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THEME 6 : L'émergence de la modernité juridique.

PISTE 30 : L'émergence de la modernité juridique

Du point de vue qui est le nôtre l'histoire de la pensée juridique, on peut définir la modernité
politique et juridique laquelle nous allons consacré les trois prochaines leçons comme le
moment de l'avènement d'un État et d'un droit ramené à leur fondement immanent, cette
mutation est la traduction dans le domaine du droit du mouvement général qui donne
l'individu une place centrale dans tous les domaines de la réflexion comme de l'activité
humaine. A cette révolution quasi Copernicienne correspond pour la pensée juridique , l'émergence
de nouveaux courants de pensée.
Au XVIème siècle, l'humanisme juridique qui se traduit en particulier par un regard nouveau
porté sur le droit romain, au XVIIème dans le sillage du jurisconsultes hollandais Grotius, ce sera
l’École du droit naturel moderne.
Sur le fond, à un droit référé à Dieu, se substitue un droit fondé sur l'Homme et ayant par là même
vocation à être créé par l'Homme et à viser les seules fins des sociétés terrestres. Cette mutation est
essentielle mais elle ne se produit avec une remarquable lenteur et selon des voies étonnamment
diverses, à cette lenteur et à cette diversité, il y a de nombreuses raisons que l'on peut chercher du
côté du droit et du côté des esprits.
Il faut les chercher au point de départ en se rappelant ce qu'est le droit au sortir de la période
médiévale c'est à dire à l'orée du XVIème siècle, en notant , et c'est l'une des manifestations de la
lenteur de cette avènement d'un droit ramené à ses dimensions humaines, que cette situation de
l'ordonnancement juridique ne sera pas radicalement modifié avant la fin du XVIIIème siècle.
On rencontre d'un côté des règles de droit positif, œuvre des peuples ou des Princes, attachés au lieu
et au temps, ces règles demeurent fragmentaires et par là difficiles à généraliser, elles restent donc
dépendantes pour leur mise en œuvre des droits universels hérités de la période médiévale que sont
le droit des gens et surtout le droit romain.
Mais à l'égard de ces droits d'applicabilité universelles, de ces droits médiateurs, on voit apparaître
des résistances de plus en plus fortes et elles ne vont cesser de s'amplifier, remettant en cause la
légitimité de la mise en œuvre de ces différentes catégories juridiques.
D'une part en effet, ces catégories juridiques semblent au moins pour partie échapper à l’autorité
étatique et remettre par conséquent en cause une souveraineté, celle de l’État qui désormais ne
souffre plus aucun pouvoir rival, aucun pouvoir indépendant, à l'intérieur du territoire sur lequel elle
s'étend.
Deuxième raison de ces refus, le fondement de leur applicabilité et le contenu de ces droits
médiateurs sont liés à des principes de la foi chrétienne. Or, l'une des ruptures essentielles qui est à
l'origine de l'émergence de la modernité, est une rupture dans la foi. Avec la réforme protestante, les
esprits vont se diviser sur l'interprétation à donner à certains des dogmes essentielles de la foi
chrétienne, et en particulier, ils vont se diviser sur la légitimité des institutions médiatrices. Dans la
mouvance de ces remises en cause des médiations, c’est bien évidemment l'unité institutionnelle qui
était liée à la soumission à un pouvoir spirituel commun à tous les chrétiens, c’est cette unité
institutionnelle qui est remise en cause.
Si dès lors, on écarte le recours à ces droits médiateurs traditionnels, comment, avec quels
instruments venir à bout de la pluralité inhérente au monde des normes ? Comment rattacher
les unes aux autres, comment faire fonctionner ensemble des normes hétérogènes par leur
fondement et souvent fragmentaires dans leur contenu ?
Du côté des esprits, maintenant, il est certain qu'un nombre de plus en plus important est convaincu,
même si la question n'est pas nécessairement problématisée, qu'il est nécessaire à l'Homme, une
forme de maîtrise véritable des règles régissant les communautés politiques , il faut rendre à

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l'Homme l'indépendance dans le domaine de la création institutionnelle et de la création juridique.

Cette nécessité se fonde sur plusieurs raisons :

Tout d'abord, il y a l’État qui s'organise, qui devient le moteur de la vie en société, il est
indispensable d'assurer ses moyens d'actions, la constitution d'un droit public étatique national
donne aux structures de commandement gouvernementale et administrative, les règles qui lui sont
indispensables.
Deuxième raison, beaucoup entendent cantonnés la puissance spirituelle dans des limites qui
devraient être les siennes, ce qui sur de nombreux points, qu'il faut l'obliger à revenir à l'intérieur de
ces limites.
L'un des moyens dont dispose la puissance étatique dans ce conflit latent qui l'oppose à l’Église
c'est d'assurer une réelle indépendance théorique du droit humain. Réussir à ramener les lois à leur
fondement immanent c'est dans le même mouvement remettre en cause l'espèce de pouvoir de
contrôle que l’Église par l'intermédiaire de ses autorités mais également de ses penseurs, s'efforce
de maintenir.
La diffusion des principes fondateurs de la modernité va ainsi se faire à travers une dissociation
entre théologie et droit, certes, il y a aura toujours une réflexion théologique sur la Justice et sur le
Droit quoi que l'on ne la perçoive pas toujours en tant que telle, elle va toujours garder une grande
influence.
Mais c'est en dehors du monde des clercs, en dehors du monde des prêtres que se fera le
renouvellement théorique de la science du droit, les nouveaux maîtres à pensée de la réflexion sur le
droit viendront de la société civile, ils seront juges, diplomates, conseillers du prince, praticiens du
droit. On peut noter qu'en France, le rôle des avocats et des magistrats va être particulièrement
important. Parmi les penseurs de la nouvelle école qui va jouer un rôle essentiel à partir du
XVIIème siècle, l’École du droit de la Nature et des Gens, beaucoup seront des professeurs mais
ils viendront non plus de la faculté de Théologie mais des disciplines juridiques voire des
disciplines littéraires. Cependant il convient de mettre l'accent sur le fait que les Hommes qui nous
semblent acquis au nouveau principe demeurent des esprits profondément chrétiens, pour eux , ils
leur est impossible de penser la société, le pouvoir les lois, la justice sans faire intervenir sinon un
fondement, du moins un moment transcendant. Quant à la visée qui est celle du droit et des
institutions, certes on s'efforce de poser et fonder l'autonomie des fins temporelles mais il est rare
qu'on parvienne à les dissocier radicalement. Ces tensions permettent de comprendre la complexité
et la lenteur des voies par lesquelles se fait le passage à la modernité. Malgré cela des changements
se produisent dans la manière dont on fonde , dont on crée, dont on interprète le droit et ces
changements constituent une véritable révolution. Pour en comprendre l'ampleur, il convient de
présenter les ruptures fondatrices qui sont la matrice de la modernité.

PISTE 31: Les ruptures fondatrices

Aux racines des évolutions qui affectent la pensée et la pratique du droit à partir de la fin du XVème
siècle, plusieurs ruptures se produisent qui entraînent, avec des conséquences qui souvent
s'entrecroisent, des mutations dans les esprits, les convictions, les idées et bien sûr les institutions et
le droit.
Ces ruptures se produisent dans des domaines divers, le lien qui lie l'Homme à Dieu, le lien de
l'Homme à l'espace, le lien de l'Homme au temps. Elles affectent l'Histoire humaine dans sa
globalité et tant que telles, elles ne concernent pas le droit au premier chef, mais elles ont toutes un
trait commun car elles tendent par leur conséquence à modifier la manière dont est pensée l'idée et
l'unité du droit.

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La rupture religieuse qui se produit pendant les premières décennies du XVIème siècle modifie la
manière dont est pensée la relation de l'Homme à Dieu, dans le même mouvement, elle ébranle la
nécessité comme statut de ces institutions médiatrices auxquelles la pensée juridique médiévale
accordait une place essentielle.
Dans l'univers juridique médiéval, Dieu n'était pas la base immédiate des lois mais il servait de
référence pour les penser comme un tout cohérent. Avec cette rupture c'est donc la possibilité même
de donner une unité au droit qui se révèle problématique. Une fois Dieu mis à l'écart, où trouver un
fondement pour unifier et modifier les règles régissant les société humaines ? Une partie de la
réflexion sur les fondements du droit, une partie des méthodes mises en œuvre pour appliquer les
normes juridiques visent à trouver des réponses à cette question. Cette rupture religieuse ébranle
l'unité du peuple chrétien. Contrairement aux espérances de ceux qui attendaient qu'il mette en place
les bases d'un nouvel accord entre les esprits, la réunion d'un nouveau concile œcuménique à trente
de 1545 à 1563 s'achève par la reconnaissance et l'acceptation du schisme. Certes l'Europe demeure
chrétienne mais des désaccords sur des points essentiels du dogme, entraîne la rupture et la
destruction de l'Unité qu'apportait l'existence d'une structure institutionnelle commune à tous les
chrétiens. Dans la mouvance de l'unité de la foi, cette unité marquait les principes moraux, les
règles de vie et par là même le droit.
Naissent de cette rupture, des répercussions d'une importance majeure pour la pensée de l’État,
pour la pensée des lois, ces répercussions vont conduire à la séparation entre théologie et science
du droit, elles vont conduire également à l'indépendance de l’État par rapport à l’Église.

La seconde rupture affecte la relation de l'Homme à l'espace qu'il occupe. C’est la forme
d'éclatement de l'unité du cosmos que représente pour les esprits la découverte en 1492 de ce que
l'on va appeler un nouveau monde. A travers la confrontation avec des Hommes, des sociétés
radicalement étrangers à la communauté européenne, ce qui naît dans les esprits, c'est une prise de
conscience d'une altérité, d'une hétérogénéité radicale entre les groupes, entre les cultures humaines
donc entre les droits. Le cosmos, entendons la Terre habitée, semble éclater se fractionner pour
donner naissance à des parties sans liens entre elles. Après de nombreux errements, les autorités
espagnoles prennent conscience que les instruments juridiques empruntés au droit de la chrétienté
médiévale sont insuffisants pour régler les rapports entre les européens et les peuples nouvellement
découverts. Lors de la réflexion qu'ils sont amenés à développer en réponse aux demandes de la
monarchie, les théologiens de la second scholastique vont être conduit à poser qu'il est nécessaire
sinon de changer les règles, du moins de les formuler différemment en mettant entre parenthèses le
lien avec les données de la foi. Ainsi sont posées par les penseurs de l’Église eux-mêmes, les bases
d'une laïcisation du droit naturel et les prémices théoriques qui vont conduire au développement de
l’École jusnaturaliste moderne au siècle suivant.

La dernière rupture peut être présentées comme une redéfinition du rapport au temps et elle va
conduire à l'émergence de ce que l'on va appeler l'homo historicus entendons un Homme qui
accepte d'être définis par son histoire. De même en effet que le lieu, de même le temps définit l'être
humain. Avec les modifications dans la perception de l'espace c’est une universalité du droit qui a
été remise en cause, dans le cas du rapport au temps c'est l'idée d'une permanence des lois qui est
ébranlée. Jusqu'au XVI ème siècle, le sentiment qui l'emportait dans les esprits c'est que l'Homme
était plongé dans le temps, soumis à ces aléas qu'au fond par accident. Selon les vues classiques qui
dominaient la pensée de l'Histoire, le temps au fond n'apportaient rien. A la limite, l'histoire était
pensée comme une suite de dégradation qu'il convenait avant tout de corriger. Les mêmes vues
valaient pour le droit et ses parallèles, et ces parallèles entre droit et Histoire est souvent riche
d'enseignement.
Pour les esprits du Moyen-Age , le droit comme Dieu, comme l'être, est. Il ne devrait pas changé.
S'il est parfois nécessaire de le modifier c’est pour qu'au fond il reste le même, d'où le maître mot

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pour cette pensée caractérise l'intervention du législateur humain, il a vocation à maintenir en
adaptant, il corrige car comme le temps, le droit se corrompt, mais bien évidemment corrigé n'est
pas créé, c'est cet ensemble de convictions qui est ébranlé au XVIème siècle lorsque le temps donc
l'histoire commence à être pensée comme créatrice. Ces mutations seront essentielles pour
comprendre le destin des droits pensés comme permanents et universels et en particulier le droit
romain qui va à nouveau apparaître comme un droit situé dans le temps.
Né au sein de l’École humaniste française, ce nouveau regard historique qui va être porté sur le
droit romain, va conduire non certes à l'écarter, son rôle va demeurer essentiel mais à modifier de
manière décisive le fondement de son applicabilité.
Ces mutations vont renforcer l'autonomie du juge dans l'interprétation du droit et c'est cette
évolution que nous montrerons dans la leçon suivante ne nous attachant à ce que nous appellerons la
manière française de penser et de mettre en œuvre le droit.

PISTE 32 : La rupture religieuse.

Au regard de l'importance qu'ont les principes venus de la foi dans la pensée et la pratique
juridique de la période médiévale, on comprend l'importance essentielle que va avoir la
rupture religieuse qui met fin à l'unité de ce que l'on appelait la république chrétienne, et
donne naissance à deux Europes, l’Europe protestante et l’Europe catholique.
Deux mondes qui certes demeurent chrétiens mais à l'intérieur desquels le lien entre le droit et les
fondements transcendants qu'on continue à lui assigner ne sont plus pensés de la même manière.
C'est dans la pensée et dans l’œuvre de l'Allemand Martin Luther, le premier avec Calvin des
deux grands réformateurs qui sont à l'origine de ce schisme que l'on peut saisir au mieux les points
de dogme sur lesquels s'opèrent les mutations essentielles.
Rappeler les faits est ici indispensable, en 1517, en Saxe, à Wittenberg, un moine Martin Luther,
affiche sur le portail de l’Église 85 thèses dans lesquelles il dénonce la pratique des indulgences.
Les indulgences sont en simplifiant, les rémissions de peines à valoir sur le salut qui sont
accordées par l’Église à certaines personnes en contrepartie de certaines prestations
particulières comme le pèlerinage ou versement de sommes d'argents. A travers ce thème-
prétexte, ce qui est mis en cause par Luther c’est le pouvoir de lier et de délier les âmes au nom du
Christ que l’Église prétend détenir à travers ce pouvoir c'est le pouvoir qu'elle revendique et qu'elle
exerce donc d'ouvrir ou de fermer aux chrétiens les portes du Salut, c'est donc la prérogative
essentielle du pouvoir spirituel dont Luther conteste ici la légitimité.
A partir de là, le conflit avec la papauté ne va cesser de se développer, sommé par Rome de se
rétracter, il refuse, excommunié, mis au ban de l'Empire par l'Empereur Charlequint qui l'a
convoqué à une diète, il ne doit son salut qu'à certains Princes allemands qui lui donnent asile sur le
territoire de leurs États. Ici un point important qui est la capacité de convaincre qui est celle du
réformateur allemand, très vite en effet, par ses prédications, par ses ouvrages, il sait entraîner les
esprits et en particulier il attire à sa suite un grand nombre de Princes et de souverains européens, en
Suède, au Danemark, dans plusieurs États de l'Empire.
Extraordinaire orateur, Luther excellait à rendre sensible et simple en langue allemande, les
questions théologiques et philosophiques les plus complexes.
Les thèses développées par lui ne sont pas nouvelles puisque l'on y retrouve nombre de propositions
condamnées comme des propositions hérétiques mais il les défend avec une conviction hors du
commun et il réussit à entraîner à sa suite une partie de l'Europe et une partie de l’Allemagne.
Ses positions théologiques vont le conduire à nier l'institution ecclésiastique telle que l'a conçue et
construite la tradition catholique pour affirmer le sacerdoce universel de tout chrétien.
Au point de départ, la critique de ce que l'on appelle les œuvres. Selon Luther, ce ne sont pas les
bonnes œuvres qui font l'Homme bon , c'est dit-il la bonté de l'Homme qui rend les œuvres bonnes.
Contrairement aux thèses défendues jusqu'alors par le courant humaniste, la foi seule fait le

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chrétien, la foi c'est à dire le lien direct de l'Homme à Dieu et à travers la foi l'aide divine, la grâce
qui est totalement gratuite et arbitraire.
Pour retrouver sa véritable nature, l'Homme doit devenir radicalement autre pour y réussir, il ne
peut que se fier à l'aide divine qu'il doit attendre dans un état de passivité absolue car cette grâce
divine est entièrement indépendante du mérite des individus. L'idée que l'Homme puisse trouver par
lui-même, par ses œuvres, par sa sagesse, par sa raison, cette idée est pour Luther une absurdité et
il professe et manifeste souvent un mépris absolu pour la raison humaine.
De là une conséquence importante, sa pensée creuse un abîme entre le croire et le connaître, entre le
monde de la foi et le monde de la raison, un abîme bien plus tranché qu'il ne l'a jamais été dans la
tradition scholastique. De la critique des œuvres, il passe à la critique des sacrements, de ses rites
que l’Église dit institué par le Christ lui même comme instrument de dispensation de la grâce
divine, pour lui ce n'est là qu'une magie sacramentelle qui ne peut avoir aucune efficacité car bien
évidemment la grâce divine ne dépend que de la libre volonté de Dieu, et si elle transforme
l'Homme c'est du dedans et non pas de l'extérieur. La rencontre avec Dieu ne saurait en aucune
manière dépendre quasi-mécaniquement d'un acte rituel accompli par un prêtre. A travers ces
critiques, qui portent sur un point essentiel du dogme, ce qui se dessine c'est une remise en cause
décisive de l'institution ecclésiastique telle qu'elle est fondée, telle qu'elle est organisée.Pour
Luther, il n'y a pas, il ne peut y avoir d'intermédiaire entre Dieu et les Hommes, il n'y a pas par
conséquent d’Église instituée par Dieu.
Le chrétien doit connaître Dieu par le rapport direct avec le texte de la révélation, là aussi aucune
tradition orale d'interprétation, tradition qui serait contrôlée par le ministère ecclésiastique, aucune
tradition donc ne doit s'interposer entre la parole de Dieu et le Chrétien.
Luther développe ici le thème du sacerdoce universel, chaque chrétien est pape lorsqu'il a la Bible
entre les mains. Entendons que chaque chrétien comme le Pape dit l'interprétation qui est la bonne.
Conséquence de cette critique, le réformateur allemand va concentrer ses attaques sur les points
essentiels par lesquels l’Église exprime sa puissance et exerce sa mission. Il rejette en particulier la
supériorité qu'elle revendique à l'égard de l'autorité temporelle.
Il rejette également le droit de contrôle qu'elle prétend exercer sur ce fondement et en particulier la
prétention de l'autorité pontificale à diriger l'interprétation de l’Écriture que devrait accepter les
fidèles et la prétention à imposer la seule interprétation recevable sous peine d'excommunication
pour hérésie. La critique luthérienne de cette institution privilégiée de médiation entre Dieu et les
Hommes que prétend être l’Église est radicale. Sa pensée va entraîner des conséquences tout aussi
radicale dans le domaine de la réflexion sur le droit et sur l’État.

PISTE 33 : Conséquences pour l’État et le droit

Par ses orientations doctrinales, Luther s'intéresse peu ou pas à la vie de la Cité, il va cependant être
entraîné à des prises de positions retentissantes qui sont restées célèbres par la violence de leur ton,
ceci en raison du radicalisme social que vont exprimer certains mouvements de révoltes sociales, se
réclamant de ses orientations.
Ces interventions de Luther s'inscrivent donc dans un cadre polémique mais elles ne font
qu'exprimer avec force des propositions qui sont la conséquence directe de ces options
fondamentales. La prédication luthérienne déclenche en effet des mouvements de révoltes sociales
qui se réclament explicitement du nouvel Évangile qu'il semble présenter et qui à partir de là
prétendent rejeter par la violence toutes les Institutions établies pour les remplacer par des nouvelles
règles uniquement fondées sur la source évangélique. Sur le fond il s'agit pour ces communautés de
réaliser ce que les théologiens rejettent et écartent depuis toujours . Il s'agit de fonder la Cité et les
lois directement sur la parole de Dieu. Comme on l'a dit, c'est un véritable mouvement d'incendie
qui semble alors se propager à travers toute l'Allemagne et entraîne des remous considérables. Des
communautés se forment telle celle en particulier des anabaptistes qui appellent les humbles, le

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petit peuple à former directement sur Terre une Cité conforme aux règles de l’Évangile et à la
fonder les armes à la main c'est à dire par la violence et selon des formes qui sont celles d'un
communisme d'un caractère théocratique. Cette rébellion contre l'ordre établi, inspire à Luther
comme il le dit une colère sacré, il la condamne violemment et appelle les Princes allemands à venir
à bout de la révolte puis à châtier les révoltés, ce qu'ils vont bien évidemment s'empresser de faire.
Les termes de l'appel que Luther lance aux Princes allemands sont restés célèbres : « Frappe de
l'épée, assomme, étrangle tant que tu pourras, si tu y laisses ta peau tant mieux, jamais mort plus
belle ne pourra t'échoir car tu mourra par fidélité envers la parole de Dieu et au service de l'Amour
de ton prochain. »
A travers ces propos, le rôle que la pensée luthérienne c'est à dire l'une des principales orientations
de la réforme protestante assigne au pouvoir civil et à son instrument la loi, commence à se dessiner
et sur ce point les modifications apportées par le protestantisme conduisent nous allons le voir d'une
part à renforcer voire à exalter le pouvoir temporel, d'autre part à lui attribuer un fondement et un
rôle assez largement différent.

L'exaltation du temporel que l'on peut aussi présenter comme une sorte de libération est le résultat
inévitable de la destruction de l'instance spirituelle. Au Moyen-Age en effet, les deux puissances,
avaient l'une à l'égard de l'autre une certaine autonomie. Ceci tenant en particulier à ce que l’Église
avait son organisation, sa hiérarchie, son droit. Et qu'elle s'affirmait grâce à l'existence d'une
papauté indépendante comme une réalité institutionnelle universelle et transnationale. En outre,
depuis toujours les autorités ecclésiastiques prétendaient contrôler et de fait elles contrôlaient avec
plus ou moins d'efficacité quelques fois l'attribution mais le plus souvent la mise en œuvre du
pouvoir temporel. Après avoir défendu la thèse d'un pouvoir direct qui posait que le Pape détenteur
de la plénitude du pouvoir surveillait les Princes auxquels il déléguait l'exercice des prérogatives
temporelles. Les théologiens s'en tenaient désormais à la thèse du pouvoir indirect, tout en
reconnaissant l'autonomie du temporel, ils posaient en principe, que le pouvoir spirituel pouvait
contrôler que les décisions et les lois prises par l’État n'étaient pas contraires aux commandements
divins et aux règles chrétiennes. Avec la remise en cause de l'institution ecclésiastique, c'est dans le
même mouvement, le pouvoir de contrôle qui disparaît. L’État est de ce fait libéré de toute espèce
de surveillance. En outre, dans la plupart des cas, on constate qu'il récupère, au moins pour partie,
voire pour l'essentiel, la mission spirituelle qui était auparavant exercée par les membres du clergé
et que désormais il en contrôle de très près la mise en œuvre.
Luther toutefois ne se contente pas d'exalter le pouvoir des Princes, il lui assigne un nouveau statut,
un nouveau rôle. Certes, il continue à affirmer en se fondant classiquement sur les formules de
l'apôtre Paul que tout pouvoir vient de Dieu. Mais l'interprétation qu'il donne de la thèse classique
de l'origine du pouvoir et du droit en modifie la portée . Selon lui, le pouvoir vient d'en haut parce
qu'il est institué directement par Dieu et non parce qu'il serait reconnu et consacré par l’Église. Ici,
ce sont les thèses fondatrices de la monarchie de droit divin qui sont esquissées par le réformateur
allemand.
Cependant, et là aussi se marque la rupture avec la tradition d'interprétation de la scolastique, si le
pouvoir est chose divine en son essence, ce n’est en aucune manière selon Luther parce qu'il
représente la Justice. Mais c'est parce qu'il détient le glaive, entendons la force armée et qu'il en use
au nom et pour les fins de Dieu. Si Dieu affirme Luther a mis le glaive entre les mains du
souverain c'est pour qu'il combatte le mal dans le monde, qu'il châtie les méchants et protège les
bons, c’est pourquoi à ses yeux bien que la puissance politique est une tache toute matérielle, il faut
considérer qu'elle relève de l’État spirituel. Par conséquent, bien que l’État résulte selon cette
analyse de l'ordre divin, bien que son action soit nécessaire à la réalisation des desseins de Dieu, il
n'a dans ses principes, dans ses moyens d'actions, dans ses procédés , rien de commun avec la
justice qui est celle du royaume de Dieu. Par conséquent le lien traditionnel entre sur-nature et
nature, entre l'au-delà et l'ici-bas, ce lien est maintenu mais la pensée de Luther laisse ces deux

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mondes radicalement extérieur l'un à l'autre car ils sont fondés sur deux raisons différentes.
La conséquence essentielle c'est l'espace d'autonomie quasi-complète qui est ouvert au profit de
l’État et du droit humain.
Sur le fond, l’État n'a plus à tenir compte pour ses lois comme pour son action de ce qu'on peut
connaître de l'au-delà. Par là, la réforme protestante accentue de manière décisive le mouvement
général qui est celui de la réflexion juridique au XVIème siècle, il s'agit de rompre le lien entre
théologie et science du droit, de faire des sciences juridiques et sociales, une réalité autonome,
fermée sur elle-même organisée selon des lois qui ne relèvent que d'elles et des Hommes qui la
composent. Cependant, notons-le, le maintien du fondement divin reste essentiel car il conduit
Luther à reformuler avec une grande vigueur le précepte traditionnel de l'obéissance au pouvoir
politique.
Alors que l'interprétation scolastique traditionnelle s'efforçait d'y voir une obéissance fondée en
raison, Luther fait de cette obéissance un devoir absolu. En obéissant au Prince dit-il le chrétien
obéit à Dieu ce qui interdit toute remise en cause des ordres reçues au nom d'un ordre supérieur. Là
aussi la rupture est importante et elle est fondamentale pour la construction de l’État moderne.

PISTE 34 : La découverte du nouveau monde

Après la rupture dans la relation de l'Homme à Dieu, c’est la rupture de la relation de


l'Homme à l'espace qu'il nous faut maintenant évoqué, et cette rupture elle se produit
lorsqu'en 1492, une mission envoyée par le Roi d'Espagne et dirigée par l'Amiral Christophe
Colomb découvre un monde nouveau et à la suite de cette découverte, lorsque les espagnols
opèrent la conquête donc de ces nouvelles terres et y soumettent les communautés qu'ils y
rencontrent.
Cette rencontre, et la conquête qui est la suite de cette rencontre, va être l'occasion d'une réflexion
très approfondie car rapidement les européens vont s'interroger sur les règles qui doivent être mises
en œuvre pour régir les relations entre d'un côté les européens et de l'autre des communautés qui
n'avaient jamais été en relation avec la communauté chrétienne.
Les réponses initiales vont être marquées par une forme de diversité mais malgré les diverses voies
que l'on va essayer d'explorer, elles vont toutes se révéler insuffisante et c'est ces réponses qui
conduiront à une refondation de la réponse à donner.
Pour certains, les Indiens sont des infidèles et c’est pourquoi la légitimité de leur propriété peut être
contesté. Le raisonnement est le suivant : le domaine du monde, la propriété du monde appartient à
Dieu qui en est le créateur, c'est une donnée de la foi chrétienne. Par là même ce domaine du monde
appartient également au Christ, Dieu fait homme par l'entremise du rédempteur, ce domaine du
monde a été transmis à ceux qui lui succèdent dans sa mission terrestre, c’est à dire principalement
l'autorité ecclésiastique.
Présenter sous cette forme, cette thèse n'a que peu de partisans, on y trouve quelques canonistes
médiévaux, cependant c’est elle qui réapparaît sous une forme atténuée dans des textes fameux dans
les bulles dites alexandrines de 1486. Les bulles ce sont des décisions pontificales, bulles
alexandrines parce qu'elles sont prises par le Pape de ce moment, le pape Alexandre 6, et par ces
mesures restées célèbres, le Pape Alexandre VI partage le monde à découvrir entre d'un côté
l'Espagne, de l'autre côté le Portugal et par le même acte l'autorité pontificale concède aux rois
d'Espagne et de Portugal, la pleine souveraineté et le domaine des terres qui seraient découvertes
par ceux qui agiraient en leur nom.
On a beaucoup discuté à partir du XVIème siècle chez les historiens des raisons et de la portée de
ces bulles que l'on a appelé les bulles alexandrines. Ce qui est hors de doute c'est que les textes de la
chancellerie espagnole concernant les Indes visent fréquemment les bulles prises par la papauté et
qu'aux yeux des espagnols, elles ont longtemps constituées le fondement le mieux assuré de leur

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entreprise de conquête et de domination des peuples du nouveau monde. Pour beaucoup d'esprits en
s'emparant du nouveau monde, en y établissant leur souveraineté, les rois catholiques agissaient en
tant que délégués de l'autorité supérieure de la chrétienté, ils ne faisaient que mettre en œuvre une
concession qui leur avait octroyé.
Dans un premier moment par conséquent, aux yeux de la plupart des théologiens et des juristes des
premières décennies du XVIème siècle, il ne fait guère de doute que ces titres sont légitimes.
La papauté peut à juste titre concéder à l'autorité temporelle une partie du monde et les Hommes qui
y habitent, elle agit alors au nom de Dieu, maître du monde, elle agit avec le pouvoir universel que
par l'intermédiaire du Christ et de l'apôtre Pierre, elle tient de l'autorité divine. Enfin, elle le fait en
vue des fins pour lesquelles ce pouvoir lui a a été conféré c'est à dire la conversion de tous les
Hommes. Conformément à son principe , la concession de caractère temporelle qui est faite au
souverain espagnol n'a de sens qu'au regard de la mission spirituelle dont cette mission temporelle
est l'instrument et cette mission spirituelle est la conversion des Indiens.
Ces titres que l'on tirent de l'intervention de l'autorité spirituelle sont en outre renforcé par les règles
que proposent le droit romain. Les jurisconsultes de Charles Quint, qui est devenu empereur,
redécouvrent dans les textes de droit romain, l'affirmation que l'empereur romain détient ce que les
textes appellent le domaine du monde. Tout naturellement ils transfèrent au profit de Charles
Quint, nouveau maître du St Empire, cette prérogative et considèrent que le Roi espagnol agit à ce
titre en affirmant donc son pouvoir à l'intérieur du nouveau monde.

Ils évoquent également un autre principe, qui veut que les biens sans maîtres, les res nullius du droit
romain, deviennent la propriété de celui, Prince ou particulier qui les occupent.Les Indiens ne sont
pas légitimes propriétaires, les biens prétendument détenus par eux, peuvent être considérés comme
des biens sans maîtres .

Derniers éléments, les règles du droit de la guerre permettent elles aussi de légitimer tant la
dépossession des Indiens que l'éventuelle réduction en esclavage des vaincus.
Ces règles du droit de la guerre, elles aussi puisée dans les textes romains, affirment que les biens
comme les personnes de ceux qui sont vaincus passent au vainqueur.
Certes, la réduction en servitude ne se pratique plus entre les nations européennes, mais font
remarquer ceux qui utilisent l'argument, cette règle n'a été abolie qu'à l'intérieur de la Nation
chrétienne et elle ne vaut qu'entre les chrétiens ce que ne sont pas les Indiens.

Très tôt les effets dévastateurs pour les habitants du Nouveau Monde de la colonisation en général
vont être perçus, dénoncés et ils vont l'être en particulier par les missionnaires qui seront envoyés là
bas pour mettre en œuvre l'entreprise de conversion.
Ces critiques dont on va être obligé de reconnaître qu'elles sont fondés, vont conduire certains
esprits parmi les théologiens chrétiens à remonter certains faits vers le droit dont ces faits paraissent
la mise en œuvre. C'est sur la réflexion menée par ces Hommes, les fameux théologiens, juristes de
la seconde scolastique que s'enracine certaines des métamorphoses essentielles qui marquent au
XVIième siècle l'émergence d'un nouveau discours sur le droit .

PISTE 35 : La Seconde scholastique : vers une laïcisation du droit naturel

Les deux questions qui se posent sont corrélatives c'est celle du droit des espagnols à soumettre les
Indiens, c'est celle du droit des indiens à être reconnu comme des êtres libres, légitimement
propriétaires de leurs biens. Ces deux questions vont être pendant deux décennies au centre des
préoccupations non seulement des hommes de sciences mais également des hommes de
gouvernement. Et à terme l'accent va être mis beaucoup plus qu'auparavant sur les fondements
naturels des droits humains.

Histoire de la Pensée juridique 2014/2015 Semestre 1 8/11


Il faut ici écouter celui qui va jouer le rôle le plus important dans ce renouvellement de la réflexion,
il s'agit de Francisco de Vittoria, l'un des plus célèbres de ces théologiens espagnols et il faut aller
chercher son analyse dans les célèbres leçons qu'il consacre aux droits des Indiens.
Certes, rappelle le théologien, tout le pouvoir et tout le domaine dont l'homme dispose lui viennent
et ne peuvent lui venir que de Dieu créateur et maître de l'Univers. En conséquence, ce pouvoir et
ce domaine doivent être conçus, tant lorsque le pouvoir s'exerce sur les Hommes que lorsque le
pouvoir s'exerce sur les choses comme des formes de participation à la puissance et au domaine de
Dieu . Mais leur détention, continue t-il, n'est en aucune manière lié à la foi, ni à la grâce, entendons
que ni le pouvoir politique, ni la propriété ne saurait dépendre d'un lien direct et actuel entre son
détenteur et la divinité. C'est pourquoi, affirme t-il, en ce qui concerne les propriétés, leur
distribution entre les hommes ne peut d'aucune manière relever de la puissance spirituelle. Même si
elle pense en utilisant ces moyens, œuvrer pour engager les Hommes dans la voie du salut, la
papauté ne doit disposer ni des pouvoirs, ni des biens des laïcs, elle n'a pas en elle même cette
capacité de disposition et par conséquent, elle ne saurait bien évidemment en investir les puissances
temporelles donc Vittoria démonte ici la justification qui avait permis à l’Église de s'approprier
cette faculté.
C’est en se fondant sur ces principes que les théologiens juristes définissent le statut des
habitants du Nouveau Monde au regard du droit et qu'ils affirment avec force que les
communautés politiques qui le formaient tout autant que les propriétés qu'ils détenaient sont ou
plutôt étaient pleinement légitime.
Par conséquent, nous sommes en Espagne, dans des universités espagnoles, les théologiens ont été
capables développer des conclusions d'une remarquable audace, puisqu'elles aboutissaient à
dénoncer et à déclarer illégitime l'entreprise qui avait menée par les autorités espagnoles.
Cependant malgré cette audace, les théologiens finissent par conclure que la présence des
espagnols est légitime mais ils justifient cette présence en s'appuyant sur l'existence de ce qu'ils
appellent un droit de société humaine. C'est à ce titre que les espagnols ne doivent pas être
rejetés du Nouveau Monde et que disent-ils qu'ils doivent être acceptés à titre d'hôte . Donc bien
évidemment les espagnols n'avaient pas le droit de conquérir mais les Indiens ne devaient pas les
repousser. Pour certains, cependant, le rôle qui doit leur revenir ce n'est pas seulement le rôle d'hôte,
d'invité, c'est également celui de protecteur voire de tutelle, évidemment ici se profile une autre
théorie qui elle aussi va avoir des conséquences extrêmement importante, que l'on appellera plus
tard le droit d'ingérence. En effet, on est obligé de relever dans la vie des sociétés indiennes des
atteintes graves et fréquentes aux règles élémentaires du droit naturel, il vise en particulier ici les
pratiques d’anthropophagie et les pratiques de sacrifice humain. Ces atteintes aux règles du droit
naturel rend selon une partie des théologiens, légitime, voire indispensable l'intervention des
espagnols pour mettre fin à ces pratiques donc qui vont à l'encontre d'un droit naturel commun à
toute l'humanité. Sur ce point, il dessine la figure de ce que l'on appellera plus tard le droit
d'ingérence, l'atteinte au droit naturel peut rendre légitime, une intervention armée venant d'une
puissance qui n'est par ailleurs pas concernée par ses atteintes au droit naturel.
Les conséquences de ces propositions vont être essentielles, elles vont d'abord affecter les relations
du spirituel et du temporel, ce qui se précise en effet dans cette argumentation c'est le refus
d'accepter que la propagation de la foi puisse être préparé par l'utilisation de moyens temporels, ce
que met à la disposition des autorités ecclésiastiques les particularités de l’État chrétien, donc
l’Église ne doit pas demander aux États chrétiens de l'aider dans sa mission spirituelle. A terme c'est
l'indépendance de la puissance temporelle qui tend à être pensée comme nécessaire.
Pour comprendre l'importance des mutations pour la vision du droit, il faut rappeler ce qu'était les
thèses de la scolastique médiévale sur la question du domaine c'est à dire de la propriété.
Selon la vision classique que l'on peut trouver par exemple chez St Thomas d'Aquin, la propriété
relève d'une double analyse qui permet à la fois d'y voir une concession divine et une prérogative
naturelle. L'Homme selon eux doit être considéré comme propriétaire potentiel de la totalité des

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créatures, à ceci deux raisons :
- Dieu, d'une part le veut ainsi et il a expressément manifester
- D'autre part l'ordre du monde confirme ce que la foi, c'est à dire la Bible ici enseigne, donc à la
base du droit de l'Homme sur les choses une dualité de fondement : la propriété humaine est la
conséquence de l'ordre hiérarchique inscrit par Dieu dans la nature des choses. Il se fonde
également sur la parole divine, en ce qui concerne également les fondements naturels, c'est d'abord
donc l'ordre du monde mais c'est également la nature de l'Homme qui justifie ce droit universel que
lui attribue la tradition scolastique.
En effet, constatent-ils l'homme a besoin des choses pour survivre, ici c'est le droit à la conservation
comme fondement de la propriété qui apparaît, en outre telle que la Bible dans la Genèse le définit,
l'homme est fait à l'image de Dieu, or ce qui traduit en l'Homme ce caractère d'image de Dieu c'est
la raison par laquelle il participe à l’œuvre divine, c'est également la liberté par laquelle donc il est
maître de ses actions, d'où l'affirmation que le domaine, la propriété appartient à l'homme selon la
raison et qu'il se fonde sur son libre arbitre.
Ce qui est presque dire comme le feront les Modernes, que la propriété exprime la liberté et la
raison qui distingue l'Homme du reste de la Création.
C'est donc bien la propriété conçue comme l'expression de la raison et de la liberté humaine qui se
dessine dans les analyses des théologiens du XVIème siècle mais du fait de la dualité des
fondements assignés à la propriété, cette prérogative, n'est pas présentée par eux comme un simple
pouvoir de fait, que les circonstances feraient naître, qu'elles feraient disparaître. En effet, l'ordre
expresse par lequel Dieu donne le monde à l'Homme, indique clairement qu'il entend faire participer
l'Homme à son propre domaine. Par conséquent, dans cette présentation traditionnelle de la
scolastique, le domaine humain apparaît comme un prolongement terrestre du domaine divin et par
conséquent, il tend à se modeler sur lui.
Une forme de sacralisation est ainsi esquissée, et pour la Genèse de la notion de droits de l'Homme,
elle peut être considérée comme un moment essentiel.
Par elle en effet, le domaine humain, la propriété est en quelque sorte arrachée à ses assises, à ses
fondements naturels, désormais ce droit est conçu comme une puissance en soi légitime, un pouvoir
qui de lui même s'affirme comme un droit.
L'équivalence qui est ainsi posée entre pouvoir et droit va avoir des conséquences essentielles dans
la naissance et le développement de la notion de droit subjectif qui sera la conséquence de
l'émergence du concept de droit de l'Homme et à ce titre, cette analyse, apparaît comme l'une des
matrices du concept de droit de l'Homme de sorte que l'on comprend facilement l'importance que va
avoir la laïcisation qui va être opérée par les scolastiques au XVIème siècle dans le regard qu'ils
portent sur la propriété.
Dans le modèle originaire en effet, c'est la volonté divine qui conduit à arracher la propriété à l'ordre
du factuel. Or, par leur analyse des titres de la conquête espagnole, les théologiens sont conduits en
quelque sorte à mettre entre parenthèse, l'intervention du divin.
Par là, une nouvelle figure du droit de l'Homme sur les choses peut ainsi commencer à se dégager.
Le droit de l'Homme sur les choses va pour l'essentiel lui appartenir en vertu de sa seule qualité
d'être humain. Aucune intervention de l'autorité politique n'est nécessaire pour le lui conférer.
Corollaire essentiel, aucun acte public ne peut légitimement l'en dépouiller. Il s'agit donc d'une
prérogative comme on va le dire bientôt innée, indépendante de ses conditions de mise en œuvre, et
cette prérogative met de droit l'Homme que ce soit l'individu ou l'humanité, le débat sur ce point
sera réel, en possession de tout l'Univers.
La réflexion sur la colonisation, conduit ici les penseurs de l’Église à envisager la possibilité d'une
sorte de dissociation. Entre d'un côté le juste ordonné par la loi naturelle, et de l'autre côté, le juste
ordonné par Dieu. Par là le droit naturel commence à être pensé en dehors de la référence à Dieu ou
plutôt en mettant en quelque sorte cette référence à Dieu entre parenthèse, chacun des deux ordres,
acquière la possibilité d'être pensé pour lui même, indépendamment de l'autre, et c'est dans l'écart

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ainsi creusé que va se fonder la pensée de l’École du droit de la nature et des gens qui quelques
décennies plus tard, prend son essor chez Grotius.
La rencontre avec le nouveau monde est ainsi pour la pensée juridique européenne, l'occasion d'une
remise en cause générale à la fois de ses principes et de ses instruments. A l'horizon doctrinal, certes
encore lointain, c'est vers quoi conduit la volonté de fonder, hors de toute référence religieuse, les
droits des populations indigènes, c'est vers une nouvelle figure du droit naturel, un droit naturel
séparé ou à tout le moins séparable du droit divin, un droit naturel qui ne s'exprime plus de manière
privilégiée, à travers cette sorte de Bible laïque qu'avait constitué pour les jurisconsultes médiévaux,
le droit romain, mais présente un ordre perçu et bientôt construit par la seule raison humaine.

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