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SUPPORT DE COURS | UVS | 2015 LICENCE 2 SOC

LICENCE 2
SOCIOLOGIE

ANTHROPOLOGIE GENERALE

Enseignant concepteur : Pr Lamine


NDIAYE
LES COURANTS DE PENSEE
CLASSIQUES DE L’ANTHROPOLOGIE
ANTHROPOLOGIE GENERALE | LES COURANTS DE PENSEE CLASSIQUES
DE L’ANTHROPOLOGIE

Introduction
L’anthropologie en tant que discipline scientifique est instituée à la fin du XIXe siècle.
Cette époque correspond à un moment où des chercheurs et des savants avancèrent des théories
sur l’évolution de l’homme et donc sur la question de l’origine. Pour comprendre cette étape de la
pensée anthropologique, nécessité exige que l’on se demande ce qui s’est passé au XIXe siècle. À
partir d’une découverte, se situant en 1836, d’une hache par un jeune homme à Abbeville, la
pensée ethnologique européenne va se révolutionner. Et, ainsi, les récits ethnographiques
deviennent plus intéressants.
En 1859, Darwin publie L’Origine de l’espèce et Marx, Critique de l’Économie politique.
Même si ces auteurs ne se sont jamais rencontrés, ils ont dit la même chose dans leurs ouvrages.
Ils considèrent que la clé de l’anatomie du singe est celle de l’homme. Darwin, avec sa théorie
portant sur l’évolution tente de montrer que toutes les espèces ont la même origine, seul le milieu
les différencie.
Ainsi, s’est posée l’épineuse question scientifique (qui n’est d’ailleurs pas une question
scientifique). De là, les problèmes de l’origine sont retrouvés avec l’opposition entre Nature
(animal, inné) et Culture (homme, acquis). Le XIXe siècle fait, de ce point de vue, éclore cette
idée scientiste, l’idée de progrès donnant naissance à la sociologie. C’est ainsi que
l’anthropologie sociale s’oriente vers la compréhension de l’organisation familiale, politique et
sociale et se distingue de l’anthropologie culturelle qui s’intéresse davantage à la religion, aux
coutumes et aux mœurs (Tylor, Frazer).
Selon Robert H. Lowie, anthropologue américain né à Vienne en 1883, considéré comme
l’un des maîtres de l’anthropologie américaine, la naissance de l’ethnologie, discipline
scientifique, est à situer au XIXe siècle. Ainsi, il dresse les différentes étapes connues par cette
discipline au cours de l’histoire. À ce propos, la Préhistoire de l’ethnologie correspond à
l’Antiquité, au Moyen-âge et à la Renaissance ; ses premières ambitions sont fixées entre le
XVIIIème et le XIXème siècles et son acte de naissance de matière scientifique en 1860.

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- L’Antiquité : une importance extrême est accordée à la préfiguration d’une science.
Avec César, la nécessité de connaître les coutumes et l’administration se fait davantage
sentir. Hérodote, père de l’Histoire et même de l’ethnologie, donne naissance au
déterminisme géographique. L’Antiquité est caractérisée par un très fort
anthropocentrisme selon lequel il existe une seule civilisation, celle de la Grèce antique
prise pour être la seule valable.
- Le Moyen-Âge : ce qui est la caractéristique principale du Moyen-âge de la préhistoire de
l’ethnologie, c’est la création d’une chaire de mongole à la Sorbonne, dès le XIIIe siècle.
Les écrits les plus célèbres sont ceux des deux Africains du Nord, Ibn Batouta et Ibn
Khaldoum (XIVe s.). Ce dernier est considéré comme étant le père de la sociologie. Ce
qui est sûr, c’est qu’il fait partie des sociologues et anthropologues modernes en raison de
son souci d’objectivité.
- La Renaissance : beaucoup de raisons font que cette étape de l’histoire de l’humanité est
importante pour une meilleure compréhension de la pensée ethnologique « moderne ».
Des faits sont apparus parmi lesquels il nous faut noter l’éclatement d’un certain cadre de
pensée avec la naissance de l’Imprimerie (1436) qui entraîne la diffusion plus facile des
connaissances, la vulgarisation d’une pensée scientifique sur l’Occident, la fissure de
l’organisation du monde avec Kepler, Copernic valorise le recours à l’expérimentation, à
la recherche par opposition aux acquis du dogme, la description d’une autre culture des
Indiens d’Amérique. Montaigne, par exemple, va faire référence à ces cultures
« nouvelles ».

De la sorte, la « vérité » ne se trouve plus dans les livres sacrés mais dans l’expérience et
dans la connaissance. L’observation « scientifique » remplace la croyance.
- Les premières ambitions : XVIIIe-XIXe siècles. Mungo Park explore l’Afrique. À la fin
de ces expéditions à caractère scientifique, l’Europe allait se doter d’une certaine
connaissance ethnologique, ce qui a donné naissance à un certain humanisme. Ainsi, se
construit, dans le champ de la connaissance, le désir de connaître rationnellement l’autre.

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C’est cette situation particulière de l’histoire de l’humanité qui a donné naissance à la
théorie fondatrice de l’école évolutionniste considérée comme étant le premier courant de
pensée de l’anthropologie sociale.

1. L’évolutionnisme

Lato sensu, le terme évolutionnisme désigne, en anthropologie, une perspective théorique


qui défend l’idée selon laquelle il existe un ordre inhérent à l’histoire de l’humanité. De ce fait, ce
courant de pensée se donne pour tâche de mettre en évidence des lois dans l’ordre de succession
des faits sociaux et culturels. Dans cette perspective, la théorie évolutionniste s’oppose au
diffusionnisme.
Mais, il faut préciser que, stricto sensu, le mot « évolutionnisme » désigne, en français, un
ensemble de théories conçues dans la deuxième moitié du XIXe siècle afin de mettre en relief les
différentes étapes de l’évolution des cultures en se fondant sur la légitimation d’une trajectoire
unique de l’histoire des hommes. L’évolutionnisme est considéré comme la première école de
l’anthropologie sociale. La théorie évolutionniste a eu à subir les influences de l’époque pendant
laquelle elle a été élaborée. Darwin et les biologistes développent l’idée de l’évolution des
espèces. Dans le même temps, les théoriciens de l’anthropologie, discipline qui commençait à se
faire connaître davantage comme une « jeune science », tentaient d’établir des liens entre les
institutions socio-culturelles des peuples étudiés et les débuts de l’évolution de l’humanité.
Dans ce contexte, les règles de droit des « peuples sans écriture » vont être opposées à
celles des sociétés industrialisées » considérées comme étant plus avancées. Toutefois, il faut
souligner que, contrairement à l’idée largement partagée, l’évolutionnisme anthropologique qui
serait né de l’évolutionnisme darwinien est un point de vue qui mérite certaines réserves. Même
s’il faut reconnaître que Darwin a influencé l’évolutionnisme en anthropologie sur le plan
conceptuel, ce qui est sûr, c’est que les deux évolutionnismes sont très différents.
L’évolutionnisme anthropologique est d’ailleurs théoriquement plus proche de celui de Lamarck

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qui défend l’hérédité des caractères acquis que de celui de Darwin qui s’est appesanti davantage
sur la variation positive.
Celui qui est considéré, à la fois, comme le chef de file de l’évolutionnisme et le père
fondateur de l’anthropologie sociale, c’est Lewis Henry Morgan (1818-1881). Avocat de
profession à New York, ce dernier conçut l’évolution sociale dans une perspective linéaire qui va
du simple au complexe. Contrairement aux idées de déchéance et de dégradation de l’humanité
(« l’âge d’or »), l’auteur de Ancient Society proposa une conception optimiste du développement
humain. Il défend la thèse selon laquelle les sociétés suivent un mouvement global dont
l’évolution passerait par différents stades qui caractériseraient le développement de l’être humain.
Il s’agit :
- de la sauvagerie, stade inférieur marquée par l’organisation sociale en clans ;
- de la barbarie, stade moyen connaissant une organisation en phratries ;
- de la civilisation, stade supérieur fonctionnant sous le régime de la tribu.

Ainsi, Morgan établit les bases scientifiques de la pensée évolutionniste en proposant les
postulats selon lesquels toutes les sociétés humaines évoluent et passent par des phases
comparables ; qu’il faut nécessairement « reconstituer » les « différentes étapes de l’évolution
des cultures » (voir Duvignaud Jean, Le langage perdu, 1976). Dans cette perspective, à
l’exemple de Darwin qui essaie de retracer un prolongement entre les espèces, Morgan développe
l’idée selon laquelle il existe une évolution discontinue mais irrésistible entre les sociétés dites
« sauvages » et celles qui sont considérées comme étant « civilisées ».
En raison d’une documentation ethnographique rare, pour ne pas dire inexistante, Morgan
fut obligé de faire de « l’histoire conjecturale » (impossibilité de donner des confirmations).
Toutefois, il faut reconnaître qu’il a eu le mérité de constater et d’observer sur le « terrain » des
tribus indiennes de l’État de New York (Duvignaud, p. 66), contrairement à la plupart de ses
contemporains.
La théorie morganienne a eu un apport considérable dans l’étude de l’organisation sociale
en s’intéressant à deux aspects classiques et fondamentaux de l’anthropologie : l’aspect parental

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et domestique (la famille) et l’aspect juridico-politique (lignage, clan). Morgan a fait de la
monographie le « modèle » idéal de tout changement humain. Sous ce rapport, il propose une
méthode selon laquelle les faits sociaux ne doivent pas être considérés comme séparés les uns des
autres mais dans leur interdépendance.
Les œuvres les plus représentatives de cette démarche, au XIXe siècle, sont celles d’E. B.
Tylor (1871) et de Morgan (1871, 1877), [Systems of consanguinity and affinity of the human
Family ; Ancient Society (La Société archaïque)]. [E. B. Tylor, 1971, Primitive Culture (La
civilisation primitive, en deux volumes]. En fait, même si ces deux savants de l’anthropologie
sociale s’accordent dans la reconnaissance des principales étapes parcourues par l’humanité, une
lecture de leurs œuvres permet de distinguer les différents rôles que chacun de ces deux auteurs
attribue à la technique. Pour Tylor, les progrès techniques sont à relier au développement mental
de l’humanité, alors que pour Morgan, ces derniers sont rendus possibles grâce au progrès de
« l’intelligence technique qui explique l’évolution culturelle dans son ensemble, et qui détermine
en particulier les configurations sociologiques propres à chaque stade » (Dictionnaire de
l’ethnologie et de l’anthropologie, p. 271).
Morgan a véritablement marqué son époque, c’est pour cette raison d’ailleurs que la
théorie évolutionniste a influencé de façon remarquable l’œuvre de Karl Marx et de Friedrich.
Engels. C’est ainsi que Marx développe dans le Capital l’idée selon laquelle le changement
interne des sociétés européennes sous l’impact du capitalisme industriel entraîne la désagrégation
ou la destruction radicale des structures traditionnelles (voir Duvignaud, p. 71). Cette théorie fut
relancée par Durkheim (1858-1917) et Georges Peter Murdock (1897-1985).
Enfin, ce qu’il faut surtout retenir, c’est le fait que le courant de pensée évolutionniste soit
rejeté par la plupart des ethnologues. C’est d’ailleurs ce qui explique l’évolution des termes
employés aujourd’hui pour s’adresser aux peuples qui ont toujours été considérés comme des
« sauvages » ou des « primitifs ». L’usage de certaines expressions comme « sociétés dites
primitives », « sociétés sans écritures », « sociétés archaïques », « sociétés à technologie
rudimentaire », tombe en désuétude au profit d’expressions euphémisées, voire moins péjoratives
telles que : « sociétés traditionnelles », sociétés à tradition orale ».

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L’un des mérites de l’évolutionnisme anthropologique du XIXe siècle, c’est la
démarcation vis-à-vis des « philosophies historistes des Lumières par le poids qu’elle assigne aux
facteurs biologiques et par l’allongement considérable de l’axe temporel qu’il se donne,
concomitant aux découvertes de la géologie et de la paléontologie » [Boucher de Perthes, 1938,
voir dic. Ethno, p. 271). « Les primitifs s’éloignent donc dans le temps, et l’écart qui les sépare
des civilisés ne peut plus être assigné aux accidents de l’histoire locale contingente ou à un
simple déterminisme climatique ; si toute l’humanité est soumise au même mouvement
historique, encore faut-i expliquer pourquoi certaines sociétés ont progressé, tandis que d’autres
paraissent figées dans une irrémédiable primitivité » (A. C. Tylor, Dico ethno, p. 271). C’est par
rapport à cette situation que s’est manifestée et développée l’idée de race, de différence,
d’inégalité biologiquement acquise.
Il faut, enfin, remarquer que la théorie évolutionniste n’a pas eu que des partisans. Elle a
eu aussi des détracteurs. Parmi les chercheurs qui sont les premiers à critiquer l’évolutionnisme
anthropologique à propos des théories sur l’évolution unilinéaire, nous notons Frantz Boas (1858-
1942) pour qui le « terrain » doit être considéré comme le laboratoire de l’ethnologie et qu’il faut
nécessairement privilégier la collecte des faits avant qu’ils ne disparaissent complètement.
Boas s’est largement opposé aux évolutionnistes en raison de l’importance qu’il accorde à
l’étude descriptive. En ce sens, il a influencé un grand nombre d’éminents ethnologues
américains parmi lesquels Alfred L. Kroeber (1876-1960), Edward Sapir (1884-1939), Robert
Harry Lowie (1883-1939), Ruth Benedict (1887-1948) et Margaret Mead (1901-1978).
La méthode d’observation minutieuse et la comparaison des sociétés qu’il a mises en
œuvre dans le cadre de ses recherches sur les Indiens Kwakiutl du Nord-Ouest de l’Amérique,
célèbres pour leur potlatch, ont donné naissance à la théorie et au courant de pensée
diffusionnistes.

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2. Le Diffusionnisme

C’est par le terme « Diffusionnisme » que ceux qui critiquent cette théorie nommaient la
tendance « culturo-historique » de l’ethnologie, féconde dans la première moitié du XXe siècle.
Le courant de pensée diffusionniste, qui s’opposait à l’évolutionnisme, s’est donné pour tâche de
démontrer l’historicité des peuples que l’on considérait comme n’ayant pas d’histoire, en étudiant
leur distribution dans l’espace. Parmi les premiers penseurs du diffusionnisme, on a Ratzel qui,
dès 1882, emprunta à Gesland le concept de « diffusion » et à Wagner la « théorie des
migrations ». Ainsi, en 1898, Leo Frobenius qui a vulgarisé la notion e Kulturkreis entreprend de
procéder aux reconstitutions spatiales et transversales d’ensembles culturels à partir d’éléments
jugés pertinents.
Retenons, en définitive, que trois méthodes dominent la recherche chez les
diffusionnistes. Il s’agit :
- de la muséographie dont l’objectif est de rassembler, de classer et de présenter les objets.
Avec Frobenius, commence une époque d’accumulation désordonnée de « produits » de
musées des pays européens colonisateurs. « Les écrits nous fon imaginer la vie d’un
peuple (l’expérience indirecte) et le musée nous offre le spectacle de ses possessions
matérielles » (expérience directe), pense-t-il ;
- de l’étude comparative de la génération précédente ;
- de l’enquête ethnographique. C’est dans cette perspective que Frobenius défendit le
principe selon lequel le musée est inséparable à l’enquête. C’est ce qui a amené
l’anthropologue allemand, né à Berlin en 1873, à accorder un intérêt particulier à l’étude
des « civilisations » africaines. Ainsi, Frobenius entame la collecte d’éléments servant de
fonds documentaire à l’Institut de morphologie culturelle qu’il créa en 1922 à Munich.
Cet institut, déplacé à Frankfort en 1925, devint l’Institut Frobenius à la mort de ce
dernier, en 1938.

Pour Frobenius, « l’élément fondamental de toute société est son degré d’ouverture au
réel » (Le langage perdu, Duvignaud). C’est pour cette raison, très certainement, qu’il publie un

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travail sur les sociétés secrètes en Afrique ; dès 1894. Mais, c’est dans ses ouvrages Les masques
et sociétés secrètes d’Afrique et L’origine des civilisations africaines (1898) qu’il adopta un ton
qui ne cessa de déranger les universitaires de l’époque.
Toutefois, force est de reconnaître que plusieurs écoles se réclamaient du diffusionnisme
parmi lesquelles :
- l’école américaine avec Wisler (1923), Spler (1921), Kroeber (1932) ;
- l’école allemande avec Frobenius (1898), Grabner (1911) ;
- l’école anglaise avec Gerry (1925).

Tout de même, soulignons que les vues diffusionnistes furent principalement développées
au début du XXe par les écoles allemande et autrichienne dites l’Ecole de Vienne. Ce courant a
connu son expansion en réaction contre l’évolutionnisme qui niait la part de conservation.
La théorie diffusionniste est fondée à partir des diffusions techniques et sociales d’une
réflexion sur le concept d’aire culturelle, c’est-à-dire que sur le terrain, on essaie de définir
culture par culture, ce qui fait cette culture par l’identification de tous ses éléments
caractéristiques en vue de dévoiler les spécificités ; ce qui nécessite un travail de cartographie,
d’observation des effacements modifiant chacun de ces traits et des appauvrissements. Ainsi, on
aboutit à un foyer considéré comme étant le centre de diffusion culturelle. Plus on s’éloigne du
centre, plus les traits s’appauvrissent. C’est à ce propos d’ailleurs que les Allemands développent
le concept de Kulturkreise afin de créer des « cercles culturels » (kulturkreisen) à l’échelle
planétaire.
Ainsi, au moment où les évolutionnistes interprètent, dans une perspective linéaire, la
similitude des traits culturels, dans différentes sociétés, comme l’expression d’une évolution
parallèle, dans une perspective latérale, les diffusionnistes vont considérer cette évolution
comme, avant tout, le résultat d’emprunts et de contacts entre les sociétés. L’homme copie plus
qu’il n’invente. En conséquence, les diffusionnistes, en étudiant les migrations, cherchent, en
même temps, des aires culturelles ayant des traits culturels communs.

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C’est cette quête d’aire culturelle qui est à l’origine de quelques excès comme l’hyper-
diffusionnisme avec la théorie héliocentrique du biologiste anglais Elliot G. Smith (1871-1937) et
Perry pour qui, il existe une seule aire culturelle (planète) et un seul centre de diffusion :
l’Egypte. Cette pensée « scientifique », difficilement défendable, a disparu. Cette tendance
« hyperdiffusionniste » (hyperdiffusionnisme anglais) n’a pas eu, du point de vue de l’audience
les résultats escomptés à cause du fait, semble-t-il, que ses maîtres à penser, en s’attachant aux
théories et à la pensée de leur maître, Darwin, entretenaient des points de vue radicaux surtout
quand il s’est agi de considérer l’Egypte comme le lieu géométrique à partir duquel la civilisation
est née.
Avant de clore ce chapitre, il est bon de souligner que l’un des chefs de file du courant
diffusionniste fut le Britannique Williams H. R. Rivers (1864-1922). « Comme Boas, il plaçait
les faits sociaux au premiers rang sur le terrain » (Ghasarian, p. 35). Il faut aussi retenir que les
diffusionnistes ont le mérite de fonder leurs théories sur des bases empiriques. Sous ce rapport,
participent-ils au développement des connaissances ethnographiques en réagissant face à un
ensemble de dérapages théoriques évolutionnistes et en restant dans les limites de la discipline
anthropologique.
Mais, face aux difficultés qu’il y a à caractériser une culture à partir d’éléments qui
restent, la théorie et l’école diffusionnistes ont du mal à s’imposer. Ainsi, naît l’approche
fonctionnaliste avec Bronislaw Malinowski (1884-1942) qui est considéré comme le plus grand
critique de l’évolutionnisme et de Morgan, et avec Radcliffe-Brown.

3. Le fonctionnalisme

Le terme «fonctionnalisme » peut avoir une signification double. Il peut, à la fois, être
considéré comme une méthode et comme une doctrine, selon E. Gellner (in The concept of
Kingship and other Essays, 1987). L’usage de l’adjectif fonctionnaliste n’est pas toujours
conscient. Il n’est pas souvent le fruit d’un choix raisonné, voire bien réfléchi. C’est à ce propos
d’ailleurs que le terme est appliqué :

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1- à un principe de méthode commandant de replacer systématiquement les faits à décrire et
à interpréter dans leur contexte ;
2- à toute explication d’un phénomène social par les exigences de fonctionnement supposées
de la totalité dont il relèverait ;
3- à une orientation générale du raisonnement érigeant l’utilité en ressort ultime de l’état de
société ou de culture. C’est en ce sens que l’utilisation du terme fonctionnel est préféré
quand il s’agit de désigner une méthode (l’analyse fonctionnelle), alors que l’adjectif
fonctionnaliste est souvent réservé au principe de caractérisation des théories. Sous ce
rapport, on parle de théories fonctionnalistes. L’analyse fonctionnelle consiste à traiter de
tout fait social sous l’angle des relations qu’il entretient, dans la synchronie, avec d’autres
faits sociaux à l’intérieur d’un ensemble qu’il n’est pas épistémologiquement nécessaire
de penser comme entièrement structuré. La notion de fonction revoie seulement à l’idée
d’interdépendance relative entre les faits. Les liens constatables dans la réalité ne sont pas
promus en rapport de détermination ou en lois de fonctionnement. La fonction n’est donc
pas pourvue d’un statut explicatif au sens strict mais au sens heuristique du terme. La
conduite de l’observation ethnographique comme la présentation de ses résultats sous
forme monographique doit obéir aux préceptes de la méthode fonctionnelle. On admet
qu’une société est formée d’un certain nombre d’éléments identifiables, que ces éléments
ne sont pas agencés au hasard mais selon une certaine logique de configuration, que la
mise en évidence des relations entre ces éléments – relations qui ne sont pas
obligatoirement d’utilité réciproque – apporte quelque chose à la compréhension de
chacun d’entre eux. On doit la codification la plus rigoureuse d’une ethnographie
fonctionnelle (fonctional ethnography) à l’école anthropologique anglaise des années
1930-1960 et, plus particulièrement, à l’un de ses deux chefs de file, Bronislaw
Malinowski. Elle n’est donc pas absolument affranchie des schèmes de pensée
fonctionnalistes. Cependant, toute recherche menée selon les règles de la méthode
fonctionnelle n’est pas fonctionnaliste pour autant.

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Dans l’analyse fonctionnelle, la société est considérée en termes d’organisation et de
fonctionnement. Elle cherche des relations causales, des rapports fonctionnels et des
interdépendances entre les faits sociaux et les institutions d’une société. En voulant comprendre
la fonction qu’une institution remplit au sein d’un complexe culturel, l’analyse fonctionnelle
défend l’idée selon laquelle les faits sociaux sont étroitement reliés, de sorte que des
modifications apportées à une partie du système peuvent provoquer des modifications dans
d’autres parties de ce système. Le principe majeur du fonctionnalisme est que tout dans une
société remplit une fonction vitale. Chaque coutume, chaque idée, chaque objet… représente une
part irremplaçable de l’ «organisme » social dans lequel il répond à un besoin précis. Cette idée a
été amplifiée par Marcel Mauss (1872-1950), le fondateur de l’ethnologie française, avec la
notion de « fait social total » (Sociologie et Anthropologie).
Dans une perspective maussienne, chaque fait particulier contribue au fonctionnement du
système global. Les excès de cette approche théorique ont notamment été l’analogie organique.
Toutes les sociétés connaissent, en effet, des conflits intenses et il n’y a pas de système
harmonieusement intégré grâce à un ensemble d’institutions sociales s’ajustant entre elles. Par
ailleurs, la théorie fonctionnaliste trahit un certain « utilitarisme » : les faits ne sont plus
expliqués que par leur utilité dans le système. On a particulièrement remis en cause le
« positivisme fonctionnaliste » (Evans-Pritchard, 1962), notamment le fait que cette approche
s’en tient aussi aux propriétés d’organisation du social est néglige la dimension symbolique des
faits (Marshall Sahlins, 1978/1980 : Au cœur des sociétés : Raison utillitaire et raison pratique,
Paris, Gallimard). Le sens subjectif d’une croyance ou d’un rite n’est pas épuisé par sa fonction
« subjective ». Prétendre le contraire revient à nier la constitution symbolique de l’état de société,
hypothèse qui est pourtant au cœur de l’entreprise anthropologique.
Contrairement aux évolutionnistes, les fonctionnalistes ne tiennent pratiquement pas
compte de l’histoire. Ils cherchent à comprendre la partie avant le tout et à noter ce qu’ils peuvent
voir et vérifier dans les situations contemporaines. Idéalement cependant, les faits sociaux
doivent être étudiés aussi bien en « séquences diachroniques », sur une période donnée (la

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perspective de Morgan), qu’en « coupe synchronique », à un moment précis (la perspective de
Malinowski).
Enfin, nous précisons que Malinowski a formulé une critique contre Durkheim sur Les
formes élémentaires de la vie religieuse (en 1931 dans Folklore), qui prend tout son sens au
moment où l’observateur se laisse investir par le système socioculturel dans lequel il pénètre et
qu’il entreprend de situer directement les êtres vivants dans le tissu des liens invisibles de
dépendance, d’appartenance, de lignage, etc. Malinowski ne cherche pas à constituer une théorie
sociologique ou anthropologique. Ce qu’il propose, c’est l’analyse descriptive et
phénoménologique d’une « vision du monde ».

4. Le structuralisme

Pour mieux comprendre la théorie structuraliste ou le structuralisme, il est bon de


connaître les différentes acceptions prises par la notion de structure dans les sciences humaines.
Ce concept a fait l’objet de nombreuses études, ce qui est révélateur de son importance dans
l’essor des sciences de l’homme et de la société. Toutefois, force est de reconnaître qu’il n’est pas
évident d’identifier la signification véritable de ce terme en raison de la variété de son usage.
C’est à ce propos d’ailleurs que Raymond Boudon souligne, dans son ouvrage À quoi sert la
notion de structure, (1968), que les significations diverses prises par ce vocable connaissent une
différence fondamentale liée à la fonction que chacun des théoriciens lui attribue.
De la sorte, la structure est descriptive si son emploie met uniquement en évidence le
caractère systématique d’un objet de la réalité sociale ; elle est heuristique si son utilisation exige
l’élaboration d’une hypothèse servant à expliciter ce caractère systématique. Ainsi, la notion de
structure relève d’une définition inductive et s’applique à la réalité empirique, dans le premier
cas. Dans le deuxième cas, elle relève d’une définition « effective », selon Boudon et « se
rapporte aux modèles construits d’après la réalité empirique » (P. Bonté et M. Izard, Dictionnaire
de l’ethnologie, p. 680). Concernant les définitions inductives de la structure, Jean Pouillon nous
dit dans son article : « Présentation : un essai de définition » (1966), que « la structure est ce que

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révèle l’analyse interne d’une totalité ». Dans ce cas, la notion est utilisée dans le sens de système
ou d’organisation. Dans son acception réaliste, la mise en application de la notion de structure
n’est possible que dans la mesure où il est question d’étudier les relations sociales conçues sur le
modèle analogique de l’organisme, comme l’a fait Spencer.
Le terme de structure a occupé une place prépondérante en ethnologie et en anthropologie
grâce aux théoriciens de l’anthropologie britannique. C’est ainsi que Radcliffe-Brown et ses
disciples furent considérés comme des structuro-fonctionnalistes. D’aucuns même parlent
« d’école structurale », parmi lesquels Fortes. Les travaux d’Evans-Pritchard chez les Nuer
montrent que la « vraie nature » d’un groupe réside dans ses rapports avec d’autres groupes. Dans
cette perspective, on parle de structure sociale chaque fois qu’il y a un rapport entre des groupes
et que ce rapport soit cohérent et stable.
Avec Claude Lévi-Strauss, nous assistons à l’introduction, en anthropologie, d’une autre
façon de concevoir la structure. Avec l’auteur des Structures élémentaires de la parenté (voir p.
22), la rupture avec la définition inductive de la notion de structure devient définitive.
Inspiré par la linguistique, Lévi-Strauss remplace l’analogie biologique, vulgarisée par le
structuro-fonctionnalisme britannique, par le modèle logique du langage afin d’analyser les
phénomènes de parenté, les mythes et, dans un cadre plus large, l’étude de la fonction
symbolique.

4.1. Le structuralisme lévi-straussien

Le structuralisme est considéré comme étant une invention de journalistes et non de


théoriciens ou de chercheurs, à en croire les critiques. Ces derniers semblent avoir raison en ce
que les chercheurs et les théoriciens qui en parlent ne s’en réclament pas. Dans une perspective
structuraliste, la connaissance d’un phénomène passe par la connaissance non pas des éléments
existants mais de la structure des éléments qui relient entre eux. La dernière étape d’un fait
permet de connaître la genèse de ce fait dans la mesure où la question des origines n’est pas une
question scientifique.

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La structure pourrait, ainsi, être définie comme une entité homogène de dépendances
internes. Comme le dit Simonis (1964, p. 9), pour comprendre le structuralisme de Claude Lévi-
Strauss, il faut savoir adopter son « regard ». Au-delà « du rationnel », de la logique de
l’organisation sociale, des pratiques et du vécu des sociétés, au-delà de leurs règles, qui sont
différentes selon les lieux, il y a quelque chose de commun qu’on retrouve chez l’homme, quelles
que soient son origine et sa culture. Ce « quelque chose » de commun, c’est l’inconscient
collectif de l’esprit humain qui se nourrit de mêmes images, de mêmes symboles et de mêmes
motivations » (J. Lombard, Introduction à l’ethnologie, p. 29). C’est cela même le fondement de
la pensée de Lévi-Strauss. L’explication est plus psychologique que sociologique et se trouve
dans la psychologie collective des groupes.

4.1.1. La place de l’inconscient

C’est en 1958 que Claude Lévi-Strauss fait allusion, pour la première fois, au rôle et à
l’importance de l’inconscient dans la compréhension et dans l’explication des phénomènes
socioculturels. À cet égard, c’est dans son ouvrage Tristes Tropiques qu’il montre la place
occupée par la psychanalyse, en France, entre les années 1920 et 1930. Cette discipline instituée
par Sigmund Freud lui a permis de faire la distinction entre « rationnel et irrationnel, intellectuel
et affectif, logique et prélogique ». Toutefois, au travers de cette vision bipartite des choses,
l’auteur des Structures élémentaires de la parenté nous apprend qu’au-delà de ce qui est
expérimental, à côté du rationnel, existe selon ses termes : « une catégorie plus importante et plus
valable, celle du signifiant qui est la plus haute manière d’être du rationnel ». Ce que Claude
Lévi-Strauss veut mettre en évidence, c’est le fait que, pense-t-il, les phénomènes affectifs, nos
représentations, tous les faits qui relèvent du domaine de l’imaginaire ou du symbolique ont plus
de sens ou bien, en d’autres termes, sont beaucoup plus signifiants que les pratiques rationnelles.
Autrement dit, la « nature » véritable de la chose ne se trouve pas dans le visible. Elle est à
rechercher dans le « subjacent », c’est-à-dire dans ce qui est en dessous.

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C’est en ce sens que Lévi-Strauss se réfère à la géologie en considérant la « réalité
sociale » comme un paysage qui peut se manifester sous la forme d’un « immense désordre »
caractérisé par ses « parois abruptes, déboulements, broussailles, cultures ». Ce qui est important
de savoir, c’est ce qui caractérise ce paysage, la base géologique, « la différence dans la nature
des roches, qui vont témoigner, par exemple, de deux époques géologiques différentes qui se sont
succédées et qui auront plus d’importances pour l’explication que la vue de l’ensemble apparent
et manifeste de ce paysage ». (J. Lombard, Introduction à l’ethnologie…, p. 129-130).
Dans l’élaboration de sa méthode de travail, Lévi-Strauss s’est beaucoup inspiré de Karl
Marx pour qui la « structure sociale ne se bâtit pas sur le plan des événements ». Il faut toujours
partir d’un modèle construit qui, dans une perspective marxienne, ne pourrait être que « la
détermination de l’économie et de l’histoire sur les hommes et leurs comportements ». Un des
fondements de la vie des hommes étant la relation économique, qui unit les hommes entre eux
(Préface Contribution à la critique de L’Économie Politique, 1859), Marx reconnaît dans le
Capital que l’économique détermine, en dernière instance, l’ensemble de la vie sociale, ce qui est
aussi une façon de reconnaître l’existence d’autres instances de détermination et que
l’économique est le dernier maillon des instances de la vie sociale. Ainsi, au-delà du visible, il y a
quelque chose moins apparent, quelque chose que le scientifique élabore lui-même.
À ce propos, le discours de Lévi-Strauss est très révélateur quand il énonce en ces termes :
« le marxisme me semblait procéder de la même façon que la géologie et la psychanalyse […] ;
tous trois montrent que comprendre consiste à réduire un type de réalité à un autre, que la réalité
vraie n’est jamais la plus manifeste ».

4.1.2. La méthode lévi-straussienne

L’expérience a montré que les principales écoles de pensée anthropologique ont eu à


recourir à l’assistance d’une science reconnue ou d’une discipline de référence. C’est ainsi que
les évolutionnistes et les fonctionnalistes qui se sont référés à la biologie se tournent vers la
sociologie. Chacune de ces écoles ayant emprunté ou non les démarches méthodologiques de la

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psychologie ou de l’histoire, Lévi-Strauss préférera la linguistique comme discipline de
référence. Dans son ouvrage Anthropologie structurale et, plus précisément, dans le chapitre 2,
intitulé « Analyse structurale », Lévi-Strauss explique les raisons qui motivent son choix
méthodologique. Pour Lévi-Strauss, la linguistique est la plus évoluée des sciences de l’homme
et de la société. Contrairement à la sociologie et à l’ethnologie, qui se fondent sur un certain
relativisme, la linguistique et plus particulièrement la phonologie, il est question de proposer des
principes de méthodes généraux. Les mêmes méthodes sont utilisées par la description et pour
l’analyse de n’importe quelle langue.
Lévi-Strauss considère aussi que la linguistique est parmi les sciences humaines, celle qui
met davantage en valeur, et le mieux, la culture. Ainsi, il reprend l’étude des systèmes
symboliques (langage, parenté, mythe, art) qui a été abandonnée par les écoles durkheimienne et
britannique.

4.2. La linguistique comme modèle référentiel

Si Lévi-Strauss a constitué la linguistique en modèle scientifique de référence, c’est grâce


à la phonologie, c’est-à-dire à l’étude des éléments sonores du langage (phonèmes) dont le père
fondateur est Troubetzkoy. Inspiré par cette démarche, il rejette la méthode diachronique pour
adopter dans le champ de la recherche anthropologique la technique d’investigation synchronique
développée par la phonologie. Toutefois, force est de reconnaître que d’autres raisons ont conduit
Lévi-Strauss à considérer la linguistique comme une référence. Il n’a pas seulement voulu
« opérer un simple transfert de méthode ». Il « a conçu un modèle anthropologique structural qui
serait à l’anthropologie ce que le modèle linguistique structural est à la linguistique ».

4.3. L’application de la méthode structurale à l’anthropologie

Comme le soulignent clairement F. De Saussure (parole/langue) et Jakobson


(message/code), la linguistique fonctionne sur des suppositions. Ainsi, selon Lévi-Strauss,
« l’anthropologie opposera l’ordre de l’événement (histoire) à l’ordre de la structure (système,

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sous-jacent), de même que le vécu (conscience qu’ont les hommes de leur système) au conçu
(représentation abstraite que s’en fait le chercheur) ».
Dans cette perspective, la méthode linguistique est appliquée à l’anthropologie et, plus
particulièrement, aux structures parentales, aux mythes qui sont les thèmes principaux de l’œuvre
de Claude Lévi-Strauss.
En guise de conclusion, nous disons que même si l’œuvre de Lévi-Strauss n’est pas parmi
les théories les moins critiquées, force est de constater qu’aucun projet anthropologique ne peut
manquer désormais de s’en inspirer dans la mesure où, comme le précise le père du
structuralisme anthropologique, la discipline qu’il a su instituer a réussi à réconcilier « le sensible
et l’intelligible, l’art et la logique ».
La coupure « épistémologique qu’il a adopté a permis au structuralisme idéologique de
devenir la doctrine officielle de l’Université française, dans les années 70. L’épistémologie qu’il
constitue, comme celle de Gaston Bachelard qui pense « qu’il n’y a de science que du caché »,
suppose que le moteur des modèles qui se réalisent empiriquement est à chercher dans des formes
masquées de l’observation et dont le langage seul porte un reflet » (Duvignaud, Le langage
perdu, 1976).

5- Le « mouvement » Culture et personnalité

Ce courant d’obédience culturaliste est né aux Etats-Unis. Influencée par Boas, comme le
sont les diffusionnistes modérés de l’école américaine, l’Anthropologie américaine s’est
davantage intéressée à l’étude de la personnalité. Ainsi, deux (2) élèves de Boas, Ruth Benedict
et Margaret Mead vont devenir les leaders du culturalisme. Ce mouvement de pensée des « temps
modernes », au travers des idées défendues, s’est taillé une réputation qui dépasse celle du maître.
Faudrait-il retenir que ce qui fait l’originalité du « mouvement Culture et personnalité »,
c’est le fait que, dans leurs travaux, ses penseurs sont tous d’accord sur le principe selon lequel
chaque individu, membre d’une culture donnée, subit, par la force des choses et par l’ordre des
choses, l’influence ou les influences de sa culture ou d’une autre culture, sur sa personnalité. Ce

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qui revient à dire que la personne vivant en groupe n’est, en définitive, pas ce qu’elle veut être,
mais ce que sa communauté d’appartenance et de référence souhaite qu’elle soit.
C’est cette « réalité » phénoménale qui a conduit Linton et Kardiner à défendre l’idée et
l’existence d’une relation causale entre culture et personnalité. Autrement dit, et en guise
d’exemple, dans la petite enfance, les membres d’une même communauté humaine vivent mêmes
obligations socioculturelles constitutives d’une personnalité de base ou bien « personnalité
modale », s’il faut parler comme Cora Dubois, dans The people of Alor. Cette vision du monde a
tellement eu d’audience que des chercheurs ont essayé d’appliquer ces théories à des unités plus
larges comme les grandes nations, surtout pendant la Deuxième Guerre mondiale, afin de donner
des explications à certains traits de caractères propres à l’ennemi. En se fondant sur les résultats
de leurs investigations, des auteurs comme Kluckhohn et Benedict ont fourni d’importants
travaux sur les traits de caractère des Japonais et celui des Allemands.
L’Ecole « Culture et personnalité », s’il faut le savoir, met l’accent sur la variété, voire sur
la diversité des cultures. Sous cet angle, elle se différencie, théoriquement, des évolutionnistes
qui insistent plus sur les grands stades par lesquels toute société est supposée passer (sauvagerie,
barbarie, civilisation). Pour les anthropologues américains, une culture n’est originale que si, et
seulement si, elle donne à une identité, c’est-à-dire qu’elle débouche sur une personnalité propre
au travers de laquelle on se connaît et se reconnaît comme être doté d’une existence.
Dans cet ordre d’idées, ce courant articule sa pensée autour d’un certain nombre de
postulats de base dont les plus importants sont : la continuité et l’uniformité.
- Selon les culturalistes, il existe un lien de continuité entre les expériences de la petite
enfance et la personnalité de l’individu devenu adulte. C’est-à-dire que, entre les deux
séquences de la vie, il existe une relation de détermination allant de l’enfance vers l’âge
adulte. Ce faisant, considèrent-ils l’idée selon laquelle les transformations infantiles
entraînent des fixations de l’anxiété. Sous ce rapport, les névroses affectent, dans une
large mesure, les institutions culturelles fondatrices de l’être ;
- concernant l’uniformité, les théoriciens du mouvement « Culture et Personnalité »
affirment que chaque société a la caractéristique de disposer d’une personnalité de base,

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autrement dit, une personnalité dominante, qui lui est propre. Ainsi, ils développent l’idée
selon laquelle il y aurait une correspondance, voire une identité, entre une culture et une
personnalité. Mais, ce qu’il faut comprendre, c’est que cette vision n’a pas échappé à la
critique. Car des études plus récentes ont prouvé le contraire en montrant qu’il peut
exister à l’intérieur d’un même environnement culturel une pluralité de personnalité. Ce
qui signifie, en définitive, que l’unité culturelle de base n’est pas facilement isolable. On
ne peut dire si c’est une tribu, une ethnie ou une Nation.

En fait, le type de « causalité » développé par l’école culturaliste américaine est souvent
« circulaire ». Ce qui revient à dire que la tendance est de prendre l’effet pour la cause. Si on suit
cette « logique », on peut alors être amené à penser que l’attitude agressive est un symptôme du
comportement agressif basique. C’est ce qui a conduit Van Rillaer (1980, Les illusions de la
psychanalyse, Liège, Merdege) à considérer que l’explication selon laquelle le régime hitlérien
est autoritaire parce que les Allemands sont autoritaires a, non seulement une tendance circulaire,
mais, en sus, elle relève du tautologique.
Afin de mieux comprendre l’orientation culturaliste des anthropologues américains,
nécessité exige de connaître qui furent Ruth Benedict (1887-1948) et Margaret Mead (1901-
1978).
- Ruth Benedict : assistante de Boas, la publication de son ouvrage Patterns of Culture ne
s’est pas seulement limitée à influencer l’ethnologie américaine, mais aussi l’œuvre a
connu un succès de librairie qu’il faut simplement qualifier d’exemplaire (deux millions
d’exemplaires vendus). Benedict oriente sa réflexion vers la notion de culture. Dans cette
perspective, elle rejette toute forme de « déterminisme biologique ». De ce point de vue,
se focalise-t-elle sur le principe du « déterminisme culturel » en considérant que s’il existe
une « nature humaine », elle est éminemment « plastique », c’est-à-dire qu’elle est
malléable. Cette « élasticité » fait que chaque culture, en fonction de ses besoins, apporte
des réponses différentes aux problèmes qui se posent et s’imposent aux personnes qui la

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composent. Eu égard à cette situation, l’ethnologie aura pour objectif majeur de rendre
compte de la diversité culturelle.
- Margaret Mead : Tout commence en 1920, quand, jeune étudiante, elle allait suivre, à
l’université de Columbia de New York, les cours du Professeur Franz Boas. Devenue,
ainsi, une passionnée de l’anthropologie et encouragée par Benedict qui lui demandait de
continuer, elle décida, après avoir soutenu une thèse de doctorat, de voyager vers les îles
Samoa polynésiennes. Avec ses nombreuses publications qui augmentèrent sa popularité
et sa notoriété, dans le champ de la recherche, elle est devenue, par la force et par l’ordre
des choses, à la fois, la first lady du cercle des intellectuels américains et l’idéologue du
mouvement féministe américain. Ainsi, montre-t-elle, à travers son ouvrage Sex and
Temperament in Three Primitive societies (1935), que les sociétés institutionnalisent, de
manière différente, les sexes. Ce qui signifie, pour Mead, que les différences entre les
sexes ne se définissent pas sous un angle biologique ; en d’autres termes, elles ne
renvoient pas à des réalités biologiques. Dans le même prolongement, elle s’appuie sur
trois communautés indiennes (Arapesh, Mundugumor et Chambuli) pour montrer, encore
une fois de plus, que les relations Homme/Femme ne se fondent pas, tout le temps et
partout, sur la domination et la soumission. C’est tout le sens qu’elle donne à l’expression
« plasticité de la nature humaine » qui permet d’accepter la « réalité » selon laquelle
l’ensemble des attitudes, des habitudes et des aptitudes, relatif au masculin et au féminin,
est culturellement déterminé.

En guise de conclusion non conclusive, nous devons préciser que ce cours, qui ne vise pas
la prétention à l’exhaustivité, veut informer sur l’histoire évolutive de l’anthropologie. De ce
point de vue, se fonde-t-il, à se limiter à un éclairage, si modeste soit-il, des courants de pensée
classiques, fondateurs de l’Anthropologie sociale et culturelle. Sous ce rapport, une lecture des
ouvrages cités en référence est nécessaire.

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Bibliographie sélective
Boas Fr., 1924: « Evolution or diffusion », American Anthropology, 26 : 340-344.
Boudon R., 1979 : La logique du social, Paris, Hachette.
Copans J., 1996, Introduction à l’Ethnologie et à l’Anthropologie, Paris, Nathan.
Duchet M., 1971 : Anthropologie et Histoire au siècle des Lumières, Paris, Maspero.
Duvignaud J., 1976 : Le langage perdu, Paris, P.U.F.
Freud S., 1971 : Totem et tabou, Paris, Payot.
Herskovits M.-J., 1967 : Les bases de l’Anthropologie culturelle, Paris, Payot.
Kilani M., 1994 : L’invention de l’autre, Lausanne, Payot,
Laburthe-Tolra Ph., 1998 : Critique de la raison ethnographique, Paris, P.U.F.
Laplantine Fr., 1996 : La description anthropologique, Paris, Nathan.
Leservoisier O. et Vidal L : 2007, L’anthropologie face à ses objets, Paris, éd. Des archives
contemporaines.
Lévi-Strauss Cl., 1958 : Anthropologie structurale, Paris, Plon.
Lévi-Strauss Cl., 1983 : Le regard éloigné, Paris, Plon.
Lévi-Strauss Cl., 1985 : La pensée sauvage, Paris, Plon.
Lombard J., 1994, Introduction à l’ethnologie, Paris, Armand Colin.
Lowie R. H., 1920 : Primitive society (Traité de société primitive, Paris, Payot, 1935).
Lowie R. H., 1934: An introduction to cultural anthropology (trad. fr. Manuel d’anthropologie
culturelle, Paris, Payot, 1936).
Lowie R. H., 1937: The history of ethnological theory (trad. fr. Histoire de l’ethnologie classique,
Paris, Payot, 1971).
Mercier P., 1971 : Histoire de l’anthropologie, Paris, P.U.F.
Malinowski B., 1985 : Les argonautes du Pacifique occidental, Paris, Gallimard.
Mauss M., 1954 : Sociologie et Anthropologie, Paris, P.U.F.
Morgan L. H., 1877: Ancient society or researches on the line of Human Progress from Savagery
through Barbarism to Civilization (trad. fr. La société archaïque, Paris, Anthropos, 1971).
Rivière Cl., 1995: Introduction à l’anthropologie, Paris, Hachette.

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Tylor E. B., 1871: Primitive Culture, 2 Vol. (trad. fr. La civilisation primitive, Paris, Reinwald,
1876-1878, 2 vol.).

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