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L’ENFANCE DU FOU

Un quatre juin, d’une année fort belle, par une après-midi


ensoleillée, un nom s’ajoutait au registre de la mairie de Sarignot-le-
Roy.

[Commentaires (2008) : nul doute que Sarignot-le-Roy ne


fasse allusion à Marly-le-Roi, où j’habitais en cette année 1969].

« Jacques, Marcel, Etienne, Le Fou, né de George Le Fou, et


de Marie, Olivia, Florentine Le Fou, née Eminentatroie ».

[Commentaires (2008) : il s’agit des prénoms de ma grand-


mère, Marie de Vivier].

Les Le Fou vivaient mal. Ils n’avaient qu’une petite


chaumière, et un lopin de terre à peine plus grand que mon mouchoir
de poche. Le père le labourait sans cesse, ce mouchoir de poche. La
mère Le Fou, une sainte femme, pieuse, et tout, et tout, désirait que
son fils devienne moine. Le père étant trop pauvre, pour payer des
études à son fils, il chargea la mère de l’éducation de son rejeton. Elle
lui apprit, pendant dix ans, son « ave maria », son chapelet et à ne pas
aimer les femmes, chose dont il ne fit pas cas………. Mais il
s’intéressa plus aux filles (du boucher, du boulanger, etc.) et, à sept
ans, il commettait des actes, pas du tout de son âge…
Lorsque son père, après avoir été engueulé, par le père de la
personne qui avait subi « l’acte », revenait chez lui, et houspillait son
fils, celui-ci répondait : « C’est l’instinct de reproduction »…
Et le pauvre père le Fou, de dire :
- Faire ça, à son âge… Espérons que ça lui passera.
Et Maman Le Fou :
-Bah ! C’est un caprice de gosse.
Elle ne savait pas, alors, qu’il ferait toujours « ça »… Mais, un
jour, le propriétaire de la maison vint, et dit :
- J’ai retrouvé ma fille, ligotée, et nue, avec votre fils un peu
trop approché à mon goût. Que cela ne se reproduise plus.
Le père répondit :
- Monsieur, cela ne se reproduira plus, je vous le promets.
Le père décida d’envoyer son fils à l’asile, qui était gratuit. Le
pauvre enfant y fut envoyé, et y passa quelques années. Puis le père le
reprit, mais l’enfant continua à faire des « actes »… Le père renvoya
son fils à l’asile, puis cédant aux supplications de Madame le Fou, il le
reprit à nouveau. La mère lui fit comprendre qu’il ne fallait plus faire
« d’actes », et elle le prépara à devenir moine…
Après quelques laborieuses années de préparation, le rejeton
des Le Fou fut habillé de son bel habit du dimanche, il refit à sa mère
la révérence qu’elle avait eu tant de mal à lui apprendre, et les voilà se
dirigeant vers le monastère.
La mère : - Dreling, dreling !!
Un moine vient ouvrir.
La mère : - Bonjour, mon Père.
Le Père : - Bonjour. Que désirez-vous ?
La mère : Je voudrais vous confier cet enfant. J’aspire à ce
qu’il soit moine.
Le Père : Aime-t-il la paix, le silence ? Prier, se recueillir,
Dieu, etc. ?
La mère : Oui, tout cela. Il sait ses prières. Il les tient de moi,
c’est ma Grand-Maman qui me les a apprises.
Le Père : Dis-moi « l’Ave Maria », mon petit.
Le Fou : C’est quâ, M’man, l’avaie Maria ?
La mère : La première prière, mon petit.
Le Fou : Voilà, m’sieur.
Le père (mari) : Monsieur, Etienne.
La mère : Mais non, père.
Le père du Fou : mais non, Olivia. Il n’est pas père. Ces gens-
là ne se marient pas. C’est un monsieur.
Le Père (le moine) : Allez-y, mon petit.
Le Fou : « Avé Maria, pleine de grâce, vous êtes bénie, ainsi
que vos entrailles. Sainte Marie, mère des hommes, priez pour les
hommes, pauvres pécheurs, maintenant et à jamais. Amène ».
Le moine : Que veut dire amen, mon petit ?
Le Fou : Ainsi foie-t-il.
Le moine : Ton Pater Noster.
Le Fou : Pater Noster, pater Noster, toi qui êtes aux cieux, toi,
Pater Noster ; alleluiiia ».
Le moine : Ecoutez. Ses prières, il ne les sait pas très bien.
Mais je vais le faire tondre. Puis je lui donnerai une cagoule, un habit
de moine, et une Bible. Je le prendrai à l’essai.

[Commentaires (2008) : nous respectons ici, dans les


grandes lignes, l’orthographe, la ponctuation du manuscrit
original].

L’essai ayant été (Dieu sait comment) satisfaisant, Le Fou


devient moine, et ne peut donc plus voir ses parents. De plus, aucune
femme ne peut entrer dans le couvent. Ces deux règles ne plaisent pas
au Fou qui a le malheur d’aller installer un « arème », comme il dit,
dans l’église…
Un moine, voyant cela : Sacrilège, sacrilège ! Père, Père
l’Abbé, venez vite !
L’abbé, sans trop comprendre, arrive.
L’abbé : Quoi ?
Le moine : C’est épouvantable…
L’abbé : Rien n’est épouvantable dans la maison de Dieu, frère
Jean…
Le moine : Si… c’est épouvantable… il est assis sur…
l’autel… avec des filles nues… elles sont ligotées… une à une, il
les… (ici, la censure intervient), puis les jette dans l’eau… bénite…
aaaaaah…
L’abbé : Quoi ? Horreur.
Il se jette dans l’église, et attrape Le Fou qui proteste…
- Quoi, si on ne peut même plus s’amuser, en paix…
L’abbé : Selon la règle du Saint que nous servons, St-Onésime-
Gustave, moi, bon Gustavien Onésimien, suis fort fâché de ton
comportement de païen. Il faut te purifier, mon frère (en effet,
n’oublions pas que le Fou est moine). Va à confesse.
A CONFESSE.
Un moine, Le Fou.
Le Fou : Bonjour, m’sieur. J’viens me confesser.
Le moine : Vous venez à confesse, frère Fou. Bien.
Le Fou : Mon frère, j’ai enculé des bonnes femmes…
Le moine, horrifié : Dieu vous pardonne, mon frère…
Le Fou : … à poil, et…
Le moine, ne pouvant en entendre plus : Je vous donne
l’absolution.
Mais Le Fou continuait à faire des bêtises, et, un jour, il fut
convoqué par l’Abbé.

L’abbé, Le Fou.
L’Abbé : Frère Fou, je vais oublier que je sers Dieu, un instant,
et vous dire, que, depuis (il se met à crier) QUE VOUS ETES ICI,
VOUS SEMEZ LA MERDE PARTOUT.
Frère Fou : Mais, M’sieur.
L’Abbé : Et je suis le père l’Abbé, pas « M’sieur ». Compris ?
Si, au moins, vous agissiez comme un moine. Mais vous buvez du vin,
vous dormez tout le temps, vous faites des sacrilèges sur mon autel,
vous cassez tout, vous ne savez pas prier ; quoi ? Oui, quoi ? Hein…
Frère Fou : …. ?! (air penaud)
L’Abbé : Prendrez-vous de meilleures résolutions, idées, etc…
serez-vous plus pieux ?
Frère Fou : Par Saint-Judas, je jure…
L’Abbé : Judas n’est pas saint, et jésus a dit : « Tu ne jureras
pas »…
Frère Fou : … d’être comme lui, sincère, pieux, loyal, juste,
et… ah oui, je me souviens… d’aimer les landilles (il veut dire
lentilles).
L’Abbé : C’en est trop. Retourne chez toi.
Ainsi finit la vie de moine du Fou.
Mais mère Le Fou, contrairement à son mari, ne voulait pas le
laisser retourner à l’asile et résolut de lui apprendre un nouveau
métier. Restant dans la voie chrétienne, elle énuméra… Pape, non.
Moine, non. Evêque, non. Archevêque, non. Curé, décidément non.
Enfant de chœur ? Pas de scandale, donc, non. Que restait-il ?
Elle trouva. Sonneur de cloches. Craignant de retourner au
monastère des Gustaviens-Onésimiens, elle préféra aller à une église
des environs. Elle avait le choix, Madame Le Fou, pour placer son fils
sonneur de cloches ! Que choisirait-elle entre les six villages les plus
proches ? Richepin le Lieu, Marigné sous Bois, Villepreux la
Bayonne, Racinard en Millard, Ossatière du Villon, Crouy-en-Thelle ?

[Commentaires (2008) : le village de Crouy-en-Thelle existe


(voir, sur le site de Daniel Fattore, mes commentaires à « Cent
pages d’amour » ; je ne vois aucune explication, en revanche, aux
autres villages ici cités, parmi lesquels je note : « Ossatière du
Villon »].

Elle choisit Marigné, et, un beau jour, se présenta à l’église.

A Marigné.
Le Curé, Le Fou, la mère.

La mère : Dreling, dreling.


Le Curé : Qu’y a-t-il ?
La mère : Bonjour, Monsieur le Curé. Pourrais-je vous parler ?
Le Curé : Mais oui, ma bonne dame. Je descends.
La mère, en attendant l’ouverture de la porte, à part elle : - Ma
bonne dame, « ma bonne dame »… Personne ne m’a jamais dit ça, si
ce n’est ma grand-mère, la très regrettée Marie Rihouëy, dite Jacquart,
née Marie de Vivières de poisson, ah, celle-là, ah… et…

[Commentaires (2008) : allusion évidente à ma grand-mère,


Marie Jacquart, en littérature Marie de Vivier, qui épousa en
secondes noces, en 1973, le docteur Rihouëy : l’allusion au docteur
Rihouëy fait donc partie des choses qui ont été ajoutées, par mes
soins, vers 1973 ou au plus tard en 1974 ; ces ajouts au manuscrit
original de 1969 seront précisés, chaque fois que nécessaire, ici].
Elle est tirée de ses réflexions par le Curé, qui ouvre la porte.
Le Curé : Entrez donc, ma bonne dame.
La mère, à part elle : Encore « ma bonne dame ». Il est très
sympathique, cet homme-là. Mon petit sera bien, ici.
Le Curé : Alors, ma bonne dame, que désirez-vous ?
La mère : Avez-vous besoin d’un sonneur de cloches ? Dans ce
cas, mon fils désirerait l’être.
Le Curé : Oui, j’en ai besoin.
Et voilà notre héros chez le Curé…
Et le dimanche suivant, la mère n’alla pas à la messe à
Sarignot-le-Roi, mais à Marigné (sous-Bois, il y a aussi souris).
Mais Le Fou, conscient de l’importance du travail, commença
beaucoup trop tôt à sonner les cloches. Tout le monde s’éveilla, avant
que le coq n’ait chanté. Il sonna, et sonna, et quelqu’un vint lui dire
d’arrêter, que la messe ne comprenait pas d’accompagnement de
cloches, et que la messe ne commençait que dans deux heures.
- Qu’est-ce que je vais faire, en attendant ?
Il voit une corde pendant du ciel, et se dit :
- Je vais jouer à la balançoire.
Et le voilà se balançant, et DONG, DONG, DING, et encore
DONG.
Un autre jour, il décida qu’il ne travaillerait pas ; que fait-il ?
Ben tiens… ! Il prend une belle pendule, la met sous la corde de la
cloche, accroche le battant à la corde, et s’en va. Une autre fois, il
accroche la corde à une poignée de porte, puis ouvre et ferme la porte
continuellement ; tout cela ne plaisait pas au Curé, qui attendait une
occasion pour mettre dehors notre pauvre Fou. « L’occasion » vint
vite. Il renouvela le coup des filles nues sur l’autel et de l’eau bénite.
Cette fois-ci, ce fut fini de la vie chrétienne du Fou.

ENCORE UN METIER.
En rentrant chez lui avec sa mère (en revenant du « coup » des
filles et de l’eau bénite) le père demanda :
- Pourquoi es-tu si triste ?
Madame Fou : Un peu plus, il était excommunié ! Il a refait le
« coup » des filles, et…
Monsieur Fou : Excommunié. Ooooh. Quelle horreur.
Madame Fou : N’aie crainte : je lui ai trouvé un métier… (elle
respire)… Un métier… à…
Monsieur : A… ?
Madame Fou : A … (elle éclate en sanglots)… à Ripatouille du
Sanglier.
Les cheveux de Monsieur Fou se hérissent, et, machinalement,
il répète : A… à… Ri… Ripatouille du Sanglier…
Mais je doute que les lecteurs connaissent cette ville… Cette
ville est un petit village isolé qui comprend un couvent, une mairie, et
une maison de paysans…
Monsieur Fou : Mais… le travail… tu n’aurais pas pu le
trouver… autre part ?
Madame Fou, d’une voix qu’on peut comparer à celle d’une
grand-mère gâteuse, dit :
- Ses actes, et le coup de l’autel, n’ont guère arrangé sa
réputation… mais, à Ripatouille du Sanglier, on l’accepte… balayeur
de la mairie… Ah… quand je pense à ma très illustre, la « clarissima »
Marie de Vivières de Poisson… ah, on peut dire qu’elle a commis
autant « d’actes » que notre petit.
Le Fou :
- Et il y a un couvent, tu dis… mmmmhh. Quelles soirées
agréables…
Monsieur Et Madame Le Fou se regardent, puis…
- Le couvent… OOOOOOOH. Qu… que…
- Le couvent… que faire ?
- Prévenir ???
- Quoi ? Qui ? Comment ? Quand ?
- Le laisser ?
- Protéger les ?
- Ne pas l’envoyer ?
- Alors, le métier ?
- LE CASTRER, s’écria soudain le père…
- Le castrer ? Je ne sais…
- Les religieuses ?…
- Les castrer…
- Un vétérinaire…
- Situation délicate…
- Faut prier. Y a que ce moyen…
- Pas suffisant.
- Ben… ??…
- Quoi, alors ?
- Castrer… mais oui… castrer les religieuses…
- Le Bon Dieu nous punirait…
- Merde, alors. Que faire ? Trouve, quoi ?
- J’sais point, moi.
- Faudrait p’têt ben pas l’y mettre, à la mairie…
- Mais…
- J’sais… y faut faire un procès… nouvelle loi « Il est
interdit de laisser des femmes non castrées à vingt lieues à
la ronde, là »…
- Non.
- Ecoute. Il faut…
- J’ai mieux… écoute… est-ce qu’elles en auront du mal,
d’avoir des gosses, ces bonnes femmes ?
- Du… « mal », non, mais…
- Ce dialogue se poursuit, puis :
- Tu as raison… d’accord, il ira, et, à Dieu vat !
Le lendemain, le Fou partait pour Ripatouille…
- Au revoir, Pppa ; au r’voir, M’man.
- Au revoir. Sois propre…
- Oui…
Après quelques heures de marche, il parvient à la mairie de
Ripatouille.
- B’jour, M’sieur, s’écria-t-il, apercevant un homme.
- Savez-vous à qui vous parlez, jeune homme ?
- Non, M’sieur…
- Au maire de Ripatouille du Sanglier, commune de cent
habitants…
- Et les habitantes ?
- Je les compte dans les cent…
- Bien. Donnez-moi un balai, et…
- Ah, vous êtes le petit… Le Fou ?
- Oui.
- Eh bien, allez voir mon adjoint, il vous donnera votre
travail…
- Comment va-t-on au couvent ?
- Par là, mais… pourquoi ?
- Pour peupler mes soirées…
- Euh… oui… ?!?!?!
Le Fou va à la mairie, et trouve l’adjoint du Maire…
- Jour, M’sieur, m’donnez-vous un balai, pour.
- Qui êtes-vous ?
- Le Fou.
- Ah, le balayeur… t’as pas l’air doué… bah, pour balayer…
enfin, je parle, je parle… Tu commenceras à travailler
demain…
- Quoi qu’c’est-y-pas, comme boulot ?
- Balayer la mairie… le couloir, le bureau des…
- Oui, je vois… Aujourd’hui, j’ai congé ?
L’adjoint : Oui.
- Bien. Merci, monsieur l’djointte.
- L’adjoint.
- Merci, M’sieur Lidjante.
- Enfin… va à ta chambre… Et (très vite)…
- Et… ?
- Et…
- Et… ?
- Et…
- Et… ?
- Puis-je donc parler ?…
- « Faisez donc »…
- Faites donc, mon petit…
- Dites toujours c’que vous avez à dire, puis…
- Je voulais dire que…
- Que ?
- Oui… que…
- Non ? que…
- Que…
- Que ?
- Laisse-moi parler.
- Oui.
- Bien.
- Je ne suis pas « l’djointte », mais l’adjoint, aussi…
- Oui. Au revoir, M’sieur « l’odjintte ».
- (air excédé) Va à ta chambre. File. (Il avale un tube
d’aspirine). Fou ! Il me rendra fou !
(Le Maire entre).
- Voyons, Monsieur Saccappus, qu’avez-vous ?

Le soir, quand tout le monde est endormi, le Fou met un voile


blanc sur sa tête (un drap de lit), met sous ce même drap de lit une
lanterne, prend une Bible dans la bibliothèque du maire, un bout de
bois, qui n’est autre qu’un manche à balai, prend une corde, et se
l’accroche au cou. Il pénètre dans la chambre d’une religieuse, sœur
Pohiette, et l’éveille.
- Sœur Pohiette, je suis Jésus, et je viens, car je veux avoir un
fils, te faire un enfant.
- Mais… la règle, ô Jésus, de mon couvent ne perm…
- C’est Jésus-Christ qui te l’ordonne. Déshabille-toi.
Le matin, il dit :
- Merci, sœur Pohiette. Mais ne dis à personne que je suis
venu, et pour toi seule, sinon, tu seras anathème.
- Jésus, fais un miracle devant moi.
- Le miracle… le voilà… (il arrache une fleur, et dit) Cette
fleur est belle. Demain, elle sera fanée. Voici le miracle.
Il balaye toute la journée, puis, le soir, il se déguise, et va dans
la chambre de sœur Andréettée. Tout se passe comme la nuit passée.
Mais, trois nuits plus tard, alors que le faux Jésus a déjà cinq enfants
(encore dans la matrice de leur mère), il va chez sœur Pirminette, et…
y rencontre sœur Pohiette. Il réussit tout de même à s’échapper, range
précipitamment corde, lanterne, et drap de lit, ainsi que corde, Sainte
Bible et bâton, puis se couche. Le lendemain, dans le journal de
Ripatouille du Sanglier, émoi :
« Journal de Ripatouille, 20 septembre 1…
LE RIPATOUILLIEN. 5 RELIGIEUSES ONT VU JESUS.
ELLES ONT DES ENFANTS DE LUI. MAIS ON A DES PREUVES.
JESUS EST UN FAUX JESUS. IL EST DANS LA POPULATION DE
LA VILLE DE RIPATOUILLE. A MORT. A MORT. QUI EST
L’INCONNU ? A MORT. QUI, DANS CETTE PETITE VILLE
COMPRENANT : 90 RELIGIEUSES. LE MAIRE. L’ADJOINT
MAIRE, MONSIEUR SACCAPPUS. DEUX DOMESTIQUES (Léon,
et Aphanase) DU MAIRE. CINQ POLICIERS. UN BALAYEUR, UN
ENFANT : LE FOU. QUI A PU ETRE IMPUR (COMME DIT SŒUR
POHIETTE) A CE POINT ? »
Voilà ce que titrait « le Ripatouillien », qui tomba dans les
mains de Monsieur et Madame le Fou.
- Dieu, il a osé.
- Je te l’avais dit.
- Moi ?
- Et… si ce n’était pas lui…
- Allons ? Des blagues…
- Ah, et c’est dans les journaux.
- Oui, merde, alors.
- Vraiment.
- Que faire ?
- Be, attendre. Laisser faire, laisser venir, et…
- J’te l’avais dit ; il fallait le castrer.
- Enfin.
- Bah…
Monsieur et Madame Le Fou décidèrent d’aller voir leur fils.
- Fiston, est-ce toi qui…
- Bah, P’ppa, on ne m’a pas reconnu. Et il y a beaucoup de
gens, ici.
- Ecoute. Le maire, non. Monsieur Saccappus, non. On
n’imagine guère des policiers faire… cela, et, les deux
domestiques ont un alibi… sérieux. Toi, tu as dit « Je
dormais ». Pas sérieux, ça…
- D’ac. Mais… Pourquoi serait-ce justement moi ? Hein ?
- Oui. Mais un fils…
- Surtout celui de Jésus…
- Je disais : mais un fils peut ressembler fortement à son
père, et… mais voici le Maire…
Le Maire :
- Bonjour, Monsieur Le Fou…
Le Fou :
- Bonjour, Monsieur le maire…
- Bonjour. Savez-vous ce qui…
Madame Le Fou (elle joue la comédie, et éclate en sanglots) :
- Ah, Monsieur le maire, comme c’est triste… ces pauvres
religieuses, mon dieu, un tel assassin, dans une petite ville,
si calme, d’habitude… et mon petit, qui est exposé à cet
homme vil, et sans bonnes manières ; ah, Monsieur le
Maire, quel dommage… aaaaaaaah…..aaaaaaaaaaah (cris
perçants, d’hystérique)
Le Maire :
- Calmez-vous, ma bonne dame, voyons… allez… allez…
Madame Le Fou (à part) :
- Tiens… tous les gens qui me disent « ma bonne dame » ces
temps-ci… C’est peut-être un présage… Oooooh…
Monsieur Le Fou :
- Permettez-nous de nous retirer, Monsieur le Maire : ma
femme est fort pâle… la fatigue du voyage… et,
évidemment, nous nous rev…
- Faites.
Après souper, dans la chambre du Fou, dialogue entre Le Fou,
Monsieur Le Fou, et Madame Le Fou.
- Allons, fiston, raconte… tu avais promis d’être propre…
- Eh bien, tu sais, P’ppa, au moment où j’ai pensé à l’instinct
de reproduction, donc, au couvent, alors…
- Alors, tu as…
- Oui, j’ai…
- Bien. Pas de détails.
- Ecoute, Papa. J’ai une idée. Si on faisait tomber des
« zoupsonnes » sur…
- Sur ?
- Bah. Sur M. Saccappus, « l’idjette » du…
- Bien. Voilà une fort bonne idée, fils. Mais… comment
faire ?
- Voilà… on pourrait cacher un drap de lit, une lanterne, et
un bâton…
- Ainsi qu’une Sainte Bible, et une corde…
- Oui… sous le matelas de Monsieur Saccappus. Puis…
- Puis ?
- Puis… on pourrait faire parvenir une lettre « amonytte »…
- Anonyme…
- … au maire, et…
- Suffit. Rédigeons-la.
Et :
« Monsieur le Maire de Ripatouille, je suis une des religieuses,
ayant eu un enfant par Jésus (le faux). J’ai reconnu la voix de
Monsieur Saccappus, votre adjoint, et suis certaine qu’on
retrouverait, dans sa chambre, son déguisement… Je ne signe pas,
sinon, pour une pauvre religieuse, quel scandale… Sœur… »

Le lendemain, le Maire entrait en possession de la lettre, et


allait à la gendarmerie, pour faire arrêter M. Saccappus. Tout le peuple
(de Ripatouille, de Ripatouille) se massa sous la fenêtre de M.
Saccappus…
- A mort, à mort Saccappus. A mort.
On découvrit chez le pauvre Monsieur Saccappus une corde,
une bible, et un drap de lit ; la lanterne, elle, était dans son bureau. Le
Fou avait réussi à introduire tout cela dans la chambre de Monsieur
Saccappus, en balayant.
Et le « Ripatouillien », de dire : Le faux Jésus démasqué.
C’était un adjoint du maire. Voir nos informations en page 3.
Et, en page 3 : LE FAUX JESUS.
« Avant-hier, cinq religieuses apportaient une nouvelle
extravagante : « un faux Jésus était venu leur faire des enfants et
toutes les religieuses en auraient eu, si le faux Jésus, dans la nuit
d’avant-hier, n’était allé chez une sœur, ayant à ce moment la visite
d’une de celles ayant eu des enfants, Sœur Pohiette. Ce matin,
Monsieur le Maire de Ripatouille du Sanglier recevait une lettre
anonyme, qui, semble-t-il, vient d’une des Sœurs ayant eu des enfants,
et qui accusait Monsieur Saccappus, qui avait pourtant une bonne
réputation »…

LE PROCES.
Accusé : Monsieur Saccappus, adjoint-Maire de Ripatouille du
Sanglier.
Accusant(e) : Abbesse de Ripatouille du Sanglier, Mère
Soviétte.
Le juge : Monsieur le Maire de Ripatouille.
Avocat de Monsieur Saccappus : le sien, Maître Jean-Ri Gaule.
Avocat de Mère Soviette : le sien, Maître Pierre-Alain
Vieillard.
Les jurés : cinq brigadiers, Monsieur et Madame Le Fou. Le
Fou. Un autre.
Le bourreau, toujours prêt à faire son office : c’est le chapelain
du village d’à côté…
Le juge : Je déclare l’audience ouverte. Accusé Saccappus, je
vous accuse…
Avocat de Saccappus : Fausse accusation… Car, comme le
dit…
Le juge : Silence, ou je fais évacuer la salle… Bien. Accusé
Saccappus, je vous accuse, d’…
Le bourreau : Au nom de notre père à…
Le juge : Monsieur le Cur… le bourreau, je…
Le Cur… (euh, non, le bourreau) : Bien. J’ai compris. Je ne
dirai plus un mot. Mais dépêchez. J’ai une messe à donner.
Le juge :
- Bon. Accusé Saccappus, je vous accuse d’avoir fait, sous
l’habit de Dieu, des enfants à des religieuses. Qu’avez-vous
à dire pour votre défense ?
Monsieur Saccappus :
- Je suis innocent. On a introduit ces objets dans ma pièce.
Je n’ai rien d’autre à dire. Rien.
L’avocat de l’Abbesse : Vous voyez : il nie… Il est coupable.
A mort.
L’auditoire : A mort. A mort.
Le juge : Silence (le silence se rétablit). Maître Vieillard,
parlez…
Maître Vieillard : J’accuse cet homme, impie, et indécent,
d’avoir porté offense à des religieuses pieuses, pures, et
saintes. Saintes, oui. Mais pas enceintes. Saintes, seulement.
Cet acte est une lâche impureté, une…
Le juge : Bien. L’accusé n’ayant pu se défendre, n’ayant pas
d’alibi, je…
Monsieur Saccappus : Je fais appel. Je suis innocent.
Le juge, à l’huissier : Vous pouvez évacuer la salle. (Au curé)
Vous, allez donner votre messe.
Le Bourreau : Amen.

[Commentaires (2008) : si je suppose que le nom de « Jean


Ri-Gaule » pouvait être une allusion au général De Gaulle
(président de la France en 1969, au moment où j’écrivais ce texte),
s’il est évident aussi que « mère Soviette » (ou « Soviétte », sic) est
une allusion aux « Soviets » (et donc à Tintin au Pays des Soviets,
qui était à l’époque une de mes lectures), j’avoue en revanche
qu’il m’est impossible de me souvenir pourquoi diantre j’avais
appelé un avocat « Pierre-Alain Vieillard ». Il se pourrait
cependant, mais je n’en sais rien, qu’il s’agisse ici d’un des rares
et brefs ajouts postérieurs à 1969 ].

L’APPEL.
Le juge : Accusé Saccappus, une nouvelle fois, qu’avez-vous à
dire pour votre défense ?
L’avocat de Monsieur Saccappus : Il a à dire, sauf votre
honneur, qu’il est innocent, et qu’il n’a rien à faire ici, sinon de répéter
« je suis innocent » et « ce n’est pas moi qui ai mis le bourdon, la
Bible, et le reste dans ma chambre ».
Monsieur Saccappus : Je peux aussi dire que, une fois mon…
coup fait…
L’avocat de l’abbesse : Il avoue… il avoue…
Monsieur Saccappus : Non… je continue… une fois mon coup
(prétendu) fait, et démasqué, pourquoi aurais-je mis les affaires du
crime…
L’abbesse (souriante, voix approbatrice, et insinuante) :
Aaaaah… tu as donc fait un « crime » ????
Le juge : Laissez l’accusé parler, mère…
Monsieur Saccappus : Merci. Donc, une fois mon « prétendu
crime » fait, j’aurais eu intérêt à me débarrasser de mes affaires… Or,
si l’on s’en réfère à ce que le bourdon, et le reste, était dans ma
chambre… (Puis, après un moment) Donc, plutôt, il se pourrait…
L’abbesse : Vous voyez : il en doute…
Monsieur Saccappus : …. Il se pourrait que ce quelqu’un les
ait introduites, ces affaires, et…
Monsieur Le Fou : Suffit. Il divague. Cet homme est fou… il
va nous accuser, comme je le vois. Enfin, nous avons assez de
preuves. Il FAUT venger les pauvres religieuses. Enfin, Messieurs…
c’est lui, il n’y a aucun doute…
Le juge : Suffit. Messieurs les jurés, délibérez.
Les jurés partent, puis reviennent. Voici, exactement, comment
cela se passa dans la chambre où ils se retirèrent.
Monsieur Le Fou : J’ai décidé. Il est coupable, et odieusement.
Madame Le Fou : Itou pour moi.
Le Fou : Idem pour moi.
Les autres jurés : Il paraît sincère… peut-être une demande…
Les autres : Non. Il est innocent.
Le juré : Bien. Croyez ce que vous voulez. IL EST
INNOCENT.
Ils reviennent dans la salle du jugement.
Les jurés (quatre d’eux) : Il est innocent.
Monsieur, Madame, et Fils Le Fou, un juré : Il est coupable.
Un juré : Votre honneur, il ne me paraît pas innocent, mais dire
qu’il est coupable, ce…
Le juge : Innocent, ou coupable ?
- Eh bien, à choisir, coupable.
Le juge : Le jury a délibéré : l’accusé est déclaré coupable.
Bourreau, fais ton office.
Le bourreau : Ah, mon office religieux, c’était…
Le juge : Pends-le.
Le bourreau le pend, puis il enlève son habit de bourreau,
s’habille en curé, et :
- Meurs en paix, repose ton âme, je te donne l’absolution, et
tout le patati…
Puis, tranquille, il va faire une messe.
Les Le Fou préférèrent reprendre leur fils.
Le matin, les parents décidèrent d’apprendre un métier à leur
fils…
- Ni moine, ni balayeur, mais il faut trouver.
- … un métier…
- …propre…
- sans femmes…
- …ni religieuses…
- …pas castrées…
- Oui…
- Mais…
- Quoi ?
- Ben…
- C’est-à-dire…
- Que…
- Je…
- Tu…
- Je…
- Tu ?
- Mais silence. Et n’ouvre plus la bouche, avant que je te le
permette.
- Oui.
- Voilà. Il faudrait lui apprendre un métier… Tu es
d’accord ?
- …
- Tu es d’accord ?
- …
- Mais parle… Enfin, vas-tu parler ? Alors, parle… (voix
tonitruante, forte, etc.)
- Je ne peux pas parler avant que tu me le permettes (air
dédaigneux et moqueur). J’attends ta permission.
- Enfiiin… tout ce qu’on voit… Bah… allez, je te donne la
permission de parler.
- Oui, je suis d’accord, pour répondre à ta question.
- Bien. Je continue. Il lui faudrait un métier.. ; sans
femmes… Que penses-tu de… forçat… ? Pas bête…
Hein ?
- Oui, c’est le métier idéal… sans femmes… sans risque
d’en voir… oui…
- Mais… comment devenir forçat ?
- C’est simple… on va casser la vitrine d’un bijoutier, et on
laisse un bout de papier avec : « Bijouterie. Le Fou ».
- Tu oublies une chose : c’est que nous sommes responsables
de lui, et que…
- Vache…
- Ah. On ne peut même plus aller en prison… je me souviens
de ma grand-mère, Marie de Vivières de Poisson, dite
« cachesaixe », elle était allée avec son fils, mon frère,
Pipitte de Bruxelles, en Corse. Comme ils n’avaient plus de
place, dans la ville « où qu’y zétaient », dans les hôtels, ils
ont demandé aux Carabinieri (c’est cô ça qu’ça qu’on dit la
police, en c’bled-là, d’les foutre en prison, pour dormir une
nuit. Eh ben, ces vaches-là, elles ont presque dit « merde »,
et puis, ces vaches-là, elles ont foutu un coup de pied au
cul à Pipitte de Bruxelles, et à Marie, et puis, ils sont partis
se coucher dans les égouts : faut êt’e vache, dis… Même
que, après, Marie de Vivières de Poisson, qu’était pou’tant
tout feu tout flamme, pour les Carabinieri, eh ben, elle l’a
plus été. Pas étonnant. C’est sa devise : « Tout feu, tout
flamme, mais… pas longtemps ».
[Commentaires (2008) : cet épisode s’inspirait
lointainement de faits que je venais de vivre, en 1969 (date de
rédaction de ce texte), en Italie ].

- Oui, bon. Mais… pour en revenir au… métier ? Hein ?


- Bien, bien. Si Monsieur veut ignorer la police corse…
- Pour moi, des poulets, ce sont des poulets. Et la nationalité,
« proutch » !
- Ecoute. Cet enfant commet des actes, mais ce n’est rien en
comparaison de ce qu’il fera plus tard. Il faut isoler cet
enfant du monde. Aussi, j’ai une idée. Tu m’as dit que ta
grand-mère possède une île, en plein océan, en pleine mère
des Sargasses, tu sais, cette mer d’algues, hein ?…
- Oui…
- Eh bien, demande-lui de nous la donner. Ainsi il sera en
pleine mer, et il ne pourra partir à la nage, ni en bateau,
puisque les algues…
- Mettons cette idée au point.

[Commentaires (2008) : Le passage « Ecoute. Cet enfant


commet des actes, mais ce n’est rien en comparaison de ce qu’il
fera plus tard. Il faut isoler cet enfant du monde » est à mon avis
des plus étonnants, et des plus prémonitoires… ].

Et bientôt, une lettre arrivait à Marie de Vivières de Poisson…


Chère Kikine (c’est l’un de ses nombreux surnoms), pourrais-
tu me donner l’île qui t’appartient, dans la mer des Sargasses ? J’y
enverrai mon enfant, qui est… malade, et a besoin d’air.
Réponse de Marie de Vivières de Poisson : Ma chère Olivia,
Hélas ! Ton fils est malade… Dieu… Est-ce grave ? Réponds vite, je
meurs d’angoisse.
Madame Le Fou, de répondre :
Chère Cachesaixe (c’est un de ses nombreux surnoms), la
maladie de mon fils n’est pas grave, mais il a besoin d’air. Veux-tu
me donner ton île ?
Sur quoi, Marie de Vivières de Poisson, de répondre : Dieu…
Dieu… la maladie de ton fils n’est pas grave… Quel bonheur… Merci
de m’avoir si vite répondu !
Alors, Monsieur le Fou :
- Dis, Olivia. Ta Bobonne, là, elle remercie, elle a peur, etc.
Mais de l’île pas un mot.
Madame Le Fou :
- Ben… tu sais, cette femme-là, elle s’est mariée huit fois, a eu
deux enfants (moi, et Pipitte de Bruxelles), préférait aller au rendez-
vous de son aimé avec une fracture du crâne, que de ne pas y aller,
alors…
Monsieur Le Fou : Récris-lui.

Chère Kikine, Mon fils, qui a besoin d’air, m’alarme, par sa


santé. Pourrais-tu me prêter ton île ? Ta petite Olivia.
La réponse :
Chère Olivia, je souhaite que tu ailles bien, ainsi que ton fils
(et sa santé ?), en passant par ton mari… PS : Ah ! J’allais oublier…
Ma voisine tricote splendidement…
Monsieur Le Fou : Plus rien à essayer.
Madame Le Fou : Si. Je vais encore essayer.

Kikine, l’île. L’île. Acceptes-tu de me la prêter ? Prêter.


Prêter. L’île. Me prêter. Me prêter l’île. A moi. Moi. Moi. Me prêter
l’île.
Comme réponse, les Le Fou reçurent ceci : Chère Olivia, moi,
te prêter une île ? Laquelle ? Le Mont-St-Michel ? Oléron ? Les
Baléares ? La Corse, la Sardaigne ? Peut-être la Crète ? Ah… serait-
ce Chypre ? Mais ces îles ne m’appartiennent pas. Je ne peux te les
prêter. Moi, j’ai juste une petite île. Ta Kikine.

Madame Le Fou écrivit :


Kikine, acceptes-tu de me prêter ton île ? Ton île. Ton île. Ton
île. Me la prêter. Oui ? Olivia.
Marie de Vivières de Poisson répondit : Olivia, au revoir. Je
pars au Tibet, dans les monts du Nincph Pho Nock. Je reviens dans
six ans. Ne m’écris plus, ici. Cela se perdrait. Bonne santé. Marie de
Vivières de Poisson.

- Bien. Pour l’île, c’est foutu.


- Mais…
- Il faut trouver autre chose…
- Oui. Quoi ?
- A toi de trouver. Sans moi, tu n’aurais pas d’enfant.
- Et alors ?
- Dis donc, vicieuse.
- Assassin.
- Folle.
- Spaghetti.
- Langue de bœuf !
- Côtelette d’agneau.
- Rigolo.
- Rigolote !
- C… (censure)
- Crétin.
- Crétine.
- Va donc.
- Analphabète.
- Va donc voir aux calendes, si j’y suis.
- Ta … (censure)
- Pouh… là, là, là, tu vas voir. Sans…
- Va t’coucher.
- Avec toi ? Tu dormiras dans la cuisine.
- Fada.
- Fille de folle.
- Oui, c’est juste, elle est folle.
- Tu avoues.
- Va dehors.
- A la mairie : pour divorcer.
- Tu m’abandonnes…
- J’t’abandonne pas, mais boucle-la.
- Tu donnes des ordres.
- On obéit au maître de maison.
- De quoi ?
- Merde.
- Zut.
- Flûte.
- Trombone.
- Président de la république.
- Anarchiste.
- Socialiste.
- Fâchiste.
- Va donc, royaliste.
- Pour le P.M.U !
- Quoi ? O.N.U. !
- J’te dis…
- Fils de crétine.
- Ooooh.
- Ici.
- Crapule.
- Gangster.
- Al Capone.
- Militaire.
- Patricien.
- Non au pouvoir.
- Silence, démente.
- L’égalité de l’…
- Vas-tu la fermer ?
- Ah, soyez poli, hein.

[Commentaires (2008) : l’orthographe « fâchiste » est celle


du manuscrit original de 1969 ; il y a peut-être aussi une influence
de mes lectures de Tintin (les injures du capitaine) ; enfin,
l’allusion au « P.M.U. » demanderait de vérifier en quelle année le
P.M.U. a été créé ; il s’agit sans doute d’un ajout postérieur à 1969
].
Quand cette chaude dispute fut finie, chacun alla se coucher,
Mais Madame Le Fou força Monsieur Le Fou à « garder ses distances,
dans le lit commun ». Mais, le lendemain, la dispute était oubliée, et,
dans le lit, les nuits suivantes, on ne pensa plus à « garder ses
distances ». Mais les Le Fou cherchaient toujours un métier pour leur
garnement.
- Une fois pour toutes, quel métier…
- Durable…
- …propre, et sans religieuses…
- …non castrées…
- peut-on lui…
- choisir ?
- Enumérons. Nous avons essayé sonneur de cloches,
balayeur, moine, et…
- C’est tout.
- Bien.
- Ministre ?
- Non.
- Poulet ?
- Poulet ?
- Flic.
- Ah, policier.
- Eh bien ?
- Non…
- Musicien ?
- Oui. Comme les grandes gloires musicales…
- Jeanne Resueur…
- Rogette Baurdinette…
- Jacques Legranus…
- Xavette Pilote…
- Annette Broelle…
- Aaaaah… ces gloires…
- Musique ! Musiqueuh… Musique… Aaaaah…
[Commentaires (2008) : ces noms étaient formés, pour la
plupart, sur ceux de mes enseignants de solfège, de piano et de
violon de 1969… ].

- Tu oublies une chose…


- Quoi ?
- C’est qu’il lui faut une vie sans femmes. Or, musicien…
- Oui… Alors, comme métier…
- Peintre ?
- Ph… F… Ben…
- Accoucheur…
- Je ne sais… si…
- Passons.
- Quoi, alors ?
- Président de la République ?
- Trop bête pour lui… et… il lui faut un métier digne de
lui… non, pour lui, être « ça », non… il est trop intelligent
pour faire ce métier idiot. Il voit plus haut. Disons qu’il
aspire à de plus hautes destinées…
- Bon, bon…
- Trouve encore des métiers…
- Journaliste ?
- Pour être journaliste, il faut savoir écrire…
- Euh… Bibliothécaire ?
- Intéressant. On pourrait essayer.
- Mais non. Il ne sait ni lire, ni écrire, alors…
- Hélas…
- Mais trouve un métier, toi aussi…
- Chômeur ?
- Oui. A part cela ?
- Clochard ?
- Oui, c’est cela… et… tu n’as pas une autre idée ?
- Non.
- Tu n’as pas beaucoup d’inspiration…
- Dis donc.
- De quoi ?
- Attention, hein.
- Des menaces ???
- Je te conseille…
- Je n’écouterai rien d’une idiote comme toi.
Ils montent se coucher, séparément, et « gardent leurs
distances ».

[Commentaires (2008) : ici, dans le manuscrit original de


1969, un passage manquant d’environ 16 répliques ].

- …….. roi.
- Ecrase.
- Au lieu de m’insulter, tu pourrais trouver un métier à ton
fils.
- Ah, Marie de Vivières de Poisson, mon illustre grand-
mère, elle me l’avait bien dit, que je ne devais pas épouser
un…
- Du calme. C’est toi qui as commencé, non, à me dire,
comme à un chien : « Monsieur » ?
- Eh bien… Monsieur voulait que je dise « Monseigneur »,
« Sire », « Sa Majesté », « Sa grandeur », non ?
- Je voulais que tu dises : « chéri », « mon roucoucou »,
« ma culotte amoureuse », mon « colibri », et…
- Ah, suffit !
- Je t’ordonne…
- Tu n’as…
- Silence.
- De quoi ?
- Je vais te ti…
- Des menaces ?
- Goujate.
- Goujat.
- Voyou.
- Voyelle.
- Oh, que c’est drôle.
- ‘spèce de…
- Tire la chasse d’eau, et…
- Mamma mia, comme disait mon grand-père, l’illustre
docteur René Rihouette.

[Commentaires (2008) : ici, de nouveau, il y a un ajout


postérieur à 1969 puisque ma grand-mère, Marie de Vivier,
épousa le docteur René Rihouëy en 1973… ].

- Ouh, là, là.


- Et il se plaint, en plus.
- Dieu, puniras-tu cet insolent ?
- Mahomet, seul prophète, prie Allah, le Grrrand, pour qu’il
punisse cette insolente.
- Ah, ah, ah, il est mahométan, et baptisé chrétien… Ah, ah,
ah.
- Elle me…
(Ils s’éloignent, en se maudissant, et ne se disent plus un mot,
pendant toute la journée). La nuit, Monsieur Le Fou, s’approchant,
Madame Le Fou, d’une baffe (et elle sait les donner), l’envoie rouler
au bas du lit).
- On chasse son mari du lit commun, qui a vu…
- Va coucher par terre.
- Moi ?
- Oui, Monsieur.
- Ecoute, petite, tu sais, si… (voix hypocrite, douce, etc.)
- Va coucher, te dis-je.
- Oooooh.
- Bien, demain, tu coucheras dehors.
- Petite culotte…
- … rien du tout.
- Si, un tout petit peu…
- Un rien…
- Va coucher.
- Avec toi ?
- Non. Dehors.
Cette dispute continua tous les matins, jusqu’au jour où
Madame Le Fou décida d’écrire un roman.
- Bonjour, chéri…
- (à part, très vite) Quoi ? Chéri… Plus « monsieur » ?
Bonjour, chérie.
- Dis, mon petit, voudrais-tu que je te dise ?
- Si ça n’est pas de s…
- Bien. Veux-tu te réconcilier ?
- On ne gardera plus nos distances ?
- On ne gardera plus nos distances.
- Promis ?
- Promis.
- Alors, je veux bien.
- Je vais te dire : je vais écrire un livre.
- Sur quoi ?
- Tu vas m’aider à le trouver.
- Sur moi ?
- Tu es trop sale.
- Hum, bon. Sur Marie de Vivières de Poisson ?
- Pas intéressante.
- Sur… les chats ?
- J’éternue quand je vois un chat, alors…
- Les chiens ?
- Non.
- Sur… Je ne sais… euh…
- J’ai trouvé, sur mon fils.
- D’accord.
- Un titre !
- Quoi, un titre ?
- Trouve un titre.
- « Dégoûtations ».
- Non.
- « Cochonneries ».
- Non.
- « Choses ».
- Non, et non.
- « Atrocités ».
- Non.
- « Le moine ».
- Non. J’ai trouvé : « Divers ».
- En effet, le sujet est divertissant.

Madame Le Fou écrivit « DIVERS », ce livre m’étant tombé


sous la main, je le résume. (Il ne faut pas oublier que c’est une
paysanne qui écrit « DIVERS »).

Manuscrit.
« DIVERS ». « MON FILS ».
Préface.
Dans ce bouqu « ain », je vais, par la foi de ma grand-mère,
vous raconter comment qu’c’est qu’mon fils, il a fait certaines
choses…
Chapitre 1.
Voyez-vous, M’sieurs Dames, un jour, un bonhomme, même
qu’il est professeur, directeur, et tout et tout (un savant, quoi) y est
venu ici, pour me voir, car comme y passait par là, y s’est dit : J’vas
aller les fricoter, un peu. Et c’type, y joue du violon, mais faux, faux,
qu’on croirait entendre une dame de ma connaissance, Eglantine
Legranus. E’ ben, j’dis à mon fils : « C’type-là, y joue tellement faux,
qu’au moment où qu’c’est qu’y joue, on s’dirait qu’il y a tous les chats
du monde, y miaulent, à la fois ». L’prof, là, y dit : « J’vas vous jouer
un air ». Alors mon fils, voilà qu’y dit : « maman, elle dit qu’vous
jouez faux, comme tous les chats du monde, j’vas t’y voir si c’est
véritablement la vraie vérité.
Et puis, j’vas vous raconter, comme qu’c’est qu’mon fils, il a
fait un gosse à sa sœur, avant qu’elle soit née… Vous savez, le 4 juin,
y a ben du temps, maintenant, j’l’ai eu, c’gosse, et y l’était jumeau,
avec une fille. Ben, quand elle est née, la fille, elle avait l’ventre gros,
et ben, elle avait un bébé dans le ventre… faut pas demander…
Et py, j’vas vous raconter, comment qu’c’est qu’ce petit, à huit
ans, il savait raconter çâ qu’il avait vu. Quand j’la repris de l’asile, y
m’dit : « C’est marrant, à l’asile y a des gars, y zont des converses
marrantes ». Y m’a dit, aussi : « J’vas te raconter une dialoguette » (un
dialogue). Et y s’met à m’dire : « Y avait deux gars, et y parlaient
comme ça ».
- Ah, ah, ah.
- Oh, oh, oh.
- Ih, ih, ih.
- Raa.
- Aaaaaaah, aaaaaaah, aaaaah, je meurs.
- Hihihi.
- Crétin.
- Ploutch.
- Blub.
Et alors, y m’dit : « C’est pas drôle, non ? Aaaaah, aaaaaah,
aaaah ». Eh ben, moi, j’pige rien. Et vous ?…
Et puis, un autre jour, y m’dit :
- J’peux vâr les albums de photosses ?
- Oui, mais fais attention.
Puis, peu après, je regarde ce qu’il faisait : il gommait les
photos.
- T’es pas toc ? que je lui dis.
- Mais, M’man, j’regarde ce qu’il y a en d’ssous.
Et puis, un jour, y s’enferme dans sa chambre, et il y reste
toute la journée… et y fait ça tout le temps… A la fin, on va voir
c’qu’y fait… Devinez… Hein ? Eh ben, moi, j’pige point, encore… Il
découpait des petits bouts de papier, et, sur chacun d’entre eux, il
faisait un petit signe… A côté de lui, il avait mis des photos de filles,
et j’ai reconnu la fille du boucher, Rolandine Bistèquaille. Par terre, il
y avait un œuf pondu depuis trois semaines. Et il criait : « Ah, ah, ah,
ah, ah, ah ». Moi, j’dis : « Eh, fils, t’es maboul ? »
- Je prépare un filtre d’amour, y m’répond…
- Au fou, au fou ! qu’j’crie…
Alors, mon homme, il arrive, et y dit :
- Un filtre… Un filtre… Au fou.
Et il a crié : Abracadabra, petit dragon rouge, petit capuchon.
J’ai fait une réflexion : « Aussi fou qu’son fils, cet homme-
là ».
Maint’nant, encore une chose sur la voisine. Elle m’a raconté,
vous savez, un jour, une histoire. Son grand-père (à elle), il était
conventionnel. Il s’nommait le docteur Luvivier. Eh ben, il aurait
divorcé, si sa femme, elle avait point demandé la permission des se
coucher, d’écrire, de respirer, y paraît que tout, elle d’vait d’mander.
Et py, c’qui est drolatique, c’est qu’un jour, elle a dit :
- J’demande la permission de demander la permission.
- Accordé, il lui répond.
- Merci. Je demande la permission de… divorcer.
- Non accordé.
Pas drôle ??

Puis, une aut’fois, mon mari, y rentre en courant, et y m’dit :


Merde. C’est Pâques, et l’Curé, il est crevé. Pas de Curé. Le chemin
qui mène à la ville est effondré. Et les villageois veulent une messe.
Ils m’ont dit : celui qui a le plus servi à l’église, ici, c’est ton fils. Y
disent : « Il a été sonneur de cloches, et moine ». Et ils le veulent.
C’est catastrophique !
Le Fou a tout entendu, et dit :
- On va s’marrer ! Ah, ah ! J’y vais, P’ppa !
La messe commença…
Le Fou, voulant faire un scandale, dit :
- Mes fils, cette messe de Pâques, nous la célébrerons comme
Dieu me l’a dit. Il m’a dit : « Mon fils, cette messe devra être une
joie ; apportez du vin, de la bière, du pain frais, des tartes, du poulet,
et des mets de premier choix sans oublier champagne et gâteaux ».
Puis, il m’a dit : « Tous, sauf le prêtre et sa famille, se déshabilleront,
et les jeunes filles, une à une, danseront sur l’autel ». Puis, encore, il
m’a dit : « Faites sonner les cloches, pendant toute la messe. Puis
buvez un verre à votre santé, après avoir recouvert d’argent le prêtre ».
La messe se déroula ainsi… ; les plats se succédaient, on
dansait, on criait, les cloches sonnaient, etc. Le lendemain, chez Le
Fou…

Le Fou, Madame Le Fou, Monsieur Le Fou.


- Pas mal, hein. Recouvert d’argent, aaaah… On est riches.
J’suis un bon prêtre, hein ?
- Riches. Riches. Riches ! Et ben…
- Oui… mais, vous savez, c’est ennuyeux, mais on a commis
un péché… on est entré à l’église sans faire un signe de
croix… hein…
- Oui… Ecoute, du calme.
- J’suis riche.
- Nous sommes riches.
- C’est moi qui ai gagné le fric !
- Toi ?
- Moi.
- Un enfant n’a pas besoin d’argent.
- Oui…
- Hein ?…
- Mais c’est moi…
- Silence.
- Je…
- Silence…
- Je…
- Je sais. Tu me donnes l’argent.
- Je…
- J’ai compris.
- Je te…
- Tu me… ?
- Aaaaah…
- Rebellion ?
- De quoi ?
- Des insultes ?
- Des menaces ?
- Du calme, mes enfants, on se partagera l’argent, dit alors
Madame Fou. Avez-vous vu, hein ? Pas mal, mon fiston…
Prêtre !… et… original… très…
Et tandis que madame Le Fou écrivait DIVERS, Monsieur Le Fou,
jaloux, décida d’écrire HISTOIRES DROLES. Le manuscrit ne résista
pas au temps, mais un chapitre est resté intact ; c’est le premier…

Chapitre 1.

J’vas vous raconter une histoire : une vraie. Quand il était


jeune, un ami de la grand-mère de ma femme, il était médecin. Un
caporal, il vint l’voir, et y lui dit :
- J’ai une bronchite capillaire.
- Aaaaaah ! (air désolé)
- Oui.
- Vous toussez ? (air compatissant)
- Non.
- Ah ! (Air étonné). Vous avez des difficultés pour respirer ?
(Air certain, et fort compatissant).
- Non, non !
- Ah ! (Air de plus en plus étonné) Vous avez des douleurs
au côté ?
- Non plus.
- Dites.. ; euh… savez-vous que la bronchite capillaire est
une maladie très grave, et que vous vous portez le mieux
du monde ? Que ressentez-vous exactement ?
Puis :
- Oui, votre état n’est pas alarmant… du tout… Allons, que
ressentez-vous exactement ?
- Ma foi, rien ! Mais depuis trois mois, je perds tous mes
cheveux. (Air bête, et affolé)
- Votre nom ?
- Lerouge… Caporal Lerouge.
- Caporal Lerouge, sachez que vous avez besoin d’une
potion capillaire, et de trois grains d’ellébore. Et que vous
n’avez pas une bronchite, la bronchite étant une maladie
pectorale, du sinus, etc. et que…
- Merci… Je vous dois ?…
- Rien, un brave soldat doit garder son argent, je ne le lui
prendrai pas.
- (à part) Homme généreux ! (Haut) Merci, merci, je n’avais
pas d’argent !
Et il sortit, en saluant bien bas, et en claquant bien fort la porte.

Chapitre 2.
« Je suis, maintenant, par la parole de notre chef, le célèbre, et
l’illustre général Vazydonque-toiemême, assuré de vivre.
Mourons ! »
Le caporal, à quelques doigts de la mort, prononçait ces
paroles, et un vieux sergent cria : « Qu’y-z-y viennent, et… »
A partir de là, le temps perdit, sépara le roman – mieux que
celui de Madame Fou, mais… ne lui dites pas ! – de Monsieur
Le Fou, et nous ne saurons jamais la suite des paroles du vieux
sergent.

Mais revenons au manuscrit de Madame Le Fou. J’vais


vous dire… que… j’n’ai rien à vous dire, alors, j’vas me
coucher…
Note de l’auteur : le manuscrit de Madame Le Fou est moins
bien que celui de Monsieur Le Fou.
Ici, le manuscrit de Madame Le Fou s’est perdu. Nous
allons repasser à la vie des LE FOU.
Un jour, les Le Fou reçurent une lettre, que voilà…
« Chers tous, je vous invite à Maillan. C’est en
montagne, et vous ferez connaissance avec de gentils gardiens
de vaches ! Venez ! Votre ami, S. Taboullain ».
Hélas, Monsieur Le Fou et son fils ne pouvaient y aller,
l’un malade, l’autre devant réparer la maison. Mais Madame
Le Fou y alla, et y fut accueillie par son ami Taboullain, qui,
une fois les amabilités faites, dit, gravement :
- Hélas… je dois partir pour l’étranger ce soir… Mais tu auras
de la compagnie, au village. Tiens, ce papier t’expliquera tout… Au
revoir ! ma diligence est là.
Le papier de S. Taboullain, le voilà…
« Maillan. Village de 53 habitants, dont 50 vaches ; une
buvette ; un dortoir ; un lac. Poupulation : premier
habitant, le patron de la buvette, vacher, ivrogne ;
deuxième habitant, vacher, millionnaire, selon lui ;
troisième habitant : ex-vacher, ex-alpiniste amateur,
gâteux. 104 ans. On ne peut venir de la ville qu’en
décembre, et on ne peut en repartir qu’en juillet ».

On était fin décembre… Madame Le Fou, et les 53 habitants


du village, étaient coincés sur le petit plateau de Maillan… Madame
Le Fou passa les journées les plus abominables de sa vie !!! Juste,
pour vous l’expliquer, cette première soirée, au dîner.
- Toi, belles jambes !
- Jambes de toi plus belles que celles de vaches ! Toi, jolie
vache !
- Vous dormir avec je.
- Montre tes jambes, que je les touche.
Et le gâteux, de répéter :
- Moi correct ! Moi correct ! Moi correct ! Moi n’faire « ça »
qu’aux vaches ! Quand même ! Traire toi doit être
passionnant… Moi pouvoir essayer ?
La pauvre Madame Le Fou se barricadait, se cachait, criait :
- Reculez, rustres !
- N’approchez pas !
- Rustre !
- Goujat !
- De la politesse !
- Je me plaindrai !
- Rhabillez-vous ! Vous êtes indécent.
Et, rentrée chez elle, elle ne répondit aux questions qu’on lui
posait que par :
- Fiston, ils sont plus sales que toi ! Tu es un ange, en
comparaison à eux ! Toi, tu as beau faire des actes, tu es
quand même plus propre.
- Ils sont sales, alors ! répondait le fils. Car pour être plus
sale que moi…
Madame Le Fou dit aussi :
- Une femme heureuse, là-bas, ce serait Marie de Vivières de
Poisson !
Ainsi finit l’aventure de Maillan…
Mais, un an après, une lettre arrivait à Sarignot ; elle était
destinée à la famille Le Fou… La voici : « Chers tous, je vous invite à
Franye, à la campagne : vous passerez des vacances magnifiques !
Vous serez seuls dans une ferme, isolée dans la campagne. Il y a un
grand champ ! Venez. (La région est célèbre pour ses vaches). S.
Taboullain ».

[Commentaires (2008) : je n’exclus pas que le passage qui


précède soit (lointainement) inspiré par l’un des séjour que je fis
en Suisse, à l’époque, dans un village de ce pays où ma mère et
moi avions réellement rencontré des vachers (qui s’exprimaient
dans un dialecte, sans doute germanophone, que j’ai essayé de
« restituer » ici). Ce qui est absolument certain, en revanche, est
que l’épisode qui suit est inspiré par un très bref - et, pour moi,
déplaisant - séjour que je fis, en 1969, dans le village français de
Fragny (ici : « Franye »), chez une dame artiste amie de ma
grand-mère, Madame Grémillot-Cadet ; comme d’habitude, dans
la réalité, je « brouillai » ma grand-mère avec cette dame et le
mari de celle-ci ; je rappelle, par ailleurs, que j’eus la chance de
ne pas être scolarisé, ce qui signifiait que j’avais pu me déplacer à
mon gré, sans « obligations scolaires », en cette année 1969, aussi
bien en Italie qu’en Suisse et qu’à Fragny, etc.].

Madame le Fou :
- Hum ! Je n’ai pas tellement envie d’y aller…
Monsieur Le Fou :
- Pourquoi ?
Madame Le Fou :
- Ben… Il y a… des vaches…
Monsieur Le Fou :
- Et alors ?
Madame Le Fou :
- Il y a aussi… des v… vachers ?
Monsieur le fou :
- Sans doute ! Et… ils te font peur ?
Madame le Fou :
- Oui… à Maillan, ils n’ont pas été corrects.
Monsieur Le Fou :
- Avec… toi ?
- Oui.
- Tu m’avais dit que tu t’étais amusée. Alors ? Allons ! nous
irons à Franye !
Madame Le Fou :
- Bien.
Ils partirent, et arrivèrent à Franye.
Arrivés à la ferme, ils vont se coucher… Mais, le matin, ils
s’aperçoivent qu’il y a des insectes partout ; dans les tiroirs, dans les
bouteilles, sous les meubles, dans les casseroles, dans l’évier, etc., et,
qui plus est, qu’il y a des rats, des chauve-souris, des punaises, des
cloportes, des cafards, etc.
- Il faut chercher des gens !
- Oui.
- Reste là, je vais chercher les vachers…
Les vachers arrivés, une conversation s’engage…
- Qu’est-ce que vous voudriez qu’on fasse ? Vite, hein !
Nous, on a nos vaches à rentrer !
- Tuez ces insectes, répond Monsieur Le Fou.
- Dans le jardin ?
- Non… Dans la maison.
- Eh ben ! Louis, t’entends ça… dans la ferme à Grémillot-
Padette ! Ah, ah, ah ! Vous êtes point au courant,
monsieur ?…
- Non… non…
- Eh ben, Mon Sieur, c’te ferme, elle appartenait à une
vieille bigote, qu’elle s’nommait Marrionne Grémillot-
Padette. Eh bien, c’te bigote, elle était sorcière ! Et ces
insectes, elle les élevait. Moi, j’veux point les tuer, car
j’veux point entrer dans la maison de Padette ! Si on y
entre, y a un mauvais sort. Mais… dites… vous m’aviez dit
que vous aviez un gosse, puis une vache… euh… une
femme… J’vois le gosse, mais… où est la v… euh, la
femme ?
- Ma femme ? Ah, elle est cachée, sous l’arbre là-bas. Oh !
Florentine-Olivia ! Viens !
- Pou’quoi la vache… euh… la femme du Monsieur, ell’ se
cache ?
- Euh… pour rien.
- Mais… savez-vous être jolie, jolie vache ? Hé, Louis, va
chercher les autres.

Les « autres » arrivent.

Madame Le Fou, Monsieur Le Fou, petit Louis, Gros Jean,


Marcel-Etienne.

Petit Louis : - C’est-y-pas, qu’elle est jolie ?


Monsieur Le Fou : - Quoi ? Ma femme…
(Il est assommé par Marcel-Etienne).
Gros Jean : - Elle ferait bien, dans l’étable !
Marcel-Etienne : - Elle est pour moi.
Louis : - Pour moi.
Gros Jean : - C’est moi qui l’ai vue le premier.
Petit Louis : - C’est moi.
(Ils se battent, et Madame Le Fou, son fils, et son mari, se
barricadent dans le grenier, avec des provisions).
Monsieur Le Fou défend l’entrée de la fenêtre, et son fils
l’escalier : les vachers, ayant décidé de « se partager » Madame Le
Fou, ils attaquent la maison, en criant :
- Pour nous, la belle vache !
- Pour nous, la petite Madame !

L’attaque des vachers pour Madame Le Fou.


- Nous vouloir belle vache !
Monsieur Le Fou :
- Jamais ! Elle m’appartient !
- Pas pour longtemps ! Toi pas assez beau bœuf pour cette
vache-là !
Monsieur Le Fou :
-Essayez de monter ! Le bœuf sait ruer !
- Moins que nous !
- C’est à voir ! répondit Monsieur Le Fou.
Les vachers, après quelques attaques, firent le blocus. La nuit,
nos héros eurent une conversation.
- On est bien, avec ces vachers.
- Oui.
- Je l’retiens, avec ses invitations, ton Taboullain !
- Eh… je t’avais dit…
- Oui. Silence, ou je te livre !
- …
- Bien. Quand même, que faire ? Nous ne pouvons nous
éterniser ici !
- Ben…
- Il faudrait avertir des gens.
- Oui. Mais… comment ?
- Là réside le problème.
- Ecoute ; il n’y a qu’une seule solution !
- Laquelle ?
- Crie comme une chipie, comme tu sais si bien le faire.
Pique une crise de démence. Pousse des cris lugubres : fais
exactement comme lorsque tu te mets en colère ; je me
charge du reste.
- Imbécile. Aaaaaaaaaaaaaaaaah ! Ma mère m’avait bien dit
de ne pas t’épouser. Crétin. Sale homme. Hurluberlu !
Aieaieaieaieaie. Fou ! Ahlàlàlàlà !
Huhuhuhuhuhuhuhuhuh ! Avorton ! Sale poubelle !
Immondice ! Crapule ! Canaille !
Alors Monsieur Le Fou, selon son plan, crie, à le fenêtre :
- Oh ! Vous autres ! Vous l’entendez crier ! Quelle chipie ! je vous la
livre ! Personne ne devrait avoir une femme ainsi. Prenez-la, c’est de
bon cœur que je vous l’offre ! Ah, je vous la donne ; quelle chipie, elle
crie tout le temps ! Quelle folle !
Les vachers se regardèrent, interdits…
- C’est vrai, Monsieur, elle crie tout le temps ?
- Oui, sans arrêt ! dit Monsieur Le Fou.
- Elle a des crises ?
- Elle n’a que ça ! répondit calmement Monsieur le Fou.
- Vous pouvez la garder, vot’ chipie ! répondirent les vachers.
- Oooooooh, non !! Prenez-la ! Ne me laissez pas avec ce monstre
furibard ! dit Monsieur Le Fou pour persuader les vachers. (Puis, bas à
sa femme) Crie de toutes tes forces !
- Houlàlàlàlà ! Hiiiiiiiiiiiii iiiiiiiiiii ! Aieaie aieaieaie ! Holà ! Garagara
garagara !
- Cela suffit ! dit Monsieur Le Fou…
Et ils rentrèrent à Sarignot !…
Un jour, les vachers vinrent à Sarignot, et allèrent chez les Le
Fou…
- Bonjour, Monsieur. Nous écoutons depuis avant-hier les cris de votre
vache… eh ben, elle n’crie pas ! Vous nous avez dit qu’elle était
démente… C’n’est point vrai ! Voyez-vous, M’sieur, nous, à Franye,
on a un concours de vaches… alors, on aimerait la vôtre, pour le
concours…

(Monsieur Le Fou pense : « Ah ! Ils font un concours de


vaches, et ils ont choisi ma femme pour dire les noms des vaches, les
propriétaires, etc. Alors… S’ils ont corrects ! »)
Puis, haut :
-Serez-vous corrects, pendant le voyage ?
- Oui, oui, clamèrent les vachers.
- Et après ? Et pendant le concours ?
- Oui ! Oui !
- Bien. Ma femme peut y aller.
Les vachers, et Madame le Fou partent, et arrivent à Franye…
Ils sont très corrects pendant le voyage. Juste une phrase incorrecte :
- Toi, quand même, bien faire dans l’étable !

LE JOUR DU CONCOURS.
- Mesdames les vaches au départ.
Puis…
- Je fais l’appel. Vache 1 !…
- Présente ! répond son propriétaire.
- Vache 2 !…
- Présente, répond son propriétaire.
- Vache 3 !…
- …
- Vache 3 !…
Dans l’assemblée, les vachers :
- Madame Le Fou, allez-y.
- Je ne suis pas une vache.
- Ici, c’est pareil. Déshabillez-vous, et allez-y.
Sous la menace, Madame Le Fou obtempère…
L’assemblée :
- Une femme-vache !
Puis :
- Une dernière fois, vache 3 !…
- Présente !
- Le concours est commencé ! Bien ! Epreuve 1 : les
propriétaires sont priés de traire leur vache ; la vache qui
aura donné le meilleur vin sera déclarée gagnante. Euh…
pardon, le meilleur lait… Du vin, c’est moi qui viens d’en
boire… Allez ! Et que le meilleur gagne !
Peu après :
- Les concurrents sont priés de regagner leurs places…
Puis :
- Le jury, ayant délibéré, déclare vainqueur la vache de
l’heureux Aristote-Jean Platonne, qui a donné cinq litres de
vin… euh, de lait… La deuxième, ayant donné trois litres de
v… de lait, bat le record des vaches de 59 kilos. Quant à la
femme vache, elle n’a rien donné. Classement : 1) Vache
Roussette. 57 kilos. Aristote Jean Platonne. 2) Vache Bébelle.
58 kilos. Onésime Chapeau-Bas. 3) Femme-vache Le Fou. 80
kilos. Marcel Etienne, Gros Jean, Louis. Bien. Demain, la
deuxième épreuve…

Le lendemain…
- Deuxième épreuve. Je fais l’appel. Vache 1 !
- Présente !
- Vache 2 !
- Présente !
- Vache 3 !
- Présente !
- Bien. Que tous les assistants prennent des lassos, à part les
propriétaires, et qu’ils attrapent les vaches. Celle qui
résistera mieux sera première, et ainsi de suite…
Et à la fin de la deuxième épreuve :
- RESULTATS : première, la vache d’Aristote Jean
Platonne ; elle a résisté vingt minutes. Deuxième, la vache
d’Onésime Chapeau-Bas ; elle résiste trois minutes.
Troisième, la vache femme. Elle, n’a pas résisté. Bien !
Demain, la troisième épreuve (et dernière). Ouf, c’est fini.
Eh, aubergiste !!!! Prépare-moi trois bouteilles de vin. Du
gros rouge !
- D’accord, Monsieur. Sur votre note ? demanda
l’aubergiste.
- Comme d’habitude, Léon !

La troisième épreuve.

- Chaque propriétaire enlèvera les poils de sa vache, et la vache


ayant rapporté le plus de poils sera déclarée vainqueur. Que le plus
poilu gagne !
Après l’épreuve :
- Toutes les vaches sont-elles dépoilues ?
- Oui !
- Bien. Qui est premier, et qui est deuxième, nous ne le
savons pas encore, mais la femme-vache, nous le savons,
elle est troisième, car, dans le seau qui renferme ses poils,
je vois des petits fils informes ri-di-cu-les.
Au bout de quelques instants, le jury :
- Eh oui ! C’est encore Aristote Jean Platonne qui a remporté
ce prix, suivi d’Onésime Chapeau-Bas. Bien, je déclare le
concours terminé ! A demain, pour la remise des cadeaux !

LA REMISE DES PRIX.


Première, la vache d’Aristote-Jean Platonne. Prix : pour le
maître : un veau. Pour la vache : de l’avoine.
Deuxième, la vache d’Onésime Chapeau-Bas. Prix : pour le
maître, un veau. Pour la vache : un veau.
Troisième, la femme-vache des vachers. Prix : pour le maître,
des encouragements. Pour la vache : ses poils.
Ainsi se finit l’histoire des vachers, et du concours de vaches… Et au
retour de Madame Le Fou :
- Tu t’es amusée ?
- Non !
- Ooooooh ! (air fâché)
- Viens voir : tous mes poils sont partis…
- Diiiieu !
- Bon, sache que là-bas, les vaches, ce sont les femmes.
Alors, si on te propose un concours de vaches, vas-y toi-
même. Moi, j’en ai goûté… Ne me parle plus de ça. Bien.
Et on n’entendit plus parler de vaches, ni de vachers.

Un jour, Madame Le Fou, en allant à la messe, vit un panneau :


LA MAIRIE DE SARIGNOT LE ROI ORGANISE UNE PIECE DE
THEATRE. TOUS LES ENFANTS DE SARIGNOT PEUVENT
PARTICIPER. SUJET : L’AMOUR A TRAVERS LES AGES.

Madame Le Fou :
- Mon fils, faire du théâtre ! Miracle ! Bénédiction ! Mon fils
va faire du théâtre ! Tralalala !
Elle va à la mairie.
- Bonjour, Monsieur.
- Bonjour, Madame… C’est à quel sujet ?
- A propos du théâtre, là… J’aimerais inscrire…
- (voix stridente et horrifiée) Votre fils ? Non, hein ?
- Mon fils, en effet.
- Mais, si… vous savez… le sujet… il…
- Il est doué pour ce sujet, et je l’inscrirai !
- Mais…
- Pas de mais !
- Et… si…
- Pas de si !
- Bien, Madame…
Tout le monde savait bientôt, avec horreur, que le petit Le Fou
participait au concours, sujet : l’amour à travers les âges. Aussi, dans
les foyers… Chez les Leplat…
Gargousette Leplat : - Ma fille, n’y va pas !
Balouchiste Leplat : - Oui, je te l’interdis.
Sinonimette Leplat : - Mes parents, pourquoi ?
Balouchiste Leplat : - Tu veux que je te dise qui est le petit Le Fou ?

Chez les Pesler.


Roger Pesler : - Infamie ! Le petit le Fou !
Digodonon Pesler : - Tu n’iras pas, fiston !
Chastée Pesler : - Pourquoi ?
Digodonon Pesler : - Silence. Pas avec lui.

[Commentaires (2008) : ici, le nom de Pesler était, à peine


déformé, celui de mes voisins, en 1969, au 7, square des Aubades à
Marly-le-Roi… ].

Chez les Demerre…


Etoile Demerre : - Tu n’iras pas.
Pelle Demerre : - Oui.
Anémone Demerre : - J’irai.
Pelle Demerre : - Non.

Et chez les Le Fou.


Monsieur : - Tu vas faire du théâtre !
Madame : - Tu iras, hein ?
Le Fou : - Oui. C’est un sujet fabuleux.

LE CONCOURS.
Tous les concurrents ayant déclaré forfait, sauf le petit Le Fou, je me
vois dans l’obligation de lui décerner le premier prix ; je le regrette,
croyez-le ! Voici votre prix, mon garçon.
- M’sieur !
- … Oui ?…
- Je veux vous parler de l’amour à travers les âges !
- Hélas ! Parlez !…
- Il me faut un sujet.
- Un… sujet ?
- Pour la démonstration.
- Nous nous passerons de démonstrations.
- Bon. Voici mon discours sur le sujet. « L’amour. Quel
beau sujet ! L’amour est une chose. Une chose… belle.
Personne n’y résiste. Voici des exemples… Rhéa Silvia !
La vestale, fille de Numitor, et mère de Romulus et Rémus.
Amulius, frère de Numitor, fit Rhéa Silvia vestale, sous
prétexte de lui donner une haute distinction. Comme le dit
Tite-Live : « Mais il fallait, ce me semble, que les Dieux
intervinssent dans la fondation d’une si grande ville et
d’un Empire qui devait être le premier après l’Empire du
ciel. Cette vestale, victime d’un outrage, met au monde
deux jumeaux ; et, soit qu’elle voulût avoir moins à rougir
de sa faute, soit qu’elle le crût (comme on croit des
choses…), elle désigne Mars comme père de ses enfants ».
J’espère avoir mérité mon prix.
- Vous le méritez, si, si ! Ouf !

Quelque temps après, madame Le Fou s’écria :


- Nous allons lui faire apprendre le violoncelle.

LA PREMIERE LECON.
- Bonjour, Monsieur.
- Bonjour, mon petit. Allons, commençons… Voici le
violoncelle que je vous prête ; en prendrez-vous soin ?
- Oui, monsieur, je coucherai avec !
- … hum hum ! Commençons. Voici comment on tient cet
instrument. Oui, entre les deux jambes. Mais… ? Pourquoi
le frottez-vous ainsi ?
- Il est un peu grand pour moi, alors je jouerai sur ses bébés.
- Bonne blague ! répond le professeur, qui n’a rien compris.
Allons-y. L’archet se tient ainsi. Oui. En violoncelle, il y a
des positions. Nous allons apprendre celle-ci… Là ! Fa,
sol, la, si, et do.
- Que dites-vous, M’sieur ?
- … Fa, sol, la, si, et do… Ce sont les notes de cette position.
- Les potes ?
- Vous ne savez pas vos notes ?
- Lesquelles ?
- Les notes.
- Oui, M’sieur le professeur, les potes, ce sont des noms de
poissons ? Oui, une sole, etc. Je vois. Continuons.
- Oui, mais… connaissez-vous vos notes ?
- Cela dépend desquelles…
- De toutes…
- Mais… ? Combien y en a-t-il ?
- Mais… sept.
- Il y a : la sole, et…
- Il y a donc la, sol ; et puis ?
- Je ne sais pas.
- Ecoutez, savez-vous vos notes ? (voix excédée, impérative,
et rapide).
- Lesquelles ?
- Toutes, enfin…
- C’est-à-dire ?… Les noms de poissons ? Et des potes ?
- Que racontez-vous ? Voyons, mon petit… ?!
- Je répète ce que vous dites…
- Je n’ai jamais dit cela. C’est un tissu de mensonges !
- Si ! Vous avez dit la sole !
- Oui : la, sol.
- Oui, monsieur : il y a aussi une sole dorée…
- Bien, mon petit : la, sol, do, ré. Nous reverrons cela la
prochaine fois. Au revoir.

Quand le professeur est parti.


Madame Le Fou : Qu’as-tu appris ?
- Que le violoncelle est une position dont les bébés sont des
soles dorées.
Madame le Fou :
- Magnifique ! Des soles dorées ! Que tu es doué ! Tu es
musicien, moine, sonneur de cloches, premier prix de
théâtre ! Bravo ! Hourra ! Youpiiiiii !

LA DEUXIEME LECON.
- Bonjour, mon petit.
- Bonjour, Monsieur.
- Oui… Commençons. Savez-vous vos notes ?
- Mes potes ? Oui… La sole dorée.
- Oui : la, sol ; do, ré. Et ensuite ?…
- …
- Répétez après moi : do ou ut, ré, mi, fa, si, et do. Vous
m’avez déjà dit la et sol.
- Do ou zut, Rémy, facile, et l’eau.
- Vous manquez un peu de prononciation… mais c’est
mieux. Maintenant, situons les notes sur la portée… Ce
signe, c’est la clé de sol. Le sol est sur cette ligne-là. Et les
notes sont sur les lignes, et dans les entrelignes. Comptez
les lignes de la portée.
- Là ?
- Oui.
- Il y en a cinq si on les compte toutes, mais il y en a quatre
si l’on oublie d’en compter une.
- Oui… !? Bon. Après le sol, qu’y a-t-il ?
Le Fou :
- Ah là là !
- Bien : ah, là, la. Tu as compris tes notes ?
- Oui. (En vérité, c’est faux).
- Bien. Pour la prochaine fois, tu m’indiqueras dix noms de
musiciens. Puis, nous ferons de la technique. Au revoir !
Quand le professeur fut parti :
- Qu’as-tu appris ?
- Que do ou zut, Rémy, facile, et l’eau sont signés par la clé
de sol sur les cinq interlignes de l’apporté qui est le signe
des potes et des noms de poissons.

LA TROISIEME ET DERNIERE LECON.


- Bonjour.
- Bonjour.
- Avez-vous bien travaillé ?
- Non. ?
- Ah ! Pourquoi ?
- Ben…
- Hon hon.
- N’est-ce pas ?
- Ne soyez pas insolent, et commençons. Vous allez me faire
une récapitulation. Allez-y.
- Le violoncelle est une position dont les bébés sont des
soles dorées ; ses notes sont do ou zut, Rémy, sauna, facile,
et l’eau ; elles sont signées par la clé de sol, qui est
l’apporté des cinq interlignes, qui est le signe des potes, et
des poissons. Exemple : la sole dorée.
- Non ! Non ! Voici ce qu’il fallait dire : le violoncelle est un
instrument de musique ; il a des positions ; ses notes sont
do, ré, mi, fa , sol, la, si, et do ; il y a cinq interlignes sur la
portée. Je m’arrête, et je m’en vais. Au revoir. Plutôt :
adieu !

Ainsi se finit la vie musicale du pauvre Le Fou. Mais quand on


est né Le Fou, on est entêté ! Et Madame Le Fou s’écria :
- Il fera de la trompette !
La première leçon de trompette (et dernière).
- Bonjour, Monsieur.
- Bonjour, petit.
- Jour !!! Euh… dites, y a-t-il des potes, en trompette ?
- Que voulez-vous dire ? Des… potes ?
- Et des poissons, il y en a ?
- Des… poissons ? Je…
- Et des positions ?
- Je…
- Et des apportées ? (Portées, veut-il dire).
- Des… apportées ? Vraiment, je…
- Et des interlignes ?
- Là, d’accord, il y a des interlignes.
- Et des… et des… et des… choses comme en violoncelle ?
- Oui… à peu près… mais… pourquoi ?
- Vous êtes aussi embêtant que le professeur de violoncelle ?
- Moi, embêtant ? Mon petit, surveillez votre langage. Poli,
hein.
- …
- mmmmmh ! Bon ! Commençons. Voici une trompette…
Qu’est-ce, à votre avis ?
- Une position ! C’est mon professeur qui me l’a dit !
- C’est un instrument… de… de.. ; allons, dites-le-moi…
de ?
- De… de poisson.
- Que ? Qui ? Quand ? Où ? Comment ? Pourquoi ? Dans
quel but ? Mais enfin… Que racontez-vous, mon enfant ?
- Mon professeur m’a dit… que… c’est cela… oui, des
poissons… Et puis, Monsieur, je le sais mieux que vous !
Quand même…
- Dieu, quelle insolence. Vous le savez mieux que moi ! J’ai
90 élèves, alors, je n’ai pas besoin de vous.
- Moi non plus. Qu’est-ce que vous croyez ? ah, ah, ah.
- C’en est trop. Au revoir. Quelle insolence, Dieu de Dieu.
Madame Le Fou cria :
- Tu feras du… du… du… tambour !

LA PREMIERE LECON DE TAMBOUR.


- Bonjour, Monsieur.
- Jour ! Boum ! Boum ! Taratarabloum ! Allons-y, mon
petit !
- Oui, Monsieur !
- Tapez fort ! Boum ! Boum ! Boum ! Boum ! Boum ! Du
rythme ! Boum ! Rataplan ! Boum ! Un et deux et trois et
quatre ! Boum. Boum ! Une, deux ! Ein, zwei ! Plus fort !
Tapez ! Badaboum ! Boum ! Une, deux ! Boum !
- Clatch !
- Qu’est-ce, mon petit ?
- Le tambour… il est percé !
- Cela n’est pas grave. Tu vas crier : Boum ! Boum ! Boum !
Boum ! C’est comme cela que l’on apprend le tambour !
Selon la méthode e Madame Bombeboum ! Allons. Boum !
rataplan ! Rataplan ! Pataplan ! Boum ! Du nerf ! Boum !
- Monsieur… Les vitres tremblent, les murs se lézardent, à
votre voix. C’est vrai !
- Mon petit, moi, Monsieur Labombetonne, je ne permets à
personne de m’insulter ! Vous êtes un malappris. Au
revoir… Monsieur.

Aussi entêtée qu’elle peut l’être, Madame le Fou arrêta les


leçons de musique, mais décida :
- Tu feras de la patinette artistique !
- Qui ? Que ? Quoi ? Dont ? Ou ? Où ? Qu’est-ce que ?
- Tu verras.
Et le lendemain, Monsieur Verdant arrivait.

[Commentaires (2008) : la plupart des noms des


« personnages » sont des déformations du nom de mes (nombreux)
enseignants de piano, violon et… tambour. Je rappelle ici, et j’ai
raconté dans certains romans, que j’ai commencé le piano vers
1966 et que, à la même époque, je fis un premier essai dans
l’orchestre de jeunes Alfred Loewenguth, comme joueur de
tambour, avant de commencer le violon vers 1968… Mes
enseignants, en général, ne me supportaient pas plus d’une leçon,
notamment par suite des discours que je leur tenais, de telle sorte
que le récit des aventures musicales de Le Fou est plus
autobiographique qu’on ne pourrait l’imaginer].

- Je suis gracieux. Il faut l’être… la patinette artistique, et la


trottinette… C’est gracieux ! Ah, la grâce ! Je vote : grâce !
Ma devise est : grâce. Commençons. Mettez-vous sur la
patinette… malheureux ! Avec grâce !… C’est mieux…
maintenant, dévalez cette pente, et levez lentement et avec
grâce votre jambe. Puis mettez-vous debout sur le
guidon… malheureux ! Avec grâce ! Soyez plus gracieux !
- Monsieur !
- Oui !!?
- Puis-je faire une … remarque ?
- Oui.
- Vous aimez la grâce…
- Oui.
- Je préfère la graisse.
- Quoi ! Préférer l’immense, la sublime, la géniale,
l’extraordinaire, la fascinante, la mirobolante, etc., grâce à
l’infecte, à l’idiote, à l’horrible, etc., GRAISSE. Vive la
grâce : Oui à la grâce, bravo à la grâce, donc, bref : vive la
grâce.
- Non, Monsieur. Vive la graisse.
- Vive la grâce.
- Vive la…
- Mon jeune ami, c’en est trop. Demain, à huit heures, je
vous lance un défi. Soyez avec de solides épées au
« Champ Narcisse ».

Au « Champ Narcisse ».
- Me voici.
- Me voilà.
- En garde !
Le Fou (à part) :
- Mais, j’y pense, je n’ai jamais manié une épée ! Il faut…
Mais il était déjà attaqué…
- Ah freluquet ! Ah vous aimez la graisse ! Vous allez voir !
Le pauvre Le Fou manie son épée trop lourde pour lui avec
peine, et crie :
- Attention !!!
L’autre se retourne, et Le Fou l’assomme, puis s’enfuit après
avoir marqué sur le dos de l’autre : « Mon cher Monsieur, j’ai
l’impression que vous voulez dormir à tout prix, car,
actuellement, vous êtes étendu de toute votre graisse (ou de
votre grâce : à bas la grâce) par terre, aussi, ne voulant
troubler votre grasseux (ou gracieux ?) sommeil, je vous laisse
à vos beaux rêves. Ah ! J’oubliais… Je vous ai transporté les
jambes jusqu’à la ceinture dans la mare… C’est gratuit, je
vous l’offre graissieusement (gracieusement ?). Je me permets
de vous annoncer que votre tête a été garnie d’une jolie bosse
(elle est également gratuite). Vivre la graisse. Votre très cher
ami »
On imagine l’horrible face convulsée du pauvre homme qui, se
réveillant, sentit ses jambes couvertes de sangsues qui infestaient la
mare, une énorme bosse à la tête, et ce mot…
Madame Le Fou, abandonnant la patinette artistique, décida :
- Tu seras diseur de bonne aventure !
- Ben ! Dis donc ! Il s’rait si simple de faire des mômes !
pensa le petit Le Fou.
Le petit Le Fou s’installa dans une petite maison, à côté de celle de ses
parents. Beaucoup de crédules vinrent le voir. Simplement, voici deux
« consultations »…
La première consultation.
- Pourquoi venez-vous me consulter ?
- J’ai perdu mon chat.
- Chat ou chatte ?
- Chatte.
- Nom ?
- Homnibusaimistigrietvilainaienoiraudaipetitrogo.

[Commentaires (2008) : ici, se trouvent les noms de la


plupart de mes chats de cette époque, déjà cités dans mes
romans : Homnibus, Mistigri, Vilain, Noiraud, Petit. Homnibus
mourut en 1970, Vilain disparut vers 1973, les autres de ces chats
moururent les années qui suivirent ].

- Hum ! Age ?
- Trois ans.
- Bien. Ayant consulté les astres, voici mon verdict : mais
d’abord amenez-moi vingt bouteilles de vin.
- Les voici.
Le Fou met les bouteilles dans sa cave, puis revient avec une
seule, la boit, puis crie :
- Selon les astres, et la bouteille de vin, votre chat sera
retrouvé avant 100 ans. S’il n’est pas, dans ce laps de
temps, retrouvé, je vous rendrai vos bouteilles. C’est 100
francs.

La deuxième consultation.
- Bonjour, Monsieur.
- Bonjour, Madame.
- Qu’avez-vous ?
- Mon mari ne m’aime plus.
- Ah ! Il est amoureux ?
- Oui.
- De qui ?
- De Marie-Antoinette, la belle-sœur de Jean-Jacques, fils de
Rousseaux.
- Eh eh ! Que dois-je vous dire ?
- Sera-t-il toujours amoureux ?
- Il est possible qu’il le reste, mais cela peut aussi être qu’il
ne le reste pas.
- Reviendra-t-il dans mon lit ?
- Achetez un nouveau lit, puis on verra.
- Aurai-je un enfant de lui ?
- Cela dépend de l’achat du lit.
- Arriverai-je à le persuader que je ne suis pas une servante ?
- Peut-être.
- Merci.
- Pas de quoi ! C’est 100 francs.
- 100 francs pour moi ?
- Pour vous, c’est pareil !
- Mais je suis votre mère !
- Ah, c’est vous !
- Tu ne m’avais pas reconnue ?
- Non.
- …
- Hum ! Mais j’en apprends de belles ! Papa est amoureux de
Marie-Antoinette ?
- Oui ! Mais chut !
- Bon.
- Merci pour ta consultation.

Mais bientôt, un accident le força à abandonner ce travail.


Voici comment cela se passa, mot pour mot, lettre pour
lettre…
- Bonjour, monsieur le Curé !
- Bonjour, mon petit Le Fou.
- Pourquoi venez-vous ?
- Pour une consultation.
- Pour… une… ?
- Une consultation, mon petit. Vous êtes bien diseur de
bonne aventure ? Oui, ou non ?
- Héhé ! Oui ! Oui !
- Oui ! Bon. Vous répondez à mes questions !!??!!
- Oui…
- Vous êtes diseur de bonne aventure ?
- …Oui.
- Depuis quand ?
- Hum ! Depuis quelques mois !
- Ah… il y a quelque temps, vous étiez moine, balayeur, etc.
- Oui… J’ai changé de profession…
- Cela vous arrive souvent ?
- Bah… Oui…
- Combien de fois ?
- Par an ?
- Par an.
- Bah, à peu près 360 fois, Monsieur…
- Gagnez-vous beaucoup ?
- Non… je suis très philanthrope…
- Pouvez-vous me montrer vos comptes ?
- Non.
- Tiens, à propos, j’ai un frère policier, et…
- (très vite) Comment ai-je pu refuser ? Voilà mon carnet de
comptes…
- Bien. Voyons… Je lis. « Madame Lebrun a perdu son
chat. 100 francs et 20 bouteilles. C’est moi qui ai volé le
chat, je l’ai revendu au boucher, il l’a vendu comme lapin
de Garenne. Maman est venue. Ai fait semblant de ne pas
la reconnaître. Ne m’a pas payé : voleuse. Madame
Pesqueton. Elle a eu un enfant, et voudrait savoir si c’est
un garçon ou une fille, car elle ne veut pas soulever son
pantalon, elle veut n’avoir aucune vue sacrilège, et défend
à quiconque de le faire. Lui ai dit qu’elle n’a qu’à en
refaire un, puis de voir si c’est un garçon, et, si c’en est un,
de les laisser seuls. Si c’était une fille, au bout de neuf
mois, elle aura une surprise. 800 francs. 600 bouteilles de
vin. Bonne affaire. Quelle gourde »
- Mon petit le Fou, êtes-vous honnête ?
- Oh, oui ! Je suis l’honnêteté incarnée ! Et généreux. Un
petit saint !
- Bon ! moi, je suis gendarme ! Je vous défais de votre petit
commerce ! Je ne vous arrête pas ! Il y a du bon vin, ici, je
ne veux pas rater ça ! Je ferme les yeux mais… j’ouvre la
bouche et les bouteilles ! Vous avez un vomissoir, ici ?
Mais Madame Le Fou :
- J’ai enfin trouvé ! Tu seras Arabe !
Monsieur Le Fou : - Arabe ?
Le Fou : -Arabe ?
Madame Le Fou : - Mais oui ! Moi et ton père allons faire des
économies, nous allons te naturaliser arabe, et t’acheter une
belle maison, et quelques valets, domestiques, cuisiniers, et
tout cela… Tu n’auras qu’à avoir un grand harem : tu peux
avoir autant de femmes que tu veux !

Et c’était en effet le « métier » qu’il fallait au petit Le Fou… Il


vécut heureux avec toutes ses femmes, et ses parents restèrent
à Sarignot. Chose étrange, quand le petit Le Fou eut des
femmes à profusion, il s’en lassa, se fit moine, et mourut bien
vieux dans un monastère, sur les rives du Jourdain.

Souvenirs du Moine Fou.


Tout ceci a été retrouvé sur des tablettes de cire, près de
Damas.
« Après une vie pleine de péchés immondes et odieux, moi,
Moine Fou, je me repens bien fort. Maintenant, je suis moine,
bon moine. Je chante à la chorale, je vais à la prière, je fais
silence, et prie, et lis, et relie, et décore des manuscrits. Je me
lève tous les matins, pour faire mes prières. Moi, jadis si
fainéant, jardine, arrose et plante ! On ne me fait plus de
reproches, et on m’assure la vie éternelle ! Je donne aux
pauvres, je suis bon, pieux, et tout, et tout, même mes parents
ne me reconnaissent pas ! Comme témoignages, voici des
lettres reçues par moi… « Mon cher petit, comme tu as
changé ! Toi, si sale, tu es propre ! On me dit que tu travailles,
que tu pries pieusement, et que tu es parfait ! Bravo. Ta
Maman et ton Papa »
« Sarignot, le août . Moine Fou, j’ai appris vos mérites, et
j’en suis heureux ! Je me repens d’avoir été malpoli envers
vous, mais, Dieu est témoin, vous le méritiez ! Sachez que je
suis votre ami. L’abbé des Gustaviens-Onésimiens ».
« Sarignot, le septembre . Moine Fou, je suis bien content
de ne pas vous avoir arrêté ! Je vous félicite pour tout ! Un
gendarme qui s’était fait prendre pour le Curé et qui avait pris
une consultation. PS Merci pour le vin. Il est délicieux ».
« Ripatouille-du-Sanglier, le août . Moine Fou, un seul
mot : bravo ! le maire de Ripatouille ».
Le « petit » Le Fou (qui a déjà 60 ans) était tout content de
recevoir ces lettres… Il y répondait… Voici la suite de ses
souvenirs…
« Moi, Moine Fou, répondais à ces lettres, mais j’avoue que,
horreur ! Je commis encore un péché : je voulais réparer les colonnes
qui soutenaient l’édifice… je le dis à l’abbé, qui me dit :
- C’est une très bonne idée, Frère Fou. Mais… je ne vous
savais pas des talents de sculpteur.
- Je n’en ai pas, mais Dieu m’inspirera…
Mais, cette fois, ou Dieu ne m’inspira pas, ou bien je ne
compris pas ce qu’il voulait dire… et je sculptai ma… vie… Les
moines et l’Abbé furent horrifiés ! Car j’avais… parfait les détails…
et avais trop montré ce qu’il ne fallait pas voir… (Le bon vieux temps,
quoi)… On détruisit tout cela, et on me pria de ne plus m’occuper de
sculpture… mais on me pardonna, et cela ne se reproduisit plus…
Même bon moine, je suis resté un petit rigolo, un comique… et
cela fait que j’aime raconter de drôles d’histoires. En voici une qui
m’est arrivée… Un jour, un homme vient me voir…
- Bonjour, Moine Fou.
- Bonjour, mon fils.
- Je suis un pauvre voyageur fatigué, et je viens vous
demander l’hospitalité…
Je lui fis partager ma couche, et, le lendemain matin…
- J’ai bien dormi !
- J’en suis heureux .
- Entre nous, Moine Fou…. Aimeriez-vous faire un immense
plaisir à l’abbé ?
- Oui !!!
- Si vous le voulez, j’ai ici des reliques… de Jésus !
- Est-ce possible ?
- Oui oui ! Si vous voulez je vous les vends !
- Oui, d’accord ! Combien ?
- Mmmmmh… Ces chandeliers en or, et ces couverts en argent
pourraient suffire, car ces reliques sont très précieuses… je crois que
cette bourse…
- La voici !
- Merci ! Ah, un conseil… pour faire plaisir à votre abbé,
donnez-lui ce coffret, et ne l’ouvrez pas avant lui. Simplement dites-
lui : « Je vous offre, père l’Abbé, ces reliques d’une valeur
inestimable ». Hum hum ! Au revoir.
- Au revoir.
Puis, chez l’Abbé…
- Père l’Abbé, je vous offre ces reliques d’une valeur
inestimable.
L’Abbé : - Merci, Moine Fou.
L’Abbé ouvrit, et contempla de l’excrément de vache, c’est-à-
dire de la bouse ! J’eus bien du mal à m’expliquer ! mais l’affaire eut
des suites… Quelques mois plus tard, un homme vient me voir…
- Bonjour, Moine Fou.
- Bonjour, mon fils. (A part). Il n’aurait pas le culot de
revenir ici.
- Pouvez-vous m’offrir l’hospitalité ?
- Installez-vous… je reviens.
Chez l’Abbé.
- Père l’abbé, le même voyageur est chez moi ! Il va
recommencer.
Aussitôt les moines se rangent devant la porte, puis, ouvrant la
porte, ils se jettent sur l’homme, qui, bientôt, est ligoté, et interrogé…
- Qui es-tu ?
- Je suis de la famille du pape ! Je suis son fils ! Ah, ah ! Lui
qui m’avait chargé de connaître Moine Fou, pour voir si on ne mentait
pas quand on disait qu’il était « propre ».
Aussitôt, il est libéré.
- Père Abbé, dit-il aussitôt, acceptez ces reliques.
- Ooooooh ! J’accepte ! Mais je vous les achète !
- Non, non ! C’est mon père qui me l’a dit !
- J’insiste !
- Bon, d’accord !
- Tenez, voici d quoi vivre dix ans.
- Merci ! Mais… nous sommes le 25 ?
- Le 26.
- Je dois partir tout de suite.
- Je vous fais seller un cheval ?
- Oui.
Et l’homme, s’en allant, cria :
- Depuis quand le pape a-t-il un fils !??? Merci pour tout ! Et à
bientôt !
L’Abbé :
- Mais oui ! Le pape, avoir un fils ! Quel crétin je suis ! et vous, quels
imbéciles vous êtes ! Et quelles gueules vous vous tapez ! Misère ! De
quoi vivre 10 ans ! Et ces reliques : du fumier !
Et, désormais, on ne se fia plus aux « voyageurs égarés ». Chacun
était fouillé, refouillé et re-refouillé. Il fallait donner son nom, son
âge, tout. Un jour, trois voyageurs arrivèrent séparément… Voici
l’identité qu’ils se donnèrent.
1) Christian SALETRUAND. Age : 30 ans. Profession : vendeur
de reliques. Nationalité : Gaulois. Venant de : Gaule. Allant à :
Antioche.
2) Nom : Ali-Mohamed-Mustapha-Ali-Baba. Age : 40 ans.
Nationalité : arabe. Venant de : Jérusalem. Allant à : La
Mecque.
3) Ralf Fritz Karl JUNGFRAU. Age : 60 ans. Profession :
vendeur de reliques. Nationalité : Allemand. Venant d’ :
Allemagne. Allant : à Médine.

L’Abbé, au Moine Fou :


- 3 vendeurs de reliques ! Catastrophe !
A ce moment, les trois vendeurs toquèrent à la porte de la salle
dans laquelle étaient l’Abbé et le Moine Fou. Saletruand parla :
- J’ai des reliques à vendre.
- Montrez.
Et Saletruand montra un fil de fer :
- C’est un morceau de la couronne du Christ.
Puis Ali-Mohamed-Mustapha-Ali-Baba :
- J’ai vingt litres du sang du Christ !
Le bon Abbé acheta fort cher tout cela, mais reçut, une fois les
voyageurs partis, ce mot : « Monsieur l’Abbé, regardez vos rouleaux
de fil de fer, et comparez-y la couronne du Christ. Puis allez à l’écurie,
et comparez les cheveux du Christ avec la queue de l’âne. Le prétendu
Saletruand. Le prétendu Ali-Baba. Le prétendu Jungfrau. PS : Depuis
quand a-t-on vingt litres de sang dans le corps ? »

Voici les histoire embêtantes (que je faisais quand j’étais petit)


qui arrivèrent à mon monastère… Pour finir, j’ajouterai que je souris
quand je vois une jeune fille passer… On ne se défait pas de ses (et de
ces) habitudes, et un sourire, ce n’est pas méchant… Quand même…
Mais maintenant… c’est fini !

FIN

Texte écrit à, l’âge de neuf ans, en 1969.


Publié en 1983, sous forme de brochure (61 pages).
Olivier Mathieu.

« Les Dames très dignes ».

« Comédie ».

Par Olivier Mathieu

Ecrit en 1969,
publié aux éditions Ouvertures en 1983
(17 pages de texte dans l’édition de 1983).
TOUTE PETITE « PREFACE » (2007) DE l’AUTEUR,
quarante ans après, au sujet des « Plutarque, Astarté,
Jupin sur sa poubelle d’or », des « enculatrices » et autres « culs
rabotés » dont il est question ici.

Je crois légitime mon désir d’écrivain de publier ces pages


étranges, joyeuses et sans complexes sémantiques, où apparaissait
notamment le mot « enculatrice », sur lequel je reviendrai. Et de les
offrir au public (afin qu’elles ne soient pas condamnées ou à l’oubli,
ou aux rayons des « librairies spécialisées », ou à « l’Enfer » des
bibliothèques).
Les « Dames très dignes » connurent leur première publication
en 1983, en moins de deux cents exemplaires. A ce titre, leur sort est à
rapprocher de celui de la Maison turque à la feuille de rose, œuvre de
jeunesse licencieuse (et très peu connue) de Maupassant, écrite en
1887 mais publiée seulement en 1945, en 125 exemplaires !
Le paradoxe, peut-être, pour ce qui concerne les « Dames très
dignes », serait sans doute que l’auteur – quarante ans après – doive
lui-même déconseiller de mettre cette oeuvrette, écrite par un enfant,
dans les mains des enfants ! Mais c’est ce que je fais ici. Que l’on
veuille se souvenir, aussi, que le « Divin Marquis » lui-même, à plus
d’une reprise, jugea bon de spécifier qu’il destinait ses écrits
exclusivement « à ceux qui étaient capables de le comprendre ». Or,
les enfants d’aujourd’hui, dans leur écrasante majorité, sont-ils
capables de comprendre et d’apprécier les Dames très dignes ? Je ne le
crois pas. Cette lecture les ennuierait. Ils s’amusent devant la télé,
devant l’ordinateur, devant les jeux électroniques. Et d’ailleurs, à huit
ans, de moins en moins savent lire.
Parlons de choses sérieuses. « Les Dames très dignes » et
surtout « L’Enfance du Fou » (mon autre comédie de 1969, encore à
paraître sur ce site) demandent leur place, une toute petite place auprès
des œuvres de la littérature .
Il y a certainement plus « scandaleux » que « Les Dames très
dignes » ! Mais, sous la plume d’un enfant de huit ans, difficile de
trouver quelque chose de plus étrange.
S’il fallait chercher quelles « influences » j’aurais pu subir,
c’est du côté de la commedia dell’arte (donc de Carlo Gozzi).
Davantage encore, l’absurde des Dames très dignes, dans sa fraîcheur
juvénile, n’évoque nullement les faiseurs de « l’Absurde » du XXe
siècle, mais bel et bien Aristophane racontant (en 392 avant l’ère
judéo-chrétienne) comment, à Athènes, les femmes soudain déguisées
en hommes avaient pris le pouvoir, érigeant en par exemple en loi
qu’un homme, avant de posséder une belle femme, doive
obligatoirement coucher avec une vieille ou une laide…
Oui, L’Enfance du Fou et les Dames très dignes demandent
leur petite place dans la littérature tout court. Oui, je dis que les
Dames très dignes, non seulement à travers sa veine fantastique, non
seulement à travers sa capacité à renverser « la » ( ?) « réalité » et de
transfigurer les apparences pour en donner une vision sarcastique, non
seulement à travers son vocabulaire souvent étonnant de créativité,
mais encore à travers le « conservatisme révolutionnaire » que le
lecteur attentif ou intuitif y saura déceler (un conservatisme qui s’en
prend à la fois aux « dames très dignes », symboles de bigotisme et
d’hypocrisie, mais aussi aux écrivains du XXe siècle qui ont fait
commerce de « l’Absurde », aux commerçants et aux épiciers
d’absurde dont je viens de parler), se rattache tout simplement aux
carnavals de Carlo Gozzi et à l’esprit dionysiaque et parodique
d’Aristophane (qui ne fut redécouvert, plus tard, que par Nietzsche) !
Une farce, voilà le terme qu’il faudrait peut-être ajouter
aujourd’hui, en sous-titre, aux Dames très dignes.
Mais, au fond, sans doute le sous-titre que j’avais choisi dès
1969 suffit-il amplement : « comédie ».
Heureux les temps où la comédie commençait…

Pontoise, 2007.
Olivier Mathieu.

LES DAMES TRES DIGNES.


Comédie.

Personnages :
Le Fou, les dames très dignes, Eléandre, Yann, son père Henri, sa
mère Follassinne.
Alexéas, Nestorine : domestiques.

Chez Dame Follassinne.

Follassinne :
- Ooooooooooh ! Yann ! Yann ! Montre-toi, vilain !
Henri :
- Que se passe-t-il, ma petite Follassinne ?
Follassinne :
- Yann a disparu.
Henri :
- Ciel !… Nestorine !
Nestorine:
- Oui, Monsieur?
Follassinne :
- Henri vous a dit de ne pas lui dire tout le temps « oui, monsieur ».
Henri :
- Oui !

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : à titre d’hypothèse,


j’avais peut-être choisi le prénom de « Nestorine », pour l’une des
domestiques, à cause du « Nestor » qui, chez Hergé, est lui aussi
domestique. Ce n’est cependant qu’une hypothèse.]

Nestorine :
- Oui, madame !
Henri :
- Vous êtes incroyable, Nestorine ! Mais ce que je vous disais est que
Yann n’est plus ici !
Nestorine :
- Il doit être chez Eléandre !

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : difficile de songer que


la racine « andre » n’ait pas été choisie par moi, pour le prénom
d’un personnage féminin, en connaissance de cause. A noter
l’imagination développée, y compris plus loin, dans le choix des
prénoms. Prénoms particulièrement absurdes pour les femmes
(Follassinne, Eléandre, Nestorine), mais d’une grande banalité
pour les hommes (Henri, Yann). « Le Fou », lui, n’a pas d’autre
nom, ou de prénom. Très rapidement, dans le texte, au milieu de
scènes plus banales, éclatent soudain des phrases étonnantes,
comme, un peu plus loin, « cette misérable orpheline », qui
surprend. ]

Follassinne :
- Je lui avais interdit de la fréquenter ! Allons chez Eléandre,
cette misérable orpheline !
Henri :
- Alexéas !
Alexéas :
- Oui ?
Henri :
- Venez nous aider à arracher Yann des mains d’Eléandre !
Alexéas :
- Je pense, monsieur, que ce serait plutôt elle qu’il faudrait
arracher.
Follassinne :
- Vous n’êtes pas bien placé pour penser, Alexéas ; donc, laissez
penser les autres.

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : cette dernière phrase


est bien plus banale. On notera cependant que le domestique a un
prénom fort étrange (Alexéas), mais surtout le plus amusant : « je
pense que ce serait plutôt elle qu’il faudrait arracher ».]

Chez Eléandre.
Henri :
- Toc, toc, toc !…
- .......................
Henri:
- Toc, toc, toc!... Il n’y a personne !

Alexéas, sur l’ordre d’Henri, enfonce la porte.


Henri s’élance.
Alexéas :
- Donnez-leur le temps de se rhabiller.

Les dames très dignes, qui passaient :


- Oh ! Quelle infâme chose ! Ah ! Pater noster ! Ah, Plutarque,
Astarté ! Jupin sur sa poubelle d’or ! Oh ! Quelle infamie !

Alexéas :
- Vous êtes sorties un peu trop tôt de l’asile, pouliches !

Les dames très dignes, indignées, se jettent sur Alexéas, qui


s’enfuit.

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : si le « donnez-leur le


temps de se rhabiller » est déjà assez surprenant sous la plume
d’un enfant de huit ans, je trouve le « Ah, Plutarque, Astarté !
Jupin sur sa poubelle d’or ! » parfaitement étonnant. Mettre ainsi
côte à côte Plutarque et Astarté (la déesse de la guerre, de l’amour
et de la mort adorée par les Babyloniens de jadis), n’est-ce pas
absurde et surprenant ? Quant à ce « Jupin » sur sa « poubelle
d’or », j’en suis réduit aujourd’hui à supposer que c’était une
allusion à Jupiter, mais d’où me venait l’idée d’une « poubelle
d’or » (sic) ?]

On vit, ce jour-là, dans la ville, un bien étrange cortège : Henri,


Nestorine, et Follassinne tenant Yann, rhabillé de force, avec un slip
sur la tête, les bras dans sa culotte, et les jambes dans sa chemise.
Alexéas, lui, tournait autour, les dames très dignes à ses trousses…

Le Fou, qui passait, demanda ce que « c’était » à Henri, qui le


lui dit… Bientôt, il était gardien de Yann. Malheureusement, Le Fou
était également amoureux d’Eléandre et ils devinrent amis.

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : je laisse au lecteur le


soin d’imaginer la façon dont tout ceci pourrait être mis en scène,
au théâtre. Je note, surtout, que la phrase « Le Fou était
également amoureux d’Eléandre et ils devinrent amis » change du
tout au tout, selon que l’on considérera que Le Fou et Yann
devinrent amis, ou, au contraire, que Le Fou devint « ami »
d’Eléandre.]

Ils allaient souvent féconder Eléandre, et je vais vous dire


comment cela se passait.

Le Fou :
- Salut, poulette !
Yann :
- Salut, poulettissime.
Ils s’installent confortablement.
Le Fou :
- Oooooooooooooh…
Yann :
- Ooooooooh.
Eléandre :
- Hihihihihihihihi…
Le Fou :
- A moi. Ooooooooooooh.
Yann :
- Oh ! C’est beau !
[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : la scène (qui est, si l’on
y songe, la représentation que je donnais – à huit ans – d’un trio
érotique) me semble assez étonnante.]

Mais, un jour, un fâcheux arriva.


Le fâcheux était Henri qui s’étonnait que son fils soit si calme
depuis que Le Fou était son gardien.
Henri :
- Toc, toc, toc….
- ............................
A l’intérieur, à voix basse:
Yann :
- Qui est-ce ?
Le Fou :
- Je ne sais…
Eléandre :
- En tout cas, ce ne doit pas être ton père, Yann. Il te croit
« calmé ». Donc, je vais ouvrir.

Et le malheur arriva.

Eléandre :
- Oui ? Oh ! Vous… Euh… Y… Ya… Yann n’est pas ici…
Henri :
- Il n’est pas chez moi, non plus. Je veux voir chez vous.
Eléandre ferme la porte au nez d’Henri, et court avertir ses petits
amis.
Eléandre :
- Il est là.
Le Fou :
- Qui, « il » ?
Eléandre :
- Lui.
Le Fou :
- Oui… Qui, « lui » ?
Eléandre, verte :
- Luuuuuuuiii…
Yann :
- Bon Dieu, nous diras-tu son nom ?
Eléandre :
- Je vais… donc… te dire… qui… qui… c’… c’est…
Le Fou :
- Ah !
Eléandre :
- C’est… c’est… lui !
Yann, fou de rage :
- Qui ?
Eléandre :
- Euh… euh… ton… père !
Le Fou :
- Aie aie aie aie aie aie !
Yann :
- Oulala !
Eléandre :
- Partez par la porte dérobée, contournez la maison, et vous
pourrez rentrer là-bas avant lui.

Ils le firent, et, quand Henri rentre…


Yann :
- Salut, papa !
Le Fou :
- Bonjour, Monsieur…
Henri, suffoqué :
- … B… b… bon… jou… r… ; bonjour.
Yann :
- Tu bégayes, papa ?
Le Fou :
- Vous bégayez, Monsieur ?
Henri :
- Oh non ! J… je ne… b… ég… aye pas… N… n… non !

Henri redescend et va voir Follassinne.


Henri :
- Tu sais, ils n’étaient p… pas là ?
Follassinne :
- Oui. Et bien ?
Henri :
- Et bien, quand je rentre, ils étaient (il éclate en sanglots) c…
c… couchés.
Follassinne :
- Mon ami, cela dépasse de votre trop fertile imagination… Je
les ai vus rentrer, et ils m’ont dit : Nous sommes allés au
cinéma ; donc, ils ne pouvaient pas être chez Eléandre. De
plus, mon ami, vous avez un poil sur la langue, et un de vos
plus grands, encore…
Henri :
- Mais… qui vous dit qu’ils sont allés au cinéma, et… ?
Follassinne :
- Henri, mon grand fou, il est l’heure de manger. Allez chercher
les deux, là-haut. Oh, Nestorine ! Alexéas !
Nestorine et Alexéas:
- Oui ?
Follassinne :
- Allez préparer un bon repas, avec, pour Yann, une drogue qui
lui fera dire ce qu’il a fait ce jour. Allez !
Nestorine et Alexéas :
- Oui !
Follassinne, à part :
- On ne sait jamais…

Le chat, Le Fou, Yann, Henri, Folassinne, Alexéas, Nestorine.

Le dîner se passe bien, quand…


Yann :
- Je vais vous dire ce que j’ai fait ce jour.
Le Fou, pour lui :
- Eh eh !
Yann :
- Le matin, j’ai pris un bain, et j’ai joué aux cartes avec Le Fou ; j’ai
aussi fait du courrier à Tante Théodore. Le soir, nous sommes allés
voir Eléandre et…

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : à titre d’hypothèse, le


choix de « Tante Théodore » (avec un prénom, donc,
généralement masculin) n’était peut-être pas plus gratuit que celui
de « Eléandre » pour un autre « personnage » féminin. De même
que n’était pas gratuit, je pense, dans les intentions du jeune
auteur, de multiplier les allusions « religieuses » (Astarté, Pater
Noster, « Bon dieu ! », Théodore… ]

Henri :
- Quoi ? Eléandre ? Je…
Le Fou :
- C’est… le nom du… film…
Follassinne :
- Hum !
Henri :
- Ah !
Yann :
- Soudain, on toqua à la porte…
Henri :
- Hein ? Que ? Que ? Qu’est-ce ?
Le Fou :
- Dans… le film… toujours !
Follassinne :
- Mouais… ??!!!…
Yann :
- Nous somme rentrés avant papa, et… aïe ! Pourquoi me
donnes-tu un coup de pied sous la table ?
Le Fou :
- Tu vas énerver tes parents, Yann, et tu as sommeil… ce
cinéma était… tu es fatigué… et… Bon ! Je me permets de
prendre Yann, et…
Henri :
- Oui, oui ! Allez !…
Le Fou :
- Merci.

Il monte se coucher avec Yann.

Cependant, en bas, Henri parle à Follassinne, quand…

Le chat :
- Miaou…
Nestorine :
- Oui ?
Follassinne :
- je ne vous ai pas demandé de venir, Nestorine.
Le chat, approbateur :
- Miiiiiiiiiiiiiiiaouuuuuuuuuuuu.
Alexéas vient, tandis que Nestorine part à pas lents…
Alexéas :
- A vot’ service, patronne !
Follassinne :
- Je ne vous ai pas demandé, Alexéas. Et surveillez votre
langage.
Alexéas :
- Bien, madame… mais j’ai reconnu votre voix.
Follassinne :
- Je suis humaine, Alexéas, pas féline.
Alexéas :
- Madame a, dans ce cas, des dons certains de ventriloque.
Henri :
- Cela suffit ! Allez vous coucher, Alexéas.

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : il se pourrait que ce


passage, par exemple, soit un peu « long » à la lecture. Encore
faudrait-il imaginer ce que cela pourrait donner sur la scène
d’une représentation théâtrale. A noter que le « personnage » du
chat n’est pas étonnant, dans la mesure où, chez moi, à cette
époque (1969), il y avait sept chats.]

Une fois Alexéas parti, ils continuent à parler, puis, au bout de


quelques instants…
Follassinne :
- Que diriez-vous, mon cher, d’une tasse de thé ?
Henri :
- J’en serais enchanté.
Follassinne :
- Oh ! Nestorine !
Cinq minutes s’écoulent.
Henri :
- Nestorine !
Cinq minutes passent à nouveau.
Henri :
- Je vais la chercher.

Il la trouve béatement étendue, bras et jambes enroulés dans les


draps, et la tête reposant sur douze oreillers. Il la secoue
brutalement.
Henri :
- Oh ! Nestorine !
Nestorine :
- Oh, c’est vous, Monsieur! Qu’y a-t-il ?
Henri :
- J’aimerais du thé… Dites-moi, pourquoi ne répondiez-vous
pas à mes appels ?
Nestorine :
- Quels… appels ? Je n’ai rien entendu ! Ah, si. Seulement le
chat qui miaulait.
Henri, voix désolée, compatissante :
- Enfin…
Le Fou, Henri, Follassinne, Yann, Alexéas, Nestorine, le chat,
deux infirmiers.

La nuit, chez Henri, Le Fou s’éveille, et ne voit pas Yann. Le Fou


a alors une idée : il va toquer à la porte d’Henri et de Follassinne
(c’est la même, cela va de soi) et dit :
- Yann, pendant mon sommeil, est parti. Je ne peux plus être le
gardien de Yann. Allons voir chez Eléandre. J’imagine que le
drôle y est.

Henri, Follassinne et Le Fou partent.


- Toc, toc, toc.
Yann, sans méfiance, ouvre, et est repris par ses parents.
Alors, Le Fou :
- Ce pôvre est très atteint. J’ai été docteur, jadis. Il faudrait le
mettre à l’asile.
Follassinne :
- Alors, Henri, nous n’aurons plus d’enfants ?
Henri :
- Bah ! Tu m’en referas une portée…
Follassinne :
- Oh, Henri. Ma mère m’avait bien dit de ne pas épouser un
dégoûtant comme vous.
Le Fou :
- Il faudra mettre Yann dès demain à l’asile.
Henri :
- Bien.

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : que certaines choses, ici,


soient nées de la naïveté du jeune auteur, ou qu’elles
appartiennent à un tableau volontairement « absurde » de bout en
bout, on ne peut qu’être frappé – je crois – par l’irruption de
phrases telles que « tu m’en referas une portée », de même que
par les thèmes déjà esquissés dans « Olivier et Gertrude »,
notamment la folie et l’asile. Deux des personnages, au
demeurant, s’appellent Follassinne et Le Fou. Le Fou apparaît
dans toutes mes comédies de 1969, et, « symboliquement », « c’est
moi ».]

Le Fou :
- Je vais chercher un asile.

Et, bientôt…
- Toc, toc, toc ?
Le Fou :
- Ouf. On attend Yann.
Henri :
- Allez mener Yann.
Le Fou y va, puis revient. Il demande à être payé.
Henri :
- Voici 0,10 francs.
Le Fou :
- Mais vous aviez promis mille francs.
Henri :
- Oui, mais j’ai changé d’avis.

On met Le Fou dehors.


Le Fou :
- Et ben, dame, ça…

Puis il va voir Eléandre.


Un homme (cela étonne Le Fou) vient lui ouvrir.
Le Fou :
- Pourrais-je voir Mademoiselle Eléandre ?
L’homme :
- Ah, ma femme.
Le Fou :
- J… Je…
L’homme :
- Vous entrez, oui…
Le Fou :
- Bonjour, « mademoiselle » Eléandre.
(A part lui : ah ! lui dire « mademoiselle », elle qui était presque
ma femme).

« Mademoiselle » Eléandre :
- Bonjour, « Monsieur », mais… qui êtes-vous ? je ne vous
connais pas. Et que venez-vous faire ?
Le Fou :
- Euh… Quelle heure est-il ?
L’homme :
- Trois heures.
Le Fou :
- Au revoir.

Après cet accueil peu chaleureux, Le Fou s’en va. Il va chez le


Croque-mort.

Le Croque-Mort :
- Mon Dieu ! Vous !
Le Fou :
- Quoi ?
Le Croque-Mort :
- Vous ne savez pas ? Votre tête est mise à prix.
Le Fou :
- …
Le Croque-Mort :
- Voilà. Ce matin, un hold-up a été commis. Euh… et… p… par
vous. Hum. On a témoigné.
- Toc, toc, toc.
Le Croque-Mort:
- Qui est là ?
- Police. Ouvrez, au nom de la loi.
Le Croque-Mort :
- Cachez-vous.
Il ouvre. Deux policiers entrent.
- Nous avons un mandat de perquisition. Une dame a vu entrer
chez vous l’homme que nous recherchons. Vous vous mettez en
marge des lois. Livrez-le nous.
Le Croque-Mort :
- Un homme ?… Quelle catégorie de cercueils ? En chêne ?
Je…
- Silence ! Où est cet homme ?
Le Croque-Mort :
- Son nom ?
- Le Fou.
Le Croque-Mort :
- Attendez, je vais voir mon registre… attendez… Le Fou, dites-
vous ?… Ah non, il n’y a pas de « Le Fou ». Mais peut-être
dans les cercueils en…
- Le Fou vit. Du moins pour l’instant, car il va être fusillé.
Le Croque-Mort :
- S’il vit, allez consulter les registres de la Mairie, ou les
bureaux des renseignements.

Tandis que le Croque-Mort berne ainsi l’inspecteur, Le Fou est


dans la cave, dans un tonneau.
Mais l’inspecteur commence à fouiller la maison.
- A la cave, maintenant.
Mais l’inspecteur ne trouve pas de poignée à la porte de la cave. Il
s’en plaint au Croque-Mort.
- Comment ouvre-t-on ?
Le Croque-Mort :
- Ah ! D’ici, on ne peut ouvrir. Pour ouvrir cette porte, il faut
être à l’intérieur.
- Oui, et comment y va-t-on, à cet « intérieur » ?
Le Croque-Mort :
- Bé, dame… par la porte, là.
(Il montre la porte sans poignée).

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : l’absurde continue,


mais le lecteur notera le retour fréquent, comme dans « Olivier et
Gertrude », des mêmes thèmes : la mort, la folie, la recherche de
« Le Fou » par la police.]

A ce moment, un homme arrive, dit que c’est lui qui a fait le


hold-up, et pas Le Fou, et qu’il se livre à la police, pour qu’un
innocent ne soit pas fusillé à sa place.

Le Fou trouve une autre « enculatrice », et lui raconte toutes


les nuits ses aventures. Et la journée, la femme de le raconter aux
voisines, etc…

[ Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : après « ô


Plutarque, Astarté ! », l’apparition de ce mot (« enculatrice ») est
frappante. Bien que nous soyons en 2007, une époque où
l’érotisme trop souvent est depuis longtemps tombé dans la
pornographie, et la provocation littéraire dans le plus ennuyeux
des conformismes (le conformisme de la transgression), certains
lecteurs seront peut-être surpris de lire, ici, sous la plume d’un
enfant de huit ans, cet « enculatrice » dérivé du verbe « enculer ».
Toute littérature, au fond, est – en substance – plus ou
moins érotique, quelle que soit la « crudité » du vocabulaire
employé. On est parfois proche, dans les « Dames très dignes » (et
surtout dans « L’Enfance du Fou »), du « délire verbal », des
paroxysmes que le Marquis de Sade met dans la bouche de ses
« héros » ou de ses cruelles lesbiennes. Mais le nom qui me vient à
l’esprit de la façon la plus spontanée est celui d’Alfred Jarry.
La chose la plus extraordinaire, cependant, est que j’étais
persuadé quant à moi que ce mot, « enculer », signifiait « dormir
côte à côte, le cul contre le cul » ; en d’autres termes, j’avais saisi
que le mot était « explosif », et qu’il choquait les adultes quand je
le prononçais ; je l’employais d’autant plus, ici, que lesdits adultes
ne me donnaient pas d’explications (que, par ailleurs, je ne
demandais pas) ; ainsi, ces « enculer » correspondent, ici, à une
naïveté de ma part (j’étais ignorant) et aussi à une intuition (je
pressentais la « provocation » qu’il y avait à en faire usage)… On
rappellera, bien sûr, le titre de l’une des premières œuvres du
grand Georges Bataille (1931) : L’Anus solaire ; le premier titre de
Guillaume Apollinaire : Mirely ou le petit trou pas cher (inutile de
faire un dessin pour dire de quel trou il s’agissait) ; et le très
explicite « Sonnet du Trou du Cul » de MM. Verlaine et Rimbaud,
fins connaisseurs du lieu. En d’autres termes, un « trou du cul »
qui en avait inspiré d’autres, avant les « Dames très dignes » (et
« L’Enfance du Fou ») !…]

C’est ainsi que nous pouvons vous raconter « comment Yann


fut soigné à la clinique, et déboires de deux infirmiers ».

A la clinique.
Infirmier 1, infirmier 2, Yann, le directeur, la porte, une
infirmière.

Infirmier 1 :
- Mettons-lui la camisole de force, maintenant. Cela le calmera,
ce fou.
Infirmier 2 :
- Oui.
Infirmier 1 :
- Aide-moi.
Infirmier 2 :
- Là. Ouf !
Yann :
- Assassins ! Désserrez un peu : c’est trop serré.
Infirmier 2 :
- Si vous parlez, c’est que ce n’est pas encore assez serré.
Yann :
- Je suis muet !!!
Infirmier 1 :
- A la douche froide, maintenant.
Yann :
- Je me suis déjà lavé.
Infirmier 2 :
- Vous, le muet, on ne vous a pas demandé votre avis.
Ils installent Yann sous la douche froide.

Yann :
- aaaah. C’est froid, glacial, frigorifiant.
Infirmier 2 :
- Oui, c’est froid, mais sans le savoir cela vous réchauffe.
Yann :
- En effet, je ne le sais pas.
Infirmier 1 :
- Mais, bientôt, vous allez regretter l’eau froide : passons à la
douche bouillante.
Yann :
- Ouuuuh. C’est chaud, brûlant, équatorial, saharien. Par pitié,
enlevez vingt degrés.
Infirmier 2 :
- Oui, vingt degrés, il en restera encore cent.
Infirmier 1 :
- Baste ! Laisse-le cuire, quoi ?
Après une heure de ce traitement…
Infirmier 1 :
- On peut changer de médicament.
Infirmier 2 :
- Oui, au massage.

A la salle de massage.
Yann se décontracte, se couche, et s’endort. Il pense : « Je vais me
faire frotter ».
Infirmier 1 :
- Masse-le.

Yann est vite réveillé par de violents coups de poings sur son dos.
Yann :
- Eh ! Vous n’êtes pas un peu fous, non ? Je veux être massé et
pas boxé !!!
Infirmiers :
- Ce qu’il peut être douillet, alors !
Yann :
- Tu veux ma place, non ?
Infirmiers :
- Suis pas fou…
La porte : - Toc, toc, toc.
- ……
La porte :
- Toc, toc, toc.
- Oui ???
L’infirmière :
- M. le directeur va venir ; il me charge de vous le dire.
Infirmiers, et Yann :
- Pourquoi n’entrez-vous pas ?
L’infirmière :
- Je veux bien, mais la porte est fermée.
L’infirmier :
- Pendant que je massais ce fou, qu’as-tu fait de la boîte de
cigarettes qui était là ?
L’infirmier 2 :
- Je l’ai jetée…
L’infirmier :
- Quoi ? Et à quel endroit ?
L’infirmier 2 :
- Dans la fosse à caca, excusez le mot, dans la cave, par la
trappe, là…
L’infirmier :
- Bon Dieu. Il n’y a qu’un seul exemplaire de cette clé. Et… et
l’homme qui vide cette cave ne revient que dans un mois. Tu
es un ahuri 100%.
La porte :
- Toc, toc, toc.
Les infirmiers :
- Qui est là ?
Le directeur :
- Le directeur.
L’infirmier :
- M… monsieur le directeur, cet imbécile… a jeté les clés.
Le directeur :
- Quel « imbécile » ?
L’infirmier :
- Mon collègue…
Le directeur :
- Continuez.
L’infirmier :
- Dans la fosse à excréments, c’est-à-dire que nous sommes
enfermés…
Le directeur :
- Et bien, que cet imbécile saute par le trou qui mène, deux cents
mètres plus bas, à la fosse à purin.
L’infirmier 2 (celui qui a perdu les clés) :
- Mais, monsieur le directeur, je vais mourir enlisé, et il vaudrait
mieux appeler un serrurier.
Le directeur :
- Ce qui aurait « mieux valu », c’eût été de ne pas jeter les clés.
Non ? Au fait, comment avez-vous fait ?
L’infirmier 2 :
- je fumais…
Le directeur :
- Cela aggrave votre cas. Il est interdit de fumer en soignant un
malade.
L’infirmier 2 :
- Tandis que mon collègue soignait notre malade. Il restait une
cigarette. Je lui dis « C’est la dernière cigarette ». Puis, ayant
pris la dernière cigarette, je me dis « je vais jeter le paquet ».
Je le jetai. Et ce n’est que maintenant que je viens d’apprendre
que les clés étaient dedans. Voilà. Voyez-vous ?…
Le directeur :
- Oui, je vois…
L’infirmier, à part lui :
- « Ah ! »
Le directeur, très vite et très fort :
- Oui, je vois… que vous êtes un pauvre imbécile !
Yann, qui avait été assommé par le massage, et qui se réveille :
- Si votre directeur ne veut pas téléphoner à un serrurier,
téléphonez vous-mêmes : il y a un téléphone, ici.
Les infirmiers :
- Sommes-nous bêtes, alors : c’est vrai, nous n’avons pas besoin
de l’autorisation de ce porc de directeur.

L’infirmier 1 :
- Allo… oui… oui… c’est ça, oui, le directeur… mais… ah…
oui… oui… oui, une clé… oui… oui, dans un paquet de
cigarettes… oui… Demain… ah, le mariage de la tante de la
grand-mère de votre tante, je vois… oui, splendide… Oui, oui,
n’importe quel prix… une clé… Combien ? Ah… Je ne sais
pas… euh… pardon… oui… bien, bien… Ah… et bien…
d’accord… oui, oui… Bien, merci. Au revoir… oui ? Ah, votre
femme… Oui, bien, bien, tout ce que je veux… mais je vous
en prie… oui… au revoir. Pardon ? Mais oui, mais oui, au
revoir… C’est cela… Au revoir… CLAC !
Yann :
- Alors ?
Infirmier 1 :
- Il ne peut pas venir avant une semaine… Oh ! Celui-là ! IL me
racontait sa vie !
Yann :
- Retéléphonez à un autre.

Infirmier 1 :
- Allo… Bonjour, Monsieur, ici la clinique… Oh, pardon,
Madame, je ne savais pas… Don, oui… Bonjour, Madame,
est-ce que votre mari… ah, vous êtes célibataire… Ah… Bref,
est-ce que le serrurier peut venir ouvrir une porte à la
clinique ? Ah… Merci, Madame… Au revoir. CLAC.
L’infirmier 2, et Yann :
- Alors ?
L’infirmier :
- En vacances.

Les deux infirmiers retrouvent la clé, qui était sur un buffet, et pas
dans le paquet de cigarettes, et celui qui a jeté les clés (plutôt le paquet
de cigarettes) dans la fosse à purin entre en trombe, sans toquer, chez
le directeur, qui recevait alors Marthe, et Barthicane. Ils sont excédés
de cette impolitesse, et partent.
Barthicane :
- Venez, ma chère, nous n’avons rien à faire chez ces paysans
du Danube.
Marthe :
- Exact. Venez, cher.

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : « Barthicane », censé


être ici un prénom d’homme, est, lui aussi, très étrange.]

Le directeur, l’infirmier qui est entré sans toquer, l’autre infirmier,


la porte.
Une fois que Marthe et Barthicane sont partis, excédés, l’infirmier
et le directeur ont une chaude conversation…
Le directeur :
- Alors, Monsieur, vous entrez souvent chez les gens sans
frapper ?
L’infirmier :
- Non, Monsieur le directeur.
Le directeur :
- D’ailleurs, comment êtes-vous sortis de la salle de massage,
sans clé, hein ?
L’infirmier :
- A… a… vec l… a clé.
Le directeur :
- Mais, quadruple buse, vous ne l’aviez plus, la clé.
L’infirmier :
- J… justement… si.
Le directeur :
- Alors, primo, pourquoi ne m’avez-vous pas ouvert ? Secondo,
pourquoi m’avez-vous menti ?
L’infirmier :
- A ce moment, nous ne savions pas.
Le directeur :
- Oui, oui, je vois. Et, bien entendu, dès que j’ai eu le cul
tourné…
L’infirmier :
- Son cul… Tu parles… Il est tellement raboté par sa femme,
son cul.

[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : cette « obsession » du


jeune auteur pour les culs « rabotés » (cf. aussi « Olivier et
Gertrude ») est à rapprocher, justement, du mot « enculatrice »
puisque j’étais visiblement persuadé que le mot « enculer »
signifiât « frotter un cul contre un cul »…]

Le directeur :
- Alors, seulement, vous l’avez trouvée, cette clé. Vous êtes mûr
pour l’asile, vous.
L’infirmier :
- J’y suis déjà.
Le directeur :
- Pas comme infirmier, comme fou.
L’infirmier :
- Ooooooooh ? Vous n’allez pas… à moi… me faire, d’infirmier
que j’étais, fou ? Moi, votre serviteur, votre laquais, votre
chien tout juste bon à éplucher les pommes de terre et à faire
les poubelles, moi, votre domestique, votre minus, votre larve,
votre fœtus, votre subordonné puant, votre imbécile, votre
crétin, votre iguanodon, votre dévoué…
Le directeur :
- Tentative de corruption.
L’infirmier :
- M… m… ais… je…
[Commentaire d’Olivier Mathieu (2007) : il convient de ne pas
oublier que ce texte date de 1969, et que, le 25 février 1969, j’avais
rencontré Hergé qui m’avait offert et dédicacé au moins une
dizaine d’albums de Tintin. (La plupart de ces dédicaces ont été
reproduites par mes soins, plus tard, dans divers articles ou
ouvrages, tandis que j’en ai offert les originaux à diverses
personnes qui habitent Bruxelles). Il se peut donc que le passage
qui précède ait été en quelque sorte inspiré par les tombereaux
d’insultes chers au capitaine Haddock. Je fais référence au
passage : « Ooooooooh ? Vous n’allez pas… à moi… me faire,
d’infirmier que j’étais, fou ? Moi, votre serviteur, votre laquais,
votre chien tout juste bon à éplucher les pommes de terre et à
faire les poubelles, moi, votre domestique, votre minus, votre
larve, votre fœtus, votre subordonné puant, votre imbécile, votre
crétin, votre iguanodon, votre dévoué… » ]

La porte : - Toc, toc, toc.


Le directeur :
- En voilà un qui sait toquer. Entrez !
L’infirmier (l’autre) :
- Bonjour, Monsieur le directeur.
(Il se baisse et baise les pieds du directeur).
Le directeur :
- Vous, au moins, vous n’avez pas eu un professeur de savoir
vivre vacher.

L’infirmier qui avait toqué devint infirmier chef. L’autre devint


fou.

Yann passa le reste de sa vie à la clinique.

Follassinne refit une « portée » à Henri.

Le Fou vécut heureux avec sa nouvelle enculatrice.


FIN

[ Commentaire final d’Olivier Mathieu (2007) : toute la fin de ce


texte me semble amusante : « L’infirmier qui avait toqué devint
infirmier chef. L’autre devint fou. Yann passa le reste de sa vie à la
clinique. Follassinne refit une « portée » à Henri. Le Fou vécut
heureux avec sa nouvelle enculatrice ».
Voilà. On vient de lire, pour la toute première fois sur
Internet, ce texte, « Les Dames très dignes », écrit en 1969, à l’âge
de huit ans, par un Alfred Jarry en herbe, et un lointain
descendant d’Aristophane. Texte remarquable, je le crois,
sincèrement.
J’engage ceux de mes amis qui possèdent l’édition de 1983
à la conserver précieusement, et je suggère aux autres de
« l’imprimer » sur papier.
Et puis, en cette année 2007, bientôt quarante ans après sa
rédaction, je voudrais dédier « les Dames très dignes » à cet enfant
que je fus, à cet enfant dont je me souviens parfaitement, au petit
« Robert Pioche » auteur des « Dames très dignes », et qui
dactylographia cette « comédie » sur sa vieille machine à écrire…
Il y avait ici, en germe, chez un enfant de huit ans qui
n’avait (évidemment) jamais embrassé une fille, et, mieux encore,
qui n’avait jamais adressé la parole à une fille, des « intuitions »
parfaitement étonnantes. Certaines de ces « intuitions », plus tard,
me furent en quelque sorte confirmées par la vie. Il y avait en moi,
enfin, une indéniable capacité à « choquer », à m’attaquer à
l’hypocrisie, à faire de l’humour une « arme », à dire tout haut ce
que d’autres pensent tout bas.
Je ne crois pas pécher d’orgueil ou de présomption (et
d’ailleurs, que m’importe ce qu’on dira ?) en disant qu’un enfant
de huit ans qui écrivait cela, et pratiquement sans une seule faute
d’orthographe (ici, j’ai respecté l’orthographe du manuscrit de
1969), avait du talent, et même du génie ; et que son caractère
annonçait, entre les lignes, non pas seulement celui qu’il serait
plus tard, mais celui qu’il ne cessa jamais d’être. A huit ans,
j’étais déjà moi-même, s’il est vrai, comme je le crois à la suite de
Konrad Lorenz, que pour un enfant tout, à six ans, soit déjà
décidé …
Je crois que, avant de porter quelque jugement sur moi, il
faut aussi avoir lu les « Dames très dignes ».
Voilà ce que l’on peut dire, au-delà de ses maladresses ou
de ses « exagérations » enfantines, d’un texte qui, selon moi,
méritait aujourd’hui d’être enfin publié, et lu ou relu par mes
lecteurs, grâce au site de M. Daniel Fattore, que je remercie.]

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