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4) Les étapes marquantes du service public depuis le dernier tiers du XIXe siècle
À compter du dernier tiers du XIXe siècle, caractérisé par l’arrêt Blanco, où le SP apparaît
dans une acception proprement juridique au sein de la JP, la notion de SP a fait l’expérience
de périodes très différentes, fastes ou de contestation.
a). Première période : l’âge d’or du SP
Du dernier tiers du XIXe siècle à la fin des années 1910, période faste : la notion de SP
se développe et s’enracine dans la JP. Elle est érigée au rang de critère d’application du
DA et de détermination de la compétence de la juridiction administrative. Du reste, le
SP fait l’objet d’une appropriation grandissante de la part des collectivités territoriales.
Au début du XXe siècle, naît le socialisme municipal qui vise le phénomène de
développement de l’interventionnisme économique et social des institutions publiques
locales, en particulier des communes. Les villes vont intervenir de plus en plus dans la vie
socio-économique, en créant une pluralité de SP locaux destinés à satisfaire les besoins de la
population dans un esprit de solidarité (boulangeries municipales, épiceries municipales,
abattoirs municipaux, cabinets médicaux municipaux, etc.) Les communes instituent de tels
SP municipaux afin de pallier des carences quantitatives ou qualitatives de l’initiative
privée. La place du SP connaît alors un formidable essor.
d. Deuxième période : la crise du SP
Du début des années 1920 jusqu’à la veille de la 2GM, première crise du SP, de nature
conceptuelle, théorique. Elle s’explique par deux évolutions majeures qui ont bouleversé, à
plusieurs égards, l’appréhension traditionnelle du SP :
i. éclatement de la notion de SP. Jusqu’au début des années 1920, la notion de SP
revêtait un caractère unique. Les activités de SP étaient déjà nombreuses mais aucune
distinction n’était opérée en fonction de leur nature. Or, par un arrêt TC, 22 janvier
1921, Société commerciale de l’Ouest africain (dit Bac d’Eloka), le TC met fin à cette
unité, en décidant d’opérer une distinction entre deux types de SP : SP administratifs
(Spa), correspondant aux fonctions administratives traditionnelles de la puissance
publique dépourvues de caractère marchand (enseignement, justice, police, etc.) et SP
industriels et commerciaux (Spic), visant les activités marchandes que peuvent vouloir
assurer, sur le marché, les personnes publiques, « dans les mêmes conditions qu’un industriel
ordinaire ». Selon le TC, lorsqu’une personne publique décide d’assurer un Spic, elle
doit être regardée comme un entrepreneur privé et son activité doit être soumise au
droit privé et en cas de contentieux né de l’exercice de cette activité, seuls les tribunaux
judiciaires sont compétents pour connaître du litige. À compter de cette décision, on
assiste à la fin de l’unité de la notion de SP. Dorénavant, deux SP de nature différente
peuvent être accomplis : Spa, soumis au droit public et, au contentieux, au JA ; Spic,
soumis au droit privé et, au contentieux, au JJ ;
ii. reconnaissance de la possibilité, pour une personne privée, de se voir investie, par
voie unilatérale, d’une mission de SP, y compris administrative. Jusqu’à présent,
1) La gestion directe
La gestion directe des services renvoie traditionnellement au procédé de la régie. Néanmoins
la JP du CE considère que doit également être inclus dans ce champ, le mécanisme dit de la
gestion « in house » ou quasi-régie.
a. La régie
La régie représente peut-être le mode le plus naturel de gestion des SP et est le plus intuitif.
La régie consiste en une exploitation directe du SP par la personne publique qui en est
responsable. C'est l'administration elle-même qui va avec ses propres biens, son propre
personnel et ses propres ressources assurer l'exécution du service. Aujourd'hui il existe
deux formes de régie mais il n'en a pas toujours été ainsi.
La première forme de régie, pendant très longtemps été la seule, est la régie simple ou régie
directe. Celle-ci constitue la forme la plus pure de régie. Dans cette hypothèse de la régie
simple, le service qui assure l'exploitation du SP ne dispose de la personnalité juridique
et son budget est intégré à celui de la collectivité publique dont relève le service. Ce
dernier n'a donc pas de budget propre. Le procédé longtemps dominant dans l'administration
française s'applique encore aux grands services publics administratifs traditionnels : défense
nationale, police, justice, finance. Surtout utilisé pour la gestion des Spa, la régie simple peut
être néanmoins également utilisée pour certains Spic tels les héritiers des anciennes
prestigieuses manufactures nationales (imprimerie nationale, mobilier national,
manufactures de Sèvres et des Gobelins, monnaies et médailles, etc.)
À la différence de la régie simple, la régie autonome suppose que le service chargé d'assurer
la gestion du SP, dispose d'une autonomie financière. Le service doit donc posséder une
comptabilité propre et un budget annexe à celui de la collectivité publique responsable
du SP. Cette autonomie budgétaire de la régie autonome peut s'accompagner, mais ce n'est
pas obligatoire, d'une autonomie organique. Le service régisseur peut se voir
reconnaître, par la personne publique responsable, une personnalité juridique propre.
En l'état actuel du droit, le procédé de la régie autonome est exclusivement réservé aux CT
pour les services publics locaux. Le rattachement de la régie autonome au système de la
régie a été expressément consacré par CE, 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence qui
affirme que « lorsqu'elles sont responsables d'un SP, des collectivités publiques peuvent aussi décider d'en
assurer directement la gestion ; qu'elles peuvent, à cette fin, le gérer en simple régie, ou encore, s'il s'agit de
collectivités territoriales, dans le cadre d'une régie à laquelle elles ont conféré une autonomie financière et,
le cas échéant, une personnalité juridique propre. »
Depuis plusieurs années un certain nombre de communes se sont engagées dans un
Droit des services publics – Master 1 – 2017/2018 - Page 32 sur 86
mouvement de reprise en régie de certains Spic dans un mouvement d'internalisation pour
des raisons diverses de nature économique et politique notamment. La gestion du service
public d'eau potable fournit une illustration significative de ce mouvement, en particulier à
Paris. La distribution de l'eau et de l'assainissement est une compétence reconnue par la loi
aux communes, lesquelles disposent de la liberté de choisir le mode de gestion qui leur paraît
le mieux approprié. Actuellement la gestion déléguée est majoritaire. Plus de 55% des
communes, représentant les 3/4 des usagers en ce qui concerne la distribution et une petite
moitié des usagers s'agissant de l’assainissement, ont choisi un système de délégation du SP
(85% sont des affermages, le reste des concessions classiques). Deux grands groupes (Veolia
successeur de la Compagnie générale des eaux dont les premiers contrats remontent au début
du XIXe siècle et Suez successeur de la Lyonnaise des eaux) se partagent ce marché très
juteux. En 2010, le syndicat des eaux d’IDF a attribué à Veolia eau la concession de la
distribution de l'eau dans les 149 communes, pour douze ans, l'un des contrats de concession
le plus important jamais négocié pour 4,5 millions d'usagers. Si la qualité technique des
services rendus par les grands groupes n'est pas contestée, leur quasi-monopole et la hausse
injustifiée du prix de l'eau et le caractère marchand de la gestion sont à l'origine de vives
critiques. Plusieurs municipalités ont exigé des renégociations de contrat et des restitutions
financières. D'autres ont décidé de reprendre en interne la gestion du SP, par exemple depuis
2010 la ville de Paris n'a pas renouvelé son contrat avec des deux groupes et gère son service
de eaux par une régie municipale autonome Eau de Paris (une ancienne société d'économie
mixte locale transformée en régie).
Dans une hypothèse de reprise d'une activité de SP en régie par une personne publique
après qu'une personne privée en ait assuré la gestion se pose notamment la question du
sort des contrats de travail liant les employés et l'employeur. Aux termes de l'article
L1224-1 du Code du travail, anciennement article L122-12, « Lorsque survient une modification
dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du
fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification
subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. » Dans TC, 15 mars 1999, Pristupa,
lorsqu'une commune reprend en régie l'exploitation d'un Spic antérieurement affermé ou
concédé à une société privée, elle doit pour la poursuite de l'exploitation de ce service, être
considérée comme un nouvel employeur au sens de l'article L1224-1 du Code du travail donc
est tenue de respecter les contrats de travail en cours, même pour les emplois de direction.
b. La quasi régie
Dans CE, 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence, « quasi régie » ou « gestion in house »
est rangée parmi les modes de gestion directe d’un SP. Selon le CE, la quasi régie vise
l’hypothèse dans laquelle des personnes publiques créent « un organisme dont l’objet
statutaire exclusif est, sous réserve d’une diversification purement accessoire, de gérer le SP et
si elles exercent, sur cet organisme, un contrôle comparable à celui qu’elles exercent sur leurs
propres services, leur donnant, notamment, les moyens de s’assurer du strict respect de son objet
statutaire. »
Ce nouveau mécanisme consiste pour les collectivités publiques à créer une structure
juridique autonome, dotée de la personnalité juridique, dédiée à l’accomplissement d’une
mission de SP et sur laquelle elles exercent un fort contrôle équivalant, dans son
intensité, à celui qu’elle exerce sur leurs propres services internes. L’intérêt d’un tel mode
de gestion du SP est que la dévolution du SP à gérer, opérée par la personne publique
responsable du service au profit de l’organisme ad hoc, échappe à l’application des règles
de la commande publique, cf. CE, 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence affirmant que
« Cet organisme doit être regardé comme n’étant pas un opérateur auquel les collectivités publiques ne
pourraient faire appel qu’en concluant un contrat de délégation de SP ou un marché public de service. »
donc n’est pas considéré comme un opérateur économique intervenant sur le marché. Cette
2) La gestion déléguée
La pratique consistant, pour une personne publique responsable d’un SP, à déléguer la
gestion de ce service à une autre personne n’est pas récente. On trouve des traces de la
gestion déléguée, notamment sous la forme de concession, dès l’Ancien régime.
Contrairement à la gestion directe, la personne publique responsable du service en cause
assume le service mais ne l’assure pas. Elle garde la responsabilité et la maîtrise du service
mais elle ne procède pas elle-même à son accomplissement. CE, 2007, Commune d’Aix-en-
Provence brosse un tableau des modes de gestion possibles des SP, rappelant que « lorsque
les collectivités publiques sont responsables d’un SP, elles peuvent, dès lors que la nature de ce service n’y
fait pas par elle-même obstacle, décider de confier sa gestion à un tiers. »
Il y a gestion déléguée lorsque la personne publique responsable d’un SP confie la gestion de
celui-ci à un tiers authentique, c’est-à-dire à un organisme doté de la personnalité juridique,
qui ne saurait être assimilé ni à une régie autonome ni à un organisme in house. Le tiers qui
se voit ainsi déléguer la gestion d’un SP peut être soit un organisme public (S1), soit un
organisme privé (S2).
a. La gestion déléguée à un organisme public
La gestion d‘un SP déléguée à un organisme public, juridiquement distinct de la personne
publique responsable du service, est courante. Trois catégories principales d’organismes
publics sont susceptibles de gérer, par délégation, un SP : EP (§1) ; personnes publiques sui
generis (§2) ; entreprises publiques (§3).
a). Les EP
Ils représentent la forme la plus répandue d’organismes publics gérant, par délégation, une
activité de SP. Selon Maurice Hauriou, les EP se définissent comme des « SP personnifiés ».
Cette formule fait la preuve de ce que, en principe, ils sont créés aux fins de gérer une
mission de SP. Ils peuvent être rapprochés, nonobstant des caractéristiques propres, de
certaines structures similaires existant à l’étranger telles que l’independent public board au
Royaume-Uni, l’ente pubblico en Italie, l’Anstalt en Allemagne ou les célèbres agencies aux ÉU.
Les EP ne doivent pas être confondus avec les établissements d’utilité publique ou reconnus
d’utilité publique, dont le statut est de droit privé. La distinction entre ces établissements et
les EP fut établie au XIXe siècle, à propos des caisses d’épargne créées dans un but d’utilité