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L’abbé, Le Fou.
L’Abbé : Frère Fou, je vais oublier que je sers Dieu, un instant,
et vous dire, que, depuis (il se met à crier) QUE VOUS ETES ICI,
VOUS SEMEZ LA MERDE PARTOUT.
Frère Fou : Mais, M’sieur.
L’Abbé : Et je suis le père l’Abbé, pas « M’sieur ». Compris ?
Si, au moins, vous agissiez comme un moine. Mais vous buvez du vin,
vous dormez tout le temps, vous faites des sacrilèges sur mon autel,
vous cassez tout, vous ne savez pas prier ; quoi ? Oui, quoi ? Hein…
Frère Fou : …. ?! (air penaud)
L’Abbé : Prendrez-vous de meilleures résolutions, idées, etc…
serez-vous plus pieux ?
Frère Fou : Par Saint-Judas, je jure…
L’Abbé : Judas n’est pas saint, et jésus a dit : « Tu ne jureras
pas »…
Frère Fou : … d’être comme lui, sincère, pieux, loyal, juste,
et… ah oui, je me souviens… d’aimer les landilles (il veut dire
lentilles).
L’Abbé : C’en est trop. Retourne chez toi.
Ainsi finit la vie de moine du Fou.
Mais mère Le Fou, contrairement à son mari, ne voulait pas le
laisser retourner à l’asile et résolut de lui apprendre un nouveau
métier. Restant dans la voie chrétienne, elle énuméra… Pape, non.
Moine, non. Evêque, non. Archevêque, non. Curé, décidément non.
Enfant de chœur ? Pas de scandale, donc, non. Que restait-il ?
Elle trouva. Sonneur de cloches. Craignant de retourner au
monastère des Gustaviens-Onésimiens, elle préféra aller à une église
des environs. Elle avait le choix, Madame Le Fou, pour placer son fils
sonneur de cloches ! Que choisirait-elle entre les six villages les plus
proches ? Richepin le Lieu, Marigné sous Bois, Villepreux la
Bayonne, Racinard en Millard, Ossatière du Villon, Crouy-en-Thelle ?
A Marigné.
Le Curé, Le Fou, la mère.
ENCORE UN METIER.
En rentrant chez lui avec sa mère (en revenant du « coup » des
filles et de l’eau bénite) le père demanda :
- Pourquoi es-tu si triste ?
Madame Fou : Un peu plus, il était excommunié ! Il a refait le
« coup » des filles, et…
Monsieur Fou : Excommunié. Ooooh. Quelle horreur.
Madame Fou : N’aie crainte : je lui ai trouvé un métier… (elle
respire)… Un métier… à…
Monsieur : A… ?
Madame Fou : A … (elle éclate en sanglots)… à Ripatouille du
Sanglier.
Les cheveux de Monsieur Fou se hérissent, et, machinalement,
il répète : A… à… Ri… Ripatouille du Sanglier…
Mais je doute que les lecteurs connaissent cette ville… Cette
ville est un petit village isolé qui comprend un couvent, une mairie, et
une maison de paysans…
Monsieur Fou : Mais… le travail… tu n’aurais pas pu le
trouver… autre part ?
Madame Fou, d’une voix qu’on peut comparer à celle d’une
grand-mère gâteuse, dit :
- Ses actes, et le coup de l’autel, n’ont guère arrangé sa
réputation… mais, à Ripatouille du Sanglier, on l’accepte… balayeur
de la mairie… Ah… quand je pense à ma très illustre, la « clarissima »
Marie de Vivières de Poisson… ah, on peut dire qu’elle a commis
autant « d’actes » que notre petit.
Le Fou :
- Et il y a un couvent, tu dis… mmmmhh. Quelles soirées
agréables…
Monsieur Et Madame Le Fou se regardent, puis…
- Le couvent… OOOOOOOH. Qu… que…
- Le couvent… que faire ?
- Prévenir ???
- Quoi ? Qui ? Comment ? Quand ?
- Le laisser ?
- Protéger les ?
- Ne pas l’envoyer ?
- Alors, le métier ?
- LE CASTRER, s’écria soudain le père…
- Le castrer ? Je ne sais…
- Les religieuses ?…
- Les castrer…
- Un vétérinaire…
- Situation délicate…
- Faut prier. Y a que ce moyen…
- Pas suffisant.
- Ben… ??…
- Quoi, alors ?
- Castrer… mais oui… castrer les religieuses…
- Le Bon Dieu nous punirait…
- Merde, alors. Que faire ? Trouve, quoi ?
- J’sais point, moi.
- Faudrait p’têt ben pas l’y mettre, à la mairie…
- Mais…
- J’sais… y faut faire un procès… nouvelle loi « Il est
interdit de laisser des femmes non castrées à vingt lieues à
la ronde, là »…
- Non.
- Ecoute. Il faut…
- J’ai mieux… écoute… est-ce qu’elles en auront du mal,
d’avoir des gosses, ces bonnes femmes ?
- Du… « mal », non, mais…
- Ce dialogue se poursuit, puis :
- Tu as raison… d’accord, il ira, et, à Dieu vat !
Le lendemain, le Fou partait pour Ripatouille…
- Au revoir, Pppa ; au r’voir, M’man.
- Au revoir. Sois propre…
- Oui…
Après quelques heures de marche, il parvient à la mairie de
Ripatouille.
- B’jour, M’sieur, s’écria-t-il, apercevant un homme.
- Savez-vous à qui vous parlez, jeune homme ?
- Non, M’sieur…
- Au maire de Ripatouille du Sanglier, commune de cent
habitants…
- Et les habitantes ?
- Je les compte dans les cent…
- Bien. Donnez-moi un balai, et…
- Ah, vous êtes le petit… Le Fou ?
- Oui.
- Eh bien, allez voir mon adjoint, il vous donnera votre
travail…
- Comment va-t-on au couvent ?
- Par là, mais… pourquoi ?
- Pour peupler mes soirées…
- Euh… oui… ?!?!?!
Le Fou va à la mairie, et trouve l’adjoint du Maire…
- Jour, M’sieur, m’donnez-vous un balai, pour.
- Qui êtes-vous ?
- Le Fou.
- Ah, le balayeur… t’as pas l’air doué… bah, pour balayer…
enfin, je parle, je parle… Tu commenceras à travailler
demain…
- Quoi qu’c’est-y-pas, comme boulot ?
- Balayer la mairie… le couloir, le bureau des…
- Oui, je vois… Aujourd’hui, j’ai congé ?
L’adjoint : Oui.
- Bien. Merci, monsieur l’djointte.
- L’adjoint.
- Merci, M’sieur Lidjante.
- Enfin… va à ta chambre… Et (très vite)…
- Et… ?
- Et…
- Et… ?
- Et…
- Et… ?
- Puis-je donc parler ?…
- « Faisez donc »…
- Faites donc, mon petit…
- Dites toujours c’que vous avez à dire, puis…
- Je voulais dire que…
- Que ?
- Oui… que…
- Non ? que…
- Que…
- Que ?
- Laisse-moi parler.
- Oui.
- Bien.
- Je ne suis pas « l’djointte », mais l’adjoint, aussi…
- Oui. Au revoir, M’sieur « l’odjintte ».
- (air excédé) Va à ta chambre. File. (Il avale un tube
d’aspirine). Fou ! Il me rendra fou !
(Le Maire entre).
- Voyons, Monsieur Saccappus, qu’avez-vous ?
LE PROCES.
Accusé : Monsieur Saccappus, adjoint-Maire de Ripatouille du
Sanglier.
Accusant(e) : Abbesse de Ripatouille du Sanglier, Mère
Soviétte.
Le juge : Monsieur le Maire de Ripatouille.
Avocat de Monsieur Saccappus : le sien, Maître Jean-Ri Gaule.
Avocat de Mère Soviette : le sien, Maître Pierre-Alain
Vieillard.
Les jurés : cinq brigadiers, Monsieur et Madame Le Fou. Le
Fou. Un autre.
Le bourreau, toujours prêt à faire son office : c’est le chapelain
du village d’à côté…
Le juge : Je déclare l’audience ouverte. Accusé Saccappus, je
vous accuse…
Avocat de Saccappus : Fausse accusation… Car, comme le
dit…
Le juge : Silence, ou je fais évacuer la salle… Bien. Accusé
Saccappus, je vous accuse, d’…
Le bourreau : Au nom de notre père à…
Le juge : Monsieur le Cur… le bourreau, je…
Le Cur… (euh, non, le bourreau) : Bien. J’ai compris. Je ne
dirai plus un mot. Mais dépêchez. J’ai une messe à donner.
Le juge :
- Bon. Accusé Saccappus, je vous accuse d’avoir fait, sous
l’habit de Dieu, des enfants à des religieuses. Qu’avez-vous
à dire pour votre défense ?
Monsieur Saccappus :
- Je suis innocent. On a introduit ces objets dans ma pièce.
Je n’ai rien d’autre à dire. Rien.
L’avocat de l’Abbesse : Vous voyez : il nie… Il est coupable.
A mort.
L’auditoire : A mort. A mort.
Le juge : Silence (le silence se rétablit). Maître Vieillard,
parlez…
Maître Vieillard : J’accuse cet homme, impie, et indécent,
d’avoir porté offense à des religieuses pieuses, pures, et
saintes. Saintes, oui. Mais pas enceintes. Saintes, seulement.
Cet acte est une lâche impureté, une…
Le juge : Bien. L’accusé n’ayant pu se défendre, n’ayant pas
d’alibi, je…
Monsieur Saccappus : Je fais appel. Je suis innocent.
Le juge, à l’huissier : Vous pouvez évacuer la salle. (Au curé)
Vous, allez donner votre messe.
Le Bourreau : Amen.
L’APPEL.
Le juge : Accusé Saccappus, une nouvelle fois, qu’avez-vous à
dire pour votre défense ?
L’avocat de Monsieur Saccappus : Il a à dire, sauf votre
honneur, qu’il est innocent, et qu’il n’a rien à faire ici, sinon de répéter
« je suis innocent » et « ce n’est pas moi qui ai mis le bourdon, la
Bible, et le reste dans ma chambre ».
Monsieur Saccappus : Je peux aussi dire que, une fois mon…
coup fait…
L’avocat de l’abbesse : Il avoue… il avoue…
Monsieur Saccappus : Non… je continue… une fois mon coup
(prétendu) fait, et démasqué, pourquoi aurais-je mis les affaires du
crime…
L’abbesse (souriante, voix approbatrice, et insinuante) :
Aaaaah… tu as donc fait un « crime » ????
Le juge : Laissez l’accusé parler, mère…
Monsieur Saccappus : Merci. Donc, une fois mon « prétendu
crime » fait, j’aurais eu intérêt à me débarrasser de mes affaires… Or,
si l’on s’en réfère à ce que le bourdon, et le reste, était dans ma
chambre… (Puis, après un moment) Donc, plutôt, il se pourrait…
L’abbesse : Vous voyez : il en doute…
Monsieur Saccappus : …. Il se pourrait que ce quelqu’un les
ait introduites, ces affaires, et…
Monsieur Le Fou : Suffit. Il divague. Cet homme est fou… il
va nous accuser, comme je le vois. Enfin, nous avons assez de
preuves. Il FAUT venger les pauvres religieuses. Enfin, Messieurs…
c’est lui, il n’y a aucun doute…
Le juge : Suffit. Messieurs les jurés, délibérez.
Les jurés partent, puis reviennent. Voici, exactement, comment
cela se passa dans la chambre où ils se retirèrent.
Monsieur Le Fou : J’ai décidé. Il est coupable, et odieusement.
Madame Le Fou : Itou pour moi.
Le Fou : Idem pour moi.
Les autres jurés : Il paraît sincère… peut-être une demande…
Les autres : Non. Il est innocent.
Le juré : Bien. Croyez ce que vous voulez. IL EST
INNOCENT.
Ils reviennent dans la salle du jugement.
Les jurés (quatre d’eux) : Il est innocent.
Monsieur, Madame, et Fils Le Fou, un juré : Il est coupable.
Un juré : Votre honneur, il ne me paraît pas innocent, mais dire
qu’il est coupable, ce…
Le juge : Innocent, ou coupable ?
- Eh bien, à choisir, coupable.
Le juge : Le jury a délibéré : l’accusé est déclaré coupable.
Bourreau, fais ton office.
Le bourreau : Ah, mon office religieux, c’était…
Le juge : Pends-le.
Le bourreau le pend, puis il enlève son habit de bourreau,
s’habille en curé, et :
- Meurs en paix, repose ton âme, je te donne l’absolution, et
tout le patati…
Puis, tranquille, il va faire une messe.
Les Le Fou préférèrent reprendre leur fils.
Le matin, les parents décidèrent d’apprendre un métier à leur
fils…
- Ni moine, ni balayeur, mais il faut trouver.
- … un métier…
- …propre…
- sans femmes…
- …ni religieuses…
- …pas castrées…
- Oui…
- Mais…
- Quoi ?
- Ben…
- C’est-à-dire…
- Que…
- Je…
- Tu…
- Je…
- Tu ?
- Mais silence. Et n’ouvre plus la bouche, avant que je te le
permette.
- Oui.
- Voilà. Il faudrait lui apprendre un métier… Tu es
d’accord ?
- …
- Tu es d’accord ?
- …
- Mais parle… Enfin, vas-tu parler ? Alors, parle… (voix
tonitruante, forte, etc.)
- Je ne peux pas parler avant que tu me le permettes (air
dédaigneux et moqueur). J’attends ta permission.
- Enfiiin… tout ce qu’on voit… Bah… allez, je te donne la
permission de parler.
- Oui, je suis d’accord, pour répondre à ta question.
- Bien. Je continue. Il lui faudrait un métier.. ; sans
femmes… Que penses-tu de… forçat… ? Pas bête…
Hein ?
- Oui, c’est le métier idéal… sans femmes… sans risque
d’en voir… oui…
- Mais… comment devenir forçat ?
- C’est simple… on va casser la vitrine d’un bijoutier, et on
laisse un bout de papier avec : « Bijouterie. Le Fou ».
- Tu oublies une chose : c’est que nous sommes responsables
de lui, et que…
- Vache…
- Ah. On ne peut même plus aller en prison… je me souviens
de ma grand-mère, Marie de Vivières de Poisson, dite
« cachesaixe », elle était allée avec son fils, mon frère,
Pipitte de Bruxelles, en Corse. Comme ils n’avaient plus de
place, dans la ville « où qu’y zétaient », dans les hôtels, ils
ont demandé aux Carabinieri (c’est cô ça qu’ça qu’on dit la
police, en c’bled-là, d’les foutre en prison, pour dormir une
nuit. Eh ben, ces vaches-là, elles ont presque dit « merde »,
et puis, ces vaches-là, elles ont foutu un coup de pied au
cul à Pipitte de Bruxelles, et à Marie, et puis, ils sont partis
se coucher dans les égouts : faut êt’e vache, dis… Même
que, après, Marie de Vivières de Poisson, qu’était pou’tant
tout feu tout flamme, pour les Carabinieri, eh ben, elle l’a
plus été. Pas étonnant. C’est sa devise : « Tout feu, tout
flamme, mais… pas longtemps ».
[Commentaires (2008) : cet épisode s’inspirait
lointainement de faits que je venais de vivre, en 1969 (date de
rédaction de ce texte), en Italie ].
- …….. roi.
- Ecrase.
- Au lieu de m’insulter, tu pourrais trouver un métier à ton
fils.
- Ah, Marie de Vivières de Poisson, mon illustre grand-
mère, elle me l’avait bien dit, que je ne devais pas épouser
un…
- Du calme. C’est toi qui as commencé, non, à me dire,
comme à un chien : « Monsieur » ?
- Eh bien… Monsieur voulait que je dise « Monseigneur »,
« Sire », « Sa Majesté », « Sa grandeur », non ?
- Je voulais que tu dises : « chéri », « mon roucoucou »,
« ma culotte amoureuse », mon « colibri », et…
- Ah, suffit !
- Je t’ordonne…
- Tu n’as…
- Silence.
- De quoi ?
- Je vais te ti…
- Des menaces ?
- Goujate.
- Goujat.
- Voyou.
- Voyelle.
- Oh, que c’est drôle.
- ‘spèce de…
- Tire la chasse d’eau, et…
- Mamma mia, comme disait mon grand-père, l’illustre
docteur René Rihouette.
Manuscrit.
« DIVERS ». « MON FILS ».
Préface.
Dans ce bouqu « ain », je vais, par la foi de ma grand-mère,
vous raconter comment qu’c’est qu’mon fils, il a fait certaines
choses…
Chapitre 1.
Voyez-vous, M’sieurs Dames, un jour, un bonhomme, même
qu’il est professeur, directeur, et tout et tout (un savant, quoi) y est
venu ici, pour me voir, car comme y passait par là, y s’est dit : J’vas
aller les fricoter, un peu. Et c’type, y joue du violon, mais faux, faux,
qu’on croirait entendre une dame de ma connaissance, Eglantine
Legranus. E’ ben, j’dis à mon fils : « C’type-là, y joue tellement faux,
qu’au moment où qu’c’est qu’y joue, on s’dirait qu’il y a tous les chats
du monde, y miaulent, à la fois ». L’prof, là, y dit : « J’vas vous jouer
un air ». Alors mon fils, voilà qu’y dit : « maman, elle dit qu’vous
jouez faux, comme tous les chats du monde, j’vas t’y voir si c’est
véritablement la vraie vérité.
Et puis, j’vas vous raconter, comme qu’c’est qu’mon fils, il a
fait un gosse à sa sœur, avant qu’elle soit née… Vous savez, le 4 juin,
y a ben du temps, maintenant, j’l’ai eu, c’gosse, et y l’était jumeau,
avec une fille. Ben, quand elle est née, la fille, elle avait l’ventre gros,
et ben, elle avait un bébé dans le ventre… faut pas demander…
Et py, j’vas vous raconter, comment qu’c’est qu’ce petit, à huit
ans, il savait raconter çâ qu’il avait vu. Quand j’la repris de l’asile, y
m’dit : « C’est marrant, à l’asile y a des gars, y zont des converses
marrantes ». Y m’a dit, aussi : « J’vas te raconter une dialoguette » (un
dialogue). Et y s’met à m’dire : « Y avait deux gars, et y parlaient
comme ça ».
- Ah, ah, ah.
- Oh, oh, oh.
- Ih, ih, ih.
- Raa.
- Aaaaaaah, aaaaaaah, aaaaah, je meurs.
- Hihihi.
- Crétin.
- Ploutch.
- Blub.
Et alors, y m’dit : « C’est pas drôle, non ? Aaaaah, aaaaaah,
aaaah ». Eh ben, moi, j’pige rien. Et vous ?…
Et puis, un autre jour, y m’dit :
- J’peux vâr les albums de photosses ?
- Oui, mais fais attention.
Puis, peu après, je regarde ce qu’il faisait : il gommait les
photos.
- T’es pas toc ? que je lui dis.
- Mais, M’man, j’regarde ce qu’il y a en d’ssous.
Et puis, un jour, y s’enferme dans sa chambre, et il y reste
toute la journée… et y fait ça tout le temps… A la fin, on va voir
c’qu’y fait… Devinez… Hein ? Eh ben, moi, j’pige point, encore… Il
découpait des petits bouts de papier, et, sur chacun d’entre eux, il
faisait un petit signe… A côté de lui, il avait mis des photos de filles,
et j’ai reconnu la fille du boucher, Rolandine Bistèquaille. Par terre, il
y avait un œuf pondu depuis trois semaines. Et il criait : « Ah, ah, ah,
ah, ah, ah ». Moi, j’dis : « Eh, fils, t’es maboul ? »
- Je prépare un filtre d’amour, y m’répond…
- Au fou, au fou ! qu’j’crie…
Alors, mon homme, il arrive, et y dit :
- Un filtre… Un filtre… Au fou.
Et il a crié : Abracadabra, petit dragon rouge, petit capuchon.
J’ai fait une réflexion : « Aussi fou qu’son fils, cet homme-
là ».
Maint’nant, encore une chose sur la voisine. Elle m’a raconté,
vous savez, un jour, une histoire. Son grand-père (à elle), il était
conventionnel. Il s’nommait le docteur Luvivier. Eh ben, il aurait
divorcé, si sa femme, elle avait point demandé la permission des se
coucher, d’écrire, de respirer, y paraît que tout, elle d’vait d’mander.
Et py, c’qui est drolatique, c’est qu’un jour, elle a dit :
- J’demande la permission de demander la permission.
- Accordé, il lui répond.
- Merci. Je demande la permission de… divorcer.
- Non accordé.
Pas drôle ??
Chapitre 1.
Chapitre 2.
« Je suis, maintenant, par la parole de notre chef, le célèbre, et
l’illustre général Vazydonque-toiemême, assuré de vivre.
Mourons ! »
Le caporal, à quelques doigts de la mort, prononçait ces
paroles, et un vieux sergent cria : « Qu’y-z-y viennent, et… »
A partir de là, le temps perdit, sépara le roman – mieux que
celui de Madame Fou, mais… ne lui dites pas ! – de Monsieur
Le Fou, et nous ne saurons jamais la suite des paroles du vieux
sergent.
Madame le Fou :
- Hum ! Je n’ai pas tellement envie d’y aller…
Monsieur Le Fou :
- Pourquoi ?
Madame Le Fou :
- Ben… Il y a… des vaches…
Monsieur Le Fou :
- Et alors ?
Madame Le Fou :
- Il y a aussi… des v… vachers ?
Monsieur le fou :
- Sans doute ! Et… ils te font peur ?
Madame le Fou :
- Oui… à Maillan, ils n’ont pas été corrects.
Monsieur Le Fou :
- Avec… toi ?
- Oui.
- Tu m’avais dit que tu t’étais amusée. Alors ? Allons ! nous
irons à Franye !
Madame Le Fou :
- Bien.
Ils partirent, et arrivèrent à Franye.
Arrivés à la ferme, ils vont se coucher… Mais, le matin, ils
s’aperçoivent qu’il y a des insectes partout ; dans les tiroirs, dans les
bouteilles, sous les meubles, dans les casseroles, dans l’évier, etc., et,
qui plus est, qu’il y a des rats, des chauve-souris, des punaises, des
cloportes, des cafards, etc.
- Il faut chercher des gens !
- Oui.
- Reste là, je vais chercher les vachers…
Les vachers arrivés, une conversation s’engage…
- Qu’est-ce que vous voudriez qu’on fasse ? Vite, hein !
Nous, on a nos vaches à rentrer !
- Tuez ces insectes, répond Monsieur Le Fou.
- Dans le jardin ?
- Non… Dans la maison.
- Eh ben ! Louis, t’entends ça… dans la ferme à Grémillot-
Padette ! Ah, ah, ah ! Vous êtes point au courant,
monsieur ?…
- Non… non…
- Eh ben, Mon Sieur, c’te ferme, elle appartenait à une
vieille bigote, qu’elle s’nommait Marrionne Grémillot-
Padette. Eh bien, c’te bigote, elle était sorcière ! Et ces
insectes, elle les élevait. Moi, j’veux point les tuer, car
j’veux point entrer dans la maison de Padette ! Si on y
entre, y a un mauvais sort. Mais… dites… vous m’aviez dit
que vous aviez un gosse, puis une vache… euh… une
femme… J’vois le gosse, mais… où est la v… euh, la
femme ?
- Ma femme ? Ah, elle est cachée, sous l’arbre là-bas. Oh !
Florentine-Olivia ! Viens !
- Pou’quoi la vache… euh… la femme du Monsieur, ell’ se
cache ?
- Euh… pour rien.
- Mais… savez-vous être jolie, jolie vache ? Hé, Louis, va
chercher les autres.
LE JOUR DU CONCOURS.
- Mesdames les vaches au départ.
Puis…
- Je fais l’appel. Vache 1 !…
- Présente ! répond son propriétaire.
- Vache 2 !…
- Présente, répond son propriétaire.
- Vache 3 !…
- …
- Vache 3 !…
Dans l’assemblée, les vachers :
- Madame Le Fou, allez-y.
- Je ne suis pas une vache.
- Ici, c’est pareil. Déshabillez-vous, et allez-y.
Sous la menace, Madame Le Fou obtempère…
L’assemblée :
- Une femme-vache !
Puis :
- Une dernière fois, vache 3 !…
- Présente !
- Le concours est commencé ! Bien ! Epreuve 1 : les
propriétaires sont priés de traire leur vache ; la vache qui
aura donné le meilleur vin sera déclarée gagnante. Euh…
pardon, le meilleur lait… Du vin, c’est moi qui viens d’en
boire… Allez ! Et que le meilleur gagne !
Peu après :
- Les concurrents sont priés de regagner leurs places…
Puis :
- Le jury, ayant délibéré, déclare vainqueur la vache de
l’heureux Aristote-Jean Platonne, qui a donné cinq litres de
vin… euh, de lait… La deuxième, ayant donné trois litres de
v… de lait, bat le record des vaches de 59 kilos. Quant à la
femme vache, elle n’a rien donné. Classement : 1) Vache
Roussette. 57 kilos. Aristote Jean Platonne. 2) Vache Bébelle.
58 kilos. Onésime Chapeau-Bas. 3) Femme-vache Le Fou. 80
kilos. Marcel Etienne, Gros Jean, Louis. Bien. Demain, la
deuxième épreuve…
Le lendemain…
- Deuxième épreuve. Je fais l’appel. Vache 1 !
- Présente !
- Vache 2 !
- Présente !
- Vache 3 !
- Présente !
- Bien. Que tous les assistants prennent des lassos, à part les
propriétaires, et qu’ils attrapent les vaches. Celle qui
résistera mieux sera première, et ainsi de suite…
Et à la fin de la deuxième épreuve :
- RESULTATS : première, la vache d’Aristote Jean
Platonne ; elle a résisté vingt minutes. Deuxième, la vache
d’Onésime Chapeau-Bas ; elle résiste trois minutes.
Troisième, la vache femme. Elle, n’a pas résisté. Bien !
Demain, la troisième épreuve (et dernière). Ouf, c’est fini.
Eh, aubergiste !!!! Prépare-moi trois bouteilles de vin. Du
gros rouge !
- D’accord, Monsieur. Sur votre note ? demanda
l’aubergiste.
- Comme d’habitude, Léon !
La troisième épreuve.
Madame Le Fou :
- Mon fils, faire du théâtre ! Miracle ! Bénédiction ! Mon fils
va faire du théâtre ! Tralalala !
Elle va à la mairie.
- Bonjour, Monsieur.
- Bonjour, Madame… C’est à quel sujet ?
- A propos du théâtre, là… J’aimerais inscrire…
- (voix stridente et horrifiée) Votre fils ? Non, hein ?
- Mon fils, en effet.
- Mais, si… vous savez… le sujet… il…
- Il est doué pour ce sujet, et je l’inscrirai !
- Mais…
- Pas de mais !
- Et… si…
- Pas de si !
- Bien, Madame…
Tout le monde savait bientôt, avec horreur, que le petit Le Fou
participait au concours, sujet : l’amour à travers les âges. Aussi, dans
les foyers… Chez les Leplat…
Gargousette Leplat : - Ma fille, n’y va pas !
Balouchiste Leplat : - Oui, je te l’interdis.
Sinonimette Leplat : - Mes parents, pourquoi ?
Balouchiste Leplat : - Tu veux que je te dise qui est le petit Le Fou ?
LE CONCOURS.
Tous les concurrents ayant déclaré forfait, sauf le petit Le Fou, je me
vois dans l’obligation de lui décerner le premier prix ; je le regrette,
croyez-le ! Voici votre prix, mon garçon.
- M’sieur !
- … Oui ?…
- Je veux vous parler de l’amour à travers les âges !
- Hélas ! Parlez !…
- Il me faut un sujet.
- Un… sujet ?
- Pour la démonstration.
- Nous nous passerons de démonstrations.
- Bon. Voici mon discours sur le sujet. « L’amour. Quel
beau sujet ! L’amour est une chose. Une chose… belle.
Personne n’y résiste. Voici des exemples… Rhéa Silvia !
La vestale, fille de Numitor, et mère de Romulus et Rémus.
Amulius, frère de Numitor, fit Rhéa Silvia vestale, sous
prétexte de lui donner une haute distinction. Comme le dit
Tite-Live : « Mais il fallait, ce me semble, que les Dieux
intervinssent dans la fondation d’une si grande ville et
d’un Empire qui devait être le premier après l’Empire du
ciel. Cette vestale, victime d’un outrage, met au monde
deux jumeaux ; et, soit qu’elle voulût avoir moins à rougir
de sa faute, soit qu’elle le crût (comme on croit des
choses…), elle désigne Mars comme père de ses enfants ».
J’espère avoir mérité mon prix.
- Vous le méritez, si, si ! Ouf !
LA PREMIERE LECON.
- Bonjour, Monsieur.
- Bonjour, mon petit. Allons, commençons… Voici le
violoncelle que je vous prête ; en prendrez-vous soin ?
- Oui, monsieur, je coucherai avec !
- … hum hum ! Commençons. Voici comment on tient cet
instrument. Oui, entre les deux jambes. Mais… ? Pourquoi
le frottez-vous ainsi ?
- Il est un peu grand pour moi, alors je jouerai sur ses bébés.
- Bonne blague ! répond le professeur, qui n’a rien compris.
Allons-y. L’archet se tient ainsi. Oui. En violoncelle, il y a
des positions. Nous allons apprendre celle-ci… Là ! Fa,
sol, la, si, et do.
- Que dites-vous, M’sieur ?
- … Fa, sol, la, si, et do… Ce sont les notes de cette position.
- Les potes ?
- Vous ne savez pas vos notes ?
- Lesquelles ?
- Les notes.
- Oui, M’sieur le professeur, les potes, ce sont des noms de
poissons ? Oui, une sole, etc. Je vois. Continuons.
- Oui, mais… connaissez-vous vos notes ?
- Cela dépend desquelles…
- De toutes…
- Mais… ? Combien y en a-t-il ?
- Mais… sept.
- Il y a : la sole, et…
- Il y a donc la, sol ; et puis ?
- Je ne sais pas.
- Ecoutez, savez-vous vos notes ? (voix excédée, impérative,
et rapide).
- Lesquelles ?
- Toutes, enfin…
- C’est-à-dire ?… Les noms de poissons ? Et des potes ?
- Que racontez-vous ? Voyons, mon petit… ?!
- Je répète ce que vous dites…
- Je n’ai jamais dit cela. C’est un tissu de mensonges !
- Si ! Vous avez dit la sole !
- Oui : la, sol.
- Oui, monsieur : il y a aussi une sole dorée…
- Bien, mon petit : la, sol, do, ré. Nous reverrons cela la
prochaine fois. Au revoir.
LA DEUXIEME LECON.
- Bonjour, mon petit.
- Bonjour, Monsieur.
- Oui… Commençons. Savez-vous vos notes ?
- Mes potes ? Oui… La sole dorée.
- Oui : la, sol ; do, ré. Et ensuite ?…
- …
- Répétez après moi : do ou ut, ré, mi, fa, si, et do. Vous
m’avez déjà dit la et sol.
- Do ou zut, Rémy, facile, et l’eau.
- Vous manquez un peu de prononciation… mais c’est
mieux. Maintenant, situons les notes sur la portée… Ce
signe, c’est la clé de sol. Le sol est sur cette ligne-là. Et les
notes sont sur les lignes, et dans les entrelignes. Comptez
les lignes de la portée.
- Là ?
- Oui.
- Il y en a cinq si on les compte toutes, mais il y en a quatre
si l’on oublie d’en compter une.
- Oui… !? Bon. Après le sol, qu’y a-t-il ?
Le Fou :
- Ah là là !
- Bien : ah, là, la. Tu as compris tes notes ?
- Oui. (En vérité, c’est faux).
- Bien. Pour la prochaine fois, tu m’indiqueras dix noms de
musiciens. Puis, nous ferons de la technique. Au revoir !
Quand le professeur fut parti :
- Qu’as-tu appris ?
- Que do ou zut, Rémy, facile, et l’eau sont signés par la clé
de sol sur les cinq interlignes de l’apporté qui est le signe
des potes et des noms de poissons.
Au « Champ Narcisse ».
- Me voici.
- Me voilà.
- En garde !
Le Fou (à part) :
- Mais, j’y pense, je n’ai jamais manié une épée ! Il faut…
Mais il était déjà attaqué…
- Ah freluquet ! Ah vous aimez la graisse ! Vous allez voir !
Le pauvre Le Fou manie son épée trop lourde pour lui avec
peine, et crie :
- Attention !!!
L’autre se retourne, et Le Fou l’assomme, puis s’enfuit après
avoir marqué sur le dos de l’autre : « Mon cher Monsieur, j’ai
l’impression que vous voulez dormir à tout prix, car,
actuellement, vous êtes étendu de toute votre graisse (ou de
votre grâce : à bas la grâce) par terre, aussi, ne voulant
troubler votre grasseux (ou gracieux ?) sommeil, je vous laisse
à vos beaux rêves. Ah ! J’oubliais… Je vous ai transporté les
jambes jusqu’à la ceinture dans la mare… C’est gratuit, je
vous l’offre graissieusement (gracieusement ?). Je me permets
de vous annoncer que votre tête a été garnie d’une jolie bosse
(elle est également gratuite). Vivre la graisse. Votre très cher
ami »
On imagine l’horrible face convulsée du pauvre homme qui, se
réveillant, sentit ses jambes couvertes de sangsues qui infestaient la
mare, une énorme bosse à la tête, et ce mot…
Madame Le Fou, abandonnant la patinette artistique, décida :
- Tu seras diseur de bonne aventure !
- Ben ! Dis donc ! Il s’rait si simple de faire des mômes !
pensa le petit Le Fou.
Le petit Le Fou s’installa dans une petite maison, à côté de celle de ses
parents. Beaucoup de crédules vinrent le voir. Simplement, voici deux
« consultations »…
La première consultation.
- Pourquoi venez-vous me consulter ?
- J’ai perdu mon chat.
- Chat ou chatte ?
- Chatte.
- Nom ?
- Homnibusaimistigrietvilainaienoiraudaipetitrogo.
- Hum ! Age ?
- Trois ans.
- Bien. Ayant consulté les astres, voici mon verdict : mais
d’abord amenez-moi vingt bouteilles de vin.
- Les voici.
Le Fou met les bouteilles dans sa cave, puis revient avec une
seule, la boit, puis crie :
- Selon les astres, et la bouteille de vin, votre chat sera
retrouvé avant 100 ans. S’il n’est pas, dans ce laps de
temps, retrouvé, je vous rendrai vos bouteilles. C’est 100
francs.
La deuxième consultation.
- Bonjour, Monsieur.
- Bonjour, Madame.
- Qu’avez-vous ?
- Mon mari ne m’aime plus.
- Ah ! Il est amoureux ?
- Oui.
- De qui ?
- De Marie-Antoinette, la belle-sœur de Jean-Jacques, fils de
Rousseaux.
- Eh eh ! Que dois-je vous dire ?
- Sera-t-il toujours amoureux ?
- Il est possible qu’il le reste, mais cela peut aussi être qu’il
ne le reste pas.
- Reviendra-t-il dans mon lit ?
- Achetez un nouveau lit, puis on verra.
- Aurai-je un enfant de lui ?
- Cela dépend de l’achat du lit.
- Arriverai-je à le persuader que je ne suis pas une servante ?
- Peut-être.
- Merci.
- Pas de quoi ! C’est 100 francs.
- 100 francs pour moi ?
- Pour vous, c’est pareil !
- Mais je suis votre mère !
- Ah, c’est vous !
- Tu ne m’avais pas reconnue ?
- Non.
- …
- Hum ! Mais j’en apprends de belles ! Papa est amoureux de
Marie-Antoinette ?
- Oui ! Mais chut !
- Bon.
- Merci pour ta consultation.
FIN
« Comédie ».
Ecrit en 1969,
publié aux éditions Ouvertures en 1983
(17 pages de texte dans l’édition de 1983).
TOUTE PETITE « PREFACE » (2007) DE l’AUTEUR,
quarante ans après, au sujet des « Plutarque, Astarté,
Jupin sur sa poubelle d’or », des « enculatrices » et autres « culs
rabotés » dont il est question ici.
Pontoise, 2007.
Olivier Mathieu.
Personnages :
Le Fou, les dames très dignes, Eléandre, Yann, son père Henri, sa
mère Follassinne.
Alexéas, Nestorine : domestiques.
Follassinne :
- Ooooooooooh ! Yann ! Yann ! Montre-toi, vilain !
Henri :
- Que se passe-t-il, ma petite Follassinne ?
Follassinne :
- Yann a disparu.
Henri :
- Ciel !… Nestorine !
Nestorine:
- Oui, Monsieur?
Follassinne :
- Henri vous a dit de ne pas lui dire tout le temps « oui, monsieur ».
Henri :
- Oui !
Nestorine :
- Oui, madame !
Henri :
- Vous êtes incroyable, Nestorine ! Mais ce que je vous disais est que
Yann n’est plus ici !
Nestorine :
- Il doit être chez Eléandre !
Follassinne :
- Je lui avais interdit de la fréquenter ! Allons chez Eléandre,
cette misérable orpheline !
Henri :
- Alexéas !
Alexéas :
- Oui ?
Henri :
- Venez nous aider à arracher Yann des mains d’Eléandre !
Alexéas :
- Je pense, monsieur, que ce serait plutôt elle qu’il faudrait
arracher.
Follassinne :
- Vous n’êtes pas bien placé pour penser, Alexéas ; donc, laissez
penser les autres.
Chez Eléandre.
Henri :
- Toc, toc, toc !…
- .......................
Henri:
- Toc, toc, toc!... Il n’y a personne !
Alexéas :
- Vous êtes sorties un peu trop tôt de l’asile, pouliches !
Le Fou :
- Salut, poulette !
Yann :
- Salut, poulettissime.
Ils s’installent confortablement.
Le Fou :
- Oooooooooooooh…
Yann :
- Ooooooooh.
Eléandre :
- Hihihihihihihihi…
Le Fou :
- A moi. Ooooooooooooh.
Yann :
- Oh ! C’est beau !
[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : la scène (qui est, si l’on
y songe, la représentation que je donnais – à huit ans – d’un trio
érotique) me semble assez étonnante.]
Et le malheur arriva.
Eléandre :
- Oui ? Oh ! Vous… Euh… Y… Ya… Yann n’est pas ici…
Henri :
- Il n’est pas chez moi, non plus. Je veux voir chez vous.
Eléandre ferme la porte au nez d’Henri, et court avertir ses petits
amis.
Eléandre :
- Il est là.
Le Fou :
- Qui, « il » ?
Eléandre :
- Lui.
Le Fou :
- Oui… Qui, « lui » ?
Eléandre, verte :
- Luuuuuuuiii…
Yann :
- Bon Dieu, nous diras-tu son nom ?
Eléandre :
- Je vais… donc… te dire… qui… qui… c’… c’est…
Le Fou :
- Ah !
Eléandre :
- C’est… c’est… lui !
Yann, fou de rage :
- Qui ?
Eléandre :
- Euh… euh… ton… père !
Le Fou :
- Aie aie aie aie aie aie !
Yann :
- Oulala !
Eléandre :
- Partez par la porte dérobée, contournez la maison, et vous
pourrez rentrer là-bas avant lui.
Henri :
- Quoi ? Eléandre ? Je…
Le Fou :
- C’est… le nom du… film…
Follassinne :
- Hum !
Henri :
- Ah !
Yann :
- Soudain, on toqua à la porte…
Henri :
- Hein ? Que ? Que ? Qu’est-ce ?
Le Fou :
- Dans… le film… toujours !
Follassinne :
- Mouais… ??!!!…
Yann :
- Nous somme rentrés avant papa, et… aïe ! Pourquoi me
donnes-tu un coup de pied sous la table ?
Le Fou :
- Tu vas énerver tes parents, Yann, et tu as sommeil… ce
cinéma était… tu es fatigué… et… Bon ! Je me permets de
prendre Yann, et…
Henri :
- Oui, oui ! Allez !…
Le Fou :
- Merci.
Le chat :
- Miaou…
Nestorine :
- Oui ?
Follassinne :
- je ne vous ai pas demandé de venir, Nestorine.
Le chat, approbateur :
- Miiiiiiiiiiiiiiiaouuuuuuuuuuuu.
Alexéas vient, tandis que Nestorine part à pas lents…
Alexéas :
- A vot’ service, patronne !
Follassinne :
- Je ne vous ai pas demandé, Alexéas. Et surveillez votre
langage.
Alexéas :
- Bien, madame… mais j’ai reconnu votre voix.
Follassinne :
- Je suis humaine, Alexéas, pas féline.
Alexéas :
- Madame a, dans ce cas, des dons certains de ventriloque.
Henri :
- Cela suffit ! Allez vous coucher, Alexéas.
Le Fou :
- Je vais chercher un asile.
Et, bientôt…
- Toc, toc, toc ?
Le Fou :
- Ouf. On attend Yann.
Henri :
- Allez mener Yann.
Le Fou y va, puis revient. Il demande à être payé.
Henri :
- Voici 0,10 francs.
Le Fou :
- Mais vous aviez promis mille francs.
Henri :
- Oui, mais j’ai changé d’avis.
« Mademoiselle » Eléandre :
- Bonjour, « Monsieur », mais… qui êtes-vous ? je ne vous
connais pas. Et que venez-vous faire ?
Le Fou :
- Euh… Quelle heure est-il ?
L’homme :
- Trois heures.
Le Fou :
- Au revoir.
Le Croque-Mort :
- Mon Dieu ! Vous !
Le Fou :
- Quoi ?
Le Croque-Mort :
- Vous ne savez pas ? Votre tête est mise à prix.
Le Fou :
- …
Le Croque-Mort :
- Voilà. Ce matin, un hold-up a été commis. Euh… et… p… par
vous. Hum. On a témoigné.
- Toc, toc, toc.
Le Croque-Mort:
- Qui est là ?
- Police. Ouvrez, au nom de la loi.
Le Croque-Mort :
- Cachez-vous.
Il ouvre. Deux policiers entrent.
- Nous avons un mandat de perquisition. Une dame a vu entrer
chez vous l’homme que nous recherchons. Vous vous mettez en
marge des lois. Livrez-le nous.
Le Croque-Mort :
- Un homme ?… Quelle catégorie de cercueils ? En chêne ?
Je…
- Silence ! Où est cet homme ?
Le Croque-Mort :
- Son nom ?
- Le Fou.
Le Croque-Mort :
- Attendez, je vais voir mon registre… attendez… Le Fou, dites-
vous ?… Ah non, il n’y a pas de « Le Fou ». Mais peut-être
dans les cercueils en…
- Le Fou vit. Du moins pour l’instant, car il va être fusillé.
Le Croque-Mort :
- S’il vit, allez consulter les registres de la Mairie, ou les
bureaux des renseignements.
A la clinique.
Infirmier 1, infirmier 2, Yann, le directeur, la porte, une
infirmière.
Infirmier 1 :
- Mettons-lui la camisole de force, maintenant. Cela le calmera,
ce fou.
Infirmier 2 :
- Oui.
Infirmier 1 :
- Aide-moi.
Infirmier 2 :
- Là. Ouf !
Yann :
- Assassins ! Désserrez un peu : c’est trop serré.
Infirmier 2 :
- Si vous parlez, c’est que ce n’est pas encore assez serré.
Yann :
- Je suis muet !!!
Infirmier 1 :
- A la douche froide, maintenant.
Yann :
- Je me suis déjà lavé.
Infirmier 2 :
- Vous, le muet, on ne vous a pas demandé votre avis.
Ils installent Yann sous la douche froide.
Yann :
- aaaah. C’est froid, glacial, frigorifiant.
Infirmier 2 :
- Oui, c’est froid, mais sans le savoir cela vous réchauffe.
Yann :
- En effet, je ne le sais pas.
Infirmier 1 :
- Mais, bientôt, vous allez regretter l’eau froide : passons à la
douche bouillante.
Yann :
- Ouuuuh. C’est chaud, brûlant, équatorial, saharien. Par pitié,
enlevez vingt degrés.
Infirmier 2 :
- Oui, vingt degrés, il en restera encore cent.
Infirmier 1 :
- Baste ! Laisse-le cuire, quoi ?
Après une heure de ce traitement…
Infirmier 1 :
- On peut changer de médicament.
Infirmier 2 :
- Oui, au massage.
A la salle de massage.
Yann se décontracte, se couche, et s’endort. Il pense : « Je vais me
faire frotter ».
Infirmier 1 :
- Masse-le.
Yann est vite réveillé par de violents coups de poings sur son dos.
Yann :
- Eh ! Vous n’êtes pas un peu fous, non ? Je veux être massé et
pas boxé !!!
Infirmiers :
- Ce qu’il peut être douillet, alors !
Yann :
- Tu veux ma place, non ?
Infirmiers :
- Suis pas fou…
La porte : - Toc, toc, toc.
- ……
La porte :
- Toc, toc, toc.
- Oui ???
L’infirmière :
- M. le directeur va venir ; il me charge de vous le dire.
Infirmiers, et Yann :
- Pourquoi n’entrez-vous pas ?
L’infirmière :
- Je veux bien, mais la porte est fermée.
L’infirmier :
- Pendant que je massais ce fou, qu’as-tu fait de la boîte de
cigarettes qui était là ?
L’infirmier 2 :
- Je l’ai jetée…
L’infirmier :
- Quoi ? Et à quel endroit ?
L’infirmier 2 :
- Dans la fosse à caca, excusez le mot, dans la cave, par la
trappe, là…
L’infirmier :
- Bon Dieu. Il n’y a qu’un seul exemplaire de cette clé. Et… et
l’homme qui vide cette cave ne revient que dans un mois. Tu
es un ahuri 100%.
La porte :
- Toc, toc, toc.
Les infirmiers :
- Qui est là ?
Le directeur :
- Le directeur.
L’infirmier :
- M… monsieur le directeur, cet imbécile… a jeté les clés.
Le directeur :
- Quel « imbécile » ?
L’infirmier :
- Mon collègue…
Le directeur :
- Continuez.
L’infirmier :
- Dans la fosse à excréments, c’est-à-dire que nous sommes
enfermés…
Le directeur :
- Et bien, que cet imbécile saute par le trou qui mène, deux cents
mètres plus bas, à la fosse à purin.
L’infirmier 2 (celui qui a perdu les clés) :
- Mais, monsieur le directeur, je vais mourir enlisé, et il vaudrait
mieux appeler un serrurier.
Le directeur :
- Ce qui aurait « mieux valu », c’eût été de ne pas jeter les clés.
Non ? Au fait, comment avez-vous fait ?
L’infirmier 2 :
- je fumais…
Le directeur :
- Cela aggrave votre cas. Il est interdit de fumer en soignant un
malade.
L’infirmier 2 :
- Tandis que mon collègue soignait notre malade. Il restait une
cigarette. Je lui dis « C’est la dernière cigarette ». Puis, ayant
pris la dernière cigarette, je me dis « je vais jeter le paquet ».
Je le jetai. Et ce n’est que maintenant que je viens d’apprendre
que les clés étaient dedans. Voilà. Voyez-vous ?…
Le directeur :
- Oui, je vois…
L’infirmier, à part lui :
- « Ah ! »
Le directeur, très vite et très fort :
- Oui, je vois… que vous êtes un pauvre imbécile !
Yann, qui avait été assommé par le massage, et qui se réveille :
- Si votre directeur ne veut pas téléphoner à un serrurier,
téléphonez vous-mêmes : il y a un téléphone, ici.
Les infirmiers :
- Sommes-nous bêtes, alors : c’est vrai, nous n’avons pas besoin
de l’autorisation de ce porc de directeur.
L’infirmier 1 :
- Allo… oui… oui… c’est ça, oui, le directeur… mais… ah…
oui… oui… oui, une clé… oui… oui, dans un paquet de
cigarettes… oui… Demain… ah, le mariage de la tante de la
grand-mère de votre tante, je vois… oui, splendide… Oui, oui,
n’importe quel prix… une clé… Combien ? Ah… Je ne sais
pas… euh… pardon… oui… bien, bien… Ah… et bien…
d’accord… oui, oui… Bien, merci. Au revoir… oui ? Ah, votre
femme… Oui, bien, bien, tout ce que je veux… mais je vous
en prie… oui… au revoir. Pardon ? Mais oui, mais oui, au
revoir… C’est cela… Au revoir… CLAC !
Yann :
- Alors ?
Infirmier 1 :
- Il ne peut pas venir avant une semaine… Oh ! Celui-là ! IL me
racontait sa vie !
Yann :
- Retéléphonez à un autre.
Infirmier 1 :
- Allo… Bonjour, Monsieur, ici la clinique… Oh, pardon,
Madame, je ne savais pas… Don, oui… Bonjour, Madame,
est-ce que votre mari… ah, vous êtes célibataire… Ah… Bref,
est-ce que le serrurier peut venir ouvrir une porte à la
clinique ? Ah… Merci, Madame… Au revoir. CLAC.
L’infirmier 2, et Yann :
- Alors ?
L’infirmier :
- En vacances.
Les deux infirmiers retrouvent la clé, qui était sur un buffet, et pas
dans le paquet de cigarettes, et celui qui a jeté les clés (plutôt le paquet
de cigarettes) dans la fosse à purin entre en trombe, sans toquer, chez
le directeur, qui recevait alors Marthe, et Barthicane. Ils sont excédés
de cette impolitesse, et partent.
Barthicane :
- Venez, ma chère, nous n’avons rien à faire chez ces paysans
du Danube.
Marthe :
- Exact. Venez, cher.
Le directeur :
- Alors, seulement, vous l’avez trouvée, cette clé. Vous êtes mûr
pour l’asile, vous.
L’infirmier :
- J’y suis déjà.
Le directeur :
- Pas comme infirmier, comme fou.
L’infirmier :
- Ooooooooh ? Vous n’allez pas… à moi… me faire, d’infirmier
que j’étais, fou ? Moi, votre serviteur, votre laquais, votre
chien tout juste bon à éplucher les pommes de terre et à faire
les poubelles, moi, votre domestique, votre minus, votre larve,
votre fœtus, votre subordonné puant, votre imbécile, votre
crétin, votre iguanodon, votre dévoué…
Le directeur :
- Tentative de corruption.
L’infirmier :
- M… m… ais… je…
[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : il convient de ne pas
oublier que ce texte date de 1969, et que, le 25 février 1969, j’avais
rencontré Hergé qui m’avait offert et dédicacé au moins une
dizaine d’albums de Tintin. (La plupart de ces dédicaces ont été
reproduites par mes soins, plus tard, dans divers articles ou
ouvrages, tandis que j’en ai offert les originaux à diverses
personnes qui habitent Bruxelles). Il se peut donc que le passage
qui précède ait été en quelque sorte inspiré par les tombereaux
d’insultes chers au capitaine Haddock. Je fais référence au
passage : « Ooooooooh ? Vous n’allez pas… à moi… me faire,
d’infirmier que j’étais, fou ? Moi, votre serviteur, votre laquais,
votre chien tout juste bon à éplucher les pommes de terre et à
faire les poubelles, moi, votre domestique, votre minus, votre
larve, votre fœtus, votre subordonné puant, votre imbécile, votre
crétin, votre iguanodon, votre dévoué… » ]