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Ouverture
L’athéisme du Pas-tout
par Jacques Adam

« Psychanalyse et religion », le thème est vaste et intéresse tout le monde.

Toute une série de termes peuvent se décliner à la jonction des deux champs :

Loi, croyance, foi, idéal, vérité, amour, etc., autant de termes que la

psychanalyse résorbe dans ceux de désir, de jouissance, et de bien d’autres plus

spécifiques. Il est notable que le vocabulaire de la psychanalyse (plus la

psychanalyse lacanienne que la freudienne d’ailleurs) croise celui de la religion

(le Nom du Père, par exemple). Et qu’il s’agit donc déjà de justifier la pertinence

d’un tel thème, d’apparence si passe-partout.

Si ce thème intéresse encore les psychanalystes aujourd’hui, ce n’est pas

tant à cause des questions ou des positions religieuses de chacun que grâce aux

fortes formules que Lacan nous a laissées sur Dieu, la religion et l’athéisme en

particulier.

Impossible de contester que Freud s’est intéressé à la question de la

religion. Et cela, plus son œuvre avançait. Impossible non plus de nier que la

religion, dans le monde, est, je dirais, pour faire bref, up to date, à la mode.

Derrière la banalité de notre binaire ‘psychanalyse et religion’ il existe

encore heureusement quelque embarras qui peut stimuler notre envie de saisir

l’enjeu du face à face, - accompagnés aussi de redoutables questions, en ce qui

nous concerne, pour mettre en pratique, ce que notre fréquentation de


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l’inconscient nous ordonne, pour autant qu’on arrive, en acte, à « s’égaler à la

structure qui nous détermine ».

Je vais seulement mettre en relief quelques points sensibles de notre

pratique au regard de ce que supportent ces deux valeurs qu’on nomme

psychanalyse et religion. J’aurais pu dire discours au lieu de valeur, si ce n’était

déjà trop mettre l’enjeu des questions sur notre propre terrain face à celles que

peuvent nous poser et se poser, comme nous le verrons tout à l’heure, des

philosophes, par exemple.

Le terme de discours est pourtant adéquat car il réunit en un seul mot le

langage du savoir et de la vérité dont l’articulation problématisée en théologie

dans la religion, s’est retrouvée malmenée puis ignorée en ce qui a concernée la

science. Par rapport à cela, Lacan a marqué la position radicalement différente

de notre discours, celui qui prend pour pivot la Chose freudienne au cœur de

l’inconscient pour y loger la vérité, qui est en même temps « cette vérité la plus

cachée qui se manifeste dans les révolutions de la culture » (La psychanalyse et

son enseignement).

Il semble maintenant exister une sympathie de discours de plus en plus

fréquente et insidieuse entre religion et science. Et c’est ceci qui me paraît un

des dangers les plus grands que la psychanalyse doit éclairer, et auquel, elle doit,

si elle a un brin d’athéisme, dirais-je, pouvoir résister. « Tout ce qui peut

s’énoncer comme science est suspendu à l’idée de Dieu…La science et la


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religion vont très bien ensemble…C’est un dieu-lire », nous dit Lacan encore en

mai 1977 (L’insu que sait…) afin qu’on ne s’égare pas dans le devoir qui revient

en ce monde à la psychanalyse, tel qu’il l’avait formulé environ quinze ans plus

tôt. Le malaise que Freud avait fait remonter de la religion est déplacé vers la

science.

Je vais illustrer ce que j’avance de cette dangereuse sympathie, par une

anecdote télévisuelle vue très récemment. Un livre vient de paraître, formé du

dialogue entre un moine apôtre des prisonniers et un scientifique Prix Nobel de

médecine guérisseur du Sida. L’interviewer leur souligne à tous deux que sur la

question du sexe et du péché, ils ne sont pas forcément d’accord. Mais si,

protestent d’une même voix le moine et le scientifique. Le sexe, vous savez,

c’est quand même grâce à lui qu’on est là !

Freud heureusement, plus avisé que Jung, n’avait pas fait du sexe le

nouveau Dieu du discours de l’inconscient. Ce logos du sexe qu’on pourrait

confondre avec le noyau dur de l’inconscient-réel est en réalité celui du sens, de

ce sens que le dispositif aussi incite à aller toujours vers le + , et qui est comme

on le sait et comme on en subit les retours, jamais complètement expulsé. On a

donc reproché à Freud d’avoir surtout retenu la version du Père pour nourrir le

sens de l’inconscient et par conséquent de ne pas être si athée qu’il avait l’air de

le dire.

Avec Lacan, peut-on aller plus loin qu’avec cette profession de foi athée

de Freud ? L’athéisme de la psychanalyse sera je crois la grande question mise


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au travail pendant ces journées. Il va en effet être de plus en plus nécessaire

d’être attentif aux signaux de la collusion de la religion et de la science, de

résister aux tentatives de persuasion et de possibilités de connivence entre la foi

et la raison. Un exemple : il se dit, en des lieux éminents et avec des formules

choc, que la foi sans la raison, c’est le fétichisme et que la raison sans la foi c’est

la porte ouverte aux totalitarismes. Il nous faudra donc alors essayer de faire

entendre qu’on peut peut-être se passer de Dieu, qu’on s’en serve ou pas, et

qu’un autre discours, ayant changé le profil de la Vérité dans l’Histoire, s’offre

au monde et n’est en tout cas toujours pas obsolète.

Seulement, y a-t-il des formules qui nous permettent de puiser et de

prouver cela dans la nature même de l’inconscient ? L’inconscient, athée ? A une

première approche, sûrement pas ! C’est un fait de structure, l’Autre existe, et

même s’il se barre, il revient toujours, au bras de l’Idéal, et au rendez-vous de

l’appel du signifiant. Un sujet athée de l’inconscient, alors ? Improbable. Car

disparu sous le signifiant qu’il devient, il va rechercher son ex-sistence (et son

désir) dans l’Autre, cet Autre qui n’en finit pas d’exister justement, d’autant plus

qu’on le dit mort. L’inconscient-langage n’est donc pas l’idéal pour se mettre au

clair avec la question de l’athéisme de la psychanalyse. Mais on ne sait pas

encore si l’inconscient-réel permettra de mieux éclairer la question.

Il m’est revenu un passage de La légende des siècles de Victor Hugo qui,

faisant sortir Dieu de son trou, lui fait dire une chose bien imagée et parlante.

(‘Le Temple’)
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Moïse pour l’autel cherchait un statuaire

Dieu dit : - il en faut deux ; et dans le sanctuaire

Conduisit Oliab avec Béliséel.

L’un sculptait l’idéal et l’autre le réel

Etc .,

Je ne cite cela que pour dire qu’un des embarras de la psychanalyse (et qui

lui fait parfois sa mauvaise réputation), c’est de croire que l’idéal de la parlotte

fait arriver au vrai du réel. C’est pourtant vrai. Mais ce qui est compliqué c’est

quand même de pouvoir laisser Dieu dans son trou, de ne pas parler à sa place et

surtout de ne pas le laisser parler à notre place. C’est-à-dire, au fond, faire

preuve d’un peu d’athéisme, s’il se peut….

Une des formules de Lacan bien connue avance que l’athée viable serait

celui qui ne se contredit pas à tout bout de champ. Formule trompeuse ou

provocatrice car, à y regarder de près, qui et quoi plus que l’inconscient passe

son temps à s’exprimer dans la forme de la contradiction, selon le principe déjà

tôt énoncé par Freud ? L’inconscient marche à la contradiction ; il ne pourrait

donc pas être athée. Mais, contredisant Freud justement, Lacan proposera une

autre logique de la négation que celle du principe de contradiction, celle du Pas-

Tout, qui ne serait en somme que la formule d’un athéisme relatif, relatif au
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sans-espoir du logos sexuel pour dire le vrai mieux que Dieu lui-même.

Athéisme relatif, pas sans rapport avec des noms aussi surprenants que celui de

la femme donné par Lacan à Dieu, la femme qui n’existe pas et qui se vit, ou se

dit, comme jouissance insue. La face Dieu supportée par la jouissance

féminine ? Cela pourrait ne pas paraître très catholique ! Sauf à s’arrêter à

l’expressionnisme du Bernin.

Si l’inconscient peut pourtant être dit athée, cela est contenu dans la

découverte révolutionnaire que l’inconscient est un savoir sans sujet.

Malheureusement, en tant que parlêtre nous sommes ces grands handicapés du

besoin de toujours vouloir supposer un sujet au savoir, - de supposer Dieu tout

simplement. Est-on sûr alors que la psychanalyse au bout de l’expérience arrive

à lever ce handicap, et comment ?

Lacan conseille d’abord ceci : en arrivant au moins, à « soutenir

l’affrontement de la mise en question du sujet supposé savoir » (1969). Cela

veut dire arriver à faire une analyse, à être analysant avec un analyste, les deux

n’étant pas à la portée de tout le monde. Mais malgré le doute sur la possibilité

de cet affrontement, Lacan assurera trois ans plus tard, en 72, que grâce aux

reins solides que donne le discours analytique, on peut arriver à « soutenir le

complot de la vérité ». De la vérité menteuse, dira-t-il encore quatre ans plus

tard, dont on arrive évidemment jamais à bout, au bout du sens, mais dont au

moins il semble sûr qu’il ne s’agisse pas de la vérité révélée, comme celle de la

religion, ni forclose comme celle de la science. Mais que serait alors cette sorte
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d’athéisme, toujours relatif, de la psychanalyse, qui se contenterait du mirage de

la vérité ?

C’est se poser la question de savoir si la voie analysante est athéisante ?

C’est la question de la chute du sujet supposé savoir au terme d’une analyse dont

la satisfaction pourrait être au moins d’avoir pu se débarrasser d’une croyance

au tout-puissant devenue obsolète, d’avoir liquidé son transfert comme il se dit,

sans tomber dans une gnose prétendant seulement à la sagesse, ni perdre le

moteur d’une incitation qui ne théologiserait plus le savoir et qui ne

mysticiserait pas la jouissance. Est-ce la voie de l’ascèse, est-ce celle du saint,

d’un saint athée qui ferait tache dans l’ordre établi du ciel étoilé ? Il ne s’agit en

tout cas sûrement pas pour Lacan d’un tripotage avec une théologie négative

recyclée en « laisser-être » heideggerien, en abandon de Dieu par la voie de

l’abandon de soi, jusqu’à l’extase. Au point qu’on pourrait prendre la position

mystique pour le comble d’une forme d’athéisme, ou pour l’accomplissement

d’une jouissance absolue initiée par un moteur divin devenu contingent. Ceci se

dit peut-être « expérience intérieure » chez Bataille, ou « expérience-limite »

chez Blanchot, pour mener à une sorte d’athéologie basée sur une fusion

mystique avec le divin qu’on retraduit en sacré.

Il semble plus exactement que la voie analysante doive mener, dans le

cours de l’expérience, le sujet à cet état hors-jeu du savoir, là où peut être

signifié l’en-je de son acte par lequel il se fait reste et réel. Et peut-être même
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analyste. Voilà donc une drôle de science que la psychanalyse qui botte en

touche le savoir et le sens pour marquer l’essai de la vérité.

Qu’on me pardonne cette métaphore sportive, qui nous rappelle seulement

que la clinique analytique est celle d’un terrain où se joue ce qui, de l’amour, du

désir et de la jouissance, se décline différemment selon qu’il s’agisse de

névrose , de psychose ou de perversion. Ceci pourrait bien faire en partie l’objet

de notre travail pendant ce week-end, pour développer notre thème à partir de

cures élaborées. Cette jouissance du sujet supposé savoir qui caractérise le

névrosé, qui l’entrave dans ses possibilités de sublimation et fait de lui cet athée

trivial qui suspend innocemment et bêtement son désir à cette garantie mythique

de la bonne foi du signifiant, tranche avec cet idolâtre de la foi qu’est le pervers

en se consacrant à la jouissance d’un Autre rendu à sa plénitude. Et diffère

encore de cet inquiétant et tragique refus de croyance du psychotique

(l’Unglauben) qui prend la forme d’une certitude absolue de son savoir en le

transformant en un athée de convention qui en sait plus que Dieu lui-même sur

la jouissance. Schreber n’a pas écrit la préface de ses Mémoires autrement que

pour, je le cite, « faire avancer la connaissance de la Vérité dans un domaine

éminent, le domaine religieux ». Ce qu’il ne savait pas, c’est que c’était en fait

dans le domaine de la psychanalyse qu’il allait faire avancer les choses. Toujours

est-il que l’incroyance, une incroyance à la Rabelais (auteur apprécié de Lacan)

n’est pas la solution de l’athéisme. Athéisme relatif, encore. Alors, au lieu du

malheur religieux de la certitude du savoir absolu, parlons plutôt des joies de


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l’incertitude de l’athée Diderot, (autre auteur apprécié de Lacan et reconnu

comme tel par lui), et dont l’avantage est sans doute de s’économiser la tricherie

du pari pascalien tout en ne s’obligeant pas à se lamenter sur le drame de

l’éphémère ou sur les éclipses de la vérité.

Certes, Lacan craint pour la survie de la psychanalyse, même en tant que

symptôme, face à l’increvabilité de la religion, mais il ne se fait ni alarmiste, ni

désenchanté, car il pense finalement qu’au-delà du réel de la science, il y a celui

que la psychanalyse nous permet de connaître et qu’alors, enfin, on pourra

commencer à s’intéresser aux choses sérieuses au nombre desquelles il met…la

religion, justement. C’était à Rome en 1974.

Arrive-t-on à se faire réel, plutôt qu’inconscient, par la voie analysante,

tout en arrivant à s’égaler à la structure qui nous détermine ? Peut-on arriver à

ce que « Dieu », avec les guillemets qu’il mérite peut-être, ne soit plus une

forme, ou un des noms du manque. Et que l’amour, l’idée même de l’amour soit

déconnectée de celle de dieu ? Ni Eros, ni Agapè. Ni trou, vrai ou faux, dans le

réel, mais le réel même. Il n’est pas sûr que la psychanalyse puisse faire mieux

en matière d’Amour que la religion, mais elle peut y tendre. Tendre à la « la

signification d’un amour sans limite », c’est-à-dire « hors des limites de la loi »

(S. XI)

Ce n’est pas pour rien que Lacan a qualifié de « grève de la vérité » les

troubles politiques et sociaux de la fin des années 60. Ils correspondaient aussi à
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un malaise dans la civilisation religieuse. Bien que la religion soit effectivement

le champ où la Vérité n’est jamais en grève, dans la psychanalyse non plus la

vérité n’est jamais en grève. Mais alors, comment faire coïncider l’inconscient,

le vrai et le réel sans idéologie préconçue, ou « post-conçue »

(Weltanschauung) ?

Je terminerai avec cette histoire de l’Histoire bien connue. Il y a six

grands juifs qui ont changé le monde : Il y a Moïse pour qui Tout est Loi, il y a

Jésus chez qui Tout est Amour, Spinoza avec qui Tout est Nature, il y a Marx qui

montre que Tout est Argent, et Freud que Tout est Sexe, et enfin il y a Einstein

pour qui Tout est Relatif.

Nous est-il permis, avec le crédit qu’on peut lui faire d’un athéisme, fut-il

tout relatif, d’y ajouter un Gentil, Lacan, pour qui Tout est…Pas-Tout. Et dont

l’athéisme, plus esthétique qu’éthique se marque et se remarque au fond, mais ce

serait à développer, dans son style, ce style qui est celui de l’homme même…à

qui l’on s’adresse, prouvant par là qu’on en a peut-être fini de s’adresser

toujours, et pour toujours, à Dieu. Sans qu’il soit question ici d’un quelconque

humanisme.
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