
Quant à moi, monsieur le préfet, je suis heureux d’avoir à vous transmettre cette mission de
haute confiance. J’espère que vous la remplirez avec la sagesse et le discernement qu’elle
exige.
Signé le ministre de l’intérieur, de l’agriculture et du commerce, F. de Persigny.

Annexe n° 123 : Décret du 17 avril 1848 relatif à 
l’abolition du principe de l’inamovibilité de la 
magistrature, Collection complète des lois, décrets, 
ordonnances, règlements et avis du Conseil d’État, 
1848, pp. 142 et 143.

Le gouvernement provisoire décrète : le principe de l’inamovibilité de la magistrature,


incompatible avec le gouvernement républicain, a disparu avec la Charte de 1830.
Provisoirement, et jusqu’au jour où l’Assemblée nationale prononcera sur l’organisation
judiciaire, la suspension ou la révocation des magistrats peut être prononcée par le ministre de
la justice, délégué du gouvernement provisoire, comme mesure d’intérêt public. La
suspension ou la révocation des magistrats de la cour des comptes peut être prononcée par le
ministre des finances, délégué du gouvernement provisoire, comme mesure d’intérêt public.

Annexe n° 124 : Circulaire relative à l’exécution 
de lois d’exception en matière de censure, 
Moniteur Universel, samedi 8 avril 1820, n° 99, p. 
457.

Circulaire du président du conseil des ministres sur l’exécution des lois d’exception
(adressée aux lieutenants généraux commandant les divisions militaires, procureurs
généraux du roi près les cours royales et les préfets).
Le gouvernement, dans sa sollicitude pour le maintien de l'ordre public, a proposé aux
chambres deux lois qui viennent de recevoir la sanction royale. Leur discussion a servi de
prétexte pour agiter les esprits.
L'assentiment des deux chambres, des déclarations précises des ministres du roi, la sagesse et
le caractère du souverain, suffiraient sans doute pour faire évanouir les inquiétudes et les
exagérations propagées par la malveillance, ou accueillies par la crédulité. Les ministres du
roi n'en ont pas moins pensé que, dans cette circonstance, ils devaient plus particulièrement
faire connaître les principes qui les dirigent, et appeler votre attention sur les moyens de
désabuser les esprits égarés. Vous y parviendrez en leur montrant avec sincérité la situation
réelle de la France et le véritable caractère des lois rendues.
Toutes deux sont temporaires, et leur action doit se terminer avec la fin de la prochaine
session des chambres.
L'une d'elles est destinée à mettre un terme à la licence des écrits périodiques.
Armés de la liberté de la presse, que la loi ne cesse pas de reconnaître, des écrivains n'en ont
fait usage dans les feuilles périodiques que pour la dénaturer ; ils n'y ont vu trop souvent qu'un
moyen d'outrager tout ce que la société révère. Vainement le citoyen se croyait inattaquable
dans sa vie privée ; il n'a pu échapper à leurs traits envenimés. Enfin l'injure, chaque jour
déversée contre tous les dépositaires de l'autorité publique, n'accoutumait que trop la partie la
moins éclairée de la société à se croire en état d'hostilité légitime contre cette autorité qui
veille à ses besoins, et qu'elle doit au contraire envisager comme son appui et son protecteur.
De toute part on suivait avec effroi les progrès de la licence : nul n'osait plus demander
protection à des lois impuissantes, et le mal s'étendait par l'impunité.
La sagesse du législateur, depuis longtemps invoquée par la voix publique, cherchait un
remède à tant de maux, quand un grand crime est venu effrayer la France. Un terme ne
pouvait être trop promptement posé aux ravages de ces feuilles incendiaires, aux provocations
qu'elles portaient avec une si funeste rapidité.
L'intention de la loi rendue est évidente. Préparer, dans le silence des passions ennemies, tous
les moyens de fonder la liberté de la presse sur des lois justement répressives, imprimer à ces
lois nécessaires un caractère d'efficacité, seule garantie de cette liberté : tels sont les véritables
motifs des restrictions imposées aux écrits périodiques. La censure n'a pas d'autre objet. Il ne
s'agit pas de l'appliquer à toutes les productions de l'esprit, mais aux seuls écrits périodiques :
il ne s'agit pas de retirer le droit reconnu par l'article 8 de la Charte ; ce droit est conservé par
la loi nouvelle. Les Français peuvent toujours employer la presse pour publier leurs opinions,
exprimer leurs griefs, faire entendre leurs plaintes. Il ne s'agit pas, même pour les journaux et
autres feuilles de ce genre, comme on a trop affecté de le dire, d'étouffer les vérités utiles,
d'interdire toute discussion, tout examen des actes de l'autorité : mais il s'agit de prévenir les
écarts dont ces feuilles n'ont que trop donné le scandale ; de lever fermer à ces injures, à ces
outrages personnels qui, sans cesse, viennent troubler le repos des familles ; il s'agit enfin
d'arrêter le cours de ces influences pernicieuses qui excitent tant d'injustes défiances dans des
esprits, que les révolutions n'ont que trop disposés à les recevoir. Qui pourrait en effet, n'être
pas frappé de cette activité de malveillance, toujours infatigable pour égarer l'opinion !
Tantôt les biens nationaux doivent être attaqués, malgré la foi publique ; tantôt l'on obsède les
imaginations faibles par ces éternels fantômes de la dîme et des droits féodaux ; le plus
souvent, c'est le système constitutionnel tout entier qui est menacé ; là, ce sont nos guerriers
que l'on oublie, que l'on repousse ; et partout l'on voudrait montrer la France toute entière
asservie sous la plus dure tyrannie.
Sans doute l'immense majorité du peuple reste inaccessible à ces grossières séductions. Ni les
yeux ne sont fascinés par le mensonge, ni les cœurs n'ont été détachés de cet amour pour nos
rois qui, pendant tant de siècles, a distingué notre nation. S'il était cependant des citoyens
assez faibles, quoique dévoués à leur souverain et amis sincères de notre patrie, pour se livrer
à des inquiétudes que rien ne justifie, tournez leurs regards sur l'état réel de la France. Qu'ils
se rappellent tous les vœux légitimes que la nation adressait au malheureux frère de notre roi,
lorsque, ignorant les forfaits et les désastres inséparables des révolutions, elle demandait une
juste liberté ; et qu'ils voient aujourd'hui si, malgré tant d'infortunes publiques, tous ces vœux
légitimes n'ont pas été accomplis par la sagesse royale !
L'égalité devant la loi existe dans le sens absolu ; tous supportent les charges de la société ;
tous participent à ses avantages ; toutes les carrières sont ouvertes, et nul n'y trouve de bornes
que celles posées par ses facultés mêmes. La liberté des cultes n'est plus un vain mot de ; tous
jouissent d'une égale protection. La justice est commune et assurée à tous les Français. Toutes
les propriétés sont garanties, défendues et protégées par les mêmes lois. Quelle que soit
l'origine de la fortune d'un citoyen, que la terre qu'il cultive lui vienne de ses pères ou qu'il
l'ait acquise en vertu des lois, il en jouit, il doit en jouir avec la même sécurité. Cette sécurité
lui est garantie par la Charte, et par la constante volonté du roi de défendre les droits acquis,
de maintenir toutes les garanties qu'il leur a données.
C'est pour conserver tous ces biens, pour jouir en paix de ceux auxquels nous appellent et la
douceur de nos lois et le caractère de la nation, que tous les Français doivent se serrer autour
du trône, et repousser ces hommes qui, par de funestes conseils et de perfides espérances,
voudraient encore les entraîner dans la carrière périlleuse et sanglante des révolutions.
Ces hommes que l'expérience n'a point changés, que les bienfaits n'en point calmés, qui
s'irritent de l'oubli autant que des souvenirs, qui sont toujours prêts à sacrifier leur patrie à leur
ambition ; ces hommes se sont créé une arme de toutes les opinions et de toutes les passions
que blesse la double autorité de la religion et des lois. De là ce fanatisme sombre et farouche
qui fermente dans quelques âmes ardentes, et qui pousse quelquefois un individu obscur à
chercher dans le crime une horrible célébrité.
L'histoire de tous les peuples, des exemples récents chez les nations voisines, déposent de
cette triste vérité, et l'attentat du 13 février en est une déplorable preuve. C'est contre de
pareils dangers, s'est contre les machinations qui auraient pour objet la personne de nos
princes, le trône et la sûreté de l'État, qu'une des lois rendues vient d'assurer au gouvernement
les moyens de garantir la société en se protégeant lui-même.
Cette loi ne peut atteindre que des individus sur qui de graves indices appelleraient de graves
appréhensions ; elle n'a donc rien qui puisse alarmer les bons citoyens. Rien n'est changé aux
règles du droit commun sur la répression des crimes ; elle y ajoute seulement, pour un temps
déterminé, l'autorisation de ne pas livrer immédiatement aux révélations publiques d'une
instruction judiciaire, des faits qu'il serait dangereux de trop tôt publier, s'ils se rattachaient à
des crimes ou complots politiques. Sur tout le reste, la législation commune est conservée
dans son intégrité ; et si un droit de plus est concédé au gouvernement, de quelle garantie
puissante n'est-il pas environné contre toutes les rigueurs inutiles, même contre toutes les
erreurs ; contre celles, surtout, qui pourraient naître de ces délations obscures qui ont bien pu,
dans des temps malheureux, trouver quelque accès auprès des agents inférieurs de
l'administration, mais qui n'oseraient se présenter devant le conseil du roi et à l'aspect même
du trône !
Ce que le gouvernement a demandé, ce qu’il a obtenu, se borne à la faculté de retenir, pendant
trois mois, sans les livrer aux tribunaux, les individus qu'il avait déjà légalement le droit de
faire arrêter : cette faculté était nécessaire pour préserver les plus chers intérêts de la patrie ;
pour inspirer enfin une crainte salutaire à tous ceux que pourrait entraîner l'espoir d'échapper à
la rigueur des lois, à la faveur des formes qui doivent en assurer l'exécution.
Vous repousserez donc, M., par la seule expression de la vérité, toutes ces déclamations où
l'on ne présente au peuple que l'image des cachots et de la tyrannie. À tant d'exagérations
insensées, la mémoire reconnaissante de la nation opposera sans doute ces actes de la bonté
royale, qui, dès les premiers jours de la Restauration, et depuis, par une succession de soins
non interrompus, n'ont cessé d'améliorer le régime des prisons, d'adoucir le sort de tous les
détenus, qui ont offert, même aux plus coupables, et les ressources du travail, et les secours de
la religion, et la clémence pour prix du repentir !
C'est ainsi qu'il vous sera facile de déjouer la calomnie et de dissiper les inquiétudes qu'elle
serait parvenue à créer. Vous vous attacherez à inspirer une sécurité entière aux hommes
paisibles, dans quelque position, dans quelque circonstance qu'ils aient pu se trouver. Le
pouvoir confier aux ministres du roi est un pouvoir tutélaire. Il est destiné à protéger, à
garantir les citoyens soumis aux lois ; il se tournera contre ceux-là seulement qui tenteraient
de les violer. Ce n'est pas eux que vous devez rassurer ; qu'ils sachent, au contraire, que le
pouvoir est armé. Il est, il a dû l'être pour la sûreté du trône et du peuple, pour les défendre
également contre les hommes qui nous menaceraient encore de l'anarchie et du despotisme.
Là est, en effet, le double danger dont la Charte, noble inspiration du roi, doit nous préserver
tous. Il saura maintenir son ouvrage, et les princes de sa famille en perpétueront comme lui les
bienfaits. Répétez le dans toutes les occasions, et vous dissiperez les vaines inquiétudes qu'on
s'est efforcé de répandre sur la stabilité d'institutions inébranlables. Pour fomenter ces
inquiétudes, on s'est emparé d'un projet de loi qui n'a été présenté que dans le but de fixer
notre système électoral, et d'y faire entrer tous les intérêts ; on y a cherché une pensée
secrète ; un désir de substituer à la chambre des députés un vain simulacre de représentation.
La force des choses repousse l'absurdité de ces craintes. Il suffit, pour le reconnaître, de
réfléchir un instant sur l'institution des deux chambres et sur les droits que la Charte leur a
conférés. Si la loi proposée contient réellement les moyens d'affermir le gouvernement
représentatif, la discussion approfondie qu'elle doit subir vaincra les préventions des hommes
de bonne foi, et déjouera les mensonges de la malveillance. Si, au contraire, la loi n'est pas ce
qu'elle doit être, si le but cherché n'est pas atteint, elle ne triomphera pas du patriotisme et des
lumières des deux chambres ! La nation doit donc attendre avec confiance le résultat de cette
discussion, bien assurée qu'une loi délibérée dans les formes constitutionnelles, et sanctionnée
par le roi, ne peut que raffermir les institutions dans lesquelles la société si longtemps agitée
veut et espère trouver le repos.
Telle est la pensée toute entière du gouvernement. Attachez-vous à la faire connaître. C'est à
vous, qu'il appartient de ranimer tous les sentiments qui maintiennent l'ordre public, et
auxquels se lient les idées de conservation et de stabilité. Les ministres du roi ne s'écarteront
pas de la ligne que le souverain leur a tracée. Au-dessus des partis, ils ne peuvent trouver la
véritable force qui leur est nécessaire, que dans les lois et dans la franche réunion de tous les
Français amis de leur pays. Ils protégeront tout ce qui doit être protégé ; ils réprimeront tout
ce qui doit être réprimé. Vous concourez, Monsieur, au succès de leurs efforts, en vous
dirigeant sur les mêmes principes ; et vous les trouverez toujours empressés de seconder votre
zèle, et de mettre sous les yeux de Sa Majesté les nouvelles preuves de dévouement à sa
personne et de fidélité aux lois, que nous promet le bon esprit des citoyens, avec qui l'ordre de
vos fonctions vous donne des relations directes.
Une occasion bien douloureuse de les manifester s'est récemment présentée à toute la France.
Vivement ému de l'expression des plus justes regrets, le cœur paternel du roi s'est ouvert à la
consolation que lui offrait le spectacle de la France qui venait confondre son deuil avec le
sien. Il a reconnu son peuple à ces nombreuses adresses où, depuis les plus grandes cités
jusqu'aux moindres villages, le sentiment national s'exprimait avec tant d'énergie.
L'horreur publique ne s'est pas arrêtée au crime, elle a remonté jusqu'aux doctrines qui l'ont
armé. Une voix universelle s'est élevée jusqu'au trône, pour lui demander de préserver la
patrie des dangers qui pouvaient encore la menacer. Vous devez aussi, Monsieur, rassurer ces
légitimes inquiétudes. Si la nation repousse ces doctrines de l'irréligion et de la révolte dont
elle a été trop longtemps victime, Sa Majesté n'est pas moins pénétrée du sentiment profond
des devoirs que la Providence impose à tous les rois. Elle saura les remplir. Elle a voulu
gouverner un peuple libre ; elle le veut ; elle le voudra toujours. Ses aïeux ont, d'époque en
époque, favorisé les progrès de notre liberté ; le roi a suivi leur exemple ; il maintiendra, il
affermira les institutions qu'il a fondées.
Signé le duc de Richelieu.

Annexe n° 125 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 11 juin 1825, Recueil 
Sirey­Devilleneuve, 1825, I, pp. 135 et 136.

LA COUR ; - Vu l’ordonnance du roi, du 13 août 1817, par laquelle Sa Majesté a accordé


amnistie pleine et entière à ceux de ses sujets poursuivis correctionnellement, ou condamnés à
des peines correctionnelles pour les délits auxquels la rareté des subsistances a pu les
entraîner, depuis le 1er septembre 1816, jusqu’audit jour du 13 août 1817 ; - Attendu que si
l’effet des lettres de grâce est limité à la remise de tout ou partie des peines prononcées contre
un ou plusieurs individus, que si elles laissent subsister le délit, la culpabilité des graciés, et
déclarent même la justice de la condamnation, il en est autrement de l’amnistie pleine et
entière, qui porte avec elle l’abolition des délits qui en sont l’objet, des poursuites faites ou à
faire, des condamnations qui auraient été ou pourraient être prononcées ; tellement que ces
délits, couverts du voile de la loi, par la puissance et la clémence royales, sont au regard des
Cours et des tribunaux, sauf le droit des tiers en réparation du dommage par action civile,
comme s’ils n’avaient jamais été commis ; - Attendu dès lors, que le tribunal de première
instance de Lons-le-Saunier, chef-lieu judiciaire du département du Jura, en confirmant, par
jugement attaqué, le jugement correctionnel rendu, le 4 février précédent, par le tribunal de
première instance d’Arbois, contre C., sur l’appel qui en avait été interjeté par le ministère
public près ce tribunal, et en déclarant qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer, à cause de récidive,
pour aggravation de la peine, l’art 58 du Code pénal à ladite C., condamnée, le 21 mars 1817,
à quinze mois d’emprisonnement, et comprise dans l’amnistie de l’ordonnance du 13 août
1817, n’a violé, en jugeant ainsi, aucune loi, et s’est conformé aux principes de la matière ;
Rejette.

Annexe n° 126 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, 
dimanche 5 mai 1816, n° 126, p. 521.

Ordonnance qui accorde amnistie pour désertion.


Informé que plusieurs de nos sujets ont été condamnés à des peines corporelles et pécuniaires
comme fauteurs ou complices de la désertion des militaires de l'armée licenciée, et qu'en vertu
de jugements rendus par des conseils de guerre spéciaux ; quelques déserteurs sont sous le
poids d'une condamnations à l'amende de 1500 Francs.
Vu l'ordonnance du 23 avril 1814 rendue par notre bien-aimé frère, Monsieur, en qualité de
lieutenant général du royaume, portant annulation de toutes poursuites pour faits et délits
relatifs à la conscription ;
Vu notre ordonnance du 17 janvier 1816, qui accorde aux conscrits ou parents de conscrits
expropriés la remise de ce qui était encore dû, soit par eux comme adjudicataires de leurs
propres biens, soit par des tiers acquéreurs desdits biens ;
Vu enfin notre ordonnance du 21 février dernier qui supprime, de la législation pénale contre
les déserteurs, l'amende de 1500 Francs ;
Voulant signaler l'anniversaire de notre entrée dans notre capitale par des actes d'indulgence,
et donner à nos peuples de nouvelles preuves de notre bonté paternelle ;
Sur leur rapport de notre ministre secrétaire d'état au département de la guerre, nous avons
ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie entière et absolue est accordée à tout individu poursuivi et condamné
comme fauteur ou complice de la désertion qui a eu lieu antérieurement au 1er octobre 1815.
En conséquence, nous remettons toute peine encourue pour ce délit, sauf néanmoins le
remboursement des frais qui n'ont pu être prononcés.
Nous n'entendons pas non plus dégager les personnes auxquelles s'applique la présente
amnistie, des dommages et intérêts auxquels prétendraient des particuliers, à raison de
violences et voies de fait exercées sur leurs personnes ou sur leurs propriétés.
Art. 2 : Nous faisons remise de ce qui peut resté dû de l'amende de 1500 Francs à laquelle ont
été condamnés jusqu'à ce jour, des déserteurs, indépendamment des peines corporelles.
Art. 3 : Nos ministres secrétaire d'État aux départements de la guerre et des finances, et notre
garde des sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice, sont chargés chacun
en ce qui le concerne de l'exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin
des lois.
Signé Louis XVIII et le ministre secrétaire d’État de la guerre, duc de Feltre.

Annexe n° 127 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, 
dimanche 7 décembre 1823, n° 341, p. 1423.

Ordonnance du roi portant amnistie en faveur des sous-officiers et soldats des troupes de
terre, ainsi qu’aux jeunes soldats appelés au service et aux vétérans rappelés en vertu de la
loi du 10 avril 1823, qui se trouvent en état de désertion.
Les bienfaits que la divine providence a répandus sur nous et sur nos armes, pendant la
glorieuse campagne que notre bien-aimé neveu le duc d'Angoulême vient de terminer, nous
ont fait juger convenable d'user d'indulgence envers ceux des militaires de nos armées qui se
sont écartés de leurs devoirs, et par là, d'appeler leurs familles à partager l'allégresse
publique ;
En conséquence, sur le rapport de notre ministre secrétaire d'état de la guerre, notre conseil
d'État entendu, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous les sous-officiers et soldats de nos troupes de terre, ainsi
qu'aux jeunes soldats appelés au service, qui, au moment de la publication de la présente
ordonnance, se trouvent en état de désertion pour avoir abandonné les corps dont ils faisaient
partie, ou pour n'avoir pas rejoint ceux auxquels ils étaient destinés.
Art. 2 : L'amnistie sera entière, absolue, et sans condition de servir, pour ceux des déserteurs
dont l'entrée au service est antérieure à la loi du 10 mars 1818. Ceux admis au service
postérieurement à sa publication, à quelque titre que ce soit ou à quelque classe de jeunes
soldats qu'ils appartiennent, seront tenus d'entrer dans les corps de notre armée, pour y faire le
temps de leur service, dans lequel celui de leur absence illégale ne sera pas compté.
Art. 3 : Les vétérans appelés en vertu de la loi du 10 avril 1823, qui, ayant été arrêtés pour fait
de désertion, n'auraient pas encore été jugés au moment de la publication de la présente
ordonnance, seront remis en liberté et renvoyés dans leurs foyers avec une feuille de route.
Art. 4 : Les déserteurs amnistiés devront rapporter les effets, autres que ceux de petit
équipement, qu'ils auraient emportés, ou en rembourser la valeur, ou enfin déclarer les motifs
de l'impossibilité où ils se trouveraient de remplir l'une ou l'autre de ces conditions.
Art. 5 : Les dispositions de la présente ordonnance ne sont, en aucun cas, applicables :
1° aux militaires qui ont déserté à l'ennemi ;
2° à ceux qui se rendraient coupables du délit de désertion, postérieurement à la publication
de la présente ordonnance ;
3° aux déserteurs et retardataires qui, n'ayant pas profité de l'amnistie en temps utile, seraient
arrêtés, ou se représenteraient après le 1er mars 1824 ;
4° aux déserteurs et retardataires, même aux vétérans, qui, au moment de la publication de la
présente ordonnance, auraient été condamnés pour désertion.
Art. 6 : Notre ministre secrétaire d'état de la guerre fera les dispositions convenables, pour que
notre garde des sceaux puisse nous soumettre, sans délai, des propositions de grâce en faveur :
1° des condamnés au boulet ou aux travaux publics, qui auront expié au moins la moitié de
leur peine, et qui, durant cet intervalle de temps, n'auront pas subi une autre condamnation
judiciaire,
ou qui n'auront subi, dans les ateliers, aucune punition de discipline depuis six mois,
ou enfin, qui auront été appelés au service comme vétérans, en vertu de la loi du 10 mars 1818
;
2° des militaires condamnés à des peines correctionnelles, par les conseils de guerre, et qui
auront été reconnus dignes, par leur conduite, de notre clémence royale.
Art. 7 : Notre ministre secrétaire d'état de la guerre fera rentrer dans les régiments de ligne, les
fusiliers de discipline qui, ayant six mois de présence, n'auront point commis de fautes graves
pendant trois mois.
Il fera également passer dans les compagnies de fusiliers de discipline les pionniers qui se
seront bien conduits durant l’intervalle de temps.
Art. 8 : Ceux des déserteurs qui ne sont pas dégagés de l'obligation de servir, et qui, après
avoir pris leur feuille de route pour rejoindre, ou qui, après avoir été remis à la gendarmerie
pour être conduits à leur destination, ne se rendraient pas à cette destination dans les délais
fixés par les règlements, ou déserteraient route, resteront sous le poids de la législation
relative à la désertion, et seront punis, en cas d'arrestation ou de représentation, comme
coupables de désertion par récidive.
Art. 9 : Notre ministre secrétaire d'état de la guerre est chargé de l'exécution de la présente
ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois.
Signé Louis XVIII et le ministre secrétaire d'état de la guerre, le baron de Damas.

Annexe n° 128 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, 
dimanche 21 décembre 1823, n° 355, p. 1477.

Ordonnance du roi portant amnistie en faveur de tous les officiers-mariniers, marins et


ouvriers, en état de désertion, ainsi qu’aux sous-officiers et soldats du corps royal
d’artillerie, et généralement à tous les déserteurs du département de la marine.
Notre intention étant d'étendre aux déserteurs des armées navales, l'amnistie que nous avons
accordée par notre ordonnance du 3 de ce mois, à ceux de l'armée de terre, à l'occasion des
succès dont la divine providence a couronné nos efforts pendant la glorieuse campagne que
notre bien-aimé neveu le duc d'Angoulême vient de terminer ;
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies, nous avons
ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous les officiers mariniers, marins et ouvriers qui sont
présentement en état de désertion.
La même disposition est applicable aux sous-officiers et soldats du corps royal d'artillerie, à
ceux des régiments d'infanterie, aux gardes chiourmes, et généralement à tous les déserteurs
du département de la marine.
Art. 2 : Sont compris dans les dispositions de l'article précédent ceux des individus y désignés
qui, ayant été arrêtés ou s'étant présentés volontairement n'auraient pas été jugés au moment
de la publication de la présente ordonnance. Ceux d'entre eux qui seraient détenus devront
être immédiatement mis en liberté.
Art. 3 : Les déserteurs amnistiés seront tenus de se présenter dans le délai de trois mois, savoir
: les gens de mer, au commissaire de l'inscription maritime dont ils dépendent, ou à
l'administrateur de le marine le plus voisin de leur résidence actuelle, ou, à défaut, au maire de
la commune où ils se trouvent ; et les autres déserteurs, aux autorités militaires du
département où ils se sont retirés.
Art. 4 : L'amnistie sera entière, absolue et sans condition de service, pour les sous-officiers et
soldats dont l'entrée au service est antérieure à la loi du 10 mars 1818 ; ceux admis au service
postérieurement à sa publication, à quelque titre que ce soit, seront tenus de rentrer dans leurs
corps pour y achever leur temps de service, dans lequel celui de leur absence illégale ne sera
pas compté.
Art. 5 : Les déserteurs militaires amnistiés devront rapporter les effets autres que ceux de petit
équipement qu'ils auront emportés, ou en rembourser la valeur, ou enfin déclarer les motifs de
l'impossibilité où ils se trouveraient de remplir l'une ou l'autre de ces conditions.
Art. 6 : Les déserteurs de la marine qui demanderont à profiter du bienfait de l'amnistie,
recevront une feuille de route, avec indemnité, pour être dirigés sur le port où était stationné le
corps dont ils faisaient partie, ou le bâtiment sur lequel ils étaient embarqués.
Les marins désobéissants seront dirigés sur les ports pour lesquels ils avaient été destinés.
Art. 7 : Le délai accordé aux déserteurs qui sont hors du royaume est fixé à 6 mois pour ceux
qui se trouvent en Europe ; à un an pour ceux qui sont dans les pays hors d'Europe, et à dix-
huit mois pour ceux qui seraient au-delà du Cap de Bonne Espérance ou du Cap Horn.
Art. 8 : Les dispositions de la présente ordonnance ne sont en aucun cas applicables :
1° aux militaires et marins qui ont déserté à l'ennemi ;
2° à ceux qui se rendraient coupables de désertion postérieurement à la publication de la
présente amnistie ; nous
3° aux déserteurs et retardataires qui, n'ayant pas profité de l'amnistie en temps utile, seraient
arrêtés ou se représenteraient après les délais fixés par les articles 3 et 7 ci-dessus ; vous vous
4° aux déserteurs et retardataires qui, au moment de la publication de la présente ordonnance,
auraient été condamnés pour désertion.
Art. 9 : Ceux des déserteurs qui ne sont pas dégagés de l'obligation de servir, et qui, après
avoir pris leur feuille de route pour rejoindre leur corps ou leur bâtiment, ne se rendraient pas
à leur destination dans les délais fixés par les règlements, ou déserteraient en route, resteront
sous le poids de la législation relative à la désertion, et seront punis, en cas d'arrestation ou de
représentation, comme coupables de désertion de récidive.
Art. 10 : Notre ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies est chargé de l'exécution
de la présente ordonnance.
Signé Louis XVIII et le pair de France, ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies,
le marquis de Clermont Tonnerre.

Annexe n° 129 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, 
samedi 2 octobre 1824, n° 276, p. 1315.

Ordonnance portant amnistie aux déserteurs, à l’occasion de l’avènement du roi.


Voulant signaler notre avènement au trône par des actes de clémence, et donner à notre armée
des preuves de l'intérêt que nous lui portons ;
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'état au département de la guerre, notre conseil
entendu, nous avons ordonné et ordonnons qui suit :
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous les sous-officiers et soldats de nos troupes de terre, ainsi
qu'aux jeunes soldats appelés au service, qui, au moment de la publication de la présente
ordonnance, se trouveront en état de désertion, pour avoir abandonné les corps dont ils
faisaient partie, ou pour n'avoir pas rejoint ceux auxquels ils étaient destinés.
Art. 2 : Toutes les dispositions de l'ordonnance royale du 3 décembre 1823, seront en
conséquence appliquées aux déserteurs et retardataires qui se présenteront volontairement
d'ici au 31 décembre prochain, pour les militaires qui sont sur le Continent, et d'ici au 31
janvier suivant pour ceux qui sont en Corse, soit devant nos préfets et sous-préfets, soit devant
un intendant ou sous-intendant militaire pour faire leur déclaration de repentir.
Art. 3 : Notre ministre secrétaire d'État de la guerre fera les dispositions convenables pour que
notre garde des sceaux puisse nous soumettre, sans délai, des propositions de grâce en faveur
des militaires condamnés, désignés dans l'article 6 de l'ordonnance précitée.
Art. 4 : Il fera également rentrer dans la ligne les fusiliers de discipline qui, ayant six mois de
présence à leur compagnie, n'auront point commis de fautes graves pendant trois mois.
Les pionniers qui se seront bien conduits durant le même intervalle de temps, seront
incorporés dans les compagnies de fusiliers de discipline.
Art. 5 : Notre ministre secrétaire d'état de la guerre est chargé de l'exécution de la présente
ordonnance, qui sera insérée aux Bulletins des lois.
Signé Charles X, et le ministre secrétaire d'état de la guerre, le marquis de Clermont-
Tonnerre.

Annexe n° 130 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, 
vendredi 8 octobre 1824, n° 282, p. 1339.

Ordonnance du roi portant amnistie en faveur des déserteurs de la marine.


Notre intention étend d'étendre aux déserteurs des armées navales l'amnistie que nous avons
accordée par notre ordonnance du 29 septembre dernier à ceux de l'armée de terre, à
l'occasion de notre avènement au trône ; sur le rapport de notre ministre secrétaire d'état de la
marine et des colonies, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous les officiers mariniers, marins et ouvriers qui sont
présentement en état de désertion.
La même disposition est applicable aux sous-officiers et soldats du corps royal d'artillerie, à
ceux du régiment d'infanterie, aux gardes chiourmes et généralement à tous les déserteurs du
département de la marine.
Art. 2 : Sont compris dans les dispositions de l'article précédent, ceux des individus y
désignés qui, ayant été arrêtés ou s'étant présentés volontairement n'auraient pas été jugés au
moment de la publication de la présente ordonnance. Ceux d'entre eux qui seraient détenus
devront être immédiatement mis en liberté.
Art. 3 : Les déserteurs amnistiés seront tenus de se présenter dans le délai de trois mois, savoir
: les gens de mer au commissaire de l'inscription maritime dont ils dépendent, ou a
l'administrateur de la marine le plus voisin de leur résidence actuelle, ou, à défaut, au maire de
la commune où ils se trouvent, et les autres déserteurs aux autorités militaires du département
où ils se sont retirés.
Art. 4 : L'amnistie sera entière, absolue et sans condition de service pour les sous-officiers et
soldats dont l'entrée au service est antérieure à la loi du 10 mars 1818, ceux admis au service
postérieurement à sa publication, à quelque titre que ce soit, seront tenus de rentrer dans leurs
corps, pour y achever leur temps de service, dans lequel celui de leur absence illégale ne sera
pas compté.
Art. 5 : Les déserteurs militaires amnistiés devront rapporter les effets autres que ceux de petit
équipement qu'ils auront emportés, ou en rembourser la valeur, ou enfin déclarer les motifs de
l'impossibilité où ils se trouveraient de remplir l'une ou l'autre de ces conditions.
Art. 6 : Les déserteurs de la marine qui demanderont à profiter du bienfait de l'amnistie
recevront une feuille de route, avec indemnité, pour être dirigés sur le port où était stationné le
corps dont ils faisaient partie, ou le bâtiment sur lequel ils étaient embarqués.
Les marins désobéissant seront dirigés sur les ports pour lesquels ils avaient été destinés.
Art. 7 : Le délai accordé aux déserteurs qui sont hors du royaume est fixé à six mois pour
ceux qui se trouvent en Europe, à un an pour ceux qui sont dans les pays hors d'Europe, et à
dix-huit mois pour ceux qui seraient au-delà du Cap de Bonne-Espérance ou du Cap Horn.
Art. 8 : Les dispositions de la présente ordonnance ne sont point applicables,
1° aux militaires et marins qui ont déserté à l'ennemi ;
2° à ceux qui se rendraient coupables de désertion postérieurement à la publication de la
présente amnistie ;
3° aux déserteurs et retardataires qui n'ayant pas profité de l'amnistie en temps utile, seraient
arrêtés ou se présenteraient après les délais fixés par les articles 3 et 7 ci-dessus ;
4° aux déserteurs et retardataires qui, au moment de la publication de la présente ordonnance
auraient été condamnés pour désertion.
Art. 9 : Ceux des déserteurs qui ne sont pas dégagés de l'obligation de servir, et qui, après
avoir pris leur feuille de route pour rejoindre leur corps ou leur bâtiment, ne se rendraient pas
à leur destination dans les délais fixés par les règlements, ou déserteraient en route, resteront
sous le poids de la législation relative à la désertion, et seront punis, en cas d'arrestation ou de
représentation, comme coupables de désertion en récidive.
Art. 10 : Notre ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies est chargé de l'exécution
de la présente ordonnance.
Signé Charles X, et le pair de France ministre secrétaire d'état au département de la marine et
des colonies, le comte Chabrol.

Annexe n° 131 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, jeudi 
19 mai 1825, n° 139, p. 783.

Ordonnance du roi portant amnistie en faveur des déserteurs et des retardataires, à


l’occasion du sacre.
Voulant que l'époque de notre sacre soit pour ceux de nos soldats qui se trouvent encore en
état de désertion, une nouvelle occasion de rentrer librement sous leurs drapeaux;
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'État au département de la guerre, notre conseil
entendu, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Nos lieutenants-généraux commandants les divisions militaires sont autorisés à ne
pas faire mettre en jugement les sous-officiers et soldats de nos troupes de terre, ainsi que les
jeunes soldats appelés au service qui, se trouvant en état de désertion au moment de la
publication de la présente ordonnance, se présenteront volontairement pour rejoindre dans le
délai de deux mois, à dater du jour de la cérémonie de notre sacre.
Art. 2 : Les déserteurs et retardataires qui se seront ainsi présentés, seront dirigés, savoir : les
premiers, sur les corps auxquels ils appartenaient ; les autres, sur ceux qui leur seront
désignés.
À cet effet il leur sera délivré une feuille de route avec indemnité ; pour se rendre librement et
sans escorte à leur destination.
Art. 3 : Notre ministre secrétaire d'état au département de la guerre est chargé de l'exécution
de la présente ordonnance qui sera insérée au Bulletin des lois.
Signé Charles X et le ministre secrétaire d'état de la guerre, le marquis de Clermont-Tonnerre.

Annexe n° 132 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, lundi 
30 mai 1825, n° 150, p. 830.

Ordonnance du roi par laquelle amnistie est accordée à tous les officiers-mariniers, marins
et ouvriers qui sont en état de désertion.
Notre intention étant d'étendre aux déserteurs des armées navales, l'amnistie que nous avons
accordée par notre ordonnance du quatre de ce mois de l'armée de terre à l'occasion de notre
sacre ;
Sur le rapport de notre ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies, nous avons
ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie pleine et entière est accordée à tous les officiers mariniers, marins et
ouvriers qui sont présentement en état de désertion.
La même disposition est applicable aux sous-officiers et soldats du corps royal d'artillerie, à
ceux des régiments d'infanterie, aux gardes chiourmes et généralement à tous les déserteurs du
département de la marine.
Art. 2 : Sont compris dans les dispositions de l'article précédent, ceux des individus y
désignés qui, ayant été arrêtés, ou s'étant présentés volontairement, n'auraient pas été jugés au
moment de la publication de la présente ordonnance, ceux d'entre eux qui seraient détenus
devront être immédiatement mis en liberté.
Art. 3 : Les déserteurs amnistiés seront tenus de se présenter dans le délai de deux mois,
savoir : les gens de mer au commissaire de l'inscription maritime dont ils dépendent, ou
l'administrateur de la marine le plus voisin de leur résidence actuelle, ou à défaut, au maire de
la commune où ils se trouvent ; et les autres déserteurs, aux autorités militaires du
département où ils se sont retirés.
Art. 4 : Les déserteurs de la marine qui demanderont à profiter du bienfait de l'amnistie,
recevront un acte avec indemnité, pour être dirigés sur le port où était stationné le corps dont
ils faisaient partie, ou le bâtiment sur lequel ils étaient embarqués.
Les marins désobéissant seront dirigés sur les ports pour lesquels ils avaient été destinés.
Art. 5 : Le délai accordé aux déserteurs qui sont hors du royaume est fixé à six mois pour
ceux qui se trouvent en Europe ; à un an pour ceux qui seront dans les pays hors d'Europe ; et
à dix-huit mois pour ceux qui seraient au-delà du Cap de Bonne-Espérance ou du Cap Horn.
Art. 6 : Notre ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies est chargé de l'exécution
de la présente ordonnance.
Signé Charles X et le pair de France le ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies,
le comte Chabrol.

Annexe n° 133 : Ordonnance portant remise de 
peine pour des faits politiques, Moniteur Universel, 
mardi 25 juin 1816, n° 177, p. 717.

Ordonnance qui fait remise, à l’occasion du mariage du duc de Berry, des confiscations
générales prononcées par les Cours et Tribunaux pour quelque cause que ce soit, et des
amendes, frais, etc., encourues dans des affaires relatives à des faits purement politiques dont
le but était de servir la cause royale.
Voulant marquer par des actes de bienfaisance l'heureuse époque du mariage de notre cher et
bien-aimé neveu le duc de Berry ; sur le rapport de notre amé et féal chevalier le sieur
Dambray, chancelier de France, chargé du portefeuille du ministère de la justice, nous avons
ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Toute poursuite, tout séquestre opérés à la diligence de l'administration de
l'enregistrement, en exécution d'arrêts ou jugements prononçant des confiscations générales,
pour quelque cause que ce soit, ou ayant pour objet d'assurer le recouvrement des amendes
encourues et des frais de procédure prononcés par les cours et les tribunaux, pour le
recouvrement des frais de procédure dans des affaires relatives à des faits purement politiques
dont le but évident était de servir la cause royale, cesseront d'avoir leur effet pour la partie qui
n'aurait pas été perçue au moment de la publication de notre présente ordonnance.
Art. 2 : Les biens immeubles confisqués, et ceux acquis par l'administration de
l'enregistrement par suite d'expropriation forcée dans les affaires ci-dessus désignées, et qui
sont encore possédés en nature et régis par elle, seront restitués aux propriétaires ou à leurs
héritiers ou ayant cause, sauf toutefois le prélèvement, s'il y a lieu, des frais de procédure, de
régie, de gestion et autres.
Art. 3 : Notre chancelier de France, ayant par intérim le portefeuille du ministère de la justice,
se concertera, en cas de doute, avec notre ministre secrétaire d'état des finances, pour décider
quelles sont les affaires dans lesquelles la remise des frais de procédure, etc. devra avoir lieu.
Tous nos ministres sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution de la présente
ordonnance.
Signé Louis XVIII et le chancelier de France, Dambray.

Annexe n° 134 : Ordonnance portant amnistie 
pour délits politiques, Moniteur Universel, lundi 30 
mai 1825, n° 150, p. 829.

Ordonnance du roi qui accorde amnistie pleine et entière à plusieurs personnes condamnées
pour délits politiques à des peines correctionnelles.
Sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la
justice, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie pleine et entière est accordée aux individus condamnés pour délits
politiques, à des peines correctionnelles, en vertu des articles 1, 2, 3, 4, 8, 9 et 10 de la loi du
25 mars 1822.
Art. 2 : Continueront néanmoins d'avoir leur effet toutes saisies d'écrits ou gravures formées
en exécution desdites lois et de celle du 25 mai 1819.
Art. 3 : Notre garde des sceaux ministre secrétaire d'état au département de la justice est
chargé de l'exécution de la présente ordonnance.
Signé Charles X et le ministre secrétaire état département de la justice le comte de Peyronnet.
Annexe n° 135 : Ordonnance portant amnistie 
pour délits politiques, Moniteur Universel, samedi 
4 novembre 1826, n° 308, p. 1503.

Ordonnance du roi par laquelle amnistie pour délits politiques est accordée aux sieurs
Gauthier de la Verderie, Rey et Lacombe.
Sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la
justice, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie est accordée aux condamnés dont les noms suivent : Gauthier de la
Verderie (Jean-Baptiste Alexandre), Rey (Joseph Philibert Etienne), Lacombe (Alexandre).
Art. 2 : Les individus auxquels s’applique l’article qui précède seront soumis pendant cinq
années, à la surveillance de la haute police.
Art. 3 : Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice, est
chargé de l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Charles X, e le garde des sceaux, comte de Peyronnet.

Annexe n° 136 : Ordonnance relative aux 
remises de peines pour bonne conduite, 
Moniteur Universel, lundi 16 février 1818, n° 47, p. 
211.

Ordonnance du roi, contenant des dispositions d’indulgence et de clémence en faveur des


condamnés qui se seront fait remarquer par leur bonne conduite pendant le temps de
l’expiation de leur peine.
Si la punition des crimes et des délits est le premier besoin de la société, le repentir, quand il
est sincère et bien constaté, a d'autant plus droit à notre clémence royale, que souvent il n'est
pas moins utile pour l'exemple que la peine même, et qu'il offre la meilleure garantie de la
conduite future du coupable qui en donne des preuves. Déjà nous avons pourvu par diverses
ordonnances au régime des maisons destinées à recevoir les condamnés. Nous avons voulu ce
régime, sans cesser d'être sévère dans l'intérêt de la sûreté publique, fut en tout conforme aux
principes de l'humanité, aux règles des bonnes mœurs et aux distinctions établies par la loi
entre ceux qu'elle condamne ; que les détenus fussent environnés de l'appui, des secours et des
consolations de la religion, qu'on eut soin de leur fournir un travail qui, en même temps qu'il
adoucit leur sort actuel, leur ménage des ressources pour l'avenir, et leur fait contracter des
habitudes morales. Après avoir, par ces mesures, rendu la résignation plus facile aux
condamnés, nous voulons encore leur tenir compte de leur retour à des sentiments honnêtes, et
exciter plus vivement leur émulation par une perspective encourageante en faisant connaître la
résolution où nous ne sommes d'user de notre prérogative royale en faveur de ceux qui, par
une bonne conduite soutenue, se seront rendus dignes de la remise entière ou de la
commutation de la peine qu'il leur resterait à subir.
A ces causes, et sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'état de la
justice, et de notre ministre secrétaire d'état de l'intérieur, nous avons ordonné et ordonnons ce
qui suit :
Art. 1er : Nos procureurs généraux et ordinaires, ainsi que nos préfets, se feront rendre tous les
trois mois des comptes détaillés de la conduite des détenus en vertu d'arrêts ou de jugements,
par les directeurs, inspecteurs, aumôniers, conseils de surveillance et tous autres chargés de
l'administration, inspection ou surveillance des maisons de force, de réclusion, détention,
correction et prisons quelconques.
Art. 2 : Tous les ans, avant le 1er mai, les préfets adresseront au ministre de l'intérieur la liste
de ceux des condamnés qui se seront fait particulièrement remarquer par leur bonne conduite
et leur assiduité au travail, et qui seront jugés susceptibles de participer aux effets de notre
clémence.
Art. 3 : Notre ministre de l'intérieur transmettra ces listes à notre garde des sceaux avec les
observations et propositions qu'il aura jugé convenable d'y joindre.
Art. 4 : Notre garde des sceaux, après avoir recueilli des renseignements auprès de nos
procureurs généraux et ordinaires dans le ressort desquels auront été condamnés et se
trouveront détenus les individus portés sur les listes, prendra nos ordres à leur égard, de
manière à ce que notre décision puisse être rendue le 25 du mois d'août, de chaque année,
époque que nous fixons en mémoire du Saint roi notre aïeul, que son amour pour la justice a
plus particulièrement rendu l'objet de la vénération des Français.
Art. 5 : Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'état de la justice, et notre ministre
secrétaire d'état de l'intérieur sont chargés chacun, en ce qui le concerne, de l'exécution de la
présente ordonnance.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux Pasquier.

Annexe n° 137 : Ordonnance relative à la grâce 
de plusieurs condamnés politiques, Moniteur 
Universel, jeudi 8 avril 1824, n° 99, p. 397.

Ordonnance du roi qui accorde grâce entière à plusieurs condamnés dans l’affaire de
Thouars.
Vu les arrêts de la cour d'assises du département de la Vienne, en date des 17 septembre 1822
et 23 décembre 1823, par lesquels plusieurs complices de l'attentat dont Berton s'était rendu
coupable contre la sûreté de la État, ont été condamnés à des peines correctionnelles ;
Voulant exercer notre clémence envers ceux de ces condamnés, dont le repentir annonce et
garantit que une entière soumission aux lois de l'État et un retour sincère à la fidélité qu'ils
nous doivent ;
Sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la
justice, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Grâce pleine et entière de la peine à laquelle ils avaient été condamnés, par les arrêts
précités, est accordée aux nommés :
Mathurin Civrai, Jean Mirchin, Pierre Cornan, Pierre-Louis Millasseau, Henry Godeau, Jules-
Louis Alix, Normandin, Jacques Meunier, Henri Prier, Hyacinthe Ledein, Joseph Ricque,
Robert-Augustin Lambert, Joachim Pierre-Marie Férail, Louis Sanzais, Edouard Beaufils,
Vincent Louis-Armand Coudray, René Nonet, et Augustin Malecot.
En conséquence ils seront remis immédiatement en liberté, à la charge par eux de rester placés
pendant cinq ans sous la surveillance de la haute police, conformément à l’article 44 du Code
pénal.
Art. 2 : Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice, est
chargé de l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis XVIII et le comte ministre de la justice, comte de Peyronnet.

Annexe n° 138 : Ordonnance relative à la grâce 
d’un condamné politique, Moniteur Universel, 
vendredi 26 novembre 1819, n° 330, p. 1497.

Ordonnance du roi qui annule la procédure instruite contre le lieutenant-général Grouchy, et


le rétablit dans ses honneurs, titres et grades.
Nous étant fait rendre compte de l’état de la procédure dirigée jusqu’à ce jour contre le
lieutenant-général comte Grouchy, traduit successivement devant les 1er et 2e conseils de
guerre de la 1ère division militaire ;
Sur le rapport de notre garde des sceaux ministre secrétaire d’État de la justice,
Nous avons reconnu, d’après l’examen des faits imputés à l’accusé, par le résultat de
l’instruction, et particulièrement d’après le témoignage de notre bien-aimé neveu le duc
d’Angoulême, qu’il nous appartenait de considérer ledit comte Grouchy comme étant compris
dans l’amnistie portée par la loi du 12 janvier 1816.
Art. 1er : Les faits imputés au lieutenant-général comte Grouchy, et qui ont donné lieu à la
procédure instruite contre lui, à la diligence des rapporteurs près les 1 er et 2ème conseils de
guerre de la 1ère division militaire, sont déclarés compris dans l’amnistie ; il ne sera, en
conséquence, donné aucune suite aux informations et autres actes de procédure dressés à cette
occasion, et le lieutenant-général comte Grouchy rentrera immédiatement dans tous les droits,
titres, grades et honneurs dont il était pourvu à l’époque du 19 mars 1815.
Art. 2 : Notre présente ordonnance sera inscrite à la suite des procès-verbaux d’information.
Art. 3 : Notre ministre secrétaire d’État de l’intérieur, président du conseil ; notre garde des
sceaux ministre secrétaire d’État de la justice ; notre ministre secrétaire d’État de la guerre ;
notre ministre secrétaire d’État des finances, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l’exécution de la présente ordonnance, qui sera insérée au Bulletin des lois.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux H. de Serre.
Annexe n° 139 : Ordonnance relative à la grâce 
d’un condamné politique, Moniteur Universel, lundi 
14 février 1820, n° 45, p. 179.

Ordonnance qui déclare compris dans l’amnistie, les faits imputés au baron Gilly, et
réintègre ce général dans tous ses droits, titres, grades et honneurs.
Nous étant fait rendre compte, sur la demande de notre bien-aimé neveu le duc d'Angoulême,
de l'état de la procédure dirigée jusqu'à ce jour contre le lieutenant général baron Gilly, traduit
successivement devant les premier et deuxième conseils de guerre de la première division
militaire, et ayant reconnu que les faits à lui imputés permettaient de le considérer comme
étant compris dans l'amnistie accordée par la loi du 12 janvier 1816.
Ayant égard aux sentiments qu'il nous a fait exprimer, et voulant donner à notre bien-aimé
neveu le duc d'Angoulême une nouvelle preuve de notre affection, non seulement en étendant
au général Gilly le bienfait de cette amnistie, mais encore en rétablissant ledit général, ainsi
que notre bien-aimé neveu nous en a sollicité, dans ses droits, titres, grades et honneurs.
De l'avis de notre conseil ; nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Les faits imputés au lieutenant général baron Gilly, et qui ont donné lieu à la
procédure instruite contre lui à la diligence des rapporteur près les premier et deuxième
conseils de guerre de la première division militaire, sont déclarés compris dans l'amnistie : il
ne sera, en conséquence, donné aucune suite aux informations et autres actes de procédure
dressés à cette occasion. Le lieutenant général baron Gilly immédiatement remis en liberté, et
rentrera dans tous ses droits, titres, grades et honneurs.
Art. 2 : Notre présente ordonnance sera inscrite à la suite des procès-verbaux d'information.
Art. 3 : Notre ministre secrétaire d'état de l'intérieur, président du conseil, notre ministre
secrétaire d'état de la guerre, notre ministre secrétaire d'état des finances, notre sous-secrétaire
d'état au département de la justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution
de la présente ordonnance, qui sera insérée aux Bulletins des lois.
Annexe n° 140 : Ordonnance portant remise de 
peine des délits politiques et de presse, 
Moniteur Universel, mardi 3 août 1830, n° 215, p. 
837.

Ordonnance du lieutenant-général du Royaume portant remise des condamnations


prononcées pour délits politiques.
Art. 1er : Les condamnations prononcées pour délits politiques de la presse restent sans effet.
Art. 2 : Les personnes détenues à raison de ces délits seront sur le champ mises en liberté.
Il est fait également remise des amendes et autres frais, sous la seule réserve des droits des
tiers.
Les poursuites commencées jusqu’à ce jour cesseront immédiatement.
Paris, ce 2 août 1830. Signé Louis-Philippe d’Orléans et le commissaire provisoire au
département de la justice, Dupont (de l’Eure).

Annexe n° 141 : Projet de loi relatif à 
l’abrogation d’une partie de la loi du 12 janvier 
1816, Moniteur Universel, mercredi 25 août 1830, 
n° 237, p. 961.

Projet de loi :
Art. 1er : Les Français bannis, en exécution des articles 3 et 7 de la loi du 12 janvier 1816, sont
réintégrés dans tous leurs droits civils et politiques, et peuvent en conséquence rentrer en
France.
Ils sont aussi réintégrés dans les biens et pensions dont ils auraient été privés par suite de
ladite loi, sans préjudice des droits acquis à des tiers.
Cette dernière disposition est applicable à ceux qui seraient déjà rentrés en France, en vertu de
décisions particulières.
Art. 2 : Néanmoins, les pensions dont le rétablissement est ordonné par le présent article, ne
commenceront à courir que du jour de la publication de la présente loi.
Art. 3 : Il n’est pas dérogé aux dispositions contenues dans l’article 4 de la loi précitée.

Annexe n° 142 : Ordonnance portant amnistie 
des délits politiques, Moniteur Universel, vendredi 
27 août 1830, n° 239, p. 971.

Ordonnance du roi qui annule l’effet de toutes condamnations, pour délits politiques,
antérieures aux 27, 28 et 29 juillet.
Sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire au département de la justice,
notre conseil des ministres entendu ;
Considérant qu'il est juste et urgent de faire cesser l'effet des condamnations politiques
antérieures aux glorieuses journées des 27, 28 et 29 juillet dernier.
Nous avons ordonné et ordonnons qui suit :
Art. 1er : Les jugements, décisions et arrêts rendus, soit en France, soit dans les colonies, par
les cours royales, cour d'assises, cour de justice criminelle, cours prévôtales, commissions
militaires, conseils de guerre et autres juridictions ordinaires ou extraordinaires, à raison de
faits politiques, depuis le 7 juillet 1815 jusqu'à ce jour, cesseront d'avoir leur effet.
Art. 2 : Les personnes atteintes par lesdits jugements, arrêts et décisions rentreront dans
l'exercice de leurs droits civils et politiques, sans préjudice des droits acquis à des tiers.
Celles qui seront détenues en vertu desdits arrêts, jugements et décisions, seront sur le champ
mises en liberté.
Celles qui sont absentes de France se présenteront devant nos ambassadeurs ou agents
diplomatiques et consulaires les plus voisins, qui leur délivreront des passeports pour rentrer
en France.
Art. 3 : Le Trésor public ne sera tenu à aucune restitution de frais ni d’amendes.
Art. 4 : Les poursuites qui pourraient avoir été commencées à raison des faits mentionnés en
l’art. 1er, sont réputées non avenues.
Art. 5 : Nos ministres secrétaires d’État aux départements de la justice, de la marine et des
colonies, des affaires étrangères et de la guerre, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de
l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe, et le garde des sceaux, Dupont (de l’Eure).

Annexe n° 143 : Ordonnance du 8 mai 1837 
portant amnistie de crimes et délits politiques, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1837, II, p. 255.

Art. 1er : Amnistie est accordée à tous les individus actuellement détenus dans les prisons de
l’État, par suite de condamnations prononcées pour crimes et délits politiques.
Toutefois, la mise en surveillance est maintenue à l’égard des condamnés à des peines
afflictives ou infamantes, ainsi qu’à l’égard de ceux qui y ont été assujettis par jugement.
Art. 2 : La peine prononcée par la Cour des pairs contre les nommés Victor Boireau et
François Meunier est commuée en celle de dix ans de bannissement.
Art. 3 : Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice et des
cultes, et notre ministre secrétaire d’État au département de l’intérieur, sont chargés, chacun
en ce qui le concerne, de l’exécution de la présente ordonnance.

Annexe n° 144 : Ordonnance portant amnistie 
de certaines infractions de presse, Moniteur 
Universel, vendredi 27 août 1830, n° 239, p. 971.

Ordonnance du roi qui annule les condamnations pour les contraventions sur le timbre et la
publication des journaux et écrits périodiques, placards, gravures et lithographies.
Sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la
justice.
Considérant que si l'exécution de quelques lois a été momentanément suspendue par la force
majeure des événements, il importe, aujourd'hui que l'ordre et la paix renaissent partout, de
séparer avec précision le passé du présent, et de fixer l'époque où toutes les lois, mêmes celles
dont une modification prochaine serait jugée nécessaire, doivent reprendre leur empire.
Art. 1er : Notre ordonnance du 2 août qui déclare que les condamnations prononcées pour
délits de la presse en matière politique cesseront d’avoir leur effet, s’appliquera aux
condamnations prononcées pour contraventions aux lois, ordonnances et règlements sur le
timbre et la publication des journaux et écrits périodiques, placards, gravures et lithographies.
Art. 2 : Les poursuites intentées pour délits et contraventions de cette nature commis jusqu’à
ce jour, seront discontinuées et arrêtées.
Art. 3 : À l’avenir, et à partir de ce jour, et jusqu’à ce que les lois et règlements mentionnés
dans l’article 1er aient été changées, nos procureurs-généraux et nos procureurs près les
tribunaux civils tiendront la main à leur exécution.
Art. 4 : Notre garde des sceaux ministre secrétaire d’État au département de la justice, est
chargé de l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe, et le garde des sceaux, Dupont (de l’Eure).

Annexe n° 145 : Ordonnance portant amnistie 
des contraventions de simple police, Moniteur 
Universel, mercredi 29 septembre 1830, n° 272, 
p. 1181.

Ordonnance du roi qui accorde amnistie pleine et entière pour toutes les contraventions de
simple police commises antérieurement au 27 juillet 1830.
Art. 1er : Amnistie pleine et entière est accordée pour toutes les contraventions de simple
police commises antérieurement au 27 juillet 1830 ;
En conséquence, les condamnations encourues à raison de ces contraventions cesseront
d’avoir leur effet, et les poursuites commencées seront réputées non avenues.
Art. 2 : Dans aucun cas, la présente amnistie ne portera préjudice aux particuliers, communes
et établissement publics, à raison des dommages-intérêts et des dépens qui leur ont été ou qui
pourraient leur être alloués par les tribunaux.
Art. 3 : Le Trésor public ne sera tenu à aucune restitution de frais ou d’amendes déjà
recouvrés.
Art. 4 : Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice, et
notre ministre secrétaire d’État au département des finances, sont chargés, chacun en ce qui le
concerne, de l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe et le garde des sceaux, Dupont (de l’Eure).

Annexe n° 146 : Ordonnance portant amnistie 
pour des faits d’insubordination, Moniteur 
Universel, vendredi 22 octobre 1830, n° 295, p. 
1133.

Ordonnance du roi portant amnistie en faveur des sous-officiers et soldats condamnés pour
faits d’insubordination et voies de fait envers leurs supérieurs.
Voulant signaler par des actes de clémence notre avènement au trône.
Sur le rapport de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la
justice, nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous sous-officiers et soldats de nos troupes de terre et de
mer, qui, jusqu’à la publication de la présente ordonnance, ont été condamnés pour fait
d’insubordination et de voies de fait envers leurs supérieurs.
Art. 2 : Notre garde des sceaux, ministre secrétaire d’État au département de la justice, et nos
ministres secrétaires d’État de la guerre, de l’intérieur et de la marine sont chargés, chacun en
ce qui le concerne de l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe, et le garde des sceaux, Dupont (de l’Eure).
Annexe n° 147 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, lundi 
30 août 1830, n° 242, p. 989.

Ordonnance du roi qui accorde amnistie à tous sous-officiers et soldats de troupes de terre,
ainsi qu’aux jeunes soldats appelés au service en état de désertion.
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous sous-officiers et soldats de nos troupes de terre, ainsi
qu’aux jeunes soldats appelés au service qui sont présentement en état de désertion, soit pour
avoir abandonné les corps dont ils faisaient partie, soit pour n’avoir par rejoint ceux auxquels
ils étaient destinés.
Sont compris dans ces dispositions, les déserteurs et retardataires qui, ayant été arrêtés ou
s’étant présentés volontairement n’auraient pas été jugés et condamnés définitivement, au jour
de la publication de la présente ordonnance.
Art. 2 : Pour profiter de l’amnistie, les déserteurs et retardataires seront tenus de se présenter,
soit devant le lieutenant général commandant la division, soit devant le maréchal de camp
commandant la subdivision, soit devant l'officier supérieur commandant sur les lieux, soit
enfin devant l'officier de gendarmerie ou le capitaine de recrutement, à l'effet d'y faire leur
déclaration de repentir.
Cette déclaration devra être faite avant l'expiration du délai ci-après, qui compteront à partir
de la date de la présente ordonnance ; savoir :
Trois mois pour ceux qui sont dans l'intérieur du Royaume ;
Quatre mois pour ceux qui sont en Corse ;
Six mois pour ceux qui sont hors du Royaume, mais en Europe ;
Et dix-huit mois pour ceux qui sont au-delà du Cap de Bonne-Espérance ou du Cap Horn.
Art. 3 : L'amnistie est entière, absolue et sans condition de servir, pour les déserteurs ou
retardataires qui se trouvent dans un des cas suivants, savoir :
1° pour les retardataires qui appartiennent à des classes antérieures à l'année 1821 ;
2° pour les déserteurs qui ont été admis au service, à quelque titre que ce soit, antérieurement
au 1er janvier de la même année ;
3° pour les déserteurs et retardataires actuellement mariés, ou veufs, ayant un ou plusieurs
enfants ;
4° pour les déserteurs et retardataires qui sont actuellement dans l'un des cas d'exemption
prévus par l'article 14 de la loi du 10 mars 1818, sur le recrutement ;
5° pour les déserteurs auxquels il ne reste pas plus d'une année de service à faire pour
atteindre le terme de leur libération.
Art. 4 : Les déserteurs ou retardataires amnistiés auxquels les dispositions de l'article 3 de la
présente ordonnance ne sont point applicables, seront tenus d'entrer dans les corps de notre
armée pour y faire le temps de service auquel ils sont astreints par la loi, temps dans lequel
celui de leur absence illégale ne sera pas comptée.
Les autres seront renvoyés dans leurs foyers avec un certificat de libération.
Art. 5 : Les dispositions de la présente ordonnance ne sont, en aucun cas, applicables :
1° aux déserteurs et retardataires qui n'ayant pas profité de l'amnistie en temps utile, seraient
arrêtés ou se représenteraient après les délais fixés par l'article 2 ci-dessus ;
2° aux déserteurs et retardataires qui, au moment de la publication de la présente ordonnance,
auraient été condamnés pour désertion.
Art. 6 : Ceux des déserteurs et retardataires qui ne sont pas dégagés de l'obligation de servir,
et qui, après avoir profité de la présente amnistie et avoir pris leurs feuilles de route pour
rejoindre un corps, ne se rendraient pas à leur destination dans les délais fixés par les
règlements, ou déserteraient en route, resteront sous le poids de la législation relative à la
désertion, et seront passibles des peines portées contre la désertion par récidive.
Art. 7 : Notre ministre secrétaire d'État au département de la guerre est chargé de l'exécution
de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe et le ministre secrétaire d’État au département de la guerre, comte
Gérard.

Annexe n° 148 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, mardi 
7 septembre 1830, n° 250, p. 1039.
Ordonnance du roi qui accorde amnistie à tous les officiers, mariniers, marins et ouvriers qui
sont maintenant en état de désertion.
Art. 1er : Amnistie est accordée à tous les officiers mariniers, marins et ouvriers qui sont
maintenant en état de désertion.
La même disposition est applicable aux sous-officiers et soldats du corps royal d’artillerie,
aux gardes chiourmes, et généralement à tous les déserteurs du département de la marine, soit
qu’ils aient abandonné les corps dont ils faisaient partie, soit qu’ils n’aient pas rejoint ceux
pour lesquels ils étaient destinés.
Art. 2 : Les déserteurs et retardataires qui, ayant été arrêtés ou s’étant présentés
volontairement, n’auraient pas été jugés et condamnés définitivement au jour de la publication
de la présente ordonnance, seront mis immédiatement en liberté, s’ils ne sont détenus pour
d’autres causes.
Art. 3 : Les déserteurs amnistiés sont tenus de se présenter, dans le délai de trois mois, à
l’effet d’y faire leur déclaration de repentir, savoir : les gens de mer, au commissaire de
l’inscription de leur quartier ou à l’administrateur de la marine, le plus voisin de leur
résidence actuelle, ou, à défaut, au maire de la commune ou ils se trouvent ; et les autres
déserteurs, aux autorités militaires du département où ils sont retirés.
Pour la Corse ce délai est porté à 4 mois.
Art. 4 : Le délai accordé aux déserteurs qui sont hors du Royaume, est fixé à six mois pour
ceux qui se trouvent en Europe, et à dix-huit mois pour ceux qui sont au-delà du Cap de
Bonne-Espérance ou du Cap Horn.
Art. 5 : L’amnistie est entière, absolue et sans condition de servir, pour les déserteurs ou
retardataires non compris sous le titre des gens de mer, qui se trouvent dans un des cas
suivants, savoir :
1° pour les déserteurs qui ont été admis au service, à quelque titre que ce soit, antérieurement
au 1er janvier 1821 ;
2° pour les déserteurs et retardataires actuellement mariés ou veufs ayant un ou plusieurs
enfants ;
3° pour les déserteurs et retardataires qui sont actuellement dans l'un des cas d'exemption
prévus par l'article 14 de la loi du 10 mars 1818, sur le recrutement ;
4° pour les déserteurs auxquels il ne reste pas plus d'une année de service à faire, pour
atteindre le terme de leur libération ;
5° Pour les déserteurs qui ont fait partie des anciens régiments d’infanterie de la marine,
licenciés en 1827.
Art. 6 : Les déserteurs ou retardataires amnistiés, auxquels les dispositions de l'article ci-
dessus ne sont pas applicables, seront tenus d'entrer dans les corps de la marine, pour y faire
le temps de service auquel ils sont astreints par la loi, temps dans lequel celui de leur absence
illégale ne sera pas comptée.
Les autres seront renvoyés dans leurs foyers avec un certificat de libération.
Art. 7 : Les déserteurs qui demanderont à jouir du bénéfice de l’amnistie, recevront une feuille
de route avec indemnité, et seront dirigés sur le port où était stationné le corps dont ils
faisaient partie, ou le bâtiment sur lequel ils étaient embarqués.
Les marins désobéissants seront dirigés sur les ports pour lesquels ils avaient été destinés si
les besoins du service l’exigent.
Art. 8 : Les dispositions de la présente ordonnance ne sont, en aucun cas, applicables :
1° aux déserteurs et retardataires qui, n'ayant pas profité de l'amnistie, en temps utile, seraient
arrêtés, ou se présenteraient après le délai fixé par l'article 3 ci-dessus ;
2° aux déserteurs et retardataires qui, au moment de la publication de la présente ordonnance,
auraient été condamnés pour désertion.
Art. 9 : Ceux des déserteurs ou retardataires qui ne sont pas dégagés de l'obligation de servir,
et qui, après avoir profité de la présente amnistie, et avoir pris leurs feuilles de route pour
rejoindre un port, ne se rendraient pas à leur destination dans les délais fixés par les
règlements, ou déserteraient en route, resteront sous le poids de la législation relative à la
désertion, et seront passibles des peines portées contre la désertion par récidive.
Art. 10 : Notre ministre secrétaire d'État au département de la marine et des colonies est
chargé de l'exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe et le ministre secrétaire d’État au département de la marine et des
colonies, Horace Sébastiani.

Annexe n° 149 : Ordonnance portant amnistie 
pour faits de désertion, Moniteur Universel, 
vendredi 29 avril 1831, n° 119, p. 895.
Ordonnance du roi portant amnistie pour les déserteurs d’Ille-et-Vilaine.
D’après le compte qui nous a été rendu par notre ministre secrétaire d’État de la guerre,
relativement aux dispositions des déserteurs et réfractaires des départements de l’Ouest, qui,
désirant rejoindre les drapeaux de l’armée, offrent de faire leur soumission.
Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :
Art. 1er : Amnistie pleine et entière est accordée aux déserteurs ou réfractaires du département
d’Ille-et-Vilaine qui dans le délai de huit jours, à partir de la publication de la présente, se
seront rendus auprès de M. le lieutenant général commandant la 13 ème division, de M. le
maréchal de camp commandant la subdivision, ou de l’officier supérieur commandant la
gendarmerie, pour y faire acte de soumission et s’y mettre à la disposition de l’autorité.
Art. 2 : La présente amnistie sera applicable aux déserteurs et réfractaires composant les
bandes qui se sont formées dans ce département, à raison des poursuites dont ils pourraient
être l’objet pour crime ou délit de rébellion et de désobéissance aux lois.
Art. 3 : Nos ministres secrétaires d’État de la guerre, de l’intérieur et de la justice, sont
chargés, chacun en ce qui le concerne de l’exécution de la présente ordonnance.
Signé Louis-Philippe et le ministre secrétaire d’État de la guerre, le duc de Dalmatie.

Annexe n° 150 : Décret du 25 février 1848 
portant amnistie des délits politiques, Moniteur 
Universel, samedi 26 février 1848, n° 57, p. 503.

Décret du Gouvernement provisoire qui met en liberté les détenus politiques en liberté.
Le gouvernement provisoire met tous les détenus politiques en liberté.
Le 25 février 1848.

Annexe n° 151 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 10 septembre 1830, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1830, I, p. 187.
LA COUR ; - Attendu que l’ordonnance du 2 août dernier n’a amnistié que les condamnés
pour délits politiques de la presse ; - Attendu que le délit imputé au demandeur n’est pas un
délit politique de la presse, mais un délit privé de diffamation, à l’égard duquel le ministère
public n’a pas intenté d’action et qui n’a été poursuivi que sur la plainte des individus
diffamés ; que, dès lors, l’ordonnance d’amnistie n’est pas applicable au demandeur ; -
Attendu que le demandeur condamné à une peine emportant privation de la liberté n’est point
en état devant la Cour ;
- Vu l’art. 421 du Code d’instruction criminelle, déclare G., éditeur responsable du
Constitutionnel, non recevable en son pourvoi.

Annexe n° 152 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 22 septembre 1832, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1832, I, p. 351.

LA COUR ; - En ce qui concerne la compétence : - Attendu, 1° que l’art. 8 de la loi du 8


octobre 1830, n’attribue aux cours d’assises que les délits de la presse qui ne seraient pas
encore jugés ; que, dans l’espèce, le fait imputé au demandeur avait été jugé par le tribunal
correctionnel de Gray ; qu’il n’était donc pas au nombre de ceux dont la loi du 8 octobre
réservait la connaissance aux Cours d’assises ;
Attendu, 2° que les dispositions du décret du 30 mars 1808, sur les audiences solennelles par
deux chambres composées de 14 juges, ne sont relatives qu’aux affaires civiles ; qu’ainsi, on
ne pouvait les appliquer au jugement des affaires correctionnelles, ni par conséquent à celui
du procès actuel ;
Attendu, 3° que le fait imputé au demandeur a été dénoncé et poursuivi en 1828, sous
l’empire de la loi du 25 mars 1822 ; qu’ainsi, il a dû être jugé conformément aux dispositions
spéciales de cette loi, alors en vigueur ; que son art. 17, dérogeant, quant à ce, aux
dispositions générales du Code criminel, attribue la connaissance des appels des jugements
correctionnels aux chambres civile et correctionnelle réunies des Cours royales ; que par-là,
ce deux chambres de la Cour royale de Lyon ont compétemment jugé ;
En ce qui touche l’exception de non recevabilité : - Attendu que P. avait porté plainte le 22
décembre 1828 ; que dès lors, la poursuite du ministère public et son concours, dans la cause,
pour l’exercice de l’action publique, ont été recevables ;
Au fond : - Attendu que l’art. 7 de la loi du 8 octobre 1830 spécifie les faits qui doivent être
considérés comme délits politiques de la presse ; que le délit de diffamation imputé au
demandeur n’est pas de ce nombre ; que dès lors l’amnistie prononcée pour les délits
politiques de la presse, ne pouvait lui être appliquée ;
Rejette.

Annexe n° 153 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 20 avril 1833, Recueil  
Sirey­Devilleneuve, 1833, I, pp. 652 et 653.

LA COUR ; - Attendu que les formalités et délais prescrits pour la publication des lois et
ordonnances, à l’effet de les rendre exécutoires, ne sont pas applicables aux ordonnances
d’amnistie, qui n’imposent, aucune obligation aux citoyens ; - Que l’amnistie, étant un
pardon, ne peut avoir en vue que les délits commis au moment même où elle est donnée ; que,
s’il fallait en étendre les effets au temps qui s’écoulerait entre sa date et le jour où les lois et
ordonnances sont censées connues par leur publication, il s’ensuivrait qu’il y aurait impunité
et même encouragement au délit, pour tout le temps où, par d’autres voies, elle aurait pu être
connue des délinquants ; - Que le mot de publication, inséré dans une ordonnance d’amnistie,
ne peut donc s’étendre de la publication exigée pour les lois et autres ordonnances, et que
c’est seulement aux délits commis antérieurement à sa date qu’elle doit être appliquée ;
Attendu que l’arrêt attaqué, après avoir déclaré les prévenus coupables du délit forestier qui
leur était imputé, a refusé de leur appliquer les peines prononcées par la loi, par le motif que
ce délit avait été commis le 29 novembre 1830, et que l’ordonnance d’amnistie du 8
novembre de cette année, n’ayant été connue dans le département des Basses-Pyrénées que le
29 du même mois, selon les règles établies pour la publication des lois et ordonnances, elle
comprenait les délits commis ce même jour 29 novembre 1830 ; - En quoi ledit arrêt a
faussement appliqué l’ordonnance d’amnistie précitée, et par suite violé les articles du Code
forestier, répressifs des délits constatés ;
Casse, etc.

Annexe n° 154 : Arrêt de la Chambre 
correctionnelle de la Cour impériale de Douai 
du 1er mars 1860, Journal du Droit Criminel, 1860, 
art. 7090, pp. 284 et 285.

LA COUR ; - Attendu qu’aux termes du décret du 16 août 1859, amnistie pleine et entière a
été accordée à tous les individus qui ont été condamnés pour crimes et délits politiques ; - Que
le décret s’applique aux délits politiques dont les poursuites sont engagées ou à introduire,
comme à ceux qui ont été jugés, pourvu qu’ils soient antérieurs à l’amnistie ; - Attendu que le
fait reproché à P. aurait été commis le 15 août 1859, et qu’il consisterait en offenses envers
l’empereur, délit prévu et puni par l’art. 86 du Code pénal, modifié par la loi du 10 juin 1853 ;
- Que ce délit serait politique et antérieur au décret du 16 août 1859 ; que, par suite, il est
éteint par l’amnistie ; - Qu’à tort les premiers juges ont examiné et jugé la question de savoir
si le prévenu était ou n’était pas coupable du délit qui lui était imputé ; - Qu’ils auraient dû se
borner à déclarer le délit éteint par le décret d’amnistie ; - Qu’il y a lieu de réformer la
sentence ;
- Met le jugement dont est appel au néant ; dit que le fait reproché à P. a été amnistié par le
décret du 16 août 1859, et qu’en conséquence il n’y a pas lieu à statuer.

Annexe n° 155 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 10 juin 1831, Recueil 
Sirey­Devilleneuve, 1831, I, p. 412.

LA COUR ; - Vu l’ordonnance royale du 31 mai dernier, publiée le 4 juin, laquelle


ordonnance porte qu’il ne sera pas donné suite aux condamnations prononcées par les conseils
de discipline des gardes nationales, antérieurement à la promulgation de la loi du 22 mars
dernier, et non encore exécutées, et met au néant les poursuites commencées en vertu de ces
condamnations ;
Attendu que, dans l’espèce, le jugement attaqué est du 29 mars ; qu’il est antérieur à l’époque
om ladite ordonnance est devenue exécutoire à Toulouse, et que ce serait violer les
dispositions des articles 1 et 2 de ladite ordonnance, que de statuer sur le pourvoi du sieur C.,
puisque ce pourvoi, et le renvoi qui pourrait être la conséquence de son examen par la Cour,
auraient pour résultat de donner effet aux poursuites contre lui commencées : - Que,
d’ailleurs, l’art. 3 de ladite ordonnance défend aux tribunaux aucunes poursuites pour fautes
disciplinaires antérieures au jour où la loi du 22 mars est devenue exécutoire ; que le fait
reproché au capitaine C. est antérieur audit jour ;
Que vainement le demandeur a déclaré renoncer au bénéfice de l’ordonnance, par le motif
qu’il lui importe de faire tomber la condamnation prononcée contre lui, et de rétablir la bonne
harmonie et la concorde dans le corps auquel il appartient ;
En ce qui le concerne, l’art. 4 de l’ordonnance du 31 mai porte qu’aucune condamnation
prononcée en vertu de l’ancienne législation ne devra être prise en considération pour motiver
l’application des peines de la récidive ; d’où il suit que la condamnation prononcée par le
jugement du 29 mars est considérée comme non avenue ;
En ce qui concerne l’ordre public, les ordonnances d’amnistie ont pour but et pour résultat de
ramener la concorde dans la société, et le Cour ne peut se dispenser d’appliquer celle
prononcée par l’ordonnance du 31 mai ;
Par ces motifs, déclare que l’ordonnance dont il s’agit est applicable au pourvoi du capitaine
C., et que, par suite, il n’y a lieu de statuer sur ledit pourvoi.

Annexe n° 156 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 1er septembre 1837, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1837, I, pp. 937 à 940.

LA COUR ; - Attendu que tous les individus condamnés à des peines afflictives ou
infamantes pour crimes politiques, doivent, d’après l’ordonnance royale du 8 mai dernier,
rester indistinctement soumis à la surveillance de la haute police, puisque cette ordonnance
n’a établi aucune distinction entre les condamnés à des peines temporaires, et les condamnés à
des peines perpétuelles ;
Attendu que le droit d’amnistie ou de grâce, emporte non seulement le droit d’abolir
entièrement la peine, mais encore celui de l’abaisser à un degré inférieur dans l’ordre légal
des pénalités ; d’où il suit que l’ordonnance précitée a pu légalement, en faisant cesser la
peine de la déportation, laisser subsister celle de la surveillance de la haute police, d’autant
plus qu’aux termes de l’art. 49 du Code pénal, tout condamné à une peine afflictive ou
infamante pour crimes ou délits qui intéressent la sûreté intérieure de l’État, doit être soumis à
cette mesure d’ordre public ;
Attendu qu’en interprétant ainsi cette ordonnance, l’arrêt dénoncé, lequel est d’ailleurs
régulier dans sa forme, en a fait une juste application dans l’espèce ;
Rejette.

Annexe n° 157 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 18 février 1864, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1864, I, p. 152.

LA COUR ; - Statuant sur le moyen unique tiré de la violation de l’article 10, § 1 et 2, du


décret organique du 9 novembre 1859 sur la milice en Algérie : - Attendu que l’article 10 du
décret du 9 novembre 1859 porte : « Sont exclus de la milice : 1° les individus privés de leurs
droits civils et politiques ; 2° ceux auxquels les tribunaux, jugeant correctionnellement, ont
interdit le droit de vote et d’élection, par application des lois qui autorisent cette
interdiction » ; - Que le demandeur, se fondant sur cette disposition de la loi et sur une
condamnation par lui encourue, a soutenu qu’il ne pouvait pas faire partie de la milice de
Constantine, ni être assujetti au service qu’elle remplit ; - Attendu qu’une telle exception était
péremptoire ; qu’elle pouvait être proposée en tout état de cause, même après l’inscription que
les contrôles ordonnée par les conseils de recensement et de révision ; qu’en refusant de
connaître de cette exception et d’y statuer, le conseil de discipline a, par le jugement attaqué,
méconnu ses attributions et violé les règles de sa compétence ;
Mais attendu qu’en se prononçant sur ce moyen de droit, il eût en même temps appartenu au
conseil de discipline d’examiner si les causes d’exemptions invoquées par le demandeur
étaient fondées ou ne l’étaient pas ; -Attendu qu’il est justifié à cet égard, que, par jugement
du tribunal correctionnel d’Angoulême, en date du 10 mai 1856, confirmé en appel, le 29 juin
suivant, par l’arrêt de la Cour impériale de Bordeaux, le demandeur a été condamné, pour
délit de société secrète, à trois ans de prison et 100 fr. d’amende, et qu’il a été de plus interdit
pendant dix ans de ses droits civiques et politiques ; - Que cette condamnation était en cours
d’exécution quand a paru le décret d’amnistie des 16-18 août 1859 ; que, comme condamné
politique et comme étant devenu plus tard l’objet d’une mesure de sûreté générale, le
demandeur avait appelé au bénéfice de cet acte la haute clémence du souverain ; - Attendu
que l’amnistie emporte généralement abolition des crimes et délits auxquels elle est relative ;
qu’elle en efface jusqu’au souvenir et ne laisse rien subsister des condamnations qui avaient
été encourues ; - Attendu, dès lors, que, postérieurement au décret des 16-18 août 1859, tous
les effets de la condamnation qui avait été prononcée contre le demandeur ont disparu ; que,
réintégré par la suite dans ses droits civiques et politiques, il a été à bon droit inscrit sur les
contrôles de la milice ; que le jugement attaqué constate, en fait, qu’il a manqué à un service
commandé, et lui a appliqué, pour cette infraction, les peines édictées par les articles 51 et 55
du décret du 9 novembre 1859 ; qu’en cela, loin d’avoir violé lesdits articles, non plus que
l’article 10 précité, le jugement les a sainement interprétés ;
Rejette le pourvoi formé contre la décision du conseil de discipline de la milice algérienne de
Constantine du 10 novembre dernier.

Annexe n° 158 : Arrêt de la Chambre civile de 
la Cour de cassation du 19 mai 1848, Recueil 
Sirey­Devilleneuve, 1848, I, p. 514.

LA COUR ; - En ce qui touche l’application à la cause du décret du 29 février dernier, par


lequel le Gouvernement provisoire a annulé toutes les condamnations qui se trouvaient
prononcées lors de sa publication, pour faits politiques et pour faits de presse, et aboli toute
poursuite commencée : - Attendu que les actes d’amnistie n’anéantissent que l’action
publique résultant des crimes ou des délits auxquels ils s’appliquent, et laissent subsister de
plein droit l’action civile des parties lésées, quand ils ne déclarent pas formellement le
contraire ; - Que le décret précité ne déroge point à ce principe ; - Qu’il est, dès lors,
inapplicable au demandeur, puisque l’arrêt attaqué n’a prononcé aucune peine contre lui, n’est
intervenu que sur l’appel de la partie lésée, et n’a fait qu’adjuger à celle-ci le
dédommagement que les premiers juges lui avaient refusé ;
En ce qui touche à la prétendue fausse application de l’art. 19 de la loi du 17 mai 1819, et la
prétendue violation de l’art. 20 de la même loi ;
Rejette.

Annexe n° 159 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 7 mars 1844, Journal 
du Droit Criminel, 1844, art. 3599, pp. 202 et 203.

LA COUR ; - Vu l’art. 58 du Code pénal ; - Vu l’art. 1er de l’ordonnance d’amnistie du 8 mai


1837, et celle du 27 avril 1840 ; - Attendu que si l’art. 44 de la loi du 27 avril 1816, sur les
douanes, permettait au tribunal dont le jugement est attaqué de prononcer contre le prévenu la
peine d’une année d’emprisonnement, il résulte toutefois des motifs de la décision qu’il a
considéré le prévenu comme étant en état de récidive, et que c’est en lui faisant l’application
des dispositions de l’art. 58 du Code pénal qu’il l’a condamné au maximum de la peine ; -
Attendu que l’amnistie emporte généralement abolition des crimes et délits qui en sont
l’objet ; qu’elle en efface jusqu’au souvenir, et ne laisse rien subsister des condamnations qui
auraient été prononcées, sauf les restrictions formellement exprimées dans cet acte de la
clémence royale ; - Qu’il suit de là qu’un délit couvert par l’amnistie, et les condamnations
qui en ont été la suite, ne peuvent servir à constituer l’état de récidive, ni justifier l’application
de l’art. 58 du Code pénal ; - Attendu qu’il était établi au procès que, par l’arrêt de la Cour
d’assises du département de la Seine, du 21 mars 1832, antérieur aux ordonnances d’amnistie
des 8 mai 1837 et 27 avril 1840, C. avait été condamné à cinq ans de prison pour un délit
politique, et qu’en le déclarant en état de récidive, et en le condamnant au maximum de la
peine, à raison du délit de contrebande dont il était reconnu coupable, le jugement attaqué a
fait une fausse application de l’art. 58 du Code pénal, et violé les ordonnances ci-dessus
visées ;
Casse.
Annexe n° 160 : Arrêt de la Cour d’assises de 
la Vendée du 3 juin 1846, Recueil Sirey­
Devilleneuve, 1846, II, pp. 335 et 336.

LA COUR ; - Attendu que, par les ordonnances des 8 mai 1837 et 23 avril 1840, remise a été
accordée par le roi de toutes les condamnations prononcées pour délits et crimes politiques, à
toutes personnes détenues ou non détenues ; - Attendu que ces expressions, « personnes non
détenues », s’appliquent évidemment aux condamnés par contumace ; - Attendu que l’effet
d’une amnistie est non seulement de rendre impossible l’application d’une peine à un fait
quelconque d’abord incriminé et jugé ; mais encore de purger toute accusation relativement à
ce fait ; - Que, dès lors, il serait contre toute raison d’interroger le jury sur ce même fait, afin
de savoir s’il est ou non constant, puisque d’avance tout verdict affirmatif se trouve frappé
d’impuissance, et tout verdict négatif d’inutilité ; - Attendu, en outre, qu’une question posée
dans le but d’obtenir une décision sur un crime amnistié, serait une atteinte directe au droit de
grâce, réservé au chef de l’État, par l’art. 58 de la Charte ; - Attendu que G. a été condamné
par contumace, le 15 mars 1833, pour divers crimes commis alors qu’il faisait partie des
bandes armées ayant pour but d’exciter la guerre civile ; - Qu’il est conséquemment manifeste
que les deux amnisties précitées s’appliquent à cette dernière circonstance, d’un caractère
purement politique ; - Mais attendu que tous les autres faits de l’accusation ne constituent que
des délits non couverts par la clémence royale ;
- Par ces motifs, décide que les questions relatives aux bandes, portées dans l’acte
d’accusation dressé au sujet des faits accomplis chez G., ne seront pas soumises au jury, et
maintient, en conséquence, celles posées par le président.

Annexe n° 161 : Arrêt de la Chambre 
correctionnelle de la Cour impériale de Paris du 
19 novembre 1859, Journal du Droit Criminel, 1859, 
art. 6943, pp. 379 et 380.
LA COUR ; - Considérant qu’aux termes du décret du 16 août 1859, l’amnistie est accordée à
tous les individus qui ont été condamnés pour crimes et délits politiques ; - que la loi du 10
avril 1831, contre les attroupements, établit elle-même dans ses articles 8 et 10 la distinction
qui est à faire entre les attroupements qui ont un caractère politique et ceux qui n’ont pas ce
caractère ; - qu’aux termes de l’article 10, les prévenus ne devaient pas être renvoyés devant
la Cour d’assisses que dans le cas où l’attroupement aurait un caractère politique ; que ce cas
excepté, la connaissance des délits d’attroupement était attribuée aux tribunaux de police
correctionnelle ; - qu’à la vérité, l’article 10 de la loi du 7 juin 1848 disait que les poursuites
pour délits et crimes d’attroupement seraient portées devant la Cour d’assisses, sans
renouveler la distinction faite par la loi primitive du 10 avril 1831, entre les attroupements
politiques ou non politiques ; - mais qu’il n’abrogeait cependant pas cette dernière loi ; -
qu’au surplus, cet article 10 de la loi du 7 juin 1848 a été formellement abrogé par l’article 8
du décret du 25 février 1852 ; - qu’il ne s’agit donc plus que de décider, dans la cause, si les
attroupements non armés, pour lesquels G. a été condamné comme y ayant provoqué la
population de Cerisiers, avaient un caractère politique ; -que de toutes les circonstances de la
cause il ressort que ces attroupements n’avaient aucunement ce caractère ; - qu’ils étaient
formés à l’occasion d’une enquête de commodo et incommodo prescrite par le préfet de
l’Yonne et relative à la proposition d’un syndicat à établir pour le curage d’un ruisseau
traversant la commune ; - qu’ils avaient en vue de protester contre cette délibération par
laquelle le conseil municipal avait autorisé la vente des coupes affouagères ; - qu’ils étaient
donc provoqués uniquement contre l’autorité municipale, et qu’ils avaient un caractère
purement local et communal ; - considérant que l’amnistie est accordée en outre par le décret
du 16 août 1859 à tous les individus qui ont été l’objet de mesures de sûreté générale ; - mais
que, sans examiner la question de savoir si G. aurait pu être l’objet de semblables mesures, il
suffit de constater qu’en fait aucune mesure de sûreté générale n’a été prise contre lui ; -
considérant qu’il suit de là qu’à aucun titre le décret d’amnistie n’est applicable à G. ; - sans
s’arrêter ni avoir égard aux conclusions préjudicielles dudit G., ordonne qu’il sera passé outre
aux débats.

Annexe n° 162 : Courbe relative au 
pourcentage des exécutions capitales.
Annexe n° 163 : Tableau relatif aux rapports 
entre les condamnations à mort et les 
exécutions.

Condamnations à mort
Exécutions effectives /
prononcées (soit par
Années Exécutions effectives condamnations à mort
contumace, soit
prononcées
contradictoirement)
1825 176 111 63%
1826 197 110 56%
1827 160 76 48%
1828 175 75 43%
1829 135 60 44%
1830 152 38 25%
1831 155 25 16%
1832 200 41 21%
1833 162 34 21%
1834 76 15 20%
1835 83 39 47%
1836 60 21 35%
1837 44 25 57%
1838 63 34 54%
1839 66 22 33%
1840 72 45 63%
1841 83 38 46%
1842 57 29 51%
1843 93 33 35%
1844 98 41 42%
1845 62 37 60%
1846 106 40 38%
1847 95 45 47%
1848 48 18 38%
1849 67 24 36%
1850 53 33 62%
1851 45 34 76%
1852 58 32 55%
1853 39 27 69%
1854 79 37 47%
1855 61 28 46%
1856 46 17 37%
1857 58 32 55%
1858 38 23 61%
1859 36 21 58%
1860 39 27 69%
1861 26 12 46%
1862 44 25 57%
1863 32 11 34%
1864 16 5 31%
1865 19 10 53%
1866 26 9 35%
1867 25 17 68%
1868 33 5 15%
1869 31 10 32%
1870 24 5 21%

Annexe n° 164 : Courbe relative au rapport 
entre les exécutions capitales et le nombre de 
condamnations prononcées.
Annexe n° 165 : Loi des 8 et 16 juin 1850 
relative à la déportation,

www.criminocorpus.cnrs.fr/article87.html.
Art. 1er : Dans tous les cas où la peine de mort est abolie par l’article 5 de la Constitution, cette peine est
remplacée par celle de la déportation dans une enceinte fortifiée, désignée par la loi, hors du territoire continental
de la République.

Les déportés y jouiront de toute la liberté compatible avec la nécessité d’assurer la garde de leurs personnes.

Ils seront soumis à un régime de police et de surveillance déterminé par un règlement d’administration publique.

Art. 2 : En cas de déclaration de circonstances atténuantes, si la peine prononcée par la loi est celle de la
déportation dans une enceinte fortifiée, les juges appliqueront celle de la déportation simple ou de la détention ;
mais dans les cas prévus par les articles 86, 96 et 97 du Code pénal, la peine de déportation simple sera seule
appliquée.

Art. 3 : En aucun cas la condamnation à la déportation n’emporte la mort civile : elle entraîne la dégradation
civique.

De plus tant qu’une loi nouvelle n’aura pas statué sur les effets civils des peines perpétuelles, les déportés seront
en interdiction légale, conformément aux articles 29 et 31 du Code pénal.
Néanmoins hors les cas de la déportation dans une enceinte fortifiée, les condamnés auront l’exercice des droits
civils dans le lieu de déportation.

Il pourra leur être remis, avec l’autorisation du Gouvernement, tout ou partie de leurs biens.

Sauf l’effet de cette remise, les actes par eux faits dans le lieu de déportation ne pourront engager ni affecter les
biens qu’ils possédaient au jour de leur condamnation, ni ceux qui leur seront échus par succession ou donation.

Art. 4 : La vallée de Vaitahau, aux îles Marquises, est déclarée lieu de déportation pour l’application de l’article
premier de la présente loi.

Art. 5 : L’île de Nuka-Hiva, l’une des Marquises, est déclarée lieu de déportation pour l’exécution de l’article 17
du Code pénal.

Art. 6 : Le gouvernement déterminera les moyens de travail qui seront donnés aux condamnés, s’ils le
demandent.

Il pourvoira à l’entretien des déportés qui ne subviendraient pas à cette dépense par leurs propres ressources.

Art. 7 : Dans le cas où les lieux établis pour la déportation viendraient à être changés par la loi, les déportés
seraient transférés des anciens lieux de déportation vers les nouveaux.

Art. 8 : La présente loi n’est applicable qu’aux crimes commis postérieurement à sa promulgation.

Annexe n° 166 : Arrêt de la Chambre criminelle 
du 3 février 1849, Recueil Sirey­Devilleneuve, 1849, I, 
pp. 145 à 151.

La Cour ; - Sur le premier moyen, […]


- Sur le deuxième moyen, pris d’une fausse application de la loi pénale, et consistant en ce
que la Cour d’assises a décidé que la peine de mort prononcée par l’art. 91 du Code pénal,
contre les auteurs d’un attentat à la sûreté intérieure de l’État, et par l’art. 5, 3 ème alinéa, de la
loi du 24 mai 1834, contre ceux qui ont fait usage d’armes dans un mouvement
insurrectionnel, se trouvait remplacée, en vertu de l’art. 5 de la Constitution, par la peine des
travaux forcés à perpétuité, au lieu de celle de la déportation, de quoi les neuf autres
demandeurs font résulter une violation de cet art. 5 de la Constitution :
- Vu l’art. 5 de la Constitution de 1848 et les art. 7, 91, 463 du Code pénal, 407 et 410 du
Code d’instruction criminelle ;
Attendu, en fait, que ces quatre demandeurs ont été déclarés coupables, les uns comme
auteurs, les autres comme complices, d’un attentat dont le but était d’exciter à la guerre civile,
en armant les citoyens les uns contre les autres, crime puni de la peine capitale par l’art. 91 du
Code pénal, et qu’ils ont été condamnés, les trois premiers, aux travaux forcés à perpétuité, en
vertu de cet article modifié par l’art. 5 de la Constitution, et la femme C. à vingt ans de la
même peine, par application des mêmes articles, et, en outre, de l’art. 463 du Code pénal, à
raison des circonstances atténuantes admises en sa faveur ;
Attendu, en droit, que l’art. 5 de la Constitution, portant : « La peine de mort est abolie en
matière politique », a pour effet non de supprimer, mais de modifier la pénalité à l’égard des
crimes capitaux de ce genre ; que sa conséquence virtuelle et nécessaire est de remplacer la
peine de mort par celle qui vient immédiatement après dans l’échelle de la pénalité de ces
sortes de crimes ;
Mais attendu que les art. 7 et 8 du Code pénal, n’ont pour objet que de présenter la
nomenclature des peines criminelles existantes, et non d’en former une échelle unique qui les
graduat suivant leur ordre de classification, sans distinction de leur nature ; - Qu’au contraire,
l’esprit général du Code pénal a été de distinguer entre les crimes politiques et les crimes
communs, et d’appliquer une nature de peine particulière à chacune de ces catégories, quand
la peine capitale n’était pas prononcée ; - Que cette pensée a reçu une nouvelle consécration et
un développement nouveau du travail de révision du même Code opéré en 1832 ; - Que
d’abord, la loi du 28 avril 1832 a créé une nouvelle peine politique, la détention de cinq à
vingt ans, afin de rendre plus facile et plus complète la graduation du châtiment comparé à la
gravité du fait incriminé ; - Que, par suite, l’échelle des peines criminelles, en matière
politique, au-dessous de la mort, se trouve ainsi formée : la déportation, la détention, le
bannissement et la dégradation civique […]
- Attendu qu’en condamnant D., S. et P. aux travaux forcés à perpétuité, et C., à vingt ans de
la même peine, pour l’attentat prévu par l’art. 91 dont ils étaient déclarés coupables, la Cour
d’assises a méconnu les principes de la matière et appliqué une peine autre que celle
prononcée par la loi ; qu’elle a faussement appliqué l’art. 5 de la Constitution et les art. 91 et
463 du Code pénal […]
Par ces motifs, casse, etc.
Annexe n° 167 : Arrêt de la Chambre criminelle 
du 9 mars 1849, Recueil Sirey­Devilleneuve, 1849, I, 
pp. 209 à 215.

La Cour ; - Attendu que, d’après l’art. 77 de la loi du 27 ventôse an VIII, il n’y a ouverture à
cassation contre les jugements des conseils de guerre que de la part des citoyens non
militaires, et seulement pour cause d’incompétence ou d’excès de pouvoir ;
Attendu que l’Assemblée nationale, par l’art. 2 de son décret du 27 juin 1848, a ordonné que
l’instruction commencée devant les conseils de guerre à l’occasion de l’insurrection des 23
juin et jours suivants, suivrait son cours, nonobstant la levée de l’état de siège, non seulement
contre les chefs et instigateurs de l’insurrection, mais aussi contre ceux qui auraient « commis
quelque acte aggravant leur rébellion » ; - Que cette attribution comprend à la fois le fait
d’insurrection même et l’acte qui l’aggrave, sans qu’il soit permis de distinguer entre le cas où
cet acte ne constitue pas par lui-même un crime, et le cas où il en a le caractère ; qu’une telle
distinction, qui ne résulte point des termes du décret, serait en opposition avec les principes
généraux d’après lesquels les faits connexes doivent, à moins d’une disposition formelle
contraire, être jugés simultanément ;
Attendu que, si l’acte aggravant la rébellion constitue par lui-même un crime de droit
commun, il ne peut échapper à la peine que la loi commune prononce ; qu’en effet, la
connexité avec l’insurrection, c’est-à-dire avec un autre crime, ne peut être considérée comme
une excuse et déterminer une atténuation de la peine ; que l’art. 5 de la Constitution, qui a
aboli la peine de mort en matière politique, ne peut, conformément à ces principes, profiter
qu’aux crimes purement politiques ; - Qu’il n’y a d’ailleurs aucune incapacité légale dans le
juge militaire pour prononcer les peines de la loi commune, lorsqu’il est régulièrement saisi
de faits prévus par cette loi ;
Attendu, en conséquence, qu’il n’y a ni incompétence ni excès de pouvoir dans le jugement
attaqué ; d’où il suit que les demandeurs ne se trouvent dans aucun des cas pour lesquels le
recours en cassation est ouvert par la loi de ventôse an VIII, ci –dessus rappelée ; Déclare D.,
V., L., N., C., M., L., N. et P., non recevables dans leur pourvoi.
Annexe n° 168 : Loi du 25 juin 1824 relative à 
diverses modifications du Code pénal, Moniteur 
Universel, samedi 26 juin 1824, n° 178, p. 855.

Art. 1er : Les individus âgés de moins de seize ans qui n'auront pas de complices au-dessus de
cet âge, et qui seront prévenus de crimes autres que ceux auxquels la loi attache la peine de
mort, celle des travaux forcés à perpétuité, ou celle de la déportation, seront jugés par les
tribunaux correctionnels, qui se conformeront aux articles 66, 67 et 68 du Code pénal.
Art. 2 : Les vols et tentatives de vols spécifiés dans l'article 388 du Code pénal seront jugés
correctionnellement, et punis des peines déterminées par l'article 401 du même code.
Art. 3 : Seront jugés dans les mêmes formes, et punis des mêmes peines, les vols ou tentatives
de vols commis dans l'auberge ou l'hôtellerie dans laquelle le coupable était reçu.
Le vol commis par un aubergiste, un hôtelier, un batelier, un voiturier, ou un de leurs
préposés, quand ils auront volé tout ou partie des choses qui leur étaient confiées à ce titre,
continuera d'être puni conformément à l'article 386 du Code pénal.
Art. 4 : Les cours d'assises, lorsqu'elles auront reconnu qu'il existe des circonstances
atténuantes, et sous la condition de le déclarer expressément, pourront, dans les cas et de la
manière déterminés par les articles 5 et suivants, jusque et y compris l'article 12, réduire les
peines prononcées par le Code pénal.
Art. 5 : La peine prononcée par l'article 302 du Code pénal contre la mère coupable
d'infanticide, pourra être réduite à celle des travaux forcés à perpétuité. Cette réduction de
peine n'aura lieu à l'égard d'aucun individu autre que la mère.
Art. 6 : La peine prononcée par l'article 309 du Code pénal contre tout individu coupable
d'avoir volontairement fait des blessures ou porté des coups dont il est résulté une incapacité
de travail de plus de vingt jours, pourra être réduite aux peines déterminées par l'article 401
du même code, sans que l'emprisonnement puisse être au dessous de 3 années.
La peine ne pourra être réduite dans les cas prévus par les articles 310 et 312 du même code.
Art. 7 : La peine prononcée par l'article 383 du Code pénal contre les coupables de vols ou de
tentatives de vols sur un chemin public, quand ces vols auront été commis sans menaces, sans
armes apparentes ou cachées, sans violence et sans aucune des autres actes circonstances
aggravantes prévues par l'article 381 du Code pénal, pourra être réduite, soit à celle des
travaux forcés à temps, soit à celle de la réclusion.
Art. 8 : La peine prononcée par l'article 384 du Code pénal contre les coupables de vol ou de
tentative de vol commis à l'aide d'effraction ou d'escalade, pourra être réduite, soit à celle de
la réclusion, soit au maximum des peines correctionnelles déterminées par l'article 401 du
même code.
Art. 9 : La peine prononcée par l'article 386 du Code pénal contre les individus déclarés
coupables des vols prévus par le numéro premier de cet article, pourra être réduite au
maximum des peines correctionnelles déterminées par l'article 401 du même code.
Art. 10 : Les articles 2, 3 et 8 de la présente loi ne s'appliquent pas aux vols commis la nuit, ni
aux vols commis par deux ou plusieurs personnes.
Les dispositions de ces articles, ainsi que celles de l'article 9, seront également inapplicables
aux vols qui, indépendamment des circonstances spécifiées dans chacun desdits articles,
auront été accompagnés d'une ou de plusieurs des autres circonstances aggravantes prévues
par les articles 381 et suivants du Code pénal.
Les vols dont il vient d'être fait mention continueront à être punis conformément au Code
pénal.
Art. 11 : Les peines correctionnelles qui seront prononcées d'après les articles précédents, ne
pourront, dans aucun cas, être réduites en vertu de l'article 463 du Code pénal.
Art. 12 : Les dispositions ci-dessus, autres toutefois que celle de l'article 5, ne s'appliquent ni
aux mendiants, ni aux vagabonds, ni aux individus qui, antérieurement au fait pour lequel ils
sont poursuivis, auront été condamnés, soit à des peines afflictives ou infamantes, soit à un
emprisonnement correctionnel de plus de six mois.
Art. 13 : Lorsque les vols et tentatives de vol de récoltes et autres productions utiles de la
terre, qui, avant d'avoir été soustraites, n'étaient pas encore détachées du sol, auront été
commis, soit avec des paniers ou des sacs, soit à l'aide de voitures ou d'animaux de charge,
soit de nuit par plusieurs personnes, les individus qui en auront été déclarés coupables seront
punis conformément à l'article 401 du Code pénal.
Signé Louis XVIII et le garde des sceaux, ministre secrétaire d'état au département de la
justice, le comte de Peyronnet.
Annexe n° 169 : Loi des 13 et 20 mai 1863 
relative à l’instruction des flagrants délits 
devant les tribunaux correctionnels, Bulletin des 
Lois, 1863, n° 11305, pp. 966 et 967.

Art. 1er : Tout inculpé arrêté en état de flagrant délit pour un fait puni de peines
correctionnelles est immédiatement conduit devant le procureur impérial, qui l’interroge et,
s’il y a lieu, le traduit sur le champ à l’audience du tribunal.
Dans ce cas, le procureur impérial peut mettre l’inculpé sous mandat de dépôt.
Art. 2 : S’il n’y a point d’audience, le procureur impérial est tenu de faire citer l’inculpé pour
l’audience du lendemain. Le tribunal est, au besoin, spécialement convoqué.
Art. 3 : Les témoins peuvent être verbalement requis par tout officier de police judiciaire ou
agent de la force publique. Ils sont tenus de comparaître sous les peines portées par l’article
157 du Code d’instruction criminelle.
Art. 4 : Si l’inculpé le demande, le tribunal lui accorde un délai de trois jours au moins pour
préparer sa défense.
Art. 5 : Si l’affaire n’est pas en état de recevoir jugement, le tribunal en ordonne le renvoi,
pour plus ample information, à l’une des plus prochaines audiences et, s’il y a lieu, met
l’inculpé provisoirement en liberté, avec ou sans caution.
Art. 6 : L’inculpé, s’il est acquitté, est immédiatement, et nonobstant appel, mis en liberté.
Art. 7 : La présente loi n’est point applicable aux délits de presse, aux délits politiques, ni aux
matières dont la procédure est réglée par des lois spéciales.
Signé Napoléon.

Annexe n° 170 : Loi du 26 mars 1891, Journal 
officiel, vendredi 27 mars 1891, p. 1433.

Loi relative à l’atténuation et l’aggravation des peines.


Art. 1er : En cas de condamnation à l’emprisonnement ou à l’amende, si’ l’inculpé n’a pas subi
de condamnation antérieure à la prison pour crime et délit de droit commun, les cours ou
tribunaux peuvent ordonner, par le même jugement et par décision motivée, qu’il sera sursis à
l’exécution de la peine.
Si, pendant le délai de cinq ans à dater du jugement de l’arrêt, le condamné n’a encouru
aucune poursuite suivie de condamnation à l’emprisonnement ou à une peine plus grave pour
crime ou délit de droit commun, la condamnation sera comme non avenue.
Dans le cas contraire, la première peine sera exécutée sans qu’elle puisse se confondre avec la
seconde.
Art. 2 : La suspension de la peine ne comprend pas le payement des frais du procès et des
dommages-intérêts.
Elle ne comprend pas non plus les peines accessoires et les incapacités résultant de la
condamnation.
Toutefois, ces peines accessoires et ces incapacités cesseront d’avoir effet du jour où, par
application des dispositions de l’article précédent, la condamnation aura été réputée non
avenue.
Art. 3 : Le président de la cour ou du tribunal doit, après avoir prononcé la suspension, avertir
le condamné qu’en cas de nouvelles condamnations dans les conditions de l’article 1 er, la
première peine sera exécutée sans confusion possible avec la seconde et que les peines de la
récidive seront encourues dans les termes des articles 57 et 58 du Code pénal.
Art. 4 : La condamnation est inscrite au casier judiciaire, mais avec la mention expresse de la
suspension accordée.
Si aucune poursuite suivie de condamnation dans les termes de l’article 1 er, § 2, n’est
intervenue dans le délai de cinq ans, elle ne doit plus être inscrite dans les extraits délivrés aux
parties.
Art. 5 : Les articles 57 et 58 du Code pénal sont modifiés comme suit :
« Art. 57 : Quiconque, ayant été condamné pour crime à une peine supérieure à une année
d’emprisonnement, aura, dans un délai de cinq années après l’expiration de cette peine ou sa
prescription, commis un délit ou un crime qui devra être puni de la peine de
l’emprisonnement, sera condamné au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine
pourra être élevée jusqu’au double.
Défense pourra être faite, en outre, au condamné de paraître, pendant cinq ans au moins et dix
ans au plus, dans les lieux dont l’interdiction lui sera signifiée par le gouvernement avant sa
libération ».
« Art. 58 : Il en sera de même pour les condamnés à un emprisonnement de plus d’une année
pour délit qui, dans le même délai, seraient reconnus coupables du même délit ou d’un crime
devant être puni de l’emprisonnement.
Ceux qui, ayant été antérieurement condamnés à une peine d’emprisonnement de moindre
durée, commettraient le même délit dans les mêmes conditions de temps seront condamnés à
une peine d’emprisonnement qui ne pourra être inférieure au double de celle précédemment
prononcée, sans toutefois qu’elle puisse dépasser le double du maximum de la peine
encourue.
Les délits de vol, escroquerie et abus de confiance seront considérés comme étant, au point de
vue de la récidive, un même délit.
Il en sera de même des délits de vagabondage et de mendicité ».
Art. 6 : La présente loi est applicable aux colonies où le Code pénal métropolitain a été
déclaré exécutoire en vertu de la loi du 8 janvier 1877.
Des décrets statueront sur l’application qui pourra en être faite aux autres colonies.
Art. 7 : La présente loi n’est applicable aux condamnations prononcées par les tribunaux
militaires qu’en ce qui concerne les modifications apportées par l’article 5 ci-dessus aux
articles 57 et 58 du Code pénal.
Signé le président Carnot et le garde des sceaux, A. Fallières.

Annexe n° 171 : Extrait de la loi du 30 
novembre 1892, Journal officiel, jeudi 1er 
décembre 1892, p. 5751.

Loi sur l’exercice de la médecine.


Titre V : Exercice illégal – pénalités.
Art. 25 : La suspension temporaire ou l’incapacité absolue de l’exercice de leur profession
peuvent être prononcées par les cours et tribunaux, accessoirement à la peine principale,
contre tout médecin, officier de santé, dentiste ou sage-femme, qui est condamné :
1° à une peine afflictive ou infamante ;
2° à une peine correctionnelle prononcée pour crime de faux, pour vol et escroquerie, pour
crimes ou délits prévus par les articles 316, 317, 331, 332, 334 et 335 du Code pénal ;
3° à une peine correctionnelle prononcée par une cour d’assises pour des faits qualifiés crimes
par la loi.
En cas de condamnation prononcée à l’étranger pour un des crimes et délits ci-dessus
spécifiés, le coupable pourra également, à la requête du ministère public, être frappé, par les
tribunaux français, de suspension temporaire ou d’incapacité absolue de l’exercice de sa
profession.
Les aspirants ou aspirantes aux diplômes de docteur en médecine, d’officier de santé, de
chirurgien-dentiste et de sage-femme condamnés à l’une des peines énumérées aux
paragraphes 1, 2 et 3 du présent article,, peuvent être exclus des établissements
d’enseignement supérieur.
La peine de l’exclusion sera prononcée dans les conditions prévues par la loi du 27 février
1880.
En aucun cas, les crimes et délits politiques ne pourront entraîner la suspension temporaire ou
l’incapacité absolue d’exercer les professions visées au présent article, ni l’exclusion des
établissements d’enseignement médical.

Annexe n° 172 : Extrait de la loi du 31 mars 
1928, Journal officiel, mardi 3 avril 1928, p. 3809.

Loi relative au recrutement de l’armée.


Art. 5 : a) Sont incorporés obligatoirement et directement dans les bataillons d’infanterie
légère :
1° les individus reconnus coupables de crimes et condamnés seulement à l’emprisonnement
par application des articles 67, 68 et 463 du Code pénal ;
2° ceux qui ont été condamnés à un an d’emprisonnement au moins, soit pour blessures ou
coups volontaires, par application des articles 309 et 311 du Code pénal, soit pour violences
contre les enfants, prévues par l’article 312, § 6 et suivants du même Code ;
3° ceux qui ont été condamnés à un an d’emprisonnement au moins pour outrages publics à la
pudeur, pour délit de vol, délit de recel, escroquerie, abus de confiance ou attentats aux mœurs
prévues par l’article 334 du Code pénal ;
4° ceux qui ont été condamnés à six mois de prison au moins pour avoir fait métier de
souteneur, délit prévu par l’article 4 de la loi du 27 mai 1885 ;
5° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est d’un an
au moins pour rébellion (art. 209 à 221 du Code pénal) ou violences envers les dépositaires de
l’autorité et de la force publique (art. 228 et 230 du Code pénal) ;
6° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est de neuf
mois au moins, pour l’un des délits spécifiés dans le § 2 du présent article ;
7° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est d’un an
au moins pour l’un ou l’autre des délits prévus par les articles 269 à 276 inclusivement du
Code pénal ;
8° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est d’un an
au moins, pour le délit de filouterie d’aliments prévu par l’article 401 du Code pénal ;
9° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est de neuf
mois au moins pour l’un des délits spécifiés dans le paragraphe 3 du présent article.
b) Sont incorporés, sauf décision contraire du ministre de la guerre, dans un corps du service
général, pendant une période d’épreuve de trois mois :
1° les individus qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois à un an,
soit pour blessures ou coups volontaires, par application des articles 309 et 311 du Code
pénal, soit pour violences contre les enfants, prévues par l’article 312, § 6 et suivants, du
même Code ;
2° ceux qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement d’un mois à un an pour
outrages publics à la pudeur, pour délit de vol, délit de recel, escroquerie, abus de confiance
ou attentats aux mœurs prévus par l’article 334 du Code pénal ;
3° ceux qui ont été condamnés à une peine d’emprisonnement d’un mois à six mois pour avoir
fait métier de souteneur, délit prévu par l’article 4 de la loi du 27 mai 1885 ;
4° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est
comprise en trois mois et un an pour rébellion (art. 209 à 221 du Code pénal) ou violences
envers les dépositaires de l’autorité ou de la force publique (art. 228 et 230 du Code pénal) ;
5° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est
comprise entre trois mois et neuf mois pour l’un des délits spécifiés dans le § 2, a, du présent
article ;
6° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est
comprise entre trois mois et un an pour l’un ou plusieurs des délits prévus par les articles 269
à 276, inclusivement, du Code pénal ;
7° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est
comprise entre trois mois et un an pour le délit de filouterie d’aliments prévu par l’article 401
du Code pénal ;
8° ceux qui ont été l’objet de deux ou plusieurs condamnations dont la durée totale est
comprise entre un mois et neuf mois pour l’un ou plusieurs des délits spécifiés dans le § 3, a,
du présent article.

Annexe n° 173 : Extrait de la loi du 19 juin 1930, 
Journal officiel, vendredi 20 juin 1930, p. 6754.

Loi portant interdiction de la profession de banquier aux individus frappés de certaines


condamnations et aux faillis non réhabilités.
Art. 1er : Toute condamnation pour crime de droit commun, pour vol, pour abus de confiance,
pour escroquerie ou pour délit puni par les lois des peines de l’escroquerie, pour soustraction
commise par dépositaire public, pour extorsion de fonds ou valeurs, pour émission de
mauvaise foi de chèques sans provision, pour atteinte au crédit de l’État, pour recel des choses
obtenues à l’aide de ces infractions, emporte de plein droit interdiction du droit de faire à titre
professionnel, des opérations de banque, des opérations de placement ou de bourse sur valeurs
mobilières, et de diriger, administrer, gérer à un titre quelconque une société ou une agence de
société, ayant ces opérations pour objet, ou encore de signer pour elles.
Toute condamnation pour tentative ou complicité des infractions ci-dessus entrainera la même
incapacité.
La même interdiction est encourue par les faillis non réhabilités.

Annexe n° 174 : Extrait de la loi du 10 février 
1931, Journal officiel, mercredi 11 février 1831, p. 
1802.

Loi relative aux entreprises d’assurances, de capitalisation et d’épargne.


Art. 1er : Les entreprises d’assurances de toute nature, terrestres et maritimes, de capitalisation
et d’épargne et leurs agences, ne peuvent, à un titre quelconque, être fondées, dirigées,
administrées, gérées et leurs opérations ne peuvent être présentées au public que par des
personnes n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation pour crime de droit commun, pour vol,
pour abus de confiance, pour escroquerie ou pour délit puni par les lois des peines de
l’escroquerie, pour soustraction commise par dépositaire public, pour extorsion de fonds ou
valeurs, pour émission de mauvaise foi de chèques sans provision, pour atteinte au crédit de
l’État, pour recel des choses obtenues à l’aide de ces infractions ; toute condamnation pour
tentative ou complicité des infractions ci-dessus entrainera la même incapacité.
La même interdiction est encourue par les faillis non réhabilités.
Tout agent, démarcheur ou courtier professionnel d’assurances, de capitalisation ou
d’épargne, est tenu de justifier de son inscription au registre du commerce, soit d’un titre de
nomination d’agent, soit de la possession d’une carte d’identité établie par l’entreprise pour le
compte de laquelle il opère ; il est tenu de restituer cette carte à l’entreprise qui la lui a
délivrée, sur simple demande de cette dernière.
Le nom de l’agent, démarcheur ou courtier, par l’entremise duquel le contrat a été souscrit,
doit figurer sur l’exemplaire de la police remis à l’assuré ou à l’adhérent.
Un décret, rendu après avis d’une commission spéciale instituée par le ministre du travail,
déterminera les conditions d’application des dispositions contenues dans les deux alinéas
précédents, qui n’entreront en vigueur qu’un mois après la publication dudit décret.
Toute infraction commise aux prescriptions du présent article sera punie d’un
emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus et d’une amende de mille francs
au moins et de dix mille francs au plus ou de l’une de ces deux peines seulement, le tout sous
réserve de l’application de l’article 463 du Code pénal.
Annexe n° 175 : Extraits de la loi du 15 
novembre 1921, Journal officiel, jeudi 17 
novembre 1921, p. 12702.

Loi complétant la loi du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants maltraités ou
moralement abandonnés (puissance paternelle).
Art. 1er : Les articles 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 14, 15 et 16 de la loi du 24 juillet 1889 sur la
protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés sont remplacés par les
dispositions suivantes.
Art. 2 : Peuvent être déchus des mêmes droits ou peuvent être privés de tout ou partie de leurs
droits de puissance paternelle à l’égard de l’un ou de quelques-uns de leurs enfants :
1° les père et mère condamnés aux travaux forcés à perpétuité ou à temps, ou à la réclusion,
comme auteurs, coauteurs ou complices d’un crime autre que ceux prévus par les articles 86 à
101 du Code pénal ;
2° les père et mère condamnés deux fois pour un des faits suivants : séquestration,
suppression, exposition ou abandon d’enfants ou pour vagabondage ;
3° les père et mère condamnés par l’application de l’article 2, § 2, de la loi du 23 janvier
1873, ou des articles 1, 2 et 3 de la loi du 7 décembre 1874 ;
4° les père et mère condamnés une première fois pour excitation habituelle de mineurs à la
débauche ;
5° les père et mère dont les enfants ont été conduits dans une maison de correction par
application de l’article 66 du Code pénal, ou ont été condamnés par application de l’article 67
du même Code ;
6° en dehors de toute condamnation, les père et mère qui compromettent par de mauvais
traitements, par des exemples pernicieux d’ivrognerie habituelle ou d’inconduite notoire, par
un défaut de soins ou par un manque de direction nécessaire, soit la santé, soit la sécurité, soit
la moralité de leurs enfants ou d’un ou de plusieurs de ces derniers.
Annexe n° 176 : Loi du 9 juillet 1934 portant 
modification des art. 187 et 193 du Code 
d’instruction criminelle, Dalloz, 1934, IVème partie, 
pp. 418 et 419.

Art. 1er : L’art. 187 du Code d’instruction criminelle est modifié ainsi qu’il suit :
« Sous réserve de ce qui sera dit à l’art. 193, au sujet du mandat de dépôt ou d’arrêt décerné
par le tribunal, la condamnation par défaut… » (Le reste sans changement).
Art. 2 : L’art. 193 du Code d’instruction criminelle est complété par la disposition suivante :
« Si le fait est de nature à mériter une peine correctionnelle, le tribunal la prononcera. En
outre, s’il s’agit d’un délit de droit commun et si la peine prononcée est au moins d’une
année d’emprisonnement, le tribunal pourra, par décision spéciale et motivée, décerner
mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu.
Ce mandat continuera à produire ses effets, nonobstant opposition, appel ou pourvoi en
cassation.
En cas d’opposition au jugement ans les conditions prévues aux art. 187 et 188 du Code
d’instruction criminelle, l’affaire devra venir devant le tribunal à la première audience ou au
plus tard dans la huitaine du jour de l’opposition, faute de quoi l’inculpé devra être mis en
liberté d’office. S’il y a lieu à remise, le tribunal devra statuer d’office par une décision
motivée sur le maintien ou la mainlevée du mandat, le ministère public entendu.
Le tout sans préjudice de la faculté pour le prévenu de former en tout temps une demande de
mise en liberté provisoire sur laquelle il devra être statué dans les quarante-huit heures. Le
ministère public entendu.
En cas d’appel, par exception à l’art. 209 du Code d’instruction criminelle, l’appel devra être
jugé dans la huitaine du jour où il a été relevé. S’il y a lieu à remise, la cour statuera d’office
sur le rapport d’un conseiller, le ministère public entendu, sur le maintien ou la mainlevée du
mandat, sans préjudice pour l’appelant de former en tout temps une demande de mise en
liberté provisoire.
En cas de pourvoi, la Cour de cassation devra statuer dans le délai de deux mois ».
Annexe n° 177 : Projet de loi relatif au régime 
général des prisons, Moniteur Universel, 2ème 
suppl. au n° 30 du samedi 30 janvier 1847.

Titre premier. Du régime général des prisons.


Art. 1er : Toutes les prisons affectées aux détenus non militaires sont placées sous l’autorité du
ministre chargé de l’administration départementale
Art. 2 : Des ordonnances royales portant règlement d’administration publique détermineront
le mode de surveillance des prisons, les attributions respectives, en ce qui les concerne, des
préfets, des maires et autres délégués de l’autorité administrative, la composition et les
attributions des commissions de surveillance et les rapports de l’autorité avec les sociétés de
patronage qui seront instituées dans chaque arrondissement.
Les premiers présidents et les procureurs généraux sont membres de droit de toutes les
commissions de surveillance de leur ressort.
Les présidents et procureurs du Roi seront également membres de droit des commissions de
surveillance de l’arrondissement.
Deux membres du conseil général et deux membres du conseil d’arrondissement feront partie
de chaque commission de surveillance.
Art. 3 : Un règlement spécial relatif au régime intérieur de chaque prison sera arrêté par le
ministre.
Art. 4 : Tous les agents préposés à l’administration et à la garde des prisons seront nommés ou
révoqués par le ministre, ou, sous son autorité, par le préfet.
Titre II. Du régime des maisons affectées aux inculpés, prévenus et accusés.
Art. 5 : Dans les lieux où il n’y aura pas de maison d’arrêt et de maison de justice spéciale
pour retenir les inculpés ou les prévenus et accusés de chaque sexe, il sera affecté aux
hommes et aux femmes des quartiers distincts.
Art. 6 : Les inculpés, prévenus et accusés, seront séparés les uns des autres pendant le jour et
la nuit.
Chacun sera renfermé dans un lieu suffisamment spacieux, sain et aéré.
Art. 7 : Les règlements de la maison détermineront les prescriptions nécessaires pour
empêcher toute communication entre les détenus.
Ces règlements détermineront aussi le mode suivant lequel les détenus participeront aux
exercices de la maison.
Art. 8 : Toutefois des communications de détenu à détenu auront lieu dans les cas suivants :
1° Entre les détenus compris dans la même instruction, s’ils le demandent réciproquement ;
2° Entre les époux, les parents et les alliés jusqu’au troisième degré inclusivement ;
Sur le refus du chef de la maison de permettre la communication dans les cas ci-dessus, il en
sera référé au magistrat chargé de l’instruction, qui pourra l’autoriser ;
3° Entre tous les détenus auxquels le préfet ou le sous-préfet en aura accordé l’autorisation
expresse.
Art. 9 : Les inculpés, prévenus et accusés, pourront, après que le mandat de dépôt aura été
décerné contre eux, communiquer tous les jours avec leurs conseils.
Ils pourront, en se conformant aux règlements de la maison, soit communiquer avec leurs
parents et amis ; et si le chef de la maison croit devoir, pour des motifs graves, refuser cette
communication, il en sera référé au magistrat chargé de l’instruction.
Lorsque ce magistrat aura interdit envers toutes ou certaines personnes les communications
autorisées par les dispositions précédentes, ces communications n’auront lieu sous aucun
prétexte, tant que l’interdiction n’aura pas été levée.
Art. 10 : Les prévenus et accusés pourront travailler à tous les ouvrages compatibles avec la
sûreté et l’ordre de la maison.
Le produit de leur travail leur appartiendra.
Ils pourront avoir en leur possession les livres et autres objets que le chef de la maison les
autorisera à garder ou à recevoir.
Titre III. Des prisons affectées aux condamnés, et du régime de ces prisons.
Chapitre 1 : Des prisons affectées aux condamnés aux travaux forcés.
Art. 11 : Les condamnés aux travaux forcés subiront leurs peines dans des prisons appelées
Maisons de travaux forcés.
Ces maisons seront placées en Algérie.
Art. 12 : Chaque condamné sera renfermé isolément, le jour et la nuit, dans une cellule
suffisamment spacieuse, saine et aérée.
Il portera au pied une chaîne.
Il sera employé aux travaux les plus pénibles.
Art. 13 : Le produit du condamné appartient à l’État. Néanmoins, une portion de ce produit,
laquelle n’excédera pas les trois dixièmes, pourra lui être accordée soit pendant sa captivité,
soit à sa sortie, soit à des époques déterminées après sa sortie.
Art. 14 : Le condamné ne pourra rien acheter ou prendre à loyer dans l’intérieur de
l’établissement ; il ne pourra non plus rien recevoir du dehors.
Chapitre 2 : Des prisons affectées aux condamnés à la réclusion.
Art. 15 : Les condamnés à la réclusion subiront leur peine dans des prisons appelées Maisons
de réclusion.
Art. 16 : Ils seront séparés les uns des autres et placés dans des cellules, comme il est dit à
l’article 6.
Art. 17 : Chaque condamné sera employé au travail qui lui sera imposé, conformément au
règlement de la maison.
La portion du produit de ce travail, qui pourra lui être accordée aux termes de l’article 13,
n’excédera pas les quatre dixièmes.
Art. 18 : Le condamné ne pourra rien acheter ou prendre à loyer dans l’intérieur de
l’établissement. Il ne pourra rien recevoir du dehors, si ce n’est avec l’autorisation et par
l’intermédiaire du chef de la maison.
Chapitre 3 : Des prisons affectées aux condamnés à l’emprisonnement.
Art. 19 : Les condamnés à l’emprisonnement subiront leur peine dans les prisons appelées
Maisons de correction.
Art. 20 : Ils seront séparés les uns des autres et placés dans des cellules, comme il est dit à
l’article 6.
Art. 21 : Chaque condamné sera employé selon son choix, à l’un des travaux établis ou
autorisés dans la maison.
La portion du produit de ce travail qui pourra lui être accordée, soit pendant sa captivité pour
lui procurer quelques adoucissements s’il les mérite, soit à sa sortie, soit à des époques
déterminées après sa sortie, n’excédera pas les cinq dixièmes.
Art. 22 : Les condamnés pourront avoir en leur possession les livres et autres objets que le
chef de la maison les autorisera à garder ou à recevoir du dehors, mais sans que rien puisse
leur être ou vendu ou donné à loyer, par les personnes employées dans la maison.
Chapitre 4 : Des prisons affectées aux femmes.
Art. 23 : Des maisons spéciales seront affectées aux femmes condamnées aux travaux forcés,
à la réclusion et à l’emprisonnement.
S’il y a nécessité de recevoir, dans la même maison, des femmes condamnées aux travaux
forcés, à la réclusion et à l’emprisonnement, elles seront enfermées dans des quartiers
spéciaux portant une dénomination distincte.
Art. 24 : La surveillance immédiate des prisons ou quartiers affectés aux femmes, sera
exercée par des personnes de leur sexe.
Art. 25 : Les dispositions des chapitres I, II et III du présent titre, à l’exception du paragraphe
2 de l’article 11, et des paragraphes 2 et 3 de l’article 12, seront appliquées aux femmes
condamnées.
Chapitre 5 : Des prisons affectées aux enfants.
Art. 26 : Les enfants condamnés en vertu des articles 67 et 69 du Code pénal, et les enfants
détenus, soit en vertu de l’article 66 du même Code, soit par voie de correction paternelle,
seront détenus dans des maisons spéciales soumises au régime de la séparation de jour et de
nuit.
Art. 27 : Ceux des enfants dénommés dans l’article précédent qui ne pourront être placés dans
une maison spéciale, seront renfermés dans la maison de correction, où un quartier distinct
leur sera affecté.
Art. 28 : Les enfants condamnés en vertu de l’article 69 du Code pénal, et les enfants détenus
en vertu de l’article 66, pourront être placés en apprentissage, soit chez des cultivateurs, des
artisans ou des industriels, soit dans des établissements spéciaux, avec la réserve expresse,
pour l’administration, du droit d’ordonner leur réintégration dans les maisons spécifiées en
l’article 26.
La mise en apprentissage et la réintégration auront lieu en vertu des ordres de
l’administration.
Titre IV. Dépenses des prisons.
Art. 29 : Les dépenses de construction et d’appropriation des maisons de travaux forcés, de
réclusion, de correction, d’arrêt et de justice, et des prisons dites chambres ou dépôts de
sûreté, et destinées au transfèrement des prisonniers, sont à la charge de l’État.
Art. 30 : Sont également à sa charge les dépenses ordinaires de ces maisons, à savoir ;
1° Les frais d’entretien et de réparation quelconque des bâtiments ;
2° Les frais de garde, d’administration, de greffe, de nourriture, de mobilier, de blanchissage,
chauffage, et autres menues dépenses ; les vêtements des condamnés, ceux des accusés et des
prévenus, lorsqu’il y aura nécessité d’y pourvoir ;
3° Les frais d’infirmerie et les journées d’hôpital pour les détenus malades ;
4° Enfin, les frais que pourront exiger l’organisation du travail et l’instruction élémentaire,
morale et religieuse.
Titre V. Dispositions générales.
Art. 31 : Les condamnés à l’emprisonnement d’un an et au-dessous, pourront être détenus
dans les mêmes prisons que les inculpés, les prévenus et les accusés. Dans ce cas, il leur sera
affecté des quartiers séparés sous le nom de quartiers de correction.
Art. 32 : S’il y a nécessité de recevoir dans la même maison des condamnés à la réclusion et à
l’emprisonnement, ils seront renfermés dans des quartiers distincts qui porteront les noms de
quartier de la réclusion et quartier de correction.
Art. 33 : Il sera attaché au service de chaque prison un ou plusieurs aumôniers.
Un ministre appartenant à l’un des cultes non catholiques sera affecté au service de la maison
où se trouvent des condamnés appartenant à l’un de ces cultes.
Art. 34 : Chaque condamné sera visité au moins une fois par semaine par le médecin et
l’instituteur.
Les ministres des différents cultes dont il est parlé à l’article précédent et les membres des
commissions de surveillance auront accès auprès des condamnés aux heures qui seront
déterminées par le règlement de la maison.
Art. 35 : Pourront être autorisés à visiter les détenus :
1° leurs parents ; 2° les membres des associations de charité et de patronage régulièrement
instituées ; 3° les agents des travaux ; 4° toute autre personne ayant une permission spéciale
du préfet du département.
Art. 36 : Deux heures au moins par jour seront réservées aux condamnés pour l’école, les
visites ci-dessus indiquées, enfin pour la lecture des livres dont le choix sera déterminé par le
préfet, sur la proposition de la commission de surveillance.
Art. 37 : La lecture et le travail ne pourront être refusés aux condamnés, si ce n’est à titre de
punition temporaire.
Art. 38 : Une heure au moins d’exercice en plein air sera accordée chaque jour à tous les
condamnés.
Art. 39 : Un règlement d’administration publique déterminera le mode d’après lequel la partie
du produit du travail accordée aux condamnés dans les proportions établies par les articles 13,
17, paragraphe 2 ; 21, paragraphe 2, leur sera remise.
Art. 40 : Les condamnés septuagénaires ne sont pas soumis au régime individuel.
Art. 41 : Les dispositions de la présente loi ne sont point applicables aux individus poursuivis
ou condamnés :
1° Pour crimes punis de la déportation ou dont la peine est remplacée par la détention,
conformément à l’article 17 du Code pénal ;
2° Pour délits réputés politiques aux termes de la loi du 8 octobre 1830 ;
3° Pour délits commis, soit par la voie de la presse, soit par tous autres moyens de publication
énoncés en l’art. 1er de la loi du 17 mai 1819.
La présente loi n’est pas non plus applicable aux condamnés pour contraventions de simple
police.
Art. 42 : Le préposé en chef à l’administration d’une prison, sous le titre de directeur ou tout
autre, sera soumis aux obligations prescrites par les articles 607, 608, 609 et 610 du Code
d’instruction criminelle.
Les dispositions des articles 230, 231, 232 et 233 du Code pénal, sont applicables aux
violences commises envers le préposé en chef et les autres fonctionnaires attachés à
l’administration des prisons.
Art. 43 : En cas de menaces, injures ou violences commises par un prisonnier, ou de toute
autre infraction aux règlements de la maison, les moyens que le préposé en chef pourra
employer sont :
1° La cellule obscure pendant cinq jours au plus ;
2° La privation du travail ;
3° La mise au pain et à l’eau pendant cinq jours au plus ;
4° Une retenue sur la part qui lui aurait été allouée sur les travaux, ou sur son dépôt d’argent à
la caisse de la maison ;
5° L’interdiction de communiquer avec ses parents et amis.
Le préposé en chef pourra employer tout ou partie de ces moyens de correction, selon les
circonstances.
Il pourra de même ordonner la mise aux fers, si de la part du condamné il y a violence grave
ou fureur.
Dans tous les cas, le préposé en chef en rendra compte au préfet ou au sous-préfet, selon la
nature de la maison.
Chaque mois il rendra également compte au procureur général des punitions disciplinaires qui
auront été infligées aux prisonniers.
Art. 44 : Il n’est point innové à l’action de l’autorité judiciaire sur les prisons, dans les cas
prévus par les lois et règlements, et au droit du ministère public de veiller à ce que le
condamné subisse sa peine, conformément à la loi et au jugement rendu contre lui.
Art. 45 : Sont abrogés le 1er paragraphe de l’article 613, et l’article 614 du Code d’instruction
criminelle.
Art. 46 : Il sera rendu compte annuellement aux chambres de l’exécution et des résultats de la
présente loi.

Annexe n° 178 : Circulaire du 10 mai 1839 
relative à la discipline dans les maisons 
centrales, www.criminocorpus.cnrs.fr/article154.html.

Art. 1er : Le silence est prescrit aux condamnés. En conséquence, il leur est défendu de
s’entretenir entre eux, même à voix basse ou par signes, dans quelque partie que ce soit de la
maison.
Sont exceptées de la règle du silence, les communications indispensables entre les ouvriers et
leurs contremaîtres ou surveillants détenus, à l’occasion de leurs travaux, sous la condition
que ces communications auront toujours lieu à voix basse.
Art. 2 : Les condamnés ne pourront non plus adresser la parole, soit aux gardiens, soit aux
contremaîtres libres, soit aux agents de l’entreprise générale du service, que dans les cas de
nécessité absolue.
Ces communications auront lieu également à voix basse.
Art. 3 : Il est défendu aux condamnés d’avoir de l’argent sur eux. Les fonds provenant du tiers
du produit de leur travail mis à leur disposition par l’Ordonnance royale du 2 avril 1817
[celle-ci sera remplacée par l’ordonnance du 27 décembre 1843], pour leur procurer des
adoucissements, s’ils les méritent, seront déposés au greffe, ils ne pourront en être retirés
qu’en vertu de bons ou de mandats délivrés par le directeur.
La même disposition est applicable aux fonds déposés au greffe pour être distribués aux
condamnés à titre de secours individuels.
Art. 4 : Pour l’exécution des dispositions de l’article précédent, il sera ouvert au greffe, pour
chaque ouvrier, un compte du tiers du produit de son travail (voir arrêté du 28 mars 1844. art.
4]. Ces fonds pourront être employés par les condamnés, sous la réserve de l’autorisation de
l’administration, savoir :
En achats d’effets d’habillement dont l’usage, dans la maison, aura été permis par le
directeur ;
En achats d’aliments à la cantine ;
En achats de papiers, plume et encre, affranchissements et port de lettres ;
En secours destiné par le condamné à sa famille ;
En restitutions ou réparations civiles.
Les autorisations pour les dépenses personnelles des condamnés seront données par le
directeur, qui jugera s’ils le méritent. Le préfet statuera sur les demandes ayant pour objet
l’envoi de secours à la famille, ou les réparations civiles.
Les dégâts commis par les condamnés au préjudice de l’administration ou de l’entreprise
seront payés sur les mêmes fonds, en vertu de décisions du préfet.
Art. 5 : L’usage du vin, de la bière, du cidre ou de toute autre boisson fermentée, est
expressément interdit aux condamnés.
Art. 6 : Les aliments suivants pourront seuls leur être vendus à la cantine, ou leur être remis
par leurs parents ou amis :
Du pain de ration ;
Des pommes de terre cuites à l’eau ;
Du fromage ;
Du beurre.
La ration supplémentaire de pain n’excédera pas 75 décagrammes par jour (1 livre et demi).
Les rations journalières de pommes de terre, de beurre et de fromage, seront réglées par le
directeur, et aucun condamné ne pourra se procurer, le même jour, au-delà d’une de ces
rations, indépendamment du pain.
Art. 7 : L’usage du tabac est interdit aux condamnés.
Art. 8 : Tout condamné est tenu de faire le travail journalier ou hebdomadaire qui lui a été
imposé par l’administration de la maison.
Art. 9 : Les infractions au présent règlement et aux autres règlements de la maison seront
punies, suivant leur gravité et pendant tout le temps déterminé par le directeur :
1° de l’interdiction de la promenade dans le préau ;
2° de la privation de toute dépense à la cantine ;
3° de l’interdiction, au condamné de communiquer ou de correspondre avec ses parents ou
amis ;
4° de la réclusion solitaire avec ou sans travail
5° de la mise aux fers dans les cas prévus par l’article 614 du code d’instruction criminelle.
Art. 10 : Les préfets et les directeurs sont chargés de l’exécution du présent règlement, lequel
sera lu aux condamnés, et affiché dans les maisons centrales de force et de correction.
Il sera exécutoire huit jours après sa publication dans la maison.
Signé le ministre des travaux publics, Gasparin.

Annexe n° 179 : Circulaire du 24 avril 1840 
relative à l’instruction primaire dans les 
prisons centrales, 
www.criminocorpus.cnrs.fr/article163.html.
Monsieur le préfet, des écoles primaires sont maintenant organisées dans toutes les maisons
centrales de force et de correction. Dans toutes également des instituteurs libres ont remplacé
les détenus qui, dès l’origine, avaient été chargés de donner les leçons de lecture et d’écriture.
C’était, en effet, une économie que réprouvaient les convenances et la raison. La dignité du
maître est nécessaire à cette direction morale et religieuse qui doit, avant tout, être donnée à
l’instruction même élémentaire. Jusqu’à présent l’administration ne s’est occupée de
l’instruction des condamnés que d’une manière accessoire, et seulement sous un point de vue
d’utilité pratique, pour l’époque de la libération. Il convient qu’elle prenne désormais une
place plus élevée et plus étendue dans le régime de nos prisons pour peine, et le gouvernement
du roi est décidé à l’employer comme moyen de réforme morale. Il ne faut pas, tandis que
l’État, les départements et les communes s’occupent avec tant de sollicitude de l’éducation de
l’enfance et de la jeunesse dans nos écoles publiques, que ces graves intérêts soient négligés
dans les grands établissements peuplés de ceux que la loi pénale laisse à la tutelle de
l’administration.
Je me propose de tracer ici, Monsieur le préfet, les règles qui doivent présider à l’instruction
primaire des condamnés.
D’abord, cet enseignement ne doit pas être donné à tous les détenus indistinctement. S’ils sont
mineurs, le doute n’est pas permis ; ils doivent participer aux bienfaits de l’enseignement.
Mais les adultes sont, à cet égard, dans une position différente. Il est vivement à désirer, il est
même du plus grand intérêt pour la société que les enfants captifs reçoivent tous les éléments
premiers de l’instruction intellectuelle ; car cette instruction peut toujours leur être profitable
et devenir ainsi un gage de sécurité de plus pour la société à laquelle ils seront rendus. Il y a,
au contraire, un choix judicieux à faire parmi les adultes. S’il peut être utile de donner
l’enseignement élémentaire à ceux d’un âge peu avancé qui se conduisent d’une manière
satisfaisante, et qui témoignent le désir de s’instruire, il faut le refuser aux condamnés qui, par
leurs mœurs entièrement dépravées ou par leurs dispositions perverses ; se rendent indignes
de toute bienveillance. Il faut, en un mot, que l’instruction primaire, dans les maisons
centrales, soit le prix de la bonne conduite et de l’assiduité au travail.
C’est donc principalement à titre de récompense que les condamnés adultes doivent être
admis à l’école. Mais il ne suffit pas que l’instruction soit littéraire, dans les limites de
l’article 1er de la loi du 28 juin 1833 ; c’est encore la volonté expresse de cette loi que
l’enseignement soit moral et religieux. Ne perdons pas de vue, d’ailleurs, que l’enseignement,
dans les prisons pour peine, est une pure libéralité du gouvernement, et que, dès lors, les
dépenses qu’il exige ne peuvent suffisamment se justifier qu’autant qu’il peut servir à
l’amendement des condamnés. Il suit de là que, pour donner à cet enseignement le caractère
moral et religieux qui lui est nécessaire, le concours de l’aumônier est indispensable, quelque
confiance que puisse inspirer l’instituteur, par son caractère et par ses mœurs.
Vous devrez donc, Monsieur le préfet, inviter directement l’aumônier à donner son attention
particulière à l’instruction élémentaire. J’ai la confiance qu’il s’empressera de concourir de
tous ses efforts à une œuvre dont il comprendra certainement toute la moralité, et qu’il
voudra, dès lors, assister fréquemment, tous les jours même, s’il est possible, aux leçons de
l’instituteur. Ce que je dis de l’aumônier catholique s’applique naturellement aux ministres
des autres communions. Mais la mission de l’aumônier, je dirai même son devoir, ne doit pas
se borner à une intervention muette ; il ne suffit pas qu’il veille, de concert avec l’instituteur,
au maintien de l’ordre et de la décence. Pour donner à l’instruction des condamnés pouvoir
sur la conscience, il faut encore que la voix de l’aumônier se fasse entendre ; que ses conseils
et ses exhortations les appellent et les encouragent dans les voies de l’honnêteté ; que sa
parole s’efforce de faire pénétrer dans leurs âmes tous les sentiments dont l’absence ou
l’oublie les entraîna dans le sentier du crime. A cette condition seulement l’enseignement
élémentaire, dans nos prisons, peut atteindre le but qu’il doit principalement se proposer.
La lecture de bons livres, soit en commun, soit isolément, est également de nature à améliorer
les mœurs des détenus. Je mettrai à votre disposition ceux que vous me demanderez, d’accord
avec l’aumônier, et après avoir pris l’avis du directeur. Les livres de piété, et, le premier de
tous, l’Évangile, pourront être mis dans leurs mains.
Aux termes de l’article 1er de la loi du 28 juin 1833, l’enseignement primaire doit
comprendre la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, et le système
légal des poids et mesures. Comme il s’agit ici principalement d’adultes, vous aurez à
examiner s’il peut convenir de lui donner plus de développement, sous la réserve de mon
autorisation.
Aucune méthode n’ayant été prescrite ou conseillée par l’administration centrale,
l’enseignement mutuel a été adopté dans quelques maisons : dans d’autres, la préférence a été
donnée à l’enseignement simultané. Vous maintiendrez la méthode en ce moment pratiquée
dans la maison centrale de votre département, à moins que vous n’ayez des motifs pour m’en
proposer la modification. Seulement, ce que je viens de dire sur la nécessité de proposer un
but de correction morale, m’amène naturellement à vous faire remarquer qu’on n’opèrerait
pas le bien qu’il est permis d’espérer, si l’enseignement purement intellectuel était donné avec
trop de précipitation. Aussi, me paraîtrait-il utile d’employer la moitié du temps des classes
aux instructions morales, toutes les fois qu’il serait possible à l’aumônier d’y assister.
Je n’ai pas besoin d’ajouter que le directeur et l’inspecteur devront, l’un ou l’autre, visiter
l’école chaque jour pour y donner tous les ordres qu’ils pourront juger convenables.
En général, la durée des classes est de deux heures. Ce temps me paraît suffisant ; mais si
l’école n’était pas assez vaste pour recevoir à la fois tous les élèves, il faudrait faire chaque
jour deux classes, à des heures différentes. Je me plais à croire que l’entrepreneur du service,
loin de mettre le moindre obstacle aux mesures que vous pourriez avoir à prescrire pour une
meilleure organisation de l’école, s’empressera, au contraire, de seconder l’administration.
S’il en était autrement, la disposition du cahier des charges que vous réserve expressément le
droit de régler les heures de travail, vous donnerait le moyen de vaincre sa résistance.
Désormais l’instituteur sera, dans toutes les maisons, employé interne, et, à ce titre, il pourra
obtenir une pension sous les conditions de l’Ordonnance royale du 8 septembre 1831. Il
prendra rang dans l’administration de la maison après le greffier comptable, et il concourra,
avec celui-ci, pour l’avancement. Il devra employer aux fonctions actives de l’administration,
ou au travail du greffe, sous les ordres du directeur, le temps que n’exigeront pas ses fonctions
spéciales et les études préparatoires qu’elles demandent. Il pourrait, notamment, devenir
l’auxiliaire le plus utile de l’inspecteur, pour surveiller l’exécution de l’Arrêté du 10 mai dans
ses dispositions morales ou disciplinaires.
A l’avenir, les instituteurs des maisons centrales ne pourront être choisis que parmi les
candidats qui justifieront des conditions de capacité et de moralité exigées par la loi du 28 juin
1833 sur l’instruction primaire. La justification du baccalauréat es lettres pourra cependant
tenir lieu de brevet de capacité. Mais il faut d’autres conditions encore pour exercer un juste
ascendant sur les condamnés. Aussi mettrai-je tous mes soins à ne confier les fonctions
d’instituteur qu’à des hommes bien élevés, d’un caractère honorable et profondément pénétrés
de l’importance de leur mission. La perspective de l’avancement promis à leurs services dans
l’enseignement, nous rendra facile, j’ose l’espérer, le choix d’instituteurs à la hauteur de leurs
devoirs.
Jusqu’à présent, dans presque toutes les maisons qui renferment les deux sexes, l’instruction
primaire a été donnée aux femmes comme aux hommes par l’instituteur. Des motifs de
convenance sur lesquels il serait inutile d’insister, exigent que l’enseignement des femmes
soit exclusivement confié à des institutrices. Si des femmes laïques ou des sœurs d’un ordre
religieux ont déjà été appelées dans l’établissement, il est naturel qu’elles soient chargées de
la tenue de l’école.
Il sera essentiel, Monsieur le préfet, que vous régliez sur la proposition du directeur, qui devra
se concerter préalablement avec l’aumônier et l’instituteur, les heures et la durée des classes,
ainsi que la police de l’établissement ; je me réserve d’approuver l’arrêté que vous aurez pris
à cet effet. Comme je tiens à connaître les résultats des mesures que je viens de prescrire, vous
demanderez au directeur, pour m’être transmis avec vos observations, des rapports trimestriels
sur les mouvements de la population de l’école et sur les effets religieux et moraux qui auront
été signalés par l’aumônier et l’instituteur, ou qu’il aura lui-même reconnus.
Quant aux dépenses de l’école, elles continueront à faire l’objet d’un article séparé au budget
et au compte annuel des dépenses ordinaires de la maison centrale, et à figurer au chapitre
premier du compte (frais d’administration). Un état particulier, qui devra m’être transmis dans
le cours du mois de janvier, fera connaître :
1° Les dépenses de toutes sortes faites pour l’école pendant l’année ;
2° Le mouvement général des entrées et des sorties ;
3° La situation numérique de l’école au 31 décembre.
A la suite et dans un tableau supplémentaire, on indiquera :
1° Le nombre des condamnés sortis de l’école pendant l’année, après y avoir reçu
l’instruction complète ;
2° Ceux qui savaient lire et à qui on aura enseigné l’écriture et les autres parties de
l’enseignement primaire ;
3° Ceux qui auront appris à lire seulement ;
4° Ceux qui auront été renvoyés de l’école pour inconduite, inaptitude ou inapplication ;
5° Ceux qui en seront sortis pour toute autre cause avant d’avoir complété leur instruction.
Enfin un dernier tableau subdivisera la population totale de la maison :
1° En condamnés sachant seulement lire ;
2° En condamnés sachant lire et écrire ;
3° En condamnés ayant appris à lire dans les maisons depuis que l’école existe ;
4° En condamnés ayant appris à lire et à écrire depuis la même époque ;
5° En condamnés ayant reçu une instruction supérieure ;
6° En condamnés ne sachant ni lire ni écrire.
Je vous remets ci-joint, Monsieur le préfet, plusieurs exemplaires de la présente Instruction
pour les besoins de l’administration de la maison centrale ; je vous prie de m’en accuser la
réception. Deux de ces exemplaires sont destinés à l’aumônier et à l’instituteur.
Signé le ministre secrétaire d’État de l’intérieur, Ch. Rémusat.

Annexe n° 180 : Circulaire et règlement du 22 
mai 1841 relatifs au service des sœurs dans les 
maisons centrales, 
www.criminocorpus.cnrs.fr/article184.html.

Circulaire concernant le service des Sœurs dans les Maisons centrales.


Monsieur le préfet, aux termes d’une décision ministérielle du 6 avril 1839, la surveillance
des femmes condamnés et détenues dans les maisons centrales de force et de correction doit
être exclusivement exercée par des personnes de leur sexe. Cette mesure si morale a trouvé sa
place dans le projet de loi sur l’administration générale des prisons présenté à la chambre des
députés et il n’est point douteux qu’elle ne reçoive la sanction du législateur. L’administration
a pensé que l’un des moyens les plus efficaces pour hâter l’exécution de cette heureuse
innovation serait de rechercher le concours des sœurs de charité. Cette institution, si précieuse
pour nos établissements de bienfaisance, ne paraissait pas devoir être moins utile à nos
établissements de répression, en offrant à la discipline ses deux plus grandes garanties,
l’empire de la vocation et l’autorité de l’exemple.
C’est dans ce but que MM. les inspecteurs généraux des prisons du royaume reçurent, il y a
deux ans, des instructions particulières qui le invitaient à s’informer, dans le cours de leurs
tournées, si des sœurs d’un ordre religieux ne consentiraient pas à se charger du service de la
surveillance des femmes condamnées, et à quelles conditions.
Plusieurs ordres religieux ont offert leur concours, et, en vertu de traités approuvés par mes
prédécesseurs et par moi-même, des sœurs ont successivement remplacé les gardiens dans nos
quatre maisons centrales de force et de correction exclusivement consacrées aux femmes
condamnées, ainsi que dans plusieurs des quartiers spéciaux que les femmes occupent
séparément dans les maisons centrales affectées aux condamnées des deux sexes. Dans ces
divers, traités, l’administration s’est attachée à concilier les égards que méritent les sœurs par
leur caractère, avec les nécessités de la position que leur faisait l’autorité administrative dont
elles devaient relever pour leur service. Toutefois, en prescrivant, dans tous les traités, que les
sœurs seraient tenues de se conformer aux dispositions des règlements existants sur le service
des gardiens qu’elles venaient remplacer, on ne pouvait méconnaître la nécessité d’apporter
des modifications à ces règlements. Il fut donc stipulé qu’un règlement spécial contiendrait
ces modifications et déterminerait les attributions des sœurs.
Avant de tracer ce règlement, il importait de laisser aux sœurs le temps de s’initier à
l’intelligence et aux exigences de la discipline intérieure de nos prisons pour peines, et de se
mettre à la fois en rapport avec les choses et avec les personnes, afin de permettre à
l’administration d’apprécier quelles pouvaient être l’étendue et l’utilité de leur concours.
Aujourd’hui, l’expérience a parlé, et j’ai été heureux d’en invoquer le témoignage, Monsieur
le préfet, en vous exprimant, dans ma circulaire du 14 avril dernier, avec quelle satisfaction
j’avais vu qu’aucune collision ne s’était élevée, et que désormais la réforme des prisons devait
trouver, dans la piété et le dévouement des sœurs, une puissante coopération.
Le moment est donc venu d’utiliser les conseils, et, pour ainsi dire, de sanctionner les résultats
de l’expérience, en conférant définitivement aux sœurs les attributions qu’elles ont mérité de
conserver par la manière dont elles ont généralement su les comprendre et les remplir.
Tel est l’objet, Monsieur le préfet, du Règlement ci-joint, dont je vais brièvement indiquer les
motifs et retracer l’esprit.
Après avoir indiqué, dans les trois premiers articles, les attributions des sœurs, relatives à la
surveillance intérieure qu’elles exercent à la place des gardiens, le Règlement, dans l’article 4,
commence la série des nouvelles attributions qui leur sont conférées. Il est important qu’on ne
méprenne pas sur cet article. En principe, les sœurs n’ont jamais à contrôler les services de
l’entreprise. Ce contrôle n’appartient qu’à l’administration, et les sœurs ne sont point appelées
à remplir des fonctions administratives ; mais l’inspecteur, plus spécialement chargé de veiller
à l’exécution du cahier des charges, devra trouver naturellement dans la surveillance des
sœurs sur les services de la cuisine, de la buanderie, du séchoir et de la lingerie, un concours
dont il s’estimera heureux de recueillir et d’utiliser les indications.
L’article 5 charge les sœurs du service de l’infirmerie, sous la surveillance du médecin et sous
le contrôle du pharmacien, s’il y en a un qui soit attaché à l’établissement.
Après avoir ainsi tracé les attributions des sœurs pour l’assistance à donner aux condamnées,
les articles suivants déterminent ce qu’on peut appeler l’assistance spirituelle, d’abord en les
chargeant de l’enseignement élémentaire et de la tenue de l’école, des récompenses à y
décerner et des punitions à y infliger ; ensuite, en les appelant à concourir avec l’aumônier à
l’instruction morale et religieuse des condamnées, et à diriger leurs exercices de piété, tels
qu’ils auront été réglés de concert avec l’administration qui connaît toutes les exigences des
divers services, et qui est seul appelée à déterminer et répartir l’emploi du temps des
condamnées.
Il résulte de l’ensemble des articles que je viens d’indiquer, une série d’attributions nouvelles
qui, en dehors du service intérieur de surveillance proprement dit, ouvrent aux sœurs une belle
et pieuse mission, celle d’assister à la fois le corpus et l’âme : l’un par les soins à donner aux
malades, l’autre par l’enseignement élémentaire, moral et religieux, et surtout par l’autorité du
plus puissant de tous les préceptes, celui de l’exemple.
L’article 9 autorise les sœurs à envoyer immédiatement au cachot les condamnées qui se sont
mises dans le cas d’encourir cette punition, sauf à rendre compte dans le jour à la sœur
supérieure. Cette attribution avait, d’abord, éveillé les scrupules de quelques sœurs qui
pensaient que les devoirs de la répression pouvaient quelquefois contrarier ceux de la charité.
Mais la réflexion et l’expérience les ont promptement convaincues que la charité la plus
efficace à exercer envers les condamner, c’était de travailler, par l’austérité de la discipline, à
leur imprimer la crainte salutaire du châtiment. Elles ont compris qu’épargner aux
condamnées des punitions justes et nécessaires, ce serait souvent les exposer, par une funeste
indulgence, à encourir plus tard de nouvelles condamnations judiciaires et les abandonner aux
périls de la récidive. Aussi, aux premiers élans d’une pitié irréfléchie, a-t-on vu succéder une
charité mieux inspirée, qui n’a fait qu’ajouter à l’ascendant des sœurs, qui sont aujourd’hui
généralement convaincues que les punitions méritées sont dans l’intérêt, non seulement de la
discipline intérieure, mais de l’amendement des femmes confiées à leur surveillance. Cet
ascendant est tel que la mise au cachot n’exige plus, que dans des cas très rares, l’emploi de la
force : la voix seule de la sœur qui ordonne la punition suffit pour commander l’obéissance et
la résignation.
L’article 10, relatif aux absences de la maison, étend naturellement aux sœurs une disposition
à laquelle tous les employés de l’établissement doivent être soumis.
Les dispositions suivantes concernent plus spécialement les attributions de la supérieure.
L’article 11, en exigeant que la supérieur ou une sœur déléguée par elle assiste à l’arrivée et la
remise des condamnées, doit faire sentir à la supérieure combien il est important de voir et
d’entretenir la condamnée dès le moment de son entrée à la maison, afin de savoir ses
précédents, et d’y puiser immédiatement les conseils qu’il convient de lui donner.
En regard de ce moment si important de l’entrée à la prison, l’article 12 vient placer l’époque
non moins importante et plus critique de la sortie. Cet article est un jalon qui prépare
l’organisation du patronage appliqué aux femmes condamnées. C’est un bienfait de plus que
l’introduction des sœurs dans les maisons centrales de femmes doit permettre de réaliser un
jour.
Les articles 13, 14, 15 règlent les rapports habituels et journaliers de la sœur supérieure avec
le directeur.
Si l’intérêt de l’ordre et de la discipline exige que le pouvoir de l’administration soit toujours
reconnu et respecté, il n’importe pas moins que l’autorité que la supérieure doit exercer sur les
sœurs conserve toute sa légitime et salutaire influence. C’est dans ce but que la supérieure est
appelée à répartir entre les sœurs les différents services (art ; 16), sauf l’approbation du
directeur, qui devra prendre l’avis de l’inspecteur. C’est dans ce but encore que l’article 17
statue que les rapports de l’administration avec les sœurs doivent avoir lieu par l’intermédiaire
de la supérieure, et que, sauf le cas d’urgence, c’est à elle que les ordres doivent être donnés,
et par elle qu’ils doivent être transmis aux sœurs. C’est dans ce but enfin que, pour des causes
peu graves, le directeur fait avertir, quand il y a lieu, les sœurs par la mère supérieure (art. 19).
Les deux articles 21 et 22 ne sont que la reproduction textuelle des dispositions stipulées dans
les différents traités qui ont été successivement passés avec les sœurs des divers ordres
religieux introduits jusqu’ici dans les maisons centrales ou quartiers de maisons centrales de
force et de correction, affectées aux femmes condamnées. Ces dispositions témoignent de la
manière dont on a su, dès le principe, concilier l’exécution des règlements, l’autorité de
l’administration et les besoins du service, avec la liberté que les sœurs devaient avoir de vivre
selon l’esprit de leur institut, et sous la conduite et la dépendance de leurs supérieurs
généraux.
J’ai terminé, Monsieur le préfet, les instructions que j’avais à vous donner sur le Règlement
des sœurs. S’il a été rédigé dans la supposition du concours de sœurs appartenant à des
congrégations religieuses, je n’ai pas eu, cependant, la pensée de repousser les services des
dames laïques qui voudraient se dévouer à l’œuvre de la réforme des prisons, par esprit de
religion et de charité. L’article 23 du Règlement déclare, en conséquence, que les attributions
de ces dames seraient absolument les mêmes que celles des sœurs.
Vous recevrez, Monsieur le préfet, un nombre suffisant d’exemplaires du Règlement et de la
présente Instruction, pour que vous puissiez en faire remettre un à chaque sœur. Afin de leur
donner une connaissance plus compète encore de leurs devoirs et de leur position dans la
maison, j’ai fait imprimer, à la suite du Règlement qui les concerne, un extrait du Règlement
du 5 octobre 1831, en ce qui concerne les attributions du directeur et celles de l’inspecteur, et
un autre extrait du règlement du 30 avril 1822, sur le service des gardiens. J’y ai joint
également l’Arrêté disciplinaire du 10 mai 1839 et l’Instruction qui l’accompagne.
Signé le ministre secrétaire d’État à l’intérieur, Duchâtel.
Règlement pour le service des sœurs.
Art. 1er : La sœur supérieur, la sœur assistante et les autres sœurs remplacent, dans le service
de surveillance des femmes condamnées, le gardien-chef, le premier gardien et les gardiens
ordinaires.
Art. 2 : Le gardien-chef, le premier gardien et les gardiens ordinaires, préposés à la garde
extérieure, sont tenus de donner assistance aux sœurs, chaque fois qu’ils en sont requis par
elles, pour cas d’urgence ; hors ce cas, ils ne peuvent pénétrer dans l’intérieur de la prison que
sur l’ordre du directeur et sans pouvoir jamais être chargés d’un service régulier qui les mette
en présence des détenues.
Art. 3 : Les sœurs ont, sous l’autorité du directeur, et le contrôle de l’inspecteur, la police des
ateliers, réfectoires, dortoirs, cachots, préaux de l’école, et généralement de toutes les localités
occupées par les condamnées ;
Elles ont les clefs des dortoirs et des cachots ;
Elles font les rondes de nuit.
Art. 4 : Les sœurs surveillent, sous le contrôle de l’inspecteur, les services de la cuisine, de la
buanderie, du séchoir et de la lingerie, sans avoir aucun rapport direct et officiel avec
l’entreprise, pour tout ce qui concerne l’exécution du cahier des charges.
Art. 5 : Elles sont chargées, sous la surveillance du médecin et sous le contrôle du
pharmacien, s’il y en a un qui soit attaché à l’établissement, des soins à donner aux malades,
de la réception et de la distribution des vivres et des médicaments.
Art. 6 : Les sœurs tiendront l’école en se conformant, quant au mode et aux objets de
l’enseignement, aux prescriptions de l’administration.
Art. 7 : Elles seront chargées de désigner au directeur les condamnées à admettre à l’école,
ainsi que celles qui devront en être renvoyées ; d’infliger les punitions qui peuvent être
encourues et doivent être subies à l’école, et d’y accorder les récompenses et distinctions
autres que celles à décerner, s’i y a lieu, aux distributions annuelles.
Art. 8 : Les sœurs sont, de plus, chargées de concourir, avec l’aumônier, à l’instruction morale
et religieuse des condamnées, et de diriger l’exercice de piété, tels qu’ils auront été réglés de
concert avec l’administration.
Art. 9 : Lorsque les condamnées se mettent dans le cas d’être punies du cachot, les sœurs
peuvent les y envoyer à l’instant même où la faute vient d’être commise, sauf à en rendre
compte dans le jour à la sœur supérieur, laquelle en fait mention dans son rapport quotidien au
directeur ; ce dernier fait comparaître devant lui la détenu et statue définitivement. Hors ce
cas, aucune punition ne peut être infligée qu’en vertu d’une décision du directeur, et après que
les condamnées, dont la punition a été provoquée, ont été entendues.
Art. 10 : Les sœurs ne peuvent s’absenter de l’établissement sans l’autorisation du directeur.
Les absences de plus de trois jours doivent être autorisées par le préfet.
Art. 11 : La sœur supérieur, ou une sœur désignée par elle, assiste à l’arrivée et à la remise des
condamnées, et veille à l’exécution des mesures de sûreté, de salubrité et de propreté
prescrites à cette occasion.
Art. 12 : La sœur supérieure devra également donner ses soins aux détenues qui sortent de la
prison par grâce ou par expiration de leur peine, et les faire accompagner jusqu’à la mairie, et,
en tant que besoin, jusqu’au lieu de départ, en se conformant, à cet égard, aux instructions du
directeur.
Art. 13 : La sœur supérieur remet chaque matin au directeur, dans la forme prescrite, un
rapport écrit indiquant la situation de la population, les événements qu’il importe au chef de
l’établissement de connaître, les punitions qui ont été infligées et leurs motifs, ses
observations et propositions relatives au service.
Art. 14 : Indépendamment de ce rapport journalier, la supérieur fournit au directeur les états et
renseignements qu’il lui demande.
Art. 15 : En cas d’événement important, la supérieure en prévient sur-le-champ le directeur.
Art. 16 : La supérieur répartit entre les sœurs les différents services, sauf l’approbation du
directeur, qui prendra à cet égard l’avis de l’inspecteur.
Art. 17 : Les rapports de l’administration avec les sœurs doivent avoir lieu par l’intermédiaire
de la supérieure.
Toutefois, en cas d’urgence, le directeur et l’inspecteur peuvent donner des ordres directs aux
sœurs, qui sont tenues de les exécuter.
Art. 18 : Dans tous les cas où l’intérêt du service lui paraît l’exiger, le directeur provoque le
remplacement des sœurs.
Art. 19 : Le directeur peut, pour des raisons graves et sous sa responsabilité, suspendre les
sœurs de leurs fonctions ; il rend compte immédiatement de cette mesure au préfet.
Dans les cas ordinaires, le directeur les fait avertir par la supérieure, laquelle dot faire
connaître, par écrit, au directeur que l’avertissement a été donné.
Art. 20 : Sauf le cas de recours au préfet contre les ordres ou décisions du directeur, la
supérieure ni aucune sœur ne peut correspondre avec l’autorité que par l’intermédiaire du
directeur.
Art. 21 : Les sœurs sont libres de vivre selon l’esprit de leur institut, et d’en observer les
règles, mais sans toutefois qu’elles puissent s’en autoriser pour se dispenser, sous aucun
prétexte, ni dans aucun cas, de l’accomplissement intégral des services et règles intérieurs de
la maison, qui doivent recevoir, avant tout, leur pleine et entière exécution.
Art. 22 : Les sœurs ont aussi, en se soumettant aux règlements de l’administration, et à
l’autorité du directeur et de l’inspecteur, chargés d’en assurer l’exécution, la pleine et entière
liberté de vivre sous la conduite et la dépendance de leurs supérieurs généraux, lesquels
pourront par eux-mêmes, ou par tel membre de leur ordre par eux désigné, les visiter et
conseiller en tout ce qui concerne l’observance des règles de l’institut et de l’ordre.
Art. 23 : Si, dans quelques maisons centrales, des dames laïques sont préposées à la
surveillance des femmes condamnées, elles y exerceront les fonctions attribuées aux sœurs
par le présent règlement.
Art. 24 : Les dispositions du Règlement général sur le service des gardiens du 30 avril 1822,
et celles du Règlement d’attributions, du 5 octobre 1831, continueront à être exécutées, en
tout ce qui n’est pas contraire au présent règlement.

Annexe n° 181 : Règlement du 30 octobre 1841 
relatif au régime général des prisons 
départementales, www. 
Criminocorpus.cnrs.fr/article199.html.

Règlement général pour les prisons départementales.


Art. 1er : Le personnel des maisons d’arrêt, des maisons de justice et des maisons
départementales de correction se compose, suivant l’importance des établissements, d’un
directeur, d’un commis-greffier, d’un gardien-chef, d’un ou de plusieurs gardiens, de sœurs
religieuses ou surveillantes, d’un médecin, d’un aumônier, d’un instituteur, et de tous autres
employés ou agents que l’autorité administrative juge utile de préposer au service des prisons.
Art. 2 : Le nombre des employés, gardiens et autres agents, et le traitement attribué à chaque
emploi, sont réglés par le ministre, pour chaque prison, sur la proposition du préfet.
A la fin de chaque période de cinq années, les gardiens qui, pendant ce temps, auront fait,
dans la même prison, un service exact, et sans avoir encouru de punition grave, auront droit à
une augmentation de traitement de 25 francs.
Cette augmentation pourra être retirée aux gardiens qui, après l’avoir obtenue, se rendront
coupables d’insubordination ou de toute autre faute grave.
Art. 3 : Les dénominations de geôlier, guichetier et autres, cesseront d’être employées.
Art. 4 : Le directeur est nomme par le ministre, sur la présentation du préfet, l’avis du maire et
celui de la commission de surveillance.
Son traitement ne peut être au-dessous de deux mille francs.
Art. 5 : Les autres employés du service administratif et les gardiens sont nommés et révoqués
par le préfet. Néanmoins, tout arrêté de révocation n’est définitif que par l’approbation du
ministre.
Art. 6 : Toute admission à la retraite d’un employé ou gardien doit être préalablement
autorisée par le ministre, sur un rapport motivé du préfet.
Art. 7 : Le directeur donne son avis dans tous les cas où la commission de surveillance est
appelée, par le présent Règlement, à donner le sien.
Art. 8 : L’action du directeur s’étend à toutes les parties du service. Tous les employés lui sont
subordonnés et doivent lui obéir.
Art. 9 : Le directeur est chargé, sous l’autorité du maire de la surveillance de la commission :
1° De l’exécution des règlements généraux et particuliers, et de la police de la prison ;
2° De veiller à l’exécution des marchés pour les diverses fournitures ;
3° De désigner les détenus qui peuvent être employés au service de la prison et de
l’entreprise ;
4° D’ordonner le classement des prisonniers, conformément aux lois et règlements ;
5° De l’examen de la correspondance des détenus, à l’arrivée et au départ.
Art. 10 : Le directeur est spécialement chargé de tout ce qui concerne les travaux industriels
des prisonniers, du classement des ouvriers dans les ateliers, de l’exécution et de l’application
des tarifs de main-d’œuvre arrêtes par le préfet. Il assiste à toutes les réceptions d’ouvrages,
reçoit les réclamations relatives aux travaux industriels, et statue, sauf l’approbation du préfet
ou du sous préfet, sur les réductions du prix de main-d’œuvre demandées pour malfaçons,
soustraction ou dégradation de matières premières, métiers, outils ou ouvrages confectionnés.
Art. 11 : Le directeur tient un registre de tous les effets d’habillement et de literie à l’usage
des détenus, et un état de tous les meubles et autres objets appartenant à l’administration.
Il tient un registre, par compte ouvert, de l’argent de dépôt et des bijoux de chaque détenu.
Il tient également la comptabilité des ateliers, et un registre par compte ouvert à chaque
ouvrier.
Il peut être chargé, par arrêté du préfet, de la tenue des caisses.
Art. 12 : Dans les maisons où il sera nécessaire de nommer un commis-greffier, le préfet
déterminera les écritures dont cet employé sera spécialement chargé.

Annexe n° 182 : Circulaire du 21 octobre 1848 
relative aux punitions non autorisées par les 
règlements, www.criminocorpus.cnrs.fr/article165.html.

Citoyen préfet, il m’a été rapporté que, dans quelques maisons centrales, les directeurs
faisaient usage de diverses punitions non autorisées par les règlements, et dont plusieurs
s’écarteraient des principes qui ont toujours dirigé l’administration ; telles sont les punitions
qui étaient connues autrefois sous les dénominations du piton, de la cangue, des menottes
derrière le dos, etc.
J’ai peine à croire, je l’avoue, citoyen préfet, que les directeurs aient méconnu à ce point les
instructions qu’ils ont reçues. Quoi qu’il en soit, je désire que vous rappeliez au directeur de
la maison centrale située dans votre département qu’il ne peut être infligé d’autres punitions
aux condamnés que celles qui sont prévues par les règlements, et notamment par l’arrêté
disciplinaire du 10 mai 1839, et qu’aucune punition corporelle ne peut être appliquée, si ce
n’est la mise aux fers, dans les cas prévus par l’article 614 du code d’instruction criminelle.
Vous préviendrez en même temps le directeur de mon intention est de ne tolérer aucune
infraction de la nature de celles qui m’ont été signalées et que je viens de rappeler. Salut et
fraternité.
Signé le ministre de l’intérieur J. Dufaure.

Annexe n° 183 : Loi du 5 août 1850 relative à 
l’éducation et au patronage des jeunes 
détenus, www.criminocorpus.cnrs.fr/article166.html.

Art. 1er : Les mineurs des deux sexes détenus à raison de crimes, délits, contraventions aux
lois pénales, ou par voie de correction paternelle, reçoivent, soit pendant leur détention
préventive, soit pendant leur séjour dans les établissements pénitentiaires, une éducation
morale, religieuse et professionnelle.
Art. 2 : Dans les maisons d’arrêt et de justice, un quartier distinct est affecté aux jeunes
détenus de toute catégorie.
Art. 3 : Les jeunes détenus acquittés en vertu de l’article 66 du code pénal comme ayant agi
sans discernement, mais non remis à leurs parents, sont conduits dans une colonie
pénitentiaire ; ils y sont élevés en commun, sous une discipline sévère, et appliqués aux
travaux de l’agriculture, ainsi qu’aux principales industries qui s’y rattachent. Il est pourvu à
leur instruction élémentaire.
Art. 4 : Les colonies pénitentiaires reçoivent également les jeunes détenus condamnés à un
emprisonnement de plus de six mois et qui n’excède pas deux ans.
Pendant les trois premiers mois, ces jeunes détenus sont renfermés dans un quartier distinct et
appliqués à des travaux sédentaires.
A l’expiration de ce terme, le directeur peut, en raison de leur bonne conduite, les admettre
aux travaux agricoles de la colonie.
Art. 5 : Les colonies pénitentiaires sont des établissements publics ou privés.
Les établissements publics sont ceux fondés par l’État, et dont il institue les directeurs.
Les établissements privés sont ceux fondés et dirigés par des particuliers, avec l’autorisation
de l’État.
Art. 6 : Dans les cinq ans qui suivront la promulgation de la présente loi, les particuliers ou les
associations qui voudront établir des colonies pénitentiaires pour les jeunes détenus,
formeront, auprès du ministre de l’intérieur, une demande en autorisation, et produiront à
l‘appui les plans, statuts et règlements intérieurs de ces établissements.
Le ministre pourra passer avec ces établissements dûment autorisés, des traités pour la garde,
l’entretien et l’éducation d’un nombre déterminé de jeunes détenus.
A l’expiration des cinq années, si le nombre total des jeunes détenus n’a pu être placé dans
des établissements particuliers, il sera pourvu, aux frais de l’État, à la fondation de colonies
pénitentiaires.
Art. 7 : Toute colonie pénitentiaire privée est régie par un directeur responsable, agréé par le
gouvernement et investi de l’autorité des directeurs des maisons de correction.
Art. 8 : Il est établi auprès de toute colonie pénitentiaire un conseil de surveillance qui se
compose :
D’un délégué du préfet ;
D’un ecclésiastique désigné par l’évêque du diocèse ;
De deux délégués du conseil général ;
D’un membre du tribunal civil de l’arrondissement élu par ses collègues.
Art. 9 : Les jeunes détenus des colonies pénitentiaires peuvent obtenir, à titre d’épreuve, et
sous des conditions déterminées par le règlement d’administration publique, d’être placés
provisoirement hors de la colonie.
Art. 10 : Il est établi, soit en France, soit en Algérie, une ou plusieurs colonies
correctionnelles où sont conduits et élevés :
1° les jeunes détenus condamnés à un emprisonnement de plus de deux années ;
2° les jeunes détenus des colonies pénitentiaires qui auront été déclarés insubordonnés.
Art. 11 : Les jeunes détenus des colonies correctionnelles sont, pendant les six premiers mois,
soumis à l’emprisonnement et appliqués à des travaux sédentaires.
A l’expiration de ce terme le directeur peut, en raison de leur bonne conduite, les admettre
aux travaux agricoles de la colonie.
Art. 12 : Sauf les prescriptions de l’article précédent, les règles fixées par la présente loi pour
les colonies pénitentiaires sont applicables aux colonies correctionnelles.
Les membres du conseil de surveillance des colonies correctionnelles établies en Algérie
seront au nombre de cinq, et désignées par le préfet du département.
Art. 13 : Il est rendu compte par le directeur au conseil de surveillance des mesures prises en
vertu des articles 9 et 11 de la présente loi.
Art. 14 : Les colonies pénitentiaires et correctionnelles sont soumises à la surveillance
spéciale du procureur général du ressort, qui est tenu de les visiter chaque année.
Art. 15 : Les règles tracées par la présente loi pour la création, le régime et la surveillance des
colonies pénitentiaires s’appliquent aux maisons pénitentiaires destinées à recevoir les jeunes
filles détenues, sauf les modifications suivantes.
Art. 16 : Les maisons pénitentiaires reçoivent :
1° les mineures détenues par voie de correction paternelle ;
2° les jeunes filles de moins de seize ans condamnés à l’emprisonnement pour une durée
quelconque ;
3° les jeunes filles acquittées comme ayant agi sans discernement, et non remises à leurs
parents.
Art. 17 : Les jeunes filles détenues dans les maisons pénitentiaires sont élevées sous une
discipline sévère et appliquées aux travaux qui conviennent à leur sexe.
Art. 18 : Le conseil de surveillance des maisons pénitentiaires se compose :
D’un ecclésiastique désigné par l’évêque du diocèse ;
De quatre dames déléguées par le préfet du département.
L’inspection, faite au nom du ministre de l’intérieur, sera exercée par une dame inspectrice.
Art. 19 : Les jeunes détenus désignés aux articles 3, 4, 10 et 16, paragraphes 2 et 3, sont, à
l’époque de leur libération, placés sous le patronage de l’assistance publique pendant trois
années au moins.
Art. 20 : Sont à la charge de l’État :
Les frais de création et d’entretien des colonies correctionnelles et des établissements publics
servant de colonies et de maisons pénitentiaires ;
Les subventions aux établissements privés, auxquels de jeunes détenus seront confiés.
La loi sur l’organisation départementale déterminera, s’il y a lieu, le mode de participation des
départements dans l’entretient des jeunes détenus ?
Art. 21 : Un règlement d’administration publique déterminera :
Le régime disciplinaire des établissements publics destinés à la correction et à l’éducation des
jeunes détenus ;
Le mode de patronage des jeunes détenus après leur libération.

Annexe n° 184 : Circulaire du 17 août 1853 
relative à la construction et à l’appropriation 
des prisons départementales, 
www.criminocorpus.cnrs.fr/article167.html.

Monsieur le préfet, d’après les rapports annuels de l’inspection générale et les derniers
renseignements qui m’ont été transmis en réponse à ma circulaire du 4 mai dernier, la plupart
des prisons départementales sont loin d’offrir les dispositions locales nécessaires pour
l’exécution des prescriptions légales et règlementaires concernant la séparation des diverses
catégories de détenus.
Sur 396 maisons d’arrêt, de justice et de correction, il en est seulement soixante, outre les
prisons cellulaires, qui réalisent, à cet égard, le vœu de la loi ; dans cent soixante six, la
séparation par quartier est incomplète, et, dans le reste, elle n’existe pas.
Cependant vous n’ignorez pas, Monsieur le préfet, que la morale et la discipline commandent
d’éviter la promiscuité des détenus, et que l’état de choses actuel constitue une dérogation
permanente aux articles 603 et 604 du code d’instruction criminelle, relatifs aux prévenus,
accusés et condamnés, à l’article 2 de la loi du 5 août 1850, sur les jeunes détenus, et aux
articles 89 et 115 du règlement général du 30 octobre 1841.
Les retards apportés par les administrations locales dans l’exécution des mesures nécessaires
pour approprier les prisons à ces diverses prescriptions doivent être imputés aux circulaires du
2 octobre 1836, du 9 août 1841 et du 20 août 1849, qui repoussaient tout projet de réparation
ou de reconstruction non conforme aux règles du système cellulaire. Les conditions
dispendieuses qu’entraîne l’application de ce système, l’impossibilité absolue pour le plus
grand nombre des départements d’y pourvoir avec leurs seules ressources ont fait ajourner des
améliorations indispensables.
Aujourd’hui, le gouvernement renonce à l’application de ce régime d’emprisonnement, pour
s’en tenir à celui de la séparation par quartiers ; mais en donnant ainsi aux départements toute
facilité de pourvoir, par des sacrifices limités, aux besoins de ce service. L’administration est
fondée à exiger que, partout, il soit immédiatement procédé aux travaux nécessaires pour faire
cesser une situation qui viole les lois et compromet les intérêts les plus graves.
Je vous invite, en conséquence, à provoquer à ce sujet une délibération du conseil général de
votre département ; il serait désirable que, dès cette année, des fonds puissent être votés pour
mettre à exécution des plans de restauration, qui seront désormais admis sous la simple
condition de réaliser la séparation des diverses classes de détenus. Il y aura lieu d’examiner si,
dans un intérêt moral et disciplinaire, ces plans ne devront pas comprendre un certain nombre
de chambres destinées à isoler quelques détenus à l’égard desquels des circonstances
particulières peuvent nécessiter des mesures exceptionnelles.
Je terminerai cette instruction en vous signalant une lacune regrettable dans la plupart des
maisons d’arrêt et de justice, concernant l’exercice du culte. Je tiens, autant que possible, à ce
qu’il existe dans toutes, une chapelle où les détenus puissent assister à l’office, conformément
aux dispositions de l’article 117 du règlement du 30 octobre 1841. Les administrations locales
comprendront, j’en suis sûr, qu’un de leurs premiers devoirs est de mettre à portée de la
population prisonnière la consolation et le frein des pratiques religieuses.
J’ai l’espérance, Monsieur le préfet, que votre initiative amènera le conseil général de votre
département à s’associer à cette réforme, que le gouvernement de l’empereur tient à honneur
d’accomplir.
Signé le ministre de l’intérieur, F. de Persigny.

Annexe n° 185 : Tableau relatif à la proportion 
des acquittements pour délits politiques.
Proportion des acquittements au
Nombre de Nombre
Année regard du nombre de prévenus (en
prévenus d'acquittés
%)
1825 141 33 23
1826 135 34 25
1827 134 36 27
1828 94 23 24
1829 133 34 26
1830 252 98 39
1831 837 671 80
1832 559 377 67
1833 319 248 78
1834 197 156 79
1835 154 123 80
1836 47 31 66
1837 35 27 77
1838 34 30 88
1839 42 34 81
1840 29 24 83
1841 48 36 75
1842 48 36 75
1843 15 12 80
1844 17 13 76
1845 11 9 82
1846 9 8 89
1847 51 40 78
1848 190 136 72
1849 627 449 72
1850 745 441 59
1851 670 456 68
1852 2335 331 14
1853 999 127 13
1854 1065 156 15
1855 1103 107 10
1856 984 98 10
1857 536 59 11
1858 1126 121 11
1859 549 38 7
1860 226 11 5
1861 242 16 7
1862 365 33 9
1863 192 15 8
1864 133 5 4
1865 127 3 2
1866 111 0 0
1867 233 4 2
1868 325 14 4
1869 1025 83 8
1870 859 51 6

Annexe n° 186 : Courbe relative à la proportion 
des acquittements pour délits politiques.

Annexe n° 187 : Tableau relatif à la proportion 
des condamnations à un emprisonnement 
supérieur à un an pour les délits politiques.

Nombre
d'individus Proportion des
Condamnations
Année condamnés condamnations à plus de
à plus d'un an
(toutes peines un an
confondues)
1825 108 18 16,7
1826 101 15 14,9
1827 98 16 16,3
1828 71 10 14,1
1829 99 16 16,2
1830 154 9 5,8
1831 166 14 8,4
1832 182 25 13,7
1833 71 4 5,6
1834 41 3 7,3
1835 31 2 6,5
1836 16 3 18,8
1837 8 2 25,0
1838 4 2 50,0
1839 8 2 25,0
1840 5 3 60,0
1841 12 3 25,0
1842 12 2 16,7
1843 3 0 0,0
1844 4 2 50,0
1845 2 0 0,0
1846 1 0 0,0
1847 11 3 27,3
1848 54 9 16,7
1849 178 37 20,8
1850 304 46 15,1
1851 214 50 23,4
1852 2004 107 5,3
1853 872 81 9,3
1854 909 185 20,4
1855 996 260 26,1
1856 886 199 22,5
1857 477 71 14,9
1858 1005 150 14,9
1859 511 38 7,4
1860 215 15 7,0
1861 226 19 8,4
1862 332 26 7,8
1863 177 18 10,2
1864 128 17 13,3
1865 124 7 5,6
1866 111 4 3,6
1867 229 29 12,7
1868 311 12 3,9
1869 942 22 2,3
1870 808 10 1,2

Annexe n° 188 : Tableau relatif à la proportion 
des condamnations à un emprisonnement 
inférieur à un an pour les délits politiques.

Nombre
Proportion des
d'individus Condamnations
Année condamnations à moins de
condamnés à moins d'un an
un an
(toutes peines
confondues)
1825 108 89 82,4
1826 101 81 80,2
1827 98 77 78,6
1828 71 60 84,5
1829 99 81 81,8
1830 154 136 88,3
1831 166 147 88,6
1832 182 153 84,1
1833 71 58 81,7
1834 41 36 87,8
1835 31 29 93,5
1836 16 13 81,3
1837 8 5 62,5
1838 4 2 50,0
1839 8 6 75,0
1840 5 2 40,0
1841 12 9 75,0
1842 12 10 83,3
1843 3 2 66,7
1844 4 2 50,0
1845 2 2 100,0
1846 1 1 100,0
1847 11 3 27,3
1848 54 45 83,3
1849 178 133 74,7
1850 304 249 81,9
1851 214 163 76,2
1852 2004 1659 82,8
1853 872 688 78,9
1854 909 624 68,6
1855 996 605 60,7
1856 886 609 68,7
1857 477 337 70,6
1858 1005 775 77,1
1859 511 391 76,5
1860 215 171 79,5
1861 226 177 78,3
1862 332 260 78,3
1863 177 131 74,0
1864 128 100 78,1
1865 124 90 72,6
1866 111 95 85,6
1867 229 170 74,2
1868 311 240 77,2
1869 942 741 78,7
1870 808 686 84,9
Annexe n° 189 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1831.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins
politiques pour l'année 1831 à l'amende
prévenus an d'un an
Cris séditieux 334 261 4 2 67
Provocation, par des discours, à
la désobéissance aux lois du 187 161 1 4 21
Royaume, non suivie d'effet
Offenses publiques envers la
72 52 - 3 17
personne du Roi
Provocation à commettre des
crimes ou des délits, non suivie 67 58 - - 9
d'effet
Excitation à la haine d'une
classe de personnes, et par là 39 30 - 1 8
atteinte à la paix publique
Exposition et port public d'un
25 18 - - 7
signe de ralliement
Attaque à l'autorité
24 16 - - 8
constitutionnelle du Roi
Excitation à la haine et au
mépris du gouvernement du 22 18 - - 4
Roi
Enlèvement et dégradation de
22 19 - - 3
signes de l'autorité publique
Rassemblement ayant un
caractère politique non dissous 15 15 - - -
à la troisième sommation
Outrages par paroles envers des
fonctionnaires publics et des 14 13 - - 1
ministres des cultes
Non révélation d'un complot 7 6 - 1 -
Provocation à la guerre civile,
6 1 - 3 2
non suivie d'effet
Entraves apportées aux
3 3 - - -
opérations électorales
Total 837 671 5 14 147

Annexe n° 190 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1832.
Nombre Condamnés Condamnés
Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins
politiques pour l'année 1832 à l'amende
prévenus an d'un an
Cris séditieux 180 112 2 6 60
Offenses publiques envers la
120 77 - 4 39
personne du Roi
Provocation, par discours, à la
désobéissance aux lois du 39 30 - - 9
Royaume, non suivie d'effet
Provocation à commettre des
crimes ou délits, non suivie 36 25 - 6 5
d'effet
Attaque à l'autorité
constitutionnelle du Roi, aux
droits qu'il tient du vœu de la 29 20 - 2 7
Nation et à l'ordre de
successibilité au Trône
Exposition et port public d'un
26 18 - - 8
signe de ralliement
Excitation à la haine d'une
classe de personnes, et par là 22 16 - 1 5
atteinte à la paix publique
Association non autorisée de
plus de vingt personnes se
réunissant à des jours marqués 19 18 1 - -
pour s'occuper d'affaires
politiques
Excitation à la haine et au
mépris du gouvernement du 18 13 - - 5
Roi
Outrages par parole envers des
fonctionnaires publics et des 16 10 - - 6
agents de la force publique
Enlèvement et dégradation de
13 10 - - 3
signes de l'autorité publique
Outrages à la religion, en
parodiant ses cérémonies, par 11 11 - - -
dérision
Proposition faite et non agréée
de former un complot contre la 9 3 - 5 1
sûreté intérieure de l'État
Censure et critique, dans un
discours pastoral, des actes du
6 4 1 - 1
gouvernement du Roi, et
offense envers sa personne
Provocation à la guerre civile,
6 5 - - 1
non suivie d'effet
Exposition et mise en vente
d'objets de commerce 5 2 - - 3
présentant des symboles ou
signes propres à troubler la
paix publique ou à propager la
rébellion
Rassemblement ayant un
caractère politique non dissous 3 2 - 1 -
à la troisième sommation
Non révélation d'un complot 1 1 - - -
Total 559 377 4 4 153

Annexe n° 191 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1833.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins
politiques pour l'année 1833 à l'amende
prévenus an d'un an
Cris séditieux 139 109 2 1 27
Outrages par parole envers des
fonctionnaires publics et des 25 22 1 - 2
agents de la force publique
Rassemblement ayant un
caractère politique non dissous 23 23 - - -
à la troisième sommation
Exposition et port public d'un
20 9 1 - 10
signe de ralliement
Offenses publiques envers la
18 10 - - 8
personne du Roi
Outrages à la religion, en
parodiant ses cérémonies, par 18 17 - - 1
dérision
Association non autorisée de
plus de vingt personnes se
réunissant à des jours marqués 12 8 4 - -
pour s'occuper d'affaires
politiques
Excitation à la haine et au
11 11 - - -
mépris du gouvernement du Roi
Provocation, par discours, à la
désobéissance aux lois du 8 7 - - 1
Royaume, non suivie d'effet
Excitation à la haine d'une
classe de personnes, et par là 7 4 - - 3
atteinte à la paix publique
Provocation à commettre des
crimes ou délits, non suivie 7 6 - - 1
d'effet
Exposition et mise en vente
d'objets de commerce
présentant des symboles ou
7 6 - - 1
signes propres à troubler la paix
publique ou à propager la
rébellion
Attaque à l'autorité
constitutionnelle du Roi, aux
droits qu'il tient du vœu de la 6 4 - - 2
Nation et à l'ordre de
successibilité au Trône
Proposition faite et non agréée
de former un complot contre la 6 3 - 3 -
sûreté intérieure de l'État
Censure et critique, dans un
discours pastoral, des actes du
4 3 - - 1
gouvernement du Roi, et
offense envers sa personne
Association non autorisée de
plus de vingt personnes se
réunissant à des jours marqués 3 2 1 - -
pour s'occuper d'affaires
religieuses
Provocation à la guerre civile,
3 3 - - -
non suivie d'effet
Non révélation d'un complot 1 1 - - -
Enlèvement et dégradation de
1 - - - 1
signes de l'autorité publique
Total 319 248 9 4 58

Annexe n° 192 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1834.

Nature et peines des délits Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
politiques pour l'année de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
1834 prévenus an d'un an
Cris séditieux 116 86 2 1 27
Offenses publiques envers
27 25 - 1 1
la personne du Roi
Attaque à l'autorité
constitutionnelle du Roi,
aux droits qu'il tient du
11 11 - - -
vœu de la Nation et à
l'ordre de successibilité au
Trône
Outrages par parole envers
des fonctionnaires publics
8 7 - - 1
et des agents de la force
publique
Exposition et mise en
vente d'objets de
commerce présentant des
symboles ou signes 7 6 - - 1
propres à troubler la paix
publique ou à propager la
rébellion
Provocation, par discours,
à la désobéissance aux lois
7 6 - - 1
du Royaume, non suivie
d'effet
Rassemblement ayant un
caractère politique non
6 6 - - -
dissous à la troisième
sommation
Censure et critique, dans
un discours pastoral, des
actes du gouvernement du 5 3 - 2 -
Roi, et offense envers sa
personne
Provocation à commettre
des crimes ou délits, non 4 3 - - 1
suivie d'effet
Excitation à la haine et au
mépris du gouvernement 3 3 - - -
du Roi
Excitation à la haine d'une
classe de personnes, et par
3 - - 1 2
là atteinte à la paix
publique
Total 197 156 2 5 34

Annexe n° 193 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1835.

Nature et peines des délits Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
politiques pour l'année de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
1835 prévenus an d'un an
Cris séditieux 97 77 - 2 18
Outrages par paroles
envers des fonctionnaires 9 6 - - 3
publics et des agents de la
force publique
Offenses publiques envers
8 7 - - 1
la personne du Roi
Outrage à la morale
5 5 - - -
publique et religieuse
Dégradation d'un signe
2 2 - - -
public de l'autorité
Port public d'un signe de
1 - - - 1
ralliement
Provocation par des
discours, à la
désobéissance aux lois du 1 - - - 1
Royaume, non suivie
d'effet
Attaque à l'autorité
constitutionnelle du Roi,
aux droits qu'il tient du
1 1 - - -
vœu de la Nation et à
l'ordre de successibilité au
Trône
Provocation à commettre
des crimes ou délits, non 1 1 - - -
suivie d'effet
Soustraction de billets de
l'urne électorale, dans des 1 1 - - -
élections municipales
Total 126 100 0 2 24

Annexe n° 194 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1836.

Nature et peines des délits Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
politiques pour l'année de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
1836 prévenus an d'un an
Offenses publiques envers
18 12 - 2 4
la personne du Roi
Exposition et mise en vente
d'objets de commerce
présentant des symboles ou
11 4 - - 7
signes propres à troubler la
paix publique et à propager
la rébellion
Cris séditieux 9 9 - - -
Offenses publiques et acte
5 3 - 1 1
public d'adhésion à une
autre forme de
gouvernement
Outrage public à la religion
de la majorité des Français,
pour avoir tourné en 1 - - - 1
dérision les cérémonies du
culte
Attaque contre l'autorité
constitutionnelle du Roi,
aux droits qu'il tient du
vœu de la Nation et l'ordre 1 1 - - -
de successibilité au Trône,
et offenses envers sa
personne
Excitation à la haine et au
1 1 - - -
mépris du gouvernement
Outrages par paroles à la
morale publique et aux 1 1 - - -
bonnes mœurs
Total 47 31 0 3 13

Annexe n° 195 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1837.

Nature et peines des crimes Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
et délits politiques pour de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
l'année 1837 prévenus an d'un an
Offenses publiques envers
11 9 - 1 1
la personne du Roi
Cris et chants séditieux 9 8 - - 1
Proposition non agréée de
former un complot contre le 5 5 - - -
gouvernement
Acte public d'adhésion à
une autre forme de
3 1 - 1 1
gouvernement et offenses
envers la personne du Roi
Attaque contre l'autorité
constitutionnelle du Roi ;
les droits qu'il tient du vœu 2 1 - - 1
de la Nation, et l'ordre de
successibilité au Trône
Apologie du crime de
2 2 - - -
régicide
Outrages par paroles envers
1 - 1 - -
un fonctionnaire public
Outrages à la morale
publique et aux bonnes 1 - - - 1
mœurs
Censure dans un discours
pastoral des actes du
1 1 - - -
gouvernement, et offenses
envers la personne du Roi
Total 35 27 1 2 5

Annexe n° 196 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1838.

Nature et peines des délits Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
politiques pour l'année de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
1838 prévenus an d'un an
Cris et chants séditieux 14 14 - - -
Offenses publiques envers
6 6 - - -
la personne du Roi
Outrages à la morale
publique et aux bonnes
5 4 - - 1
mœurs en chantant des
chansons obscènes
Acte public d'adhésion à
une autre forme de 2 1 - 1 -
gouvernement
Excitation à la haine et au
mépris d'une classe de 2 1 - - 1
personnes
Exposition en vente de
2 2 - - -
signes séditieux
Provocation non suivie
d'effet à des attentats
contre la vie du Roi et la
1 - - 1 -
sûreté intérieure de l'État,
acte d'adhésion à une autre
forme de gouvernement
Offenses publiques envers
la personne du Roi,
excitation à la haine et au
1 1 - - -
mépris du gouvernement,
acte d'adhésion à une autre
forme de gouvernement
Excitation à la haine et au
mépris d'une classe de
1 1 - - -
personnes, attaque contre
le respect dû aux lois,
apologie d'un fait qualifié
crime par la loi (dans un
sermon)
Total 34 30 0 2 2

Annexe n° 197 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1839.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits politiques
de Acquittés à plus d'un à moins
pour l'année 1839
prévenus an d'un an
Troubles à l'exercice des droits
civiques, outrages envers une classe 12 12 - -
de personnes
Offenses publiques envers la
personne du Roi, excitation à la 11 11 - -
haine et au mépris du gouvernement
Cris et chants séditieux 10 9 1 -
Outrage à la morale publique et aux
bonnes mœurs en chantant des 4 - - 4
chansons obscènes
Exposition en vente de signes et
2 - 1 1
apposition de placards séditieux
Exposition et vente d'objets portant
2 2 - -
atteinte à la morale publique
Critique des actes de l'autorité et
1 - - 1
outrages publics envers un maire
Total 42 34 2 6

Annexe n° 198 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1840.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits politiques
de Acquittés à plus d'un à moins
pour l'année 1840
prévenus an d'un an
Placards séditieux (apposition de)
provoquant au pillage, au meurtre ou 7 4 2 1
à la rébellion
Offenses publiques envers la
6 6 - -
personne du Roi
Excitation à la haine et au mépris du
6 5 1 -
gouvernement et d'une classe de
personnes
Cris et chants séditieux 3 3 - -
Exposition en vente de symboles ou
2 1 - 1
signes séditieux
Inscription sur le bulletin d'un
électeur illettré d'un autre nom que 2 2 - -
celui qu'il dictait
Acte public d'adhésion à une autre
1 1 - -
forme de gouvernement
Outrage à la morale publique et aux
bonnes mœurs, discours ou chansons 1 1 - -
obscènes
Outrages publics à la religion
1 1 - -
catholique
Total 29 24 3 2

Annexe n° 199 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1841.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits politiques
de Acquittés à plus d'un à moins
pour l’année 1841
prévenus an d'un an
Cris et chants séditieux 22 16 - 6
Offenses publiques envers la
16 11 3 2
personne du Roi
Outrages publics à la religion
3 2 - 1
catholique et à ses ministres
Acte public d'adhésion à une autre
2 2 - -
forme de gouvernement
Excitation à la haine et au mépris du
1 1 - -
gouvernement
Entraves à l'exercice des droits
1 1 - -
civiques
Inscription sur le bulletin d'un
électeur illettré d'un autre nom que 1 1 - -
celui qu'il dictait
Exposition en vente de symboles ou
1 1 - -
signes séditieux
Placards séditieux (apposition de)
1 1 - -
provoquant la désobéissance aux lois
Total 48 36 3 9
Annexe n° 200 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1842.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits politiques
de Acquittés à plus d'un à moins
pour l'année 1842
prévenus an d'un an
Cris et chants séditieux 26 18 - 8
Acte public d'adhésion à une autre
13 13 - -
forme de gouvernement
Offenses publiques envers la
8 5 2 1
personne du Roi
Provocation à la désobéissance aux
1 - - 1
lois
Total 48 36 2 10

Annexe n° 201 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1843.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins
politiques pour l'année 1843 à l'amende
prévenus an d'un an
Cris et chants séditieux 5 4 - - 1
Outrages à la morale publique
4 4 - - -
et religieuse
Exposition publique de signes
3 2 1 - -
ou symboles séditieux
Offenses publiques envers la
2 1 - - 1
personne du Roi
Outrages publics envers la
1 1 - - -
religion et ses ministres
Total 15 12 1 0 2

Annexe n° 202 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1844.

Nature et peines des délits Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
politiques pour l'année de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
1844 prévenus an d'un an
Offenses publiques envers
7 6 - - 1
la personne du Roi
Cris et chants séditieux 5 4 - - 1
Complot (Proposition non
4 2 - 2 -
agréée de former un)
Exposition publique de
signes ou symboles 1 1 - - -
séditieux
Total 17 13 0 2 2

Annexe n° 203 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1845.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins
politiques pour l'année 1845 à l'amende
prévenus an d'un an
Cris et chants séditieux 7 5 - - 2
Outrages à la morale publique
3 3 - - -
et religieuse
Exposition publique de signes
1 1 - - -
ou symboles séditieux
Total 11 9 0 0 2

Annexe n° 204 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1846.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins d'un
politiques pour l'année 1846 à l'amende
prévenus an an
Offenses publiques envers
la personne du Roi, cris 9 8 - 1 -
séditieux
Total 9 8 0 1 0

Annexe n° 205 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1847.

Nature et peines des délits Nombre Acquittés Condamnés Condamnés Condamnés


politiques pour l'année de à plus d'un à moins
à l'amende
1847 prévenus an d'un an
Achat et vente de
21 16 5 - -
suffrages électoraux
Provocation à la
désobéissance aux lois, au
12 12 - - -
pillage de grains ou
farines
Offenses envers la
personne du Roi, cris 6 5 - 1 -
séditieux
Rassemblement politique
(avoir fait partie d'un) non
dispersé après la troisième 5 5 - - -
sommation, provocation à
la rébellion
Provocation à la révolte,
3 1 - 2 -
au meurtre, à l'incendie
Excitation à la haine d'une
1 - - - 1
classe de personnes
Outrages publics envers la
1 - - - 1
religion et ses ministres
Entrave à l'exercice des
2 1 - - 1
droits civiques
Total 51 40 5 3 3

Annexe n° 206 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1848.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins
politiques pour l’année 1848 à l'amende
prévenus an d'un an
Provocation à la désobéissance
aux lois, au pillage ou à d'autres 42 25 - 2 15
crimes ou délits
Attroupement séditieux 38 25 - 2 11
Entrave à l'exercice des droits
civiques par menaces ou 24 21 - - 3
violences
Cris et propos séditieux 22 22 - - -
Soustraction de billets dans
19 18 - - 1
l'urne
Attaque contre le principe de la
13 7 - 3 3
propriété
Excitation à la haine d'une
11 4 - 1 6
classe de personnes
Provocation à la guerre civile 5 2 - 1 2
Exposition publique de signes
5 5 - - -
de ralliement
Excitation à la haine et au
mépris du gouvernement 3 1 - - 2
républicain
Outrage à la morale publique
3 2 - - 1
(chansons)
Fraude en matière électorale 3 3 - - -
Attaque contre la constitution 1 - - - 1
Complot (proposition non
1 1 - - -
agréée de former un)
Total 190 136 0 9 45

Annexe n° 207 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1849.

Nature et peines des délits Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
politiques pour l'année de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
1849 prévenus an d'un an
Excitation à la haine d'une
classe de personnes, 140 91 6 9 34
attaque contre la propriété
Cris séditieux 85 80 - - 5
Sociétés ou réunions
80 63 - 4 13
secrètes
Port ou exposition
publique d'emblèmes
77 66 - 1 10
propres à exciter à la
guerre civile
Attroupement politique 71 57 - 1 13
Excitation à la haine et au
mépris du gouvernement, à 59 32 2 4 21
la guerre civile
Provocation à la
désobéissance aux lois, à 49 20 - 4 25
des crimes ou délits
Provocation non suivie
d'effet à un attentat contre
35 20 - 11 4
la sûreté intérieure de
l'État, à la guerre civile
Attaque contre les droits et
l'autorité du Président de la
17 13 - - 4
République, offenses
envers sa personne
Attaque contre la 8 5 - 2 1
constitution et les
institutions républicaines
Outrage à la morale ou à la
5 1 - 1 3
religion
Enlèvement ou dégradation
1 1 - - -
de signes de l'autorité
Total 627 449 8 37 133

Annexe n° 208 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1850.

Nombre Condamnés Condamnés


Nature et peines des délits Condamnés
de Acquittés à plus d'un à moins
politiques pour l'année 1850 à l'amende
prévenus an d'un an
Sociétés ou réunions
197 113 1 22 61
secrètes
Excitation à la haine d'une
classe de citoyens, attaque 162 102 1 7 52
contre la propriété
Cris séditieux 130 83 1 2 44
Attaque contre les droits et
l'autorité du Président de la
97 50 1 7 39
République, offenses envers
sa personne
Port ou exposition publique
d'emblèmes propres à 64 38 5 1 20
exciter à la guerre civile
Attaque contre la
constitution et les 32 18 - 2 12
institutions républicaines
Outrage à la morale ou à la
16 8 - 2 6
religion
Attroupement politique 14 10 - - 4
Excitation à la haine et au
mépris du gouvernement, à 11 6 - - 5
la guerre civile
Provocation à la
désobéissance aux lois, à 5 1 - 1 3
des crimes ou délits
Provocation non suivie
d'effet à un attentat contre la
5 3 - - 2
sûreté intérieure de l'État, à
la guerre civile
Embauchage de soldats
4 1 - 2 1
(tentative d')
Enlèvement ou dégradation 4 4 - - -
de signes de l'autorité
Publication de fausses
4 4 - - -
nouvelles
Total 745 441 9 46 249

Annexe n° 209 : Tableau relatif à la nature des 
délits politiques pour l’année 1851.

Nature et peines des Nombre Condamnés Condamnés


Condamnés
délits politiques pour de Acquittés à plus d'un à moins
à l'amende
l'année 1851 prévenus an d'un an
Sociétés ou réunions
190 140 1 10 39
secrètes
Cris séditieux 131 74 - 10 47
Excitation à la haine
d'une classe de citoyens,
115 77 - 12 26
attaque contre la
propriété
Attaque contre les droits
et l'autorité du Président
de la République, 92 44 - 13 35
offenses envers sa
personne
Outrage à la morale ou à
31 26 - - 5
la religion
Attaque contre la
constitution et les
25 25 - - -
institutions
républicaines
Port ou exposition
publique d'emblèmes
23 15 - - 8
propres à exciter à la
guerre civile
Excitation à la haine et
au mépris du
14 10 - 1 3
gouvernement, à la
guerre civile
Provocation à la
désobéissance aux lois, 10 8 - 1 1
à des crimes ou délits
Publication de fausses
8 8 - - -
nouvelles
Attroupement politique 7 7 - - -
Embauchage de soldats
3 2 - - 1
(tentative d')
Provocation non suivie
d'effet à un attentat
contre la sûreté 1 - - 1 -
intérieure de l'État, à la
guerre civile
Apologie de faits
qualifiés crimes par la 1 1 - - -
loi
Total 651 437 1 50 163

Annexe n° 210 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 28 décembre 1855, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1855, I, pp. 360 et 361.

LA COUR ; - Sur le moyen tiré de la violation de l’art. 182 du Code d’instruction criminelle
[…].
- Sur le moyen tiré de ce que la condamnation pénale ne serait pas justifiée parce que la Cour
n’aurait pas constaté les éléments constitutifs du délit : - Attendu que la loi ne définit pas les
sociétés secrètes ; qu’elle s’en rapporte à la conscience et aux appréciations des magistrats
pour reconnaitre et constater l’existence de ces sociétés ; - Que l’arrêt attaqué énumère les
faits et circonstances desquels il fait résulter et l’existence de la société secrète dire La
Marianne, et la part que R. a prise à la constitution de cette société ; - Que, dès lors, l’arrêt
satisfait pleinement à l’obligation qui est imposée aux juges, de n’appliquer une peine qu’aux
faits qui constituent des crimes ou des délits ;
- Rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’Angers du 4 décembre 1855.

Annexe n° 211 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 18 décembre 1862, 
Recueil Sirey­Devilleneuve, 1862, I, pp. 49 et 50.

LA COUR ; - Sur le premier moyen […].


Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’art. 12 de la loi du 28 juillet 1848, en ce que
la société secrète étant un délit sui generis, il y avait obligation pour le juge d’en déterminer
les éléments constitutifs, ce que n’ont fait ni le jugement ni l’arrêt attaqués : - Attendu, en
droit, que la loi, en ne spécifiant par les caractères constitutifs de la société secrète, a laissé
aux juges à les déterminer ; - Attendu, en fait, que, dans l’espèce, le jugement, après avoir
précisé, dans de nombreux considérants, les faits ressortant tant de l’information que des
débats, déclare que ces faits prouvent l’organisation de la société secrète, puisqu’ils
démontrent qu’elle a fonctionné, et qu’ils révèlent son but et les moyens que les affiliés se
proposaient pour l’atteindre ;
- Par tous ces motifs, rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour de Paris du 25 août
1862.

Annexe n° 212 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 7 juin 1849, Journal 
du Droit Criminel, 1849, art. 4509, pp. 191 et 192.

LA COUR ; - Vu les art. 2, 3, 13 et 16 de la loi du 28 juillet 1848 ; - Attendu que l’art. 2 de


ladite loi définit le club une réunion de citoyens ; que l’art. 3 ajoute d’une manière
impérative : « les clubs seront publics » ; que des mesures sont immédiatement édictées, dans
ce même article, pour assurer la publicité ; que dès lors le mot club exprime, dans la langue
légale, une réunion de citoyens dont les assemblées sont publiques ; - Attendu qu’en
opposition à ces sortes de réunions, qui sont permises dans les conditions déterminées par le
décret du 28 juillet 1848, l’art. 13 place les sociétés secrètes et les interdit formellement, ce
qui établit une différence radicale entre les clubs et les sociétés secrètes ; - Attendu que si
l’art. 16 défère aux tribunaux correctionnels la connaissance des infractions relatives à
l’ouverture des clubs et à la tenue de leurs séances, c’est que ces sortes d’infractions,
susceptibles d’une constatation matérielle, sont caractérisées par la loi, indépendamment de
toute intention de délit et constituent de véritables contraventions, quelle que soit d’ailleurs la
pénalité qui les frappe ; - qu’il en est autrement des sociétés secrètes dont le caractère
politique ne peut s’établir qu’à l’aide des moyens d’instruction ordinaires, et que les
poursuites doivent être portées devant la juridiction compétente pour juger les délits
politiques, c’est-à-dire devant le jury, conformément à l’art. 83 de la Constitution ; - Attendu
que la réunion politique, objet des poursuites, n’a jamais été publique, qu’elle ne peut dès lors
prendre le nom de club et tomber, quant à la compétence du tribunal de police correctionnelle,
sous l’application du paragraphe 1er de l’art. 16 précité ; qu’en le décidant ainsi, l’arrêt
dénoncé, loin de violer ledit article, en a fait une saine application ;
- Rejette.

Annexe n° 213 : Arrêt de la Chambre criminelle 
de la Cour de cassation du 1er février 1861, 
Journal du Droit criminel, 1861, art. 7239, pp. 208 et 
209.

LA COUR ; - Sur le moyen pris d’une violation de l’art. 22 du décret-loi du 17 février 1852,
et fondé sur ce que l’exposition publique d’emblèmes sans autorisation préalable eut dû
entrainer l’application de cette disposition pénale : - Vu ledit art. 22, conçu : « Aucuns
dessins, aucunes gravures, lithographies, médailles, estampes ou emblèmes, de quelque nature
ou espèce qu’ils soient, ne pourront être publiés, exposés ou mis en vente sans l’autorisation
préalable du ministre de la police à Paris, ou des préfets dans les départements. – En cas de
contravention, ceux qui les auront publiés seront condamnés à un emprisonnement d’un mois
à un an, et à une amende de 100 à 1000 fr. » ; - Attendu qu’il est tenu pour constant par l’arrêt
dénoncé que le prévenu, libraire à Vichy, a exposé et mis en vente, dans son magasin, un
certain nombre de bijoux fleurdelisés, sans être préalablement pourvu de l’autorisation
prescrite ; - Attendu que la fleur de lys, qui forme l’élément essentiel et le symbole
caractéristique de l’ancienne maison royale de France, est par cela même un emblème dont la
publication peut bien, suivant les circonstances, être complètement inoffensive, mais n’en
reste pas moins, à ce titre, soumis à l’autorisation préalable imposée comme mesure de police
préventive par l’article précité ; - Que cependant l’arrêt a refusé d’appliquer cet article, par le
motif que, dans l’espèce, les fleurs de lys, employées comme ornementation de bijoux,
n’étaient point accompagnées de légendes, d’attributs ou d’indications qui ne laissassent
aucune équivoque sur les sentiments qu’elles avaient pour but de faire naître ; - Mais attendu
qu’il ne s’agissait pas, au point de vue de l’art. 22, de rechercher le but de la fabrication et de
la mise en vente, ni de réprimer l’intention du vendeur ; que l’infraction à cet article participe
de la nature des contraventions de police qui résultent de l’existence matérielle du fait, et que
la bonne foi n’excuse pas ; qu’en jugeant le contraire et en motivant un acquittement sur des
distinctions qui ne sont pas dans la pensée de la loi, l’arrêt dénoncé a commis une violation
dudit art. 22 ;
- Casse.

Annexe n° 214 : Arrêt « Croissant » du Conseil 
d’État du 7 juillet 1978, source : 
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?
idTexte=CETATEXT000007647532.

Vu la requête présentée pour le sieur Croissant Y., avocat, ladite requête enregistrée au
secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, le 16 novembre 1977 et tendant à ce qu'il plaise
au Conseil :
1° annuler pour excès de pouvoir un décret en date du 16 novembre 1977 accordant son
extradition aux autorités fédérales allemandes,
2° décider qu'il sera sursis à l'exécution dudit décret.
Vu la loi du 10 mars 1927 ; Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des
réfugiés, ensemble le protocole relatif au statut des réfugiés, en date à New-York du 31
janvier 1967 ; Vu la convention franco-allemande du 29 novembre 1951 ; Vu la Constitution
du 4 octobre 1958 ; Vu le décret du 27 février 1974 ; Vu le code pénal ; Vu le code de
procédure pénale ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu
la loi du 30 décembre 1977 ;
Sur le moyen tiré d'irrégularités dans la composition de la Chambre d'accusation : Considérant
que lorsque, conformément aux dispositions de l'article 16 de la loi du 10 mars 1927, la
Chambre d'accusation donne un avis motivé sur une demande d'extradition, cette Chambre,
exerçant alors une attribution administrative, siège dans la formation habituelle en laquelle
elle exerce ses attributions judiciaires ; qu'il n'est pas contesté qu'il en a été ainsi en l'espèce ;
Considérant que, pour soutenir que la composition de la Chambre d'accusation, lors de
l'examen de la demande d'extradition, serait irrégulière, le sieur X... conteste la légalité de la
délibération de l'Assemblée générale de la Cour d'Appel de Paris, en date du 5 octobre 1977,
et de l'ordonnance du Premier Président de cette Cour en date du 6 octobre 1977, fixant la
composition de cette Chambre ; que s'agissant d'une juridiction de l'ordre judiciaire qui ne
siège pas dans une composition particulière lorsqu'elle exerce des fonctions administratives, le
requérant n'est pas recevable à mettre en cause, à l'occasion de l'exercice de ces fonctions, des
décisions prises par l'autorité judiciaire pour assurer le fonctionnement du service public de la
justice ;
Sur le moyen tiré de ce que la Chambre d'accusation aurait violé les droits de la défense et
méconnu l'étendue de ses pouvoirs : Considérant que l'avis de la Chambre d'accusation
mentionne que les présomptions qui se dégagent des éléments figurant au dossier "ne peuvent
être battues en brèche par la prétention de Croissant de considérer le système "info" comme
un moyen d'organisation collective de la défense" ; que la Chambre d'accusation s'est ainsi
prononcée, pour l'écarter, sur la demande du sieur X... tendant à la production de nouvelles
pièces destinées à démontrer que le système d'information qu'il lui est reproché d'avoir fait
fonctionner n'était qu'un moyen légal d'organiser la défense de ses clients ; qu'en rejetant cette
demande, la Chambre d'accusation n'a ni violé les droits de la défense, ni méconnu l'étendue
de ses pouvoirs ;
Sur le moyen tiré de ce que le gouvernement a méconnu l'étendue de ses pouvoirs en se
croyant lié par l'avis favorable de la Chambre d'accusation : Considérant qu'il ressort des
pièces versées au dossier que si, dès le mois d'octobre 1977, le gouvernement avait l'intention
de se conformer en principe à l'avis de la Chambre d'accusation, cette position de principe
n'impliquait pas que le gouvernement se soit à tort cru lié par un avis favorable à l'extradition
et ait ainsi méconnu l'étendue des pouvoirs qu'il tient de l'article 18 de la loi du 10 mars 1927 ;
Sur le moyen tiré de ce que le gouvernement n'a pas procédé à un examen complet des
circonstances de l'affaire : Considérant qu'il résulte de l'instruction que le délai qui s'est écoulé
entre la transmission de l'avis de la Chambre d'accusation et la signature du décret attaqué a
été suffisant pour permettre au gouvernement, ainsi qu'il l'a fait, de procéder au vu de cet avis
à un examen définitif et complet des circonstances de l'affaire ;
Sur le moyen tiré de ce que le décret attaqué ne pouvait légalement être pris avant que la Cour
de Cassation ait statué sur le recours formé par le sieur X... contre l'avis de la Chambre
d'accusation : Considérant que, selon l'article 16 de la loi du 10 mars 1927, la Chambre
d'accusation, lorsqu'elle donne son avis sur une demande d'extradition, statue sans recours ;
qu'il résulte de ces dispositions et de la nature même de cet avis, rendu dans le cours d'une
procédure administrative, que les dispositions de l'article 569 du Code de procédure pénale,
qui prévoient qu'il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel pendant les délais du
recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de
Cassation, ne sont pas applicables aux arrêts par lesquels la Chambre d'accusation donne son
avis sur des demandes d'extradition. Que, dès lors, le sieur X... n'est pas fondé à soutenir qu'en
prenant le décret attaqué avant que la Cour de Cassation se soit prononcée sur son recours
contre l'avis de la Chambre d'accusation le gouvernement a violé les dispositions de l'article
569 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951
sur le statut des réfugiés : Considérant qu'en vertu des dispositions du paragraphe A, 2 de
l'article 1er de la Convention de Genève sur le statut des réfugiés et du paragraphe 2 de
l'article 1er du protocole du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés "le terme réfugié"
s'appliquera à toute personne ... qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race,
de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses
opinions politiques ... se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait
de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays" ;
Considérant que si le sieur X... s'est trouvé hors de la République fédérale d'Allemagne, pays
dont il a la nationalité, il ne résulte pas des pièces versées au dossier qu'il n'ait pu se prévaloir
de la protection de ce pays ou n'ait voulu, en raison des craintes de persécution qu'il aurait
éprouvées "avec raison" pour l'une des causes ci-dessus énumérées se réclamer de cette
protection ; que, dans ces conditions, il n'est pas fondé à se prévaloir de la qualité de réfugié
au sens de cette disposition de la Convention ;
Sur le moyen tiré de ce que le mandat d'arrêt n'indiquerait pas la date des faits reprochés au
sieur X... : Considérant qu'il ressort des termes mêmes du mandat d'arrêt décerné le 15 juillet
1977 par le Tribunal régional de Stuttgart que les faits pour lesquels l'extradition du sieur X...
a été demandée ont été commis "depuis 1972 et jusqu'au moins début 1976" ; que, dès lors, le
moyen manque en fait ;
Sur le moyen tiré de ce que la demande d'extradition se fonderait sur une loi pénale allemande
rétroactive et donc contraire à l'ordre public français : Considérant que les modifications
apportées à compter du 1er janvier 1975, à l'article 129 du Code pénal allemand, qui selon le
mandat précité, sont applicables au sieur X..., n'ont pas affecté la définition de l'infraction
réprimée par cet article ; qu'elles se sont bornées à supprimer la surveillance de la police, dont
la peine pouvait être assortie et à permettre de prononcer une amende au lieu des peines
d'emprisonnement qui étaient seules prévues précédemment et qui sont demeurées inchangées
; que ces dispositions nouvelles, moins sévères que celles auxquelles elles se sont substituées,
étaient d'application immédiate ; que, dès lors, le sieur X... n'est pas fondé à soutenir que
l'ordre public français s'oppose à ce qu'il lui en soit fait application ;
Sur le moyen tiré de ce que les faits reprochés au sieur X... ne sont pas punis par l'article 248
du Code pénal d'une peine atteignant le minimum auquel l'extradition est subordonnée par
l'article 3 de la Convention du 29 novembre 1951 : Considérant qu'aux termes de l'article 3 de
la Convention précitée "sont sujets à extradition : 1° les individus qui sont poursuivis pour des
crimes ou délits punis par les lois des parties contractantes d'une peine d'au moins un an
d'emprisonnement" ; qu'il résulte clairement de cette disposition, rapprochée des autres
dispositions du même article, que doivent être regardées comme étant punies d'une peine d'au
moins un an d'emprisonnement les infractions pour lesquelles le maximum de la peine
encourue est d'un an ou plus. Que la peine prévue par l'article 248 du Code pénal à l'égard des
personnes qui, comme le sieur X..., sont habilitées par leurs fonctions à approcher les détenus
est un emprisonnement de six mois à deux ans ; que cette peine satisfait à la condition exigée
par l'article 3 de la Convention précitée ; que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le moyen tiré de ce que les faits reprochés au sieur X... ne tombent pas sous le coup de
l'article 267 du Code pénal : Considérant qu'aux termes de l'article 267 du Code pénal "sera
puni de la réclusion criminelle à temps de cinq à dix ans quiconque aura sciemment et
volontairement favorisé les auteurs des crimes prévus à l'article 265, en leur fournissant des
instruments de crime, moyens de correspondance, logement ou lieu de réunion" ;
Considérant qu'il est reproché au sieur X... d'avoir fourni à des détenus poursuivis pour le
crime d'association de malfaiteurs, prévu à l'article 265 du Code pénal, non pas seulement,
comme il le prétend, des moyens d'information, tels que livres, brochures ou notices, mais
aussi des moyens de correspondance leur permettant de communiquer entre eux et avec des
membres de leur organisation restés en liberté ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à
soutenir que ces faits ne tombent pas sous le coup de l'article 267 du Code pénal ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 4 de la Convention franco-allemande d'extradition
du 29 novembre 1951 : Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Convention du 29
novembre 1951 "l'extradition ne sera pas accordée si l'infraction pour laquelle elle est
demandée est considérée par la partie requise, d'après les circonstances dans lesquelles elle a
été commise comme une infraction politique ou comme un fait commis pour préparer une
telle infraction, l'exécuter, en assurer le profit, en procurer l'impunité" ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il est reproché au sieur X... d'avoir fourni des
moyens de correspondance à des détenus qui étaient poursuivis pour s'être associé dans le but
de commettre des crimes contre les personnes et pour avoir effectivement commis plusieurs
crimes de cette nature ; que la circonstance que ces crimes, qui ne sont pas politiques par leur
objet, auraient eu pour but, selon le mandat d'arrêt précité "de renverser l'ordre établi en
République fédérale d'Allemagne" ne suffit pas, compte tenu de leur gravité, à les faire
regarder comme ayant un caractère politique. Que, si le sieur X... prétend qu'en ce qui le
concerne il a agi dans le but de faire respecter les droits de la défense, ce mobile, à le supposer
établi, n'est pas de nature à donner un caractère politique aux infractions qui lui sont
reprochées et qui consistent dans une aide apportée par le sieur X... à des détenus dont il était
l'avocat en vue de leur permettre non pas d'assurer leur défense, mais de poursuivre leurs
activités criminelles ; que, dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en accordant son
extradition, les auteurs du décret attaqué ont violé les dispositions précitées de l'article 4 de la
convention du 29 novembre 1951 ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 5, 2. de la loi du 10 mars 1927 : Considérant
qu'aux termes de l'article 1er de la Convention franco-allemande d'extradition du 29
novembre 1951, ratifiée en vertu de l'ordonnance du 17 décembre 1958, "les parties
contractantes s'engagent réciproquement à se livrer, selon les règles et sous les conditions
déterminées par les articles suivants, les individus qui sont poursuivis par les autorités
judiciaires de l'État requérant". Qu'il résulte clairement de cette disposition qu'elle ne permet
pas au Gouvernement français de subordonner l'extradition à des conditions autres que celles
qui sont prévues par la convention ; que, si l'article 1er de la loi du 10 mars 1927 dispose que
cette loi s'applique aux points qui n'auraient pas été réglementés par les traités, cette
disposition ne saurait prévaloir sur celles de la convention précitée, qui sont plus récentes et
qui, en vertu de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, ont une autorité supérieure à
celle de la loi ; que, dès lors, le sieur X... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de
l'article 5, 2. de la loi du 10 mars 1927 pour soutenir que le Gouvernement français ne pouvait
légalement accorder son extradition aux autorités fédérales allemandes ;
DECIDE : Article 1er : La requête du sieur X... est rejetée.
Annexe n° 215 : Arrêt de la Cour d’appel de 
Paris du 4 décembre 1967, J. Pradel et A. 
Varinard, Les grands arrêt du droit pénal général, 5ème 
édition, pp. 345 et 346.

Considérant que X, ressortissant portugais, est l'objet d'une demande d'extradition du


Gouvernement portugais pour l'exécution d'un mandat d'arrêt décerné le 24 juillet 1967 par le
juge d'instruction du tribunal de Figueira da Foz, des chefs de vol qualifié et d'infraction à la
législation sur les armes ; qu'il a été appréhendé à Paris le 3 août 1967 à la suite de ce mandat
d'arrêt, qu'il a reconnu que cette demande lui est bien applicable quant à l'identité ;
Considérant que les faits visés par la demande d'extradition sont dénoncés comme ayant été
commis sur le territoire de l'État requérant le 17 mai 1967m et qu'ils ne sont pas prescrits ; que
tels qu'ils sont exposés dans les pièces produites à l'appui de la demande, ils consistent, pour
X, à avoir pénétré le 17 mai 1967 à l'Agence de la banque du Portugal de Figueira da Foz en
compagnie de trois autres individus ; puis, tous les quatre étant armés, à avoir obligé sous la
menace de leurs armes les employés et clients présents sur les lieux à se laisser enfermer dans
une pièce, à s'être fait remettre sous la même menace les clefs du coffre-fort et y avoir dérobé
une somme très importante de billets de banque ;
Considérant que X a déclaré ne pas renoncer au bénéfice de la loi du 10 mars 1927, se
prétendant réfugié politique, et, tout en reconnaissant avoir participé à ces faits, à soutenir
qu'ils avaient été commis dans un but politique ;
Considérant que suivant les pièces produites à l'appui de la demande, X aurait été l'objet de
précédents mandats d'arrêt à l'occasion de procès antérieurs ; que par son arrêt du 9 octobre
1967m la cour de céans a, avant dire droit, émis l'avis de solliciter du Gouvernement du
Portugal un supplément d'information sur ces poursuites avec communication de toutes pièces
et textes utiles permettant d'en apprécier la nature – renseignements complémentaires
nécessaires pour que la cour soit en mesure de donner un avis sur la demande d'extradition
dont elle est saisie ;
Considérant que les faits tels que visés dans la demande s'analysent en un crime de vol avec
circonstances aggravantes, notamment de port d'arme, prévu et puni tant par la législation
française que par celle de l'État requérant ;
Considérant qu'il résulte des documents fournis en complément d'information par le
Gouvernement portugais à la suite de l'arrêt de cette Chambre du 9 octobre 1967, que les
procédures suivies antérieurement devant les juridictions portugaises se référaient à des faits
de caractère politique ; qu'il est établi qu'X est bien connu pour son activité politique
militante ; qu'il apparaît enfin, d'après les pièces produites dans la procédure, que les faits
imputés à X dans le mandat d'arrêt du 24 juillet 1967 par le juge de la circonscription
judiciaire de Figueira da Foz, bien que d'une particulière gravité, se rattachent à cette activité
politique, ont bien été accomplis pour un motif politique et uniquement dans un but politique ;
Considérant qu'en conséquence il s'agit en l'espèce d'un crime politique au sens de l'article 7
de la Convention franco-portugaise du 13 juillet 1854 et du paragraphe 2 de l'article 5 de la loi
du 10 mars 1927 ;
Qu'il échet en conséquence de dire qu'il n'y a lieu d'accueillir la demande d'extradition, la
demande de mise en liberté provisoire dont la cour a été saisie par ailleurs devenant de ce fait
sans objet.
Par ces motifs : - Vu la loi du 10 mars 1927 sur l'extradition et la Convention franco-
portugaise d'extradition du 13 juillet 1854, promulguée par décret du 11 novembre 1954 ;
Est d'avis qu'il n'y a lieu d'accueillir favorablement la demande d'extradition faite par le
Gouvernement du Portugal contre le nommé X.

Annexe n° 216 : Loi du 10 mars 1927 relative à 
l’extradition des étrangers, source : 
http://ledroitcriminel.free.fr/la_legislation_crimi
nelle/anciens_textes/loi_extradition.html.

Titre I : Des conditions de l’extradition.


Art. 1er : En l’absence de traité, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont
déterminés par les dispositions de la présente loi. La présente loi s’applique également aux
points qui n’auraient pas été réglementés par les traités.
Art. 2 : Aucune remise ne pourra être faite à un Gouvernement étranger de personnes n’ayant
pas été l’objet de poursuites ou d’une condamnation pour une infraction prévue par la
présente loi.
Art. 3 : Le Gouvernement français peut livrer, sur leur demande, aux Gouvernements
étrangers tout individu non Français ou non-ressortissant français qui, étant l’objet d’une
poursuite intentée au nom de l’État requérant ou d’une condamnation prononcée par ses
tribunaux, est trouvé sur le territoire de la République ou de ses possessions coloniales.
Néanmoins, l’extradition n’est accordée que si l’infraction, cause de la demande, a été
commise :
Soit sur le territoire de l’État requérant par un sujet de cet État ou par un étranger ;
Soit en dehors de son territoire par un sujet de cet État ;
Soit en dehors de son territoire par un individu étranger à cet État, quand l’infraction est au
nombre de celles dont la loi française autorise la poursuite en France, alors même qu’elles ont
été commises par un étranger à l’étranger.
Art. 4 : Les faits qui peuvent donner lieu à l’extradition, qu’il s’agisse de la demander ou de
l’accorder, sont les suivants :
1° Tous les faits punis de peines criminelles par la loi de l’État requérant ;
2° Les faits punis de peines correctionnelles par la loi de l’État requérant, quand le maximum
de la peine encourue, aux termes de cette loi, est de deux ans ou au-dessus, ou, s’il s’agit d’un
condamné, quand la peine prononcée par la juridiction de l’État requérant est égale ou
supérieure à deux mois d’emprisonnement.
En aucun cas l’extradition n’est accordée par le Gouvernement français si le fait n’est pas
puni par la loi française d’une peine criminelle ou correctionnelle.
Les faits constitutifs de tentative ou de complicité sont soumis aux règles précédentes, à
condition qu’ils soient punissables d’après la loi de l’État requérant et d’après celle de l’État
requis.
Si la demande a pour objet plusieurs infractions commises par l’individu réclamé et qui n’ont
pas encore été jugées, l’extradition n’est accordée que si le maximum de la peine encourue,
d’après la loi de l’État requérant, pour l’ensemble de ces infractions, est égal ou supérieur à
deux ans d’emprisonnement.
Si l’individu réclamé a été antérieurement l’objet, en quelque pays que ce soit, d’une
condamnation définitive à deux mois d’emprisonnement, ou plus, pour un délit de droit
commun, l’extradition est accordée, suivant les règles précédentes, c’est-à-dire seulement
pour les crimes ou délits, mais sans égard au taux de la peine encourue ou prononcée pour la
dernière infraction.
Les dispositions précédentes s’appliquent aux infractions commises par des militaires, marins
ou assimilés lorsqu’elles sont punies par la loi française comme infractions de droit commun.
Il n’est pas innové, quant à la pratique relative à la remise des marins déserteurs.
Art. 5 : L’extradition n’est pas accordée :
1° Lorsque l’individu, objet de la demande, est un citoyen ou un protégé français, la qualité de
citoyen ou de protégé étant appréciée à l’époque de l’infraction pour laquelle l’extradition est
requise ;
2° Lorsque le crime ou délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que
l’extradition est demandée dans un but politique. En ce qui concerne les actes commis au
cours d’une insurrection ou d’une guerre civile, par l’un ou l’autre des partis engagés dans la
lutte et dans l’intérêt de sa cause, ils ne pourront donner lieu à l’extradition que s’ils
constituent des actes de barbarie odieuse et de vandalisme défendus suivant les lois de la
guerre, et seulement lorsque la guerre civile a pris fin ;
3° Lorsque les crimes ou délits ont été commis en France ou dans les possessions coloniales
françaises ;
4° Lorsque les crimes ou délits, quoique commis hors de France ou des possessions coloniales
françaises, y ont été poursuivis et jugés définitivement ;
5° Lorsque, d’après les lois de l’État requérant ou celles de l’État requis, la prescription de
l’action s’est trouvée acquise antérieurement à la demande d’extradition, ou la prescription de
la peine antérieurement à l’arrestation de l’individu réclamé et d’une façon générale toutes les
fois que l’action publique de l’État requérant sera éteinte.
Art. 6 : Si, pour une infraction unique, l’extradition est demandée concurremment par
plusieurs États, elle est accordée de préférence à l’État contre les intérêts duquel l’infraction
était dirigée, ou à celui sur le territoire duquel elle a été commise.
Si les demandes concurrentes ont pour cause des infractions différentes, il est tenu compte,
pour décider de la priorité, de toutes circonstances de fait, et, notamment : de la gravité
relative et du lieu des infractions, de la date respective des demandes, de l’engagement qui
serait pris par l’un des États requérants de procéder à la réextradition.
Art. 7 : Sous réserve des exceptions prévues ci-après, l’extradition n’est accordée qu’à la
condition que l’individu extradé ne sera ni poursuivi, ni puni pour une infraction autre que
celle ayant motivé l’extradition.
Art. 8 : Dans le cas où un étranger est poursuivi ou a été condamné en France, et où son
extradition est demandée au Gouvernement français à raison d’une infraction différente, la
remise n’est effectuée qu’après que la poursuite est terminée, et, en cas de condamnation,
après que la peine a été exécutée.
Toutefois, cette disposition ne fait pas obstacle à ce que l’étranger puisse être envoyé
temporairement pour comparaître devant les tribunaux de l’État requérant, sous la condition
expresse qu’il sera renvoyé dès que la justice étrangère aura statué.
Est régi par les dispositions du présent article le cas où l’étranger est soumis à la contrainte
par corps par application des lois du 22 juillet 1867 et du 19 décembre 1871.
Titre II : De la procédure d’extradition.
Art. 9 : Toute demande d’extradition est adressée au Gouvernement français par voie
diplomatique et accompagnée, soit d’un jugement ou d’un arrêt de condamnation, même par
défaut ou par contumace, soit d’un acte de procédure criminelle décrétant formellement ou
opérant de plein droit le renvoi de l’inculpé ou de l’accusé devant la juridiction répressive,
soit d’un mandat d’arrêt ou de tout autre acte ayant la même force et décerné par l’autorité
judiciaire, pourvu que ces derniers actes renferment l’indication précise du fait pour lequel ils
sont délivrés et la date de ce fait.
Les pièces ci-dessus mentionnées doivent être produites en original ou en expédition
authentique.
Le Gouvernement requérant doit produire en même temps la copie des textes de loi
applicables au fait incriminé. Il peut joindre un exposé des faits de la cause.
Art. 10 : La demande d’extradition est, après vérification des pièces, transmise, avec le
dossier, par le ministre des affaires étrangères au ministre de la justice, qui s’assure de la
régularité de la requête et lui donne telles suites que de droit.
Art. 11 : Dans les vingt-quatre heures de l’arrestation, il est procédé, par les soins du
procureur de la République ou d’un membre de son parquet, à un interrogatoire d’identité,
dont il est dressé procès-verbal.
Art. 12 : L’étranger est transféré dans le plus bref délai et écroué à la maison d’arrêt du chef-
lieu de la cour d’appel, dans le ressort de laquelle il a été arrêté.
Art. 13 : Les pièces produites à l’appui de la demande d’extradition sont en même temps
transmises par le procureur de la République au procureur général. Dans les vingt-quatre
heures de leur réception, le titre, en vertu duquel l’arrestation aura eu lieu, est notifié à
l’étranger.
Le procureur général, ou un membre de son parquet, procède, dans le même délai, à un
interrogatoire dont il est dressé procès-verbal.
Art. 14 : La Chambre d’accusation est saisie sur-le-champ des procès-verbaux susvisés et de
tous autres documents. L’étranger comparaît devant elle dans un délai maximum de huit jours,
à compter de la notification des pièces. Sur la demande du ministère public ou du comparant,
un délai supplémentaire de huit jours peut être accordé, avant les débats. Il est ensuite procédé
à un interrogatoire dont le procès-verbal est dressé. L’audience est publique, à moins qu’il
n’en soit décidé autrement sur la demande du parquet ou du comparant.
Le ministère public et l’intéressé sont entendus. Celui-ci peut se faire assister d’un avocat
inscrit et d’un interprète. Il peut être mis en liberté provisoire à tout moment de la procédure,
et conformément aux règles qui gouvernent la matière.
Art. 15 : Si, lors de sa comparution, l’intéressé déclare renoncer au bénéfice de la présente loi
et consent formellement à être livré aux autorités du pays requérant, il est donné acte par la
cour de cette déclaration.
Copie de cette décision est transmise sans retard par les soins du procureur général au ministre
de la justice, pour toutes fins utiles.
Art. 16 : Dans le cas contraire, la Chambre d’accusation, statuant sans recours, donne son avis
motivé sur la demande d’extradition.
Cet avis est défavorable, si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies, ou
qu’il y a erreur évidente.
Le dossier doit être envoyé au ministre de la justice dans un délai de huit jours à dater de
l’expiration des délais prévus à l’article 14.
Art. 17 : Si l’avis motivé de la Chambre d’accusation repousse la demande d’extradition, cet
avis est définitif et l’extradition ne peut être accordée.
Art. 18 : Dans le cas contraire, le ministre de la justice propose, s’il y a lieu, à la signature du
président de la République, un décret autorisant l’extradition. Si, dans le délai d’un mois à
compter de la notification de cet acte, l’extradé n’a pas été reçu par les agents de la puissance
requérante, il est mis en liberté, et ne peut plus être réclamé pour la même cause.
Art. 19 : En cas d’urgence et sur la demande directe des autorités judiciaires du pays
requérant, les procureurs de la République peuvent sur un simple avis, transmis soit par la
poste, soit par tout mode de transmission plus rapide laissant une trace écrite, ou
matériellement équipollente, de l’existence d’une des pièces indiquées par l’article 9,
ordonner l’arrestation provisoire de l’étranger.
Un avis régulier de la demande devra être transmis, en même temps, par voie diplomatique,
par la poste, par le télégraphe ou par tout mode de transmission laissant une trace écrite, au
ministre des affaires étrangères.
Les procureurs de la République doivent donner avis de cette arrestation au ministre de la
justice et au procureur général.
Art. 20 : L’individu arrêté provisoirement dans les conditions prévues par l’article 12, peut,
s’il n’y a pas lieu de lui faire application des articles 7, 8 et 9 de la loi du 3 décembre 1849,
être mis en liberté, si, dans le délai de vingt jours, à dater de son arrestation, lorsqu’elle aura
été opérée à la demande du Gouvernement d’un pays limitrophe, le Gouvernement français ne
reçoit l’un des documents mentionnés à l’article 9.
Le délai de vingt jours précité est porté à un mois, si le territoire du pays requérant est non
limitrophe, à trois mois si ce territoire est hors d’Europe.
La mise en liberté est prononcée sur requête adressée à la Chambre d’accusation, qui statue
sans recours, dans la huitaine. Si, ultérieurement, les pièces susvisées parviennent au
Gouvernement français, la procédure est reprise, conformément aux articles 10 et suivants.
Titre III : Des effets de l’extradition.
Art. 21 : L’extradé ne peut être poursuivi ou puni pour une infraction antérieure à la remise,
autre que celle ayant motivé l’extradition.
Il en est autrement, en cas d’un consentement spécial donné dans les conditions ci-après par le
gouvernement requis.
Ce consentement peut être donné par le Gouvernement français, même au cas où le fait, cause
de la demande, ne serait pas l’une des infractions déterminées par l’article 4 de la présente loi.
Art. 22 : Dans le cas où le gouvernement requérant demande, pour une infraction antérieure à
l’extradition, l’autorisation de poursuivre l’individu déjà livré, l’avis de la chambre
d’accusation devant laquelle l’inculpé avait comparu peut être formulé sur la seule production
des pièces transmises à l’appui de la nouvelle demande.
Sont également transmises par le gouvernement étranger et soumises à la chambre
d’accusation, les pièces contenant les observations de l’individu livré ou la déclaration qu’il
entend n’en présenter aucune. Ces explications peuvent être complétées par un avocat choisi
par lui, ou qui est désigné ou commis d’office.
Art. 23 : L’extradition obtenue par le Gouvernement français est nulle, si elle est intervenue
en dehors des cas prévus par la présente loi.
La nullité est prononcée, même d’office, par la juridiction d’instruction ou de jugement dont
l’extradé relève après sa remise.
Si l’extradition a été accordée en vertu d’un arrêt ou d’un jugement définitif, la nullité est
prononcée par la chambre d’accusation dans le ressort de laquelle cette remise a eu lieu.
La demande en nullité formée par l’extradé n’est recevable que si elle est présentée dans un
délai de trois jours à compter de la mise en demeure qui lui est adressée, aussitôt après son
incarcération, par le procureur de la République. L’extradé est informé, en même temps, du
droit qui lui appartient de se choisir ou de se faire désigner un défenseur.
Art. 24 : Les mêmes juridictions sont juges de la qualification donnée aux faits qui ont motivé
la demande d’extradition.
Art. 25 : Dans le cas où l’extradition est annulée, l’extradé s’il n’est pas réclamé par le
gouvernement requis, est mis en liberté et ne peut être repris, soit à raison des faits qui ont
motivé son extradition, soit à raison des faits antérieurs, que si, dans les trente jours qui
suivent la mise en liberté, il est arrêté sur le territoire français.
Art. 26 : Est considéré comme soumis sans réserve à l’application des lois de l’État requérant,
à raison d’un fait quelconque antérieur à l’extradition et différent de l’infraction qui a motivé
cette mesure, l’individu livré qui a eu pendant trente jours, à compter de son élargissement
définitif, la possibilité de quitter le territoire de cet État.
Art. 27 : Dans le cas où, l’extradition d’un étranger ayant été obtenue par le Gouvernement
français, le gouvernement d’un pays tiers sollicite à son tour du Gouvernement français
l’extradition du même individu à raison d’un fait antérieur à l’extradition, autre que celui jugé
en France, et non connexe à ce fait, le Gouvernement ne défère, s’il y a lieu, à cette requête
qu’après s’être assuré du consentement du pays par lequel l’extradition a été accordée.
Toutefois, cette réserve n’a pas lieu d’être appliquée lorsque l’individu extradé a eu, pendant
le délai fixé à l’article précédent, la faculté de quitter le territoire français.
Titre IV : De quelques procédures accessoires.
Art. 28 : L’extradition par voie de transit sur le territoire français ou par les bâtiments des
services maritimes français, d’un individu de nationalité quelconque, livré par un autre
gouvernement, est autorisée, sur simple demande par voie diplomatique, appuyée des pièces
nécessaires pour établir qu’il ne s’agit pas d’un délit politique ou purement militaire.
Cette autorisation ne peut être donnée qu’aux puissances qui accordent, sur leur territoire, la
même faculté au Gouvernement français.
Le transport s’effectue sous la conduite d’agents français et aux frais du gouvernement
requérant.
Art. 29 : La chambre d’accusation décide s’il y a lieu ou non de transmettre en tout ou en
partie les titres, valeurs, argent ou autres objets saisis, au gouvernement requérant.
Cette remise peut avoir lieu, même si l’extradition ne peut s’accomplir, par suite de l’évasion
ou de la mort de l’individu réclamé.
La chambre d’accusation ordonne la restitution des papiers et autres objets énumérés ci-
dessus qui ne se rapportent pas au fait imputé à l’étranger. Elle statue, le cas échéant, sur les
réclamations des tiers détenteurs et autres ayants droit.
Les décisions prévues au présent article ne sont susceptibles d’aucun recours.
Art. 30 : En cas de poursuites répressives, non politiques dans un pays étranger, les
commissions rogatoires émanant de l’autorité étrangère sont reçues par la voie diplomatique,
et transmises au ministère de la justice, dans les formes prévues à l’article 10. Les
commissions rogatoires sont exécutées, s’il y a lieu, et conformément à la loi française.
Au cas d’urgence, elles peuvent être l’objet de communications directes entre les autorités
judiciaires des deux États, dans les formes prévues à l’article 19. En pareil cas, faute d’avis
donné par voie diplomatique au ministère français des affaires étrangères par le gouvernement
intéressé, les communications directes entre les autorités judiciaires des deux pays n’auront
pas de suite utile.
Art. 31 : Au cas de poursuites répressives exercées à l’étranger, lorsqu’un gouvernement
étranger juge nécessaire la notification d’un acte de procédure ou d’un jugement à un individu
résidant sur le territoire français, la pièce est transmise suivant les formes prévues aux articles
9 et 10, accompagnée, le cas échéant, d’une traduction française. La signification est faite à
personne à la requête du ministère public, par les soins d’un officier compétent. L’original
constatant la notification est renvoyé par la même voie au gouvernement requérant.
Art. 32 : Lorsque, dans une cause pénale instruite à l’étranger, le gouvernement étranger juge
nécessaire la communication des pièces à conviction, ou de documents se trouvant entre les
mains des autorités françaises, la demande est faite par la voie diplomatique. Il y est donné
suite, à moins que des considérations particulières ne s’y opposent, et sous l’obligation de
renvoyer les pièces et documents dans le plus bref délai.
Art. 33 : Si, dans une cause pénale, la comparution personnelle d’un témoin résidant en
France est jugée nécessaire par un gouvernement étranger, le Gouvernement français, saisi de
la citation par la voie diplomatique, l’engage à se rendre à l’invitation qui lui est adressée.
Néanmoins, la citation n’est reçue et signifiée qu’à la condition que le témoin ne pourra être
poursuivi ou détenu pour des faits ou condamnations antérieurs à sa comparution.
Art. 34 : L’envoi des individus détenus, en vue d’une confrontation, doit être demandé par la
voie diplomatique. Il est donné suite à la demande, à moins que des considérations
particulières ne s’y opposent, et sous la condition de renvoyer lesdits détenus dans le plus bref
délai.

Sources et bibliographie

I ­ Ouvrages généraux et historiques :

APPERT Benjamin, « 10 ans à la cour du Roi Louis­Philippe », 3ème volume, Paris, 
1846.

ARISTOTE, « Éthique de Nicomaque », Éditions Flammarion, Manchecourt, 1965.

BAVARESCO Agemir, La phénoménologie de l’opinion publique, l’Harmattan, Paris, 
2001.

BERTIER de SAUVIGNY Guillaume de, La Restauration, Saint­Armand, 1974.
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II – Ouvrages spéciaux, traités et manuels :

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V ­ Périodiques

Annuaire de l’Institut de Droit International

Archives Parlementaires

Collection Complète des Lois, Décrets, Ordonnances, Règlements, Avis du Conseil 
d’État 

France judicaire (La)

Journal du Droit Criminel

Journal du Droit International Privé et de la Jurisprudence Comparée

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Répertoire Pratique de Législation, de Doctrine et de Jurisprudence Dalloz

Recueil Sirey­Devilleneuve

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Revue de l’Action Populaire

Revue des Deux Mondes

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Revue de Droit International et de Législation Comparée

Revue de Droit Pénal et de Criminologie

Revue Internationale de Droit Pénal

Revue Juridique Thémis (Canada)
Revue Pénitentiaire : bulletin de la société générale des prisons

Revue Pénitentiaire et de Droit Pénal

Revue de Science Criminelle et de Droit Pénal

Séances et Travaux de l’Académie des Sciences Morales et Politiques

Semaine Juridique (La)

VI ­ Lexiques juridique et de droit criminel

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GUILLIEN Raymond et VINCENT Jean, Lexique des termes juridiques, 14ème édition, 
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PUECH Marc, Les Grands Arrêts de la Jurisprudence Criminelle, Tome I, Éditions 
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VII ­ Colloques

Actes de la conférence internationale pour l’unification du droit pénal, La Haye, 1935.

Actes du colloque « Guizot, les doctrinaires et la presse 1820 – 1830 », Fondation 
Guizot – Val Richer, 23 et 24 septembre 1993.

Actes du colloque « Surveiller et punir, surveiller ou punir ? : perspectives de la 
peine privative de liberté », Centre de Recherche sur les Droits Fondamentaux, 
Université de Caen, 29 et 30 janvier 2004.

VIII – Jurisprudence

5 juin 1812, Cass. Crim. – Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle
14 août 1812, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

14 décembre 1815, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

23 août 1816, Trib. Corr. – Rec. Sirey­Devilleneuve

8 décembre 1820, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

25 juin 1821, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

24 novembre 1821, Cour des Pairs – Rec. Sirey­Devilleneuve

31 juillet 1823, Cass. Crim. – Bulletin des arrêts de la Chambre criminelle

11 juin 1825, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

10 septembre 1830, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

10 juin 1831, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

22 juillet 1831, Cour roy. de Grenoble – Rec. Sirey­Devilleneuve

29 juin 1832, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

22 septembre 1832, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

28 septembre 1832, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

18 janvier 1833, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

22 février 1833, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

20 avril 1833, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

13 juillet 1833, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

30 août 1833, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

20 décembre 1833, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

5 mai 1834, Cour Roy. d’Orléans – Rec. Sirey­Devilleneuve

13 septembre 1834, Cass. Crim. – Journal du droit criminel

23 juin 1836, Cass. Crim. – Journal du droit criminel

1er septembre 1837, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

5 septembre 1840, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

22 avril 1841, Trib. Civ. de Riom – Rec. Sirey­Devilleneuve

8 mars 1844, Cass. Crim. – Journal du droit criminel

3 juin 1846, Cour d’Assises de la Vendée – Rec. Sirey­Devilleneuve
19 mai 1848, Cass. Civ. – Rec. Sirey­Devilleneuve

3 février 1849, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

17 février 1849, Cass. Crim. – Journal du droit criminel

9 mars 1849, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

7 juin 1849, Cass. Crim. – Journal du droit criminel

13 octobre 1849, Haute Cour de Versailles – Rec. Sirey­Devilleneuve

9 octobre 1851, Cass. Crim. – Dalloz

28 décembre 1855, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

19 novembre 1859, Cour Imp. de Paris – Journal du droit criminel

1er mars 1860, Cour Imp. de Douai – Journal du droit criminel

1er février 1861, Cass. Crim. – Journal du droit criminel

2 janvier 1862, Cour Imp. de Rennes – Rec. Sirey­Devilleneuve

18 décembre 1862, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

18 février 1864, Cass. Crim. – Rec. Sirey­Devilleneuve

8 mai 1891, Cass. Crim. – Dalloz

4 décembre 1967, Cour d’Appel de Paris – Grands arrêts du droit pénal

7 juillet 1978, Conseil d’État ­ Legifrance

IX ­ Lois, ordonnances, décrets et arrêtés :

Arrêtés :

Arrêté du 11 octobre 1793

Arrêté du 5 juin 1820

Arrêté du 10 juin 1820

Arrêtés du 12 février 1849

Arrêté du 3 décembre 1851

Arrêté du 4 décembre 1851
Décrets :

Décret des 10 et 12 mars 1793

Décret du 7 septembre 1793

Décret du 17 septembre 1793

Décret du 28 février 1814

Décrets du 7 mars 1814

Décret du 9 mai 1815

Décrets du 25 février 1848

Décret du 17 avril 1848

Décret du 26 mai 1848

Décrets du 26 juin 1848

Décret du 9 juillet 1848

Décret du 28 juillet 1848

Décret du 7 août 1848

Décret du 11 août 1848

Décret du 8 décembre 1851

Décret du 31 décembre 1851

Décret du 9 janvier 1852

Décret du 22 janvier 1852

Décret du 4 février 1852

Décrets du 25 février 1852

Décret du 9 juillet 1852

Décret du 4 novembre 1870

Lois :

Loi du 29 octobre 1815
Loi du 9 novembre 1815

Loi du 27 décembre 1815

Loi du 12 janvier 1816

Loi du 9 juin 1819

Loi du 17 mai 1819

Loi du 26 mai 1819

Loi du 28 mars 1820

Loi des 17 et 18 mars 1822

Loi du 25 mars 1822

Loi du 25 juin 1824

Loi du 18 juillet 1828

Loi du 31 août 1830

Loi du 8 octobre 1830

Loi du 29 novembre 1830

Loi du 10 décembre 1830

Loi du 12 avril 1831

Loi du 10 avril 1832

Loi du 28 avril 1832

Loi du 15 février 1834

Loi du 10 avril 1834

Loi du 9 septembre 1835

Loi du 7 juin 1848

Loi du 19 juin 1849

Loi des 9 et 11 août 1849

Loi du 8 juin 1850

Loi des 8 et 16 juin 1850

Loi du 5 août 1850

Loi du 27 février 1858
Loi des 13 et 20 mai 1863

Loi des 23 et 30 janvier 1874

Loi du 24 février 1875

Loi du 27 mai 1885

Loi du 26 mars 1891

Loi du 30 novembre 1892

Loi du 15 novembre 1921

Loi du 10 mars 1927

Loi du 31 mars 1928

Loi du 19 juin 1930

Loi du 10 février 1931

Loi du 9 juillet 1934

Ordonnances :

Ordonnance du 7 mars 1815

Ordonnance du 11 mars 1815

Ordonnances du 24 juillet 1815

Ordonnance du 28 juillet 1815

Ordonnance du 9 août 1815

Ordonnance du 5 mai 1816

Ordonnance du 25 juin 1816

Ordonnance du 16 février 1818

Ordonnance du 26 novembre 1819

Ordonnance du 14 février 1820

Ordonnance du 2 avril 1820

Ordonnance du 8 juin 1820

Ordonnance du 20 avril 1821
Ordonnance du 7 décembre 1823

Ordonnance du 21 décembre 1823

Ordonnance du 8 avril 1824

Ordonnance du 2 octobre 1824

Ordonnance du 8 octobre 1824

Ordonnance du 19 mai 1825

Ordonnances du 30 mai 1825

Ordonnance du 4 novembre 1826

Ordonnance du 26 juillet 1830

Ordonnance du 3 août 1830

Ordonnances du 27 août 1830

Ordonnance du 30 août 1830

Ordonnance du 1er septembre 1830

Ordonnance du 7 septembre 1830

Ordonnance du 29 septembre 1830

Ordonnance du 22 octobre 1830

Ordonnance du 29 avril 1831

Ordonnance du 13 mai 1832

Ordonnance du 2 juin 1832

Ordonnances du 7 juin 1832

Ordonnance du 8 mai 1837

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