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Fédération Internationale des Instituts d’Études Médiévales

TEXTES ET ÉTUDES DU MOYEN ÂGE, 34

ÉCRITURE ET RÉÉCRITURE DES


TEXTES PHILOSOPHIQUES
MÉDIÉVAUX

Volum e d ’hommage offert à Colette Sirat

E dité par J. H a m esse et O. W eijers

BREPO LS
F éd é r a t io n In t e r n a t io n a l e d es I n s t it u t s

d ’é tu d es M é d iév a les

Présidents honoraires :
L.E. B o y le ( t ) (Biblioteca Apostolica Vaticana e Commissio
Leonina, 1987-1999)
L. H o l t z (Institut de Recherche et d ’Histoire des Textes, Paris,
1999-2003)

Président :
J. H am esse (Université Catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve)

Vice-Président :
O. M e r isa l o (University o f Jyväskylä)

M embres du Comité :
P. B o u r g a in (Ecole Nationale des Chartes, Paris)
Ch. B u r n e t t (The W arburg Institute, London)
M. C. P a c h ec o (Universidade do Porto, Gabinete de Filosofía
Medieval)
O. P e c e r e (Università degli Studi di Cassino)
N. v a n D e u se n (Claremont College, CA / M edieval A cadem y
o f America)

Secrétaire :
J. M e ir in h o s (Universidade do Porto)

Trésorier :
O. W e ije r s (Huygens Instituut, Den Haag)
Fédération Internationale des Instituts d’Études Médiévales
TEXTES ET ÉTUDES DU MOYEN ÂGE, 34

ECRITURE ET REECRITURE DES


TEXTES PHILOSOPHIQUES
MÉDIÉVAUX

Volum e d ’hommage offert à Colette Sirat

Edité p ar J. H a m e s se et O. W e ijer s

BREPO LS
A ll rights reserved. N o part o f this publication m ay be reproduced, stored in a
retrieval system or transm itted, in any form or b y any m eans, electronic, m echa­
nical, photocopying, recording or otherwhise, w ithout the prior perm ission o f the
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C opyright © 2006, Fédération Internationale des Instituts d ’Études M édiévales


Place du Cardinal M ercier 14
B -1348 L O U V A IN -LA -N EU V E
BELG IQ U E

ISB N 2-503-52424-5
D /2006/0095/147
Il est un temps pour rire (Eccl. III, 4).
TABLE DES MATIERES

J. H a m esse et O. W elters VII


Avant-propos
Publications de Colette Sirat IX
A. C hahlane 1
Logique et politique dans les commentaires d ’Averroès
G. D ahan 23
Un florilège latin de Maimonide au X l l f siècle: les Extractiones
de Raby Moyse
S. Di D onato 45
I traduttori di fronte alle citazioni coraniche : errori ed
estraneità culturale
I. D obbs -W einstein 63
Tensions Within and Between Maimonides and Gersonides
Account o f Prophecy
N. E lsakhaw i 89
Quelques réflexions sur le commentaire d'Averroès au livre Zây
de la Métaphysique d'Aristote
G. F ederici V escovini 107
La concezione della virtus occulta nella dottrina medica di
Arnaldo di Villanova e di Pietro d ’Abano
M. G eoffroy 137
« Passio », « transmutatio », « receptio » : Averroès sur
l ’analogie de l ’intellect et du sens dans le(s) commentaire (s) au
De anima d ’A ristote
R. G l a sn er 185
Textual Criticism in Hebrew Supercommentaries on Aristotle
J. H a m esse 195
Un exemple de réécriture des textes : les instruments de
travail philosophiques médiévaux
S. H a rv ey a n d C h . H. M a n ek in 215
The Curious Segullat Melakhim by Abraham Avigdor
W .Z eev H arvey 253
De la notion d'intellect-intelligent-intelligible chez Maimonide
R. H issette 263
Trois cas d ’émissions doubles dans les éditions humanistes de
/ ’Aristoteles Latinus avec commentaires d ’Averroès
VI

A. L. Ivry 275
The Two Solomons and the Guide o f the Perplexed
S. K lein -B raslavy 291
Maimonides ’Strategy fo r Interpreting “Woman in the Guide o f
the Perplexed
H. K reisel 311
The Writing and Rewriting ofM acase Nissim by R. Nissim
Marseilles
D. J. L a sk er 329
Love o f God and Knowledge o f God in Maimonides' Philosophy
J. M arenbon 347
Anselm Rewrites his Argument : Proslogion 2 and the Response
to Gaunilo
M. C. M o n teiro P a c h ec o 367
Ordinatio caritatis. Réflexions sur l ’ascèse et la mystique dans
la pensée de Saint Bernard
D. PoiREL 381
De la source à la somme : les variations d ’Hugues de Saint-
Victor
J.-P. R o th sch ild 409
Contresens ou réécriture ? La traduction hébraïque anonyme de
la Philosophia de Guillaume de Conches. Une lecture de
l ’introduction
R. S m id t v a n G eld er -F o n ta in e 429
The Theme o f the Three Worlds in the Midrash ha-Hokhmah
O. W eijers 445
Les raisons de la réécriture dans les textes universitaires :
quelques exemples
M. Z onta 465
A Case o f “Author’s Variant Reading” and the Textual History
o f Averroes ’ M iddle Comm entary on Aristotle ’s Metaphysics
Index des auteurs anciens et médiévaux 485
Index des auteurs modernes 491
Index des manuscrits 497
J. H a m esse et O. W eijers

AVANT-PROPOS

Philosophe et paléographe, Colette Sirat s’est illustrée dans ces deux


domaines pendant toute sa carrière académique. Ses publications ont fait
date tant dans l’histoire de la philosophie juive que dans les études de
paléographie hébraïque et d ’histoire de l’écriture. C’est à ce titre que
deux volumes d’hommage ont été préparés par ses collègues et amis,
portant chacun sur l’une de ces deux disciplines. Un fil conducteur relie
d’ailleurs ces deux secteurs d’activité : les manuscrits qui sont toujours à
la base de ses recherches, fournissant ainsi les sources mêmes et les do­
cuments de première main de ses études philosophiques.
Son enseignement à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes a porté ses
fruits. Nombreux sont les élèves qu’elle y a formés. Colette Sirat a tou­
jours aimé s’entourer de jeunes chercheurs auxquels elle a transmis son
expérience et son savoir. La direction de la section hébraïque à l’Institut
de Recherche et d’Histoire des Textes lui a permis de travailler pendant
des années en collaboration, lançant des projets de recherche, des collec­
tions de publications et ouvrant le dialogue avec les chercheurs des autres
sections en élargissant les frontières de sa spécialité.
Ses qualités humaines très appréciées par ses élèves et ses collègues
lui ont permis de jouer un rôle de premier plan au niveau international.
Colette Sirat est une femme de dialogue et d ’ouverture. En tant que
membre du Bureau de la Société Internationale de Philosophie Médiévale
(S.I.E.P.M.) de 1987 à 1997, elle a donné une impulsion nouvelle au dé­
veloppement des études de philosophie juive. Très courtoise, elle a pour­
tant toujours le courage de proclamer haut et clair ses convictions les plus
profondes, ce qui rend sa personnalité d’autant plus attachante.
Pendant toutes ces années, elle a tissé des liens d ’amitié avec de
nombreux médiévistes qui ont tenu à l’honorer. Ses collègues et amis ont
donc voulu lui rendre un hommage en lui offrant ce recueil d’articles
consacré à l’écriture et à la réécriture des textes philosophiques du moyen
v in J. HAMESSE ET O. WELTERS

âge1. Elle en a elle-même suggéré le thème, thème qui la préoccupe de­


puis bien longtemps2. Nous l’avons accueilli avec enthousiasme parce que
la manière d’écrire des textes au moyen âge, la réécriture constante pour
beaucoup d ’entre eux, constitue un sujet encore peu étudié, bien qu’il
s’agisse d’un trait essentiel de la culture écrite de cette époque. Nous
l’avons limité aux textes philosophiques, domaine dans lequel ce phéno­
mène est particulièrement présent et qui est l’un des terrains de chasse de
la récipiendaire.
Colette Sirat a publié la première édition de son histoire de la philo­
sophie juive au moyen âge en 1975 ; ce fut le premier manuel qui prenait
en compte les sources manuscrites. Depuis, ce volume a été traduit dans
plusieurs langues et il continue de servir à de nouvelles générations
d’étudiants. La liste de ses publications consacrées à la philosophie mé­
diévale, que l’on trouvera en tête de ce volume, montre bien qu’elle n ’a
jamais délaissé cette discipline, même si elle a bâti en même temps un
nouveau domaine de recherche, la paléographie hébraïque, et si elle a
consacré une grande partie de son temps à un autre sujet encore : les
conditions et l’histoire de l’acte d’écrire. Dans tous ses travaux, marqués
par un recours constant aux manuscrits, on découvre les mêmes traits
fondamentaux, dont une grande curiosité intellectuelle, une largeur de
vue due à un vaste programme de lectures dans des domaines très divers
et une richesse d’idées nouvelles sont peut-être les plus marquants.
Nous avons donc souhaité réunir ici, pour la seule discipline de la
philosophie médiévale, des contributions de chercheurs émanant
d’horizons divers, spécialistes de manuscrits arabes, hébreux et latins,
ainsi que des philosophes. Nous remercions tous les collègues qui ont
accepté de participer à ce volume et qui se sont pliés avec gentillesse aux
délais assez brefs que nous leur avons imposés. Deux des personnes pres­
senties, Gianfranco Fioravanti et Ruedi Imbach, ont dû renoncer à leur
participation, faute de temps. Certains des contributeurs ont interprété le
thème « Ecriture et réécriture des textes philosophiques du moyen âge »
de façon plus libre que d’autres. Nous espérons cependant que le recueil

1 Un autre volume consacré à la paléographie hébraïque lui sera offert séparément.


2 Ce fut le sujet d’un article, publié dès 1963 : « Les différentes versions du Li-
wyat Hen de Lévi ben Abraham ».
AVANT-PROPOS IX

constituera un volume homogène et qu’il apportera une contribution de


poids à l’étude de la culture écrite.
Nous avons voulu, par ce volume d’hommage, remercier Colette Si-
rat de tout ce qu’elle a apporté à chacun de nous dans le domaine des
études médiévales. C’est un vrai plaisir de l’offrir à un chercheur qui,
bien que sa carrière d’enseignante touche à sa fin, commence en même
temps une nouvelle carrière en philosophie médiévale : ses recherches sur
Averroès n ’en sont qu’aux prémices, comme en témoigne le petit livre
qu’elle vient de publier en collaboration avec Marc Geoffroy3. Espérons
qu’elle continuera encore longtemps à mener ses activités enrichissantes
pour nous tous et à nous faire bénéficier de ses conseils et de son expé­
rience.
La préparation de ce livre doit beaucoup aux soins attentifs accordés
par Marc Geoffroy à la vérification des translittérations et des caractères
arabes contenus dans certains articles. L'aide de Silvia Di Donato, Phi­
lippe Bobichon et de Cléber dos Santos Dias nous fut également très pré­
cieuse, notamment pour l'établissement des index. Qu'ils veuillent bien
accepter ici l'expression de notre reconnaissance la plus vive.

3 L ’original arabe du Grand commentaire d ’Averroès au De anima d ’Aristote.


Prémices de l ’édition, Paris, Vrin, 2005.
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT

Livres

Les théories des visions surnaturelles dans la pensée juive au Moyen Age.
Etudes sur le judaïsme médiéval, tome I, Leiden, E. J. Brill, 1969,
207 pages.
Manuscrits médiévaux en caractères hébraïques portant des indications
de date jusqu'à 1540. Tome I. Bibliothèques de France et d'Israël.
Manuscrits de grand format, en collaboration avec M. B eit -A ri É (et
M. G latzer , A. L ipszy c , L. Sha lem , Y. Y o ël , M. de P a s ,
C. KlVENKO ; relevé des notes latines et description des reliures par
A. GENEVOIS et D. G id ), Jérusalem-Paris, C.N.R.S. et Académie des
Sciences et des Lettres d'Israël, 1972, vol. 1, notices, 429 pages;
vol. 2, 212 planches.
Jewish Philosophical Thought in the Middle Ages (en hébreu), Jérusalem,
Keter, 1975, 510 pages.
Les visions divines, Jérusalem, 1976 (réunit les articles suivants : Les
visions divines de Hanokh b. Salomon al-Qostantini et Les visions
divines de Hanokh b. Salomon al-Qostantini, édition et
commentaire), 80 pages en hébreu, 108 pages en français.
Ecriture et civilisations, (en collaboration avec M. DUKAN), Paris,
C.N.R.S., 1976, 117 pages.
Manuscrits médiévaux en caractères hébraïques portant des indications
de date jusqu'à 1540. Tome IL Bibliothèques de France et d'Israël.
Manuscrits de petit format jusqu'à 1470, en collaboration avec
M. BEIT-ARIÉ (et A. ATTALI, M. BAT-YEHOUDA, M. DUKAN,
M. GLATZER, L. Shalem ; relevé des notes latines et description des
reliures par A. GENEVOIS et D. GlD ; notes hébraïques par M. B eit -
ARIÉ), Jérusalem-Paris, C.N.R.S. et Académie des Sciences et des
Lettres d'Israël, 1979, vol. 1, notices, 351 pages; vol. 2, 158
planches.
La lettre hébraïque et sa signification, (avec L. AVRIN : Micrography as
Art), Paris-Jérusalem, C.N.R.S.-Musée d'Israël, 1981, 80 pages plus
118 planches.
XII ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

L'examen des écritures: l'œil et la machine, Paris, C.N.R.S., 1981,


92 pages plus 31 illustrations.
La philosophie juive au Moyen Age selon les textes manuscrits et
imprimés, Paris, Editions du C.N.R.S., 1983, 529 pages.
La Philosophie juive en terre d'Islam, tome I, La Philosophie juive
en pays de Chrétienté, tome II, Paris, Presses du C.N.R.S., 1988,
réédition avec nouvelles introductions et compléments de
bibliographie.
A History o f Jewish Philosophy in the Middle Age, édition anglaise
revue et complétée, Cambridge-Paris, Cambridge University Press et
Maison des Sciences de l'Homme, 1985,478 pages.
A History o f Jewish Philosophy, paperback edition with extra
bibliography, Cambridge-Paris, Cambridge University Press et
Maison des Sciences de l'Homme, 1990.
La filosofia ebraica medievale, secondo i testi editi e inediti,
edizione italiana a cura di BRUNO CHIESA, Brescia, Paideia, 1990.
A zsidó filozófia a kôzépkorban, a kéziratos és nyomtatott szövegek
alapjàn, édition hongroise, Budapest, Logos Kiadó, 1999.
Istoriia srednevekovoi evreiskoi filosofili, édition russe d'après
l'édition anglaise avec une nouvelle introduction et une bibliographie
remaniée, Jérusalem, The Hebrew University of Jerusalem, Institute
of Jewish Studies, « Gishrei Tarbut » Association, 2003.
Les papyrus en caractères hébraïques trouvés en Egypte (avec la
contribution de M. B eit -A ri É, M. D ukan , F. K lein -Fran ke ,
H. HARRAUER. Calligraphie et illustration par A. Y ardeni ), Paris,
C.N.R.S., 1985, 126 pages plus 120 planches.
Manuscrits médiévaux en caractères hébraïques portant des indications
de date jusqu'en 1540, tome III. Bibliothèques de France et d'Israël.
Manuscrits de petit format de 1471 à 1540 et supplément au tome I,
manuscrits de grand format en collaboration avec M. B eit -A ri É et
M. G latzer (et A. A tta li , M. D u k an , E. E n g el , L. Shalem ,
M. ZERDOUN B a t -Y ehouda ; relevé des notes latines et description
des reliures par A. GENEVOIS et D. GlD ; notes hébraïques par
M. B eit -Ar Ie), Jérusalem-Paris, C.N.R.S. et Académie des Sciences
et des Lettres d'Israël, 1986. Vol. 1 notices : 388 pages ; vol. 2 : 188
planches ; vol. 3 : 35 planches.
La ketouba de Cologne. Un contrat de mariage ju if à Antinoopolis, avec
P. C au derlier , M. D u k a n , M. A. F riedm a n , Abhandlungen der
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT XIII

Rheinisch-Westfalischen Akademie der Wissenschaften, Papyro-


logica Coloniensa, vol. XII, Opladen, Westdeutscher Verlag, 1986,
72 pages plus 20 planches.
Livres et scribes. Les manuscrits hébreux au Moyen Age (en hébreu),
Jérusalem, Qesset, 1992, 162 pages.
Du scribe au livre. Les manuscrits hébreux au Moyen Age, Paris,
C.N.R.S. Editions, 1994, 286 pages.
La conception du livre chez les Piétistes ashkénazes, avec M. DUKAN,
C. H ey m a nn , C. L. WlLKE et M. Z erdou n , Droz, Genève, 1996,
168 pages et 23 planches.
Dans la série Monumenta Palaeographica Medii Aevi, Codices hebraicis
litteris exarati quo tempore scripti fuerint exhibentes, vol. I jusqu’à
1020, avec M. BEIT-Ar i É et M. G latzer et la collaboration de
T. L eiter , S. Iak erson , M. D ukan , E. En g el , M. Z erdoun ,
Tumhout, Brepols, 1997, 1 volume folio de 136 pages et 52
planches.
Dans la série Monumenta Palaeographica Medii Aevi, Codices hebraicis
litteris exarati quo tempore scripti fuerint exhibentes, vol. II a. 1021-
1079, avec M. GLATZER et M. B eit -A r Ie et la collaboration de
T. L eiter , P h . B obichon , M. D ukan , E. E n g el , A. G ord in ,
S. Iak erson , M. ZERDOUN, Tumhout, Brepols, 1999, 1 volume
folio de 127 pages.
Dans la série Monumenta Palaeographica Medii Aevi, Codices hebraicis
litteris exarati quo tempore scripti fuerint exhibentes, voi. Ill a.
1085-1140, avec M. GLATZER, M. BEIT-ARIÉ et la collaboration de
T. L eiter , S. Iak erson , M. D ukan , E. E n g el , M. Z erdoun ,
A. GORDIN, Tumhout, Brepols, 2002, 1 volume folio de 120
pages.
Hebrew Manuscripts o f the Middle Ages, edited and translated by N. DE
LANGE, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, 349 pages.
C. SlRAT ET M. GEOFFROY, L'original arabe du Grand Commentaire
d'Averroès au De anima d'Aristote. Prémices de l ’édition, avec une
préface de A. DE LIBERA, Paris, Librairie philosophique Vrin, 2005,
124 pages.
Writing as Handwork. A History o f Handwriting in Mediterranean and
Western Culture, Tumhout, Brepols, 2006 (24), 575 pages.
Dans la série Monumenta Palaeographica Medii Aevi, Codices hebraicis
litteris exarati quo tempore scripti fuerint exhibentes, vol. IV a.
XIV ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

1144-1200, avec M. BEIT-AriÉ, M. GlâTZER et la collaboration de


T. Leiter , P. B obichon , M. Dukan , N. P asternak , M. Zer -
DOUN, Tumhout, Brepols, 2006, 1 volume folio de 148 pages.

Editions

La paléographie hébraïque médiévale. Actes du Colloque international


du C.N.R.S., organisé à Paris en 1974 par J. G lÉNISSON et C. SlRAT,
Paris, Editions du C.N.R.S., 1974, 176 pages et 136 planches.
L'Ecriture : le cerveau, l'œil et la main, avec J. IRIGOIN et E. POULLE.
Actes du Colloque international du C.N.R.S. organisé à Paris en
1988 par l'I.R.H.T. et C. SlRAT, J. IRIGOIN et E. POULLE, Bibliologia
10, Brepols, Tumhout, 1990, 422 pages.
Les méthodes de travail de Gersonide et le maniement du savoir chez les
scolastiques, édité par C. SlRAT, S. K lein -Braslavy et O. WEI-
JERS avec la collaboration de P. BOBICHON, Etudes de philosophie
médiévale LXXXVI, Paris, Librairie philosophique Vrin, 2003,
394 pages.

Articles

Les articles d’encyclopédie et les comptes-rendus ne figurent pas dans


cette liste.

« Glanes dans les manuscrits hébraïques de la Bibliothèque nationale de


Paris", dans Revue des Etudes CJuives, XVIII, 1959-60, p. 131-133.
« Un rituel juif de France », dans Bulletin d'information de l'Institut de
Recherche et d'Histoire des Textes, 9,1960 (1961), p. 65-69.
« Un rituel juif de France : le manuscrit hébreu 633 de la Bibliothèque
nationale de Paris », dans Revue des Etudes Juives, CXIX, 1961,
p. 7-40.
« Un mahzor espagnol du XIIIe siècle avec des prescriptions rituelles en
castillan » (en collaboration avec I. S. REVAH), dans Revue des
Etudes Juives, CXX, 1961, p. 353-358.
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT XV

Manuscrits hébraïques de rite français dans les bibliothèques


d'Angleterre, dans Bulletin d'information de l'Institut de Recherche
et d'Histoire des Textes, 10, 1961 (1962), p. 57-60.
Les visions divines de Hanokh b. Salomon al-Qostantini, dans Revue des
Etudes Juives, CXXI, 1962, p. 247-354 (repris dans Les visions
divines, Jérusalem, 1976).
Les différentes versions du Liwyat len de Lévi ben Abraham, dans Revue
des Etudes Juives, CXXII, 1963, p. 163-177.
Un vocabulaire de mots d'emprunt gréco-latins dans un manuscrit hébreu
du XIIIe siècle, dans Bulletin d'information de l'Institut de
Recherche et d'Histoire des Textes, 12, 1963 (1964), p. 103.
Le manuscrit hébreu n°1408 de la Bibliothèque nationale de Paris, dans
Revue des Etudes Juives, CXXIII, 1964, p. 335-358.
Manuscrits hébraïques de rite français dans les bibliothèques
d'Angleterre, dans Bulletin d'information de l'Institut de Recherche
et d'Histoire des Textes, 13, 1964 (1965), p. 93-94.
Un midrash ju if en habit musulman : la vision de Moïse sur le mont Sinaï,
dans Revue de lHistoire des Religions, 167-168 (1965), p. 15-28.
Le Sefer Arugat ha-Bosem, dans Revue des Etudes Juives, CXXIV, 1965,
p. 353-374.
Le « vademecum » d'un rabbin allemand du XlIIème siècle, dans
Miscellanea Mediaevalia, 4, Berlin, 1966, p. 92-98.
Une formule divinatoire latine dans deux manuscrits hébreux, dans Revue
des Etudes Juives, CXXV, 1966, p. 391-394.
Un nouveau manuscrit du Mahzor Vitry, dans Revue des Etudes Juives,
Memorial Liber, CXXV, 1966, p. 245-266.
Bibliothèques publiques et privées de France, fonds juifs, dans Revue des
Etudes Juives, CXXVI, 1967, p. 119-123.
Une image vraie de la Kabbale, dans Les nouveaux cahiers, 9, 1967, p. 1-
15.
Les pierres précieuses et leur prix au XVème siècle en Italie d'après un
manuscrit hébreu, dans Annales, Economies, Sociétés, Civilisations,
1968, p. 1067-1085 plus douze planches hors-texte.
La paléographie hébraïque, dans Actes du IVème Congrès international
des Etudes Juives, volume II, Jérusalem, 1969, p. 173-174.
XVI ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale :


l'archéologie du codex », dans Annuaire de l'Ecole Pratique des
Hautes Etudes, IVe section, 1968-69, p. 331-335.
« La théologie ésotérique des mystiques juifs allemands », dans Les
nouveaux cahiers, 18, 1969, p. 21-26 ; « La teologica esoterica della
mistica ashkenazita », dans La Rassegna mensile di Israël, XXXV,
10, 1969, p. 430-439.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale :
codicologie des manuscrits », dans Annuaire de l'Ecole Pratique des
Hautes Etudes, IVe section, 1969-1970, p. 447-450.
« Les chapitres de Moïse (Pirké Moshé) de Moshé Narboni (en hébreu) »,
dans Tarbiz, 39, 1970, p. 287-306.
« L'écriture hébraïque médiévale et les méthodes optiques », dans Revue
d'Histoire des Textes, 1, 1971, p. 235-237.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale : les
incunables hébraïques », dans Annuaire de l'Ecole Pratique des
Hautes Etudes, IVe section, 1970-1971, p. 425-432.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale : les
variantes régionales de l'écriture hébraïque », dans Annuaire de
l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, IVe section 1971-1972, p. 399-
409 plus 32 reproductions.
« Moïse de Narbonne et l'astrologie », dans Actes du Ve Congrès interna­
tional des Etudes Juives, volume III, Jérusalem, 1972, p. 61-72.
« Le Comité de paléographie hébraïque : perspectives d'avenir », dans
Actes du Ve Congrès international des Etudes Juives, volume V,
1972, p. 17-21.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale : les
écritures françaises », dans Annuaire de l'Ecole Pratique des Hautes
Etudes, IVe section 1973, p. 393-401.
«L a fabrication du parchemin d'après les documents hébreux», dans
Actes du X f Congrès international d'Histoire des Sciences, volume
III-IV, Moscou, 1973, p. 195-198.
« Difficultés et problèmes rencontrés lors de la rédaction et de
l'impression du premier tome des « Manuscrits médiévaux » et
solutions adoptées », dans La paléographie hébraïque médiévale
(Colloques internationaux du C.N.R.S., n°547), Paris, 1974, p. 57-62
et planches XXXVIII-XL.
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT XVII

« L'étude du tracé de l'écriture », dans Les techniques de laboratoire dans


rétude des manuscrits (Colloques internationaux du C.N.R.S.,
n°548), Paris, 1974, p. 17-24.
« Les caractères codicologiques des Bibles de Léningrad », dans
Scriptorium, 28, 1974, p. 510-514.
« Un acte de fiançailles du XIVe siècle en Dauphiné », (en hébreu), dans
Tarbiz, 43, 1974, p. 199-204.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale : les
écritures hébraïques en France », dans Annuaire de VEcole Pratique
des Hautes Etudes, IVe section, 1973-1974, p. 441-449.
« Deux philosophes juifs répondent à Abner de Burgos à propos du libre
arbitre humain et de l'omniscience divine », dans Mélanges André
Neher, Paris, 1975, p. 87-94.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale : un
fragment de livre de prières du XIIe siècle », dans Annuaire de
VEcole Pratique des Hautes Etudes, IIe section, 1975, p. 559-574
plus 3 planches hors-texte.
« Les visions divines de Hanokh b. Salomon al-Qostantini, édition et
commentaire», dans Eshel Beer-Sheva, 1, p. 120-199 (repris dans
Les Visions divines, Jérusalem, 1976).
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale :
description et comparaison des lettres de l'écriture manuscrite » dans
Annuaire de VEcole Pratique des Hautes Etudes, IVe section, 1975-
1976, p. 571-580 plus 5 planches hors-texte.
« Le livre Rouah Hen », dans Actes du Congrès international des Etudes
Juives, volume III, Jérusalem, 1977, p. 117-123.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale :
manuscrits et incunables », dans Annuaire de VEcole Pratique des
Hautes Etudes, IVe section, 1977, p. 553-555.
« L'enseignement du récit de la Genèse selon Maimonide et ses
commentateurs » (en hébreu), dans Hagout-we-Miqra, Jérusalem,
1977, p. 5-11.
« Juda b. Salomon ha-Cohen, philosophe, astronome et peut-être
kabbaliste de la première moitié du XIIIe siècle », dans Italia, I, 2,
1978, p. 39-61.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale : le
ductus des écritures du IIe au VIIIe siècle », dans Annuaire de VEcole
XVIII ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

Pratique des Hautes Etudes, IVe section, 1977-1978, p. 615-628 plus


2 dépliants hors-texte.
« La pensée philosophique de Moïse Ibn Tibbon », dans Revue des
Etudes Juives, CXXXVIII, 1979, p. 505-515.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale : les
papyrus », dans Annuaire de VEcole Pratique des Hautes Etudes, IVe
section, 1979, p. 526-528bis plus 9 planches.
« La kabbale d’après Juda b. Salomon ha-Cohen », dans Hommage à
Georges Vajda, éd. G. N ahon et CH. TOUATI, Louvain, 1980, p. 57-
67.
« Manuscrits hébreux, paléographie hébraïque », dans Revue des Etudes
Juives, CXXXIX, 1980, p. 57-67.
« Une brique mystérieuse » (avec M. DUKAN), dans Genava, XXVIII,
1980, p. 91-95.
« La pensée philosophique d’Ephraïm al-Naqawa », dans D a’at, V, 1980,
p. 5-21.
« La lettre sur la création du monde de Shemarya ben Elie de Crête »,
édition et commentaire (en hébreu), dans Eshel Beer-Sheva, II, 1981,
p. 199-227.
« Médecine et paléographie » (en collaboration avec R. HlNZELIN), dans
Courrier du C.N.R.S., 39, janvier 1981, p. 29-32.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale :
l'écriture de quatre papyrus », dans Annuaire de VEcole Pratique des
Hautes Etudes, IVe section, 1979 (1982), p. 526-528 plus 9 planches.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale »,
dans Livret de VEcole Pratique des Hautes Etudes, tome I, 1978-
1979 et 1980-1981, (1982), p. 127-128.
« Ecriture sur pierre et écriture sur parchemin, les Juifs de Paris au XIIIe
siècle », dans Revue du Louvre, oct. 1983, n°4, p. 249-254.
« Méthodologie comparative des écritures » (avec E. Engel), (en hébreu),
dans VIIF Congrès international des Etudes Juives, Jérusalem, 1982,
p. 77-81.
« Unique codex provides vital dues », dans Genizah Fragments, the
Newsletter o f Cambridge University's Taylor-Schechter Genizah
Research Unit, avril 1983, p. 3-4.
« Edition des textes philosophiques médiévaux, questions de
méthodologie», dansDa'at, 10, 1983,p. 1-13.
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT XIX

« Les fragments Shapira », dans Revue des Etudes Juives, CXLIII, 1984,
p. 95-111.
« Une inscription hébraïque sur amphore trouvée à Ravenne », (avec
M. D ukan et M. ZERDOUN), dans Revue des Etudes Juives, CXLIII,
1984, p. 287-303.
« Le livre hébreu dans les premiers siècles de notre ère : le témoignage
des textes », dans Calames et Cahiers, Mélanges de codicologie et
paléographie offerts à L. Gilissen, éd. J. LEMAIRE et E. VAN
Balberghe , Bruxelles, 1985, p. 169-176 (repris dans Les débuts du
codex, éd. A. BLANCHARD, Bibliologia 9, Tumhout, Brepols, 1989,
p. 115-124).
« Un contrat de mariage juif au Ve siècle » (avec P. CAUDELIER), dans
Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Comptes-rendus des
séances de l'année 1985, avril-juin, p. 348-360.
« La paléographie médiévale », dans Gazette du Livre Médiéval, 7,
automne 1985, p. 11-14.
« Les philosophes juifs d'Espagne au Moyen Age et leurs rapports avec la
philosophie arabe et chrétienne. L'Espagne et la pensée juive »,
Colloque C.N.R.S. / Bibliothèque espagnole, 26 novembre 1984,
dans Revue des Etudes Juives, XCLIV, 1985, p. 36-56.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale »,
dans Annuaire de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, IVe section,
tome 2,1981-1982 et 1982-1983, (1985), p. 127-128.
« Gersonide », Chapitre XI de Philosophes médiévaux des XIII et XIVe
siècles, sous la direction de R. IMBACH et M.-H. MÉLÉARD, dans
10/18, série Bibliothèque médiévale, Paris, 1985, p. 307-334.
« Sur deux fragments de la Gueniza », dans Les nouveaux cahiers, 86,
1986, p. 62-66.
« Les idées politiques de Nissim de Marseille », dans Revue des Etudes
Juives, CXLV, 1986, p. 257-261.
« Les moyens d'investigation scientifiques et les manuscrits hébreux du
Moyen Age », dans Scriptorium, XL, 1986, p. 278-296.
« Les pierres ont leur langage », dans Les nouveaux cahiers, 87, 1986-
1987, p. 41-42.
« La lettre et l'espace », dans Interpréter, Cahiers de psychologie de l'art
et de la culture, 12, hiver 1986-1987, p. 65-85.
XX ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

« Sur l'histoire de l'écriture », propos recueillis par D. CHOUCHAN, dans


Brises, récriture électronique, octobre 1986, p. 6-12.
«Maimonide, leader politique», dans Colloque U.N.E.S.C.O. :
Maimonide, Paris, éd. Eres, 1986, p. 101-113.
« Les manuscrits en caractères hébraïques, réalités d'hier et histoire
d’aujourd'hui », dans Scrittura e Civiltà, 10, 1986, p. 239-288.
« La morphologie humaine et la direction des écritures », dans Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, comptes-rendus des séances de
l'année 1987, janvier-mars, p. 7-56.
« Philosophie juive », dans Bulletin de la société internationale de
philosophie médiévale, 29, 1987, p. 65-70.
« Rapport sur les conférences de paléographie hébraïque médiévale »,
dans Livret de VEcole Pratique des Hautes Etudes, IVe section, tome
3, 1983-1984 et 1984-1985 (1987), p. 85-86.
«The Material Conditions of the Lateralization of the Ductus”, dans
The Alphabet and the Brain, éd. D. DE K erkhove et
CH. J. LUMSDEN (Springer-Verlag), Berlin-Heidelberg-New York-
London-Paris-Tokyo, 1988, p. 173-201.
Dans Le Livre au Moyen Age, sous la direction de J. G lÉNISSON, Paris,
Presses du C.N.R.S., 1988 :
« du rouleau au codex », p. 14-21 ;
« le parchemin », p. 22-23 ;
« le papier », p. 32-33 ;
« les scribes hébreux » (avec M. Dukan), p. 56-63 ;
« le manuscrit dans les communautés hébraïques », p. 138-
143.
« La composition et l'édition des textes philosophiques juifs au Moyen
Age : quelques exemples », dans Bulletin de philosophie médiévale,
30, 1988, p. 224-232.
« L'oral et l'écrit, le livre », dans Préfaces, 11, 1989, p. 76-79.
« Paléographie hébraïque et paléographie samaritaine », dans Etudes
samaritaines, Pentateuque et Targum, Exégèse et Philosophie,
Chroniques, éd. J.-P. ROTHSCHILD et G. D. SlXDENIER, Louvain-
Paris, E. Peeters, 1988, p. 45-55.
« Les traducteurs juifs à la cour des Rois de Sicile et de Naples », dans
Traduction et Traducteurs au Moyen Age, éd. G. CONTAMINE. Actes
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT XXI

du Colloque international du C.N.R.S. / I.R.H.T., 26-28 mai 1986,


Paris, Editions du C.N.R.S., 1989, p. 169-191.
« Le codex de bois », dans Les débuts du codex, éd. A. BLANCHARD,
Bibliologia 9, Tumhout, Brepols, 1989, p. 37-40.
Dans Mise en page et mise en texte du livre manuscrit, sous la direction
de H.-J. MARTIN et J. V ezin , Paris, éditions du Cercle de la Librairie,
Promodis, 1990 :
- « le livre hébreu en Palestine », p. 24-29 ;
- « la bible hébraïque : le rouleau d’Isaïe », p. 56-59 ;
- « la bible hébraïque médiévale : le codex le plus ancien »,
p. 90-94 ;
- « une bible rochelaise », p. 95-99 ;
- « le plus beau manuscrit hébreu écrit en France », p. 100-
104;
- « le premier Talmud complet », p. 184-187 ;
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« The political ideas of Nissim ben Moses of Marseille » (en hébreu),
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Volume, volume II, Jerusalem, 1990, p. 53-76 (résumé anglais p. X).
« La philosophie et la science selon les philosophes juifs du Moyen
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I. N iiniluoto , Helsinki, 1990, p. 250-261.
« Introduction », dans L'écriture : le cerveau, l'œil et la main, éd. C. SlRAT,
J. IRIGOIN et E. POULLE, Bibliologia 10, Tumhout, Brepols, 1990, p. 3-19.
« Ecritures contrôlées et écritures personnelles : un modèle de l'activité
graphémique basé sur l’expérience paléographique » (avec T. S. VlNH),
ibid., p. 155-193.
« L'écriture et les femmes juives durant le Moyen Age », dans Les
nouveaux cahiers, 101, été 1990, p. 14-23.
« Le livre hébreu en France au Moyen Age », dans Michael, The
Diaspora Research Institute, vol. XII, 1991, p. 299-336.
«A n Expert Vision System for Analysis of Hebrew Characters and
Authentification of Manuscripts », L. LikfORMan -Sulem , H. M aître
et C. SlRAT, dans Pattern Recognition, vol. 24, n° 2, 1991, p. 121-137.
XXII ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

« Une liste de manuscrits : préliminaire à une nouvelle édition du Dalalat


al-Hayryn », dans Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen
Age, 58, 1991, p. 9-29.
« Scrivere per diletto », dans G. ZEVOLA, ed., Piaceri di noia (trad.
D. N ebbiai), Milano, Leonardo, 1991, p. 19-32.
« Les rouleaux bibliques, de Qumran au Moyen Age : du livre au Sefer
Tora, de l'oreille à l'œil », dans Comptes rendus de l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 1991, avril-juin, p. 417-432.
« La tradition manuscrite des Guerres du Seigneur », dans Gersonide en
son temps, éd. G. Dahan , Louvain, Peeters, 1991, p. 301-328.
« Les avatars de la reproduction », dans Recherche et Histoire des
Textes : Filmothèques, photothèques et techniques nouvelles,
Colloque international de l'I.R.H.T.-C.N.R.S. (23-25 novembre 1987),
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« Les papyrus en caractères hébraïques », dans Proceedings o f the XIX
International Congress o f Papyrology, Cairo, 2-9 September 1989, ed.
A.H.S. El -M0SSALAMY, Cairo, 1992, vol. II, pp. 527-531.
« Genesis discovery », dans Genizah Fragments n° 23, aprii 1992, p. 2 et
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« The Jews », dans Perceptions o f the Ancient Greeks, éd. K. J. DOVER,
Oxford, Blackwell, 1992, p. 54-78.
« Les éditions critiques : un mythe », dans Les problèmes posés par
l'édition critique des textes anciens et médiévaux, éd. J. HAMESSE,
Louvain la Neuve, Brepols, 1992, p. 159-170.
« Les tablettes à écrire dans le monde ju if », dans Les tablettes à écrire de
l'Antiquité à l'Epoque moderne, éd. E. L al OU, Bibliologia 12,
Tumhout, Brepols, 1992, p. 53-59.
« Lo spazio letterario ebreo nel medioevo : la creazione dei testi », dans
Lo spazio letterario del medioevo I. Il medioevo latino, vol. 1. La
produzione del testo, direttori G . CAVALLO, CL. LEONARDI,
E. M enesto , Roma, Salerno editrice, 1993, p. 269-290.
« Orality / Literacy, Languages and Alphabets. Example of the Jewish
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Literacy. Concepts, Methods, Data, Siena, Italy 24-26 septembre
1992, éd. Cl . P ontecorvo et Cl . B lanche -Benveniste, European
Science Foundation, janvier 1993, p. 49-88 ; résumé : Orality /
Literacy, Languages and Alphabets. Examples from Jewish cultures,
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT XXIII

dans Writing Development, éd. CL. PONTECORVO, Studies in Written


Language and Literacy, 6, Amsterdam-Philadelphia, John Benjamins,
1997, p . 101-115.
« Par l'oreille et par l'œil : la Bible hébraïque et les livres qui la portent »,
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association with Brandeis University Press, 1993, voi. 1, p. 233-249.
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« Les bases de la communication : édition et circulation des textes
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l'histoire, dir. S. TRIGANO, Paris, Fayard, 1993, tome IV, p. 199-229
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« La description des matériaux des manuscrits hébreux : vingt-cinq ans
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Materials and Techniques, éd. M . MANIACI, P. F. MUNAFÒ, Studi e
Testi 357-358, Cité du Vatican, 1993, p. 333-353.
« The Completion of the Kalii, the Humash of St-Petersburg », avec
Y. ZiRLIN, (en hébreu), dans Kyriat Sefer, 64, 1992-1993, p. 305-313.
« Handwriting and the writing hand », dans Writing Systems and
Cognition. Perspectives from Psychology, Physiology, Linguistics and
Semiotics, éd. W. C. WATT, Dordrecht-Boston-London, Kluwer Academic
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« Quelques réflexions sur l'écriture et la paléographie », dans La Gazette
du Livre médiéval, 24, 1994, p. 25-29.
« La filosofía ebraica alla corte di Federico II », dans Federico II e le
scienze, Palermo, Sellerio editore, 1995, p. 185-197.
« Deux mots de philosophie juive au destin divergent », dans Vocabulary
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O . WEIJERS, Tumhout, Brepols, 1995, p. 236-251.
« Rouleaux de la Tora antérieurs à l'an mille », (avec la collaboration de
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Inscriptions et Belles-Lettres, 1994 (1995), p. 861-887 ; résumé en
hébreu avec A. YARDENI, dans Asuphot Kiryat Sefer, 200, p. 105-110.
XXIV ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

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Congrès international de Philosophie médiévale, Ottawa, du 17 au 22
août 1992, éd. C. BAZÀN, E . ANDÚJAR, L. G . SBROCCHI, New York-
Ottawa-Toronto, Legas, 1996, p. 289-318.
« La IVe section de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et les
enseignements des matières hébraïques et juives », dans Les études
juives en France, hier et aujourd'hui, Hommage à R.-S. Sirat, Yod
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Préface à I Frammenti ebraici di Modena. Inventari dei Manoscritti delle
Biblioteche d'Italia, volume CX, Inventario e catalogo redatti da
M. P erani et S. Campanini, Firenze, Leo L. Olschki, 1997, p. 11-14.
« Le Talmud, le texte et les livres », dans Le livre et l'historien, études
offertes en l'honneur du Professeur Henri-Jean Martin, réunies par
F. B arbier , A. P arent -Charon , F. Dupuigrenet D esroussilles,
Cl . J olly , D. V arry , Genève, Droz, 1997, p. 47-67.
« L'enseignement des disciplines dans le monde hébreu », dans
L'enseignement des disciplines à la Faculté des arts (Paris-Oxford,
XLIF-XIY6 siècles), ed. O . WEIJERS et L. HOLTZ, Tumhout, Brepols,
1997, p. 495-509.
« Le livre hébreu : rencontre de la tradition juive et de l'esthétique
française », dans Ras hi et la culture juive en France du Nord au
Moyen Age, éd. G. D ahan , G. NAHON, E. NICOLAS, E. PEETERS,
Paris-Louvain, 1997, p. 243-259.
« Les codex de la Bible hébraïque en pays d'Islam jusqu'à 1200 : formes
et formats » avec M. DUKAN, dans Scribes et manuscrits du Moyen
Orient, études et recherches, éd. F. DÉROCHE, Paris, B.n.F., 1997,
p. 35-56.
« Should we stop teaching Maimonides ? », in Paradigms in Jewish
Philosophy, éd. R. JOSPE, Madison, Teaneck, 1997, p. 136-144.
« Pour quelle raison trouve-t-on au Moyen Age des quinions et des
quaternions ? Une tentative d'explication », dans Recherches de
codicologie comparée. La composition du codex au Moyen Age en
Orient et en Occident, éd. PH. HOFFMANN, Paris, 1998, p. 131-135.
« Les lettres hébraïques, leur existence idéale et matérielle », dans
Perspectives on Jewish Thought and Mysticism, éd. A. L. IVRY,
E. R. WOLFSON, A. Arkush , Amsterdam, Harwood Academie
Publishers, 1998, p. 237-256.
PUBLICATIONS DE COLETTE SIRAT XXV

« La trace graphique, le geste et la personne », dans Propriétés de


récriture, éd. J.-G. L apacherie , Pau, 1998, p. 19-27.
« Jewish Philosophy », in Routledge History o f Philosophy, volume III,
Medieval Philosophy, éd. J. MARENBON, London-New York, Routledge,
1998, p. 65-95.
« Les sciences juives et la IVe section de l'Ecole Pratique des Hautes
Etudes », dans Conférence d'ouverture de M. Jean-Pierre Rothschild,
Directeur d'études de langue et littérature hébraïques dans l'Occident
médiéval et moderne, Paris, 1998, p. 47-62.
« Notes sur la circulation des livres entre Juifs et Chrétiens au Moyen-
Age », dans Du copiste au collectionneur, Mélanges d'histoire des
textes et des bibliothèques en l'honneur d'André Vernet, Bibliologia
18, Tumhout, Brepols, 1998, pp. 383-400.
« Les manuscrits du Talmud en France du Nord au XIIIe siècle », dans Le
brûlement du Talmud à Paris, 1242-1244, éd. G. DAHAN, Paris, Le
Cerf, 1999, p. 121-139.
« A la cour de Frédéric II Hohenstaufen : une controverse philosophique
entre Juda ha-Cohen et un sage chrétien », dans Italia. In memory o f
Giuseppe Sermoneta, vol. XIII-XV, éd. R. BONFIL, M. SlLVERA,
F. Parente , L. Cuomo et A. R athans , 2001, Jerusalem, The
Hebrew University Magnes Press, p. 210-223.
« Biblical Commentaries and Christian Influence : the Case of
Gersonides », dans Hebrew Scholarship and the Medieval World, éd.
N. DE LANGE, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 210-
223.
« Charles Touati et l’histoire de la philosophie médiévale », dans Torah
et sciences : perspectives historiques et théoriques, Etudes offertes à
Charles Touati, éd. G. FREUDENTHAL, J.-P. ROTHSCHILD, G. DAHAN,
Paris-Louvain-Sterling (Virginia), 2001, p. 19-25.
« Les manuscrits médiévaux en caractères hébraïques, témoins de la
culture juive », dans Les trois révolutions du livre, Catalogue de
l’exposition du musée des Arts et Métiers, sous la direction de
A. M ercier , Paris, 2002, p. 101-108.
Dans Les méthodes de travail de Gersonide et le maniement du savoir
chez les scolastiques, édité par C. SlRAT, S. K lein -Braslavy et
O. W eijers , avec la collaboration de P. BOBICHON, Paris, Vrin, 2003,
« Avant-propos », p. 7-8 ;
XXVI ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

« Prologue », p. 9-18 ;
« Le cursus des études et le cadre institutionnel et
intellectuel chez les Juifs », p. 18-27 ;
avec O.W eijers : « Les genres littéraires des textes hébreux
ou traduits de l’arabe et ceux des textes latins », p. 32-39 ;
« Un recueil de questions », p. 149-157 ;
« La structure d'une question », p. 170-180 ;
« La méthode d'exégèse et une brève analyse de l'exégèse de
deux péricopes de la Torah », p. 215- 259 ;
« Méthode de travail et liberté de penser », p. 287-291 ;
avec S. K lein -Braslavy : « Gersonide, homme de son
temps », p. 317-324 ;
Traduction de l'introduction au commentaire sur la Torah,
p. 340-353 ;
Traduction de l'introduction au commentaire sur l'Ecclé-
siaste, p. 354- 356.
« En vision globale : les juifs médiévaux et les livres latins », dans La
tradition vive. Mélanges d'histoire des textes en l'honneur de Louis
Holtz, réunis par P. LARDET, Bibliologia 20, Tumhout, Brepols, 2003,
p. 15-20 et 4 planches.
Dans la série Monumenta Palaeographica Medii Aevi, Series hebraica,
Inscriptiones hebraicis litteris exaratae quo tempore scriptae fuerint
exhibentes, I, Las inscriptiones funerarias hebraicas medievales de
España, par J. CASANOVAS MIRO, Brepols, Tumhout, 2004, Préface,
p. 5-6.
A. C h ah la n e

LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES


D’AVERROES

L’œuvre et la recherche d’Averroès s’inscrivent dans le cadre d’une


culture scientifique englobant l’ensemble des connaissances de son
époque, tant celles adressées à un plus grand public, sciences légales,
belles-lettres («adab), sciences du langage, que celles réservées à
1’« élite » : théologie musulmane (kalâm), « sciences des Anciens »,
falsafa, mathématiques, médecine, discipline dans laquelle Averroès fut
versé à la fois comme théoricien et praticien, ce qui devait lui permettre
d ’appliquer sa connaissance des maladies touchant les individus et des
remèdes qui leur étaient prodigués pour diagnostiquer les maux des états,
et juger de la manière de conduire leur politique et de redresser leurs
travers.
Averroès était persuadé que l’outil essentiel de la construction des
fondements de la politique ne pouvait être, en fin de compte, que l’art de
la logique. La politique consiste en effet dans le gouvernement (tadbïr) et
celui-ci requiert l’usage de la raison ; et la logique fournit le critère des
normes de la raison. Aussi Averroès se consacra-t-il dès le tout début de
son activité philosophique à l’étude des ouvrages de logique. La matière
de son projet politique était présente dans la République de Platon,
Y Ethique à Nicomaque, et aussi dans le corpus logique d’Aristote.
Il s’agit des Catégories, du De interpretatione, des Premiers et
Seconds analytiques, des Topiques, des Réfutations sophistiques, de la
Rhétorique et de la Poétique, auxquels s’ajoutait YIsagoge de Porphyre,
composée au IIIe siècle comme une introduction aux Catégories
d’Aristote. Cet ouvrage connut une grande fortune, il fut mis en tête du
corpus logique aristotélicien et intégré à ce qui serait nommé dans
l’Antiquité tardive Y Organon.
Ces textes furent traduits en arabe à la grande époque de la
civilisation musulmane. La plupart de ces versions sont corrompues et de
style obscur. Beaucoup ne furent pas faites directement, mais par
l ’intermédiaire du syriaque. Les traducteurs étaient mus tantôt par des
soucis scientifiques, tantôt par la perspective de monnayer leur travail. Le
contexte culturel ne favorisait pas la production de textes corrects,
conformes aux règles de la traduction et au bagage culturel de leurs
2 A. CHAHLANE

destinataires. Certains traducteurs ne maîtrisaient pas non plus les


subtilités de la langue arabe littéraire, aux immenses ressources oratoires,
mais assez pauvre encore en notions philosophiques. En somme, les
premiers traducteurs s’efforcèrent de combler une demande, sans pour
autant posséder un bagage technique, des antécédents qui auraient pu
faciliter l ’acculturation entre deux civilisations extrêmement différentes
par leurs caractères.
Les premiers musulmans qui en Orient s’occupèrent de ces sciences
s’accommodèrent du fait, tout d’abord dans un empire omeyyade plutôt
préoccupé d’organiser son administration, consigner ses registres
d’impôts, etc. ; sous l’empire des Abbassides, qui avaient mis à leur
service des éléments non arabes, héritiers d’autres traditions culturelles,
linguistiques et intellectuelles, commencèrent d’apparaître des signes de
différenciation culturelle, et les conséquences de l’usage d’idiomes
appartenant à des familles linguistiques différentes. La perception de ces
différences n ’était cependant pas encore flagrante, car c’étaient, à cette
époque, les dépositaires d’autres traditions culturelles qui devaient
s’adapter à l ’environnement arabe, particulièrement aux époques les plus
précoces de la domination islamique ; et la langue arabe détenait une
suprématie absolue, qu’elle devait en particulier à l’influence du Coran.
Le sentiment de ces écarts culturels ne devint flagrant, et n ’exerça ses
effets de façon beaucoup plus profonde, que lorsque des pouvoirs
musulmans et des savants de l’Islam furent confrontés aux cultures de
1’« autre » loin des terres arabes, et ce en dépit de la faiblesse qui affectait
déjà ces cultures à ces époques. C’est alors que l’on put percevoir l’effet
de la diversité des langues, des us et coutumes, et des divergences de
visions du monde. Cette nouvelle acculturation ne procurait pas aux
arabo-musulmans « la science », puisque c’était eux, dans ce cas, qui
l’apportaient, mais créait les conditions d’un amuïssement des sentiments
tribaux et de l’autorité symbolique de l’aristocratie arabe. Une telle
expérience fut vécue en profondeur en al-Andalus, où des esprits éclairés,
en Espagne comme dans l’ensemble de l’Occident, simples savants ou
princes, étudiant les sciences grecques dans cet Occident musulman
modelé par la particularité de ses usages, de sa géographie, de son sol et
de son héritage ancien, s’aperçurent de la déficience des anciennes
traductions gréco-arabes. Le chroniqueur ‘Abd al-Wähid al-Marmkusï
rapporte d’Averroès, dans un célèbre passage de son ouvrage al-Mu ‘gibf î
ahbâr al-Magrib, le récit suivant :
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 3

Abü Bakr Ibn Tufayl me convoqua un jour et me dit : « J’ai entendu aujourd’hui le
Prince des croyants. Il se plaint de l’embarras de l’expression d ’Aristote ou de ses
traducteurs, et évoque la difficulté de comprendre ses intentions. Il m ’a dit : “S’il se
trouvait quelqu’un pour déterminer avec précision le sens de ces livres (yulahhisu-
ha) et rendre accessibles leurs visées après les avoir bien compris, leur assimilation
serait plus aisée pour les gens.” Si tu as en toi assez de force pour cela, fais-le. Moi,
je souhaite que tu t ’en acquittes, étant donné ce que je sais de la qualité de ton
esprit, de la netteté de ton aptitude et de la force de ton inclination à l’étude. Ce qui
m ’en empêche, ce n ’est - comme tu le sais - que mon âge avancé, mon occupation
à servir et le soin queje consacre à ce que j ’ai de plus important que cela ». Abü al-
Walïd [Ibn Rusd] dit : « C’est donc cela qui m ’a conduit aux commentaires (talhïs)
que j ’ai faits des livres d ’Aristote"1.

Le Calife à l’origine de cette suggestion mémorable qui allait


changer le cours de l’histoire de la pensée n ’était pas un homme commun,
mais un savant versé dans les sciences anciennes et la philosophie. Al-
Marrâkusï, chroniqueur de la dynastie almohade, dresse le portrait du
calife Abü Ya‘qüb Yüsuf, fils de ‘Abd al-Mu’min, au cours de la séance
où Ibn Tufayl lui présenta Averroès, et où le philosophe de Cordoue se
vit poser la célèbre question : « Quelle est l’opinion des philosophes au
sujet du ciel ? Le croient-ils étemel ou créé ? ». Après une hésitation
d’Averroès :

Le Prince des croyants se tourna vers Ibn Tufayl et se mit à parler sur la question
qu’il m ’avait posée ; il rappela ce qu’avaient dit Aristote, Platon et tous les
philosophes, et cita en même temps les arguments allégués contre eux par les
musulmans. Je [Averroès] remarquai en lui une vaste érudition que je n ’aurais
soupçonnée même chez ceux qui s’occupent de ces matières et lui consacrent tous
leurs loisirs. Il finit tout de même par me mettre à l’aise, de sorte que je finis par
parler et qu’il sut ce queje possédais de cette science 2.

Ce dialogue se déroule dans un palais princier. C’est le prince qui


suggère. La question, d’emblée, est donc d’ordre politique. C ’est ce qui
permet à Averroès, Grand Cadi contrôlant la politique judiciaire de l’état,
de réaliser son ambition. C’est toute sa vie dans le cadre dessiné par cette

1 ‘A bd al-M u‘gib f î ahbâr al-Magrib, éd. S. al -


al -W â Hid al -M ar räkus I,
‘U r y â n et M. le Caire, 1949, p. 243 ; trad, d ’après D. U rv o y ,
al -T lâbi al - 4A lami ,
Averroès. Les ambitions d ’un intellectuel musulman, Paris, 1998, p. 88-89, légèrement
modifiée.
2 Al-Mu ‘gib, ibid., p. 242-243. Trad. D. U r v o y , op. cit., ibid., p. 88.
4 A. CHAHLANE

volonté politique, et pour satisfaire cette demande, qu’il travaillerait,


malgré les risques encourus. Il n ’y a pas lieu ici d’examiner les raisons
pour lesquelles de tels risques existèrent, ce qui serait le sujet d’un autre
travail. Notre objet est l’intérêt d’Averroès pour la logique, vue comme
un instrument du gouvernement de la collectivité et des individus.
Comme on l’a vu, 1’Organon aristotélicien se constitue dans la
tradition philosophique arabo-musulmane de neuf livres : Isagoge de
Porphyre ; Cat., De interpr., Anal, prior., Anal, post., Top., Soph, elench.,
Rhet. et Poet. (d’Aristote).
Averroès a commenté chacun de ces textes une fois ou plus. Il avait
l’habitude d’y revenir, chaque œuvre pouvant faire l’objet de trois
niveaux de commentaire : Epitomé (muhtasar), Paraphrase {talMs) et
Grand Commentaire ad litteram {sarh ou tafsïr). Les Anal. post, ont fait
l’objet des trois types de commentaire ; YIsagoge, les Cat., le De interpr.,
les Anal, prior, et post., les Top., les Soph, elench., la Rhet. et la Poet, ont
fourni un Epitomé et une Paraphrase. Des quaestiones ont également été
consacrées à la logique. Voici le détail de ces commentaires :

I. Epitomé de la logique

L’Epitomé de la logique, où « ce qui est nécessaire en logique » {al-


Darürï f i al-mantiq) comprend YIsagoge de Porphyre. Averroès ne
mentionne pas la date de l’Epitomé. Il n ’en existe plus de copie en
caractères arabes, mais deux manuscrits en arabe et en caractères
hébraïques en sont conservés, à Paris et Munich3. Il en existe une
traduction hébraïco-latine, imprimée notamment dans la fameuse édition
dite des Juntes des œuvres d’Aristote avec les commentaires d’Averroès4.
L’Epitomé porte également sur les oeuvres d’Aristote déjà mentionnées.
Jusqu’à présent, il est pour la plus grande part inédit en arabe. Bien que le
texte arabe soit intégralement conservé dans les copies en caractères
hébreux précitées, les sections portant sur les six premiers textes

3 Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. hebr. 1008, ff. lr-96v ; Munich,
Bayerische Staatsbibliothek, Ms. hebr. 964, ff. Ir - 86v (Codex Arabicus 650a ; Codex
Hebraicus 309).
4 Averrois Cordubensis Epitome in Libros Logicae Aristotelis, Abramo de Balmes
interprete {Aristotelis Opera cum Averrois Commentariis, Venetiis, apud Junctas, 1562,
réimpr. Francfort-sur-le-Main, 1962), vol. I, ff. 36r-75r.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 5

aristotéliciens sont encore à l’état manuscrit5. L’Epitomé de l’Organon fut


traduit en hébreu à trois reprises, une première fois par Jacob b. Makhir
(Don Profeit Tibbon) en 5050/1289, puis par Samuel B. Yehudah de
Marseille en 5090/1329. La traduction de Jacob b. Makhir fut imprimée
en Italie au XVIe siècle sous le titre « Tout Part de la logique d’Aristote
selon les Epitomés d’Averroès »6. Steinschneider évoque encore une
troisième traduction, qui aurait été l ’œuvre de Jacob Anatoli.

II. Paraphrases

1. Sur YIsagoge
Averroès ne fait pas grand cas de Porphyre, dont il réprouve la
prétention à critiquer Aristote. C’est à la demande d’un « confrère » qu’il
entreprit de commenter VIsagoge, comme il le déclare dans le prologue
de l’œuvre : « Celui qui nous a incité à en faire la paraphrase est l’un de
nos conifères qui s’occupent d’examen rationnel et y sont exercés, dans
la communauté de Murcie »7. L’original arabe du texte est perdu, et la
traduction hébraïque n ’indique pas de date de rédaction. Il est probable
qu’Averroès l’ait laissée dans l’ombre.
C’est Jacob Anatoli qui traduisit en hébreu les Paraphrases de
Y Isagoge, des Cat., de De interpr., Anal. pr. et Anal. post.

5 La dernière section, sur la Poétique, se lit en appendice dans II Commento medio


di Averroe alla Poetica di Aristotele (...) (Annali delle Università Toscane. Parte prima :
Scienze noologiche 11, 1869) [1872?], «Appendice A », p. I-III ; éd. de l’arabe et de
l’hébreu F. L asin io . Les trois dernières sections se trouvent dans Averroès’ Three Short
Commentaries on Aristotle’s ‘Topics’, ‘Rhetoric’, and Poetics’, éd. et trad, anglaise
C h . E. B utterw orth , Albany, 1977.
6 Kol melekhet ha-higgayon le-Aristutalus mi-qitsure Ibn Rushd [...], Riva di
Trento, 1559.
7 Edition de la version hébraïque : Averrois Cordubensis Commentarium Medium
in Porphyrii Isagogen et Aristotelis Categorias (Ha-be ’ ur ha-emtsa ‘i shel Ibn Rushd ‘al
sefer ha-mabo ’ le-Porfuriyos ve-sefer ha-ma ’ amarot le-Aristoteles), éd. H. A. D avidso n
(CCAA, Versionum Hebraicarum Vol. I, a), Cambridge, Mass.- Berkeley - Los Angeles,
1969.
6 A. CHAHLANE

2. Sur les Catégories


La Paraphrase des Catégories8 fut traduite en hébreu par Anatoli en
4992/1232 à Naples, cette version hébraïque se lit également dans
l’édition, précitée, de H. Davidson.

3. Sur le De interpretatione
La Paraphrase9 fut également traduite par Jacob Anatoli à Naples, la
même année que le texte précédent. Cette version hébraïque est encore
inédite10.

4. Sur les Premiers analytiques11


Traduction hébraïque Jacob Anatoli, Naples, 1232. Hébreu inédit12.

8 A verroes , Talhîç Kitâb al-Maqoûlât (Bibliotheca arabica scholasticorum, série


arabe 4), éd. M. B o u y g es , Beyrouth, 1932 ; réimpr. Beyrouth, 1983 ; Ib n R u s d , Talhïs
kitâb al-maqülât (Averrois Cordubensis in Aristotelis Categorias), éd. M. Q âsim , révisée
par C h . B utterw orth et A. 6A. H arîdî (CCAA, Versio Arabica, vol. I, a, 2), le Caire,
1980 ; dans Ib n R u s d , Talhïs mantiq A risfi (Parap)hrase de la logique d ’Aristote), éd.
G. JÉHAMY, 3 vol., Beyrouth, 1982, vol. I, p. 1-77 : « Talhïs kitâb Qâtïgüriyâs aw kitâb al-
maqülât ». Trad, anglaise dans Averroes’ Middle Commentaries on Aristotle’s Categories
and De interpretatione, trad. C h . E. B utterworth , Princeton, 1983 ; française :
A verroes . Commentaire moyen sur le De interpretatione, trad. A. B enmakhlouf et
S. D iebler [ t ], Paris, 2000.
9 AbÜ al-Walid Ibn Rusd, Talhïs kitâb A risfifilïs f i l- Hbâra, éd. M. S. Sâlim, le
Caire, 1978 ; Ibn Rusd, Talhïs kitâb al-Hbâra (Averrois Cordubensis in librum Aristotelis
De interpretatione), éd. M. Qâsim, révisée par Ch. Butterworth et A. ‘A. Harïdï
(CCAA, Versio Arabica Vol. I, a, 3), le Caire, 1981 ; Ibn Rusd, Talhïs mantiq Arisfi,
Jehamy, éd. cit., vol. 1, p. 79-133 : « Talhïs kitâb al-‘ibâra aw kitâb Bàri armïnâs ». Trad,
anglaise dans Butterworth, Averroes’Middle Commentaries..., op. cit. supra.
10 A l’exception du premier chapitre, éd. dans F. Lasinio, « Studii sopra Averroe,
V », in Annuario della Società Italiana per gli Studi Orientali 2 (1873), p. 34-267 [arabe
et hébreu du début du texte d’Averrroès, en vis-à-vis, p. 236-241].
11 Ibn Rusd, Talhïs mantiq Arisfi, Jehamy, éd. cit., vol. I, p. 135-366 : «Talhïs
kitâb Anâlütïqï al-awwal aw kitâb al-qiyâs » ; Ibn Rusd, Talhïs kitâb al-qiyâs (Averrois
Cordubensis in Aristotelis Priorum analiticorum libros), éd. M. Qâsim, révisée par
Ch. Butterworth et A. ‘A. Harïdï (CCAA, Versio Arabica Vol. I, a, 4), le Caire, 1983 ;
Ibn Rusd, Talhïs al-qiyâs li-Arisfi, éd. ‘A. Badawï, Koweit, 1988.
12 Sauf premier chapitre, éd. dans Lasinio, « Studii sopra Averroe, V », op. cit.,
[éd. de l’arabe face à l’hébreu p. 242-259].
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 7

5. Sur les Seconds analytiques13


Traduction hébraïque du même, Naples, 1232. Hébreu inédit14.

6. Sur les Topiques15


Traduction hébraïque de Qalonymos b. Qalonymos. Hébreu inédit16.

7. Sur les Réfutations sophistiques17


Cette Paraphrase fut traduite en hébreu par le même en 5074/131418.

8. Sur la Rhétorique19
La traduction hébraïque est l’œuvre de Todros Todrosi, qui l’acheva

13 Ib n R u s d , Talhïs mantiq Arista, JÉHAMY, éd. cit., vol. II, p. 367-495 : « Talhïs
kitâb Anâlütïqâ al-tâniya aw kitâb al-burhân » ; Ib n R u s d , Talhïs kitâb al-qiyâs (Averrois
Cordubensis in Aristotelis Analiticorum posteriorum libros), éd. M. Q äsim , révisée par
C h . B utterworth et A. ‘A. H arïdï (CCAA, Versio Arabica Vol. I, a, 5), le Caire, 1982 ;
dans Ib n R u s d , Sarh al-burhân li-Arisfi wa-talhïs al-burhân (Commentaire et Paraphrase
des Seconds Analytiques d ’Aristote), éd. ‘A. B a d aw î , Koweit, 1984, p. 43-153.
14 Sauf premier chapitre, Lasin io , op. cit., [p. 260-263].
15 Ib n R u s d , Talhïs kitâb al-qiyâs (Averrois Cordubensis in Aristotelis Priorum
analiticorum libros), éd. C h . B utterworth et A. VA. H arïdï (CCAA, Versio Arabica,
Vol. I, a, 6), le Caire, 1979 ; A bü a l -W alïd Ib n R u s d . Talhïs kitâb A risfifà lïsfî al-gadal,
éd. M. S. S älim , le Caire, 1980 ; dans Ib n R u s d , Talhïs mantiq Arista, Jéh am y , éd. cit.,
vol. II, p. 497-666 : « Talhïs kitâb Tübïqâ aw kitâb al-gadal ».
16 F. L asinio en a cependant publié le premier chap, en ar. et en hébr. dans « Studii
sopra Averroe [I-IV] », in Annuario della Società Italiana per gli Studi Orientali 1 (1872)
[p. 125-159], p. 138-143.
17 A b ü al -W alïd Ib n R u s d . Talhïs al-safsata, éd. M. S. S älim , le Caire, 1973 ;
Ib n R u s d , Talhïs mantiq Arista, Jéh am y , éd. cit., Vol. II, p. 667-732 : « Talhïs kitâb
Süfistïqâ aw kitâb al-mugãlata ».
18 Ed. du premier chap. (ar. et hébr.) par L asinio dans « Studii sopra Averroe [I-
IV] », in Annuario..., cit, p. 142-149.
19 Ib n R u s d , Talhïs al-hifiba, éd. ‘A. B ad a w î , le Caire, 1960 ; Talhïs al-hißba,
ta ïïfA B i al -W alïd Ib n R u s d , éd. M. S. S älim , le Caire, 1967 ; A verroes (Ib n R u s d ),
Commentaire moyen à la Rhétorique d'Aristote (Textes et traditions 5), éd. et trad,
française M. A o u a d , 3 vol., Paris, 2002 [vol. I : Introduction générale et tables ; vol. II :
Edition et traduction ; vol. 3 : Commentaire du Commentaire]. Cette dernière édition
dispense des précédentes, rectifiant Badawî en 540 lieux et Sälim en 230. La liste des
divergences avec les éditions antérieures est donnée vol. I, Annexe II, p. 265-277.
8 A. CHAHLANE

à Trinquetaille en 5097. Cette version a été éditée20. C’est elle qui fut
utilisée par Abraham de Balmes pour sa traduction latine21.

9. Sur la Poétique
La paraphrase fut également traduite en hébreu par Todros, la même
année que le texte précédent. L’hébreu a été édité par Lasinio à la suite du
texte arabe22.

20 Averrois commentarius in Aristotelis de arte rhetorica libros tres, hebraice


versus a Todros Todrosi Arelatensi, éd. J. Goldenthal, Leipzig, 1842.
21 Une traduction arabo-latine de quelques passages du commentaire d ’Averroès
avait été faite au XIIIe siècle par Hermann l’Allemand, et intégrée dans sa traduction
(également à partir de l’arabe) de la Rhétorique d’Aristote. Une partie de ces passages ont
été publiés dans L. Bottin, Contributi della tradizione greco-latina e arabo-latina al
testo della retorica di Aristotele, Padoue, 1977, p. 91-97. Edition de la Rhetorica de
Hermann : Rhetorica Aristotelis [...]. Venetiis, per Georgium Arrivabenum, imp.
Octaviani Scoti et soc., 1515. La traduction hébraïco-latine de De Balmes se lit dans
Averrois in libros Rhetoricorum Aristotelis Paraphrases. Abramo de Balmes interprete
(Aristotelis Opera cum Averrois Commentariis, Venetiis: apud Junctas, 1562 [réimpr.
Francfort-sur-le-Main, 1962], éd. cit. supra, vol. II, f. 69r-156v) ; autres éds. : Venise, typ.
Ant. de Sabio, 1523 ; Venise, apud Iuntas, 1550/1552 ; Venise, Cominus de Tridino
Montisferrati, 1560 ; Venise, Iuntae, 1575.
22 Dans II Commento medio di Averroe alia Poetica di Aristotele per la prima
volta pubblicato in arabo e in ebraico..., op cit. n. 5. Lasinio qui ne disposait pour l’arabe
que du ms. Florence, Laurenziana, ms. or. 54, donna en complément une liste des
variantes du ms. Leyde, Rijksuniversiteit Bibliotheek, Cod. or. 2073, entre-temps reconnu
comme seconde copie arabe du texte. Ces notes sont publiées sous le titre « Studj sopra
Averroe, VI », in Giornale della Società Asiatica Italiana, 11 (1897-1898), p. 141-152 ;
12 (1899), p. 197-206. L’arabe de l’éd. Lasinio fut repris dans AristütälIs, Fann al-sVr.
Ma ‘a l-targama al- ‘arabiyya al-qadïma wa-surüh al-Fãrãbí wa-Ibn STnä wa-Ibn Rusd
(Diräsät islämiyya 8), trad, arabe moderne et éd. de la version médiévale du texte
d ’Aristote [accompagnées des comm. d ’AL-FÄRÄBl, Avicenne et Averroès] par
4A. Badawî, Le Caire, 1953, p. 199-250. Autres éds. de l’arabe : Abü al-WalId Ibn
Rusd, Talhïs kitâb A risfifilïs f i al-sVr, éd. M. S. Sälim, Le Caire, 1971 ; Ibn Rusd,
Talhïs kitãb al-si V (Averrois Cordubensis Commentarium medium in Aristotelis De arte
poetica libros), éd. Ch. Butterworth et A. 4A. HarIdï (CCAA, Versio Arabica, vol. I, a,
9), Le Caire, 1986. Version anglaise: Averroes’ Middle Commentary on Aristotle’s
Poetics, trad. Ch. E. Butterworth, Princeton, 1986 ; italienne : C. Baffioni, Averroè :
Commento al ‘Peri Poietikes”, Milan, 1990.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 9

III. Grand Commentaire (Sarh ou Tafsïr) sur les Anal post.

Cette œuvre était considérée comme perdue en arabe, jusqu’à ce


qu’un article ne signalât l’existence d’une copie arabe partielle23. Elle
comprend la majeure partie du commentaire au livre I des Anal p o s t24.
Une traduction hébraïque de l’intégralité du texte fut faite par Qalonymos
b. Qalonymos, traducteur des Topiques et des Réfutations sophistiques.
Elle fut achevée en 5075/1314. Elle se trouve encore à l’état manuscrit25.
Ces commentaires témoignent d’un intérêt considérable pour les
disciplines logiques, vues par Averroès comme un outil parfaitement
approprié à structurer l’esprit, corriger les humains, réformer la société et
le pouvoir politique. A propos de la rhétorique, Averroès déclare que « le
semblable au vrai entre dans la science du vrai, qui est la logique »26. Il
distingue, au sein de l’activité logique, un volet technique, représenté par
les sept premiers livres (de VIsagoge aux Soph, elench.), et d’autre part la
Rhétorique et la Poétique. Dans les ouvrages consacrés aux premiers, il
n ’entre pas dans le détail des questions politiques, même si certains
contiennent des allusions aux déboires personnels qu’il dut parfois
affronter dans la sphère publique. En revanche, la Rhétorique et la
Poétique lui apparaissent comme des endroits propres à faire connaître
ses vues sur le gouvernement des nations et les régimes politiques. Ce qui
permettait cette démarche, c’est que ces deux arts reflétaient les caracté­
ristiques les plus fondamentales de la mentalité et de la langue des
Arabes, et constituaient le sommet de leurs propres réalisations cultu-

23 H. G àtje et H. S choeler , « Averroes’ Schriften zur Logik. Der arabische Text


der Zweiten Analytikern im großen Kommentar des Averroes », in Zeitschrift der
Deutschen Morgenländischen Gesellschaft, 130 (1980), p. 557-85. Cf. aussi
H. H u g o n n a r d -R oche , « Averroès et la tradition des Seconds analytiques », in
G. End r ess et J. A. A ertsen (éds.), Averroes and the Aristotelian Tradition. Sources,
Constitution and Reception o f the Philosophy o f Ibn Rushd (1126-1198). Proceedings o f
the Fourth Symposium Averroicum (Cologne, 1996), Leyde, Boston, Cologne, 1999,
p. 172-187.
24 Ed. ‘A. B a d a w I, Ib n R u s d , Sarh al-burhän li-Arisfi..., éd. cit. n. 13, p. 155-486.
25 Munich, Bayerische Staatsbibliothek, ms. hebr. 32 ; Oxford, Bodleian Library,
Oppenh. 143 ; Parme, Biblioteca Palatina, ms. hebr. 285 ; partiellement dans le ms.
Vienne, Hofbibliothek 114.
26 « ...al-sabïhu bi-l-haqqi qadyadhulu f i Hlmi l-haqqi l i a d huwa ‘ilmu al-mantiq ».
Commentaire moyen à la Rhétorique d ’Aristote, éd. M. A o uad , cit., vol. II, p. 8.
10 A. CHAHLANE

relies. Il ne restait donc qu’à les nourrir des règles de la logique grecque,
considérée comme ayant joué un rôle dans le fonctionnement des
systèmes politiques que les Grecs avaient pratiqués et expérimentés pour
le meilleur et pour le pire. La Rhétorique est donc une partie de la
logique. La rhétorique étudie les conditions dans lesquelles est proférée la
parole, l’information préalable que l’allocuteur doit avoir sur l’esprit de
son allocutaire, ses habitudes et ses connaissances, et plus spécialement
sur sa disposition psychologique. Cette activité complexe est finalisée par
le bien de l’individu, celui du dirigeant et celui de l’état. Ses enjeux sont
éminemment politiques, ce qui conduit Averroès examinant la Rhétorique
d’Aristote à traiter des régimes politiques, de l’histoire des nations et des
dynasties, du conseil aux gouvernants, du bien public et privé, des
coutumes et des lois des nations, de ce qui leur est profitable ou
dommageable, des mœurs, de la justice et de l’injustice, du rapport entre
gouvernés et gouvernant, qui doit être conseillé, et assumer une
responsabilité dans le devenir de la nation. La sauvegarde de la cité est en
effet une obligation incombant à tous les hommes d’intellect au sein de la
nation (umma). C’est ainsi qu’Averroès relie la rhétorique grecque à
l’héritage de la rhétorique (hißba) tel qu’elle était conçue dans l’esprit
arabe, rapprochant des conceptions jusque-là opposées du tout au tout. Il
s’appuie sur une connaissance de la langue classique et de la tradition
poétique arabes, qu’il met à profit également dans la Paraphrase de la
Poétique d’Aristote.
Dans ce commentaire27, la logique est présentée comme l ’instrument
principal de la construction de l’édifice rationnel nécessaire à la réso­
lution des problèmes dogmatiques et métaphysiques. La poésie, quant à
elle, est un instrument important dans l’ordre du gouvernement des cités.
Cette idée est souvent affirmée au cours du livre. L ’efficacité de la poésie
est d’opérer sur les vertus et les vices, deux grands opposés affectant les
cités. Celles-ci connaissent la félicité (sa‘cïda) ou les tourments (saqâ’)
selon que l’un l’emporte sur l’autre. Averroès fait de la poésie une
auxiliaire de la logique, dont la poésie fait partie, ou plutôt, dont pour
cette raison même elle fait partie. De fait, l’ouvrage d’Averroès recourt
amplement à la terminologie logique, utilisant les termes aussi bien dans
leurs acceptions techniques grecques que dans leurs sens lexical arabe. A

27
Cf. réfs. aux éds. supra, n. 22.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 11

cause de l’importance de la poétique comme instrument au service de la


logique, de l’argumentation, de la démonstration et de la persuasion, elle
devient plus proche de la philosophie que n ’importe quel autre art. En
dépit de l’opposition d’Averroès à la présence du poète dans la « cité
idéale », suivant Platon, qui recommandait, tout en estimant et respectant
le poète, de l’expulser de la cité, le philosophe de Cordoue distingue deux
sortes de poésie, la poésie obscène {sVr al-mugün), impudente, etc., à ses
yeux corruptrice des mœurs, dont il signale de nombreux exemples dans
la tradition littéraire arabe ; et la poésie de qualité, mesurée, élevée, qu’il
considère comme un outil indispensable à l’orientation positive des
comportements individuels et collectifs dans différents systèmes
politiques, à laquelle il prête en outre le pouvoir de corriger l’attitude des
souverains et des dignitaires du pouvoir. Sa Paraphrase en comporte
également de nombreux exemples.
Averroès appliqua donc la logique à son projet de réforme politique.
Il attendit un certain temps pour exposer celui-ci de manière définitive car
il espérait mettre la main sur un exemplaire de la Politique d’Aristote, ce
qui ne fut jamais le cas. Il commenta donc à la place la République de
Platon, dont il fit un Epitomé {muhtasar). L’Epitomé, dans la pratique du
philosophe, n ’implique pas simplement d’extraire l’essentiel d’un texte
afin d’en donner une rédaction plus brève que l’original. Le terme
muhtasar acquiert avec Averroès une signification particulière dans l’his­
toire de la philosophie. On l’a dit, le philosophe donna de certains textes
des auteurs grecs trois types de commentaires : Petits Commentaires ou
Epitomés, Commentaires Moyens ou Paraphrases (talMs) et Grands
Commentaires ad litteram {sarh, tafsïr). Certains de ses textes les plus
pénétrants sont peut-être ces Petits Commentaires ou Epitomés, car
l ’auteur n ’y est pas entièrement lié par le déroulement du texte commen­
té. Il s’en pénètre intellectuellement, le retourne dans son esprit, puis le
recrée entièrement en enrichissant le texte de sa propre culture, de son
bagage intellectuel et de son acribie. L’Epitomé est une recréation à
laquelle Averroès imprime sa marque, où il réalise absolument toutes ses
intentions propres. Les questions traitées sont ajustées aux probléma­
tiques de la société arabo-musulmane. Certains des Epitomés portent dans
leurs intitulés l’expression « ce qui est nécessaire » (al-Darürï). La
signification de ce terme est capitale. Elle implique notamment l’adapta­
tion de ce que le sujet traité comporte de caractéristiques propres à une
culture extrêmement différente de la culture arabo-musulmane, aux
réquisits de cette dernière.
12 A. CHAHLANE

C’est en tant que philosophe s’estimant responsable du devenir de


cette communauté qu’Averroès rédigea son Epitomé de la République de
Platon28, en attendant la Politique d’Aristote. Ce commentaire livre de la
République une étude approfondie, qui ne s’en tient pas au texte de Platon
pour l’exposer et en restituer les idées essentielles, mais l’utilise comme
prétexte pour exprimer ses propres conceptions sur les régimes politiques
musulmans depuis la période du prophétat jusqu’à l’époque des Almo­
hades, qui avaient confié à Averroès les plus hautes charges de judicature
et fait de lui un responsable de l’état, tout comme le souverain lui avait
confié la responsabilité de rendre plus accessibles les textes d’Aristote en
faisant disparaître « l’embarras de l’expression » de ses traducteurs, avant
finalement que certains, sans doute pour protéger leurs intérêts
personnels, ne le fissent accuser de s’être éloigné de la vérité.
L ’Epitomé de la République condense l’expérience politique contem­
poraine, vécue par Averroès, avec les turbulences dont celui-ci dut faire
l’épreuve. Cette expérience est restituée à travers la comparaison éton­
nante à laquelle se livre l’auteur entre les régimes politiques de la Grèce
antique et ceux de l’Islam. L’exposé érudit s’y mêle à la critique mesurée.
Le volet érudit tient dans la présentation du contenu de la République, qui
fait appel à des notions n ’ayant souvent aucun rapport avec le passé de la
umma ni sa culture. Les genres littéraires évoqués par Platon ne sont pas
ceux des Arabes. La « musique » (pouaiKp) dont parle Platon dans la
République29 au sens d’instruction ou culture en général, comprenant des
pratiques aussi variées que l’arithmétique, la géométrie, le droit et la
création poétique, est évidemment une notion dépourvue d’équivalent
dans la tradition arabo-musulmane. Il en va de même de l’autre grand
volet de l’éducation platonicienne, la gymnastique (yupvaaia)30 compre-

28 Nous avons donné une rétroversion arabe de ce texte conservé seulement en


hébreu sous le titre al-Darürïfi al-siyâsa. Muhtasar kitãb al-siyâsa li-Afläfin (al-Turât al-
falsafï. Mu’allafat Ibn Rusd, 4), trad. A. Sahlân, introd. et commentaire M. ‘Ã. al-
Gäbiri. L’intitulé que nous avons restitué pour notre version arabe, al-D arürïfi al-siyâsa
(« Ce qui est nécessaire en politique ») ne correspond pas à l’appellation de l’œuvre chez
les bibliographes arabes anciens, mais s’appuie sur l’analyse interne du texte, sur son
genre littéraire et les termes qui y sont employés pour le caractériser. L’œuvre a
également été présentée comme Talhïs (Paraphrase) ou Gawâmi‘ (Abrégé). Notre choix
est argumenté dans l’introd. de M. al-Gâbiri, op. cit., en part. p. 29-33.
29 Cf. 376 e sqq.
30
Cf. ibid., 403 c sqq.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 13

nant aussi des exercices militaires, parfaitement étrangère sous cette


forme à la mentalité des interlocuteurs d’Averroès. De même les usages,
évoqués par Platon, qui associeraient les femmes à la vie militaire31, les
faisant participer avec les hommes à des exercices qui se pratiquaient nu,
ne pouvaient apparaître que comme incongruité scandaleuse. Averroès,
non sans audace, expose en détail ces informations dans son Epitomé.
L’intention n ’était naturellement pas de proposer l’adoption de tous ces
usages par sa propre société. Il s’agissait plutôt de présenter les mœurs
d’autres civilisations aux hommes éclairés de son milieu, afín de pouvoir
en retenir le meilleur, à savoir, pour Averroès : la conception d’un
gouvernant pieux, préférant la justice à l’injustice, se satisfaisant de
l ’amour de ses sujets plutôt que des richesses qu’il en tirerait en les
spoliant mais en s’en faisant des ennemis ; de sujets intègres, se satis­
faisant d’une seule fonction exercée avec compétence et n ’aspirant point
à d’autres de sorte à négliger la première et priver leurs prochains de la
digne existence à laquelle ceux-ci aspirent, en vue de réaliser leur
perfection propre ; l’idée que la femme également obtienne son droit dans
la société : celle-ci demande naturellement à la femme d’enfanter et de se
vouer à l’éducation des enfant ; mais ces deux fonctions ne sont qu’une
part des responsabilités que peuvent exercer les femmes. Il convient donc
de leur permettre d’en assumer d’autres également. Ceux qui éduquent les
jeunes doivent savoir précisément ce qu’ils ont à leur inculquer, c’est-à-
dire a) des conceptions conformes à l’intellect, et b) l’habitude de
réprimer en eux-mêmes leurs appétits délétères. L’éducation intellectuelle
et l’éducation spirituelle, celle qui instruit conformément à l’intellect et
celle qui façonne les états d’âme et détermine les capacités de chacun,
fonctionnent en effet l’une avec l’autre. Il convient enfin que la société
apprenne à exploiter justement les plus-values du commerce, à lui donner
des règles et organiser la production et la distribution pour le bien de la
communauté.
Ce sont ces questions qui constituent le second volet du propos de
l ’auteur : distiller une critique mesurée aux gouvernants et à leurs sujets.
La société est fréquemment critiquée, les gouvernants tout particu-

31
Ibid., 456 c.
14 A. CHAHLANE

lièrement32. Averroès connaissait à fond l’histoire politique contempo­


raine et celle de l’Islam depuis le premier califat. Les modèles politiques
offerts par cette histoire rentrent en ligne de compte lorsque le philosophe
expose les sortes de régimes selon Platon dans la République. Ainsi,
lorsque Platon se consacre au régime démocratique, Averroès ajoute cette
observation :

Cela t ’apparaît clairement en considérant la cité démocratique (gamã ‘iyya) en notre


temps. Elle conduit fréquemment à la tyrannie (tasallut). Un exemple en est le
gouvernement qui fut établi sur notre pays, je veux dire Cordoue, après l’an 500
(1107), car celui-ci était presque complètement une démocratie, puis évolua après
540 (1145) en tyrannie33.

A propos, toujours, des Almorávides, on trouve cet autre jugement :

En général, l’évolution de l’homme timocratique (karâmî) en hédoniste (muhibb al-


sahwa) [i. e. oligarchique] est évidente, que cet appétit hédoniste porte sur l’argent
ou autre chose. Il semble qu’il en aille de la cité timocratique comme de la cité
hédonistique. En effet la cité timocratique et la cité hédonistique appartiennent à
une même espèce, et l’on trouve souvent que les souverains [de la première]
évoluent vers une corruption ifasâd) semblable à ceux [de la seconde]. Un exemple
en est, en cette époque, l’état connu comme celui des Almorávides, car ceux-ci, au
début de leur règne, suivaient une politique fondée sur la Loi {sarHyya) sous le
règne de leur premier souverain. Puis ils évoluèrent, sous son fils, vers une
politique timocratique en raison aussi de la passion qu’avait celui-ci pour l’argent.
Puis, son petit-fils évolua vers une politique hédonistique où l’appétit se porta sur

32 A propos des critiques d ’Averroès aux Almohades, cf. A. S a h l â n , Ibn Rusd wa-
l-fikr al-'ibrï al-wasït {Averroès et la pensée juive médiévale), 2 vol., Marrakech, 1999,
vol. I, p. 177 sqq.
33 Cf. al-Darürï f i al-siyâsa, op. cit. n. 28, p. 194-195. Les termes en arabe entre
parenthèses sont ceux de notre rétroversion. Il existe deux traductions anglaises de
l’œuvre, Averroes’ Commentary on Plato’s Republic, éd. de l’hébreu et trad.
E. I. R o senthal , Cambridge, 1969 ; et Averroes on Plato’s Republic, trad. R. Lerner
1974 ; trad, allemande S. L a u er , Kommentar des Averroes zu Platons Politela, Zürich,
1996 ; espagnole : A verroes , Exposición de la República de Platón, trad. M. C ruz
H er na ndez , Madrid, 1990. L’une des traductions latines faites sur l’hébreu à la
Renaissance existe en édition moderne, A verroè , Parafrasi della « Repubblica » nella
traduzione latina di Elia del Medigo, éd. A. CoviELLO et P. E. F ornacieri, Florence,
1992. Dans l’hébreu, éd. R osenthal , le passage se lit p. 96-97. Averroès réfère à
l’histoire almoravide : l’an 500 correspond à la mort de Yüsuf ibn Tâsfïn, fondateur de
l’empire. En 540, à la suite d ’une insurrection locale, Yahyã ibn Gâniya rétablira l’ordre
almoravide à Cordoue par la violence.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 15

une pluralité d ’objets. Ainsi [la cité] atteignit sous son règne la corruption, car la
politique qui lui disputait le pouvoir, en ce temps, était semblable à celle fondée sur
la Loi34.

L ’expérience politique d’Averroès est invoquée tout au long de son


exposé, ainsi qu’en témoignent des expressions récurrentes dans le
commentaire, telles que : « Comme c’est le cas chez nous », « comme
dans cette péninsule », « comme dans ces nations-ci », etc.35.
Averroès a constaté que le souverain tend à s’écarter, dans l’exercice
du pouvoir, des principes rationnels, et que les élites de l’état, y compris
certains docteurs de la Loi et individus faisant profession de philosophie,
ont adopté des positions opposées à la saine raison, ou à la science ; que
les individus ne s’en tiennent plus à l’exercice de leur fonction dans la
société, tombent sous l’influence de docteurs de la Loi, se laissent abuser
par la science dont ceux-ci font montre. Il entreprend donc de proposer
une réforme de l’état qui peut-être, espérait-il, aboutirait à une «cité
vertueuse ». Mais il se heurte à une résistance acharnée, dont sa
persécution et sa mise en cause des années 1194-1195 ne furent que le
sommet dramatique. Les dates de certaines de ses œuvres jettent un
éclairage sur la permanence de ces conflits : Le Discours décisif {Fasi al-
maqâl), en 574 (1178-1179), le Dévoilement des procédés de la démons­
tration {Kasf (an manâhig al-adilla) en 575 (1179-1180), YIncohérence
de VIncohérence {Tahãfut al-Tahâfut) en 1180, et notre commentaire sur
la Politique, probablement achevé vers 1195. De ses œuvres, seule la
dernière n ’existe plus en arabe, mais en hébreu.
C’est sans doute de tous les textes d’Averroès celui qui dut paraître
le plus provoquant aux yeux des docteurs de la Loi, des gouvernants, de
1’« élite » comme des gens du commun. C’est l’œuvre la plus violemment
critique contre les tenants de l’autorité, dont les ambitions se situent bien
en-deçà du gouvernement idéal. Un gouvernement idéal avait existé
historiquement, pour Averroès, celui des quatre premiers Califes avant
Mu‘âwiya, Abü Bakr, ‘Umar, ‘Utmân et ‘AIT. Tous les autres pouvoirs

34 Al-Darürï..., p. 187-188 ; R osenthal , p. 91-92. Il s’agit des règnes de Yüsufibn


Tâsfïn (m. 1107), ‘Ali ibn Yüsuf (m. 1143) et Tâsfîn ibn ‘Ali (m. 1145), après qui le
régime tomba bientôt sous les coups des Almohades, lorsque ceux-ci prirent Marrakech
en 1147.
35 Cf. Al-Darürï..., p. 139, 134, 144, 150, 172, 178, 184, 187, 194,204.
16 A. CHAHLANE

aboutissent nécessairement à un régime d’ambition, où l’emporte d’abord


l’appétit, et finalement la tyrannie, régime de la force (¿alaba )36.
Averroès constate fréquemment que le régime de son temps est un
régime tourné vers la bassesse. Ainsi, par exemple :

Cela t ’apparaît en considérant les habitudes (malakât) et les mœurs qui sont apparus
chez les hommes de pouvoir détenteurs de hauts rangs après l’an [5]40. En effet,
lorsque les coutumes timocratiques dans lesquelles ils avaient grandi eurent cessé
d ’avoir cours, ils se tournèrent vers les bassesses, comme c’est encore le cas
aujourd’hui. Seuls ont conservé des mœurs vertueuses ceux qui possèdent la vertu
de la Loi coranique (fadïlat al-sarï‘a al-qur’âniyya), et ils sont peu nombreux37.

La critique touche également des hommes de sciences et de préten­


dus philosophes, privés de ces deux vertus que sont le courage et l’équité.
Averroès attribue l ’absence de la cité vertueuse à deux faits :
1. La désobéissance au philosophe, « car il en va des habitants de
cette cité comme des passagers d’un navire qui estiment qu’ils peuvent se
passer d’un pilote expérimenté »38, le pilote expérimenté étant le vrai
philosophe et vrai savant.
2. L’existence de prétendus philosophes en qui ne sont pas réunies
les conditions requises par la sagesse. Lorsque ces conditions ne sont pas
réunies, la philosophie elle-même devient un danger. La philosophie est
comme une bonne graine qui, lorsqu’elle ne trouve pas un sol et un
aliment appropriés, se transforme en un mal plus grand que ce
qu’occasionnerait simplement une mauvaise graine. Il en va de même des
savants dans cette cité. D ’eux procèdent toutes les erreurs qui se diffusent
dans l’ensemble de la population, et l’on se met alors à blâmer tout ce qui
est bon, notamment la sagesse, et à louer tout ce qui est mauvais, c’est-à-
dire les mauvais usages qui ont cours dans la cité. Averroès considère
l’influence de ces individus et leurs doctrines comme la cause principale
de l’abandon de la sagesse. Le sage oublie alors la vertu, lui-même devient
plus dangereux pour la sagesse, incline aux plaisirs et aux actes répré­
hensibles, injustice ou brutalité, car son âme est désormais privée de la

36 Cf. ibid., p. 176-178 ; Rosenthal, p. 85-86.


37 Ibid., p. 204 ; Rosenthal, p. 103. L’hébreu traduit habituellement “Coran” par
“Torah”, et de même pour les mots dérivés. Le terme torei, utilisé ici correspond à
l’original q ur’ânï. Le fait est ignoré de Rosenthal et Lemer.
38 Al-Darûrï..., p. 139.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 17

vertu qui l’aurait détourné de tels actes. Sa parole n ’est pas véridique, ses
discours agitent des épouvantails destinés à effrayer la masse, il souille la
sagesse et cause la perdition de bien des individus qui auraient été dignes
de sagesse, « comme c’est le cas à notre époque »39. Averroès ne manque
pas ici de faire allusion à sa propre situation sur un tel terrain :

S’il arrive que naisse dans cette cité un philosophe véritable, il s’y trouve dans une
position semblable à celle d ’un humain tombé au milieu des animaux sauvages. Il
ne peut ni s’associer à leur malfaisance, ni s’assurer d ’en être à l’abri40.

L ’audace d’Averroès dans le commentaire de la République apparaît


notamment dans ses propos sur de la condition des femmes : hommes et
femmes sont semblables par l’espèce, et leur existence répond nécessaire­
ment à la même finalité humaine. Il s’agit donc d’une seule et même
nature. Leur œuvre dans la cité est donc la même, et par conséquent, les
femmes auraient à accomplir les mêmes tâches que celles des hommes :

la compétence (kijaya) des femmes ne se s’est perdue dans ces cités [d’al-Andalus]
que parce qu’on les utilise uniquement pour la reproduction, pour s’occuper de
leurs maris, et pour enfanter, allaiter, élever les enfants. Or c’est cela qui entrave
leurs [autres] activités. Les femmes de ces cités n ’ayant été préparées à aucune
sorte de perfection (kamâl) humaine, elles finissent par ressembler plutôt à des
plantes. Etant lourdement à la charge de leurs maris, elles sont devenues l’une des
causes de la pauvreté de ces cités. Quoique bien plus nombreuses que les
hommes, elles ne réalisent aucune des tâches nobles et nécessaires, mais sont
vouées généralement aux travaux les plus vils, comme le filage et le tissage41.

Ce sont là quelques exemples des audaces dont Averroès fit preuve


dans l’ouvrage. Mais l’audace suprême est sans doute, pensons-nous,
d’avoir exposé le contenu de la République tel quel, sans occulter les
thèses les plus scandaleuses même pour les Grecs contemporains de
Platon, a fortiori pour une société musulmane où des docteurs de la Loi

39 Cf. al-Darürï..., p. 141 ; Rosenthal, p. 64.


40 Ibid. Ce que prophétise Averroès lui arrivera réellement, et les indications factuelles
suggèrent que la rédaction de ce texte a pu ne précéder que de peu l’épisode de sa persécution en
1194-1195. Bien que l’on suppose habituellement que l’ouvrage dut être rédigé vers 572 (1176-
1177), peu d’indications le confirment, et il nous semble plutôt devoir le situer vers la fin de la vie
de l’auteur.
41 Ibid., p. 125 ; Rosenthal, p. 54.
18 A. CHAHLANE

tiennent le haut du pavé. Averroès expose ainsi l’opinion de Platon sur le


statut de la femme dans sa cité idéale, où elle serait rigoureusement
l’égale de l’homme, pratiquerait les exercices de gymnastique complè­
tement nue, serait commune à tous les gardiens sans être vouée à un seul
homme42. Il décrit aussi la communauté d’éducation des enfants43, dont
les vertus sont garanties par le fait de n ’être pas attachés à une parenté
particulière ; le choix de l’accouplement des hommes et des femmes par
des magistrats sous couvert de faux tirages au sort44, l’organisation des
naissances subordonnée au bien de la communauté45.
Le commentaire de la République est une critique acerbe de la
société, de ses responsables, et des individus égarés par leur avidité,
tentés par la mollesse, bafouant le droit d’autrui, ou insuffisamment édu­
qués aux tâches qui leur incombent, intellectuelles ou manuelles. Ces
positions avaient de quoi déplaire, ce qui n ’est sans doute pas pour rien
dans la disparition de l’œuvre, perdue en arabe, réduite à un simple titre
dans les ouvrages bibliographiques, que l’on mentionnait en ignorant ce
qu’elle contenait. Ce qui nous en reste est une traduction hébraïque d’un
auteur juif du XIVe siècle46, après que des coreligionnaires à lui l’eurent
d’abord transcrite dans des caractères hébreux qui la dissimulait aux
regards. La paraphrase de YEthique à Nicomaque47, également traduite
par Samuel, connut un destin semblable, et disparut dans l’original arabe,
sans doute pour les mêmes raisons.
Ces œuvres suscitent une question : si Averroès a estimé devoir
recourir à YEthique à Nicomaque et à la République pour exposer ce qu’il
avait à dire sur ces sujets, pouvons-nous comprendre sa démarche en la
resituant dans le contexte social et le climat almohade où il vécut lui-
même ? Il est clair qu’Averroès a choisi des exemples antérieurs
d’humanité et n ’a pas hésité, étant admirateur d’Aristote et de ses
héritiers, à comparer la situation d’al-Andalus et de l’Occident musulman

42 Cf. Resp., 457 b-458 b.


43 Ibid., 458 b.
44 Ibid., 460 a.
45 Pour le résumé de ces thèmes, cf. al-Darürï..., p. 126 ; R osenthal , p. 54-55.
46 Samuel ben Yehuda de Marseille, m. après 1240.
47 AVERROES’ Middle Commentary on Aristotle's Nicomachean Ethics in the
Hebrew Version o f Samuel Ben Judah, éd. L. V . B erm an , Jérusalem, 1999. Nous
préparons la rétroversion arabe de ce texte.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 19

à celle de la Grèce antique. S’il ne composa pas d’ouvrage plus


« personnel » sur le sujet, à une époque où les commentaires se char­
geaient des opinions de leurs auteurs, on ne peut cependant minimiser le
rôle du trésor d’expérience détenu par Averroès dans le domaine social,
politique, et l’importance qu’il attachait au rôle du philosophe dans
l’éducation. On en peut non plus minimiser le rôle joué par cette
expérience dans l’acribie avec laquelle il s’employa à juger du devenir
des états et à relever les enseignements du passé. La théorie d’Averroès
sur la « cité vertueuse » de son temps ne se trouve cependant pas exposée
dans un seul livre, il faut plutôt en déduire la conception en reconsidérant
la somme cohérente des expériences historiques du philosophe et de
l ’ensemble de son œuvre. Celle-ci est une encyclopédie consacrée aux
antécédents que sont la science et la philosophie grecques, empruntant
aux philosophes et savants musulmans prédécesseurs d’Averroès, une
œuvre qui ne dévie jamais de ce but : concilier la science grecque avec le
Livre révélé et la Tradition musulmane. C’est la somme de ces
patrimoines qui comprend tous les éléments nécessaires aux soins des
âmes et des corps. Il est donc difficile de reprocher à Averroès d’avoir
choisi ce rôle de philosophe thérapeute, d’avoir opté pour le sacrifice de
soi, car les tourments et la mort endurés pour la cité sont, comme l ’assure
Platon, un motif d’orgueil, assurant à celui qui les endure félicité et
consécration48.
Averroès fréquenta de près différentes instances de l’autorité et du
pouvoir. Il connut aussi de près les institutions judiciaires, les hautes
responsabilités et les problèmes des individus dans la société. Il en
conclut que c’est l’évolution qui est la loi de la vie, qu’il n ’y a pas de
situation stable, et comprit qu’il incombait à l’homme doué d’une intelli­
gence solide et du sens de la justice de s’affronter aux malheurs, non de
s’y soumettre. On ne devait pas se résigner en cultivant la solitude, ni
s’enfuir dans quelque île déserte en compagnie de Hayy ibn Yaqzân49.
C’est cette attitude, précisément, qu’Averroès condamne, car elle «prive
de la perfection suprême, qui ne se produit que dans cette cité »50.

48 Cf.. Resp., 503 a.


49 Allusion au Hayy ibn Yaqzân personnage du roman philosophique de même titre
d ’Ibn Tufayl. Ce personnage vit sur une île déserte, où il parvient à la vérité suprême à la
seule force de sa raison naturelle, ne connaissant pas la société des hommes.
50 al-Darürl.., op. cit., p. 141 ; R osenthal , p. 64.
20 A. CHAHLANE

Averroès conserva-t-il sa confiance en la cité ? Nous le pensons,


puisqu’il croyait en la pérennité de l’évolution. Après avoir, dans le
Commentaire à la République, exposé les vues de Platon sur les
conditions de l ’avènement de la cité idéale et les circonstances qui le
favoriseraient et l ’accéléreraient, Averroès ajoute :

Il te faut savoir que ce qu’a dit Platon est la meilleure voie pour l’avènement [de la
cité idéale]. Mais celui-ci peut aussi se produire d ’autres façons, sauf que cela
durera plus longtemps. Ce sera le cas si des rois vertueux se succèdent à le tête de
ces cités pendant une longue période, et qu’ils ne cessent de les diriger [, les
transformant] petit à petit, jusqu’à ce que leur gouvernement devienne finalement le
meilleur qui soit. L’évolution (;iahawwul) de ces cités dépend de deux choses, à
savoir l’action et les opinions, et ce peut être en grande ou en petite [quantité], selon
les lois (nawâmïs) ayant cours à chaque époque et leur plus ou moins grande
distance par rapport à celles de cette cité [vertueuse]. Et en somme, leur
transformation en cité vertueuse, à cette époque-ci, a plus de chance de se produire
par des actes bons que par des opinions justes.

Là est bien, sans doute, la quintessence de l’expérience d’Averroès :


la transformation et la réforme tiennent aux actions vertueuses, non aux
opinions vraies. Cette expérience fut cependant amère, au cours de la
longue existence où il assuma conjointement les responsabilités judi­
ciaires d’un Cadi suprême et éducatives, comme lorsque le souverain
l’appela à Marrakech (en 1153) pour participer à la réforme du système
de l’enseignement, ce qui fut sans doute l’occasion de faire l’expérience
du rigorisme des docteurs de la Loi, dont on trouve des échos dans le
commentaire à la République51. Il assuma également la responsabilité
d’éduquer le prince, qui devait devenir le philosophe chargé de réformer
la cité, et commenta pour cela les livres où se trouvait contenue l’expé­
rience politique de la Grèce antique. Peut-être participa-t-il, d’ailleurs,
aussi à quelques menées non dépourvues d’intentions hostiles envers le
souverain, dans le but de restaurer l’état dans sa droiture originelle. Il
endura en tout cela de cruelles épreuves, supportées avec patience, se
contentant de discrètes allusions, comme par exemple dans le «Petit
Commentaire » sur le De anima :

La discussion de ces questions de manière exhaustive demanderait un discours


beaucoup plus étendu que ne l’est celui-ci. Mais c’est que notre discussion de ces

51
Cf. al-D amn..., p. 89 ; 92 ; 94.
LOGIQUE ET POLITIQUE DANS LES COMMENTAIRES D ’AVERROES 21

questions n ’a pris en compte uniquement que les choses nécessaires. Si Dieu nous
prête vie, et dissipe ce tourment, etc.52

On lit de même dans le prologue de 1’Epitomé de la logique que « la


recherche du meilleur à notre époque est quasi impossible »53 ; et encore,
dans l’Abrégé de YAlmageste de Ptolémée : «Nous sommes à cette
époque dans la situation de gens qui voient le feu tomber dans leur
maison, et qui s’efforcent de retirer de la maison ce qu’il y a de plus cher
à leurs yeux parmi les choses nécessaires »54. Une mention similaire se
trouve à la fin de l’Abrégé (ou Paraphrase)55 du Livre des animaux :
« Que celui qui prendra connaissance de ce livre me pardonne, car je l’ai
écrit en très peu de temps, en plus des péripéties qui se sont produites en
ce temps [...] ; je l’ai achevé au mois de safar de l’an 565 [octobre-
novembre 1169] de l’hégire, en la cité de Séville, après que je m ’y fus
installé en provenance de Cordoue »56. Ce départ de Cordoue eut lieu à la
suite de violentes tensions dont Averroès fît les frais57. Plus tard, la
complainte contre les circonstances du temps s’exprime encore une fois à
la fin du Commentaire à la République, dans sa dédicace :

52 Talhïs [sic] kitâb al-nafs li-Abï l-Walïd Ibn Rusd wa-arba ‘ rasâ'il, éd. A. F. al -
A h w ânî , le Caire, Maktabat al-Nahda al-Misriyya, 1950 [, p. 3-101], p. 44.
53 Cité par G. al - ‘A law ï, al-Matn al-rusdï, Casablanca, 1986, p. 51.
54 Cité par S. M u n k , Mélanges de philosophie juive et arabe (Vrin-reprise), Paris,
1955, p. 423, n. 1.
55 Les spécialistes ne sont pas fixés sur le genre auquel appartiendrait ce commen­
taire, désigné comme talhïs dans les sources.
56 Ms. Paris, BnF, ms. hébr. 956, f. 485. Outre cette copie, le texte perdu en arabe
est conservé dans la version hébraïqe de Jacob ben Makhir, dans les mss Berlin,
Staatsbibliothek, 212 ; Berlin, Staatsbibliothek, 213 ; Londres, Beit ha-din, ms. 41 ; New
York, Jewish Theological Seminary, Mie. 2249 ; New York, Jewish Theological
Seminary, Mie. 2516 ; Oxford, Bodleian Library, Huntington 79 (=Uri 393) (Neubauer
1380) Oxford, Bodleian Library, Marsh. 472 (Neubauer 1381) ; Oxford, Bodleian
Library, Opp. 683 (Neubauer 1370) ; St. Petersburg, Institute of Oriental Studies, B
390, Turin, Biblioteca Nazionale, AI 14. Edition critique en cours par M. G errit B os
(Cologne).
57 L’année 1168 est marquée par un violent conflit avec le juriste Ibn Mugît, qui a
pris la tête d ’une opposition organisée au régime almohade. Cf. D. U r v o y . Averroès. Les
ambitions d'un intellectuel musulman, op. cit. n. 1, p. 155. En 1169, Averroès est installé
à Séville comme Cadi suprême (Qâdï al-qudâf).
22 A. CHAHLANE

Telle est - que dieu pérennise votre force et prolonge votre vie - la somme des
énoncés scientifiques nécessaires dans cette partie de la science que comprennent
les énoncés attribués à Platon, que nous avons exposés de la manière la plus brève
possible, en raison des vicissitudes du temps, etc.

C’est cette évocation de la riche expérience d’Averroès, où l’action


politique s’unit à la science et à la spéculation, que l’on a aujourd’hui le
bonheur de dédier à une grande savante, qui consacra et consacrera
encore toute son existence à la recherche.
G ilb ert D ahan

UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE AU XIIIe SIECLE :


LES EXTRACTIONES DE RABY MOYSE

Le rôle de Maimonide dans la pensée chrétienne du XIIIe siècle reste


encore à étudier, malgré le nombre impressionnant des travaux qui ont été
consacrés à ce sujet1. C’est qu’en dehors des citations explicites qu’en
font théologiens et philosophes (elles sont nombreuses mais l’inventaire
n’en a pas encore été fait), il semble que le Dux neutrorum soit bien plus
utilisé qu’on ne l’a dit, et parce qu’il a permis de poser clairement l’un
des problèmes fondamentaux de la chrétienté occidentale au XIIIe siècle,
celui des rapports entre l’Écriture sainte et le corpus des textes philoso­
phiques reçus plus ou moins récemment, et parce que certaines de ses
opinions radicales ont eu un effet stimulant sur certains penseurs, à com­
mencer par Thomas d’Aquin - opinions dont le caractère radical n’a du
reste été que rarement perçu, chez les juifs comme chez les chrétiens, et
dont précisément Thomas d’Aquin est l’un des seuls à mesurer l’impor­
tance2. Mais toutes les questions préliminaires à une telle étude n’ont
elles-mêmes pas encore reçu de réponses sûres. On sait maintenant que le
Guide a été traduit en latin de bonne heure3, probablement un peu avant
1230 (rappelons que la traduction hébraïque de Samuel ibn Tibbon date

1 Voir par exemple les études recueillies par J. I. D ie n s t a g , éd., Studies on


Maimonides and St. Thomas Aquinas, New York, 1975 ; S. PlNES, La liberté de phi­
losopher. De Maimonide à Spinoza, éd. et trad. R. B r a g u e , Paris, 1997, p. 301-318
(« Maimonide et la philosophie latine ») ; W. K l u x e n , « Maimonide et l ’orientation
philosophique de ses lecteurs latins », dans Maimonide philosophe et savant (1138-1204),
éd. T. L evy et R. R a sh e d , Louvain-Paris, 2004, p. 395-409.
2 Voir A. WOHLMAN, Maimonide et Thomas d ’Aquin. Un dialogue impossible,
Fribourg, 1995 ; G. D a h a n , « Maimonide dans les controverses universitaires du XIIIe
siècle », dans Maimonide philosophe et savant, p. 367-393.
3 Pour la tradition manuscrite du texte latin, voir notamment W. K l u x e n ,
« Literargeschichtliches zum lateinischen Moses Maimonides », Rech, de théol. anc. et
méd., 21 (1954) 23-50.
24 GILBERT DAHAN

de 12044). Mais dans quel contexte ? En Sicile, à la cour de Frédéric II,


ou dans le midi de la France5 ? Le problème du texte traduit n ’a jamais
vraiment fait l’objet d’une étude sérieuse : s’agit-il d’une traduction de
l’hébreu (et alors s’agit-il de la version de Samuel ibn Tibbon, la plus
répandue, ou, comme on le dit souvent, de celle d’al-Harizi ?) ou bien de
l ’arabe (hypothèse qui a été presque toujours négligée)6 ? Ce n ’est
évidemment pas ici que j ’entreprendrai la vaste enquête que mérite ce
sujet. Je voudrais seulement apporter une petite contribution, en pro­
posant l’étude d’ensemble d’un florilège maïmonidien, dont je donnerai
ailleurs le texte complet.
Que le Dux perplexorum ait été l’objet d’un florilège est en soi
intéressant. Si l’on connaît un nombre consistant de florilèges de textes
spirituels d’auteurs divers7 ou de compilations de Pères de l’Église tels
que saint Augustin8 ou Grégoire le Grand9, les anthologies d’auteurs
médiévaux sont plus rares (on peut citer celle des œuvres de Pierre
Damien10), de même que celles des textes philosophiques grecs ou arabes

4 Sur l’importance de cette traduction dans le judaïsme occidental, voir C. SlRAT, La


philosophie juive médiévale en pays de chrétienté, Paris, 1988, p. 9,19-25 et passim.
5 Les travaux récents de G. Freudenthal inclinent à la situer à la cour de
Frédéric II ; voir « Pour le dossier de la traduction latine médiévale du Guide des éga­
rés », Revue des études juives 147 (1988), p. 167-172 ; « Maimonides'Guide o f the
Perplexed and the transmission of the mathematical tract ‘On two asymptotic lines’ in the
Arabic, Latin and Hebrew medieval traditions », Vivarium 26 (1988) 113-140 [repris dans
R. S. COHEN et H. Levine, éd., Maimonides and the Sciences, Londres, 2000, p. 35-56].
- J e n’ai pas pu consulter l’ouvrage récent de G. K. Hasselhoff, Dicit Rabbi Moyses,
2004, qui semble situer la traduction à Paris vers 1240 (je dois cette information à Gad
Freudenthal, queje remercie vivement).
6 Que ce soit le texte d’al-Harizi qui ait été le texte de départ de la traduction est
cependant l’hypothèse la plus vraisemblable, comme le montre au moins la corres­
pondance entre les chapitres du livre I et du livre II (voir ci-après).
7 Dans l’important article « Florilèges spirituels » du Dictionnaire de Spiritualité,
t. V, Paris, 1964, voir les notices de H. M. Rocháis, « Florilèges latins », col. 435-460, et
Ph. Delhaye, « Florilèges médiévaux d’éthique », col. 460-475.
8 Voir notamment E. D ek k er s , « Quelques notes sur des florilèges augustiniens
anciens et médiévaux », Augustiniana 40 (1990) [- Mélanges T. J. van Bavel\, p. 27-44.
9 Cf. G. Braga, « Le Sententie morales super Job Ioannis abbatis. Ricerche sulle
epitomi altomedievali dei M oralia », dans Studi sul medioevo cristiano offerti a
R. Morghen, Rome, 1974,1.1, p. 153-231.
10 Liber testimoniorum Veteris ac Novi Testamenti (ou Collectanea), PL 145, 891 -
910 et 987-1176.
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 25

traduits au XIIe et au XIIIe siècle ; la plus répandue est celle des


Auctoritates Aristotelis que nous a fait connaître Jacqueline Hamesse11.
Cependant, on sait que de l’œuvre de Maimonide au moins deux antho­
logies ont été composées, celle que conserve un manuscrit de Lisbonne12
et le florilège que nous allons étudier ici13.

Description externe

Le manuscrit qui contient ce florilège maïmonidien, le latin 16096 de


la Bibliothèque nationale de France, est bien connu et a été décrit à
plusieurs reprises14. Il est l’un des trente-sept manuscrits légués à la
Sorbonne par Godefroid de Fontaines, l’un des théologiens majeurs de la
seconde moitié du XIIIe siècle15. Originaire de Fontaines-lez-Hozémont,
au pays de Liège, il est maître à Paris à partir de 1286. La date de sa mort
est inconnue (après 1304)16. Il semble que le manuscrit ait été écrit autour

11 J. HAMESSE, Les Auctoritates Aristotelis. Un florilège médiéval, étude historique


et édition critique, Louvain-Paris, 1974.
12 Ms. Lisbonne, Biblioteca nacional, F. G. 2299, fol. 1-46 (fin du XIVe s.) :
Abbreviatio Raby Moysi. Voir M.-Th. D’Alverny, « Avicenna Latinus, Vili », AHDLMA
35 (1968) 301-335 (p. 326).
13 Ajoutons un texte signalé par W. Kluxen, « Literargeschichtliches », p. 29-30,
ms. Graz, Universitätsbibliothek 347 (XVe siècle) ; il s’agirait d’une reprise incomplète du
florilège que nous étudions ici.
14 J. J. Duin , « La bibliothèque philosophique de Godefroid de Fontaines »,
Estudios Lulianos 3 (1959) 21-36 et 137-160 (description du ms., p. 151-160) ; M.-Th.
D’Alverny, « Avicenna Latinus, II », AHDLMA 29 (1962) 217-233 (p. 220-222) ; W.
Senko, Repertorium commentariorum medii aevi in Aristotelem latinorum quae in biblio­
thecis publicis Parisiis asservantur, 1.1, Varsovie, 1982, p. 226-230 (s’en tient aux textes
aristotéliciens) - Il s’agit d’un manuscrit sur parchemin de 257 feuillets de 316 x 220 mm,
sur 2 colonnes.
15 La liste en est donnée par L. DELISLE, Le Cabinets des Manuscrits de la
Bibliothèque Nationale, t. II, Paris, 1874, p. 149-150 (sur « l’origine des manuscrits de
l’ancienne bibliothèque de la Sorbonne »). La marque de possession, fol. lv, rend compte
de ce legs : « Iste liber est collegii pauperum magistrorum de sorbona studentium in
theologica facultate ex legato magistri godefredi de fontibus ».
16 Voir notamment M. DE WULF, Un théologien-philosophe du X llf siècle. Etude
sur la vie, les œuvres et l ’influence de Godefroid de Fontaines, Bruxelles, 1904 ;
l’excellente notice de Z. Kaluza, « Godefroy de Fontaines », dans le Dictionnaire des
lettres françaises. Le Moyen Age, Paris, [1992], p. 549-550 ; ainsi que les travaux sur sa
doctrine cités à la fin de cette étude.
26 GILBERT DAHAN

de 1280. Une table, d’une main postérieure, en donne le contenu17. Celui-


ci, assez varié, est surtout philosophique : en dehors de l’anthologie
maïmonidienne dont nous allons parler, il offre des textes d ’Avicenne,
Proclus, Algazel, Thomas d’Aquin, Gilles de Rome, plusieurs commen­
taires d ’Aristote et une série de questions disputées, d ’ordre plutôt
théologique. Un certain nombre d’annotations marginales sont, pour la
plupart, de la main de Godefroid de Fontaines. Il semblerait que, comme
le recueil fourni par le manuscrit lat. 1629718, il s’agisse de l’un des
‘outils’ principaux du maître.
Les extraits de Maimonide occupent les folios 124 à 137. Un titre
discret, d’une main différente du texte, est donné tout en haut du fol.
124r : Incipiunt extractiones de raby moyse. Il n ’y a pas de formule
à'explicit ; du reste, le dernier extrait correspond à un texte du début du
Dux neutrorum ; le bas de la col. 137ra et le reste du folio sont vides. Les
numéros des chapitres sont indiqués, en chiffres romains ou, surtout,
arabes, précédés de pieds de mouche. A l’intérieur de chaque chapitre, il
peut y avoir plusieurs extraits : au début, ces extraits sont séparés par des
pieds de mouche ; mais, à partir de I, 31, il n ’y a aucune séparation
interne aux chapitres. Les extraits sont de longueur très variable : de deux
ou trois lignes à plus d’une colonne.
Les notes marginales, qui, en dehors de quelques corrections appor­
tées au texte (mot oublié), semblent être de Godefroid de Fontaines, ne
constituent que des indications extrêmement brèves ; elles ne sont, du
reste, pas nombreuses. Il s’agit essentiellement de signaler le contenu
d’un passage intéressant : par exemple, f. 126ra (I, 64), « Quomodo deus
est forma rerum », ibid., (I, 69), « de anima hominis », ou de notes ana­
lytiques : par exemple, fol. 128rb (ch. 14) : « Opinio fidelium », « Opinio
platonicorum », «Opinio peripateticorum», ou fol. 13 lrb (ch. 14), les
différents stades du raisonnement (f. 13lrb, «primus, secundus, tercius,
quartus, quintus », III, 14 = II, 45). On relève quelques notes expli­
catives : par exemple, au fol. 126ra, le mot m aurorum du texte est
surmonté d’un signe, qui renvoie à une note marginale, « id est Sarra-

17 Au fol. lv. Le texte en est donné par J. J. DuiN, étude citée, p. 151, et par M.-Th .
étude citée, p. 222.
d ’A lv er ny ,
18 Voir P. G l o r ie u x , « Un recueil scolaire de Godefroid de Fontaines (Paris, Nat.
Lat. 16297) », Rech. de théol. anc. et méd. 3 (1931) 37-53.
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 27

cenorum » ; de même, au fol. 125vb, à la fin du chapitre 60, le passage


sur le Tétragramme reçoit une annotation marginale : « loth. he. vau. he.
Ex quarum coniunctione nichil colligitur significativum sed ex... de hoc
sequenti c<apitulo ?> ». Notons encore une sorte de renvoi interne, au
fol. 126rb : « De etemitate mundi a<ristotelis ?> l<iber> 2, c<apitula> 1,
14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 26, 28 ». De même, au f. 126va (sur
I, 71) : « Contra supra 69 ». Comme dans de nombreux manuscrits, des
mains nota signalent divers passages.
Les notes infrapaginales sont beaucoup plus substantielles : il ne
s’agit pas, comme on a pu le dire, d’un exposé des questiones, mais d’un
sommaire. Il est incomplet : tous les chapitres dont le florilège nous
donne des extraits n ’ont pas été résumés de la sorte. Il m’a semblé inté­
ressant de retranscrire toutes ces indications infrapaginales19 : elles sont
de la main de Godefroid de Fontaines et résument d’une manière utile le
contenu des extraits. Il s’agit là d’un travail fait avec une grande intelli­
gence : Godefroid ne se contente pas de reprendre des expressions du
texte mais, la plupart du temps, il le résume avec talent, y compris quand
il s’agit de raisonnements complexes. Ces résumés sont faits, bien
entendu, à partir des Extractiones et n’impliquent; pas une lecture totale
de l’ensemble de l’ouvrage. Ce sont essentiellement les thèses philo­
sophiques (ou théologiques) qui intéressent Godefroid ; mais, en cela, il
ne fait qu’accentuer la tendance du florilège, comme nous allons le voir.
D ’autre part, contrairement à l’annotateur du manuscrit BnF lat. 15973, il
ne se livre à aucune remarque d’ordre polémique20 : le sommaire est
objectif et ne contient pas d’appréciations, de quelque sorte que ce soit.

19 Voir annexe IL
20 J’ai donné un exemple de ces notes dans mon étude citée, « Maimonide dans les
controverses », p. 371, n. 13. En voici encore une, assez longue, intéressante puisqu’elle
traite Maimonide d’hérétique contre sa propre religion : « Actor iste, prevaricator veritatis
et contra propriam legem hereticus, qui cum simulet se velle tueri fundamenta legis sue,
quam in plurimis locis destructam asserit si mundi antiquitas sit firmata, hic conatur per
falsam exceptionem ancillare demonstrationem potissimam per quam probatur mundum
incepisse et desiturum esse, videlicet cum non possit contradicere quin anima rationalis sit
separabilis secundum potentiam speculativam et quin sit immortalis postquam creata
fuerit, excipit quod non faciunt anime numerum cum fuerunt separate, quasi non adver­
tamus quod anime habent hoc aliquid per quod differt anima ab anima, absque eo quod
contrahit ab accidentibus corporis a quo separata est, presertim cum ista potentia secun­
dum quam est separabilis, non habeat organum sibi respondens in corpore, a quo huius-
28 GILBERT DAHAN

Pour ce qui est du choix même des Extractiones, on se reportera à la


table donnée en annexe. On peut faire d’emblée quelques constatations
formelles. Tout d’abord, on observe que le Guide est divisé en quatre
livres et non en trois comme dans l’original et dans toutes les versions, y
compris la traduction latine21. Le livre III des Extractiones correspond
aux chapitres 33 et suivants du livre II de l’original et de la traduction
latine. Le livre IV correspond au livre III, avec un léger décalage dans la
numérotation des chapitres. Pour plus de clarté, on peut proposer le
tableau suivant, qui donne le nombre de chapitres dans chaque livre des
Extractiones, de la traduction latine fournie par le ms. latin 15973 et du
texte original (d’après la traduction de Salomon Munk)22 :

Extractiones ms. lat. 15973 éd. S. Munk


livre I I, prol., ch. 1-75 prol. I, 2-7523 prol. I, ch. 1-76
livre II II, ch. 1-32 II, ch. 1-32 II, ch. 1-31
ch. 33-46 [pour 49]24 ch. 32-48
III, ch. 1-15
livre III IV, ch. 9-51 III, ch. 1-54 III, ch. 1-54

modi numerum ab accidentibus contraxisset. Et exemplum quod posuit contra demons­


trationem istam, videlicet fideiussor tuus indiget fideiussore, melius deberet induci contra
eum, cum invocat explanationem Abubecri mauri, qui fideiussore indiget si in suis pro­
funditatibus ita locutus est, sicut iste mendax imponit » (ms. BnF lat. 15973, fol. 69va, in
marg). Cette note se trouve en face d’un passage de la fin du ch. 73 du livre I.
21 En fait, seules les Extractiones parlent de livres. Les deux traductions hébraï­
ques, le ms. lat. 15973 et S. Munk emploient plus justement le terme de « partie » (heleq
en hébreu, pars en latin) pour chacune des trois grandes subdivisions.
22 Pour ce qui est des Extractiones, ne sont évidemment indiqués que les chapitres
choisis. On se référera à la table des extraits (annexe I). Quand je parle de « texte
original », je me réfère au texte arabe, que traduit S. M u n k . Cette traduction date de
1856-18 ; j ’utilise la réimpression de Paris, 1970, 3 volumes, sous le titre originel : Le
Guide des égarés, traité de théologie et de philosophie par Moïse ben Maïmoun dit
Maimonide, trad. S. M u n k .
23 Le manuscrit donne le prologue et le ch. 1 à la suite ; il n ’y a donc pas de
rubrique Capitulum primum. - On observe que le nombre des chapitres dans la traduction
latine est le même que dans celle d ’al-Harizi : 75 pour le livre I (M u n k et S am uel ibn
T ibbon 76), 49 pour le livre II (M un k et S amuel ibn T ibbon 48).
24 II y a un certain nombre d’erreurs dans la numérotation des chapitres : on trouve
deux fois la rubrique cap. 32 ; les derniers chapitres reçoivent les numéros 42, 44, 44, 45,
45 (sic), 47, 48, 46 (un 6 au lieu d’un 9 !).
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 29

Après l ’extrait du chapitre 51, le florilège donne, précédé de


« li<bro> i°, ca<pitulo> i° », un extrait de l’introduction : repentir ou
intention ? Il faut reconnaître que ce passage sur la difficulté de la science
et sur l’illumination ponctuelle qui la fournit convient très bien à une
conclusion et, de surcroît, pourrait suggérer au lecteur chrétien un rappro­
chement avec l’augustinisme.

La travail du compilateur

L ’auteur de ce florilège s ’est livré à un travail extrêmement


intéressant, dont les deux démarches majeures peuvent être décrites
comme la sélection et l’abrègement ; s’ajoute également un très discret
travail d’adaptation. Nous allons tenter de décrire à grands traits ces deux
démarches, en prenant comme texte de référence de la traduction latine
du Guide le ms. latin 15973 ; il ne s’agit pourtant pas de celui dont s’est
servi le compilateur : non seulement, comme on l’a vu, la division en
quatre livres n’est pas celle du manuscrit mais, à plusieurs reprises, celui-
ci présente des leçons différentes, parfois erronées, que ne reproduisent
pas nos Extractiones, lesquelles ont donc généralement un texte plus
satisfaisant25.

Sélection

Bien entendu, comme dans tout florilège, la démarche première est la


sélection des textes. Celle-ci est, ici, tout à fait significative : des pans
entiers du Guide ont été abandonnés. D ’abord, tout ce qui relève
spécifiquement du judaïsme : des nombreux renvois au Talmud, il n’en
subsiste, je crois, aucun dans les Extractiones (du moins qui soit identifié
comme tel) ; tout juste note-t-on des mentions de sapientes : chez
Maimonide, il s’agissait bel et bien des maîtres du Talmud ; dans le
contexte des Extractiones, le terme peut désigner des ‘sages’ ou des
‘savants’, de la manière la plus générale. Par exemple, au chapitre 30 du
livre II des Extractiones, l ’affirmation « Sapientes dixerunt de signis

25 On aura des exemples de ces divergences avec le texte du chap. 24 du livre II du


ms. 15973, reproduit en annexe.
30 GILBERT DAHAN

miraculose factis verbum mirabile » (f. 129vb) correspond à ce que Munk


traduit (II, 29) : « A la vérité, les docteurs se sont exprimés sur les mira­
cles d’une manière fort extraordinaire, dans un passage que tu trouveras
dans le Béreschith rabbâ et dans le Midrasch Kohéleth »26. De même, au
livre III du Guide, de l’étude précise des préceptes de la Loi juive, ne sont
retenues que des généralités, à une exception près (le passage relatif à la
différence entre rapine et vol et aux trois sortes de péchés). Au livre I, les
discussions détaillées sur le sens des termes hébraïques sont omises et ce
livre I, qui est une étude approfondie sur la nature du langage biblique,
acquiert dans les Extractiones une tonalité essentiellement philosophique.
C’est d’ailleurs ce qui domine dans l’ensemble de l’anthologie : la sélec­
tion aboutit à un texte philosophique, dont l’intérêt est le rapport qu’il
entretient avec l’aristotélisme : mais cela ne rejoint-il pas justement l’in­
tention fondamentale de Maimonide dans cet ouvrage ? Des chapitres 22
et 23 du livre III, qui constituent une réflexion sur le livre de Job et sur la
question de la Providence, réflexion qui devait renouveler l’exégèse
chrétienne de ce livre biblique dès la seconde moitié du XIIIe siècle (la
problématique maïmonidienne, admise ou contestée, venant se substituer
à l’exégèse spirituelle des Moralia in lob de Grégoire le Grand, source
majeure jusqu’alors2728), n’est retenu qu’un court extrait :

Scitum est ex verbis sapientum quod cuilibet homini coniunguntur duo angeli, unus
28
a dextris et alter a sinistris, et isti sunt creatura bona et creatura mala (f. 133va) .

Comme exemple de sélection dans un chapitre sur le langage


biblique, je choisirai le chapitre 11 du livre I, qui, chez Maimonide, est
d ’abord une discussion sur le sens du verbe yashav, « être assis ».
L ’auteur du florilège retient les deux phrases suivantes, qui constituent
une réflexion strictement théologique (et non exégétique) et qu’il donne à
la suite29 :

26 Trad, citée, t. II, p. 224.


27 Voir le résumé de mon séminaire « L’exégèse du livre de Job au XIIIe siècle »,
Annuaire EPHE. Section des sciences religieuses 109 (2000-2001) 381-382.
28 Ms. lat. 15973, fol. 168vb ; trad. M u n k , t. Ill, p. 170 (qui donne les sources
talmudiques). Creatura bona et creatura mala traduit « le bon et le mauvais penchant ».
29 Au début du livre I, il y a décalage dans la numérotation des chapitres par
rapport à l’original (Munk) et au ms. lat. 15973 (voir annexe I).
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 31

X. Non cadit in Deum aliqua species mutationis neque secundum substantiam


neque alio modo, nec mutatur eius comparatio ad aliud extra se, quia comparatio
sive relatio sua est ad species rerum generabilium, non ad singularia30.

Sur un plan totalement différent, on observe que sont souvent omises


les discussions techniques qui, dans le Guide, exposent les thèses des
savants arabes. Le chapitre 25 du livre II (Munk II, 24) est frappant à cet
égard et semble contredire l’option philosophique de l’anthologie ; en
effet, les considérations sur les mouvements des sphères célestes, les
hypothèses des épicycles et des excentriques, où se trouvent cités
YAlmageste, Abu-Bekr ibn al-Sayeg, Tabit ibn Qura et d ’autres, sont
omises ; l’extrait commence par la citation du Ps 113 (hébreu 115), 16,
réduisant ce chapitre à un vague discours théologique. Mais un tel choix
reste assez rare dans les Extractiones.

Abrègement

Comme la plupart des auteurs d’anthologies, celui des Extractiones


se livre à un travail d’abrègement. Mais cette démarche ne se traduit que
très rarement par une réécriture ; presque toujours, il reprend les mots
mêmes du texte, l’abrègement se limitant à la sélection des articulations
du raisonnement. Cela apparaît bien dans les énumérations d’opinions ou
dans les distinctions doctrinales, qui sont les unes et les autres souvent
très détaillées chez Maimonide. De cette démarche, je donnerai deux
exemples. Le premier montre un travail d’abrègement proprement dit ; il
s’agit du chapitre 34 (33 dans les Extractiones) du livre I, qui étudie les
cinq « causes qui empêchent d ’ouvrir l’enseignement par les sujets
métaphysiques » ; les Ie, 2e, et 5e causes sont réduites à leur énoncé, alors
qu’une partie du développement de la 3e est conservée, de même que pour
la4e:

33. Scias quod quinque sunt cause que impediunt vel prohibent incipere addiscere
sapientiam spiritualem. Prima est sublimitas31 et clausura rationum. Secunda est

30Ms. lat. 15973, fol. llrb et Ilv a ; trad. M u n k , t. I, p. 59 et 60. On remarquera


l’emploi du terme comparatio, utilisé dans la traduction latine pour l’idée de relation. Le
second extrait commence à « quia comparatio... ».
32 GILBERT DAHAN

brevitas intellectus humani in initio suo, quoniam perfectio est in eo in potentia.


Tertia est multitudo antecedentium, quoniam homo habet in natura sua desiderium
et amorem pervenire ad finem cuiuslibet rei, sed volet ut quiescat amor iste et
perveniat ad desiderium suum in uno verbo vel duobus, et abhorret cum dicitur ei
quod quedam sunt in sapientia que indigent multis antecedentibus et longo tempore
ad investigandum et intelligendum. Tu vero scis quod quedam istorum sunt aliis
connexa, quoniam in entibus non est nisi creator et creatum , et ipsa creata sunt
que communicant in ente propter ipsum, nec est via ad inveniendum ipsum, nisi
per creata sua et ipsa probant ipsum esse et ea que necesse est credi de eo, attri­
buendo vel removendo ab eo. Et debemus de necessitate attendere in creata313234 secun­
dum quod sunt, donec accipiamus de quolibet [sic] ratione accidente35 vera et fide­
lia, que proderunt nobis in investigatione materiarum spiritualium rationum. Sunt
etiam multa speculata36378de quibus, licet non accipiantur antecedentia ad cognoscen-
dum ista , tamen acuunt et exercent intellectum ad intelligendum demonstrationem
et scientiam veritatis in illis que demonstrata sunt super substantia creatoris, ut res
intelligantur secundum quod sunt, licet non sint radices in scientia spirituali.
Quicumque vero voluerit acquirere perfectionem humanam, nullo modo potest hoc
facere nisi prius exerceat animam suam in doctrina dyalectice, post in disci-
plinalibus, secundum ordinem suum, deinde in naturalibus, deinde in spiritualibus.
Quarta est aptitudo39 naturalis complexionis corporis et in nullo homine40 possunt
esse mores anime intelligibiles perfecti, nisi qui elegerit41 mores bonos et exercet
illos et habet sensum quietum et pacatum. Sunt autem multi in quibus est complexio

31 subtilitas P [désigne désormais le ms. BnF lat.. 15973]. Il semble que sublimitas
soit meilleur. Ici encore le texte latin semble proche de celui d ’al-Harizi : « La première
cause est la profondeur des sujets en eux-mêmes et le fait qu’ils soient clos [setumim] et
difficiles à comprendre » ; rien ne correspond à l ’idée de l ’adjectif setumim chez Munk
(« La première cause est : la difficulté de la chose en elle-même, sa subtilité et sa pro­
fondeur », trad, citée, 1.1, p. 118) ni chez Samuel ibn Tibbon (comme chez Munk) ; mais
cette idée est rendue par le latin clausura.
32 creatura P. Ici encore, le texte latin est plus proche d’al-Harizi ; cf. M unk (t. I, p.
120) : « En effet, il n’y a dans l ’être autre chose que Dieu (ha-shem yitbarakh chez Ibn
Tibbon ; al-Harizi a ha-bore, Te créateur’) et toutes ses œuvres (m a'asav chez Ibn
Tibbon ; al-Harizi a nivreav, ‘ses créatures’) ».
33 preter P. Preter est la meilleure leçon.
34 attendere in causata P. Creata correspond au texte d’al-Harizi.
35 de qualibet ratione antecedentia P.
36 speculativa P.
37 ista] mundum istum P.
38 demonstrant P.
39 altitudo P.
40 modo P.
41 eligit P.
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 33

naturalis cum qua nullo modo convenit perfectio intellectus, licet exerceant animam
suam in fine exercicii et discipline. Et ideo non expedit ut doceamus illam adoles­
centes, nec ipsi possunt eam recipere propter inconstantiam nature sue, et quia cogi­
tationes sue ardent in igne adolescende, donec extinguatur flamma ipsorum et
frangant corda sua et complexio quiescat, et tunc regent et ducent animas suas ad
gradum seiende spiritualis42. Quinta est negocia et necessitates corporum, quoniam
si creverit cupiditas in illis, debilitabitur desiderium anime in apprehensione
sapiende (f. 124vb-125ra)43.

Peut-on expliquer l’intérêt concédé à la troisième cause par une


rencontre avec la doctrine paulinienne : on ne connaît Dieu qu’à travers
ses créatures ? On observe que la quatrième cause, avec son évocation du
feu de la jeunesse, rejoint encore une idée chère aux moralistes chrétiens
(y compris du XIIIe siècle). Mais je n ’ai pas constaté une volonté
d’infléchir le Guide dans un sens chrétien ; Maimonide avait déjà donné
lui-même à la troisième cause une importance plus grande qu’aux autres.
Le second exemple concerne le chapitre 24 (Munk 23) du livre II,
que Salomon Munk résume ainsi dans sa table des chapitres :

En comparant entre elles deux hypothèses opposées, afin de donner la préférence à


celle qui offre le moins d’invraisemblances, il ne s’agit pas de constater de quel
côté est le plus grand des doutes, mais plutôt de peser la gravité des invraisem­
blances qui résulteraient de chacune des deux hypothèses. Il faut aussi se dépouiller
de toute opinion préconçue et n’avoir aucun préjugé en faveur de l’une des deux
hypothèses44.

On en trouvera le texte en annexe, d’après le ms. latin 15973. L’auteur


des Extractiones réduit ces quelques pages (fol. 104rb-105ra) à 14 lignes,
constituées de trois passages.
Les auteurs du moyen âge recourent assez souvent aux florilèges
plutôt qu’aux originalia. On peut dès lors se demander légitimement si
les Extractiones de Raby Moyse ont pu être utilisées par des penseurs de
la fin du XIIIe siècle ou du XIVe ; notre propos n’est pas d’entreprendre
ici cette recherche, qui sera nécessairement longue et dont les résultats

42 ad gradum istum qui est apprehensio creatoris, hoc est ad gradum sapientie
spiritualis que vocatur opus de mercava P.
43 Ms. lat. 15973, fol. 19vb-22ra ; cf. trad. M un k , 1.1, p. 118-123 et 125-130.
44 Godefroid n ’a pas fait de sommaire pour ce chapitre.
34 GILBERT DAHAN

seront incertains. On doit se poser la question au moins à propos du


possesseur premier de ce manuscrit, Godefroid de Fontaines. Les études
consacrées à sa doctrine ne nomment pas Maimonide45 et Rabbi Moyses
n ’apparaît pas non plus dans les indices de l’édition de ses questions
quodlibétiques46. On peut néanmoins repérer dans celles-ci quelques
thèmes communs avec le Guide : par exemple, sur le rôle de l’intellect
agent et de l’imagination (Quodl. V, q. 10), sur la notion de matière
(Quodl. III, q. 2 ; X, q. 2 ; XI, q. 2), sur les corps célestes (Quodl. V, q.
2 ; IX, q. 7), sur la science47 (Quodl. VIII, q. 7 ; XIII, q. 1)... Godefroid
s’est-il alors servi des Extractiones ? De rapides sondages montrent que,
sauf erreur, il n’y a aucune citation littérale. Mais c’est là un constat tout
provisoire : seule l ’analyse précise et approfondie des quodlibeta de
Godefroid permettra de répondre à notre interrogation. Elle est digne
d’être posée : la présence de Maimonide dans la pensée chrétienne de la
fin du XIIIe siècle et du début du XIVe siècle est plus importante que ne le
laissent supposer les citations explicites48. Une plus vaste enquête sur le
sujet dira également si les Extractiones ont pu, en tant que florilège, jouer
un rôle dans la diffusion des idées maïmonidiennes. En tous cas, l’exis­
tence d ’un tel recueil est en elle-même remarquable. L ’édition que je
projette de ce texte facilitera les recherches chez les spécialistes des pen­
seurs de la période considérée.

45 M. DE W u l f , ouvr. cité {supra, n. 16) ; et, du même, la belle présentation


synthétique faite de la doctrine de Godefroid dans son Histoire de la philosophie
médiévale, t. II, 6e éd., Louvain-Paris, 1936, p. 293-297 ; P. T ih o n , Foi et théologie selon
Godefroid de Fontaines, Paris-Bruges, 1966 (une mention, p. 17, à propos du contenu de
la bibliothèque de Godefroid) ; J. F. W ippel , « Possible sources for Godfrey of Fontaines’
views on the act-potency composition of simple creatures », Mediaeval Studies 46 (1984)
222-244.
46 Edition des quodlibets : I-IV, éd. M. de W u l f et A. P elze r , Louvain, 1904
(« Les Philosophes belges », 2) ; V-VII, éd. M. de W ulf et J. H o ffm an s , Louvain, 1914
(« Les Philosophes belges », 3) ; VIII-X, éd. J. H o f fm a n s , Louvain, 1924-1931 (« Les
Philosophes belges», 4 ) ; XI-XIV, éd. J. H o f f m a n s , Louvain, 1932-1935 («Les
Philosophes belges », 5) ; XV et trois Questions ordinaires, éd. O. L o ttin , Louvain, 1937
(« Les Philosophes belges », 14).
47 Ce thème est remarquablement étudié par P. T ihon , ouvr. cité, p. 17-49.
48 Cf. A. de L ibera , Penser au moyen âge, Paris, 1991, p. 125.
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 35

ANNEXE I
LISTE DES EXTRAITS

La colonne 1 donne les numéros des chapitres tels qu’ils figurent


dans le manuscrit des Extractiones. La colonne 2 donne les corres­
pondances avec le texte du ms. BnF lat. 15973 ; sont indiqués le livre et
le numéro du chapitre, suivis de la situation dans le manuscrit (par
exemple, I, 2, f. 7vb-8ra). La colonne 3 donne les correspondances avec
la traduction française de S. Munk, selon le même principe (I, 2, p. 39-
40). Le relevé n’est détaillé que pour le livre I. Pour les livres II et III,
figurent seulement, pour le ms. lat. 15973 et pour la traduction de Munk,
l’indication du livre et du chapitre et le repérage du premier extrait.

In prologo
|p r. Pr. f. Iva, lvb, 2va, 4rb-va, 5vb-6ra I, introd., p. 8, 10, 13-14, 21

[Liber I]
1 I, 2, f. 6vb I, 1, p. 33-34
2 I, 3, f. 7vb-8ra I, 2, p. 39-40
5 I, 6, f. 8vb-9ra I, 5, p. 46-47
10 I, 11, f. lira-va I, 11, p. 59- 60
18 I, 18, f. 12vb I, 18, p. 71
21 I, 21, f. 13va I, 21, p. 77
23 I, 23, f. 14rb I, 23, p. 83
26 I, 26, f. 15ra I, 26, p. 88-89
27 I, 27, f. 16rb I, 28, p. 96-97
30 I, 30, f. 17ra, 17ra-b, 17va-b I, 31, p. 104, 105, 106-107, 108, 109
31 I, 31, f. 18ra-vb I, 32, p. 109-110
32 I, 32, f. 18vb I, 33, p. 114-118
33 I, 33, f. 19vb-22ra I, 34, p. 118-123, 125-130
34 I, 34, f. 22rb I, 35, p. 131, 133
35 I, 35, f. 23rb, 23va-b I, 36, p. 136, 137
36 I, 36, f. 24ra-b I, 37, p. 140
42 I, 42, f. 25vb I, 43, p. 153-154
45 I, 45, f. 26rb- ? I, 46, p. 156-157, 159, 162
48 I, 48, f. 30ra I, 49, p. 176
49 I, 49, f. 30vb, 31ra I, 50, p. 179-180, 181
51 I, 51, f. 33rb I, 52, p. 205
52 I, 52, f. 33vb, 34rb, 34vb-35ra I, 53, p. 207,214-215,216
54 I, 54, f. 37ra, 37rb I, 55, p. 225-226, 226
56 I, 56, f. 38ra-b I, 57, p. 230-231,232-233
36 GILBERT DAHAN

57 I, 57, f. 38vb, 39rb, 39va, 40ra I, 58, p. 238-239, 240, 245, 247
58 I, 58, f. 40ra-b I, 59, p. 248-249, 250-252, 252-253,
258
59 I, 59, f. 42va, 42va-b, 43va 1,60, p. 260-261,261,266
60 I, 60, f. 43va-b, 43vb, 44ra, 44rb I, 61, p. 267-268, 269-270, 270, 271
61 I, 61, f. 44va-b I, 62, p. 273
68 I, 68, f. 5Ira, 51rb, 5 Iva I, 69, p. 320, 321-322
69 I, 69, f. 52va, 53rb I, 70, p. 327-328, 332
70 I, 70, f. 53rb, 53vb-54ra, 54ra-b, 54vb I, 71, p. 333, 333-334, 335, 340-341,
347,348, 351
71 I, 71, f. 56rb, 56vb, 57ra, 57va, 57vb, I, 72, p. 354, 357, 359, 365-366,
58ra, 59rb, 59va, 59vb 371-372, 373,373-374
72 I, 72, f. 62ra, 62va I, 73, p. 389, 391
73 I, 73, f. 68vb, 69ra, 69rb, 69va I, 74, p. 428-429, 429, 431, 435-437
74 I, 74, f. 70rb, 70va, 71ra, 71rb 1,75, p. 441, 441-443, 447-449, 449-
450
75 I, 75, f. 72rb, 73ra I, 76, p. 454, 459

Ex li 3ro secundo
1 II, 1, f. 73vb II, introd., p. 15
2 II, 2, f. 75rb II, 1, p. 30
4 II, 4, f. 79ra II, 3, p. 51
5 II, 5, f. 79ra II, 4, p. 51
6 II, 6, f. 80vb II, 5, p. 62
7 II, 7, f. 81rb II, 6, p. 67
10 II, 10, f. 84ra II, 9, p. 83
11 II, 11, f. 84ra II, 10, p. 84
12 II, 12, f. 86rb II, 11, p. 95
13 II, 13, f. 87ra II, 12, p. 98
14 II, 14, f. 88va II, 13, p. 104
15 II, 15, f. 90va II, 14, p. 114
16 II, 16, f. 92ra II, 15, p. 121
17 II, 17, f. 93va II, 16, p. 129
18 II, 18, f. 94ra II, 17, p. 130
19 II, 19, f. 95vb II, 18, p. 138
20 II, 20, f. 97rb II, 19, p. 144
21 II, 21, f. lOlva II, 20, p. 166
22 II, 22, f. lOlvb II, 21, p. 168
23 II, 23, f. 102vb II, 22, p. 172
24 II, 24, f. 104va II, 23, p. 181
25 II, 25, f. 106vb II, 24, p. 194
26 II, 26, f. 107ra II, 25, p. 195
28 II, 28, f. 108vb II, 27, p. 207
30 II, 30, f. llOrb II, 29, p. 210
31 II, 31, f. 115rb II, 30, p. 230
32 II, 32, f. 118vb II, 31, p. 257
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 37

Liber tertius]
1 II, 33, f. 119rb II, 32, p. 259
3 II, 35, f. 121vb II, 34, p. 276
4 II, 36, f. 122ra II, 35, p. 278
5 II, 37, f. 122va II, 36, p. 281
6 II, 38, f. 124ra II, 37, p. 289
7 II, 39, f. 125rb II, 38, p. 294
8 II, 40, f. 126rb II, 39, p. 301
9 II, 41, f. 127rb II, 40, p. 306
10 II, 42, f. 128va II, 41, p. 313
14 II, 46, f. 132ra II, 45, p. 333
15 II, 47, f. 134vb II, 46, p. 350

Liber quartus
9 III, 8, f. 143va III, 8, p. 44
10 III, 9, f. 146ra III, 9, p. 56
11 III, 10, f. 146va III, 10, p. 59
12 III, 11, f. 147vb III, 11, p. 65
13 III, 12, f. 148vb III, 12, p. 70
14 III, 13, f. 151ra III, 13, p. 83
15 III, 14, f. 154va III, 14, p. 99
16 III, 15, f. 155rb III, 15, p. 104
17 III, 16, f. 156ra III, 16, p. 109
18 III, 17, f. 157rb III, 17, p. 115
19 III, 18, f. 162ra III, 18, p. 136
20 III, 19, f. 163rb III, 19, p. 141
21 III, 20, f. 164va III, 20, p. 147
23 III, 22, f. 168vb III, 22, p. 170
26 III, 25, f. 174ra III, 25, p. 196
27 III, 26, f. 176ra III, 26, p. 203
24 III, 27, f. 177va III, 27, p. 210
25 III, 28, f. 178va III, 28, p. 214
26 III, 29, f. 179rb III, 29, p. 217
27 III, 30, f. 182vb III, 30, p. 244
28 III, 31, f. 183va III, 31, p. 247
29 III, 32, f. 184ra III, 32, p. 249
30 III, 33, f. 186vb III, 33, p. 261
31 III, 34, f. 187vb III, 34, p. 265
33 III, 36, f. 189rb III, 36, p. 274
34 III, 37, f. 190ra III, 37, p. 277
36 III, 39, f. 194ra III, 39, p. 298
37 III, 40, f. 196ra III, 40, p. 308
38 III, 41, f. 197va III, 41, p. 316
39 III, 41, f. 199va III, 41, p. 317
40 III, 42, f. 200vb III, 42, p. 336
38 GILBERT DAHAN

41 III, 43, f. 201vb III, 43, p. 340


42 III, 45, f. 203ra III, 45, p. 349
44 III, 47, f. 21 Ora III, 47, p. 385
46 III, 49, f. 213va III, 49, p. 404
47 III, 50, f. 218rb III, 50, p. 425
48 III, 51, f. 220va III, 51, p. 434
49 III, 52, f. 225ra III, 52, p. 451
50 III, 53, f. 226ra III, 53, p. 454
51 III, 54, f. 226vb III, 54, p. 458
i,i I, 1, f. lvb-2ra I, introd., p. 10-12
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 39

ANNEXE II
LES NOTES INFRAPAGINALES

[124ra]
Quod intellectus non potest pervenire ad finem eorum que de credibilibus [immo nec in
naturalibus add. in mg.] dicuntur, sed intentio tractantis talia debet esse ut ostendat nichil
eorum esse contra rationem, contra quam nichil stare potest.
Quod volens loqui de huiusmodi secretis non poterit loqui propriis verbis, sicut instructus
in aliis disciplinis, sed in parabolis etc.
Quod scientia spiritualis non potest adisci nisi post scientiam naturalem.
Quod vita et mores pravi qui sunt in homine ex parte materie corporalis prohibent
hominem acquirere suam postremam perfectionem, que est scire suum creatorem.
2. Quod bonum et malum, pulcrum et turpe solum in sensibilibus invenitur.
X. Quomodo Deus est immutabilis et quomodo comparatio et relatio eius est ad species
rerum mutabilium, non ad singularia. /

[124rb]
23. Quod opus Dei non eget instrumento sed est ex simplici voluntate ipsius solum.
24. [= 26] Quod Deo attributa sunt nomina corporalium ab hiis qui non crediderunt esse
nisi corpora.
Quod quidquid perfectum est secundum intellectum nostrum Deo attribuimus et nichil
quod defectum importat ; que tamen ei quasi perfectiones attribuuntur, quantum ad ipsum
sunt defectus.
30. Quomodo non omnia sunt homini apprehendibilia et quod differentes sunt gradus
cognitionis individuorum eiusdem speciei, qui tamen non procedunt in infinitum et quod
quatuor sunt impedimenta cognoscendi veritatem.

[124va]
31. Quod intellectus debilitatur in operatione intelligendi, si multum conatus fuerit appre­
hendere aliquid supra vires eius, nec ob hoc debet quis cessare a discendo sed ex hoc
sciendum quod intellectus terminum habet, quem non potest transire etc.
32. Quod non est incipiendum studere in scientia spirituali, quia soli perfecti possunt
intelligere veritates eius que sub quibusdam parabolis sine expositione simplicibus propo­
nuntur.

[124vb]
33. Quod quinque sunt que impediunt incipere adiscere scientiam spiritualem.
Quod Deus non cognoscitur a nobis nisi per creaturas, et quomodo.

[125ra]
34. Quod creator non communicat cum creatura nisi nomine, non in aliqua re univoce.
35. Quod ydolatre non serviunt ydolis quia ea estiment veros deos, sed tantum mediatores
et propriciatores potentes nocere.
36. Quod homo non potest comprehendere substantias separatas sed solum materialia.
45. Quomodo differt cognitio si est et propter quid est.
40 GILBERT DAHAN

Quomodo Deo attribuuntur nomina corporalium instrumentorum.

[125rb]
49. De cognitione fidei.
51. Quod in Deo nulla est multitudo sed plura nomina dicta de ipso dicuntur propter
multitudinem operum suorum etc.
56. Quod omnibus creatis accidit quod sunt et solus Deus est suum esse etc.

[125 va]
57. Quomodo enuntiationes negative de creatore sunt vere, affirmative imperfecte et
partim in equivocatione, et omnia nomina Deo attributa sumuntur ab opere et important
rationem privationis et ideo non apprehendimus de Deo nisi quia est.
58. Quomodo Deus cognoscitur per attributa. Nam qui plura novit ab eo removere magis
appropinquat cognitionem eius. Nichil autem attribuendum est ei quam eius perfectio et
quia de Deo non comprehendimus quid est nisi per abnegationem, que non facit scire
aliquid de re a qua fit abnegado, ideo de solo Deo apprehendit quid est ipse.
59. Quomodo remotio eorum a creatore que non sunt in ipso facit appropinquare ei
multum, sed in enunciationibus affirmativis est magnum periculum, quia perfectiones sic
ei attribute non sunt perfectiones in eo sed dicuntur equivoce et hoc patet in scientia dicta
de ipso.

[125vb]
60. Quod omnia nomina creatoris sumpta sunt ab operibus preter unum, quod signat
substantiam creatoris pure, scilicet nomen tetragramaton.

[130vb]
- Quod perfectum in specie non est nisi unicum.
- Quod post legem mosaycam non debet alia esse.
- Quod le<x> huiusmodi non est honerosa et quare49.

[131va]
C. 9. Quomodo corporalibus convenit correctio ratione materie cui semper annexa est
privatio, non ratione forme que quantum est de se perpetua est.
Quomodo mores boni hominis [et cohibere malum add. in mg.] secuntur formam eius,
concupiscere autem et omne vicium comitatur materiam etc.
Qualis et quanta est potestas forme hominis, scilicet anime, et quis debet esse finis
hominis secundum eam, cui principaliter intendere debet et a quibus abstinere.
Quod ideo non fuerunt nomina propria imposita membris que turpe est nominare, quia nec
talia sunt ratione nominanda etc.

49
Ces trois propositions se présentent sous la forme d’un schéma de distinctio.
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 41

[131vb]
X. Quod non possumus intelligere substantias separatas propter materiam que est quasi
magnus paries interiectus [ ?].
XI. Quomodo malum et universaliter privatio habet fieri vel causari, quia Deus non facit
per se malum sed in eo quod facit materiam nature, cuius est coniunctio cum privatione, et
ideo in hiis in quibus non est materia malum nec aliqua corruptio invenitur.

[132ra]
12. Quod contraria et vicia in quibus homines sibi contradicunt et adinvicem adversantur
provenerunt ex carentia notitie veritatis.
13. Quod quedam mala accidunt homini necessarie ex parte materie, ut infirmitates et
huiusmodi. Quedam ab extrínseco inferuntur quasi violenter. Quedam contingunt homi­
nibus ex seipsis, aut quia anima sequitur in suis moribus malam corporis complexionem et
dispositionem, aut quia exercet se in rebus necessariis, plus debito concupiscendo. Cum
ea que necessaria sunt facile ab omnibus possint haberi, que autem difficilia videntur ad
acquirendum, hoc est propter superflua que queruntur.

[132rb]
14. Quod omne agens secundum intentionem operatur opus quod facit propter aliquem
finem et omne quod factum est cum intentione novum est. Quod autem semper habet esse
et non est novum, non habet finem propter quem sit. Quod etiam universum non habet
esse propter aliquam causam et quod causa finalis est nobilior inter alias, et quod propter
ipsam posuerunt philosophi preter naturam aliam causam agentem per intellectum ; et
quod novitas mundi probatur per hoc quod quodlibet entium naturalium habet finem
propter quem est ; ex quo probatur intentio facientis illud propter finem huius ; ex inten­
tione autem probatur innovatio. Quod etiam secundum opinionem novitatis mundi non est
assignare universo causam finalem propter quam sit. Sed dicendum est solum universum
esse propter intentionem creatoris, secundum voluntatem suam nec in hoc est querenda
alia ratio vel causa. Sicut enim non queritur finis sui esse, ita nec sue voluntatis, ex qua
tamen omnia renovantur, [add. in mg. secundum opinionem antiquitatis mundi, licet
quodlibet ens particulare huiusmodi causam aliam habeat etc.]

[132vb]
15. Quomodo aliquo modo est nota quantitas.viii. celorum sed noni ullo modo.
16. Quomodo impossibile habet naturam ita firmam et sempiternam quod non subest
potestati creatoris.
17. Rationes nitentium ostendere quod Deus non habet scientiam de singularibus et aliis a se.

[133ra]
18. Multiplex opinio de cura Dei circa res.

[133rb]
XX. Quod necesse est Deum cognoscere singularia et alia a se.

[133va]
21. Quod Deus scientia una et durabili scit multa, immo omnia etiam antequam sint, non
tamen petitur [ ?] non entia et quod eius scientia necessaria non aufert potestatem a rebus.
42 GILBERT DAHAN

22. Quod quattuor sunt modi accionum et quod nullum opus Dei est frustra vel ludus vel
pro nichilo, sed omnis eius actio recta est.

[133vb]
24. Quod perfectio hominis consistit in bona dispositione anime ut habeat intellectum et
scientiam omnium eorum que possibile est scire hominem de universitate entium. Item in
bona dispositione corporis ut habeat necessaria corporis etc.

[134ra]
25. Quod lex inducit de pertinentibus ad scientiam eorum quibus perficitur intellectus et
ad ea que sunt necessaria in regimine civitatis et quod in omnibus preceptis legis est
aliqua ratio et utilitas etc.
26. De ydolatria quam primus destruxit Abraham et cetera de eodem sequenti capitulo, et
quod ad destructionem huiusmodi errorum data fuit lex.

[134rb]
28. Quod Deus nichil agit et precipit sine ratione et quod quodlibet preceptum datum est
nobis a Deo ad utilitatem nostram.
29. Quare Deus precepit sibi offerri sacrificia, scilicet ut ydolatria extirparetur etc.

[134vb]
30. Quod intentio perfecte legis est exterminare concupiscentias que auferunt anime ulti­
mam perfectionem et que corrumpunt hominum rectam conversationem etc.
31. Quod recta lex non considerat vel sequitur illud quod in paucioribus sed quod in
pluribus evenerit nec dampnum particulare alicuius sed utilitatem communem.

[135ra]
36. Quare levite cum pauperibus et peregrinis numerabantur.
37. Quomodo minus peccatum est rapina quam furtum.
38. [= 39] Quod magnitudo pene attenditur respectu quattuor et quod tripliciter contingit
transgredi prohibitiones legis, scilicet invite et hoc non meretur penam, quia nec continet
culpam ; ignoranter et superbe, et in utroque est culpa etc.

[135rb]
40. Quod inter dantem et accipientem debet procurari utilitas ex parte utriusque. Quod
custodiens rem sine pretio si dampnum habeat in re, domino imputatur secus si premium
pro custodia accipiat. Qui etiam locat rem suam dampnum habet quod in re sua contingit
et universaliter dampnum quod prohiberi non potest, debet domino imputari.
UN FLORILEGE LATIN DE MAÏMONIDE 43

ANNEXE III
LIBER II, CAP. 24

A titre d’exemple, je reproduis ici le chapitre 24 (Munk 23) du livre


II, d’après le ms. BnF lat. 15973, fol. 104rbl05ra, en donnant en gras les
passages sélectionnés dans les Extractiones. J ’observe l’orthographe du
manuscrit, en normalisant toutefois l’alternance des c et des t.

Cap. 24
Scito quod proportio dubitationum que secuntur unam credulitatem et dubitationum
que secuntur eius contrariam et preponderado fidei que minus habet dubitationis,
non consistit eius probatio in multitudine dubitationum, sed in magnitudine incon­
venientis quod sequitur et in contrario entium quod sequitur. Potest enim contingere
quod una dubitatio est maior mille dubitationibus. Istud autem non apparet nisi ei
cui due partes contradictionis in sensu suo sunt equales. Qui autem elegerit
alteram duarum opinionum, vel quia nutritus est in ea vel propter aliquam
utilitatem , non videbit viam rectam . Illud nam que quod probatum est non
poterit sustinere cupidus contrarii, quia eius anima contradicit. Oportet autem in
talibus multum inquirere et oportebit te, si volueris a te repellere cupiditatem et
proicere post tergum tuum illud in quo consuevi<sti> esse et inniti super considera­
tione simplici et ponderare que ponderanda sunt, multis uti considerationibus.
Primo ut scias mensuram bonitatis intellectus tui et perfectionem complexionis tue.
Hoc autem demonstrabitur tibi cum multo studio in scientiis mathematicis et in
adeptione intellectus tui in legibus dialetice. Secundo, ut intelligas scientias natura­
les secundum veritatem suam, ut intelligas dubitationes vere. Tertio, ut compositos
habeas mores. Notum etenim est quod cum alicuius anima intendit <in> concu­
piscentiis et viciis, sive sit hoc ex complexione sive ex acquisitione vel cum
obedit motibus ire, semper errab it evagabitur, opiniones querendo que iuvent
eum, ad id in quod sua n atura tendit. Idcirco autem percepi te super hoc, ne
decipias animam tuam ne vel fortassis aliquis decipiat te in aliqua dubitatione quam
tibi proponet super antiquitatem mundi et properabis acquiescere illi. Vniversaliter
etenim opinio ista habet in se destructionem fundam enti legis nostre, et
com menta eorum que non conveniunt creatori. Talibus ergo dubitationibus
non acquiescat intellectus tuus, sed recipiat dicta prophetarum que sunt firm a­
m entum compositionis spei hominum in opinionibus suis. Non recedas ergo ab
opinione novitatis mundi, nisi propter dem onstrationem, sed talis dem onstra­
tio non est in natura. Qui autem considerat in hoc libro non reprehendat me super
ornatu verborum istorum ad innitendum super illis in novitate mundi. Princeps
namque philosophorum Aristoteles ita dixit in libris suis verba similia istis ad
innitendum super illis in opinione sua de antiquitate mundi et propter hoc vere
dicitur quod sapientes dixerunt. Numquid lex nostra perfecta non erit, sicut verbum
eorum inane ? Si ergo ipse corroborat opinionem suam cum erroribus gentium
mundi, quare nos non corroborabimus nostram opinionem cum verbis Moysi et
Abrahe et cum omnibus que secuntur ex dictis ipsorum ? Iam promisi tibi quod
44 GILBERT DAHAN

inducam capitulum in quo ponam dubitationes fortes que secuntur illum qui putat
quod homo apprehendit per sensum omnes motus celi et quod sunt res naturales et
procedunt secundum consuetudinem necessitatis manifeste in ordine et dispositione.
Et nunc ostendam tibi hoc.
S ilv ia D i D onato

I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE :


ERRORI ED ESTRANEITÀ CULTURALE

Il caso d i un tr a tta to d i a v erro è

È ben noto il ruolo fondamentale che le traduzioni arabo-ebraiche di


opere scientifiche e filosofiche della tradizione islamica (ma anche
ebraica in lingua araba) hanno svolto nella trasmissione del sapere e nella
conservazione stessa di alcuni scritti1. Tali versioni rappresentano uno
degli anelli di cui si compone la catena della tradizione testuale di
un’opera e assumono un’importanza spesso decisiva per l’ecdotica della
stessa. Infatti, oltre ad avere valore come unità indipendenti, veicolo di
diffusione di un testo in uno specifico contesto culturale, le traduzioni
acquistano rilevanza per la loro qualità e funzione di tradizione indiretta
rispetto a un testo arabo. Il loro studio si giustifica e si articola, dunque,
attraverso diversi orientamenti d’analisi ai quali fa da corollario l’esame
delle relazioni che le legano al loro modello e alle traduzioni successive
per le quali esse funsero, a loro volta, da modello. A questo livello si
pongono alla valutazione questioni decisive che sono riconducibili al
condizionamento che la figura del traduttore impone al testo della
traduzione : sia in ragione delle motivazioni che lo indussero a tradurre,
sia in ragione delle condizioni di lavoro2, del metodo seguito e della sua
competenza3.

1 Solo per indicare alcuni fra gli approfondimenti a questo riguardo si vedano : A.
H y m a n , « Translation and Translators », in Encyclopaedia Judaica, 15 (1972), p. 1321 -
1324 ; J. H am esse e M. F attori (a cura di), Rencontres de cultures dans la philosophie
médiévale. Traductions et traducteurs de Vantiquité tardive au XIVe siècle, Actes du
colloque international de Cassino 15-17 juin 1989, Louvain-la-Neuve-Cassino 1989 ; G.
F reudenthal , « Les sciences dans les communautés juives médiévales de Provence : leur
appropriation, leur rôle », in Revue des études juives, 152 (1993), p. 29-136 ; M. Z o nta ,
La filosofia antica nel medioevo ebraico, Paideia, Brescia 1996 ; Id ., La fdosofia ebraica
medievale. Storia e testi, Laterza, Roma-Bari 2002, p. 174-175.
2 Ci si riferisce sia alle difficoltà circostanziali in cui il traduttore svolgeva il pro­
prio lavoro, sia a quelle derivanti dal modello sul quale era condotta la traduzione, che
46 SILVIA DI DONATO

Questo intervento si inserisce, dunque, in generale nelPambito degli


studi relativi alla trasmissione dei testi arabi attraverso la mediazione
ebraica e in particolare in quello che mira a individuare e interpretare,
grazie all’analisi delle traduzioni e alla loro comparazione sistematica con
l’originale dei testi tradotti, i caratteri costanti, o in ogni caso
significativi, del rapporto che intercorre tra essi e che lega il traduttore
alla materia testuale con cui si confronta. Da quest’analisi è possibile
derivare considerazioni riguardanti le caratteristiche morfologiche e
sintattiche della traduzione, nonché i condizionamenti che la lingua di
partenza e la sua struttura hanno imposto. E si possono anche desumere
indicazioni utili a stabilire il livello di comprensione del proprio modello
da parte del traduttore, la sua competenza linguistica e la conoscenza
della terminologia specifica. Di conseguenza, la valutazione degli errori e
dei fraintendimenti, volta a ricostruirne e spiegarne l’origine, permette di
formulare giudizi generali che riguardano, nel complesso, la qualità della
traduzione.
Si intende qui considerare un componente particolare del testo dal
quale poter estrapolare e puntualizzare gli elementi caratterizzanti delle
traduzioni. La raccolta e l’analisi delle citazioni coraniche in esso
contenute, infatti, offrono una vasta documentazione di occasioni di
difficoltà e di imbarazzi - dovuti a ragioni sia sintattiche sia lessicali -
che in parte esemplificano, confermandole, alcione osservazioni estendibili
all’insieme della traduzione, e in parte permettono note pertinenti
specificatamente alla resa delle citazioni.

potevano rendere ardua la decodifica del modello stesso. Ad esempio, per quanto riguarda
i testi arabi, la mancanza dei segni diacritici per distinguere le lettere e, in generale, una
grafia poco chiara o un manoscritto illeggibile. Questo genere di errori, che si potrebbero
definire come derivanti da ostacoli oggettivi alla comprensione del modello, non saranno
l’oggetto specifico di quest’analisi anche se, come si vedrà dagli esempi riportati di segui­
to, la loro incidenza è ragguardevole.
3 A tale proposito, si veda J.-P. R othschild , « Motivations et méthodes des tra­
ducteurs en hébreu du milieu du XIIe à la fin du XVe siècle », in Traductions et traduc­
teurs au Moyen Âge, Actes du colloque international du CNRS, Editions du Centre Natio­
nal de la Recherche Scientifique, Paris 1989, p. 279-302 ; M. B eit -A rié , « Transmission
des textes par scribes et copistes. Interférences inconscientes et critiques », in J. H am esse
(a cura di), Les problèmes posés par l ’édition critique des textes anciens et médiévaux,
Publications de l’Institut d’Etudes Médiévales, Louvain la Neuve 1992, p. 173-196.
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 47

L’opera che costituisce il caso di questo studio4 è un trattato


teologico di Averroè : il Kitäb a l-ka sf ‘an manãhig al- 'adilla f i ‘aqã ’id
al-milla {Svelamento dei m etodi di prova riguardo ai p rin cip i della
religione )5 composto nel 575 dell’Egira (1179/1180). La traduzione ebrai­
ca del trattato, opera di un anonimo, è stata compiuta probabilmente nella
Francia meridionale tra la metà del sec. XIII e il 1347 e si conserva in due
manoscritti inediti : 1) Parigi, Bibliothèque nationale de France, ms. Hé­
breu 959 ; 2) Leida, Universiteits Bibliotheek, ms. Warner 156. Dalla
traduzione ebraica deriva la traduzione latina, compiuta all’inizio del’500
da Abraham De Balmes, medico e filosofo ebreo nativo di Lecce e
trasferitosi a Venezia al servizio del cardinal Domenico Grimani7,
committente della versione. Il riferimento alla traduzione ebraico-latina
introduce un elemento di complicazione nell’analisi del testo in questione

4 Le osservazioni riunite di seguito sono tratte dall’esame condotto da chi scrive


sull’insieme delle citazioni dal Corano e dagli ’ahädTt contenute nel Kitäb al-kasf ‘an
manãhig di Averroè, e incluso nella propria tesi intitolata : Dal Kitäb al-kasf ‘an manãhig
al Liber modorum rationum. Un trattato di Averroè dall’arabo al latino attraverso la
mediazione ebraica, che è stata discussa il 24 febbraio 2005 per il conseguimento del
dottorato di ricerca in “Cultura, traduzione e società arabo-islamiche” presso l’Università
Ca’ Foscari di Venezia.
5 Riguardo a quest’opera e, in generale, alla produzione teologico-fílosofíca di
Averroè si veda in particolare M. J. M üller , Philosophie und Theologie von Averroes,
Munich 1875 ; G. F. H o urani , Averroes on the Harmony o f Religion and Philosophy,
London 1961 ; M. G eoffroy , « L ’Almohadisme théologique d’Averroès (Ibn Rushd) »,
in Archives d ’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 66 (1999), p. 9-47 ; A ver ­
roes , L ’Islam et la raison, présentation par A. D e L ibera , traduction par M. G eoffroy ,
GF-Flammarion, Paris 2000.
6 La data 1347, che allo stato attuale della ricerca costituisce il termine ante quem
della traduzione, è tratta da quest’ultimo manoscritto nel quale si legge, al termine
dell’ultima opera contenuta, che Moshe di Narbona avrebbe terminato il manoscritto a
Cervera il 25 di Tevet 5108 (28 dicembre 1347). Pur non entrando nel merito della
questione relativa all’attribuzione di questa copia (o persino della traduzione) allo stesso
Mosheh b. Yehoshua‘ di Narbona, tale nota conferma che entro quella data il trattato era
stato tradotto e circolava nel sud della Francia.
7 Si veda la bibliografia contenuta in : G. T a m a ni , « Le traduzioni ebraico-latine
di Abraham De Balmes », in Biblische und judaistische Studien. Festschrift fur Paolo
Sacchi (Judentum und Umwelt, XXIX), Peter Lang, Frankfurt A.M. 1990, p. 613-635 ;
S. Dl DONATO, « Il K asf ‘an manãhig di Averroè. Confronto fra la versione latina di
Abraham De Balmes e le citazioni di Calo Calonimo nel De mundi creatione », in Mate­
ria giudaica. Rivista dell’Associazione Italiana per lo Studio del Giudaismo, 9 (2004),
p. 241-248.
48 SILVIA DI DONATO

perché la qualità di questa versione, che rappresenta un ulteriore anello


della catena di trasmissione, è condizionata, a sua volta, dall’anello dal
quale dipende : la traduzione ebraica. Di quest’ultima, dunque, conserva
gli errori e i fraintendimenti, ma nello stesso tempo testimonia le
specifiche difficoltà incontrate dal traduttore latino. Tali difficoltà, ancora
una volta, sono in parte materiali : dovute ad esempio allo stato del
modello e all’oggettiva decifrabilità di quest’ultimo, e in parte imputabili
ai limiti della competenza e dell’attenzione del traduttore. Nel caso
specifico del Kitãb al-kasf dunque, le tre tradizioni testuali attraverso le
quali il trattato è stato trasmesso e ci è pervenuto ne permettono
un’analisi in parallelo che evidenzia immediatamente gli errori e le
incomprensioni in cui incorrono i traduttori. Oltre a mettere in luce le
relazioni che intercorrono fra le tre tradizioni, poi, questo tipo di studio
permette di considerare quanto e come il significato originale del testo sia
stato alterato nelle fasi traduttorie. Il progressivo allontanamento
dall’ambiente culturale arabo-islamico e la conseguente estraneità ad esso
dei traduttori (e dei destinatari delle versioni) sono ulteriori cause di
difficoltà nella comprensione del testo. E questo si manifesta in maniera
particolarmente evidente nel caso delle citazioni coraniche.
Occorre innanzi tutto segnalare che il numero delle citazioni dal
Corano rilevate nel testo arabo del trattato8 è di 154, delle quali 148 sono

Le edizioni del trattato a cui si fa riferimento sono : M. J. M ü l l e r , Philoso­


phie und Theologie von Averroes, Munich 1859; Ib n R u s d , Manähig al-adilla ß
‘a q ä ’id al-milla, a cura di M. QÄSIM, Maktabat al-anglü al-misriyya, Il Cairo 1959
(19642) ; Ib n R u s d , al-K asf ‘an manähig al-adilla ß ‘a q ä ’id al-milla, a cura di M.
CA. A l -GÄBIRI, Beyrouth 1998. Riguardo alle fonti manoscritte su cui sono state
condotte le edizioni e sull’insieme della tradizione araba del trattato si veda in
particolare M. G eo ffr o y , « Ibn Rusd et la théologie almohadiste », in Medioevo,
XXVI (2001), p. 327-356 ; Id ., X propos de l ’almohadisme d ’A verroès : l ’anthropo­
morphisme (tagsïm) dans la seconde version du Kitãb al-Kasf ‘an Manähig al-’adilla.
Atti del convegno intemazionale Los Almohades. Doctrina, actividad intelectual y
práticas religiosas, Madrid, 24-25 giugno 2002 (in corso di stampa). Per i fini di
questo articolo la segnalazione necessaria a cui ci si limita riguarda la duplice reda­
zione del trattato attestata dai manoscritti arabi recentemente reperiti. I manoscritti di
riferimento per queste redazioni sono fondamentalmente due : 1) Madrid, Biblioteca
Real de San Lorenzo de el Escurial, ms. 632 (testimone principale delle edizioni
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 49

testimoniate dalla traduzione ebraica e 147 da quella latina. Se in alcuni


casi è ragionevolmente ipotizzabile che le omissioni presenti nella tradu­
zione ebraica siano dovute a omeoteleuto (nel modello arabo o nelle
successive copie della traduzione), in generale non sono evidenti, nel
testo, elementi che inducano a stabilire con certezza se esse siano occorse
per accidente, come mostreranno gli esempi addotti.
A queste citazioni, poi, devono esserne aggiunte 14 tratte dagli
’ahâdïf.
Per quanto riguarda l’estensione delle citazioni, si trovano delle
incongruenze tra i principali testimoni arabi delle due redazioni del tratta­
to, e la traduzione ebraica conferma talora l’una (ms. Escurial 632), talora
l’altra (ms. Köprülü 1601), ed altre volte ancora conserva parti di
citazione che non compaiono nei manoscritti arabi. Queste osservazioni
sostengono l’ipotesi che la traduzione ebraica sia stata condotta su un
manoscritto arabo nel quale le citazioni erano in parte formulate in
maniera differente rispetto ai manoscritti conservati, partendo dal presup­
posto che, nei casi in cui le citazioni ebraiche sono più estese, non si
possano immaginare autonome integrazioni del traduttore. Quest’ultimo,
infatti, non sembra per nulla essere ricorso alla fonte coranica al fíne di
verificare o comprendere quanto si trovava di volta in volta a tradurre.
Quando invece le citazioni sono più brevi in ebraico è possibile che
queste si trovassero così menzionate nel modello arabo o che non siano
state interamente tradotte.
D ’altro canto, è presumibile un intervento del traduttore (o even­
tualmente di un copista successivo, ma questa ipotesi non è verificabile
dato che le citazioni corrispondono in tutta la tradizione ebraica) nei casi
in cui la traduzione non è completa e si interrompe dopo la formula
VlftN *757 (usque ad dictum Suum), che in arabo (^ß J!) collega le parti di
una citazione lunga. In ebraico, dunque, la frazione conclusiva a volte
non è riportata e, sovente, nei manoscritti è lasciato al suo posto uno

correnti e della prima redazione) ; 2) Istanbul, Biblioteca Köprülü, ms. 1601 (manos­
critto fondamentale che testimonia la seconda redazione).
9 Le osservazioni relative alle citazioni coraniche sono estendibili a quelle tratte
dalla letteratura relativa ai detti e ai fatti del profeta. Per questo motivo, alcuni degli
esempi portati a sostengo delle considerazioni generali è stata inclusa una citazione di
’ahâdït.
50 SILVIA DI DONATO

spazio bianco. La ragione di tali sospensioni, infatti, potrebbe risiedere


nel fatto che il traduttore abbia considerato trascurabile e privo di
interesse riportare in modo completo e scrupoloso i versetti citati,
ritenendo forse che essi non potessero essere comprensibili ed eloquenti
per un destinatario non musulmano, né fossero indispensabili per la
comprensione del testo. Il traduttore stesso, inoltre, sembra essere del
tutto estraneo alla tradizione religiosa e giuridica musulmana e, in diverse
occasioni, mostra difficoltà di comprensione e di traduzione di termini o
locuzioni che vi fanno specifico riferimento. Una prima dimostrazione di
quanto affermato deriva dal fatto che egli non comprende quasi nessuno
dei riferimenti a concetti prettamente islamici o a fatti particolari
menzionati nel Corano presenti nel trattato, peraltro immediatamente
significativi per chi abbia una certa dimestichezza con la cultura
tradizionale islamica. In questi casi, il comportamento del traduttore varia
dalPomissione di quanto gli è ostico10 - del tem ine o dell’espressione di
cui non conosce, o non comprende il significato - al tentativo di tradurre
in base al contesto, al calco dell’ebraico sulla radice del vocabolo arabo
corrispondente o sul significato primo di questa11, alla semplice
traslitterazione del tem ine arabo.
Alcuni esempi eloquenti di quanto affermato sono :

al-hasr nwrftx al-hasr


J aI ’ahi al-hasr ba ‘alé al-hasr

10 Si suppone che il subarchetipo da cui deriva la traduzione ebraica riportasse de­


gli spazi lasciati in bianco che sono mantenuti, anche se con alcune piccole differenze tra i
due manoscritti conservati.
11 Questo genere di difficoltà riguarda anche i titoli delle opere citate nel testo, che
il traduttore non conosce e traduce ricorrendo al significato delle “radici” arabe che vi
riconosce. Un esempio che mostra il livello di possibile corruzione riguarda l’epistola
(Al-nizãmiyya) di Al-Guwaynì, composta in omaggio a Nizãm al-Mulk, gran vizir
dei sultani selgiuchidi e promotore della scuola as‘arita nell’impero abbaside. La tradu­
zione ebraica è D’HVTOn (ha-siddûrîm : “gli ordini”) - in latino In offitiis ordinariis - e
riprende il significato del termine nizãm (“ordine”). Su questo teologo e le sue opere si
segnala, in particolare, L. G ardet , M. M. A n a w ati , Introduction à la théologie musul­
mane, Vrin, Paris 1970, in particolare p. 65-67 ; 156-157 ; 429-431 ; C. B rockelm ann ,
s.v. Al-Djuwaynl, in EI, vol. II, p. 620-621.
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 51

“la gente del giorno del giudizio” (currus “carro ; trionfo”)

1II termine arabo al-hasr (letteralmente “raduno”) indica “il giorno del giudizio, del raduno
(dei morti)” (Corano 50,44 e 59, 2 ; 19, 85 ; 10, 45). In ebraico il vocabolo e l’articolo
che lo precede sono semplicemente traslitterati.

UjxìNÌ a l-’isrã’
“il viaggio notturno”
hadlt al- ’isrã ’ T1D0 sippur ha-ysra ’eli
(historia israelite)

Si tratta del viaggio notturno di Muhammad dalla Mecca a Gerusalemme (Corano 17, 1).
In ebraico il termine evidentemente è stato prima traslitterato freien (ha-ysra’) e poi
adeguato, forse da un copista, a ysra’eli in ragione della somiglianza grafica e auditiva.

ôjAxü sidrat al-muntaha n^Dnn “in o siddùr ha-taklìt


“il cespuglio del limite” (ordo finalis)

1Secondo i commentatori del Corano (Corano 53, 14) sidrat al-muntahã indica un albero
el paradiso, raffigurato con grandi foglie e colori indescrivibili e sconosciuti. Dai suoi
piedi nascono i quattro fiumi del paradiso. In ebraico, il primo termine è ricalcato sulle
lettere che compongono la radice araba (sidra-siddùr) e il secondo è tradotto, ma la
locuzione perde di significato.

!c i ls^ UjiuiVl al- ’isiiwa ’ ‘alã al- ‘ars m m yn by rnwn ha-siwwûi ‘al ha- ‘ãrãvôt
\ “lo stare assiso (di Dio) sul trono” “l’equilibrio sui cieli”
(de empireo)

; Il traduttore ha inteso il sostantivo verbale al-’istiwa’ (“lo stare adagiato ; uguaglianza ;


equilibrio, stabilità”) ricorrendo al senso del verbo “essere uguale ; stare in equilibrio”,
ma che qui, seguito dalla preposizione significa “lo stare seduto, adagiato”. 4ars
indica il “trono” : in contrapposizione a una descrizione antropomorfica di Dio assiso su
un trono, una spiegazione argomenta che dei sette cieli che circondano l’universo, i più
esterni sarebbero i l 4ars e il kursï(Corano 2, 255 e 38, 33). Questa interpretazione è alla
base della la traduzione ebraica ha- ‘ãrãvôt (“i cieli”) e la giustifica12.

12 Per quanto riguarda Futilizzo di tali termini in ebraico si riportano due riferimenti
presenti nel Moreh Nevukim (Guida dei perplessi) di Maimonide, secondo la traduzione
ebraica di Samuel Ibn Tibbon. (I, cap. 28) nnn nöX3 p m NIn flWXnn Ittinn ‘O
NO!) EPmpjn Q : “Intendo dire che la materia prima si trova anche nella realtà
al di sotto del cielo che si chiama ‘trono’ [N03]” (M a im o n id e , La guida dei
perplessi, trad, italiana a cura di M. Z o n t a , UTET, Torino 2003, p. 133); (I, cap.
52 SILVIA DI DONATO

Questi stessi processi, sopra evidenziati rispetto ad argomenti propri


della tradizione religiosa, ricorrono lungo tutta la traduzione quando il
testo pone delle difficoltà. E specialmente il complicato e inusuale voca­
bolario coranico, accanto al contesto poco familiare, è sovente causa di
incomprensione per il traduttore. Per completare il quadro delle attitudini
assunte da quest’ultimo si osserva che, in generale, nei casi in cui una
locuzione complessa o poco chiara non è compresa, la versione diventa
pedissequa : una semplice riproduzione del testo arabo, senza porre
attenzione alle relazioni esistenti tra i membri della frase. In altre occa­
sioni è azzardata una traduzione e il traduttore immagina (e introduce) un
termine che, a suo avviso, potrebbe convenientemente inserirsi nel
contesto generale in sostituzione di quanto non compreso ; oppure la resa
di un termine è dedotta dal significato della radice araba che lo compone,
senza tener conto delle accezioni derivate che le differenti forme verbali e
le modificazioni grafiche conferiscono al verbo, o vocabolo, in questione.
I comportamenti descritti originano, nel testo della traduzione, errori
che sono dunque di omissione, di approssimazione e di fraintendimento
- come, ad esempio, la confusione di vocaboli omografi il cui significato,
però, è chiarito precisamente dal contesto13 ; o come i frequenti errori
auditivi dovuti a un’errata lettura o pronuncia dell’arabo14 da parte del
traduttore e quelli visivi, dovuti alla confusione di lettere simili. In
aggiunta a questi errori si devono poi ricordare i fraintendimenti ricon-70

70) V’r ìraDn n m m ton rrto n toton *om m m y to tr to n m u m m yn nmto p i


D3H to n eppan rrto n Kin m r r w i n■’srp i ynw anw mpa tonato: “Lo stesso vale per
‘Colui che cavalca le nubi (Salmi 68, 5) - il cui senso è: Colui che domina le ‘nubi’
[mmy], ossia la sfera celeste più elevata, che avvolge l’universo. Il detto dei sapienti,
ripetuto in ogni passo, è che ci sono ‘sette firmamenti’, e che le ‘nubi’ [DDiy] sono il
cielo più elevato che avvolge l’universo” (M aim onide , cit., p. 247).
13 Ad esempio la traduzione DlKin (hera u : “apparizione, rivelazione”) per
(“lombi”. Corano 7, 172). Il termine arabo, plurale di (“dorso, schiena”) è stato inteso
come jj$-k (“l ’essere manifesto ; apparizione, manifestazione”). Questo genere di errore,
d’altra parte, non riguarda solo termini sconosciuti al traduttore : infatti, sono numerosi i
casi di fraintendimento o, ad esempio, della negazione L» (“non”) con il pronome relativo
L» (“che”) o viceversa.
14 Ad esempio (zahïr : “aiutante”. Corano 17, 88) inteso come (zãhir :
“manifesto, palese”).
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 53

ducibili alla scarsa chiarezza e accuratezza della grafia del manoscritto


arabo sul quale è stata condotta la traduzione, che presentava proba­
bilmente delle difficoltà di lettura e, mancante ad esempio dei segni
diacritici, è alPorigine di importanti alterazioni.
Oltre alle difficoltà oggettive incontrate dal traduttore, sono stati
rilevati e messi in luce errori e confusioni che inducono, nel complesso, a
supporre una competenza linguistica - soprattutto terminologica - del
traduttore non eccellente, o in ogni caso a ritenere che la particolarità del
linguaggio coranico abbia costituito un importante ostacolo. Alcune delle
osservazioni fatte, poi, sostengono l’impressione generale, con
implicazioni particolarmente rilevanti, che il grado di attenzione e cura
del traduttore si abbassi e l’approccio al testo diventi superficiale e
approssimativo quando egli si trovi a tradurre le citazioni dal Corano e
dagli ’ahãdít.
Appare evidente che tutti gli errori e fraintendimenti di cui si è
riferito comportano l’effetto di ostacolare, anzi spesso di compromettere,
la comprensibilità del testo.
Il caso rappresentato dal Kitãb al-kasf come già anticipato, è
completato e complicato dall’ulteriore fase traduttoria costituita dalla
versione ebraico-latina di Abraham De Balmes.
Le difficoltà incontrate dal traduttore ebreo, come la sua disatten­
zione e imprecisione, si ripercuotono inevitabilmente, attraverso gli errori
che ne derivano, sulla traduzione latina. È evidente, ad esempio, che la
traduzione approssimativa di un termine in ebraico diventi un errore
difficilmente recuperabile in latino. Allora, se da una resa letterale
ebraica può essere ricostruito intuitivamente il senso dell’arabo, quando
aumentano i passaggi linguistici e ci si allontana dall’originale, l’ulteriore
meccanica traduzione latina dell’ebraico (imposta a volte dall’oscurità di
quest’ultimo) intralcia enormemente l’intelligibilità di una frase che
risulta sospesa e priva di senso. Ma nella traduzione latina, oltre al
condizionamento subito da quella ebraica, si incontrano fraintendimenti
ed errori imputabili al suo traduttore che sono in gran parte simili a quelli
caratterizzanti traduzione ebraica in relazione al suo modello arabo15. A

15 Si ripetono, ad esempio, la decifrazione errata e Ferrata vocalizzazione di alcuni


vocaboli come, ad esempio, “OTft (me-davar; t>: “da qualcosa”) letto
(medabbër: “colui che parla”); Ü 'm ÏÒÏÏ (ha-lo' nasìm; ¿Al “non abbiamo forse
54 SILVIA DI DONATO

questo, poi, si aggiungono problematiche specifiche, dovute anche alla


meccanicità con cui il testo ebraico è tradotto in latino, per cui i periodi
presentano nessi logico-grammaticali e assumono strutture sintattiche del
tutto improbabili in latino e, al limite, errati. Un altro elemento di compli­
cazione, infine, è rappresentato dal fatto che i limiti dell’estensione delle
citazioni non sono sempre compresi dal traduttore che ne esclude, a volte,
una parte (magari collegandola logicamente a quanto segue o consi­
derandola come facente parte di quanto precede), ovvero vi include
quanto ne è escluso.
Considerare anche la traduzione latina delle citazioni coraniche è
necessario per completare il quadro dell’analisi relativa alla trasmissione
del trattato, ma ci consente anche di rilevare con evidenza -com e
anticipato - che il progressivo allontanamento dall’ambiente culturale di
riferimento e la conseguente estraneità alla portata di significato dei
traduttori e dei destinatari delle versioni, per i quali i versetti citati non
rimandano ad alcun substrato di conoscenze tradizionali, accrescono le
possibilità di fraintendimento e riducono le opportunità di comprensione.
In secondo luogo, ci permette di considerare la misura della corruzione
subita dal testo attraverso successive fasi di traduzione, al punto da non
conservare, quasi, la fisionomia originale.
Il campione delle citazioni coraniche menzionate nel Kitàb al-kasf(Q
una di hadïî) intende mostrare chiaramente come i casi di confusione ed
errore fin qui riferiti si presentano nello specifico. Di ogni citazione sono
riportati in parallelo il testo arabo, la traduzione ebraica e quella latina
accompagnati dalle note di commento che contengono le osservazioni
volte ad analizzare gli eventuali fraintendimenti ed errori, spiegare la loro
origine e raccogliere l’indicazione di ogni elemento rilevante per la
comprensione delle traduzioni e del loro rapporto con il rispettivo
modello. Per consentire una percezione immediata del livello di con­
gruenza o discordanza delle traduzioni ebraica e latina rispetto al testo
arabo, poi, è data la traduzione italiana di ogni versetto citato, di norma
secondo la traduzione di A. Bausani16, ma talvolta da noi adattata alla

bër. “colui che parla”); D'TO ÌÒTi Çha-lo ’ nasìm; “non abbiamo forse posto”.
Corano, 78, 6) letto □ “TOfrÒn (h a -f- \anasìm).
16 II Corano, traduzione italiana a cura di A. Bausani, BUR, Milano 19955 (19881).
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 55

lettera dell’arabo per mantenere l’evidenza della costruzione dei periodi e


per rendere più espliciti i parallelismi con l’ebraico e il latino.

(Corano 2, 21)

□DDK KDD DOT DDD7K 17OT D7K n i DDK


O vos filii hominis, servite Domino vestro qui creavit vos

O uomini ! Adorate dunque il vostro Signore che ha creato voi e coloro che
furono prima di voi.
In ebraico, e di conseguenza in latino, non è riportata la parte finale della
citazione Oì ’^ j (“e coloro che furono prima di voi”). Ma il vocativo che in
arabo si trova alla fine della citazione, in ebraico è anticipato : il traduttore l’ha
probabilmente letta per intero ed è l’autore della contrazione.

(Corano 7, 184)
¿y* Laj (j-iajVtj d j l I Jjjàl) ^xljj
DD7D ,l7Kn KDD DOTI pKD1 D’ftOT TJpD 1D^ DDOTD
Primo testificabuntur acquisitionibus meis celi et terre et quod creavit
Deus rationale

Non han forse guardato al regno dei cieli e della terra e alle cose che Dio ha
creato ?
P rim o : DTIOTD. L’arabo ( ‘awalam) è stato letto Vjl* ( ‘awwaPnf
T e stific a b u n tu r : l’ebraico WW (“incitare ; osservare”) è stato letto W T*
(“testimoniare”).
A cq u isitio n ib u s m eis : l’ebraico -nnp (“regni, possedimenti ; acquisizioni”), in
stato costrutto è stato inteso come T3p* (“i miei possedimenti”).
R a tio n a le : l ’ebraico DD7ft ¿>)è stato erroneamente inteso come il participio
DD7D* (“parlante”).

(Corano 11, 13)


CLltj^iLa Ijjlä
miopia iniDD nmn dot wd n
Feratis decem columnas dulcis eloquii sicut ille sunt

Portate dieci sure simili a queste inventate da voi.


C o lu m n as : Diftin (“muri”). La traduzione ebraica deriva dalla considerazione di
j j * (plurale di : “süra ; capitolo”) come j M £ * (“muro”).
D ulcis eloquii : DïüpW (“tranquille, calme”) considera il participio cL·JHa
(“inventate, fabbricare menzogne”, Vili forma dalla radice <j j »: “fendere,
spaccare”), derivante dalla radice jSà (in II q I V forma : “calmare, attenuare”).
56 SILVIA DI DONATO

(Corano 20, 5)

mmy p in
Pietosus super empyreo

Il M isericordioso è assiso in gloria su l trono.


L ’ultimo termine citato non compare in ebraico, né di conseguenza in latino :
“si è seduto in gloria”.
La citazione compare nel ms. Köprülü 1601 e non nel ms. Escurial 632.

(Corano 20, 52)


Vj V
rnt^ ■»hk ìmp *0
Non fallet hominem neque obliviscetur

N on s *inganna il m io Signore e non oblia.


H o m in em : l’ebraico {'a d o n i : “mio Signore”) è letto DTK*.
Il modello della traduzione ebraica, come il ms. Köprülü 1601, probabilmente
non riportava la prima parte del versetto citato che è presente nel ms. Escurial
632 : gru ^ (“la conosce il Signore, scrìtta in un Libro”).

(Corano 22, 73)


a! \jx ¿>1^1 LIA t^àlàhJ Q^ Al QJÙ QA (jAll (jl
in rrnnrp mnr “í x t r iò ,l?xn nVir o t
Qui sciverint preter Deum non crearent muscam neque associati fuissent
secum

In verità coloro che voi invocate in luogo di D io non creerebbero una mosca,
nem m eno se si radunassero p e r questo.
S civ e rin t : IVT ( y a d u ). In arabo u (ta d ‘üna : “invocate”) probabilmente letto
j j c j j * {ya d ‘una). In ebraico è ricalcata meccanicamente la radice del verbo
arabo, senza però considerare la differenza di significato.
N eq u e : fròl {we-lo ’ : “e non”) derivante probabilmente da un originale rìn (we-
10 : “anche se”) confuso per omofonia.
11 modello arabo della traduzione ebraica evidentemente riportava, come il ms.
Escurial 632, la parte finale della citazione *1 lj*AA jlj omessa nel ms. Köprülü
1601.

(Corano 32, 5)
jjjü u L&a XÌmm ôjILu (jl£ ,^Si <ul] £ J*-J (jiajVl i^Ludl jJ.ll
v*7K rhw inK p x n dw to r ^ n -d p
Memineret rei ex celo ad terram, cras ascenderet ad ipsum
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 57

G overna E gli la causa dal cielo fin sulla terra, p o i essa ascende verso di L ui in
un giorno della lunghezza di m ille anni che contate.
Il modello della traduzione ebraica non riportava la citazione completa, come
compare nei manoscritti arabi, oppure il traduttore ne ha trascurato la seconda
parte.
M e m in e re t : "DP. L’arabo jPà (“egli governa”) è stato letto probabilmente
(“egli menziona, ricorda”).

(Corano 38, 27)


j L i l QA IjjiiS l & & (jA Ì! ( jL < illj y â A j LagÂu b » j J d iijU ju d ll Lilàk LaJ

ra n p mnn i r a ;*?rinn "ira m w m ni nbnn orrmw nai p a m n ica Kbi


Et si creavissemus celum et terram et quod est inter ea destruxisset istud
cogitationem eorum qui negaverunt illos qui negaverunt de igne

E N oi non cream m o il cielo e la terra e ciò che contengono in vano : questo è


quello che pensano coloro che rifiutano la fede, m a guai a coloro che rifiutano
la fe d e, p e r il fu o c o !
E t si : l’ebraico ìò (“non”) è stato letto V?* (“se”).
D estru x isset : nbnn, calco di { b ã tifn : “in vano”), considerato in latino come
voce verbale di 3 p.f.s. della quale ha inteso come soggetto il pronome maschile
HT {istud).
PviDD1 : nei manoscritti ebraici è lasciato di seguito uno spazio bianco, in
corrispondenza di dijà (“guai !”), interiezione evidentemente non compresa dal
traduttore.

(Corano 42, 34)


¡je« dáxjj1 Lftj (jgJüjj ji
up "iran
Quando acquisiverant manus eorum

O ppure le affonderebbe p e r quello che hanno meritato, m a E gli m olto perdona.


Nei manoscritti ebraici, degli spazi lasciati bianchi precedono e seguono quanto
citato.
Q u a n d o : l’ebraico ira n ( ^ ) letto "iran*.
M a n u s e o ru m : probabilmente il traduttore latino ha tentato di dare un senso
alla citazione e ricostruire quanto omesso in ebraico, riferendosi alla citazione
successiva : Questo è p e r quello che hanno m eritato le vostre m ani (Corano 42,
30).
58 SILVIA DI DONATO

(Corano 53, 9-10)


La ôJLC" ( jiù \ j ! ¿JjUjjjS c_jlâ (jl^ 3

rrm nKnn r a y bK nxnm


Et fuit et ostendidit servis Suis quicquid ostendidit

E s 'avvicinò a due archi e m eno ancora e rivelò al servo Suo quel che rivelò.
In uno dei manoscritti ebraici si nota uno spazio bianco lasciato in corrispon­
denza della parte di citazione non tradotta J ù h j* u^ ) .
E t fu it : omesso in ebraico
S ervis Suis : Vìny1?. In arabo ^ è al singolare.

(Corano 57, 22)


¿Sil d lL ¿j\ 4Ia Ì ^ 3 ( ji 0 a V ] ^uuiajì f jk V j ( j- a jV I ( jk ¿j a <-_jLx-ai La

toya bKn by nw dk-ùjw ^Db nDon Kb dk n y r m s ii Kb*) pKn mxsiöö kx&Kb


Non invenit ex inventionibus terre neque in animabus vestris nisi in libro
secundum creationem vestram. Quia istud est apud Deum secundum pauciora

N on [v/] toccherà disgrazia sulla terra né nelle vostre p erso n e che non sia scritta
in un libro p rim a che la produciam o : fa c ile è questo a D io !
E x in v e n tio n ib u s : ntoiiïft (“origini”). Il significato specifico del termine arabo
i> (“disgrazie, calamità”) non è compreso dal traduttore ebreo che sembra
renderlo a partire dal verbo KXtt (“trovare”) con cui ha tradotto (“cogliere,
accadere”).
S ecu n d u m ... v e s tra m : l’ebraico DKraty UDb (1*1 ut J i ù*) è letto dal
traduttore latino come fosse üDKimty '’Db* (“come vi creammo”). Il pronome
suffisso di seconda persona plurale non è giustificato dall’ebraico, dove il suffisso
plurale di terza persona è dovuto alla mancata comprensione del suffisso femminile
singolare arabo, erroneamente inteso come riferentesi a un plurale di cose.
S ecu n d u m p a u c io ra : tr a (“poco”) ; (“facile, agevole, minimo, piccolo”).

(Corano 67, 16)


j ^ oj L li ( jia jV I i ( jl pLojoJI ^ ¿j a f ila li

Trarr» nn p DKi pKn ■’dd “ìno’w omaKn


Creditis ne de celis quod ruant sicut et terra. Ergo illi continuarent

Siete sicuri che Chi è nei cieli vi fa c c ia sprofondare sotto terra ? Ecco è
squassata.
De celis : Il traduttore ebreo ha letto, dell’arabo ^ ¿ja (“Chi è nel
cielo”), c>* (“da”) e non ha tradotto la preposizione ^ (“in”).
S icu t : l’ebraico '’DD indica che <4? (“voi”) è stato letto ^ (“quanto”) a sua volta
approssimativamente tradotto come (“come”).
liti : an traduce il pronome ^ (femminile riferito a come plurale riferito
cose.
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 59

C o n tin u a re n t : Il verbo passivo arabo (da J-* : “roteare


vorticosamente, turbinare”) è stato inteso approssimativamente (da j* :
“passare, trascorrere”).

(Corano 70, 4)
(Köprülü 1601 cs* ^ jjllj g )
rom rfix mmn n w rrn uva nnm m aóna ó t
Ascenderent angeli et spiritus ad Ipsum in die qua fuit mensura quin­
quaginta milibus annis

A scendono a lui gli angeli e lo Spirito (in un giorno).


Il modello della traduzione ebraica conteneva la citazione completa del versetto
che prosegue ^ <— all ¡>J^a (“la cui lunghezza è di cinquantamila anni”).

(Corano 78, 6-7)


Lljji ^li
minpn onnm mnpn pxn w m Nbn
An propter homines sit terra fixa et montes fixi ?

N on abbiam o posto la terra com e un giaciglio e i m onti com e p io li ?


P ro p te r hom ines : l’espressione ebraica U'Vn xbn (ha-lo ' nasìm : “non abbiamo
forse posto”), costituita da una negazione con particella interrogativa prefissa e
da un verbo, è stata evidentemente letta in latino come CPUttNb.H* (h a -f- ’anasìm :
“forse per gli uomini”) : sostantivo preceduto da particella interrogativa e
preposizione.
F ix a : nsnpn ; (“giaciglio”, dalla radice ^ tradotto come tá>«* (participio
passivo dalla radice dj y. “fissare, fermare saldamente”).
F ixi : DTìpn. Il sostantivo Lliji (“pioli”) è tradotto in ebraico come il participio
táJ*. Questo termine e il precedente ni/lpn sembrano tradotti per approssimazione
e per attrazione reciproca.

(Corano 78, 14-16)


lililí CjLiakj Ijtáj Lä. £-^pàl l ^klaJ eLa d i a\\ (ja UÍ_pí J
rm - Q’a crw na u m m
Et fecimus descendere ex celo aquam - usque dictum Suum

E abbiam o versato dalle nuvole acqua copiosa con cui fa r germ inare grani e
p ia n te e giardini folti.
Nel modello della traduzione ebraica la citazione probabilmente consisteva in
lililí d>U=».j - 4Ìji ^1 - Ç.L» diijhoxjÙ1¿y* Uljjíj*. In corrispondenza dell’ultima parte,
che non è stata verisímilmente tradotta, nei manoscritti ebraici è lasciato uno
spazio bianco.
60 SILVIA DI DONATO

(Corano 80, 24)


*LalxJa jJàùJa
□ ,’DK,7ön QÌKH 1”^
En speculetur homo cibos

M a guardi dunque l d o m o il suo cibo !


C ibos : l’ebraico □'Oíòôn (“angeli”) è una probabile corruzione di ü^ONïïn*,
lezione che doveva essere conservata nel modello sella traduzione latina e che
corrisponde, almeno in parte, a (“il suo cibo”).

(Corano 86, 5)
¿jLuojyi jlà.nla
ma no QìKn rsr run
Sicque speculetur homo quid ex quo creatum est

G uardi dunque l *uom o da cosa f u creato.


La traduzione ebraica non riporta, come quella latina, il secondo versetto t> 6 ^
$\±a pi (“Fu creato di liquido effuso”. Corano 86, 6) che compare in arabo.

(Corano 88, 17)


CùLk (JAH jjjlàjj yà\
ì *cq3 onuon mn
Sicque speculabitur luminaria quo modo creata sunt

M a non guardano dunque [gli uom ini] il cammello, com e f u creato ?


S icque : la traduzione ebraica mn (“ecco, dunque”) di ^ (“ma non”) trascura la
particella interrogativa, non tiene conto della negazione e considera l’espressione
come (“e dunque considerino”).
L u m in a ria : è difficilmente immaginabile il termine dal quale il traduttore ebreo
possa aver dedotto la traduzione Dnuttn per (“cammello”). D’altra parte è
plausibile che il traduttore, non comprendendo il termine arabo, abbia inserito
quanto gli pareva più consono in relazione al contesto, supportato da quanto
poco prima era stato citato in un versetto simile (Corano 25, 61).

4_i]j Lö CÀjsH uLiS j j l (ja ¿jí


ìm io raí vid *imr n-iw rrim * tikö ioö
Quod Deus velavit ex luce cui Séraphin ostendit splendorem faciei Sue
super quem perv enit visus Eius

A. J. WENSINCK, A H andbook o f E arly M uham m adan Tradition, Brill, Leiden


1960, voi. l,p. 424.
I TRADUTTORI DI FRONTE ALLE CITAZIONI CORANICHE 61

D io è avvolto da un velo di luce che, se si svelasse, la gloria del Suo volto


brucerebbe qualsiasi cosa su cui pervenisse il Suo sguardo.
V elavit : l’ebraico "joü è inteso attivamente. La formulazione araba á
potrebbe lasciar supporre un originale ebraico "lOtt 'btfb* > “|0ft 'bxn.
C u i ... E iu s : imfrn vbN sn n vìb nmr *riw nbu ib; u ji
: la particella ipotetica ebraica Ì7 {lo “se”) è stata confusa con
l’omografa preposizione seguita da pronome suffisso lb* {lô “a lui”). S é ra p h in :
rpitf (“bruciare, consumare”) ; In latino, il verbo dell’apodosi è confuso
con il termine rpfr* (“Serafino”). O ste n d it : nbtò (“è manifestato”) come Il
traduttore latino ha vocalizzato il verbo come fosse di forma attiva : nbfa*
(“manifesta”). S p len d o rem ... Sue : il soggetto della frase (“iniT; è reso in
latino come complemento oggetto.
IDIT B O R B S-W EIN STEIN

TENSIONS WITHIN AND BETWEEN MAIMONIDES’


AND GERSONIDES’
ACCOUNTS OF PROPHECY

Avant Propos or Apo-logos

Whereas Moses Maimonides’ place in the western philosophical


canon as a radical Aristotelian, Jewish philosopher has been acknow­
ledged, even if grudgingly, as soon as the Latin masters began to cite him
both approvingly and disapprovingly, Gersonides’ place remains a gaping
abyss, despite the fact that he composed supercommentaries on most of
Averroes’ commentaries on Aristotles’ works or, perhaps, because of
them. The loss of Gersonides’ works to the western tradition, or rather its
repression, is especially noteworthy when it is also noted that Gersonides
invented the baculus Jacobus, a groundbreaking navigational instrument,
and that his mathematical and astronomical works were not only highly
influential but also that one of them was commissioned by the Avignon
papacy. In contrast, although the scholarship addressed to Maimonides’
thought has formed and continues to form the lion’s share of the Jewish
philosophical canon, the few philosophers who study Gersonides’ thought
seriously regard him rather than Maimonides as the exemplary, radical
Jewish Aristotelian philosopher. This curious discrepancy between the
two traditions brings into relief the questions of what could be understood
by a designation, such as “radical Aristotelian”, and what its importance
may be in the context of the history of philosophy, questions that surely
warrant a philosophical pause. In the following paper the pause will
occasion a reconsideration of Maimonides’ and Gersonides’ respective
accounts of the relations among veridical dreams, divinations, and
prophecy in order to, on the one hand, reevaluate judgements about the
nature and relations of their philosophical works and, on the other, clarify
the polivalence of “radical Aristotlianisms”. Consequently, the paper will
make manifest the unresolved and irresolvable tensions between a richly
diverse philosophical Aristotelian tradition that both resists a
misappropriation into a conformity with doctrine, let alone religious
doctrine, and simultaneously attempts to reconcile Aristotelian philo­
sophy and the Hebrew bible, or at least the belief in a transcendent deity.
64 IDIT D OBBS-W EINSTEIN

Maimonides’ and Gersonides’ accounts of the relations among


dreams, divinations, and prophecy differ in one fundamental respect that
sheds light upon their respective reception as radical Aristotelians.
Whereas Maimonides draws a sharp distinction between Mosaic prophe­
cy and all the other modes of extraordinary knowledge named by dreams,
divinations, and prophecy, and argues that Mosaic prophecy differs in
kind from all other extraordinary modes of knowing, which modes differ
only in degree, Gersonides argues that all modes of prophecy differ in
kind from other extraordinary ways of knowing. This difference between
the two giants of medieval, Aristotelian, Jewish philosophy is especially
striking, perhaps even inexplicable, when placed within the context of
their respective cosmologies. For Maimonides’ emanationist, hierarchical
cosmology, a cosmology in which the causality of the motion of the
celestial spheres is both distinct and independent from the causality of the
Agent Intellect, would seem to invite a real distinction between prophecy
and the other modes of knowing, an invitation irresistible to many
subsequent students of his works. In contradistinction, Gersonides’ rejec­
tion of emanation, his adoption of the new physics, as well as his views
on astrology and prognostications would seem to entail that differences
among modes of knowing, ordinary as well as extraordinary, is one of
degree only. In what follows, through a comparative analysis of Maimo­
nides’ and Gersonides’ philosophical accounts of dreams, divinations,
and prophecy, an analysis that will effect a covert polemos between them,
I seek to (1) clarify Maimonides’ and Gersonides’ controversial positions
on prophecy, and (2) make evident the irreducible tension between a
materialist Aristotelian philosophy and a traditional understanding of the
Hebrew scripture.1

1 Since my primary concern is with Maimonides’ and Gersonides’ philosophical


accounts of dreams, divination, and prophecy, and the consistencies or inconsistencies
that are disclosed in them, and since a comparison of their respective accounts requires
that I limit the analyses to philosophical texts that are not constrained by either the letter
of the texts upon which they comment, or by prior commentary traditions, or by
differences among their audiences, I restrict my analyses to their non-exegetical, philo­
sophical works. Hence, I shall not take into account (in any detail) commentaries either on
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 65

In order to avoid the need to account for differences among the


audiences to whom his diverse works are addressed, my analysis of
Maimonides account will focus almost exclusively on the Guide o f the
Perplexed2. Moreover, in order to facilitate a comparative analysis and in
light of the radical distinction drawn by Maimonides between Mosaic
prophecy and all other extraordinary modes of knowing, I shall restrict
my analysis to his account of the latter. Finally, by way of introduction,
insofar as Gersonides’ account can and should be viewed as a response
not only to that of Maimonides, but also to the controversies generated by
his thought, I shall proceed seriatim, which procedure would render the
dialectical polemos invisible, until the brief conclusion. Since, in accord
with my claim that Mainonides has been granted (however grudgingly) a
place in the Western canon, I take the liberty of assuming greater familia­
rity with his works than with those of Gersonides. Hence, the discussion
of Maimonides will be far more brief than that of Gersonides, and will
serve as a foil for intensifying tensions in Gersonides’ accounts, which
tensions make evident the aforementioned irreconcilable tensions
between a thoroughgoing radical Aristotelianism and the Hebrew Bible.
As in all other investigations of aporetic questions, so in his discus­
sion of prophecy, and in a classically Aristotelian dialectical manner3,

traditional texts or on Aristotle. Likewise, since all comparative studies of Maimonides’


and Gersonides’ accounts of dreams, divination, and prophecy address the tensions within
and between their works by examining their philosophical and non-philosophical works
without distinctions, the excellence of these studies, notwithstanding, I shall not address
them, with very few exceptions. For the most recent bibliographic details of the literature
on Maimonides’ and Gersonides’ account of dreams divination and prophecy, see
KREISEL, H o w a r d , Prophecy : The History o f an Idea in Medieval Jewish Philosophy
(Dordrecht, The Netherlands : Kluwer Academic Publishers, 2001). For questions of
method as well as relations to scholastic philosophy, see C. S ir a t , S. K lein -B r a sla v y
and O. W eu er s , La méthode de travail de Gersonides et le maniement du savoir chez les
Scolastiques. (Paris : Vrin, 2003). Henceforth, SlRAT.
2 M oses M a im o n id e s , Guide of the Perplexed, Shlomo Pines, trans. (Chicago :
Chicago University Press, 1974), henceforth, cited as Guide ; Dalalat al-Ha'irin,
S. M u n k , ed. (Osnabrück : Otto Zeller, 1964) [Photomechanic reproduction of the 1856-
1866 ed.]. All English references will be to Pines' translation.
3 By Aristotelian dialectics I intend Aristotle’s account of dialectics in Topics 1,
where dialectics is understood to be the mode of inquiry into aporia concerning first
principles (101a37-b5) about which opinions (doxa, endoxa) vary. Hence, a dialectical
thesis is said to be a paradoxos.{ 104b 19-20).
66 IDIT D OBBS-W EINSTEIN

Maimonides begins with a brief outline of prevalent existing opinions,


limiting his inquiry to the opinions of those who affirm the existence of
the deity, excluding Epicurus, the Epicurean who denies divine
providence and who is the arche-atheist in the Jewish tradition.
Moreover, at the outset, Maimonides situates the opinions concerning
prophecy in the same class of opinions as those that concern the origin of
the universe and by extension providence, and miracles, i.e., opinions
concerning principles about which there is, or appears to be disagreement
between the Torah and philosophy, and which give rise to the kind of
perplexities which are the focus of the Guide.
The first opinion, which is held by the multitude, Jewish as well as
Pagan, maintains that God communicates knowledge to whomsoever God
chooses, provided that he/she is morally upright, irrespective of his/her
cognitive status, or prior intellectual preparation, is summarily dismissed
by Maimonides. Insofar as this opinion is a version of Kalam occasio­
nalism, it is worth noting that among the vulgar Maimonides includes
some of the Sages, dialectical theologians, and philosophizers. The
philosophical justification of Maimonides’ summary dismissal of
occasionalism is that it requires that prophecy be a miraculous event in
violation of the natural causal order. In response, Maimonides states,

this is not possible according to us - I mean that he should turn one of [the
ignorant] into a prophet - except as it is possible that he should turn an ass or a frog
into a prophet4.

The second opinion, that of the philosophers, maintains that anyone


who has attained the highest moral and intellectual natural perfection, and
provided that no natural, external cause should intervene, will necessarily
become a prophet. Note that, thus understood, the philosophers’ opinion
entails not only that prophecy is a perfection of nature, but also that it is a
natural, species perfection. It is, therefore, not an extraordinary form of
knowledge. The philosophers’ opinion is thus the dialectical contra­
dictory of the opinion of the “multitude” ; whereas the latter denies natu-

4 Guide, 2, 33, 362. Note that Maimonides’ critique of Kalam occasionalism


throughout the Guide views Kalam as an imagination based pseudo-science that turns
nature upside down, inverting the relation between the actual and the possible, failing to
distinguish between contrariety and contradiction, etc.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 67

ral causality, in fact annihilates nature, and thereby renders all events
extraordinary, the former recognizes nothing outside nature, human or
divine.
Having contradicted the first opinion while describing it, when he
presents the third opinion, Maimonides first juxtaposes the philosophers’
opinion to that of the Law as well as his own, and subsequently offers his
opinion as a modification of the philosophical opinion rather than its
contradiction. The form of Maimonides’ modification of the philoso­
phical opinion is especially striking ; for, it only adds one negative
proviso to the philosophical position, namely, that one who has attained
all requisite natural perfections may be prevented from becoming a
prophet by “the divine will”. I shall postpone discussion of how or why
Maimonides can make this claim and simultaneously argue that prophecy
is a natural phenomenon, until I have briefly outlined the nature of
extraordinary ways of knowing as well as relations and distinction among
dreams, divinations, and prophecy.
Although intellectual and moral perfection are necessary conditions
for all extraordinary modes of knowledge, they are not their cause, and
hence cannot explain them. The key to understanding extraordinary
knowledge is the imaginative faculty/power5, a faculty upon which “no
commandment or prohibition can be placed6”, that is, a faculty whose
disposition and perfection cannot be attained either through study or
through training. For, according to Maimonides, it is the perfection of this
faculty, owing to conjuction with the Agent Intellect, in which all modes
of extraordinary knowledge consist. Although the imagination depends
upon sensation for its “objects”, its activities, at their most perfect appear
to be independent of sensibles.
Before proceeding, it is important to note that the imaginative power
consists of three distinct activities : retention of sensibles, combination

5 Note that the term “power” translates the Arabic “al-quwah” (Hebrew : “ha-
k h o a h ”) and signifies the material potentiality that comes to be in virtue of sensation
rather than being a determinate potentiality that preexists its natural becoming. It is worth
noting that Aquinas criticizes Aristotle (and the Latin Averroistas) precisely on this point.
6 “The Eight Chapters”, in The Ethical Writings o f Maimonides, R. L. WEISS and
C h . E. B u t te r w o r th , eds. (New York : New York University Press, 1975), p. 60-104.
Chapter 2, 65. Arabic and Hebrew : Commentary on the Mishnah, Nezikin, “Introduction
to Avot”, ed. and trans. J. D. K afih . (Jerusalem : Mosad ha-Rav Kook, 1964).
68 IDIT D OBBS-W EINSTEIN

/construction, and imitation ; the first is its material/potential condition as


the first perfection that renders it into a power capable of independent
activity, the latter two are its proper activities. In accord with his
emanationist cosmology, Maimonides claims that once the imaginative
faculty is free of sensibles, i.e., once it has come to be an independent
power in virtue of sensibles and no longer immediately needs them,

[i]t is then that a certain overflow overflowed to this faculty according to its
disposition, and it is the cause of the veridical dreams. This same overflow is the
cause o f prophecy. There is only a difference in degree not in kind1.

In fact, Maimonides insists that all prophecy occurs as vision or


dream - i.e., for Maimonides the proper distinction is not one between
dreams, divinations, and prophecy, but rather among types and degrees of
prophecy. The more vivid or clear the representation, the more it makes
present what is absent or, again, the more it obliterates the difference
between the internal and external, the more perfect the vision or dream.
At his materialist Aristotelian best, Maimonides links extraordinary
imaginative disclosure to the desire for knowledge, naturally understood.

It is known that a matter that occupies a man greatly - he being bent upon it and
desirous of it - while he is awake and while his senses function, is the one with
regard to which the imaginative faculty acts while he is asleep when receiving an
overflow of the intellect corresponding to its [the imagination’s] disposition78.

Stating that this is a truism, Maimonides offers no further justi­


fication for the relation between the natural desire and the extraordinary
knowledge at this stage. Nonetheless, the question of the natural desire
for knowledge and its relation to extraordinary modes of knowing
/perfection is central for understanding the distinction he draws among
the nature and aims of the modes of knowledge proper to philosophers,
prophets, governors of cities, and others “like” them. Although, in accord
with an emanationist cosmology, Maimonides understands all modes of
knowledge to result from an overflow of the transcendent, and external
Agent intellect, such overflow must be understood as proportional not

7 Guide, 2, 36, 170. My emphasis.


8 Ibid. My emphasis.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 69

only to prior preparation but, more important, to the natural desire for
knowledge or rather its aim/telos. Men of science or philosophers enga­
ged in speculation receive an overflow that perfects their rational faculty
and extends no further. From the perspective of prophecy, insofar as
philosophers do not desire to communicate their knowledge, (perhaps,
except to the few) and/or insofar as their imaginative faculty remains
unaffected by such knowledge, qua prophecy, their knowledge is
“deficient” and “private”, i.e., it remains a-political and a-historical9. But,
it is not only men of speculation whom Maimonides deems deficient, it is
also and more problematically those whose desire is for domination or
governance of cities. The former group is praiseworthy, even if practi­
cally deficient, the latter is dangerous in many respects. Although I
cannot discuss the third class further in the context of this paper, it is
important to note that its diverse members include legislators, sooth­
sayers, and augurs, all of whom believe themselves to be wise, despite
their deficient rational as well as imaginative perfection. This belief when
reinforced by a desire for domination is the cause of the political danger
that they constitute. For their desire is for domination rather than human
flourishing. Indeed, for Maimonides, the prophet is their dialectical
overcoming or displacement.
Unlike veridical dreams and prophecy which, for Maimonides, are
strictly extraordinary ways of knowing, both insofar as their occurrence
is rare and insofar as they affect very few individuals, - the causes of the
erroneous belief in their extra-natural status - divination, according to
Maimonides, is an ordinary faculty which belongs to all members of the
human species by nature, and one whose actualized power, i.e., perfect­
ion, is necessary for both the reception and exercise of extraordinary
ways of knowing. In the case of prophecy, divination must be accom­
panied by the faculty of courage, which is the actualized form of the
appetitive faculty, the faculty of attraction and repulsion, pursuit and
avoidance, or the form and direction of desire. Whereas what is named by

9 Thus understood, the knowledge communicated to philosophers, insofar as it is


limited to “truths” of science, is no different in kind than other forms of strictly theoretical
knowledge, whose truths are a-historical and a-political ; for truths do not differ among
individuals, nor are they “affected” by their individuation. Such knowledge, however, is
therefore also indifferent to human flourishing, which is the purpose of prophecy.
70 IDIT B O R B S-W EIN STEIN

divination with respect to prophecy is an extraordinary quickness of


mind of a kind whereby “the mind goes over all these premises and draws
from them conclusions in the shortest time, so that it is thought to happen
in no time at all10” ; i.e., whereas divination is an active expression of
theoretical perfection, courage is an active expression of ethical perfec­
tion ; or, again, whereas divination names a perfected form of practical
reason, courage names a perfected form of desire. In short, Maimonides’
account of divination and courage is the adaptation of Nicomachean
Ethics Z to the aporia of prophecy. For, although all modes of prophecy
are extraordinary, they are, nonetheless, natural and concern human
flourishing. Precisely because, to paraphrase Aristotle, ‘it is not “thought
as such that can move anything, but thought together with right desire11”,
that philosophers, i.e., those concerned with speculation alone, are
deficient with respect to action (and desire), deliberation about which
concerns what is future and possible (or what is not, nor can be present),
what is to be desired and what shunned, rather than what is actual and
necessary. Insofar as prophecy is concerned with human flourishing, the
prophet is indeed the arche political authority. For, in addition to her
rational perfection, the perfection of the prophet’s imagination is
necessary for legislating the best mode of habituation of right desire in a
accord with reason, but which reason cannot effect, and for which vivid
representations of what is not present, what is not certain, and what is to
be desired and what shunned, what should be regarded as good and
beautiful and what as bad and ugly, is necessary.
Thus, properly understood, Maimonides’ accounts of prophecy are,
first and foremost, political (and I do not acknowledge here a distinction
between ethics and politics) and constitute a response to the classical
distinction in kind between right desire and true knowledge. Differently
stated, for Maimonides, the question of prophecy, or more poignantly, the
need for a prophet/legislator is a political one precisely because of the
irreducible gap between true knowledge and right action, where truth is a-
historical, a-temporal, and a-political, and action is historically concrete,
individual, and contingent.

10 Guide, 2, 38, 376.


il
Aristotle, The Nicomachean Ethics, Z, 1139a36-b4„
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 71

Before turning to Gersonides, I must acknowledge my promise to


return to Maimonides’ modification of the philosophers position with a
limiting clause that a person who has attained all the necessary
perfections can be prevented from prophecy by “divine will”. The
preceding claim that prophecy perfects nature provides an insight into the
status of Maimonides’ claim. At present, suffice it to point out that (1)
this problem is an instance of unresolved and irresolvable tensions within
Maimonides’ thought, but, nonetheless, provisionally suggest (2) that,
with respect to matters concerning material, temporal human flourishing,
the key to understanding Maimonides’ restriction of philosophy to natural
science is to be found in his acknowledgment, in fact intensification, of
the irreducible difference between epistemic truth and moral values. For,
it is precisely because no philosophical theory can bring about adequate
ethical habituation, precisely because reason has no power over the
affects, that an extra-natural source of law is required.
In the light of Maimonides political focus, and admittedly in lieu of
an adequate philosophical response to his introduction of the “divine
will” into a naturalist account of extraordinary modes of knowing, it is
clear that Maimonides’ silence signals a concession to conventional
idiom. It is, therefore worth recalling that, for Maimonides, the “divine
will” is the divine wisdom, which is the divine, and is expressed in the
sublunar realm as natural actions12, governed by the Agent Intellect, one
mode of which is prophecy. But, this raises at the very least the specter of
necessary emanation and/or pantheism, a specter shielded from vulgar,
i.e., conventional, view by the equivocity of the term “divine will”.

Gersonides’ diverse discussions of prophecy and its cognates (union,


conjunction) as a special kind of knowledge are articulated in the context
of three distinct philosophical genres : (1) biblical, philosophical exe-

12 See Guide, 3, 325. “If you consider the divine actions - 1 mean to say the natural
actions - the deity’s wily graciousness and wisdom (...) will through them become clear to
you.”
72 IDIT Dobbs-Weinstein

gesis, especially, The Song o f Songs13, (2) Supercommentaries on


Averroes’ commentaries on Aristotle’s works, especially, de Anima14, and
Parva Naturalia15 as well as (3) his independent magnum opus, The Wars
o f the Lord16. The differences among these discussions make evident
tensions that are irreducible to genre, especially insofar as they recur in
the Wars. Thus, for example, some of Gersonides’ accounts of prophecy
(even within the Wars) seem to endorse a (Neoplatonic) hierarchical,
emanationist schema, whereas other accounts seem to reject the tradi­
tional notion of emanation and conjunction, let alone a hierarchical one.
In addition, irrespective of the precise cosmology/physics implicit in
these diverse accounts, their very diversity demands a (re)consideration
of the question “whether or not Gersonides could consistently hold that
prophecy is a special form of knowledge, different in kind rather than
degree from natural cognition”.
Since, as stated in my opening remarks, it is my claim that a
philosophical evaluation of Gersonides’ accounts of extraordinary modes
of knowledge must consider them not only in relation to Maimonides’
texts but also in relation to their reception, it is important to note at the
outset that both the idiom and form of Gersonides’ “radical Aristotelian”
re-articulations of the aporiae of extraordinary modes of knowing neces­

13 M . KELLNER, ed., Gersonides’ Introduction to the Sons o f Songs, in Daat 23


(1989) : 15-32. Heb. ; English : “Introduction to the Commentary on Song o f Songs by the
Sage Levi Ben Gershom”, in Sirat, p. 326-33 ; and M . Kellner, Commentary on the
Song o f Songs (New-Haven : Yale University Press, 1998). It should be noted that rather
than universalize the transliteration of Gersonides Hebrew name, I shall reproduce the
peculiar transliteration provided by an editor or author. In so doing I honor the memory of
my late teacher, Leonard E. Boyle.
14 All references will be to the only printed edition and translation of the
manuscript, a partial edition of the Hebrew text with an English translation by
J. S. Mashbaum, “Chapters 9-12 of Gersonides’ Supercommentary on Averroes Epitome
of the De Anima : The Internal Senses” (Brandeis University Diss. 1981). Henceforth,
Supercom m entary. I have also consulted Paris (BN) MS. Heb. 919, one of the two
manuscripts not collated by Mashbaum in establishing his edition.
15 A. Altmann, ed., “Gersonides’ Commentary on Averroes’ Epitome of “Parva
Naturalia”, II, 3, in PAAJR Jubillee Volume, Part 1. (Jerusalem, 1980) : 1-31.
16 L evi B en G ershom , (Gersonides), The Wars o f the Lord, 3 vols., trans.,
S. F eldman (Philadelphia : Jewish Publication Society of America, 1984-99).
Henceforth, Wars. Hebrew : Levi Ben Gershon, Milhamot ha-Shem, Leipzig, 1866.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 73

sarily differ from those of Maimonides in significant ways, none of which


I can signal, let alone discuss, in what follows17.
Whereas Maimonides’ interlocutors were the Islamicate philoso­
phers and theologians, Gersonides’ are the Latin, Christian ones, whose
response to the Islamicate/Averroist appropriation of Aristotle’s works is
haunted or rather hunted by a powerful condemnation. Hence, both in
form and content their mode of philosophical investigation differ signi­
ficantly from one another, let alone from traditional ones. And, although
my discussion of Gersonides will focus almost strictly on the Wars o f the
Lord, the text whose content, if not form, is most kin to the Guide, insofar
as its stated aim is the reconciliation of Aristotle and Torah, given their
concretely different audiences and concerns, let alone modes of
exposition, I shall not force Gersonides into a Maimonidean framework,
for, these differences may help shed light on their respective philo­
sophical and religious commitments.
Like Mamonides’ discussion, Gersonides’ discussion of dreams,
divinations, and prophecy is focused upon the relations and distinction
between the imagination and intellect. However, whereas Maimonides’
discussion focuses on the psychology of prophecy, epistemic as well as
moral, and considers the question of prophecy to be a political question,
the focus of Gersonides’ discussion is ontological and extraordinary
modes of knowing are a question of physics. Differently stated, whereas
Maimonides investigates prophecy with a view to its purpose, i.e., human
flourishing in the polis, Gersonides investigates its natural conditions of
becoming.
Arguing for a distinction in kind between dreams and divinations, on
the one hand, prophecy on the other, Gersonides focuses upon the
“identity” and nature of the subject(s) or recipient(s) (substratum-flose) of
such communications. The other essential difference between these
modes of knowing, upon which Gersonides focuses, is likewise
ontological, namely the distinction between the celestial spheres and the
Agent Intellect, a distinction between the causes or conditions of the
communication. Since, in my opinion, it is the former distinction that is
primary, at least quoad nos or in the order of knowing, and since

17 For diverse considerations of the idiom as well as method of Gersonides’ works,


see Sirat, op. cit.
74 IDIT D ÖRRS-W EINSTEIN

Gersonides’ strictly philosophical works undermine a radical distinction


between imagination and intellect, the examination of this distinction
constitutes the primary focus of the following analyses. Notwithstanding,
insofar as the analyses of the primary distinction demand an explanation
of why and how it is primary, they will necessarily involve the second
distinction.
Since I have argued extensively for an ontological (rather than
epistemological) aspecti val reading of Gersonides’ accounts of conjun­
ction with the Agent Intellect18, by comparing his Supercommentary on
the De Anima and the Wars, rather than repeat my arguments, in the
context of this paper, I shall focus strictly, and almost exclusively, on
tensions within the Wars, above all, because it presents Gersonides’
attempt to reconcile (when and to the extent possible) apparently insur­
mountable differences between the biblical and philosophical positions,
which “reconciliation”, despite its internal tensions, is simultaneously the
most original and radically naturalistic/materialist premodern interpre­
tation of both Aristotle and Torah. It is also the text more fit for
comparison with the Guide. Hence, I shall, first, broadly and very briefly
outline features essential to all of Gersonides’ account of dreams, divi­
nations, and prophecy in the Wars ; second, I shall draw out their impli­
cations in order to delimit the scope of the differences among and within
Gersonides’ accounts of these extraordinary modes of knowing, and thus,
eliminate the generic and “Averroistic” and “Maimonidean” threats.
Finally, even if it becomes clear that the diverse accounts cannot be
reconciled, I shall attempt to propose a tentative resolution that can not be
reduced either to genre or to a crude form or Latin Averroist or later
Maimonidean “isms”.
Before proceeding, and for the sake of clarity, let me outline two
propositions and one conclusion that are central to understanding Gerso­
nides’ diverse discussions and that will be addressed henceforth, although
not seriatim :

18 See I. D o bbs -W einstein , “Gersonides’ Radically Modem Understanding of the


Agent Intellect”, in Meeting o f the Minds : Medieval and Classical Modern European
Philosophy, ed. S. F. B rown (Tumhout, Belgium : Brepols, 1998), p. 191-213.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 75

Dreams, divinations, and prophecy are extraordinary modes of


knowing, irrespective of the differences among them19 ;
Miracles do not constitute disruptions of natural laws, which laws are
necessary ; hence
Extraordinary modes of knowing cannot be understood as extra- or
supra-natural (para- or meta- physei)20.

In fact, for Gersonides, other than God, no entity, including the Agent
Intellect is extranatural, which is also one of the reasons why I fully agree
with Herbert Davidson and Shlomo Pines that Gersonides rejected an
emanationist, let alone, hierarchical, cosmology21, at least as they are
traditionally understood ; although he uses some traditional terms, such
as, “emanation”, (ha spa'ah) he uses them in a radically naturalistic
manner.

In the earlier chapters of the Wars o f the Lord, book two, so long as
he discusses the phenomena of dreams, divinations, and prophecy gene-
rically, and seeks to establish both their veridical and natural status,
Gersonides carefully delineates the relations and distinctions among the
“causes” of veridical communications that are distinct from, or are not the
obvious consequences of, the ordinary, natural, and gradual processes of
knowledge, namely, sensation, imagination, abstraction, and intellection.

19 Note that with the exception of divination, this proposition is equally true of
Maimonides’ accounts.
20 It is also worth noting that stated in the form of a proposition and conclusion, 2
and 3 could be equally applied to Maimonides’ accounts. What this misleading similarity
of propositional statements occludes is the radical difference between Maimonides’ and
Gersonides’ physics and cosmology, and hence what each views as intra- or extra­
natural.
21 H. D a v id s o n , “Gersonides on the Material and Active Intellect”, in G. F r e u ­
d e n t h a l , ed., Studies on Gersonides : a fourteenth century Jewish philosopher-scientist,
(Leiden : Brill, 1992), p. 195-265 ; S. P in e s , “Note sur la Métaphysique et sur la Physique
de Gersonide”, in G. D a h a n , ed., Gersonide et son temps, (Louvain-Paris : Peeters,
1991), p. 179-83).
76 IDIT D OBBS-W EINSTEIN

Although the latter are necessary conditions for extraordinary knowledge,


they are not sufficient conditions. Were they sufficient conditions for
explaining the communication of such knowledge, they would not be
rare, nor would there be a difference between philosophers, and dreamers,
diviners, and prophets as, for example, would be the case were these
modes of knowing no different in kind than the apprehension of first
principles, by nous. Thus, although he distinguishes between the role of
the celestial spheres and the Agent Intellect in these phenomena,
Gersonides concludes that the real, proper, or actual (in-actu) natural
cause of dreams, divination and prophecy is the single Agent Intellect.

Since it has been demonstrated previously that the heavenly bodies are the cause of
the order of the phenomena communicated in dreams, divinations, and prophecy
and that they serve as instruments for the Agent Intellect insofar as they produce the
mixtures for the sublunar world, {be-elu ha-dvarim asher be-khan) it is proper that
they are instruments producing the order inherent in these events. Accordingly, it is
evident that the agent responsible for this order is the Agent Intellect ; hence, the
Agent Intellect communicates this knowledge, either directly or indirectly22.

Thus, irrespective of the secondary (instrumental) causal agency of


the celestial spheres or of the relation between the determinate “know-
ledge/order” of which each sphere is the intermediary cause, the single
cause of the intelligibility of the order “governed” by the spheres is the
Agent Intellect23. Moreover, in the early chapters of Wars 2, Gersonides
is at pains to demonstrate that, even if these extraordinary modes of
communication concern both theoretical and practical (particular, contin­
gent) knowledge, both modes must have a single cause.

22 Wars, 2, 38. My emphasis.


23 It should be noted that, unlike Maimonides’ emanationist cosmology in which
the intelligibility of the motions of each sphere is consequent upon its own intellect,
which is also its moving cause, Gersonides’ rejection of emanation entails that the Agent
Intellect is the single cause of the intelligibility of the motion of all the celestial spheres.
In fact, as will become evident, since the causality of the spheres is mechanical, no
intellect is really required for their motion. In a word, they are superfluous. It is clearly
beyond the scope of this paper to investigate this matter and, in the absence of an extant
ms. of Gersonides’ Supercommentary on Av erroes Middle Commentary on Aristotle’s
M etaphysics, the full extent of Gersonides’ rejection of the “old Physics”, let alone
cosmology, remains undecided.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 77

For if this were not so, the material intellect would be two : one affected by one
intellect, and another affected by the second intellect. But if the material intellect
were two, an individual man would not be a numerically single substance, for unity
is a consequence of form, and if the form is not numerically one, that which has that
form cannot be one. But this is utterly absurd24.

Since the precise ontological relation between the celestial spheres,


on the one hand, the Agent Intellect, on the other, is beyond the limits of
this paper, since, in fact, it is unknowable25, and since Gersonides is
explicit about the unity of the “cause of these extraordinary commu­
nications”, I need not further defend my earlier claims that, at least quoad
nos, the primary tension/difficulty concerns the identity and purported
real distinction among the “subjects” of this communications.
Before proceeding, it is important to note that the instrumental
“agency” of the celestial spheres is at best one of moving causality rather
than efficient (i.e., actual-generative) causality. In the order of causes
(moving, material, efficient, and formal) theirs is the only order whose
causality is extrinsic to those “things” whose motions it is the cause, the
combinations of material elements, i.e., it is mechanical. Thus, even if the
spheres are said to be moved by their own intellects, and even if they are
responsible for the specific combinations that constitute the accidental
properties of particular events, the latter cannot be said to know the
intrinsic principles of the moved - rather they “know” its possible
motions. And, while the motion may be said to lead to human preser-
vation/perfection, it is not the actual cause of the latter26.

24 Wars, 2, 3.
25 Wars, 2, 2, 33. “For, it is impossible to have the repeated observations required
for these empirical principles of astrology, since the zodiac position of the heavenly body
at any given time is only repeated once in many thousand years. (...)The movements of
the heavenly bodies are still not sufficiently known ; indeed, we know very little of this
order from observation, even over a long period of time.”
26 The difference between efficient and mechanical causality, a difference occluded
by their subsequent conflation, cannot be overemphasized. Whereas the former is strictly
extrinsic, the latter is intrinsic so that the effect of an efficient cause in the patient
becomes the latter’s intrinsic principle of becoming itself an efficient cause, i.e., their
relation is aspectival. Whereas mechanical causality is continuous and contiguous,
efficient causality is not. As Wars 5,3, make evident, Gersonides’ criticism of Aristotle’s
astronomy, as well as of Ptolemy in his astronomical writings anticipates the Newtonian
principle of inertia. In this light, it is worth noting that the rejection of Aristotle’s
78 IDIT D OBBS-W EINSTEIN

It cannot be overemphasized that, insofar as he repeatedly dismisses


the possibility or philosophical intelligibility of any form of dualism as
absurd, Gersonides is also rejecting the Christian, let alone (and anachro-
nistically stated) modern notion of the subject, and thereby also of the
object, ontologically or epistemologically understood. In fact, qua
subject, the human individual is either unknowable or a species ; for,
properly (Aristotelianly) speaking, knowledge is always and only of the
universal. Likewise, since most dreams, divinations, and prophecy
concern future events/actions, and since qua futurai the events are
particular and “contingent”, they cannot be known as such, except insofar
as they are governed by universal, necessary laws of nature. In his replies
to the second and third difficulties in Wars 2, 6 Gersonides is quite
explicit :

From the Agent intellect there arises the knowledge of that pattern pertaining to this
individual (...), not insofar as it pertains to the individual as a definite particular.
Rather, it pertains to this individual as he is any arbitrary member of a class (...)27.

and

It does not know these individuals as definite individuals. Therefore, there is no


need to say that the Agent Intellect knows that a particular pattern belongs to a
definite individual28.

Given the rejection of all forms of dualism, of which the most


significant aspects (for us) are : the insistence on (1) the natural status of
these extraordinary modes of knowing, and (2) the universal, necessary
nature of knowledge - both of which require knowledge of the causes -
Gersonides’ explanation must demonstrate that, notwithstanding their
extraordinary (and apparently rare) occurrence, these modes of knowing
are really possible for the “species”, as a whole, in virtue of its nature.

understanding of moving causality and its replacement by mechanical causality is


simultaneously a rejection of the identity of the four causes. However, it is also worth
noting that from the perspective of his astronomy, all the separate intellects, qua intellects,
with the exception of the Agent Intellect must become superfluous to human
kno wledge/perfection.
27 Wars, 2, 50-51.
28
Wars, 2, 54.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 79

Otherwise, they will constitute chance events, which he rules out as


unknowable ; their causes being unknown, they are also unpredictable,
which is the nature and purpose of the communications. That is why
Gersonides insists that the communications about future events presup­
poses knowledge of first principles.
Insofar as these extraordinary modes of knowing must constitute
determinate possibilities of human nature, they must also be continuous
and consistent with the natural order of knowledge, both with respect to
the order of ordinary knowledge and with respect to the extraordinary
knowledge transmitted. This is especially true in the case of future events
which are particular and which are knowable only if their causes
(principles) are known.

[I]f it were the nature of the Agent Intellect to impart to the material intellect
knowledge of these matters without their causes, there would be no need for sense
data in the acquisition of knowledge ; indeed, the use of proofs would also be
superfluous. All of this, however, is absurd29.

But, were this the case, the possessors of such “knowledge” would
“know” conclusions without premises, and hence in the realm of expe­
rience and action, their “knowledge” would be purposeless and useless.
Now, as the discussion and citations up to now, should make amply
evident, that in virtue of which this communication is possible is the
specific human difference, namely the material intellect, which also
constitutes its conceptual unity, rather than the imagination, which is
possessed by all animals.
Irrespective of the ontological status of the material intellect30, which
I cannot discuss directly, it is evident that it is the originary ground of any
human knowledge whatsoever, and of the continuity of its processes from
sensation through imagination to all modes of intellection. Thus, it is not
surprising, (philosophically) that, in the discussion of the striving for
knowledge, practical as well as theoretical, whose proper characteristic is
a singular attentiveness or “isolation” (hitbodedut) of a specific faculty
necessary for the reception of extraordinary knowledge in dreams,

29 Wars, 2, 43. Cf. the above discussions of Maimonides’ rejection of the opinion
of the multitude as well as the discussion of divination.
30 It is not numerically one, for Gersonides. See Wars 1.
80 IDIT D OBBS-W EINSTEIN

divinations, and prophecy, the continuity between ordinary and extra­


ordinary modes of knowing is highlighted repeatedly by examples from
what is generally regarded as ordinary knowledge, since the striving for
knowledge is a single striving, the differences among which expresses the
different circumstances and degrees of the recipients’ perfection. What is
both uncharacteristic and surprising is the personal examples given by
Gersonides of experiences he has had, among which he includes the
frequent communication of theoretical knowledge in dreams.

This phenomenon happened to us freq u en tly, especially when we have been


preoccupied with very profound theoretical matters31.

It is this continuity between modes of knowing, a continuity that is


amply evident in the Supercommentary on the de Anima, coupled with
the insistence on the unified process of cognition, whose actual cause is
the Agent Intellect, but whose temporal unfolding is expressed in the
different modes of knowing governed and named by the material intellect
both, qua material (reception of the accidents) and qua acquired,
(abstraction and reception of the universal) that puts into question the
plausibility of the claim that prophecy differs in kind from other modes of
knowing, a claim that rests on the distinction between the imagination
and the intellect. To repeat : “for if this were not so, the material intellect
would be two...32”. Given Gersonides’ repeated emphases on the “same­
ness” (conceptual) of the material intellect, on the one hand, his
insistence on its numeric multiplicity, on the other, the latter repeated
citation would make no sense were it not for the aspectival relation
between the Agent and Material Intellects. Thus understood, the material
intellect is precisely the temporal expression of the actual unity of the
order inherent in the Agent Intellect, an expression that occurs through
the indefinitely many determinate potentialities of individual knowers.
Before proceeding to an all too brief conclusion, I must emphasize
the fact that, I do not question the claims to distinctions among modes of
knowing ; on the contrary, consistency would require that there are
indefinitely many in virtue of the role of the heavenly bodies in the

31
Wars, 2, 45. My emphasis.
32
Wars, 2, 40.
M AIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 81

specific individual composition and circumstances. Rather, what I


question is the plausibility of the claim to differences in kind among
modes of knowing.
Since a detailed and careful analyses of the ontology/physics of the
relations between the imagination and intellect developed in the
Supercommentary on the de Anima is clearly beyond the scope of this
paper, and since I have undertaken such analyses elsewhere33,1 shall limit
myself here to a brief summary of the sameness of and difference
between the imagination and intellect. At the outset it must be empha­
sized that both in the Supercommentary and Wars 1 Gersonides is at
pains to establish their sameness and difference in terms of the “subject”
of the receptive disposition for knowledge (ordinary and extraordinary),
precisely because the imagination, or rather determinate imaginative
forms, is the necessary, material condition for the human intellect. All too
simply stated, without recollection and representation, the activities
proper to the imagination, neither practical nor theoretical intellection is
possible. In fact, according to Gersonides, the actualized imaginative
forms become intellect.

Now, the imaginative forms (ha-surot ha-dimionyyot) constitute {hem) a potential


intellect ; for when they are abstracted from matter, they become (ihiyyu) intellect.
Once it is establishes that the imaginative forms constitute a potential intellect, they
should then be regarded as substrata for this disposition34.

Once the imaginative forms are abstracted from matter and become
the intelligible that constitute intellect, they are no longer the same ima­
ginative forms which provide the representational objects for cognition.
But, once they are intellect, the imagination can provide the intellect with
representational objects necessary for both conception and judgement
(siur ve- ha-’amatah), the latter of which is indispensable to dreams,
divinations and prophecy. To sum up, it is only in virtue of the double
aspect of the imagination that sensibility and intelligibility can be
related : with respect to both practical and theoretical knowledge, if they
are to be relevant to human flourishing, which is said to be the purpose of
dreams, divinations, and prophecy.

33
See note 18 above.
34
Supercommentary, 119.
82 IDIT D OBBS-W EINSTEIN

Irrespective of their differences, like dreams and divinations, prophe­


cy, requires representation, especially prophecy concerning future events,
in at least two ways, if the claim to its natural status is to be consistent.
(1) Insofar as the prophet is also said to be a wise man, the imaginative
forms are indispensable to him both in the process of acquiring concepts
(siurim) and in judgement (ha-’amatah). (2) Insofar as, and to the extent
that the prophet, qua prophet and even qua wise, is said to receive the
extraordinary communication for the sake of enabling the perfection of
others rather than himself (for which ordinary knowledge is sufficient),
which knowledge he strives to communicate, and insofar as language is
necessary for such communication and is representational, the imagi­
nation is indispensable for what distinguishes the prophet qua prophet.
And as noted earlier, this is the case even in the communication of strictly
theoretical knowledge.

The communication of theoretical knowledge usually occurs in the waking state


because in preparing to receive this emanation from the Agent Intellect, the material
intellect requires the help of the senses and imagination. This takes place when the
imagination produces the images necessary for the production of a particular
concept or principle35.

Moreover, insofar as the specific human difference is the material


intellect, for generically all animals possess imagination, Gersonides’
claim that the differences in kind between dreams, divinations and
prophecy is reducible to a difference between the specific receptive
faculties, imagination or intellect, cannot possibly mean that diviners’ and
dreamers’ imagination does not differ in kind from animal imagination,
but does from prophets. Otherwise, not only (and on a lighter note) would
asses prophecy, but the attribution of knowledge to veridical divinations
and dreams would be equivocal or reducible to chance, both of which
Gersonides rules out. Rather, in a manner consistent with his own
Aristotelian account, the specific difference between animal and human
imagination is grounded in, and governed by their respective perfections
and forms, the former is sensible, the latter, intelligible. Thus understood,
the individuated material intellect is a determinate potentiality generated
by the imaginative forms which can become the acquired intellect

35
Wars, 2, 57.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 83

through abstraction and conjunction. “Whatever is the perfection and


form of something is inseparable from that which is matter for it36.”
Thus, even if dreamers and diviners fail to fully actualize their
formal perfection, even if their knowledge is said to be perishable in
cases where the striving for knowledge and isolation, in virtue of which
they receive the extraordinary communication, was neither preceded nor
succeeded by ordinary intellectual perfection, the cause/form that governs
them is the Agent Intellect. Finally, since no human conjunction with the
Agent Intellect is full conjunction, (ontologically or epistemologically
understood37) and since there are many gradations within prophecy,
including gradations in different communications to the same prophet, as
well as gradations between all prophets and wise men, the differences
cannot be reduced to the receptive faculty, for, qua knowledge, even
dreamers and diviners must receive the communications in/as the deter­
minate possibility that the perfected imagination becomes.
While it is tempting to conclude that the difference in kind among
these modes of knowing is indirectly reducible to the imagination, insofar
as dreamers and diviners neither communicate nor possess knowledge
that is directed to the ultimate human perfection and hence, they and their
knowledge are perishable, such a conclusion remains philosophically
unsatisfying. For, what distinguishes prophets from wise persons is either
their greater need to communicate the extraordinary knowledge received
to a wider group, a nation, as distinct from individuals, or their specific
circumstances, whose specificity depends upon and is directly governed
by the celestial spheres. Likewise, the gradations among prophetic
communications, gradations that are attributed to relative perfections that
make evident the deficiency of their “receptive” intellectual faculty,
especially when compared with the wise, whose ordinary knowledge is
perfect, but who are not said to be prophets, strain the credibility of the
claims about specific differences.
Ironically, the only plausible resolution of the tension introduced by
Gersonides’ attempt to reconcile Aristotelian and biblical accounts of
knowledge would seem to require a distinction in kind between Mosaic

36 Wars, 2, 40.
37 For the debate about the nature of conjunction and my disagreement with
Seymour Feldman, see D o bbs -W einstein , op. cit.
84 IDIT B O R B S-W EIN STEIN

prophecy and all other extraordinary modes of disclosure, i.e., Maimo-


nides’ resolution. Nonetheless, in Wars, 2, 8, Gersonides insists that
Mosaic prophecy is the highest among the grades of prophecies, even as
he emphasizes its elevated rank by repeating the oft-repeated Torah
dictum that, “ [n]ever again did there arise in Israel a prophet like
Moses38”. Why, then, did he refuse to take it? In a word, it was precisely
his uncompromising materialist Aristotelianism that rendered such a
resolution impossible. For, as a natural process, the becoming of prophe­
cy cannot violate the natural order of knowing from sensibility to
intelligibility, let alone when its purpose is both historical and political,
i.e., human flourishing. And as Gersonides states :

Indeed, in the beginning the prophetic experience of Moses involved riddles, since
it is the nature of the perfection to come to a man first in a defective form and
afterward to come in a more perfect form39.

But, again, if the process of perfection is natural and gradual, what


could possibly justify the claim to a distinction in kind among modes of
knowing, short of either an extra-philosophical, inconsistent concession
to tradition, or the opinion of the many?
In conclusion, by bracketing Mosaic prophecy from all other modes
of knowing, i.e., by rendering it extra-natural or originary, Maimonides is
able to provide an account of the becoming of all modes of knowing in
conformity with the natural causal order. As in his investigation of all
other questions named by the “Mysteries of the Torah”, e.g., origin of the
universe, providence, miracles, that is, philosophical aporiae, Maimo­
nides is able to provide a consistent account about their relation to the
natural order, precisely because he understands all originary events as
extra-natural, a-temporal, or pre-historic. This kind of consistency requi­
res that the claim to harmony between Aristotle and the Torah be limited
to the natural order as it is known naturally. It also requires a non-
Aristotelian, emanationist cosmology in order to account for the causal
relation between the extra-natural and the natural, especially important in
the case of Mosaic prophecy and its articulation as positive law.

38
Wars, 2, 72. (Deut. 34 :10).
39
Wars, 2, 56.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 85

It cannot be overemphasized, however, that the consistency of


Maimonides’ account of extraordinary ways of knowing as well as the
harmony he establishes between Aristotle and the Torah is predicated
upon the understanding of ur/originary events or “Mysteries of the
Torah” as radically distinct from primary principles of Aristotelian
natural science/knowledge. This restriction also safeguards the extra­
natural, pre-historic origin of Mosaic law, a law whose extra-natural
origin does not compromise Maimonides’ Aristotelian natural science
precisely because law cannot be the subject of natural science, i.e., since
law is not by nature but rather by convention. It is, therefore, especially
noteworthy that Maimonides’ disagreements with Aristotle are both
restricted to ur events and are investigated in accord with Aristotelian
dialectics, the methodos proper to investigations of aporiae about ur
events. By separating the domains of philosophy and the Torah on the
questions most open to disputations, Maimonides could be a fully
consistent Aristotelian natural scientist, rather than a radical one.
In contrast to Maimonides, Gersonides’ attempt to reconcile Aristotle
and the Torah in the Wars focuses precisely on what he considers to be
first principles, which principles are first both qua originary and qua
natural. Indeed, it is about these principles that he either disagrees with
Maimonides’ account or, at least, considers it philosophically inadequate.
Following Maimonides’ own dictum Gersonides claims “[i]f the literal
sense of the Torah differs from reason, it is necessary to interpret those
passages in accordance with the demands of reason. (...) The Torah is not
a law that forces us to believe false ideas40”. Insofar as all science
/knowledge either depends upon first principles for its demonstrations or
seeks first principles dialectically, i.e., insofar as disagreements between
Aristotle and the Torah as well as among philosophers are disagreements
about radices, Gersonides had to reject the Maimonidean “resolution” of
the tension as non-philosophical. In fact, this rejection made manifest his
attentiveness to both Aristotle and Maimonides for whom truth was more
honorable than friendship, precisely because the philosophers’ friendship
is bom of the shared desire for knowledge.
Why, then, did Gersonides insist upon a distinction in kind between
dreams and divinations on the one hand, prophecy, on the other? Was

40
Wars, 1, 98.
86 IDIT BORBS-W EIN STEIN

Gersonides unaware of the inconsistency intrinsic to his account? Was he


an Averroist of the Latin kind, after all? Or, was his concession to the
Torah the dissimulation necessary for philosophical survival in an age of
savage persecution? I think not.
In “Maimonides and Gersonides on Mosaic Prophecy41”, Menachem
Kellner proposes an insightful response to a similar inconsistency
between Gersonides’ biblical and philosophical accounts of prophecy,
which response I partly endorse but also wish to supplement, in fact,
modify in a manner more consistent with Gersonides’ general philoso­
phical approach, however paradoxical the claim to consistency may be
when discussing an inconsistency. Kellner identifies three possible
reasons for Gersonides’ inconsistency : (1) a single instance of a lapse in
philosophical rigor, (2) deliberate dissimulation, and (3) a greater ortho­
doxy on the question of the uniqueness of Mosaic prophecy (despite its
natural status) than on all other controversial matters. After he dismisses
the plausibility of the second and third possible reasons, Kellner endorses
the first one, not only by default but also on the ground that Gersonides’
was “a man caught between two worlds42”, a medieval and a post-medie­
val one. Thus, according to Kellner, Gersonides accommodation to the
traditional understanding of the Torah was unselfconscious. While I fully
agree with Kellner that Gersonides is a proto-modem philosopher43, in the
case of the inconsistency which is the concern of this (rather than
Kellner’s) paper, I suggest that it is, ironically, a consistent inconsistency,
one arising from Gersonides proto-modern rationalism rather than a
momentary lapse into traditionalism. Gersonides is, indeed, a radical
Aristotelian when he rejects both Aristotle’s physics and his preeminent
predecessor’s Neoplatonic emanationist cosmology, both of which have
been refuted by empirical science. However, he is a modem materialist
for whom the becoming of all modes of knowing, from sensation through
imagination to reason, is strictly natural but who, at the same time, views
reason as an actualized power both qualitatively distinct from imagination
and affection and capable of overcoming them. But, if my conclusion is

41 M. Kellner, “Maimonides and Gersonides on Mosaic Prophecy”, Speculum 52.


1 (1977) : 62-79.
42 Kellner, 78.
43
For my arguments in defense of this claim see note 18 supra.
MAIMONIDES’ AND GERSONIDES’ ACCOUNTS OF PROPHECY 87

correct, then the inconsistency of Gersonides’ concession to tradition in


the biblical commentaries on Mosaic prophecy that are Kellner’s concern
becomes an even more curious lapse in philosophical rigor.
In conclusion, in light of my earlier observations that Gersonides’
discussions of the extraordinary modes of knowing named by dreams,
divinations, and prophecy are surprisingly a-political, despite his repeated
emphasis upon the human flourishing that is their purpose, and in light of
his heterodox, materialist interpretations of equally disputed aporiae, that
is, despite his lack of “political prudence” during an age of violent
persecution, I fully agree with Kellner’s conclusion that Gersonides did
not shield his true view through conscious dissimulation. The history of
the reception of Gersonides’ works, which reception witnessed the
repression of all his supercommentaries on Averroes’ commentaries on
Aristotle’s works as well as the denunciation of the Wars o f the Lord as
wars against the Lord44, bears out my claim about his political indiffe­
rence, of which the most poignant philosophical expression is the belief
in the power of reason over the imagination and affects. Viewed in this
light, whereas Maimonides is less radical an Aristotelian than Gersonides
with respect to nature, Gersonides is the less radical Aristotelian with
respect to politics, materially understood.

44 It must be noted that (1) with the exception of some of his logical works, and
Mashbaum’s partial edition and translation of the Supercommentary on the de Anima as a
Ph.D. thesis, (op. cit.) the rest of Gersonides’ supercommentaries are still in manuscript
form, and (2) whereas the commentaries on the bible began to appear in print in 1477, the
Wars were not published until December 1560.
Nabil ELSAKHAWI

QUELQUES REFLEXIONS SUR LE COMMENTAIRE


D’AVERROES AU LIVRE ZAY DE LA METAPHYSIQUE
D’ARISTOTE*

Il est communément admis que, si divers domaines se partagent les


écrits d’Averroès, il en est un pourtant qui consacra sa renommée et par
lequel il se distingua de ses prédécesseurs, à savoir les trois types de
commentaires - grands (Tafsïr), moyens (Talkhïs), petits (GawàmV) -
qu’il rédigea, entre 1169 et 1198, sur un grand nombre des ouvrages
d’Aristote. L’étude de ces textes, ainsi que leur traduction, est nécessaire
afin d’en faciliter l’accès et d’ouvrir de nouvelles perspectives à l’histoire
de la philosophie islamique en la rattachant à ses sources grecques et à
ses prolongements postérieurs.
Nous voudrions tenter, dans les remarques qui suivent, de montrer
que le commentaire au livre Zây (Zêta) de la Métaphysique d’Aristote,
révèle, inter alia, un aspect central de l’activité philosophique
d’Averroès, qui consiste à saisir la vraie doctrine du Stagirite - à laquelle
il affiche ostensiblement son attachement-, et à critiquer l’interprétation
erronée qu’en donnaient les Néoplatoniciens musulmans, tels qu’al-
Färäbi et Avicenne, qui, selon lui, se sont trompés et n’ont pas compris ce
qu’il croit être l’authentique enseignement aristotélicien.

I. Bref résumé du contenu du livre Z

Il convient auparavant de résumer l’objet d’Aristote dans le livre Z,


un des livres les plus complexes de la Métaphysique dont Averroès dit à
la fin de son commentaire : « Pour commenter ce livre, nous avons
déployé tout notre effort et passé beaucoup de temps à de pénibles
recherches, qui ont exigé de nous une attention extrême1. »

* Cette contribution est une version remaniée cl’un exposé présenté au Colloque
international sur le thème « Sciences et philosophie arabes : méthodes, problèmes et cas »,
tenu à Carthage du 28 novembre au 2 décembre 2000, sous l ’égide de la Société
90 NABIL ELSAKHAWI

C’est au premier chapitre du livre Z qu’Aristote précise le but qu’il


s’y propose. En effet, après avoir rappelé la polysémie de l’être ( to ov
Xsjst ai TtoXXaxûÿ2, en indiquant toutefois que l’être au sens premier est
le « ce qu’est la chose » ( to ti serri)3, il déclare qu’en vérité, l’objet étemel
de toutes les recherches, présentes et passées, le problème toujours en
suspens : qu’est-ce que l’être ? revient à demander : qu’est-ce que la
substance ? (ri to ov, tovto sort t 'çi vj ovaia)4. Cette substance, indentifiée à
l’être au sens fondamental et absolu ( to ttqÚtcoç ov xai ov àirXœç) n’est; que
le sujet réel et déterminé ( to ùnoxsliisvov aÙTqoîç coqta^kvov), l’individu
( to x a & sxao-TOT), qui se manifeste dans chacune des catégories, les­
quelles ne sont jamais dites sans lui5.

internationale d’histoire des sciences et des philosophies arabes et islamiques


(S.I.H.S.P.A.I.). Depuis lors, un certain nombre d ’études ont été consacrées à des points
particuliers de la doctrine d ’Averroès dans son commentaire au livre Z, dont nous
indiquerons les principales en annexe du présent article.
1 AVERROES, « Grand commentaire » de la Métaphysique (Tafsir Md ba‘d at-
tabi'at), livre Zãy (Zêta), éd. M. BOUYGES, vol. II, 2e édition, Beyrouth, 1967, C60, in
fine, p. 1020 (dans les pages qui suivent, nous citerons ce Grand Commentaire selon
l’édition de B o uyg es , en abrégé B). Cette difficulté est, du reste, signalée par presque
tous ceux qui s’en sont occupés : voir, par exemple, P. R icoeur , Platon et Aristote, Paris,
1971, p. 113 et 132 ; B. DUMOULIN, Analyse génétique de la Métaphysique d ’Aristote,
Montréal-Paris, p. 204 ; R. Dancy qui, dans Sense and Contradiction, Dordrecht, 1975,
p. 94, souligne : « The problems over substances and essences are numerous, notorious,
and enormous (...) There are a few problems that are elementary ; others are deep in the
abyss that is Metaphysics Book Z ».
2 Z 1,1028 a 10.
3 Ibid., 11-12.
4 Ibid., 1028 b 2-7. Voir sur ce point P. A u ben q u e , Le problème de l ’être chez
Aristote, Paris (1962), 1972, p. 457 : « Cette réduction de la question de l ’être à la
question de l’essence va d’ailleurs si peu de soi pour Aristote qu’il consacre tout le livre Z
à la justifier, et à la justifier d’une façon telle qu’il va dégager beaucoup plus les limites
d’une telle réduction que sa légimité absolue » ; cf. J. O w e n s , The Doctrine o f Being, 3e
éd., Toronto, 1978, p. 316 : « In its opening chapter it < sc. Z > has only one purpose. It
wishes to locate the study of Being in a single theme-Entity ».
5 Z 1, 1028 a 25-28. Voir V. D ecarie , « Le livre Z et la substance immatérielle »,
in Etudes sur la Métaphysique d ’Aristote, Paris, 1979, p. 170 : « Les caractéristiques
dégagées dans ce premier chapitre reviennent constamment dans les discussions subsé­
quentes : primauté de la substance dans l’être, causalité des accidents, existence par soi et
séparée, détermination, sujet d’attribution ».
LE COMMENTAIRE D'AVERROES AU LIVRE ZAY... 91

Dans d’autres passages de ce même livre et ailleurs, cet objet central


d’étude est expressément confirmé6.
L’objet du livre Z ayant été ainsi défini, Aristote entreprend, tout au
long de ce livre, de répondre à toute une série de questions fondamentales
formulées de cette façon :

Quelles substances y a-t-il ? Est-ce qu’il existe ou non des substances en dehors des
substances sensibles ? Comment les substances sensibles elles-mêmes existent-
elles ? Est-ce qu’il y a une substance séparée (^coe/o-n? ovvia), et, s’il en existe,
pourquoi et comment ? Ou bien, n’y a-t-il aucune substance distincte des substances
sensibles ? »7.

Pour répondre à ces questions, le Stagirite indique qu’on reconnaît


quatre acceptions principales à la substance : la quiddité ( to ti r¡v eivai),
l’universel ( to K a% \oÿ, le genre ( to jkvo<;)tt le sujet ( to vt:oxei^evov)8,
avant de préciser notamment que la substance de chaque chose n’est que
sa forme ou sa quiddité9. Et, après avoir rappelé que la « quiddité, tout
comme l’essence, appartiendra également, d’une manière primordiale et
absolue à la substance, et, d’une manière secondaire, aux autres caté­
gories »10, Aristote identifie in fine la quiddité avec la cause11.
De ces quatre sens de la substance, Aristote examine d ’abord le
sujet12, auquel il consacre le chapitre trois. En effet, on trouve au début de
ce chapitre l’affirmation suivante :

6 Ainsi au chapitre douze, Aristote évoque ses recherches sur la substance et, au
chapitre deux du livre I, se réfère à des discussions portant sur la substance et sur l’être.
Et, comme l’a fort bien montré A. R. La c e y , « The subject of Z is introduced by the
closing words of E : vxbtttÍ ov dì tol ovroq avrov rd aína xai rdç aq%aq $ 6v. Cf. « Ovvia
and Form in Aristotle », in Phronesis, 10 (1965), p. 54.
7 Z 2, 1028 b 28-30.
8 Ibid., 1028 b 33-36.
9 Ibid., 1032 b 1-2 : eïdoç dì Xìyco to ri r¡v eivai ìxavrov xaì rr¡v ttqojttjv ovvíav.
10 Ibid.,1030 a 29-30 : xaì to t 'i eivai òfioíox; ímáqÇei ttqcûtcoç ¡jlÌ v xaì dirXcìx; rjj ovvíçu
eira xaì roíç áXXoiç.
11 Ibid., 17, 1041 a 27-28 : cpaveqòv toÍvvv oti Çyreí to aínov. tolto d’evrì to tí r¡v
eivai (hç eineîv Xoyixcòç ; cf. 1041 b 27-28 : ovvia dì ìxavrov \iìv tolto ( tolto yàq ainov
TTQCÛTOVtol eìvai) ; H i, 1042 a 17.
12 Déjà au chapitre premier, auquel on s’est référé plus haut, Aristote souligne la
primauté de l’être, au sens de sujet, à l’égard des autres choses.
92 NABIL ELSAKHAWI

Le sujet c’est ce dont tout le reste s’affirme, et qui n’est pas lui-même affirmé d’une
chose 13.

La substance, c’est donc le sujet réel et déterminé, ayant surtout pour


caractère d ’être séparable et d ’être une chose individuelle, concrète,
composée de matière et de forme, par exemple l’homme individuel ou le
cheval individuel14.
Ce point étant acquis, Aristote consacre les chapitres 7-9 à l’analyse
du devenir et ses différents modes afin de démontrer notamment que c’est
cette substance individuelle, composée de matière et de forme, qui est
sujette au devenir, et non ses composantes, la matière et la forme15. Dans
cette démonstration donc, Aristote pointe d’abord le fait que

Les générations naturelles {yevkcreiç cpuo-ixai) sont celles des êtres dont la génération
provient de la nature kx (pucraux;. Ce dont un être provient, nous l’appelons matière ;
ce par quoi il est produit, c’est un être qui existe naturellement ((puerai) ; l’être
produit, c’est un homme, ou une plante, ou quelque autre réalité de cette sorte,
et ce sont ces êtres que nous appelons principalement des substances
(a fri) (j,áÁi(TT(L Xkyo)iav ouríaç ahoii)16.

13 Z 3, 1028 b 36-37 (ro frmzoxaí)iavóv kan xaS’ ou rà aXXa Xkyarai, kxeîvo iïk avrò
liyxkri xar aXXou); cf. A 8, 1017 b 13-14 ; à cet égard, E. S. H a r in g souligne « This
account combines the general notion of something basic-something which supports and so
gives being to another-with the more specific notion of something which receives deter­
mination. Since ousia, perhaps it is basic as a substrate », « Substantial Form in Aristotle’s
Metaphysics Z », in The Review of Metaphysics, 10 (1956), p. 309.
14 Z 3,1029 a 27-28 ; cf. A 8, 1017 b 23-25 ; Categ. 5 2 a 12 ; 2 b 29-31 ; 3 b 16-24.
15 Ces trois chapitres constituent, comme le soulignent Ross, Aristotle’s Meta­
physics (II, 181) et T ric o t , La Métaphysique, (I, 378, n.2), un traité indépendant ne s’en
rattachant pas moins à l ’ensemble du livre Z. Le chapitre 15 (1039 b 26) s’y réfère ; cf.
D ecarie , Objet de la Métaphysique selon Aristote, Paris-Montréal, 1961, p. 145, n. 4, où
l’auteur indique d’autres références, dans Z, à ces trois chapitres. En ce qui concerne tous
les problèmes traités dans Z, chapitres 7 à 9, on lira avec profit S. M a n s io n , « Sur la
composition ontologique des substances sensibles chez Aristote {Métaphysique Z 7-9) »,
in Études Aristotéliciennes, p. 75-87 ; M. B ur n y eat (éd.), Notes on Book Z o f Aristotle’s
Metaphysics, Oxford Study aids in Philosophy, Oxford, 1979, p. 43-78 ; C. Ceram i , « La
posizione e ruolo di 7-9 all’interno del libro Z della Metaphysica », in Documenti et Studi
Sulla Tradizione Filosofica Medievale, XIV (2003), p. 132-158.
16 Z 7, 1032 a 15-19 ; Cat. 5, 2 a 11 ; Phys., II, 1, 193 b 5.
LE COMMENTAIRE D'AVERROES AU LIVRE ZAY... 93

Ceci dit, notre philosophe souligne par la suite que, dans la pro­
duction naturelle des substances, il y a identité entre générateur et engen­
dré, en déclarant notamment :

D ’une manière générale, ce dont les êtres viennent est nature (cpvo-iç), et le type
suivant lequel ils sont produits est aussi nature, car l ’engendré, par exemple une
plante ou un animal, a une nature ( to yàq ytyvôfiavov a%ai (pvnv); enfin ce par quoi la
génération se fait est également nature, mais nature prise au sens de forme et
spécifiquement identique (y Kara to aJdoç Xayo^ávY] (pvo-iç y o¡uoaidyç) quoique rési­
dant en un autre), car c ’est l ’homme qui engendre l ’homme » (av^QcjTToç
JŒQ avS-QCÛTTOV 7 .

Et, après avoir démontré, arguments à l’appui, que ni la matière, ni la


forme ne sont engendrées, mais que ce qui est engendré, c’est le composé
de matière et de forme, la substance individuelle et concrète, Aristote
examine le point de savoir s’il existe « quelque sphère en dehors des
sphères sensibles, ou quelque maison, en dehors des briques »171819.
Cet examen l’amène tout naturellement à reprendre ses critiques à
l’égard des partisans des Idées platoniciennes qui font de celles-ci le
principe et la cause de la génération. Ainsi, dans un passage capital du Z
8, le Stagirite dit :

(...) l ’imposition de la forme produit ou engendre, à partir de tel être déterminé, un


être de telle qualité àx roüiïa t o M a , et après la génération, tel être individuel est un
être ayant telle qualité (...). Il est donc évident que la causalité des Idées y tmv eiiïûv
airia, que certains philosophes ont coutume d ’attribuer aux Idées, ne peut, en
supposant qu’il existe de telles réalités, distinctes des individus, servir à rien, du
moins pour la génération et la constitution des substances79.

Et Aristote de souligner :

En réalité, l’être générateur suffit à la production, c’est lui qui est cause de la
réalisation de la forme dans la matière. Dès lors, le tout qui est engendré, c ’est une
forme de telle nature ( to t o M a aîdoç) réalisée dans telles chairs et dans tels os,
Callias ou Socrate, autre que son générateur par la matière, qui est autre, mais
identique par la forme raôrò dè râ aidai, car la forme est indivisible »20.

17 Z 7, 1032 a 23-25 ; 8, 1033 b 29-32.


18 Z 8, 1033 b 20-31.
19 Ibid., 20-28.
20 Z 8, 1034 a 4-8.
94 NABIL ELSAKHAWI

Outre l’inutilité des Idées dans la génération des réalités sensibles,


les Idées platoniciennes seront réfutées d’un autre point de vue. En effet,
Aristote met à profit l’exposé de sa doctrine sur l’identité de la quiddité et
de la chose dont elle est la quiddité, pour dénoncer avec force détails la
séparation et la transcendance que les amis des Idées attribuent à ces
dernières, suivant en ceci la logique de leur système.
C’est au chapitre 6 du livre Z qu’Aristote développe son raisonne­
ment sur ce point avec précision et dans le détail21.
Cela conduit Aristote à démontrer, dans la suite de son raisonnement,
les implications erronées, aussi bien dans l ’ordre épistémologique
qu’ontologique de la séparation platonicienne de la quiddité et de l’être :

En effet, dit-il, nous avons science de chaque être quand nous connaissons la
quiddité de cet être »22. Avant d ’ajouter plus loin : « Connaître ce qu’est chaque
être, c’est connaître sa quiddité, de sorte que l ’induction aussi prouve qu’il y a
nécessairement identité de chaque être avec sa quiddité »23.

Il est à souligner aussi que, en corrélation avec ce qui précède,


Aristote consacre le chapitre 13 du livre Z pour nier que les universaux
soient des substances24 ; et revient à la charge au chapitre 14 pour
dénoncer l ’opinion de ceux qui prétendent que les Idées sont des
substances douées d’une existence séparée25 ; au chapitre 15, pour affir­
mer que l ’individu et, par suite, l’Idée ne sont pas définissables26 ; au
chapitre 16, pour souligner que l’un et l’être ne sont pas des substances27,
« puisque rien de ce qui est commun n ’est substance : la substance, en
effet, ne s ’attribue jamais qu’à elle-même et au sujet auquel elle

21 Z 6, 1031 a 17-18 ; 1031 a 28-b 3. Les positions de Platon et d’Aristote sur la


notion de séparation ont été examinées avec toute la clarté désirable par E. D e S trycker
« La notion aristotélicienne de séparation dans son application aux Idées de Platon », in
Autour d ’Aristote , Louvain, 1955, p. 119-139.
22 Z 6, 1031 b 6-7 ; cf. Ibid., 3-11.
23 Z 6, 1031 b 20-22 ; cf. Ibid. 28-1032 a 4.
24 Z 13, 1038 b-1039 a 3.
25 Z 14, 1039 a-b 19.
26 Z 15, 1039 b 20-1040 b 4.
27
Z 16, 1040 b 16-1041 a 5.
LE COMMENTAIRE D ’AVERROES AU LIVRE ZAY... 95

appartient, et dont elle est la substance28 » ; enfin, il décoche un trait de


satire aux partisans des Idées , en déclarant notamment :

La cause de leur erreur, c’est l’incapacité où ils sont d ’expliquer quelle est la nature
de telles substances, substances incorruptibles et en dehors des choses individuelles
et sensibles. Aussi font-ils ces Idées spécifiquement identiques aux êtres corru­
ptibles ... auxquels ils ont seulement ajouté le mot en soi ( tò avrò)29.

II. Le commentaire d’Averroès au livre Z

En ce qui concerne l’idée aristotélicienne que c’est la substance,


identifiée à l’être au sens fondamental et absolu, qu’est le sujet réel et
déterminé, qui se manifeste dans chacune des catégories, Averroès
souligne, d’accord en ceci avec le Stagirite,

Puisqu’il appert que le nom d’être se dit des différents genres de catégories, il est
donc manifeste que le premier de ceux-ci, à être désigné, au sens absolu, par ce
terme, c’est ce par quoi l ’on répond à la question : « qu’est-ce que tel individu
déterminé, subsistant par soi ? » Et cette question porte sur la substance et vise à en
démontrer la signification30.

Ces remarques touchant à ce premier aspect de la substance,


entendue chez Aristote, mais aussi bien chez Averroès, comme sujet
individuel déterminé, composé de matière et de forme, donnent lieu, aux
chapitres 7-9 à de longs développements, sur l’analyse du devenir et de
ses différents modes, où le Stagirite s’attache à démontrer que c ’est
précisément cette substance individuelle qui est sujette à naître et à périr,
et non point ses composantes, la matière et la forme.
C’est aux Texte et Commentaire 2231 que se trouve mentionné, puis
expliqué l ’axe central de la démonstration aristotélicienne. A savoir
l’identité du générateur et de l’engendré32. Mises à part quelques diffé­
rences entre le texte grec et la version arabe, il importe de noter que cette

28 Z 16, 1040 b 23-24.


29 Z 16, 1040 b 30-34.
30 B, 747, 15-18.
31 B, 837-841.
32 Z 7, 1032a 23-25 ; 8, 1033b 29-32.
96 NABIL ELSAKHAWI

version, ainsi que son interprétation, rend fidèlement et le contenu et le


contexte de la doctrine d’Aristote.
Il est à remarquer, en outre, qu’Averroès, avant d’expliquer le texte
d’Aristote phrase par phrase, témoigne au début de son commentaire de
sa capacité de saisir, et de mettre en pleine lumière, l’objet que se propose
d’examiner le Stagirite dans cet endroit.
Voici ce que nous y lisons :

L ’objet d ’Aristote, dans ce chapitre, est de démontrer que les Formes platoniciennes
sont sans utilité dans la génération. C ’est que, selon Platon, les Formes sont utiles
dans la génération, tout comme le modèle (m itâl) dont se sert l ’artisan pour
produire son ouvrage. Ainsi donc, après avoir nié que les Formes soient utiles dans
la connaissance, même si l’on admet qu’elles existent, Aristote nie pareillement,
dans ce chapitre, qu’elles soient utiles dans la génération, même si l’on admet
encore qu’elles existent33.

Il importe à présent de signaler que les doctrines d’Aristote qu’on


vient de passer en revue et qui portent essentiellement sur la substance en
tant que sujet réel et déterminé, soumis à la génération et à la corruption,
ces doctrines donc donnent lieu, dans le commentaire d’Averroès, à l’une
des plus longues discussions portant sur tout un ensemble de questions
doctrinales de la plus haute importance, telles que la théorie platonicienne
des Idées ; sa critique par Aristote ; les interprétations des commentateurs
grecs ; les doctrines des philosophes et théologiens musulmans, etc.34. En
voici les principales articulations :
Après avoir, comme à l’accoutumé, expliqué fidèlement phrase par
phrase un passage de Z 9, où Aristote affirme que le principe de toute
production, naturelle ou « artistique », c’est la substance ; que la semence
« sperma » joue le rôle de l’artiste, car elle a, en puissance, la forme, que
ce dont vient la semence est, dans une certaine mesure, un homonyme de
l’être engendré, etc.35, Averroès expose d’abord les objections qu’on
élève à l’enseignement d’Aristote, suivant lequel s’il existe des formes
séparées (suwar mufâriqo), elles ne seront pas utiles dans la génération

33
B, 838, 9-14.
34
Cette discussion occupe dans l ’édition de Bouyges les pages 881 à 886.
35
Z 9, 1034a 30-b 7.
LE COMMENTAIRE D'AVERROES AU LIVRE ZAY... 97

(kawn), et que la génération ne concerne que les choses qui s’accordent


en forme et diffèrent en nombre.
En effet, explique Averroès, si l ’on supposait que ce qui est en
puissance ne devient en acte qu’à partir d’une chose de même genre, ou
de même espèce, en acte, alors qu’il y a plusieurs animaux et plantes qui
passent de la puissance à l’acte, sans qu’il n’y ait de semence, qui advient
de ce qui lui est analogue en forme, il résulterait nécessairement qu’il
existe des substances et des formes qui conféreraient, à de tels animaux et
plantes, les formes par lesquelles ceux-ci deviennent animaux et plantes.
- et tel, précise notamment Averroès, l’argument le plus fort en faveur de
Platon et contre Aristote36.
Et, après avoir fait état de quelques autres arguments qui plaident en
faveur de l’existence des Formes séparées, Averroès attribue cette
doctrine aux Aristotéliciens « Modernes »37. Ces derniers, précise encore
Averroès, posent ce qu’ils appellent « Intellect actif »38. Avant de

36 B, 881,1-10.
37 B, 881, 10-882, 7. Dans son long commentaire au livre A (1070a 27-30, éd.
B o uyg es , p. 1491-1506), Averroes revient en détail sur toutes les questions qu’il traite
ici : la théorie des Idées ; la position d’Aristote ; les interprétations des commentateurs
grecs ; les doctrines des philosophes et théologiens musulmans, etc. Notons que les passa­
ges parallèles dans ce commentaire au livre A ont le mérite d ’être plus claires et mieux
structurés, du fait qu’Averroès disposait, pour le livre A, des commentaires d’Alexandre
et de Thémistius, ainsi qu’il le dit au début du livre A et à la fin du livre Z ; cf.
M. A llar d : « Le rationalisme d’Averroès d’après une étude sur la création », in Bulletin
d'études orientales (BEO), XIV (1952-1954), p. 7-59 ; Ch . G e n e q u a n d , Ibn Rushd's
Metaphysics. A Translation of Ibn Rushd’s Commentary on Aristotle’s M etaphysics,
Leiden, 1986, chap. Ill : « Spontaneous Generation and Form », p. 24-32.
38 B, 882, 7 : al-‘aql al-fa “ãl.- Sur ce concept, voir De anima, III 5, 430a 14-15,
où Aristote distingue deux sortes d’intellects : l’intellect capable de devenir toutes choses
et l ’intellect capable de les produire toutes ; cf. la version arabe du De anima, éd.
A. B a d a w i , Le Caire, 1954, p. 75 ; on lira avec profit l ’importante introduction (en arabe)
de Badawi à son édition, où l’auteur retrace l ’historique de ce concept (p. 1-20). Voir
aussi R. W alzer , « Aristotle’s Active Intellect vovç ttoivjtikóç in Greek and Early Islamic
Philosophy », in Atti del convegno internazionale sul tema : Plotino e il néoplatonisme in
Oriente e in Occidente, Roma, 5-9 ottobre 1970 (Accademia Nationale dei Lincei, anno
381, Quaderno n. 198), Rome, 1974, p. 423-436 ; M. C. Ly o n s , An Arabie Translation o f
Thémistius Commentary on Aristotle's De Anima, Oxford, 1973, p. 182, 16/183, 7/187,
19/197, 7) ; J. F i n n e g a n , « Al-Farabi et le ttbqî voud ’Alexandre d ’Aphrodise », in
Mélanges Louis Massignon, Damas, 1956, p. 143-146 ; Aristote. De l'âme. Traduit du
grec par P. T hillet (édition établie, présentée et annotée), Paris, 2005, p. 210-212 et, pour
98 NABIL ELSAKHAWI

souligner que parmi ces Aristotéliciens « Modernes », il faut ranger


Avicenne, qui adhérait à de telles thèses et croyait que toutes les formes
émanent à partir de l ’intellect actif, qu’il nommait « Donneur des
formes » (« wähib al-suwar »-Dator formarum)39, mais encore Thé-
mistius, qui a exposé ses vues dans sa Paraphrase du livre A de la Méta­
physique et dans celle du De Animar40. Quant à la position d’Alexandre,
poursuit Averroès, il partage la même doctrine que professait Aristote ici
et dans le chapitre XVI du Livre des Animaux, où se trouve contenue la
même opinion portant sur la génération spontanée des êtres à partir des
semences41.
Tels sont donc les arguments que rapporte Averroès avant de les
réfuter, fidèle en ceci à l’enseignement du Stagirite ; - ce faisant, notre
Commentateur expose avec force détails la démonstration aristoté­
licienne, suivant laquelle les formes ne sont pas engendrées par elles-
mêmes, parce que, s’il en était ainsi, la génération se ferait sans qu’il n’y
ait une matière pour ce qui doit en avoir. Donc, ce qui est engendré, c’est
ce qui est « informé » (musawwar). Ainsi, c’est le générateur qui imprime
le mouvement dans la matière, pour que celle-ci reçoive la forme,
laquelle la fait passer de la puissance à l’acte42.

ce qui est d’Avicenne, voir A.-M. G o ic h o n , Lexique de la langue philosophique d ’ibn


Sind, Paris, 1938, p. 228-229 ; I d ., Vocabulaires comparés, p. 20 ; S. M. A f n a n , A Philo­
sophical Lexicon in Persian and Arabic, p. 181-182.
39 Sur la théorie avicenienne du Dator formarum, voir A vic en n e , Kitãb al-Shifã’
(Le livre de Guérison), éd. du Caire, 1960, p. 411,9-413,11 ; Id ., Kitãb al-Nagãt (Le livre
du Salut), éd. M. F a h r i , Beyrouth, 1985, p. 316-320 ; l’exposé qu’en fait Averroès dans
son Tahãfut al-Tahâfut (Incohérence de l ’Incohérence), éd. B o u y g e s , Beyrouth 1930,
p. 407 ; trad, anglaise de V a n D en B ergh (1969), p. 245-246 : « And this theory resem­
bles that of Plato about forms separate from matter, and the theory of Avicenna and others
among Muslim philosophers ; their proof is that the body produces in the body only
warmth or cold or moisture or dryness, and only these are acts of the heavenly bodies
according to them. But that which produces the substantial forms, and especially those
which are animated, is a separate substance which they call the giver of forms ».
40 Voir G. VERB EKE, Thémistius, Commentaire sur le « Traité de T âme »
d ’Aristote, traduction de G uillaume de M oerbeke (Corpus Latinum Commentariorum in
Aristotelem Graecorum 1), Leyde, Brill 1973.
41 B, 883, 7-8 ; cf. Aristotle, Generation o f Animals. The Arabic Translation
commonly ascribed to Yahyã ibn al-Bitriq (Fi Kawn al-hayawãn), éd. J. B r u g m a n et
H. J. D rossart -L ulofs , Leyde, 1971, p. 58 et 74 notamment.
42 B, 884, 16-885,2 ; cf. B, 1499, 1-5, où la doctrine d’Aristote est mieux exposée.
LE COMMENTAIRE D ’AVERROES AU LIVRE ZAY. .. 99

Et, après avoir développé ce dernier point, Averroès précise éner­


giquement :

Comme Ta fait Aristote, c ’est donc ainsi qu’il faut raisonner (fa-'alâ hãdã yanbagï
an yutam ad fi hãdã l-mawdï, wa-huwa lladï % tamada-hu Aristü)43.

Puis il décoche de nouveaux traits à ces Aristotéliciens


« modernes », qui se sont trompés et n’ont pas compris la démonstration
d’Aristote, tels Avicenne, et al-Fârâbî, ainsi qu’on peut le constater dans
son traité Sur les deux philosophies. Ces penseurs, indique Averroès, s’ils
se sont ralliés à la doctrine de Platon, c’est que cette doctrine est proche
de celles que professaient les théologiens musulmans. A savoir que ce qui
produit toutes choses est un, car si les choses étaient crées l ’une par
l’autre, la conséquence en serait que les causes efficientes aillent à
l’infini. D’où la nécessité d’établir l’existence d’un agent incorporel44.

Reste l’interprétation que propose Averroès des passages du livre Z,


où la théorie platonicienne des Idées est critiquée sur plus d’un point.
Le premier point à considérer dans l’interprétation par Averroès de la
critique de la théorie des Idées, c’est celui qui porte sur la séparation et
sur la transcendance, que les Platoniciens attribuent aux Idées45. Le début
de cette interprétation mérite d’être cité in extenso, car la problématique
aristotélicienne y est posée avec toute la clarté désirable :

Ayant montré que les quiddités n’appartiennent qu’aux substances, et que ces
dernières ne deviennent substances que par leurs quiddités, Aristote entend exa­
miner dans ce passage si la quiddité de chaque substance singulière et cette
substance singulière ne font qu’une seule réalité ; ou si la quiddité de la chose et la
chose sont différentes en acte. Et si Aristote pose ce problème, c’est en raison de la
théorie platonicienne des Formes. Selon cette théorie, en effet, les quiddités des
substances premières sont autres que les substances premières, parce que ces
quiddités sont également des substances premières, subsistantes par soi46.

43 B, 885, 15-16.
44 B, 881-886.
45 Z 6, 1031a 28-6 3.
46 B, 823-824.
100 NABIL ELSAKHAWI

Et revenant sur ce même point dans son interprétation de Z 847 , où


l ’on se demande s’il existe, en dehors des sphères, ou des maisons,
sensibles, quelque sphère, ou quelque maison, en dehors des briques,
Averroès ne fait qu’expliquer de la manière la plus parfaite la doctrine
d’Aristote, en indiquant notamment :

(...) se demander s’il existe, en dehors des formes des choses particulières, une
forme séparée de la matière, qui serait, elle, forme de la sphère composée, ou de la
maison réalisée, cela revient à poser une question absurde (fa-inna dàlika siïâ l
mustahil)48.

Et concernant les autres arguments contenus dans la démonstration


d ’Aristote qu’on a évoqués plus haut, l’interprétation que propose
Averroès, malgré la corruption de la version arabe dans cet endroit et les
multiples divergences d’avec le texte grec, cadre bien avec le contenu et
le contexte de la doctrine aristotélicienne. Bien plus, cette interprétation
réussit à en reconstruire les principaux ressorts. En voici quelques
exemples :

1- La causalité des Formes, ne peut, en supposant que de telles Formes existent


séparément et à part les réalités particulières, servir à rien dans la génération
des substances, ni dans celle des accidents. En d ’autres termes, si ces philo­
sophes soutiennent que les Formes universelles sont les causes efficientes, les
paradigmes, des formes particulières, cela ne servira à rien pour la génération
des substances et des accidents. En effet, toute génération se fait manifes­
tement lorsqu’il y a changement dans la matière, changement introduit par un
générateur (...). C ’est donc pour cela que, si l ’on admettait que le monde est
soumis au devenir, il suivrait nécessairement que ce qui y introduit un chan­
gement soit un individu, un corps particulier49.
2- Pour la plupart des choses générables, il est manifeste que le générateur et
l ’engendré sont les mêmes par la forme.
3- Pour ce qui est de la génération, il suffit que le générateur puisse engendrer,
dans la matière, un autre être analogue par la forme, (...) car si la génération se
faisait à partir de formes séparées, celles-ci ne sauraient être des causes,
puisque le générateur et l’engendré sont deux en nombre, un en forme. C’est

47
Z 8, 10336 19-20.
48
B, 866,8-10.
49
B, 867,12-868, 2.
LE COMMENTAIRE D'AVERROES AU LIVRE ZAY. .. 101

ce qui arrive nécessairement dans toute génération. Cela donc, insiste


Averroès, doit être compris (fa-ftiam dâlikaf0.

Un autre point reste à examiner dans son commentaire sur la critique


des Idées : c ’est celui qui porte sur le contenu de Z 13, où Aristote nie
que les universaux soient des substances. Là encore, il faut noter les
divergences qui séparent le texte d’Aristote de la version arabe. Malgré
ces divergences, et bien que cette version soit peu sûre, du fait d ’une
lacune5051, Averroès réussit à reconstruire la doctrine d’Aristote ; bien plus
il la précise davantage à l’aide d ’un syllogisme, comme c’est fréquem­
ment le cas dans son commentaire52.
Ainsi, en écho à l’idée que la substance d’un individu est celle qui lui
est propre et qui n’appartient à un autre, alors que l’universel est quelque
chose de commun53, Averroès explique :

Si l ’universel n’est pas du nombre des substances qui subsistent par soi, c’est parce
que la substance de chaque chose déterminée est celle qui lui est propre, mais que
l’universel est commun à plus d’une chose. Le syllogisme se construit donc ainsi :
la substance première de chaque individu est celle qui doit être particulière à chaque
substance individuelle ...
Or l’universel n ’est pas quelque chose de particulier ..
Donc (selon la deuxième figure) l’universel n ’est pas une substance particulière54.

Quant au reste des points portant sur le contenu de Z 14 (Les Idées ne


sont pas des substances) ; de Z 15 (L'individu et, par suite, l ’Idée ne sont
pas définissables) ; de Z 16 (Les parties des choses sensibles, l ’un et
l ’être ne sont pas des substances), il n’y a rien de nouveau à ajouter : la
version arabe, ainsi que l ’interprétation d ’Averroès, s ’accorde
parfaitement avec les indications d’Aristote.
Toutefois l’absence dans le commentaire55 d’un passage important de
Z 16 (où Aristote, s’en prenant aux tenants des Idées, leur objecte leur

50 B, 870, 7-17.
51 B, 962, 1 : Lacune dans le grec (nâqis f i l-rümï).
52 La mise sous forme syllogistique d’un argument d ’Aristote est une démarche
assez fréquente chez Averroès ; cf. par exemple B, 1559 et 1627.
53 Z 13, 1038b 10-11.
54 B, 963,1-8.
55
B, 1004.
102 NABIL ELSAKHAWI

incapacité d ’expliquer la nature des Idées incorruptibles qu’ils identifient


avec les êtres sensibles, auxquels ils ont ajouté seulement le mot en soi
(to « avrò »)565
7, a fait qu’un des concepts caractéristiques de la théorie des
Idées, tel que homme en soi, n’ont pas eu d’écho chez Averroès.
Néanmoins, l’interprétation d’Averroès nous fournit une remarque
d ’ordre épistémologique, qui fait l ’écho, semble-t-il, de la théorie
platonicienne de la réminiscence : de la conclusion à laquelle arrive
Aristote (« même si nous ne savons pas quelles substances non sensibles
existent, peut-être est-il du moins nécessaire d'admettre qu'il en
existe57 »), Averroès nous propose l’explication suivante : selon les
tenants des Formes, il existerait des réalités intelligibles, nécessaires en
acte, même si nous ne savons pas quelle est leur nature, et même si nous
ne les connaissons pas. La conséquence qu’implique cette doctrine serait
que la connaissance que nous pouvons en acquérir, une fois oubliée, ne
serait pas connaissance, mais souvenir58.

56 Z 16, 1040b 30-34.


57 Z 16, 1041a 2-3.
58 B, 1005, 13-14.
LE COMMENTAIRE D'AVERROES AU LIVRE ZAY. .. 103

Compléments bibliographiques

Depuis 2000, un certain nombre de travaux ont été consacrés à des


points particuliers de la doctrine d’Averroès dans son commentaire à la
Métaphysique d’Aristote. En voici les principaux :

F. Amerini, « Il problema dell’essenza delle sostanze e degli accidenti nel Commento alla
M etafisica di Tommaso d ’Aquino », in Documenti e Studi Sulla Tradizione
Filosofica Medievale, XII (2001).
Id ., « Il problema dell’identità tra una cosa e la sua essenza. Note sull’esegesi medievale
di Metafisica Zeta 6 », in Documenti e Studi Sulla Tradizione Filosofica Medievale,
XIII (2002).
Id., « Aristotle, Averroes and Thomas Aquinas on the Nature of Essence », in Documenti
e Studi Sulla Tradizione Filosofica Medievale, XIV (2003).
L. Bauloye, La question de Tessence : Averroès et Thomas d ’Aquin, Commentaires
d ’Aristote, Métaphysique Z 1, Louvain-la-Neuve, 1997.
Id ., « Le genre des substances dans la métaphysique d ’Averroès », in Documenti e Studi
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Documenti e Studi Sulla Tradizione Filosofica Medievale, XIV (2003).
G. Endress and J. A. Aertsen (eds.), Averroes and the Aristotelian Tradition. Sources,
Constitution and Reception o f the Philosophy o f Ibn Rushd (1126-1198).
Proceedings of the Fourth Symposium Averroicum (Cologne, 1996), Brill, 1999.
G. Galluzzo, « Il problema dell’oggetto della definizione nel commento di Tommaso
d’Aquino a Metafisica Z 10-11 », in Documenti e Studi Sulla Tradizione Filosofica
Medievale, XII (2001).
Id ., « Aquinas on the structure of Aristotle’s Metapysics », in Documenti e Studi Sulla
Tradizione Filosofica Medievale, XV (2004).
M. di Giovanni, « La definizione delle sostanze sensibili nel Commento Grande (Tafsìr)
di Averroè a Metafisica Z 10 », in Documenti e Studi Sulla Tradizione Filosofica
Medievale, XIV (2003).
ID., « Averroes in the doctrine of genus as matter », in Documenti e Studi Sulla Tradizione
Filosofica Medievale, XV (2004).
D. Gutas, Greek Philosophers in the Arabic Tradition, Ashgate, 2000.
J. PuiG M ontada, « Sustancia y forma en Averroes », in Documenti e Studi Sulla
Tradizione Filosofica Medievale, XV (2004).
M. Zonta, « Sulla tradizione ebraica di alcuni commenti arabi alla « Metafisica » (Abu 1-
Farag Ibn al-Tayyib e Averroè) », in Documenti e Studi Sulla Tradizione Filosofica
Medievale, XII (2001).
104 NABIL ELSAKHAWI

CONCLUSION

Au bout de cet article, on retiendra, pour conclure, les points suivants


qui résument l’essentiel de notre propos :

I- La valeur des commentaires d’Averroès aux différentes oeuvres


d’Aristote est généralement reconnue. Dans ces commentaires, en effet,
Averroès ne se contente pas d ’expliquer le texte dont il disposait, mais il
s ’applique à saisir la pensée authentique d ’Aristote et à dénoncer
l’interprétation néoplatonicienne qui l’a déformée.
Nous venons de voir ce qu’il en est de cet aspect dans son
commentaire au livre Z. Et quand il revient à la même question dans son
commentaire au livre Lâm, il déclare solennellement :

Nous pensons que cette doctrine, (savoir celle d ’Aristote), comme le dit Alexandre,
est la moins équivoque de toutes, la mieux adaptée et la plus conforme à la réalité,
la plus éloignée des contradictions59.

II- Une étude approfondie de la terminologie des versions et des


commentaires et l’établissement des glossaires grec-arabe et arabe-grec,
dont la rareté fait obstacle à des études significatives dans ce domaine,
permettrait, sans aucun doute, une meilleure intelligence des écrits
philosophiques arabes. Cela est important à souligner car, en ce qui
concerne, par exemple, la version arabe de la Métaphysique , on sait
qu’Averroès reproduit le texte d’Aristote en adoptant quelques fois une
variante, et qu’il lui arrive non seulement de corriger la traduction dont il
disposait, afin de rappeller la vraie doctrine d’Aristote sur tel ou tel point
, mais surtout d’utiliser un autre vocabulaire. À cet égard, on ne peut que
se féliciter de l’entreprise menée depuis 1992 par les Professeurs G.
Endress et D. Gutas60.

59 B, 1497,9-10.
60 A Greek and Arabie Lexicon. Materials for a Dictionary of the Mediaeval
Translations from Greek into Arabic, E. J. Brill.
LE COMMENTAIRE D'AVERROES AU LIVRE ZAY... 105

III- Il est à souligner enfin que, mis à part le livre A, traduit en


anglais et en français61, le livre Bêta qu’a traduit Laurence Bauloye62 en
français et le livre Z que nous avons traduit en français63, il n ’existe
aucune traduction des autres livres de la Métaphysique dans sa version
arabe et son commentaire par Averroès. Il est donc souhaitable d’étudier
et de traduire le reste de cet ouvrage, car, comme il a été souvent
remarqué, c’est un texte fondamental, qui nous permet d’apprécier la
réaction d’un philosophe musulman au texte d’Aristote (en version arabe)
et dont la traduction latine a eu sur les destinées de la Métaphysique
d’Aristote en Occident une influence considérable.

61 Ch . Genequand, Ibn Rushd’s Metaphysics. A Translation with introduction of


Ibn Rushd’s Commentary on Aristotle’s M etaphysics, Book Lâm, Leiden, Brill 1986 ;
A. MARTIN, Averroès. Grand Commentaire de la Métaphysique d ’Aristote. Livre LAM-
LAMBDA, Paris, 1984.
62 Averroès. Grand Commentaire (Tafsir) de la Métaphysique. Livre Bêta, Paris, 2002.
63 A. Nabil Elsakhawi, Etude du livre Zây (Zêta) de la Métaphysique d ’Aristote
dans sa version arabe et son commentaire par Averroès, Paris, 1998.
G ra ziella F ederici V esco vin i

LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA


DOTTRINA MEDICA DI ARNALDO DI VILLANOVA E
DI PIETRO D’ABANO

La spiegazione dell’azione terapeutica di certe sostanze contenute in


alcune pietre, erbe o animali ha intrigato e continua a confondere le
conoscenze fino ad oggi, quando gli sviluppi della chimica ci hanno
condotto assai lontano, dai primi timidi tentativi dei medici e degli erbo­
risti antichi (Dioscoride, Galeno, Costantino), ai medici e terapeuti arabi e
latini medievali. Come operano i veleni, come il magnete attira il ferro, si
può ritrovare l’antiveleno universale (la tiriaca), perché certe pietre come
lo smeraldo hanno virtù curative che possono non derivare dalla contra­
rietà rispettiva delle qualità dei loro componenti elementari, secondo i
principi della fisica degli elementi semplici e dei loro composti di
Aristotele ? Ecco dunque apparire fra i secoli XII, XIII e XIV il ricorso
alla nozione di qualità o virtù occulta, cioè genericamente ignota a cui
ricorrere per spiegare tali effetti curativi di cui non si conosce la causa,
concetto che ha generato nella storia della scienza e della cultura occi­
dentale una serie di equivoci che sono arrivati fino a ora, anche sulla base
dell’idea di forma specifica del composto che fu elaborata da Avicenna.
Infatti se la spiegazione di queste operazioni ricorre a una nozione vuota
che è l’occulto e che pertanto si può collocare al di fuori dell’ordine della
natura, ecco che il concetto di occulto viene ad esorbitare dall’ambito
della conoscenza razionale o scientifica dello scire per causas. Essa
quindi tende a collocarsi nella sfera del misterioso, di ciò che agisce nella
natura fuori della relazione razionale causa-effetto e pertanto finisce per
porsi nella sfera della operazione magica, segreta e misteriosa, diversa da
quella meramente fisica. Su questo tema si è aperta una discussione
interminabile, quasi irrisolvibile, perché si radica su equivoci storiografici
fondati su presupposti ideologici, filosofici, scientifici e religiosi diversi.
Responsabile di questa equivocità sul concetto di ‘occulto’ e quindi di
magia, è in buona parte la storiografia filosofica e scientifica dei secoli
XIII, XIV e XV. Da un lato è dato conoscere abbastanza bene (per merito
degli studi e delle edizioni recenti o recentissime che si sono succeduti in
108 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

questi anni su filosofi, maghi, alchimisti dei secoli XV-XVI e XVIII),


cosa sia la magia filosofica, in particolare quella che si sviluppa per
l’influenza dell’opera Picatrix che elabora una dottrina di scienza magica
come ‘necromanzia’ nel Rinascimento europeo ; abbastanza chiare sono
le categorie concettuali che tali maghi e filosofi hanno impiegato (per es.
nelVOcculta philosophia di Agrippa). Dall’altro quasi del tutto scono­
sciute sono rimaste invece le categorie concettuali, i termini, le defini­
zioni della tradizione medievale e i contesti teorico-filosofici in cui
nacquero, di stampo prevalentemente aristotelico e, in medicina, galeni-
co-avicenniano, impiegati per la definizione di occulto. Così per lo più gli
studi attuali non fanno che proiettare sui maestri medievali prevalente­
mente aristotelici, i concetti di occulto della magia ermetico-neoplatonica
elaborati da un Ficino, da un Pico e da un Agrippa. Con una impostazione
analoga, suppongo, in un suo recente studio Alain de Libera ci ha fornito
una stereotipa immagine, risalente ai secoli XV, XVI e XVII, di un
Alberto Magno raffigurato come uno stregone e mago, la quale proietta
sull’intero Medioevo un cupo manto di superstizione, di cui peraltro non
è esente a suo avviso1l’intera civiltà contemporanea. L’irrazionalismo dei
nostri tempi di cui esempi spaventosi sono tutte le guerre degli estre­
mismi religiosi che insanguinano i continenti, non sarebbe altro che un
ritorno a quello del Medioevo, in cui pochi teologi come san Tommaso
cercarono senza risultati apprezzabili di combattere tutte le superstizioni
magiche come quelle delle virtù occulte, che popolano l’universo, non
ultime quelle delle piante, delle pietre e degli animali.
Esiste pertanto un equivoco storiografico sul concetto di magia : in
particolare su magia naturale2 (lecita) e magia demoniaca o necromanzia

1 A. de Libera, “La face cachée du monde”, in Critique, LIX (2003), p. 430-448,


volume interamente dedicato ai problemi della magia e del pensiero magico.
2 Per un esame del problema, cf. V. Perrone Compagni, “Abracadabra. Le parole
nella magia (Ficino, Pico, Agrippa)”, in Rivista di Estetica, 42 (2002), p. 105-130 ;
I. Rosier-Catach, La parole efficace, signe, rituel, sacré, Paris, Seuil, 2004, che mette in
luce l'importanza del patto con il diavolo per definire la magia 'naturale' di Guglielmo
d'Alvergna. Sebastian Giralt, nella prefazione della edizione critica del De improbatione
maleficiorum di Arnaldo di Villanova, osserva che la distinzione tra magia naturale e
magia demoniaca è facile in teoria e difficile in pratica. A parer mio, il discorso deve
essere rovesciato, nel senso che è facile in pratica, poiché la descrizione delle operazioni
in generale è comune (tranne il patto con il diavolo, che appartiene alla tradizione
cristiana), ma difficile in teoria per la confusione introdotta tra filosofia, religione e
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 109

illecita. E l’introduzione di questa confusione è attribuibile alla straordi­


naria fortuna delle teurgie neoplatoniche ermetico-cabaliste all’interno di
un cristianesimo sincretistico accolto da Marsilio Ficino e da Pico della
Mirandola, sulle cui basi essi elaborarono le loro teorie di magia naturale
e di occulto, nella quale era completamente mutato il concetto di natura
sia umana che divina rispetto alla fisica aristotelica medievale. La physis
non era quella dei quattro elementi di Aristotele e della costituzione del
cosmo : un universo ordinato non secondo la teoria del moto di Aristo­
tele, ma popolata da divinità agenti intelligenti, le cui immagini rivela­
vano la causa occulta delle loro operazioni nella natura3.
La magia naturale di Ficino fondata sul principio della simpatia
universale, permette all’operatore di sfruttare o di stabilire le correnti
spirituali che legano le parti dell’universo. Tutto è ‘spirituale’, tutto ha
‘animule’, anche l’ultima pietra è animata. Il mago che conosce le
connessioni di ogni specie sia animali che minerali e vegetali nella serie

scienza, da Ficino e Pico, Agrippa, dovuta anche alle dottrine dei testi magici, ermetici-
necromantici anche anonimi (cf. l ’opera edita da R. Kieckhefer, Forbidden Rites. A
Necromancer’s Manual o f the Fifteenth Century, Pennsylvania, 1997). È la teoria, che è
difficile da districare, perché dipende dalle commistioni delle diverse posizioni
filosofiche, religiose e scientifiche astronomiche che si sono avute nei vari periodi storici.
Per il Medioevo ciò riguarda le correnti che l’attraversano : le platonico-agostiniane e poi
neoplatoniche, oppure quelle aristotelico-tomiste o meno ; riguarda la credenza se i
demoni sono creature angeliche decadute e quindi superiori agli uomini comuni, oppure
creature naturali ma non ontologicamente intermedie tra Dio e l ’uomo, come riteneva il
razionalista Witelo nella sua opera De causa primaria poenitentiae in hominibus et de
natura daemonum (ed. Paschetto , Torino, Giappichelli, 1978, p. 89-132 ; ed. J.
BURCHARDT, in List Witelona, Studia copernicana XIX, Wroclaw, 1979, p. 161-208). Se
poi i corpi celesti e i pianeti non erano considerati animati o intelligenti ma corpi fisici che
conferiscono solo luce, calore e movimento, anche la loro influenza non era più magico-
demoniaca, ma solo fisico-meccanica naturale.
3 T. Katinis, “Sulla storia di due ‘imagines’ contro i veleni descritte da Ficino”,
in Hermetism from Late Antiquity to Humanism (La tradizione ermetica dal mondo tardo-
antico a ll’Umanesimo), Atti del Convegno internazionale di studi, Napoli, 20-24
novembre 2001, ed. P. Lucentini, I. Parri, V. Perrone Compagni, Tumhout, Brepols,
2003, p. 613-620 ; in particolare, N. Weill-Parot, Les images astrologiques au Moyen-
âge et à la Renaissance, Paris, Champion, 2002, p. 643-708 ; si veda anche la mia
interpretazione, G. Federici Vescovini, “L ’espressività del cielo di Marsilio Ficino, Lo
zodiaco medievale e Plotino”, in Bochumer Philosophisches Jahrbuch fü r Antike und
M ittelalter, I, 1996, p. 111-126, e in modo più esteso “Marsilio Ficino e lo spirito
celeste”, in Annali della Fondazione Ugo Spirito, 5 (1993), p. 71-90.
110 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

astrologica celeste, ripercorre a ritroso il canale di questa diffusione e


così è capace di far rientrare nella sua superiore perfezione formale origi­
naria, una specie materiale qualunque decaduta dal cielo4 la cui virtù
occulta è latente.
L ’equivoco su cosa debba intendersi per magia naturale nel
Medioevo (dato che non si può applicare la definizione di Ficino), e
considerato che buona parte delle discipline che operano sulla natura
come la medicina e la farmacologia dipendevano dalla teoria del moto
elementare e celeste di Aristotele (in particolare secondo le teorie del De
generatione et corruptione e del De coelo), non è tuttavia dovuto solo alla
proiezione al Medioevo di queste dottrine neoplatoniche fortunatissime,
dalla storiografia della filosofia del Rinascimento, ma anche dalla situa­
zione reale esistente nel Medioevo. Anche allora esisteva una divisione
fra le dottrine della corrente teologizzante platonica-agostiniana, e la
tradizione razionalista rappresentata da san Tommaso e dalla sua scuola,
di cui si ebbe un clamoroso esempio nelle tesi condannate a Parigi nel
1270-775. Il principio che fu applicato da questa scuola razionalista fu
anche quello che si ritrova seguito da Pietro d’Abano in medicina, e cioè
se in theologia theologice, in naturalibus naturaliter. Alludo qui alla
definizione di magia naturale che appartiene ai theologizantes non razio­
nalisti che ebbe un rappresentante esemplare nell’opera di Guglielmo
d’Alvernia vescovo di Parigi6. Egli ci fornisce tra l’altro una precisa
definizione di ‘occulto’ nel suo De universo e nel De legibus. Qui si trova
esposta buona parte delle teorie delle opere della magia pagana romana,
della teurgia neoplatonica ermetico-araba e salomonica. Secondo Guglielmo
d ’Alvernia la magia naturale fa ricorso alle virtù occulte degli enti
sublunari che la provvidenza ha elargito affinché il cristiano se ne serva,

4 P. Zambelli, “Continuità nella definizione della magia naturale da Ficino a


Dalla Porta”, in D. Ferraro-G. Gigliotti, La geografia dei saperi. Studi in memoria di
Dino Pastone, Firenze, Laterza, 2000, p. 23-24, ossia magia naturale intesa non come
fisica, ma forza spirituale e sovrannaturale.
5 In particolare, A. DE Libera, “Philosophie et censure. Remarque sur la crise
universitaire parisienne de 1270-1277”, in J. A. Aertsen , A. Speer ed., Was ist
Philosophie im Mittelalter ? (Atti del X Congresso intemazionale di filosofia medievale,
25-30 Agosto 1997 in Erfurt), Berlino-New York, De Gruyter, 1998, p. 71-89.
6 Su Guglielmo d ’Alvernia in particolare I. ROSIER Catach, La parole efficace,
signe, rituel, sacré, Paris, Seuil, 2004.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 111

ma a fin di bene e limitatamente, senza sconfinare nella curiositas. Rigido


tutore dell’ortodossia, orripilato da quelle infami preghiere e di quei culti
nefandi che inquinano i testi magici che egli cita largamente, Guglielmo è
custode di una concezione demonologica e angelica la cui rappresenta­
zione più grandiosa si potrà ritrovare nella Commedia di Dante. Egli
intende biblicamente i demoni come angeli decaduti per un peccato
iniziale. Per volontà di Dio essi sono inviati nel mondo per aiutare o
vessare gli uomini, secondo i loro peccati. Egli ritiene quindi che questi
demoni possano entrare nei quattro elementi e operare per virtù loro
occulte date da Dio. Citiamo per intero il passo di Guglielmo di Alvemia,
perché la sua posizione, vedremo, ci pare accostabile a quella di Arnaldo
di Villanova del De improbatione maleficiorum.

Non enim dubitandum est quin omnipotens altissimus suo semper laudando iudicio,
permittat aliqua ex hominibus vexari multis modis a demonibus et quosdam fieri
demoniacos, quosdam arreptitios, quosdam lunaticos... De his autem quae fiunt per
magicam naturalem, scito quod nullam habent creationis offensam vel iniuriam, nisi
quis ex ea arte, vel nimis curiose, vel malum operatur, sicut contigit in arte medica
per quam contingit operari interdum in mortem vel in lesionem alicuius7.

Queste operazioni di magia naturale si fanno nelle immagini naturali


dell’acqua o del fuoco e nelle operazioni mediche, dove si può vedere
come i demoni disturbino molti malati, come i lunatici. Tuttavia, prose­
gue, queste operazioni di magia naturale con i demoni degli elementi
falliscono quasi sempre, agiscono sulTimmaginazione, sono puramente
illusorie, e così non hanno nessuna realtà. Tutte queste operazioni
falliscono perché la bontà del Creatore “non permittit nisi raro ut
demones operentur pro voluntate hominum8”.
La concezione demonologica di Guglielmo di Alvernia, di deriva­
zione biblica, si afferma in nome della più rigida ortodossia cristiana.
Guglielmo è il custode di una concezione di Dio come unica vera causa
che distribuisce la sua efficacia nelle cose secondo la sua libera volontà.
Egli formula una accezione ristretta di magia naturale, perché egli tenta di

7 Guglielmo d’Alvernia, De universo, in Opera omnia, Bologna, Damiano Zenari,


1591, p. 627, col. 2.
8 Nessun spirito “cecidisse in gemmas et lapides pietrosas (...) atque de presentia
ipsorum virtutes huiusmodi lapidaribus esse, quas eis homines imponunt”. Guglielmo di
Alvernia, De universo, cit., 4, p. 962, col. 1.
112 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

rimuovere la nozione di natura come ordine di cause che operano secondo


la propria interna essenza e di negare l’idea stessa di una ragione che
indaga ed esperimenta la realtà per conoscerla e non farsi dominare.
L ’antiaristotelismo di Guglielmo, la sua demonologia cristiana, se
avrà da un lato come corrispettivo la rappresentazione dell’Infemo, del
Purgatorio e del Paradiso di Dante, avrà dall’altro come risposta il trattato
dello scienziato e ottico famoso, Vitellione, buon amico di san Tommaso,
il De natura daemonum, che può considerarsi un’opera che contiene la
dottrina antitetica sui demoni, anche se sempre in ambito cristiano, a
quella di Guglielmo di Alvemia, e che ci pare sia quella condivisa dal
razionalismo di Pietro d’Abano. La credenza nelle apparizioni e opera­
zioni di demoni sono superstiziose e degne delle donnette e sono ricondu­
cibili a varie cause, come le illusioni ‘ottiche’, afferma Vitellione ; infatti,
i demoni, anche se esistono sono solo creature più dotate, ma che hanno
peccato gravemente, esse non compaiono quasi mai, e soprattutto non
agiscono9, aveva sostenuto Vitellione.
D ’altronde, la fonte autorevole nel medioevo cristiano sulla esistenza
dei demoni, creature cadute per l’eternità, era costituita da sant’Ago-
stino10, in cui un passo del De civitate dei, variamente interpretato e letto
diversamente nei tempi diversi, ebbe come conseguenza nei secoli XVII e
XVIII i processi inquisitoriali della caccia alle streghe. Lentamente le
istituzioni ecclesiastiche passarono a trasformare il comportamento super­
stizioso, in idolatrico e infine eretico, per l’intervento dei demoni11, con il
riconoscimento del “patto del diavolo”, così come aveva sostenuto
Guglielmo d’Alvernia. Ciò avvenne anche per l’equiparazione della
conoscenza per previsione astrologica o per altra tecnica delle forze
occulte della natura, all’intervento divinatorio dei demoni, il che portò
successivamente alla identificazione degli dèi pagani localizzati nei
pianeti, con i demoni infernali o con gli spiriti delle intelligenze celesti
dei neoplatonici. Agostino aveva condannato la previsione degli uomini,
che non la contemplano nelle cause eterne di Dio come i santi, bensì sulla

9 WlTELO, Epistula de primaria causa poenitentiae in hominibus et de substantia


et natura daemonum, a cura di E. PASCHETTO, Torino, Giappichelli, 1978, p. 114 e sgg.
10 De civitate dei, lib. IX, cap. 23, Parigi, 1960, vol. II, p. 362.
11 R. Manselli, Le premesse medievali della caccia alle streghe, in La stregoneria
in Europa, a cura di M. Romanello, Bologna, Il Mulino, 1975, p. 41 e sgg.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 113

base di alcuni segni occulti, avendone maggiore esperienza per l’inter­


vento dei demoni, ma il patto con il diavolo, non era stato ancora
esplicitato, come invece aveva sostenuto Guglielmo d’Alvergna, ma lo
diverrà con la condanna parigina del 138912.

II. La qualità occulte nella scuola di medicina di Montpellier


(XIII-XIV see.)

a) Nicola da Polonia

Da quanto veniamo dicendo in relazione alle proprietà terapeutiche


di alcune piante o animali che guariscono per le loro qualità sconosciute o
occulte, il significato generico di ignoto si può ben adattare a tutte le
formulazioni : sia all’azione dei demoni che agiscono ¿Ilusoriamente negli
elementi, come sosteneva Guglielmo di Alvemia, che per l'efficacia reale
di alcune medicine, come ne tratta il famoso medico empirico Nicola da
Polonia, vissuto a Montpellier negli stessi anni di Arnaldo. Infatti, in
generale, dire “occulto” non significa nient’altro che ignoto, ma le inter­
pretazioni sono state diverse. Generalizzata infatti è stata la definizione
che fu data successivamente da Agrippa e che non è quella che si può
ritrovare nei medici e filosofi a questo riguardo, altro che per un
significato generale di ignoto accettato da tutti. Infatti con Agrippa la
virtù occulta è qualcosa di molto formale perché si sa che la causa è
‘latente’ ed è infusa “in rerum speciebus” dalle idee attraverso le ragioni
dell'anima del mondo. Esse dipendono quindi dalle idee trasmesse
dall'anima del mondo mediante i raggi delle stelle. Pertanto le idee non
sono la loro causa essendi, ma le cause di una virtù latente qualunque che
inerisce a una specie qualunque13. Essa è forza ontologicamente reale,
spirituale e superiore a quella materiale perché discende dallo spirito
celeste mediante l'anima del mondo.

112 J.-P. BOUDET, “Les condamnations de la magie à Paris en 1389”, Revue


internationale d'histoire et de littérature religieuse, nouvelle serie, 12, t. 73 (2001),
p. 121-157.
13 Cornelius Agrippa de Nettesheim, De occulta philosophia libri tres, libro I,
cap. X-XI, ed. V. Perrone Compagni, Brill, Leiden-New-York-Köln, 1992, p. 105-108.
Per i riferimenti di Agrippa ad Arnaldo, ivi, cf. p. 70 e 111.
114 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

Nicola da Polonia, frate domenicano operante a Montpellier nella


prima metà del XIII secolo, ci fornisce una definizione di virtù occulta14
come ‘chiusa’, clausa, che è un poco diversa : essa è quella che in gene­
rale rende attive le medicine. Come ha messo in luce Gundolf Keil15,
studiando le due opere poco conosciute di Nicola da Polonia (1225 circa)
dell’Ordine dei Predicatori, operante a Montpellier per 20 anni circa, il
poema in versi Anti-Yppocras e gli Experimenta magistri Nicolai, Nicola
si vanta di curare senza conoscere le cause, ma basandosi solo sulla sua
esperienza, perché “non opinor pro me, sed agit Deus hoc opus ex me”.
Nella stessa direzione, Guido d’Arezzo il Giovane16aveva affermato :

scientia graduum coniecturalis est et imperfecta (...) Insuper proprietates medi­


cinarum, secundum quos sunt nobiles et excellentes operationes, sunt ignotae pro
magna parte17.

Le qualità occulte che agiscono nelle medicine risultano quindi


ignote, perché se ne ignora la causa, il che significa che esse non sono
verità certe, ma congetturali. Tali qualità dunque “rationibus probari non
potest”, ma “effectu probatur18” ; se mai esse possono fare riferimento
all’azione delle idee che risiedono nelle stelle come ha affermato Platone
nel Timeo e Tolomeo : “Ptholomeum do tibi testem ac in Tymeo Plato­
nem cum Ptholomeo19”.

14 P. R. Blum , Qualitates occultae. Zur philosophischen Vorgeschichte eines


Schlüsselbegriffs zwischen Okkultismus und Wissenschaft, in A. BUCK, Die okkulten
Wissenschaften in der Renaissance, Wiesbaden, Harrassowitz, 1992, p. 45-64.
15 Cf. G. Keil, 'Virtus occulta'-Der Begriff des “empiricum” bei Nicolaus von
Polen, in A. Buck, Die okkulten, cit., p. 179-185.
16 K. Goehl ed., Guido d ’Arezzo der Jungere und sein *Liber mitis’, I-II, Pattensen
bei Hannover, 1984 (Würzburger medizinhistorische Forschungen, 32), I, p. 99-115 : Die
humoralpathologischen Grundlagen, (Wissenschafstheorischer Ansatz), ivi, I, p. 130. Cf.
anche G. Keil, K. Goehl, “Guido d’Arezzo der Jungere und die Disputa delle Arti”, in
Atti del XXII Congresso nazionale della Società italiana di Storia della Medicina, ed. G.
Loris Premuda, Padova, 1987, p. 97-110.
17 Guido d ’Arezzo, Liber mitis, ed. Goehl, I, p. 244. Cf. M. McVaugh, “Theriak
at Montpellier” (con una ed. delle Quaestiones de Theriaca di Guglielmo da Brescia), in
Sudhoffs Archiv, 56 (1972), p. 113-144.
18 G. Keil, op. cit., p. 175.
19 G. Keil, op. cit., p. 179. Sull ’empirica di Nicola, cf. W. Eamon, G. Keil, “Plebs
amat empirica, Nicholas of Poland and his Critique of the Medieval Establishment”, in
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 115

Si sa del proehmio del suo Anti-Yppocras, che egli curava larga­


mente con gli amuleti appesi al collo. E così si richiama alla virtù occulta
che qui definisce chiusa’ (clausa) : “virtus clausa fluit hinc (scilicet de
‘vase mirifico’) curans febres20”.

b) Arnaldo di Villanova

Tuttavia una discussione sulle possibilità di quantificare le medicine


e di stabilire i loro gradi contrariamente alla credenza di Nicola da
Polonia fu avviata a Montpellier a proposito della tiriaca21, sulla base
delle dottrine sostenute da Arnaldo di Villanova nel De gradibus, in cui
cercava di quantificare la loro intensità curativa.
Arnaldo ha compiuto uno sforzo di razionalizzazione per rendere
comprensibile come agissero le qualità che non provengono dalla azione
delle qualità conosciute della complessione, ma dalle qualità che ne
risultano, ossia quelle sconosciute che provengono dopo la nuova com­
plessione. Arnaldo, come ha messo in luce McVaugh, ha sviluppato una
nozione di Avicenna, che a questo proposito era giunto alla idea della
forma specifica o della forma totius, per cui tutta l’operazione di questa
qualità non proviene dalla sua complessione, ma dalla sua forma specifica
che sopravviene dopo la complessione22.
Il carattere della virtù occulta che per esempio agisce nei veleni o nel
contro veleno della tiriaca sarebbe riconducibile dunque a una forma
specifica. Su questo tema abbastanza poco chiaro si sono applicati sia
Arnaldo di Villanova, cercando di chiarirne il significato da un punto di
vista filosofico, che Pietro d’Abano. Esso rinvia alla nozione di qualcosa
di nuovo e di diverso che si aggiunge alla azione delle qualità elementari

Sudhoffs Archiv, 71 (1978), p. 180-196 ; in part. cf. A p p e n d ix , p. 193-195 ; gli


Experimenta sono editi da R. Ganszyniec, Brata Mikolaja, 2 Posen, 1920 (cf. G. Keil,
op. cit., p. 164, nota 27).
20 Anti-Yppocras, (Proemio), in G. Keil , op. cit., p. 188, nota 171 : “res extra
corpora pendit vasis conclusa (...) pendendo foris (...) miro tractu tollit morbos sine tactu ;
causas interioris languoris (...) auffert [res] clausa manendo foris (...)”.
21 G. Keil, op. cit., p. 173.
22 Liber Canonis Avicenne, Venezia, 1507, fol. 33v-34v. Cf. M. McV augh ,
Arnaldo de Villanova Aphorismi de gradibus, in Arnaldi de Villanova, Opera medica
omnia, (AVOMO) II, Barcellona, 1972, p. 18.
116 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

e alla ricerca di quale ne sia la causa. Pertanto sia Arnaldo, che Pietro
d’Abano, ma in modo diverso, introducono l’idea di una azione differente
da quella delle qualità elementari dei quattro elementi nel misto per
spiegare la generazione di questa nuova forma. Sia secondo Pietro
d’Abano che Arnaldo, questa causa è l’azione dei corpi celesti, i quali
secondo Pietro d ’Abano sono dotati di qualità complessionali fisiche
analoghe a quelle elementari. Infatti essi operano per il moto e la luce, la
quale diffondendosi per raggi, provoca calore che non è quello del fuoco
che tende in alto, ma quello della luce che tende al basso2324.
Ora possiamo conoscere abbastanza bene le teorie filosofiche di
medicina astrologica razionale di Pietro d’Abano, qualora si legga il
Conciliator, così prolisso, alla luce delle sintesi dei Problemata o del suo
breve trattato di astronomia, il Lucidatori. La prima differenza di questa
opera è interamente dedicata a distinguere la dottrina delle immagini
astrologiche-astronomiche che sono necessarie al medico per fare la sua
prognosi (iudicium), da quelle ermetico-magiche necromantiche : sia le
immagini dei sabeani seguaci di Hermete Thebit, che angeleologiche
della magia ebraica di Ermete Enoch o Mosé. Meno ci è dato conoscere
invece cosa ritenesse Arnaldo della natura dei cieli dalla cui virtus
dell’azione (impressio) celeste scaturisce la proprietà curativa di quella
certa erba o pietra che rappresenta la sua forma specifica, in quanto i suoi
scritti astrologici autentici non sono ancora stati ben individuati.
Tuttavia Arnaldo di Villanova svolge un lungo discorso nello
Speculum medicine25, discutendo della forma specifica da cui scaturisce la
virtù occulta a proposito del modo di curare in relazione alla com­
plessione del paziente. Le proprietà occulte non si possono quantificare
perché non sono percettibili come le qualità dei quattro elementi, caldo
freddo, etc. e la loro esistenza è riconosciuta non dalla ragione, ma solo
per una esperienza casuale. Esse si dicono occulte perché le qualità per le

23 Petri de Abano Conciliator, diff. X, f. 16vb.


24 P ietro d ’A bano , Lucidator dubitabilium astronomiae (astrologiae), ed.
G. Federici Vescovini, Padova, ed. Programma, 2a ed., 1992, p. 116-117 e il mio studio,
“Pietro d’Abano e l’astronomia-astrologia”, in Bollettino del Centro internazionale di
storia dello spazio e del tempo, 5 (1986), p. 30-44. Sui Problemata, cf. gli Atti del
Colloquio : Aristotle's Problemata in Different Times and Togues, Katholieke Universiteit
Leuven, 30-31 octobre 2003 in corso di stampa.
25 Speculum medicine, Opera, Venezia, 1505, cap. 18, f. 7vb-18ra.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 117

quali una cosa si rende evidente sono del tutto sconosciute alla ragione
umana. Ogni cosa infatti è conosciuta sicuramente o per cause immediate
o per il loro effetto immediato in proprietà delle quali la ragione umana
ignora l’uno e l’altro, sia la causa che l’effetto. Le cause immediate delle
proprietà sono due : la forma della mescolanza e la forma specifica della
mescolanza26.
Questa nozione si lega strettamente con quella di complessione che
designa una mescolanza delle qualità primarie dei quattro elementi propri
di ciascun organismo. La nozione galenica rielaborata soprattutto da
Avicenna permetteva di connettere la fisiologia con la fisica elementare
aristotelica per la quale il cambiamento fisico è retto dall’interazione
delle qualità dei quattro elementi. Due elementi presi insieme potevano
divenire un terzo, perdendo ciascuno una qualità. Nella pratica medica la
medicina aveva come compito nella cura di manipolare la virtù propria di
una sostanza, virtù delle quali si doveva scoprire la causa o almeno
scoprirne l’origine per comprenderne la generazione o la trasformazione
(operatio) fisica. Nella farmacologia, alcuni rimedi non potevano essere
dedotti dalle azioni delle qualità elementari conosciute delle loro sostanze
ma solo dai loro effetti, sulla base dell’esperienza. E così, le proprietà
particolari erano presentate come dipendenti da qualche entità che rappre­
sentava l ’individualità della cosa che li produceva che era la forma
sostanziale o specifica di questa cosa o la sua complessione ; allora si
sosteneva che essa operava con tutta la sua sostanza o forma totius. In
certe piante o nelle pietre come il magnete essa esercita una azione o
virtù, chiamata attractiva. La forma specifica non dipende quindi dalle
qualità dei quattro elementi, ma può essere dipendente da una virtus a cui
è assimilata la sostanza, la forma totius27.
La forma specifica del complessionato di una certa specie animale o
vegetale, si classifica tuttavia, in comune e propria o particolare. Arnaldo
vuole comprendere la natura di certi medicamenti per la loro applicazione

26 Speculum medicine, Opera, Venezia, 1505, cap. 18, loco cit.


27 Cf. I. Draelants, La ‘virtus universalis’, un concept d ’horigine hermétique ?
Les sources d ’une notion de philosophie médiévale, in Hermetism from Late Antiquity to
Humanism (La tradizione ermetica dal mondo tardo-antico a ll’Umanesimo) (Atti del
Convegno intemazionale di Studi, Napoli, 28-29 novembre 2001), eds. P. Lucentini,
S. Parri, V. Perrone Compagni, Tumhout, Brepols, 2003, p. 157-188 (Instrumenta
patristica et mediaevalia 40).
118 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

nella cura ; essendo dei misti, essi hanno una forma mixtionis il cui
principio è razionalmente riducibile alla virtù delle qualità primarie
presenti nel composto, ma i composti possiedono anche altre virtù queste
secondarie, di cui non può essere spiegata la loro comparsa con la
ragione, bensì essa è appresa con l’esperienza : questa è la virtus occulta
del composto che Arnaldo chiama forma specifica o forma totius. Essa
come la forza attrattiva del magnete trascende la natura delle qualità
primarie come è informa mixtionis ed è introdotta da un agente esterno.
Pertanto le proprietà delle complessioni si dividono in due : la proprietà
comune o universale come la virtus che conviene alla specie di tutti gli
individui (“convenit omnibus individuis speciei”), e le proprietà occulte
(virtutes occultae) che trascendono la natura dei componenti del
composto. Entrambe sono suscitate ab impressione celesti, ma la
proprietà comune della complessione dispone il generato per impressione
celeste a ricevere “tota latitudo mixtionis vel complexionis que convenit
speciei et sic proprietas est virtus specifica id est consequens speciem28” ;
essa conviene a tutti gli individui della stessa specie, ma essa è diversa
dalla proprietà sconosciuta o occulta che sopravviene accidentalmente in
un complessionato e che dipende dalla possibilità che un particolare
grado della mescolanza del composto sia suscitato nel generato in una
certa ora della generazione, da una forza di cause concorrenti

ex fortitudine causarum concurrentium, utpote forti aspectu celestium corporum,


sive hora generationis sive hora casus principii seminalis in agro nature, seu hora
nativitatis29.

Da questi passi di Arnaldo è ben chiara la sua concezione di


medicina astrologica fondata sul principio che tutto ciò che è generato in
natura come le complessioni e i complessionati dipende dall’azione delle
proprietà dei quattro elementi e di cause concorrenti come l’impressione
dei corpi celesti, con i loro forti ‘aspetti’. Espresso con termini sintetici
ma assai chiari da un filosofo-medico aristotelico che conosceva bene
questa problematica vissuto un poco più tardi, la dottrina si riassumeva

28
Speculum medicine, cit., loco cit.
29
De parte operativa, Opera, Lione, 1509, f. 146r.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 119

nell’idea che “formam mixti generari a virtute existente in semine una


cum aspectu celesti30”.
Resta il quesito se Arnaldo ritenesse che questa azione dei cieli è
corporea o spirituale nel quale ultimo caso la virtus occulta da essi susci­
tata, non sarebbe di origine fisico-naturale, ma una forma demoniaca e
quindi magica.
Non ancora risolto è il problema dell’autenticità del suo Liber intro-
ductorius de iudiciis, anche se la dottrina astrologica qui contenuta è a
carattere di introduzione ai principi generali dell’astrologia medica ed è
comune a tutte le trattazioni propedeutiche e manualistiche di astrologia
che si richiamano all’astronomia del Quadripartito di Tolomeo e al
Commento dell’Alkabizio. Pare chiaro tuttavia che Arnaldo, come risulta
da alcuni passi del De parte operativa, ritenesse che le forme dei misti
siano dovute all’azione suscitata nelle disposizioni qualitative delle mate­
rie soggette, dall’impressione celeste. In questi passi del De parte opera­
tiva si afferma esplicitamente che

in ogni ora le parti del cielo, influenzano o infondono una e un’altra capacità (forza)
agli esseri generabili, la quale esige che la figura del cielo sia determinata dall’oro­
scopo o dall’ascendente nell’ora riferita al generabile o al generato qualunque essa
sia.

Pertanto di questa virtù, che i corpi superiori suscitano {influent),


sono suscettibili solo i corpi che vi si dispongono o per agenti naturali, o
per mezzo dell’arte, o per la parte per cui alcuni individui di una certa
specie acquistano una altra proprietà, la quale ad altri esseri della stessa
specie non conviene31. Arnaldo dunque ritiene che tutte le forme, vegetali,
animali e minerali siano suscettibili per l’azione esterna degli astri in un
determinato momento di sprigionare delle proprietà transitorie, anche se
queste ci sono occulte.

30 Blasii de Parma De generatione et corruptione, ms. Città del Vaticano, Vat.


Chig. O.IV.41, libro I, qu. 8 tertium articulum, conclusiones, interamente dedicato al
problema della forma mixti o complexionis. Cf. G. Federici V escovini, Astrologia e
scienza. La crisi delTaristotelismo sul cadere del Trecento e Biagio Pelacani da Parma,
Firenze, Nuove ed. Vallecchi, 1979, p. 241-276.
31 De parte operativa, Opera, Lione, 1520, fol. 127ra.
120 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

In realtà tutto ciò che si produce nell’orbe per arte o per natura riceve dall’orbe una
proprietà di patire l ’azione da un altro o di agire su di un altro, anche se questa
qualità ci rimane ignota32.

Tutto il problema riguardante T interrogativo se questa concezione


astrologica di Arnaldo, della natura dei corpi superiori sostenga che essi
siano concause naturali delle operazioni delle cose inferiori come pensava
Pietro d’Abano, oppure sono di natura diversa, spirituale, demoniaca, o
intelligenziale, non è stato ancora ben chiarito. Se essa è interpretata alla
maniera della magia ermetica per la quale i corpi celesti sono animati da
intelligenze, divinità astrali o altro e le loro immagini non sono pura­
mente descrittive di moti o qualità fisiche, quanto invece sono essenze
sostanziali e divine, arriviamo a conclusioni diverse. Ancora non è chiaro
questo elemento della medicina di Arnaldo, perché la sua dottrina della
causalità astrale non è ben esplicitata come quella di Pietro d’Abano.
Infatti, per esempio il problema dell’attribuzione o meno del testo dei
Sigilli di Arnaldo, dipende anche dal problema se i riferimenti astrologici
ivi contenuti possono essere considerati di magia astrale, ermetica oppure
meramente descrittivi delle corrispondenze terapeutiche tra i segni e le
cure secondo la melotesia zodiacale, e tali sigilli siano pertanto mera­
mente protettivi, e non esoreistici33.
Ma quale è la natura di questa ‘influenza’ dei corpi celesti ? Un’ana­
lisi dei passi delle sue opere di sicura attribuzione in cui ne parla, esclude
qualunque interpretazione magica delle virtù occulte di certe sostanze
medicinali curative come lo smeraldo o il corallo, suscitate àdlV impressio
dovuto al forte aspetto astrale. Il trattato De improbatione maleficiorum

32 “Omne enim quod sub orbe per artem vel naturam producitur aliquam
proprietatem ab orbe recipit patiendi ab alio vel agendi in aliud quamvis illa sit nobis
ignota” (De parte operativa Opera, Lione, 1520, fol. 127ra). “Patet ratio propter quam
multi medicorum vocaverunt proprietatem virtutem occultam. Sed pro tanto dicitur
occulta quoniam ea quibus res cognoscitur omnino apud humanam rationem ignota [est]”
(Speculum medicine, Opera Lione, 1520, f. 6vb). Cf. S. GlRALT, “Arnaud de Vilanova y
las proprietas ocultes, de la magia a la medicina universitaria”, in Actas de la V Trobada
d ’Historia de la Ciencias y de la Tecnica, Barcelona, 2000, p. 393-398. In particolare, I.
Draelants, La virtus universalis, in Hermetism, cit., p. 161-164.
33 Cf. l'introduzione alla mia edizione critica del De sigillis, in Traditio, 60 (2005),
p. 1-36.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 121

ora riedito nella nuova edizione critica da Sebastian Giralt34 ci può fornire
il chiarimento necessario per capire quale sia l’azione di questi corpora
cœlestia, da cui dipende la virtus occulta : se demoniaca e quindi magica,
o solo fisico-corporea, naturale.
Il trattato De improbatione maleficiorum di Arnaldo è stato scritto
contro quanti praticano formule e pratiche esoreistiche, come le incisioni
di caratteri per cacciare i demoni pretendendo di averne la potestà, per
virtù loro propria, diversamente (aliter) da quanti hanno quella virtù per
grazia (per gratiam) concessa immediatamente solo ai santi e agli uomini
puri. Tutte le argomentazioni sono condotte sulla base della differenza di
natura, corporea, di chi compie queste pratiche, e incorporea dei demoni,
e dei mezzi usati (per virtute propria o per virtute alterius) per cacciarli35.
Queste pratiche sono fisiche e corporee e non possono niente contro la
sostanza di questi demoni, che è incorporea. Pertanto, nemmeno le
sostanze corporee come l’uomo, sebbene dotate di anima e intelletto,
possono, in virtù loro propria dell’intelletto loro, compiere questa opera­
zione, perché essa è commista al corpo e non ha un grado superiore alla
virtù intellettiva del demone, che non è legato al corpo. Né può farlo per
virtù di altro, come per la virtù degli elementi terrestri o celesti, secondo
il principio che nessuna sostanza incorporea quale può essere l’anima o
l’intelletto, finché è congiunta al corpo, ha una potenza più forte e alta
(altior) di una sostanza incorporea non congiunta o separata dal corpo
(come è quella dei demoni). Per quanto riguarda la possibilità che si
possano cacciare per mezzo delle virtù dei corpi celesti, anche questo è
impossibile perché essi agiscono per la luce che agisce per contatto fisico,
mentre è manifesto che ciò che è incorporeo ‘tactui nullo modo
subicitur’36.

34 Ringrazio Sebastian Giralt che ha messo a mia disposizione la sua recente


edizione critica del De improbatione maleficiorum : Arnaldi Opera medica omnia VII,
Epistula de reprobacione nigromantice ficciones (de improbatione maleficiorum),
Barcelona, 2004.
35 De improbatione maleficiorum, ed. S. GlRALT, cit., p. 305-309.
36 Op. cit., loco cit. Interessante nel De improbatione maleficiorum è la negazione
da parte di Arnaldo dell’idea di magia cerimoniale dei gentili e dei filosofi, che tuttavia
“est opinio plurimorum” per cui secondo Arnaldo nessun uomo o sostanza intellettiva
animata, congiunto al corpo può impossessarsi della virtù di Saturno o di Giove e
mediante esse cacciare i demoni. Se qualcuno potesse cacciare i demoni, dovrebbe essere
122 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

Da queste proposizioni si ricava una notazione interessante per il


nostro quesito, e cioè che i demoni in quanto incorporei, non possono
essere cacciati neppure per virtù dei corpi celesti, perché questi ultimi
agiscono con la loro luce che è per contatto e quindi per azione fisico­
corporea, mentre è manifesto che ciò che è incorporeo “tactui nullo modo
subicitur”. I corpi celesti, gli astri e le stelle agiscono per l’azione
corporea della loro luce che sprigiona calore, sono dunque fisici. Così gli
amuleti non imprigionano nessun demone, intelligenza astrale, o spirito
astrale, incorporeo, capace di cacciare i suoi simili, e la loro virtus
occulta non è demoniaca e quindi magica, ma solo una proprietà fisica
accidentale e transeunte dipendente da diverse cause concorrenti
contingenti e occasionali. Gli amuleti pertanto37 non comandano i demoni
(iimperant), ma solo proteggono da essi.

III. La Scuola Padovana : Pietro d’Abano

a) Pietro d’Abano tratta delle virtù occulte di certe pietre come lo


smeraldo e il corallo, discutendo il concetto di forma specifica o forma
totius nella Differentia LXXI del Conciliator differentiarum medicorum et
philosophorum per spiegare l’azione di certe sostanze che agiscono non
in virtù della mescolanza delle qualità elementari nelle complessioni, ma
in ragione della loro forma specifica secondo l’autorità di Avicenna ; esse
sarebbero proprio quelle virtù occulte e ignote di cui qui Pietro d’Abano
si pone l ’interrogativo cercando di darne una spiegazione razionale.
Parlando da filosofo egli si domanda se questa forma specifica sul piano
ontologico rientri nell’ordine di natura o ne sia al di fuori ; se essendo
suscitata da forze superiori, la forma specifica di quell’azione rinvii a un
ente superiore alla natura (come sarà l'interpretazione neoplatonica di
Ficino e di Agrippa) e quindi ci apra le porte alla magia astrale, o piutto­
sto invece non sia riconducibile alle azioni fisiche della natura. La
difficoltà del discorso della forma specifica di certe qualità suscitate in

uomo perfetto e mondo, mentre coloro che fanno queste invocazioni sono esseri che
conducono una vita sordida e spregevole, sono dei puri idioti e le maestre di tali inganni
sono delle puzzolenti.
37 Cf. la mia introduzione all’edizione critica del De sigillis attribuita dalla
tradizione ad Arnaldo, in Traditio, 60 (2005).
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 123

certe sostanze e che hanno poteri terapeutici (la cui origine è occulta), è
importante nel senso che si tratta di comprendere a quale tipologia
appartengono : se esse appartengono alle qualità primarie o alle secon­
darie della materia elementare o a una certa altra tipologia che è propria
della complessione che è generata da esse. Secondo Avicenna tale forma
sarebbe una perfezione aggiuntiva :

quam acquisivit materia secundum aptitudinem que fuit ei acquisita ex com­


plexione, sicut in magnete virtute actractiva et sicut natura cuiuscumque specierum
vegetabilium animalium, scilicet illa quam habet post complexionem propter
complexionis preparationem38.

Ma appare evidente che tale qualità non riguarda le complessioni


semplici né la stessa complessione composta, perché non è né calda, né
fredda, né secca, né umida, né semplice, né composta, ma è colore o
odore o altra forma non percepita dai sensi. Tutta questa operazione non
proviene dalla sua complessione, ma dalla “eius forma specifica
adveniente post complexionem. Unde propter hoc vocamus huiusmodi
operationem a tota substantia”. Essa dunque proviene dalla forma speci­
fica e non dalla qualità, e pertanto non dalle quattro qualità elementari, né
da ciò per cui è una commistione39 per cui sembra una perfezione
aggiuntiva.
In questa Differentia LXXI relativa alla esistenza della forma
specifica delle qualità occulte Pietro ritorna in modo molto analitico su
questo argomento. Questo testo è stato molto discusso e diversamente
interpretato. Se lo si esamina tuttavia anche alla luce di altre sue opere
come i Problemata e il Lucidator, da una lettura attenta si può ricavare
l'idea che Pietro non ritenesse che tali qualità sconosciute dipendano da
una forma specifica occulta e che essa sia una sostanza o una entità
permanente come le essenze o le idee eterne di Platone : invece essa è
sempre una operazione o una qualità della materia composta, perché
nell’ambito della natura medica e farmacologica egli ritiene che non si
diano mai forme sostanziali. In medicina si studiano solo i composti di
materia e forma, che operano di continuo ; si generano e periscono me­

38 Liber Canonis Avicenne, Venezia, 1507, fol. 33v-34v.


39 “Scilicet a forma specifica et non a qualitate, scilicet non aliqua quattor quali­
tatum, neque eo quod est commixtio” (<op. cit., loco cit.).
124 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

diante le operazioni delle loro qualità e accidenti elementari. Questi


composti dipendono dal tipo di causa che li produce che sono non solo
quelle delle qualità elementari ma anche quelle dei corpi celesti. L’inter­
pretazione di questo testo di Pietro d’Abano è strettamente dipendente
dalla sua dottrina della causalità o influsso dei corpi celesti. Essa dipende
dalla natura delle loro configurazioni : dei sette cieli, dei pianeti che li
abitano, delle costellazioni, dell'ottava sfera e dalle tecniche di aspetti tra
di loro secondo le conoscenze che Pietro ne aveva e che gli erano state
trasmesse dalle elaborazioni dall'opera di Tolomeo, degli astronomi e
degli astrologi arabi dal IX al XII secolo di cui fa grande mostra nel Luci­
dator : in particolare dipende dalla teoria delle immagini (vultus) sia
dell’ottava sfera che dei pianeti e dei loro aspetti : quale fosse la loro
natura, quale la loro attività o influenza o azione nel mondo inferiore. E a
questi argomenti egli non cessa di dare chiarimenti dettagliati e analitici
ritornando più volte sul tema, in tutte le sue opere, spiegando la tipologia
ben differenziata della causalità astrale : in 1) universale dell'ottava sfera
o firmamento da cui dipende la storia universale dei popoli e delle
religioni ; in 2) generale (delle 48 immagini contratte : 12 dei segni e 36
delle costellazioni), da cui dipendono le città o le regioni ; 3) individuale,
da cui dipendono le natività degli individui umani40.
La medicina astrologica di Pietro d’Abano è abbastanza nota nei suoi
aspetti anti-magici e antiteurgici, ed è chiaramente affermata al di fuori
dei discorsi farraginosi del Conciliator, come antisuperstiziosa e lecita
nella prima differenza del Lucidator, in quanto subordinata all’astrono­
mia che è una scienza razionale fisica e matematica41. In questa opera
esclude tutte le pratiche di astrologia cerimoniale che consistono nell’esorciz-
zazione degli spiriti o nella incisione dei caratteri delle immagini e
condanna tutti i libri dalle immagini ermetiche sia di Ermete Thebit
(l’Ermete arabo dell’astrolatria sabeana i cui testi passano in Picatrix
anche attraverso al-Tabari)42, che di Ermete Enoch da cui deriverebbe la
magia salomonica. Un altro Ermete spesso citato da Pietro anche nel

40 Conciliator, differentia X e Compilatio physionomie, pars tertia, capitulum


primum, decisio prima, Padue per Petrum Mauser, 1474.
41 Pietro d ’Abano, Lucidator, cit., p. 150-151.
42 D. PlNGREE, “Al-Tabari on the Prayers to the Planets”, in Bulletin d ’études
orientales (Sciences occultes et Islam), tome XLIV, 1992, (Damas 1993), p. 105-112.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 125

Conciliator è Ermete Abidimon, e in questo caso il riferimento indiretto è


alVIntroductorium maius di Albumasar43.
Se la posizione di condanna delle immagini astrologiche cerimoniali
dei pianeti e dei loro aspetti contenute nei testi di magia cerimoniale
astrale di Ermete Thebit o di Ermete Enoch, è chiaramente espressa nel
Lucidator, anche il Conciliator ne tratta diffusamente riferendoli alla
magia astrale di Ermete, proprio in relazione alla natura della forma
specifica della virtus occulta. Alcuni interpreti ne hanno tratto l’idea che
anch’egli indulgesse a ritenerle essenze magiche anche forse suggestio­
nati dalla lettura successiva che ne aveva dato Marsilio Ficino e Agrippa.
Essi avranno certamente grande parte nel costruire l'immagine di Pietro
d’Abano come un mago e un necromante. Ma sul cadere del secolo XIII e
nel XIV le dottrine delle immagini naturali astronomiche dell’astrologia
di Pietro d ’Abano, come quella dello Speculum astronomiae (di cui
adesso si nega l’attribuzione ad Alberto Magno, per consegnarla a
Campano da Novara)44, avevano operato una netta distinzione tra imma­
gini naturali astrologiche lecite e quelle necromantico-cerimoniali45
illecite che sarebbero le cause dell’influenza celeste della virtus occulta.
Questa distinzione fu elaborata da quei filosofi e scienziati razionalisti,
rappresentati in teologia da san Tommaso, in medicina da Pietro
d’Abano46 e in ottica da Vitellione. Essa però fu sommersa dalla fortuna

43 C. Burnett, “The Legend of the Three Hermes and Abu Ma'shar Kitab al-Uluf
in the Latin Middle Ages”, in Journal o f the Warburg and the Courtauld Institutes, 39
(1976), p. 231 esgg.
44 P. Zambelli, The ‘Speculum astronomie* and its Enigma. Astrology, Theology
and Science in Albertus Magnus and his Contemporaries, Dordrecht-Boston, 1997 ; A.
ParaVICINI Bagliani, Le “Speculum astronomie”, une énigme ? Enquête sur les
manuscrits, Micrologus Library 6, Firenze, Sismel, Edizioni del Galluzzo, 2001, in
particolare p. 158-160.
45 Le suffumigazioni sono di rito in questi libri, cf. V. Perrone Compagni, “Una
fonte ermetica, il ‘Liber orationum planetarum”’, in Bruniana e Campanelliana, 1 (2001),
p. 189-197, in particolare p. 197, Suffumigatio lunae. In particolare Picatrix, ed. Pingree,
si veda p. 319 sotto la voce suffumigamo, suffumigare (Picatrix, II, 5, ed. cit., p. 46) per
cui essa è la terza operazione necessaria alla ‘scienza’ magica che è la necromanzia.
46 Nella Differentia IX, dove Pietro d’Abano si domanda se la natura umana si è
indebolita lungo i secoli oppure no, nel propter tertium, stabilisce un principio di metodo
che sarà il suo seguendo - dice - l ’insegnamento di Alberto : afferma che come su
argomenti naturali ha trattato Alberto nel primo de generatione, anche lui non sarà
ossequiente alle persuasioni delle religioni né dei miracoli in divinis, mentre invece
126 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

che si ebbe già dalla fine del XIV secolo e poi lungo tutto il XV secolo,
dalla circolazione non più sotterranea dei testi di astrologia cerimoniale
ermetica sia araba che ebraica. Non solo per la ricomparsa del manuale di
magia astrologica cerimoniale araba che è stato Picatrix, che li contiene
in buona parte, quanto anche per il rinnovato interesse per una interpre­
tazione di tipo magico-religioso dei testi astrologici tolemaici o pseudo-
tolemaici, come il Tetrabiblos o il Centiloquio dello pseudo-Tolomeo che
si ebbe tra il cadere del secolo XIV e per tutto il XV secolo. Proprio
anche in medicina, ne sono testimonianza non solo i commenti di Cecco
d ’Ascoli 2lIVAlkabizio e alla Sfera del Sacrobosco, ma anche il D e
occultis di Antonio da Montolmo47, e più tardi il commento al Centiloquio
di Lorenzo Bonincontri e dello Scaligero48. Per questa complessa tradi­
zione dottrinale che si è avuta lungo i secoli, il termine astrologia ha
finito per essere uno dei più equivoci. È stato osservato infatti che Pastro-
logia si presenta nella storia del pensiero come Giano bifronte, con due
teste, una volta alla religione e alla magia, Paîtra alla scienza. Così,
l’aspetto astro logico terapeutico o meno di certe sostanze che dipende
dall’immagine astrologica e dalla sua influenza, costituisce un elemento
assai delicato e sensibile da trattare, sia sul versante della scienza che
della magia, sia da quello della religione che della credenza, perché
veniva ad evocare l’astrolatria pagana, la teurgia ermetico-neoplatonica,
un culto astrale con l’antica superstizione delle religioni politeiste.

ricercherà la verità secondo i detti dei filosofi, degli astrologi e dei medici (Conciliator,
Differentia IX, propter tertium, Venezia, Giunta, 1565, f. 14vb).
47 Cf. le interessanti citazioni di Paolo di Middenburg, matematico e astrologo
famoso, autore della riforma del Calendario, la famosa Pavolina, dell’opera di Antonio da
Montolmo (di cui poco si conosce), il De iudiciis nativitatum liber praeclarissimus,
(Norimberga, Giovanni Petreius, 1540), nel suo famoso pronostico del 1480. In
particolare il mio studio “I pronostici di Paolo di Middenburg astrologo di Federico da
Montefeltro”, in Quaderni dell9Accademia Fanestre (Fano), 2 (2003), p. 9-30, che ci
presenta una immagine del Montolmo quale astrologo e matematico molto competente e
autorevole.
48 Cf. il mio studio, Les fresques du Palais Schifanoia et l'astrologie à la Cour des
Ducs d'Este entre le Moyen âge et la Renaissance, in F. Morel éd., L'art de la
Renaissance entre science et magie (Actes du colloque international organisé par le
Centre d'histoire de la Renaissance et l'Université de Paris, Paris 20-22 juin 2002) in corso
di stampa.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 127

La conoscenza di queste immagini è necessaria per Pietro d'Abano


soprattutto per la prognosi medica che è sempre un iudicium de nativitate.
Presuppone, per la cura, la scelta (electiones) dell’immagine celeste più
favorevole alla terapia in corrispondenza con il tema radicale o radix del
malato. Questa tecnica astrologica che il medico deve conoscere è molto
sofisticata. Tuttavia in generale essa si fonda sulla nozione di influsso
astrologico che come vedremo è fisico e non spirituale o divino. Per
sostenere questa tesi Pietro d ’Abano deve discutere la dottrina di
Aristotele e di Averroé della natura eterna dei cieli e della loro perfe­
zione ; pertanto, se anche Aristotele afferma che i corpi celesti come i
pianeti sono perpetui, e la loro essenza è immutabile, Pietro ritiene che
essi agiscono non per la loro forma sostanziale, ciob formaliter, ma per le
loro complessioni, e cioè effective. Ciò significa che i pianeti sono consi­
derati nei loro effetti per i quali essi sono dotati delle stesse combinazioni
delle qualità elementari, freddo caldo, umido secco, sia di terra, che
d’aria, d’acqua e di fuoco. Questa dottrina delle complessioni fisiche dei
pianeti è un concetto distintivo generale dei medici che applicano una
astrologia naturale-fisica alla loro disciplina e la si riscontrerà più tardi
anche nell’insegnamento medico-astrologico di Biagio Pelacani da
Parma49. Per complessione dei pianeti, afferma Pietro d ’Abano50 “non
intelligo complexionem formaliter eius inexistentem, sed effective”,
poiché se così fosse, essi sarebbero composti di elementi contrari. Invece,
anche se i Caldei dissero che il cielo è costituito da una quinta essenza,
esso opera effective, e cioè non si tratta tanto di causalità formale, ma di
azioni o di operazioni effettive che sono quelle che dipendono dal loro
moto. Così la complessione dei pianeti, tende al caldo e all’umido, come
la complessione umana, poiché i corpi superiori, quando sono ordinati a
quelli inferiori, lo sono per una certa accidentalità o intenzione seconda.
E come nei temperamenti umani, le complessioni risultano dalle combi­
nazioni delle loro qualità e proporzioni, così “in superioribus caliditas
Iovis, Martis et Solis superant frigiditatem Saturni” ; pertanto la

49 Cf. G. Federici Vescovini, Astrologia e scienza, cit., in particolare p. 390-395.


50 P etri de Abano, Conciliator, Differentia X, ed. cit., f. 16vb : “Complexio
omnium astrorum ut in Quadripartiti, ex complexione planetarum elicitur, ad caliditatem
tendit et humiditatem velut complexio humana”.
128 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

complexio stellarum è ordinata “omnium velut quodammodo in naturam


humanam, ut ipsa ad calendum tendit et humidum”.
Ora, questa teoria fisica dell’azione complessionale ‘effettiva’
dell’influsso dei pianeti, esclude dalla teoria delle immagini astrologiche
in ambito medico e terapeutico di Pietro, qualunque ricorso a una magia
teurgica delle immagini, e il richiamo a una dottrina magica della loro
virtus occulta : esclude in altri termini l’idea che tali operazioni siano
dovute a una essenza o spirito sovrannaturale.
Stabilito che l’azione delle immagini astrologiche è un influsso
fisico, se da esse dipendono le qualità di certe sostanze come il corallo e
lo smeraldo o il magnete che escono dalle cause conosciute di azione dei
quattro elementi, e per tanto sono qualità ignote, sono esse riconducibili a
una forma specifica occulta che è una essenza misteriosa ? La forma
specifica che è il risultato della virtus occulta del composto è una
sostanza o un accidente ? Pietro d’Abano risponde a questa domanda
sviluppando una articolata argomentazione, fondata sull’idea principale
che essa è suscitata dall’azione dell’astro che sollecita la latitatio formae
della materia. A questo proposito Pietro d’Abano discute la dottrina se
essa sia una predisposizione generale della materia indeterminata a
passare alla forma oppure no, e rifiuta la prima opinione anche perché
non ritiene che la generazione esterna possa avvenire per il dator forma-
rum di Algazal o per l'illuminazione dell’intelletto attivo di Averroè come
ritengono in molti. Egli invece sostiene non solo la somiglianza tra
attività celeste e operazione terrestre della materia, ma una ‘concausalità’
tra astro ed elementi dove forte è l’accento sulle virtualità della materia. Il
concetto è chiarito anche da un passo dei Problemata, in cui afferma
l’idea di una materia ‘coaptata’, ma non indeterminata, bensì una materia
determinata per la sua capacità di disporsi ‘proporzionatamente’ all’atti­
vità principale e particolare dell’agente, per alcune sue interne disposi­
zioni. Quest'ultimo, servendosi come di uno strumento dell’agente uni­
versale, ossia del calore celeste dell’ottava sfera, dispone la materia,
alterandola, cuocendola, trasformando le sue dispositiones al punto che la
virtus particolare e principale dell’immagine celeste induce la forma
“admodum quo agens hic particularem perfectam formam significat in
materiam coaptatam”. Pertanto, non è che da qualunque materia si abbia
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 129

un qualunque materiato, “sed ex determinata, neque enim ex quolibet fit


quodlibet, sed ex determinato51”.
La scelta (<electiones) dell’immagine celeste di un momento partico­
lare per iniziare una cura, fare un intervento chirurgico, una flebotomia o
un salasso è operazione che presuppone la conoscenza astrologica
indispensabile al medico, del momento particolare e sotto le condizioni
più favorevoli per compiere tale intervento, le quali dipendono anche
dalla virtus loci ossia dalla sua posizione geografica.

b) Come accennavo sopra, la dottrina della qualità o forma occulta di


certe piante, pietre o animali così chiamata perché se ne ignora la causa, è
detta forma specifica o forma del tutto, ma il concetto non è chiaro dal
punto di vista della dottrina. L’idea era originata dalla constatazione che
la combinazione delle proprietà di certe sostanze nella terapia non è
comprensibile con la teoria delle complessioni dei quattro elementi e dei
quattro umori con tutte le loro combinazioni che originano altre forme
mixti. Arnaldo aveva cercato di misurare quantitativamente il grado di
intensità di ciascun medicamento che varia di momento in momento
secondo diverse latitudini della complessione. Tuttavia la combinazione
delle qualità elementari che generano le complessioni non sono ‘indeter­
minate’ : in altri termini una qualunque forma mixti, non può stare nella
materia sotto qualunque proporzione o complessione, bensì sotto propor­
zioni ‘determinate’ che costituiscono la pietra o l’uomo. Da qui scaturisce
l’idea della forma specifica di certe altre complessioni che non rientrano
in questa tipologia e che quindi mette l ’accento in primo piano sulle
specificità di certe proprietà dei componenti di certi misti, donde la
discussione che farà Pietro d’Abano se queste proprietà o qualità siano
forme specifiche, ossia sostanze formali ben precise, oppure accidenti,
con la determinazione del nesso di aderenza o non aderenza di tali
accidenti a un sostrato comune secondo la teoria della predicazione delle
Categorie di Aristotele. Pertanto Pietro d’Abano discute anche la dipen­
denza delle proprietà da un sostrato o materia e introduce una importante
elaborazione di carattere astrologico della virtù del luogo (virtus loci),
che sarebbe un’altra determinazione o accidente della materia, dottrina

51
Pietro d ’Abano, Problemata, Particula Ia, Problema 22, Mantova 1475.
130 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

che era stata sviluppata da Alberto Magno nel De natura locorum. La


proprietà così detta occulta di certe sostanze naturali, come lo zaffiro o lo
smeraldo dipendono da un lato dall’influsso stellare che si esercita nella
materia soggetta che possiede una latitatio form ae sia propria e,
dall’altro, dalla determinazione dell’influenza nel punto particolare di
quel sostrato il quale dipende dal suo luogo. Il luogo è dunque il punto in
cui convergono le virtù delle combinazioni delle qualità degli elementi
terrestri e dei corpi celesti che discendono dalle radiazioni (impressiones)
astrali. Il luogo è la concentrazione dell’influsso del cielo che ‘localizza’
appunto le virtù elementari e superiori, conservandole e facendole agire e
reagire tra di loro.
Pertanto Pietro d ’Abano spiega cosa intende per tali qualità o
proprietà e la loro azione e reazione, andando al di là della teoria dei
luoghi naturali degli elementi di Aristotele che sono la causa formale
della composizione dei corpi misti. In tal modo il luogo e il locato
convengono sempre sia nella qualità elementare che in quella celeste
superiore : per esempio l ’acqua è il luogo della terra e conviene nella
qualità del freddo, l’aria è il luogo dell’acqua e conviene nella qualità
dell’umido. Il fuoco è il luogo dell’aria ed essi convengono nel calore. Il
cielo è il luogo del fuoco ed essi convengono in questa quualità per cui
sebbene il cielo non possegga il calore del fuoco, ha tuttavia la capacità di
conservare il calore mediante il suo movimento e la sua luce. Pertanto è
possibile una classificazione dei pianeti e del loro influsso secondo le
qualità complessionali dei quattro elementi, da cui dipende il loro tipo di
operazione.
Pietro d’Abano porta importanti chiarimenti di cosa sia la forma
specifica di certi composti, definendone le proprietà cosiddette occulte
nella Differenza LXXI del Conciliator con la formulazione “utrum forma
specifica dieta tota substantia, sit substantia”. Argomenta prima soste­
nendo la tesi contraria alla sua e cioè che la forma specifica come tota
substantia, deve essere intesa come una essenza o una forma sostanziale
che si conosce in tal modo solo con l’intelletto che non è suscettibile di
cambiamento, cioè di passiones. Pertanto è come le idee eterne, perpetue
ed immutabili di Platone. Al contrario in natura si osserva che ciò che
consegue a una complessione è sempre un accidente perché è fortuito e
scompare e non è una forma immutabile anche se Averroè ha affermato
una tesi contraria per cui nella matrice lo sperma attrae per una propria
virtù che ha da una forma specifica, ossia da tutta la specie e perciò è una
sostanza. Pietro d’Abano per chiarire meglio la sua concezione differente
rinvia a questo proposito anche alla Differentia XVII che è dedicata alla
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 131

definizione della complessione : se essa sia sostanza o accidente (“utrum


complexio sit substantia necne”)52. La complessione è la sostanza del
corpo, e se la sostanza del corpo è il suo sostrato, esso è una mescolanza
(miscibile) delle sue qualità. Dunque essa proviene dagli accidenti. Ora la
sostanza non può venire dagli accidenti. Pertanto egli conclude che la
complessione non è una sostanza perché proviene dall’azione delle sue
qualità e pertanto essa non è sostanza ‘secondo la sostanza’ (ossiaper se).
Se tuttavia si dice che la complessione è sostanza ‘secondo il modo’
(secundum modum) e non secondo la res della sostanza (ossia non per la
sua essenza), allora lo si può concedere. In altre parole, la complessione
si può intendere come sostanza, solo in questo modo restrittivo ossia non
come sostanza formale (per se) ma ‘impropriamente’ e così ‘secondo il
modo’ ; pertanto si dice sostanza o forma sostanziale impropriamente
perché essa è come il sostegno (substentatur) di qualcosa che ha un
essere completo : essa è come una base che sostiene come agente
principale, ma non primo, (anzi strumentale), qualcosa che promana nel
suo essere completo. In questo senso improprio dunque si dice che è una
sostanza. Nella complessione pertanto avvengono delle azioni e reazioni
delle qualità, donde il problema delle cause di queste operazioni, quando
producono effetti non previsti. Esso concerne il quesito, se esse
provengono da altre qualità (occulte), quando invece dalla materia, o
dalla forma specifica che deriva da tali qualità occulte, oppure entrambe
le operazioni combinate insieme.
Conformemente a quello che aveva affermato parlando da filosofo a
proposito della complessione : (se essa sia sostanza oppure no e aveva
negato che lo sia come una essenza, ma aveva affermato che lo era nel
senso improprio come fosse un sostrato a cui ineriscono le qualità), anche
in medicina ritiene che non si diano mai sostanze come forme, ma solo
composti di materia e forma e pertanto tutto ciò che si origina nel
composto avviene per l’azione di virtù che sono sempre degli accidenti.
Tuttavia di alcune di queste operazioni dei misti con virtù terapeutiche
sconosciute (prosegue Pietro d’Abano), che non possono essere ricondotte
alle qualità elementari ma che dipendono da un agente estrinseco, come
nel caso della virtù attrattiva del magnete, è stata introdotta la nozione di

52
Pietro d ’A b a n o , Conciliator, Differentia XVII, fol. 27rb.
132 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

virtù occulta. Essa si riscontra per lo più non negli animali53, ma nei
minerali e nei vegetali. Pietro d’Abano afferma che sono stati i seguaci di
Ermete, che studiando le cose naturali e quelle magiche, ci hanno
tramandato la dottrina che essi, operando scientemente sulle membra di
animali e vegetali con arte magica, sono stati capaci di far suscitare delle
virtù mirabili, nella scamonea, nella peonia e in altre piante. Queste virtù
abbastanza evidenti nelle piante, rimangono invece nascoste comple­
tamente nelle specie animali, perché sono latenti come lo è la facoltà
cogitativa dell’anima intenta nelle operazioni dei pronostici e dei futuri
contingenti, che non sono sensibili ai sensi (prosegue Pietro d’Abano)54.
Nonostante le dottrine dei seguaci di Ermete, Pietro d’Abano non
ritiene che tali virtù siano forme specifiche sostanziali, magiche e occulte,
ma che siano solo la conseguenza di operazioni accidentali, derivate
dall’influenza celeste dei pianeti che si esercitano su un composto dotato
di proprietà numerose che sono nascoste come la virtù attrattiva del
magnete ; questa forma specifica della virtù occulta è un principio
‘accidentale’ nel senso che non è una essenza, ma dipende dalle virtù
elementari e dall’influsso celeste che la genera, in circostanze deter­
minate.
Questa forma specifica è così causata da una duplice virtù, una degli
elementi e una celeste : “una quidem communi, alia vero propria”.
Pertanto, tale forma specifica proviene ab alio, ossia dall’influsso celeste
per cui racconta Pietro d'Abano, oltre questa natura degli elementi, alcuni
ammisero un altro principio (che sopraggiunge) dall’esterno, come una
forma specifica. Così Platone secondo Averroè intese che fossero le idee
eterne come cause separate : “audiendo per ideas impressiones a superis
factas in hec inferiora per motum et lucem (...) Ipsa, tamen, ut sibi
imponitur stare non p o te s f. Questo perché di tutto ciò che sussiste,
afferma Pietro d’Abano, come le cose naturali {res naturales) essendo
queste dei misti, di esse non si dà mai la forma, né qualcosa di simile alla
forma, ma il composto di materia e forma ; e la forma naturale, come
aveva sostenuto nella differenza XVII, in quanto naturale non sussiste
mai per sé, ma è qualcosa che sussiste per una materia o sostrato che la
sostiene, per cui è sostanza solo ’impropriamente’. Tuttavia vi furono

53
Op. cit., f. 27va.
54
Conciliator, Differentia LXXI, propter tertium, f. 108ra.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 133

alcuni dotti come i seguaci di Ermete Abidinion che è il capo di tutti i


sapienti, i quali ritennero che queste forme specifiche con le loro
proprietà siano causate dai corpi celesti mediante le loro immagini divine
che agiscono nei corpi inferiori. Ma afferma Pietro d’Abano richia­
mandosi lui stesso alla decima Particula del Problema tredici e alla
Differenza 101 del Conciliator dedicata alla generazione animale (“utrum
vermes, seu lumbrici possint in ventre, stomacho dicto, generari necne”) :
io ho dimostrato come queste forme con i loro magici e alchemici segreti
non operano nelle forme specifiche particolari e accidentali e non
possono sussistere in alcun modo :

Haec autem positio cum eius annullatione apparuit amplius in expositione decime
particule Problemata [13] ac differentia 101 ; in quibusdam quoque suis alchemicis
et magicis secretis visus has formas imprimi ex imaginatione et apprehensione
mixtorum superiorum ; voluit namque motores nequaquam posse intendere
particularem motum Lune, vel illum secundum situm, quam quidem imaginationem
vocat... Haec autem stare non potest55,

e ciò perché secondo Pietro tali corpi celesti o intelletti divini non
possono avere come loro intenzionalità ultima, essendo universali, la
produzione di questo o quell’effetto particolare che è legato a questo o
quel luogo (situs) e a un determinato sostrato. Infatti la causalità astrale è
distinta da Pietro secondo due tipi generali di impressione che non è
quella delle immaginazioni delle intelligenze celesti secondo una certa
interpretazione magica di Avicenna56, e di Aristotele, ma è influenza che
dipende dal movimento diverso dei cieli e dei pianeti : quella universale
del moto universale del firmamento o ottava sfera che avviene, secondo
moto e luce, da cui deriva la forma della specie comune di tutti gli esseri,
e una influenza particolare senza moto e luce, impressa dalla virtù parti­
colare dell’astro e causata dal suo luogo come per esempio accade nel
Polo artico, dove si manifesta con grande evidenza la virtù attrattiva
mirabile del ferro da parte del magnete.

55 Conciliator, Differentia LXXI, propter tertium (it quartum.


56 Su questa dottrina della causalità dell’immaginazione delle intelligenze dei corpi
celesti, cf. lo studio di Marwan Rashed, Imagination astrale et physique sublunaire, in
Corpo e anima (sensi interni e intelletto dal XIII al XVII secolo), a cura di G. Federici
Vescovini, Tumhout, Brepols, 2005.
134 GRAZIELLA FEDERICI VESCOVINI

Tali forme sono particolari e contingenti,, ma essendo presenti solo in


certe circostanze ben precise dipendenti dalla concausalità del cielo, degli
elementi e del luogo della materia soggetta, appaiono mirabili e oscure,
per la loro eccezionalità e rarità. La loro forma specifica dunque è
accidentale e non è una sostanza eterna, come sarebbero le virtus occultae
delle forme magiche dei seguaci di Ermete. Esse non si trovano in tutti i
composti, ma solo in alcuni di quella specie secondo determinate
circostanze e, pertanto, si dice che essa è forma sostanziale o totius di
quella specie minerale o vegetale, secondo il modo 'improprio’ che
dipende dal suo sostrato così come aveva argomentato nella D ifferentia
XVII. Inoltre sono causali e fortuite, perché

huismodi virtutes occultas non semper suas consequuntur inseparabiliter formas,


immo illis remanentibus plerumque corrumpuntur ipsae, quod evenire potest aut
propter indispositionem materie cum distemperata complexione in qua earum fuit
suscepta, cui innitebatur forma, vel ex parte loci, eo quod a locis in quibus
productae fuerunt et conservabantur, removeantur57.

Così prosegue Pietro, molte di queste proprietà cosiddette occulte e


mirabili di sostanze, pietre o erbe, non si conservano, quando coloro che
le preparano pur sulla base della loro esperienza (experientiae illorum)
non rispettano tutte le condizioni della loro preparazione tra cui quelle del
tempo e della stagione favorevole, cosicché oggi possiamo constatare
come molte pietre a cui erano attribuite virtù mirabili, ora le hanno
perdute, come nella città di Costantinopoli egli ha potuto constatare.
Inoltre gli uomini quando si trovano di fronte a operazioni che avvengono
di rado e di cui rimane difficile conoscere la mescolanza e la proporzione
delle loro qualità, le ritengono superiori a quelle comuni che dipendono
dalle proporzioni conosciute delle qualità elementari.
La conclusione di Pietro d’Abano sulla natura della virtus occulta è
assai simile a quella di Arnaldo con alcune precisazioni assenti in Arnal­
do. La forma specifica o fo rm a totius che si genera in questi composti
misti non è una essenza universale o sostanza perfetta ed immutabile,
come le idee di Platone, non è una forma magica sconosciuta superiore
alle forze della natura : è inerente a un sostrato materiale e all’azione
delle sue qualità che sono accidenti fortuiti e occasionali. Se la si chiama

57
Conciliator, Differentia LXXl, propter tertium et quartum, f. 108rb.
LA CONCEZIONE DELLA VIRTUS OCCULTA NELLA DOTTRINA MEDICA 135

forma sostanziale, come fanno molti, essa deve essere intesa come forma
sostanziale in modo improprio ossia come una sostanza materiale a cui
accidentalmente ineriscono alcune proprietà insolite ; essa non è una
forma essenziale come le sostanze immutabili eterne quali sono le idee di
Platone. Tale forma è una conseguenza delle operazioni delle proprietà
complessionali di un sostrato ben determinato le quali sono legate a un
luogo particolare e dipendono dall’azione di un agente esterno che è il
cielo, il quale suscita la forma latente (latitatio formaé) che vi era
predisposta. Esso è un influsso astrale che, in questi casi, ossia nelle
forme di tali misti, è sempre individuale e non universale, come invece
sarebbe la forma specifica secondo quegli antichi sapienti seguaci di
Ermete che le fecero dipendere dall’immaginazione delle Intelligenze
celesti e le intesero come forme specifiche universali. Per Pietro invece
esse scaturiscono dalle interazioni della materia soggetta tra le qualità
complessionali degli elementi e i pianeti i quali le posseggono allo stesso
modo del corpo umano e come questo dipendono da una certa materia in
un determinato tempo e luogo. Si tratta in definitiva di proprietà mirabili,
perché rare, di certe sostanze naturali di cui le cause non sono ricon­
ducibili alle proprietà dei quattro elementi e degli umori, ma sono susci­
tate in determinate circostanze assai limitate e circoscritte, dalla influenza
particolare di una stella in quel luogo determinato. La differenza con
Arnaldo consiste essenzialmente in una più articolata dottrina della
tipologia dell’impressione o causalità astrale, dipende da una complessa
classificazione delle operationes delle qualità58 e della loro interazione,
nonché da una maggiore chiarezza nel rifiutare essenze o forme speci­
fiche separate, che non siano cioè riconducibili agli effetti delle loro
operazioni, che sono accidentali e contingenti e non escono dall’ordine di
natura, come sarebbero invece le virtutes occultae dei maghi ermetici. E
ciò forse perché la dottrina di Pietro è fondata su una ben strutturata
filosofia della medicina, a differenza di Arnaldo di Villanova59.

58 In particolare cf. Conciliator, differentia LX, propter tertium fol. 89vab.


59 Mi si permetta di rinviare al mio studio, La médecine synthèse d'art et de science
selon Pierre d'Abano, in R. Rashed , J. BlARD éds., Les doctrines de la science de
l'antiquité à l'âge classique, Leuven, 1999, p. 255-337 (Ancient and Classic Science and
Philosophy).
M a rc G e o ffr o y

« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » :


AVERROES SUR L ’ANALOGIE DE L ’INTELLECT ET DU SENS
DANS LE(S) COMMENTAIRE(S) AU DE ANIM A D’ARISTOTE.

Dans le Grand Commentaire d’Averroès au De anima d’Aristote, la


notion de « passivité » (infi ‘al, passio) apparaît comme un critère
fondamental distinguant les sens et l’intellect de la faculté nutritive. Ce
critère départage les fonctions supérieures du vivant de ses fonctions
inférieures (nutrition, reproduction). La faculté nutritive est « active »
parce qu’elle possède en elle-même le principe de son activité, quoique
celle-ci s’exerce sur un aliment, qui est d’abord le « contraire » de l’être
qui se nourrit, puis lui devient « semblable »^ Selon Averroès, la sensa­
tion et l’intellection s 'opposent de ce point de vue à la faculté inférieure,
en tant qu’elles ne sont pas d’emblée « acte », mais « puissance », et
mouvement de la puissance vers l’acte. Leur supériorité tient précisément
à ce que leur besoin d’être actualisées par des objets extérieurs pour
réaliser leur « progrès vers elles-mêmes » fait de ce qui en est pourvu un
être capable de devenir autre chose que lui-même, conformément à la
complexité de ses fonctions vitales. C’est en ce sens qu’il nomme dans le
début du commentaire sur De an. II, 512 la question de la passivité
« primum consideratum de sensu3 ». Cette expression est à prendre au
sens de considération primordiale, préliminaire indispensable. Ayant
expliqué le passage4 où Aristote montre à partir du fait que les organes
sensoriels ne sont pas perçus par la sensation alors que ces organes sont

1 Aristote, De an. II, 4, 416b6-7 : « fi pèv yàp áTrsTixoç, xô èvavxiov xô) èvavxiq)
xpécpsxat, fi ôè jcsTtsppévri, xô öpoiov xcp ópoicp ».
2 De an. II, 5, 416b32-34 ; Averrois Cordubensis Commentarium Magnum in
Aristotelis De anima Libros (Corpus Commentariorum Averrois in Aristotelem, VI, 1),
éd. F. S. Crawford, Cambridge, Mass., The Mediaeval Academy of America, 1953,
p. 208, In...secundum, T51, 1-4: « (...) dicamus iam in omni sensu universaliter.
Dicamus igitur quod sentire accidit secundum motum et passionem, etc. ».
3 Crawford, ibid., C51, 16-18 : « Hoc enim est primum consideratum de sensu,
scilicet utrum sit numeratum in virtutibus activis aut passivis ».
4 De an. II, 5, 417a2-9 ; Crawford, p. 209, livre II, T52, 1-10.
138 MARC GEOFFROY

composés d ’éléments qui sont, précisément, les sensibles appropriés à ces


sens, que ce qui produit (rane!) la sensation n ’est pas le sens mais les
objets extérieurs qui agissent comme moteurs faisant passer la sensation
de la puissance à l’acte, Averroès note que

[...] sensus si sentirent ex se, secundum quod sunt virtutes active, tunc possibile
esset ut sentirent absque extrínseco. Et debes scire quod hec est prima differentia
qua virtutes anime differunt abinvicem, et est principium considerationis de intel­
lectu et de aliis virtutibus. Virtus autem nutritiva manifestum est ex predictis quod
est de virtutibus activis5.

Quoique au chapitre 5 de De an. IL sur la sensation en général,


Aristote eût commencé par affirmer que celle-ci consiste dans l’être mû et
le pâtir6, l’opposition avec la nutritive soulignée par Averroès semble
propre au Commentateur. Aristote, au début du chapitre précédent (II, 4),
sur la faculté nutritive, ayant dit qu’il faut étudier les objets des
différentes facultés avant leurs actes, explique que par « objets », il
entend l’aliment, le sensible et l’intelligible7, ce qui suggérerait plutôt une
homologie entre la manière dont l’aliment actualise la nutrition et celle
dont, respectivement, le sensible et l’intelligible actualisent les sens et
l’intellect. C ’est d’ailleurs ce qu’affirme explicitement Alexandre
d’Aphrodise dans le De anima, dans sa transition entre le propos sur les
facultés nutritive et sensitive :

De même que la faculté nutritive pour agir avait besoin de l’aliment (celui-ci en
effet est le principe de son activité) de même la faculté sensitive a besoin des
sensibles (car ceux-ci sont les objets de son activité)8.

Dans le même sens, une autre remarque : le mouvement du sens et de


l’intellect vers l’acte dépend entièrement d’un agent extérieur, le
mouvement étant un acte incomplet (àxeÀxjç)9. De ce point de vue,

5 Crawford, éd. cit., p. 211, C 52,42-48 (je souligne).


6 416b33-34 : « 'H 5’ aïo0r|cnç èv xcõ KivsTo0ai te kœi 7iào%8iv cropßaivsi ».
7 415a20-22 : « E l 5’ outco, xoóxcov ô’ ëxi 7cpóxspa xà ávxiKsípsva 5sT
xsôsGùpriKCvai, rcspi ckeîvcdv rcpcôxov av 5éoi Ôioplaai 5ià xqv aûxf]v aíxíav olov rcspi
xpocpfiç Kai aio0r|xoí3 Kai vorixoü. »
8 Alexandri Aphrodisiensis Praeter commentaria Scripta minora. De anima
liber cum mantissa, éd. I. Bruns, Supplementum Aristotelicum II, 1, Berlin, 1887, p. 39.
9 Dean. II, 5, 417al6-17.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 139

Aristote juge qu’il peut commencer son propos « comme si pâtir, être mû
et agir étaient la même chose10 ». Selon ce point de vue « dynamique », ce
qui est envisagé est un seul et même fait, dans son développement, situé
entre la puissance et l’acte. La perspective d’Averroès est sensiblement
différente. Le modèle de sa traduction d’Aristote lisait en effet la
négation « ou » après (bç11, donnant à la phrase un sens opposé : « Sermo
igitur noster primo non est secundum quod pati et moveri est idem cum
agere et movere »12, ce qu’Averroès interprète : « Idest, et magna
differentia est inter sermonem de sensu opinando in eo quod est virtus
passiva, et sermonem de eo opinando quod est virtus activa ». Ce qui
importe désormais est donc de comprendre de quelle manière l’être
« passif », qui tire son être d’autre chose (« non habet esse nisi ab alio »)13
- son être et non son accroissement - peut devenir « en acte » par un être
autre que lui (le sensible ou l’intelligible moteur, « numeratum in genere
actionis [quod] habet esse ex se, non ex alio »14), qui s’assimilera à lui,
l’être passif qui n ’a pas d’être par soi, par le fait de le rendre en acte15.
Averroès conclut :
Et manifestum est quod qui non intellexerit virtutes passivas in tali esse [i. e. in
sensu et in intellectu] non poterit dissolvere predictam questionem [i. e. quomodo
aliqua virtus, ex seipsa esse non habens, dum movetur de potentia ad actum ens in
actu fieri potest], neque etiam qui non concesserit quod virtutes sensus sunt de

10 Ibid., 14-16 : « IIpcõTOV pev ouv (bç xoñ añxoñ ovxoç xoñ Jiáax av Kai xoñ
KivsIoÖai Kai xoñ évspysív Aiyopsv ».
11 Lecture attestée en grec dans le ms. Vaticanus gr. 1339.
12 Crawford, p. 212, T54, 1-2 (je souligne). Le modèle du traducteur devait de
plus ajouter Kai xoñ kivblv après èvspyslv.
13 Ibid., p. 213, C54, 26.
14 Ibid., 27-28.
15 Ibid., p. 212, 11-13. C’est la même lecture qui semble inspirer la paraphrase du
Commentaire Moyen, Averroès, Middle Commentary on Aristotle’s De anima, éd. et
trad. angl. A. Ivry, Provo, Utah, Brigham Young University Press, 2002, § 162
[paraphrasant 417al0-21], 11. 17-20 : «Il est nécessaire que la sensation soit un mouve­
ment et une passion (taliarrukan wa-nfi (ãlan) de la marnière qui sera dite ensuite, et que la
chose [qui éprouve la sensation] pâtisse (yanfa ‘ilu) sous l’effet du dissemblable qui est le
moteur [extrinsèque], et reçoive le mouvement (yaqbalu al-taharruk) en tant qu’elle est
semblable, je veux dire qu’elle change (yatagayyaru) du fait du moteur en tant qu’elle est
contraire, et devienne comme lui (mitla-hu) en tant qu’elle est semblable. ». Le terme
tagayyur (changement) est ici synonyme de infi‘âl (passion), tandis que taharruk (le
mouvement, acte incomplet) coïncide avec le passage à l’acte.
140 MARC GEOFFROY

virtutibus passivis potest etiam dicere utrum sensibile sit simile aut contrarium. Et
hoc est fundamentum, et oportet ut conservetur, sicut diximus, in aliis virtutibus
anime, et maxime in virtute rationabili, sicut apparebit post16.

Comme la nutrition, le sens et l’intellect transforment en semblable,


par leur acte, ce qui leur est contraire (l’aliment ; le sensible, l’intelli­
gible). La différence est que la nutritive est la faculté de quelque chose
ayant déjà un être en acte (le corps en tant qu’il s’accroît), quelque chose
qui agit par sa faculté, pour s’accroître ; tandis que pour le sens et
l’intellect, le principe de l’actualisation est à situer hors de la faculté,
dans le sensible et l’intelligible. En revanche, ce n ’est pas l’aliment qui
agit dans la nutrition, mais la faculté nutritive qui «recycle » l’aliment.
L ’analogie, expressément formulée par Alexandre, « ce que l’aliment est
à la nutrition, le sensible et l’intelligible le sont au sens et à l’intellect »,
serait donc à remplacer par « ce que la nutritive - se servant de
l’alim ent- est à la nutrition, le sensible et l’intelligible le sont à la
sensation et à l’intellection », à savoir, leurs principes agents, les facultés
sensitive et intellective étant reléguées dans une passivité fondamentale,
par quoi elles se distinguent de la nutritive.
Les considérations du Grand Commentaire semblent propres à
Averroès, et s’expliquent sans doute par l’importance que prend dans sa
lecture d’Aristote la question de la nature de l’intellect matériel. Aucune
notation comparable ne se trouve dans le Commentaire Moyen au De
anima17, ce qui tient peut-être au caractère plus restreint du second ouvra­
ge, mais peut aussi signaler une innovation du GC. D ’autre part, on a vu
que cette passivité, partagée avec le sens, apparaissait comme une déter­
mination fondamentale des facultés supérieures du vivant. La comparai­
son entre l’intellect et le sens faite par Aristote au livre III du De anima
pour expliciter la notion d’« intellect en puissance » donne lieu à la
poursuite de cette interrogation sur la « passivité ». Elle pose des
problèmes considérables, sur lesquels Averroès, dans le commentaire à

16 Crawford, p. 213, C54, 34-42 (je souligne).


17 Cf. Ivry, éd. cit., p. l * sq. Le traitement des chapitres 5 (sur le sens en général)
et 6 (sur le sensible propre et commun) du livre II a été regroupé sous le titre « al-qawlfî
al-hiss al- ‘âmm » (« Discours sur le sens commun »). Dans cette division du CM, la
paraphrase de ce qui correspond à notre chap. 5 se lit en arabe p. 1 *, 1 4 -ii, 22 (§§ >M-
m ).
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 141

De an. Ill, exprime une hésitation remarquable. Ainsi dans ce passage du


C3, ad De an. III, 4, 429al5-18 :

[...] Deinde dixit : «E t erit essentia eius secundum exemplum sicut sensus apud
sensibilia »18. [1.] Et potest intelligi sic : et necesse est ut sit de virtutibus passivis
ita quod proportio sensus ad sensibilia sit sicut proportio intellectus ad intelli-
gibilia. Et secundum hoc [...] debet legi sic : Oportet igitur ut dispositio eius sit
secundum similitudinem : sicut sensus apud sensibilia, sic intellectus apud
intelligibilia ; et ut non sit passivum passione sicut passione sensuum, sed recipit
formam et est in potentia sicut illud, non illud. [2.] Et potest intelligi : et dispositio
eius erit secundum hunc modum : sicut sentiens apud sensibilia, sic intellectus apud
intelligibilia, idest quod ponere ipsum non passivum non contradicit huic quod
proportio eius ad intellectum sit sicut proportio sentientis ad sensatum, sed forte
concedendo ipsum habere hanc proportionem, erit necesse ut sit non transmutabile.
Et coegit nos ad illam expositionem hoc quod intellectum habere hanc
proportionem manifestum est per se, aut prope, cum hoc quod est quasi principium
ad sciendum ipsum esse non passivum neque transmutabile19.

Ce texte témoigne véritablement des doutes du Commentateur. Il


propose deux interprétations alternatives de l’analogie entre le sens et
l’intellect : soit l’intellect possède une certaine passivité, quoique diffé­
rente de celle du sens ; soit l’intellect n ’est pas passif ni mutable (trans­
mutabile, *mutagayyir)20, et la « proportio » (*nisba) se limite au fait que
l’intelligible est par rapport à l’intellect comme le sensible par rapport au
sens (c’est-à-dire reçu), auquel cas il faut pouvoir se représenter un mode
selon lequel l’intellect «reçoit», sans subir d’affection de la part de
l’intelligible. Averroès semble ici n ’avoir pas décidé, même si la fin du
texte suggère une préférence pour la seconde option. On verra ensuite que
certains textes (y compris dans le Grand Commentaire) se prononcent
pour la première, d’autres clairement pour la seconde, qu’il faut en outre
pouvoir concilier avec la notion de la « passivité » générique et
fondamentale, commune au sens et à l’intellect, dont il avait été question
dans les commentaires sur le livre II.

18 429al7-18 : « œ o 7 isp tò aiG0r|xiKÒv rcpòç x a aio0r|xá, obxoa xôv voûv rcpòç xà


voqxà. »
19 Crawford, p. 382-383, In.. .tertium, C3, 23-43.
20 On peut noter que comme on Y a déjà vu supra, n. 15, dans le Commentaire
Moyen, les deux termes « passion » et « changement » sont ici synonymes.
142 MARC GEOFFROY

Dans la préface d’un petit livre que j ’ai eu l’honneur de publier avec
Colette Sirat21, Alain de Libera expliquait à propos de ce qu’il considérait
être un des apports de ce travail :

Ce qui compte, c’est qu’on a la preuve qu’Averroès a profondément évolué dans le


domaine précis - la théorie de l’intellect matériel - où la tradition historiographique
l’a au contraire le plus fossilisé22.

La tradition historiographique dont il s’agit retrace la réception du


Grand Commentaire d’Averroès sur le De anima23 (ci-après GC) dans le
monde latin, où l’œuvre fut connue dans une version, celle de Michel
Scot24, dès la première moitié du XIIIe siècle. Il faut songer cependant que
l’historiographie évoquée par A. de Libera, vouée à l’examen de la
réception d’Averroès, trouve son point de départ dans un événement déjà
tout à fait extérieur, par soi, à l’histoire de la lecture d’Aristote par
Averroès (m. 1198): l’arrivée à Paris, vers 1225, de la traduction de
Michel Scot25. L ’étude, en collaboration avec Colette Sirat, des fragments
en caractères hébraïques de 1’« original arabe » du Grand Commentaire
contenus dans les marges d’une copie du Commentaire Moyen26 a établi
que le modèle utilisé par Scot pour réaliser sa traduction de ce qui serait
le « Commentum Magnum » était une recension tardive, fruit d’une
longue évolution de l’œuvre du philosophe cordouan. Elle fut précédée
par un premier commentaire ad litteram sur le De anima (qui,
contrairement à la chronologie jusqu’ici admise, fut le premier texte

21 C. Sirat et M. Geoffroy, L ’original arabe du Grand Commentaire d ’Averroès


au De anima d ’Aristote. Prémices de l ’édition (Sic et non), Paris, Vrin, 2005.
22 A. de Libera, « Préface », in op. cit. n. préc édente.
23 Crawford, éd. cit. Il existe une traduction française de la partie du
Commentaire du livre III sur l’intellect : Averroes, L ’intelligence et la pensée : grand
commentaire du De anima. Livre III (429al0-435b25) (GF 974), trad. A. de Libera,
Paris, Flammarion, 1998.
24 Une abondante liste de références bibliographiques sur ce personnage qui exerça
à Tolède, Bologne, puis en Sicile, auprès de Frédéric II, dont il fut l ’astrologue de cour, se
trouve dans G. Endress, « Preface », in Averrois Commentaria Magna in Aristotelem.
De celo et mundo (Recherches de Théologie et Philosophie médiévales. Bibliotheca, 4),
éd. F. J. Carmody f, Louvain, Peeters, 2003, p. 17*-19*.
25 Cf. R. Gauthier, « Notes sur les débuts du premier “Averroïsme” », in Revue
des sciences philosophiques et théologiques, 66 (1982), p. 321-373.
26 Dans le ms. Modène, Biblioteca Estense, a. J. 6.23.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 143

aristotélicien à faire l’objet d’un « Grand Commentaire » d’Averroès27).


C’est la version « tardive » du GC qui fut canonisée, « fossilisée », par
les Latini.
Elle est le fruit d’une série de réécritures successives. Probablement
des disciples-copistes reproduisirent-ils, à divers stades de son évolution,
le texte qu’ils trouvaient, à un moment donné, dans l’autographe. Celui-ci
devait sans doute se présenter sous la forme d ’un chantier permanent :
l’auteur ajoutait, retranchait, apportait parfois corrections ou additions
marginales, interlinéaires, de l’ample remaniement à la simple addition
éditoriale. On peut supposer que les personnes qui copièrent les arché­
types des différentes recensions s’égarèrent parfois dans la forêt à'adden­
da, corrigenda, inserenda et deleatur qui devait s’être épanouie dans les
cahiers du maître : d’autres travaux, encore inédits, sur le Grand Com­
mentaire à la Physique28, aboutissent à des conclusions similaires. La
comparaison, jamais faite auparavant, entre les versions latine et hébraï­
que de l’œuvre29, révèle que de nombreux passages absents dans le latin
se trouvent dans la version hébraïque. On ne peut cependant pas en
conclure, selon R. Glasner, que la version traduite en latin serait anté­
rieure à celle qui fournit le modèle de l’hébreu, car la version latine nous
livre d’autres passages, aussi nombreux, sans équivalent dans l’hébraïque.
Certains manuscrits de cette dernière contiennent en outre des doublets
d’une même séquence30, le copiste signalant alors qu’il a lu « dans un
autre modèle » telle autre rédaction, et reproduisant celle-ci à la suite de
la première. Ces faits suggèrent plutôt que les copistes qui eurent l’auto­

27 Cf., sur ce point précis, la recension par R. Glasner de l’édition et traduction


anglaise du Commentaire Moyen d ’Averroès au De anima d ’Aristote par A. Ivry, cit.
supra, in Æstimatio, 1 (2004), p. 57-61.
28 Nous avons pu consulter une partie de l’étude encore inédite que Madame Ruth
Glasner consacre aux commentaires d ’Averroès sur la Physique. Nous la remercions
d ’avoir bien voulu nous communiquer cet important travail.
29 L’original arabe est perdu. Il n ’en subsiste que quelques fragments, notés par un
lecteur, en marge de la copie arabe du Compendium de la Physique (vraisemblablement
écrit en 554 h./l 159), dans le ms. Madrid, Biblioteca Nacional, 5000 (XIIIe s.).
30 C’est le cas également pour le GC De an. Les marges du manuscrit de Modène
contiennent dans certains cas des citations de doublets qui diffèrent par l’agencement des
phrases et l’absence ou la présence de certaines additions éditoriales. Cf. l’exemple
examiné dans L ’original arabe..., p. 40-44. Dans ces cas, l’une des rédactions est quasi
identique au latin, l’autre plus éloignée.
144 MARC GEOFFROY

graphe d’Averroès pour modèle durent se débrouiller pour établir des


successions de séquences qui se trouvaient en désordre dans leur modèle.
Deux facteurs de désordre interviennent conjointement dans le déve­
loppement de la transmission : le premier est d’ordre diachronique :
Averroès n ’a jamais fini de lire et relire Aristote, et de revenir sur son
commentaire. Des notations suggérant le caractère non clos, jamais
“terminé”, du travail exégétique, se retrouvent dans le GC De an., jusque
dans la version “finale”, celle que l’on lit en latin31. D ’autre part, d’un
point de vue synchronique, le support matériel de l’œuvre d’Averroès
devait se présenter de manière trop confuse pour qu’il soit toujours
possible d’établir le texte “voulu” par l’auteur.
Ce à quoi nous avons affaire est donc un autre objet que le texte
« fossilisé » par les Latins. C ’est un matériau textuel disparate, fragmen­
taire et constitué de strates multiples. L’état et l’ordre dans lesquels le
livrent les témoins conservés est le fruit d’une suite d’aléas historiques
dont la concaténation nous échappe en plus grande part. Le corpus des
œuvres d’Averroès, plus sans doute que beaucoup d’œuvres médiévales,
nous est parvenu sous une forme contingente, liée aux aléas de la
transmission des textes. Presque toutes les œuvres dont il existe plus d’un
témoin attestent de versions ou recensions différentes, en raison des
révisions de l’auteur, puis des choix des copistes qui reproduisirent ses
autographes. Au sein d’une même recension peuvent se trouver des
strates diverses de rédaction, partagées dans des proportions variables par
les autres versions. La méthode à suivre est donc de tenter de restituer, à
partir d’hypothèses qui, partant de la forme et l’ordre dans lesquels se
présente la matière textuelle, proposent une succession plausible de
démarches de pensée. Pour reconstruire le cheminement de la pensée
d’Averroès, compte tenu des méthodes de composition de l’auteur et des

31 Par exemple, dans le long développement consacré à la nature de F intellect


matériel séparé et unique, dont on a pu montrer qu’il était une adjonction tardive au texte
(cf. L ’original arabe..., p. 35-40), Averroès introduit l’exposé de sa propre opinion, qui
fait suite à l’examen des apories des thèses de ses prédécesseurs (Alexandre, Thémistius,
Avempace), par les mots : « Et cum omnia ista sint, ideo visum est michi scribere quod
videtur michi in hoc. Et si hoc quod apparet michi non fuerit completum, erit principium
complementi » (Crawford, éd. eit., p. 399, 362 *364 ; je souligne) ; de même, le
développement sur la possibilité de la jonction (C36 du GC), se termine dans la version
latine par la remarque : « Hoc igitur apparuit nobis in hoc quesito modo. Et si post
apparuerit nobis plus, scribemus » {ibid., p. 502).
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 145

copistes qui constituèrent les recensions de ses œuvres (recyclage sélectif


de matière textuelle), il convient donc d’oublier (pour un temps) les
« textes » auxquels leurs intitulés (« Grand Commentaire », « Commen­
taire Moyen », etc.) confèrent une unité factice, pour ne considérer plus
que des séquences exégétiques, développements portant sur un énoncé
déterminé d’Aristote, qui présentent entre eux des liaisons synchroniques
et diachroniques qu’il faut s’attacher à rétablir et à interpréter.

La difficulté d’Averroès à comprendre, en référence à la perception


sensorielle, en quoi consisterait la nature réceptive de l’intellect tient
d’abord à ce qu’Aristote qualifie celle-ci à la fois de «passive» et
d’« impassible ». En de De an. III, 4, 429a29-b5, il illustre la dissem­
blance entre 1’« impassibilité » (áíiáBeia) du sens et 1’« impassibilité » de
l’intellect par l’observation empirique que le sens «ne peut sentir après
un sensible puissant » tandis que l’intellect, au contraire, après avoir
pensé quelque chose de fortement intelligible, est d’autant plus à même
de penser quelque chose de plus faiblement intelligible. Voici la version
arabo-latine du passage commenté :

Quoniam autem privatio passionis (* ‘adam al-infi ‘ãl, arcáOsia) in sentiente et in


formatione per intellectum non est consimilis (*laysa sabïhan, ov% ópoia)
manifestum est in sensu (*bayyinun f i al-Jiiss, cpavepòv èrcl tcdv aìa0r|Tr)picùv Kaì
tfjç aiaOijoecoç)32. Sensus enim non potest sentire post forte sensatum, v. g. post
sonos magnos aut post colores fortes aut post odores fortes ; intellectus autem cum
intellexerit aliquod forte intelligibilium (*idâ ahassat mahsüsan mã qawiyyan, öxav
xi vof|or| acpóõpa voqxóv), tune non minus intelliget illud quod est sub primo, immo
magis. Sentiens enim non est extra corpus ; iste autem est abstractus.33

On dispose de plusieurs séquences exégétiques parallèles portant sur


ce passage : (1) Une citation du philosophe encyclopédiste juif Shem Tov

32 La version arabe témoigne d’une omission de xG)v...KaL Ce lieu pose problème


dans toute la tradition arabe du De an. Cf. L 'Original arabe. .., p. 60, n. 1.
33 Crawford, GC De an., éd. cit., Livre III, p. 417, T7. La restitution conjecturale
de l’arabe s’appuie le cas échéant sur les énoncés parallèles dans le CM, Ivry, pA >X, 22-
n r, 7.
146 MARC GEOFFROY

ibn Falquéra dans son Moreh ha-Moreh (« Guide du Guide »)34,


commentaire partiel du Guide des Egarés de Maimonide. Falquéra cite en
hébreu le passage correspondant à ce Textus latin, suivie par l’explication
d ’Averroès, qui paraît provenir d’un premier commentaire ad litteram au
De anima (auquel Falquéra aurait peut-être soustrait les lemmes) ; (2) La
séquence correspondant à ce passage d’Aristote dans le « Commentaire
Moyen » (CM)35. Elle apparaît en l’occurrence comme un abrégé du
précédent36, ce qui confirme au demeurant l’antériorité d’un premier GC
sur le CM37. (3) Le C7 latin, notablement différent de 1 (le « proto-GC »)
pour la partie initiale où précisément 1 coïncide avec le CM, mais qui
rejoint 1 sur la fin3839,au-delà de la séquence correspondant à la paraphrase
de 429a29-b5 par le CM.

1. Moreh ha-Moreh, 2. CM, I v r y , p. u >i, 3. GC, C r a w f o r d , C7,


132, 23-
S h if f m a n , p . 22-U r, 6 p. 417, 15-418, 36
133,33
[...] Et dixit : “Quoniam
Et il semble qu ’il y ait autem privatio
pour le sens une passionis”, etc. Idest,
certaine passion [qui quoniam autem privatio
lui vient] du mélange, transmutationis
bien que ce soit existentis in sensu non

34 Shem Tov ben Joseph Ibn Falaquera, Moreh ha-Moreh, éd. Y. Shiffman,
Jerusalem, World Union of Jewish Studies, 2001. Le passage reproduit ci-après est cité
d ’après la traduction de C. Sirat dans L 'Original arabe.. p. 52-56.
35 Averroès, Middle Commentary..., éd. Ivry, cit. Le passage qui va être cité est
traduit en anglais par Ivry en vis-à-vis de son édition, p. 112, 29-113, 6 (§ 287).
A. Elamrani-Jamal, « Averroès : la doctrine de l’intellect matériel dans le Commentaire
moyen au De anima d ’Aristote. Présentation et traduction, suivie d ’un lexique-index du
chapitre 3, livre III : De la faculté rationnelle », in A. de Libera, A. Elamrani-Jamal et
A. Galonnier (éds.), Langages et philosophie. Hommage à Jean J olivet, Paris, Vrin,
1997, p. 281-307, donne en annexe, p. 292-301, une version française du « Discours sur la
faculté rationnelle » du CM où ce passage se lit p. 295 (§ 13). Nous donnons ici notre
traduction, plus littérale, pour les besoins de la compeiraison.
36 Cf. la représentation synoptique de C l dans L ’Original arabe..., p. 51-57.
37 Cf. là-dessus L ’Original arabe..., p. 26-31.
38 Comparer Crawford, p. 419, 51-63 (Et ideo...earn) et Shiffmann, p. 133, 34-
39 (TOW L . .rrnm). Dans L ’Original arabe...,op. cit., p. 56 de notre tableau.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 147

minime. Et on ne voit est sim ilis p riva tio n i


dans P intellect rien de transm utationis
semblable, exis tentis in intellectu , ut
demonstratum fuit
ratione, manifestum est
etiam ex apparentibus.
* P rivatio enim
transm utationis in
intellectu debet esse
pura, et non est ita
priva tio transm utationis
in sensu * cum sensus sit
virtus materialis. Deinde
dixit : “Sensus enim non
potest sentire”, etc.
Idest,

et la preuve en est Et la preuve (dalli) que et signum (*dalli) eius


la privation de passion
( ‘adam al-infi ‘âl) qui
existe dans l’intellect
n ’est pas semblable à
la privation de passion
qui existe dans le sens,
j e veux dire que la
privation de passion
dans rin tellec t est p lu s
grande (aktar) que
celle qu ’il y a dans le
sens,

que le sens lorsqu’il est que les sens, est quoniam sensus non
perçoit un sensible lorsqu’ils ont senti un potest sentire sua
puissant ne peut pas sensible puissant, ne sensibilia convenientia
sentir tout de suite peuvent pas sentir un sibi quando senserit
après un sensible qui sensible inférieur aliquod forte et
lui est inférieur lorsqu’ils quittent le recesserit ab eo subito
lorsqu’il se remet du sensible puissant, ad aliud sensibile,
sensible puissant,

[-] [-]
Et la raison de cela est Et causa in hoc est
que l’œil pâtit et est passio et transmutatio
148 MARC GEOFFROY

affecté (tarifa Hlu wa- que accidit sentienti a


tata ’aitarvi) par le forti sensato ;
sensible puissant,
et causa huius
transmutationis est quia
est virtus in corpore. Et
cum demonstravit hoc
quod videtur de
transmutatione in sensu,
incepit notificare quod
Et on trouvera que alors que l’intellect est intellectus autem, cum
l’intellect, en ce qui au contraire de cela, je intellexerit aliquod forte
concerne cela, est le veux dire que lorsqu’il intelligibile, tunc
contraire du sens, car quitte l’examen d’un facilius intelliget
lorsqu’il aura conçu un intelligible puissant, intelligibile non forte ;
intelligible fort, sa son examen de ce qui
conception d’un est inférieur à cet
intelligible inférieur à intelligible sera plus
celui-là n’en sera pas facile et plus parfait.
diminuée, mais elle lui
sera plus facile et plus
parfaite.
unde sequitur quod non
patitur neque
transmutatur a forti
intelligibili.

En outre, nous trouvons dans les marges du manuscrit de Modène,


f. 56v, marge extérieure39, quelques lambeaux de texte correspondant
pour ce passage à une rédaction plus proche de ce que donne le latin, sans
y être identique, mais qui ne correspondent pas non plus à ce que cite
Shem Tov. Au lieu, en latin, de «Privatio enim transmutationis in
intellectu debet esse pura, et non est ita privatio transmutationis in

39 Transcription dans L ’Original arabe..., p. 50, 11. [4]-[5]. Cf. reprod. ibid.,
planche IV.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 149

sensu » (signalé dans le tableau, col. 3, § 1, entre astérisques), on trouve


en arabe (4) :

li-anna ‘adam al-tagayyur wa-l-ta’iïr al-mawgüd <fi al-hiss> laysa m a M in bal


yanf{a‘ilu} f...f wa-amma ‘adam al-infCâl wa-l-ta’iïr f i a l-‘aql <fa->huwa
‘adfamun mahd}. (« Car la privation de changement et d ’affection existant dans le
sens n ’est pas pure ; au contraire [le sens] pâtit f d ’une certaine manière [ ?] f .
Quant à la privation de passion et d ’affection dans l’intellect, c’est une privation
pure. »)

Comme on peut le constater, aucune de ces versions ne soutient


exactement la même chose au sujet de 1’« impassibilité » du sens et de
l ’intellect. La première affirme qu’il y a dans le sens « une certaine
passion qui lui vient du mélange, même si elle est minime ». Le CM
explicite la dissemblance entre les deux « impassibilités » par le fait que
l’une est «plus grande», ou «plus importante» (iaktar ) que l’autre.
Enfin, le GC latin renonce purement et simplement à employer 1’« im­
passibilité » (privatio passionis, 'adam infi fil), en reformulant sytémati-
quement, dans le premier paragraphe, l’expression d’Aristote par
« privatio transmutationis », « immutabilité », ce qui correspondrait en
arabe à « fidam tagayyur ». Cette privation peut-être « pure » (mahd)
dans le cas de l’intellect, ou « non pure » dans le cas du sens, du fait que
celui-ci est mélangé à la matière.
Un autre état du texte encore, attesté par notre fragment de Modène,
nous donne, au lieu de cette expression (« privation de changement »)
dans les deux dernières occurrences du premier paragraphe latin, fidam
al-tagayyur w a -l-ta ’ïïr («privation de changement et d’affection») et
fidam a l-in fifil wa-l-ta ’fir («privation de passion et d’affection»). La
seconde combinaison de termes se retrouve par ailleurs aussi dans le CM,
col. 2, plus bas (« Et la raison de cela est que l’œil pâtit et est affecté
[tanfa (ilu wa-tata fittaru\ par le sensible puissant ») ; tandis que la
première, «privation de changement et d ’affection », correspond, mais
dans l’ordre inverse, à ce qui se trouve dans le latin « Et causa in hoc est
p a ssio et transmutatio que accidit sentienti a forti sensato », et dans
l’occurrence suivante du même latin, « unde sequitur quod [intellectus]
non pa titu r neque transm utatur a forti intelligibili ».
150 MARC GEOFFROY

Ce que l’on observe ici tient avant tout à des ambiguïtés du texte
aristotélicien. En De an. II, 5 (417b2sq ; 20sq), le Stagirite avait distingué
deux manières de « pâtir » sous l’effet d’un agent : (A) la passion qui est
« une certaine corruption sous l’effet du contraire40 » ; celle-ci relèverait
du phénomène physique de la corruption (par lequel par exemple,
«blanc » surviendrait dans un objet noir)41 ; ce passage d’un état à son
contraire implique la distinction corollaire entre « puissance première » et
«puissance seconde» (auparavant invoquée par Aristote, 417a26sq).
Seul en effet ce qui est en puissance première, purement en puissance,
peut être l’objet de cette sorte de passion, « pour autant qu’il existe deux
sortes d’altération42 », dont l’une sera précisément celle-ci, un chan­
gement vers des dispositions privatives ; l’autre sorte d’altération
(“passion B”) étant ce qui se produit d’actualisation, dans le sujet, non
d’une pure puissance, mais de l’habitus, d’une disposition que le sujet
possède déjà d’une certaine manière, qui « va dans le sens des dispo­
sitions positives et de la nature du sujet» (417b 15-16). Aristote la
désigne plus haut, dans le même passage, comme « la sauvegarde de
l’être en puissance par l’être en entéléchie43 », cette autre « passion » (qui
soit n ’est pas une « altération » [áXloícoaiç], soit une autre
« sorte » [xpÔTCoç] d’altération) correspondant à l’actualisation de ce que
le sujet possède déjà en puissance : dans le cas du sens, la puissance
première de sentir dépend de la génération du sujet sentant, qui la détient,
du fait même, préalable à toute sensation, d’avoir été engendré, « à la
manière d’une science » acquise mais non exercée actuellement44.
L ’action du sensible sur le sentant n ’occasionnera donc jamais
essentiellement de « passion » au sens de « corruption » (çGopd) d’une
qualité physique par l’effet de son contraire, mais seulement d’actua­
lisation supplémentaire d’une potentialité pour laquelle le sujet est déjà
déterminé, identique au passage à l’acte de la puissance seconde de

40 417b3-4 : « Oï)x e a u S’didouv oï)5è xò 7iácjxeiv, àXkà xò pèv cp0opá xi ïmô xoü
èvavxioo’KiX »
41 Selon l’exemple de la Paraphrase de Sophonias, cité par G. Rodier, Aristote.
Traité de l ’âme. Commentaire, Paris, Leroux, 1910 [réimpr. Vrin-Reprise, Paris, 1985],
p. 257.
42 417b 14-15 : « fi ôtio xpórcouç eivou àÀloicòc»ecoç »
43 417b4-5 : « ocoxT)pia [...] xoû ôuvâpsi 5vxo<; ímò xoû èvx£tax£R* ovxoç »
44 417 b l7-19.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 151

Pê7riGTf||4T|, à la seule différence que les objets perçus sont extérieurs à


Pâme, alors que les objets intelligés se trouvent à l’intérieur45.
La passion A, en revanche, s’identifie avec l’altération (àÀÀoiœaiç,
istihãla, alteratio). L ’àÀloícoaiç n ’est rien d’autre que ce qu’Aristote
désigne tantôt comme mouvement selon la qualité46, tantôt comme
mouvement selon le pâtir, comme en Métaph. A, 2, 1069b9-13 :

Si les changements (pexaßotaxi) sont quatre, soit selon l’essence (xô xi), soit selon la
qualité, soit selon la quantité, soit selon le lieu, et que la génération absolue et la
corruption sont changement selon la substance (ícaxà <xò> xôôs), l’augmentation et
la diminution celui selon la quantité, Taltération (áMoícoaiç) celui selon le pâtir
(icaxà xô 7üà0oç)47, le transport celui selon le lieu, les changements devront se
produire entre les contraires au sein de chacun de ceux-là.

45 Ibid., 19-26.
46 Cf. en Phys., V, 1, 225a34 sq, on distingue les changements (psxaßoXai) selon la
génération et la corruption qui ne sont pas des mouvements mais des changements selon
la contradiction (d’être à non-être ou de non-être à être), des changements de sujet à sujet
qui seuls peuvent être des mouvements ; « Si donc les catégories se divisent en substance,
qualité, lieu, temps, relation, quantité, action et passion, il doit y avoir trois mouvements,
celui de la qualité (xoô tioioîj), celui de la quantité, celui qui est selon le lieu » (225b5-
9) ; dans la liste des catégories mentionnées ici, il ne peut y avoir mouvement de la
substance et de l’action et la passion, car il n’y a pas en elles de contrariété (cf. Phys. V, 2,
226a23-25). Restent donc ces trois candidats. La version arabe d’Ishâq, AristüTâlIs, al-
Tabi'a. Targamat Ishâq ibn Hunayn, ma ‘a surüh Ibn al-Samh wa-Ibn ‘A dï wa-Mattâ ibn
Yünus wa-Abïal-Farag ibn al-Tayyib, éd. ‘A. BadawI, Le Caire, al-Dâr al-qawmiyya li-1-
tibâ‘a wa-l-nasr, 2 vol., 1964-1965, vol. II, p. 511, 7-8, donne: « (...) fa-wâgibun
darûrafn an taküna l-harakãt talâfn : harakat al-kam wa-harakat al-kayf wa-l-haraka f l
l-makân ». Cf. ibid., VII, 2, 6-9 : « Si donc il y a trois mouvements : selon le lieu, selon la
qualité, selon la quantité, il est nécessaire qu’il y ait aussi trois moteurs : le transportant,
l’altérant (xô aÀÀoiovv) et l’accroissant ou le diminuant. » L ’arabe lu par Averroès donne
à cet endroit (BadawI, cit., p. 746) une lecture différente : « (...) fa-wâgibun an taküna l-
mutaharrikâtu ay(fn talâfn wa-l-haraka f l l-makân hiya nuqla wa-l-haraka fî al-kayf hiya
istihãla wa-l-haraka f l l-kam numuwwun wa-naqs» (« (...) il faut donc que les choses
mues aussi soient trois ; et le mouvement selon le lieu est un transport, le mouvement
selon la qualité est une altération et le mouvement selon la quantité est une croissance et
une diminution »). Cf. aussi Phys. V, 2, 226a26-27 ; VII, 2, 243a6-9.
47 La version arabe utilisée par Averroès pour commenter cette partie de A est celle
d ’Abü Bisr Mattâ (cf. là-dessus, récemment, P. T hillet , « Remarques sur le livre Lambda
de la Métaphysique », in Recherches de Théologie et Philosophie médiévales, 2003, LXX,
2, p. 361-400 [en part. p. 361-363]), où le terme rcàOoç est traduit par ta ’tirât (cf.
AVERROES, Tafsïr mâ ba ‘d at-tabi‘at [«G rand Commentaire» de la Métaphysique»]
[Bibliotheca Arabica Scholasticorum. Série arabe, V-VII], 3 vol. + Notice [V, 1], éd.
152 MARC GEOFFROY

Expliquant ce passage dans le Grand Commentaire à la M éta­


physique, , Averroès paraphrase « l ’altération» qui est le mouvement
« dans les passions » {al-isti M ìa f i al-ta ’tirai) par : « changement (tagyïr)
qui est dans la qualité (.kayf ), qui est celui qui est dans la qualité passive
{kayfiyya munfa ‘ila), et qui se nomme altération (istih a la f8 ».
Cette acception de la qualité correspond en effet à celle indiquée par
Aristote en M étaph. A, 15, 1020b8-12 : « les passions des substances en
mouvement, comme le chaud et le froid, le blanc et le noir, le lourd et le
léger, et en général toutes les autres passions selon lesquelles on dit du
corps, lorsqu’il change, qu’il est altéré ». Il s’agit des accidents sépara­
bles des corps, distinguées des différences spécifiques et des propriétés
des objets mathématiques dont il a été question auparavant dans A 15.
C’est ce qui est désigné aussi {Cat. 9a28), comme 7ia0r|xiKai 7toioxr|X8ç,
« qualités passives » auxquelles renvoie précisément Averroès dans le
commentaire de A précité.
Cette altération est celle qui touche l ’organe de la sensation. C’est
précisément ce qui justifie que, selon l’argument donné par Aristote en
429a29-b5, I’à7tà08ia de l’intellect et du sens ne soient pas «sem ­
blables ». Le sens réside dans un organe qui, lui, peut faire l’objet d’une
àÀloiœoiç {istihâla) au sens propre ; et comme la forme de cet organe
sensitif dépend pour son être et son activité de l’organe qu’elle occupe,
l’àÀAoicoaiç peut la concerner par le biais de l’altération physique de
l’organe49. Ce conditionnement physique impose à la réceptivité senso­
rielle des limites qui tiennent au fait 1. que tout percept sensoriel est

M. Bouyges, Beyrouth, Dar el-Mashreq, 21973, vol. Ill, T7, p. 1436, 14 : “...wa-1-istihãla
f i l-ta ’tirât”). Dans la version plus ancienne d ’Ustât, portée par un lecteur en marge des
Textus correspondants dans l’unicum du GC Métaph. d ’Averroès (Leyde, cod. or. 2074),
la même phrase (Bouyges, p. 1437, in imo, 1. 1) est traduite : « wa-l-tagyïrfi 1-infi‘âl ».
Ici, la notion d ’àÀloiœoiç a été fusionnée avec celle des psxaßoA-ai dont il s’agit
immédiatement supra, 1069b9: « fa-in kânat al-tagyïrât arba ‘a » (Bouyges, ibid., p.
1436, in imo, 1. 1) ; d’autre part, rò 7tà0oç est ici al-infi a/, terme le plus courant pour
désigner la passion, la passivité. Les deux termes ta Tir et infi'âl, que l’on trouve coor­
donnés sous la plume d ’Averroès (al-infi (âl wa-l-ta ’ïïr) dans certaines des occurrences
relevées plus haut, sont parfaitement synonymes, et la particule wa- signifie qu’ils
s’explicitent mutuellement.
48 Tafsïr mâ ba ‘d at-phVat..., Bouyges, cit., C7, p. 1437, 9-11.
49
C’est cette situation qui est évoquée aussi en Phys. VII, 244b lOsq.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 153

véhiculé par un intermédiaire physique (air, eau, lumière) ; et au fait 2.


que l’intermédiaire de la sensation peut agir sur la texture physique de
l’organe, lui imprimer une « qualité passive » contraire, en cas d’excès de
perception, et entraver l’exercice de son acte.
La question est traitée par Aristote, à la fin du livre II du De an., en
particulier 424a29-bl8. On traduit, glosée entre crochets, une partie de ce
passage, 424b 10-13 :

Ce ne sont ni la lumière ni l’obscurité ni le son ni l’odeur qui exercent aucune


action sur le corps, mais [les choses] dans lesquelles [ces qualités] se trouvent,
comme l’air accompagné de tonnerre qui fend le bois. Par contre, les [objets]
tangibles et savoureux, eux, agissent [sur l’organe]. Car sinon, sous l’effet de quoi
les choses inanimées pâtiraient-elles et changeraient-elles50 ?

Les différentes espèces de la perception sensorielle, comme on le


sait, mettent enjeu des milieux intermédiaires (psxa^u), à des titres et des
degrés divers51. « L’air » véhicule une forme sonore, tout comme la chair
de l’individu touchant transmet une impression tangible au sens du
toucher. Aucun de ces percepts ne peut se produire sans un substrat
corporel dans lequel il prend forme, et c’est du point de vue de cette
consistance corporelle que le percept fait pâtir le sens. Ce qui pâtit dans
ce cas, ce n’est pas non plus « le sens » pris en soi, mais l’organe corporel
dans lequel il est réalisé, et cette passion est alors de l’ordre de ce

« Ouïs yàp (pcoç koù gkoxoç oi3xs i|/ô(poç ouïe ôopf| ovòtv îioiel xà ocopaxa,
àXÀ.’ èv oiç éoxiv, oiov áf]p ó pexà ßpovxfjq ôiíoxrjoi xô tpXov. ’AXkà xà àrcxà koù oi
%upol 7roiobGiv et yàp \ir\, vnò xívoç àv nàv%oi xà a\\rv%a koù àÀÀoioîxo; »
51 Cf. De an., 423b 12-15 : « . .. Ôiacpépei xô àrcxòv xwv ópaxcõv koù vi/ocprjxiKchv, oxi
8K8ÍVC0V oÙ G 0avópe0a xw xô pexa^ù tcoisIv xi fipàç, xœv 8è àTixcov ov% vnò xoû pexaÇù
à k l ’ àpa xœ pexa^ù » (« le tangible diffère des visibles et des sonores en ce que nous
percevons ces derniers du fait que c’est l’intermédiaire [l’air, ou l’eau] qui exerce une
action sur nous, tandis que [nous percevons] les tangibles non sous l’effet de l’inter­
médiaire, mais en même temps que l’intermédiaire »). Dans le second cas, T« intermé­
diaire » étant la chair qui subit le contact avec le tangible, il y a contiguïté, quoique
médiée, avec l’objet sensible. La chair joue un rôle analogue, dans le toucher, à celui de
l’air transmettant, par exemple, un son ou une odeur. L ’organe du toucher est également
interne (423b22-23), car ce par quoi le corps touche est formellement distinct de ce en
quoi il appréhende le tangible. La différence est seulement que « l’intermédiaire » est
dans ce cas notre propre corps, tandis que pour le son l’odeur ou la vue, c’est un corps
étranger. Dans tous les cas, il y a cependant acte d’un corps sur un corps.
154 MARC GEOFFROY

qu’Aristote avait désigné plus haut (417b3-4) comme l’altération qui est
«une certaine corruption (cpGopd) sous l’effet du contraire » : c’est l’air
véhiculant le son fort et frappant trop violemment l’ouïe, qui attaque
l’oreille et perturbe les conditions de l’audition. Cette altération, ou usure,
peut être irréversible (l’œil du vieillard), ou réversible, comme lorsque
l’on envisage le cas du sensible faible ne pouvant être senti immédia­
tement après un sensible trop puissant (429a31-b3). Pour reprendre les
mots de Rodier paraphrasant les commentaires de Philopon-Sophonias,
ad 424M2-18, «ce n ’est pas en tant que sensibles qu’ils agissent ainsi,
mais seulement en tant que corps, ou que dissemblables52 ». La sensation
ne se réduit pas à une telle action du corps car «un corps qui subit
l’influence de la chaleur ou de l’odeur devient sensible [ou plutôt : senti,
pouvant être senti comme « chaud » ou « froid », etc., passif ] mais non
sentant [actif]. La passivité dans le sujet sensible n ’est que la condition
de la sensation qui en elle-même n ’est pas passivité [passion A], mais
développement des facultés du sujet [passion B]53. Tant que Porgane
demeure intègre, que son « seuil de résistance » à l ’impact physique n ’est
pas manifestement dépassé, la réceptivité du sens serait comparable à
celle de l’intellect. Considéré en soi-même et non du point de vue de
l’inhérence de la faculté sensorielle à un organe, ce que le sens éprouve
en recevant le sensible « soit n ’est pas une altération à proprement parler,
soit une autre sorte d’altération ».
En outre, au début de De an. III, 4, Aristote a posé que « l’intellect
de l’âme » n ’est aucun être en acte avant d’intelliger (429a24), et que
pour cette raison, il n ’est pas mélangé au corps. Ce qui n ’est pas mélangé
au corps, c’est ce qui n ’est pas a) une substance corporelle ni b) la forme
d’un corps organique qui, elle, est à des degrés divers mélangée au corps.
Ce que l’intellect n ’est pas est quelque chose (en acte) dès avant de
recevoir une autre forme, à savoir que c’est {a) une chose (une substance
matérielle) susceptible de devenir d’une certaine qualité54 comme par

52 Rodier, op. cit., p. 336.


53 Ibid. Il ne s’agit plus de la reprise de Philopon. Les interventions entre crochets
sont miennes.
54 429a25 : « Jioiôç yàp av xiç yiyvoixo ». La traduction arabe semble avoir atténué
le sens de «qualité» (jtoiôç) en «état», M l, d ’après le témoignage du latin : « ...aut
esset in aliqua dispositione, aut calidus, aut frigidus, etc. » (Crawford, éd. cit., p. 413,
T7, 3-4). Le jioióç se traduirait par kayf ou à la rigueur kayfìyya. La traduction arabe plus
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 155

exemple « chaud » ou « froid » ; ou (h) une forme en soi immatérielle,


mais mêlée au corps, comme le sont les facultés sensorielles immanentes
à des organes. L’intellect n ’est donc, suivant la formule récurrente chez
Averroès, « ni un corps, ni une faculté dans un corps55 ». La comparaison

ancienne, seule conservée en arabe, qu’Averroès utilise quelquefois dans son commen­
taire comme «alia translatio», donne d ’ailleurs: « . . . an yaküna mutakayyaf11 imma
hârran wa-imma bâridan » (« qu’il possède une qualité, ou chaud, ou froid »), conservant
le sens, bien que la séquence soit en outre paraphrasée (sur les versions arabes du De an.,
cf. H. Gäue , Studien zur Überlieferung der aristotelischen Psychologie im Islam,
Heidelberg, Carl Winter Universitätsverlag, 1971, p. 28-44). La traduction M l n ’est
pourtant pas absolument injustifiée : elle s’appuie sur la distinction faite à propos de la
qualité entre ¡tfyq (malaka) et 8ià0r|(Jiç (M l) dans les Catégories d ’Aristote (8b25sq). Pour
cette correspondance, cf. la version arabe des Cat. par Ishâq ibn Hunayn dans 4A. BadawT,
Mantiq A risfi, Koweit-Beyrouth, 1980, vol. I, p. 55. Elle est néanmoins source de con­
fusion, puisque ce dont il devrait s’agir ici sont, comme on l’a dit plus haut, les « qualités
passives » contraires qui se succèdent dans les corps, qu’Aristote oppose précisément à la
qualité Ifyq ou 8id0r|oiç; dans le passage en question des Catégories.
55 Laysa bi-gism wa-lâ quwwa f î gism ; neque corpus neque virtus in corpore. Cf.
C raw fo rd , p. 382, C3, 10-11 ; p. 383, C4, 8-9 ; 15 ; 19 ; p. 384, 29 (en arabe, ms.
Modène, f. 55r : cf. L'Originai arabe..., p. 6 5 ,1 .13| ) ; p. 385, 63 ; p. 386, 79 (lat. : neque
corpus neque forma in corpore ; ar. : Modène, f. 55r : laysa huwa gism wa-lã quwwa f î
gism [L'Original arabe..., p. 67, 1. |12|] ; C5, p. 393, 193 ; p. 395, 244 ; 254 ; 257 ;
p. 396, 268 ; 273-274 ; C6, p. 413, 11 ; C14, p. 431, 104 ; p. 432, 120-121. L’expression
ne se trouve pas dans le CM, qui parle à la place de « non mélangé » (gayr muhâlii) ;
cf. Iv r y , éd. cit., p. \ »A, 18-19 ; p. ï *% 4 ; 5 ; 7-8 ; 11 ; 15 ; p. *, 6 ; p. ^ X, 17 ;
p. u r , 7. On trouve en revanche dans l’«Epître 1 » sur la jonction, que l’on considère
comme préfigurant la doctrine de l’intellect matériel séparé et unique, traduite in
A verr oes , La Béatitude de l'âme, éd. et trad. M. Geoffroy et C. S teel , Paris, Vrin,
2001, p. 202, une formule semblable : « [CJette faculté ne sera pas une faculté dans un
corps, divisible selon la division comme les facultés sensitives, qui sont étendues dans le
corps et divisibles selon la division du corps » (je souligne). Suivant une remarque très
pertinente de mon ami Jean-Baptiste Brenet, il me paraît vraisemblable que l’expression
« ni un corps, ni une faculté dans un corps » ait pour source Avicenne. Cf. Ib n SÏn â , al-
Sifi'. 6 - al-nafs, éd. G. Q an a w â t Ï et S. Zâ y id , le Caire, al-Hay’a al-misriyya al-‘âmma
li-l-kutub, 1395h /1975, p. 192, 8 ; le passage où est utilisée l’expression dans le Sifa '
donne en effet un argument (l’intellect, recevant des notions nombre infini, ne peut être
inscrit dans le corps), qui fait l’objet de la seule mention positive d’Avicenne dans le GC :
« Quia enim iudicamus per ipsum res [i.e. intellectus] infinitas in numero in propositione
universali [...] contingit [...] quod illud quod non iudicat intentiones finitas necesse est ut
non sit virtus anime mixta [...] Et Avicenna certe utebatur hac propositione ; et est vera in
se » (C ra w fo rd , p. 441-442, C19, 37-53. C’est au demeurant à cet argument que renvoie
aussi le passage précité de l’Epître 1. L’argument d ’Avicenne se trouve dans le Hayy ibn
156 MARC GEOFFROY

entre intellection et sensation, proposée au tout début du même chapitre


de façon vague : « êoxi xo vosiv œonsp xo odoBáveaBai56 » entraîne
d’abord la conséquence que l’intellect devra «pâtir sous l’effet de
l’intelligible », ou quelque chose de semblable (xoiouxov) mais autre
(ëxspov) » (429al4-15). Elle suppose aussi que l’intellect doit se trouver,
tout en étant impassible (ce qui est aussi le cas du sens, si l’on considère
429a29-bl, qui énonce que l’impassibilité de l’un et de l’autre sont
différentes), « disposé à recevoir les intelligibles » (5A7ra0èç ap a õel
sivai, õfktlkòv ôè xou Biôouç, a l5-16) de même que le sens reçoit les
sensibles. La notion de « réception », à la présence discrète chez Aristote, va
se retrouver au cœur de l’élaboration conceptuelle d’Averroès.
L ’affirmation, en 429a29 sq., que 1’« á7iá0eta », dans les deux cas,
n ’est pas la même, orienterait donc doublement vers le second terme de
ce qui semble une alternative en 429al4-15 (soit pâtir sous l’effet de
l’intelligible, soit quelque chose de semblable, mais autre) : d’une part,
puisque que si le rapport que l’intellect entretient avec l’intelligible doit
présenter une analogie avec le rapport du sens au sensible, celle-ci ne
peut reposer sur la passivité (que ni l’intellect ni le sens ne possèdent) ;
d’autre part, puisque y compris la non-passivité, que l’intellect est censée
partager avec le sens, n ’est pas du même ordre.
Certes, ce passage aristotélicien peut s’expliquer différemment.
L’affirmation qui suit immédiatement, dans le texte : « Il faut donc qu’il
[l’intellect] soit impassible » 57, ne serait pas simplement une décision un
peu cavalière en faveur du second terme de l’alternative précédente,
stipulant, sans besoin d’en donner la raison, que l’intellect, ne
« pâtissant » pas, serait (néanmoins) l’objet d’une affection pouvant
présenter quelque similitude avec le pâtir si ce n ’est, précisément, qu’elle
n ’implique absolument aucune passivité. Considérant ce qui a été dit plus
haut à propos de la « passivité B », qui est en réalité actualisation de

Yaqzan d ’Ibn Tufayl (.Hayy ben Yaqdhân, Roman philosophique d Ibn Thofaïl, éd. et trad.
L. G authier , Beyrouth, Imprimerie Catholique, 1936, p . t s 12-<\x, 1) qui utilise aussi
l’expression «ni un corps ni une faculté dans un corps » (nY, 1)- On sait qu’Ibn Tufayl
lisait le traité de l’âme du Siß’ d ’Avicenne, ainsi que ses Isãrãt (cf. D. Gu t a s , «Ibn
Tufayl on Ibn Slnâ’s Eastern philosophy», in Oriens, 34 [1994], p. 222-241) où
l’argument se trouve aussi.
56 429al3-14 : « L’intellection est comme la sensation ».
57 «’Arcaôèç ap a Sei sivai », 429al 5.
« PASSIO », « TRANSM UTATIO », « RECEPTIO » 157

facultés déjà propres au sujet, développement et progrès, le «pâtir»


(nàoxsiv) utilisé en 429al4 ne signifierait rien d’autre, pour l’intellect,
que « saisir les formes intelligibles », ce pourquoi, précisément, il devait
être impassible (à7ra0èç). Selon l’expression de Rodier, « 7iào%siv, dans
la phrase précédente, a donc, en réalité, le sens de ttoieTv (agir en
présence de Vintelligible, le saisir)5* ». La proposition que l’intellect doit
être impassible non seulement «ne contredit qu’en apparence» ce qui
précède, mais « elle en est même la conséquence5859 » : il doit être impas­
sible pour ne pas altérer les formes qu’il est chargé de saisir. Rodier invo­
que une formule remontant peut-être à Théophraste60 selon laquelle
l’intellect «pâtirait» seulement «par homonymie» (expression sur
laquelle Averroès retombera d’ailleurs)61 et serait plus proche d’être
actif2. Rodier voit d’ailleurs la vérification de cette explication dans la
suite immédiate de l’énoncé, « f\ xi xoiofixov cxspov », qui « indiquerait]
nettement qu’il ne faut pas prendre ce terme [7iàa%8iv] à la rigueur63 » ;
c’est-à-dire que « rj » n ’exprimerait pas, ici, une alternative entre la
« passivité » (qui dans ce cas n ’est pas une) et un effet, une affection, qui
seraient d’un autre ordre que la passivité, mais serait plus ou moins une
manière de dire : une “passivité”, ou (r]) autrement dit la chose que l’on
nomme ainsi, qui est pour l’intellect l’acte de recevoir.
Mais cette lecture n ’est pas celle d’Averroès, à qui la traduction
arabe d’Aristote ne permet pas de voir autre chose qu’une alternative
réelle, comme en témoigne la version latine qui constitue dans le GC le
Textus 2 (429al3-15) :

58 Rodier, op. cit., p. 436.


59 Ibid.
60 Par T intermédiaire de la Metaphrasis in Theophrastum de Priscien de Lydie, cit.
Rodier, ibid.
61 Cf. GC., Crawford, p. 440, Cl 8, 93-95 : « et hoc [i. e. quod res describatur per
suam actionem] non esset necesse omni modo nisi si hoc nomen passio diceretur in eis [/.
e. in virtutibus intellectus] modo univoco ; non enim dicitur nisi modo equivoco ». La
même formule se retrouve dans Y « Epître 1 » sur Injonction, in La Béatitude de T âme,
op. cit., p. 202 : la «nature [de l’intellect] est [...] différente de la nature du sens, et [...]
les termes de passion et de réception se disent pour l’un et l’autre par homonymie ».
62 « [...] ou KDpiœç akXà K(x0’ ópovupíav Tíác%Ei, èvepyel 8è pcxAAov », cit.
Rodier, op. cit., p. 436.
63 Ibid.
158 MARC GEOFFROY

Dicamus igitur quod, si formare per intellectum est sicut sentire, aut patietur
quoquo modo ab intellectu, aut aliud simile64.

Cette alternative n ’est pas simple. On pourrait l’expliquer d’au moins


deux manières :
Soit l’intellect 1.1. est passif « quoquo modo » comme le sens, soit
1.2. passif «quoquo modo» différemment du sens; soit 2. il est non
passif, « aliud », « simile » seulement du point de vue de la relation que
l’intelligible entretient avec l’intellect.
Ou :
Soit 1. l’intellect est passif comme le sens, soit 2. il connaît un état
qui est soit 2.1 sembable (« simile ») au sens en ce qu’il est une certaine
(autre) passivité, soit 2.2. « semblable » seulement du point de vue de la
relation que l’intelligible entretient avec l’intellect, mais « autre »
(« aliud ») en tant qu’il n ’implique aucune passivité.
L’un et l’autre schéma s’appliquerait à la formulation du C3, citée
plus haut65, où [1.] correspondrait soit à 1.2., soit à 2.1. ; et [2.] soit à 2.,
soit à 2.2. :

[1.] [...] necesse est ut sit de virtutibus passivis [...] et ut non sit passivum passione
sicut passione sensuum, sed recipit formam et: est in potentia sicut illud, non illud
[...]
[2.] ponere ipsum non passivum non contradicit huic quod proportio eius ad
intellectum sit sicut proportio sentientis ad sensatum, sed forte concedendo ipsum
habere hanc proportionem, erit necesse ut sit non transmutabile.

Mais outre, que l’ambiguïté du T2 arabo-latin n ’est pas levée, il


semble que ce modèle ne suffise pas à expliquer toutes les formules aux­

64 Crawford, éd. cit., p. 380. Le balancement « aut.. .aut », qui engage sans ambi­
guïté l’interprétation dans le sens d ’une alternative, est l’équivalent de l’arabe
« imma...wa-imma », comme en témoigne le passage parallèle du CM, Ivry, éd. cit., p.
ï *A, 10-13) : « [...] in kâna al-tasawwur bi-l-‘aql mawgüdonf i al-quwâ al-munfa'ila bi-
manzilati l-ihsâs ‘alã mà huwa al-mhir min amri-hi, fa -imma an yaküna nfi ‘ãlu-hu ‘alã
nahwi n fi‘ãl al-hawâss ‘an al-mahsüsât, wa-imma an yaküna a b ‘ad min al-infi‘âl al-
haqïqï min infi‘al al-hawâss. » (« si la représentation par l’intellect fait partie des facultés
passives, comme cela apparaît clairement à son sujet, alors soit sa passivité sera de la
[même] sorte que la passivité des sens, soit elle sera plus éloignée de la passivité véritable
que la passivité des sens »).
65 Cf. supra.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 159

quelles Averroès recourt successivement pour rendre compte de la


question. Pour englober toutes ces possibilités de signification,
T alternative devrait être développée comme suit :
1. Ou bien (1-i) l’intellect et le sens pâtissent de la même manière sous
l ’effet, respectivement, de l’intelligible et du sensible ; ou bien66 (1-
ii) l’intellect « p âtit» sous l’effet de l’intelligible d’une certaine
manière (1-ii.a) ; et le sens pâtit sous l’effet du sensible d'une autre
manière (1-ii.b) ;
2. Ou bien (2-i) l ’intellect connaît par l ’effet de l’intelligible un état qui
n ’est pas le pâtir (mais qui est semblable à pâtir, « aliud simile »), et
qui est le même état que celui éprouvé par le sens sous l’effet du
sensible ; ou bien (2-ii) le sens connaît par l’effet du sensible un état
qui n ’est pas le pâtir mais qui est semblable à pâtir (2-ii.b) ; et
l’intellect éprouve sous l’effet de l’intelligible un autre état (2-ii.a)
qui n ’est pas le pâtir mais qui est semblable à pâtir.
1. ouvre sur la possibilité suivante : la « passivité » synonyme
d’« altération » (A) est exclue pour ce qui concerne l’intellect, puisque
celui-ci n ’a pas d’organe et que rien de corporel n ’entre dans la structure
de 1’intellection. En revanche, elle peut être attribuée à la sensation du
point de vue de sa dépendance à l’égard d’un organe. Quant à la passivité
B, qui «soit est une autre sorte d’altération, soit n'est pas une
altération », qui pourra être considérée comme « impassibilité » en tant
qu’elle n ’est pas A, parce qu’elle n ’implique pas la destruction d’un
contraire, elle permet de concevoir ce qui se produit lorsque l’intellect
reçoit l’intelligible (ce qui vaudrait aussi pour le sens pris en lui-même,
non en relation avec l’organe).
Une fois exclu l.i, l’option l.ii appliquée à l’interprétation de
429al3-15 peut permettre, en identifiant l’impassibilité de l ’intellect avec
la « passivité » B (qui n ’en est pas une en réalité) tout en soulignant, d’un
autre côté, la dépendance du sens envers l’organe (ce qui met en jeu la
passivité A), de rendre compte de la « différence » des deux impassi­
bilités soutenue par Aristote en 429a29-b5 comme l’a fait Averroès dans
la version de son Sarh (Be'ur) connu de Falqéra (col. 1 du tableau
supra) :

66
En attribuant une valeur distributive à « quoquo modo ».
160 MARC GEOFFROY

Et il semble qu’il y ait pour le sens une certaine passion [qui lui vient] du mélange,
bien que ce soit minime. Et on ne voit dans l’intellect rien de semblable.

L ’une et l’autre facultés considérées en elles-mêmes sont «impas­


sibles » au sens où elles reçoivent leurs objets sans être altérées, comme
un surcroît de perfection. Mais la passivité B (1-ii.a) est ici distinguée
(comme quelque chose qui n ’est «rien de semblable») de (1-ii.b) la
même passivité, B, d’une forme logée dans un organe éprouvant, lui, la
passivité A, ce pourquoi on peut parler d’une « certaine passivité » venant
« du mélange » dans le cas du sens, qui n ’a pas de « semblable » dans
l’intellection. Car l’exercice de la sensation engage un processus physi­
que, dont l’incidence est vérifiée en cas d’excès de sensation, lorsque
qu’il arrive que l’on entende un son trop fort, ou voie une lumière trop
forte. L’altération du sens est « minime » parce que généralement, dans
des conditions normales, la réception du sensible s’opère sans excès
destructeur, que l’organe n ’est pas affecté de manière significative.
L’altération demeure imperceptible, l’usure de l’organe ne devient
constatable que chez le vieillard.
Averroès peut s’appuyer sur une autorité, celle d’Alexandre
d’Aphrodise. Dans le De intellectu attribué à l’Exégète, il lit en effet :

wa-dâlika anna a l-‘aqla laysa huwa munfa‘ilan bi-tabVati-hi min qibali anna-hu
yakünu s a y â h a r wa-yaqbalu l-atar, bi-manzilat al-hissi, wa-lakinna hâla-hu
diddu hâli l-hissi li-anna l-hissa huwa nfi ‘âlun wa-qabülu l-atar wa-idrâku-hu qabül
al-atar. Fa-amma l- ‘aqlu fa-huwa fa ‘ilu l-ma ‘qülât61.
(En effet F intellect n ’est pas patient par sa nature en tant qu’il serait quelque chose
d ’autre et qu’il recevrait une affection, comme le sens. Mais il en va de lui de façon
contraire au sens, car le sens est une passion et la réception d ’une affection, et son
appréhension est la réception d ’une affection. Quant à l’intellect, il est agent des
intelligibles.)

«Maqâlat AL-ISKANDAR al-AfrÜdIsI f i a l-‘aql ‘alã ra ’y A risfifilïs », in ‘A.


BadawÎ (éd.), Surüh ‘alã Arista mafqüda f i al-yünâniyya wa-rasâ’il uhrâ, Beyrouth,
1978, p. 34-42 [p. 38]. L’original grec (Alexandri Aphrodisiensis Praeter commentaria
Scripta minora, éd. Bruns, cit., p. 111) donne : «on yàp 7ia0r|TiKÒç ò vonç irj aírcoñ
(púasi, (òç 1)710 ahXoM yivcaöai Kai 7iáax£lv, Ka0á7isp f\ aia0rjaiç. ímevaviícoç yàp ex81- H
pèv aïa0r|Giç Kaxà 7cá0oç;, 7ca0rjTiKÒv yáp, Kai r| ávriÀr|\{/iç anip Ôià 7iá0ooç;, ó õè voiíç
7ioir|iiKÓv. » Cette thèse se trouve dans la Mantissa {De intellectu), mais non dans le De
anima d’Alexandre, édité dans le même volume.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 161

La formule d’Alexandre paraît, comme celle d’Averroès, s’appuyer


sur le fait que la passivité au sens propre (infi ‘âl, qabül al-apr)6S est à
réserver à ce dont V« appréhension6869 » a lieu par l ’intermédaire d’une
affection (physique), ce que le texte arabe (du moins tel que nous l’avons)
ne rend pas clairement, mais qui apparaît bien dans le grec : f) àvxlXri\)/iç
aiufj ôià 7rà0oi)ç70. Quant à l’intellect, son ávTÍÀx|\|/iç (idrãk) ne dépend
pas d’une telle médiation. Si le fait d’« appréhender », de recevoir l’intel­
ligible a tout de même été appelé « passivité » par Aristote, ce ne peut
être que dans un tout autre sens, qui s’identifie en fait à un acte
(« l’intellect est agent des intelligibles » qu’il reçoit), parce qu’il n ’est pas
« quelque chose d’autre » (un « contraire » de l’intelligible). L’intellect
n ’est pas « autre chose » que l’intelligible, il n ’en est (selon Alexandre)
que la potentialité pure, dénuée de toute qualité propre, s’identifiant
totalement en essence avec lui lorsqu’il intellige. C ’est précisément en
cela que consiste l’impassibilité absolue de l’intellect (« on ne voit dans
l’intellect rien de semblable ») pour l’Averroès du texte précité.
Considérons, dans le GC latin, le commentaire qui accompagne le
Textus 2, 429al3-15, (« Dicamus...simile »)71 et les fragments arabes qui
en sont l’équivalent72 :

68 On note ici dans la version d ’Ishâq b. Hunayn, traducteur du De intellectu, la


double traduction de nàdoq par infl’âl et qabül al-atar (réception d ’une affection),
utilisant la même racine que ta ’Gr. Ces deux options pour rendre le terme ont déjà été
signalées dans les traductions de Métaph., respectivement par Ustât et Abü Bisr ; cf.
supra, n. 47.
69 En arabe idrãk, correspondant à àvxiÀ,r|\|/iç comme on le voit dans le texte.
70 II est vraisemblable que la traduction donnait wa-idrâku-hu bi-qabül al-atar (au
lieu de wa-idrâku-hu qabül al-atar), avec bi-, équivalent de õiá.
71 Crawford, p. 380, C2, 7-32.
72 Edités dans L ’Original arabe..., op. cit. Les doubles appels de notes (i-i, ii-ii,
etc.) dans la colonne de texte arabe du tableau suivant indiquent les références aux
fragments dans le volume.
162 MARC GEOFFROY

[...] incepit primo dubitare in hoc [...]* ibtada’a awwalan yusakkiku


utrum formare per intellectum sit de ma ‘rifat gins al-tasawwur <bi-l-
virtutibus passivis, sicut est sensus, (aql> hai huwa min al-quwâ al-
aut de activis, <L> et si est de passi­ munfa‘ila ka-1-hãl f i l-hiss aw min
vis, utrum est <a> p assivum propter al-quwâ 1-fa‘ila <L> wa-in kâna
hoc quod est materiale quoquo m odo min al-quwâ 1-munfa‘ila hai huwa
et mixtum cum corpore, idest virtus in
<a> munfa‘i t nx llli-anna-hu
corpore, sicut sensus est passivus, aut
hayülânï wa-muhâlit li-1-agsãm ayy
(1-i) <b> nullo m odo est passivum ,
huwa quwwa f i gism 11 111aw <b>
quia non est materiale neque mixtum
cum corpore omnino, sed de gayr munfaHl ast,n li-anna-hu gayr
intentione p assionis tantum habet muhãlitli-1-gism aslan 111
receptionem . (1-ii) <IL> Et dixit:
Dicamus igitur quod, si formare, etc.
Idest, dicamus igitur quod, si
posuerimus quod formare per intellec­
tum est sicut sentire, [...] necesse est [...] ™fa-qad yagibu f i hâdihi l-
alterum duorum : <a’> aut ut accidat quwwa a had amrayn < a’> imma an
ei aliqua tran sm u tatio et passio ab yalhaqa-hâ tagayyur wa-nfi‘âl ‘an
intellecto similis transmutationi que al-ma‘qül mida nfi‘ãl al-bawãss
accidit sensui a sensato, quia perfectio wa-tagayyuri-hã ‘inda qabül al-
sensus est virtus in corpore (2-i), mahsüs min qibali anna l-istikmãl li-
aut<b\> ut non accidat ei transm uta­ l-hiss quwwa f i gism wa-imma <b ’>
tio sim ilis tran sm u tation i sensuum allã yalhaqa-hã tagayyur wa-nfi ‘ãl
et p assioni eorum a sensato (2-ii), ka-1-hawãss ‘an al-mahsüs min
quia prima perfectio intellectus non qibali anna l-istikmãl al-awwal li-l-
est virtus in corpore ; immo hoc non ‘aql laysa quwwa f i gismt ... | lv.
accidit ei omnino73. Et hoc intendebat
cum dixit : aut aliud simile. Idest, aut
non patiatur passione equali passioni
sensus ; scilicet, non accidit ei
transm u tatio sim ilis transm utationi
que accidit sensui, sed solum v lã yusbihu l-hiss illã f i l-qabül
assim ilatur sensui in receptione, fa q a t min qibali anna-hu laysa
quia non est virtus in corpore74. quwwatanf i gism v

73 Cette phrase est suspecte. L’arabe correspondant est illisible et sans doute
corrompu, mais ne donnait pas ce sens.
74 Crawford, p. 380, 7-381, 32.
M Fragm. 5bls, 11. 1-5, L ’Original arabe..., p. 101.
n n Fragm. 6,11. 1-3, ibid., p. 103.
iii'iii Fragm. 5bis, 11. 7-9, ibid., p. 101.
iv-iv Fragm. 6bis, 11. 2-5, ibid., p. 104.
« PASSIO », « TRANSM UTATIO », « RECEPTIO » 163

Les divisions I. et IL introduites dans le texte du C2 permettent de se


rendre compte que ce qui se présente dans le GC latin comme continu
offre en réalité deux formulations bien distinctes de l’alternative de
429al3-15. La séquence IL est un doublet de la précédente, son objet est
rigoureusement identique, mais la présentation de l’alternative n ’est pas
du tout la même. Le vocabulaire non plus. Cela permet de soupçonner
que les deux séquences ne sont pas contemporaines, qu’elles relèvent de
deux strates distinctes, et qu’elles ont été assemblées dans la recension
que nous avons sous les yeux.
La séquence I. développe l’alternative sous la forme : l’intellect est
ou bien a. passif comme le sens (mais ce ne peut être le cas, s’agissant de
l’intellect), ou bien n’est b. aucunement passif («nullo modo est passi­
vum », « gayr munfa ‘il aslan »), ce qui paraît embrasser, de manière géné­
rique (sans considération de 1-ii.a-l-ii.b), l ’alternative 1-i et 1-ii : soit la
comparaison entre l’intellect et le sens signifie que l’intellect pâtit comme
le sens (mais cela est le cas pour le sens en tant qu’il est une faculté
corporelle, ce qui n ’est pas le cas de l’intellect) ; reste donc que l’intellect
ne soit « aucunement passif », à savoir qu’il ne participe de la passivité
que par la notion (« intentio », *ma ‘na) de « réception » (qabül) de
l’intelligible. L’exclusion de la « passivité », dans ce cas, porterait sur la
passivité A, non sur la passivité B, dénominateur commun du sens et de
l’intellect, qui est le passage de l’acte premier à l’acte second. De cette
manière, les caractères respectifs de l’intellect et du sens ne se
redistribueraient que selon les termes de la sous-altemative déjà
rencontrée, 1-ii.a et 1-ii.b. Selon l’énoncé « si formare per intellectum est
sicut sentire, aut patietur quoquo modo ab intellectum... », 1’intellect
pâtit « quoquo modo » de cette « passivité » équivoque qui est réception
seulement, mais il est exempt de l’altération qui affecte le sens en tant
que celui-ci est une faculté dans un corps : « nullo modo est passivum ».
La formule reviendrait au modèle trouvé dans le Commentaire cité par
Falqéra : pour le sens, « une certaine passivité qui lui vient du mélange »
(=l-ii.b), et « dans l’intellect, rien de semblable » (=l-ii.a).

v-v
Fragm. 6bls, 1. 6.
164 MARC GEOFFROY

L’inconvénient de cette explication est qu’elle rend pratiquement


superflu, ou absorbe le second terme de l’alternative dans la phrase même
d’Aristote, « (...) patietur quoquo modo ab intellectu, aut aliud simile ».
En effet, il semble que de cette manière, il soit impossible de distinguer
a) la passivité «quoquo modo» 1-ii.a de l’intellect, supposée être
« passivité B », et donc « aucunement passive » en tant qu’elle ne partage
avec la passivité du sens que la réceptivité mais non l’altération qui
l’accompagne dans le cas du sens, de b) [’« aliud simile », qui peut lui
aussi être considéré comme un mode de « pâtir » non au sens propre,
« semblable » à la passivité sans l’être proprement. Or la distinction
pourrait aussi bien se redéployer dans les alternatives théoriques déjà
proposées : (2-i) l ’intellect et le sens connaissent un état qui n ’est pas le
pâtir mais qui est semblable à pâtir (passivité B) ; ou bien (2-ii) le sens
connaît sous l’effet du sensible un certain état (2-ii.b) semblable à pâtir
(passivité B) ; et l’intellect connaît du fait de l’intelligible un autre état
(2-ii.a) semblable à pâtir.
L ’alternative 2-i ne constituerait par rapport à 1-ii qu’un changement
de point de vue : dans un cas, on choisit de considérer ce qu’ont en com­
mun le sens et l ’intellect, à savoir une passivité au sens figuré, quelque
chose de semblable à la passivité ; passivité « quoquo modo » mais qui ne
l’est «nullo modo » au sens propre d’altération physique ; dans l’autre,
de souligner la différenciation de la passivité B attribuée respectivement
au sens (où elle n ’est pas pure) et à l’intellect. Impossible en revanche,
dans ce cadre, de concevoir pour l’intellect une distinction d’ordre
essentiel avec B, ce que l’on pourrait appeler «passivité C ». Il semble
pourtant que tel ait été le but d’Averroès. On peut en avoir la présomption
en lisant la paraphrase de 429al3-15 correspondant dans le CM au T-C2
de notre Grand Commentaire :

Si la représentation par l’intellect fait partie des facultés passives, comme cela
apparaît clairement à son sujet, alors soit sa passivité sera de la [même] sorte que la
passivité des sens [ce qui est exclu], soit elle sera plus éloignée de la passivité
véritable que la passivité des sens75.

Certes, ce passage se laisserait lire en lui appliquant le modèle précé­


dent : Averroès pourrait vouloir dire que la passivité de l’intellect (passi-

75
Ivry, p. WA, 1. 10-13, cit. supra.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 165

vité B) est « plus éloignée » de la « passivité véritable », « ‘al-infi ‘âl al-


haqïqï » (passivité A), que la passivité du sens, passivité B d’une forme
existant dans l’organe qui subit A. C’est alors dans le même sens qu’il
faudrait interpréter le passage du CM correspondant à T-C7, dont nous
avions relevé plus haut, dans le tableau comparatif (col. 2), le contraste
avec ce que nous considérons comme le proto-GC (qui posait une
certaine passion, minime pour le sens, et pour l’intellect, «rien de
semblable » :

La preuve que la privation de passivité qui existe dans l’intellect n ’est pas
semblable à la privation de passivité qui existe dans le sens, je veux dire que la
privation de passivité dans l ’intellect est plus grande (aktar) que celle qu ’il y a dans
le sens, etc.

Il semble pourtant plus naturel de prendre Averroès au mot, et de


comprendre : la passivité de l’intellect (UC”) est plus éloignée de la
passivité véritable (A l) que celle du sens (B) ; ou encore : l’impassibilité
de l’intellect (dont la « passivité » ne consiste que dans une « réception »
pure) est plus grande que celle du sens, dont la passivité consiste dans la
« réception », l’actualisation d’une forme corporelle. On note là une
distance avec le propos du proto-GC attesté dans Falqéra, qui proposait
seulement de distinguer les deux « passivités » (réceptions), ou « impassi­
bilités », du point de vue de ce qui pouvait affecter l ’une de manière
inessentielle, alors qu’ici semble pouvoir jouer l’alternative 2-ii.b—2-ii.a
en l’espèce d’une distinction esquissée entre passivité B (sens) et une
passivité C (intellect), toutes deux pouvant être reconnues dans 1’« aliud
simile », cette fois compris comme : quelque chose de différent (de la
passivité au sens propre, A). Quant à la séquence I. du C2 latin, qui nous
avait semblé dans un premier temps se rapprocher de notre proto-GC, elle
s’en écarte en réalité par des traits qui la rapproche du CM, comme on le
verra ensuite.
Revenons à la séquence II. du C2 latin, après la reprise en lemme du
texte d’Aristote, « Et dixit : Dicamus igitur, etc. », et ses équivalents ara­
bes, représentés supra. La séquence II. innove en introduisant la notion
de « transmutatio » (tagayyur) ou « transmutatio et passio » (tagayyur
wa-nfi ‘âl) au lieu, précédemment, de infi ‘âl. Dans la deuxième occurren­
ce, « transmutatio [ni que accidit sensui a sensato] » correspond à « infi ‘âl
[al-hawãss] wa-tagayyur[i-hâj ». La « passivité » absente en latin, précè­
de en arabe le « changement ». De même, dans la troisième occurrence,
« transmutatio similis transmutationi sensuum et passioni » n ’est pas mot-
à-mot équivalent à « tagayyur wa-nfi ‘âl ka-1-hawãss ‘an al-mahsüs »
166 MARC GEOFFROY

(« un changement et une passivité comme les sens de la part du


sensible »), sans que l’on puisse dire avec certitude, dans ce cas, si la
différence tient à des initiatives du traducteur latin ou témoigne de légères
retouches du texte arabe. De toute manière, l’évolution par rapport au
parallèle dans CM, qui ne parle que de « passivité » plus ou moins
grande, est évidente76. Ce qui plaide en faveur de la seconde hypothèse (et
témoignerait d’une substitution graduelle de la notion de changement à
celle de passivité) est le décalage beaucoup plus important que l’on
observe entre les différentes versions de commentaires ad 429a29-b5 (le
C7 latin) représentées dans le tableau initial77, notamment des séquences
parallèles, identiques à la seule différence que Yinfi ‘âl du CM arabe a fait
place à « transmutatio » dans le GC78 :

[Et la preuve] que la privation de quoniam autem privatio


passivité (‘adam al-infi‘âl) qui existe transmutationis existentis in sensu non
dans l’intellect n’est pas semblable à la est similis privationi transmutationis
privation de passivité qui existe dans le existentis in intellectu, etc.
sens, etc.

76 Le changement (;tagayyur) est plus général que la « passio » (infi ‘ãl) ou « alte­
rado » {istihãla). L’altération ou passion n ’est que le mouvement selon la qualité. Le
changement (psiaßo^f)) qui comprend à la fois la génération et la corruption absolues et
les mouvements se définit génériquement comme « ce qui va d ’un terme à un autre. C’est
aussi ce que montre le mot : il exprime une succession, la distinction d ’un antérieur et
d ’un postérieur. » (A ristote , Phys. V, 1, 225a35sq.). Pour l’arabe, cf. A ristütäl Is , al-
TabVa...., éd. B ad a w I, cit., vol. II, p. 502 : «lammâ kâna kullu tagayyur fa-innamâ
yakünu min sa y’ ilâ say ’ wa-qad yadullu ‘alã dâlika smu-hu wa-dâlika anna-hu yadulluß
lisãn al-Yunâniyyïna ‘alã anna-hu say’ yakünu min b a ‘di sa y’in gayri-hi fa-yakünu
yadullu ‘alã anna say,an kãna mutaqaddiman wa-say,an hadata bi-ahara » (Puisque tout
changement a lieu d ’une chose dans une autre, et que c’est cela que signifie son nom, en
effet, dans la langue des Grecs, il signifie que c’est une chose après laquelle il y a une
autre chose, et donc il signifie qu’il y avait quelque chose antérieurement, et qu’ensuite,
une autre chose s’est produite à la fin.). Dans l’expression al-tagayyur wa-l-infi(âl, wa- a
donc une valeur épexégétique. Il s’agit du changement qu’est la passivité. Mais tagayyur
a aussi un sens générique, et désigne le passage de la faculté d ’un état à un autre sans
passivité ni altération.
77 Cf. supra.
78 Et de l’inversion de « sens » et « intellect ». Le vis-à-vis exact des séquences
exégétiques parallèles est représenté dans L ’Original arabe..., p. 52, q. v., séquence Õ
(CM) et ô ’ (GC lat.)
« PASSIO », « TRANSM UTATIO », « RECEPTIO » 167

On considérera également le décalage entre l’assertion qui suit


presque immédiatement dans le C l latin et le fragment arabe parallèle de
Modène79, qui en diffère par sa construction, et par une seule occurrence
de tagayyur (dans l’expression composée « changement et affection »),
tandis que le latin recourt exclusivement à ce terme et qu’il semble
difficile, compte-tenu de la littéralité habituelle de la traduction latine,
d’attribuer cet écart à Michel Scot80.

Car la privation de changement et Privatio enim transmutationis in


d ’affection (‘adam al-tagayyur wa-1- intellectu debet esse pura, et non est ita
ta’tîr) existant dans le sens n’est pas privatio transmutationis in sensu,
pure ; au contraire [le sens] pâtit f . .
Quant à la privation de passivité et
d ’affection dans l’intellect, c’est une
privation pure.

Dans ces cas, il semble que l’on puisse mettre en évidence deux
conceptions chronologiquement distinctes d’un même problème, qui
témoignent d’une évolution doctrinale tenant dans l’élimination
(graduelle ?) de la notion d'infi'âl (le terme de l’Aristote arabe) au profit
de tagayyur (changement) pour rendre compte d’une disposition possédée
tant par le sens que par l’intellect, mais selon des modes distincts.
La séquence II. (cf. supra) ne présente pas la même alternative que ce
que nous avions rencontré dans la séquence I., précédente ; et dans le
« proto-GC » : une « certaine passivité » (quoique minime), contre
« aucune passivité » (« nullo modo est passivum »). Ici, l’option est ou
bien :
a \ aliqua transmutatio et passio ab intellecto similis transmutationi
que accidit sensui a sensato {tagayyur wa-nfi ‘äl ‘an al-ma ‘qül mida nfì ‘ãl
al-hawãss wa-tagayyuri-hã) ;
ou bien :
b [ut] non accidat ei transmutatio similis transmutationi sensuum et
passioni eorum a sensato [...] non accidit ei transmutatio similis transmu-

79 Supra.
80
Cf. L ’Originai arabe..., ibid., séquence £ ; p. 58, note b ; p. 62-63.
168 MARC GEOFFROY

tationi que accidit sensui, {alla yalhaqa-ha [+wa-nfi‘al] ka-l-


hawâss ‘an al-mahsüs [...]).
Soit : ou bien <a’> un changement (et une passivité) de la même
sorte que celle des sens ; ou bien <b’> [ ?] un changement qui n ’est pas
du même ordre que celui du sens, «non accidit ei transmutatio similis
transmutationi que accidit sensui ». Mis à part le vocabulaire, la formule
de II. recoupe cette fois-ci celle du passage parallèle (paraphrase de
429al3-15) dans le CM :

soit sa passivité sera de la [même] sorte que la passivité des sens [ ‘alã nahwi nfi ‘âl
al-hawâss ; cf. GC, séquence IL : mitla n fi‘ãl al-hawâss ; ce n ’est qu’une différence
de mots], soit elle sera plus éloignée de la psissivité véritable que la passivité des
sens81.

Il s’agit de deux formulations distinctes de la même alternative 2-ii.a


/2-ii.b, où l’intellect connaît soit une passivité (B) du même ordre que
celle du sens, différente de la passivité véritable, A ; soit [2-ii.b],
successivement, « une passivité (C) plus éloignée de la passivité véritable
(A) que celle du sens (B) » (CM) ; et « un changement qui n ’est pas
semblable à celui du sens » (GC C2, séquence IL). La dernière formule
est peut-être heuristiquement plus prometteuse, ce qui aurait motivé
l’adoption du « changement ».
En somme, Averroès aura soutenu :
1. que l’intellect, contrairement au sens, ne connaissait «aucune
passivité » (1-ii.a), en tant que sa réceptivité était exempte de ce qui
serait appelé (dans le CM) « passivité véritable », A [proto-GC, ad
429a29sq.] ;
2. que l’impassibilité de l’intellect est plus grande que celle du sens
[CM, ad 429a29 sq.] ou à l’inverse que sa passivité est plus éloignée
de A que celle du sens [CM ad 429al3 sq.] ; que l’intellect n ’est
nullement passif parce qu’il n ’est pas mélangé avec le corps, mais
ne possède que la réception seulement [GC, C2, ad 429al3sq.,
séqu. I], ce qui notons-le, est identique à CM ad 15 sq.82 ;

81
Ivry, p. ï ♦ A, 11-13, cit. supra.
82
Ivry, p. >*A, 16- >*% 1, cité infra.
« PASSIO », « TRANSM UTATIO », « RECEPTIO » 169

3. que l’intellect ne connaissait pas un changement semblable à celui


du sens [GC C2 ad 429al3sq., séqu. II].

Cette dernière thèse peut à son tour s’entendre de deux manières83 :


soit 3.1. l ’intellect connaît un « changement » qui n ’est pas semblable à
celui du sens (^2-ii.b) ; soit 3.2. l’intellect, contrairement au sens, ne
connaît aucun changement (ce qui pourrait se reconduire à 1-ii.a si l’on
identifie le non-changement au « pâtir d’une certaine manière » qui est la
passivité B [3.2.1.] ; mais aussi [3.2.2.] renvoyer notamment à
l’immutabilité absolue d’un intellect toujours essentiellement en acte
homologue formel de l’intellect humain, à la différence que celui-ci
devient immuable au terme de son accession à la perfection, tandis que
l’intellect séparé a toujours été immuable.
Si l’on retient 3.1., on constate que la nouvelle formulation
(« changement non semblable à celui du sens » au lieu de « passivité qui
n ’est pas du même ordre, moins grande que celle du sens ») a permis de
lever l’ambiguïté qui affectait cette dernière formule : il ne peut plus
s’agir désormais que d’une passivité C distincte de B, et non de B. En
effet, « la passivité » se disant de plusieurs manières, destruction sous
l’effet d’un contraire et actualisation supplémentaire du sujet, et ni le sens
ni l’intellect n ’étant susceptibles de passivité au premier sens, la
distinction entre ce qui n ’est pas passif essentiellement au premier sens
mais l’est au second, et peut être concerné par la passivité physique du
point de vue de son organe (le sens) ; et ce qui n ’est pas « passif »
exclusivement qu’au second sens (l’intellect), peut justifier que l’on parle
de passivité plus grande du sens (la passivité, au sens générique, étant
effectivement à l’œuvre, dans ce cas, à double titre : passivité véritable et
seconde) tout en voulant dire que ce qui affecte et l’intellect et le sens est
une seule et même chose, la passivité seconde. En revanche si l’on dit :
« L’intellect n ’a pas un changement semblable à celui du sens »,
« changement » voulant dire simplement qu’« il y a » quelque chose
avant et autre chose après, on ne peut comprendre autre chose que : c’est
en vertu d’une autre disposition que, respectivement, l’intellect et le sens
changent dès lors qu’ils ont reçu leurs objets ; ou : c’est en vertu d’une

83 Suivant que l’on comprend : l’intellect ne connaît pas un changement semblable


(mais un autre) ou : l’intellect ne connaît pas de changement, contrairement au sens.
170 MARC GEOFFROY

certaine disposition que le sens change dès lors qu’il a reçu son objet,
tandis que l’intellect ne change pas dès lors qu’il a reçu son objet. Mais la
réponse 3., en levant cette ambiguïté, en reconduit une sur le mode
majeur, en ouvrant la possibilité 3.2.1., qui renvoie de nouveau à 1-ii.a,
selon lequel la passivité de l’intellect serait “B”. A s’en tenir là, 3.
n ’aurait rien amené d’autre qu’une aporie doublée d’une complication
supplémentaire. Mais 3.2.2. est à considérer si l’on veut rechercher ce que
serait, selon Averroès la différence entre passivité B, et une passivité C
(propre à l’intellect).
L ’intellect serait objet de la passivité B au sens où Aristote pense que
rien ne distingue le sens et l’intellect quant à la manière dont l’un et
l’autre reçoivent l’objet qu’ils appréhendent, comme un surcroît d’actua­
lité qui n ’implique pas la destruction sous l’effet d’un contraire84. Cepen­
dant, quoique le «mouvement» qui aboutit à l ’acte de l’une et l’autre
faculté soit de même ordre, la nature du moteur diffère dans l’un et
l’autre cas : le moteur du sens est un sensible extérieur au sens et distinct
de lui, tandis que celui de l’intellect est l’Intellect lui-même, qui n ’a pas
d’autre être qu’« être pensé » et par conséquent est identique en essence
avec ce qui intellige. Aussi « être en mouvement », ou à un stade incom­
plet d’actualité, n ’est-il pour l’intellect qu’un accident85. Essentiellement,
l ’intellect est un acte pur. Le perfectionnement de la faculté intellectuelle
n ’est donc pas son accomplissement par autre chose qu’elle-même, mais
seulement un accomplissement de soi-même.
Selon De anima, III, 4, la différence entre le sens et l’intellect devait
tenir à ce que ce dernier, au contraire de la faculté sensitive, n ’est pas

84 Cf. C raw fo rd , p. 466, C28, 16-26 [ad 431a4sq.] : « [...] et quia videmus
sensibile facere sentiens in actu postquam erat in potentia, non ita quod sentiens, apud
exitum de potentia in actum, transmutatur aut alteratur secundum quod res materiales
exeuntes de potentia in actum transmutantur, ideo opinandum est alium modum esse
motus et passionis a modo qui est in rebus mobilibus. Quapropter non est inopinabile hoc
quod dictum est in intellectu, scilicet quod est exitus de potentia ad actum sine
transmutatione et alteratione. » (je souligne).
85 Ibid., 32-37 : « [E]sse intellectum actionem imperfectam accidit ei propter
materiam, non secundum quod est actio. Et cum hoc accidit actioni, necesse est aliquam
actionem esse liberatam ab hoc accidente ; quod enim accidit alicui per accidens necesse
est ut non sit ei secundum quod est, et si non fuerit ei secundum quod est, necesse est ut
separatur ab eo. »
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 171

mélangé au corps86. En outre, n ’être pas mélangé au corps est à son tour
une conséquence, d’après le texte, du fait de « n ’être rien en acte »87 avant
de recevoir. Si l ’on s’en tient à ce texte, le dernier corollaire n ’est pas
sans problème. En effet, parmi ce qui est mélangé au corps (et qui serait
déjà quelque chose en acte avant de recevoir), il y a <1.> le corps lui-
même, pourvu de qualités qui interféreraient avec la qualité de ce qui est
reçu ; du corps on peut véritablement dire, en ce sens, qu’il pâtit, parce
que les qualités qui sont en lui interfèrent avec celles de l’objet qu’il
reçoit ; < 2> la forme de l’organe corporel, qui est dans un corps : en quel
sens peut-on dire que la forme d’un organe sensoriel est « déjà quelque
chose en acte » avant de recevoir un objet perçu en raison de son mélan­
ge avec le corps ? La réponse est simplement qu’une telle forme n ’existe
jamais sans le corps88. Ce qui est « quelque chose en acte avant de rece­
voir » n ’est donc pas la forme corporelle prise en soi (qui n ’existe pas en
tant que telle, et par conséquent ne « reçoit » jamais rien), mais le
composé qu’elle constitue avec l’organe sans lequel elle n ’existe pas en
acte. Prise en elle-même, elle ne serait pas plus que l’intellect, « quoi que
ce soit en acte avant de recevoir » et par suite, elle ne « pâti[rai]t » pas
davantage que l’intellect. Cependant, la forme sensorielle prise en soi
n ’est jamais ce qui reçoit, puisqu’elle n ’existe jamais sans substrat. Par
suite, il n ’y a jamais dans la réalité de forme sensorielle dont la réception
puisse être « pure ». Pourtant, c’était le dédoublement du point de vue (la
forme prise en elle-même ; la forme qui se sert de Porgane pour recevoir)
qui permettait de concevoir une impassibilité (passivité B) qui caracté­
riserait, en propre, aussi bien l’intellect que le sens.
Ce parallèle avait d’ailleurs déjà été proposé, de manière même plus
poussée, dans un passage antérieur du De an.89, où l’intellect lui-même,

86 429al 8 : « ’Aváyicri dpa, è7i8i5fì nàvm vosi, àpiyfj sivai » ; ar.-lat. : « Oportet
igitur, si intelligit omnia, ut sit non mixtum » (Crawford, p. 383, T4, 1-2) ; ar. : *fa-qad
yagibu in ‘aqala al-gamVa an yaküna gayr muhãlit (d’après CM, IVRY, p. ï *1, 5).
87 429a24 : « oùOév ècrxiv èvepyeíçc xcov ôvxav rcpìv voslv » ; ar. lat. « Non est in
actu aliquod entium antequam intelligat » (Crawford, p. 387, T5, 5-6) ; ar. : Haysa bi-l-
f î 7 say min al-mawgüdât qabla an ya 'qila.
88 429b5 : « Tô pèv yàp aia0r|xiKÔv o u k aveu oápaxoç, ó ôè voûç %œpioxôç » ; ar.
lat. : « Sentiens enim non est extra corpus ; iste autem est abstractus » (C raw ford ,
p. 417, T7, 9-10).
89 I, 4, 408b 18-25.
172 MARC GEOFFROY

par soi incorruptible (ob cpOeipeoOai, 408b 19) et impassible (arcaOeq,


b25) - mais considéré en l’occurrence du point de vue d’une possible
dépendance envers le corps90 comme condition de son exercice - est dit
n ’être pas exempt d’affaiblissement accidentel, qui serait en réalité
l’épuisement physique d’un sujet, ce en quoi il en va de lui comme du
sens : « (OOTtep ém xcov aloOqxripioôv91 ». La différence tient à la nature de
la relation que l’une et l’autre faculté entretiendrait avec le corps : hylé-
morphique dans le cas de la faculté corporelle, indirecte dans celui de
l’intellection : Aristote considère bien, à propos de 1’intellection, « un
certain acte ou une certaine affection de l’âme qui lui [serait] propre92 ».
La possibilité que cet acte soit dépourvu de relation avec le corps est
cependant conditionnée, dans le passage en question, par le fait qu’il ne
soit pas «une sorte d’imagination93», ou qu’il puisse s’exercer «sans
l’imagination » (aveu (pavxaaiaç). Or de fait, « l’âme ne pense jamais
sans images94 », ce pourquoi vraisemblablement seul l’intellect toujours
en acte, non l’intellect dianoétique « qui tantôt pense, tantôt ne pense
pas95 », est susceptible de n ’entretenir absolument aucun lien avec le
corps. Cette dépendance est pourtant d’un autre ordre, elle tient à Vobjet
de 1’intellection (les images, qui «tiennent lieu» de sensation à
l ’intellect96 et qui sont produites dans le corps, lui-même sujet aux
altérations de la vieillesse) ; tandis que la sensation a besoin de l’organe
corporel comme sujet d’inhérence.
C’est pourquoi on peut concevoir selon Aristote un « intellect en
acte » libéré de la matière mais non un sens (en acte) libéré de la matière.
En conséquence, la passivité du sens ne se manifeste que dans un
récepteur, et le sens est mis en mouvement par un sensible autre que lui.
Il en va de même lorsqu’un homme appréhende une notion intelligible,

90 Voire envers quelque chose de corporel, où l’exégèse verra les formes de l’ima­
gination, singulières et immanentes, les « sens internes » localisées dans le cerveau, dont
l’intellect se sert pour penser.
91 408b20-21. «S i le vieillard recouvrait un œil sain, il verrait comme le jeune
homme », ajoute-t-on.
92 De an. I, 1, 403al0-l 1 : « xt xœv xfjç \\/»xÛÇ rpycov f\ 7ia0r|pdxcov ïôiov ».
93 403a8-9 : « cpavxaaia xiç ».
94 43l a i 6-17.
95 430a22.
96 43la i4-15 : «Tfj 5è ôiavorixucfi \ | x à (pavxàapaxa olov aia0ijpaxa
ímáp%si ».
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 173

l’intellect est mis en mouvement par une forme imaginée autre. Mais
cette relation est d’ordre accidentel dans le cas de l’intellect, tandis
qu’elle est constitutive de la structure de la perception. La « réception »
ou la « passivité » de l’intellect recouvre une réalité plus universelle que
le rapport d’un individu avec l’intellect, les contenus de pensée de
l’individu étant périssables comme ses expériences sensorielles97. Cette
réalité est celle d’une substance séparée, dépourvue de relation essentielle
avec aucun sujet particulier, « universel-récepteur » éternellement à l’œu­
vre partout dans l’univers où s’exerce l’acte de l’intellect, analogue de la
matière première dans le sensible et « quatrième genre d’être98 ». La
saisie des intelligibles par l’animal rationnel mettant en œuvre l’intellect
matériel n ’est qu’un cas particulier de la réception universelle (passivité
C) dont, selon le GC latin, aucune intelligence abstraite ne peut être
dépourvue99. La “passivité C” que recherche Averroès serait alors une
notion générique englobant et dépassant la passivité B.

97 Sur cette question, cf. en particulier R. T aylo r , «Personal Immortality in


Averroes’ Mature Philosophical Psychology», in Documenti e studi sulla tradizione
filosofica medievale, IX (1998), p. 87-110. La conception d’Averroès n ’est pas en
désaccord avec la fin de De an. III, 5, 430a23-25 : «Nous ne nous souvenons pas, parce
que celui-ci [l’intellect séparé, immortel et étemel, qui n ’est pas celui qui « tantôt pense,
tantôt ne pense pas »] est impassible, tandis que l’intellect passif est corruptible et que
sans lui rien ne pense ». L’intellect séparé et immortel est selon Averroès tout autant
l’intellect matériel que l’intellect agent, tandis que 1’« intellect passif » signifie les formes
imaginées, sans lesquelles rien (d’autre que l’intellect étemel, qui ne se pense que soi-
même) ne pense. Cf. C raw fo rd , p. 449-451, C20, 182-243.
98 Sur la conception de l’intellect matériel dans le GC d’Averroès et sa genèse, cf.
M. Geo ffroy , « Introduction », in A verroes , La Béatitude de l ’âme, op. cit., notamment
p. 77 sq.
99 Cf. GC, C raw fo rd , p. 409-410, C5, 657-699 : « Quemadmodum enim sensibile
esse dividitur in formam et materiam, sic intelligibile esse oportet dividi in consimilia hiis
duobus, scilicet in aliquod simile forme et in aliquod simile materie. Et hoc necesse est in
omni intelligentia abstracta que intelligit aliud ; et si non, non esset multitudo in formis
abstractis. Et iam declaratum est in Prima Philosophia quod nulla est forma liberata a
potentia simpliciter [i.e. “absolument”, *mutlaqan], nisi prima forma, que nichil intelligit
extra se [...] Et nisi esset hoc genus entium quod scivimus in scientia anime, non
possemus intelligere multitudinem in rebus abstractis ». Le fonctionnement de l’intel­
ligence humaine révèle la séparation de l’intellect, qui offre un modèle expliquant la
structure ontologique de tout ce qui intellige autre chose que soi, à savoir les intelligences
séparées, qui s’intelligent les unes les autres. Ce qui dans l’intelligence qui en intellige
une autre est distinct en essence de cette autre qui est intelligée est à regarder comme
174 MARC GEOFFROY

La question de ce qu’est la « réceptivité », ou passivité générique, de


l ’intellect rejoint ainsi celle de la nature de l’intellect matériel. Elle
aboutit à la conclusion que chacune des notions désignant les états de
potentialité ou d’actualité des facultés psychiques se dédouble, suivant les
réalités sur lesquelles elles portent (matérielles ou immatérielles), selon
/ 'homonymie100 :

[H]ec nomina, scilicet “potentia” et “receptio” et “perfectio”, modo equivoco dicun­


tur cum eis in rebus materialibus [...]. Unde non est opinandum quod prima materia
est causa receptionis simpliciter, sed causa receptionis transmutabilis, et est receptio
huius singularis ; causa autem receptionis simpliciter est ista natura [/. e. intellectus
materialis]101.

La « receptio transmutabilis » (passivité A, B) se produit dans les


choses matérielles, c’est-à-dire d’une part dans les corps, qui reçoivent
les qualités contraires ; d’autre part dans les facultés corporelles, à double
titre : d’une part parce que cette réception s’accompagne de l’altération
physique de l’organe dont ces facultés ne sont jamais dépourvues - de ce
point de vue, la «transmutatio» est celle qui est synonyme d’« altera­
do » ; d’autre part parce que ce que ces facultés reçoivent est différent en
essence de ce qui est perçu, sensible en puissance dans les objets de la
perception, en acte dans le sens : la « transmutatio » est alors le processus
selon lequel la faculté sensorielle se transforme sous l’action d’un moteur
qui est pas essentiellement elle : « recipit formam et est in potentia sicut
illud, non illud102 ». La raison en est que dans l’acte de la perception,
l’objet perçu, singulier, sensible en puissance, se reproduit dans la faculté
sensorielle comme une autre entité, distincte en essence de la précédente,
sensible en acte. Il n ’en va pas de même dans le cas de la «receptio
simpliciter » (passivité C), acception homonymique de la réception, ou
passivité générique, puisque l ’intelligible reçu est en essence l’intellect,

substrat de l’intelligence reçue. En fait, l’actualité des intelligences étant permanente, ce


qui intellige est toujours en acte identique à l’intelligible, mais c’est l’aspect selon lequel
le récepteur est autre que ce qu’il reçoit qui est le « quatrième genre d ’être ».
100 Cf. aussi ibid., p. 440, C l8, 93-95 (le terme “passion” équivoque) ; « Epître 1 »,
in La Béatitude de Vâme, op. cit., p. 202 (la “passion” et la “réception”).
101 C raw ford , p. 429, C l 4,26-34.
102 Ibid., p. 382, C3, 32.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 175

qu’il n ’a pas d’être distinct d’ « être intelligible ». Cette réception


n ’implique en effet essentiellement parlant aucune « transmutatio ».
Dans un second passage du GC, où la même distinction est formulée,

Materia non est causa receptionis simpliciter, sed causa receptionis transmutabilis,
scilicet receptionis huius entis individualis ; unde necesse est ut illud quod non
recipit receptione individuali non sit materiale aliquo modo103.

La distinction faite entre « receptio simpliciter » et « receptio trans­


mutabilis » du sens tranche avec l’affirmation, peu auparavant dans le
C28, que « videmus sensibile facere sentiens in actu postquam erat in
potentia, non ita quod sentiens, apud exitum de potentia in actum,
transmutatur aut alteratur secundum quod res materiales exeuntes de
potentia in actum transmutantur104 ». C’est que l’usage générique de
« transmutatio » comme actualisation (du sens) par autre chose que soi
(qui touche également l’intellect par accident mais non dans son
essence)105, se distingue ici clairement de la « transmutatio » qui est aussi
« alteratio » (istihala), altération de la structure physique de l’organe
sensible, et qui n ’est pas attribuable, en tant que telle, à la perception
sensorielle.

103 Ibid., p. 466-467, C28, 40-47.


104 Ibid., p. 466, 16-20, cit. supra.
105 Ibid., p. 419, C l, 43-50: «Quia, cum dixerimus quod <a> si intellectus
transmutatur essentialiter (et non accidentaliter et mediante alio ; hoc enim concessum est
in intellectu), necesse est ut transmutatio contingat ei apud suam actionem propriam (que
est intelligere), sicut est in sensu ; et <b> si non transmutatur per se et essentialiter,
necesse est ut non sit virtus in corpore omnino <intellectus autem non transmutatur
essentialiter ; ergo non est virtus in corpore omnino> ; omnis enim virtus recipiens in
aliquo corpore debet transmutari secundum quod est recipiens». La construction du
passage semble problématique. On a modifié la ponctuation et conjecturé une lacune (ex
homeot ?), restituée entre < >. Il faut noter aussi que le ms. D (Matritensis) n ’a pas le
premier « si ». Le problème textuel remonte sans doute à ce qui précède immédiatement
en latin (p. 418, 41-419, 43 : « E t possumus ponere hunc sermonem demonstrationem
tertiam per se, sed diminutam [je souligne] », où les deux derniers mots sont une
conjecture de Crawford, les mss ne donnant aucun sens. Le raisonnement paraît être à peu
près le suivant: puisque 1. on a posé l’alternative suivante: soit a. il survient un
changement d ’ordre essentiel à l’intellect, et cela implique que ce soit une faculté dans un
corps ; soit b. il ne survient pas de changement essentiel à l’intellect, et cela implique qu’il
ne soit pas une faculté dans un corps ; et 2. que b. est le cas : alors l’intellect n ’est pas une
faculté dans un corps.
176 MARC GEOFFROY

Quoique l’on ne trouve pas dans le CM les deux traits qui permettent
ici d’expliciter la notion de réception de l’intellect (homonymie ;
distinction entre réception « simpliciter » et « transmutabilis »), et que les
contours de la notion de changement (tagayyur) y soient moins
clairement définis, l’intention est la même. Selon le CM, l’intellect
matériel se définit comme une chose composée résultant de la réunion de
la «disposition pure» attachée à l’individu et de l’intellect séparé,
réunion qui s’effectue dans l’acte d’intelliger, et qui justifie que l’intellect
matériel (patient) et l’intellect agent soient deux aspects de la même
chose, considérée respectivement « en tant qu’il est joint à cette disposi­
tion » et en tant « qu’il n ’est pas joint à cette disposition106 ». Selon ce
point de vue, « il faut qu’il soit un intellect en acte, se pensant soi-même
mais ne pensant pas ce qui est ici-bas ». En tant « que l’intellect est joint
à cette disposition, il est nécessaire qu’il soit intellect en puissance, ne
pouvant pas se penser soi-même, mais pouvant penser [...] les choses
matérielles107 ». Il n ’y a pas si loin entre concevoir, selon cette définition
de l’intellect matériel, une entité « mixte » composée d’une potentialité
individuelle et de l’intelligence séparée, et considérer, comme le veut le
GC, que l’acte de concevoir l’intelligible relève par soi de la substance
séparée et s’attribue à l’individu par la médiation des images singulières,
et pas moins de motifs ici que dans le Grand Commentaire de rechercher
une distinction entre un mode par lequel l’intellect «recevrait»
universellement et un mode selon lequel un être particulier recevrait la
sensation ou 1’intellection. L ’« impassibilité » de l’intellect serait donc
« plus grande » que celle du sens (CM) ; ou le changement qui l’affecte,
différent » [GC] parce qu’il s’agit essentiellement de la passivité d’un être
séparé, à l’œuvre de manière universelle. Or de la «passivité » qui est
éternellement à l’œuvre dans l’univers, qui est cet « aliquod simile
materie [...] in omni intelligentia abstracta que intelligit aliud », on peut
effectivement dire qu’elle ne connaît aucun changement, contrairement
au sens, ce qui est aussi une manière de comprendre «non accidit ei
transmutatio similis transmutationi que accidit sensui ».

106 Cf. M. G eoffroy, « Introduction », in A verroes, La Béatitude de l ’âme, p. 65-67.


107 Entre guillemets, la trad, de A. E lam rani -Jam a l , cit., p. 294, § 9. Dans Iv r y ,
éd. cit. cf. p. U >- U Y, § 284, et trad, anglaise en regard.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 177

Le CM énonce, en des termes sensiblement différents de ceux du GC


(CC14 ; 18; 28, précités), que la réception de l’intellect «nullement
passif » est dénuée de « changement » en tant que celui-ci est conco­
mitant à l’être corporel.
Bien que la passivité qui existe dans les sens ne contienne pas la signification
{ma ‘nâ) de la passivité véritable - qui consiste dans le changement (tagayyur) du
sujet qui reçoit quelque chose-, elle contient néanmoins un certain état de
changement. Nous disons : il faut que cette faculté qui reçoit les intelligibles ne soit
nullement passive {gayr munfa'ila aslan), je veux dire q u ’elle ne reçoive pas le
changement qui advient aux puissances passives du fa it de leur mélange avec le
sujet dans lequel elles existent, de telle sorte que de la signification de la passivité,
elle ne contienne que le sens de la réceptivité seule {illâ al-qabül faqat) et qu’elle
soit en puissance le paradigme (mitai) de la chose qu’elle pense, non la chose elle-
meme 108

La passivité générique et l’analogie avec le sens se limitent à ce seul


trait, la « réception seulement ». Ceci est comparable à l’alternative [2.]
du passage « hésitant » de C3, déjà cité : (« ponere ipsum non passivum
non contradicit huic quod proportio eius ad intellectum sit sicut proportio
sentientis ad sensatum, sed forte concedendo ipsum habere hanc
proportionem, erit necesse ut sit non transmutabile »), comme le confirme
la suite immédiate du CM :

L’on peut se représenter cette faculté par voie de comparaison. En effet, son rapport
aux intelligibles est analogue au rapport de la faculté du sens aux sensibles. Cepen­
dant, la faculté qui reçoit les sensibles est mélangée d ’une certaine façon au sujet
dans lequel elle existe. Quant à cette faculté, il faut qu’elle ne soit absolument pas
mélangée à l’une des formes matérielles108109 ;

Tandis que la formule « qu’elle soit en puissance le paradigme


(mitai) de la chose qu’elle pense, non la chose elle-même », à la fin de la
citation précédente, évoque davantage l’alternative [1.] du même passage
de C3, qui envisageait une « autre passivité » de l’intellect, en vertu de
laquelle celui-ci « recipit formam et est in potentia sicut illud [L e.
intellectum], non illud ». Les deux passages, celui du CM et du GC, C3

108 Trad. A. Elamrani-Jamal, «Averroès : la doctrine de l’intellect... », in op.


cit., p. 292, § 2-3 (je souligne) ; Ivry, éd. cit., p. >*A, 14-ï *% 1.
109 A. Elamrani-Jamal, ibid., p. 292-293, § 3 ; Ivry, ibid., p .^ % 1-5.
178 MARC GEOFFROY

(commentant tous deux 429al5-18), entretiennent donc un lien assez


étroit, et le CM paraît avoir dépassé l’hésitation de C3 en tirant profit de
la notion de « changement » là où C3 ne pouvait trancher entre « une
passivité différente » et « aucune passivité ». Plus proche encore du CM,
nous trouvons la séquence I. de GC, C2 :

[...] et si est de passivis, utrum est passivum propter hoc quod est materiale quoquo
modo et mixtum cum corpore, idest virtus in corpore, sicut sensus est passivus, aut
nullo modo est passivum, quia non est materiale neque mixtum cum corpore
omnino, sed de intentione passionis tantum habet receptionem uo.

Les éléments des deux passages précédents du CM se retrouvent ici :


l’intellect n ’est « nullement passif » car il n ’est absolument pas mélangé
au corps, et il ne possède de la notion (ma ‘na) de la passivité que « la
réception seulement11011 ». Les passages du GC (C2, 3) précités présentent
avec ceux du CM qui leur sont parallèles des similitudes évidentes. Ces
formulations comparables tranchent avec celles des CC 14, 18, 28 (homo­
nymie de “passivité” et “réception” ; réception “simpliciter” et “transmu-
tabilis”), bien que les conceptions soient semblables. Les passages
ultérieurs du GC (qui n ’ont pas d’équivalement dans le CM) paraissent
des formulations plus abouties des idées déjà proposée dans CM et GC 2,
3, que l’on pourrait sans doute assigner à une strate distincte112.
Revenons maintenant, dans le C2 du GC, à la « séquence IL », dis­
tinguée de I. (« une « certaine passivité » ou bien « aucune passivité »)113.
La séquence II. propose afin de distinguer l’intellect du sens « [ut] non
accidat ei transmutatio similis transmutationi sensuum et passioni eorum
a sensato », ou encore : « non accidit ei transmutatio similis transmu­
tationi que accidit sensui. ». De cette seconde formulation, on trouve en
arabe l’équivalent quasi exact, « allâ y alhaqa-hâ tagayyur wa-nfi‘âl ka-l-
hawâss ‘an al-mahsüs ». La différence est seulement que l’arabe ajoute

110 C raw fo rd , p. 381, C2, 9-15 (je souligne) ; reproduit supra. Cf. la comparaison
avec le parallèle du CM dans L ’Original arabe..., p. 106-107.
111 «Tantum receptio[nem] » correspondant mot-à-mot à l’expression «illâ al-
qabül faqat».
112 Ayant énoncé dans le C28 la distinction entre «receptio transmutablilis » et
« receptio simpliciter » (passage cité supra), Averroès note que « sic non remanet locus
questioni » (p. 467, 47), ce qui suggère que la question était auparavant restée ouverte.
113 Cf. tableau supra.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 179

« wa-infì ‘al », ce qui aurait donné en latin « transmutatio et passio simi­


lis, etc. », en admettant que le traducteur ait traduit mot à mot. Cette
expression se trouve d’ailleurs dans la première occurrence en latin,
« transmutationi sensuum et passioni eorum » comme elle devait se
trouver dans l’original arabe. Elle atteste de la présence dans le C2, à un
certain moment, de l’acception de transmutatio (tagayyur) comme syno­
nyme générique de passio (infi‘ãl) ou alterado (is tiMia), déjà rencontré
ailleurs, notamment dans le CM114. Si l’on considère que l’intellect ne se
distingue du sens que par le défaut de la passivité au sens propre (A), on
ne caractérise proprement sa réceptivité que comme passivité B, dont la
définition est aussi de n ’être pas une passivité au sens propre. Si en
revanche on affirme que l’intellect ne connaît pas un changement
semblable à celui du sens, on peut comprendre que l’intellect connaît un
« changement » qui n ’est pas semblable à celui du sens (2-ii.b) mais aussi
que, contrairement au sens, il ne connaît aucun changement, qu’il est par
soi en acte, immuable, et que le changement ne l’affecte que par accident.
L ’ambiguïté peut-être voulue de l’expression, « non accidit ei transmu­
tatio similis transmutationi que accidit sensui » pouvant signifier « un
changement différent de celui du sens » ou « pas de changement, contrai­
rement au sens », permettrait alors de la iàire porter simultanément sur
l ’intellect de l’homme, en qui l’intellect se trouve accidentellement à des
stades imparfaits d’actualité et sur l’intellect considéré en soi (qui ne
connaît aucun changement).
Ces observations autoriseraient l’hypothèse suivante : l’habitude
d’utiliser la formule tagayyur wa-nfi‘âl (changement et passion) ou
tagayyur wa-stihâla (changement et altération)115 pour désigner la passion
ou l ’altération remonterait à un moment où Averroès s’occupait d’expli­
quer au moyen d’un dénominateur commun la différence entre la passion
au sens propre et la «passion » qui n ’implique pas l’altération. Pour ce
second usage, « changement » vaut dans le sens générique de « passage
d’un état à un autre ».

114 Cf. supra, n. 76.


115 Où wa- devrait plutôt se traduire par « c’est-à-dire ».
180 MARC GEOFFROY

De cela attestent de nombreux passages du CM et du GC, comme par


exemple dans les commentaires sur De an. II, 5116. Aristote affirme au
début de ce chapitre que dans la sensation interviennent le mouvement et
la passivité117, ce que le CM paraphrase par :

Nous disons qu’il apparaît au sujet du sens qu’il ne reçoit le sensible qu’en tant
qu'il est mû par lui et pâtit sous son effet, car on considère qu’il subit une altération
et une passivité sous l’effet des sensibles118.

Le CM incorpore dans cette séquence l’affirmation immédiatement


suivante d’Aristote, « elle [la sensation] semble être une certaine
altération (áXAoíooaíç xiç) » (416b34), expliquée comme isti Mia
{«y asta M u » ) et infi‘âl. Commentant ces mêmes mots119120, le GC
explique :

[D]iximus quod sensus fit secundum passionem quia existimatur quod sensus
alterantur a sensibilibus aliquo modo alterationis. Et dixit “aliqua” ut notet
proprium, quia post declarabitur quod ista transmutatio non dicitur alterado nisi
multipliciter12°.

On retrouve ici le terme « transmutatio », utilisé dans le latin du livre


III comme substitut de «passio» pour qualifier « l ’impassibilité» de
l’intellect et du sens. Cela correspondrait également à une strate du GC
où l’on retrouve la double expression (beaucoup plus fréquemment dans
les fragments arabes qu’en latin). La phrase « [lã] y alhaqu-hâ tagayyur
wa-nfTâl ka-1-hawãss (an al-mahsüs » s’interprète dans la même
perspective que les passages précédents. Il s’agit encore de distinguer la
passivité au sens propre d’une « passion » sans altération. Mais le latin
n ’a que « transmutatio », et s’il ne s’agit pas d’une initiative du traduc­
teur, cela indique qu’Averroès a cancellé wa-nfi‘âl lors d’une de ses

116 TT-CC 51-62, C raw fo rd , p. 208-223 ; dans le CM, Iv r y , éd. cit., « a l-q a w lfî
al-hiss al- ‘âmm » (« Discours sur le sens commun »). p. 1 *, 14 sq.
117 4 1 6 b 3 3 -3 4 : « 'H 5 ’ a ïa 0 r |a iç èv tcõ k iv sig Oou xs koù nà<3%£.iv o u p ß a iv e i ».
118 Iv r y , éd. cit., p. 60, 15-17 : «fa-naqülu inna l-hissa yazharu min amri-hi anna-hu
inna-mâ yaqbalu al-mahsüs min gihati anna-hu yataharraku (an-hu wa-yanfa ’ilu ‘an-hu,
wa-dalika anna-hu yuzannu anna-hu yastahilu (an al-mahsüsât wa-yanfa ‘ilu ‘an-hâ ».
119 En latin : « existimatur enim quod est aliqua alterado », C raw fo rd , T51, p. 208,
4-5. Typographie modifiée. Je souligne.
120 Crawford, C51,p. 209, 20-25.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 181

révisions du texte, afín de pouvoir faire signifier à son texte ce qu’il


entendait maintenant, à savoir : « un autre changement pour l’intellect
accidentellement imparfait, voire pas de changement pour l’essence de
l’intellect », afin d’harmoniser ces passages écrits précédemment avec les
considérations sur 1’« homonymie » de la passion et de la réception et
l’accidentalité du changement de l’intellect des CC 14, 18 et 28. Dans le
GC latin, les quelques occurrences de « passio et alteratio » indiqueraient
que ce nettoyage n ’a pas été tout à fait systématique.
Afin d’appuyer cette hypothèse, retournons à l ’un des textes déjà
considérés au début, dans notre comparaison des trois séquences portant
sur De an. III, 4, 429a29-b5, sur ràîtâGeia du sens et de l’intellect121 :

<1.> [QJuoniam autem privatio transmutationis existentis in sensu non est similis
privationi transmutationis existentis in intellectu, ut demonstratum fuit ratione,
manifestum est etiam ex apparentibus. Privatio enim transmutationis in intellectu
debet esse pura, et non est ita privatio transmutationis in sensu, cum sensus sit
virtus materialis122.

La suite du C7 latin nous donne ce passage problématique déjà


cité123, qui paraît être une tentative de reconstruction syllogistique de
l ’argument d’Aristote, et que nous avons restitué de la manière suivante :
< 2> [C]um dixerimus quod <a> si intellectus transmutatur essentialiter (et non
accidentaliter et mediante alio ; hoc enim concessum est in intellectu), necesse est
ut transmutatio contingat ei apud suam actionem propriam (que est intelligere),
sicut est in sensu ; et <b> si non transmutatur per se et essentialiter, necesse est ut
non sit virtus in corpore omnino <intellectus aiutem non transmutatur essentialiter ;
ergo non est virtus in corpore > ; omnis enim virtus recipiens in aliquo corpore
debet transmutari secundum quod est recipiens124.

Averroès énonce une distinction entre un récepteur se trouvant dans


un corps, qui connaît un changement en tant qu’il est récepteur, et un
récepteur ne se trouvant pas dans un corps et qui, s’il connaît un
changement, ne le connaît que de façon accidentelle, non « en tant que
récepteur ». Or ce changement accidentel signifie évidemment que

121 Cf. supra.


122 C raw ford , C7, p. 417-418,16-22.
123 Supra, n. 104.
124 C raw ford , C7,p. 419,43-50.
182 MARC GEOFFROY

l’intellect ne connaît par soi aucun changement. On retrouve la thèse des


C 14, 18, 28, de l’immutabilité de la «receptio simpliciter». L’affir­
mation dans 1. que la «privatio [...] transmutationis in intellectu debet
esse pura, et non est ita privatio transmutationis in sensu » se concilie
parfaitement avec cette thèse : la « privatio transmutationis » du sens
n ’est pas pure a. parce que l’excès de perception peut endommager
l’organe et b. parce que la structure matérielle de la sensation lui impose
la réception d’un percept distinct en essence de l’objet perçu, ce qui n ’est
pas le cas de l’intellect.
Qu’en est-il en revanche si l’on lit, suivant le fragment arabe
parallèle à la fin du premier passage de C7125 : « La privation de
changement et d'affection existant dans le sens n ’est pas pure ; au
contraire [le sens] pâtit f d’une certaine manière [ ?] f . Quant à la
privation de passion et d'affection dans l’intellect, c’est une privation
pure » ?
Les deux expressions utilisées ici, « changement et affection »
(tagayyur wa-ta'fir), «passion et affection » (infi‘âl wa-ta'ïïr) renvoient
toutes deux à la passion au sens propre, l’altération, qui affecte l’organe
du sens et non l’intellect qui n ’a pas d’organe. Mais on ne voit là aucun
rapport avec la thèse de l’immutabilité qui caractérise la «receptio
simpliciter », car rien n ’empêche dans cet énoncé, même si l’intellect ne
connaît pas d’altération, que son actualisation soit conçue selon le même
mode que celui des sens, c’est-à-dire comme perfectionnement de sa
puissance première n ’impliquant pas l’altération.
Si Averroès avait ajouté plus tard le passage 2., cela aurait donc été
une bonne raison de supprimer dans le texte précédent wa-l-infi (âl dans la
première expression, et de remplacer la seconde par al-tagayyur. Cela
supposerait que le passage 2. ne se fût pas trouvé dans la recension qui
contenait le fragment arabe de Modène. C ’est plus que probable. Afin de
le montrer commodément, je reproduis un morceau du tableau synoptique
de C7 qui se trouve dans L'Original arabe 126 :

125 Cf. supra.


126 Op.cit., p. 55-56.
« PASSIO », « TRANSMUTATIO », « RECEPTIO » 183

<T> Et la cause en est que <t ” > dedit causam. Et


le sens est en quelque dixit : Sentiens enim non
manière mélangé au est extra corpus iste
corps alors que l’intellect autem est abstractus.
n’y est mélangé en Idest, et causa in hoc est
aucune façon. quod prius fuit
declaratum, scilicet quod
sentiens non est extra
corpus, intellectus autem
est abstractus.

wa-yumkinu an yakiina <u> Et possumus ponere


bayãnan0 i f n ‘alã anna hunc sermonem
al- (aql al-hayülânïgayr demonstrationem tertiam
muhãlit. per se, sed diminutam.
Quia, cum dixerimus
quod, si intellectus
transmutatur
essentialiter, et non
accidentaliter [...] debet
transmutari secundum
quod est recipiens.
<(p> Et il est [sic] <cp’> Et ideo non oportet
nécessaire d’objecter à obiicere huic argumento
cela ce qui arrive à ex eo quod accidit in
l’intellect, etc. intellectu, etc.

Entre la première colonne, qui donne le texte cité par Falqéra et la


troisième (GC latin), on trouve un fragment extrait des marges de
Modène, f. 56r. Ce fragment est parallèle à la séquence u du latin. Il
commence de manière semblable : « Et il se peut que ce soit une troi­
sième explication du fait que l’intellect matériel n ’est pas mélangé127 »,
mais se termine par ce qui semble bien être la fin d’une phrase. Le latin
au contraire, dont la formulation s’écarte à la fin de la séquence, enchaîne
avec ce qui est notre passage 2 (abrégé dans le tableau, en italiques). De
plus, on observe que toute la séquence v est absente chez Falqéra, qui

127
L ’Original arabe..., p. 58.
184 MARC GEOFFROY

pourtant d onne une séq u en ce parallèle ju ste avant, t, et l ’éq u ivalen t


littéral de ce qui suit, cp.
Il semble donc probable que cette séquence 2, à rapprocher d’autres
passages, notamment de C 14, C 18 et C 28, examinés plus haut, ait été
ajoutée postérieurement et incluse dans une recension dont nous n ’avons
le témoignage qu’en latin. J ’y vois, très provisoirement, une confirmation
des hypothèses de travail que j ’ai été amené à formuler avec Colette Sirat
sur l’existence de deux autres recensions du Grand Commentaire au De
anima que celle qui fut le modèle du latin ; et plus durablement, une
raison, s’il en fallait, de poursuivre l’entreprise en compagnie de la
grande hébraïsante à qui je dédie ce témoignage de profonde affection et
d ’admiration.
R u th G la sn er

TEXTUAL CRITICISM IN HEBREW


SUPERCOMMENTARIES ON ARISTOTLE

Textual criticism became an established discipline in the Renais­


sance, and was one of the manifestations of the spirit of the period - the
strive to rediscover and revive the Greek and Latin cultures. Techniques
of comparison and collating of manuscripts and sometimes even of
emendation were practiced, however, since translations were made.
Origen, for example, as early as the third century compiled an edition of
the old testament - the Hexapla - that included the Hebrew text, a Greek
transcription and four Greek translations. Hunayn Ibn Ishãq in the ninth
century made some comments on his method of translation :

Meanwhile a number of Greek manuscripts had accumulated in my possession. I


collated these manuscripts and thereby produced a single correct copy. Next I
collated the Syriac text with it and corrected it. I am in the habit of doing this with
everything I translate1.

The Hebrew translator Shmuel Ibn Tibbon, in the beginning of the


thirteenth century, translates Aristotle’s Meteorology from the rather bad
Arabic translation of Ibn al-Bitrîq and tries to reconstruct Aristotle’s text
and to this end compared Bitrîq’s translation of Aristotle’s text with the
translation of Alexander of Aphrodisias’ commentary ascribed to Yahyä
Ibn 6Adi.2

Textual criticism was practiced not only by translators but also by


commentators. My subject is textual criticism in Hebrew supercom­
mentaries on Aristotle.

1 F. R osenthal , The Classical Heritage in Islam, London, Routledge, 1975,


p. 20. Corrections and revisions of translations were common among the Arabs.
2 R. F o ntaine , Otot ha-Shamayim : Samuel Ibn Tibbon ’s Hebrew Version o f
Aristotle’s Meteorology, Leiden, Brill, 1995, p. xxix-xli.
186 RUTH GLASNER

The original text, that the Renaissance Humanists strived to recover,


was, for the Muslim and Hebrew medieval commentators a virtual
concept. The texts on which the Hebrew commentators worked were
several steps removed from this original :

• the original Aristotelian corpus ;


• the edited Aristotelian corpus as it came down to us3 ;
• the Arabic translations of these books, sometimes through the
Syriac ;
• Ibn Rushd’s commentaries on the Arabic translations. It should
be noted that only in Ibn Rushd’s long commentaries Aristotle’s text
is clearly distinguishable from Ibn ELushd’s interpretation. In the
short and middle commentaries with which we shall deal here the
reader cannot know for sure what can be attributed to Aristotle ;
• the Hebrew translations of Ibn Rushd’s commentaries ;
• the supercommentaries on the Hebrew translations of Ibn
Rushd’s commentaries.

We’ll not be surprised to find out that the Hebrew commentators


encountered textual problems : errors and differences between versions.
The latter were due mainly to Ibn Rushd’s revisions of his commentaries.
I shall record the examples that I found while reading the supercommen­
taries of two Hebrew scholars who worked in Provence in the first half of
the fourteenth century : Yeda‘aya ha-Penini and Levi ben Gershom
(Gersonides)4.

Yeda‘aya ha-Penini

Yeda'aya ha-Penini, the son of R. Avraham Bedreshi, was a poet and


a scholar. Of his supercommentaries only that on Ibn Rushd’s epitome

3 H. B. G ottschalk , “The Earliest Aristotelian commentators”, in Aristotle


Transformed, ed. by R. S orabji, London, Duckworth, 1990, p. 55-81.
4 On the dating of Yeda‘aya ha-Penini see R. G lasner , A Fourteenth Century
Scientific Philosophic Controversy (Heb), Jerusalem, World Union of Jewish Studies,
1998, p.22-24.
TEXTUAL CRITICISM IN HEBREW SUPERCOMMENTARIES 187

(short commentary) on the Physics is extant5. It is rather long and has not
yet been studied6. My examples are taken from this commentary.
Like several other Hebrew commentators, ha-Penini includes edito­
rial comments that open with the words “Yeda‘aya said”7. In the extant
part of the commentary there are fifteen such comments, of which nine
are about textual problems. From these comments we learn that he con­
sulted several “books”, encountered different versions and made a great
effort to reconstruct the correct text. The expression “most of the books”
that he uses several times suggests that he consulted at least four or five
manuscripts.

On Physics III.5
Yeda‘aya said : and here are two possible versions (mxno:)....8 Therefore the true
version is...9

On Physics V.l
Yeda‘aya said : I came here across two versions (niNnOJ). The first is... In the
second two words are missing....10

On Physics V.2.
Yeda‘aya said : Know that in this place the language was confused in all the books
that came down to me, which I investigated11. And the sage, the copyist, also apolo­
gized for the confusion of the copying, as I found it emended (nata) in some of the
books. And the appropriate text12 which the good investigation yields, is appro­
priate, as I shall say13.

5 In this commentary ha-Penini mentions another commentary of his on De Gen.


et Corr. and announces his intention to write another commentary of De caelo.
6 There is one extant manuscript: Parma, Palatina, ms. Di Rossi 1339, Parma
number 2612. The beginning and end are missing.
7 Perhaps in order to distinguish their comments from Ibn Rushd’s who usually
opens with “I say” or “We say”.
8 Ha-Penini, op. cit.f. 34b9.
9 H a -P en ini , op. cit.f. 37a8.
10 Ha-Penini, op. cit.f. 91 a5, 9-10.
11 Dn^y vnpri i m i.

12 ]wb7] i » m w n.

13 H a -P en ini , op. cit.f. 100a9-14.


188 RUTH GLASNER

On Physics VI.4
Yeda‘aya said : Here I found that most of the books were corrupted and I aimed at
studying the best version of all and I found it, and it is... This is the version that
should be in the book and that we should comment on, following our manner14.
Yeda‘aya said : This I found in some of the books, and this is the version that you
would not find in the majority of the books, because I found this issue to vary
significantly among the books which I investigated15. And I shall mention the
differences between the versions (jrmnojn qibn) and explain it according to reason
and afterwards I shall choose among them that version that is more proper and more
suitable1617.
Yeda‘aya said : and I say that all this is a corruption (traw) in the books and the
version that is more correct than all the others - i.e. that is dictated by reason and
by the continuity o f the matter here with what comes after17 - I shall quote it [as]
nothing besides it is possible. And this is... and this follows the first version18.
...The quick student, when he finds something like that in the difficult issues19 in
[this] discipline, namely differences among versions and corruption in the texts,
should attempt to emend them as far as he can, by selecting the more proper [ text].
Yet, he should not decide about it relying on his own opinion only, unless he finds
it himself, using [his own] good sense, reasoning and inquiry. These can replace of
good teacher20. Because the error that can occur in such major issues, as Aristotle
mentioned in a different context, is an error that has caused a lot of harm21.

On Physics VII. 1.
Yedacaya said : And here I found different versions, and I shall mention to you the
more correct one and its explanation22.

On Physics VIL3
Yeda‘aya said : And here I found a confused version, the contents being obscure,
the image being hidden ( T m mnoj, nbnbinft KnM, m n n n ato ), and it is a great
misfortune that this is so in all the books that we have and that we saw or heard
about. It is that instead of mixm “iKinn or “iNinrn miiïnn that we mentioned... you’ll
find in all the books m isi ûsnn23. And how much disorientation and confusion were
caused by these two words. And we have already investigated them and their

14 H a -P enini , op. c i t i 141a24-25, 142a22-23.


15 nrrby ■»mpn.
16 H a -P enini , op. cit.f. 156al 1-16. Ha-Penini indeed follows this method.
17 I correct here HT TOttf lam to nr in w nam.
18 H a -P enini , op. cit.I 156b 16-23.
19 tppmwn c m sn .
20 The syntax is awkward.
21 H a -P enini , op. c i t i 157al5-22.
22 H a -P enini , op. cit. 1 174a2-3.
23 Or, perhaps, m isi cyan.
TEXTUAL CRITICISM IN HEBREW SUPERCOMMENTARIES 189

meaning has by no means become clear, but there is no doubt about their intention.
And the correct translation according to the continuity of the matters and their
correctness, is nothing but what we mentioned. Perhaps [1] the Arabic book
suggested them [the incorrect words] to the translator because of the difficulty24 or
the unfamiliarity of the Arabic words, or [2] because of the discrepancy between
them [the incorrect words] and the Arabic words, or, perhaps, [3] the error occurred
to the copyists after the first translator and this went on in all [subsequent
manuscripts]25.

On Physics VIII. 1
Yeda‘aya said : And here I found a folio (TP^) and had doubts whether it belongs to
the book or not. Anyway, I found it highly essential to what he meant to demon­
strate about the issue at stake. Therefore it seems probable to me that the author
added it himself, according to the custom of those people among the authors when
they encounter any divine new idea that they must take up. And I became more and
more convinced by it so that I included its interpretation together with the
interpretation of the book, and I combined the part of the book that preceded the
folio with the folio, since I saw that what is said in the folio is appropriate and in
order. And I found the words that come in the book after the folio - that were
originally in its place - confused, not in order and more brief than they should be.
So I abandoned them for this reason and focused on the understanding of the
folio26.

Let me summarize ha-Penini’s method. He strongly emphasizes the


importance of establishing a correct text. To this end he compares the
versions and lists the differences between them. The criterion for selec­
ting the correct reading is the intelligibility and the continuity of the argu­
ment (VI.4 and VII.3). Relying on this criterion he also decides to include
an attached text without knowing for certain that it is a part of Ibn
Rushd’s commentary (VIII. 1) or to emend the text relying on his under­
standing, when no good text is available (VII.3). As a rule he allows
emendation of the text with the help of a teacher, or on the basis of a
thorough investigation (VI.4).

24

25
H a -P enini , op. cit.f. 188a2-15.
26
H a -P enini , op. cit.f. 198al3-25.
190 RUTH GLASNER

Gersonides (Levi ben Gershom)

Gersonides was a scientist, a philosopher and a Biblical exegete. He


was the most systematic commentator among medieval Jews and wrote
an almost complete set of supercommentaries on Aristotle. In these
commentaries we find quite a few examples of textual criticism.
I shall first list the standard remarks and then dwell a little more on
the more interesting ones.

[Isagoge]
It seems that this is an error in the books... What seems to us is that this is an error
in the books, and what Porphyrius intended is...27
[Categories]
The example... confirms that this was Aristotle’s intention. It is possible that the
copyists and the commentators missed his intention. No matter what happened, it is
obvious that what is written in the books is wrong28.
[Posterior Analytics]
Perhaps an error occurred in the copying... And I think that there is an error in the
book29.
[Topics]
Levi said : I think that his saying “and the plant” here is a copyist error...30 Levi
said : I think that this is an error and the correct words should be...31 Levi said : I
think that offering this analogy [to the void] here is a copyist error, because the
analogy is to the place.32 It seems to us that this is an error in the books, and Ibn
Rushd’s words should be :...33

27 G ersonides , Commentary on the Middle Commentary on the Isagoge, London


BL ms. 882/1, ff. 16al3, 18a4.
28 G ersonides , Commentary on the Middle Commentary on the Categories
London BL ms. 882/2 20a21-3.
29 G ersonides , Commentary on the Middle Commentary on Posterior Analytics,
Paris BnF ms. héb. 958, ff. 137al2, 145b.
30 G ersonides , Commentary on the Middle Commentary on the Topics, Munich
ms. 26/4 (incomplete manuscript) f. 328b24.
31 G ersonides , Topics, op. cit.f. 329a3-5
32 G ersonides , Topics, op. cit.f. 343b. There are probably many such remarks in the
commentary on the Topics. I read only the beginning, as far as Munich manuscript goes.
33 G ersonides , Commentary on the Epitome o f De caelo, Berlin ms. 110/2
(ms. Or. fol. 1055), f. 172al0-ll.
TEXTUAL CRITICISM IN HEBREW SUPERCOMMENTARIES 191

[De animalibus]
This was found in some of the books... And in some of the books we found...34. And
we found in some of the versions... And the explanation according to this version
agrees also with the version that we mentioned35.
Levi said : this is how it is in the books and it is, in my opinion, an error...36. Levi
said : this formulation is confused due to an error in the book or in the copying.
What seems to me to be the meaning here is...37. Levi said : it is a confusion here
and it is, in my opinion, due to an error in the book, and the correct formulation
here is...3839.Levi said : here there is a confusion and the correct formulation, in my
39
opinion, is... .
[De anima]
We found his text here very confused40. We found in the version that came down to
us...41. Levi said : this text is confused, and in some of the books I found...42. This
must be a copyist’s error43.

In the commentaries on the middle commentaries on the Prior and


the Posterior Analytics Gersonides consulted besides the Hebrew trans­
lation by Ya‘aqob Anatoli also the Arabic text of Ibn Rushd and
comments on the differences between the Hebrew and the Arabic texts44.
In the Prior Analytics he points out three times to a different version that
he found in the “Arabic book”. In all three cases the Hebrew translation
by Ya‘aqob Anatoli45, is indeed different from the parallel text that I

34 G er so nides , Commentary on the Middle Commentary on De animalibus, Paris,


BnFms. héb. 966, f. 37a8, 14.
35 G erso nides , De animalibus, op. c/f.41al3-14. The fact that in the last sentence
Gersonides mentions also the Arabic name for the “Hindi donkey”, which is not men­
tioned in Ben Makhir’s translation suggests that he might, perhaps, have used an Arabic
manuscript besides the Hebrew, but this is only a conjecture.
36 G erso nides , De animalibus, op. cit.i. 45al6.
37 G ersonides , De animalibus, op. cit.ï. 85a21-22.
38 G erso nides , De animalibus, op. cit.ï. 125a9-10.
39 G erso nides , De animalibus, op. cit.ï. 126a5-6.
40 The Commentary o f Levi ben Gershom on Averroes ’ Epitome o f Aristotle ’s De
anima, An unpublished critical edition by J. S. M a sh b aum , 1984, p. 107.9-10.
41 G erso nides , De anima, op. city. 114.6.
42 G erso nides , De anima, op. city. 116.5-6.
43 G erso nides , De anima, op. city. 294.3.
44 See C. T ouati , La pensée philosophique et théologique de Gersonide, Paris, les
Éditions de Minuit, 1973, p. 39 n. 46 ; R. G lasner , “On Gersonides’ Knowledge of
Languages”, in Aleph, 2 (2002), 235-257.
45 I consulted Moscow Ginzburg ms. 1172. The relevant passages appear in ff. 30a,
39b and 47b.
192 RUTH GLASNER

found in the Arabic critical edition46. Gersonides translates the Arabic


version word for word47. In the Posterior Analytics he discusses two ver­
sions of Averroes’ commentary48. He first explains the first version which
appears in the Hebrew translation49, and then, in greater detail, the
second, in his opinion better version, that he found in the Arabic book50.

In the commentary on the epitome of the Physics Gersonides


discovers that Ibn Rushd had revised this epitome. Commenting on
Physics VI.4 (the chapter that much troubled ha-Penini too) he writes :

It seems to us that this statement of Ibn Rushd [in the epitome] is an emendation
(nran) which he made after he wrote this epitome, and it is a second viewr of Ibn
Rushd. And this second view he presents in his middle commentary on this book51.
And in his middle commentary on the Physics Ibn Rushd did not follow Ibn
Bagga’s view, as we mentioned, and not in his previous statement in this book,
which is in our opinion an emendation (nrun)52.

Gersonides assumes here that the epitome was written before the
middle commentary and suggests that it was revised after the writing of
the middle commentary. This remark is definitely right53.

46 A verroes , Middle Commentary on Aristotle ’s Prior Analytics (TalhTs kitab al-


Qiyãs) critical edition by M. M. K a ssem , completed, revised and annotated by
C. B utterworth and A. A. H aridi (Cairo, 1983), #11 p. 68.10-13, #101 p. 132.8-133.1,
#150 p. 193.1-3.
47 G ersonides , Commentary on the Middle Commentary on Prior Analytics, Paris
BnF ms. héb 958 ff. 154a27-b4, 178b9-12, 196al-3. The second and third quotation
follows word by word the Arabic text, in the first the word “in actuality” in Kassem’s
edition p. 68.10 is missing in Gersonides’ quotation.
48 G ersonides , Prior Analytics, op. cit. f. 132al2-15.
49 G ersonides , Prior Analytics, op. cit. ff. 132al 5-133al 2. Corresponding to Ibn
Rushd’s Middle Commentary on Posterior Analytics, Paris BnF ms. 932/1, ff. 31b31-
32al5.
50 G ersonides , Prior Analytics, op. cit. f. 133al5-135a8.
51 Gersonides, Commentary on the Epitome o f the Physics, Berlin ms. 3 lb.a. 10-
13. Vatican ms. 61 al 1-14. The last sentence is missing in Berlin manuscript.
52 G ersonides , Physics, op. cit. Berlin ms. 31b.b.24-27, Vatican ms. 61b20-23.
The word hagaha can mean revision. Ibn Rushd presents the epilogue to book A of his
long commentary on the Metaphysics as hagaha.
53 See GLASNER, Ibn Rushd’s Three Commentaries on Aristotle’s Physics,
forthcoming.
TEXTUAL CRITICISM IN HEBREW SUPERCOMMENTARIES 193

In his commentary on the middle commentary on the Physics


Gersonides identifies a quotation of Alexander by Ibn Rushd as second
hand : “But Alexander replied, according to what Themistius understood
from him...54”. Several times he comments on the difficulty of
distinguishing between the words of Aristotle and of Ibn Rushd. He
knows that he learns Aristotle “following what Ibn Rushd has selected of
Aristotle’s words55”. In his commentary on Prior Analytics he thinks “that
Ibn Rushd has not commented on this book (in this commentary that has
reached us) but on a few things here and there56. In the commentary on
Porphyrius’ Isagoge he observes “What seems to me is that this
exemplum was not made by Porphyrius [but] in what Ibn Rushd says57”.
In the colophon of his commentary on the Sopistical Refutations he
complains on the text and on Ibn Rushd. The only manuscript that
includes this passage is hard to read:

In this book many errors and confusions occur, in addition to the paucity of Ibn
Rushd’s explanation. Most of it, according to what I think, is in the words of Aris­
totle himself. Therefore [...] and also the [...] in language in many places of this
book to the language that we thought appropriate to Aristotle’s intention. And it is
possible that in many [ ?] this book what Aristotle intended in them is different
from what we thought. And he who saw the confusions and errors and the [...] that
occur in this book that has reached us from Ibn Rushd and the obscurity of its
language will judge us favourably if he finds something different from what
Aristotle intended in this book58.

We see that ha-Penini consulted several books when he wrote his


commentary on the Physics, and that Gersonides consulted several
manuscripts when he wrote his commentary on logic and on De anima­
libus, and perhaps also on De anima. Gersonides collected a nice private

54 G ersonides , Commentary on the Middle Commentary o f the Physics, Paris, BnF


ms. héb. 964/1 f. 112al4-15. Ibn Rushd quotes Alexander second hand: “Indeed
Alexander replied according to what they mentioned (TOTIP rro)...”. Ibn Rushd does not
specify his source, but Gersonides identifies it.
55 G ersonides , Categories, op. citi. 35b22-23.
56 G ersonides , Posterior Analytics, op. cit. f. 69a2-8.
57 G ersonides , Isagoge, op. cit. 16a 20-21.
58 G ersonides , Commentary on the Middle Commentary on the Sophistical
Refutations, last folio of Oxford, Bodl. ms. Heb. 1363 .
194 RUTH GLASNER

library. The catalog of this library had, rather miraculously, survived59,


and we learn from it that he had several copies of the logical commen­
taries of Ibn Rushd60 and two of De animalibus61. From the catalog we
learn also that borrowing books was commonplace in Gersonides’
community62.
Ha-Penini was apparently very conscientious about establishing a
good text. Gersonides was interested not only in the contents of the text
but also in its history.

59 G. E. W eil , La bibliothèque de Gersonide d'après son catalogue autographe.


Louvain, Peters, 1991.
60 Items 23, 24, 30, 31, 32, 59.
61 Items 27, 57. In the catalog are listed one copy of the epitome on De anima and
one of the middle commentary.
62 More than twenty books in the catalog were “checked out”. Most of them by his
brother, but two other names are also mentioned.
Jacqueline H amesse

UN EXEMPLE DE REECRITURE DES TEXTES :


LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES
MEDIEVAUX

L’époque médiévale fut par excellence une période de réécriture des


textes. La simple copie manuelle d’une œuvre, la mise au point d’un ouvrage
à diffuser, le besoin d’abréger et de compiler des documents pour les rendre
accessibles à un plus large public impliquent un travail de réécriture ou de
réélaboration des textes à différents niveaux.
La transmission des textes se faisait manuellement et comportait
inévitablement des erreurs de compréhension ou de lecture ainsi que des
modifications introduites sciemment, dans certains cas, par le copiste1. Ce
dernier, aussi habile fut-il, n’arrivait jamais au terme de son travail sans avoir
apporté même involontairement une touche personnelle à sa copie.
Que dire alors de l’effort rédactionnel d’un auteur qui, désireux de
rédiger le “meilleur” texte possible, reprenait son œuvre à plusieurs reprises
pour en améliorer la structure ou le style ?
La réécriture touchait tous les genres littéraires, mais à des degrés divers.
Les techniques variaient d’ailleurs de l’un à l’autre. Un ouvrage récent consa­
cré à ce sujet pour les textes hagiographiques a très bien mis ce problème en
évidence et a décrit les caractéristiques des diverses réécritures dont ces textes
furent l’objet2. Pour bien comprendre ce phénomène, il convient de distinguer
les différentes nuances et les sens que le terme français de réécriture peut
recouvrir. En effet, cette expression vise normalement les modifications
stylistiques ou les compléments apportés par l’auteur lui-même à son texte en
vue d’une amélioration, mais ce mot peut aussi être utilisé dans de nombreux
cas pour signifier soit un remaniement, soit un remploi. Ces deux derniers
vocables ne visent plus nécessairement le travail d’un auteur, mais peuvent

1 La mauvaise qualité du texte à recopier pouvait aussi être à la base d’une réécriture,
comme en témoignent certains copistes. Ainsi Amplonius Ratinck note-t-il dans le colophon
d’un manuscrit conservé à Erfurt, Wissenschaftliche Bibliothek der Stadt , Amplon. (4° 299) :
« Expliciunt questiones bone a reverendo magistro Buridano Parisius pertractate, ab Arnplonio
Ratinck in Galia super “secretum mulierum” notate difficulter, quoniam exemplar studencium
erat incorrectum ».
2 M. GOULLET, Ecriture et réécriture hagiographiques. Essai sur les réécritures de
Vies de saints dans VOccident latin médiéval (VIIIe-XIIIe s.), Tumhout 2005 (Hagiologia, 4).
196 JACQUELINE HAMESSE

sous-entendre une intervention d’autrui : remaniement fait allusion à des


modifications ou des changements qui vont au-delà d’une simple réécriture
du texte par son auteur et qui peuvent être le fait d’une autre personne (un
utilisateur, par exemple), tandis que remploi désigne la récupération
d’éléments plus anciens destinés à servir de base à une nouvelle composition
littéraire ou bien à y être insérés. On constate que dans les publications
récentes ces trois vocables ont tendance à être confondus et à être employés
comme synonymes.
Au delà de ces variantes de sens, comme tous les textes étaient recopiés à
la main et circulaient dans des milieux très divers, iis ont aussi subi au cours
de leur transmission des modifications parfois bien plus importantes que
celles dues aux efforts de l’auteur pour remanier sa copie avant la diffusion.
Nous avons affaire ici à une tradition vivante dont les manuscrits qui
subsistent encore nous ont conservé la trace. Il est intéressant de suivre ainsi
l’évolution d’un texte soumis à des lecteurs ou utilisateurs, bien au-delà des
corrections apportées par l’auteur.
D’autre part, le caractère oral de nombreux exercices universitaires
aboutissait inévitablement à la prise de notes par des auditeurs. Ces notes
pouvaient ensuite servir de base à une rédaction ultérieure, ce qui produisait
nécessairement divers stades de réécriture tant de la part de l’auteur que de
ses auditeurs.
Et enfin, le besoin de rendre de nombreux textes autoritatifs accessibles à
un large public, impliquait des réécritures successives de la part de
compilateurs plus ou moins compétents. Ces instruments de travail philoso­
phiques connurent un succès sans précédent à l’époque scolastique et même
au-delà, jusqu’à la fin du 17e siècle. Il a donc semblé utile de consacrer un
exposé à cette catégorie d’ouvrages de seconde main.

La réécriture dans les instruments de travail philosophiques

Il existait différentes manières de réécrire les textes dans le cadre de ce


“genre littéraire”, en les abrégeant ou en compilant un certain nombre de
passages représentatifs d’une œuvre. Dans ce cas, la réécriture n’était plus le
fait de l’auteur, mais bien d’un compilateur3. Les médiévaux avaient
conscience de la différence qui existait dans ce domaine et certains
éprouveront le besoin de définir les termes et de distinguer soigneusement le

3 A ce sujet, il faut lire notamment l’article éclairant de M. B. Parkes , The Influence of


“O rdinatio” and “Com pilatio” on the Development o f the Book , in M edieval Learning and
Literature. Essays presented to R. W. H unt edited by J. J. G. A lexander and M. T. Gibson ,
Oxford 1976, p. 115-141.
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 197

travail de l’auteur de celui du compilateur4. Cette méthode s’appliquait


surtout aux ouvrages des auteurs anciens faisant autorité et qu’il était de bon
ton de citer dans la plupart des textes nouvellement rédigés. Le recours aux
auctoritates, en vigueur depuis le haut moyen âge, faisait partie intégrante de
la méthode scolastique. D’autre part, l’abondance de productions littéraires ne
pouvait être dominée par les intellectuels de l’époque. Aussi, les compilateurs
se multiplièrent-ils pour organiser ce matériel et le rendre plus accessible,
notamment aux universitaires5. Comme l’écrit P. Michaud-Quantin :

Le procédé de composition littéraire qui consiste à reproduire aussi fidèlement que


possible l’opinion d’autrui avait plein droit de cité dans le monde intellectuel du XIIe et
du XIIIe siècle, celui qui s’y consacrait était désigné du nom de compilator, par
opposition à Y auctor dont l’œuvre était le fruit de ses propres spéculations, mais nulle
valeur péjorative ne s’attachait au premier de ces deux termes. Le travail ainsi accompli
se justifiait par l’importance primordiale accordée à la transmission et à la reproduction
des auctoritates dans la pensée de l’époque ; sur le plan matériel aussi les limites assez
étroites de la diffusion des grands ouvrages, et donc les difficultés d’y avoir accès,
accroissaient l’intérêt d’une bonne compilation6.

Les exemples présentés ici concernent essentiellement les instruments du


travail philosophique et la mise à disposition de textes d’auteurs antérieurs,
peu accessibles dans leur entièreté, grâce à des méthodes de résumé,
d’abréviation ou d’extraction de morceaux choisis. La composition de compi­
lations disponibles pour tous répondait à un besoin impérieux pendant
l’époque scolastique. Cette littérature de seconde main (qui est par définition
une réécriture) connut un énorme succès : des exemplaires nombreux et
divers de ces anthologies sont encore actuellement conservés dans nos
bibliothèques, signe évident de la diffusion et de l’utilisation dont ils furent
l’objet.

4 Le passage de saint Bonaventure extrait de In primum librum sententiarum, quaest.IV


(iOpera omnia, I, 14, col.2), Quaracchi, 1882, est trop connu pour être cité à nouveau. En ce qui
concerne le décret de Gratien, le futur Pape Alexandre III, fait le commentaire suivant : “Hoc
opus a compilatore nomen accepit, non quod ipse decretorum auctor exstiterit, sed de diversis
partibus ea in unum colligerit” (Roland Bandinelli, Stroma, éd. Thaner, préf. 4), cité par P.
Michaud-Quantin, Jean de la Rochelle. Tractatus de divisione multiplici potentiarum
animae, Paris 1964, p. 13 (Textes philosophiques du moyen âge, XI).
5 Cf. le dominicain Romanus de Ursinis de Roma, contemporain de saint Bonaventure,
qui distingue lui aussi l’auteur du compilateur dans son Commentaire au livre I des Sentences :
“(...) tamen ipse magister potest non solum dici doctor, sed est compilator, quia aliorum dicta
breviter colligit. Et forte quoad aliquid auctor, quia aliquid adinvenit saltem quoad modum
ordinandi”. (Cité par J. Beumer , Romanus de Roma O. P., und seine theologische
Einleitungslehre, dans Recherches de théologie ancienne et médiévale, 25 (1958), p. 351).
6 JEANde la ROCHELLE, Tractatus de divisione multiplici potentiarum animae, p. 13.
198 JACQUELINE HAMESSE

Ces recueils constituaient à la fois des réservoirs documentaires dans


lesquels les intellectuels puisaient les arguments et les passages qui pouvaient
leur être utiles pour fonder leurs propres théories ou leur donner plus de
poids, mais ils devinrent aussi des manuels contenant les rudiments indis­
pensables pour s’initier à la philosophie. C’est ainsi qu’ils connurent un
succès grandissant dans le cadre de l’enseignement.
Dans un premier temps, la plupart d’entre eux concernent surtout la
philosophie aristotélicienne et les auteurs classiques considérés comme
“philosophiques” avant l’introduction de l’aristotélisme dans le monde latin.
Mais au fil du temps et du développement de la méthode scolastique, on verra
apparaître aussi des instruments de travail constitués pour des textes
contemporains, afin de les diffuser plus largement et de les rendre facilement
consultables. Les textes étaient toujours aussi rares et les manuscrits aussi
chers, ce qui explique que la méthode de compilation ait aussi été appliquée
progressivement aux œuvres des grands penseurs, permettant aux intellectuels
de se tenir informés des dernières doctrines philosophiques à la mode.
Dès le 14e siècle, la manière d’enseigner va en plus donner naissance à de
très nombreux abrégés, surtout dans les universités de création plus récente.
Comme l’écrit C. Michalski :

La méthode suivie dans les cours au moyen âge explique également les abbreviationes,
autrement dit les différents traités philosophiques ou théologiques abrégés. Les
abbreviationes s’étendaient à toutes les branches de la production philosophique de
l’époque. On abrégeait aussi bien les manuels déjà courts sans cela, que les volumineux
commentaires : les auteurs eux-mêmes ainsi que d’autres “magistri” se chargeaient
d’écourter les écrits, tout cela pour pouvoir offrir sous la forme la plus concise les
notions philosophiques fondamentales aux étudiants qui commençaient leurs études7.

Dans le monde latin, Aristote et ses commentateurs anciens furent


d’abord accessibles uniquement par le biais de traductions latines faites sur le
grec ou sur l’arabe, ce qui constituait déjà une première réécriture du texte
original qui n’allait d’ailleurs pas toujours sans poser de problème de
compréhension, comme en témoignent certaines informations contenues dans
les colophons8. Les textes passaient donc par un premier philtre, celui des

7 C. MICHALSKI, Les courants critiques et sceptiques dans la philosophie du XIVe


siècle. Extrait du Bulletin de l’Académie Polonaise des Sciences et des Lettres. Classe d’his­
toire et de philosophie - année 1925, p. 12.
8 Erfurt, Wissenschaftliche Bibliothek der Stadt, Amplon. Cms 2° 34, f. 3vb : “In
exemplari Greco in precedenti capitulo de motu stabant quedam pertinenda ad ultimum
capitulum habere, que non erant signata, ubi deberent intrare, et non erant continua et plena
erant spaciis non scriptis et corrupta erant et propterea non transtuli. Erant autem quasi ad
quantitatem medie columpne huius. Sciat eciam, qui hoc opus inspexerit, exemplar Grecum
valde fuisse corruptum et in multis locis nullum sensum potui ex littera extrahere. Feci tamen,
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 199

traducteurs, avant d’être mis à la disposition des utilisateurs. D’autre part, les
manuscrits complets des ouvrages traduits étaient rares et chers et donc peu
accessibles aux intellectuels. Ce phénomène explique au moins partiellement
la création de nombreux instruments de travail destinés non seulement à
fournir aux utilisateurs potentiels l’“essentiel” de la doctrine du Stagirite en
un petit volume plus abordable, mais aussi à retrouver rapidement des
passages pouvant être utiles. Florilèges, abrégés, compilations et tables virent
donc le jour en grand nombre et se répandirent dans tous les milieux. On a
affaire ici à une réécriture qui est en fait suivant les cas, soit un remaniement,
soit un remploi. En effet, le compilateur pouvait recomposer lui-même sa
compilation en organisant le matériel collecté de diverses manières, ou bien
se servir de florilèges antérieurs et intégrer dans son travail des passages qui y
figuraient déjà.
En outre, comme les doctrines exposées présentaient beaucoup de
passages obscurs et contenaient de nombreuses difficultés de compréhension,
les compilateurs essayèrent parfois, dans la mesure du possible, d’expliquer
ces passages difficiles, soit en les paraphrasant, soit en les commentant, soit
en ajoutant des notes explicatives ou des synonymes à côté de concepts
abstraits, soit en les accompagnant de notes explicatives, modifiant ainsi le
texte à l’aide d’éléments qui ne figuraient pas dans l’original. Il s’agit d’un
troisième cas de réécriture.
Enfin, puisque les théologiens avaient réagi violemment contre des
théories philosophiques qu’ils jugeaient dangereuses, voire hérétiques ou en
contradiction avec la doctrine officielle de l’Eglise, des passages furent
“censurés”, “expurgés” ou tout simplement passés sous silence afin de ne pas
mettre entre toutes les mains des extraits risquant de corrompre le raison­
nement de certains utilisateurs ou susceptibles de provoquer des interpré­
tations erronées. On a affaire ici à un dernier cas de réécriture qui s’apparente
au remaniement.
Ces divers exemples montrent que les instruments du travail philo­
sophique, largement diffusés et utilisés pendant l’époque médiévale, consti­
tuent par excellence de bons témoins pour illustrer le thème de ce volume. En
les consultant, il faut toujours se poser préalablement la question de savoir
quelles furent les motivations de la réécriture, prise dans son sens large. Les
compilateurs nous ont parfois laissé des textes expliquant le but de leur
travail. Ces passages d’époque permettent de mieux saisir la méthode utilisée

quod potui. Melius enim erat sic corruptum habere quam nihil...” (cité par M. Markowski,
Repertorium commentariorum medii aevi in Aristotelem latinorum quae in Bibliotheca
Amploniana Erfordiae asservantur. Gdansk-Lodz 1987 (= Polska Akademia Nauk Instytut
Filozofii i Socjologii), p. 18.
200 JACQUELINE HAMESSE

et les buts poursuivis. Il est intéressant de faire remarquer que les intellectuels
qui composèrent ces instruments de travail ne se définissaient d’ailleurs pas
comme des auteurs, mais bien comme des compilateurs. Les médiévaux
avaient donc conscience des différences qui existaient entre les différents
modes d’écriture et certains nous ont laissé des témoignages à ce sujet.

Les motivations de la réécriture

Comme les manuscrits des opera omnia étaient peu nombreux, l’accès
aux livres s’avérait difficile et parfois impossible. D’autre part, le support de
l’écriture, à savoir le parchemin et même le papier dans un premier temps,
coûtait très cher. De plus, le travail de copie effectué par un spécialiste restait
inaccessible financièrement à de nombreux intellectuels pauvres. On com­
prend donc mieux pourquoi cette époque fut marquée par la création de
multiples instruments de travail, que ce soit dans un but pédagogique ou
documentaire, pour permettre l’accès aux textes des auteurs antiques et des
contemporains illustres ou pour permettre aux lecteurs d’acquérir les
rudiments indispensables de la philosophie
Pour cette raison, certaines personnes se consacrèrent à la réécriture des
textes en les abrégeant, en les compilant ou en les réduisant à une série de
citations plus ou moins longues destinées à donner l’essentiel du texte d’un
auteur en un court volume pratique, plus accessible et surtout moins onéreux.
En général, ce travail se faisait dans l’anonymat le plus complet, mais dans
certains cas, les compilateurs ont laissé des traces indirectes de leurs moti­
vations et de leurs méthodes dans des manuscrits qui ont subsisté. Les prolo­
gues ou les colophons, lorsqu’ils existent, peuvent nous donner des informa­
tions très précieuses à ce sujet, de même que certaines notes marginales. Et
comment mieux comprendre et exposer les causes de la réécriture qu’en
reprenant ces témoignages d’époque qui nous sont parvenus ?
Les motivations sont multiples, d’ordre pratique ou intellectuel. Certains
arguments reviennent régulièrement sous la plume de tous les compilateurs :
utilité, facilité de compréhension, accessibilité, repérage facile et rapide des
textes etc. Quelques extraits de prologues conservés permettront d’illustrer les
causes de la réécriture et de mieux comprendre la méthode et les buts
poursuivis.
Un maître, Magister Robertus Anglicus, commentant les Introductiones
de Pierre d’Espagne, justifie de la manière suivante le besoin d’introductions
et de résumés :
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 201

Verum quia in libris Aristotelis est dyalectica tradita difficiliter, ideo racione
intelligence amplioris studuerunt diversi auctores temporis retromissis (sic) quosdam
libros seu tractatus introductores in arte huiusm odi com pilare, quibus cognitis
sciencia Aristotelis limpidius elucescat9.

Le frère dominicain Erkenfridus compose un compendium à l’usage de


ses confrères entre 1250 et 1263, alors qu’il est lecteur à Erfurt, expliquant sa
méthode dans le prologue :

(...) cum magna diligencia de pelago scripturarum per doctores divine legis necnon per
philosophos editarum quedam collegi ad honorem dei et utilitatem tuam aliorum que
pauperum , qui propter librorum penuriam ac tedium evolvendi volum ina involuta
tali compendio hactenus caruistis, ut habes summatim ad enodandum aliqua difficilia
et rara que alibi diffusius continentur (.. .)10.

Ce compilateur travaille donc tant pour les théologiens que pour les philo­
sophes, en cherchant à leur procurer un condensé utile de l’œuvre à faire
connaître.
Un autre exemple provient d’un manuscrit de la Summa moralis Petri
Storch Pragensis qui explique sa méthode de travail :

Continetur hic Summa moralis Magistri Petri Storch Pragensis professoris sacre
théologie, que colligit flores et auctoritates ex libris moralibus philosophie Aristotelis
scilicet ex libris ethicorum, politicorum, rethoricorum, yconomicorum, topicorum. Qui
liber topicorum quoad aliquid deservit morali philosophie. Similiter <colligit> ex Boetio
de philosophia consolatione. Isti flores auctoritatum reducti sunt in hac studiosissime
ad ordinem alphabeti ita quod volens aliquam sententiam Philosophi vel Boetii de
aliquo termino sive vocabulo pro sermone vel collatione conficienda vel ad probandum
aliquid vel diffiniendum etc. poterit faciliter in hac summa id quod desiderat invenire
secundum ipsum ordinem alphabeti, in quo et frequenter ipsa auctoritas quesita
exponitur et probatur. Et ad eundem terminum sive ad eandem sententiam vel etiam ad
aliam plures auctoritates in eodem termino vel sub eodem adducuntur11.

Et enfin, Johannes de Fonte, le compilateur des Auctoritates Aristotelis,


le florilège aristotélicien le plus diffusé et utilisé pendant l’époque médiévale,
introduit son prologue de la manière suivante : « Incipit prologus compendii
auctoritatum Philosophi et quorundam aliorum pro usu introductionis
thematum ipsorum praedicatorum ad populum simul ac in artibus studere
volentium12».

9 Città del Vaticano, Vat. lat. 3049, f. 2rb.


10 Città del Vaticano, Barb. lat. 692, f. Iva.
11 Berlin, Staatsbibl. lat.fol. 695, f. lv.
12 Cf. J. Hamesse, Les Auctoritates Aristotelis. Un florilège médiéval : Etude historique
et édition critique, Louvain-Paris 1974, p. 111 (Philosophes médiévaux, 17).
202 JACQUELINE HAMESSE

Les exemples qui viennent d’être cités illustrent bien certaines moti­
vations des compilateurs et justifient non seulement leur réécriture des textes
philosophiques, essentiellement aristotéliciens, mais aussi dans certains cas le
remploi provenant de textes de Boèce par exemple. Le besoin de rendre
service en rassemblant l’essentiel des doctrines, l’impossibilité pour les
intellectuels pauvres d’acquérir les œuvres qu’ils souhaitaient lire ou étudier,
l’abondance de la littérature philosophique qu’une seule personne ne pouvait
plus dominer et la nécessité de faciliter l’accès à l’essentiel soit en résumant,
soit en expliquant les passages obscurs constituaient autant d’impératifs
obligeant les compilateurs à réduire la matière au maximum et à l’organiser
de telle manière que chacun puisse la comprendre, la consulter facilement et
retrouver immédiatement les passages utiles grâce à l’ordre alphabétique ou à
la constitution d’index conceptuels.
D’autre part, dans le cas de Johannes de Fonte, on se trouve confronté à
l’enseignement de la philosophie dans les studia des ordres religieux13.
L’allusion aux prédicateurs et aux étudiants qui souhaitaient s’initier aux Arts
et donc assimiler les rudiments de la philosophie aristotélicienne illustre ce
fait. Les deux buts ne vont pas nécessairement de pair et le compilateur devait
dès lors réécrire des passages qui soient multi-fonctionnels et qui puissent
convenir tout autant à ceux qui préparaient des sermons destinés au peuple
qu’aux débutants soucieux d’acquérir les bases de la philosophie. Ceci expli­
que la généralité et la brièveté des passages retenus ainsi que la pauvreté
doctrinale de la plupart des extraits. Les citations devaient être polyvalentes et
adaptables à des contextes très divers et le compilateur était dans l’obligation
de s’adapter au niveau culturel élémentaire accessible aux utilisateurs.
Nous savons que dans les studia des ordres mendiants, tous les frères ne
recevaient pas une formation de base dans les disciplines enseignées à la
Faculté des Arts. Ceux qui souhaitaient poursuivre des études en théologie
avaient besoin d’une initiation à la philosophie et ce florilège était destiné à
leur donner les éléments indispensables à connaître pour pouvoir suivre
d’autres cours plus spécialisés. En outre, afin de ne pas les mettre en contact
avec des passages qui pouvaient entrer en contradiction avec la doctrine de
l’Eglise, le compilateur était obligé de réduire les notions de base à des
généralités.
Dans ces conditions, la censure des textes s’avérait facile et ces manuels
pouvaient être mis sans danger entre toutes les mains. Mais que restait-il
finalement, après une réduction complète de l’œuvre d’Aristote en une série

13 Cf. J. HAMESSE, Johannes de Fonte, compilateur des “Parvi flores Le témoignage


de plusieurs manuscrits de la Bibliothèque Vaticane, in Archivum Franciscanum Historicum,
88 (1995), p. 515-531.
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 203

de phrases courtes formant un petit volume, de l’originalité de ses théories


philosophiques ? Comment pouvait-on s’initier à sa pensée à travers ces
citations très générales qui ne rendaient absolument pas compte du contenu
des œuvres, de la richesse de la pensée et du sens profond de la doctrine
exposée ? Pour arriver à son but, le compilateur a dû réduire l’ensemble, en
ne retenant que de courtes phrases qui relèvent souvent plus de la sagesse
populaire que de la philosophie aristotélicienne. Tous les mots superflus
devaient être écartés pour rendre le passage le plus général possible. Il n’est
d’ailleurs pas étonnant de retrouver certaines de ces sentences dans les adages
d’Erasme et, ensuite, jusque dans les pages roses du Larousse.
Outre un condensé extrême de la matière, le recueil livre aussi un certain
nombre d’erreurs qu’on peut qualifier d’accidentelles et qui sont dues à des
problèmes de transmission du texte. En voici une amusante : on lit la phrase
suivante parmi les citations dont la source serait, d’après le compilateur, le De
generatione animalium : “Genus multorum semper est scibile”14. Or, on a
beau consulter tout ce passage dans la version latine du traité, rien ne fait
penser à cette citation qu’on croirait plutôt extraite d’une œuvre logique. On
peut lire à cet endroit, dans la traduction latine de Guillaume de Moerbeke :
“Sed hoc genus totum sterile est quod mulorum”. Il s’agit d’un passage ou
Aristote traite de la stérilité. Alors d’où vient cette réécriture du texte qui en
change complètement le sens ? En fait, d’une erreur de transmission dans les
manuscrits. On trouve la phrase originale dans un manuscrit. Un copiste a
remplacé par erreur “mulorum” par “multorum”, ce qui rend le passage
incompréhensible : “genus multorum semper est sterile”. Dans un manuscrit
postérieur, figure la leçon “scibile” à la place de “sterile”, ce qui redonne un
sens à la phrase. Le copiste de ce manuscrit a ou bien mal lu l’abréviation de
son prédécesseur ou bien corrigé la leçon incompréhensible par une variante
destinée à rendre un sens à la phrase. J’aurais plutôt tendance à dire qu’un
lecteur au fait de la philosophie aristotélicienne et ayant mémorisé l’ensemble
des citations du recueil, a corrigé sciemment ce passage en se référant à un
extrait contenu dans le même florilège et extrait des Categoriae : “Multa sunt
scibilia de quibus non est scientia15”.
Cet exemple illustre aussi la manière dont on arrivait en une phrase à
condenser tout un passage et constitue un bon témoignage de la réduction
opérée par le compilateur.

14
Aristoteles, De generatione animalium, B7, 746 b 19-20.
15
Aristoteles, Categoriae, 1 ,1 b 30-35.
204 JACQUELINE HAMESSE

Categoriae, 7, 7b 28-35 Auctoritates Aristotelis, 31, 25


Adhuc scibile quidem interemptum coin- M ulta sunt scibilia de quibus non est
terim it scientiam, scientia autem scibile scientia.
non cointerimit ; scibili quidem enim non
existente non est scientia (nullius enim
adhuc erit scientia), scientia autem non
existente nichil prohibet scibile esse ;
puta et circuli quadratura siquidem scibile
est, scientia quidem enim ipsius nondum
est, scibile autem est. Adhuc animali
quidem interem pto non erit scientia,
scibilium autem multa contingit esse.

Exemples de réécriture d’un même passage de l’Ethique à


Nicomaque d’Aristote dans différents instruments de travail

Pour illustrer ce qui vient d’être dit et pour bien faire comprendre les
modifications subies par un même texte dans des instruments de travail
différents, un passage du début de VEthique à Nicomaque nous servira
d’exemple. Le chapitre 1 du livre 1 n’a pas été pris au hasard16. En effet,
l’éthique d’Aristote fut beaucoup utilisée par les médiévaux17. Les trois
premiers livres avaient été traduits dès la moitié du 12e siècle et
n’apparaissaient pas à l’époque comme un texte “révolutionnaire” pouvant
entrer en contradiction avec les doctrines de l’Eglise, ni avec les doctrines
morales exposées par les auteurs de l’Antiquité latine18. Il s’agissait donc d’un

16 Le texte complet de ce chapitre, extrait de la translatio nova, datant du 12e siècle, est
trop long pour être reproduit ici. L’important est de permettre une comparaison dans les
instruments de travail choisis. Il ne faut donc pas rompre la lecture continue de l’ensemble.
Pour permettre aux lecteurs de se référer au texte de la translatio nova, le chapitre est reproduit
en appendice à la fin de l’article.
17 Cf. C h . SCHMITT, Auctoritates, repertorium, dicta, sententiae, flores, thesaurus,
axiomata : Latin aristotelian florilegia in the Renaissance, in Aristoteles Werk und Wirkung
Paul Moraux gewidmet. Zweiter Band : Kommentierung, Überlieferung, Nachleben
herausgegeben von J. Wiesner. Berlin-New York 1987, p. 516 : “Philosophical florilegia came
into their own during the twelfth century, when the new Aristotelian learning began to
penetrate into Western Europe. Many of the early ones focussed specifically upon moral
questions”.
18 A propos de la traduction de l’Ethique au 12e siècle, il faut consulter les travaux du
regretté F. Bossier qui a pensé avoir identifié le traducteur anonyme de la translatio vetus et de
la translatio nova. Il pourrait s’agir de Burgundio de Pise. Cf. F. BOSSIER, L ’élaboration du
vocabulaire philosophique chez Burgundio de Pise, in Aux origines du lexique philosophique
européen. L ’influence de la latinitas. Actes du Colloque international (Rome, 23-25 mai 1996)
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 205

texte important qui pouvait être mis entre toutes les mains et même être lu
“sans danger” dans des milieux théologiques. Les compilateurs n’étaient pas
obligés de censurer ou de passer sous silence certains passages pouvant
donner lieu à des critiques. Le texte a d’ailleurs été soumis à de multiples
utilisations dans les recueils qui nous intéressent. Abrégés différement dans
trois instruments de travail distincts, les extraits retenus illustreront ce qui
vient d’être dit et permettront d’apprécier la méthode de travail de trois
compilateurs tout à fait indépendants. Le premier exemple, le plus ancien, est
emprunté au Speculum historiale de Vincent de Beauvais et date donc de la
moitié du 13e siècle. L’encyclopédiste insère un florilège de YEthique dans
son œuvre pour compléter sa documentation et pour couvrir ainsi le domaine
moral. Voulant aborder tous les sujets, il insère ce petit florilège à cet endroit
du Speculum historiale19. Il réutilisera d’ailleurs ce même florilège dans
d’autres parties de son œuvre, mais sans rien y changer20. La documentation
reste figée tout au long de la rédaction de l’encyclopédie.
Le deuxième exemple est extrait des Auctoritates Aristotelis, dont il a été
question plus haut et dont la composition définitive date de la fin du
13esiècle21. Quant au troisième exemple, il est plus tardif puisqu’il a été
probablement réalisé par un dominicain, Jordanis de Bergomo, à la demande
du duc d’Urbino, dans la seconde moitié du 15e siècle22. Le manuscrit Urbin.
Lat. 207 qui contient cet échantillon, appartenait à la bibliothèque personnelle
du duc d’Urbino. Il s’agit d’un manuscrit de prix contenant plusieurs instru­
ments de travail philosophiques, comme l’indique la table des matières placée
en tête du volume, entièrement écrit par la même main23. La décoration qui

édités par J. Hamesse, Louvain-la-Neuve 1997, p. 81-116 (Fédération Internationale des


Instituts d’Etudes Médiévales. Textes et Etudes du moyen âge, 8).
19 VINCENTIUS Bellovacensis, Speculum Quadriplex, t. IV : Speculum Historiale, III.
c. 85 : Flores eiusdem morales ex Ethicis, édition de Douai, 1624, col. 114a.
20 Cf. J. HAMESSE, Le dossier Aristote dans l’œuvre de Vincent de Beauvais. A propos
de F “Ethique”, in Vincent de Beauvais : intentions et réceptions d ’une œuvre encyclopédique
au moyen âge. Actes du XIVe Colloque de l’Institut d ’Etudes médiévales, organisé
conjointement par l’Atelier Vincent de Beauvais et l’Institut d’Etudes médiévales (Université
de Montréal, 27-30 avril 1988). Recueil publié sous la direction de M. Paulmier-Foucart, S.
Lusignan et A. Nadeau, Saint-Laurent-Paris 1990, p. 197-217.
21 J. HAMESSE, Les Auctoritates Aristotelis ..., p. 232-233.
22 L’œuvre inédite est intitulée Conclusiones et propositiones librorum Ethicorum cum
declaratione testuum dubiorum. Elle est conservée dans un manuscrit de la Bibliothèque
Vaticane, Urb. lat., 207.
23 Città del Vaticano, Urb. Lat., 207, f.lv : “In hoc codice continentur :
Auctoritates digne ex libris phisicorum cum declaratione testuum dubiorum
Auctoritates digne librorum politicorum cum declaratione testuum dubiorum
Auctoritates digne libri de anima cum declaratione testuum dubiorum
Conclusiones et propositiones librorum ethicorum cum declaratione testuum dubiorum
206 JACQUELINE HAMESSE

l’illustre est typique : on la retrouve dans les autres volumes que ce person­
nage avait commandités. La dernière œuvre du recueil est un abrégé du De
anima réalisé entre 1474 et 1482 par un Dominicain, Jordanis de Bergomo, à
la demande du duc d’Urbino, Federico IIP4. Les autres compilations qui
précèdent cet abrégé sont anonymes. Ont-elles été réalisées ou non par la
même personne, ou bien ont-elles été recopiées à partir d’instruments de
travail déjà disponibles pour les autres œuvres d’Aristote, afin de répondre à
la demande de leur commanditaire ? Il est difficile de répondre d’emblée à
cette question. Seule une bonne connaissance de l’ensemble des recueils
d’extraits d’Aristote permettrait de trancher définitivement ce problème.

Item epithoma libri Aristotelis de anima.


A propos de la signification technique des termes auctoritas, conclusio ou propositio, on
peut consulter l’ouvrage rédigé par M. Teeuwen, The vocabulary of intellectual life in the
middle ages. Brepols, 2003 (CIVICIMA. Etudes sur le vocabulaire intellectuel du moyen âge).
Pour c o n c lu s io , cf. J. HAMESSE, Approche terminologique de certaines méthodes
d ’enseignement universitaire : “declarare”, “recitare”, “conclusio”, dans Vocabulary o f
Teaching and Research between Middle Ages and Renaissance. Proceedings of the Colloquium
organized by the Warburg Institute (London, 11-12 March 1994), Turnhout 1995, p. 8-28
(CIVICIMA. Etudes sur le vocabulaire intellectuel du moyen âge, 8).
24 Cf. T. Kaeppeli, Scriptores Ordinis Praedicatorum Medii Aevi, t. Ill : I-S, Roma
1980, p. 50-51.
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 207

Abrège du chap. 1 du livre de VEthique à Nicomaque

Vincent de Beauvais, O.P., Johannes de Fonte, O.F.M., Jordanis de Bergomo, O.P.( ?),
Speculum historiale, III, c. 85. Auctoritates Aristotelis, 12,1 Urb.lat. 207, f.ll8 r

Omnis ars et omnis doctrina, - Omnia bonum appetunt. In primo libro ethicorum
similiter autem et operatio - Cognitio finis utilis est in Aristoteles ultimum finem
boni alicuius operatrix esse arte. humanum nobis proponit
videtur. - Unusquisque quod cognos­ atque diligenter describit et
Ideoque optime enunciant, bo­ cit bene judicat. designat. Qui liber quatuor
num quod omnia appetunt, - Nihil differt aetate puer et habet tractatus : in primo trac­
omnis cognitio et electio num moribus puerilis. tatu inquirit utrum felicitas sit
aliquod exoptat. - Bonum quanto communius, et utrum homo possit eam
Optimus est, qui a seipso tanto divinius. acquirere et est exordium
omnia intelligit : bonus autem totius primi libri et habet tria
et rursus ille qui benedicenti capitula. In primo capitulo
haec audit, quae aut neque querit utrum in rebus humanis
ipse intelligit : bonus autem et sit aliquis finis bonus et conti­
rursus ille qui benedicenti net tres conclusiones et tres
haec audit, quae aut neque propositiones.
ipse intelligit, neque alium Ia c. : In rebus humanis est
audiens in mente iacit, hic aliquis finis intentus. Probatur
inutilis videtur25. conclusio : quia omnis ars et
doctrina actus et electio bo­
num appetunt que quatuor
comprehendunt omnem ope­
rationem hominis in quantum
homo.
2a c. : Multe sunt artes et ope­
rationes humane quarum sunt
alii et alii fines.
Probatur conclusio discurren­
do per artes. Nam artis medi­
cine finis est sanitas, artis
militaris finis est victoria.
3a c. : Unus finis est alio
melior. Probatur quia finis
principalioris habitus et archi-
tectorice artis est nobilior
inferioribus cum alii fines ex-
pectantur propter illum,
l a p. : Bonum est quod omnia
appetunt.
2a p. : Finium quidam sunt
operationes, quidam opera.
3a p. : Opera sunt magis
expectibilia operationibus in
quibus preter operationes sunt
opera quedam.

25 Vincentius Bellovacensis, Speculum Quadriplex, t. IV : Speculum Historiale, III, c.


85 : Flores eiusdem morales ex Ethicis, ed. de Douai, 1624, col. 114a.
208 JACQUELINE HAMESSE

Ces trois exemples sont intéressants à plus d’un égard. Alors qu’ils
travaillent sur le même passage, ils ne s’inspirent pas l’un de l’autre, ce qui
tend à prouver que chaque compilateur a voulu faire sa propre réduction du
texte, soit pour en donner l’essentiel, soit pour réduire au maximum
l’ensemble d’un chapitre en le résumant à l’extrême, grâce à quelques phrases
de portée générale, jugées représentatives du contenu global. Les buts
poursuivis par chacun ont guidé leur choix.
Il aurait été intéressant de voir dans quelle mesure l’influence des
différentes traductions latines se retrouvait dans les citations données par les
deux derniers compilateurs. En effet, Vincent de Beauvais (ou l’équipe qui a
travaillé pour lui constituer la documentation) ne pouvait pas encore avoir
accès à la nouvelle traduction de Robert Grosseteste (G). Seule la translatio
nova (N) était disponible lorsque son équipe a constitué le florilège de
l’Ethique. Par contre, tant Johannes de Fonte que Jordanis de Bergomo
auraient pu se servir de cette traduction nouvelle. Il existe deux variantes de
traduction chez Johannes de Fonte, une seule chez le deuxième compilateur26.
Les deux compilateurs ont-ils effectué sciemment ces modifications, ou bien
ont-ils réutilisé un matériel déjà existant ? Rien ne nous permet de l’affirmer.
L’échantillon reproduit ici est trop limité et les variantes trop peu nombreuses
pour aboutir à une certitude à ce niveau. Seul l’inventaire de la bibliothèque
dont ils se sont servis pourrait peut-être nous fournir des informations à
propos de la documentation disponible à laquelle ils pouvaient avoir accès.
Mais ce problème de traductions différentes doit toujours être soulevé à
propos de la collecte du matériel, pouvant donner dans certains cas des infor­
mations intéressantes concernant la technique utilisée.
Pour mieux comprendre la méthode de travail adoptée par les trois
compilateurs pour la réécriture d’un même texte, il est indispensable de tenir
compte des destinataires pour saisir la manière différente de rendre compte
d’un même passage. En effet, le premier échantillon émane d’un encyclo­
pédiste qui souhaite faire le point dans son œuvre à propos de toutes les
connaissances utiles dans tous les domaines. Comme il s’adresse par défi­
nition à un public plus large, il est normal qu’il s’en tienne à des généralités,
d’autant plus qu’il n’a pas fait lui-même le choix des extraits, mais qu’il a
demandé à une équipe de confrères de lui préparer le matériel nécessaire.
Cette méthode de travail pratiquée par les frères dominicains était courante
dans les ordres religieux et nous rappelle un peu le travail en équipe organisé

26 optant N ] appetunt G ( lère citation de Johannes de Fonte et première proposition chez


Jordanis de Bergomo) ; puer N] iuvenis G puerilis N] iuvenilis G (dans la quatrième citation
des Auctoritates Aristotelis).
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 209

par Albert le Grand27. En lisant les extraits retenus, on peut constater qu’ils
sont différents de ceux qui figurent dans les deux autres échantillons, à part
un morceau de phrase “(•••) bonum quod omnia appetunt” qui est identique à
un extrait repris par Jordanis de Bergomo. Mais il s’agit d’une citation
tellement courte et générale qu’on ne peut tirer aucune conclusion à ce sujet.
Dans le deuxième cas, nous avons affaire, comme nous l’avons vu plus
haut, à un professeur qui doit introduire ses confrères débutants aux rudi­
ments de la philosophie aristotélicienne et préparer une documentation
adaptée et prête à l’emploi pour des prédicateurs devant s’adresser au peuple.
Il doit donc rassembler quelques phrases percutantes et représentatives que
les étudiants pouvaient facilement apprendre par coeur afin de les réutiliser
lors de discussions, d’exercices scolaires ou universitaires et dans des ser­
mons. Comme ses étudiants n’ont encore aucune connaissance de la philo­
sophie aristotélicienne et que les destinataires des sermons (ad populum)
n’avaient certainement pas une éducation suffisante ou la culture générale
nécessaire pour suivre des raisonnements philosophiques compliqués, le
compilateur se voit contraint de simplifier le texte au maximum. Seules des
généralités pouvaient rendre compte de l’ensemble de ces impératifs.
Le troisième cas est tout à fait différent : un noble souhaite se cultiver et
comprendre l’essentiel de la pensée d’un auteur à la mode. Comme l’indique
le prologue, il demande donc à un dominicain de lui rendre le texte d’Aristote
accessible28. Ce dernier commence par résumer brièvement le contenu de
chaque livre et de tous les chapitres. Il fait suivre ce travail par trois
conclusiones qui mettent en évidence les éléments importants contenus dans
le chapitre, puis il ajoute trois propositiones faciles à comprendre et à retenir,
qui sont destinées à faciliter l’assimilation du texte d’Aristote et à enrichir la
culture générale du destinataire. Le compilateur fournit donc une documen­
tation un peu plus étoffée.
Il existe bien d’autres exemples à propos de ce texte de l'Ethique dans
divers instruments de travail. Le 5e livre de l’encyclopédie d’Arnold de Saxe
ou un autre florilège faussement attribué à Bède dans la Patrologie latine

27 Cf. Y. Congar, “In dulcedine societatis quaerere veritatem”. Notes sur le travail en
équipe chez S. Albert et chez les Prêcheurs au XIIIe siècle, in Albertus Magnus Doctor
Universalis 1280/1980 herausgegeben von G. Meyer und A. Zimmermann, Mainz 1980, p.47-
57 (Walberberger Studien. Philosophische Reihe, Bd 6).
28 Le prologue figure dans M. Grabmann, Methoden und Hilfsmittel des
Aristotelesstudiums im Mittelalter, München 1939, p. 100-101 (Sitzungsberichte der
Bayerischen Akademie der Wissenschaften. Philosophisch-historische Abteilung, Jahrgang
1939, Heft 5).
210 JACQUELINE HAMESSE

auraient pu également être cités29. Les conclusions rejoindraient celles qui ont
été exposées pour les trois exemples pris en considération. L’important était
de mettre en évidence dans ce volume un autre type de réécriture qui s’appli­
qua très souvent aux textes philosophiques médiévaux latins, non seulement
pendant l’époque scolastique, mais même pendant la Renaissance, ce qui peut
paraître curieux à première vue.
On peut donc voir à travers tous ces recueils, une autre sorte de réécriture
des textes philosophiques à laquelle on ne s’attendrait pas de prime abord ; il
s’agit le plus souvent de remaniements importants du texte original,
nécessités par les conditions de travail des intellectuels et le besoin de se
procurer des textes souvent peu accessibles. Le remploi est aussi très fréquent
parce que les compilateurs n’hésitaient pas, par facilité, à réutiliser du maté­
riel disponible, constitué antérieurement. Comme nous l’avons vu, leur but
n’était pas de faire œuvre originale, mais, dans la majorité des cas, de faire
œuvre utile.
Les exemples ont fait aussi apparaître un autre aspect important dans la
réécriture de ces textes : le rôle joué par les représentants des ordres men­
diants30. L’échantillon examiné ne posait pas de problèmes doctrinaux. Mais
pour d’autres œuvres philosophiques, la censure fut réelle, imposée par
l’autorité ecclésiastique, ce qui provoquera un appauvrissement d’autant plus
grand des doctrines transmises de cette manière.
On peut s’étonner de voir le succès continu rencontré par ces instruments
de travail pendant plusieurs siècles, non seulement dans les cercles univer­
sitaires, mais aussi dans les milieux cultivés. En effet, cette vogue ne
s’arrêtera pas à la fin du moyen âge, comme on pourrait le croire. Malgré les
critiques compréhensibles des humanistes, certains recueils vont continuer à
être utilisés et diffusés. Certains florilèges seront enrichis grâce aux décou­
vertes philologiques nouvelles, mais dans la majorité des cas, la documen­
tation médiévale constituera toujours l’essentiel des citations jusqu’à la fin du

29 Cf. E. Stange, Die Encyklopädie des Arnoldus Saxo zum ersten Mal nach einem
Erfurter Codex. Erfurt, 1905 (Königliches Gymnasium zu Erfurt, Beilage zum Jahresbericht
1904/05, p. 90-91 ; I. Draelants, Une mise au point sur les œuvres d ’Arnoldus Saxo, in
Bulletin de philosophie médiévale, 34 (1992), p. 163-180 ; 35 (1993), p. 130-149.
Le florilège faussement attribué à Bède est intitulé Sententiae sive Axiomata
philosophica, P.L. 90, col. 966-1054. Cette compilation a fait l’objet d’une étude plus
approfondie dans Classica et beneventana. Volume offert en hommage à V. Brown édité par
F. COULSON, sous presse dans la collection “Textes et études du Moyen âge” de la Fédération
Internationale des Instituts d’Etudes Médiévales.
30 J. HAMESSE, Le rôle joué par divers ordres religieux dans la composition des
florilèges d ’Aristote, in Aristotelica et tulliana magistro doctissimo Charles H. Lohr
septuagesimum annum feliciter agenti dedicata ediderunt F. DOMINGUEZ, R. Imbach,
Th . Pindl et P. Walter, The Hague 1995, p. 289-310 (Instrumenta Patristica, XXVI).
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 211

17e siècle, preuve évidente d’un remploi31. Le grand nombre d’éditions


anciennes encore conservées en témoigne. Après sa création, l’ordre des
Jésuites les mettra d’ailleurs au programme comme manuels de cours destinés
à l’initiation philosophique des novices. Mais à partir de 1698, date de la
dernière édition, la diffusion s’arrête brusquement. Les temps ont changé et
désormais cette littérature de seconde main n’attirera plus les intellectuels,
même si des citations d’Aristote qui leur sont empruntées figurent encore
dans des œuvres postérieures.

31
Cf. CH. Schmitt, Auctoritates, repertorium ..., p. 515-537.
APPENDICE

Ethica nova, I, c .l32


Omnis ars et omnis doctrina, similiter autem et operacio et proheresis, boni alicuius
optatrix esse videtur. Ideoque optime enunciant bonum, quos omnia optant. Differenda
autem quedam videtur finium ; hii quidem enim sunt actus, hii autem circa hos opus
aliquod. Quorum autem sunt fines circa operaciones, hos opus aliquod. Quorum autem
sunt fines circa operaciones, quoddam autem in hiis melius existit actibus opus. Multis
autem operacionibus entibus et artibus et doctrinis, multi fiunt fines. Medicine quidem,
sanitas. Navium autem constructure, navigacio. Militaris autem, victoria. Yconomice,
divicie. Quecumque autem sunt talium sub una aliqua virtute, quemadmodum sub equestri
frenorum factrix et quecumque alie equestrium instrumentorum sunt, hec autem et omnis
bellica operacio, sub militari ; secundum eundem utique modum, et alia sub altera. In
omnibus utique architectoricarum fines omnibus sunt desiderabiliores, hiis que sub ipsis ;
horum enim gracia et illa secuntur. Differt autem nichil actus ipsos fines esse
operacionum aut preter hos aliud quid, quemadmodum in dictis doctrinis. Si utique quis
finis est operatorum quem per se volumus, alia vero propter illum, et non omnia propter
aliud optamus. Procederet enim ita in infinitum, quod esset vanum et inane desiderium.
Manifestum quod hic utique erit bonus et optimus.
Ara igitur ad vitam cognicio eius maximum habet incrementum. Et quemadmodum
sagittatores signum habentes magis utique adipiscemur quod oportet. Si autem ita,
temptandum typo suscipere illud quid est, et cuius disciplinarum aut virtutum. Videtur
autem utique principalissime et maxime architectorice. Talis autem et que civilis videtur.
Quas enim esse utile disciplinarum in civitatibus, et quales unumquemque addiscere, et
usque<quo>, ipsa preordinai. Videmus enim et clarissimas virtutes sub hac esse, utputa
militarem, yconomicam, rhetoricam. Utentem autem hanc reliquis operativis discipli­
narum. Amplius autem [et] legem iubentem quid oportet operari et a quibus abstinere,
huius finis complectitur utique [fines] qui aliarum. Quapropter erit hoc humanum bonum.
Si enim et idem est uni et civitati, maius et pefeccius quod civitatis videtur, et suscipere et
custodire. Amabile quidem enim et uni soli, melius autem et divinum gentibus et
civitatibus. Supposicio quidem igitur, hec concupiscit, civilis quaedam ens. Dicetur autem
utique [sic] sufficienter, si secundum subiectam materiam manifestabitur. Certum enim
non similiter in omnibus que dicuntur querendum***. Bona autem et iusta de quibus
civilis scrutatur, tantam habent differenciam et errorem***habent***, quia multis
contingunt detrimenta ab ipsis. Iam enim quidam perierunt propter divicias, alii vero
propter fortitudinem. Amabile quidem igitur de talibus et ex hiis dicentes grosse et typo
veritatem demonstrare, et ex hiis que sepius <et> ex talibus dicentes talia concludere.
Eodem autem modo et placere unumquodque eorum que dicuntur utile. Prudentis enim est
in tantum certitudinem inquirere secundum unumquodque genus, in quantum rei natura

32 Ethica Nicomachea, Translationis antiquioris quae supersunt sive “Ethica


n o v a ” , ed. R. A. G authier . Leiden-Bruxelles 1972 (Aristoteles latinus, XXVI 1-3),
p. 65-68.
LES INSTRUMENTS DE TRAVAIL PHILOSOPHIQUES 213

inquirere secundum unumquodque genus, in quantum rei natura recipit. Par enim
[peccatum] videtur mathematicum probabilia dicentem placere, et rethoricum demons-
tracionem experiri. Unusquisque enim bene iudicat que cognoscit, et horum optimus
iudex est. Singula igitur doctus ; simpliciter autem qui circa omnia edoctus. Ideoque
civilis [doctrine] non est auditor puer proprius. Expers enim [est] earum que secundum
vitam operacionum. Raciones autem [et] ex hiis, et circa has. Amplius autem et
passionum insecutor ens, inaniter audiat et infructuose, quia finis est non cognitio, set
operacio. Differt autem nichil puer etate, aut moribus puerilis ; neque enim a tempore
defeccio [intellectus], set quia secundum passiones vivit et persequitur singula ; talibus
enim inutilis hec cognicio fit, quemadmodum incontinentibus. Secundum autem racionem
desideria facientibus, et operantibus, multum utile utique erit de hiis scire. Et de auditore
quidem et qualiter demonstrandum et quid proposuimus prohemio in tantum dictum sit.
Stev en H a r v ey
C h a r l e s H . M a n e k in

THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIM


BY ABRAHAM AVIGDOR

Introduction

One of the prominent virtues of Colette Sirat’s A History o f Jewish


Philosophy in the Middle Ages that distinguishes it from prior histories of
Jewish philosophy is its attention to unoriginal and mediocre thinkers. As
has been observed, this “book is filled with accounts of dozens of little-
known, unsung thinkers, many of whom play an integral part in the his­
tory and development of Jewish thought12”. Several of these thinkers will
be unknown to all but a few of the book’s readers. One such author,
Abraham ben Meshullam ben Solomon ben Meshullam Avigdor of Arles,
is the subject of the present paper. Sirat lists Abraham’s book, Seguitai
Melakhim, as an example of the fourteenth-century encyclopedias : “In
addition to textual commentaries, encyclopedias were also composed,
such as that of Abraham Avigdor (...), who chiefly used al-Ghazâlï’s
Opinions o f the Philosophers1”. Who is this author, still virtually un­
known today ? And of what value was and is his little encyclopedia ?
Abraham Avigdor is best known today, to the extent that he is known
at all, for his Latin-to-Hebrew translations of logical and medical works
and for his commentaries on Averroes’ middle commentaries on the Or­
ganon. Colette Sirat singles out his translation of Bernard Albert’s Intro­
duction to the Art as an example of the “very numerous” medical treatises
translated from Latin into Hebrew in the fourteenth century3. Charles
Manekin has noted that Abraham’s translation of Peter of Spain’s Trac­
tatus was the most popular of the six medieval Hebrew translations of
that work, and is extant today in twenty-two manuscripts. Manekin at­

1 Steven Harvey, review of A History o f Jewish Philosophy in the Middle Ages,


by Colette Sirat, MESA Bulletin 22 (1988), p. 119-120.
2 C olette S irat , A History o f Jewish Philosophy in the Middle Ages, Cam­
bridge : Cambridge University Press, 1985, p. 343
3 Sirat, History, p. 344.
216 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

tributes the popularity of the translation to “its lack of fidelity to the


original !”. He explains that on many occasions Abraham did “not hesi­
tate to replace Peter’s definitions with those drawn from Averroes’ Mid­
dle Commentary on the Organon”. While this may well have facilitated
the translation’s reception among the Jews, it “detracted from the work’s
importance as a vehicle for the transmission of distinctively scholastic
ideas4”. Abraham is probably the author of a commentary on Averroes’
middle commentaries on the Isagoge, Categories, and De interpreta­
tione5. Ernest Renan lists four other works by Abraham, all translations,
in addition to these : (1) a translation of Amauld de Villeneuve’s Medica­
tionis parabolae, (2) a translation of a treatise on digestives and purga­
tives, attributed to Amauld de Villeneuve6, (3) a translation of Gerard de
Solo’s treatise on fevers, and (4) a translation of Almansoris liber nonus,
cum expositione Geraldi de Solo18.In addition, Abraham may have written
a commentary on book four of Avicenna’s Canon*.
Abraham was bom, probably in Provence, in 1350, for he tells us in
his introduction to Seguitai Melakhim that he composed the book in 1367
when he was seventeen years old. The year of his death is not known, but
he was still alive in 1399 when he helped his son Solomon translate Ar-
nauld de Villeneuve’s medical-astrological treatise, De judiciis astrono­
miae or Capitula astrologiae9. Abraham studied medicine in Montpellier
with Christian scholars. From his preface to his translation of Bernard
Albert’s Introduction to the Art we learn that as a youth he was drawn to
medicine, not for knowledge itself, but for the honor - to be called mas­

4 C harles H. M anek in , “Scholastic Logic and the Jews”, Bulletin de philosophie


médiévale 41 (1999), p.127-128.
5 The work is attributed in the manuscripts to an author named “Avigdor”, who
was identified by Steinschneider with Abraham Avigdor. For a preliminary discussion of
the attribution, see C harles H. M an ek in , “When the Jews Learned Logic for the Pope :
Three Medieval Hebrew Translations of the Tractatus of Peter of Spain”, Science in
Context 10 (1998), p. 395-430, esp. 408-9. The matter needs further study
6 On Amauld, see Joseph Z iegler , Medicine and Religion c. 1300 : The Case o f
Arnau de Vilanova, New York : Clarendon Press, 1998.
7 E rnest R en a n (and A dolf N eu ba uer ), Les écrivains juifs français du XIVe
siècle, Paris: Imprimerie Nationale, 1893 ; reprint, Westmead, Famborough, England,
1969, p. 717-721.
8 For a list of manuscripts of works attributed to Abraham Avigdor, see Appendix B.
9 R e n a n , Les écrivains juifs, p. 721.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 217

ter (rav) - and in order to be able to earn much money. Such, he tells us,
was the way of his contemporaries who practiced medicine, especially his
fellow Jews. When he reached manhood, he developed a real taste for the
study of medicine, and pursued his studies in earnest10.
All this is not particularly interesting and hardly distinguishes Abra­
ham from other contemporary translators and physicians. The book that
he wrote in Montpellier in 1367 when he was seventeen, Segullat Me-
lakhim (“The Royal Treasure” [from Ecclesiastes 2 :8] or, more literally,
“The Proprium of Kings”), is another story . It is an encyclopedia in a
nutshell and - judging by the eight manuscripts in which it is extant-
was quite popular over the following two centuries. As we will presently
see, it is a most curious little book.
The Segullat Melakhim is divided into three parts - logic, metaphys­
ics, and physics. The last two parts are basically a very much abridged
poeticized version of the metaphysical and physical parts of Judah ben
Nathan’s translation of al-Ghazâlï’s Maqãsid al-falãsifah (Intentions of
the Philosophers), while the first part, interestingly enough, follows
Averroes’ middle commentaries on logic to a great extent, though not
exclusively, as we shall see. Where Judah had translated the Maqãsid
because it presented logic and science in as brief a fashion as possible11,
Abraham Avigdor realized that al-Ghazãh had omitted an important part
of Aristotle’s theory of inference, and that for some would-be philoso­
phers (m erayyinim), even the Maqãsid was too long and difficult. He tells
us in his introduction to the Segullat Melakhim that he had been aston­
ished at the errors and weak arguments of the scholars of natural science

10 R en a n , Les écrivains juifs, 718-719, and M oritz S teinschneider , Die


hebraeischen Übersetzungen des Mittelalters, Berlin, 1893, p. 777 ; and Joseph S hatz -
miller , “Étudiants juifs à la faculté de médecine de Montpellier, dernier quart du XIVe

siècle”, Jewish History 6 (1992), p. 247-248. The Hebrew text of Abraham’s preface was
published by S teinschneider in his “Medicinische Handschriften im Besitz des Herren
Halberstam”, Magazin fü r die Wissenschaft des Judenthums 10 (1883), p. 165.
11 Judah ben Solomon Nathan’s introduction to his translation of the Maqãsid is
printed in M oritz S teinschneider , Die Handschriften-Verzeichnisse der Koeniglichen
Bibliothek zu Berlin, Berlin, 1878, voi. I, p. 130-132. He writes there concerning the
Maqãsid that “whoever longs to know the sciences as they should be known, but in a
short time so that he does not have to neglect his study of Talmud (...) will find every­
thing that he seeks in this book, which contains all the intentions of the philosophers in as
brief a fashion as possible” (p. 132).
218 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

of his day, a direct result of their lack of knowledge of logic. Because of


their ignorance, they “confused arguments for proofs, and proofs for
demonstrations”. They thus were quick to concede to Aristotle some of
the foundations of religion. His book was intended to present very briefly
and simply the requisite knowledge of logic, and the teachings of divine
science and natural science as explicated by al-Ghazall for those who did
not have the patience or ability to study the Maqãsid12.
What could this youngster have been thinking of ? He tells us that al-
Ghazãli composed his book with “extreme concision” (be-takhlit ha-
qissur), and that he too intends to write with “extreme concision”. But
what can one hope to gain by condensing with “extreme concision” what
is already extremely concise ? And this was not the only problem with
Abraham’s proposed little work. Maimonides had recommended a pro­
gram of scientific study, which was based on Aristotelian science and
emphasized the orderly study of the sciences. Metaphysics was a very
difficult science that needed to be preceded by natural science. There was
no way around the preliminary studies. There were no shortcuts. Indeed
Maimonides warned that “when a man seeks to obtain knowledge
quickly, many doubts occur to him”. Moreover, he cautioned that the
study of metaphysics is really only for the few and should “be hidden
from the beginner13”. Now to the young Abraham’s great credit, he real­
ized that the sciences must be preceded by the study of the art of logic,
and that the failure of certain contemporary scientists to do so led them
astray. He also understood that certain matters ought to be concealed
from the multitude. But what arrogance led him to think that he could
circumvent the scientific program recommended by Maimonides and
followed by generations of Jewish scholars far wiser than he ? He based
his account of the sciences on al-Ghazall, not on the pure Aristotelian
science of Averroes. Following al-Ghazäll, he put the section of his book
on metaphysics before the one on natural science. And in his desire to
make science available to those with little patience for the sustained study
and inquiry it requires, he seemingly offered not much more than a bare
outline of its main teachings. Yet this little book apparently found its
niche and became, as we have already noted, quite popular. Was this

12 An edition and translation of Abraham’s introduction to the Segullat Melakhim


is found in Appendix A.
13 M aim o nides , The Guide o f the Perplexed, trans. S hlomo P inès , Chicago : Uni­
versity of Chicago Press, 1963,1, 34, p. 72-79.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 219

book of any utility for guiding would-be philosophers and scientists along
the straight path ? Was it of any value for teaching Aristotelian science ?
Or was it simply an immature composition, written by one far too young
to understand and thus doomed to failure, as Maimonides might have
said, “because of the effervescence of his nature and of his mind being
occupied with the flames of growth14”.

Structure

As we have mentioned, the Seguitai Melakhim is divided into three


parts. In the Paris manuscript of the work15, the first part of the book,
which is on logic, is about 14 folios ; the second part, which is on meta­
physics, is about 12 folios, and the third part, which is on natural science,
is about 10 folios. The book is indeed written as a poem, in rhymed verse,
as promised in the introduction, but at some point the author wrote a
prose commentary, mostly a series of glosses, that paraphrases and, at
times, explicates the poetry. Each gloss is linked to words in the poem,
although this is not always apparent in the manuscripts. Now in the sec­
tions on metaphysics and natural science, this commentary often com­
prises little more than an abridged word-for-word citation of Judah ben
Nathan’s Hebrew translation of al-Ghazäll’s Maqãsid. It is not known
when Abraham wrote this commentary. The fact that it usually provides
the citations from the Maqãsid upon which the poetic text is based might
suggest that it may have been written first, and the poetry composed from
it. We think this is not the case, nor do we believe that the prose and po­
etry were written simultaneously. If Abraham wrote the commentary at
the same time as the poem, one would have expected him to mention it in
the introduction. Rather it seems that Abraham first wrote the text in po­
etic form as he indeed promised in the introduction. When he saw that
people did not understand his poeticized science, he wrote the commen­
tary. In support of this view is the fact that the commentary is not merely
a collection of literal citations from the Maqãsid, but also contains pass­
ing comments and explanations, as well as references to and citations
from other authors, in particular Aristotle and Maimonides. Such com-

14 Guide I, 34, p. 77.


15 Paris, Bibliothèque Nationale, MS héb. 990/1 [IMHM 33991], fols. lr-38r. All
references that follow to the Segullat Melakhim, unless noted otherwise, are to this manu­
script. For a full list of all the manuscripts of the work, see Appendix B.
220 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

ments and citations are not found in the poetic part and seem to be a later
addition. They show a familiarity with Averroes’ Aristotelian commen­
taries, an acquaintance with other books such as al-Färäbfs Political
Regime16, Averroes’ Tahäfut al-tahäfut17, Samuel ibn Tibbon’s Otot ha-
Shamayim1819, Shem Tov Falaquera’s Sefer ha-Ma raloP\ and an intimate
knowledge of the Guide, which the author might not yet have acquired at
the age of seventeen.
Another argument for the later date of the commentary comes from
the manuscripts themselves. Of the eight manuscripts, four of them have
the commentary written in the margins of the manuscript ; one has the
commentary written on facing pages ; and three have the commentary
inserted within the body of the text itself, but not in the exact places. The
most reasonable explanation for these differences is that the author origi­
nally wrote the book as a poem without the commentary, and later added
the commentary on the margins of his manuscript. Indeed in some of the
manuscripts, the comments are written in the exact same places on the
margins of the pages. Later scribes inserted the commentary into the text,
but in slightly different places.

16 al-Siyãsah al-madaniyyah (Political Regime), ed. F awz I M. N ajjãr , Beirut :


Imprimerie Catholique, 1964, p. 53, 68, and 35-36 ; medieval Hebrew trans., Hathalot ha-
Nimsa’im, ed. Z. F ilipowski, in Sefer ha-Asif Leipzig, 1849, p. 18, 11. 25-28, 31, 11. 17-
21, and 5, 11. 4-14 ; cited in Seguitai Melakhim, fols. 27r, 27v and 35r. There is an addi­
tional reference on fol. 25r to al-Siyãsah al-madaniyyah (see 40 ; Hebrew trans., 8-9).
17 Tahãfut al-tahäfut, ed. M aurice B o uyg es , Beirut : Imprimerie Catholique,
1930, p. 305 and 179-180 ; cited in Segullat Melakhim, fols. 17v and 27r.
18 The Otot ha-Shamayim is Samuel ibn Tibbon’s necessarily creative translation
of Ibn Bitrïq’s Arabie version of Aristotle’s Meteorology. On this work, see Otot ha-
Shamayim : Samuel Ibn Tibbon’s Hebrew Version o f Aristotle’s Meteorology, ed. and
trans. R esianne F onta ine , Leiden : E.J. Brill, 1995. As will be seen below (see notes 48,
49, 64), Abraham makes repeated use of this translation in the comments on the third part
of his book. See, in particular, Segullat Melakhim, fols. 31v-32v. In addition, there is
another citation attributed to Ib n T ibb o n , in Segullat Melakhim, fol. 33v, that we have not
yet been able to identify.
19 Sefer ha-Ma 'alot, ed. L. V enetianer , Berlin, 1894, p. 14,11. 21-23 ; cited in Se­
gullat Melakhim, fol. 34v.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 221

Presentation of Logic

As noted above, Abraham limits his consideration of logic to topics


drawn from the first five books of the Organon and omits material from
the last four, the Topics, the Sophistical Refutations, the Rhetoric, and the
Poetics. The first two omitted books deal with topical inference and falla­
cies, which are obviously relevant to a student who wishes to know how
to distinguish between “proofs and arguments, arguments and demonstra­
tions”. But this omission is quite common for Hebrew logical compendia
of the thirteenth and fourteenth centuries, which are geared toward mas­
tering the material up through the theory of scientific demonstration in
the Posterior Analytics20. The Maqãsid also ends with the Posterior Ana­
lytics. Indeed there is no indication that Abraham was interested in or
even familiar with the last four books of the Organon, whose diffusion in
Hebrew translation through Averroes’ middle commentaries seems to
have been much narrower than that of the first five2021.
Abraham’s announced purpose in composing the first section of the
Seguitai Melakhim was to provide a guide (hayesharah) for the proper
investigation of logic. This suggests that he saw his poem as a companion
or mere summary of the chief points, rather than a substitute for more
intensive study. Yet he was well aware that there already were two popu­
lar compendia of logic in Hebrew : Averroes’ Epitome o f the Logic and
the Maqãsid itself. Why bother with another ?
To judge from the presentation of logic both in the poem and the
commentary, it appears that Abraham wished to provide a summary that
approximated Aristotle’s intentions as found in Averroes’ middle com­
mentaries on the Organon. The middle commentaries are long and ardu­
ous, especially with respect to the theory of the syllogism, and the logic

20 See C harles H. M anek in , “The Logic of the Hebrew Encyclopedias”, in The


Medieval Hebrew Encyclopedias o f Science and Philosophy, ed. S teven H arvey ,
Dordrecht : Kluwer, 2000, p. 277-299, esp. 280-1.
21 This is evident from the number of extant Hebrew manuscripts of the various
middle commentaries on the logical books. For example, according to the catalogue of the
Institute of Microfilmed Hebrew Manuscripts, there are over sixty manuscripts containing
all or part of the Middle Commentary on the Posterior Analytics, but only over a dozen
manuscripts of the Middle Commentary on the Topics. It is interesting to note that there
are over eighty manuscripts containing all or part of the Middle Commentary on
Porphyry ’s Isagoge.
222 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

of the compendia of Averroes and al-Ghazäh deviates in many respects


from what is found in the middle commentaries, which were considered
to be the works of Aristotle as set forth by A verroes. Abraham thus com­
posed a work that would present the key doctrines of the middle com­
mentaries in abbreviated fashion, while employing material from several
sources, including the compendia. The final hybrid reads like an abbrevi­
ated and watered-down version of the middle commentaries because so
much material has been artfully substituted from other compendia. But
whenever he directs the reader to another source for amplification, the
reference is to the middle commentaries.
Consider, for example, Abraham’s abridgement of the Isagoge. In
terms of the subjects treated, it is very close to Averroes’ paraphrase in
his Middle Commentary, which begins with a discussion of the five pre­
dicables and continues with a discussion of their similarities and differ­
ences. It does not include such topics as the division of logic into concep­
tion and assent, or the signification of terms, both of which are included
in the Epitome and the Maqãsid, but are not part of Porphyry’s doctrine.
Yet when we look closer at the poem, we see that for each of the predica­
bles Abraham adapts material from the Epitome rather than from the
Middle Commentary, sometimes lifting phrases almost verbatim2223. The
commentary on genus and species begins with a definition from Maimon-
ides’ Treatise on the Art o f Logic and continues with material from the
Epitome23 ! This practice reappears for almost all the predicables.
What happens when Abraham’s sources disagree or are incomplete ?
For example, according to the Maqãsid, the category of substance is di­
vided into body and non-body and so forth ; according to the Epitome, the
most universal genus of substance is body, and there is no mention of
incorporeal primary substances. The Middle Commentary on the Catego-

22 Cf., for example, ha-lo yivada' heyot ha-sug ve-ha min be-heqqesh el havero
ne ’emarim (Seguitai Melakhim, fol. 2r) with “ve-ha-sug ve-ha-min ye *amer kol ehad mi-
hem be-heqqesh el havero (A verroes , Kol Melekhet Higgayon [Epitome o f the Organon]
[Riva di Trento, 1559], 4a). The parallel point in the Middle Commentary uses the term
mistaref rather than be-heqqesh (Averrois Cordubensis Commentarium Medium in Porhy-
rii Isagogen et Aristotelis Categorias, ed. H erbert D a v id so n , Cambridge, MA. : The
Medieval Academy of America, 1969, p. 8).
23 See Millot ha-Higgayon, trans. M oses ibn T ibb o n , eh. 10 (ed. Israel E fros ,
Maimonides ’ Treatise on Logic, PAAJR 8 (1935), p. 45 [Hebrew] ; 51 [English]) ; and
A verroes , Kol Melekhet Higgayon, 4.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 223

ries focuses on the distinction between primary and secondary substance


and omits consideration of the genera of primary substance. Abraham’s
solution is to write in the poem :

Substance is the superior genus / Including what is composed of materials


Beneath it is the corporeal and incorporeal / These divided further into others.

and in his commentary :

Substance signifies four things : matter, form, that which is composed of both, and
separate substance. It is said most truly of that which is composed of both, for the
composite doesn’t need anything else predicated of it for its existence.

While the poem seems based on the Maqãsid, the point about sub­
stance in the commentary does not appear in the Hebrew writings on the
Categories, as far as we know, but derives from the Metaphysics24. Abra­
ham abridges the Middle Commentary on the Categories for the catego­
ries of quantity, relation, and quality ; shifts to the Epitome for time,
place25, and state, because these are barely considered in the Middle
Commentary, and shifts back to the latter for possession and to the former
for passion and action.
The commentary to the section of the poem corresponding to the De
Interpretatione deviates in some interesting ways from Averroes’ Middle
Commentary. First, Aristotle, according to Abraham, divides significant
utterances into three categories : shem (noun), po 'al (verb), and ot (parti-
cle/letter). The third category is said to differ from the first two in that an
ot signifies something only when combined with other linguistic ele­
ments. With varying terminology this is a common division in the Ara-
bic-Hebrew tradition, where ot means “particle”. But when Abraham
offers examples of ot he uses the vowels ah, oh, and ee rather than parti-

24 Cf. AL-GHAzäLi, Maqãsid al-falãsifah, ed. M. al -K urd I, Cairo, n.d., p. 82 (four-


teenth-century Hebrew trans, by Ju d a h ben N ath a n , Paris, Bibliothèque Nationale, MS
héb 904 [IMHM 26860], fol. 28r) ; Averroes’ Middle Commentary on the Metaphysics ;
and S. V a n D en B ergh , Die Epitome der Metaphysik des Averroes, Leiden : Brill, 1924,
p. 7-9 : “Daher nannte Aristoteles die separaten Intelligenzen ‘Substanzen’.”
25 Abraham uses “Zayd” even when his immediate source is Moses Ibn Tibbon’s
translation of the Epitome, which has “Reuven”. In this he follows the practice of Jacob
Anatoli, the Hebrew translator of the Middle Commentary on the Categories.
224 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

des, thereby implying that they are significant when combined with other
letters/syllables to form a word. Now in his translation of the Tractatus,
Abraham Avigdor uses ee, ay, and ah as examples of “nonsignificant
sounds” - sounds that do not mean anything to the hearer. It may be that,
under the influence of the Tractatus, he simply understood as nonsignifi­
cant sounds what were intended by Aristotle to be consignificant parti­
cles. Or it may be that he simply misunderstood Aristotle’s point26.
The rest of the presentation of the De Interpretatione is highly ab­
breviated, with the author simply saying at one point : “This is clear in
the book [i.e, in the Middle Commentary], and there is no point in elabo­
rating27”. The table of modal oppositions and equipollences in De Inter­
pretatione 12 is displayed as in the Middle Commentary, but Averroes’
comment that one of the premise-pairs form contraries rather than contra­
dictories leads Abraham to rearrange the table (“the true figure”), his only
deviation from the tradition.
By far the greatest effort to explain Aristotle’s logic comes in the
section on the predicative syllogism. Aristotle’s formalistic theory defies
simplification, much less versification. For Abraham to follow Aristotle
and to include syllogistic term-variables in his poem would be akin to
versifying Euclid ! So although the young author seems to follow the text
and arrangement of the more technical Middle Commentary, once again a
closer examination reveals his borrowings from the Maqãsid. Thus, after
listing the rules for each syllogistic figure, he cites concrete examples of
the syllogistic moods from the Maqãsid2* and then indicates the manner
of their proof. Here, too, he sometimes follows al-Ghazäll29.

26 See M an ek in , “When the Jews Learned Logic from the Pope”, p. 408.
27 Seguitai Melakhim, fol. 6v.
28 There is one exception, which is probably a corruption. al-Ghazâlï has as the
sixth concludent premise-pair in the third figure : “Some animal is white”, and “No ani­
mal is snow”, therefore, “Some white is not snow”. In Seguitai Melakhim, Paris MS, fol.
8r, we read, “Some white is an animal”, and “No white is a raven”, therefore, “Some
animal is not a raven”, which is a valid example of that mood. In JTS MS 2521 [IMHM
28774], fol. 87r : “Some white is an animal”, “No white is snow” (!), therefore, “Some
white is not snow” !
29 E.g., his claim that the fourth mood of the second figure {Baroco) is proved both
through assumption {ecthesis) and reductio is found in the Maqãsid, but not in Averroes’
commentaries. See G. B. C hertoff, The Logical Part o f al-GhazãlTs Maqãsid al-
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 225

If Abraham left out much of what is distinctively Aristotelian in the


theory of syllogistic, what was the point of his composing an alternative
abridgement to those of Averroes and al-Ghazâlï ? The answer lies in the
introduction to the poem. Abraham wanted to present students with a
guide to Aristotle’s notoriously difficult modal syllogistic, especially the
syllogisms with mixed modal premises. He knew that the Epitome pre­
sents a watered-down version of the modal syllogism, pointedly avoiding
the more formalistic treatment of the Middle Commentary, and the
Maqãsid omits modal syllogistic altogether. It may be that Abraham con­
sidered the mastery of the modal syllogistic vital for demonstrative syllo­
gisms, the premises of which must be necessary. But a more likely reason
was that he felt attracted to this highly controversial area of Aristotelian
logic.
How else can one explain his lengthy comment on the “two Barba­
ras”, i.e., syllogisms in the first mood of the first figure with assertorie
and necessary premises30? Averroes defends at length Aristotle’s conten­
tion that the modality of the conclusion follows that of the major premise
against the position of Theophrastus and Themistius that the modality of
the conclusion follows the weaker modality of the two premises31. Abra­
ham devotes thirty-four lines of the poem to the dispute and in his com­
mentary actually cites the various arguments, including Averroes’ proofs
with term-variables. This already sets the commentary apart from the
compendia of Averroes and al-Ghazäli.
In a rare show of originality, Abraham follows Averroes’ definition
of the possible with a long discursus on “the dispute between al-Farãbi
and Averroes concerning this definition, even though this is not its place.
For [if it is omitted,] the explanation will be confused32”. Abraham con-

Falãsifa in an Anonymous Hebrew Translation with the Hebrew Commentary o f Moses o f


Narbonne, Ph.D. diss., Columbia University, 1952, p. 63.
30 For a recent attempt to grapple with the “two Barbaras”, see Richard P atter ­
so n , Aristotle’s Modal Logic, Cambridge : Cambridge University Press, 1995, p. 75-80.

31 New York, JTS MS 2486 [IMHM 28739], fols. 80-83. Averroes’ changed his in­
terpretation of the modal Barbaras after he wrote the Middle Commentary ; his treatment
in his Logical Questions is much different. See on this, C h . M an ek in , The Logic o f Ger-
sonides, Dordrecht/Boston : Kluwer, 1992, p. 307-309, and H enrik Lag erlund , Modal
Syllogistics in the Middle Ages, Leiden/Boston : Brill, 2000, p. 33-35.
32 Segullat Melakhim, fol. 1Or.
226 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

eludes the discursus with the comment, “Averroes’ explanation seems


correct to me”33.
The rest of the section on modal syllogistic, and indeed, the rest of
the material corresponding to the Prior Analytics, stem primarily from the
Middle Commentary and contain nothing particularly noteworthy. This
includes the treatment of the conditional syllogism (which, following
Averroes, is said to rest on the predicative syllogism), as well as various
others, e.g., inductive, analogical, apagogie, etc.
Finally, Abraham ends the section on logic with a précis of the four
chapters making up the fifth section of the Maqãsid's logic, “the principle
features of the Book o f Demonstration” : (1) the types of scientific prob­
lems to be investigated ; (2) the types of demonstrative syllogisms ; (3)
the things around which demonstrative sciences revolve ; and (4) the
conditions of the premises of demonstrations34. It is odd that after follow­
ing the Middle Commentary for the greater part of the logic, Abraham
switches to al-Ghazäli’s work in media res. We are told, for example, that
the scientific problems, “what” and “which”, refer to conception (siyyur),
and the problems, “whether” and “why”, refer to judgment (immut), but
Abraham nowhere explains the two terms, which form the basis for the
division of the logical section of the Maqäsid. Once again the assumption
is, at least for the part on logic, that the serious student would read the
poem and commentary alongside the Maqãsid and the middle commen­
taries, and not in place of them.
To sum up : the stated reason for the composition of the logical part
of the Segullat Melakhim was to provide students with a guide that would
help them with the difficult material of the first several books of the Or­
ganon. The guide appears to have been intended either as an aid to mem­
ory or a short-cut. Yet it is difficult to see how it could have helped stu­
dents, better than the existing compendia, to understand the conditions of
demonstration, or the differences between demonstrative, dialectical, and
sophistical arguments, especially since the author devoted little space to
demonstrative argument and none to other forms of argument. Of all the
topics in the Organon, he was most drawn to the modal syllogistic, per­
haps because he saw that others had not treated it at length in their com­
pendia. But it is not clear that this would have been a selling-point for the
poem, or its commentary.

33
Ibid.
34
C hertoff , The Logical Pari, p. 100-109.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 227

Presentation of Science

The possibility and importance of natural science are emphasized by


Abraham in his short introduction to the third and last part of the Segullat
Melakhim. This introduction, like the general introduction to the book
and the short introduction to the second part on metaphysics, is filled with
biblical phrases and Talmudic references. Abraham begins by quoting
from Psalms, The earth hath He given to the sons o f man [Ps. 115 :16], as
a proof text that the study of natural science is possible and is sanctioned
by Scripture.

It is for us to inquire into these things that are beneath the sphere of the moon. (...)
The choice and ability are in our hands to pursue this way of life and to liken our­
selves to the angels in the inquiry into science with all our souls and with all our
might.

This path, he states, will lead to “eternal happiness in a world in


which everything is well and [the whole of which] is long”. It is the way
to human perfection :

Happy is the man that fìndeth wisdom [Prov 3 :13], which the breath o f the Lord
driveth [Isa 59 :19], to attain human perfection. And he whose heart is as the heart
o f a lion [II Sam 17 :10] will ‘be diligent at the doors ’ of inquiry [cf. BT Berakhot
17a]. (...) He will look upon the goodness o f the Lord in the land o f eternal living
[Ps 27 :13], which has no change or exchange. He who prepares ‘on the Eve of the
Sabbath will eat on the Sabbath’ [cf. BT 'Avodah Zarah 50a]. He will delight in
eternal pleasure, and his soul will be bound in the bundle o f life [I Sam 25 :29]35.

The introduction to the last part of the Segullat Melakhim, as should


be clear from these cited passages, tells us a great deal about its young
author. Regardless of when his prose commentary was written, there is no
reason to doubt that the introductions were written at the same time as the
poetry they introduce. The core of the book, as we have stated, presents
the teachings of primarily Averroes on logic and al-Ghazäli on metaphys­
ics and physics in abridged poetic form. The introductions afford the
author the opportunity to speak in his own name and explain the impor-

35
Segullat Melakhim, fol. 28v.
228 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

tance of what follows and why his Jewish reader should study it. The
young Abraham exhibits familiarity with Scripture and Talmud, and
some mature literary skills. In the introduction to the part on natural sci­
ence he explains, as we have seen, the great importance of natural science
from a Jewish point of view in order to persuade his reader to study the
science that follows. The knowledge of natural science is necessary for
human perfection and eternal happiness. Now one may wonder what
Abraham hoped to accomplish through his rough outline of al-Ghazäli’s
science ? Did he believe it supplied the requisite science ? We have al­
ready referred to Maimonides’ influence on Abraham. In the introduction
to the section on natural science his influence is again manifest. The use
of Psalms 115 :16 to show that the study of natural science is possible for
man derives directly from Guide II, 24, where Maimonides employs it to
show that God “has enabled man to have knowledge of what is beneath
the heavens36”. Moreover phrases such as “true knowledge”, “things that
are beneath the sphere of the moon”, and “eternal happiness in a world in
which everything is well and [the whole of which] is long” are borrowed
from Ibn Tibbon’s translation of the Guide. If he was so influenced by
Maimonides, why did he overlook the Aristotelian/Averroean science
recommended by him ?
The surprising answer to these questions emerges from Abraham’s
comments to his text. While we will focus on the comments on the last
part on physics, signs of Abraham’s intentions may be found in the com­
ments on the metaphysics as well. For example, his prose account of the
sixth division - which is the division of being into finite and infinite - is
little more than a slightly abridged version of the first sentences of the
four-page discussion of this division in al-Ghazâlï’s Maqãsid, while the
poeticized account says the same thing in rhymed form37. Here the four
senses of the infinite are listed and explained, but the rest of al-Ghazäll’s
discussion is ignored. Conspicuously absent are the proofs against infinite
body and an infinite chain of causes found in both al-Ghazall and his
source, Avicenna38. Interestingly, Abraham does not refer to these proofs.

36 Guide II, 24, p. 327.


37 Segullat Melakhim, fol. 20r ; cf. al -G ha Zãl I, Maqãsid al-falãsifah, p. 124-128
(Hebrew trans., fols. 42r-43r).
38 The likely source for much of the Maqãsid seems to be Avicenna’s Persian work,
Dãnishnãma-yi ilãhi On these proofs, see the translation in P arviz M orewedge , The Meta­
physics o f Avicenna (Ibn Sind), New York : Columbia University Press, 1973, p. 44-45.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 229

He does, however, conclude his short prose account of the infinite by


telling the reader that “Aristotle in the Physics provides a more extensive
explanation of the infinite in its various senses, but there is no need to
repeat it”. Here Abraham is referring to the discussion in Book III, part 3
of Averroes’ Middle Commentary on the Physics, which is devoted to an
investigation of the infinite and its various senses39. In other words, after
significantly abridging al-Ghazäll’s account of the infinite, he directs the
worthy reader to Aristotle’s Physics, which was known through
Averroes’ Middle Commentary, instead of the Maqãsid, for further study.
Now let us consider an example from the part on the physics. Abra­
ham reduces al-Ghazâlï’s seven-page discussion of place, which is based
very closely on Avicenna’s discussion in the Dãnishnãma, to only a few
lines40. al-Ghazäll begins his discussion by stating that the discussion of
place is lengthy, but by agreement may be stated briefly with four proper­
ties : (1) body goes from one place to another, and rests in one of them ;
(2) no two objects can be in one place ; (3) up and down apply to place
alone ; (4) place is wherein a body is said to be. Abraham’s poetic ac­
count of place comprises three (!) lines : the first presents al-Ghazäll’s
reformulation of Aristotle’s definition of place as a “term that signifies
the surface [Arabic : safh ; Hebrew : shetah] of the surrounding body”,
while the next two try to convey the above four properties. The commen­
tary is a bit longer. The second half is an abridged literal citation from
Judah’s translation of the Maqãsid, prefaced with the words that regard­
ing place al-Ghazäll mentioned four properties which Aristotle took as
premises. The first half does not derive from the Maqãsid. Rather Abra­
ham begins by bringing not al-Ghazall’s formulation of Aristotle’s defini­
tion of place, but rather Aristotle’s own definition, as found in Kalony-
mus’ Hebrew translation of Averroes’ Middle Commentary o f the
Physics, as the “limit [takhlit] of the surrounding body41”. He then adds,
again from Averroes’ Middle Commentary, that place has three properties
which are that it surrounds [the body], is equal [to it], and is separate

39 A verroes , Middle Commentary on the Physics, Hebrew trans. K alonym us ben

K a l o n y m u s , Paris, Bibliothèque Nationale, MS héb 938 [IMHM 31972], fols. 36r-46v.


40 Segullat Melakhim, fol. 29v ; cf. al -G ha Zãl í , Maqãsid al-falãsifah, p. 240-247
(Hebrew trans., fols. 79r-81r). Cf. A v ic enn a , Dãnishnãma, trans. M o ham m ad A chena
and H enri M a sse , in Avicenne, Le livre de science, vol. 2, Paris : Les belles lettres, 1958,
p. 20-27.
41 Middle Commentary on the Physics, IV,1,7, fol. 52r and IV,1,8-9, fols. 54r-v.
230 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

[from it]42. Abraham next brings a statement, which he attributes to Ibn


Bäjjah, and which he considers wondrous434. He adds : “Whoever wishes
to see these opinions at length should look into [Aristotle’s] Physics”. He
then turns to the account of place in al-Ghazäll just mentioned.
O f what value is Abraham’s discussion of place ? His brief account
of place omits al-Ghazäli’s report of various views on the meaning of
place (e.g., matter, form, or magnitude of the distance between two ex­
tremities) as well as his arguments against the teachings that bodies can
enter into each other, and that a vacuum is possible. But al-Ghazäll him­
self had just touched upon Aristotle’s lengthy discussion of the true na­
ture of place and its definition.
One cannot understand much of place from Abraham’s short account
of it, but one is given Aristotle’s definition of it and its basic properties
and qualities, that is, one is pointed in the right direction. Once again the
curious student who wishes to know more is directed to Aristotle’s Phys­
ics.
This directing of the worthy student to Aristotle’s works is perhaps
the key to understanding Abraham’s intention in his commentary on the
second and third parts of his book. Another illustration of this may be
found in Abraham’s comments to his poeticized version of the third in­
quiry of the third treatise of the third part of al-Ghazäll’s MaqãsicP. This
inquiry treats exhalations and the formation from them of rain, hail, rain­
bows, et alii. Abraham’s seventeen-line poem is an abridged version of
this inquiry, reflecting to the extent possible the language of Judah’s He­
brew translation. The lengthy comments on the poem begin with a literal
citation of the beginning of the inquiry : “When the sun heats the earth by
means of light, exhalation rises from what is moist”. Abraham then inter­
rupts al-Ghazäll’s text with a quote from Scripture : “And of this He said,
and an exhalation rose from the earth [and watered the whole face o f the
ground]” (Gen 2 :6)45. Abraham adds “And this is from divine providence
[ha-hashgahah ha-elohit] in order to bring forth vegetation, through

42 Middle Commentary on the Physics, IV, 1,7, fol. 52r.


43 Again Abraham’s source is A verroes (Middle Commentary on the Physics,
IV, 1,9, fol. 55v-56r). In some manuscripts, the statement is attributed to al-Fãrãbl.
44 Segullat Melakhim, fol. 32r ; cf. a l -G ha Zâl ï , Maqãsid al-falãsifah, p. 267-271
(Hebrew trans., fols. 87r-88r).
45 Segullat Melakhim, fol. 32r. Cf. Maimonides’ use of this verse in the Guide II,
30, p. 354.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 231

which all living beings live, and it is a necessary and usual occurrence.”
al-Ghazâlî does not here mention divine providence46, although commen­
tators on Aristotle’s rainfall example in Physics II, 8, certainly did. In­
deed Abraham next cites from this passage :

Aristotle said in the Physics : Tt is best because from the mixture of water with
earth, vegetation comes forth’. As for the opinions of the ancients who said that this
is by chance ‘when the exhalation is cooled in the highest sphere of air’, Aristotle in
[this passage of] the Physics scorned and discredited them and explained their
falsehood, but this is not the place [to discuss the se matters]47.

Having directed the worthy student to Aristotle’s discussion of final


cause in the Physics, Abraham returns to the opening sentence of the third
inquiry that he had interrupted : “And the sun also makes smoke rise from
what is dry”. Abraham then jumps to the middle of the inquiry and cites
from al-Ghazäh’s discussion of the formation of rain, snow, and hail.
This discussion is interrupted with a lengthy literal citation from Samuel
ibn Tibbon’s Hebrew translation of Aristotle’s Meteorology, book 1,
which serves to qualify and correct aspects of al-Ghazâlï’s explanation of
the formation of hail48. Abraham then returns to al-Ghazäll’s third in­
quiry, and cites from the discussion of the formation of rainbows. His
own discussion concludes with another citation from the Meteorology,
this one on the origin of rainbows from book 349. Once again, the Aristo­
telian text is cited when al-Ghazäll’s text is not sufficiently clear or accu­
rate.

46 He does mention divine providence {al- Hnãyah al-ilãhiyyah) in the previous in­
quiry, p. 266, in connection with the need of animals for air and earth. Abraham also mentions
divine providence in the second inquiry, both in his poem <md in the comments (fol. 31 v).
47 Segullat Melakhim, fol. 32r. The rainfall example is part of Aristotle’s discus­
sion of final cause in Physics II, 8. Abraham’s source is Kalonymus’ Hebrew translation
of Averroes’ Middle Commentary on the Physics II, 3, 3, fols. 28v-30v, and he cites from
the beginning and end of the chapter. On the reading oí'providence into the rainfall exam­
ple, see S teven H a r v e y , “The Impact of Philoponus’ Commentary on the Physics on
Averroes’ Three Commentaries on the Physics”, in Philosophy, Science and Exegesis in
Greek, Arabic and Latin Commentaries, ed. P eter A d a m so n , and M. W. F. S tone , Lon­
don : Institute of Classical Studies, 2005, voi. 2, p. 97-101.
48 Ototha-Shamayim, I, 54-55,11. 430-434.
49
Otot ha-Shamayim,III, 164-165,11. 139-141.
232 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

Abraham’s intention is thus not exactly as it seemed at first or, per­


haps more accurately, his intention in the commentary is not precisely the
same as his intention in the poem. We wondered why he turned to al-
Ghazâlï’s account of science instead of the Averroean/Aristotelian sci­
ence recommended by Maimonides, and we wondered what he hoped to
accomplish in his abridged version of this science. His goal in the poem
was clearly to present the basic definitions and concepts of science, and
thereby point the beginning reader in the right direction. For this, he
based himself on the simple concise formulations of al-Ghazall. His in­
tention was explicitly not to write a book of science as such books were
already in existence. Nor, as he explains explicitly in the introduction, did
he intend to mention or criticize the views of those who disagreed with
the scientific teachings he presented. This is true of the poem and of the
comments. Thus, for example, in his brief comments that correspond to
al-Ghazâlï’s third claim of the second treatise of the third part of the Ma­
qãsid, Abraham cites in abridged form from the first lines of the discus­
sion that state that the elements are susceptible to change, and that water,
for example, can become hot, and that the heat arises from three causes50.
He then cites al-Ghazâlï’s words that “people disagree with this”, but
whereas al-Ghazâlï devoted almost all of this section to their disagree­
ments, Abraham abruptly concludes, “but we need not dwell at length on
these opinions that have no real substance”. In the four-line poem that
corresponds to this claim, Abraham similarly mentions that there are
those who disagree, but dismisses their views as false and valueless51. But
whereas the original poeticized version was intended to introduce the
reader to the basic concepts and teachings of natural science through the
concise formulations of al-Ghazäll, the comments, which did the same
through literal citations of Judah’s Hebrew translation of the Maqãsid, at
times qualified and clarified al-Ghazäll’s text, and, more significantly,
pointed to the discussions in Aristotle’s writings and elsewhere where the
serious student could find scientific treatment of the material. It would
thus not be accurate to consider the Segullat Melakhim a break from the
Jewish tradition of Aristotelian science that preceded it. Indeed two of the
most famous Jewish Aristotelians, Isaac Albalag and Moses Narboni, in
different ways, also used Alghazazi’s Maqãsid as a convenient vehicle

50 Segullat Melakhim, fol. 30v ; al -G ha Zãl I, Maqãsid al-falãsifah, p. 251-256


(Hebrew trans., fols. 82v-84r).
51 Segullat Melakhim, 30v.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 233

for introducing readers to Aristotelian science, while pointing to


Averroean science as a far more reliable guide for serious study52. This,
as we have seen, is precisely what Abraham does - albeit in far subtler
ways - in his comments. In this light, the Segullat Melakhim emerges as
an interesting footnote in the history of the transmission of Aristotelian
science.

Principles of Religious Belief

On the surface, it would seem as if Abraham had a fairly traditional


outlook. In the introduction, he explains that among the consequences of
studying science without logic is that instead of bringing the student near
to God, it leads him far from Him, and to fundaments that are not fitting
for religion53. The conclusion of the introduction is a pious explanation of
the name of the book, composed in great measure of biblical phrases and
Talmudic references. The author concludes with a prayer for God’s help
in uncovering His secrets. This traditional outlook is manifested in the
second and third parts with clear statements of belief in basic fundaments
of the Law. For example, following al-Ghazäli, Abraham concludes his
book with sections on the knowledge of prophets and on the existence of
prophets. The first includes sub-sections on the theoretical faculty and on
strengthening the imaginative faculty while awake. These sub-sections
consist of abridged citations from the Maqãsid. The prophet can acquire
his knowledge without teaching and without a teacher. Through his
imagination he can behold marvelous things, like angels, while awake
such as others can see only in sleep. Here Abraham interrupts al-
GhazäU’s text with an appropriate quote from Scripture, likely taken from
Maimonides : And his countenance [was like the countenance o f the an­
gel o f God], very terrible [Jud 13 :6]54. In the last section of the book, we

52 See S teven H ar v e y , “Why Did Fourteenth-century Jews Turn to al-Ghazâlï’s


Account of Natural Science”, Jewish Quarterly Review, 91 (2001), p. 359-376 (on Nar­
boni, see p. 366-368).
53 See Appendix A.
54 Segullat Melakhim, fol. 37v. Cf. Maimonides, Guide II, 6, p. 265. Maimonides
here states that angels are seen only in visions of prophecy. Some prophets see angels as
humans, others as men who cause terror and amazement, and others as fire. In connection
with the second kind of vision, Maimonides cites Jud 13 :6. Narboni also quotes this verse
234 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

leam that prophets are necessary for the political order of the world, just
as rain, by divine providence (hashgahah elohit ; Arabic : al- 'inãyah al-
ilãhiyyah), will necessarily continue to pour for the sake of the order of
world55. The prophet establishes the law and makes known the order of
this world and the world-to-come. Here Abraham parts very little from
his source, and his poeticized text - as well as the commentary - simply
offer a slightly abridged form of al-Ghazâlï’s section56. Earlier, towards
the end of the part on metaphysics, Abraham, again following the text of
al-Ghazâlï, had explained that man attains eternal happiness (ha-haslahah
ha-nishit ; Arabic : al-sa 'ãdah al-abadiyyah ) through the actualization of
the intellect. Abraham adds in his commentary that this eternal life is
what the Talmudists and multitude call ‘The Garden of Eden’57.
It is thus somewhat surprising to discover that not all Abraham’s be­
liefs were so traditional. In Abraham’s account of al-Ghazâlï’s seventh
division of being, which concerns being as divided into what is in poten­
tiality and what is in actuality, Abraham, perhaps in his haste to get to the
meaty theological parts, skips over al-Ghazâlï’s opening explanation of
the subject. The teachings of the chapter, however, are soon made clear to
the reader through Abraham’s lengthy account of it. What interests him in
particular is the chapter’s implications for the problem of creation of the
world. He begins his commentary of the chapter by stating that al-Ghazâlï
“begins to put forward here a profound proof that strengthens the view of
eternity, which contradicts the fundament of creation”. al-Ghazâlï’s proof
concludes that “everything created must be preceded by matter, and it is
impossible for this matter to be created, but it must be eternal, receiving
[new] forms one after the other”. A bit later he mentions “another proof
that strengthens eternity”, this one from the potentiality or actuality of the
Agent. Here Abraham cites al-Ghazâlï’s conclusion that creation “is im­
possible without a new thing to bring [the created being] out from poten­
tiality to actuality, and this thing requires going out from potentiality to
actuality”. This, Abraham adds, “would require believers in creation to
hold that God goes out from potentiality to actuality”. For Abraham, al-
Ghazâlï here refutes creation from nothing.

in his commentary on this passage of the Maqãsid ai-falãsifah, Cambridge, Cambridge


University Library, MS Mm.6.30.3 [IMHM 16261], fol. 64v.
55 See the discussion above on the role of divine providence in rainfall.
56 Segullat Melakhim, fol. 38r-v ; Maqãsid, pp. 319-320 (Hebrew trans., fol. lOOv).
57 Segullat Melakhim, fol. 25r ; Maqãsid, pp. 178-179 (Hebrew trans., fol. 60r).
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 235

Moreover, there is little to indicate Abraham’s opposition to certain


theological doctrines and deterministic implications of the Maqãsid,
which is essentially a summary of Avicennism. Thus, Abraham abridges
without much comment al-Ghazâlï’s treatment of the divine attributes of
knowledge and will58, although he must have been familiar with al-
Ghazâlï’s criticisms in the Tahãfut al-falãsifah (Incoherence of the Phi­
losophers), since he cites Averroes’ Tahãfut al-tahãfut59. For that matter,
he was familiar with Maimonides’ criticisms in Guide o f the Perplexed
II, 21 of the latter-day philosophers who saty that God eternally creates
the world through an unchanging will.
On the other hand, Abraham does reject the philosophers’ explana­
tion of the directions of the movements of the spheres by their respective
intellects, since, he claims, the intellects are not bodies that have direc­
tion.

This is a strong proof for the origination of the world and that everything (exists) by
virtue of the intention of one who intends, who arranges everything according to
wisdom. We are ignorant of His wisdom just as we are ignorance of His essence,
for His wisdom is His essence, as we mentioned60.

As is well-known, this is ostensibly the position of Maimonides in the


Guide.
Finally, we note that in the dispute between Averroes and between
al-Fãrãbl and Avicenna over whether God is the mover of the external
orb, Abraham sides with the latter. Indeed he claims that Averroes at the
end of his life admitted his error, “for Heaven forbid that God should be
the mover of the sphere61”.
On the whole, then, Abraham appears to be on the traditional side of
the spectrum of religious belief, but not without certain untraditional
rationalist opinions.

58 Seguitai Melakhim, fol. 27r.


59 See above, n. 17.
60 Ibid., fol. 27r.
61 Ibid. For the reference in the Tahãfut, see above, n. 17.
236 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

Conclusion

The present study should be viewed as a preliminary investigation of


Abraham Avigdor’s Segullat Melakhim, a little-known, but in some re­
spects quite interesting, primer of logic and science, extant today only in
manuscript. We have been concerned primarily with understanding the
young author’s goals and intentions in this curious little book, his ap­
proach to logic, science and religion, and the relation between the au­
thor’s original poeticized text and his own prose comments. Our conclu­
sions are provisional and, to some extent, will need to be modified on the
basis of a thorough study of the text and a complete comparison of it with
its sources. What is certain, however, is that neither the poem nor even
the commentary was intended to supply the worthy reader with all the
scientific knowledge he needed. This was explicitly not Abraham’s inten­
tion, and his comments often direct the reader to fuller discussions in the
Aristotelian scientific texts. In this respect, the Segullat Melakhim differs
from many other medieval Hebrew encyclopedic works such as the
Midrash ha-Hokhmah of Judah ben Solomon ha-Kohen, and even the
Maqãsid itself, whose purpose was to obviate the need for further study
of secular science62.
We conclude by simply highlighting two such areas that need further
research : (1) the influence of Moses Narboni’s Commentary on al-
Ghazäli ’s Maqãsid al-falãsifah on the Segullat Melakhim ; (2) the impact
of Maimonides’ Guide o f the Perplexed on the Segullat Melakhim.
We have referred in the notes to Narboni’s Commentary on al-
Ghazâlï's Maqãsid. There seems little doubt that Abraham indeed read
this work, even though he used Judah ben Nathan’s Hebrew translation,
and not the so-called ‘anonymous’ translation of the Maqãsid employed
by Narboni63. Both authors at times cite the same Averroean commentar­

62 On this aspect of the medieval Hebrew encyclopedias, see H ar ve y , Medieval


Hebrew Encyclopedias. That the Maqãsid was also viewed in this way may be seen from
Judah ben Nathan’s introduction to his translation (see above, n. 11).
63 Actually the anonymous translation seems to be a slightly revised version of
Judah’s translation, and certainly not an independent translation. It is the translation that
Narboni used, and it may be that he is the one who revised Judah’s translation. Judah
actually translated the work twice before 1340 (see Re n a n , Les écrivains ju ifs, p. 574-
577); M. Z o n t a , La filosofìa antica nel Medioevo ebraico, Brescia, 1996, p. 165,
249-250, suggests that the translation may have been made as early as 1330. A third
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 237

ies when commenting on the same text in the Maqãsid. This could possi­
bly be a coincidence, but consider the following example. In his com­
ments on the first claim of the second treatise of the third part of the Ma-
qäsid, Abraham begins by citing from the first sentence of Judah’s
translation. His next sentence, without attribution, is a literal quotation
from Kalonymus’ Hebrew translation of Averroes’ Middle Commentary
on the Meteorology. The next sentences are taken from Ibn Tibbon’s
translation of Aristotle’s Meteorology, and this passage is followed by
another citation from Averroes’ Middle Commentary on the Meteorology,
this time attributed to Averroes. The next sentence states that “al-Ghazäli
assigns separation to [the hot] to distinguish it from the cold, even though
separation is not its primary intention”. Abraham explains what its pri­
mary intention is through a citation, not attributed to anyone, but drawn
from Kalonymus’ Hebrew translation of Averroes’ Middle Commentary
on On Generation and Corruption. He then once again cites from al-
Ghazâlï’s discussion. Now Narboni in his comments on this passage also
quotes these two passages from the Middle Commentary on the Meteor­
ology as well as the one from the Middle Commentary on On Generation
and Corruption. Moreover, he also writes that “al-Ghazäli assigns separa­
tion to the hot in order for it to be distinguished by it from the cold”. Nar­
boni is thus Abraham’s source for the passing comment concerning al-
Ghazäli as well as for the citations from Averroes’ commentaries. A full
assessment of Abraham’s book as well as the extent of his own direct
familiarity with Averroes’ commentaries would thus require a careful
comparison with Narboni’s commentary64.

translation was made by Isaac Albalag at the end of the 13th century, and completed by
Isaac Pulgar. The date of Narboni’s commentary is not known, but it seems to have been
written sometime between 1342-1349, and possibly even a bit later. On the dating of
Narboni’s commentary, see G itit H olzm an , “The Theory of the Intellect and Soul in the
Thought of Rabbi Moshe Narboni, Based on His Commentaries on the Writings of Ibn
Rushd, Ibn Tufayl, Ibn Bäjjah, and al-Ghazãl!” (Hebrew), Ph.D. diss., Hebrew University
of Jerusalem, 1996, p. 287.
64 Seguitai Melakhim, fols. 29v-30r ; al -G ha Zãl í , Maqãsid al-falãsifah, 248-250
(Hebrew trans., fols. 81v-82r). Abraham quotes from Averroes, Middle Commentary on
the Meteorology, Hebrew trans. K alonym us ben Ka l o n y m u s , Vatican, Bibliotheca
Apostolica Vaticana, MS Heb. 345/3 [IMHM 434], fol. 77r (= TalkhÈ kitãb al-ãthãr al-
culwiyyah, ed. Jam al E dd ine A laoui [Beirut : Där ai-gharb al-Isläml, 1994], p. 169) ;
Otot ha-Shamayim, IV, p. 186-187 (Abraham mistakenly attributes the quote to
238 STEVEN HARVEY - CHARLES H MANEKIN

As is manifest from our study, the Guide o f the Perplexed strongly


influenced Abraham’s thinking. This influence is immediately evident in
Abraham’s introduction to the Segullat Melakhim65. Like so many me­
dievals, Abraham was not only influenced by Maimonides’ thought, but
also by his proof texts and terminology. Regarding Abraham, however,
one almost gets the impression that his writing style itself was copied
from Maimonides or more precisely from Ibn Tibbon’s Hebrew transla­
tion of the Guide. Thus, for example, key expressions such as “and there
is no need to repeat it”, “and this is not the place to discuss it”, and “un­
derstand this well”, are all taken verbatim from Ibn Tibbon’s translation
of the Guide. We have mentioned Abraham' s intimate knowledge of the
Guide. Indeed, throughout his book, and particularly in the comments, he
refers to or cites dozens of chapters from the Guide. All these references
and citations must be examined before the full impact of the Guide on the
Segullat Melakhim can be gauged, and the extent to which Abraham was
a learned disciple of the master can be discerned.

Averroes) ; and A verroes , Middle Commentary on On Generation and Corruption,


Hebrew trans. K alo n y m u s ben K alo n y m u s , ed. S am uel K u r l a n d , Cambridge, Mass. :
Mediaeval Academy of America, 1958, p. 62 (= TalkhÉ al-kawn wa-1-fasãd, ed. Jamal
E ddine A la ou i , Beirut : Dãr al-gharb al-Islãml, 1995, p. 92-93). Cf. M oses N arbo ni ,
Commentary on al-Ghazãlfs Maqãsid, fol. 17r-v.
65 See the notes to our translation in Appendix A.
APPENDIX A

A CRITICAL EDITION AND TRANSLATION OF THE


INTRODUCTION TO SEGULLATMELAKHIM

D'obra tiVpo -iso

n o m n s a p P m o nyas m 1 p s nP lin n P a io a p y

amaya p m T a n a a a sn s p P m poaa ts nPaao m a n

n a y pm m oon p r o p oy •’a ra n m a m m a s - |P n o s a

anyaa - p i D’ -p y nay ransn naayn nay P an naa n n s oa

r ip 1 T im nao a n m o ’ y ia □a a d?w w s P m ay m a a ans 5

anan m m m m s o a nnaay P s P n n a m s a m a o a o a ayoay

a n n o i aPP n a n xa sa n n m nana aaym a a m a n a n o iy ’

□m a m a p ty ’ s a m a y s P sa n iy a P n p a m m sa m m s

□m a s m P s n iy a n s s P rs a n iy a n m o T y p n a y a n n y p s iy

aan ppso m ysa :n n x * o s o P a iy a p n a P ty p n P a ty » p a m a s n a s io

(Appendix B nsn) r- a n s

;496 nxims-P ;2445 saoD-U ;279 oaymaa-a ;3030 sans-s


1196 napoaa-n ;990 o’ od-b ;2521 P'^na-pm1aa-a ;44 pam-a

/ n a o a [ ] m a rn a .3 a a aan [ t d / 3 n a P a a o [n P a a o . 2 aus m a P a a o [m P a a o .1

na p a [n a a / a a D’r y s i ’ m y [m m y / s P s a [P a ia . 4 s 'y r s [a r a n

/ au n y [n y .9 aus m y a a [ m y a .8 a P ’ P [P s P .6 s P m a [ a a a .5

n a a P s [s P

a [a a n ] / n a a naPay p o P a a ya p naPay p [n P a ty a p n a P a y aa o P a u /a aa . 1 0
240 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

n a ix n n ’m y n n n y ia n a m ,m n b x m y a m nm pn P in o a n x s n a n

m yx p a n n noana n a p p p b a a naaann ib x p y a o p n s n a n na’ a n a n

’a m a panpnn r ia a n n n n a a p y n naana naann n xr -p a y pao p x

pam nn aspa1 p y n naxbab ananpa naann n x ra nnabaoba p ty b n

naana a ta o n x b a m 1 p p i s a a a n v x a m ,m ’ x a a m a s o n a n 1? a s b n m , b x n a i5

.a p ia x a ’ n b a m n m as bx a m p y n p

u nn o [1 3 6 7 ] r"a p p a a b n a iy n m y y s a w p ’n rn a a m p b m n a p by

’ asa a x p a n n naan nyyna a o x a 1 n ty x o rry a n fa x naya ’naxno p ’a

b a b a ’ iy n a a p a n n naxbaa nyp aao nanb n n a a n ’ w ap ’ asa ax n n a a n x

T ttm b ’ a’ y a p p o a n an? p ,n a a a n n s o P ’ ty a a l y p n n r b a naaaxa xanoßo

.’ ’ x y o n ax paya xan naaan ’xana nnx n o m ty naa ,n a a n n n a ’pna

nan xb a n a y p n r im a n a aaao n a n xan p nanaax p a n a naba m a p p a a

n b a r aa x a a p p ia ’ p a b a a xp n m ban ay a’ m i y y ’ axa . n a a a y n a n p a ya

nso n yyn n n x Taa oyaa p a 1 xan p a n n x ’ n a iy a a n iy x nsaan nso

■>asa a x n a a n x n ’ asa p y a n by naayan nr anx n x iy a xb n in a .ty p n m s

aaypa ab p p o ’ ty a x ra p s m y b iy a o b a 1 xb p y a n nr p p a y n napn

naapaa ananan nr n a yp n ax n w a p bx aax naypn a x ■b T a b x nanaax

nanaax ia n n n x p ia w a a nan nanbxn naanaa yaon naana aaax .n n y

na’x a n a a ib p a x iy ’nbna annany na naypn nxnb aa paaaa nm na

a n s o n p ,n p a n x n opanna napabnna n a a y ta n n a n r x iy ax opbanm o

aan baa p a y n n n a x babab paaaa b n x .n ’ p p o a naaana n ra nnnanan

- p n x n b a n a x i y a a p a a y a . a y a 1 x 1? o ’ a n y n a b x a a s o n n a a s a ñ a s a x ’ ly a a y

.n y p b a a a xa y a a p a aya

s [a b x ] .1 2 s na’ x a n [n a a x n n / a a naa’ pn [n n p n .1 1

/ a x a m a s a » ’a s a a a ’ a y n a [ a a ’ a y n p .1 6 a n a a s n n [n a a n n .1 3

/ a a [a a y x ] / a a n a y ta [ n a y a . 1 8 »a t" 1 [n a a y y ya a y . 1 7 a anaxa [a p a x a

» a n ? [a m .2 0 atsx n a a n [n n a a n .1 9 x a x [a x / » a [n a a n ]

b x n a p n [x n a p / » a p ’ a yy [ í ’ n n y y . 2 3 b n s x b a [n a b a .2 2 a ax [x a n .2 1

a b a 'a a [ n iy b a y a . 2 6 abux b x [b y / a n x a y n b n a a n y n [n a a y n n .2 5

a n a y p a [ ’ n a y p n .2 5 a a [b x a a x] / i [ ] a a P x ra [ ’ b n b x .2 7

/ n a a [ ] a n a a a n n [n a a a n a .3 1 ax n n x [ p n x / s [ n a n ] / a [ y a o n ] . 2 8
aa [T n x n b ... ty’ a] .32 93 [m ana]
THE CURIOUS SEGULLATM
ELAKHIM
BY ABRAHAM AVIGDOR 241

am m 1 annoin amayn iPxw mP a^aPa nPiao run noon aw mxnpi


'n myx annum Px d r n Tianna aaPynP nxn amain anPum missis
na nnan mPyai aaum nr ay mina annum mirai ana im i1 xmp
nPno ayp unnai vaia Pm amin m ain nya vnxnai .anann lannu?
nuraiumn amim anamr npoa mo nn py nayty Pxnum .anyn Poo
main Van1? io n 1 xP .nox ynr Pa pony yen p i ,ro Poo a’p i inxizm
xPomi mmxo urna ix t any Pxmy1 Pa .anna i n ud1 k^ i marmo
,nun ma apmno anana anoiy anPo ao Pxauv Pa .anima aona
amiran munira unity urnonP nxinn in n mPno xm1 ana nnx pxi
mirpn mPana amainan myn omo nan1? ’op Px ’uni px .anom
mooPn -|umo imx1 .onp ana Po aya any1 nsa mviy np’y amiyo
innyai ,vnmoo m vun im a mm naxn pmon Pxm .amxan annas
mnvnon m t t Pmnx

niauax amain [amain \ P muram [mirai .35 2au m 1[m 1.34


/ oaa [nay®] .38 P anon uaniy [anann linmy .37 oaa [m] .36
oiauax [inxiyn m ir a n ] / ñauas p o m i [ananir / a [nn]
/ a Pa [ P a / aa [ ] P lain lan s iaa [p i / a [ m p i ] .39
j u s

/ sPu [mnrn] .40 aauas [onuraa ... Pxnm P a ] .40-41 ts mynn [niynn
Pn y [a n y / a nana snaan Pannan [a n n a

/ Paona [ a o n a .4 1 sP [ v n m o n .. . a ’ a P a a a P x n r n P a ] . 4 1 - 4 6

/ o a a x Pax [p x .4 3 n a a fin n [n n n n .4 2 na a m a n a [a m a n a

o :u x a r a [a n a / i P x [P o / n a a n o ’ ir a [ a m u r a .4 4 n a a x n x [P x

i ñ a m a [n m r a .4 5
242 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

THE BOOK OF THE ROYAL TREASURE

A b r a h a m , th e so n of M esh u lla m , th e so n of So lo m o n , the


son of M e s h u l l a m , A v i g d o r said : When I looked at those who
glo­
rify themselves in the paths of the investigation of natural science and
metaphysics, [I saw that] now-a-days there are many who are slaves to
the bestial lusts66, who burst [I Sam 25 :10] into the study of these sci­
ences without prior study in logic, which undoubtedly is needed for theo­
retical study just as grammar [is needed] for the paths of language. In
their ignorance of this discipline, as they approach the art of theoretical
speculation, they increase their distance from God, confusing arguments
for proofs, and proofs for demonstrations. They concede to Aristotle,
with regard to many things, fundaments that are not fitting for religion.
Therefore, I was moved [cf. Ex 25 :2], when I was seventeen years
old in the year 1367, in the month of Nissan, when I saw the arguments
of these inquirers - who despise the preliminary of logic, either because
of its length or because of the difficulty of understanding it - to compose
a short book on the art of logic, which would include the Isagoge, Cate­
gories, On Interpretation, Prior Analytics, and the principle features of
the Posterior Analytics. This is what is sufficient in my opinion for guid­
ing aright the investigation of this discipline. Whatever lacks one of the
conditions of demonstration is dialectical or sophistical. I have diverged
here from following the paths of al-Ghazâlï, for he composed his book
with extreme concision, and he did not speak of the mixed [premises]67.1
did this with utmost clarity68 so that one may read it swiftly [Hab 2 :2].
Only in the case of the Posterior Analytics have I followed al-Ghazâlï, for
it can be understood with little hint69 after the preliminary of the book of
the Prior Analytics. There will not remain after this any complaint of the

66 Cf. Maimonides’ description of the ignorant in Guide o f the Perplexed II, 36,
p. 373. Maimonides here, in Samuel ibn Tibbon’s Hebrew translation, also speaks of
miNnn nvamn (the beastly lusts).
67 Lit., “he did not speak concerning the matter of the mixed [ones]”. Abraham’s
meaning is that al-Ghazâlï did not discuss syllogisms whose premises differ in modality.
68 Maimonides uses the expression T iirai rr ^ n (utmost clarity), in Ibn Tibbon’s
translation, in Guide II, 40, 381.
69 Maimonides uses the expression m ü im (with little hint), in Ibn Tibbon’s
translation, in Guide I, 33, 72.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 243

inquirer regarding length or subtlety of the matter70, for this inquirer can­
not escape from [taking one] of three paths : either the epitome of Abü
Hämid al-Ghazäll will be sufficient for him, or the epitome of Averroes,
or this epitome of mine, composed in the pleasantness of poetry.
In natural science and divine science, however, I have followed the
path of al-Ghazäh, and my intention has been to explain briefly what he
mentioned, without intending to mention the proofs of those who dis­
agree or mentioning the arguments and divisions and long paths, for the
books composed on these sciences are sufficient71. My intention is rather
to include the truth of the matter72, and every principle or fundament of
the book [of al-Ghazäh] will not be withheld from these poems. There is
a place where they say to speak at length and a place where they say to be
brief73.
I have named this book the Royal Treasure because these concealed
matters, which the souls of the perfect understanding ones acknowledge,
ought to be hidden from the multitude, [and only taught] to the remnant
whom the Lord calls [Joel 3 :5]74. The souls of the perfect ones will find
rest therein75, when superadded [to all this] are age and the moral virtues
as the Sages have stipulated76. And I saw that from the time of our taking
refuge in the shadow of His wings [cf. Ps 57 :2] that we were chosen as

70 Maimonides counts length and subtlety of the matter (puyn mpi) among the
causes that prevent the “commencement of instruction with divine science” in Guide I, 34,
p. 72-73. He explains that “it is certainly necessary for whoever wishes to achieve human
perfection to train himself first in the art of logic” (p. 75).
71 Abraham quotes word for word from Ibn Tibbon’s Hebrew translation of Guide
II, 2, preface, p. 253 : nr bm nn m rm nnson *o.
72 The expression puyn nnftN (truth of the matter) occurs several times in Ibn
Tibbon’s translation of the Guide. See Guide II, 48, p. 412 and I, 59, p. 139, II, 12, p. 279,
and III, 24, p. 499.
73 Cf. Mishnah, Berakhot, I, 4.
74 Maimonides cites from this verse in Guide I, 34, p. 73 : “As for the few solitary
individuals that are the remnant whom the Lord calls, the perfection, which constitutes the
end to be aimed at, is realized for them only after the above-mentioned preliminary stud­
ies”. Abraham clearly has this citation in mind.
75 Abraham quotes word for word from Ibn Tibbon’s Hebrew translation of Guide,
introduction, p. 20 : mwEttn am irm\
76 This passage is drawn from Guide I, 34, p. 79 : “See accordingly how they posed
age as a condition superadded to the above-mentioned excellencies”.
244 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

[His own] treasure out o f all the peoples [Deut 7 :6 and 14 :2]. And “the
pollution” and confused opinions “of [the sons of] Israel, who had been
present at Mount Sinai, have come to an end77”, and they remain clean of
all dross. He has planted a noble vine, wholly a right seed [Jer 2 :21].
They do not look upon the vanity of strange opinions78 and they turneth
not by the way o f the vineyards [Job 24 : 18]. All Israel are witnesses79.
They see in our religion lights, and their stomach is filled with flesh80.
“All Israel are children of kings81”. They stand by their words and hold
fast to the religion of Moses. Not one of them goeth out the doors o f his
house [Jud 11 :31] to deny one of its sublime and lofty principles . Thus /
applied my heart [Eccl 1:13,8 :16] to compile with extreme concision a
selection of the opinions of the philosophers in poems, for “the essential
feature of vocal poetry82” is that it is pleasant like a cloud o f dew in the
heat o f harvest (Isa 18 :4). They give light from the darkness of minds
like the splendor of the luminaries.
May God, who sends forth truth, show me His ways, and direct me
aright in His secrets. With His help I will begin to reveal His delights.

77 BT Shabbat 146a ; BT Yevamot 103b. This passage is cited in Guide II, 30, p. 357.
78 Maimonides uses the expression nnr rosn (strange opinions), in Ibn Tibbon’s
translation, in Guide I, 51, p. 112, and II, 28, p. 334.
79 See M aim onides , Mishneh Torah, Hilkhot Yesode ha-Torah, VIII, 2.
80 See M aim onides , Mishneh Torah, Hilkhot Y esode ha-Torah, IV, 13.
81 Mishnah, Shabbat XIV, 4 ; BT Shabbat 67a et al.
82
BT Sukkot 50b-51a et al.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 245

APPENDIX B

A PRELIMINARY LIST OF MANUSCRIPTS OF


ABRAHAM AVIGDOR’S COMPOSITIONS AND
TRANSLATIONS

We bring here a preliminary list of Abraham Avigdor’s composi­


tions and translations, based on microfilms examined in the Institute for
Microfilmed Hebrew Manuscripts, Jerusalem.

I. Seguitai Melakhim' (“The Royal Treasure”)

1. Budapest, Magyar tudomanyos adaemia, MIS. Kaufmann A 279 [IMHM 14561],


fols. 169-81.
M. Weisz, Katalog der Hebraeischen Handschriften und Bucher in der
Bibliothek des Prof. David Kaufmann, Frankfurt 1906, p. 100.
2. Firenze, Laurentiana Or. 496 [IMHM 19171], fols. 1-43.
3. Moscow, Russian State Library, Günzburg 1196 (Fischi 26) [IMHM 48201]. 42
fols.
4. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. heb. 44 [IMHM 1132], fols. la-56b.
M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K Hof- und
Staatsbibliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 29-30.
5. New York, Jewish Theological Seminary of America, Ms. 2521/3 [IMHM
28774], fols. 80b-109a.
6. Paris, Bibliothèque nationale de France, Héb. 990 [IMHM 33991], fols. la-38a.
H. Zotenberg, Catalogues des manuscrits hébreux et samaritains de la
Bibliothèque Impériale. Paris, 1866, p. 177.
7. Parma, Biblioteca Palatina Parm. 2445 [IMHM 13449], fols. 66a-120a.
8. ------ Biblioteca Palatina Parm. 3030 [IMHM 13854], fols. 183b-208b.
J. De-Rossi, Mss. Codices Hebraici Biblioth. I. B de-Rossi, Parma, 1803,
p. 25-26 (2445). Cf. B. Richler and M. Beit-Arié, Hebrew Manuscripts in the
Biblioteca Palatina in Parma, Jerusalem, 2001, p. 372 (2445), 369 (3030).

IL Higgayon (“Logic”, based on the Tractatus of Peter of Spain)

1. Florence, Biblioteca Medicea-Laurenziana Ms.Plut 89 Sup. 118/5 [IMHM


17981] (Fragment with glosses.], fols. 45a-57a, 16a-25a.
G. Tamani and M. Zonta, Aristoteles Hebraicus, Venice, 1997, p. 98-99.
2. Jerusalem, Jewish National and University Library Ms. 8°3607.
246 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

3. Leghorn (Livorno), Talmud Torah Ms. 6/2 [Bemheimer 41] (IMHM 12482],
fols.9a-21b and 53a-57b.
C. Bemheimer, Catalogue des manuscrits et livres rares hébraïques de la
bibliothèque du talmud tora de Livourne, Livorno, [1915], cols. 29. M. Perani, /
manoscritti della biblioteca del Talmud Torah di Livorno, Livorno, 1997, p. 37.
4. London, Beth Din and Beth Hamidrash Library, Ms. 38/2 [IMHM 4706],
fols.41-65. 1579.
A. Neubauer, Catalogue o f the Hebrew Manuscripts in the Jews ’ College, Lon­
don, Oxford, 1886, p. 14.
5. London, British Library, Ms. Add. 18227 [Margoliouth 917] [IMHM 4972].
6. ------ Ms. Add. 27087 [Margoliouth 884/2] [IMHM 5475], fols. 140a-156.
7. ------ Ms. Add. 27153 [Margoliouth 1085/6] [IMHM 5826], fols.9b-13a. Frag­
ments.
G. Margoliouth, Catalogue o f the Hebrew>and Samaritan Manuscripts in the
British Museum, London, 1899-1935, 3, p. 224-25 (Add. 18227), 179-181 (Add.
27087), 491 (Add. 271536).
8. London, Montefiore Collection Ms. 305 (Halb. 361) [IMHM 5255], fols. 35a-
63b.
H. Hirschfeld, Descriptive Catalogue o f the Hebrew Manuscripts in the Monte
fiore Library, London, 1904, p. 95.
9. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Ms. 307/8 (IMHM 1657], fols. 92-110a.
M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und
Staatsbibliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 168.
10. New York, Jewish Theological Seminary of America Library, Ms. 2304 (for­
merly Halb. 489) [IMHM 28557].
11. ------ Ms. 2314/3 (formerly Stein. 22) [IMHM 28567], fols. 14a-30b (Through
part of Categories).
12. ------ Ms. 2399/2 (formerly ENA 355) [IMHM 28652], fols. 15a-37b. (Missing
end).
13. Oxford, Bodleian Mich. 280 (formerly 766) [Neubauer 346] [IMHM 17265],
fols. 140a-152a.
14. ------ Bodleian 56 (Uri 406) [Neubauer 1329] [IMHM 22143], fols. 58a-64b.
(Begins with Propositions).
A. Neubauer, Catalogue o f the Hebrew Manuscripts in the Bodleian Library,
Oxford, 1886-1906, I, p. 72 (Mich. 280), 473 (Bodl. 56) Cf. Catalogue o f the
Hebrew Manuscripts in the Bodleian Library, Supplement, ed. R. A. May,
Oxford, 1994, p. 52 (Mich. 280), 221 (Bodl. 56).
15. Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Héb.926/2 [IMHM 30336], fols.
166-191V.
16. ------ Ms. Héb. 929/2 [IMHM 30337], fols. 34a-68. 1462 (Includes revisions
and additional translations.)
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 247

H. Zotenberg, Catalogues des manuscrits hébreux et samaritains de la


Bibliothèque Impériale, Paris, 1866, p. 162 (926), 163 (929).
17. Parma, Biblioteca Palatina Cod. Parm. 2100 [IMHM 13176], fols.26a-62b.
18. .------ Cod. Parm. 2264 [IMHM 13428], fols. 10a-38b. 1583.
19. ------ Cod. Parm. 2906 [IMHM 13799], fols. 4a-9a. 1426. Fragment.
J. De Rossi, Mss. Codices Hebraici Bibilioth. I. B de-Rossi, Parma, 1803, p. 147
(2100), 161 (2906).
Perreau, Catalogo dei codici ebraici della Biblioteca di Parma, non descritti dal
de Rossi, Firenze, 1878, p. 150 (2264).
G. Tamani and M. Zonta, Aristoteles Hebraicus, Venice, 1997, p. 25 (2246),
142 (2906).
B. Richler and M. Beit-Arié, Hebrew Manuscripts in the Biblioteca Palatina in
Parma, Jerusalem, 2001, p. 371 (2100), 479 (2264).
Parma 2906 was misidentified by De Rossi as Averroes’ Compendium on the
Organon, and Tamani and Zonta followed suit.
20. Rome, Biblioteca Casanatense 3082 [202/9] [IMHM 72], formerly 105a. Extract
in margin.
G. Sacerdote, Catalogo dei codici ebraici della Biblioteca Casanatense (Extract
of the Cataloghi dei Codici Orientali di Alcune Biblioteche d ’Italia, fase. VI,
Florence, 1897, p. 157-160).
21. Vatican, Biblioteca Apostolica Ebr. 507/1 [IMHM 591], fols. la-31b. 1455.
A. Mai, Scriptorum Veterum Nova Collectio e Vaticanis Codicibus, IV, Rome,
1831,91.
22. Vienna, Österreichische Nationalbibliothek, Hebr.43 [IMHM 1320], fols. 8r-
3 lr.
A. Z. Schwarz, Die hebräischen Handschriften der Nationalbibliothek in Wien
Leipzig, 1925, p. 173.

III. Commentary on Averroes9Middle Commentary on Porphyry9s Isagoge

1. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. heb. 63 [IMHM 1135], fols. 197a-


209a.
M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und
Staatsbibliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 42.
2. New York, Columbia University X 893 Ar 432 [IMHM 16551], fols. la-22a.
I. Mendelssohn, Descriptive Catalogue o f Semitic Manuscripts (mostly Hebrew)
in the Libraries o f Columbia University, n. 24.

IV. Commentary on Averroes9Middle Commentary on Aristotle9s Categories

1. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod, heb. 63 [IMHM 1135], fols. 209a-


236a.
248 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und


Staatsbibliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 42.
2. New York, Columbia University X 893 Ar 432 [IMHM 16551], fols. 22a-72a.
I. Mendelssohn, Descriptive Catalogue o f Semitic Manuscripts (mostly Hebrew)
in the Libraries o f Columbia University, n. 24.

V. Commentary on Averroes’ Middle Commentary on Aristotle’s


De Interpretatione

1. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod heb. 63 [IMHM 1135], fols. 236a-


267a.
M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und
Staatsbibliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 42.
2. New York, Columbia University X 893 Ar 432 [IMHM 16551], fols. 72b-124b.
I. Mendelssohn, Descriptive Catalogue o f Semitic Manuscripts (mostly Hebrew)
in the Libraries o f Columbia University, n. 24.

VI. Mevo ha-Ne‘arim (‘Introduction to the Youths’ based on Gerard de Solo’s


Elementary Treatise on Fevers)

1. Amsterdam, Universiteitsbibliotheek, Ms. Rosenthal 77 [IMHM 3653], fols, la-


13b.
M. Roest, Catalog der Hebraica und Judaica aus der L. Rosenthal’sehen
Bibliothek, Amsterdam, 1875, voi. 2, 1173, n. 21.1.
2. Berlin, Staatsbibliothek (Preussischer Kulturbesitz), Or. Fol. 4105 [IMHM 1850].
3. .------ Or. Qu. 544 [IMHM 1702], fols. 45-54.
M. Steinschneider, Verzeichniss der hebräischen Handschriften. Die Hand­
schriften-Verzeichnisse der Königlichen Bibliothek zu Berlin, 2 Bd. Berlin,
1878, p. 47 (544).
4. Hamburg, Staats- und Universitaetsbibliothek Cod. Hebr. 123 [IMHM 956],
fols. 64-75.
M. Steinschneider, Catalog der hebräischen Handschriften in der Stadtbiblio­
thek zu Hamburg..., Hamburg, 1878, 132.
5. Jerusalem, Ben Tzvi Institute 4088 [IMHM 27519], fols. 1-3 (beg.).
6. London, British Library Add. 16389 [Margoliouth 1036] [IMHM 4966], fols.
140a-146b.
7. ------ Or. 13574 [IMHM 39115], fols. 59a-66b.
G. Margoliouth, Catalogue o f the Hebrew and Samaritan Manuscripts in the
British Museum, London, 1899-1935, 3, p. 366 (Add. 16389), 179-181 (Add.
27087), 491 (Add. 271536).
8. Moscow, Russian State Library, Ms. Günzberg 766 [IMHM 48046], fols. 237a-
301b (in margins).
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 249

9. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Hebr. 296 [IMHM 1395], fols. 182-
193.
10. .------ Cod. Hebr. 297 [IMHM 1100], fol. 1-5.
M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und Staatsbi­
bliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 159-160 (296), 160-161
(297).
11. New York, Jewish Theological Seminary Ms. 2692 [IMHM 28945], fols. 1-6b.
12. .------ Ms. 2690 [IMHM 28943], fols. 31a-41a.
13. Oxford, Bodleian Library, Ms. Mich. 135 [Neubauer 2121] [IMHM 19935],
fols. la-8b.
14. .------ Ms. Marsh. 347 [Neubauer 2133] [IMHM 19947], fols. 23a-36a.
A. Neubauer, Catalogue o f the Hebrew Manuscripts in the Bodleian Library,
Oxford, 1886-1906,1:71 (Mich. 135), p. 473 (Bodl. 56).
15. Paris, Bibliothèque nationale de France, Héb. 1054 [IMHM 33997], fols. 39b-
41b.
16. .------ héb. 1123 [IMHM 37199], fols. 321a-327b.
17. ------ héb. 1128 [IMHM 37522], fols. 11 la-118a.
H. Zotenberg, Catalogues des manuscrits hébreux et samaritains de la
Bibliothèque Impériale, Paris, 1866,193 (1054), 208 (1123), 209 (1128)
18. Parma, Biblioteca Palatina, Cod. Parm. 2639 [IMHM 13555 and 2155], fols.
91 a-96a.
J. De-Rossi, Mss. Codices Hebraici Bibilioth. I. B de-Rossi, Parma, 1803,
190-191.
B. Richler and M. Beit-Arié, Hebrew Manuscripts in the Biblioteca Palatina in
Parma, Jerusalem, 2001,452 (2639).
19. Rome, Biblioteca Nazionale Centrale Vittorio Emanuele II Or. 75 [IMHM 407].

VII. Perush al-Mansuri shel Muhammad ibn Razi {Commentary on the Ninth
Book o f R azi's al-Mansûrïby Gerard de Solo)

1. Cambridge, University Library, Add. 528 [IMHM 16818], 297 fols, inc. at the
beginning.
2. Florence, Biblioteca Medicea Laurentiana Or. 492 [IMHM 19167], fols, la-
192b.
3. Jerusalem, Estate of Dr. A.M. Mazia 2 [IMHM 43071], 110 folios, ine.
4. London, British Library, Add. 16389 [IMHM 4966], fols. 1la-137b.
G. Margoliouth, Catalogue o f the Hebrew and Samaritan Manuscripts in the
British Museum, London, 1899-1935, 3 : 364-365.
5. Moscow, Russian State Library Ms. Güm:berg 164 [IMHM 6844], fols. 45a-
176b.
6. Ms. Günzberg 1116 [IMHM 48319], fols. 81a-150b.
250 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

7. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Hebr. 296 [IMHM 1395], fols. 1-


181.
M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und
Staatsbibliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 159-160.
8. New York, Jewish Theological Seminary of America Ms. 2670 [IMHM 28923],
fols. la-101b.
9. ------ Ms. 2779 [IMHM 29032], 140 fols. Krivah kol she-hi.
10. Oxford, Bodleian Library, Ms. Op. Add. Qu. 146 [Neubauer 2401] [IMHM
21681], 125 fols.
A. Neubauer, Catalogue o f the Hebrew Manuscripts in the Bodleian Library,
Oxford, 1886-1906,1 : 843-844.
11. Paris, Bibliothèque nationale de France, heb. 1124 [IMHM 15067], fols. la-99b.
H. Zotenberg, Catalogues des manuscrits hébreux et samaritains de la
Bibliothèque Impériale, Paris, 1866, 208.

VIII. M avo’ ba-Melakhah (‘Introduction to the Art of Medicine’; based on the


treatise on materia medica of Bernard Alberti, based in turn on book IV of Avicenna’s
Canon.)

1. Berlin, Staatsbibliothek (Preussischer Kulturbesitz), Or. Fol. 1340 [IMHM


1810], fols. 1-11.
2. ------ Or. Qu. 544 [IMHM 1702], fols. 9-38.
M. Steinschneider, Verzeichniss der hebräischen Handschriften. Die Hand­
schriften-Verzeichnisse der Köhniglichen Bibliothek zu Berlin, 2 Bd. Berlin,
1878,47 (544), 95 (1340),
3. Escorial, Biblioteca de San Lorenzo de El Escorial G-III-9 [IMHM 8836].
4. Florence, Biblioteca Medicea Laurentiana, Or. 492 [IMHM 19167], fols. 193a-
194b (beginning).
5. London, Montefiore Collection Ms. 441 [IMHM 8766], fols. 69a-83b.
H. Hirschfeld, Descriptive Catalogue o f the Hebrew Manuscripts in the Monte­
fiore Library, London, 1904, 132. Cf. Sotheby’s : Important Hebrew Manu­
scripts from the Montefiore Endowment. New York, October 27 and 28, 2004 ,
New York, 2004, 387.
6. London, British Library Or. 5560 E [IMHM 6521], fols. 10a-10b (fragment).
7. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Hebr., 297 [IMHM 1100], fols. 5-16
(inc.).
M. Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und
Staatsbibliothek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, p. 160-161.
8. Paris, Bibliothèque nationale de France, héb. 1054 [IMHM 33997], fols. 44a-
51a.
H. Zotenberg, Catalogues des manuscrits hébreux et samaritains de la
Bibliothèque Impériale. Paris, 1866, 193.
THE CURIOUS SEGULLATMELAKHIMBY ABRAHAM AVIGDOR 251

IX. Peraqim she-hibber Maestre Arnaut de villa Nova h e(tiqam Maestre Avram
Avigdor (‘Chapters that Maestre Amauld de Villanova composed, translated by Maestre
Avram’ ; part of the Medicationis Parabolœ of Amauld de Villeneuve (1378)).

1. Florence, Biblioteca Medicea Laurentiana, Plut. 88.36 [IMHM 17859], fols,


lb-14a.
Biscioni, Bibliothecae ebraicae graecae florentinae sive bibliothecae Mediceo
Laurentianae, Florentiae, 1757, vol. 2, 505-506.
2. Hamburg, Staats- und Universitätsbibliothek, Cod. Hebr. 123 [IMHM 956],
fols. 31b-54b.
M. Steinschneider, Verzeichniss der hebräischen Handschriften. Die Hand­
schriften-Verzeichnisse der Königlichen Bibliothek zu Berlin, 2 Bd. Berlin,
1878, p. 131.
3. London, British Library, Or. 10507 [IMHM 7869], 15 fols.
4. Macerata, Biblioteca Comunale 310 [IMHM 40363], fols. 110-116.
5. Milan, Biblioteca Ambrosiana X 137 Sup. [IMHM 14594], fols. 96a-99b.
A. Luzzatto, Hebraica Ambrosiana, Milan 1972, 93.
6. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Cod. Hebr. 286 [IMHM 1247], fols. 1-18.
7. ------ Cod. Hebr. 297 [IMHM 1100], fols. 18-19 (fragment)
Steinschneider, Die hebraeischen Handschriften der K. Hof- und Staatsbiblio
thek in Muenchen Zweite Auflage, Munich, 1895, 147-148 (286), 160-161
(297).

X. Megalleh (‘Revealer’, translation of a work attributed in the manuscripts to


Amauld of Villanova, but this has been questioned ; it was identified by Lola Ferre as
belonging to the Practica de medicinis simplicibus of Johannes de Parma)

1. Berlin, Staatsbibliothek (Preussischer Kulturbesitz) Or. Fol. 1340 [IMHM


1810], fols. 12-14
2. ------ Or. Qu. 831 [IMHM 1783], fols. 108-112.
3. ------ Or. Qu. 544 [IMHM 1702], fols. 39-45.
M. Steinschneider, Verzeichniss der hebräischen Handschriften. Die Hand­
schriften-Verzeichnisse der Königlichen Bibliothek zu Berlin, 2 Bd. Berlin,
1878,95 (1340), 62 (831), 47 (544).
4. Hamburg, Staats- und Universitätsbibliothek, Cod. Hebr. 123 [IMHM 956],
fols. 18b-31a.
M. Steinschneider, Verzeichniss der hebräischen Handschriften. Die Hand­
schriften-Verzeichnisse der Königlichen Bibliothek zu Berlin, 2 Bd. Berlin,
1878, 132.
5. London, British Library, Add. 16389 [IMHM 4966], fols. la-10b.
6. ------ Add. 27170 [Margoliouth 1040]**, fols. 13b-29a.
252 STEVEN HARVEY - CHARLES H. MANEKIN

G. Margoliouth, Catalogue o f the Hebrew and Samaritan Manuscripts in the


British Museum, London, 1899-1935, 3 : 370 (Add. 27170).
7. Paris, Bibliothèque nationale de France, héb. 1054 [IMHM 33997], fols. 42a-
43b.
8. ------ héb. 1128 [IMHM 37522], fols. 182a-187b.
H. Zotenberg, Catalogues des manuscrits hébreux et samaritains de la Biblio­
thèque Impériale, Paris, 1866, 193 (1054), 209 (1128).

XI. Ha-Haqdamah bi-Shmirah u-ve-Refuyah me-ha-Mursot ha-Divriyyot le-fi


Da 'at ha-Rofe’ ha-Muvhaq M ayJoan di Torrana (Introduction to the Prevention and
Cure of Pestilential Sores according to Master Johannes Tomamira). Dated 1364.

1. St. Petersburg, Russian National Library, Evr. IV 109, fols. 233b-323a.

XII. Pereq be-Qaddahat Divrit me-meni Gilliam di-Shilishito (Chapter on Pesti­


lential Fever by Gulielmo de Saliceto)

1. St. Petersburg, Russian National Library, Evr. IV 109, fols. 323a-332a.

XIII. Commentary on Avicenna ys Canon, book IV [?]

1. Amsterdam, Universiteitsbibliotheek, Ms. Rosenthal 77 [IMHM 3653], fols. 30a-


90b.
M. Roest, Catalog der Hebraica und Judaica aus der L. Rosenthalischen
Bibliothek, Amsterdam, 1875, voi. 2, 1174, n. 21.3.
W. ZEEV HARVEY

DE LA NOTION D’INTELLECT-INTELLIGENT-INTELLIGIBLE
CHEZ MAIMONIDE

Je voudrais étudier ici la position équivoque de Maimonide sur la


notion aristotélicienne de Dieu intellect-intelligent-intelligible, c’est-à-
dire, sur la conception de Dieu comme pensée, sujet pensant, et objet de
la pensée. Mon analyse se fondera sur deux textes : le Guide des égarés,
première partie, chapitre 681, et le Mishneh Torah, Le livre de la connais­
sance, Hilkhot Yesode ha-Torah, chapitre deux, paragraphe 102.

Un chapitre aristotélicien orthodoxe ?

Le Guide est un traité philosophique ésotérique, alors que le Mishneh


Torah est un code de loi adressé à tous. Le Mishneh Torah, qui comprend
quatorze tomes et auquel Maimonide se référait comme à « notre grande
composition » (hibburenu ha-gadol ou ta’lïfii-nâ al-kabîr)\ a été achevé
quelques années avant le Guide. Les deux ouvrages contiennent à peu
près les mêmes doctrines religieuses et philosophiques. Pourtant, les idées
de Maimonide sont présentées dans le Guide de manière complexe et
technique et se cachent sous des contradictions volontaires et d ’autres
ruses littéraires, alors qu’elles sont expliquées dans le Mishneh Torah
avec simplicité. Dans le Guide, Maimonide complique tout, alors que

* Ce texte est fondé sur un séminaire donné à Paris, à L ’École des Hautes Études
en Sciences Sociales, en janvier 2004. Mes remerciements à Pierre Bouretz pour son
invitation. Merci aussi à Noa et Lior Gradstein, Nourit Harvey et Annabel Herzog pour
leur aide et leurs suggestions.
1 M a ÏMONIDE, Le Guide des égarés, trad. S. M u n k , Paris, 1857, I, p. 301-312.
Dans ce qui suit, je modifie parfois la traduction de Munk.
2 MaÏMONIDE, Le Livre de la connaissance, trad. V. NlKOPROWETZKY et
A. Zaqui, Paris, 1961, p. 42-43. Dans ce qui suit, je modifie parfois la traduction de Niko-
prowetzky et Zaoui.
3 Par exemple, Guide, I, 68, p. 302.
254 W. ZEEV HARVEY

dans le Mishneh Torah il simplifie tout. Le Mishneh Torah peut donc


nous servir de clé aux secrets du Guide4.
Le Guide a de nombreux styles d’écriture. Chacun de ses chapitres a
son propre style. Certains chapitres sont aristotéliciens orthodoxes et
d’autres, aristotéliciens radicaux ; certains sont platoniciens et d’autres,
néo-platoniciens ; certains sont bibliques et d’autres, talmudiques ; et il y
a même un chapitre sufi. Certains chapitres sont écrits entièrement en
arabe, et d ’autres contiennent de nombreux mots en hébreu ou en
araméen.
A première vue, Chapitre I, 68 du Guide est un chapitre aristotélicien
orthodoxe. Ses concepts et son vocabulaire sont purement aristotéliciens.
Nous allons voir cependant que sous l’aristotélisme orthodoxe se cache
une critique épistémologique anti-aristotélicienne. En d’autres termes,
selon la lecture exotérique, c’est un chapitre aristotélicien doctrinaire,
alors que d ’après la lecture ésotérique il s’agira d ’un chapitre qui
bouleverse la doctrine aristotélicienne.
Commençons à lire le chapitre.

Tu connais cette célèbre proposition que les philosophes ont énoncée à l ’égard de
Dieu, savoir qu’il est l’intellect, l ’intelligent, et l’intelligible, et que ces trois choses,
dans Dieu, ne font qu’une seule et même chose, dans laquelle il n ’y a pas de
multiplicité5.

Cette « célèbre proposition » se trouve dans la M étaphysique


d’Aristote, livre lambda, chapitre 7, 1072b, et chapitre 9, 1074b-1075a.
Selon Aristote, le Moteur Originel est l’Intellect (en grec : nous) du
monde et la pensée qui se pense elle-même.
Cette proposition est l ’une des propositions fondamentales de
l’aristotélisme orthodoxe. Il faut immédiatement noter que Maimonide ne
dit pas qu’elle est « vraie », mais qu’elle est « célèbre » ou en arabe :
« suhra », c’est-à-dire, généralement connue. C’est le terme qu’il emploie
pour indiquer les estimations subjectives du bien et du mal ou du beau et
du laid (en arabe mashürât), qui ne sont pas objets de l’intellect (voir, par

4 Voir mon « The Mishneh Torah as a Key to the Secrets of the Guide », dans
Me'ah She'arim : Studies in Memory o f Isadore Twersky, éd. E. FLEISCHER, G. B lidstein ,
C. H orowitz , B. S eptim us , Jerusalem, 2001, p. 11-28.
5 Guide, I, p. 301.
DE LA NOTION D'INTELLECT-INTELLIGENT-INTELLIGIBLE 255

exemple, Guide, I, 2). Maimonide sous-entendrait--il que cette proposition


aristotélicienne est connue des philosophes, mais qu’elle n ’a pas été
démontrée6 ?
Il explique ensuite que la conception de Dieu comme intellect,
intelligent, et intelligible, est une illustration de l’unité de Dieu, qui est
« la base de notre religion »7. Il ajoute que cette « base » est encore
exprimée par une tournure particulière de la langue hébraïque. On dit hey
far'oh (« par la vie de Pharaon ! ») et hey nafshekha (« par la vie de ton
âme ! ») ; cependant, on ne dit pas : hey Adonay (« par la vie de Dieu ! »),
mais hay Adonay (« par Dieu vivant ! »)8. La grammaire hébraïque ne
sépare pas la vie de Dieu de son essence parce que Dieu est Un, et sa vie
et son essence sont Un.
Maimonide remarque ensuite avec condescendance : « Sans doute,
celui qui n ’a pas étudié les livres traitant de l’intellect, qui n’a pas saisi
l ’essence d ’intellect, qui n’en connaît pas le véritable être » ne peut pas
comprendre la conception de Dieu comme intellect, intelligent, et
intelligible9. Il continue, avec la même condescendance :

Et en effet, combien y a-t-il d’ignorants qui se hâteront de nous réfuter (...). Et


combien même y en a-t-il qui, tout en prétendant à la science, trouveront cette
chose-là difficile et croiront qu’il est au-dessus de notre esprit d ’en reconnaître la
vérité absolue ! Cependant, c’est là un sujet démontrable et évident, selon ce qu’ont
exposé les philosophes métaphysiciens10.

Maimonide s’exprime ici comme le plus pur doctrinaire aristo­


télicien. La proposition est démontrée, et elle est évidente pour tous, sauf

6 Voir S hlomo P in è s , « The Limitations of Human Knowledge according to Al-


Fãrãbi, Ibn Bãjja, and Maimonides », dans Studies in Medieval Jewish History and
Literature, éd. I. T w e r s k y , Cambridge, MA, 1979, p. 93-94 ; réimprimé dans Pinès,
Collected Works, Jerusalem, 1979-1997, tome 5, p. 415 -416 ; et C. SlRAT, La Philosophie
juive au Moyen Age, Paris 1983, p. 228. Cf. J. S t e r n , « The Enigma of Guide, I, 68 »,
conférence donnée à un colloque sur Maimonide, Centre Zalman Shazar, Jérusalem, mai
2004.
7 Guide, I, p. 302. Cf. Le livre de la connaissance, p. 43.
8 Guide, I, p. 302-303.
9 Ibid., p. 303.
10 Ibid., p. 303-304.
256 W. ZEEV HARVEY

pour les ignorants. Ah ! Ces pauvres ignorants, qui n’ont rien à voir avec
nous - nous en sommes bien certains !

Le passage correspondant

Regardons maintenant le passage correspondant à celui que l’on


vient de lire, et qui se trouve dans Le livre de la connaissance, Hilkhot
Yesode ha-Torah, chapitre 2, paragraphe 10. Maimonide introduit sa
discussion comme il l ’introduit dans G uide, I, 68, c ’est-à-dire en
rappelant la proposition aristotélicienne :

Le Saint, béni soit-il, comprend son être véritable, et le connaît tel qu’il est. Mais, il
ne le connaît pas d’une connaissance extérieure à lui-même, comme la nôtre l ’est à
nous qui ne faisons pas un avec notre connaissance, tandis que le Créateur, béni
soit-il, Lui, sa connaissance et sa vie, est un à tous égards, sous tout rapport et en
toute manière d’unité... C ’est pourquoi il est nécessaire d’affirmer qu’il est à la fois
le connaissant, le connu, et la connaissance elle-même, le tout ne faisant qu’un. Ce
mystère, il n ’est pas au pouvoir de la bouche de 1 exposer ni de l’oreille de l ’ouïr, ni
de l ’esprit de l’homme de le connaître parfaitement11.

Maimonide mentionne ici aussi la tournure hébraïque « par Dieu


vivant » {hay Adonay).

Mais c’est à lui que prend garde l’Écriture qui dit « par la vie de Pharaon » [Gen.
42 :15], « par la vie de ton âme » [I Sam. 25 :26], mais non « par la vie du
Seigneur », expression à laquelle elle substitue « par Dieu vivant ! » [ibid.]. En
effet, le Créateur et sa vie ne constituent pas deux entités comme dans le cas de la
vie des corps vivants et de la vie des anges12.

À première vue, il semble que les deux passages soient presque


identiques. Pourtant ils présentent d’importantes différences. Comme on
vient de le voir, dans le G uide, Maimonide écrit que la proposition
aristotélicienne est démontrée et évidente sauf pour les ignorants. Or dans
Le livre de la connaissance, il écrit : « Ce mystère, il n ’est pas au pouvoir
de la bouche de l’exposer ni de l’oreille de l ’ouïr, ni de Vesprit de
l'homme de le connaître parfaitement ». Dans le Guide il se moque des

u Le livre de la connaissance, p. 42.


12
Ibid., p. 43.
DE LA NOTION DTNTELLECT-INTELLIGEiNT-INTELLIGIBLE 257

ignorants qui « trouveront cette chose-là difficile et croiront qu’il est au-
dessus de notre esprit d ’en reconnaître la vérité absolue », alors qu’il
prend lui-même une telle position dans Le livre de la connaissance ! Se
moquerait-il donc de lui-même ? Est-ce bien concevable ? Nous savons
qu’il avait de l’humour et de l’ironie mais une telle ironie aurait-elle un
sens ?
Quelle est la véritable pensée de Maimonide sur ces questions ?
Correspond-elle à l’orthodoxie aristotélicienne ou à l’épistémologie criti­
que ? Pense-t-il que la proposition d’Aristote est démontrée et évidente
ou qu’il n’est pas au pouvoir de la bouche de l’exposer ni de l’oreille de
l’ouïr ?

Entre Dieu et l’homme

Revenons au Guide, I, 68. Maimonide veut maintenant expliquer


l’idée de Dieu comme intellect-intelligent-intelligible, mais au lieu de
s’exprimer en termes théologiques ou métaphysiques, il utilise le voca­
bulaire des sciences humaines. Il parle de la connaissance de l’homme, et
non de la connaissance divine. Citons ses propos qui se fondent sur
Aristote, De Anima, troisième livre, chapitre 5. 430a :

Sache que l ’homme, avant de penser une chose, est intelligent en puissance ; mais
lorsqu’il a pensé une certaine chose, comme, par exemple, lorsqu’il a pensé la
forme de ce bois en question, qu’il a abstrait ce qui en est la forme de ce qui en est
la matière, et qu’il s’est figuré la forme abstraite (car c’est en cela que consiste
l’action de l ’intellect), il est devenu intelligent en acte. L ’intellect qui est passé à
l ’acte est lui-même la forme du bois abstraite dans l’esprit de l ’homme ; car
l’intellect n’est point autre chose que l’objet intelligible13.

Maimonide établit donc un parallèle entre la description


aristotélicienne de l’intellect humain dans De Anima et celle de l’intellect
du Moteur Originel dans la M étaphysique14. Quand il pense en acte,
l’homme est, comme Dieu, intellect, intelligent, et intelligible ! La

13 Guide, I, p. 304-306.
14 Voir PiNÈS, Translator’s introduction, dans M a im o n id e s , The Guide o f the
Perplexed, trad. S. PiNÈS, Chicago 1963, p. xcviii. Cf. SlRAT, La Philosophie juive au
Moyen Age, p. 209-210.
258 W. ZEEV HARVEY

frontière entre théologie et anthropologie devient floue. La différence


entre Dieu et l’homme pensant disparaît. Dieu et l’homme sont tous deux
intellect. Maimonide écrit :

Il est clair aussi que, si l’on dit que l ’intellect, l ’intelligent, et l ’intelligible ne
forment qu’un en nombre, cela ne s’applique pas seulement au Créateur, mais à tout
intellect. De nous aussi, l ’intelligent, l’intellect, et l ’intelligible sont une seule et
même chose toutes les fois que nous possédons l’intellect en acte15.

L ’homme pensant est un intellect comme tous les autres intellects


- comme les anges, c ’est-à-dire les intelligences séparées qui sont à
l’origine du mouvement des sphères célestes, et comme Dieu lui-même.
Sans conteste, Maimonide fait ici preuve d ’audace. Son inter­
prétation de la proposition aristotélicienne est profondément humaniste,
étonnamment anthropocentrique et semble contredire son habituelle via
negativa. Elle contredit indiscutablement l ’interprétation de la
proposition déjà citée du Livre de la connaissance : « Le Saint, béni soit-
il, comprend son être véritable, et le connaît tel qu’il est. Mais, il ne le
connaît pas d’une connaissance extérieure à lui-même, comme la nôtre
l’est à nous qui ne faisons pas un avec notre connaissance. »
Contrairement au Guide, dans Le livre de la connaissance la frontière
entre théologie et anthropologie est claire : l’intellect de Dieu ne
ressemble pas à celui de l’homme.
En outre, dans Le livre de la connaissance, Maimonide écrit : « En
effet, le Créateur et sa vie ne constituent pas deux entités comme dans le
cas de la vie des corps vivants et la vie des anges16». Cette phrase est sans
équivoque. La frontière entre théologie et angelologie n ’est pas moins
nette que celle entre théologie et anthropologie ! Dieu est différent non
seulement de l’homme, mais aussi des intelligences séparées qui sont à
l’origine du mouvement des sphères célestes. Le Dieu du Livre de la
connaissance est unique et transcendant : il diffère de tout ce qui est sur
terre et dans le ciel. Et il diffère aussi du Dieu du Guide, I, 68.

15
Guide, I, p. 311.
16
Le livre de la connaissance, p. 43.
DE LA NOTION D'INTELLECT-INTELLIGENT-INTELLIGIBLE 259

Deux contradictions

Pour nous résumer : nous avons vu les deux principales contra­


dictions qui apparaissent entre Guide, I, 68, et le passage correspondant
du Livre de la connaissance.
La première : selon Guide, I, 68, la proposition concernant Dieu
comme intellect, intelligent, et intelligible est démontrée et évidente ;
mais selon Le livre de la connaissance, elle n’est pas concevable par
l’entendement humain.
La seconde : selon Guide, I, 68, l’identité d’intellect, intelligent, et
intelligible s’applique à Dieu, aux anges, et à l’homme ; mais selon Le
livre de la connaissance, elle s’applique à Dieu seul.
Comment comprendre ces contradictions ?

Les intelligences séparées

Dans le Guide, I, 68, Maimonide écrit que Dieu et l’homme sont tous
deux intellect. Il serait pourtant exagéré de dire qu’il ne fait pas de distin­
ction entre Dieu et l’homme. Premièrement, Dieu a une précédence
ontologique sur l’homme, tout comme les intelligences supérieures ont
une précédence ontologique sur les intelligences inférieures (par exemple,
l’intelligence de la sphère de Saturne précède ontologiquement celle de la
sphère de Jupiter)17. Deuxièmement, contrairement à l’homme, Dieu est
toujours intellect en acte. Maimonide souligne ce détail :

Dans nous aussi, l ’intelligent, l ’intellect, et l ’intelligible sont une seule et même
chose toutes les fois que nous possédons l ’intellect en acte ; mais ce n ’est que par
intervalles que nous passons de la puissance a l’acte. De même l ’intellect séparé, je
veux dire l ’Intellect Actif éprouve quelquefois un empêchement à son action...
Notre but est plutôt [d’exposer] que la chose qui appartient à Dieu seul et qui lui est
particulière, c’est d ’être toujours intellect en acte...18.

17 Voir Le livre de la connaissance, Hilkhot Yesode ha-Torah 2 :5-7 ; 3 :1, p. 37-


41,45-47,
18 Guide, I, 68, p. 311.
260 W. ZEEV HARVEY

La distinction est claire : Dieu est toujours intellect en acte, tandis


que l’homme et l’Intellect Actif sont tantôt intellects en acte, tantôt intel­
lects en puissance car la matière interdit parfois leur action. Mais est-il
vrai que « la chose qui appartient à Dieu seul et qui lui est particulière,
c’est d’être toujours intellect en acte » ? La distinction entre Dieu d’une
part, et l’homme et l’Intellect Actif d’autre part laisse en suspens une
question évidente et importante : les intelligences séparées qui causent le
mouvement des sphères célestes, sont-elles toujours intellects en acte,
comme Dieu, ou seulement dans certains cas, comme l ’homme et
l’Intellect Actif ? Par exemple, le Moteur Originel, qui est identifié avec
la catégorie des anges nommée Hayyot ha-Qodesh, est-il toujours un
intellect en acte ? Guide, I, 68 ne nous donne pas de réponse.
Si les intelligences séparées qui causent le mouvement des sphères
sont toujours intellects en acte, alors « la chose qui appartient à Dieu seul
et qui lui est particulière » appartient aussi à ces intelligences. En outre,
le nom « Dieu » signifie parfois « ange » (voir par exemple Guide, I, 64).
Il serait donc possible de penser que le terme « Dieu » dans Guide, I, 68,
ne désigne pas Dieu mais le système des intelligences séparées qui
meuvent des sphères, et en particulier le Moteur Originel, c ’est-à-dire,
Hayyot ha-Qodesh. S’il en est ainsi, le chapitre, comme la proposition
aristotélicienne, ne parle pas de Dieu, mais du système des intelligences
qui meuvent des sphères ou du Moteur Originel. Notons que dans Le livre
de la connaissance, Hilkhot Yesode ha-Torah, le passage concernant la
notion d’intellect-intelligent-intelligible ne se trouve pas dans chapitre 1,
qui traite de Dieu, mais dans chapitre 2, qui traite des intelligences
séparées, c’est-à-dire, des anges.
Cependant, cette interprétation n ’est pas sans poser de problèmes.
Comme nous l’avons vu, Maimonide écrit dans le passage du Livre de la
connaissance : « En effet, le Créateur et sa vie ne constituent pas deux
entités [un en acte et l’autre en puissance ?] comme dans le cas de la vie
des corps vivants et de la vie des anges ». Cette formulation pourrait
certes être interprétée de diverses manières (par exemple, l’expression
« la vie des anges » concernerait la vie de l’Intellect Actif seul ou la vie
de toutes les intelligences séparées sauf le Moteur Originel) ; mais à
première vue, elle semble indiquer qu’en ce qui concerne la proposition
aristotélicienne, les intelligences qui meuvent les sphères - y compris le
Moteur Originel - se trouvent dans la même catégorie que l’Intellect
Actif et l’homme, et non dans celle de Dieu.
DE LA NOTION D'INTELLECT -INTELLIGENT-INTELLIGIBLE 261

Un exemple anodin

Revenons à l’exemple de l’homme qui pense à un morceau de bois


particulier dans Guide, I, 68.
Maimonide, dont le style est habituellement concis et précis, déve­
loppe en long et en large cet exemple très anodin19. Un homme pense à un
morceau de bois, et extrait sa forme de sa matière, et voici qu’il fait un
avec l’objet de sa pensée, qui est la forme du morceau de bois. Cet
exemple est censé illustrer l’acquisition de La connaissance scientifique.
Pourtant, l’exemple est surprenant, puisque selon Aristote la connais­
sance scientifique est toujours celle des universels. Dans les Analytiques
Postérieurs, deuxième livre, chapitre 19, 99b-100b, Aristote explique que
la connaissance empirique du monde ressemble à la victoire dans une
bataille. Un soldat seul ne peut arrêter l’ennemi ; deux soldats ne suffisent
pas non plus, ni même trois ou quatre. Combien suffiraient ? Nous ne le
savons pas précisément, mais il est clair qu’il en faudrait beaucoup.
Selon l’épistémologie aristotélicienne, on ne peut connaître le bois
qu’en tant qu’universel et non en tant que morceau particulier. Et la
connaissance du bois en tant qu’universel nécessite la perception de
nombreux morceaux de bois particuliers à l’aide de nos cinq sens. Ces
perceptions ou sensibilia sont alors conservées dans l’esprit comme
phantasmata, c’est-à-dire comme objets de l’imagination, et de ces phan­
tasmata l’intellect induit la forme universelle20. L’exemple de Maimonide
n ’est donc pas un exemple aristotélicien adéquat. Ce n’est pas un exem­
ple de connaissance scientifique, mais plutôt de pensée imaginative car
l ’appréhension des particuliers est toujours celle de l ’imagination, et
jamais celle de l’intellect.
Cet exemple anodin nous permet de comprendre que nos connais­
sances scientifiques se fondent sur la pensée imaginative. Dans une

19 Cf. PlNÈS, Translator’s introduction, The Guide o f the Perplexed, p. xcviii :


« Maimonides uses (...) a humble example ».
20 Cf. P lN È S , « Les limites de la métaphysique selon Al-Fãrãbi, Ibn Bâjja, et
Maimonide », dans Miscellanea Mediaevalia, 13/1 (1981), p. 215-217 ; réimprimé dans
P lN È S , Collected Works, Jerusalem 1979-1997, tome 5, p. 436-438. Cf. Sirat , La
Philosophie juive au Moyen Age, p. 229.
262 W. ZEEV HARVEY

bataille chaque victoire se fonde sur les actions de soldats particuliers. La


victoire n ’est pas assurée, et la connaissance non plus. L ’exemple de
Maimonide nous rappelle qu’il est difficile --et peut-être impossible ! -
de faire la distinction entre la pensée intellectuelle et la pensée imagi­
native. Il nous montre par conséquent que les fondements de notre
connaissance du monde sont fragiles.
Nous sommes humains grâce à notre intellect, créé à l’image de Dieu
(voir Guide, I, 1). Nous avons besoin de croire à la possibilité de con­
naître le monde, comme l’indique le mythe de la certitude épistémo­
logique dont parle Socrate dans le Ménori (81a-d). Selon la lecture
exotérique du Guide, I, 68, Maimonide nous donne cette assurance. Selon
sa lecture ésotérique, il nous l’interdit. Le niveau exotérique nous propose
un aristotélisme réconfortant. Le niveau ésotérique nous enjoint de
chercher à connaître le monde, malgré les difficultés de la connaissance
(cf. Ménon, 86b-c).

Satisfaction ou perplexité

Maimonide conclut le chapitre par une remarque adressée au lecteur :

Si nous nous sommes souvent répétés dans ce chapitre, c’est parce qu’il s’agissait
d ’une chose que les esprits conçoivent très difficilement. Je ne pense pas que dans
toi la conception intellectuelle puisse être troublée par l ’imagination, et que tu
puisses, dans ta faculté imaginative, établir à ce sujet une comparaison avec les
choses sensibles ; car ce traité n’a été composé que pour ceux qui ont étudié la
philosophie et qui connaissent ce qui a été exposé au sujet de l’âme et de toutes ses
facultés .

Le lecteur ordinaire, qui a lu quelques livres au sujet de l’âme, pense


connaître la différence entre intellect et imagination, et finit ce chapitre
satisfait. Mais le lecteur philosophe sait, lui, que la distinction entre
intellect et imagination n’est pas si simple, et achève ce chapitre dans la
plus grande perplexité.

21
Guide, I, p. 312.
R o lan d H issette

TROIS CAS D’EMISSIONS DOUBLES DANS LES EDITIONS


HUMANISTES DE L’ARISTOTELES LATINUS AVEC
COMMENTAIRES D’AVERROES

Parmi les réalisations philosophico-éditoriales de la Renaissance, fi­


gurent un certain nombre d’éditions d’Aristote avec commentaires
d’Averroès1 : rien que pour la traduction arabo-latine médiévale des com­
mentaires moyens d’Averroès sur la Logica uetus, j ’ai pu établir une liste
de douze éditions humanistes2. Je voudrais ici attirer l’attention sur une
pratique éditoriale assez peu prise en considération, si ce n ’est dans cer­
tains cercles voués à l’histoire du livre ancien, et qui affecte deux de ces
douze éditions : la quatrième et la dixième.

La quatrième édition ou E tt

La quatrième édition de la traduction arabo-latine médiévale des


commentaires moyens d’Averroès sur la Logica uetus fait partie de la
quatrième “grande” édition d’Aristote-Averroès (= Ect) produite à la
Renaissance3. Cette “grande” édition a été publiée en plusieurs étapes,
entre le 30 septembre 1495 et le 26 avril 1496. La direction scientifique

1 Cf. L. M inio -P aluello , “Attività filosofico-editoriale aristotelica dell’uma­


nesimo”, in Opuscula. The Latin Aristotle, Amsterdam, 1972, p. 496 ; voir aussi F. E.
C r a n z , “Editions of the Latin Aristotle accompagnied by the Commentaries of
Averroes”, in E. P. M ahoney (ed.), Philosophy and Humanism. Renaissance Essays in
Honor o f Paul Oskar Kristeller, Leiden, 1976, p. 120.
2 Voir notamment R. H issette , “Préface”, in A verroes L a t in u s , Commentum
medium super libro Peri Hermeneias Aristotelis, Translatio Wilhelmo de Luna attributa,
Louvain, 1996 (Averrois Opera. Series B, Averroes Latinus, XII), p. 20*-24* ; Id ., “Des
éditions humanistes à Guillaume de Luna ? Le cas du commentaire d ’Averroès sur les
Prédicaments de Urb. Lat. 22/ ”, in Miscellanea Bibliothecae Apostolicae Vaticanae XI
{Studi e testi, 423), Città del Vaticano, 2004, p. 426-427.
3 C f R. H issette , “Note sur deux éditions latines d ’Aristote avec commentaires
d ’Averroès par Agostino Nifo et Marcantonio Zimara”, in Bulletin de philosophie médié­
vale, 45 (2003), p. 190-204.
264 ROLAND HISSETTE

de l’entreprise était assurée par le philosophe padouan, Agostino Nifo, et


les travaux d’impression par les ateliers de Giovanni et Gregorio de’ Gre­
gori, mais œuvrant pour Ottaviano Scoto. Les deux volumes de
l’ensemble comptent respectivement 392 et 375 folios (le 376e n ’a pas été
imprimé), répartis en 48 et 47 cahiers4.
Les cahiers les premiers sortis de presse ont été ceux de la Physique.
Eux précisément présentent un phénomène notable : ils ont paru sans le
prologue d’Averroès qui pourtant aurait dû les précéder. Les travaux
d’impression des autres cahiers de Ed4 n ’ont jamais été l ’occasion de
réparer l’omission5. Elle le sera pourtant, mais sur la toute dernière page
d’un autre ouvrage.
L’éditeur scientifique de cet autre ouvrage était également Agostino
Nifo. Comme Ed4, l’ouvrage en cause a été imprimé pour Ottaviano Sco­
to, mais par Boneto Locatello. Il est sorti de presse le 1er mars 1497 et
compte 130 folios répartis en 16 cahiers. Outre quelques lettres (fol. lv et
13Or), on y trouve l’édition princeps des Destructiones destructionum
d’Averroès (dans la version de Calonymos ben Calonymos d’Arles6) ;
cette édition est accompagnée d’un commentaire (<expositio) d’Agostino
Nifo ; vient ensuite le Tractatus ou Questio de sensu agente du même
Agostino Nifo. La toute dernière page enfin est occupée par le prologue
d’Averroès à la Physique (il manquait en Ed4 !), et ce prologue est suivi
d’une courte lettre, dans laquelle Nifo rappelle à son mécène, Lorenzo
Donato, les efforts qu’ils s’est imposés pour que les volumes du grand
Averroès {magni Averroys volumina) soient trouvés le plus possible
exempts d’erreurs7.
Quels sont ces volumes ? Sûrement, je crois, ceux de Ed4, publiés par
Nifo au cours des dix-huit mois qui ont précédé8. Or, absent en Ed4, le
prologue à la Physique a été imprimé, on vient de le voir, sur la dernière
page de l’édition princeps des Destructiones destructionum... Dès lors,
pour combler la lacune du prologue omis en Ecf, il est devenu possible de

4 Cf. G W (= Gesamtkatalog der Wiegendrucke), vol. II, 2e éd., Stuttgart, 1968, no­
tice 2340, col. 572-574.
5 Cf. R. H issette , “Note sur deux éditions...” (supra, n. 3), p. 192.
6 Cf. E. P. M ah o ney , “Agostino Nifo’s De sensu Agente”, in Archiv fü r Ge­
schichte der Philosophie, 53 (1971), p. 119.
7 Cf. GW (supra, n. 4), vol. III, 2e éd., Stuttgart, 1968, notice 3106, col. 216-217.
8 Cf. R. H issette , “Note sur deux éditions...” (supra, n. 3), p. 195.
ÉMISSIONS DOUBLES DANS DES ÉDITIONS HUMANISTES 265

placer les cahiers de cette édition princeps au-devant des cahiers de la


Physique, donc en tête des deux volumes de Ect. Que cela est bien ce
qu’a voulu Nifo, est attesté par le titre que portent à peu près tous les
exemplaires conservés de ladite édition des Destructiones destructio­
num... Voici ce titre9 :

Deftructiones deftructionü Auerroys cü || Augultini niphi de Sueiïa expolitione. ||


Eiufde Auguftini queftio de fenfu agête. || Omnia Arifto. opera tam in logica qua in ||
philofòphia naturali x morali x metaphy || fica cum fui fídeliiïimi Iterpretis Auer/ ||
roys cordubêfis cõmêtarijs.

Il saute aux yeux que ce titre est triple, puisqu’il mentionne : 1) les
Destructiones destructionum et leur expositio ; 2) la Questio de sensu
agente ; 3) les Omnia opera d’Aristote-Averroès. Nul doute en outre, que
l’ordre dans lequel les œuvres sont nommées, est aussi celui que Nifo
voulait voir respecter pour le classement définitif de l’ensemble.
Est-ce à dire qu’à l’occasion de la mise sous presse du recueil des
Destructiones destructionum..., Nifo aurait aussi fait réimprimer les deux
volumes de EàAcl Je ne connais pas de volumes produits lors d’une telle
réimpression, et je n ’ai pas trouvé non plus de catalogues d’incunables
qui les mentionneraient : par rapport à ceux de E ct, des volumes réim­
primés présenteraient en tout cas certainement des variantes dans la com­
position typographique ; en outre, les dates d’achevé d’imprimer des di­
verses sections ne pourraient plus être celles des fascicules de Ect.
Il faut donc supposer autre chose : qu’à partir de mars 1497, la mise
en circulation du recueil des Destructiones destructionum... a aussi été
l’occasion, non d’une réimpression, mais d’une remise sur le marché d’un
certain nombre d’exemplaires des deux volumes de E c t; le stock de ceux-
ci, tirés en 1495-96, ne devait pas encore être épuisé.
Pour E ct, il y eut donc deux mises en circulation : l’une, antérieure à
la publication du recueil des Destructiones destructionum..., l’autre
concomitante. C’est ce qu’on veut exprimer en disant, comme assurément

9
Cf. GW, notices 2340, col. 574 ; 3106, col. 216 (supra, n. 4 et 7).
266 ROLAND HISSETTE

il convient10, que Ed4 a connu deux émissions ou “issues”, ou a été “reis­


sued”11.

L’édition princeps des Destructiones destructionum

On achève d’évoquer le titre triple porté par la grande majorité des


exemplaires de l’édition princeps des Destructiones destructionum... En
vérifiant les listes proposées par GW (Gesamtkatalog der Wiegendrucke12) et
ISTC (The illustred incunabula short title catalogue13), à l’aide aussi de
l’un ou l’autre catalogue ou répertoire14, j ’ai pu recenser 52 exemplaires
de cette édition15. Hormis 3 exemplaires, dont la page de titre est man­
quante16, tous les autres, sauf 3 (donc 46 au total sur 52), portent le même
titre triple, énoncé ci-dessus.

10 Cf. R. H issette , “Note sur deux éditions...” {supra, n. 3), p. 196 et n. 27.
11 Cf. Catalogue o f Books printed in the XVth Century now in the British Museum,
Part V : Venice. London, 1924, p. 348 ; aussi General Catalogue o f Printed Books pubi,
by the Trustees of the British Museum, Photolithographic edition to 1955, voi. 6 : Anv-
Armin. London, 1965, col. 933. Sur cette notion d’émission ou “issue”, voir également :
J.-F r . G ilm o nt , Le livre et ses secrets (Cahiers d’humanisme et renaissance, 65 ; Temps et
espace, 2). Louvain-la-Neuve-Genève, 2003, p. 91, 109.
12 Cf. supra, n. 7.
13 London, British Library ; voir la notice numérotée : iaO 1412000.
14 En particulier ceux qui concernent les bibliothèques de Ala, Güssing et Lis­
bonne ; cf. A. G onzo , Gli incunaboli e le cinquecentine della Biblioteca comunale di Ala,
Trento, 2000, p. 68, n° 19 ; Online-Kataloge der ÖNB (= Österreichische Nationalbiblio­
thek, Wien), Inkunabelzensus Österreich, fiche : A verroes , Destructiones destructio­
num.... ; M.V.C.A. Sul Mendes, Os incunábulos das bibliotecas portuguesas. [Lisboa,]
1995, p. 79, n° 196.
15 La liste en est donnée dans mon étude : “À propos de trois anciennes éditions la­
tines d ’Aristote avec commentaires d’Averroès (dont les incunables G W 2340/ 3106 ; IGI
795/ 1106)”. I. “Les faits et leurs explications”, in : Miscellanea Bibliothecae Apostolicae
Vaticanae XII {Studi e testi, 430), Città del Vaticano, 2005, p. 190-192. Dans le titre qui
vient d ’être cité, lire : IGI 196, au lieu de IGI 195.
16 II s’agit des exemplaires suivants : 1. Budapest, Mayyar Tudomànyos Akadémia,
Inc. 145/ koll. 1 (communication de G. T oth , du 15 novembre 2004) ; 2. Madrid, Biblio­
teca de la Universidad Complutense, B H Inc. 1-25 (1) ; non seulement la page de titre y
est perdue, mais tout le premier cahier, comme le signale le Catalogo de la Biblioteca
Digital Dioscórides, ce qui m ’a été confirmé par M. C abello (communication du 15
décembre 2004) ; 3. Valence, Universitat, Biblioteca Històrica, INC. 154 (1 (communica­
tion de M. C. C abeza S án ch ez A lbornoz , du 22 novembre 2004 ; cf. aussi A. P alanca
ÉMISSIONS DOUBLES DANS DES ÉDITIONS HUMANISTES 267

Trois exemplaires font donc exception : Tun conservé à Naples, BN,


S.Q. VLE.31 (= ici désormais sigle Na), un autre à Palma de Majorque,
Biblioteca Pública del Estado, Inc. 536X1, un troisième enfin à Zakro-
czym, Biblioteka Warszawskiej Prowincji Kapuczynów, X V 518. Le titre
porté par ces trois exemplaires est le suivant :

Deftructiones deftructionu Auerroys cü || Auguftini niphi de Sueiïa expofitione. ||


Eiufdë Auguftini queftio de fenfu agëte. ||

En plus de ce titre qui, on le constate, ne mentionne pas les Omnia


opera d’Aristote-Averroès, ces trois exemplaires ont une autre propriété
commune : le verso de leur folio 130 est non imprimé. Us n ’ont toutefois pas
cette dernière propriété en apanage, car le verso du folio 130 d’un autre
exemplaire de Naples, BN, S.Q. VE.30 (= ici désormais sigle Nb) est, lui
aussi, non imprimé. H convient maintenant de s’arrêter à ces particularités de
Na, Nb et des exemplaires de Palma et de Zakroczym, et cela d’autant plus
qu’elles semblent avoir été négligées par la bibliographie moderne19.
Comme pour la majorité des exemplaires de notre édition princeps
des Destructiones destructionum..., le titre de Nb est le titre long ren­
contré ci-dessus. De ce point de vue, par rapport à Na et aux exemplaires
de Palma et de Zakroczym, la différence est notable. Elle ne doit pourtant
pas donner le change. En effet, en Nb, le folio 1, dont le recto est la page
de titre, est collé sur onglet ; il en va de même du folio 8. Dans le quader-
nion qu’est le premier cahier (= a), les deux folios 1 et 8, c’est-à-dire les
deux demi-feuilles ax et a8, devraient constituer la première feuille. La
présence de l’onglet auquel sont collés les deux folios 1 et 8 et qui les

PONS..., Catálogo de los incunables de la biblioteca universitaria de Valencia, Valencia,


1981, n° 154).
17 Les informations relatives à cet incunable ont été vérifiées par M. de Lluch
Alemany ; je lui en suis très reconnaissant.
18 Exemplaire conservé jadis à Nowe Miasto (couvent des capucins). Je remercie
vivement le P. G. Filipiuk, bibliothécaire du couvent des capucins de Zakroczym, pour les
informations et les illustrations qu’il m ’a transmises. A mon interprète auprès de lui, le P.
Z. Pajda, j ’exprime aussi toute ma gratitude.
19 Je dois bien signaler n’avoir pas rencontré de catalogues d’incunables qui, pour notre
édition des Destructiones destructionum..., fassent état de phénomènes semblables ou analo­
gues à ceux rencontrés dans Na, Nb et les exemplaires de Palma et de Zakroczym.
268 ROLAND HISSETTE

tient ensemble dans le cahier, indique que la feuille originelle a peut-être


été coupée. Un des deux folios pourrait donc avoir été remplacé. Mais
aucun indice de remplacement du folio 8 n ’est donné. En revanche, à
moins d’une erreur lors de la constitution du cahier a chez le libraire (on
se serait trompé de page de titre !), le folio 1 pourrait bien avoir été rem­
placé. En effet, dans un exemplaire sans lien avec Edt (puisqu’il y man­
que au folio 130v le prologue à la Physique et la lettre de Nifo à Lorenzo
Donato20), il est étrange que le titre mentionne les Omnia opera
d’Aristote-Averroès. C’est donc le même titre court que celui porté par
Na et les exemplaires de Palma et de Zakroczym, qu’on s’attendrait à voir
porté aussi par Nb2i.
Qu’en Na et dans les exemplaires de Palma et de Zakroczym, le titre
ne mentionne pas les Omnia opera d’Aristote-Averroès et que le verso du
folio 130 y soit non imprimé (c’est-à-dire ne serve pas de lien avec ces
mêmes opera), voilà deux données qui certainement vont de pair. Ne
trahissent-elles pas la volonté de diffuser les 130 folios des Destructiones
destructionum... comme un recueil autonome, indépendant des imposants
opera d’Aristote-Averroès (= 392 et 375 folios !) ? La page de titre d’un
tel recueil (autonome) n ’avait pas à mentionner ces opera et, sur la der­
nière page, le prologue à la Physique n ’avait pas à figurer.
Or, à cet état de choses, pourrait très bien correspondre l ’état premier
de Nb, en vertu du remplacement possible de sa page de titre originelle. A
ce propos, je note que, dans le catalogue manuscrit des incunables de la
B N de Naples, c’est notre exemplaire Nb qui a suscité avant l’autre, notre
Na, une importante remarque de M. Fava. Voici cette remarque, hélas
restée trop longtemps ignorée : “il verso della c. 130a è bianco, il che fa
credere che si dovettero tirare a parte, per venderle separatamente dalle
opere di Aristotele, alcune copie delle Destructiones destructionum22”.

20 Cf. supra, p. 264.


21 A toutes fins utiles, je signale aussi qu’en Nb les folios 49-52 et 54-56 (= gi_3/
g 5.8) ne sont pas ceux de cette édition de 1497, mais appartiennent à une édition subsé­
quente des Destructiones destructionum... : il s’agit de l’édition réalisée à Venise pour les
héritiers d ’Ottaviano Scoto et leurs associés (par Boneto Locatello ?), et dont l’achevé
d ’imprimer (folio 129vb) est daté du 16 avril 1517 (exemplaires consultés : Rome, BN,
volumes 14. 3. Q. 25 [1] et 14. 10. G. 16).
22 Cf. fiche 4401; le phénomène du verso non écrit du folio 130 est rappelé à la fi­
che suivante : 4402, qui vaut pour notre exemplaire Na. Précédé d’un avertissement daté
ÉMISSIONS DOUBLES DANS DES ÉDITIONS HUMANISTES 269

Ainsi, l’hypothèse d’une diffusion de l’édition princeps des Destructiones


destructionum... comme recueil autonome pourrait être appuyée non par
trois, mais par quatre exemplaires de cette édition.
Mais un autre détail me paraît appuyer cette hypothèse d ’un recueil
autonome. Ci-dessus mention a été faite de lettres auxquelles ont été ré­
servés les folios lv et DOr23. Or la composition typographique de ces
lettres est en caractères romains, alors que celle de tout le reste du recueil
est en caractères gothiques ; le folio lv est le premier de l’ensemble,
après la page de titre ; le folio 130r, lui, en est le dernier, si le folio 130v
reste vierge ; la composition typographique particulière des folios lv et
130r ne marquait-elle pas le début et la fin d’un volume, indépendant des
Omnia opera d’Aristote-Averroès ? Le recueil des Destructiones destruc­
tionum... lié à ces Omnia opera d’Aristote-Averroès est-il du reste autre
chose que le recueil supposé autonome un peu retouché : le titre en est
prolongé et, au lieu d’être vierge, le verso du folio 130 reproduit le prolo­
gue de la Physique, puis une courte lettre.
Sans doute, en faveur de l’hypothèse d’un recueil autonome, n ’y a-t-
il que peu de témoins : tout au plus quatre, sur 52 exemplaires vérifiés de
notre édition des Destructiones destructionum... Rien n ’interdit toutefois
de penser qu’on a voulu diffuser le recueil autonome beaucoup moins que
l’autre. S’agissait-il d’un premier projet rapidement abandonné ? Quoi
qu’il en soit, pour l’édition princeps des Destructiones destructionum...,
deux projets de recueils ont dû exister : l’un autonome, l’autre lié à la
remise sur le marché des deux volumes de Ect.
La réalisation de ces deux types de recueils a évidemment entraîné
des différences dans la composition typographique. Faut-il compter parmi
celles-ci, celle qui affecte la dernière ligne du folio 64rb (= demi-feuille
â8) ? Au texte apparemment le plus diffusé et qui ici est aussi celui des
exemplaires de Palma et de Zakroczym :”id est non poterit primam cau­
sam ab eterno asserere. Cuius rationem ponit”, s’oppose une va­
riante ; celle-ci est attestée par neuf exemplaires, dont Na (qui diffère

du 23 mars 1925, le précieux catalogue de M. Fava n ’a jamais été imprimé ; il est désor­
mais accessible sur Internet.
23 Supra, p. 264.
270 ROLAND HISSETTE

donc ici des exemplaires de Palma et de Zakroczym) et l’exemplaire Zu­


rich, Zentralbibliothek 4.9624 :

.i. no poterit p ’mâ câ3 ab eterno aiïerere. Cui9 rônë ponit


Na Zurich : j nõ poterit p ’mâ caufarn ab eterno aiïerere. Cuius rônë.

La version de Na Zurich, qui erronément omet le mot “ponit”, a sans


doute été imprimée la première. L ’erreur est réparée, non seulement par
l’ajout de “ponit”, mais aussi par les contractions de “causam” et de
“Cuius”, et la suppression du point final. La correction a dû se faire en
cours de tirage, le temps d’une interruption pour introduire la modifica­
tion. Il en résulte qu’à un état du tirage de la feuille hx (= demi-feuilles hx
+ hs) avec l’omission signalée de “ponit”, un autre état succède où ladite
omission a été réparée. Il s’agit toutefois d’un même et unique tirage25.
En outre, un des deux exemplaires témoins de l ’état du tirage avec
l’omission en cause de “ponit” est précisément Na, dont on a mentionné
ci-dessus le titre court et la dernière page non écrite2627.L ’autre exemplaire,
en revanche, celui de Zurich, est porteur du titre long, et sa dernière page
est pourvue du prologue d’Averroès à la Physique!11. Bref, de notre édition
des Destructiones destructionum..., la variante du fol. 64rb peut affecter
indifféremment des exemplaires indépendants (comme Na) ou liés à la
remise sur le marché des Omnia opera d’Aristote-Averroès (comme Zu­
rich). Elle ne fait donc pas partie des variantes entraînées par la réalisa­
tion d’un des deux projets de recueils à l’exclusion de l’autre. En réalité
des variantes de cet ordre ne se rencontrent que sur deux pages : la pre­

24 Je suis redevable à Ch. Scheidegger de l’information relative à l’exemplaire de


Zurich. Outre cet exemplaire et Na, voir : 1. Aquila (L’), Biblioteca Provinciale “Salva­
tore Tommasi”, Inc. E l ; 2. Barcelone, Universidad, incunable 457 ; 3. Bergame, Biblio­
teca Civica Angelo Mai, incunable 3 124 ; 4. Correggio, Biblioteca Comunale
(<G. Einaudi”, Rari e preziosi c/8 ; 5. Montréal, McGill University, Folio WZ230 A953d
1497, Osier Room ; 6. Porto, Biblioteca Pública Municipal, inc. 45 ; 7. Venise, Biblioteca
Nazionale Marciandone. V. 353.1.
25 Pour l’interprétation de la variante dont il vient d ’être question, je reconnais ma
dette à l’égard de J.-F. Gilmont (communication du 2 mars 2005). Je lui exprime ma vive
reconnaissance
26 Cf. p. 267.
27 Parmi les exemplaires mentionnés ci-dessus, n. 24, c’est aussi le cas de ceux de
Bergame, de Correggio et de Venise... ; les quatre autres ont été mutilés du folio 130.
ÉMISSIONS DOUBLES DANS DES ÉDITIONS HUMANISTES 271

mière (dont le titre est différent de part et d’autre) et la dernière (du fait
de l ’impression ou non du prologue à la Physique et de la lettre de Nifo à
Lorenzo Donato).
A l’exception des feuilles auxquelles appartiennent ces deux pages
(la première feuille du cahier a et la première du cahier q), toutes les au­
tres n ’ont pu qu’être imprimées, chacune, on peut insister, lors d’un uni­
que et même tirage. C ’est dire qu’à l’exception des deux feuilles susdites
des cahiers a et q, toutes les autres feuilles de l’édition princeps des Des­
tructiones destructionum..., sont le produit, malgré deux diffusions, d’une
seule et même impression.
Deux diffusions pour une seule impression, c’était aussi, on l’a vu, la
caractéristique de Ecf et, pour cette raison, on a parlé à son propos de
double émission ou de double “issue”28. Il convient d’en faire résolument
autant pour notre édition princeps des Destructiones destructionum... On
peut même dire plus, sur base de ce qui précède : à savoir que l’émission
double de cette édition princeps et celle de Ed4 ne sont pas étrangères
l’une à l’autre.

La dixième édition ou Ed10

La double émission de Ed4 et celle de l’édition princeps des Destruc­


tiones destructionum... gravitent autour de la réparation de l’omission, en
Ed4 précisément, du prologue d’Averroès à la Physique. Je n ’ai rien trou­
vé de semblable dans la dixième des “grandes” éditions humanistes (=
Ed10), qui, comme Ed4, diffuse entre autres le texte de la traduction arabo­
latine médiévale des commentaires moyens d’Averroès sur la Logica
uetus. De Ed10, je ne connais toutefois que le tomus primus Logicam
Vniuersam comprehendens ; il est sorti de presse à Venise, en 1538, chez
Ottaviano Scoto (le jeune29).
Ce tome comprend 392 folios, répartis sur 50 cahiers. J ’en ai eu en
mains quatre exemplaires : 1. Avellino, Biblioteca S. Maria delle Grazie,
volume Sala Sud IX-14 ; 2. Bari, Biblioteca provinciale dei Cappucini di

28 Cf. p. 267
29 Cf. F. A scarelli, La tipografìa cinquecentina italiana (Contributi alla bibliote­
ca bibliografica italica, 1), Firenze, 1953, p. 179-181 ; G. B o rsa , Clavis typographorum
librariorumque Italiae 1465-1600 (Bibliotheca bibliographica Aureliana, 35), t. 1, Baden-
Baden-Budapest, 1980, p. 295.
272 ROLAND HISSETTE

Puglia, volume C C 44 ; 3. Louvain, Abdij van Park, volume KULeuven


GPAR : PrGV/4 ; 4. Paris, Commisio Leonina, volume 6 G 630. L ’exem­
plaire de Bari est mutilé des folios ^ r C3 (= 1-19), c’est-à-dire des deux
sections : Porphyrii Introductio cum Auerroe recognito et Aristotelis
Predicamento cum Auerroe recognito. Ceci mis à part, d’un exemplaire à
l’autre, il y a correspondance dans l’agencement des cahiers (= 50 dans
les trois exemplaires non mutilés d’Avellino, de Louvain et de Paris) et la
disposition des textes.
J ’ai relevé quelques accidents typographiques communs à nos quatre
exemplaires ; à une exception près, ils concernent le foliotage (marqué
généralement à la fois par des lettres et une numérotation continue) : 1. au
lieu d’être numérotés 29 et 30, comme ils auraient dû l’être, les folios D5
et D6 ne sont pas numérotés ; il s’ensuit que le folio £ j est à tort numéroté
29, au lieu de 31, et ainsi de suite jusqu’au folio K%, numéroté à tort 76 au
lieu de 78 ; 2. les folios gg3 et gg4 sont numérotés tous les deux 48 (en fait
gg3 = folio 47); 3. sur la page de titre de la partie médiane (folio aapc),
1.1, on lit : ARISTOTELIS POTSERIORUM (au lieu de ...POSTERIORUM) ;
4. dans le premier cahier de la troisième partie, plusieurs signatures AA ne
sont pas nettes et la concurrence d’un K est indéniable31 ; en outre, les

30 Pour une utile description de ce dernier exemplaire, cf. R.-A. G authier , “Pré­
face”, in S ancti T homae de A quino , Expositio Libri Peryermenias {Opera omnia..., I*
1), Roma-Paris, 1989, p. 77*, n. 1. D’autres exemplaires, dont certains incomplets, ont été
signalés dans M. SiCCO..., Le edizioni italiane del XVI secolo. Censimento nazionale,
vol. 1, 2e éd., Roma, 1990, nos 2870 et 2871, p. 224. Un autre exemplaire incomplet (Paris,
Bibliothèque Mazarine, volume 3549 ; = seulement partie médiane : cahiers 11 à 36) a
aussi été évoqué par R.-A. G authier , Ibid. ; dans sa description, rectifier le nombre de
folios composant la partie médiane : 204 et non 207 ; sur ce point, voir aussi la notice 84
bis, dans Aristote, Supplément au catalogue précédemment publié des œuvres de cet
auteur conservées au département des imprimés de la Bibliothèque Nationale.. Paris,
1896, p. 7.
31 De petites variantes sont cependant possibles d ’un exemplaire à l’autre ; ainsi,
par exemple, pour la signature AA4 : dans les exemplaires d’Avellino, de Bari et de la
Commissio Leonina, le K concurrence le second A ; dans l’exemplaire de l’Abbaye de
Parc, la concurrence du K porte sur le premier A. Il n ’y a pas lieu de s’étonner de la pré­
sence de variantes de cet ordre dans les exemplaires d ’une même édition incunable ou
post-incunable. Notez toutefois qu’ici le phénomène en cause s’explique par superposition
des lettres AA sur les lettres K ; cette superposition a “été faite à la main sur des feuilles
déjà imprimées” ; J.-F r . G ilmont , in “À propos...” {supra, n. 15). II. “Le point de vue de
l’historien du livre”, Ibid., p. 213.
ÉMISSIONS DOUBLES DANS DES ÉDITIONS HUMANISTES 273

folios AA2-AA6 sont numérotés 78-82 (alors que 2-6 devrait être leur nu­
mérotation32) ; 5. entre les folios HHX(= 59) et HH3 (= 61), le folio inter­
médiaire (= 60) devrait être signé, non HHA, mais HH2 ; 6. entre les folios
//3 (= 69) et II5 (= 71), le folio intermédiaire doit être numéroté 70, et non
71 ; 7. les folios 00x et 002, numérotés 104 et 105, devraient être numéro­
tés 103 et 104.
Cependant sur un détail de la toute première page de titre, inchangée
hormis ce détail, nos quatre exemplaires s ’opposent deux à deux : sur
cette page, les exemplaires de Bari et de YAbbaye de Parc portent le mil­
lésime 1538 (M. D. XXXVIII.) ; ceux d’Avellino et de Paris, le millésime
1539 (M. D. XXXIX.). Dès lors, à cause de cette variante dans le millé­
sime et malgré toutes les similitudes relevées, faudrait-il conclure qu’il
s’agirait ici en fait de deux éditions différentes ?
En raison de modifications semblables, sur la page de titre notam­
ment, on a envisagé pour Ecf et l’édition princeps des Destructiones des­
tructionum..., non une double édition, mais une double émission, c’est-à-
dire une mise sur le marché en deux temps33. C’est aussi assurément ce
dont le millésime différent de nos deux exemplaires est le signe : la mise
sur le marché en deux temps (1538/ 1539).
Le stock d’un premier tirage a-t-il été épuisé plus vite que prévu ?
Mais cela aurait entraîné une réimpression avec composition typographi­
que nouvelle, donc l’introduction d’un certain nombre de variantes au
moins graphiques. Or je n ’ai trouvé aucune variante significative ; bien
au contraire, la composition typographique des folios que j ’ai contrôlés,
est toute semblable et, hormis la date, cela vaut aussi pour les pages de
titre de nos quatre exemplaires : la superposition à la lumière de copies
montre d’ailleurs qu’elles coïncident.
Dans ces conditions, pour Ed10 il faut plutôt envisager qu’une partie
des exemplaires d’un tirage unique ont été postdatés, en prévision proba­
blement de la lenteur de l’écoulement ; ainsi était-il malgré tout possible

32 Ces dérapages sont liés sans aucun doute au fait de l’insertion de 26 cahiers, en­
tre les cahiers A-K, d ’une part, et les cahiers A A -0 0 , d ’autre part ; contraire à l’indication
donnée par une réclame au verso du folio K%, ce qu’avait bien noté déjà R.-A. Gauthier
(supra, n. 30), cette insertion s’explique parce qu’on a voulu s’en tenir en définitive à la
succession habituelle des livres de Y Organon, les Seconds Analytiques y précédant les
Topiques et Sophistici elenchi (cahiers AA-OO).
33 Cf. supra, p. 266 et 271.
274 ROLAND HISSETTE

de vendre comme étant récents des ouvrages imprimés en réalité plus tôt :
dans notre cas, en 1539, des ouvrages imprimés déjà en 1538. Vu la simi­
litude évoquée de la composition typographique et la coïncidence des
pages de titre, cette hypothèse d’une postdate s’impose.
Elle porte en tout cas sur une donnée définitivement acquise, car le
changement dans l’indication de l’année de parution est ici un élément
distinctif sûr, non de deux éditions, mais seulement de deux émissions.
Cela entraîne une conséquence : désormais Edxo est à dater, non de 1539,
mais de 1535-39.

* * *

Contrairement à ce que pourraient faire croire entre autres des indica­


tions rencontrées sur les pages de titre, deux des douze “grandes” éditions
humanistes d’Aristote-Averroès, E (t et EdK\ ont été non rééditées mais
remises sur le marché ou “reissued”. Sur base de données négligées appa­
remment par la bibliographie moderne, il faut en dire autant de l’édition
princeps des Destructiones destructionum... d’Averroès, dont la réémis­
sion est liée précisément à celle de Ed4.
A lfred L. Iv r y

THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF


THE PERPLEXED*

Translation is an art unto itself, the translator having a responsibility


towards her readers as well as towards the author she is translating. If the
text is subtle, as is the case frequently with Maimonides’ Guide o f the
Perplexed, the translator should strive to maintain the ambiguities of the
original, a task easier said than done. Maimonides wrote for what he be­
lieved would be a select audience, one that could appreciate his planted
contradictions and equivocal utterances. The translator of the Guide has
no such assurance of a sophisticated audience, and may wish to assist the
reader by annotating the translation, indicating thereby the nuances that
lie beneath the surface of the words of the text.
Salomon Munk did just that in his magnificent French translation
and commentary on the Guide, first published together with Munk’s criti­
cal edition of the Judaeo-Arabic text in three volumes in 1856-661. In
contrast, Shlomo Pinès’ equally masterful 1963 English translation is
limited mostly to citations of sources, with only occasional lexical notes.
The reader is left to her own devices mostly, in pondering Maimonides’
meanings. Of course, Pinès has written an extraordinary monograph on
Maimonides’ philosophical sources as an introduction to the text, and
that, together with Leo Strauss’ heuristic essay on « How To Begin to

Hommage à Colette
1 Subsequent editions separated the translation and notes from the edition. For the
translation, Cf. now M. M aim onide , Le Guide des Égarés, trans. S. M u n k , Paris, Editions
G.-P. Maisonneuve, 1960. This translation will be referred to as MF. For the critical edi­
tion of the text, cf. now M oshe be n M aim ón , Dalalat al-Hd’irm, ed. S. M un k , supple­
mented by Y. Joel , Jerusalem, Philosophical Library, 1929. This will be referred to as
MA.
276 ALFRED L. IVRY

Study The Guide of the Perplexed », is meant presumably to substitute


for a commentary to the translation2.
Leo Strauss is famously subtle himself, and, as shown in his essay
« The Conflict of Ancients and Modems in the Philosophy of Judaism »3,
posited an essentially antithetical attitude between Greek philosophy and
Jewish faith, and viewed Maimonides (at least exoterically) as a partisan
of that faith. Strauss, being at the University of Chicago, whose Press
published the book, was in a position of authority in the project to trans­
late the Guide into English, and involved himself in the translation. It is
thus possible if not likely that Pinès’ translation reflected Strauss’ under­
standing, as well as his own, of how Maimonides would have wanted his
work to be read by a large and mostly untutored audience.
In what follows, I shall compare the two translations in select pas­
sages where Maimonides refers to divine will and providence. These, and
the related issue of creationism are the principal topoi where Maimonides
distinguishes his views from those held by Aristotle. Sharing with the
Greek sage his view of an unchanging and therefore impassive as well as
self-thinking deity, Maimonides yet appears to endorse the biblical view
of a responsive and impassioned God, one who disperses ad hoc rewards
and punishments on an individual basis.
This appearance is deceiving, and the translator has to choose
whether to alert the reader to the possibility of deception, or to dull her
sensibilities. I believe the Pinès translation (unlike his introductory essay)
took the latter path. It is difficult to say whether this was out of deference
to Strauss or to Maimonides. Certainly, Maimonides would have wished
his unsophisticated reader to regard him as a traditional Jew on these
essential principles of the faith, and Pinès, as well as Strauss, had little
reason to disabuse an English reading public of that image. No reason,
except fidelity to the truth ; but that, as Strauss has shown us, is always a
complicated and convoluted matter, knowledge of which can do as much
harm as good to the body politic - in this case, the Jewish people.

2 Cf. M. M aim onides , The Guide o f the Perplexed, trans. S. P inès , with an intro­
ductory essay by L. S tr a u ss , Chicago, The University of Chicago Press, 1963. This book
will be referred to as PG.
3 Cf. L. S tr a u ss , Philosophy and Law, trans. F. B a u m ann (Philadelphia, The
Jewish Publication Society, 1987), p. 47 ; first published as Philosophie und Gesetz (Ber­
lin, Schocken Verlag, 1935), p. 56.
THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF THE PERPLEXED 277

My thesis, then, is that the Pinès translation is politically correct,


even as the Munk translation is not. Not that Munk is politically incorrect
so much as he is politically indifferent, his translation has no particular
view to press regarding Maimonides’ religiosity, and hence it is more
neutral. Munk also has the advantage of sharing his immense erudition
with the reader through his ample annotation of the text. There one is
introduced to the diverse interpretations that the text has undergone in the
past, including the two Hebrew translations of the thirteenth century, and
a number of medieval commentaries.
Munk does this, assuming his readers had the ability to follow notes
making frequent reference not only to Arabic and Hebrew sources, but
also to Greek and Latin ones, often untranslated. There could not have
been that large an audience for such a learned commentary, which in a
sense freed Munk, if he chose to think about it, to be as objective as pos­
sible.
The first passage to be compared occurs in Guide 1:10, as Maimon­
ides is explicating the metaphorical senses of « ascending » and
« descending ». Pinès translates,

And as He, may He be exalted, wished - as He did - to let some of us have knowl­
edge deriving from Him and an overflow of prophetic inspiration, the alighting of
the prophetic inspiration upon the prophet or the coming-down of the Indwelling to
a certain place was termed descent ; whereas the removal of this prophetic state
from a particular individual or the cessation of the Indwelling in a place was termed
ascent4.

Munk’s translation (vol.l, 57) is as follows :

Le Très-Haut, ayant voulu venir de lui la connaissance et faire émaner la révélation


sur quelques uns d ’entre nous, a employé, en parlant de la révélation descendant sur
le prophète et de l’entrée de la majesté divine dans un endroit, l’expression de de­
scendre (yrd) ; et, en parlant de la cessation de cet état d’inspiration prophétique
dans un individu ou de la majesté divine se retirant d ’un endroit, il a employé l’ex­
pression de monter ( ‘alh).

4 PG, p. 36, translating MA 24 :16-19 : wa-shâ’a ta ‘ãlã bi-mã sh â ’a Éãla ‘ilmin


min-hu wa-ißdata wahyin ‘alã ba ‘di-nã fa ‘abbara bi-nuzùli l-wahyi ‘alä l-nabiyi aw bi-
hulùli sakmatin fim a w d i‘in bi-yeridah wa- ‘abbara bi-rtifa‘i tilka M iai al-nubuwwa ‘an
al-shakhs aw izãlat al-sakma min al-mawdi ‘i bi- ‘aliyah.
278 ALFRED L. IVRY

This passage is relatively uncontroversial, coming as it does before


Maimonides establishes his philosophy in a systematic manner. As con­
veyed by Pinès, it gives the impression that God had a fervent « wish5 »
to allow some people to possess both knowledge and « an overflow of
prophetic inspiration». Munk renders God’s will more neutrally, and
mentions explicitly the emanationist mechanism that Pinès presents more
dramatically, but also more ambiguously, as an « overflow ».
Two sentences later, Maimonides refers to calamities that occur, as
Pinès has it, « in accordance with His pre-eternal will » ; for which Munk
offers simply « en raison de l ’éternelle volonté de Dieu6 ». Here Pinès is
being exact, if not over-exact, since the concept of « pre-eternity » is
significant only in questions concerning the eternity of the world, where
one attempts to distinguish between that « portion » of eternity that ex­
isted before God created the world, and that which goes on to eternity
afterwards7. While using the more technical term in English (however
confusing the prefix would be) might allow an attentive reader to realize
that Maimonides’ opinion is that God’s will never changes, being ever­
lasting, it might also lead the unsuspecting, uninitiated person to think
Maimonides is distinguishing between a « pre-creation » eternal will and
one that takes effect after creation, which latter will possesses passion
and affect. Maimonides may be encouraging this impression, for he refers
without qualification here to the biblical view that God « visited the ac­

5 Expressed by Pinès as «A nd as He... wished - as He d id -... », reflecting the


Arabic wa-shã’a...bimã sha a. The phrase bimã sh d ’a is ambiguous and Pinès apparently
read it as synonymous with kamã sha 'a, « as he wished ». Literally, bimã shã ’a renders
« in what He willed, » so that one could simply translate, « And as He...willed, in what He
willed... ». This could also be rendered as a paraphrase, « And as He...willed, in whatever
manner of willing He does... ». The former version, downplaying the significance of the
phrase, is that adopted by Munk, as well as by M. Schwarz in his recent Hebrew transla­
tion from the Arabic, henceforth S. Cf. M aim onides , The Guide o f the Perplexed, trans.
M. S chwarz (Jerusalem, Tel Aviv University Press, 2002), p. 45 ; the latter version
would allude to the equivocal nature of the Divine will, the opposite impression given by
Pinès.
6 MA 24:21, bi-hasabi mashfati-hi l-qadmah.
7 Cf., for example, Guide 11:28. In Latin, eternity a parte ante and a parte post, re­
flecting the Arabic and Hebrew qidam/qadmon and azalPnitzehi.
THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF THE PERPLEXED 279

tions » (iftaqada allãh a ‘mãla-huni) of those deserving punishment be­


fore bringing it down upon them.
A second example of Maimonides’ style in referring to the divine
will is found in Guide 1:41, where he states explicitly what elsewhere he
simply assumes. Here our two Solomons concur in their translations, and
we refer to the passage for its nonchalant assertion, again in the dogmati­
cally pre-philosophical first part of the Guide, that God is not affected by
events on earth. This statement runs in the face of the biblical presenta­
tion of God’s actions, so that Maimonides’ biblical citations, here and
elsewhere, need considerable « interpretation ».
The passage is an exegesis of Judges 10:16, apropos of explaining
the equivocal senses of the term « soul ». As given by Pinès, the verse
reads « And His soul was grieved in the misery of Israel8 ». As Maimon­
ides later notes, and Pinès translates, the « in » of this verse is to be un­
derstood as « from », i.e., « because of ». Maimonides’ main point here is
that the verse uses the term « soul » but intends God’s will, since it is
inappropriate to attribute a soul to God.
Maimonides therefore interprets this verse as meaning that « His will
refrained from rendering Israel miserable9 ». He then makes the point that
Jonathan ben Uziel did not translate this verse at all in his Aramaic rendi­
tion of the Bible. He assumed erroneously, in Maimonides’ opinion, that
Scripture used « soul » here in its sentient meaning, thus attributing an
affect, infi‘ãl, to God, with his soul grieving. As this is unacceptable,
Jonathan, in Maimonides’ view, refrained from translating the verse.
Maimonides proceeds to expound on the verse, which does, after all,
indicate divine solicitude, in apparent response to the Israelites’ admis­
sion of sin and acts of repentance. Maimonides acknowledges the shift in
God’s providence, ‘indy ah, from abandoning the Israelites to pitying
them, or showing mercy, rahamim. This took the form, as Maimonides
reiterates, of the divine will « refraining » from letting the people’s mis­
ery continue.
Maimonides thus interprets the active verb of showing mercy, or
pity, in the passive sense of desisting from a previous course of action. Of

8 PG, p. 91. The Hebrew is vatiqtzar nafsho be ‘amai yisra ’el.


9 MA, 62:7 : wa-kaffat irädatu-hu ‘an ishqä’i is m ’il. Munk translates similarly
(1:147), « et sa volonté s’abstint d’affliger Israël ».
280 ALFRED L. IVRY

course, Maimonides would not want to say that God’s previous course
was any the more active, or that He really changed His will. He is con­
strained in making this explicit, however, given the (exoteric) Biblical
presentation of events, and his belief in its inspired author. Thus, Mai­
monides appears to acquiesce in the (false but politically necessary) im­
pression that God’s mercy now came to the fore, being absent before, as
it were.
Interpreting an active verb passively is akin to Maimonides’ teach­
ings concerning the divine attributes, wherein he advocates translating a
positive predicate into the negation of its privation101. In this instance, we
may say that Maimonides understands the biblical verse as saying that
God’s soul/will was not not-grieved because of the misery of Israel.
This may well be the lesson Maimonides alerts us to in the conclu­
sion of this chapter, saying only cryptically, fa- ‘lam-hu innahu gharib.
Pinès translates this cryptically as well, « Know this accordingly, for it is
strange». Munk is more forthcoming in saiying, « Il faut bien te pénétrer
de cela, car c’est (une explication) remarquable », understanding
« remarkable » as « extraordinary »n.
In Guide 1:58, Maimonides offers explicit instruction in his under­
standing of the via negativa manner of ascribing power, knowledge and
will to God. This is one of the chapters that Maimonides calls special
attention to, calling it aghmad This Pinès translates as « more obscure »,
whereas Munk renders it « plus profond »12. As Maimonides explains, the
intention in saying that God is powerful, knowing and willing is to indi­
cate that, as Pinès writes, « He is neither powerless nor ignorant nor inat­
tentive nor negligent. » The latter two terms signify, according to Mai-

10 See Guide 1:58.


11 MA, 62:13 ; PG, 92 ; MF, 1:148. Schwarz, p. 95, renders gharib as mufla’.
A. N uriel has discussed this term in his article, « The Use of the Term Gharib in the
Guide o f the Perplexed : A Note to the Esoteric Method in the Guide », (Hebrew), Sefunot
5 (1991), p. 137-143 ; reprinted in A. N uriel , Revealed and Hidden in Medieval Jewish
Philosophy (Hebrew), Jerusalem, 1999, p. 164-158.
12 MA, 91:12 ; PG, 134 ; MF, 1:238. S chw arz , p. 142, ‘amoq yoter. Pinès’ term is
itself obfuscating, no doubt intentionally.
THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF THE PERPLEXED 281

monides, that causality and not chance governs the universe in a way
« similar to the purpose and will with which someone willful governs13 ».
Of course this is just an analogy, and Maimonides admits that we do
not really possess knowledge of God’s attributes, they being identical to
His essence, uniquely and unknowably one. Another imperfect analogy
Maimonides offers is that of a captain to his ship ; useful only, he admits,
to guide one towards the realization that God governs all existents. This
means, Maimonides explains in Pinès’ translation, « that He procures
their existence and watches over their order as it ought to be watched
over14 ».
This translation appears to denote a personal interest that God takes
in His creation, personal to the extent that it extends over all of God’s
creatures equally and personally. Yet earlier in the chapter, as later in the
Guide, Maimonides delimits God’s providence in this sense severely.
Earlier here, in alluding to God’s omnipotence, Maimonides says - using
language similar to what we have just encountered - that there is an ema­
nation (Pinès : « overflow ») from God that constantly « procures dura­
tion and order » upon the emanated existents15.
Divine providence is thus an expression both of God’s omnipotence
and will, effected through an essentially impersonal emanationist mecha­
nism. This is rather better expressed here by Munk (p. 248), who has
Maimonides mean, in saying that God governs beings, « qu ’il les per­
pétue et les maintient en ordre, comme il le faut ».
Maimonides’ belief in the absolute simplicity of God’s essence en­
tails collapsing all the Divine attributes together, as Maimonides does in
Guide 1:69 in referring to God’s will and wisdom. As Maimonides says,
in his opinion they are each identical and not extraneous to God’s essence
or other than it16. That essence is boldly identified in the preceding chap-

13 My translation of MA, 92:30, ka-kawni kulli mã yudabbiru-hu l-murld bi-qasd


wa-imdah.
14 PG, 137, MA 93:22 : anna-hu yumiddu-hu wa-yuhrizu nizãma-hã kamã yan-
baghl
15 PG 136. MA 92:24 : Faydyumiddu-hã d ä ’imän baqä’an wa-ntizäman.
16 MA 117:15-18 ; PG 170, MF 1:322, and n. 2 there. Munk offers a more literal
translation of the passage in the note than that which he gives originally, testifying to his
understanding of its significance, and his desire to communicate it. Munk also points in
this note to Guide 1:53, where Maimonides presents a more inclusive statement of the
282 ALFRED L. IVRY

ter of the Guide, 1:68, as intellect, Maimonides acknowledging this as the


famous view of « the philosophers » ; more specifically, that God is the
singular being in whom intellect, intelligent subject and intelligible object
are one and the same17.
Speaking for himself explicitly, Maimonides later in the chapter reit­
erates the view that God is always an intellect in act, not having any po­
tentiality in His essence18. This means, as Maimonides says, that God’s
intellect functions all the time, not sporadically ; and it also means
(though Maimonides does not mention it here) that God does not have
any new ideas, ideas he did not have always. Any action that is an ex­
pression of the Divine will/wisdom is thus not due to a change of mind in
God.
This is a view that Maimonides attributes to Aristotle in Guide II: 13,
saying he considers that «just as it is impossible that the deity should
become nonexistent or that His essence should undergo a change, it is
impossible that a volition should undergo a change in Him or a new will
arise in Him19 ». « Accordingly », Maimonides concludes for Aristotle,
« it follows necessarily that this being as a whole (i.e., the universe -
A.I.) has never ceased to be as it is at present and will be as it is in the
future eternity ».
This, though, is but one of Aristotle’s reasons for the eternal nature
of the world, the other being his view of the independently eternal nature
of heaven and earth, which Maimonides mentions just before this. It is

identity of all Divine attributes within God’s essence. See also Guide III: 13, MA 326:8,
for the equation of God’s will and wisdom.
17 MA 112:14. PG 163 ; MF 1:301, and n. 4, where Munk points to Aristotle and
Avicenna, « son guide habituel » (in metaphysics, though al-Fãrãbi precedes him in this
notion). Cf. A ristotle , Metaphysics XII, 7 1072M4 ; 9 1074b 25 ; Ib n SIn ã , Al-Shifã’,
al-Ilãhiyyãt (2), {La Métaphysique), ed. M. Y. M o ussa , S. D u n y a and S. Z ayed (Cairo,
Organisation Générale des Imprimeries Gouvernementales, 1960), p. 356, 357 ; translated
by G. C. A na w a t i , Avicenne, Métaphysique du Shifâ’, (Paris, Librairie Philosophique J.
Vrin, 1985), vol. 2, p. 95, 96. In his introductory essay to the Guide, p. xcvii, Pinès men­
tions the apparent contradiction with his general theory of negative predication that Mai­
monides has created in attributing intelligent activity to God, and then in comparing it to
human acts of cognition.
18 MA 114:4 : allãh ‘azza wa jalla huwa ‘aql bil-fi 7 wa-lã quwwah asían.
19
Quoting P inès at PG, 284, and cf. MA, 198:23 and MF 2:112.
THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF THE PERPLEXED 283

this other tenet of Aristotle that Maimonides alludes to and opposes at the
end of this chapter, saying (with Pinès, p. 285),
For the purpose of every follower of the Law of Moses and Abraham our Father or
of those who go the way of these two is to believe that there is nothing eternal in
any way at all existing simultaneously with God.

Maimonides primarily differs with Aristotle, then, on the issue


whether the world is eternal or created in some radical manner20 and not
whether this creation, however accomplished, expresses a change in
God’s will.
Maimonides insists that God willed the world into being in a distinct
and uniquely creative act21, one that represents an innovation in the status
of the world, from non-existence to existence. This does not, however,
entail a change in God Himself ; His essence, which is identical with His
will and wisdom, remains the same.
In Guide 11:18, Maimonides defends his view of creationism against
Aristotelian-type objections that would have the deity pass from a state of
potentiality to actuality, were He to create a world. As Maimonides points
out first in regard to the Active Intellect, any being that is solely immate­
rial has no principle of potentiality and is always in actuality. The appar­
ently spasmodic action of the Active Intellect is not due to its nature, but
to the diverse dispositions of the material component of beings upon
whom it emanates.
God’s will is less dependent on other factors than the Active Intel­
lect, of course, in fact it has no external ends for the sake of which it acts,

20 Creatio ex nihilo is usually the way Maimonides’ view of God’s action is pre­
sented, though Maimonides expresses it in formulas subject to varying interpretations :
the bringing into existence of something from « nonexistence » ; and « out of nothing » in
Pinès’ translations, p. 281 and 285 ; néant and non pas de quelque chose in M u n k , 2:104,
105, 113. MA 196:6 and 9, 199:8 have Id min shay’ ; b a (d a l-‘adam and m in‘adam re­
spectively, which may also be given as « not from an (existent) thing », and « after (and
« from ») privation ». The possibility that these formulations allude to a Neoplatonic
doctrine of creation has been explored in A. Iv r y , « Maimonides on Creation », in Crea­
tion and the End o f Days, ed. by D. N ovak and N. S am uelson (Lanham, MD, University
Press of America, 1986), p. 185-213.
21 An act outside of any spatio-temporal physical constraints, as Maimonides
makes clear in Guide 11:17.
284 ALFRED L. IVRY

which would compel it to act or not to act. As Maimonides says, « the act
is consequent upon the will alone », and the will is not subject to change.

The fact that it may wish one thing now and another thing tomorrow does not con­
stitute a change in its essence and does not call for another cause ; just as the fact
that it acts at one time and does not act at another does not constitute a change22.

Maimonides’ most trenchant formulation of this issue is encapsu­


lated in his remark here that « the true reality and the quiddity of will
means : to will and not to will23 ». That is, a completely autonomous will,
as is the Divine will, is true to itself and remains the same in diverse ex­
pressions of itself. These changes, for so they appear to us, are in the
world, not in God, who subsumes multiplicity and even contrariety in His
Divine simplicity.
This thesis is intended to support the creationist argument primarily ;
for after the world was created, Maimonides believes, it functions along
Aristotelian principles of natural causality, in which the will of God on
earth finds unchanging expression through the ever-active and dispas­
sionate Active Intellect24. Maimonides’ biblically influenced style of dis­
course can make one forget this, and cause one to think he believes in
God directly and passionately acting upon His creatures. This impression
is affected by his choice of words, and by the choices of his translators.
An example of this may be found in Maimonides’ discussion of the
various opinions people have of prophecy, in Guide 11:32. Maimonides
boldly identifies the philosopher’s naturalistic position with that of « our
Law » (sharTatu-nã), except for one thing. As Pinès translates, « For we
believe that it may happen that one who is fit for prophecy and prepared
for it should not become a prophet, namely, on account of the divine
will25 ». Maimonides offers many biblical prooftexts to support this posi­

22 PG, 301 ; MF, 2:142; MA, 210:2-10.


23 MA, 210:4: idh haqïqat al-irãdah wa-mãhiyyatu-hã hadhã m a‘nã-hã innari
yuríd wa-lã yurîd. Cf. A. Iv r y , « Maimonides on Possibility », in Mystics, Philosophers,
and Politicians, ed. J. R einharz and D. S w etschinski , Durham, NC, Duke University
Press, 1982, p. 80-83.
24 Cf. Guide II: 12 and 29, PG, p. 279 and 346 respectively.
25 PG, 361. MA 254:9, anna na'taqidu anna lladhl yasluhu li-l-nubuwwa al-
mutahayyiu la-hã qad lã yatanabbau wa-dhãlika bi-mashfatin ilãhiyyah. MF, 2:262,
THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF THE PERPLEXED 285

tion, « all of which maintain this fundamental principle that God turns
whom He wills, whenever He wills it, into a prophet26 », - providing the
person is trained and perfected. Then, as Maimonides says, « the possibil­
ity arises to which the power of the deity becomes attached27 ».
As Pinès has translated these remarks, particularly the last one, it
would appear that while God does not act arbitrarily, in Maimonides’
view, he does act personally. This impression is conveyed by rendering
bi-mash f ah ilãhiyyah as « on account of the divine will » rather than the
equally valid if not more appropriate translation, « in accordance with the
divine will28 » ; and by choosing to translate the Fourth Form active verb
yunbi literally « (he) causes to prophecy », as « (he) turns into a
prophet »29.
It is only in the concluding remark that one may realize that God’s
« action » (or rather the possibility of such) is contingent upon human
behavior, indeed, it is « attached » (or better, « dependent », tata (allaqu
bi-hi) to it. This allows the reader to understand there is nothing personal
in God’s action, the « granting » of prophetic skill and what appears as
the withholding of it depend upon the various contingent, material factors
of the human condition. In a popular manner of speaking and writing,
Maimonides follows the Bible’s literal lead and treats God as the direct
agent of actions on earth, including the gift of prophecy. He is the agent,
for Maimonides, but only as a remote, and impersonal cause.
In Guide 111:17, Maimonides describes five opinions people have
about providence, his own view agreeing with Aristotle, as he says, ex­
cept as concerns the human species, in which providence extends beyond

« En effet, nous croyons que celui qui est propre à la prophétie et qui y est préparé peut
pourtant ne pas être prophète, ce qui dépend de la volonté divine ».
26 PG, 362. MA 254:25, kullu-hã mustamirra ‘alã hãdhihi l-qâ‘ida wa-hiya anna
Llâha yunbi ’u man shã ’a matã shã 'a. MF, 265 : « tous insistent sur ce principe fonda­
mental, à savoir, que Dieu rend prophète qui il veut et quand il le veut. »
27 PG, ibid. MA, 255:2, wa-hma’idhin yakünu l-imkân alladhï tata‘allaqu bi-hi
qudratu l-ilâh. MF, 265, « et que par là seulement naît la possibilité à laquelle se rattache
la puissance divine ».
28 Munk’s translation here, as given above, n. 26, also has the connotation of a per­
sonal relationship.
29 Here Munk, as shown in n. 27, is more neutral, having God « render » or make
one a prophet.
286 ALFRED L. IVRY

the species to individuals30. As Pinès translates (p. 471), Maimonides


writes,

For I for one believe that in this lowly world - 1 mean that which is beneath the
sphere of the moon - divine providence watches only over the individuals belong­
ing to the human species and that in this species alone all the circumstances of the
individuals and the good and evil that befall them are consequent upon the de­
serts31.

Munk’s translation to this passage (3:129) is slightly but significantly


different :

C ’est queje crois que dans ce bas monde, je veux dire au-dessous de la sphère de la
lune, la Providence divine n ’a pour objet, en fait d’individus, que ceux de la seule
espèce humaine, et que c’est dans cette espèce seule que toutes les conditions des
individus, ainsi que le bien et le mal qui leur arrivent, sont conformes au mérite.

The major difference here is the way each translator refers to the re­
lation divine providence has to the world. For Pinès, providence
« watches » over human beings, while for Munk it simply has human
beings as its object, being in a unique relationship with them. A literal
translation of the Arabic text would favor Munk’s rendition, for Maimon­
ides writes that, « divine providence in this lowly world....is with (liter­
ally, “in” AI) individuals of the human species only ».
A second distinguishing point in this passage occurs at its conclu­
sion, where Maimonides says that whatever happens to an individual is
deserved. Maimonides uses the phrase tãbi ‘ li-stihqãq, which literally can
be rendered as, « follows that which is necessary », as well as « follows
that which is deserved ». Pinès’ translation of « consequent upon the de­
serts » is rather archaic and mystifying, whereas Munk’s « conforme au

30 The sense in which this ought to be taken is discussed in A. Iv r y , « Providence,


Divine Omniscience and Possibility : The Case of Maimonides », in Divine Omniscience
and Omnipotence in Medieval Philosophy, ed. T. R udav sk y (Dordrecht, D. Reidel Pub­
lishing, 1985), p. 149-153.
31 MA 340 :15-18 : wa-dhãlika a nnia ‘taqidu anna l- ‘inãyah al-ilãhiyyah inna-mã
hiyafíhãdhã l- ‘ãlam al-suflïa ‘nfm in tahtafalak al-qamar bi-ashkhãsi naw ‘ al-insãn fa-
qat. Wã hãdhã 1-naw‘u wahda-hu huwa lladhíjam fu ahwãlu ashkhãsi-hi wa-mã yãnãlu-
hã min khayr wa-sharr tãbi ‘un li-istihqãq.
THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF THE PERPLEXED 287

mérite » is closer to the original, and somewhat more transparent in


meaning. There is a necessary (divinely ordained natural) order govern­
ing human conduct, and individuals are rewarded or punished in accor­
dance with their performance in relation to it. There is nothing personal
about this Providence, from God’s perspective.
It is thus noteworthy that Pinès gives this doctrine a seeming per­
sonal touch a bit further on, after Maimonides integrates it into a natural­
istic and universalistic emanationist doctrine. As Maimonides says,
providence « follows » (-tãbi‘ah), i.e., corresponds to, the emanative proc­
ess. This is a function of the Active Intellect, with which the human intel­
lect alone may conjoin, when properly prepared. It is understood that a
person so fortunate (and so brilliant) as to achieve conjunction ipso facto
is the recipient of divine providence. This is a corollary of that stage of
the emanative process that results in a successful identification with the
eternal and divine Active Intellect, a repository of eternal truths.
Pinès, in translating this section (p. 472), has Maimonides say that
divine providence « appraises all its actions from the point of view of
reward and punishment32 ». Munk (3:130) submits that the human species
is accompanied by divine providence, qui en mesure toutes les actions, de
manière à les récompenser ou à les punir.
In a note to this sentence, Pinès explains that he chose to render the
verb qaddarat as « appraises » rather than the equally valid « deter­
mines » ; and says « it is possible that it was this latter sense that Mai­
monides had in view in this passage ». This kind of editorial comment is
rare for Pinès in this translation, and allows the reader to entertain a dif­
ferent picture of what Maimonides may be saying. « Determines » con­
notes more of a strict if not necessitarian approach to reward and punish­
ment than does «appraises», it may be argued. Munk’s «m esure» is
more of a neutral term, in this regard.
Both translators, however, read the verb in question in the active
voice, which gives the impression that Divine Providence, which is iden­
tical with God’s will, is primarily concerned with awarding rewards and
punishments to mankind. I suggest reading this verb in the passive voice,

32 As Pinès clarifies in note 31 there, the actions appraised are « those of the indi­
viduals belonging to this species ». MA, 340:29 reads, with the subject Divine Provi­
dence, wa-qaddarat afãla-hu kulla-hã ‘aid jihati l-jazã 7 wa-l- Hqãb.
288 ALFRED L. IVRY

quddirat, so that the sentence would state that all human actions « are
evaluated by way of reward and punishment ». This leaves open the ques­
tion who does the evaluation, and whether it is a deliberate or automatic
response to human behavior.
I should think Maimonides saw reward and punishment as controls
designed by an inspired Moses to enforce correct behavior on the masses,
part of the « wily graciousness » Maimonides believes is found in the
Torah33. God, Maimonides believed, does « want » people to be good,
and goodness to be « rewarded », but it is all designed naturally, and hap­
pens automatically.
The impersonal nature of divine providence is a function of God’s
knowledge ; solely concentrated, as Maimonides construes it, upon the
species order of beings, which includes those individuals whose knowl­
edge of universal truth elevates them (really their intellects) to the species
level.
This is brought out in Guide 111:20, where Maimonides says, in
Pinès’ translation (p. 480), that « He knows with one single knowledge
the many and numerous things34 ». That is, God knows the many as one,
He relates to the particular insofar as it is (or shares in the) universal.
God’s knowledge is thus attuned solely to universal, eternal truths,
instantiations of which are known only as such.
This permits Maimonides to state with confidence that God has no
new knowledge of any sort ever. To illustrate that, Maimonides has this
to say, in Pinès’ translation :

For, seeing that He knows that a certain man is now nonexistent, but will exist at a
certain time, will go on existing for such and such a duration, and will then again
become nonexistent, there will be for Him no additional knowledge when that indi­
vidual comes into existence as He had known beforehand35.

33 Cf. Guide 111:32.


34 MA 347:22, bi-l-‘ilm al-wãhid y a ‘lamu l-ashyã’ al-kathirata l-muta ‘addidah.
MF, 3 :147, « par une science unique, il connaît les choses multiples et nombreuses. »
35 MA, 347:25, li-anna ‘ilma-hu bi-annafulãn huwa al-ân m a ‘dûm wa-sayûjadufi
l-waqt al-fulânï wa-yadûmu mawjüdan muddatan kadhâ thumma y a ‘dumu fa-in idhan
wujida dhãlika l-shakhsu kamâ taqaddama l-Hlmu bi-himã zäda thamma ‘ilmun wa-lâ
hadatha mâ lam yakun ma (lûman ‘inda-hu. MF, 3:147, « car, quand il sait q u ’un tel, qui
n ’existe pas maintenant, existera à telle époque et rentrera dans le néant après avoir
THE TWO SOLOMONS AND THE GUIDE OF THE PERPLEXED 289

Pinès here translates the anonymous indefinite fulãn in Arabic as


« certain », which gives the impression that God has His eye on a particu­
lar individual at a particular time. Munk is more sensitive to this implica­
tion, offering « tel », though later he too refers to « cette personne ».
I believe this line could as well be translated thus :

For in knowing that someone is now non-existent, that he will be brought into exis­
tence at some time, and remain in existence for some such duration, then becoming
non-existent, then, whenever that individual like him of whom there had been pre­
vious knowledge comes into existence, there will be no additional knowledge36.

Maimonides’ doctrine of providence is presented in its final form in


Guide 111:51. Using a parable of a ruler in his palace, Maimonides
sketches the distance various types of his subjects are from the ruler, dis­
tances commensurate with the happiness to be had in proximity to him.
The scientist and philosopher achieve the greatest intimacy with the ruler,
who of course is God, even as the philosopher is ultimately the metaphy­
sician who moves from knowing all that he may of God and His govern­
ance of the world, to total devotion and love of Him.
At this point Maimonides announces « a call to attention », in Pinès’
translation37. Maimonides feels it is important to remind the reader that
the strength of the intellectual bond between human beings and God is
dependent upon the individual, who will weaken it whenever distracted
from total « intellectual worship » {al- ‘ibädah al- ‘aqliyyah). The person
who withstands such distractions and manages to function in the world
while thinking always of God, like Moses and the Patriarchs, is vouch­
safed a special providence. As Maimonides says, following Pinès
(p. 624), « the providence of God watching over them and over their pos­
terity was great38 ».

existé un certain temps, sa science ne reçoit aucun accroissement lorsque cette personne
arrive à Vexistence ainsi qu ’il le savait d ’avance ».
36 Compare the treatment of this and some other examples offered here in A. Iv r y ,
« Neoplatonic Currents in Maimonides’ Thought », in Perspectives on Maimonides, ed.
J. L. K raemer , Oxford, Oxford University Press, 1991, p. 139, 140.
37 PG, p. 621. MA, 457:15, tanbih. MF, 3:439, « annotation. ».
38 MA 459:20, Hnãyatu Llãhi bi-him wa-bi-nasali-him b a ‘da-hum ‘azm ah MF
3:443, « la Providence divine veillait avec soin sur eux et sur leur postérité après eux. »
290 ALFRED L. IVRY

Here again, Pinès (and probably Munk) inserts a personal tone into
the providential act, having Maimonides’ God « watch over » His people,
rather than simply be « with » (literally « in ») them, as the Arabic puts it.
Pinès, as Munk, continues in the following paragraph to have providence
« watch over » those worthy of it, offering protection from evil as well as
spiritual happinèss.
Maimonides claims that the individual who apprehends God cor­
rectly and happily and avoids distraction « can never be afflicted with
evil of any kind39 ». This appears counterintuitive, particularly after Mai­
monides’ recognition of Job’s trials in Guide 111:22. As there, so here, the
moral Maimonides is teaching is that evil is associated with matter and
the privation of form, even as the good is that which is the actualization
and perfection of form. In human beings, that person whose intellect is
perfected may be seen to have transcended her material constitution, to
have joined the divine realm of eternal and pure good. Such a person is
not affected at those moments of conjunction with material incursions of
any kind, for she is indifferent to them, they do not touch the person’s
essential being.
It is important to realize that the burden of achieving this ultimate
stage of providence falls solely upon the individual. God’s « hand » is
always extended to everyone who reaches out to grasp it, the action
comes from below, not above. Maimonides makes this plain often
enough, though he cannot exclude the language of the dynamic God of
the Bible from his work, however much he tries to reinterpret it. While
the Pinès translation offers the attentive reader ample opportunity to un­
derstand Maimonides’ radical reformulation of the idea of God and His
relation to human beings, it allows the less wary reader to believe Mai­
monides is a traditionalist after all, to some degree. Munk’s translation is
less encouraging to the reader seeking a traditional Maimonides. Which
Solomon is the wiser, I cannot say.

39 PG, p. 625 ; MA, 461:4 ; MF, 3:446. Munk there, in a lengthy note, expresses
his reservations over Maimonides’ statement, which he considers more edifying relig­
iously than philosophically rigorous.
S ara K lein -B ra slav y

MAIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN”


IN THE GUIDE OF THE PERPLEXED

In the Guide o f the Perplexed, Maimonides is especially preoccupied


by the motif of “woman”. He interprets three types of biblical literary
units that are concerned with woman : a word, a metaphor, and an alle­
gory. In this paper I will focus on his strategy for interpreting these liter­
ary units. I will argue that the main strategy he employs is that of a
“structure of relation” - the types of relations that “woman” has with
other objects, mostly “man”. These relations are the key for under­
standing the meaning of “woman” in the biblical texts.
I will analyze his explanations by increasing scale of the literary unit,
proceeding from the single word, the equivocal term “woman” [’ishah]
(Guide I, 6), to the metaphor of the “married harlot” Çeshet ’ish zonah),
derived from Proverbs 6:26 (Guide III, 8), and finally two allegories - the
“married harlot” [’eshet ’ish zonah] in Proverbs 7 (Introduction to the
Guide) and “a woman of virtue” [’eshet hayyil] in Proverbs 31:10-31
(Guide III, 8) 12.
Maimonides believes that the Bible contains esoteric doctrines that
should be concealed from the masses and conveyed only to the intellec­
tual elite. These are truths that are liable to harm the masses’ religious
belief. The most important such doctrines are the “Account of the Begin­
ning” and the “Account of the Chariot”, which deal, according to Mai­
monides, with Aristotelian physics and metaphysics, respectively. Eso­
teric doctrines should be transmitted by esoteric methods. In the Guide,
Maimonides elaborates special methods of transmission that enable him
to teach these truths to qualified readers and conceal them from the un­
educated masses. An analysis of his biblical interpretations shows, how-

1 Although Maimonides regards Proverbs 31:10-31 as an allegory, he interprets


(as we shall see) only the metaphor “a woman of virtue” on which it is based.
2 On Maimonides’ concept of esotericism, see my King Solomon and Philosophi­
cal Esotericism in the Thought o f Maimonides, Jerusalem, 1996, (Hebrew).
292 S ara K l e in -B ra slav y

ever, that in the Guide he provides exoteric philosophical interpretations,


too, of biblical texts. Evidently he saw no reason to conceal philosophical
truths that are not liable to harm the belief of the masses of his time, al­
though they would not always be able to understand them3.
Because Maimonides does not think that explanations of the figura­
tive meaning of the equivocal term ’ishah, the metaphor “a married har­
lot”, and the allegories of ua married harlot” and of “a woman of virtue”
can harm the masses’ belief, he provides clear exoteric interpretations for
all of them.

The interpretation of the word “woman” [’ishah]

As it is well known, most of the first part of Guide I (42 chapters)


consists of what can be called a biblical-philosophical lexicon of equivo­
cal terms. Maimonides presents it as the basis for interpreting those bibli­
cal verses and passages in which a faulty comprehension of equivocal
terms is liable to cause the entire verse or passage to be misunderstood.
Most of these terms refer to God : some are words used to depict God and
his actions ; others, to convey the human apprehension of God and atti­
tude toward Him. The primary purpose of this lexicon is to eliminate any
corporealization of God in the Bible, although it does have other goals in
supporting Maimonides’ interpretation of the “Account of the Begin­
ning”, the “Account of the Chariot”, and prophecy - esoteric verses and
passages, “the secrets of the Torah”. Some chapters in the lexicon explain
equivocal terms that are not related to God in the Bible. Guide I, 6, which
explains the words “man” [’ish] and “woman” [’ishah], is one of them4.
Most of the equivocal terms explained in the lexicon of the first part
of the Guide are derived terms, with an original sense and a “borrowed”
meaning or meanings. The original signification generally refers to
physical objects and their properties or to their sensory or imaginative

3 For the issue of exoteric and esoteric biblical interpretations in the Guide, see
my “Maimonides’ Exoteric and Esoteric Biblical Interpretations in the Guide o f the Per­
plexed”, Study and Knowledge in Jewish Thought, ed. Howard Kreisel (Ben-Gurion Uni­
versity of the Negev, forthcoming).
4 Similar chapters include Guide I, 7, which explains “to bear children” [yalod],
and Guide I, 14, which explain the word adam.
MAIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 293

apprehension. The derivative meaning or meanings are more abstract.


They are constructed on the basis of properties common to the original
object and the object that borrows its name. An object borrows the name
of another object when it has the same property or properties that char­
acterize the original object.
The nouns “man” and “woman” are of this type. Their primary and
best-known meaning is human male and human female. They also have
two derivative meanings. The first is “male or female among the other
species of living beings” (p. 31)5 and not just the human species. Mai-
monides explains the second derivative meaning only for “woman”. It is
this meaning that interests us for an understanding of his biblical exege­
sis.
Maimonides regards the noun “woman” in its second derivative
meaning as a term that has an intension or a meaning but not an extension
or a reference6. This type of term specifies the feature a thing must pos­
sess in order to be recognized as referred to by it. In other words, it des­
ignates a class of objects that share a common feature. The specific refer­
ents of the class can be identified by the context in which the member of
the class appears and by its supposed semantic axis7.
The common feature shared by the members of the class “woman” is
not a property but a type of relation that every member of the class has
with another object. “Woman” is “any object apt for, and fashioned with
a view to being in conjunction with some other object” (p. 31). Every
object that has this type of relation is a member of the class “woman” and
can be called, figuratively, “woman”.

5 Page references are to Moses Maimonides, The Guide o f the Perplexed, trans.
Shlomo Pinès, Chicago, 1963.
6 The intension of an expression is the way in which the reference is presented
(see The Encyclopedia o f Language and Linguistics, ed. R. E. A sh en et al., New York,
1994, voi. 3, p. 1198). I use the expression as R ichard M o ntague defined it : the inten­
sion of an expression is a rule that allows one to determine its extension in each context
{Ibid., voi. 4, p. 1700). The extension is what the expression refers to {Ibid., p. 1699).
7 Such terms include the words ’ahoth ‘sister’ and ’ah ‘brother’, which Maimoni­
des mentions in this chapter, reshit ‘beginning’ in Genesis 1:1 {Guide II, 30), zur ‘rock’
(I, 16), maVakh ‘angel’ (II, 6), and apparently sulam ‘ladder’ (1, 15), Maimonides only
alludes to its interpretation. For an analysis of reshit, see my “Exoteric and Esoteric Bibli­
cal Interpretations”.
294 S a ra K lein -B ra slav y

Because the second derivative meaning of the word “woman” is “a


structure of meaning”, “woman” can turn texts in which it appears into
metaphors or allegories. On the literary level, “woman” may have either
its original meaning or its first derivative meaning. On the inner level,
readers must identify its referent on their own, taking into account the
intention of the word -i.e ., its “structure of meaning” - the context in
which it appears, and its semantic axis. Because Maimonides believes
that the semantic axis of the inner meaning of biblical texts is Aristotelian
philosophy, understanding “woman” in this way permits a philosophical
non-literal interpretation of biblical texts alongside a literal interpretation
of the same texts.
Maimonides does not provide any direct examples of objects that are
“apt for, and fashioned with a view to being in conjunction with some
other object”. In each chapter of the lexicon of biblical language Mai­
monides first presents the equivocal term or terms he will explain, fol­
lowed by the various meanings. For each meaning he cites biblical
verse(s) whose context allows one to understand the term there, thereby
corroborating the meaning he attributes to it. The biblical verse Mai­
monides cites as his proof text for the contention that “woman” has a
second derivative meaning - “Five curtains shall be coupled together, a
woman to her sister” (Exod. 26:3) - confirms only the statement that the
term has an intension, i.e., that it denotes a class of objects that have a
common feature. It says nothing about the referent of the noun. The ref­
erents of the class “woman” (as well as of class “sister” [’ahoth]f, are
mentioned in the first part of the verse : the five curtains. Citing the verse,
Maimonides indirectly provides an example of a member of the class
“woman” (and also the class “sister”) - a curtain. Curtains can be called
“woman” and “sister”. However, the member of the class is referred to
explicitly in the verse and is not denoted by the words “woman” and
“sister”.
Because Maimonides does not explain a second derivative meaning
of “man” [’ish], we do not know whether he considers it to be a deriva­
tive term parallel to “woman”, i.e. a noun that has an intension that is a
“structural meaning”. It is quite plausible that Maimonides does consider8

8 According to this chapter, the noun “sister” (‘ahoth) has the same derivative
meaning as “woman”.
MAIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 295

it to have an intention only, even though he nowhere defines the common


features shared by the members of the class “man”.
Maimonides does not explain how the figurative meanings of
“woman” and “man” were derived. The derivation of the first figurative
sense, “male or female among the other species of living beings”, is clear.
It is derived from the meanings male and female of the human species.
Because human beings are members of the class “animal”, the gender
difference between the male and female of the human species was bor­
rowed to designate the male and female of all members of the class “ani­
mal”.
The second derivative meaning is not derived from the mere fact that
a “woman” is a female, of the human or the animal species, but from
what Maimonides considers to be the nature of the female. In his view,
the female is always apt to join the male and has a disposition to con­
junction with the male. The derivative meaning of the noun “woman”
builds on the female’s relation with the male. But instead of applying it to
an object that has the same type of relationship to another object - the
normal way in which derivative or “borrowed” terms are constructed -
here the borrowed relationship becomes the very meaning of the word
“woman”.
I do not know whether Maimonides is relying here on simple obser­
vation of nature, on a biblical verse, or on a philosophical doctrine. He
may have in mind Gen. 3:16, “your desire shall be for your husband”, and
consider it to be a description of the female’s nature. He may have been
thinking of an Aristotelian text, such as Physics I, 9 192a22-239 or Al-
farabi’s summary of Aristotle’s Sophistical Refutations10. According to
these, it is the nature of the female to yearn for the male. However, Mai­
monides does not say that “woman” designates any object that yearns for
another object, as the verse in Genesis, Aristotle, and Alfarabi all assert. I
tend to think that even if he relied on the biblical text he had the philoso­

9 The text was translated into Arabic by ISHÀQ B. H u n a y n . See J. T. R o b in s o n ,


“Some Remarks on the Source of Maimonides’ Plato in Guide o f the Perplexed I, 17”,
Zutot : Philosophy and Science (2003), p. 54-55. Robinson refers to these texts for ano­
ther purpose, namely, as possible sources for Maimonides’ contention that “Plato and his
predecessors designated Matter as the female and Form as the Male” (Guide I, 17).
10 Cf. R o binso n , “Some Remarks”.
296 S ara K lein -B ra slav y

phical texts in mind as well. As we shall see later, there is a striking


similarity between his interpretation of the expression “a married harlot”
in Guide III, 8 and Aristotle’s contention, in the Physics, that matter is
analogous to the female and form to the male. This similarity suggests
that Maimonides may have had Aristotle’s Physics and/or Alfarabi’s
summary in mind, though he formulated the relationship between the
object designated by the figurative term “woman” and another object
differently. But even if Maimonides did have these texts in mind, he
could not have written in the lexicon that the noun “woman” denotes
matter, because the lexicon relies on biblical language. From his biblical
proof text for the second derivative meaning of “woman” he could infer
only that “woman” is something with a predisposition to join another
thing. There is no verse whose context can support the idea that, in bibli­
cal language, “woman” denotes matter.

The interpretation of the expression “a married harlot” [’eshet


5ish zonah]

As we have seen, the name “woman” in its second figurative mean­


ing has only an intension and not an extension or a referent. It has “a
structure of meaning” consisting of the type of relationship that members
of the class “woman” have with other objects. The “structure of meaning”
makes it possible to determine the extension (referent) of the name in
each given biblical text11.
Maimonides also provides an explanation based on the same strategy
of interpretation - an explanation by a “structure of meaning” - for larger
literary units involving “woman” : a compound metaphor and allegories.
In these interpretations he discerns a more complicated structure of rela­
tions. As with the explanation of the noun “woman”, he regards the
structure of relation of these units as the key for determining their refer­
ents and hence for understanding them.
Maimonides accepts the traditional view that King Solomon wrote
the book of Proverbs. He considers him to be one of those who “speak
through the Holy Spirit” (Guide II, 45). In his view, Solomon is a phi­

11 Note that the structure of relation constitutes the meaning of the noun “woman”
independently of any context. Only the referent of the noun is context-dependent.
M AIM ONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 297

losopher who composed metaphors and allegories in order to convey


philosophical truths and practical lessons12. In the Introduction to the
Guide (p. 13), Maimonides asserts that the entire book of Proverbs is
based on the compound metaphor “a married harlot”, though he does not
offer a demonstration thereof. He explains only the metaphor “a married
harlot” (Proverbs 6:26) and the allegories of “a married harlot” (chapter
7) and of “a woman of virtue” (31:10-31).
Maimonides does not cite any chapter or verse as the source of the
metaphor. In fact, the expression “a married harlot” does not exist in the
Bible and is Maimonides’ own coinage, based on Proverbs. He probably
derived it from the parallelism in Proverbs 6:26 : “For a harlot’s [’ishah
zonah\ fee is only a loaf of bread but a married woman [’eshet ’is,h] preys
on a precious soul13.” The parallelism enables Maimonides to identify the
harlot mentioned in the first half of the verse with the married woman in
its second half and create the metaphor “a married harlot” Çeshet dsh
zonali).

Maimonides does not interpret the expression “a married harlot” ;


rather, he explains how Solomon created it. The philosophical interpreta­
tion of the text and the method of its composition are two sides of the
same coin. The interpretation moves from the text to its philosophical
meaning, while the explanation of its composition moves from the phi­
losophical ideas to the biblical text and explains why the author chose to
present it in the way he did.
In Maimonides’ view, the philosophical idea that Solomon wanted to
convey by the metaphor is the concept of sublunar matter. In Guide I, 6
he does not explain how the figurative term “woman” was derived ; here,
by contrast, he does explain why Solomon chose the metaphor “a married
harlot” to represent sublunar matter. The explanation is based on the
properties of matter according to Aristotle. Because matter has no form it
cannot be defined in itself, but only in its relation to form. In a brilliant

12 For Maimonides’ view of Solomon, see my King Solomon and Philosophical


Esotericism in the Thought o f Maimonides (Hebrew), Jerusalem, 1996, p. 109-188.
13 In Guide I, 1 and III, 8 Maimonides himself creates an expression based on a bi­
blical verse : the “image of God and His likeness” from Gen. 1:26, “Let us make man in
our image, after our likeness”.
298 S a ra K lein -B ra slav y

exegetical insight, Maimonides has Solomon understand this property and


choose an appropriate metaphor to represent it.
According to Maimonides, Solomon created the metaphor on the ba­
sis of an analogy between sublunar matter and a married harlot.14 He
says : “How extraordinary is what Solomon said in his wisdom when
likening [tashbihihi] matter to a married harlot’ (p. 431) [emphasis
mine]15”.
The vehicle of Solomon’s metaphor - a married harlot - has a struc­
ture of relations that is analogous to that of sublunar matter with forms.
Her relations with men are like those between matter and forms. Their
common dominator is not their properties but the type of relation they
maintain with another object. The relationship defines the character of
each of them16. On the one hand, in the sublunar world, matter is always
tied to a form. On the other hand, it does not have a permanent relation to
one specific form. When substances composed of matter and form are
generated and corrupted they put on a form and then discard it for an­
other.
The metaphor “a married harlot”, too, consists of both a binding and
a non-binding relation. On the one hand, she is a wife, a “married
woman” [’eshet Hsh\ bound to the man who is her husband. On the other
hand, she is a harlot [.zonah] who is unfaithful to her husband and has
transient relationships with other men. From the perspective that matter is

14 Maimonides’ interpretation is easier to understand if we remember that the lite­


ral translation of ’eshet Hsh zonah is “woman of a man*-harlot” (*i.e., married woman).
15 Maimonides does not distinguish between similes and metaphors. His explana­
tion of the origin of the metaphor “a married harlot”, however, suggests that he regards it
as derived from a simile. The first step was, sublunar matter is like a married harlot. Then
the word “like” drops out and the expression turns into a metaphor, “a married harlot”.
16 Maimonides evidently believes that Solomon based the metaphor of a “married
harlot” on the image of a married harlot and not on the linguistic consideration of the
figurative meaning of the term “woman”. It is possible, though, that he thinks that Solo­
mon did take into account that the figurative term “woman” means “any object apt for,
and fashioned with a view to being in conjunction with some other object” (p. 31). As we
have seen, the figurative term woman has only an intension and not an extension. Its
referent is to be identified by the context in which it appears and its semantic axis. Solo­
mon identifies the referent of the term “woman” in the metaphor “a married harlot” with
sublunar matter on the basis of the context in which the term appears, i.e., on the basis of the
specific relations this “woman” is said to have with men ; she is both a wife and a harlot.
MAIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 299

always tied to a form, Solomon likened it to a married woman. In that it


continually puts on one form and discards another, he likened it to a har­
lot17 :

The nature and the true reality of matter are such that it never ceases to be joined to
privation ; hence no form remains constantly in it, for it perpetually puts off one
form and puts on another. How extraordinary is what Solomon said in his wisdom
when likening matter to a married harlot (’eshet ’ish zonah) for matter is in no way
found without form and is consequently always like a married woman (’eshet ’ish)
who is never separated from a man (’ish) and is never free (penuyyah). However,
notwithstanding her being a married woman (’eshet ’ish), she never ceases to seek
for another man to substitute for her husband, and she deceives and draws him on in
every way until he obtains from her what her husband used to obtain. This is the
state of matter. For whatever form is found in it,, does but prepare it to receive an­
other form. And it does not cease to move with a view to putting off that form that
actually is in it and to obtaining another form (p. 431).

The metaphor “a married harlot” has a far richer meaning than does
the figurative noun “woman” ; in fact, it extends the meaning of that
word. As we have seen, the common feature shared by the members of
the class “woman” is a type of relation that each has with another thing.
The metaphor “a married harlot” specifies the relation between the mem­
ber of the class “woman” referred to in Proverbs 6:26 and other objects.
The class of objects defined by this relation is not that of objects that are
merely “apt for, and fashioned with a view to being in conjunction with
some other object”, but the class of objects that are always joined to an­
other object, but not necessarily always the same object.
The related objects of the members of the class “woman” are not
specified. They are provided by the context in which the term appears.
The metaphor “a married harlot” also indicates the object that “woman”
is related to. She is ’eshet ’ish, the woman of a man. The related object is
“man”.
In Guide I, 6, Maimonides does not explain the second derivative
meaning of the word “man” [’ish]. The explanation of the origin of the

17 In fact, the analogy is not perfect : the married harlot is a wife and a harlot at the
same time, but matter is always tied to one form. It merely changes the form to which it is
tied. Maimonides seems to have overlooked the dimension of time in the relations of
matter and forms and set up the metaphor only on the basis of the types of relations that
matter has with forms and a married harlot has with men.
300 S a ra K lein -B ra sla v y

metaphor “a married harlot” enables him to identify the referent of “man”


in this context, on the basis of the analogy with the relations between
matter and forms. “Woman” is the sublunar matter and “man” is the form
- both the “husband” - the form of matter of each sublunar substance,
and “other men”, the forms that matter receives when it discards the form
it currently has and puts on another one.
The explanation of the origin of the metaphor “a married harlot” and
hence of how Proverbs 6:26 should be interpreted is exoteric. Maimon-
ides explains the “structure of meaning” of the metaphor and identifies its
referent. He does not think that explaining that Solomon conveyed the
philosophical concepts “matter” and “form” by means of metaphors can
harm the masses. However, he does not explain why Solomon conveyed
this philosophical truth metaphorically rather than in scientific language.
As we have seen, it is plausible that the interpretation of the second
derivative meaning of “woman” was influenced by Aristotle’s Physics (I,
9 192a22-23) or by Alfarabi’s summary of Aristotle’s Sophistical Refuta­
tions. The explanation of the way Solomon created the metaphor of “a
married harlot” may also have been inspired by one of these texts, though
here too Maimonides does not depict the female as “yearning” for the
male but only as “seeking” for man [tdlibat rajul]. It is worth noting,
though, that the metaphor of “a married harlot” is subtler than that of the
female in these texts ; not only does it refer to matter, it also indicates its
characteristic.

The interpretation of the allegory of “a married harlot” \feshet


Hsh zonah]

The largest literary unit concerned with “woman” that Maimonides


interprets in the Guide is the allegory or the parable (mashal, mathal), a
text that has two meanings : an external literal meaning (zdhir) and an
inner meaning (bãtin).
In the Introduction to the Guide (p. 6), Maimonides promises to point
out allegorical passages texts that are not explicitly identified as such in
the Bible and to interpret some of them. Later in the Introduction, when
he expounds a theory of the types of prophetic allegories, he identifies
Proverbs 7 as one such. He presents it as an example of the second type
of biblical allegory distinguished by this theory. Allegories of the second
type are those that intend to convey a main idea. Not every detail on the
external level has meaning on the inner level. Rather, most of them serve
a literary purpose - to construct a well-written piece of literature in ac-
M AIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 301

cordance with literary principles and conventions - and/or an esthetic


purpose - to ornament and embellish the literal meaning. They may also
serve an esoteric purpose - to create deliberate obscurity by burdening
the text with details that have no meaning on the inner level. In this type
of allegory, “the parable as a whole indicates the whole of the intended
meaning” (p. 12) [emphasis mine]. This type of allegory is well-suited to
philosophical interpretations of biblical texts. It can convey a philosophi­
cal idea, on the one hand, and overcome the problem of an “excess of
information” on the literal level of the text, on the other18. An allegory
works when it contains enough elements that can be interpreted allegori­
cally. But it misses its goal if it contains too many elements, because
these obscure the main idea the allegory intends to convey or do not fit in
with its inner sense. Moreover, too many elements oblige readers to em­
ploy complicated methods of interpretation in order to make them tally
with the main idea conveyed by the allegory. Maimonides seems to be
aware of this danger and avoids it through this second type of allegory.
Readers of such an allegory do not have to find a correlative on the inner
level for every word or literary unit of the external level. They need only
explain the main image and some of the important adjectives and verbs
used. By asserting that most biblical allegories are of this type, Maimon­
ides has the best of all possible worlds : he can interpret biblical texts as
philosophical allegories without having to interpret every detail and with­
out engaging in philological or pseudo-philological explanations of their
meanings.
As we have seen, Maimonides does not explain why Solomon used
the metaphor of a “married harlot” to convey the idea of the sublunar
matter. Two explanations, both in accordance with Maimonides’ doc­
trines, can be suggested. First, Maimonides held that Solomon considered
the idea of sublunar matter to be an esoteric doctrine and concealed it
from the masses using an expression that can be understood both literally
and metaphorically. Second, Maimonides believed that Solomon was
behaving like the ruler of the perfect state, as depicted by Alfarabi. Ac­
cording to Alfarabi, the religion of the perfect state presents philosophical
ideas in figurative language in order to convey them to the masses in a

18 For this problem, see J. W h it m a n , Allegory : The Dynamics o f an Ancient and


Medieval Technique, Cambridge, 1987, p. 3-4.
302 S ara K l e in -B ra slav y

way they can understand. In order to adapt his teaching to the compre­
hension of the masses, then, Solomon used an image that can be under­
stood both literally and metaphorically The metaphor of a “married har­
lot” should be considered to be an “educational myth” as understood by
Alfarabi.
Interpreting Solomon’s “married harlot” allegory, Maimonides says
explicitly that it is esoteric. If so, perhaps the “married harlot” metaphor
is also esoteric. But Maimonides does not think that, in his time, the
meanings of the metaphor and allegory are liable to undermine the faith
of the masses. Therefore, reducing the scope of biblical esotericism, he
explains their esoteric content in an exoteric way.
According to Maimonides’ interpretation, Proverbs 7 is an allegory
built around the “married harlot”. The key for understanding it is there­
fore the interpretation of this image. The details of the description of the
married harlot and her behavior have no meaning in the hidden level ;
they are merely a literary device, a rhetorical description of the tempta­
tion exercised on a young man by a married woman who is also a harlot.
Here Maimonides cites, one after another, parts of vv. 6-21 to show that
they have no meaning on the internal level.
The allegory is a warning against pursuing a “married harlot”. The
warning itself is stated in vv. 24-25, verses that Maimonides does not
cite : “And now, my children, listen to me and be attentive to the words
of my mouth. Do not let your heart turn aside to her ways ; do not stray
into her paths”. The description of the married harlot and her behavior
(vv. 6-21) constitutes the object of the warning and hence its content.
Because Maimonides presents Proverbs 7 as an example of an allegory of
the second type, he is interested in the parts of the allegory that contain
details that have no meaning on the inner level as well as in the meta­
phorical image that conveys the essential idea on which it is based. It is
clear, though, that vv. 24-25 are also a part of the allegory.
As noted above, the collocation “married harlot” is not found in
Proverbs 7. Maimonides coins it on the basis of the biblical text. Here he
does not derive it from a single verse (Prov. 6:26) as in Guide III, 8, but
from the whole passage that describe the behavior of a married harlot (vv.
6- 21).
MAIMONIDES ’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 303

Maimonides regards the allegory of a married harlot as a compound


or creative allegory rather than an interpretative allegory19. He presents it
as an allegory composed by Solomon in a way similar to how he presents
the creation of the metaphor “a married harlot” in Guide III, 8 : “He
[Solomon] likens matter which is the cause of all these bodily pleasures
to a harlot who is also a married woman” (p. 13). Because compound and
interpretative allegories imply each other, the explanation of how the
allegory is produced is the key to interpreting it.
The “married harlot” is an “ethical allegory”. Both its external and
inner meanings deal with a practical rather than a theoretical issue :
warning men against the pursuit of desire. Maimonides evidently believes
that Solomon chose the literary form of allegory because it is a way to
convey instruction to two types of audience : the masses and the intel­
lectual elite. He adjusted the lesson to the intellectual capacities of each
of them : the external level for the uneducated masses and the inner level
for readers with philosophical knowledge. The external literal meaning
teaches good behavior in a particular case, warning young men against
pursuing a harlot who is married. Its aim is to educate young men. The
inner meaning is philosophical. Because philosophy does not deal with
particular cases, but only with general statements, it is a general instruc­
tion for conduct formulated in general terms : “a warning against the
pursuit of bodily pleasures and desire” (p. 13). The young man represents
the human species and the warning is addressed to all its members.
Though the allegory concerns a practical issue, it is based on principles of
theoretical philosophy - more precisely, on philosophical anthropology -
as represented by the metaphor of the married harlot. Hence the idea con­
veyed by “the whole allegory” is a warning based on a philosophical
theory.
Though Maimonides does not say so explicitly, it is obvious that he
considers the external meaning of the allegory to be important, just as it is
in the case of the Solomon’s “well-constructed allegory” of “apples of

19 For the two types of allegory, see A. F le tc h e r , “Allegory”, Dictionary o f the


History o f Ideas, ed. P h . W iener , New York, 1973, vol. 1, p. 41 ; W h it m an , Allegory,
p. 3-4 ; The New Princeton Encyclopedia o f Poetry and Poetics, ed. A. PREMINGER and
T. V. F. B r o g a n , Princeton, 1993, p. 31.
304 S a ra K lein -B ra slav y

gold in settings (maskiyyoth) of silver” (Prov. 25:11)20. But as with the


“well-constructed allegory” the external meaning of the allegory seems to
be less important than the inner meaning21.
Because the image of the “married harlot” is derived from the verses
that provide the content of the warning and (as we shall see) its reason as
well, it is context-dependent and must be understood within the context
of the chapter as a whole. Hence, even though here Maimonides explic­
itly relies on his explanation of the metaphor of the “married harlot” in
Guide III, 8, writing, “we shall explain in various chapters of this Treatise
his [Solomon’s] wisdom in likening matter to a married harlot” (p. 13),
he interprets the expression in a different way than he does in Guide III,
8. The context in which the metaphor appears is a warning against the
pursuit of desire. So Maimonides does not identify the married harlot
with the sublunar matter in general, as he did in Guide III, 8, but with a
specific kind of sublunar matter, namely, human matter, the matter of
which human beings are composed.
Maimonides does not explain how Solomon derived the image of the
married harlot. Since, however, he announces that in other chapters of the
Guide he will explain Solomon’s wisdom in likening matter to a married
harlot, it is obvious that he attributes to Solomon the same strategy of
composition that he ascribed to him with regard to the coinage of the
“married harlot” metaphor in Proverbs 6:26 : Solomon derived that image
from an analogy between the relations that Aristotelian philosophical
concepts, or the objects they designate22, have with one another and the
relations that the components of a figurative image have with one an­

20 Introduction, p. 11-12.
21 It is important to note that the “married harlot” allegory is similar to the “well-
constructed allegory” but is not an example of that type. In Maimonides’ interpretation,
both levels of the “well-constructed allegory” convey knowledge. The inner meaning
conveys theoretical truths, whereas the external level conveys knowledge that is “useful in
many respects, among which is the welfare of human societies” (p. 12). The allegory of
the married harlot is practical and not theoretical. It conveys instruction for ethical beha­
vior at both levels.
22 In Aristotelian philosophy there is a correspondence between objects and
concepts. Cf. A rist o t le ’s De Interpretatione, I, 16a3-8. Maimonides endorses this idea,
probably under the influence of A l f a r a b i ’s Commentary on De Interpretatione (see Al-
FarabVs Commentary and Short Treatise on Aristotle’s De Interpretatione, trans.
F. W. Z im m erm ann , London, 1981, p. 17), in Guide I, 50.
MAIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 305

other. The relations are the key provided by Solomon for understanding
the philosophical ideas conveyed by the allegory, just as they are the key
for understanding the “married harlot” metaphor in Guide III, 8.
Maimonides states that the relations between human matter and form
are analogous to the relations between wife and husband and between the
married harlot and other men. The meaning Maimonides attributes to the
relations between the married harlot and her husband and with other men
can be inferred from the end of the passage, where Maimonides promises
to explain the character of another kind of woman described in the book
of Proverbs, the “woman of virtue” (Prov. 31:10). He does not mention
the actual expression Çeshet hayyil) but alludes to it by referring to its
literal meaning :

We shall explain how he concluded this book of his with a eulogy of the woman
Çishah) who is not a harlot (zonah) but confines herself to attending to the welfare
of her household and husband. (Introduction, p. 13)

Maimonides mixes the literal and the inner meanings of the expres­
sions when he contrasts a “woman of virtue” with a “married harlot”23.
The contrast reveals his conception of the role of the married woman and
her ideal relations with her husband. The role of the wife is to serve her
husband and to attend to the welfare of the household. This is a fair de­
scription of the wife’s role in Maimonides’ contemporary society24. The
“woman of virtue” is the woman who fulfills this vocation. Because the
“married harlot” is her antithesis, we may infer that she is a woman who
does not do so : she serves men other than her husband and does not at­
tend to the welfare of her household. The literal meaning of a “woman of
virtue” supplies the basis for understanding the metaphor of the “married
harlot”. Maimonides does not draw the conclusions from the contrast
between the two kinds of women on the literal level of the text and skips
immediately to explaining the “married harlot” as a metaphor without
explaining its literal meaning.

23 As we shall see, in Guide III, 8 he returns to the expression ’eshet hayyil and ex­
plains it as a metaphor.
24 For a description of the wife’s role, see M a im o n id e s ’ Mishneh Torah, Laws
Concerning Marriage, chapter 21.
306 S ara K lein -B ra sla v y

Maimonides does not directly explain the word “man” Çish) in the
expression 'eshet ’ish zonah (a married harlot). As in Guide III, 8, how­
ever, the meaning he assigns to it is clear from his interpretation of the
image of “a married harlot” ; “man” Çish) means man’s form, the intel­
lect.
The metaphorical “married harlot” refers to the role played by human
matter in the substance “man” ; human matter is the cause of the pursuit
of bodily desires, a pursuit that prevents the intellect Çish) from attaining
its perfection.
The interpretation of the “married harlot” allegory is based on phi­
losophical anthropology, a different philosophical theory than that used
for the “married harlot” metaphor. The theory is presented in Guide III, 8,
in clear scientific language, immediately after Maimonides explains the
origin of the “married harlot” metaphor. In this chapter Maimonides ex­
plains some principles in philosophical anthropology and does not refer
to the “married harlot” allegory. However, this explanation completes the
interpretation of the allegory of the “married harlot” in the Introduction to
the Guide by providing its philosophical basis. In Guide III, 8, Maimon­
ides expands on the role played by human matter in the substance “man”.
He describes it as the cause of the body’s “passing-away and corruption
or deficiency” (p. 431), of the

deformity of his [man’s] form, the fact that his limbs do not conform to their nature,
and also the weakness, the cessation, or the troubling of all his functions. (...)
Similarly every living being dies and becomes ill solely because of its matter. (...)
All man’s acts of disobedience and sins are consequent upon his matter and not
upon his form (ibid.).

It is matter in this sense that is described here as the cause of bodily


desires, namely, “his eating and drinking and copulation and his passion­
ate desire for these things, as well as his anger and all bad habits found in
him” (ibid.). In the Introduction to the Guide, Maimonides considers the
“married harlot” to be a metaphor that represents only one of these func­
tions : human matter is the cause of the pursuit of bodily pleasures and
desires.
M AIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 307

Because all sublunar matter is always tied to a form25, human matter


is always tied to the human form, the intellect. Hence Solomon likened it
to a married woman, a woman who is bound to a man Çish). But matter is
the cause of the bodily desires that prevent man from attaining his goal,
intellectual perfection. Hence, Solomon likened it to a harlot who, instead
of serving her husband, pursues other men and does not maintain the
household26. The household is analogous to man’s goal.
As we have seen, the allegory is centered on the metaphor of a “mar­
ried harlot”. The details of the description of the woman and her allures
do not convey its meaning. The meaning of the allegory is conveyed by
the allegory as a whole and not just by the image of the married harlot.
The allegory is not just a statement about the role played by human mat­
ter, but a lesson of conduct based on the role of human matter. Because
matter is the cause of bodily desire, which keeps man from attaining his
goal, the warning against a married harlot is a warning against the pursuit
of these desires and the pleasures of their realization.
Maimonides does not explain what human matter is. Matter is the
substrate of form, that to which the form is joined. So human matter may
refer either to the body, which is composed of the four elements and the
two lower faculties of the soul (which, in Aristotelian psychology, are
bodily forces), the vegetative and the animal souls ; or solely to the ani­
mal soul, the soul that man shares with animals and which is the substrate
of his form, the intellect. Because here he refers to Guide III, 8 where he
provides the philosophical doctrine on which the “married harlot” alle­
gory is based, it is plausible that he regards matter as the temperament of

25 Maimonides states this explicitly in Guide III, 8 : “It is impossible for matter to
exist without form” (p. 431).
26 If Maimonides considered that the analogy between a married harlot and the be­
havior of man’s matter to be perfect, we must infer that the noun “man” does not always
refers to “form” but only to the object-woman it relates to. Man’s matter is the cause of
the pursuit of bodily desires, just as the harlot pursues other men. Here “men” are the
objects of bodily desire. It follows from this analogy that the figurative term “man” is of
the same type as the figurative term “woman” ; it has an intention and not an extension. It
denotes the object that the woman is “apt for, and fashioned with a view to being in
conjunction with”. This object should be identified by the context in which the word
“man” figures.
308 S a ra K lein -B ra slav y

the body. According to Guide III, 12 (p. 445)27, the temperament of the
body is the cause of bodily desires28.

The interpretation of the allegory of “a woman of virtue” (’eshet


hayyil)

As we have seen, in the Introduction to the Guide Maimonides ex­


plains the plain meaning of the expression “a woman of virtue” Çeshet
hayyil) in Proverbs 31:10. In Guide III, 8 he returns to the expression.
This time he interprets it as a metaphor and regards Proverbs 31:10-31 as
an allegory. The chapter completes the interpretation of the images of the
“two women” presented in the Introduction to the Guide and the allego­
ries based on them.
Maimonides does not specify which type of parable the “woman of
virtue” allegory is. Yet, it is obvious that, like the parable of “a married
harlot”, he considers it to belong to the second type described in the In­
troduction to the Guide. It too hinges on a metaphorical image, this time
that of the “woman of virtue”. Most of the words and the descriptions
therein have aesthetic and literal functions and are meaningful only on the
external. Consequently, in his explanation of the “woman of virtue” alle­
gory, in Guide III, 8, Maimonides does not even refer to the verses that
describe her (Prov. 31:11-31), but only interprets the image “a woman of
virtue” that conveys the meaning of the allegory.
The allegory of “a married harlot” is an ethical lesson that includes a
statement about a philosophical doctrine - the role that matter plays in the
substance “man”. The allegory of “a woman of virtue” is not an ethical
lesson but a description of the ideal woman. It conveys a theoretical truth
- the role played by the matter of the ideal man. Maimonides does not
explain the origins of the metaphor and the allegory and merely identifies
the referent of the expression “a woman of virtue” :

27 Cf. also Guide II, premise twenty-six, p. 240.


28 It should be noted, however, that the sense of touch and the imagination are cor­
poreal forces. (For the imagination as a corporeal force, see Guide II, 36.) Hence else­
where in the Guide Maimonides speaks of the sense of touch (Guide III, 8) or of imagina­
tion (Guide III, 12) as the cause of bodily desires.
MAIMONIDES’ STRATEGY FOR INTERPRETING “WOMAN’ 309

As for [Solomon’s] dictum a woman o f virtue who can find ? and this whole par­
able, it is clear. For if it so happens that the matter of a man is excellent, and suit­
able, neither dominating him nor corrupting his constitution, that matter is a divine
gift. (p. 433)

It is obvious from the descriptions of the two kinds of woman and


the identification of their referents that, in Maimonides’ view, Solomon
created the expression “a woman of virtue” and the allegory constructed
on it in a way similar to that he used to create the “married harlot” meta­
phor and allegory ; that is, by an analogy between the relations repre­
sented by the image of “a woman of virtue” and by its referent. A married
harlot and a woman of virtue are antithetical kinds of women and have
antithetical types of relations. The married harlot is a woman who is not
faithful to her husband, does not serve him, and serves other men. The
woman of virtue serves her husband and her household and does not
serve other men.
The metaphors are created on the basis of the analogy between the
relations of man and woman in each case and the relations of the princi­
ples of philosophical anthropology. Hence their referents should be iden­
tified by these relations. In the expression “woman of virtue”, “woman”
is human matter (as in the metaphor “a married harlot”), but another kind
of matter, a kind of that serves man and helps him to attain his goal -- the
perfection of the intellect. It is matter that does not provoke the pursuit of
bodily desires.
According to Guide III, 8, human matter is the temperament of the
body. A “woman of virtue”, like a “married harlot”, represents the role of
human matter in the pursuit of bodily desires. A “woman of virtue” is a
special temperament of body, a harmonious temperament that does not
cause the pursuit of bodily desires as human matter usually does. Mai­
monides describes it as “a divine gift” and rare phenomenon. We can
infer from this statement that human matter usually triggers the pursuit of
desires ; i.e., it is more often a “married harlot” than a “woman of virtue”.

Conclusion

We have seen that Maimonides employs the same strategy in all his
interpretations of “woman” - an explanation by “a structure of relation”
and by analogy. The referent of the term “woman”, the metaphor “a mar­
ried woman”, and the images of a “married woman” and a “woman of
virtue” at the center of the women allegories in the book of Proverbs are
310 S ara K lein -B ra sla v y

identified by the relations women maintain with another object or with


men.
The noun “woman” has an intension but no extension. It designates
the structure of relation itself. “Woman” is “any object apt for, and fash­
ioned with a view to being in conjunction with some other object”. The
referent of the noun must be identified by the context in which it appears.
The metaphor “a married harlot” and the metaphorical images “a
married harlot” and “a woman of virtue” refer to two types of relation :
the relation between a woman and her husband and between the woman
and other men. Maimonides assumes that Solomon was a philosopher and
expounded philosophical principles, doctrines, and lessons in figurative
language. In his view, Solomon created the metaphors on the basis of an
analogy between the relations that matter has with form or forms and the
relations that “woman” in each of the metaphors has with men. The rela­
tions constitute “the structure of relation” on which the analogy is
grounded.
The metaphor of the “married harlot” represents matter as a concept
in Aristotelian physics-sublunar matter. Matter is always tied to a form,
but not always the same form : it puts off and puts on forms. Hence it is
analogous to the married harlot, who has a husband but also has relations
with other men. The metaphors of a “married harlot” and a “woman of
virtue” convey an idea in philosophical anthropology - the role that hu­
man matter plays in the attainment of man’s vocation. “A married harlot”
represents human matter as causing the pursuit of bodily desires and
hence as an impediment to attaining perfection of the intellect. She is a
wife, bound to one man ; but she pursues other man instead of serving
him and his household. She is analogous to human matter, which is
joined to its form, the intellect, but also causes man to pursue bodily de­
sires and thus prevents him from attaining his goal. The metaphoric of a
“woman of virtue” is created on the basis of only one type of relation
- the relation of a woman to her husband. It represents a rare and special
kind of human matter - matter that helps man attain his goal. The woman
of virtue is a wife ; she is bound to one man, serving him and his house­
hold, just as the man’s good matter is tied to his form, the intellect, does
not cause him to pursue bodily desires, and thereby helps him attain his
perfection and the vocation of humankind.
H ow a rd K r eisel

THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM BY


R. NISSIM OF MARSEILLES

In the colophon of a privately owned manuscript of Mcfase Nissim


by R. Nissim of Marseilles, the copyist reportedly wrote : “written in the
academy (metivta) of R. Nissim ben Moshe of Marseilles1”. The name of
the copyist is not included in the transcription of the colophon and the
date given by the transcriber, 1304, is almost certainly a misreading of
the actual date2. Insofar as the manuscript is not accessible for viewing
and no copies of it exist, I can neither confirm nor deny the contents of
the transcription of the colophon. Even if we accept the transcription as
accurate, it tells us nothing about the nature of the academy where the
manuscript was copied. It is tempting to hypothesize that the author of
the manuscript, R. Nissim, was the head of a small academy in which one
of his students copied his work, a phenomenon that can be attested to in
other cases3. This poignant, though questionable, little detail of the origin
of the first known copy of Mocase Nissim is a good place for me to begin
my present narrative.
We have no information about the author of Mcfase Nissim save for
the few details that may be gleamed from his composition. He lived in
Marseilles and wrote his treatise in the early part of the 14th century,

1 See M. I. B r a y e r , “Nissim of Marseilles’ Commentary on the Pentateuch”,


Doctor of Hebrew Literature, Yeshiva University, 1970, p. 3.
2 See the introduction to my edition of Mcfase Nissim, Jerusalem, 2000, p. 3 ; see
also below.
3 See for example Jordan Penkower’s discussion of the role of Rashi’s students in
the copying of his commentaries in : “Rashi’s Corrections to his Commentary on the
Prophets” (Hebrew), in Shnaton : An Annual fo r Biblical and Ancient Near Eastern
Studies, 15 (2005), p. 185-211. Colette Sirat and Marc Geoffroy deal with the
phenomenon of medieval Jewish academies in Spain where philosophical treatises were
copied and studied ; see their forthcoming article, “The Modena Manuscript and the
Teaching of Philosophy in Fourteenth and Fifteenth Century Spain”, to appear in
H. K reisel ed., Study and Knowledge in Jewish Thought (Ben-Gurion University of the
Negev Press).
312 HOWARD KREISEL

sometime after 13154. He may have written also a commentary on the


Book of Ruth, though the attribution to him of a fragment we possess of a
commentary on this book is questionable5. The sole undisputed treatise he
left us is certainly an exceptional work. It has survived in seven
manuscripts in addition to the privately owned one. Two small fragments
of the treatise have also survived. Over the centuries copies of this
treatise were made in France, Spain, North Africa and Italy. At least one
prominent Jewish thinker who was the product of the Italian Renaissance
was acquainted with this composition, namely Azariah de Rossi. The 19th
century scholars of the Wissenschaft des Judentums, or the maskilim as
they were known in Hebrew, displayed some interest in this work.
Foremost among them was the Galician scholar Joshua Heschel Schorr,
who published in 1865 large selections of the treatise with a lengthy
introduction in his Hebrew periodical, He-Halutz6. The treatise for the
most part remained neglected until a number of scholars in the latter half
of the 20th century, particularly Abraham Halkin and Colette Sirat, made
another attempt to revive its fortunes and bring it to the attention of the
scholarly world7. Prof. Sirat played a decisive role in my decision to
study this treatise more carefully and publish a complete and annotated
version of the work, in a sense completing a process that began with the
first anonymous copyist in R. Nissim’s academy.
R. Nissim devotes his treatise to a philosophical commentary on the
Torah, after first providing the reader with a lengthy introduction
consisting of fourteen chapters that deal with a range of topics. The
commentary reflects a single-minded commitment to provide a
naturalistic explanation for all seemingly supernatural elements of the
Torah, whether it be the story of creation, the longevity of the ancients,

4 The reading of the date in the colophon as 5064 (=1304) may well be a
misreading of 5084, in which case the treatise was copied in 1324.
5 See H. K r e is e l , “A Fragment from a Commentary on Ruth Ascribed to
R. Nissim of Marseilles” (Hebrew), in Jerusalem Studies in Jewish Thought, 14 (1998), p.
159-180.
6 See He-Halutz, 7 (1865), p. 89-144 [reprinted Jerusalem, 1972].
7 See A. S. H a l k in , “Nissim ben Moscheh on Providence”, in G. N a h o n and
C. T oltati eds, Hommage à Georges Vajda, Louvain, 1980, p. 219-225 ; C. SIRAT, “The
Political Ideas of Nissim ben Moses of Marseilles” (Hebrew), in Jerusalem Studies in
Jewish Thought, 9 (1990), p. 53-76.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISS1M 313

the miracles in Egypt, the parting of the Sea of Reeds, the Revelation at
Sinai, the rewards and punishments mentioned in the Torah, and the
commandments that appear to have no rational reason or appear to
involve supernatural intervention, such as the ceremony involving the
woman accused of adultery by her husband. In the introduction to the
commentary, R. Nissim deals with such topics as political theology,
divine reward, principles of the faith, prophecy, providence and miracles.
Most miracles actually occurred in his view, but they were the product of
the superior knowledge of the prophet and his divinatory ability. Other
miracles did not happen at all but appeared in a vision of prophecy or are
to be understood metaphorically. The rewards and punishments
mentioned in the Torah are treated by R. Nissim as the natural
consequences of the individual’s or nation’s behaviour. R. Nissim does
not write his commentary in order to undermine the Torah and Judaism,
but to offer what he regards as the true understanding of it and to make it
more appealing to other rationalist thinkers. He does not feel that the
Torah is less divine or obligatory simply because God is not its
immediate author and it essentially is the product of Moses’ perfection. It
is obligatory for all individuals to pursue perfection to the best of their
ability, and the Torah in his view is the surest guide to perfection for
society at large. It is not directed only to the masses, but paves the way to
perfection for all Jews. While R. Nissim begins his treatise by indicating
that he will express his views esoterically, he does not remain true to his
word as the treatise unfolds. The radical nature of his approach emerges
already in the middle of the introductory chapters. Perhaps he is confident
of the fact that the average reader is also a careless reader. R. Nissim’s
naturalistic explanations are often presented in an abbreviated manner
whose full import can easily elude the average reader. It should be noted
that R. Nissim is completely familiar with the range of rabbinic literature,
including the Babylonian and Jerusalem Talmuds, all the major midrashic
compilations, and Maimonides’ legal works. In short, he is an early 14th
century radical follower of Maimonides, who sees no contradiction
between his commitment to Jewish tradition and his essential acceptance
of the philosophers’ world view. While almost all of R. Nissim’s views
are borrowed from treatises that preceded his, none of them display such
314 HOWARD KREISEL

an open, single minded determination to negate any supernaturalistic


element in understanding divine activity8.
R. Nissim is also an elitist. He is highly critical not only of the views
of the masses of Jews but of their observance as well :

The women, and men following their path, observe the commandments solely with
their limbs since they do not understand the reasons for the practical
commandments, and for what end they were commanded. They labor to observe
them scrupulously, without knowing their purpose and utility. They are like a
burden-carrying mule that knows nothing of the purpose of its labors and the utility
of its activity. The rationalists (maskilim) observe the commandments with the
requisite scrupulousness because of their purpose and utility. They observe the
commandments with their limbs, and even more with their thought and heart, for
every practical commandment comes either in order to teach a correct opinion or to
reject a false opinion ; to help a person acquire a noble quality or distance the
person from an opprobrious one. Just as it happens that the masses, due to their
fear, do not sin and are scrupulous in their observance since they do not know
anything, it happens at times that they perform the less significant commandments,
abandon the more precious ones and are lenient in their observance of the weighty
ones because of their limited discernment. For this reason, people are mistaken
when they judge the rationalists as not being committed to the practical
commandments. They say of them that they are solely committed to rational
opinions and true beliefs. In reference to the masses they say that they are the ones
committed to the practical commandments and they are the pious ones (hasidim).
How greatly mistaken are those who say this. Our sages have already maintained :
“The ignorant one is not pious (lo cam ha’arez hasid)”9.

There is nothing apologetic about R. Nissim’s stance. Approaches to


the commandments that lead to misunderstanding the true intent of the
Law as he understands it are to be rejected. The ban against the study of
philosophy prior to the age of twenty-five and against the allegorical
interpretation of Scripture, issued at the beginning of the 14th century by

8 I discuss R. Nissim’s philosophy in greater detail in the Hebrew introduction to


my edition of M acase Nissim, p. 8-49. See also my “Some Observations on M acaseh
Nissim by R. Nissim b. Moses of Marseilles”, in A. Iv r y , A. A rk ush and E. W olfson
eds., Perspectives on Jewish Thought and Mysticism, Amsterdam, 1988, p. 201-222 ;
Idem , “The Torah Commentary of R. Nissim b. Moshe of Marseilles : A Medieval
Approach to Torah u-Madda”, in The Torah U-Madda Journal, 10 (2001), p. 20-36.
9 Macase Nissim, p. 116-117.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM 315

R. Shlomo Ibn Adret (Rashba)10, seems to have made little impression on


R. Nissim, except perhaps to encourage him to write a treatise of this
nature and express his views quite openly in the battle to win the hearts
and minds of Jewish intellectuals. He does not, however, wish to dismiss
the religion of the masses completely. He appreciates their commitment
to Judaism even if it is not based on true belief At the beginning of the
passage cited above he states :

It is appropriate that the masses be left alone and their thinking not be disturbed. No
one should attempt to move them from their [vain] imaginings [...] for something
good is found in them. They uphold the Torah and the commandments with all their
might and they are exceptionally scrupulous in observing the practical
commandments. The reason for this is their imaginary fear as we have mentioned.

In short, my R. Nissim is a rabbinic scholar who seeks to reinterpret


Judaism completely along philosophic lines, and by so doing remove God
from any personal involvement in history or any immediate connection
with humanity. He sees this truth as fitting to reveal only to the
intellectual elite ; the masses should not be disturbed in their belief in a
personal God. The Torah nevertheless remains in his view the most
perfect legislation possible for the elite and the masses alike. His
positions are essentially those that a number of contemporary scholars
regard as Maimonides’ esoteric view11. R. Nissim would be called in
today’s parlance an “Orthoprax” Jew though he himself would certainly
eschew the term. Judaism is true, and for R. Nissim what could be more
“Orthodox” than holding true beliefs. The masses of Jews with their
imaginary beliefs are the real “Orthoprax”.
It is not, however, on Macase Nissim in its historical context or in a
contemporary one that I wish to focus here, but on its “rewriting” in the

10 For a discussion of the ban and the rationalists’ response see A. S. H a l k in ,


“Yedaiah Bedershi’s Apology”, in A. A l t m a n n ed. Jewish Medieval and Renaissance
Studies, Cambridge, MA, 1967, p. 165-184.
11 For a discussion of the esoteric interpretation of Maimonides’ philosophy, see
my “Moses Maimonides”, in D. H. F r a n k and O. L e a m a n eds., History o f Jewish
Philosophy, London, 1997, p. 256-272. For a survey of the esoteric interpretations of
Maimonides’ philosophy see A. R a v itzk y , “The Secrets of the Guide o f the Perplexed :
Between the Thirteenth and the Twentieth Centuries”, in. I. T w e r sk y ed., Studies in
Maimonides, Cambridge, MA, 1990, p. 159-207.
316 HOWARD KREISEL

modem period, that is, the study of this treatise in the 19th century and the
manner it was understood. Specifically, I will examine Joshua Heschel
Schorr’s treatment of the treatise in light of his ideological approach and
how his understanding of it very much reflected his own concerns. I will
also say a little about a treatise that exercised a marked influence on
R. Nissim, namely Livyat Hen by R. Levi ben Avraham, and the study of
the latter treatise by Schorr’s friend and colleague, Abraham Geiger.
Joshua Heschel Schorr (1818-1895) played a major role in the
Haskalah (Enlightenment) movement in Eastern Europe. He lived for
almost his entire life in the city of Brody in Galicia. His major scholarly
accomplishment was the establishment and editing of the Hebrew
periodical H e-H alutz, of which 13 volumes appeared intermittently
between 1852 and 188812. He was the sole author of all the articles from
volume 7 onwards. Most of his research centered on rabbinic and
halakhic literature, though he wrote also on the Bible as well as on
medieval Jewish thought. In addition to scholarly articles, he wrote
satirical and polemical pieces13. The picture that emerges of Schon* from
his articles and letters is of a very gifted and combative scholar with an
exceptionally abrasive personality. He does not care whom he
antagonizes in pointing out the errors of his colleagues in his insistence
on scholarly accuracy, and in fact he succeeds all too well in this area14.
Schorr was very conscious of the ideological underpinnings of his
scholarship. Much of it focuses on the errors of the Talmud in an attempt
to show its human dimension, hence its fallibility . His critical approach to

12 He completed volume 14 in 1890 but it never was printed.


13 A number of Schorr’s articles were edited and annotated by E. S picehandler ,
Joshua Schorr : Selected Essays (Hebrew), Jerusalem, 1972. Spicehandler also wrote the
only in-depth study of this scholar to date ; see “Joshua Heschel Schorr : Maskil and
Eastern European Reformist”, in HUCA, 31 (1960), p. 181-222 ; Idem , “Joshua Heschel
S ch o rr-T h e Mature Years”, in HUCA, 40-41 (1969-1970), p. 503-528. Spicehandler
does not deal with Schorr’s scholarly articles on medieval thinkers but rather with those
articles that contained more direct expressions of his thought. As we shall see, the article
on R. Nissim, as well as the one on R. Isaac Albalag, offer us further insight into Schorr’s
thought and enable us to complete the picture. Schorr chose to study these thinkers
precisely because of the affinity he felt to them, in accordance with the manner he
understood them.
14 Spicehandler discusses this point in detail ; see in particular the description in
both of his articles of Schorr’s complex relationship with S. D. Luzzato.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM 317

rabbinic literature was designed to bolster his calls for religious reform15.
The disdain he expresses for conservative maskilim who continued to
uphold Orthodoxy was often greater than for the traditionalists, who
where at least consistent in their approach in his eyes16. For Schorr,
Judaism must constantly evolve in its outer trappings in a manner
appropriate to the social context in order to preserve its essence, which is
the monotheistic idea, and to remain a light unto the nations17. Certainly
in the context of Galician Jewry Schorr’s religious approach could be
described as nothing less than “radical”18.
Given Schorr’s ideological approach one can easily see why he
would be drawn to the study of a rationalist of the 14th century who
remains faithful to Judaism while rejecting its traditional interpretation.
With the fight ranging in Central Europe during this period between the
growing Reform Movement and traditional Orthodoxy, how could
Schorr, who for much of his life was very close to the great Reform
leader Abraham Geiger and who wanted to bring religious reform to
Eastern Europe, not feel a spiritual link to the Jewish philosophers who
fought against their traditionalist detractors ? How could he not
appreciate a medieval thinker who was not apologetic in his approach, as
opposed to his more moderate colleagues19 ? Schorr in fact dated
R. Nissim’s treatise to the period in which the Maimonidean controversy
was ranging and felt it was written shortly after the ban against the study

15 See S p ic e h a n d l e r , “Joshua Heschel Schorr : Maskil and Reformist”, p. 201-


207 ; “Joshua Heschel Schorr - The Mature Years”, p. 511-512.
16 Schorr for example expressed his negative attitude to Solomon Judah Rapoport
for the latter’s religious conservatism, and possibly also for personal reasons. See in
particular Schorr’s satiric treatment of Rapoport and Zachariah Frankel as depicted by
S picehandler , “Joshua Heschel Schorr - The Mature Years”, p. 514-515.
17 Ibid., p. 513-514. Schorr was very close to the German Reform movement on
this fundamental point, particularly to the approach of Abraham Geiger.
18 Spicehandler only on occasion employs this term in characterizing Schorr’s
approach, and is aware that Schorr considered himself a traditionalist while at the same
time that he called for reform ; see “Joshua Heschel Schorr : Maskil and Reformist”,
p. 201. This point is important for my subsequent analysis. Cf. Ismar Schorsch’s depiction
of Schorr’s radical approach in From Text to Context : The Turn to History in Modern
Judaism, Hanover, London, 1994, p. 324-326.
19 Such as Menahem ha-Meiri, whom Schorr deals with in his article in a manner
that displays his appreciation of the achievements of this figure as well as his critical
attitude towards the Meiri’s stance.
318 HOWARD KREISEL

of philosophy and against philosophical-allegorical homilies was


promulgated in 1305. Much of his essay is devoted to the history of the
conflict over the philosophic-allegoric interpretation of the Bible, in an
attempt to place R. Nissim’s views in their proper historical context20. In
his study of the treatise Schorr also identifies the sources influencing R.
Nissim and the subsequent thinkers who in turn were influenced by him.
Schorr does not approach R. Nissim dispassionately ; he is quite
explicit in his immense admiration for the treatise and its author. Indeed
what characterizes the Wissenschaft scholars is the passion they display
in their writing. They are not indifferent to their subjects and often voice
their judgment about the material they present. They are very conscious
of the relation between their scholarship and their ideology, their
scholarship frequently serving as the means for providing a solid
historical framework for their ideology. At the same time they are
devoted to the cause of truth, in which philological and historical
accuracy in their studies are paramount considerations. Schorr’s study of
R. Nissim is reflective of these tendencies - very judgmental, at times
quite caustic, and a scholarly tour de force despite its errors. How Schorr
understood R. Nissim, as well as his other hero from among the medieval
Jewish philosophers, namely Isaac Albalag, reveals to us a lot on how he
viewed himself in the context of the controversies of his own time.
Much of Schorr’s treatment of the M a case Nissim and its
historical background conforms to our expectations of how a maskil of an
extreme religious reformist bent would view this work. Nonetheless,
some aspects of his approach are at first glance surprising. Schorr’s
R. Nissim is not the outspoken single minded radical interpreter of
Judaism whose goal is to show its complete conformity with the
worldview of the philosophers, as I have depicted. For Schorr, R. Nissim
is a moderate and socially responsible thinker who tries not to antagonize
his opponents unnecessarily, without, however, sacrificing or retreating
from what he views as the truth. R. Nissim’s truth is not in complete

20 For a useful, though dated, in-depth survey of the Maimonidean Controversy,


see J. S a r a c h e k , Faith and Reason : The Conflict over the Rationalism o f Maimonides,
New York, 1935. For a more recent study, see G. S t e r n , “Philosophy in Southern
France : Controversy over Philosophic Study and the Influence of Averroes upon Jewish
Thought”, in D. H. Frank and O. Lea m a n eds, The Cambridge Companion to Medieval
Jewish Philosophy, Cambridge, 2003, p. 281-303.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM 319

agreement with philosophical truth but accords validity to much of


tradition and gives to both approaches their due. A similar understanding
marks Schorr’s approach to R. Isaac Albalag21, despite Albalag’s
reputation as a radical Averroist22. Perhaps the most surprising aspect of
Schorr’s treatment of both these philosophers is the fact that he sees their
approaches as being different and essentially superior to the great
medieval hero of the Wissenschaft scholars - Maimonides.
Schorr defines the controversy between Torah and philosophy as
that between the literal, static interpretation of the Torah, and the rational
views that evolve in the process of reaching fruition. He shows
appreciation for those who attempted to harmonize Torah and philosophy
by reinterpreting the Torah so that it no longer is understood in a manner
contrary to reason, particularly in reference to the anthropomorphic
descriptions of God. He singles out R. Saadiah Gaon, among others, for
defining religious beliefs in harmony with reason and for defending
Judaism against the heretics. Maimonides is seen by him as playing the
decisive role in the reinterpretation of Judaism along philosophic lines.

21 See Schorr’s introduction to his abridged version of Sefer Tiqqun Ha-Decot in


He-Halutz, 4 (1859), p. 83-92. He begins his treatment of Albalag with the exclamation :
“Isaac Albalag, I am overcome with compassion for him ; he is unique, there is no one
like him among all the sages of Israel” (p. 83). Schorr depicts the middle course between
philosophy and tradition steered by Albalag as a different one than the course pursued by
R. Nissim.
22 Albalag presents a version of the Latin Averroists’ “double truth” theory.
Religious truth and philosophical truth are both treated as valid even when they stand in
contradiction to each other. The former is valid from the standpoint of faith and the latter
from the standpoint of human reason. This theory sacrificed the unity of truth in order to
avoid harmonizing the two realms in an artificial manner. As Julius Guttmann correctly
notes, Albalag almost certainly presented this theory as an excuse for his radical
Averroism and he did not really accept the literal truth of Scriptures. Moreover, he
interprets the creation story in accordance with the philosophical doctrine of eternity
(though he apparently regarded the purpose of Torah as being primarily political in
nature). See J. G u t t m a n n , Philosophies o f Judaism, New York, 1973, p. 227-230.
Albalag’s treatise, Sefer Tiqqun Ha-Deco t, was edited by G. V a j d a , Jerusalem, 1973.
Guttmann utilized Schorr’s heavily abridged version of the treatise that he published in
He-Halutz, 4 (1859), p. 92-94 ; 6 (1862), p. 85-94 ; 7 (1865), p. 157-169. Schorr, on the
other hand, takes Albalag at his word regarding the “double truth” theory. In this manner
Albalag, in his view, maintains the integrity both of the Torah and of philosophy without
reducing one to the other.
320 HOWARD KREISEL

Maimonides went a step further than his predecessors by introducing


philosophic ideas in his great legal code, the Mishneh Torah. It is this
step that resulted in the vociferous public attacks against him.
Maimonides is depicted by Schorr as a rabbinic giant whose activities
signaled the victory of free inquiry. After Maimonides, those who
believed in this cause would no longer shirk from their conservative
adversaries, and would even be openly critical of them23. Yet for all of
Schorr’s admiration for Maimonides, he is also critical of him. Maimo­
nides’ intent, as Schorr, following R. Samuel Ibn Tibbon, understands it,
is to reinterpret the entire Torah as hinting to philosophical truths, while
ignoring their literal meaning24. Schorr on the other hand does not feel
that all of Scripture should be reduced to philosophical allegory. This
criticism is even more pronounced in his article on Albalag, where he
writes :

Maimonides went too far in interpreting the Torah and the words of the Sages in
accordance with his philosophical approach. No difficulty or problem impeded him.
Those who followed him increased this evil, till there arose rabbis who forcefully
attempted to make them desist25.

Schorr strongly believes that while Judaism should be understood


philosophically when necessary, it is not the same as philosophy. Its
integrity, which means the literal interpretation of Scripture wherever it is
not contradicted by reason, must be preserved.
Abba Mari, the instigator of the controversy over the study of
philosophy that erupted at the beginning of the 14th century, is severely
castigated by Schorr for acting in a hypocritical manner. He really was
opposed to Maimonides and against free inquiry though he pretended
otherwise. Moreover, Abba Mari’s hypocrisy comes to light by his
singling out only the allegorical interpretations of the philosophers and
not those of the traditionalist rabbis, such as Nahmanides26. Significantly,
Schorr does not paint the controversy in black and white terms. He adopts
the position that ideological controversy in general has a beneficial affect

23 See He-Halutz, 7 (1865), p. 89-91.


24 Ibid., p. 92.
25 He-Halutz, 4 (1859), p. 84.
26 He-Halutz, 7 (1865), p. 101-102.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM 321

in purifying one’s thoughts. He even sees merit in limiting the study of


philosophy to the age of twenty five and in opposing the exaggerated
allegorical interpretations of Scripture. In short, Abba Mari’s actions
were worthy, not his intentions27.
It is at this point in his article that Schorr presents his understanding
of R. Nissim’s position :

The man Nissim of Marseilles, a man the Spirit was in, was sufficiently astute to
choose the middle path and to embrace what was worthy of embrace from both
factions. This is the path he followed in his treatise, Mcfase Nissim. In his
introduction he warns one not to approach the treatise until past his youth, and to
conceal these matters from one of the masses. To reveal them to one of the masses
would harm the individual, for the explanation of the secrets of the Torah is a
deadly poison to him. He also repeatedly states that only the beginning of the
Torah, that is, the story of creation, and to a degree also the end, that is, the section
of Ha-Azinu, contain an esoteric level. Most of the words of Torah in between are
the commandments, prohibitions, miracles, wonders and rewards - they all should
be understood literally, they have no hidden meaning. Nevertheless, in the matter of
the rewards and the miracles all of his effort and desire were to make them conform
to reason in a good and fitting manner28.

Schorr goes on to acknowledge that the treatise contains more


allegorical interpretations than he initially indicated, but stresses that
R. Nissim consistently maintained that the historical stories, such as the
binding of Isaac, should be understood literally29. The same is true of the
commandments of the Torah. At the same time, R. Nissim not only

27 Ibid., p. 102. Schorr lauds Jacob ben Machir’s stance in opposing these
measures, given what he sees as the true agenda of Abba Mari. At the same time he finds
little that is objectionable in the measures themselves : “His [Abba Mari] desire to erect a
fence in order to prohibit the study of philosophy until the age of 25 was good,
appropriate, worthy and an acceptable one for his time, in which the young who publicly
preached sermons of a nature that bordered on the harmful multiplied. R. Jacobs ben
Machir, in defending these preachers, and in attempting to abolish the limitations placed
on the young whose thought was not yet mature definitely, went too far.”
28 Ibid., p. 102.
29 Ibid., p. 105-107. On the possibility that Maimonides understood the entire story
of the binding of Isaac as taking place in a vision of prophecy, see my Prophecy : The
History o f an Idea in Medieval Jewish Philosophy, Dordrecht, 2001, p. 285. Against
Schorr, I interpret R. Nissim as hinting that the binding of Isaac did not actually happen,
but the historicity of this event is important for the masses hence it must be maintained ;
see Mcfase Nissim, p. 287, n. 530.
322 HOWARD KREISEL

attempted to interpret the Torah in conformity with reason but also the
words of the prophets and the Sages30. In this manner, Schorr suggests, he
achieved an admirable balance between Torah and philosophy. He
reinterpreted allegorically what was rejected by reason and let the literal
meaning stand when reason did not negate it. Others in Schorr’s view
either abandoned reason as they continued to interpret impossible matters
in the Torah literally, or they undermined the Torah by interpreting
everything allegorically. As we have seen above, he suggests that even
Maimonides went too far in the latter direction.
R. Nissim’s social responsibility and moderation finds expression not
only in the esoteric approach he adopts in order not to disturb the faith of
the masses, but also in more subtle ways. In tracing the sources used in
the treatise, Schorr perceptively notes that R. Nissim borrows a lot from
Livyat Hen by R. Levi ben Avraham. Yet R. Nissim does not once
mention this treatise or its author by name. Schorr’s explanation for this
fact is interesting. R. Nissim does not wish to arouse unnecessary
controversy against his treatise by citing a person who was named
explicitly in the letters accompanying Rashba’s ban, even though
R. Nissim accepts many of R. Levi’s interpretations31. Similarly,
R. Nissim does not bring those interpretations that were explicitly
mentioned in the letters accompanying the ban against philosophical
allegory though he cites similar interpretations. One should hasten to add
that Schorr regards R. Levi too as a moderate who wished to preserve a
literal reading of Torah as much as possible32. Nevertheless he does not
appear to find fault with R. Nissim in this matter. One can detect a fine
line in Schorr’s approach to what he regarded as laudatory discretion and
what he considered condemnable cowardice. R. Nissim in his view did
not cross this line.
The one who clearly crossed this line in Schorr’s view is the Meiri.
The Meiri adopted a far too conciliatory attitude to Abba Mari, so much
so that Abba Mari mistakenly thought that the Meiri was a fellow

30 Ibid.,p. 108.
31 Ibid., p. 113. For the vilification of R. Levi for his allegorical interpretations see
A bb a M ari of L u n e l , Sefer Minhat Kenaot, H. Z. D im it ro vsk y ed., Jerusalem, 1990,
p. 374-398, 537-548 ; see also A. S. H a l k in , “Why was Levi ben Hayyim Hounded ?”, in
PAAJR, 34 (1966), p. 65-76.
32 Ibid.,p. 92-93.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM 323

traveller ; this despite the fact that Meiri himself was a proponent of
philosophical allegory. Schorr shows that many ideas and citations in
Mofase Nissim are drawn from Meiri’s treatise, Meshiv Nefesh, though in
this case too neither the author nor the treatise are ever cited by name33.
His explanation in this case is noteworthy : “My heart tells me that he [R.
Nissim] intentionally withheld his name since the way of the Meiri was
suspect in his eyes34”. Schorr subtly indicates by this explanation that
Meiri deserved to be censored by R. Nissim for his stance in the
controversy, when so much lay in the balance in the pursuit of truth.
Schorr’s understanding of Mcfase Nissim is essentially no different
from the one I presented at the beginning of the article. What is
significant is how different our emphasis is. Schorr does not see the
interpretation of all miracles in a natural manner as a radical approach,
only a necessary one in enabling one to understand the stories of the
Torah in a manner that does not contradict reason. No less significant for
Schorr is R. Nissim’s acceptance of the historicity of the Torah as well as
the literal meaning of the commandments. “Radical” and “moderate” are
labels that are not only dependent on the cultural-social context, but even
more on the eyes of the beholder.
While Schorr has a strong sense of true and false, no less important
for him is the importance of free inquiry. This he sees as the source for
arriving at the truth. He lives in a world of discourse which appreciates
the non-static nature of much of philosophic truth35. For Schorr, philo­
sophers must remain unencumbered in their quest at the same time that
they remain socially responsible in their public pronouncements.
Moreover, he adopts a positive attitude to the tradionalists who expressed
respect for those who were influenced by the philosophers even though
the traditionalists disagreed with them. Among his examples are Rabbenu

33 Ibid., p. 144-116. Meiri’s treatise was edited by A vrah am S o fer , Hibbur ha-
Teshuvah, New York, 1950.
34 Ibid., p. 116. On the study of Meiri’s thought and the role he played in the
controversy, see G. S t e r n , “Menahem ha-Meiri and the Second Controversy over
Philosophy”, Ph.D. dissertation, Harvard University (1995).
35 As seen above, Schorr sees a static dimension of truth that finds its expression in
the Torah, particularly the monotheistic idea and the historical truths the Torah presents,
and a dynamic dimension of truth that finds its expression in the advances made by
philosophy and science.
324 HOWARD KREISEL

Tam’s friendly relations with Abraham Ibn Ezra and the respect
expressed by Nahmanides for Maimonides36. Those who attempt to stifle
inquiry are worthy of condemnation. The avoidance of controversy when
advisable and engagement in controversy when necessary are further
considerations that Schorr introduces in his understanding of R. Nissim’s
approach. The importance of intellectual independence finds expression
also in his other studies. He incorporates variations of Maimonides’
motto : “Know the truth from whoever utters it37”. He praises Albalag for
not following Aristotle blindly despite his love for him, but reaching his
own conclusions based on his investigations. Schorr approvingly cites the
saying attributed to the philosophers : “Love Plato ; love Aristotle ; and
more than both of them love truth38”. Given this appreciation of
intellectual independence, it is not surprising that Schorr does not dismiss
the kabbalists out of hand39. He appreciates those who wedded their
approach to philosophy, while rejecting those who followed solely their
imagination40. Independence of thought, commitment to truth without
worrying about bruised egos, rejection of what is seen as bordering on
hypocrisy or as jeopardizing free inquiry, as well as a conciliatory
attitude to those who show tolerance for thinkers with whom they
disagree is how Schorr probably viewed his own activities.
As indicated above, one of the more important sources for Macase
Nissim is R. Levi ben Avraham’s treatise Livyat Hen. A few words about

36 Ibid., p. 90-91.
37 Maimonides states this point in the introduction to his Eight Chapters.
38 He-Halutz, 4 (1959), p. 90. This saying is based on Aristotle, Nicomachean
Ethics 1.6.1096a.
39 In his article on Albalag, Schorr writes : “Just as he held philosophy in its
relation to Torah according to the middle path, so also with kabbalah. His approach to
kabbalah was precisely like the approach of R. Joseph Gikitilia to philosophy. The latter
wrote (Ginat Egoz) : In every matter in which the philosophers agree with our opinions
and support them (...) we will heed their words and not take under consideration the one
who spoke them.” (p. 87).
40 Ibid., p. 87 ; He-Halutz, 7, p. 88-91. Albalag is regarded by him as a kabbalistic
philosopher (filosof kabbali), while R. Isaac Ibn Latif, another figure whom Schorr
admired and whose introduction to Shacar ha-Shamayim he edited, is labeled a
philosophical kabbalist (mekubbal filosofi). It should be noted that Schorr uses “kabbalah”
in a broad sense as referring to mystical theology. He maintains that there was in fact an
ancient Jewish mystical tradition that was lost in transmission.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM 325

this treatise are appropriate in this context. Livyat Hen is an encyclopedia


of the sciences and of Judaism41. R. Levi started working on his
encyclopedia in the 1270’s. After completing it, he continued to revise
and expand upon it. The revised version of the treatise appeared in
129542. This composition is unique. It is the only existent work that offers
a thorough account of both philosophy and of Judaism. In other words, it
contains all the knowledge required to understand Judaism, which for
R. Levi essentially means Maimonides’ approach to Judaism as embodied
in the Guide, and to attain perfection. In a sense, more than any other
single literary creation in Provence it embodies Maimonides’ program for
learning “the science of the Law in its true sense”. R. Levi divides the
treatise into two major divisions or pillars. The first is a general
philosophic one consisting of five major sections arranged in the
following order : logic, mathematics (and geometry), astronomy, natural
sciences and metaphysics43. The second pillar of Livyat Hen focuses on
Judaism44. This pillar is divided into two sections : the first consisting of
the following subsections : Introduction (dealing mostly with ethics) ;
Part 1 : The Nature of Prophecy and the Secrets of the Torah (this part
deals with prophecy, reasons for the commandments, and the biblical
stories involving the Patriarchs and Moses) ; Part 2 : The Secrets of the

41 In this matter too I am greatly indebted to Prof. Sirat who helped me immensely
in preparing my annotated edition of the part of the treatise devoted to the Work of
Creation ; see Levi ben Avraham : Livyat Hen - The Work o f Creation (Hebrew),
Jerusalem, 2004. I am near completion in editing the part of the treatise entitled “The
Nature of Prophecy and the Secrets of the Torah”.
42 For a review of R. Levi ben Avraham’s work and the scholarly literature dealing
with it, see W. Z. H a r v e y , “Levi ben Abraham of Villefranche’s Controversial
Encyclopedia”, in S. HARVEY ed., The Medieval Hebrew Encyclopedias, Dordrecht, 2000,
p. 171-188.
43 Nothing has come down to us from the first section and from the section on the
natural sciences, very little from the section on mathematics (what remains deals with
geometry, which apparently is a subsection of this section). Of metaphysics we possess
part of the end of the section. Only the section on astronomy and astrology survived
intact. This section alone spans 315 folio pages in the one complete manuscript we
possess of it ; see G. F r e u d e n t h a l , “Sur la partie astronomique du Liwyat Hen de Levi
ben Abraham ben Hayyim”, in Revue des études juives, 148 (1989), p. 103-112.
44 For a description of this part and the extant manuscripts, see C. S ir a t , “Les
différentes versions du Liwyat Hen de Levi Ben Abraham”, in Revue des études juives,
122 (1963), p. 167-177.
326 HOWARD KREISEL

Faith (Sitrei ha-Emunah) - among the topics this part deals with are
divine attributes, names of God, worship, creation, miracles and
providence ; Part 3 : Work of Creation. The second section of this pillar
has two parts : Work of the Chariot and the Gate of the Aggadah45. On
the basis of the number of folio pages that have survived of both pillars
one can see that Livyat Hen was truly an encyclopedic work.
R. Levi is neither an original philosopher nor does he pave any new
paths for biblical exegesis. He is an encyclopedist, whose knowledge of
philosophic-scientific literature on one hand and traditional Jewish
literature on the other is phenomenal. While the same essential ideas are
repeated frequently in his exegesis of biblical and rabbinic literature,
R. Levi employs a multitude of ingenious variations based on his
thorough knowledge of the Bible, earlier biblical commentaries, the
Babylonian and Jerusalem Talmuds, the midrashic compilations, all the
works of Maimonides, the classic works on Hebrew grammar, together
with his exceptional knowledge of scientific-philosophic (including
geographic and medical) literature. He presents a continuous stream of
citations from biblical and rabbinic literature, which he interprets from a
philosophic-scientific perspective. While R. Levi assumes that many of
his readers are not adequately familiar with the scientific and philosophic
literature, hence the need for the first pillar, he also assumes that they,
like him, are totally at home in the world of biblical and rabbinic
literature. Often in support of one of his ideas he simply points to a
rabbinic passage without further explanation or elaboration. In the case of
one reader at least, namely R. Nissim of Marseilles, this assumption is
entirely valid.
For his knowledge of Livyat Hen, which enabled him to discern its
extensive influence on Macase Nissim, Schorr was indebted in part to his
friend Abraham Geiger. Geiger attempted to restore R. Levi’s reputation,
which was heavily tarnished by the early 14th century ban issued against
him, by publishing an article on R. Levi in He Halutz, 2 (1853), p. 12-27.

45 There is no complete manuscript of either one of the two recensions. We possess


all except part 2 of section 1 in the long recension, and only section 1 in the short. What
remains of the long recension is divided between 2 manuscripts that together span 341
folio pages. The complete recension of this pillar must have been well over 400 folio
pages.
THE WRITING AND REWRITING OF MACASE NISSIM 327

In it he presents a brief bibliographical sketch of the author of Livyat Hen


and his ancestry, summarizes part of the composition, and provides some
selected quotations in order to convey the gist of R. Levi’s approach.
Geiger proves that the author of this composition was the same R. Levi
who was singled out for excommunication by the Rashba. He also points
out some of the scholars who were influenced by R. Levi in the coming
generations, including those who do not cite him by name46. Geiger
maintains that R. Levi was one of the first to understand Maimonides
correctly and to reveal his secrets47. He concludes the article with the
following suggestive comment that indicates his strong admiration for
R. Levi’s approach, save for the latter’s astrological beliefs :

Now let peace come to R. Levi who was pursued by sorrows “the days of his vain
life” [Qohelet 6:11], with his soiled clothes already removed - these being the false
beliefs in the activity of the stars etc. that seduc ed him - “and a pure mitre be set on
his head” [Zechariah 3:5]. Let him have his reward and let his fate be amongst
“those who turn the many to righteousness” [Daniel 12:3]48.

It is interesting, and not at all coincidental, that these two exceptional


but largely ignored figures of provençal Jewish philosophy, R. Levi ben
Avraham and R. Nissim of Marseilles, should see their fortunes revived
by two of the giants of the Wissenschaft movement, Abraham Geiger and
J. H. Schorr. The latter thinkers saw in the former ones reflections of
much of their basic approach. They regarded their own reformist agenda
as moderate, though they were well aware how radical it was considered
by those who could tolerate no change in traditional belief and practice
despite the intellectual advances in the cultural milieu. Similarly, their

46 He does not, however, refer to R. Nissim. Geiger’s knowledge of the treatise


was based on the short recension found in Ms. Munich 54. A year later Senior Sachs
wrote on R. Levi, “Corrections, Omissions and Additions” (Hebrew), Kerem Hemed, 8
(1854), p. 198-204, which was also utilized by Schorr. Geiger returned to deal with R.
Levi in Ozar Nehmad, 2 (1857), p. 94-98. The article is primarily a Hebrew translation of
Eliakim Carmoldy’s discussion of R. Levi in his La France Israelite published the same
year. For a good presentation of R. Levi ben Avraham and his works based on these early
studies see E. R e n a n , Les rabbins français, Paris, 1877, p. 628-647.
47 He-Halutz, 2 (1853), p. 21 ; see W. H a r v e y , “Levi ben Abraham of
Villefranche’s Controversial Encyclopedia”, p. 178, n. 26.
48 Ibid., p. 24.
328 HOWARD KREISEL,

provençal predecessors too appear to adopt a radical stance, and R. Levi


was even persecuted for it by his traditionalist detractors, when they
really were quite moderate in their approach and succeeded in admirably
combining the best of both worlds, that of Torah and that of philosophy.
As is often the case of scholarship of this nature, it sheds as much light, if
not more, on the author as it does on the subject matter.
I would like to conclude this article on a personal note. A course I
gave at Ben-Gurion University of the Negev a few years ago on Levi ben
Avraham’s Livyat Hen attracted a small but very bright group of graduate
students. They were all Jewish, but their backgrounds could not be more
different, ranging from an Orthodox rabbi to a committed secularist.
What they shared was a fascination for this exceptional provençal text
that we studied together. Many of the classes consisted of jointly
deciphering the manuscript and discussing the basic meaning of the
words and sentences as they became unraveled before us. We also looked
at the sources of R. Levi’s views. I could not help but think how strange
it is that at the beginning of the 21st century a group of students are
perhaps reliving the experience of students in the early 14th century
academy of R. Nissim of Marseilles, for whom biblical and rabbinic
literature, the commentaries of R. Abraham Ibn Ezra and Maimonides’
writings were the primary sources, and Livyat Hen served as a crucial
complementary text for understanding biblical stories and rabbinic
midrash. In far different circumstances we may have been briefly
reestablishing R. Nissim’s academy seven centuries later as we made
these texts our own in our present day circumstances49.

49 This of course assumes that R. Nissim in fact headed an academy that had a
philosophic orientation. As indicated above, one can hardly be certain of the fact but it is a
distinct possibility.
D a n ie l J. L asker

LOVE OF GOD AND KNOWLEDGE OF GOD


IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY

To Colette Sirat,
who has taught us that Jewish philosophy
includes much more than Maimonides.

In recent years, important students of Maimonides' philosophy have


raised the issue of whether the Great Eagle truly believed that life after
death is possible. The issue revolves around Maimonides' assertion, on
the one hand, that a person's intellect must have true metaphysical know­
ledge in order to survive death ; yet, on the other hand, he seemed to
maintain that such knowledge is beyond human capacity. Shlomo Pinès
has argued that the solution to this contradiction is the assumption that
Maimonides actually denied true metaphysical knowledge, and those
doctrines that cohere with this denial, such as the theory of negative
attributes, represent his actual belief. If that interpretation of Maimonides'
true intentions is accurate, then any assertion that would indicate that
positive knowledge exists, such as the statement that God is intellect,
intellectually cognizing subject and intellectually cognized object, in the
same manner of humans who have actualized intellects, is merely a
smokescreen. Human perfection is limited to political engagement in this
world, not embracing a level of knowledge that would provide for the
coming world. This interpretation has been met by the counterclaim by
Alexander Altmann and Herbert Davidson that the reader of Maimonides'
work can, indeed, distinguish in it the parameters of metaphysical know­
ledge, which he believed, is available to humans, and such knowledge
would presumably grant immortality to the human intellect. For Mai­
monides, there is more to human life than political involvement in this
330 DANIEL J. LASKER

world ; Maimonides’ intellectually accomplished philosopher can look


forward to life after death1.
In evaluating the arguments of both sides, it might be useful to look
at another concept in Maimonidean thought, namely the love of God. The
Torah obligates Jews to love God, expressed principally in the verse :
“You shall love the Lord your God with all your heart, with all your soul
and with all your might” (Deut. 6:5), a verse which is recited twice daily
in the liturgy as part of the Shema. Maimonides understood this injunc­
tion as a commandment to have true conceptions concerning God, since it
is impossible to love that which one does not know2. Thus, if Maimonides
denied the possibility of any knowledge of God, he must also have
rejected the possibility of observing the commandment to love God. If,
however, this commandment can be observed, then one must be able to
have knowledge of God and, presumably, gain life after death. It is true
that the knowledge of God which is sufficient to achieve love of God is
perhaps not sufficient for eternal life, or that a different knowledge,
unconnected to love of God, is that which permits the intellect to survive
death. Nevertheless, we can assume that the knowledge of God necessary
for love is, indeed, true, metaphysical knowledge, and one who achieves
it also achieves eternity. Hence, the question of love and knowledge of
God can serve as a test case, and the following discussion will be devoted
to an analysis of the question as to whether humans are capable of

1 This debate was opened by S. PiNÈs, “The Limitations of Human Knowledge


according to Al-Farabi, Ibn Bajja, and Maimonides”, in I. Tw e r s k y , ed., Studies in
Medieval Jewish Literature (I), Cambridge, Mass, and London, 1979, p. 82-109 (reprin­
ted, Studies in the History o f Jewish Thought [The Collected Works o f Shlomo Pinès, Vol,
V], ed. by W. Z eev H a r v e y and M. Id e l , Jerusalem, 1997, p. 404-431), who took the
view that there is no afterlife in Maimonides' system. He was answered by A. A lt m a n n ,
“Maimonides on the Intellect and the Scope of Metaphysics”, in Id ., Von der mittelalter­
lichen zur modernen Aufklärung, Tübingen, 1987, p. 60-129 ; and H. DAVIDSON, “Mai­
monides on Metaphysical Knowledge”, in Maimonidean Studies, 3 (1995), p. 49-103.
2 The connection between love of God and knowledge of God is stressed, among
other places, in Commentary on the Mishnah, Eight Chapters, 5 ; Mishneh Torah, Hilkhot
Yesodei ha-Torah (Laws of the Fundamentals of the Torah) 2 :1-2 ; 4 :12 ; 5 :7 ; Hilkhot
Teshuvah (Laws of Repentance) 10 ; Guide o f the Perplexed 1 :39 ; 3 :28, 51 ; see
references below. See also H. (H a im ) K r e is e l , “The Love and Fear of God”, in Id .,
Maimonides' Political Thought, Albany, 1999, p. 225-266. I would like to thank Prof.
Kreisel for his comments on this article.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY 331

fulfilling the commandment to love God, and, if so, whether that is an


indication that human immortality is also possible3.

***

No matter what one's view of the nature of love of God, most would
agree that it is obviously difficult to attain and maintain that love, despite
the explicit command to do so. Maimonides asserted that Judaism teaches
that God has provided a series of commandments that will assist Jews in
reaching that love, commandments which Maimonides included in the
second book of his Mishneh Torah, Sefer Ahavah (“The Book of Love”).
Hence, Maimonides asserted, the first step for a Jew in attaining love of
God is the performance of these specific commandments : the recitation
of the Shema ; prayer and the priestly blessing ; wearing tefillin (phylac­
teries), setting a mezuzah on one's house ; writing a Torah scroll ; placing
fringes upon the corners of one's garments ; making benedictions at
appropriate times ; and circumcising one's body4.
At first glance, there would appear to be little to connect some of
these commandments with the requirement to love God. Yet, Maimonides
put them all together in one section of the Mishneh Torah, because he
believed that they are related to love of God. In the Introduction to the
Mishneh Torah, Maimonides wrote that the commandments enumerated
in the Book o f Love are “all the commandments which we have been
commanded to fulfill constantly so that we love God and be ever mindful
of Him5”. He reiterated this point in his philosophical magnum opus, the

3 Some of the thinking in this article was stimulated by Menachem Kellner's new
translation of Maimonides' Book o f Love, Yale Judaica Series, New Haven, 2004. See also
K e l l n e r ’s “Is Maimonides' Ideal Person Austerely Rationalist?”, in American Catholic
Philosophical Quarterly, 76 (2002), p. 125-143.1 would like to thank Prof. Kellner for his
comments on this article.
4 Some of these prescriptions are only for males, but Maimonides did not deny the
possibility that women are capable of loving God as well ; see A. M e l a m e d , “Maimo­
nides on Women : Formless Matter or Potential Prophet?”, in A. I v r y et al., eds.,
Perspectives on Jewish Thought and Mysticism, Amsterdam/New York, 1998, p. 99-134.
5 Citations from the Mishneh Torah are generally from the standard printed
editions ; translations are mine, but I have consulted M. H y a m so n , Mishneh Torah. The
Book o f Knowledge o f Maimonides, New York, 1981 ; and the translations in K r e isel ,
“Love and Fear”.
332 DANIEL J. LASKER

Guide o f the Perplexed (part 3, chapters 35 and 44). The laws enumerated
above, he wrote, “fortify opinions concerning the love of the deity and
what ought to be believed about Him and ascribed to Him6”, and their
purpose

is the constant commemoration of God, the love of Him and the fear of Him, the
obligatory observance of the commandments in general, and the bringing-about of
such belief concerning Him, may He be exalted, as is necessary for everyone
professing the Law7.

Furthermore, Maimonides commented in his Guide, part 3, chapter


32, that whereas the injunctions to offer sacrifices limit that type of
worship by restricting who may offer them and where, the comman­
dments that bring about love of God (such as prayer and benedictions)
can be fulfilled by anyone and in any place8. The commandments in the
Book o f Love are, indeed, conducive towards achieving love of God,
either because they are constantly performed, thus, reminding the
worshipper of God at all times ; or because they involve true beliefs,
leading the worshipper to contemplation of God. Hence, although Mai­
monides’ Book o f Love rarely refers to love of God, its purpose is to
function as a love manual, as it were, for the Jewish people9.
Despite Maimonides' assertion that certain commandments, such as
saying the Shema, praying and making benedictions regularly, donning
ritual fringes and tefillin, putting up a mezuzah, writing a Torah scroll
properly, and being circumcised will help bring a Jew (or a Jewish man)
to the love of God, it is clear from other passages in his writings that he
believed that observing these commandments is neither a necessary nor a
sufficient condition for loving God. On the one hand, non-Jews are not
obligated by these commandments, yet presumably they can still love

6 M. M a im o nides , The Guide o f the Perplexed, trans, by S. P inè s , Chicago, 1963,


3:35, p. 537.
7 Ibid., 3 :44, p. 574.
8 Ibid., p. 529-530.
9 Circumcision is not a commandment that is continually fulfilled, yet its effects
remain forever with the person upon whom the commandment was performed. In the
Guide 3:49 (p. 609-611), circumcision is included among the laws regulating sexual
relations, not among the laws included in the Book o f Love (Guide 3:44, p. 574) ; see J.
STERN, Problems and Parables o f Law, Albany, 1998, p. 87-107.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY 333

God. On the other hand, although Jews are commanded to observe these
laws, Maimonides certainly maintained that not all who do so can be said
to love God. As noted above, love of God requires more than the obser­
vance of the commandments included in the Book o f Love ; it requires
knowledge of God. How exactly does one go about achieving knowledge
of God that would lead to love of God?

Maimonides wrote a number of times in the first book of the


Mishneh Torah, Sefer Madda (“The Book of Knowledge”) that contem­
plation of the world is necessary for love of God. Near the beginning of
the Book of Knowledge, Maimonides stated :

And what is the way that will lead to the love of Him and the fear of Him? When a
person contemplates His great and wondrous works and creatures and perceives
from them His wisdom, which is incomparable and infinite, he will immediately
love Him, praise Him, glorify Him, and long with an exceeding longing to know the
great Name10.

The level of one's love of God is dependent upon the level of know­
ledge of God, as Maimonides wrote at the completion of the Book of
Knowledge :

It is clearly well known that love of God is firmly in a person’s heart only when he
possesses it constantly as is proper and abandons everything else in the world
except for it, as it is commanded : “With all your heart and with all your soul.” One
loves God only by the intellect that apprehends him. One’s love will be in
proportion to one’s intellection : if little, little ; if much, much. Hence a person must
devote himself to understanding and apprehending the sciences and areas of know­
ledge that inform him about the Maker, in accordance with each person’s capacity
to understand and to apprehend11.

10
‘Hilkhot Yesodei Ha-Torah” (Laws of the Fundamentals of the Torah), 2:1.
‘Hilkhot Teshuvah” (Laws of Repentance), 10:6.
334 DANIEL J. LASKER

Furthermore, Maimonides added, one should also direct all one’s


physical actions solely towards knowing God12.
Maimonides clearly ruled, therefore, that Jewish law obligates
believers continuously to contemplate the world as a prerequisite for
fulfilling the commandment of loving God. If they are able to understand
the workings of the world successfully, they will also be capable of
loving God.
Maimonides' philosophical work, The Guide o f the Perplexed,
repeats this obligation. Maimonides utilized the citation of Deut. 11 :13,
“To love the Lord your God and to worship Him with all your heart and
with all your soul”, also recited daily as part of the Shema, as an oppor­
tunity to re-emphasize that “love is in proportion to apprehension13”. The
commandment to love God with “all one’s heart, with all one’s soul, and
with all one’s might” (Deut. 6:5) is mentioned three times in Maimo­
nides’ Guide, and, as in the Mishneh Torah, the emphasis is on contemp­
lation and knowledge, not on observance of any particular comman­
dments, none of which, in fact, are mentioned. Thus, at the end of Part 1,
chapter 39, devoted to the biblical word lev (heart), Maimonides wrote
concerning the obligation to love God with all one’s heart :

In my opinion its interpretation is : with all the forces of your heart ; I mean to say,
with all the forces of the body, for the principle of all of them derives from the
heart. Accordingly, the intended meaning is, as we have explained in the
Commentary on the Mishnah and in Mishneh Torah that you should make His
apprehension the end of all your actions14.

In Guide 3:28, Maimonides, after again citing the commandment from


Deuteronomy 6:5, wrote a very similar statement : “This love becomes
valid only through the apprehension of the whole of being as it is and
through the consideration of His wisdom as it is manifested in it15.”

12 “Hilkhot Decot” (Laws of Character Traits), 3:2.


13 Guide, 3:51,p. 621.
14 Ibid., p. 89. Pinès refers to “Eight Chapters”, 5 (from the Commentary on the
Mishnah) and “Laws of the Fundamentals of the Torah”, 2:2, and “Laws of Character
Traits”, 3:2 (from the Mishneh Torah).
15 Ibid., p. 512-513.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY 335

The third mention of the commandment to love God appears in


Guide 3:52, and here Maimonides seems to have added an additional
requirement : fulfilling this commandment is achieved through the opi­
nions taught by the Law, which include “the apprehension of His being as
He, may He be exalted, is in truth16”. God’s actions are no longer suffi­
cient ; one must apprehend “God’s being as He is in truth”.
Combining the statements in the Mishneh Torah and the Guide o f the
Perplexed, it would follow that love of God requires a twofold process :
first, contemplation of God’s works, namely understanding the “whole of
being as it” and the wisdom “as it is manifested in it”, which would result
in apprehension of God’s actions. Then one must also apprehend “His
being as He, may He be exalted, is in truth”. In other words, achieving
love of God requires the study of science and then philosophy, namely
apprehension of the world and then apprehension of God ; or in other
words, first, God’s attributes of action, what God does in this world ; and,
then, God’s essential attributes, what God is. Is such knowledge acces­
sible to humans? Can a human apprehend God’s actions and “His being
as He, may He be exalted, is in truth”? Is love of God actually possible?
And what does the possibility of achieving love of God tell us about the
afterlife?17

It should be noted at the outset that even if Maimonides did believe


that it is possible for a human being to fulfill the commandment of loving
God, the number of people who will succeed in this pursuit is very small.
Maimonides was aware that most people are incapable of arriving at

16 Ibid., p. 630. In the same passage, Maimonides stated that the opinions of the
Torah, teaching “the apprehension of His being and His unity, may He be exalted”, are
meant to instill love of God.
17 In contrast to Maimonides’ emphatic assertion that only philosophers are
capable of loving God, since only they can know God, Judah Halevi thought that
philosophers are incapable of loving God, at least in terms of willingness to be martyred
for that God. Such a love can be found only among religionists who have a personal
relationship with God ; see J. H alevi, Kuzari, 4:15-17.
336 D A N IELI. LASKER

scientific and philosophical truths, either because of the inherent diffi­


culty of the subject matter, their innate intellectual incapacity, their
impatience with the learning process, their physical makeup, or their
commitment to other pursuits, such as making a living18. Those people
can presumably strive to love God in a non-philosophical manner, but as
far as Maimonides was concerned, they obviously will fail in achieving
real love. Just as we would say that people who think that an elephant is
“an animal possessing one leg and three wings, inhabiting the depths of
the sea, having a transparent body and a broad face like that of man in its
form and shape, talking like a man, and sometimes flying in the air, while
at other times swimming like a fish”, have absolutely no concept of what
an elephant is, not that they are slightly mistaken ; so, too, people who
think that God is corporeal or has true, essential attributes have absolutely
no concept of what God is19. Those people are undoubtedly the majority
in Maimonides' mind, and, therefore, they have no possibility of achieving
love of God. Concerning them, Maimonides wrote in his “Laws of
Repentance” ; “Five groups are called heretics {minim)... He who says
that there is one Sovereign but He is a body and has form”. Such a person
has no portion in the world to come20.
Maimonides accepted the fact that very few people, Jews or non-
Jews, will succeed in loving God, as part of the natural order. He knew
that only a small percentage of people, especially in the pre-Messianic
era, could have, or would have, intellectual achievements ; the rest of
humanity exists in order to provide this small number of people the
wherewithal to develop their intellects21. Non-philosophically minded
humans should observe the Torah and its commandments in order that

18 Guide, 1:34, p.72-79.


19 Ibid., 1:60, p. 146.
20 “Laws of Repentance”, 3:7, 14. This statement was a cause of much controversy
and was criticized strongly by Rabbi Abraham ben David of Posquières in his glosses on
the Mishneh Torah ; see also M. B. S h a pir o , The Limits o f Orthodox Theology, Oxford
/Portland, 2004, p. 45-70.
21 Introduction to Commentary on the Mishnah, transi, and ed. by Y. K a f i h ,
Jerusalem, 1976, vol. 1, p. 21-25 (in Hebrew). In the Messianic era, presumably more
people will be able to achieve intellectual perfection, but even then, apparently, the
percentage of such humans will not be high ; for a different view on the Messianic era, see
A. R a v i t z k y , History and Faith. Studies in Jewish Philosophy, Amsterdam, 1996,
p. 104 ; and see below.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MMMONIDES' PHILOSOPHY 337

they live in a reasonable society, one that is safe and provides for the
needs of its members. Although one should not tell the masses that they
will receive neither reward nor punishment, that seems to be the gist of
his belief. Presumably, then, real love of God is beyond most people as
well. Just as only an elite few in our own day receive Noble Prizes or
Olympic medals, so, too, will only a choice few achieve intellectual
perfection, a perfection that is necessary in order to love God.
What about the select elite? Are they capable of apprehending “His
being as He, may He be exalted, is in truth”, thereby fulfilling the
commandment of loving God, and, perhaps, achieving immortality?
There are many reasons to assume that this is impossible even for them.
Maimonides’ God is totally transcendent, and it is impossible to know
anything about His essence. Thus, in his discussion of divine attributes,
Maimonides allows two types of terms to be used concerning God :
attributes of action, which refer to what God does, not what He is ; and
negative attributes, which refer to what God is not, not what He is. No
positive, essential attributes are admitted, since if one uses such terms
about God, one runs the risk of doing one or more of four unacceptable
acts : 1) attributing to God corporeality ; 2) attributing to Him affection or
change ; 3) making a statement about Him that implies change from
possibility to actuality ; and 4) attributing to God a likeness to one of His
creatures. All of these, according to Maimonides, undermine God’s
absolute unity22.
The question arises, of course, even if one cannot say anything
positive about God, can one still have some positive knowledge about
God? Although there are disagreements among the commentators on the
Guide, it has been argued that Maimonides attempted to salvage some
positive knowledge of God by stating that the more one negates from
God, the more one knows about Him. Thus, there is a positive aspect to
Maimonides’ negative attributes. Furthermore, Maimonides seems to
retreat from a completely negative theology when he describes God as
intellect, the act of intellection and the object of intellection, and states
that human beings whose intellects are actualized are also intellects, acts
of intellection and objects of intellection23. Since human intellects are in

22
Guide, 1:50-60, p. 111-147.
23
Ibid., 1:68, p. 163-166.
338 DANIEL J. LASKER

some small way similar to the divine intellect (and that is what was meant
in Genesis 1 :26 when God said : “Let us make man in our image after
our likeness”)24, it would follow that some positive knowledge of God,
and, thus, some love of God are possible, although we cannot know God
in a positive manner.
Maimonides, however, seemed to deny complete, true, positive
knowledge of God when he said explicitly in part 3, chapter 9 :

Matter is a strong veil preventing the apprehension of that which is separate from
matter as it truly is. It does this even if it is the noblest and purest matter, I mean to
say even if it is the matter of the heavenly spheres. All the more is this true for the
dark and turbid matter that is ours. Hence whenever our intellect aspires to
apprehend the deity or one of the intellects, there subsists this great veil interposed
between the two. This is alluded to in all the books of the prophets ; namely, that
we are separated by a veil from God and that He is hidden from us by a heavy
cloud, or by darkness or by a mist or by an enveloping cloud, and similar allusions
to our incapacity to apprehend Him because of matter25.

According to Maimonides, the prophetic use of metaphors of God’s


being hidden and the darkness that surrounds Him informs us that
absolute, metaphysical knowledge is not possible. If a complete love of
God is dependent upon perfect metaphysical knowledge, namely “appre­
hension of His being as He, may He be exalted, is in truth”, then, perhaps
a certain level of love is possible for humans, but certainly not total love.
If the final step in loving God, namely, “apprehension of His being”,
is impossible, what about the initial steps, namely, “the apprehension of
the whole of being as it is and through the consideration of His wisdom
as it is manifested in it”. If one is an accomplished scientist, then perhaps
love of God is achievable. Such a possibility is implied by Maimonides’
discussion of attributes of action ; we cannot know what God is but we
can know what God does. That may be well and good, but there are limits
here as well. In Maimonides’ discussion of creation of the world, in part 2
of the G uide, he argued that one reason to believe that the world is
created out of nothing is the fact that there are manifestations of God’s
activities in the universe that cannot be explained by reason and science
alone. The strange motions of the heavenly bodies, which indeed are

24
Ibid., 1:2, p. 23-26.
25
Ibid., p. 436-437.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY 339

strange if one thinks that all the planets and stars revolve around the
earth, indicate for Maimonides that God planned the motions of the
heavenly bodies before the creation of the world. Can one explain these
heavenly phenomena? Theoretically, Maimonides answers yes in chapter
24 : “It is possible that someone else may find a demonstration by means
of which the true reality of what is obscure for me will become clear to
him”. Yet, if that were to happen, Maimonides’ argument for creation
would fall. It would seem that one is able to understand completely the
science of the sublunar world in which we live, as, according to
Maimonides, Aristotle did, but “the deity alone fully knows the true
reality, the nature, the substance, the form, the motions, and the causes of
the heavens”. Hence, humans can know part of science, but not all of it26.
Thus, “the apprehension of the whole of being as it is and through the
consideration of His wisdom as it is manifested in it”, one of the initial
requirements for loving God, is also inaccessible to human beings ; only
part of “being as it is” and part of the “divine wisdom manifested in it”
are available to humans. In that case, at most only a partial love of God
can be achieved.

If the preceding analysis is correct, then love of God, whether


dependent upon apprehension of “His being as He, may He be exalted, is
in truth” or “the apprehension of the whole of being as it is and through
the consideration of His wisdom as it is manifested in it”, can never be
complete. Nevertheless, from Maimonides’ graphic descriptions of love
of God, and the process of attaining it, it would seem that he believed that
this love is actually within reach for some people. For instance, although
love of God requires intellectual knowledge, its nature is passionate :

What is the love of God that is befitting? It is to love God with a great and
exceeding love, so strong that one's soul shall be knit up with the love of God such

26 Cf. ibid., 2:19-24, p. 302-327 ; Y. Tzvi L a n g e r m a n n , “The ‘True Perplexity’ :


The Guide of the Perplexed, Part II, Chapter 4”, in J. L. K raemer (ed.), Perspectives on
Maimonides : Philosophical and Historical Studies, Oxford, 1991, p. 159-174.
340 DANIEL J. LASKER

that it is continually enraptured by it, like love-sick individuals whose minds are at
no time free from passion for a particular woman, and are enraptured by her at all
times ... the love of God should be even more intense in the hearts of those who
27
love Him ; they should be enraptured by this love at all times .

A detailed process of the discipline necessary to achieve love of God,


and the contribution of observing the commandments to this process, is
provided in one of the last chapters of Maimonides’ Guide, namely,
3:512728. This chapter is familiar to many readers of the Guide, even if they
have not studied all the previous chapters thoroughly. In a famous parable
of the king’s palace, Maimonides distinguished between different levels
of humanity, starting with groups, which, in Maimonides’ mind, are not
truly human (they have no religion at all) and are outside the walls of the
city where the king has his palace ; and ending with the most perfect
human, Moses, who is in the king’s presence. Rabbis who are experts in
Jewish law, but ignorant of science and philosophy, are solely at the gate
of the palace, since knowledge of the ritual is not sufficient to bring one
into God’s presence. Yet, Maimonides went on to say, certain rituals can
be useful towards attaining the ultimate goal, which is perfection of the
intellect and love of God.
Maimonides pointed out once again that love and apprehension are
intrinsically tied together, citing the second paragraph of the Shema in
which Jews are commanded : “To love the Lord your God, and to serve
Him with all your heart and with all your soul” (Deuteronomy 11:13). In
light of this verse, as well as other verses, which prescribe attainment of
knowledge of God, in order to love God, one must start out with
mastering science and philosophy. Then, Maimonides wrote : “It is clear
that after apprehension, total devotion to Him and the employment of
intellectual thought in constantly loving Him should be aimed at29”. This
can be achieved mostly through a prescription of solitude and isolation.

27 “Laws of Repentance”, 10:5. It is of interest that this description seems to


indicate that love of God is not merely intellectual (a sort of Spinozistic amor Dei
intellectualis), but includes the emotions as well. Maimonides wrote in Guide 1:54,
p. 126, that “all passions are evil”, presumably including the type of emotional love
described here.
28 Guide, p. 618-628.
29
Ibid., p. 621.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY 341

Physical isolation and solitude, however, are not very practical, since
most people have bodily needs and family obligations and cannot remove
themselves from society. Therefore, Maimonides recommended that one
strive to achieve solitude by a spiritual regimen, trying to maintain the
bond with God except for when it is absolutely necessary to interact with
other people. This regimen starts with commandments from the Book o f
Love, such as saying the Shema, praying and reading the Torah, but not
solely performing these commandments in a perfunctory manner. One
must concentrate on God as the rituals are performed, and cannot be
distracted from the true purpose of these actions as they are being done.
One should not, for instance, pray merely by moving the lips and facing a
wall, at the same time as one’s thought are about business. The comman­
dments in Maimonides’ Book o f Love are intended to lead to the love of
God, not to be fulfilled for their own sake ; therefore, their fulfillment
requires the worshipper’s correct intention if they are to have the desired
effect.
What will be the result of this spiritual regimen? Maimonides wrote :

There may be a human individual who, through his apprehension of the true
realities and his joy in what he has apprehended, achieves a state in which he talks
with people and is occupied with his bodily necessities while his intellect is wholly
turned toward [God], may He be exalted, so that in his heart he is always in His
presence, may He be exalted, while outwardly he is with people30.

Maimonides knew that this is not very easy ; in fact, he said, not all the
prophets reached this level, which was the rank of Moses. Even if one
cannot aspire to such a lofty degree of spirituality, one should try to reach
as close to this degree as possible. In doing so, one attempts not only to
love God, but also even to reach a passionate love of God, a type of love
that some readers have linked with mystical contact with God31. If a
person reaches this love of God, in which he or she is totally over­
whelmed by God’s presence and is constantly aware of God’s being, then

30 Ibid., p. 623.
31 See, e.g., D. B l u m e n t h a l , “Maimonides’ Intellectualist Mysticism and the
Superiority of the Prophecy of Moses”, Approaches to Judaism in Medieval Times, 1
(1984), p. 27-51 ; Id ., “Maimonides : Prayer, Worship and Mysticism”, in R. G oetschel ,
ed., Prière, mystique et judaïsme, Paris, 1987, p. 89-106.
342 DANIEL J. LASKER

nothing bad can happen to that person while in such a state. Illness, injury
or pain will be ignored since one’s thoughts are solely about God. True,
eventually even the person who has achieved love of God will die, but he or
she will do so in a state of pleasure, as was the case with Moses, Aaron and
Miriam, who, according to the Bible, died by the mouth of the Lord. It
seems, then, that some Jews who begin by observing the laws in the Book of
Love will possibly end up with passionate love of God, the goal of human
existence32.

From these fervent descriptions of love of God it would seem that


Maimonides did, indeed, believe that such love is possible, at least for
people who achieve the level of Moses, Aaron and Miriam. Yet, the
esoterically minded reader of the Maimonides’ works can just as easily
say that these passages are intended to mislead the reader of the Mishneh
Torah and the Guide, just as other Maimonidean statements which imply
that the afterlife is possible were meant to hide Maimonides’ true beliefs.
In similar fashion, Maimonides’ reiteration that the level of love is reflec­
tive of the level of knowledge could be interpreted to mean that he was
attempting to convince his readers that it is useful (personally and for
society) to strive to achieve intellectual perfection, even if such perfection
is impossible. A more literal reader of Maimonides works would, of
course, argue that he truly believed that love of God is possible. If that
were the case, then apprehension of God is possible as well as life after
death.
There is no obvious way of solving this dilemma. Perhaps, however,
a different perspective on the problem can be achieved by comparing
what Maimonides wrote about love of God with his doctrine of the
Messiah. Maimonides recorded as one of the thirteen principle beliefs of
Judaism that one must believe in the coming of the Messiah and actively

32 The extent to which Maimonides’ « passionate love » of God has a mystical bent
is discussed by S tephen H a r v e y , « The Meaning of the Terms Designating Love in
Judaeo-Arabic Thought and Some Remarks on the Judaeo-Arabic Interpretation of
Maimonides », in N. G o lb , ed., Judaeo-Arabic Studies, Amsterdam, 1997, p. 175-196.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY 343

wait for him to arrive33. The goal of the messianic age is not Jewish
dominion, or riches, or physical well being, but achieving human perfec­
tion, namely, intellectual apprehension. This is also the goal of the pre-
messianic period, but in our own day such an attainment is more difficult
than it will be in the messianic future. At that time each person strives to
reach perfection, according to his or her own abilities (“kefi koah ha-
adam34”). Just as one strives to love God, even if there is no guarantee
that one will reach that goal, one is obligated to anticipate the messianic
age, even in the absence of the Messiah’s actual appearance.
Another comparison between love of God and the anticipation of the
Messiah is the stress on individual ability. The last chapter of Maimo-
nides’ “Laws of Repentance” in his Book of Knowledge is devoted to a
description of divine worship through love, and it is this section which
immediately precedes Maimonides’ Book o f Love. Maimonides empha­
sized in this chapter that observing the commandments without anticipa­
tion of reward or fear of punishment is the true manifestation of love of
God. As noted above, the lover of God is overwhelmed by this love in the
manner in which a man can be overwhelmed by love for a woman. Just as
in physical, human love, the lover’s soul is bound up with the beloved so
that he is constantly aware of her, never being able to get her love out of
his mind, neither when sitting or standing, nor when eating or drinking.
Maimonides concluded his “Laws of Repentance”, and, thereby, his Book
o f Knowledge, with the following (some of which has been cited above) :

Therefore, one teaches children, women and the masses in general only to worship
out of fear and in order to receive a reward till their intellect expands and they
become exceptionally wise. One reveals to them this secret little by little, and one
accustoms them to this matter peacefully till they apprehend, know and worship
Him out of love. It is clearly well known that love of God is firmly in a person’s
heart only when he possesses it constantly as is proper and abandons everything
else in the world except for it, as it is commanded : “With all your heart and with all
your soul”. One loves God only by the intellect that apprehends him. One’s love
will be in proportion to one’s intellection : if little, little ; if much, much. Hence a
person must devote himself to understanding and apprehending the sciences and

33 Commentary on the Mishneh, “Introduction to Pereq Heleq”, Kafih edition, voi.


4, p. 144.
34
Mishneh Torah, “Hilkhot Melakhim” (Laws of Kings), 12:5.
344 D A N IELI. LASKER

areas of knowledge that inform him about the Maker, in accordance with each
person’s capacity (“kefi koah she-yesh ba-adam”) to understand and to apprehend35.

Jews are obligated to strive to love God according to their abilities,


“if much, much ; if little, little.” Those with greater abilities will achieve
more perfection and more love of God, both in this world, and in the
messianic future.

Although only a few people, if that many, will be able to achieve


absolute, perfect love of God, that does not mean that everyone else
should give up trying. There are gradations in love of God just as there
are gradations in knowledge of God and knowledge of the world. The
journey to love of God starts with small steps : reciting the Shema, regu­
lar prayer, mezuzah, tefillin, a Torah scroll, benedictions at the appro­
priate junctures. At first, one may offer inducements to the worshippers to
fulfill these commandments, instilling in them fear of God. Fear can be
changed to love, however, if one does more than just perform certain
ritual acts. Fear of God will be transformed to love of God when one
understands that God is totally transcendent ; that the world runs accor­
ding to certain immutable rules ; that expectation of reward is a childish
reason to perform the commandments, since the greatest reward is the obser­
vance of the commandments themselves without expectations. Love of
God requires full time attention and is the culmination of a life of study
and contemplation. Love of God is, however, not an all or nothing
proposition ; it is in accordance with one’s capacity to understand and to
apprehend.
The question remains : beyond being a worthy goal, is love of God
possible? If one takes together all the Maimonidean descriptions of love
of God, as well as the means of achieving it, the impression of this reader
is that he meant what he wrote. Love of God, much like the belief in the
Messiah, is too central a concept in Maimonides’ thought to be dismissed

35 «
‘Laws of Repentance”, 10:6.
LOVE AND KNOWLEDGE OF GOD IN MAIMONIDES' PHILOSOPHY 345

as a pious fiction. Not only should one strive to love God ; but also some
individuals will actually achieve it.
If love of God is possible, then true metaphysical knowledge is
possible, despite all the difficulties. It will not be complete metaphysical
knowledge, since that is impossible for humans, but it will be sufficient to
achieve love of God. And, if it is sufficient for that purpose, it will be
sufficient to achieve the afterlife as well. For those who love God in this
world, as few as they may be, there will be an opportunity to love God in
the next world as well. All of this is in accordance with the power each
individual has, “if much, much ; if little, little”.
J o hn M arenbon

ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT : PROSLOGION 2 AND


THE RESPONSE TO GAUNILO

Rewriting texts is a wide concept, which ranges from the scribe’s


task of mechanical copying, to that of the translator, of the adapter, and of
the original thinker who must none the less develop his ideas within a
tradition, through and in response to the words of others. Colette Sirat’s
many books and articles have explored all these varieties of re-writing,
and also that sort where it is the authors themselves who rewrite their
own texts and re-think their own arguments. My short article is about an
authorial rewriting of this kind.
Anselm’s Argument (the so-called ‘Ontological Argument’) in
Chapter 2 (and its continuation in Chapter 3) of his Proslogion is one of
the most famous pieces of reasoning in the whole of medieval philoso­
phy. By contrast, with one exception philosophers and historians have
tended to neglect Anselm’s comparatively lengthy revisiting of the topic
- roughly 9 printed pages, where the original Argument hardly fills one -
in his Response {Quid ad haec respondeat editor ipsius libelli) to the
Reply on behalf o f the Fool {Quid ad haec respondeat quidam pro insipi­
ente) by Gaunilo, an otherwise unknown monk of Marmoutiers1. One
argument put forward in it has received some notice2, but for the most
part the Response is regarded as a re-statement of the reasoning of Chap­
ters 2 and 3, along with a rather inadequate answer to Gaunilo’s best
point : useful for some additional references and guidance about termi-

1 References are to the pages and lines of the edition by F. S. S ch m itt in


S. Anseimi Cantuariensis archiepiscopi opera omnia, Edinburgh : Thomas Nelson, 1938
[Voi. 1 Seckau], I (= S), p. 130-39 for Anselm’s Response. The exception is Jasper Hop­
kins. His article, ‘Anselm’s Debate with Gaunilo’ {Analecta Anselmiana 5 (1976), p. 25-
35 (= J. Hopkins, Anselm o f Canterbury IV (Toronto and New York, Edwin Mellen Press,
1976), p. 97-117, 191-8), is a thorough analysis, which follows a different path from my
discussion.
2 This is the argument about beginninglessness in Section 1 : see references in n.
42 below.
348 JOHN MARENBON

nology, but not worth study in its own right. Most contemporary philoso­
phers who have reinterpreted the Argument stick to Chapters 2 and 33.
Graham Oppy, in his acute and wide-ranging survey of every form of the
ontological argument, gives just two pages to the Response, analysing
one argument which he treats as a reworking of what was said in the
Proslogion4. Georgi Kapriev’s recent study, which analyses the reasoning
in Chapters 2-4 sentence by sentence, does not treat the Response except
incidentally5.
This neglect of the Response is unwarranted, not only because some
of the analyses undertaken in response to Gaunilo are interesting, but also
because Anselm, while defending his original position, is not content just
to restate his Argument in its original form, or to provide a superficial
variant of it. He rewrites it, in a number of different ways. Why ? I have
no definitive answer, but the rewritings all have one characteristic : they
avoid one particular, problematic element in the original formulation. The
aim of the following paragraphs is to show, in some detail, how this hap­
pens - looking first at the problem in the Proslogion, then at those of
Gaunilo’s objections which touch on it and, finally, at the Response in the
light of these discussions6.

A Problem for Anselm’s Argument ?

Anselm’s points of departure in Chapter 2 are the assertion that (1)


we believe that God is that-than-which-nothing-greater-can-be-thought

3 For example, the most influential of modern versions, that given by


A. P lantinga (The Nature o f Necessity, Oxford ; Oxford University Press, 1974, p. 196-
221) begins (p. 197-8) by quoting the Chapter 2 argument verbatim, and cites nothing
more by Anselm.
4 G. O p p y , Ontological Arguments and Belief in God, Cambridge ; Cambridge
University Press, 1995, p. 19-20.
5 G. K a p r ie v , ...Ipsa vita et veritas. Der ‘ontologische Gottesbeweis’ und die
Ideenwelt Anselms von Canterbury, Leiden, Boston and Cologne ; Brill, 1998 (Studien
und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters 61).
6 In a chapter on the Proslogion in Central Works o f Philosophy 1, ed. J. S h and
(Chesham ; Acumen, forthcoming in 2005), p. 170-194, I advance an interpretation of
Anselm’s treatise in which (in too black-and-white a way) I note (p. 191-2) this problem
and Anselm’s way of treating it in the Proslogion. I only briefly indicate Anselm’s further
thoughts in his Response, which are the subject of the present article.
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 349

(ialiquid quo nihil maius cogitari possit), and the Fool of the Psalms who
says (2) that God does not exist7. The Fool, argues Anselm, (3) none the
less understands what he hears (intelligit quod audit) and what he under­
stands is in his understanding, even if he does not understand that it exists
{quod intelligit in intellectu eius est, etiam sì non intelligat illud esse). It
follows, then, that (4) that-than-which-nothing-greater-can-be-thought
exists in the Fool’s understanding. But (5) suppose, says Anselm, it ex­
isted in the understanding alone : (6) it could still be thought of as exist­
ing in reality, which would be greater {potest cogitari esse et in re, quod
maius est)8. Therefore the supposition, (5), that that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought exists in the understanding alone generates a con­
tradiction : that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought is that-
than-which-something-greater-can-be-thought. By indirect proof, Anselm
is entitled to negate the supposition, (5) : it is not the case that that-than-
which-nothing-greater-can-be-thought, that is to say, God, exists in the
understanding alone. Therefore, God exists in reality.
In Chapter 3, Anselm puts forward a different, simpler argument,
which he very clearly presents, pace some of his modern commentators,
not as another argument that God exists, but as a proof that, given that
Chapter 2 has established his existence, he exists in a special sort of way.
Chapter 2 ends by stating ‘Therefore without doubt that than which
nothing greater can be thought exists, both in the understanding and real­
ity’, and Chapter 3 begins : ‘Indeed, that thing exists so truly, that it can­
not be thought not to exist9’. The Chapter 3 Argument is very simple.
What cannot be thought not to exist is greater than what can be thought
not to exist, and so that-than-which-nothing-greater-can-be-thought must
be such that it cannot be thought not to exist.

7 §2, S p. 101:4-102:3
8 P. M illican (‘The One fatal Flaw in Anselm’s Argument’ ; Mind 113 (2004),
437-76 at p. 439, n. 2) insists that the ‘correct translation’ here is ‘something that is grea­
ter can be thought to exist in reality also’ - but this is a possible alternative, not an ob­
viously ‘correct’ rendering.
9 S p. 102:2-6: ‘Existit ergo procul dubio aliquid quo maius cogitari non valet, et
in intellectu et in re. Quod utique sic vere est, ut nec cogitari possit non esse.’
350 JOHN MARENBON

The objections to the reasoning in these two chapters have been legion,
and so too the answers to them10. But here it is just a single problem,
which need concern us : not a problem about the argument’s soundness or
validity, but about how it should be expounded. The Chapter 2 argument
depends on the claim that that-than-which-nothing-greater-can-be-
thought is in the understanding even of the Fool, who denies God’s exis­
tence. It is in his understanding because the Fool ‘understands what he
hears’ - that is to say, the expression that-than-which-nothing-greater-
can-be-thought. Yet, in Chapters 3 and 4, Anselm argues in a way which,
at least at first sight, seems to make this claim implausible.
Before looking at these two chapters, we should therefore clarify
what exactly is Anselm’s claim. What does he mean when he talks of
something being in the understanding ? In Chapter 2, he gives the exam­
ple of a picture which is in the artist’s understanding before he paints it
and so makes it exist in reality. This example shows that, for Anselm, for
X to be in A ’s understanding means that A has a mental image or concept
of X11. Anselm’s position is made even clearer by the semantics, based on
Augustine and Boethius, which is stated explicitly in the Monologion.
When we understand an expression, we produce an inner word - a sort of
concept (or image) - which in usual cases, where it is a concept of
something real, more or less resembles that to which the expression re­
fers12. The Chapter 2 argument turns, then, on showing that the concept of
that-than-which-nothing-greater-can-be-thought in the Fool’s under­
standing cannot be a concept which has no really existing thing as its
object, because, if so, a contradiction would result.

10 O ppy , op. cit., p. 210-14 provides a detailed list, to which should be added Milli-
can’s article, cited in n.8 and various articles in The Cambridge Companion to Anselm, ed.
B. D avies and B. L efto w . Cambridge ; Cambridge University Press, 2004, including an
article (p. 157-78) by D avies on the Proslogion argument for God’s existence.
11 The example does, however, seem a little inapposite because (a) the picture does
not yet exist (unlike that-than-which nothing-greater-can-be-thought), and (b) in addition
to the mental concept and the picture, there is a further term to the relation, that of which
the picture is a depiction.
12 See Monologion §10 (S p. 24-5) and §33 (S p. 51-3), esp. p. 52:15-19 : ‘Quam-
cumque enim rem mens seu per corporis imaginationem seu per rationem cupit veraciter
cogitare, eius utique similitudinem quantum valet in ipsa sua cogitatione conatur expri­
mere. Quod quanto verius facit, tanto verius rem ipsam cogitat.’
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 351

But the way the argument continues in Chapter 3 raises an immediate


problem for Anselm about this reasoning, which he himself recognizes
and discusses in Chapter 4. In Chapter 3, Anselm establishes that ‘that-
than-which-nothing-greater-can-be-thought’ cannot be thought not to
exist. The problem then immediately arises that, as Anselm puts it : ‘But
how indeed did [the Fool] think in his heart what he could not think ?’ If
the Fool does understand this expression, then it seems, from what has
just been established, that he should never have been able to claim that
God does not exist. Anselm answers falls into four stages. First, Anselm
refers to the fact that the Fool is a Fool :
Why therefore ‘did the fool say in his heart “God does not exist”, when it is so ob­
vious to a rational mind that you are the greatest of all things ? Why, except that he
is foolish and stupid {stultus et insipiens)13.

He then, secondly, argues that the Fool can be said to ‘have thought
what he could not think’, so long as two different meanings of ‘think’
{cogitare) (and - he considers the terms equivalent - ‘say in the heart’
{dicere in corde)) are distinguished :

A thing is thought in one way when the utterance which signifies it is thought
[I shall call this “think-1”] ; in another way when it is understood what that thing it­
self is [“think-2”]14.

In the third stage, Anselm explains how this distinction applies to the
case in hand. God can be thought-1 not to exist but not thought-2 not to
exist. ‘No one, indeed, understanding that which God is, can think that
God is not, although he may say these words in his heart, either with or
without any external signification15.’ And, finally, in the fourth stage,
Anselm returns to his formula and its implications :

13 §3, S p. 103:9-11 : ‘Cur itaque “dixit insipiens in corde suo : non est deus”, cum
tam in promptu sit rationali menti te maxime omnium esse ? Cur, nisi quia stultus et insi­
piens ?’
14 §4, S p. 103:18-19 : ‘Aliter enim cogitatur res cum vox eam significans cogita­
tur, aliter cum id ipsum quod res est intelligitur (...)’
15 §4, S p. 103:20-104:2 : ‘Nullus quippe intelligens id quod deus est, potest cogi­
tare quia deus non est, licet haec verba dicat in corde, aut sine ulla aut cum aliqua extra­
nea significatione.’
352 JOHN MARENBON

For God is that-than-which-nothing-greater-can-be-thought. The person who under­


stands this well {bene intelligit) understands indeed that this thing exists in such a
way that it is not able not to exist even in thought. Therefore the person who under­
stands God to exist in such a way, cannot think that he does not exist16.

There are two very different ways to read this whole discussion.
According to the first, and more commonly accepted one, Anselm is
making a distinction between a more superficial (think-1) and a more
properly adequate way (think-2) of thinking about something. Although
the Fool, as we are told in Chapter 2, understands what he hears when he
hears the expression ‘that-than-which-nothing-greater-can-be-thought’17,
this understanding can only have been thinking-1 : he does not under­
stand it well - if and only if he had done so, he would have had an under­
standing of God such that he could not have thought that he did not ex­
ist18.
A different reading, however, is possible19. This reading depends on
the idea that although the terms ‘that-than-which-nothing-greater-can-be-
thought’ and ‘God’ do, in Anselm’s view, refer to one and the same
thing, they have different senses. The Fool’s mistake, on this reading,
does not have to do with his understanding ‘that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought’ too superficially, but with his failure to realize
that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought is God. He does not
deny that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought exists, but that
God exists. According to this interpretation, in the first stage of the answer
here, Anselm is asking why the Fool denies that God exists, when it is

16 §4 ; S p. 104:2-4 : ‘Deus enim est id quo maius cogitari non potest. Quod qui
bene intelligit, utique intelligit id ipsum sic esse, ut nec cogitatione queat non esse. Qui
ergo intelligit sic esse deum, nequit eum non esse cogitare.’
17 §2, S p. 101:7-9 : ‘Sed certe ipse idem insipiens, cum audit hoc ipsum quod di­
co : ‘aliquid quo maius nihil cogitari potest’, intelligit quod audit ; et quod intelligit in
intellectu eius est (...)’
18 On ‘understanding well’, and Anselm’s use of the expression elsewhere, see
D. P. H e n r y , The Logic o f Saint Anselm, Oxford ; Oxford University Press, 1965, p. 149-
50.
19 This reading, which had not occurred to me, was suggested to me by Margaret
Cameron, to whom I am also grateful for many other valuable comments on this article ;
the formulation, and any errors in it, are my own. Although he does not put it in strictly
semantic terms, K apriev {op. cit., p. 239-40) appears to understand the argument in a
manner nearer to this reading than to the traditional one.
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 353

obvious to a rational mind that God is the greatest of all things (shorthand
perhaps for that-than-which-nothing-greater-can-be-thought)20, and ex­
plaining that this identity is not obvious to a fool. The distinction between
thinking-1 and thinking-2 picks up the same point, because to think-2 of
God means grasping the very thing which he is - that is to say, that-than-
which-nothing-greater-can-be-thought. And - on this reading - stages
three and four explain why anyone who, unlike the Fool, does grasp that
God is that-than-which-nothing-greater-can-be-thought, is unable to think
that God does not exist.
Neither reading is without problems. The great objection to the first
reading is that it seems to destroy the famous argument in Proslogion 2.
It requires that thinking-1 be pitched sufficiently low that the Fool is able
to think-1 the incoherent thought that-than-which-nothing-greater-can-be-
thought does not exist. But, in this case, it does not seem plausible that
the Fool grasps ‘that-than-which-nothing-greater-can-be-thought’ well
enough for it to be in his understanding - despite what is said in Chapter
2, the implication here is that he did not really understand the expression.
(At the highest, the Fool would be like someone who thinks there is a
highest prime number ; although this thought shows a grasp of the no­
tions of numerical ordering and of prime numbers, the person could
hardly be said to understand the concept of a highest prime number and
have it in his understanding.)21. Indeed, the way in which Anselm distin­

20 Although Anselm is always very particular, as he emphasizes in his Response, to


use the proper formulation of ‘that-than-which-nothing-greater-can-be-thought’ : it is an
objection to this reading that he does not use this expression here, where it would be
expected.
21 An example of the same sort, which was almost certainly familiar to Anselm
himself, can be given. In his Opusculum Sacrum III, Boethius distinguishes between
conceptual truths that are obvious and those which are grasped only by the learned (Boe­
thius : de consolatione Philosophiae, opuscula theologica, ed. C. MORESCHINI, Munich
and Leipzig ; Saur, 2000, p. 187 :17-25 : ‘ Communis animi conceptio est enuntiatio,
quam quisque probat auditam. Harum duplex modus est. Nam una ita communis est, ut
omnium sit hominum, veluti si hanc proponas : ‘Si duobus aequalibus aequalia auferas,
quae relinquuntur aequalia esse’, nullus id intellegens negat. Alia vero est doctorum tan­
tum, quae tamen ex talibus communibus animi conceptionibus venit, ut est : ‘Quae incor­
poralia sunt, in loco non esse’, et cetera ; quae non uulgus sed docti comprobant.’ Anselm
might envisage the Fool’s thinking ‘that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought
does not exist’ as he would the Fool’s thinking ‘This incorporeal thing has a position in
354 JOHN MARENBON

guishes between thinking-1 something, which is all the Fool can do in


this case, and thinking-2 something, is that only thinking-2 involves un­
derstanding the thing which is thought. Yet the Chapter 2 argument de­
pends on the claim that the Fool understands ‘that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought’.
The second reading is in many ways more persuasive, at least on
grounds of charity. But it seems strange that, if Anselm was basing his
argument on a distinction between what we would now call sense and
reference, he did not bring out this point explicitly. Even if his De gram­
matico can be taken to indicate that it is not anachronistic to attribute
such thoughts to him, it would also suggest that he felt the need to spell
out such semantic ideas very explicitly. And,, if this reading is correct, it
is curious that, in the Response, Anselm does not at any stage try to
counter Gaunilo’s criticisms by explaining this semantic point, which
Gaunilo clearly does not grasp22. Moreover, on the most obvious reading,
Anselm presents his argument at the beginning of Chapter 2 as being
designed to show, against what the Fool holds, that ‘such a nature’ - that-
than-which-nothing-greater-can-be-thought - does really exist23. It might
indeed be urged that, if the Proslogion is read as a whole, then Chapter 2
should be taken just as intended to establish that that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought exists in reality, whilst the rest of the treatise
shows that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought is God24.

place.’ I do not cite this example in the main text because Boethius’ example is, arguably,
a bad one : some incorporeal things do have spatial position !
22 Gaunilo very clearly takes the Fool as denying or doubting that that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought exists, as his first words indicate (Reply §1, S 125:3-4 :
‘Dubitanti utrum sit uel neganti quod sit aliqua talis natura, qua nihil maius cogitari possit
(...)’).
23 §2, S 101:4-7 : ‘Et quidem credimus te esse aliquid quo nihil maius cogitari pos­
sit. An ergo non est aliqua talis natura, quia “dixit insipiens in corde suo : non est deus” ?’
24 Cf. T. HOLOPAINEN, Dialectic and Theology in the Eleventh Century, Leiden,
New York and Cologne ; Brill, 1996 (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mitte­
lalters 54), p. 150-5.
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 355

Gaunilo’s Criticism

Gaunilo has a number of lines of criticism against Anselm’s argu­


ment, including his famous parody argument, in which he claims that the
same pattern of reasoning which Anselm uses to show that God exists
could be employed to show that (for example) an island that one con­
ceives to be more excellent than any other place really exists25. Those of
interest to us are two which relate to the problem about whether the Fool
can have that-than-which-nothing-greater-can-be-thought in his under­
standing, and a third which challenges Anselm’s terminology about
thinking and understanding.
The first of them, in Section 2, is rather confused in its presentation,
but Gaunilo’s point is clear26. Anselm’s claim that that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought is in the Fool’s understanding can be
interpreted in two different ways, he explains. It may be that ‘understand’
is being used broadly, so that I ‘understand’ what someone speaks of, and
it is in my understanding, if I grasp his meaning, even if the thing itself is

25 Reply §6 ; S p. 128:14-32. On this parody argument, see O p p y , op. cit., p. 17-18


and N. W olterstorff , Tn Defense of Gaunilo's Defense of the Fool’, in C. S. E vans and
M. W estphal (eds), Christian Perspectives on Religious Knowledge, Grand Rapids, MI :
William B. Eerdmans Publishing Company, 1993. Anselm’s very inadequate reply is at
Response §3 ; S, p. 133:3-20. For a suggestion about how Anselm might have filled out his
answer to make it more satisfactory, see M. J. C h arles WORTH, Saint Anselm’s Proslo-
gion, Oxford ; Oxford University Press, 1965, p. 93-4. The other main criticisms by Gau­
nilo are : that Anselm has not shown that there does actually exist a greatest possible
being (§§5, 7) - a comment which indicates (as Anselm - Response §5 - points out) that
Gaunilo has not noticed the special properties of the expression ‘that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought’, which the expression ‘that which is greater than everything’
lacks ; and that the comparison with the painter’s plan of his painting is misleading (§3).
26 Reply §2 ; S p. 125:14-126:7 : ‘Quod hoc iam esse dicitur in intellectu meo, non
ob aliud nisi quia id quod dicitur intelligo : nonne et quaecumque falsa ac nullo prorsus
modo in seipsis existentia in intellectu habere similiter dici possem, cum ea dicente ali­
quo, quaecumque ille diceret, ego intelligerem ? Nisi forte tale illud constat esse ut non eo
modo quo etiam falsa quaeque vel dubia, haberi possit in cogitatione, et ideo non dicor
illud auditum cogitare vel in cogitatione habere sed intelligere et in intellectu habere ; quia
scilicet non possim hoc aliter cogitare, nisi intelligendo id est scientia comprehendendo re
ipsa illud existere. Sed si hoc est (...) vix umquam poterit esse credibile, cum dictum et
auditum fuerit istud, non eo modo posse cogitari non esse, quo etiam potest non esse deus.
Nam si non potest : cur contra negantem aut dubitantem quod sit aliqua talis natura, tota
ista disputatio est assumpta.’
356 JOHN MARENBON

false or doubtful27. Or it may be, rather, that ‘understand’ is being used


narrowly, so that only a thing that I know to exist can be in my under­
standing. If, says Gaunilo, Anselm means ‘understand’ in this narrow
sense, his demonstration is pointless : at the beginning of the argument,
the Fool understands that-than-which-nothing-greater-can-be-thought
- that is, on this interpretation, knows that it exists, and so he already
accepts Anselm’s conclusion. Anselm needs, then, to interpret ‘under­
stands’ broadly, but Gaunilo seems to assume that the broad interpret­
ation of ‘understands’ is for some reason inappropriate or inadequate for
Anselm’s purposes.
The second of these criticisms, in Section 4 of the Reply, is incom­
patible with the first, because here Gaunilo wishes to urge that someone
hearing the phrase which he takes to be ‘that greater than everything’
(illud omnibus maius) will have no mental grasp at all of what is being
said. Gaunilo’s idea is that, in a normal case of understanding a putatively
designating term, we already know either the thing to which it refers, or
at least the species or genus of the thing28. If, for instance, someone says
to me ‘A man called Jones will be going to the same conference as you’,
then I form (among others) a mental concept of man, and in this way I
gain an understanding of the expression ‘a man called Jones’, even if the
speaker is lying and there is no one called Jones coming to the con­
ference. By contrast, in the case of ‘that greater than everything’

I cannot think of it at all except just as an utterance, and by this way on its own no
true thing can hardly ever, or ever, be thought. For, when something is thought of in
this way, it is not the utterance itself - which is indeed a true thing, that is to say, it
is the sound of the letters or the syllables - but the signification of the utterance
heard which is thought. But it is not thought as by a person who knows what is usu­
ally signified by that utterance - someone who thinks a true thing either according
to reality or in thought alone - but by someone who does not know it, and thinks

27 Gaunilo speaks quite loosely of ‘false’ {falsa) and ‘doubtfuf’ {dubia) things, but
what he has vaguely in mind probably correspond respectively to our notion of logically
impossible entities (for instance, square circles) and to that of concepts that may well not
be instantiated (for example, a planet with life elsewhere in the Solar System).
28 Reply, §4, S p. 126:30-127:1 : ‘(...) illud omnibus quae cogitari possint maius,
quod nihil aliud posse esse dicitur quam ipse deus, tam ego secundum rem vel ex specie
mihi vel ex genere notam, cogitare auditum vel in intellectu habere non possum (...).’
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 357

just according to the motion of the mind produced by hearing the utterance and tries
to construct for himself a signification for the utterance he has heard29.

As well as making these two criticisms, Gaunilo adds, near to the end
of his Reply, the comment that Anselm should not have said that ‘that
which is greater than everything’ cannot be thought {cogitari) not to exist.
‘It would perhaps be better to say that it cannot be understood (intelligi)
not to exist or even to be able not to exist30.’ It is part of the meaning of
‘understand’, says Gaunilo, that what is false cannot be understood (he
does not refer back to his previous discussion, but he clearly considers
that the meaning of ‘understand’ follows what we called there the narrow
interpretation). He then argues
7. I know for certain that I exist.
8. Either I can think that I do not exist, or I cannot think I do not
exist.
9. If I can think I do not exist, then I can in the same way think the
negation of anything I know with absolute certainty (so, I can think :
God does not exist).
10. If I cannot think I do not exist, then it is not peculiar to God that
he cannot be thought not to exist31.

29 Reply, §4, S p. 127:13-21 : ‘istud omnino nequeam nisi tantum secundum vo­
cem, secundum quam solam aut vix aut numquam potest ullum cogitari verum ; siquidem
cum ita cogitatur, non tam vox ipsa quae res est utique vera, hoc est litterarum sonus vel
syllabarum, quam vocis auditae significatio cogitetur sed non ita ut ab illo qui novit,
quid ea soleat voce significari, a quo scilicet cogitatur secundum rem vel in sola cogita­
tione veram, verum ut ab eo qui illud non novit et solummodo cogitat secundum animi
motum illius auditu vocis effectum significationemque perceptae vocis conantem effin­
gere sibi’.
30 Reply, §7, S p. 129:11-12.
31 Reply, §7, S p. 129:14-19 : ‘Et me quoque esse certissime scio sed et posse non
esse nihilominus scio. Summum uero illud quod est, scdicet deus, et esse et non esse non
posse indubitanter intelligo. Cogitare autem me non esse quamdiu esse certissime scio,
nescio utrum possim. Sed si possum : cur non et quidquid aliud eadem certitudine scio ?
Si autem non possum : non erit iam istud proprium deo.’
358 JOHN MARENBON

Anselm’s Response

Having looked at an aspect of the Prostogion which is problematic,


at least in its interpretation, and at the criticisms by Gaunilo which relate
to it, we can now see how Anselm goes about his Response, at once
answering Gaunilo’s criticisms, usually with ease, and reasserting his
original position, and yet also and insistently putting forward a series of
new versions of the argument for the existence; of God.
The defect of Gaunilo’s first criticism (perhaps partially obscured
because of the clumsy way it is stated) is that it begs the question.
Gaunilo gives no explanation for why, so long as ‘understand’ is used in
the broader sense, Anselm’s argument does not succeed. Anselm imme­
diately picks up this weakness in his Response. If the meaning of ‘under­
stand’ is such, says Anselm, that false and doubtful things can be under­
stood, this does not mean that (something which turns out to be neither
false nor doubtful such as) that-than-which-nothing-greater-can-be-
thought cannot also be understood32.
In his second criticism, Gaunilo claims that an expression such as
‘that which is greater than everything’ (or, the point would apply equally,
‘that-than-which-nothing-greater-can-be-thought’) generates almost nothing
in the way of a meaning in the listener’s mind : the person who hears
such a phrase is left trying to ‘construct’ some sort of signification. In a
way, by contrasting the process of grasping a definite description with
that of understanding a species-word or genus-word, Gaunilo is pointing
to an important semantic distinction. But he is clearly wrong to draw the
conclusion that we fail properly to grasp the meanings of definite de­
scriptions, just because we cannot do so by thinking of a species or genus
we already know. Anselm is able to answer Gaunilo by describing a
process through which we do gain a grasp of the meaning of that-than-
which-nothing-greater-can-be-thought : we think of the attributes which
are better to have than not to have (such as lacking a beginning and end)

32 Response §6, S p. 136:8-10 : ‘Nam si falsa et dubia hoc modo intelliguntur et


sunt in intellectu, quia cum dicuntur, audiens intelligit quid dicens significet, nihil prohi­
bet quod dixi intelligi et esse in intellectu.’ Anselm goes on (S, p. 136:10-17) to accuse
Gaunilo of holding contradictory views of what ‘understands’ means, by taking him,
unfairly, to be presenting the wide and the narrow inteipretations together, rather than as
alternatives.
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 359

and see that they must apply to that-than-which-nothing-greater-can-be-


thought33. Since Gaunilo has argued that very little grasp of such an ex­
pression is possible, Anselm’s careful explanation of the process of see­
ing its meaning answers his objection very adequately.
The third criticism made by Gaunilo comes in the guise of a termi­
nological suggestion : Anselm should have said that that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought cannot be understood, rather than thought,
not to exist. Anselm observes, in response, that if ‘understood’ is taken in
its strict sense then nothing at all which exists can be understood not to
exist34. But this answer does not fully deal with Gaunilo’s objection, as
Anselm himself realizes. Gaunilo might well indeed have had in mind the
very point Anselm makes when he put forward his suggestion. He goes
on (see above, (7)-(10)) to argue that Anselm should not be claiming that
only that-than-which-nothing-greater-can-be-thought cannot be thought
not to exist : either it, along with other things we know most certainly to
exist (such as ourselves), can be thought not to exist, or it shares with
these other things we know most certainly that it cannot be thought not to
exist. His underlying aim, then, may have been to show that, however he
tries to state it, Anselm is not able to identify a special way, different
from that of all other things, in which that-than-which-nothing-greater-
can-be-thought exists.
Gaunilo seems to have a good objection, which might be put as fol­
lows. Anselm is claiming that the only thing that cannot be thought not to
exist is that-than-which-nothing-greater-can-be-thought. But, on the face
of it, it seems hard to see how I could think that I do not exist. Its nega­
tion, the sentence T exist’, is incorrigible : if I believe it (indeed, if I en­
tertain it in any way), it cannot be false. So why should that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought be considered special ? If in fact, I am
able to think in some special way that I do not exist, then why can I not
think in the same special way that that-than-which-nothing-greater-can-
be-thought does not exist ?
In order to defend himself, Anselm needs to show that there is a difference
in principle between ‘that-than-which-nothing-greater-can-be-thought
does not exist’ and any other sentence denying that something exists,

33
Response §8, S p. 137:14-28.
34
§4, S p. 133:24-8.
360 JOHN MARENBON

including the sentence ‘I do not exist’. The obvious way to make the dis­
tinction would be to point out that, if the claim expressed by T do not
exist:’ as it might be uttered at any time by any person (for instance, now
by John Marenbon) were re-written without the indexical T (‘John
Marenbon does not exist on April 19, 2005’) then its truth or falsity
would be an open question, to be determined empirically ; whereas ‘that-
than-which-nothing-greater-can-be-thought does not exist’ is already
without indexical terms and - Anselm would argue - is always obviously
false because, on investigation, it is self-contradictory. Anselm goes
about the counter-argument in a different way35. He tries to show that
there is an obvious way in which I can think any denial of existence (in­
cluding T do not exist’) except for the case of ‘that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought does not exist’. I can think even that I do not exist,
when in doing so I am not judging that it is the case that I do not exist,
but indulging in a fiction (or, as philosophers would say today, a thought
experiment). Anselm does not consider, however, that it is straight­
forward to engage in a thought experiment. He regards ‘know’ as a im­
plying an active state of mind, in which the knower is actually believing
some truth that is known. He therefore rules out the idea that I can know
that something exists (for instance, that I exist) and yet think that it does
not ; what he accepts, rather, is that, if I know that something exists (for
instance, myself), it is possible that I can think (presumably at a moment
when I do not, in this active sense, know the opposite) that it does not
exist. But, he insists, I can never think that that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought does not exist - presumably because its existence
is evident merely from considering the concept, without needing any
other knowledge36.

35 Response §4 ; S 134:7-13 : ‘Scito igitur quia potes cogitare te non esse, quamdiu
esse certissime scis (...) Multa namque cogitamus non esse quae scimus esse, et multa
esse quae non esse scimus ; non existimando, sed fingendo ita esse ut cogitamus. Et qui­
dem possumus cogitare aliquid non esse, quamdiu scimus esse, quia simul et illud possu­
mus et istud scimus. Et non possumus cogitare non esse, quamdiu scimus esse, quia non
possumus cogitare esse simul et non esse. ’
36 The way in which he makes this distinction by contrasting (a) I know x exists,
and I can think x does not exist and (b) I can know x exists and think x does not exist is a
striking anticipation of the distinctions between narrow and broad scope modal operators
which Abelard would make half a century later.
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 361

It may be Anselm’s success in countering these points of Gaunilo’s


(and the ease of his victory in the first two cases) which makes him con­
fident in asserting, again and again, that - as he asserts in the Proslogion
and Gaunilo wants to deny - that-than-which-nothing-greater-can-be-
thought is in the intellect even of the Fool. He puts this point, for in­
stance, in the first section, as soon as he has summarized Gaunilo’s view :
‘that-than-which-nothing-greater-can-be-thought is truly understood and
thought and truly in the intellect and in thought37.’ He puts it again at the
end of that section, where he rebuts the idea that, because God can indeed
hardly be understood (because of his exalted nature), that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought is not understood or in the understand­
ing38.
More important, in Section 2 of the Response, Anselm goes through
the Proslogion Chapter 2 argument step by step, bringing out particularly
clearly the reasoning which involves the comparison of that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought in the intellect and that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought in reality39. Still, in this restatement, it is
evident that Anselm finds difficulties with exactly the claim that we have
identified as arguably problematic : that that-than-which-nothing-greater-
can-be-thought is in the Fool’s understanding. Anselm first claims, as he
had done in Proslogion 4, that because the Fool understands the language
it is spoken in, he understands the expression ‘that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought’. But, in order to show that that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought is in the Fool’s intellect, he now resorts to
the following argument : ‘Then I said that if it is understood, it is in the
intellect. Or is that which has been shown necessarily to exist in the truth

37 Response §1, S p. 130:16-18.


38 Response §1, S p. 132:5-9 : ‘Quod si dicis non intelligi et non esse in intellectu
quod non penitus intelligitur : die quia qui non potest intueri purissimam lucem solis, non
videt lucem dici, quae non est nisi lux solis. Certe uel hactenus intelligitur et est in intel­
lectu 'quo maius cogitari nequit, ut haec de eo intelligantur.’
39 Response 2, S, p. 302:22-24 : ‘Postea dixi quia si est in solo intellectu, potest
cogitari esse et in re, quod maius est. Si ergo in solo est intellectu : idipsum, scilicet quo
maius non potest cogitari, est quo maius cogitari potest.’ (I have removed Schmitt’s in­
verted commas round ‘quo maius non potest cogitari’, since Anselm is using this expres­
sion rather than mentioning it).
362 JOHN MARENBON

of things not in any intellect40 ?’ Anselm is using what he has already


established by his new form of argument - namely that that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought necessarily exists in reality - to shore up
this premise in the Proslogion 2 argument ; although, of course, granted
this premise, the argument itself is superfluous. True, he does then con­
tinue by trying to show that it does indeed follow from something being
understood that it is in the understanding41. But his reasoning here hardly
goes beyond pure assertion : just as what is thought (cogitatur) is in
thought (cogitatio), so what is understood is in the understanding.
The various new forms of the argument which Anselm puts forward
in the Response all markedly diverge from the model in Proslogion 2, in
which the reasoning depends on that-than-which-nothing-greater-can-be-
thought being in an intellect, and then being shown not to exist in an in­
tellect alone. In section 1 of the Reply, Anselm proposes a radical re­
casting of the argument, in which the feature of that-than-which-nothing-
greater-can-be-thought which is singled out is that it must lack a begin­
ning. Given his conception of modalities, Anselm is able on this basis to
argue that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought exists and,
indeed, exists necessarily42. A similar rewriting of the argument is based

40 §2, S p. 132:14-15 : ‘Deinde dixi quia si intelligitur, est in intellectu. An est in


nullo intellectu, quod necessario in rei veritate esse monstratum est ?’
41 §2, S p. 132:15-20 : ‘Sed dices quia etsi est in intellectu, non tamen consequitur
quia intelligitur. Vide quia consequitur esse in intellectu, ex eo quia intelligitur. [But you
say that though it is in the understanding, this does not however follow from the fact that
it is understood. Look and see that it does follow that it is in the understanding from the
fact that it is understood] Sicut enim quod cogitatur, cogitatione cogitatur, et quod cogita­
tione cogitatur, sicut cogitatur sic est in cogitatione : ita quod intelligitur intellectu intelli­
gitur, et quod intellectu intelligitur, sicut intelligitur ita est in intellectu. Quid hoc pla­
nius ?’
The argument here is, however, obscured by most of the translators, who render the
first sentence as (Charlesworth) ‘But you will say that, even if it is in the mind, yet it
does not follow that it is understood’ ; (Th . Williams, in Monologion and Proslogion
with the replies o f Gaunilo and Anselm, Indianapolis, Ind. ; Hackett, 1995) ‘But you will
say that even if it exists in the understanding, it still does not follow that it is understood’ ;
(M. CORBIN, Monologion, Proslogion, Paris ; Cerf, 2002) ‘Tu diras, certes, que même s’il
est dans l’intelligence, il ne suit pas qu’il soit reconnu.’
42 Response 1, S p. 131:2-5. This argument is taken up again in §3, S p. 133:14-20.
This is the only part of the Response to have excited much interest from recent philoso­
phers : it is discussed in N. Malcolm, ‘Anselm’s Ontological Arguments’, Philosophical
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 363

on the claim that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought must be


wholly everywhere and always and not made of parts43. Another version
uses the idea that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought would
be such that, if it existed, it could not fail to exist in act and in under­
standing, and yet another formulation is based on the notion that what can
be thought not to exist cannot be that-than-which-nothing-greater-can-be-
thought44. These rewritings seem to be elaborations of the basic idea that
whatever can be thought not to be is less great than what cannot be
thought not to be, and so that-than-which-nothing-greater-can-be-thought
exists and cannot not exist and cannot be thought not to exist. But is this
not a mere repetition of the argument in Chapter 3 of the Proslogion ? In
one sense, of course, it is - the underlying reasoning, despite the elabor­
ation, is exactly the same. But there is an important difference in context.
As observed above, the Chapter 3 argument continues from what has
been established in Chapter 2. It takes as its premise that that-than-which-
nothing-greater-can-be-thought exists in reality, and establishes that it
exists in a special way, such that it cannot be thought not to exist. In the
Response, however, Anselm presents this reasoning as a self-standing
argument for God’s existence (although, it must be observed, he seems to
feel the need to dress up this basic form of argument, as if it were too
simple to be convincing on its own).
But is what I have described as a rewriting really so different, except
superficially, from the Proslogion 2 argument ? In the Proslogion, we are
shown that, if that-than-which-nothing-greater-can-be-thought is in the
Fool’s mind, it must also exist in reality. Even in the rewritten arguments,
the question of whether that-than-which-nothing-greater-can-be-thought
can be grasped is not avoided : rather, they attempt to show that that-
than-which-nothing-greater-can-be-thought is such that it cannot be
thought not to exist, if it is thought at all. There is, though, a great differ­
ence between these two ways of arguing, and it concerns precisely the
area the Proslogion 2 argument is problematic. The Proslogion 2 argu-

Review, 69 (1960), 41-62, and R. G ale (On the Nature and Existence o f God, Cam­
bridge ; Cambridge University Press, 1991, p. 205-17, gives it careful and appreciative
consideration.
43 Response 1, S p. 131:18-132:2.
44 Response 1, S p. 131:6-17 ; Response 5, S, p. 135:1-7.
364 JOHN MARENBON

ment depends on the claim that that-than-which-nothing-greater-can-be-


thought is in the Fool’s understanding - a position which is given sense
by Anselm’s semantics, but also turns out either to be inexplicable, given
that the Fool denies that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought
really exists, or to involve a distinction between the senses and reference
of ‘God’ and ‘that-than-which-nothing-greater-can-be-thought’ which
Anselm is strangely reluctant to make explicit. By contrast, the reformu­
lated arguments make no such claims. They merely claim that that-than-
which-nothing-greater-can-be-thought is a coherent concept (without
claiming that anyone at all, even a Fool, can grasp it), and that, for vari­
ous reasons which might not be at first apparent, it is incoherent to assert
that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought does not exist in
reality.

Why did Anselm re-write his argument ?

Why, indeed ? If the more traditional interpretation of Proslogion 3


and 4 is correct, and Anselm was trying to assert that the Fool grasped the
concept of that-than-which-nothing-greater-can-be-thought in a way
loose enough to allow him to think what cannot be thought - that it does
not exist, then there is an obvious difficulty in seeing how that-than-
which-nothing-greater-can-be-thought could ever have been in his under­
standing. This problem would provide an obvious motive for Anselm to
have rewritten his argument in a way which does not depend on establish­
ing that that-than-which-nothing-greater-can-be-thought exists in the
Fool’s understanding. The alternative reading of Proslogion 3 and 4 al­
lows Anselm to avoid this problem and so may be thought to remove the
motive. Still, even the advocates of this interpretation would have to accept
that Anselm is reticent about it, and it may be that he thought that ex­
plaining it would involve too many complexities ; better to present the
central point of his argument in a different way, than to risk obscuring it
with semantic questions.
But these are guesses, and one of the morals which this investigation
suggests is that even in the well-thumbed pages of the Proslogion, to say
nothing of the often uncut ones of the Response, there is plenty left to
discuss. There is another moral, too. Anselm is a writer who leaves few
obvious traces of his workings, and he presents the Proslogion's argu­
ment as coming to him miraculously, as if in answer to prayer. Despite
his genius as a logician and theologian, his way of tackling problems can
seem to be more that of a saint than a philosopher. Yet in working
ANSELM REWRITES HIS ARGUMENT 365

through his reasoning, answering objections and rewriting in response to


them, Anselm does not escape the ordinary fate and labour of human
thinkers ; he is more like us, as we struggle with his Argument and try to
justify our interpretations against our colleagues’ objections, than we
often tend to imagine.
MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

ORDINATIO CARITATIS
REFLEXIONS SUR L ’ASCESE ET LA MYSTIQUE DANS LA
PENSEE DE SAINT BERNARD

Sed et militamus in eis, tanquam in tabernaculis ; prorsus vio­


lenti ad regnum. Denique militia est vita hominis super ter­
ram ; et quandiu militamus in hoc corpore, peregrinamur a
Domino, id est a luce1.
Quid ergo docuerunt vel docent nos apostoli sancti ? [...] non
Platonem legere, non Aristotelis versutias inversare [...] Do­
cuerunt me vivere. Putas, parva res est scire vivere ? Magnum
aliquid, imo maximum est2.
Fugite de medio Babylonis, fugite, et salvate animas vestras.
Convolate ad urbes refugii, ubi possitis et de praeteritis agere
poenitentiam, et in praesenti obtinere gratiam, et futuram glo­
riam fiducialiter praestolari3.

Trois textes de Saint Bernard, forts, incisifs, poétiques, qui nous in­
terpellent du fond des siècles. Trois textes et trois voies pour la compré­
hension de cette figure singulière qui a marqué l’Europe, de cette spiri­
tualité en même temps sereine et sévère, dépouillée et lumineuse, de cette
pensée de feu qui a cherché à résoudre les contradictions de l’humain,
fuyant le siècle et tout en y intervenant avec la dureté de la Vérité, dis­
tante et proche. Aimant et jugeant sans complaisance.
Marcheur infatigable sur les chemins d’une Europe qu’il a parsemés
de fondations, Saint Bernard fut aussi le pèlerin intérieur d’un itinéraire
de contemplation qui exigeait la solitude et le « désert ». S’il mettait en
valeur l’homme, il le pliait à la discipline ; s’il assimilait le savoir, il le
considérait comme un simple moyen ; s’il aimait la parole, il était ouvert
au silence, tout en recherchant, surtout, un sens de vie pour Y homo viator
- en une ordinatio caritatis unifiante - qui réédifie sans mutiler.

1 Cf. Bernardus Claraevallensis, Sermones in Cantica Canticorum,


PL 183, 903D.
2 Cf. Bernardus Claraevallensis, In Festo SS. Petri et Pauli, PL 183,
407A.
3 Cf. Bernardus Claraevallensis, De Conversione, PL 182, 855B.
368 MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

Ainsi se profile son image à son époque - ce XIIe siècle, frémissant


de genèses, dans la dynamique de nouvelles voies et de nouvelles recher­
ches : la rénovation urbaine et les mutations sociales, la mobilité et le
commerce, le développement technique et la redécouverte de Vhomo
faber ; la mise en valeur du travail et l’affirmation des capacités d ’une
raison sûre d’elle-même ; la profonde inquiétude spirituelle qui touche à
l’hérésie ou élabore des réformes ; la curiosité insatiable et éveillée par la
nature et ses lois ; la conscience lucide du progrès, de la modernité et la
recherche passionnée de l’ancien ; un humanisme et un naturalisme ;
l’attraction pour le monde et pour le terrestre et l’anxieuse quête du divin.
L’inquiétude religieuse du XIIe siècle continuait à voir dans le mona­
chisme un puissant instrument de salut. Cependant, elle exigeait de lui de
plus en plus de purifications et de renoncements essentiels, la pratique de
rudes abstinences, et une nouvelle orientation déterminée par la pauvreté
et l’humilité. Les modèles de Cluny étaient alors sujets à des critiques
dures face aux courants d ’un ascétisme rigoureux qui parvenaient à
l’Occident.
L’idéal de Citeaux établi sur la metanoia et les propos de réforme
intérieure s’insère nettement dans la tradition primitive. Il prenait, ainsi,
le sens de l’intégration dynamique du passé dans le présent, prolongeant
une longue chaîne qui, à chaque époque et à chaque circonstance, se ral­
liait à la même inspiration : l’imitation radicale de la figure du Christ, la
pratique du dépouillement et de la pauvreté, en un contemptus mundi et
en un contemptus sui, fondés sur l’interprétation du texte biblique comme
axe dynamique, le pôle central d’un itinéraire spirituel ouvert à la
contemplation.
La nouvelle prise de contact avec l ’esprit et le mode de vie de
l’ancien monachisme présentait, naturellement, ses fondateurs comme
modèles4.
C’est vrai que l’expérience, presque violente de ce monde primitif du
christianisme, vécue dans la proximité de la présence apostolique, tempé-

4 Comme le dit J. LECLERCQ, Initiation aux auteurs monastiques du Moyen Age.


L'amour des lettres et le désir de Dieu, Paris, Cerf, 1957, p. 88 : « Un exemple révélateur
est fourni par un manuscrit italien du XIe siècle ; aussitôt après le texte de la Règle de St.
Benoît y est ajoutée une liste de ceux qui ont 'institué' la vie monastique. Or sur
vingt-six Pères du monachisme qui soient énumérés, il n'y en a que quatre latins. »
ORDINATIO CARITATIS 369

rèe par les persécutions, dynamisée par l’eschatologie, et qui proposait un


itinéraire spirituel, se pressent déjà chez Philon d’Alexandrie et chez Ori-
gène qui fonde véritablement une mystique chrétienne en connexion avec
l’exégèse allégorique de la Révélation ; elle émerge aussi dans le sermo
poétique de Grégoire de Nazianze, dans l’équilibre intériorisé de saint
Basile, dans la mystique nocturne de Grégoire de Nysse qui, à partir de
l’expérience basilienne, formule une anthropologie monastique dont les
échos se reflètent dans les écrits de Macaire, d ’Evagre et de Denys
l’Aréopagite.
Selon Bouyer, « l’idéal basilien s’est imposé non à l’Orient monasti­
que comme on a l’habitude d’affirmer, mais à l’Occident, sous une forme
tempérée, dans la règle de Saint Benoît »5.
La liaison entre ces deux mondes - l’Orient et l’Occident - éloignés
et rapprochés par le « désert » de Dieu, est due aux traducteurs et assurée
par la copie et la circulation des manuscrits qui se condensent dans les
Verba Seniorum, les Vitae Patrum, et les catenae et se révèlent déjà chez
les Pères latins : Ambroise, Augustin et, surtout, Grégoire le Grand.
L ’appropriation des grands textes - le Cantique des Cantiques et
VApocalypse - des thèmes, des typologies et des symboliques est faite
comme s’ils appartenaient naturellement à un héritage commun et donc à
tous ceux qui s’en approchaient.
Dans ce rituel de passage, la figure de Cassien est un nœud singulier
et saint Benoît, en recommandant dans sa Règle la lecture des Pères,
cherche, consciemment, à donner suite à la grande expérience monasti­
que. Les monastères deviennent ainsi l’abri de la tradition spirituelle des
Pères de l’Église, dans une perspective de continuité qui s’avère sans
ruptures.
Dans les profondes mutations de la civilisation au XIIe siècle, le mo­
nachisme cistercien est perçu comme un retour aux origines s’ouvrant à
l’inspiration des grands ascètes - les « athlètes du désert », comme les a
nommés Lacarrière6- s’éloignant des nouveaux mouvements culturels,
renfermant ses écoles - scholae Christi - en opposition à celles des ca­

5 Cf. L, Bouyer, La Spiritualité du Nouveau Testament et des Pères, Paris,


Aubier, 1960, p. 411.
6 Cf. J. LACARRIERE, Les hommes ivres de Dieu, Paris, Arthaud, 1961.
370 MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

thédrales7, tout en concentrant 1’« office » du moine dans la solitude, le


silence, la louange à Dieu et la réalisation de la réforme intérieure.
Ordéric Vital attribue explicitement à Robert de Molesmes cette in­
tention : « Lisez les actions des saints Antoine, Macaire, Pacôme [...]. Ne
marchons-nous pas déjà sur les pas de nos pères, les moines égyptiens,
qui ont vécu dans la Terre Sainte ou à la Thébaide »8. Et, cependant, dans
cette espèce de recueillement dans le temps et dans l’espace, assumé et
intériorisé, dont Cîteaux est l’exemple, et auquel la forte personnalité de
Saint Bernard donne vie, se projettent, intégrés en plusieures synthèses,
les progrès lents mais sûrs d’une raison structurée au long des siècles,
fondée sur la connaissance des textes classiques, le domaine de la langue
latine, et de ses procédés stylistiques et rhétoriques qui dessinaient les
contours d’un humanisme.
Un des traits les plus significatifs du XIIe siècle est la puissance
d’une scolastique qui se solidifie, s’appuyant sur une raison spéculative et
dialectique, dans une certaine indépendance de la Sacra Pagina, la re­
cherche des fondements de la Théologie comme science, l’émergence des
savoirs divers, l’attention à la philosophie et à de nouveaux textes. Ce
parcours qui se projette dans la construction d’une mystique spéculative
incarnée spécifiquement par les Victorins, est néanmoins sous-jacent à la
pensée cistercienne elle-même, à sa théologie et à sa mystique.
Et cependant, le centre de la vie spirituelle à Cîteaux est, surtout, un
plan d’intériorité, un idéal de réforme marqué par l’austérité et la soli­
tude, en désaccord volontaire avec l’innovation, l’agitation et le désordre
un peu anarchique qui sont les marques extérieures et visibles des capa­
cités génériques de ce siècle.
Ainsi, saint Bernard s’intégre pleinement dans cette culture monasti­
que, nourrie de sources anciennes, ancrée sur les mystères éternels du
christianisme, sur les réalités qui survivent aux temps et aux lieux, pro­
longeant, en fait, une pensée patristique à une époque hétérogène dans sa
latence de modernité.

7 Voyons, par exemple, l ’un des nombreux textes dans lesquels St. Bernard
définit son concept de schola Christi : « Tu es enim magister et dominus, cujus schola
est in terris, cathedra in coelis ». Cf. Sermones de diversis : De septem gradibus
confessionis, PL 183, 647A.
8 Cf. Histoire Ecclésiastique, III, V ili, PL 188, 656.
ORDINATIO CARITATIS 371

Saint Bernard incarne, donc, l’esprit de toutes les réformes monasti­


ques médiévales qui reprennent toujours les références fondatrices. Beau­
coup plus qu’une connaissance théorique de la pensée de l’Orient chré­
tien,, il recherche la communion et la participation en une expérience
commune, tout en délinéant la réforme cistercienne par une dynamique
d’oppositions : la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, l’homme et le
monde, l’esprit et la chair dans un processus qui rentre dans le dévelop­
pement de l’histoire du salut, en une condensation temporelle qui révèle
l’unité de la tradition.
Il est donc naturel qu’existent dans sa pensée de nombreuses théma­
tiques de la patristique grecque, surtout celles liées à l’exégèse et à la
mystique, et l’utilisation de terminologies et de symboliques identiques.
Signalons quelques exemples : celui de 1'homo viator et celui de la via
regid\ déjà présents chez Philon, Origène, Grégoire de Nysse et Grégoire
le Grand ; la symbolique de l’échelle de Jacob, de l’ivresse sobre, de la
touche mystique, la compréhension de Dieu en tant que Lumière, le sens
des ténèbres et du péché ; la souillure de l’image, troublée et oblitérée par
le péché. De même l’importance de la lecture du Cantique des Cantiques,
défini comme theoreticus sermo, le concept de deificatio ; le sens de
philosophia comme la vie selon le Christ ; la Via Regia figure de la vie
monastique.
Symbole unique de cet univers spirituel rendu présent dans ses intui­
tions les plus profondes, dans ses textes, dans ses modèles, dans ses sym­
boliques et dans ses allégories, Saint Bernard, en tant que réformateur et
homme de l’Église, intervient dans son temps ayant l’esprit modelé par
les paradigmes et les valeurs d’un passé, tout en essayant cependant de
nouvelles synthèses.
C’est ainsi que l’on peut peut-être essayer de comprendre sa lecture
négative de l’urbain, du savoir laïque, du procès d’autonomisation de la
raison ; son refus de la dispute et de la dialectique ; son indifférence à

9 Signalons, par exemple, que dans un texte des In Quadragesima : S ER­


MO VIL De peregrino, mortuo et crucifixo, St. Bernard rallie deux thèmes philo-
niens adoptés par la tradition monastique : « Felices, qui se praesenti saeculo nequam
advenas et peregrinos exhibent, immaculatos se custodientes ab eo ![...] Peregrinus siqui­
dem via regia incedit ; non declinat ad dexteram, neque ad sinistram ». PL 183, 183C.
372 MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

l’émergence de la science ; sa critique envers l’insatiable curiosité hu­


maine.
Malgré son éloignement volontaire, la pensée de Saint Bernard im­
prégnée de la culture et de la théologie monastiques - pratiques affecti­
ves, profondément vécues -, est cependant une interpellation puissante à
son époque. A partir de sa différence, il est capable d’intervenir, tout en
proposant des modèles de conduite, de nouvelles voies de spiritualité. A
ce point de vue, il se lie au développement de l’idéal de la chevalerie,
présent dans les Ordres Militaires dont les fondements théoriques et spi­
rituels se dégagent dans son ouvrage En louange de la nouvelle Milice
chrétienne. Le paradigme de l ’homme nouveau, « de chair et d ’os
- comme le dit J. Mattoso - y est sous-entendu, quoique transfiguré par le
renoncement et la pénitence [...] le chevalier qui, par l’humilité, la prati­
que de la discipline et l’audace, l ’accomplissement des voeux de perfec­
tion, représente un nouveaux genre, purifié, exemple des laïcs10». Ainsi,
Saint Bernard adresse, aux guerriers rudes et violents qui intègrent les
ordres militaires pour diverses motivations, un appel véhément à la per­
fection, l’exigence de services à la communauté, reflet d’une conception
encore imparfaite de la fonction des individus dans la société et de leurs
rapports. Cet idéal implique aussi des propos mystiques et le tracé d’un
chemin qui mène à l’union personnelle avec Dieu, pareil à celui de la
Quête du Graal qui, à partir des traditions celtes, sera diffusé dans les
milieux cisterciens.
D ’où l’accent mis sur une sensibilité religieuse touchée par une
émotivité plus nette, par une expérience de vie personnelle et humanisée,
qui prépare, peut-être, la prédication franciscaine.
Cette capacité d ’intervention de saint Bernard traduit, en fait, la
connaissance du siècle, son domaine de la culture de son temps, le par­
tage d’une mentalité commune et les fondements de sa pensée, ce qui
peut éclairer des traces de sa personnalité qui lui donnent une place iné­
galable dans l’histoire de la philosophie, lui qui n ’a jamais aimé la philo­
sophie11.

10 Cf. J. MATTOSO, Portugal Medieval. Novas interpretações, Lisbonne,


INCM, 1985, p. 383.
11 Voyons, par exemple, un texte des Sermones in Cantica Canticorum :
« Num Hippocratis seu Galeni sententiam, aut certe de schola Epicuri debui proponere
ORDINATIO CARITATIS 373

En effet, c’est en utilisant les recours d ’une intelligence pénétrante et


d’un savoir toujours reconnu comme moyen, imprégné des lectures bibli­
ques et de la tradition patristique, qu’il en retire les grandes lignes d’
inspiration de sa pensée.
Puisque son œuvre est constituée dans sa majeure partie par des Ser­
mones, insérés dans le cadre clos des monastères, par des lettres, des tex­
tes et des traités toujours subordonnés à des fins spirituelles, sa pensée ne
présente la systématisation des grandes œuvres de la scolastique. Et
pourtant, il y a une cohérence intrinsèque qui touche toutes les thémati­
ques, une unité sous-jacente qui est le produit d’une raison qui cherche et
d’un cœur en consonance, essayant de relier connaissance et action, in­
telligence et vision, par une expérience personnelle et profonde qui
s’épanche.
La théologie de saint Bernard est traditionnelle par ses fondements,
l’Écriture et les Pères, et par l’exclusion de toute argumentation philoso­
phique ou dialectique. Elle marque ainsi un recul par rapport à la position
de saint Anselme, refusant nettement tous les essais de « théorisation » de
la théologie12.
La raison dans ses capacités problématiques et relatives, ne peut ja­
mais être supérieure à la foi. Elle ne pourra même pas aider à sa clarifica­
tion. Seule la foi et l’autorité peuvent être des critères tandis que la philo­
sophie se lie toujours à l’opinion.
Par rapport à Abélard il reprend, une fois de plus, la question des
dialectiques et anti-dialectiques que saint Anselme avait développée
grâce à son génie. La dureté rhétorique de l’attaque qu’il lui fait dans
Traité contre les erreurs d ’Abélard et aussi de la persécution implacable
qu’il lui fait subir, peuvent s’expliquer, peut-être, par la différence entre
deux visions du monde si frontalement opposées, qui ne pourront jamais
communiquer ni permettre aucune possibilité de dialogue13.

vobis ? Christi sum discipulus ; Christi discipulis loquor : ego si peregrinum dogma in­
duxero, ipse peccavi ». PL 183, 939A.
12 Cf. M. C. Pacheco, « Aux sources d’une Théologie comme Science : St. An­
selme et Abélard », in Proceedings o f the Eight International Congress o f Medieval
Philosophy (S.LE.P.M), III, Helsinki, 1990, p. 466-475.
13 Cf. sur le sujet, E. GILSON, La Théologie mystique de Saint Bernard,
chap. Ill, surtout p. 82-87.
374 MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

Cette confrontation, toutefois, exagérée par saint Bernard dans la dé­


fense impétueuse d ’une orthodoxie qui se fonde sur la tradition et
n ’essaie même pas de comprendre le nouveau ne réduit pas la position
d ’Abélard à une simple superposition de la raison à la foi, comme on l’a
voulu, et ne réduit pas la pensée de saint Bernard à un pur fidéisme.
En fait, dans son œuvre, il y a une puissante élaboration rationnelle
qui l ’amène à parler de Dieu comme indicible, puisque l’on ne peut
connaître son essence, mais seulement prouver son existence par ses ef­
fets ; à lire les perfections et la variété des êtres comme réflexes fragiles
de Son pouvoir créateur ; à marcher d ’analogie en analogie jusqu’à sa
considération comme Le plus parfait que l’on puisse penser ; à Le com­
prendre comme Etre, contenant en soi toutes les perfections, en union et
simplicité absolues, en même temps singulier et trinitaire ; à centrer sa
christologie dans la Rédemption ; à synthétiser admirablement la tradition
mariologique.
Sa doctrine sur l’angéologie, la hiérarchie de l’Église, ses positions
sur le péché originel, la grâce et le libre-arbitre, les sacrements et 1’ es­
chatologie, sont encore traditionnelles.
Son anthropologie reflète une plus grande originalité, mettant en
connexion l ’inspiration augustinienne et celle des Pères Grecs14. Les
points dominants sont la valorisation de la place de l’homme dans le
monde, par la vision positive de sa liaison corps/âme ; la considération de
sa dignité due à sa condition d’image de la Trinité, par la mémoire,
l’intelligence et volonté ; l’affirmation de la capacité de la connaissance
de soi-même et de l’exercice de la liberté ; le sens profond qu’englobe le
thème de l’amour et de la béatitude.
Saint Bernard est surtout un auteur spirituel, qui en transmettant une
expérience individuelle profonde la communique nécessairement. Il parle
souvent du ministerium verbi, de cette fonction expressive de la parole
humaine qui peut traduire une pensée et une expérience et s’articule avec
l’écoute de la Parole de Dieu, aussi bien dans son mystère que dans sa
plénitude.

14 Sur le thème, cf. E. GILSON, L ’esprit de la philosophie médiévale, Paris,


Vrin, 1932, chap. I et La Théologie mystique de Saint Bernard, Paris, Vrin, 1986.
ORDINATIO CARITATIS 375

Selon Leclercq, « il n’y a pas de littérature spirituelle sans expérience


spirituelle »15.
En effet, c’est l’expérience de vie de Saint Bernard et l’intensité de
sa vie intérieure qui se projette dans son œuvre, lui permet de dépasser le
simple niveau littéraire et de transmuter le goût poétique, la facilité et
l’élégance du style.
Tout l’itinéraire spirituel proposé par saint Bernard peut se définir
comme un retour à Dieu, en un tracé cumulatif qui va du péché à la
gloire, de la chair à l’esprit, des ténèbres à la lumière, de l’inquiétude et
du doute à la plénitude de la vision, dans un procès dynamique qui
s’insère dans le mystère de l’histoire du salut. C’est, aussi, la recherche
d’unification entre Dieu et la créature qui implique l’analyse de la condi­
tion humaine comme image de Dieu.
Comme à toutes les mystiques, il y a sous-jacente une anthropologie,
une analyse concrète de l’homme dans sa situation, dans la dualité de sa
nature de corps et d’âme, dans le caractère central de sa position dans
l’univers, supérieur à tous les animaux, capable d’agir et de dominer, de
se connaître lui-même.
Dans cette continuité d ’un « socratisme chrétien16 », émergent les
grandes questions qui se posent toujours à chaque homme : Qui suis-je ?
Que suis-je ? Que reste-t-il ? Qu’est-ce qui change ? Pourquoi je désire ?
Pourquoi je veux ? Pourquoi j ’aime ?
La spiritualité de saint Bernard, se lie au concret et à l’existentiel, et
implique la nécessité d’une connaissance de soi-même qui structure
l’individuation du chemin du salut.
Il écrit :

Noveris licet omnia mysteria, noveris lata terrae, alta coeli, profunda maris ; si te
nescieris, eris similis aedificanti sine fundamento, ruinam, non structuram faciens.
Quidquid exstruxeris extra te, erit instar congesti pulveris, ventis obnoxium. Non
ergo sapiens, qui sibi non est. Sapiens sibi sapiens erit : et bibet de fonte putei sui
primus ipse17.

15
Cf. J. Leclercq, loe. eit., p. 245.
16
Sur le thème cf. E. GILSON, L'esprit de la philosophie médiévale, surtout chap. I.
17
Cf. Bernardus Claraevallensis, De Consideratione, PL 182,745C-D.
376 MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

De cette analyse résulte la prise de conscience de l’homme qui se sait


libre, la conscience de ses capacités de connaissance et, parallèlement,
l’expérience de ses limites - changeantes, temporisées, trébuchant en
erreurs et doutes, marchant dans l’incertitude.
Dans la constatation douloureuse de sa condition mixte de grandeur
et de misère, l’homme se découvre fait à l’image de Dieu ; l’infinitude de
son désir implique l ’impossibilité qu'il surgisse de sa finitude ;
l’instabilité de sa nature exige la nécessité ontologique d’un fondement
étemel.
Suivant saint Paul, saint Bernard ressent fortement la nécessité que
tout homme a de se reconnaître comme créature, c'est à dire, un être rela­
tif, et non pas absolu.
L’Écriture enseigne que l’homme est fait à l’image et à la ressem­
blance de Dieu. Le texte de la Genèse (1, 26, 27), fondement de toute
l’anthropologie patristique et qui agglutine dans son interprétation une
large spéculation occasionnée par Yeikon platonicienne, est, chez notre
auteur, un thème fondamental. Il traduit la proximité initiale de l’homme
et de Dieu qui se présente dans l’esprit de l’homme.
S’éloignant d’Augustin pour qui la raison est l’image, Saint Bernard
la situe dans la volonté et plus spécifiquement dans la liberté. Dans ce
don réside la grandeur de l’homme, en lui rappellant la fin pour laquelle il
a été créé : la béatitude18. Dans la complexité de ce concept, la libertas a
necessitate, qui est, en soi, indestructible est relevée :

Verum libertas a necessitate aeque et indifferenter Deo, universaeque tam malae,


quam bonae rationali convenit creaturae. Nec peccato, nec miseria amittitur, vel
minuitur ; nec major in justo est, quam in peccatore, nec plenior in angelo, quam in
homine19.

La libertas a necessitate et la libertas a miseria n’ont pas, cependant,


le même caractère, bien que la possibilité d’options et de degrés y sont

18 E. Gilson écrit, La Théologie mystique de Saint Bernard, p. 64 : « Dieu a


créé l'hom m e pour l'associer à sa béatitude [...]. Or, pour être heureux, il faut
jouir ; pour jouir, il faut une volonté ; la volonté ne jouit qu'en s'emparant de son
objet par un acte de consentement ; consentir c'est être libre ».
19 Cf. Bernardus Claraevallensis, De gratia et libero arbitrio, PL 182,
1006C.
ORDINATIO CARITATIS 377

implicites, quoique elles se situent dans le même plan de la ressemblance.


En fait l’image n’a véritablement de sens que lorsqu’elle est semblable.
On pourra dire, alors, que pour saint Bernard, l’homme devrait être natu­
rellement image et ressemblance de Dieu, dans la pleine réalisation de sa
nature, dans la réalisation harmonique de la fin pour laquelle il a été créé.
Et, cependant, le fait concret du péché dérègle sa condition de créature,
l’éloignant de la connaissance et de l’amour de Dieu et le détournant vers
les choses temporelles.
La regio dissimilitudinis est, ainsi, la perte de l’amour centré dans
l’éternel, l ’attraction pour le temporel et pour le mondain, le désordre
dans le vouloir : c’est le domaine de la voluntas propria, le refus du par­
tage avec autrui, la dégradation de la charité en cupidité, l’adoration de
soi-même, la rébellion contre Dieu.
Dans une formule très expressive, saint Bernard parle de la
« courbure » de l’âme, qui se substitue à sa droiture20.
Dans la regio dissimilitudinis l’homme se sent perdu ; son âme ne se
reconnaît pas, n ’a pas le courage pour se regarder, la raison est aveugle.
Et, cependant, pour saint Bernard, l’image de Dieu en l’homme reste
indestructible au-delà du péché et de la faute ; même si la ressemblance
est perdue.
Dépouillée de son amour pour l’étemel, l’âme continue encore à être
capable de cet amour, si elle le veut. Au plus profond de sa misère, le
libre arbitre continue à briller, comme un bijou resplendissant.
Si le péché est le détournement de l’amour, alors, la conversion, la
quête de Dieu sera une rééducation de cet amour, une nouvelle ordination
de valeurs, l’éloignement volontaire de l’exil dans la région des corps,
dans la dispersion des choses extérieures.
Le reconnaître est le début de la longue ascension spirituelle. Mais le
prix de ce premier effort est le renoncement au monde. C’est l’expérience
existentielle de saint Bernard qui communique le même appel puissant
qui l’a amené à Cîteaux.
Peut-être y a-t-il dans cette voie de renoncement, un des traits les
plus originaux du Doctor Mellifluus. C’est que ce premier moment de

20 Notons que le symbolisme de l’âme « courbée » par le péché apparaît déjà


chez St. Anselme (Cf. Proslogion, cap. I) et est repris par St. Bonaventure. Cf. E.
GILSON, La philosophie de Saint Bonaventure, Paris, Vrin, 1924, p. 416.
378 MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

conversion n ’apparaît pas objectivé comme fin en soi ou comme condi­


tion abstraite. C ’est, finalement, un résultat de la présence même de
l’amour de Dieu en l’homme déchu.
Cette perspective s’ouvre à la considération des degrés de l’amour
qui, en se ralliant aux parcours de l’humilité et de la liberté, déterminera
un mouvement unificateur de déification21.
Par une analyse psychologique extrêmement riche, saint Bernard se
centre dans l’orientation de l’insatiabilité du désir humain. C’est la propre
expérience de péché, dans son jeu de finitude et de satiété, espèce de soif
maladive qui renaît en permanence, qui amène l’homme a découvrir que
rien de relatif ne peut le satisfaire : uniquement l’Absolu22.
« Idcirco enim alienum mendicat anima, quod oblita sit comedere
panem suum : propterea terrenis inhiat, quod minime coelestia medite-
tur » écrit saint Bernard23. Le désespoir né de la satiété des choses finies
est à peine le contraire de l’espérance du Bien suprême qui nous remue
intérieurement. Le reconnaître est le premier pas vers le chemin d’une
nouvelle reconnaissance de nous-même, dans la quête de Dieu.
Revenant à l ’inspiration augustinienne, saint Bernard dira,
s’adressant à Dieu, « Sed enim in hoc est mirum, quod nemo te quaerere
valet, nisi qui prius invenerit24 ».
Ainsi se rejoignent les niveaux de la raison et de l’amour, en des de­
grés successifs et échelonnés.
La rénovation, la réforme intérieure, ont un caractère pratique, ascé­
tique, mais qui passe aussi par la mise en ordre de la connaissance. La
considération, qui émerge d’une situation d ’exil, se dirige d’abord vers
les choses créées, se relie à l’opinion. La plus haute connaissance se pré­
sente sous l’ombre de la foi, encore que voilée ; elle s’ouvrira, ensuite, à
l’intelligence, concrétisée par la certitude de la possession et assurant la
ressemblance avec l’objet.

21 Cf. E. GILSON, La Théologie mystique de Saint Bernard, chap. IV, p. 108-


141.
22 Le sens de la « satiété » que le péché provoque est un thème central dans la
spiritualité de Grégoire de Nysse. Cf. M. C. PACHECO, S. Gregorio de Nissa. Criação
e Tempo, Braga, Pubi. Fac. Filos, de Braga, 1983, p. 203-207.
23 Cf. B ERNARDUS C laraevallensis , Sermones : ln Psalmum Qui habitat,
PL183, 226D.
24 Cf. B ernardus C lara eva llensis , De diligendo Deo, PL 182, 987C.
ORDINATIO CARITATIS 379

Dans les premiers pas de l’itinéraire de la conversion, la connais­


sance de soi - authentifiée dans l’expérience de la situation réelle et
concrète -, est essentielle pour que l’âme prenne conscience de sa condi­
tion d’image défigurée : « An non confunderis sursum caput habere, qui
sursum cor non habes ! corpore rectus stare, qui corde repis in terra25 ? ».
Revenant à l’inspiration de saint Benoît, saint Bernard y puise toute
sa doctrine de l’humilité. Son acquisition progressive conduit l’homme à
la vérité sur lui-même - et la vérité sur soi-même enseigne la charité
parce qu’elle ouvre les yeux à la misère du prochain. Il prend, ainsi,
conscience de tout ce qui lui reste de charnel, de misère, de tendance
encore pour le péché. Cette transformation graduelle et lente, implique la
transmutation de l’amour charnel en pur amour, et se répandra dans la
totale liberté pour aimer Dieu.
Cette analyse lucide du progrès graduel, au niveau de l’ascèse, ex­
primé moment après moment, pas à pas, effort après effort, en un dyna­
misme constant et progressif dont la source et l’origine sont l’amour de
Dieu - Dieu Charité, source de tout amour, est caractéristique de la pen­
sée de saint Bernard.
L ’apprentissage de l’amour pur, est, ainsi, le dépassement du plan de
l’amour sensible, le chemin de l’union avec la vie trinitaire.
La raison illuminée, la volonté enflammée par la charité,
s’approchant de plus en plus de l’union avec Dieu, l’âme désire encore
l’initiation suprême, la vision de la Lumière.
Saint Bernard écrit dans le De gradibus humilitatis et superbiae :

Utramque vero partem, rationem scilicet et voluntatem, alteram verbo veritatis ins­
tructam, alteram spiritu veritatis afflatam ; illam hyssopo humilitatis aspersam, hanc
igne charitatis succensam ; tandem jam perfectam animam, propter humilitatem
sine macula, propter charitatem sine ruga [...]
[...] ita ut nec ratio de se, nec voluntas de proximo cogitare sinatur, sed hoc solum
beata illa anima dicere delectetur, Introduxit me Rex in cubiculum suum26.

25 Cf. B er nardus C laraevallensis , Sermones de diversis : Sermo XII, PL 183,


571C.
26 Cf. B er na rdu s C laraevallensis , De gradibus hum ilitatis et superbiae,
PL 182, 953C.
380 MARIA CÂNDIDA MONTEIRO PACHECO

L’analyse de Saint Bernard de tout le parcours ascétique est détaillée,


précise, rigoureuse, totalement pénétrée d’un savoir fait d’expérience, de
l’entendement spirituel de la Parole révélée, du contact avec les grands
textes patristiques qu’il a assimilés et fait siens. Dans la description des
phases mystiques il y a, cependant, une contention sereine : le poétique et
le symbolique frôlent le mystère, touchent l’indicible, et le silence est
présent.
A ce niveau, trois idées semblent centrales et profondément expres­
sives. D ’abord l’affirmation très claire que l’itinéraire spirituel n ’est ja­
mais conclu, mais toujours ouvert, en dynamisme et en tension perma­
nente vers un Absolu et un infini ; ensuite rien, dans ce parcours n’est
définitivement acquis ou assuré, car la conversion vient de l’homme,
créature instable, assujettie encore et toujours à des chutes et des reculs ;
enfin, l ’union mystique et l’extase sauvegardent toujours la radicale
transcendance de Dieu, constituant l’approximation qui assimile sans
anéantir, et est seulement annonciatrice de la transfiguration future dans
la gloire :

Sic affici, deificari est. Quomodo stilla aquae modica, multo infusa vino, deficere a
se tota videtur, dum et saporem vini induit, et colorem ; et quomodo ferrum ignitum
et candens, igni simillimum fit, pristina propriaque forma exutum ; et quomodo so­
lis luce perfusus aer in eamdem transformatur luminis claritatem, adeo ut non tam
illuminatus, quam ipsum lumen esse videatur : sic omnem tunc in sanctis humanam
affectionem quodam ineffabili modo necesse erit a semetipsa liquescere, atque in
Dei penitus transfundi voluntatem27.

27
Cf. B ernardus Claraevallensis , De diligendo Deo, PL 182,991A-B.
D o m inique P oirel

DE LA SOURCE A LA SOMME :
LES VARIATIONS D’HUGUES DE SAINT-VICTOR

« Écrire, c ’est toujours récrire ». Cette affirmation, dont nous


n’avons pu trouver la source première mais que de nombreux auteurs ont
répétée avant nous, parfois en lui accordant des significations diverses, se
vérifie par excellence à propos de la littérature médiévale1. D’abord en ce
sens que la création littéraire s’y apparente toujours à une répétition. Tout
est dit, et comment en serait-il autrement dans une culture qui se pense
elle-même comme le prolongement de textes fondateurs : Écritures saintes,
Pères, Anciens, ouvrages scolaires et textes normatifs ? Dès lors, écrire
consiste fatalement à reprendre ce qu’un autre a déjà exprimé, pour le
compiler, le reformuler ou le commenter, l ’éclaircir, le déployer ou
l’adapter à des circonstances sans cesse renouvelées. De là vient que la
littérature médiévale, si riche et foisonnante qu’elle soit, apparaisse et se
présente elle-même comme une littérature d’imitation, et que ses formes
les plus caractéristiques soient le commentaire, la glose, le sermon, le
centón, le florilège, la continuation, l’interpolation, la traduction,
l’apocryphe et la réactualisation de toute sorte.
Écrire, c’est aussi récrire en ce sens plus concret que copier un texte
à la main n’est jamais une opération neutre : au Moyen Âge comme de
nos jours, ce mode de reproduction des œuvres favorise leur transforma­
tion, graduelle ou brutale, involontaire ou recherchée, par la personne qui
les lit et les comprend en vue de les retranscrire. Pour le meilleur ou pour
le pire, les textes vivent, ils ont une histoire. Non seulement les copistes
successifs, conscients de reproduire des exemplaires altérés, s’estiment
fondés à en rectifier les « fautes de copie » qu’à tort ou à raison ils croient
reconnaître, ou parfois à intervenir consciemment sur le texte originel
pour l’améliorer ou l’adapter à leur usage, mais les auteurs eux-mêmes

1 Sur internet, en date du 12 avril 2005, la phrase est entre bien d’autres attribuée
à Janette Bertrand, John Irving, Christian de Montella, Richard North Patterson, sans ou­
blier un memento à l’intention des enseignants de Lettres.
382 DOMINIQUE POIREL

sont souvent les premiers à remanier leurs écrits, aussi longtemps du


moins qu’ils continuent de s’intéresser à eux : puisque l ’imprimerie
n’impose pas encore son artificielle fixité, chaque copie nouvelle exécu­
tée par eux ou sous leur contrôle devient une occasion de remettre
l’ouvrage sur le métier.
Avant la copie mécanique et l’affectation moderne d’originalité, la
récriture est donc la loi de l’écriture ancienne et médiévale. Pour l’étudier
dans ses divers aspects, Hugues de Saint-Victor apparaît comme un au­
teur privilégié : son œuvre multiforme, à la fois traditionnelle dans ses
matériaux et originale dans leur mise en œuvre, se résume bien dans cette
phrase de la Practica geometriae : « Je ne forge pas un ouvrage nouveau,
mais rassemble des choses anciennes qui se trouvaient dispersées2 ». Ex­
cellent connaisseur des Anciens, de la Bible et des Pères, le maître de
Saint-Victor n’en séduit pas moins par une fraîcheur du style et du senti­
ment, qui tient pour une large part à cet art de la récriture dont il semble
avoir épuisé toutes les variétés possibles. Aussi nous proposons-nous
d’inventorier, de décrire et d’interpréter ses diverses façons de retravailler
ses sources ou ses propres œuvres, avec l’espoir que cette étude nous ou­
vrira l’accès au mystère de l’acte d’écrire chez l’un des plus fameux auteurs
et penseurs du Moyen Age central.
Récrire, au fond, consiste à s’éloigner plus ou moins d’un texte pre­
mier (A), pour aboutir à un texte second (B), au terme d ’un processus de
différenciation : tout texte récrit offre donc, comparé à celui dont il dé­
rive, un mélange de ressemblance et de dissemblance. Partant, on pourrait
distinguer les multiples formes de récriture selon la distance qui sépare
les textes A et B , depuis la révision légère et insensible jusqu’à la refonte
totale ; ou, plus profondément, selon que le processus de dissimilation af­
fecte davantage la lettre du texte ou sa signification ; ou enfin, et c’est le
plan que nous suivrons, suivant les relations qui unissent les textes A et
B : 1) œuvres diverses d ’auteurs différents, 2) œuvres diverses d’un
même auteur, 3) états successifs d’une même œuvre.

2 « ...non quasi nouum cudens opus, sed uetera colligens dissipata. », Practica
geometriae, Prologus, éd. R. B aron, Notre Dame, 1966, p. 15.
DE LA SOURCE A LA SOMME 383

I. L’écrivain devant ses sources

En premier lieu, étudions la façon dont Hugues incorpore ses sources


à ses propres écrits3. Suivant le type de sources et les phases de son acti­
vité littéraire, son attitude d’écrivain a sensiblement évolué. On ne saurait
tout passer en revue ; aussi nous concentrerons-nous sur trois types prin­
cipaux de traitement :
(1) au début de sa carrière, quelques cas de compilation retravaillée,
observables surtout dans le Didascalicon ;
(2) en sens inverse, une tendance dominante à reformuler les Pères
au lieu de les citer tout bonnement ;
(3) enfin, entre ces deux cas extrêmes cl’une récriture minimale ou
maximale, un patient travail de reformulation des textes commentés, Bible
surtout, pour en déployer le sens et se les approprier.

1. Compiler

Sans doute composé avant 1121, le Didascalicon est un « art de


lire4 ». Dans les domaines profane (livres I-III) puis sacré (livres IV-VI),
cet ouvrage pédagogique répond à la triple question : que lire ? dans quel
ordre ? et comment ?5. S’il n ’y est pas exactement question de l’écriture
ou de la récriture, le Didascalicon n’en est pas moins essentiel pour com­
prendre le rapport de l’écrivain avec les sources dont il recommande la
lecture, que celle-ci soit solitaire, ou encadrée par un maître dans le cadre
de la lectio, enseignement fondé sur un livre faisant autorité6. Chaque dis­
cipline est en effet liée à quelques livres fondateurs, dont l’assimilation et
la discussion sont des exercices majeurs dans les écoles.

3 Sur les sources d ’Hugues, lire L. O t t , « Hugo von St. Viktor und die Kirchen­
väter », dans Divus Thomas, t. 27, 1949, p. 180-200, 233-332 ; H. W eisw eiler , « Die
Arbeitsmethode Hugos von St. Viktor : Ein Beitrag zum Entstehen seines Hauptwerkes
De Sacramentis », dans Scholastik, t. 30-34, 1949, p. 58-87, 232-267 ; D. PoiREL, Hugues
de Saint-Victor, Paris, 1998 (Initiations au Moyen Âge), p. 32-36.
4 C h . H. B uttim er , Hugonis de Sancto Victore Didascalicon De studio legendi. A
Critical Text, Washington, 1939.
5 Didascalicon, Praef., éd. B uttimer , p. 2, lignes 20-21.
6 Didascalicon, III, 7, éd. Buttimer , p. 57-58.
384 DOMINIQUE POIREL

Rien donc d’étonnant à ce qu’Hugues lui-même insère à son « art de


lire » le fruit de ses lectures antérieures. C’est ce qu’il fait de façon très
inégale : tandis que le livre IV est presque entièrement tissé d’emprunts
implicites, le livre VI en est à peu près exempt. Dans l’ensemble, il s’agit
non de textes prestigieux, mais plutôt de manuels ordinaires, presque
toujours compilés sans indication de l’auteur. Ainsi, l’ouvrage de loin le
plus utilisé n ’est autre que les Étymologies d’Isidore de Séville, recueil
encyclopédique de définitions étymologiques, à la fois commodes, con­
cises et largement admises ; puis viennent les ouvrages de Boèce, no­
tamment son premier commentaire sur Porphyre ; Augustin et Jérôme ap­
portent certes quelques extraits, mais de façon anonyme et peu caracté­
ristique. À l’évidence, ce travail de compilation ne vise pas à légitimer le
discours hugonien par un recours à des auteurs de premier ordre, mais
plutôt à recueillir une matière déjà rédigée, instructive, claire, synthétique
et bien connue, pédagogique en somme et toute prête à être assimilée par
les étudiants de Saint-Victor.
Comme souvent, assembler de tels extraits demande quelque travail
sur leurs franges, pour les insérer harmonieusement, parfois aussi sur leur
teneur. Ainsi, transcrivant du Décret Gélasien une liste de textes « authen­
tiques», c ’est-à-dire unanimement admis dans l ’Église, Hugues ajoute
quelques noms significatifs : Gélase lui-même, auteur supposé du Décret,
puis le Pseudo-Denys l’Aréopagite, dont il a si largement diffusé la pen­
sée grâce à son influent commentaire sur la Hiérarchie céleste, enfin Cas-
siodore dont il loue l’explication des Psaumes\ Loin d’une copie servile,
la liste du Didascalicon est bien une « récriture » en ce sens que les textes
retranscrits le sont librement, dans un constant souci d’adaptation au pro­
pos actuel.

2. Citer

À l’opposé de ces emprunts implicites, se tient la citation proprement


dite, par laquelle un auteur donne ouvertement la parole à un auteur anté­
rieur. Il ne s’agit donc plus de produire un texte neuf à partir de textes an­
ciens, raboutés et plus ou moins remaniés, mais d’introduire un texte dans
un autre de telle sorte que l’un et l’autre gardent leur identité. Or, en de-

1 Didascalicon, IV, 14, p. 88-89.


DE LA SOURCE A LA SOMME 385

hors de la Bible, de telles citations sont étonnamment rares chez Hugues


de Saint-Victor. Tandis que sa connaissance du Docteur d’Hippone lui a
valu d’être surnommé « l ’autre Augustin», qu’il avoue une affection
toute spéciale pour Grégoire le Grand et que son commentaire du Pseudo-
Denys joue un rôle décisif dans le renouveau des études aréopagitiques, à
l’évidence il répugne à citer les Pères de l’Église8.
Quelques dénombrements l’attestent : sur 135 citations explicites
qu’on a pu repérer d’Augustin (78), Ambroise (22), Jérôme (15), Gré­
goire (14), Bède (4), enfin Origène, Hilaire et Isidore (1), pas moins de
104 se trouvent dans le seul De sacramentis, presque toutes dans un petit
nombre de sections insolites par leur forme, puisqu’elles sont en réalité
des dossiers patristiques9. L ’extrême inégalité de cette distribution sug­
gère cette conclusion, que d’autres indices appuient : le De sacramentis
est un ouvrage en partie inachevé. Le temps ou le goût ont manqué à notre
auteur pour élaborer certaines parties, en particulier les trois dernières du
livre II, si bien qu’au lieu de textes rédigés, nous en avons conservé des
dossiers préparatoires.
Veut-on une confirmation ? Comparons les parties achevées du De
sacramentis avec celles, analogues, des Sententiae de diuinitate, c’est-à-
dire la reportatio révisée par Hugues de son enseignement théologique,
texte qui lui a ensuite servi de base pour composer le De sacramentis10.
Aux parties communes, on voit que les rares citations patristiques pré­
sentes dans les Sententiae de diuinitate disparaissent à l’étape suivante,
c’est-à-dire lors de leur récriture dans le De sacramentis. Volonté de pla­
giat, refus d’avouer ses sources ? Bien sûr que non, mais d’une œuvre à
l’autre il y a plutôt eu une progression dans l’assimilation de la pensée
patristique. De ses lectures multiples, peu à peu le penseur fait son propre
miel.

8 Voir notre article : « ‘Alter Augustinus - Der zweite Augustinus’ Hugo von
Sankt Viktor und die Väter der Kirche », dans Väter der Kirche, Ekklesiales Denken von
den Anfängen bis in die Neuzeit. Festgabe fü r Hermann Josef Sieben SJ zum 70. Geburt­
stag, éd. par J. A r n o l d , R. B e r n d t , R. M. W. S t a m m b e r g e r , Paderbom-München-
Wien-Zürich, 2004, p. 643-668.
9 De sacramentis, éd. PL 176, 173-618.
10 Sententiae de diuinitate, éd. A. PlAZZONi, « Ligo di San Vittore « auctor » delle
Sententie de diuinitate », dans Studi Medievali, 3a ser., t. 23, 1982, p. 861-955.
386 DOMINIQUE POIREL

On voit à quel point la théologie d’un Hugues de Saint-Victor diffère


en sa méthode de celle d ’un Pierre Abélard : au lieu que ce dernier cons­
truit son discours à partir d ’« autorités » qu’il cite, analyse, commente et
concilie à l’aide de sa compétence technique dans les arts du langage11,
Hugues n’appuie pas son discours sur celui des Pères, mais il les imite
plutôt en s’exprimant avec autorité sur les questions théologiques qui se
posent à lui. Loin donc de chercher à convaincre en alléguant la lettre de
textes prestigieux, au risque de les instrumentaliser, il expose sa doctrine
pour elle-même, comptant moins pour la faire valoir sur un mélange ins­
table d’arguments d’autorité et d’habileté dialectique, que sur la vigueur
intrinsèque d’une pensée synthétique, qui intériorise et unifie de façon
originale le meilleur de la tradition antérieure. Récrire ses lectures, afin
de les faire disparaître comme « emprunts » et les transformer plutôt en
« sources » vivantes et fécondantes grâce à un lent travail de la mémoire,
telle est donc l’opération à laquelle notre auteur se livre tout au long de sa
vie littéraire12.

3. Reformuler

Pour observer ce travail quasi-biologique d’assimilation, les com­


mentaires hugoniens fournissent un observatoire privilégié. Avant tout en
effet, le maître de Saint-Victor est un lector sacer, un exégète des textes
saints, de la Bible au Pères de l’Église. À ce titre, ses commentaires pra­
tiquent méthodiquement cette forme de récriture qu’est la reformulation,
soit pour élucider une difficulté de compréhension présente dans un pas­
sage commenté, soit pour en déployer la richesse spéculative ou spiri­
tuelle.
Déjà peu accessible en grec par sa doctrine exigeante exprimée dans
une langue complexe et grevée de néologismes, le texte de la Hiérarchie
céleste du Pseudo-Denys est encore obscurci en latin par quelques erreurs
de traduction de l’Érigène et surtout par son choix d’une version calque,

11 J. J oli VET, Arts du langage et théologie chez Abélard, Paris, 1969 (Etudes de
philosophie médiévale, LVII).
12 Sur le travail de la mémoire entre lecture: et écriture, voir en particulier
M. C a r r u t h e r s , The Book o f Memory. A Study o f Memory in Medieval Culture, Cam­
bridge, 1990.
DE LA SOURCE A LA SOMME 387

qui conserve les structures syntaxiques de la langue d’origine au lieu de


les transposer. Aussi les passages peu intelligibles abondent-ils, tel celui-
ci :

Itaque per alium dictum uenientem in alium angelum auditum simbolum faciemus
alongé superperfectae et per processionem occultae in sequentia perfectionis13.

La multiplication des participes, la proximité de noms neutres {dic­


tum, simbolum) et masculins à l’accusatif {angelum) entrave l’intelligence
de la phrase : par exemple, faut-il rapporter le participe auditum à ange­
lum ou à simbolum ? Pour aplanir le sens, Hugues pratique deux refor­
mulations successives. La première reprend la phrase intacte, hormis
l’adverbe initial Itaque qui est omis, mais lui fait subir deux traitements :
les mots sont remis dans un ordre plus conforme aux habitudes du latin
médiéval ; des incises exégétiques, introduites par hoc est, id est, scilicet,
etc., expliquent les termes difficiles en même temps qu’elles découpent la
phrase en petites unités de sens : d’abord le noyau grammatical de la
phrase (verbe et complément d’objet direct), puis un par un les autres
groupes de mots, énoncés selon la succession qui paraît la plus claire :

Simbolum faciemus, hoc est exemplum siue demonstrationem, perfectionis, scilicet


diuinae, alongé superperfectae, quia scilicet longe super omnia perfecta est, et oc­
cultae per processionem in sequentia, quia, cum in se occulta sit et inuisibilis, per
processionem tamen exit et manifestatur in sequentia, id est in eos qui post ipsam
primo loco sunt immediate, siue in eos qui post illos sequuntur. Huius inquam per­
fectionis diuinae, in se perfectae et occultae et tamen per largitionem gratiae in se­
quentia procedentis, simbolum faciemus dictum, id est dictionem siue sermonem,
per alium angelum prolatum et postea uenientem in alium angelum et ab eo audi­
tum14.

Après cette première reformulation, dans l’ensemble très respec­


tueuse de la lettre du texte commenté, le commentateur peut en présenter
une seconde, qui l’est bien moins. Il se concentre alors sur l’idée princi­
pale, à savoir la transmission hiérarchique d’ange en ange, de supérieur à
inférieur, d ’une révélation venue de Dieu. Quelques mots sont alors

13 Super lerarchiam caelestem, Vili-Vili, éd. PL 1078D-1079A. Le texte que nous


citons a été corrigé selon notre édition critique en cours.
14 Ibid., 1079A.
388 DOMINIQUE POIREL

conservés de la phrase initiale, mais le commentateur ne craint pas de


changer les désinences {alius angelus au lieu à'alium angelum, perfectio
au lieu de perfectionis, sequentes au lieu de sequentia) ou les catégories
grammaticales {dixit au lieu de dictum, factum au lieu de faciemus, pro­
cedit au lieu de processio). Au passage, le Victorin modifie le style de la
phrase dionysio-érigénienne : il ajoute des anaphores {alius quatre fois) et
des effets de rimes {dixit, audiuit, protulit, suscepit, procedit) qui scan­
dent la phrase et accentuent son découpage en cola :

In eo enim quod alius angelus dixit, alius audiuit, alius doctrinam protulit, alius
suscepit, simbolum factum est, hoc est demonstratio siue argumentum, quod diuina
perfectio per priores et superiores ad sequentes et inferiores participanda procedit15.

Le commentaire d ’un passage du Pseudo-Denys se lit donc ici


comme une série de trois phrases opérant un glissement continu de la lettre
du Pseudo-Denys à sa récriture de plus en plus libre par le commentateur.
Tout se passe comme si le Victorin, prenant la version érigénienne au
point où celui-ci l’avait laissée, poursuivait par avancées successives le
mouvement de traduction, c’est-à-dire d’adaptation et d ’acclimatation de
la pensée exprimée dans sa nouvelle langue d’accueil. En l’occurrence,
l’art hugonien de la récriture épouse avec bonheur son propos d’exégète.
Ailleurs, la reformulation d’un passage commenté aide à en déployer
le sens. La fameuse phrase de l’Exode (3,14) qui fonde la « métaphysique
de l’Exode », ego sum qui sum, est récrite de trois façons, introduites par
la formule caractéristique ac si diceret... puis Vel... Vel... Tandis que la
première est littéralement assez éloignée de la phrase originelle, les deux
autres se bornent à citer le lemme commenté en le complétant d’un mot
{tecum, immutabiliter), comme si celui-ci avait été sous-entendu par
l’auteur sacré :

E go svm OVI svm. A c si diceret : « Nomen meum non dicam eis, qui scilicet nomen
meum scire deberent. » Et e
st ironice dictum, quasi diceret : « Nomen meum ignoratur ».
Vel sic : « Ne diffidas quid loquaris, quid dicas eis quia ego sum qui tecum sum, id
est quo iuuante facies illa miracula ».
Vel aliter : « Ego sum qui immutabiliter sum, cuius nomen proprium est ‘ens’16 ».

15
Ibid., 1079AB.
16
Annotationes in Exodum, III, 14, éd. PL 175, 62B.
DE LA SOURCE A LA SOMME 389

Au but d’élucidation, déjà mis en lumière ci-dessus, s’ajoute le des­


sein de présenter plusieurs interprétations possibles : tautologie ironique,
promesse d’une présence active, autodésignation à valeur ontologique. Le
même verset biblique se démultiplie donc en plusieurs exégèses concur­
rentes, comme si la Parole divine qu’il exprime renfermait une surabon­
dance de significations. Il revient alors à l’exégète de faire entendre ses
diverses harmoniques, la succession de diverses reformulations étant pour
cela un moyen efficace.
Parfois, la reformulation exégétique vise à susciter certains senti­
ments chez le lecteur. Commentant les mots tota pulchra es du Cantique
des cantiques {Cant. 4, 7), qu’il applique à la Mère Dieu à l’occasion de
la fête de l’Assomption, Hugues exprime sa piété mariale en faisant pour
ainsi dire miroiter et scintiller de tous ses feux la beauté de la Bien-
aimée17. Les mots tota pulchra es sont pour cela répétés au moins cinq
fois de façon littérale, par intervalles, en guise de refrain. Entre ces reprises,
l’exégète «joue » avec l’idée de beauté et de totalité : dans une première
« strophe » il compare la beauté de l’Épouse à celle de l’Époux ; dans la
seconde il confronte la beauté du corps à celle de l’âme ; dans la troi­
sième il prolonge l ’idée précédente en variant les termes signifiant la
beauté. D ’un bout à l’autre de notre morceau, pas moins de onze et seize
mots de la famille de tota et pulchra croisent les fils d’une tapisserie litté­
raire. Reformuler, redire et répéter de multiples façons que la Vierge est
« toute belle » est pour l’exégète une façon d’exprimer sa ferveur admi­
rative et de la susciter chez son lecteur. La technique littéraire de la
« farcissure » fait songer aux séquences d’Adam de Saint-Victor, qui glo­
sent, varient et démultiplient le sens de l’alléluia, en même temps qu’elles
en soutiennent les mélismes : ici de même, la reformulation se fait jubila­
tion :
T ota pvlchra e s , amica m ea .
Ego totus pulcher,
et tu tota pulchra.
Ego per naturam,

17 Pro Assumptione Mariae, éd. B. JOLLES, L ’amvre de Hugues de Saint-Victor,


t. II, Super Canticum Mariae, Pro Assumptione Virginis, De beatae Mariae uirginitate,
Egredietur virga, Maria porta, Tumhout, 2000 (Sous la Règle de saint Augustin, 7), p.
101-167.
390 DOMINIQUE POIREL

et tu per gratiam.
Ego totus pulcher,
quia omne quod pulchrum est in me est
tu tota pulchra,
quia nihil quod turpe est in te est.
T ota pvlchra e s , amica m ea , et m acvla non est in te .
T ota pvlchra e s ,
pulchra in corpore,
pulchra in mente.
In corpore pulchram te facit integritas uirginitatis,
in mente pulchram exhibet uirtus humilitatis.
Tota ergo pulchra es,
corpore niuea,
mente sincera.
T ota pvlchra es :
Nichil enim in te pulchritudo reliquit quod non possideat ;
totum decor obtinet,
formositas tenet,
regit honestas.
T ota pvlchra e s , amica m ea , et macvla no n est in t e 18.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le travail de récriture


qu’Hugues fait subir à ses sources, de l’insertion simple sans presque de
changement, à la réélaboration totale dont les traces de l ’emprunt en
viennent à disparaître, en passant par la reformulation exégétique, chan­
gement progressif où se lisent les étapes d’un lent travail d’assimilation,
d’élucidation et de déploiement du sens. Mais il est temps d’observer des
glissements analogues, cette fois entre diverses œuvres d’Hugues lui-
même.

II. D’une œuvre à l’autre

Pour interpréter avec sécurité les cas de récriture à l’intérieur de


l’œuvre hugonien, on aimerait disposer d’une chronologie confirmée de
ses divers écrits. Malheureusement, il faut bien avouer qu’en dépit de
tentatives prématurées ou partielles, la datation des écrits hugoniens est

Ibid., p. 118.
DE LA SOURCE A LA SOMME 391

encore balbutiante19. Nous nous appuierons donc sur quelques cas où la


chronologie au moins relative est solidement fondée ; pour d’autres, nous
en serons réduits à proposer des hypothèses vraisemblables. D’une œuvre
à l’autre du Victorin, trois cas principaux se présentent à notre attention :
(1) un passage de quelque importance se lit dans deux œuvres de
natures diverses. Le travail de récriture proprement dit est alors minime,
le changement principal venant de l’insertion d’un passage identique ou
peu s’en faut dans deux cadres différents, qui lui confèrent une portée di­
verse ;
(2) à l’inverse, on remarque, entre deux ou plusieurs œuvres ana­
logues, des textes voisins par leur signification, mais dont le texte a été
récrit dans son entier. Cette fois-ci, le cadre général est assez stable, mais
les matériaux qui le remplissent varient sensiblement.
(3) enfin, plusieurs écrits de tailles diverses comportent un dévelop­
pement commun qui se modifie peu à peu d ’œuvre en œuvre, suggérant
par là quelques observations générales sur la façon dont naissent, se dé­
veloppent et se rassemblent les thèmes favoris du Victorin.

1. Remployer

Le cas le plus massif de remploi interne concerne un développement


sur l’Eucharistie, qui se lit dans le commentaire sur la Hiérarchie céleste
et dans la somme De sacramentis20. On ne saurait douter que ce long pas­
sage ait d’abord été composé pour le commentaire : il conserve de part et
d ’autres quelques lambeaux du texte dionysien qui l’a suscité21. A

19 D. V an den E y n d e , Essai sur la succession et la date des écrits de Hugues de


Saint-Victor, Romae 1960 (Spicilegium Pontificii Athenaei Antoniani, 13). Nous avons
critiqué sa méthode de datation dans notre ouvrage : D. PoiREL, Livre de la nature et dé­
bat trinitaire. Le ‘De tribus diebus’ de Hugues de Saint-Victor, Paris-Tumhout, 2002 (Bi­
bliotheca Victorina XIV), p. 131-150.
20 Super Ierarchiam caelestem, II-I, éd. PL 175,, 951B-953D ; De sacramentis, II,
Vili, 6-8, éd. PL 176, 465C-467A.
21 « (...) quoniam (quod De sacr.) ‘diuinissimae Eucharistiae assumptio’ sacra­
mentum est et imago ‘participationis Iesu’ », Super Ierarchiam, II-I, éd. PL 175, 953C, De
sacramentis, II, vili, 8, éd. PL 176, 467D, citation du Pseudo-Denys : « (...) et Iesu parti­
cipationis ipsam diuinissimae Eucharistiae assumptionem », cf. IOHANNIS SCOTI
E r iv g e n a e , Expositiones in Ierarchiam coelestem, éd. J. BARBET, Turnhout, 1975
(CCCM 31), p. 16, lignes 569-570.
392 DOMINIQUE POIREL

l’origine, il formait une quaestio polémique, dirigée contre les adversaires


de la présence réelle. Ceux-ci semblent s’être appuyés sur le texte de la
Hiérarchie céleste pour réduire le sacrement à une « image » de la parti­
cipation spirituelle au Christ. En répondant qu’une chose peut être image
d’une autre chose sans cesser d’être pleinement véritable en elle-même, le
Victorin en vient à préciser son enseignement sur le sacrement de l’autel,
où il distingue trois éléments : a) l’apparence visible du pain et du vin, b)
la vérité du corps et du sang du Christ, c) la vertu d’une grâce spirituelle.
Les espèces visibles du pain et du vin sont image et sacrement de la pré­
sence réelle du corps et du sang, laquelle est à son tour image et sacre­
ment de la grâce spirituelle. Les trois éléments sont ainsi articulés les uns
aux autres, sans que la réalité de l’un doive être contestée.
Hormis une vingtaine de variantes, si insignifiantes qu’elles se ra­
mènent peut-être à de banales erreurs de copie, tout ce passage d’un mil­
lier de mots est littéralement reproduit dans le De sacramentis12. La modi­
fication la plus importante concerne la phrase initiale : au lieu des mots :
« Assurément, il faut noter ici que certains ont pensé s’appuyer sur ce
passage (ex hoc loco) pour trouver confirmation de leur erreur... », on lit
désormais : « Il en est qui ont pensé s’appuyer sur certains passages des
Écritures (ex quibusdam Scripturarum locis) pour trouver confirmation
de leur erreur... ». Grâce à quoi, notre auteur coupe en quelque sorte le
cordon ombilical qui reliait ce passage au traité du Pseudo-Denys, suivant
un processus d’écart progressif par rapport à la source qu’on a déjà ren­
contré plus haut. La référence à un contexte polémique subsiste, ainsi que
l’idée que ses adversaires s’appuient sur des textes sacrés, mais la sup­
pression du démonstratif et l’emploi d’un pluriel généralisant donnent son
autonomie à la section du Super 1erarchiam. Ainsi peut-elle s’intégrer
harmonieusement dans le De sacramentis, qui s’ordonne selon un plan
thématique, et non plus suivant le fil d’un texte à commenter.
Au fond, ce déplacement d’une œuvre à l’autre était assez facile à
opérer, car d’une certaine manière il était déjà préparé dans le Super Ie-
rarchiam, où il marque une sorte de pause, presque d’interruption, dans le
travail exégétique. A tel point que Weisweiler a vu là l’indice d’un

22 Parmi les variantes : remplacement de uel par aut, déplacement ou omissions de


la conjonction et, omission du pronom ipse et de l'adverbe autem, remplacement d'animo­
rum par animarum, de sui par sancti, inversion anodine des mots cibus est, etc.
DE LA SOURCE A LA SOMME 393

« Doppelkommentar », comme si le Super Ierarchiam était en réalité la


fusion de deux commentaires hugoniens, Tun mot à mot, l’autre plus per­
sonnel et entrecoupé de développements autonomes comme celui-ci23.
Contredite par d’autres faits, cette hypothèse doit être abandonnée, mais
elle n ’a pas tort de percevoir comme des césures dans le commentaire
hugonien : de temps à autre, la confrontation avec le texte dionysien sus­
cite chez Hugues comme de libres échappées qui le conduisent assez loin
de la stricte exégèse littérale24. De là une sorte d’alternance entre lectio et
quaestio, qui pouvait encourager l’auteur lui-même à reprendre tel excur­
sus pour lui donner une place mieux marquée dans un cadre plus adapté.
Le labeur de l’exégète a ensemencé le travail du théologien.

2. Retravailler

Dans d’autres cas, la partie commune à deux œuvres ne se limite pas


à une section, mais le thème général, parfois même la structure, sont
communs. Les traités sur l’arche de Noé (De archa Noe, Libellus de for­
matione archae, De uanitate mundi) offrent ainsi trois façons différentes
de revenir sur la signification spirituelle de l’arche de Noé, figure à la fois
de l’Église, de la sagesse et de la grâce. Plus nettement, les trois syn­
thèses doctrinales du Victorin (De sacramentis dialogus, Sententiae de
diuinitate, De sacramentis) abordent la même matière - l’histoire sainte
revisitée à partir de la notion de « sacrement » - suivant un plan général
assez stable, même s’il a été complété dès la seconde œuvre :

23 H. W eisw eiler , « Die Pseudo-Dionysiuskommentare In coelestem Hierarchiam


des Scotus Eriugena und Hugos von St. Viktor », dans Recherches de théologie ancienne
et médiévale, t. 19, 1952, p. 26-47.
24 Voir notre article à paraître sur ce sujet : « La boue et le marbre : l'exégèse du
Pseudo-Denys par Hugues de Saint-Victor », dans les actes d ’un colloque tenu à Mayence
les 18-21 avril 2004 : Bibel und Exegese in Sankt Viktor zu Paris. Form und Funktion eines
Grundtextes im europäischen Rahmen.
394 DOMINIQUE POIREL

Plan des synthèses théologiques d’Hugues de Saint-Victor

De sacramentis dialogus Sententiae de diuinitate De sacramentis christianae


fidei
(Lettre de Laurent)
Prologue (sur l ’Écriture) Prologue (sur l’Écriture)
Livre I : avant l’Incarnation Livre I : avant l’Incarnation
(Création du monde) 1. Création du monde 1. Création et constitution
de ce monde sensible
2. Causes primordiales 2. Cause de la création de
l’homme et causes primor­
diales de toutes choses
3. Sainte Trinité, Dieu lui- 3. Connaissance de Dieu,
même qui est la source et comment dès le début il
l’origine de toutes les causes s’est manifesté à la fois un
et trine
4. Volonté de Dieu, où nous 4. Volonté de Dieu et les
dirons si tout, le bien divers modes par lesquels
comme le mal, se produit l’Écriture sainte a eu
par sa volonté ou non (...) l’habitude de parler de la
volonté de Dieu
5. Création des anges 5. Création des anges, leur
confirmation et leur chute et
tout ce qui rapporte à eux
(Création de l’homme) 6. Création de l ’homme et 6. Création de l’homme et
son instruction par les com­ son état avant le péché
mandements
(Chute de l’homme) 7. Chute de l’homme 7. Chute (de l’homme)
(Réparation de l’homme) 8. Réparation de l ’homme, 8. Réparation (de l’homme)
par quel plan Dieu a décidé
de réparer l ’homme
(Institution des sacrements) 9. Institution des sacre- 9. Institution des sacre-
ments ments
(Foi) 10. Foi, car il y a trois cho­ 10. Foi
ses nécessaires au salut : la
foi, les œuvres et les sacre­
ments
(Sacrements de la loi natu- 11. Sacrements de la loi ma- 11. Sacrements de la loi na-
relie) turelle turelle
(Sacrements de la loi écrite) 12. Sacrements de la loi 12. Sacrements de la loi
écrite jusqu’au Christ écrite
DE LA SOURCE A LA SOMME 395

Comparés sur un passage analogue, les trois ouvrages montrent


comment la permanence d’un thème commun s’accompagne d’un travail
de remodelage et de récriture si complet que d ’une œuvre à l’autre la
forme littéraire et le vocabulaire sont largement renouvelés. L’échange
sous forme de questions et réponses du Dialogus donne lieu dans les
Sententiae à une quaestio scolaire assez sèche, qui s’étoffe dans la Sum­
ma. À l’unique explication physique du Dialogus s’en ajoute une seconde
dans les Sententiae, tandis qu’apparaît une explication « mystique » ap­
pelée à se préciser encore dans la somme hugonienne. Curieusement, les
similitudes lexicales les plus nombreuses rapprochent la première et la
dernière œuvre, sans doute parce que le Victorin n ’est l’auteur de la se­
conde que d’une façon restreinte : inspirées par Hugues et révisées par
Hugues, les Sententiae de diuinitate sont pour le reste des notes de cours
prises par un étudiant qui les a ensuite rédigées : il est donc naturel que
les Sententiae se démarquent des deux autres écrits par leur style et leur
vocabulaire.

De sacramentis dialogus25 Sententiae de diuinitate2627 De sacramentis Christianae


fidei21, 1, i, 26-27
D. Quare aues, quae in aere Vnde queritur cur de aeria Quod quare factum sit ut
collocatae sunt, non sunt materia non sunt facta ami- non <uolatilia> ad similitu­
factae de ipso aere, sicut malia aeris, sicut de aquea dinem aliorum, quae ad or­
pisces de aqua, et bestiae pa­ aquae. natum elementorum mundi
riter et homo de terra ? Ideo scilicet quia primo creata sunt, ex ipso ele­
M. Quia aer talem non ha­ idem erat locus aeris et mento materiam sumerent in
bet corpulentiam ut de eo aquae, et ideo nec mirum quo locum sortiri debuerunt,
animai fieri possit sicut et propter hanc affinitatem si forte quis ad ipsius elementi
de terra. de substantia unius fiant materiam referat : quod
ammalia alterius. quasi tantam aer corpulen­
Vel aliter aqua grossius tiam non habuerit, ut ani­
elementum est quam aer, et mantium corpora quae soli­
ideo aptius grossis corpori­ dam materiam requirunt ex
bus formandis. eo conderentur. Aquarum
Vel, quod melius est, prop­ autem naturam magis terrae
ter misticum sensum ex ea­ affinem plusque corpulen­
dem materia dicuntur diuer- tiae habentem, ac per hoc

25 De sacramentis dialogus, éd. PL 176, 20C.


26 Sententiae de diuinitate, I, I, éd. PlAZZONI, p. 933, 185-192.
27 De sacramentis Christianae fidei, I, I, 26-27, éd. PL 176, 203BC.
396 DOMINIQUE POIREL

sa animalia procedere, quo­ formandis corporibus aptio­


rum pars in imo remanet, rem.
pars in altum leuatur. Sed altior in his rebus sa­
cramenti uirtus obiecta est
(...). Sic de una massa cor­
ruptibilis naturae, et sua
mutabilitate defluentis uni­
versa generis humani propa­
go trahitur, sed aliis deor­
sum in ea qua nati sunt
conruptione juste derelictis ;
aliis sursum dono gratiae ad
sortem coelestis patriae ele­
vatis, judicii servatur ae­
quitas.

On pourrait de même comparer les quatre accessus aux Écritures


saintes qui se lisent dans la seconde partie du Didascalicon (livres IV à
VI), en tête de l’ensemble exégétique consacré à l’Octateuque (De Scrip­
turis et scriptoribus sacris), en prologue aux Sententiae de diuinitate puis
au De sacramentis : ces quatre textes, insérés dans des ensembles diffé­
rents, ont en commun d’être des introductions aux Écritures saintes et de
comporter de nombreuses parties communes.

3. Intégrer

Entre les cas extrêmes qu’on vient d’analyser, remploi littéral d’une
œuvre à l’autre ou rédaction nouvelle d’un ouvrage dont la structure est
globalement conservée, les exemples de récriture abondent chez Hugues
de Saint-Victor. En particulier, on observe chez lui un grand nombre de
leitmotivs, qui se présentent souvent sous la forme d’une division : « Il y
a trois choses qui... », et reparaissent souvent, moyennant des variations
plus ou moins fortes, dans un nombre élevé de ses écrits. Étant donné
l’importance qu’elle revêtait dans le débat trinitaire au XIIe s., nous avons
consacré une monographie à l’une de ces « divisions » hugoniennes, la
triade potentia, sapientia, benignitas, rendue fameuse par les condamna­
tions de Pierre Abélard28. Si l’on met à part divers ouvrages hugoniens où

28
Livre de la nature, en part. p. 261-423.
DE LA SOURCE A LA SOMME 397

son apparition est fugitive ou incomplète, cette triade donne lieu à des
développements caractéristiques dans six textes principaux :

la sentence I, 63 sur Les quatre façons par lesquelles la connais­


sance de Dieu se manifeste à Vhomme29 ;
la sentence I, 83 sur La théophanie multiple30 ;
le De tribus diebus31 ;
VEulogium Sponsi et sponsae, commentaire sur l’antienne Ibo
michi ad montem:32 ;
les Sententiae de diuinitate33 ;
le De sacramentis34.

Si malheureusement il n ’est pas possible encore de dater avec certi­


tude et précision la composition de ces divers écrits, quelques éléments
de chronologie relative sont d’une probabilité tout à fait raisonnable. Ain­
si, le thème est sans doute né dans ces « sentences » où notre auteur
consigne en quelques mots une méditation librement inspirée de l’Écri­
ture. Puis, dans son traité intitulé De tribus diebus, il a échafaudé sur elle
une réflexion plus méthodique sur le Dieu invisible et ses manifestations
visibles dans la création. Enfin, au moment de recueillir sa doctrine
théologique dans ces vastes compositions que sont les Sententiae de diui­
nitate et le De sacramentis, le thème ainsi développé a trouvé place dans
des chapitres consacrés à la connaissance du Dieu un et trine.
Sentence, traité, somme : cette succession n’est pas chez Hugues un
cas isolé ; au contraire, bien d’autres thèmes favoris du Victorin se lisent
dans ces trois catégories d’ouvrage. De même, on observe des dévelop­
pements très proches sur les sept vices capitaux dans une sentence brève,
dans le traité sur les Cinq septénaires et dans le De sacramentis. A lui
seul, le traité a en outre donné lieu à trois recensions, point sur lequel

29 Éd. PL 177, 504D-505A.


30 Éd. PL 177, 518B.
31 Éd. D. PoiREL, Hugonis de Sancto Victore opera, t. II, Turnhout, 2002 (CCCM
177).
32 Éd. PL 176, 987-994.
33 Éd. A. PlAZZONi, « Ugo di San Vittore « auctor » delle Sententie de diuinitate »,
dans Studi Medievali, 3“ ser., t. 23, 1982, p. 861-955.
34 Éd. PL 176, 173-618.
398 DOMINIQUE POIREL

nous aurons à revenir : en tout l’on possède donc cinq états successifs
d’un texte chaque fois récrit, mais qui finit par acquérir peu à peu sa
forme définitive : les changements se font de plus en plus rares et mineurs
à mesure qu’on s’approche du De sacramentis :

Sentence De quinque De quinque De quinque De sacramen


« Septem sunt septenis ( lère septenis (2e ree. septenis (3e tis37
uitia35 » rec. inédite) inédite) ree.36)
Septem sunt ui- Septem sunt ui­ Prima ergo de Primo loco po­ Septem capita­
cia, superbia, tia principalia, septenis septem nuntur septem lia uitia, siue
inuidia, ira, superbia, inui­ sunt uitia, id est uitia, id est principalia,
tristicia, auari- dia, ira, accidia, superbia, inui­ prima superbia, siue originalia,
cia, gula, luxu­ auaritia, gula, dia, ira, tristicia secunda inui­ sacra Scriptura
ria. luxuria. uel accidia, aua­ dia, tertia ira, commemorat
ritia, gula, luxu- quarta tristitia, (...). Sunt autem
ria (...). quinta auaritia, haec : prima
sexta gula, sep­ superbia, se­
tima luxuria (...) cunda inuidia,
tertia ira, quarta
acidia, quinta
auaritia, sexta
gula, septima
luxuria.
(...) cum sint Septem ergo
Tria hominem Tria spoliant septem, tria sunt, et ex his Ex iis tria ho­
¿/¿spoliant. hominem, hominem spo­ tria hominem minem expo­
Quartum des- quartum spo­ liant. ¿xpoliant ; liant, quartum
poliatum fla­ liatum flagellat, quartum expo­ flagellat spo­
gellat. Quintum quintum fla­ liatum flagel­ liatum, quintum
flagellatum ei- gellatum eiecit, lat ; quintum flagellatum ei-
cit. Sextum sextum eiectum flagellatum ei- cit, sextum
eiectum seducit. seducit, septi­ cit ; sextum eiectum seducit,
Septimum se­ mum seductum eiectum sedu­ septimum se­
ductum seruituti seruituti subicit. cit ; septimum ductum seruituti
subicit. eductum serui­ subicit.
tuti subicit.

35 Sentence « Septem sunt uitia », Paris, BNF, lat. 14303, f. 159va.


36 Éd. R. B a r o n , Hugues de Saint-Victor. Six opuscules spirituels, Paris, 1969, p.
100-119 (Sources chrétiennes 155), p. 104.
37 De sacramentis, II, XIII, 1, éd. PL 176, 525CD.
DE LA SOURCE A LA SOMME 399

Superbia aufert Homini aufert Superbia enim Superbia aufert Superbia aufert
ei Deum. Inui- superbia Deum, aufert ei Deum, homini Deum ; homini deum,
dia aufert ei inuidia proxi­ inuidia proxi­ inuidia aufert ei inuidia proxi­
proximum. Ira mum, ira seip- mum, ira seip- proximum ; ira mum, ira seip-
aufert ei seip- sum. Accidia, sum, quartum aufert ei seip- sum, acidia fla­
sum. Tristicia que spoliatum id est tristicia sum ; tristicia gellat
flagellat nuda­ flagellat (...). spoliatum fla­ spoliatum fla­ spoliatum, aua­
tum. Auaricia Auaritia, quae gellat, quintum gellat ; auaricia ritia flagellatum
flagellatum ei- flagellatum eicit quod est auari­ flagellatum ei­ eicit, gula
cit. Gula eiec- (...) Eiectö gu­ tia flagellatum cit ; gula eiec- eiectum seducit,
tum seducit, la... occurrit... eicit, sexta sci­ tum seducit ; luxuria seduc­
luxuria seduc­ seducens (...). licet gula eiec- luxuria seduc­ tum seruituti
tum seruituti Luxuria seduc­ tum seducit, tum seruituti subicit.
subicit. tum seruituti septima uideli­ subicit.
subicit (...) cet luxuria se­
ductum seruituti
subicit.

De même, la sentence Vita cordis38 « sème » sans les approfondir


plusieurs idées, qui sont méthodiquement développées dans divers écrits,
dont le De arrha animae (l’âme ne pouvant pas ne pas aimer, elle doit
porter son amour vers l’objet le plus parfait possible), le De archa Noe (le
monde est comme un déluge auquel on échappe en érigeant en soi l’arche
de la foi) et le De sacramentis (il y a deux œuvres divines : l’œuvre de
création et l’œuvre de restauration). Telle sentence sur les trois volontés
du Christ trouve un écho dans le traité Sur les quatre volontés du Christ
et dans un chapitre du De sacramentis39. Telle autre sentence sur les quatre
craintes est presque reprise sans changement dans le commentaire du
Magnificat et le De sacramentis40 ; et ainsi de suite. Dans de nombreux
cas, la succession la plus probable semble être : d’abord la sentence, puis
le traité, enfin la somme. Selon nous, cette évolution décrit le mouvement
même de l’activité intellectuelle et littéraire d’Hugues de Saint-Victor.
À l’étape de la sentence naît un thème neuf, presque toujours issu de
la méditation des Écritures saintes. Cela est manifeste lorsqu’un verset38940

38 Miscellaneas I, 171, éd. PL 177, 563D-565A.


39 Miscellaneai I, 84, éd. PL 177, 518D-519A ; De quatuor uoluntatibus, éd. PL
176, 841-846 ; De sacramentis, II, I, 7, éd. PL 176, 389B-391C.
40 M iscellanea4 I, 193, éd. PL 177, 585B ; Super Canticum Mariae, éd. JOLLES,
p. 76-78 ; De sacramentis, II, XIII, 5, éd. PL 176, 578AD.
400 DOMINIQUE POIREL

biblique est cité en tête de la sentence ; parfois l’inspiration scripturaire


est plus discrète, mais il ne faut généralement pas un grand effort pour la
découvrir sous-jacente. Quelle que soit son origine, ce thème est le plus
souvent énoncé brièvement, sans que les voies qu’il ouvre soient métho­
diquement explorées. Tout le charme de ces textes vient précisément de
leur suggestive densité : notre auteur excelle à renfermer en quelques
mots une idée qui fera ensuite son chemin dans la mémoire, l’intelligence
et l’affectivité du lecteur. Puis vient le stade du traité où, selon la défini­
tion qu’il a donnée de ce mot, Hugues se livre au « développement en
plusieurs points d’un objet unique ». Ce qui était ramassé dans la sen­
tence est alors développé plus systématiquement. Dans ce premier travail
de récriture d’un thème antérieur et embryonnaire, Hugues se fait avec
talent son propre exégète.
A l’analyse succède la synthèse. Vers la fin de sa vie, Hugues se
soucie d’ordonner ses thèmes favoris dans la grande somme De sacra­
mentis. Dans celle-ci, à côté de développements neufs, il déclare dans un
prologue avoir ramassé des écrits antérieurs : « j ’y ai inséré certains textes
que j ’avais auparavant dictés ça et là, car il me semblait pénible et inutile
d’exprimer les mêmes idées en un style renouvelé41 ». Le Victorin a-t-il
donc renoncé à tout travail de modification ? Non car, poursuit-il,

par la suite, tandis que je les insérais dans le texte de mon ouvrage, la raison exi­
geait d’y faire des changements, des ajouts et des coupes. Aussi veux-je que le lec­
teur en soit prévenu : s’il trouve que ces mêmes textes, en dehors du corpus que
forme cet ouvrage, portent autre chose ou autrement, qu’il sache que telle est la
cause de cette diversité ; et si par hasard ces textes doivent être corrigés, qu’il le
fasse en prenant modèle sur le présent ouvrage42.

La troisième étape, celle de la somme, est donc celle d’une nouvelle


récriture, plus légère cette fois, pour corriger et améliorer des textes anté­
rieurs et pour les intégrer dans un ensemble cohérent. Le De sacramentis
ne se réduit pas à la juxtaposition de développements autonomes, mais la
notion de « sacrement », entendue en un sens plus large qu’aujourd’hui,
lui sert de fil conducteur. D’où un travail de mise en ordre, d’articulation
des parties, d’unification en un tout aussi homogène que possible. On a

41
De sacramentis, I, ProL, éd. PL 176, 173-174.
42
Ibid.
DE LA SOURCE A LA SOMME 401

vu que ce travail était inachevé, ce qui d’une certaine façon permet d’en
mieux comprendre le processus.

III. D’une version à l’autre

Hugues ne retravaille pas seulement ses sources ou ses œuvres anté­


rieures pour en produire de nouvelles, il lui arrive aussi de revenir sur une
œuvre déjà rédigée pour la réviser et en donner une recension nouvelle.
C’est là une découverte majeure, dont le mérite revient à Patrice Sicard et
à ses éditions critiques du De archa Noe et du Libellus de formatione ar-
chae43. Les éditions qui ont suivi n’ont fait que confirmer ce qui désor­
mais apparaît comme un processus, sinon constant, du moins habituel
dans l’œuvre du Victorin. Il importe alors de s’interroger sur les raisons
de ce retour à des écrits achevés pour les retoucher, les réviser, parfois les
remanier fortement : pourquoi modifier une œuvre déjà écrite et diffu­
sée ?
A moins qu’il ne faille plutôt s’interroger sur notre étonnement mo­
derne devant une pratique en réalité fort répandue au Moyen Age. Ac­
coutumés que nous sommes au livre imprimé, nous risquons d ’oublier
que la parole est un acte, l’écriture un mouvement et qu’à l ’heure
d’internet comme aux temps du manuscrit, la fixité des textes n ’est
qu’une illusion. En réalité, aujourd’hui comme hier, tant qu’une œuvre
demeure vivante dans la pensée de son auteur, tant qu’il continue à la re­
lire, à la méditer et à la diffuser à ses correspondants et collègues, en cor­
riger, en compléter et en améliorer le texte est pour lui une irrépressible
démangeaison. La question pertinente serait donc plutôt : pourquoi cer­
taines œuvres médiévales n’ont-elles pas été remaniées par leur auteur,
alors qu’elles ont connu une large tradition ? Est-il mort trop tôt, ou s’en
est-il désintéressé ?
Il semble en effet qu’une fois l’œuvre rédigée, le processus de récri­
ture ne s’arrête pas, mais se poursuit, dans plusieurs directions possibles :
(1) révision légère ou plus appuyée d’éléments du texte sans conséquence
sur son plan général, (2) ou au contraire modification de la structure de

43 P. SlCARD, Hugonis de Sancto Victore opera, 1.1, Tumhout, 2001 (CCCM 176) ;
P. SlCARD, Diagrammes médiévaux et exégèse visuelle. Le « Libellus de formatione ar­
che » de Hugues de Saint-Victor, Paris-Turnhout, 1993 (Bibliotheca Victorina IV).
402 DOMINIQUE POIREL

l’ouvrage par réorganisation des parties, ajout ou substitution de dévelop­


pements neufs, etc.

1. Réviser

La comparaison et l’interprétation des divergences entre plusieurs re­


censions d’un même ouvrage suppose qu’il existe de celui-ci une édition
véritablement critique, qui ne fusionne pas syncrétiquement les diverses
rédactions en une sorte de monstre textuel, mais démêle la généalogie des
témoins pour faire apparaître l’existence des diverses strates textuelles, et
décide laquelle ou lesquelles remontent à l’auteur. Pour le moment, un
petit nombre de travaux hugoniens répondent à ces conditions, à com­
mencer par le Libellus de formatione archae, qui a donné lieu à deux re­
censions, l’une légèrement plus brève, l’autre plus longue : Patrice Sicard
a substantiellement commenté leurs divergences dans son ouvrage Dia­
grammes médiévaux et exégèse visuelle44. On y voit Hugues de Saint-
Victor hésiter sur le dessin de l’arche, l’emplacement de l’enfer, la liste
des premiers papes, l’annonce d’un troisième traité sur l’arche, etc.
Quant aux deux rédactions hugoniennes du De tribus diebus, elles
diffèrent presque toutes par des corrections de détail qui relèvent plutôt
du toilettage stylistique. L ’une d’elles a cependant une portée doctrinale :
elle consiste en l’addition de deux phrases en tête du traité :

44 Libellus de formatione archae, III, 137-145, éd. SlCARD, p. 137 ; cf. SlCARD,
Diagrammes médiévaux, p. 81-84.
DE LA SOURCE A LA SOMME 403

Première recension Seconde recension


Verbum bonum et uita sapiens quae mun­
dum fecit contemplato mundo conspicitur.
Et Verbum ipsum uideri non potuit, et fecit
quod uideri potuit, et uisum est per id quod
fecit.
Inuisibilia enim ipsius a creatura mundi per Inuisibilia enim ipsius a creatura mundi per
ea quae facta sunt intellecta conspiciuntur. ea quae facta sunt intellecta conspiciuntur.
Tria sunt inuisibilia Dei : potentia, sapien­ Tria sunt inuisibilia Dei : potentia, sapien­
tia, benignitas (...). tia, benignitas (...)45.

Suivant un usage répandu, la première recension débutait par un ver­


set biblique (Rom. 1, 20), introduisant le sujet du traité. Pourquoi le Vic-
torin a-t-il ensuite dérogé à cette habitude ? Peut-être souhaitait-il corri­
ger la légère anomalie d’une première phrase débutant avec enim, sans
rien qui justifie cet adverbe de cause : une partie de la tradition manus­
crite l’a du reste supprimé. Mais il y a une autre explication. La triade
« puissance, sagesse, bonté » est au même moment citée par Pierre Abé­
lard qui fonde sur elle une doctrine trinitaire originale, pour laquelle il fut
une première fois condamné au concile de Soissons en 1121. Sûrement,
en révisant son traité, Hugues connaissait les thèses abélardiennes, et
peut-être aussi leur condamnation. En rattachant au Verbe seul les trois
inuisibilia Dei, il se démarquait donc d’une doctrine aventureuse et récu­
sait l’interprétation trinitaire qu’Abélard en avait donnée. La comparaison
des deux recensions apporte donc une information essentielle sur les re­
lations discrètes mais réelles qui unissaient les deux maîtres parisiens.

2. Restructurer

Parfois, la récriture hugonienne ne porte pas tant sur le style ou la


doctrine du texte révisé que sur sa structure, par ajout ou par substitution.
Le De beatae Mariae uirginitate se composait à l’origine de trois parties,
respectivement consacrées au mariage de la Vierge, à sa conception et à
son enfantement. Une partie des manuscrits les fait suivre d’un quatrième

45 De tribus diebus, lignes 1-8, éd. PoiREL, p. 3 ; cf. PoiREL, Livre de la nature,
p. 213-233 ; sur la triade potentia, sapientia, benignitas, p. 261-423.
404 DOMINIQUE POIREL

développement intitulé : Quaestio de eodem4647.Comme le début de celle-ci


nous l’apprend, il s’agit d’un complément apporté par Hugues pour ré­
pondre à une objection soulevée après que son ouvrage connut sa pre­
mière diffusion.
Plus complexe est l’histoire du De uanitate mundi, auquel Cédric Gi­
raud a consacré sa thèse de l’École nationale des Chartes ; en attendant la
publication au Corpus Christianorum, un résumé en est disponible dans
les Positions des thèses41. Le De uanitate mundi est un dialogue sur la va­
nité du monde, édité en quatre livres dans la Patrologia latina. Dans les
manuscrits, on distingue deux rédactions principales. Si l’une correspond
globalement au texte de Migne, l’autre s’en démarque par ces deux chan­
gements : les deux personnages du dialogue y portent d’autres noms
(Dindimus et Indaletius au lieu d'Anima et Ratio) ; surtout, les livres III
et IV sont remplacés par un texte entièrement différent, qui correspond à
une œuvre d’Hugues de Saint-Victor éditée à part, le De sacramentis
dialogus. L’examen minutieux du texte et de ses témoins permet à C. Gi­
raud d ’affirmer qu’Hugues a d’abord écrit son ouvrage en faisant dialo­
guer Dindimus et Indaletius et en lui donnant une autre fin que celle pu­
bliée dans Migne. La production de la seconde recension est-elle son
œuvre ? Est-elle due à ses « éditeurs » qui ont rassemblé et retranscrit ses
écrits après sa mort sous l’impulsion de l’abbé Gilduin ? Il est encore dif­
ficile de l’affirmer, mais on voit à quel point notre lecture des œuvres
peut être enrichie par la prise en compte des remaniements hugoniens.
L ’idée qu’une œuvre puisse être transformée dans sa structure n’est
pas étrangère à Hugues : instructive est à cet égard la comparaison des
ouvrages consacrés aux cinq « septénaires » (sept vices, sept demandes
du Pater, sept dons du Saint-Esprit, sept vertus et sept béatitudes). Tandis
que le De quinque septenis se consacre, suivant son titre, aux cinq listes à
la fois, de manière à montrer leur cohérence profonde, les autre traités,
De uirtutibus et uitiis48, Super orationem dominicam49, De septem donis

46 De beatae Mariae uirginitate, éd. JOLLES, L ’Œuvre de Hugues de Saint-Victor,


t. II, p. 169-259.
47 C. G ir a u d , « Le De vanitate mundi d’Hugues de Saint-Victor ( t 1141). Édition
critique et commentaire », dans Positions des thèses soutenues par les élèves de la pro­
motion de 2002 pour obtenir le diplôme d ’archiviste paléographe, Paris, 2002, p. 63-71.
48 Éd. R. B a r o n , Études sur Hugues de Saint-Victor, Paris, 1963, p. 248-255.
49
Éd. PL 175, 774-789.
DE LA SOURCE A LA SOMME 405

Spiritus sancti50, examinent l’une ou l’autre seulement, quitte à faire ici


ou là une allusion aux relations qui les unissent. Un thème favori
d’Hugues s’est donc développé de façon arborescente, en alternant
l’analyse et la synthèse, d’une façon qui a pu faire penser aux scribes
qu’il s’agissait toujours de la même œuvre sans cesse remise en chantier :
l’une des recensions, sans doute inauthentique, du De quinque septenis
remplace la fin de ce traité par un long développement emprunté au Super
orationem dominicam.
D ’autre part, comme on l’a déjà dit51, Le De quinque septenis a été
deux fois remanié par son auteur. Là encore, la Patrologia latina se fait
l’écho de la version ultime. La comparer aux états précédents permet
alors de reconstituer le travail de récriture opéré par Hugues. Sur les trois
recensions, la doctrine générale demeure immuable : à chaque vice cor­
respondent une demande du Pater, un don du Saint-Esprit, une vertu et
une béatitude. En revanche, la structure du traité subit d’importants chan­
gements. Dans la première recension, Hugues suit un ordre simple : il
énumère et commente successivement les quatre premiers septénaires, en
omettant curieusement le cinquième. S’est-il lassé avant la fin ? On ne
sait, mais dès la seconde recension il adopte un ordre différent. Après une
brève énumération des cinq septénaires en introduction, il décrit en détail
le septénaire des vices, montrant comment ils s’engendrent mutuellement.
Puis, dans une seconde partie, il commente les quatre derniers septénaires
réunis. À un plan analytique qui morcelait le discours, il substitue un plan
bipartite, plus synthétique et plus dynamique, plus spirituel aussi par
l’opposition qu’il dessine entre une descente morale aux enfers, et une
remontée grâce à la prière vers la grâce et la sainteté. Une période de tâ­
tonnement a donc été nécessaire pour trouver le mode d ’exposition le
plus adapté à une doctrine par ailleurs stable.

3. Mettre par écrit

Si les textes hugoniens conservent une fois rédigés la souplesse et la


fluidité qu’on attribue d’ordinaire à l ’oral, c’est peut-être parce qu’ils

50 Éd. R. B a r o n , Hugues de Saint-Victor. Six opuscules spirituels, Paris, 1969, p.


120-133.
51
Voir ci-dessus, p. 397-399.
406 DOMINIQUE POIREL

prennent souvent leur origine dans la parole vive. Ce point a été montré
par Patrice Sicard à propos du De archa Noe : la matière, sans cesse révi­
sée, complétée et prolongée de cet ouvrage, est issue de conversations qui
se tinrent, sans doute en milieu d’après-midi, dans le cloître de Saint-
Victor, à l’heure prévue pour cela par le coutumier : « Une fois que j ’étais
assis parmi la communauté des frères, qu’ils m’interrogeaient, que je leur
répondais et que bien des paroles avaient été prononcées devant
tous...52 ». Le traité hugonien a donc été précédé de « bien des paroles »,
manifestement échangées dans un esprit de communion fraternelle et,
ajoute Hugues, à la satisfaction générale : « je sais que certains propos
ont spécialement plu aux frères », à cause précise-t-il de leur agréable
nouveauté53.
Cette joie paisible de partager la parole et de voir au gré des échanges
s’ouvrir de nouveaux horizons n’est pas seulement à l ’origine du traité :
nous faisons le pari qu’elle demeure pour Hugues une source
d ’inspiration constante. Par la conversation, la prédication et l’ensei­
gnement, le maître de Saint-Victor avait mainte occasion de s’adresser à
ses frères, de leur soumettre, sinon ses ouvrages, du moins leurs idées
principales, et de recueillir jour après jour leurs réactions et pour ainsi
dire leur réponse. Certes, la forme du dialogue, à l’arrière-plan du De archa
Noe, ne s’est pas maintenue dans sa mise par écrit ; néanmoins, on la dé­
couvre dans plusieurs autres ouvrages du Victorin : le De uanitate mundi
et le De sacramentis dialogus dont on a déjà parlé, mais aussi la Gram­
matica, Y Epitome Dindimi et encore le De arrha animae. C ’est le signe
qu’elle est un aspect caractéristique de sa personnalité littéraire.
D’autres textes font allusion à leur préhistoire orale. Le commentaire
de YEcclésiaste s’ouvre par un prologue rappelant celui du De archa
Noe :

52 « Cum sederem aliquando in conuentu fratrum et, illis interrogantibus meque


respondente, multa in medium prolata fuissent (...) », éd. Sicard, p. 3 ; voir Sicard,
Diagrammes médiévaux, p. 9-20.
53 « In qua collatione, quia quedam specialiter placuisse fratribus scio (...) iccirco
quod quibusdam prius inaudita et ob hoc quodammodo magis grata esse cognoui. », éd.
Sicard, p. 3.
DE LA SOURCE A LA SOMME 407

Récemment, j ’ai devant vous disserté sur le livre de Salomon qui s’intitule
l ’Ecclésiaste ; à présent, résumant brièvement ces propos - car certaines choses y
paraissaient dignes d’être conservées en mémoire - je les ai mis par écrit54.

Ou encore, le prologue des Sententiae de diuinitate rappelle que cette


œuvre est la réportation révisée de son enseignement55. L’oral et l’écrit se
donnent la main dans l’œuvre du victorin, et comment en serait-il autre­
ment chez un auteur dont la fonction de maître s’exerce dans le cadre
d ’une abbaye ? Hugues de Saint-Victor n’est pas un écrivain solitaire : il
écrit « pour » une communauté, en son nom et à son intention : peut-être
cela explique-t-il en partie l’enchevêtrement des idées, des thèmes et des
strates rédactionnelles dans ses divers écrits.

Sens de la récriture chez Hugues de Saint-Victor

Après ce survol des diverses formes de la récriture chez Hugues de


Saint-Victor, peut-être sommes-nous mieux en mesure de comprendre
pourquoi cette dialectique du même et de l’autre tient une si grande place
dans son activité littéraire. Au-delà de la grande variété des formes de ré­
criture, il apparaît que la doctrine hugonienne est comme composée de
« briques » assez stables, ses thèmes favoris, peu à peu élaborés par la
confrontation avec ses sources bibliques, patristiques et classiques ; d’une
œuvre à l’autre, ces briques se déplacent, s’agencent différemment et
construisent des édifices toujours renouvelés, dans un mélange de respect
de la tradition et de liberté par rapport aux sources, de fidélité à sa propre
doctrine et de souplesse dans l’adaptation à des situations nouvelles. La
distinction que nous avions posée au début de notre travail, entre la ré­
criture des sources, des œuvres antérieures, des états antérieurs d ’une
même œuvre, tend ce faisant à s’effacer au profit un constant travail de
réactualisation et d’approfondissement d’une doctrine toujours héritée et
toujours réappropriée.
Pourquoi la récriture est-elle si présente chez Hugues et ses contem­
porains ? Sûrement, les conditions concrètes de l’acte d’écrire ont dû

54 « Quae de libro Salomonis, qui Ecclesiastes dicitur, nuper uobis coram disserui,
breuiter nunc perstringens, quia quaedam ibi digna memoria uidebantur, stylo signaui. »,
Super Ecclesiasten, éd. PL 175, 113C-114C.
55 Éd. PiAZZONi, p. 912-913.
408 DOMINIQUE POIREL

jouer : la copie manuscrite des œuvres favorise les variantes ; la pré­


gnance du commentaire sur toute activité littéraire encourage la varia­
tion ; le goût du XIIe s. pour une prose d’art amie des effets de rimes, de
rythmes et du cliquetis verbal suscite la variatio. Culture scribale, prati­
que exégétique et prose rimée se rejoignent et se renforcent pour pro­
mouvoir une écriture qui n’accomplit point de sauts spectaculaires, mais
progresse patiemment par petites avancées successives et presque insen­
sibles. De là vient, en partie, que l’écriture d’Hugues soit ce fleuve tou­
jours identique et toujours différent et que ses diverses œuvres, pour qui
les lit à la suite, paraissent à la fois si familières et si neuves.
Mais il y a autre chose. La présence massive de la récriture est chez
Hugues le signe d’une constante insatisfaction. En effet, l’œuvre qu’on
récrit, celle dont on se soucie de garder les idées surtout, s’oppose à
1’« autorité » - Bible, classiques ou Pères - dont non seulement le sens,
mais la lettre aussi doit être conservée scrupuleusement, car une telle œuvre
est un bien commun, une référence partagée56. Les œuvres d’Hugues de
Saint-Victor, du moins lui-même l’estime-t-il, ne sauraient prétendre à ce
statut. Aussi sont-elles toujours en chantier, toujours inachevées, toujours
tendues entre ces deux œuvres accomplies que sont, en arrière,
1’« autorité » fixée par la tradition, et, en avant, le projet, toujours à réali­
ser, d’une œuvre totale et parfaite. Entre l’autorité et la somme, les textes
d’Hugues, toujours en cours de récriture, participent bien de cette attitude
si vivante au XIIe s., d’ingénieuse fidélité à de prestigieux devanciers, et
néanmoins de confiance patiente en un progrès possible, si petit soit-il,
pour synthétiser, clarifier, ordonner et parfois compléter l’héritage des
siècles antérieurs.

56 Voir sur ce sujet les actes du colloque ‘Auctor’ et ‘auctoritas’ : invention et


conformisme dans récriture médiévale. Actes du colloque tenu à l’Université de Versailles-
Saint-Quentin- en-Yvelines, 14-16 juin 1999, Paris, 2,001 (Mémoires et documents de
l ’École des chartes, 59).
J e a n -P ier re R o th sc h ild

CONTRESENS OU REECRITURE ?
LA TRADUCTION HEBRAÏQUE ANONYME DE
LA PHILOSOPHIA DE GUILLAUME DE CONCHES.
UNE LECTURE DE L’INTRODUCTION

C’est par son ancienneté parmi les traductions du latin en hébreu (fin
du XIIIe s. ?), plutôt que par son origine (italienne ?) que se signale à
l’attention la traduction en hébreu de la Summa philosophiae de Guillau­
me de Conches ou plus précisément, des deux livres spécifiques de la
Summa du Pseudo-Guillaume, une adaptation de la seconde moitié du
XIIe siècle, édités par Carmelo Ottaviano en 19351. Elle était connue de­
puis que Georges Vajda en avait fait connaître en 1956 la copie subsis­
tante, incomplète (elle s’arrête vers la fin du 1. II) dans le manuscrit de
Paris, BNF, hébr. 9732 ; mais elle est suivie des livres I à IV de la Philo­
sophia authentique, dans le manuscrit Cambridge, UL, Add. 1741,
comme l’a découvert un chercheur israélien, M. Tsvi Langermann, en
19843. Ce second témoin représente, pour la partie qui leur est commune,
la même traduction que celui de Paris. Chacun comporte des fautes pro­
pres, de telle sorte qu’ils se complètent, le texte de Cambridge étant dans

1 C. O tt av ia no , Un brano inedito della « Philosophia » di Guglielmo di


Conches, Naples, 1935 («Collezione di testi filosofici inediti e rari », 1). Le Professeur
Paul Edward Dutton, de TUniversité Simon Fraser (Burnaby, Canada), en a identifié pour
l’heure une centaine de manuscrits parmi lesquels il y a lieu de distinguer deux versions
de la Philosophia, la plus ancienne datant de 1125 environ ; la Summa est datable selon
lui de la seconde moitié du siècle (communication à l’auteur, 22 mars 2005) ; il prépare
une édition de l’ensemble pour le « Corpus Christianorum ».
2 G. V a jd a , « Une version hébraïque de la Summa Philosophiae de Guillaume de
Conches ( ?) », Revue des études juives, n.s. 15 (115), 1956, p. 117-124. Datation propo­
sée p. 117, n. 1.
3 Y. Ts. L a n g erm an , « Guillaume de Conches bw bw may nom »
[Une version hébraïque de l’encyclopédie de G. de C.], Kiryat Sefer 60/ 1-2, [5]745/
1984-1985, p. 328-329. Référence que M. Gad Freudenthal avait eu l’obligeance de nous
signaler en son temps.
410 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

l’ensemble meilleur que celui de Paris. Le copiste de Cambridge com­


prend mieux son texte (exception faite de l’introduction), omettant par­
fois des mots qu’il juge inutiles et manifestant d’autres légères tendances
à la réécriture ; le copiste de Paris est plus servile, recueillant à la fois des
détails omis par celui de Cambridge et corrompant en revanche, par mé-
compréhension, des leçons probablement bonnes de son modèle. Au
moins deux fautes communes, dès l’introduction dont le texte sera édité
plus loin (iritnn au lieu de irnilD pour traduire propositum nostrum ;
’TIKVidö, pour un meteora ou meteorologia), permettent de
conclure que leur modèle (commun ?) n ’était pas un original.
Georges Vajda avait formulé un jugement sévère non tant sur le tra­
ducteur que sur le copiste du manuscrit de Paris, qui lui paraissait n ’avoir
« presque rien compris » à son modèle (art. cit., p. 126). On observe, de
fait, avec une notable constance d’un témoin à l’autre, une grande liberté
prise avec le texte latin et un parti-pris du traducteur de sauter à pieds
joints au-dessus des passages les plus obscurs pour lui, sans compter
l ’omission, commune aux deux témoins, d’un long morceau de théologie
trinitaire. Le passage dans lequel l’hébreu s’écarte le plus du latin est
l ’introduction. La traduction en est parfois obscure et, quand son sens
apparaît clairement, il semble presque contraire à celui de sa source la­
tine. C’est cette portion du texte que Vajda éditait à l’appui de son appré­
ciation. La copie parisienne en était pour ainsi dire inintelligible. Celle de
Cambridge, inconnue alors, aide à restituer aujourd’hui un texte qui, pour
n ’être pas une traduction littérale du modèle latin et pour laisser voir de
larges zones d’incompréhension, n ’en présente pas moins, selon nous, un
sens et une cohérence réels. Il s’agit moins d’une traduction exacte au
regard des critères habituels (Übersetzung) que d’une transposition (Um­
setzung), assignable à un projet déterminé, dont l’auteur, de façon surpre­
nante pour un lecteur d’aujourd’hui, tire parti de ses propres manques
pour formuler une intention originale.
Le reste de la traduction témoigne au contraire, à côté d’embarras
parfois insolubles devant certaines phrases complexes et plus encore de­
vant les realia antiques et les références mythologiques ou littéraires,
d’une assez grande exactitude et, dans le détail, elle procède, d’une ma­
nière systématique et conforme au génie de l’hébreu, au remplacement de
tours syntaxiques latins par ceux qu’autorise l’hébreu et au changement
de l’ordre des mots propre au latin. Certaines créations de mots ou tenta­
tives d’élargissement du sens de termes existants pour exprimer une no­
tion philosophique encore inconnue en hébreu ne paraissent bizarres que
parce qu’elles n ’ont pas fait école ; les équivalences proposées par les
CONTRESENS OU REECRITURE ? 411

traducteurs tibbonides ne procédaient pas d’une autre méthode et l’usage


les a consacrées ensuite. Le principal tort de notre traducteur serait donc
d’avoir été un pionnier isolé. Voire. Si l’on ne doit pas tenir cet hapax
hébreu pour rudimentaire, son mystère s’en trouve accru : cette relative
aisance ne suppose-t-elle pas des précédents ? Un milieu juif précoce­
ment intéressé par la philosophie latine ? Des essais antérieurs du même
traducteur, si on le tient pour un isolé ? Ce milieu, ou cet homme seul,
avaient-ils reçu au préalable une formation à la philosophie de tradition
gréco-arabe fleurie depuis longtemps en Espagne, même si la traduction
d’un texte latin, phénomène nouveau par rapport à celle-ci, et la transpo­
sition d’une philosophie bien différente de celle qui avait cours en Espa­
gne, n ’ont pas été l’occasion d’employer la terminologie habituelle ?
D ’autre part, comment le traducteur connaissait-il le latin, comment
avait-il eu accès à ce texte et pourquoi avait-il souhaité le traduire ? Sur
ce dernier point, ce n ’est qu'a posteriori et négativement qu’il est possi­
ble de trouver des raisons d’ordre général à une particulière tolérabilité
d’un tel texte en milieu juif : le néoplatonisme et le naturalisme de Guil­
laume, son refus de l’exégèse tropologique, tels que les a mis en relief M.
l’abbé Edouard Jeauneau4. Auprès de qui, enfin suscita-t-il suffisamment
d’intérêt pour qu’il en subsiste aujourd’hui deux copies ?

Qui est l’auteur de cette traduction ? Une hypothèse réfutable

On songe en premier lieu aux milieux de traducteurs du latin en hé­


breu déjà connus : Moïse de Sáleme, Zerahyah Hen, son disciple Hillel
de Vérone. Un faible indice en faveur de ce dernier pourrait être fourni
par le voisinage, dans le manuscrit de Paris mais copié d’une autre main,
d’un texte traduit par lui (v. infra). Mais le voisinage d’un autre texte
d’origine chartraine dans le ms. de Cambridge l’infirmerait plutôt : qu’il
s’agisse de traductions du latin a dû suffire, dans les deux cas, à justifier
leur juxtaposition. Un autre élément pourrait faire incliner en faveur de
Hillel de Vérone : c’est la démarche d’un traducteur qui se soucie peu de
ne comprendre qu’imparfaitement son texte et ne craint pas d’en omettre
de longs passages (le prologue du 1. II, le long développement trinitaire

4 É. Je a u n e a u , « Note sur l’École de Chartres », Studi medievali, n.s., 5/2, 1964,


p. 821-852 (847-851).
412 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

vers la fin du même livre), mais adapte ce qu’il comprend et ce qui lui
convient dans un schéma d’interprétation tout personnel. Traduisant (si
c’est bien lui) du latin le Livre des causes, Hillel se livrait à un choix de
textes sans souci d’être complet ni fidèle à l’intention du texte originel5.
Une étude complète des procédés de transposition syntaxique et du lexi­
que de la traduction, qui dépasse le présent propos, serait de mise.
Nous devons nous contenter ici de quelques comparaisons lexicales,
qui paraissent d’ores et déjà exclure l ’attribution à Hillel. Elles sont con­
duites sur la base des glossaires latin-hébreu de la traduction de la Summa
complète et de la traduction du Liber de causis6 (R) et d’un glossaire hé­
breu-latin de termes traduits du latin figurant dans les Tagmuley ha-
nefesh de R. Hillel7 (*S). Des différences lexicales qui vont suivre, il ressort,
en dépit de la relative aisance à transposer la syntaxe latine dont il a été
fait état, que le vocabulaire de notre traducteur inconnu est plus rigide
que celui de R. Hillel, notamment en ce qui concerne la dérivation
d’adjectifs ; on peut ajouter, dans le sens des observations de Georges
Vajda regardant l’absence d’affinités de ce texte avec la tradition cou­
rante des traductions philosophiques en hébreu, qu’il ne fait apparaître
aucune trace de la connaissance du glossaire hébreu-vernaculaire de
Moïse de Sáleme établi à partir de la traduction hébraïque du Guide des
égarés8. Outre bien des différences de terminologie, il est notable qu’il
transcrive les noms latins de l’arithmétique, de la musique et de la géo­
métrie sans paraître connaître leurs équivalents hébreux figurant dans ce
glossaire.
Voici quelques comparaisons qui paraissent exclure une attribution à
Hillel de Vérone (on donne en premier les termes de la traduction de
Guillaume de Conches) :

5 Ms. unique Oxford, Bodl. Lib., Michael 335 (n° 1318 du cat. Neubauer), ff. 75-
76V ; V. J.-P. R othschild , Les traductions hébraïques du Liber de causis latin, thèse
dactyl., Paris, 1985, fase. I, p. 35-44, 82-85.
6 Thèse citée, fase. II, p. 522-575 et notes p. 576-600.
7 J. S ermoneta (éd.), Hillel ben Shemu ’el o f Verona. Sefer Tagmulé ha-nefesh
(Book o f the Rewards o f the Soul) (en hébreu), Jérusalem, 1981, p. 254-267.
8 G. [J.] S ermoneta , Un glossario füosofico ebraico-italiano del XIII secolo,
Rome, 1969 (p. 39 et 43 pour une datation au troisième quart du XIIIe siècle ; p. 324-326
et 344-346 pour les noms des trois disciplines dont il va être question).
CONTRESENS OU REECRITURE ? 413

Animalis crn t o / R p. 529 et n. 12 p. 578, S p. 259.


Cognitio rran / cognoscere s?T» R p. 532.
Composita maino / -tus aama R p. 534, -nere amn S p. 258, ams/a 5 p. 262.
Corrupti, -tio Vip*7p, *7pVipö / -tio 70DH R p. 536, S p. 258.
Corporalis qun- / ’du, *a*m, R p. 535, S p. 256.
Diffinitio wits / t u 5 p. 256.
Discernere r is i / pnaa R p. 540.
Dispositio ppn / mían R p. 540, S p. 267.
Diuersus isina / wisia R p. 540.
Diuinus mían- / ’t o R p. 541.
Excellentia pnn / niTwn S' p. 259.
Extrinsecus finn- / -traneus T, -trinsecus m r n S p. 259.
Forma mían, Tuan, fra i / rrm R p. 546, S p. 265.
Perfecta mwn / -tus t o / R p. 560, S p. 266.

i? donnant de manière synoptique d’autres traductions hébraïques du


même texte, il aurait été possible de relever des affinités particulières
entre notre traducteur et Hillel. On ne trouve que peu de chose :

Effectus nwya / efficere nws? alors que les autres traducteurs donnent t o (R p. 541-2).
Essentia Tin dans les deux textes, différemment des autres traducteurs du Liber de
causis (R p. 543).

Mais l’exemple le plus fort paraissait causa systématiquement rendu


par rfry dans les deux textes, les autres traductions donnant presque tou­
jours mo (.R p. 531-2) ; or, ce supposé trait caractéristique de Hillel de
Vérone est infirmé par l ’emploi régulier de mo dans les Tagmuley ha-
nefesh (S p. 263) ! Les différences de terminologie l’emportent donc sur
ces affinités incertaines et Hillel ne semble pas être le traducteur de Guil­
laume de Conches.

Les témoins du texte hébreu sont les mss de Paris, Bibliothèque Na­
tionale de France, hébreu 973, ff. lv-21 et Cambridge, University Libra­
ry, Add. 1741, ff. 1-40 ; tous deux sont d’écritures italiennes ; le premier
est daté de 1378, le second est d’une écriture datable du XIVe ou du XVe
siècle mais porte une marque de possession de 1399.
Paris, BN(F), héb. 973 contient, après ce texte, aux ff. 22v-199v, le
Sëfer ha-kerïtüt, traduction de la Chirurgia magna de Bruno de Lungo-
burgo par R. Hillel b. Samuel de Vérone. La notice inédite de Georges
Vajda, déposée à l’Institut de recherche et d’histoire des textes, indique
« 16 lignes par page dans la première pièce, 17 dans la seconde qui est
d’une autre main ». C’est cette dernière qui porte le colophon, daté du
mois de marheshwan [5] 139 (automne 1378), mais le catalogue sur fiches
414 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

de l’Institut des microfilms de manuscrits hébreux de Jérusalem étend


aux deux textes la date fournie par le colophon. Il fait état d’une attribu­
tion, qu’il ne justifie pas, à un certain Jacob KNDY.
Le manuscrit de Cambridge, UL, Add. 1741 fait l’objet, dans le ré­
cent catalogue thématique de cette bibliothèque, de deux notices sépa­
rées9 : le début du manuscrit, qui porte le texte de Guillaume de Conches,
est traité dans la notice 712, le reste du manuscrit dans la notice 599. Le
contenu de ce reste, très homogène quant à son objet, est décrit de la fa­
çon suivante :

ff. 41v-54v, traduction anonyme de la version latine par Rudolfos


(sic) Brugensis du Planisphaerium de Ptolémée ;
ff. 55-62, Ptolémée, construction de l’Astrolabe, peut-être (le fichier
de Jérusalem ne comporte pas cette réserve) traduit par Salomon b.
Elie Sharblt ha-zãhãb ;
ff. 63-76v, Ptolémée, explication de l’Astrolabe, traduit par Jacob b.
Makhir Ibn Tibbon ;
ff. 76v-89 et 89-94v, deux lettres d’al-Kindl sur l’influence des corps
célestes sur les pluies et les moisissures, traduites par Qalonymos b.
Qalonymos (le fichier de Jérusalem ne donne cette indication que
pour la seconde) ;
ff. 94v-99, texte anonyme sur les planètes et leur importance en mé­
decine (selon le fichier de Jérusalem : « formes des planètes ») ;
ff. 99v-107v, tables astronomiques de Jacob b. Makhir Ibn Tibbon,
où est mentionnée l’année 1399 ;
(Le fichier de Jérusalem ajoute, au f. 109. les étoiles et les anges qui
leur sont préposés ; f. 110, un cercle des étoiles et des planètes qui
leur sont opposées selon les mois de l’année).

Rien dans la structure du manuscrit ne justifie son traitement en deux


notices disjointes : les indications de format et la datation proposée y sont
les mêmes et l’examen du texte sur microfilm permet d’affirmer l’unicité
du copiste. C ’est l’hétérogénéité de contenu, et non un critère codico-
logique, qui motive ce traitement séparé, le rédacteur étant prisonnier du

9 S. C. R eif, Hebrew Manuscripts at Cambridge University Library. A Description


and Introduction, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 395 et p. 336-337.
CONTRESENS OU REECRITURE ? 415

plan thématique rigide suivi dans ce catalogue au détriment de l’unité des


manuscrits qu’il dépèce au lieu de les décrire.
On serait donc tenté de restaurer, par-delà la scission qu’il opère, un
regroupement différent, qui associerait les deux premiers textes et les
opposerait aux suivants. Les deux premiers ont en commun, en effet,
d ’être des traductions de textes latins du XIIe siècle, alors que les suivants
sont des traductions de l’arabe ou des textes originaux. On peut donc
suggérer que c’est à cause du caractère astronomique du second texte (qui
s’accorde avec une partie de celui qui nous occupe, v. infra) que ces deux
traductions du latin se sont trouvées réunies, dans un second temps, à
d ’autres textes astronomiques. Comme le manuscrit de Paris, celui-ci
donne donc matière à une hypothèse : pourrait-on espérer découvrir une
origine commune aux deux traductions ? Le texte latin du Planisphère,
ou plutôt, d’un extrait arabe interpolé de celui-ci, attribué autrefois à Ra-
dulphe de Bruges, serait en réalité, selon Moritz Steinschneider10, suivi
par les travaux ultérieurs, de son maître Hermann le Dalmate (Hermann
de Carinthie), et aurait été produit à Toulouse en 1143, c’est-à-dire qu’il
serait exactement contemporain des œuvres de Guillaume de Conches.
Or, Hermann avait été étudiant à Chartres, élève de Thierry de Chartres,
et le ms. de Paris, BNF, lat. 7377B porte une dédicace à celui-ci11. L ’idée
se présente, alors, d’une association étroite des deux textes, le fait d’une
réception latine dont un témoin juxtaposant les deux textes serait parvenu
en mains juives à une date indéterminée. Malheureusement, rien, dans la
tradition textuelle de la Summa philosophiae en latin, ne vient appuyer
cette idée : parmi les six témoins connus de P. Dutton, un seul, Valen­
ciennes, BM 321, l’un des plus récents (1250-1325), présente un contexte
scientifique, qui n ’est nullement celui-là ; les autres contextes consistent
(lorsqu’il y en a) en extraits ou florilèges d’auteurs antiques ou patristi-
ques ou en textes hagiographiques et religieux (Munich, BSB, lat.
18215). P. Dutton veut bien m ’indiquer que, parmi les quelque quatre-
vingt dix manuscrits contenant les autres versions, on ne le rencontre

10 M. S teinschneider , Die hebräischen Übersetzungen des Mittelalters und die


Juden als Dolmetscher, Berlin, 1893, réimpr. Graz, 1956, p. 534-535, 568, 569, 583, 972.
11 C h . F. B urnett , « Arabic into Latin in Twelfth Century Spain : the Works of
Hermann of Carinthia », Mittellateinisches Jahrbuch 13,1978, p. 100-134(108-112).
416 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

jamais, un contexte privilégié étant le Didascalion de Hugues de Saint-


Victor12. On ne peut donc confirmer cette hypothèse.
Demeurerait la possibilité d’une variante de celle-ci : que l’asso­
ciation ait été le fait d’un compilateur juif, voire d’un traducteur qui au­
rait été le même pour les deux textes, à haute époque et au contact même
du milieu chartrain. Vu le caractère tardif des deux témoins connus, ce
sont les traductions elles-mêmes qu’il faudrait alors interroger pour tenter
de les dater et pour déterminer si elles peuvent être attribuées à un même
traducteur. Pour faciliter une éventuelle comparaison, est fourni en an­
nexe de cet article le lexique latin-hébreu de l’introduction de ce texte.

Bien que très proches, les deux copies hébraïques ne procèdent pas
l’une de l’autre. Le ms. de Cambridge paraît légèrement meilleur dans
certains choix propres, et il est assez singulier qu’il semble présenter des
traces d’un recours à un texte latin lui aussi légèrement différent du mo­
dèle de Paris : on aurait donc affaire à deux états d’une même traduction
(non à deux traductions différentes, en raison de leur très grande proximi­
té), ce qui étonne un peu puisqu’il s’agit justement des deux seuls té­
moins subsistants. D ’un autre côté, le témoignage de la traduction hébraï­
que sur le texte latin ne correspond parfaitement à celui d’aucun des té­
moins latins connus (le contraire eût été une singulière coïncidence) en
dépit d’une affinité caractérisée avec le ms. V de M. Dutton, Valencien­
nes, BM 321 (305), ff. 44r-89r. Il est à noter que c’est selon lui le seul
manuscrit sans lien avec l’Italie13.
La méthode de traduction se caractérise tant, comme déjà observé,
par une aisance à comprendre la syntaxe latine et à se libérer de ses
schémas par recours à des tours syntaxiques et à un ordre des mots habi­
tuels à l’hébreu, que par un embarras devant les éléments mythologiques
et les realia romains abondants dans la Summa philosophiae et dans la
Philosophia et que le traducteur résout par l’omission, la translittération
ou plus rarement par des tentatives d’analyse étymologique qui manquent
le but (ainsi de compos [Dutton 1,4,1] traduit par mehubbar, «attaché,
composé », soit par un faux rapprochement, soit en raison d’un latin alté­
ré ; de facundia [1,4,3] traduit par zerizut, « zè le », sans doute par étymo­

12 Communication du 23 mars 2005.


13 Pseudo-Guillelmi de Conchis Summa philosophiae, [fase. I], dactyl., s.l.n.d., p. X.
CONTRESENS OU REECRITURE ? 417

logie erronée à partir de facere ; de comedia [1,10,7] traduit par seudah,


« banquet », par fausse analyse en cum, edere). Les translittérations, très
nombreuses (aux termes incompris ou sans équivalent hébreu s’ajoutant
les multiples noms propres), révèlent une prononciation du latin marquée
par des traits italiens, voire le recours à un truchement non ju if traduisant
en italien, ce qui dans les deux cas confirme l’origine italienne de cette
traduction.
Pour s’en tenir au passage édité ci-dessous, le texte en avait déjà été
publié, à l’exception des deux derniers paragraphes qui annoncent le plan
de l’ouvrage, par Georges Vajda qui avait présenté de façon synoptique le
texte de l’édition Ottaviano et celui du manuscrit hébreu de Paris. Le
texte de Cambridge a permis d’améliorer ce dernier sur un point d’impor­
tance : niü Tï^ïï, correspondant à bonitate ingenii, au lieu de Tm “TPüfô ;
l’omission d’un mot dans la transcription imprimée par Vajda, mNlVi
■TPôKn [TD'W] “p"i2n (cf. ut propriam cognoscat originem), accroissait
encore son obscurité. Dans le second paragraphe, non édité par Vajda, la
correction très économique phonétiquement de irm n n en lève
encore une difficulté. La prise en compte, grâce à l’apparat critique des
manuscrits utilisés par Dutton ou à la comparaison de son texte avec celui
d’Ottaviano repris par Vajda, des leçons diverses animantis... inaniman-
tis/ animatis... inanimatis, uirtutibus/ uirtualiter, uidebitur utile
contempnatur/ uideretur et uidebitur inutile contempnatur, de ternariis/
determinare, permet de reconduire aux obscurités ou flottements de la
tradition latine ce qu’une première confrontation permettait d’imputer au
traducteur hébreu ou à son copiste. Le bizarre rinfrCiDïï, vT)XlT)Dö, dans le
contexte des phénomènes célestes supralunaires, a des chances de recou­
vrir quelque meteora ou meteorologia, cependant non apparent dans les
collations de Dutton. Comme devrait le montrer la traduction qui suit, le
texte qui résulte de ces corrections, quelque violence qu’il fasse à son
modèle, ne comporte aucun passage dépourvu de sens et seulement une
anomalie :freti rendu par □ ’Wins, « troublés », soit du fait d’une erreur de
copie en latin ou en hébreu que nous ne reconstituons pas, soit parce que
le traducteur n ’a pas compris freti et a imaginé un sens qui, dans ce
contexte, lui a semblé faire l’affaire (à partir de fretum, « détroit », celui
de « tempétueux » ?). À signaler encore deux obscurités dans la descrip­
tion, sans équivalent dans les manuscrits latins conservés, d’après le texte
de Dutton et son apparat critique, du contenu de la troisième partie de
l’ouvrage. Il est clair, en revanche, comme l’avait déjà souligné Vajda,
que les copistes n ’ont pas entendu grand-chose au texte qu’ils avaient
sous les yeux. La copie de Cambridge est en effet tout aussi inintelligible,
418 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

en raison de ses fautes propres, que celle de Paris, et peut-être même da­
vantage, comme on peut s’en rendre compte grâce à l’apparat critique.
Nous avons donc établi un texte hébreu éclectique. Cette méthode, en
général à éviter car on risque alors de reconstituer un texte qui n ’a jamais
existé, se justifie dans le cas particulier d’une traduction dont on possède
encore le modèle, à condition d’être en mesure de distinguer entre les
variantes propres à la tradition en hébreu et celles qui s’expliquent par la
tradition latine. C’était possible puisque nous disposions de l’édition pré­
paratoire, inédite, établie par Paul Dutton dans les années 1990 à partir
des six manuscrits latins connus, dont nous reproduisons avec son aima­
ble autorisation le texte et les quelques variantes, tirées de son apparat
critique des manuscrits, qui peuvent aider à la compréhension du rapport
entre le texte hébreu et le texte latin, en signalant en outre, pour les mê­
mes raisons, des variantes entre son texte et celui d’Ottaviano repris par
Vajda.
EDITION ET TRADUCTION DES TEXTES HEBREU ET LATIN
DE L’INTRODUCTION DE LA PHILOSOPHIA
420 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

Summa philosophiae 'T'i Vft


Potissimum uniuersorum expetendomm est sapien­ Trai nraatz/ narra riixwri riria ran nriya pay
tia, per quam perfecta omnium bonorum acquiritur rmnra mxnrii mnxn nmty t is i miaya napa anm
forma, siquidem eius ardore intrinseci hominis imriin rrinna naa anxnty arma anann amaipn nm
irradiantur oculi, ut propriam cognoscat originem, naann mx iri nmny in s amsyn ¡anana naia xwaa
qui ceteris rebus tam animantis quam inani mantis naaon p riy apnan anam ria riy at^nrin mnsm ima
similis fieret, si suam prae illis non cognosceret xnty xn aria naaom nnam irix riaa warn many; arila
amplitudinem. Namque apud antiquos sapientiae anty ann mv aariari mty nan arax .ria im riy mana
doctores usitatum et a posterioribus hoc prouer- aasyri pina mrma amairiariai pinaiz; aprima ari'priipa
bium, « Cognosce te ipsum », omnibus est celebra­ nriiya mxna a’ixna nanm man xri íxnw nan m
tum. Quoniam hominis animus, si sui principii uel panri Dorila’ nrxw ^yaa nvs anri pxty ansar andrai
originis terrenorum mole aggrauante immemor non riyi amyia anam annai aia nrsa a w n annxt. nan
esset, sapientia illustratus, suam perfectionem in p rin ..mnxn mxn arim i anana [x2 d] anaxa p
extrinsecis non quaereret et omnia mutabilitati nsipa nani .naann xn warn nrym amn lri’x ma^n
obnoxia pro nichilo reputaret. Constat enim apud mty nriyinri max a n : am ana poym xrii magnai
omnes suae mentis compotes hominum animam xsa: nriiyan nxra ax man rrinna rinx ntai ..annri
omnium rerum posse habere notitiam, et ideo ex ariiyan anain nm xrii .atyrr riaiy inan1? an irxw nai
omnibus ab antiquis uirtutibus asseritur esse xriu; a’tyrxn r r riy mnw anainty m/sn n n ni maya
composita, quia sua industria comprehendere, si mnaxy; na nnx iri: p riyi maaa nairi aix riam
non perfecte, ualet uniuersa. Haec est autem
nostrae mentis dignitas maxima, quam omnes
habent communiter, set non recognoscunt aequa­
liter. Sunt etenim plurimi extrinsecorum passioni­
bus corrupti et sensibilium illecebris extra seipsos
adducti, ideoque quid fuerint obliti. Quia praeter ea
quae uidentur, nichil recognoscunt, ad ea uehe-
menter se applicant, et summo desiderio appetunt.
Inter quos nonnulli reperiuntur, qui naturali ingenio
destituti nec etiam minima capere possint. Quidam
uero bonitate ingenii freti pama quidem contemp-
nunt eoque amplius in maximis ueritatis lumen
amittunt. Hii quoque coniugium Philologiae ac
Mercurii tanto desiderio uirtutis quaesitum tanto­
que deorum conuentu approbatum nituntur soluere,
qui relicta sapientia, quae prodest, eloquentiae,
quae si fuerit sola nocet, conantur adhaerere. Igitur
nos, quos natura ditauit ingenio, facilem ad uerita-
tem aditum praebendo, reperiamus per philoso­
phiam nostri status primaeuam naturam, et ne
maiorum fructus perdamus in nostro studio, minora
ne contempnamus. Et quoniam in huius uitae
solitudine summum solamen animorum est exerci­
tatio sapientiae, idcirco de ipsa breuiter et com­
mode proposui disserere, non studens uerborum
uenustati, set communi sociorum utilitati. Hoc
autem postulo in assertionis exordio, ut si in hoc
opusculo aliquid imperfectum inueniatur, ad
imbecillitatem communem referatur, et non ideo
quod uidebitur utile contempnatur. In humanis
quippe inuentis uix aliquid inuenio, quod omni
prorsus sit expiatum uitio. Igitur promissum exe-
quamur.
CONTRESENS OU REECRITURE ? 421

Propositum nostrum est philosophiae summam sex rw vh npbra x w x^ioVrsn una1? xti irruía
partitionibus distinguere et tractatus seriem a xiruw ív m m xin -fron rïnsran p iddìi p^m .crpbn
summo rerum principio usque ad hominum crea­ ..mxn nxnnb
tionem deducere. Prima tamen partitio erit de mVivan tisnai a ^ ’bœn onaia iiwxnn p^nn
ternariis, de artium diuersitatibus, quae de ipsa ..nom maai a1™ am nPx prim nx’sioVrsn p anw
philosophia et quae referantur ad ipsam, quaeque mtmr abismniwmbi antpai ba by "pian rriíyaa awn
eius ancillae, quae autem ab ea sint remotae. p mnbxn ninnai aspiri p i nmom p ..07xn
Secunda de summo rerum principio, de daemoni­ mrônsai mpwmxai mm 71? amzraaai anninn [a2 a]
bus, de anima mundi, et de animabus hominum. ribw -psnai mm p ’ynnn ..aprn arxw amxai
Tertia de elementis, de firmamento, de planetis et ..aixn [x2 p] 7i? mTi p anmn ^nai asinai riTOaai
eorum effectibus usque ad lunam. Quarta de ..a7xn nxnna ninzm ..mmxn ninnai ]ipma ..nyann
mutatione quae fit in aere usque ad terram. Quinta
de situ et uarietate terrarum. Sexta de hominis
creatione.

Animantis... inanimantis : -matis... -matis Ottaviano et rram 3 rnyrn .d raoiKb rrbbD rran id o p rrwn nribi
ms. V Duirtutibus : uirtualiter Ottaviano et ms. V || quod p rin cip ii uel] 3 îm b w nbnna .p -to m m [quoniam] d jo t w ’D .p
uidebitur utile : quod uideretur uel uidebitur inutile .p m im [m ole aggrauante] D *013 mmn .p [?i]nbnn^ [orig inis
Ottaviano || de ternariis : determinare Ottaviano et ms. M. .p riNbn [passionibus] 3 y r iin .p u n d n w u n .s wn¡? p im w
131 7TCH) [bonitate ingenii] p DIP ~\vm .3 nrobaiba p DTOibDbïï
.p m y n [assertionis] 3 n y n .3 nbrw p brw .p wri? 3 ™ .3[ ?]
p ro p o s itu m ] n m n i r n r o .3 n’b iya p a riiyn n .3 nbrm p brut
p nbiy^a .p 'tb d nwwb .3 Ktrb p K’ n .p b ir m n r i [n o s tru m
p ï» izrbwn .3 obiyn p o in i .3 d i s i p a b im .3 nb’raa [sum m o]
■m tfrsm . s ’opu? iiik i m ?i mmm p ’siparnw ai .3 p im ’urbu/n
.3 ’b im a m p
422 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

Texte latin Traduction-adaptation hébraïque


Somme de philosophie Généralité des sujets de la philosophie
La plus importante de toutes les choses désirables C’est un sujet élevé et une question générale
est la sagesse, par laquelle s’obtient la forme que d’interroger sur la sagesse, par laquelle
achevée de tous les biens, pourvu que les yeux s’acquiert une représentation précieuse, et il
intérieurs de l’homme soient illuminés par ses convient de reconnaître le vrai et de prendre une
rayons, de telle sorte qu’il acquière la connaissance large vue des propos des anciens sages. En effet
de son origine, lui qui se croirait semblable à tant l’homme, dès sa naissance, en raison du fardeau
d’êtres, [du règne ( ?)] animé[s] ou inanimé[s], s’il des choses terrestres, a besoin de disposer de la
n’apprenait à connaître sa grandeur qui les dépasse. lumière de la sagesse par une voie extérieure et
De fait, en usage chez les anciens docteurs de la de penser à tout ce qui est nuisible. C’est pour­
sagesse, le proverbe « Connais-toi toi-même » a été quoi tous conviennent qu’il faut que l’âme
bien connu de toute la postérité. C’est que la connaisse tout cela, et tous conviennent qu’elle
pensée de l’homme, si, accablé du poids des est composée de manière extraordinaire. Mais
fardeaux terrestres, il n’était oublieux de son c’est une chose commune pour nous tous que
principe ou origine, [et qu’il fût] éclairé par la beaucoup sont corrompus par des maladies14
sagesse, ne rechercherait pas sa perfection hors de extérieures et, à cause de leur souillure, sont
soi et tiendrait pour rien tout ce qui est soumis au expulsés hors d’eux-mêmes, de sorte qu’ils ne
changement. Car c’est un fait établi auprès de tous reconnaissent rien de ce qu’ils voient. Beau­
ceux qui sont maîtres de leur esprit, que l’âme des coup, d’autre part, sont la proie de violents
hommes peut avoir connaissance de toutes choses, désirs et parmi eux il en est qui n’ont [plus]
de telle sorte que les anciens la tiennent pour même l’humaine faculté de concevoir car ils ne
composée de toutes les potentialités [vel de tout peuvent rien comprendre. D’autres encore sont
potentiellement], puisque son activité est capable troublés par une bonne conception et méprisent
de tout saisir, au moins imparfaitement. Tel est les objets moindres, de telle sorte qu’il perdent,
donc le plus haut honneur de notre pensée ; tous le des grandes choses, la lumière véritable.
possèdent au même titre, mais n’en prennent pas
conscience également. Il en est en effet un grand
nombre qui sont corrompus par la dépendance des
objets extérieurs et attirés hors d’eux-mêmes par
l’attrait des sensibles, et qui pour cette raison sont
oublieux de ce qu’ils furent. Hormis ce qu’ils
voient, ils ne reconnaissent rien, ils s’adonnent
violemment à ces objets, les convoitent extrême­
ment. Il s’en trouve parmi eux qui, déchus de leur
talent naturel, ne peuvent comprendre les notions
les plus simples. D’autres, se fiant à leurs capacités,
méprisent les petites notions et n’en perdent que
davantage, dans les plus grandes, la lumière de la
vérité. Ceux-là encore travaillent à rompre le
mariage de Philologie et de Mercure, recherché
avec tant d’ardeur pour la vertu et approuvé par un
si grand concours des dieux, qui, abandonnant la
sagesse utile, tâchent de s’unir à l’éloquence,
laquelle, lorsqu’elle est seule, est nuisible. C’est
pourquoi nous, que la nature a doués de talent, pour
fournir un accès facile vers la vérité, retrouvons par
la philosophie la nature primitive de notre condi­
tion et, pour ne pas perdre les fruits des grandes
choses dans notre recherche, ne méprisons pas les
petites.

14
Traduire passio ainsi suppose une culture savante préalable.
CONTRESENS OU REECRITURE ? 423

Et parce que dans le désert de cette vie la plus C’est pourquoi le prix de cette vie et le plaisir
grande consolation des esprits est la pratique de de l’âme, c’est la sagesse. Nous parlerons de
la sagesse, je me suis proposé d’en traiter façon brève et dense, sans nous préoccuper de
brièvement et commodément, sans rechercher la belles paroles, mais en vue de l’utilité commune
joliesse des mots mais le commun profit de mes de nos compagnons. Et je commencerai, au
semblables. Mais je requiers, au seuil de mon seuil de ce texte [en disant] que s’il se trouve
discours, que s’il se trouve quelque chose dans cet ouvrage15quelque chose qui ne soit pas
d’imparfait dans ce petit ouvrage, on l’attribue à bon, qu’on l’impute au manque d’intelligence et
la commune faiblesse et qu’on ne dédaigne pas qu’on ne laisse pas les choses utiles à cause de
pour cela ce qui paraîtra utile [vel et qu’on ne le cela16, car il ne se peut que ce qui est fait par les
dédaigne pas pour cela, parce qu’il paraîtrait hommes ne puisse être critiqué. Suivons donc
inutile]. Car dans les découvertes humaines je ne ce que nous avons dit.
vois pas grand-chose qui soit entièrement exempt Notre propos est d’exposer la philosophie, qui
d’erreur. Accomplissons donc notre promesse. se divise en six parties. Et l’ordre du livre va du
Notre propos est une somme de philosophie Très Haut qui est roi, le Créateur17, jusqu’à ce
divisée en six parties et un ordre d’exposition que nous arrivions à la création de l’homme. La
qui partira du principe suprême des choses pour première partie a pour objet les ternaires, la
aboutir à la création de l’homme. La première diversité des activités qui procèdent de la
partie sera consacrée aux ternaires, la diversité philosophie, y retournent, sont ancillaires ou
des activités humaines, celles qui dérivent de la s’en éloignent. La deuxième, le Très Haut qui
philosophie elle-même et celles qui y condui­ règne sur toutes choses, les démons, les âmes du
sent, celles qui sont ses servantes et celles qui monde et les âmes de l’homme. La troisième,
en sont éloignées. La seconde traitera du prin­ les éléments, les cieux, la liaison [opérée par] la
cipe suprême des choses, des démons, de l’âme divinité ( ?) des étoiles et de leurs effets jusqu’à
du monde et des âmes des hommes. La troi­ la lune, les vingt-six horoscopes et les [météores
sième, des éléments, du firmament, des planètes ( ?)] et ceux qui sont sans force18. La quatrième,
et de leurs effets jusqu’à la lune. La quatrième, la lune, sa variation et celle de ses effets, les
du changement qui se produit dans l’air jusqu’à tonnerres et toutes choses depuis la lune jusqu’à
la terre. La cinquième, de la position et de la l’homme. La cinquième, l’ordre et la différence
variété des terres. La sixième, de la création de des terres. La sixième, la création de l’homme.
l’homme.

15 Pe ‘ulah, trad. litt, d ’opusculum : contresens ou néologisme ?


16 Texte hébreu conforme au latin de Dutton.
17 Désignation de Dieu plus conforme aux expressions de la dévotion ordinaire que
dans le texte latin.
18 Les météorites tombant sur la terre ? L’indication du contenu de cette partie est
obscure et sans équivalent connu en latin.
Une subalternation de la philosophie ?

La principale différence entre le texte latin et le texte hébreu tient


dans l’effacement par celui-ci de la référence faite par celui-là à la haute
origine de l’âme (propriam... originem... suam prae illis... amplitudinem),
oubliée dans les tribulations de ce monde. Le traducteur ou adaptateur
hébreu la remplace par la difficulté de cette vie, à laquelle il est bon de
remédier par la sagesse. De la sorte, il renverse véritablement le propos
annoncé par le prologue latin. Celui-ci invitait en effet à un dépassement
du monde vers une sagesse contemplative ; bien noter cependant qu’il ne
s’agissait pas pour lui d’opposer crûment les deux, puisqu’il signalait
précisément l’écueil de ceux qui croient pouvoir mépriser les petites cho­
ses sans se douter qu’ils vont ainsi achopper dans les grandes. L ’hébreu,
en revanche, voit dans la sagesse le moyen de surmonter les maux ou les
embûches (maziqim) du monde.
Cette conversion ou inversion utilitariste, qui nous semble délibérée,
ne tient pas selon nous à un tempérament individuel et n ’est pas non plus
une illustration de la carnalitas iudaica. On peut y voir la condition
d’insertion d’un savoir dénommé philosophie (le terme, translittéré par le
copiste de Cambridge, est par là accepté, contrairement à la pratique gé­
nérale des auteurs juifs, même rationalistes, chez lesquels le philosophe
est, semble-t-il, toujours un adversaire ou au moins un étranger païen
(Aristote, le Philosophe par excellence)19 dans l’édifice juif, ou peut-être
simplement dans la hiérarchie scolastique des savoirs à la fin du XIIIe
siècle : là où le latin du XIIe siècle, vantant une philosophie et une sa­
gesse nourries de références antiques par lesquelles l’homme fait retour à
son origine divine, a l’air, dans les termes de la question au temps de
Bonaventure, Thomas d’Aquin et Jean Duns Scot, de poser une méta­
physique philosophique en rivale de la théologie, l’hébreu, limitant cette
philosophie à une dimension pratique et mondaine, fait disparaître le ca­
ractère désormais inadmissible de sa prétention à une portée plus élevée ;
la philosophie se cantonne aux arts, se subaltemant ainsi à une possible
théologie dont il n ’est pas question ici ; et du point de vue spécifiquement
juif, la « sagesse » (hokhmah), n ’est plus qu’une « science » (le nom, en

19 Les « rationalistes » se désignent eux-mêmes comme ha-maskilim, « ceux qui


cultivent P intellection », ha-hakhâmïm, « ceux qui pratiquent les sciences », etc.
CONTRESENS OU REECRITURE ? 425

hébreu, en est le même)20, au niveau, couramment accepté, de l’apport


des savoirs étrangers.
Ce n ’est pas le seul cas d’une traduction qui fausse fortement et,
croyons-nous, délibérément, l’intention de son modèle. Puisque cet article
est dédié à Madame Sirat, rappelons au moins le texte dont elle voulut
bien me suggérer d’éditer, dans le cadre d’une thèse, les traductions hé­
braïques : le Liber de causis. Le P. Safffey a montré comment il fut adap­
té, sans doute à Baghdad, au IXe siècle, par un traducteur monothéiste, à
partir du système polythéiste des Eléments de théologie de Proclus, un
schéma en éventail à partir d’une source divine unique étant substitué à
celui, en forme de grille dont chaque verticale était commandée par une
hypostase, qu’avait imaginé l’auteur néoplatonicien21.
Les autres différences du prologue sont de moindre importance.
L ’hébreu distingue une classe supplémentaire d’hommes égarés, les ma­
lades : soit que l’énumération du latin lui ait semblé incomplète, soit qu’il
ait éprouvé comme anormale l’apparente répétition par celui-ci de
l’évocation de l’homme égaré par les passions, soit par une combinaison
des deux raisons.
Le passage à la fois chargé d’une référence littéraire (à Mercure et
Philologie, paraphrasant le titre de Boèce), inconnue en milieu juif, et
polémiquant contre une discipline rhétorique elle aussi inexistante en
hébreu en ces temps et lieu (Hii quoque... minora ne contempnamus) a
été omis de propos délibéré et somme toute avec adresse : un traducteur
dépourvu d’une compréhension d’ensemble l’eût traduit comme le reste
ou en eût moins exactement repéré les limites. Paradoxalement, cette
omission, et d’autres de ce type au fil du texte lui-même, sont les indices

20 On se permet de renvoyer à J.-P. R othschild , « Scientia bifrons. L’ambivalence


de la ‘hokhmah (sapientia/ scientia) dans la pensée juive du moyen âge occidental après
Maimonide », in I. C raemer -R uegenberg , A. S peer (éd.), Scientia und ars im Hoch-
und Spätmittelalter, t. II, Berlin, de Gruyter, 1994, p. 667-684 («Miscellanea Mediaeva-
lia », 22).
21 H. D. S affrey (éd.), S. Thomae de Aquino Super librum De causis expositio,
Fribourg-Louvain, Société Philosophique-Nauwelaerts, 1954, réimpr. Paris, Vrin, [2002],
introd., p. XXX : « Mais les multiples hénades de Proclus se trouvent maintenant toutes
rassemblées dans la causa prima qui crée les intelligences et les âmes. Cette causa prima
n ’émane plus de l’un, elle est au-delà de l’un... Le schéma du quadrillage, sous
l’influence du monothéisme religieux... s’est transformé ici en une sorte de système de
coordonnées polaires ».
426 JEAN-PIERRE ROTHSCHILD

d’un certain savoir-faire de la part d’un traducteur qui sait que, d’un tel
texte, certains passages (mythologiques, théologiques [omission d’un
long passage de théologie trinitaire, Dutton 11,5,2 in fine-7,9] ou autres)
doivent plutôt être omis comme oiseux, contraires à la foi juive ou tout
simplement incompréhensibles.
L ’annonce de la troisième partie, sur le ciel, comporte quelques dé­
tails supplémentaires par rapport au texte provisoire de Dutton (horos­
copes, météores), qui figurent peut-être dans le modèle latin qui nous
échappe encore.
Au total, encore une fois, il nous semble que nous avons affaire en
hébreu à un traducteur-adaptateur qui tire parti avec adresse de ses in­
compréhensions mêmes pour tirer d’un texte philosophiquement obsolète
les matériaux d’un projet encyclopédique beaucoup moins ambitieux que
celui de son devancier latin, approprié tant à la situation nouvelle de la
philosophie subaltemée à la théologie dans l’université chrétienne, qu’au
rôle nécessairement secondaire de l’apport des disciplines profanes dans
l’édifice ju if des savoirs.
ANNEXE
INDEX LATIN-HEBREU DU TEXTE EDITE

acquiritur : rupi forma : irai perfecta : 2iwn


adducti : o’tzniia habere notitiam : Ton philosophiae : naiorian
aggravante : 72a (sic) P hoc : nxt, nr planetis : nana
om. C hominis : DTK plurimi : aaa
aliquid : "07 hominum : D7N7 postulo : briK
amittunt : dtokö humanis inuentis : Damn potissimum : rriiya
ancillae : D’72y D^IXH 'T *7371WWW prima : ptfX7
anima : niWM, tmn ideoque : -W principii :7*7717
artium : nriiys igitur : p byi promissum : 117axty na
assertionis : 7l2n 22 illustratus : 71X propositum : írmia
bonitate : ma imbecillitatem : ynon quarta : aann
breuiter : 7np2 imperfectum : aia u w quid : 727 UW
capere : farri in extrinsecis : 1772 (vn P quidamuero : Dnnxi
communem : banw m i s a om. C) quinta : ’wann
composita : maina in maximis : Dril7in quoniam : -W 7üKa P
constat : naaon Dna7a - w 7nxa C
contempnatur : ÏTT ingenii, -io : 7T>x ? recognoscunt : T7an
contempnunt : anna inter quos : a.TTyai referantur : Dann
corrupti : aripbipa inueniatur : xyai referatur : 2YIZ/1T
creatione : nx’72 lumen : 71X7 (sint) remotae : 77D7H
daemonibus : D’TO lunam : m a reperiuntur : □ ’«sai
deducere : Kim mole : xwa reputaret : 2\z/n*7
desiderio : mixn mundi : D^iyn sapientia : naan
destituti : arri pxw mutatione : lian se applicant... appetunt :
disserere : 7271 naturali : ana □7Kna
distinguere : ttnsri nec... minima : 72W secunda : ’iwn
diuersitatibus : ia n nonnulli : [suj. ss entendu sed : Diax
effectibus : annyya du V. au plur.] -w seipsos : nasy
elementis : rimo’ obnoxia : D’pna seriem : lipa
eoque : p riy omnes : obn sex : tzw
etenim (enim M) : max omnium : *72 sexta : '»trpwri
exequamur : ibi originis : 77*717 situ : lipa
exercitatio sapientiae : partitio : pbn sociorum : 0^7
nannn ? partitionibus : 7p*7ni solamen : my7
exordio : rrian pama : oayia Dna7n studens : poy7i
extra : pna passionibus : D’riin summa : [D\7]ri*?2 (titre)
firmamento : Dapi per quam : maaw summo : n*7iya

22 Erreur d’interpréta­
tion étymologique à
partir du verbe sero ?
Erreur de copie pour
7127?
428 JE A N -PIE R R E R O T H SC H IL D

summum : mrrtyn ? ueritatis : 'TTftNn


ternariis : uidentur : liCKy
terrarum : ms"iK uix : "WDX’K
terrenorum : D,r7Dy D’l3ì universorum : ririD
tertia : ^ritz/n usque : 7y
tractatus : “)D0 usque ad : 757
uarietate : “pDH utile : [ ?] cirinya
uehementer : min utilitati : nbym
uerborum uenustati : □ ,K3
□mai
R esia nn e F ontaine

THE THEME OF THE THREE WORLDS


IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH

The three worlds alluded to in the title of this paper are : our sublunar
world ; the world of the heavenly spheres, and the spiritual (or : imma­
terial) world. The theme of the three worlds recurs at regular intervals in
Judah ben Solomon ha-Cohen’s Midrash ha-Hokhmah (‘the Exposition
of Science’), a thirteenth-century encyclopedia, in which the author pro­
vides a survey of the science and philosophy of his day. This as yet
unedited encyclopedia has come to the attention of the scholarly world
thanks in great measure to several important articles on it by Colette
Sirat1. The three worlds is one of the many issues which Sirat dealt with
in her pioneering studies on this text. Inspired by her studies, the present
paper’s aim is to explore this theme in the various contexts in which it
appears throughout the Midrash ha-Hokhmah (hereafter : M H ) and to
determine its role in Judah ha-Cohen’s thought.

1. The introduction to the MH

The theme of the three worlds appears at the very beginning of the
MH, in the author’s introduction. Its opening sentence reads :

Since everything that has been created by the Holy One blessed be He can be
divided into three parts - the spiritual, the spherical, and the world of generation

1 C. Sir a t , ‘Juda b. Salomon Ha-Cohen. Philosophe, astronome et peut-être


kabbaliste de la première moitié du XIIIe siècle’, in Italia, 2 (1977), p. 39-61 ; Ead .., ‘La
Qabbale d ’après Juda b. Salomon Ha-Cohen’, in G. N ahon and C h . T ouati (eds),
Hommage a Georges Vajda, Louvain, 1980, p. 191-202 ; Ead ., ‘L ’explication des lettres
selon Juda b. Salomon ha-Cohen’, in C. Sirat and L. A v r in , La lettre hébraïque et sa
signification, Paris, etc., 1981, p. 39-42. Cf. also the section devoted to Judah ha-Cohen in
C. SIRAT, A History o f Jewish Philosophy in the Middle Ages, Cambridge etc. and Paris,
1985, p. 250-255.
430 R ESIA N N E FO N T A IN E

and corruption -, the philosophers accordingly divided the sciences into three
parts : natural science, mathematical science and divine science2.

Judah ha-Cohen then goes on to list the philosophical and scientific books
written by Aristotle, Euclid and Ptolemy from which these sciences
should be learned and he describes their contents at some length3. In other
words, he uses the correspondence of the three branches of study as a
starting point for a detailed classification of the sciences.
The Aristotelian background of this passage is obvious. Judah’s
words reflect Aristotle’s description of the three classes of beings that
form the objects of the three ‘theoretical philosophies’ (physics, mathe­
matics and theology or first science)4.
Judah’s next step in the Introduction is to find references to these
three worlds in the biblical text. According to him, the three worlds are
alluded to, for example, in Deut. 10:14 : “Mark, the heavens (= the upper
world) to their uttermost reaches (= the spheres) belong to the Lord your
God, the earth and all that is on it (= the sublunar world)5”.
Another issue he addresses in the introduction is the theme of the
hierarchical order of the three worlds and their corresponding sciences.
However, here a problem comes to the fore. While the author leaves us in
no doubt that the spiritual world is at the top of the hierarchy and the
world of generation and corruption at the bottom, he is less clear about
the exact position of the middle world, that of the spheres. In one passage
he asserts that knowledge of the higher world automatically yields know­
ledge of the other two6. Apparently, he contrasts the higher spiritual
world to the two lower worlds. However, in another passage, where he
claims that knowledge of the essence of the two higher worlds cannot be
attained by man, he places the world of the spheres on a par with the
spiritual world, opposing them to the lower world, the knowledge of
which can be attained by both the senses and the intellect. It remains

2 MH, ms. Oxford, Mich 551 (Cat. Nr. 1321), f. Ir.


3 MH, ms. cit. ff. lv-4v.
4 Cf. Metaphysics 1026al3-16 and Physics 198a29-30, cf. also below, next section.
5 Translations of Biblical quotations are from the English translation of the Jewish
Publication Society of America entitled Tanakh : the Holy Sciptures ; The new JPS
Translation, Philadelphia-New-York, 1988.
6 MH, ms. cit. f. 4v.
TH E THEM E OF THE THREE W ORLDS IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH 431

unclear, therefore, whether the middle world is more closely connected to


the lower world or to the higher one. This somewhat inconsistent position
with respect to the world of the spheres and the corresponding science of
mathematics may find its origins in Aristotle’s ambiguity about the posi­
tion of mathematics within his tripartite division of speculative know­
ledge7.
Be this as it may, it is clear that the discussion on the hierarchy of the
three worlds, and that of the sciences points to another function of the
theme in Judah’s work : it helps him to emphasize the position of the
higher spiritual world in correspondence with the position of divine
science as the highest science.
Moreover, the notion of the three worlds plays yet another role here,
for Judah exploits it to highlight the difference between Jewish and non-
Jewish science. Immediately after his classification of the sciences he
goes on to argue that the divine science of the philosophers - by which he
means the thirteen books of Aristotle’s Metaphysics - does not yield
certain knowledge (ha-hokhmah ha-wadda’it) of the divine spiritual
world. Such knowledge can only be attained by Kabbalah, that is, by the
revelation that Moses received at Sinai and that was handed down from
generation to generation. In Judah’s view, this is the only true divine
science, which is the exclusive possession of Israel, whereas non-Jews
are only able to attain knowledge of the lower worlds8.
This critical attitude towards secular science and Aristotle’s meta­
physics is another theme which recurs at regular intervals in his work. It
is this attitude that leads Judah to include three treatises in his work that
are devoted to Jewish subjects. These subjects do not appear in his
enumeration of the sciences. Therefore, the classification of sciences that
Judah presents in his introduction, does not serve as the Table of Con­
tents’ for his own book, as one might expect. The actual structure and
contents of the MH deviate from his classification of the sciences. The
first treatise, which consists of an explanation of selected Biblical verses,

7 In M etaphysics 1026a7-10 Aristotle observed that although mathematics is


theoretical, it is unclear whether its objects are immovable and separable from matter. Cf.
C h . H e i n , Definition und Einteilung der Philosophie : Von der Spätantiken
Einleitungsliteratur zur arabischen Enzyklopädie, Frankfurt am Main, 1985, p. 171-172.
8 MH, ms. cit., f. 5r.
432 RESIA N N E FO N TA IN E

is found after his survey of logic, natural philosophy, and metaphysics


(Part I). The second treatise (on the Letters of the Hebrew alphabet) and
the third (on Talmudic aggadot) are situated after Part II that contains a
survey of geometry, astronomy and astrology (The world of the spheres’).
In other words, instead of a Part III on divine science (The spiritual
world’) we find treatises on Jewish subjects, Aristotle’s Metaphysics
being covered in Part I (The natural world’). Even though Judah does not
say so explicitly, it may be inferred that these three treatises fall under
True divine science’.
In sum, the theme of the three worlds plays a manifold role in the
introduction to the M H . Firstly, it constitutes the starting-point for the
classification of the sciences and the hierarchical structure of the uni­
verse. Secondly, the theme of the three worlds as linked to the study of
the sciences allows Judah to formulate his criticisms of Aristotelian
philosophy. Lastly, it also provides him with the organizing principle for
the material that he aims to present in his work.

2. Biblical exegesis

Interestingly, Judah’s survey of Aristotle’s natural philosophy does


not address the theme of the three worlds. However, in a passage on the
difference between the objects of natural science and those of mathema­
tical science, he observes :

That which the mathematician studies is ‘discernment of the heart’ ; not that these
things are so in truth. Therefore, the study of discernment is called in our language
binah ba-lev (understanding of the heart), as we will explain in [the explanation of]
the verses of Proverbs, with God’s help9.

In Judah’s first treatise, on the explanation of Biblical verses, we indeed


find the exposition referred to by Judah, namely in his comments on
Prov. 1:2 : “for learning wisdom and discipline ; for understanding words
of discernment”. According to Judah, this verse refers to the three
sciences : wisdom (hokhmah) stands for divine science ; understanding
{musar) for natural science and words of discernment {binah) for

9 MH., ms. cit., f. 47r. The passage goes back to Physics 193b35-194al.
THE THEM E OF THE THREE W ORLDS IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH 433

mathematics, for the science of things abstract from matter requires


discernment (havanat ha-lev). Here he specifies that Scripture’s term for
physics is musar, because this science studies beings that are in motion,
that is beings that are made up of matter and form, and are thus
susceptible to kinds of motion, such as generation and corruption,
alteration and locomotion as they are movable (sarim) and changeable
from one thing to another. In contrast, mathematics studies beings whose
forms can be separated from matter, at least in thought, not in reality10.
This passage goes back to Physics 198a29-30 where the three classes of
beings (things incapable of motion ; things that are in motion but are
indestructible, and destructible things) are related to the three branches of
study11.
This example clearly illustrates Judah’s procedure in the treatise on
Biblical verses. The author comments on certain passages from Genesis,
Psalms and Proverbs in light of the philosophical doctrines he has pre­
sented in Part I. At times we find him supplementing them with his own
views, but at other moments he criticizes these doctrines12.
The theme of the three worlds occurs at regular intervals throughout
this treatise. As was the case in the introduction, the motif recurs in the
opening lines of Judah’s biblical exegesis. Commenting on Gen 1:1 he
explains that the spiritual world (reshit) emanated from God first, and
through it (be) the two other worlds were created. Judah explains this
verse as an allusion to the emanation from the higher upon the lower13.
Several other verses too are explained by him as referring to both
emanation and/or the hierarchy of the three worlds, as, for example Ps
19:2 “The heavens declare the glory of God, the sky proclaims His
handiwork14”. The extent to which the three worlds are simple or com-

10 Cf. the edition of this section of the MH by D. G oldstein, ‘The Commentary of


Judah ben Solomon Hakohen ibn Matqa to Genesis, Psalms and Proverbs’, in Hebrew
Union College Annual, 52 (1981), p. 203-252, lines 509-516.
11 Cf. also Metaph. 1026a 13-16.
12 In her article ‘La Qabbale d’après Juda b. Salomon Ha-Cohen’, Colette Sirat
discusses and translates several passages from this treatise.
13 Goldstein, ‘Commentary’, lines 7-20.
14 Ibid., lines 372-376. Cf. also lines 480-481 (on Ps 66 :1) and 1081-1086 (on
Prov. 30 :4).
434 R ESIA N N E FO N T A IN E

pound is discussed in reference to Ps. 150:1-215. Furthermore, he equates


this emanation with light, a theme that is crucial in Judah’s perception of
the Creation Story, and with the spiritual world in his comments on Gen
1:3-4, saying that ‘light’ refers to a world that is ‘wholly light and well-
balanced’16. Moreover, Judah combines the concept of emanation with
that of providence, for example in discussing Ps 36:6-7 where he inter­
prets hesed as standing for providence17. He also argues that providence
extends to the lower world while denying views to the contrary18.
The key-words in the discussion of the three worlds in this part of
MH appear to be emanation, illumination, and providence. However, the
theme under discussion also appears in this treatise in another context that
may be described as “knowledge and the pursuit of the sciences”.
Throughout this section of the M H Judah explains Biblical verses as
referring to various aspects of learning, such as the hierarchy of the
sciences, the order of learning, the importance of acquiring knowledge,
man’s perfection and the limits of study. In particular, this is valid for his
comments on Proverbs. Indeed, according to Judah, this biblical book is
concerned with the various degrees of the sciences and the proofs
employed in them. Moreover, it deals with the virtues and the opinions
that can be learned from the sciences19. Here I will provide a few exam­
ples of Judah’s use of biblical verses in this regard.
To begin with, from Prov. 8:33-34 “Heed discipline (musar) and
become wise (hokhmah)” Judah infers that the study of physics (musar)
should precede that of the higher world(s). This order of learning enables
man to allow form to prevail over matter so that the evil inclination is
subdued which is absolutely mandatory if one seeks to pursue divine
science. Man should therefore become acquainted with the sciences and
overcome his matter so as to acquire the virtues before engaging in the
study of divine science, a degree that Judah finds alluded to in the next
verse “watching daily at my gates20”. The same notion with regard to the
order of learning is expressed in Prov. 1:7 “The fear of the Lord is the

15 Ibid., lines 485-493.


16 Cf. bKidd 39b, Goldstein, ‘Commentary’, lines 30-43.
17 Ibid., lines 399-410.
18 Ibid., lines 348-350.
19 Ibid., lines 504-505.
20
Ibid., lines 581-594.
TH E THEM E OF THE THREE W ORLDS IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH 435

beginning of knowledge”. In other words, to Judah the study of physics


has an ethical dimension.
As for the importance of learning and human perfection, Judah
teaches that man is obliged to actualize his potentiality that is, to aspire to
make his rational soul ascend to the higher world by studying the
sciences21. In this regard, he elaborates on the meaning of the word adam
as opposed to ish. Commenting on Prov. 8:4 : “O men (ishim), I call to
you ; my cry is to all mankind (bene adam)”, he observes that whenever
the term ish occurs in the Bible without further qualification, it refers to
someone who is perfect regarding ethical and intellectual virtues. There­
fore this term is only used for someone who is perfect in actuality, that is,
someone who is a has id. In contrast, the term bene adam is used for
someone who is perfect only in potentiality and has to actualize his
potentiality by listening to the cry that calls upon man to walk in the right
way. This verse thus teaches us that man (adam) can reach perfection by
striving to become ish22.
However, not everyone can reach that degree and not everything is
knowable to man. In Judah’s view, the limits of science is the issue
underlying Prov. 30 :7-8 “Two things I ask of you [...]”. What Solomon
in fact requested was, Judah explains, that he would gain strength for
study and investigation and that he would stop when he would have
reached the limit. Too much study leads to denial of God, whereas a lack
of study leads to incorrect views for example the view that God is
incorporeal. Intellectual pursuit up to a certain limit is called ‘daily bread’
(Prov. 30:8)23.
In this context the theme of the three worlds reappears. Judah notes
that this limit applies to the study of the two lower worlds. With respect
to the study of the divine world another limit applies, namely that
expressed in Ex 33:22 ‘T will put you in a cleft of the rock”. From this
verse Judah deduces that there is also a limit to the knowledge that God
grants to those who have reached the degree of ish. He also states that
there are various degrees as far as knowledge of the divine world is

21 Ibid., lines 226-234 and 243-246.


22 Ibid., lines 947-954, cf. his exegesis along similar lines of Prov. 9 :20-21, lines
976-984.
23
Ibid., lines 1105-1119.
436 R ESIA N N E FO N TA IN E

concerned24. Furthermore, non-Jews are unworthy of this degree, which is


why they cannot attain true knowledge of the superior world. Here we
encounter the same critical attitude towards secular science that we found
in Judah’s introduction. The section under consideration contains a long
list of Aristotelian doctrines, which, according to Judah, are unproved25.
These doctrines are taken from Aristotle’s writings on natural philosophy.
This implies not only that one does not become ish by studying
Aristotle’s works, but also that knowledge of the natural world as taught
by Aristotle, is far from certain. For all his emphasis on the importance of
learning, Judah thus appears to be very reserved about the possibilities of
obtaining true knowledge of the higher world.
To sum up : the notion of the three worlds plays as prominent a role
in his Biblical commentary as it did in the introduction. In this section it
is discussed in connection with the classification and hierarchy of the
sciences and of his scepticism towards Aristotle, as was the case in the
Introduction. Moreover, it emerges in combination with concepts such as
emanation, illumination, providence, and with various aspects related to
learning and the pursuit of knowledge.

3. Astrology

The next occurrence of the motif takes place in Judah’s introduction


to his survey of Ptolemy’s astrology26. Once again, the three worlds are
referred to in the opening sentence, where Judah maintains that the ema­
nation in degrees from the higher world to the lower world has already
been discussed ‘several times’. In this introductory section, Judah aims,
among other things, to explain the sufferings of the righteous. To this
end, he establishes three premises (haqdamot), the first of which states
that the upper spiritual world is the essence (‘iqar) whereas that of the
human beings is of secondary importance (tafel). The lower world is
created solely with the purpose that man acts in it in such a way that he
may be rewarded by becoming a citizen (ezrah) of the higher world, for
in this world man, or more specifically Israel, is a stranger (ger). The

24
Ibid., lines 1120-1126 and 1040-1045.
25
Ibid., lines 704-756.
26
This part of the MH was edited by Y. Spiro, Otot ha-Shamayim, Warsaw, 1886.
THE THEM E OF THE THREE W ORLDS IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH 437

second premise claims that everything that comes from above is good,
even though it may appear otherwise to us. All dispensations are with a
view to what is good for man, so that he will be worthy of the upper
world and become a citizen in the world which is ‘wholly good and well
balanced’. In the third premise, Judah tries to reconcile astral determi­
nation with the notion of free will. Here he argues that suffering is for the
good, for it leads man to consider his actions, which in turn, leads him to
the spiritual world, which is the highest good27.
What is important to note at this point is his use of the phrase ‘a
world that is wholly good and well-balanced’ in reference to the upper
world. As may be recalled, the same phrase also occurred in his expla­
nation of Gen. 1:4 where it was equated with light (see preceding
section). Here, however, Judah seems to allude to the world to come
given the context of suffering in this world and reward in the higher
world.

4. The letters of the Hebrew alphabet

The next step on our itinerary is Judah’s second treatise that follows
after part II of the MH, that is, after the sections on geometry, astronomy
and astrology. A mixture of cosmology, astronomy, astrology, ethics and
biblical exegesis, the central theme of this treatise is the hidden meaning
of the Hebrew letters28. Convinced as he is that the letters of the Hebrew
alphabet provide the true keys to divine science the idea of the three
worlds plays a central role in his speculations on the letters of the Hebrew
alphabet. Judah divides the 27 letters (22 consonants plus the five final
forms) into three groups of nine characters, relating these groups to the
three worlds. The units, the letters aleph-tet stand for the higher world
and represent the nine intellects, whereas the tens (yod-tsade) symbolize
the spheres. Finally, the hundreds (qof-tav), together with the five final
characters symbolize the various beings found in the sublunar world29.
For some letters Judah provides a detailed description of the corres­
pondence between the form of the Hebrew character and its counterpart

27
Ed. Spiro, 2r-v ; MH, ms.cit., f. 174r-v.
28
For a partial translation of this section, see C. SlRAT, ‘L ’explication des lettres’.
29
MH, ms. cit., f. 188r.
438 R ESIA N N E FO N T A IN E

among created beings. For our theme his interpretation of the forms of the
letters yo d and lam ed is particularly relevant. Of the yod, which
corresponds to the highest sphere, he observes that its form, which is the
most simple of all forms of the Hebrew letters, indicates the simplicity of
the highest sphere30. As for the lamed, Judah notes that it corresponds to
the sphere of Saturn, the planet that is a sign of truth and divine science.
This explains the long neck of the letter : it reveals an inclination upwards
to the spiritual world. It stands, so to speak, erect for the higher world ; its
counterpart being the qof’ which by virtue of its form, is directed towards
the lower world. Judah adds that this is why Aristotle called the book in
which he treats divine science lambda and why the Sages have called the
explanation of the oral law talmud. In other words, the lamed stands for
‘higher learning’, be it Jewish or non-Jewish31.
Moreover, the notion of the three worlds is at play in Judah’s expla­
nation of the acrostic aleph-yod-qof. According to Judah, this acrostic
consists of the first character of each of the three groups of letters (units-
tens-hundreds) and symbolizes the various stages of divine emanation as
well as threefold knowledge, that is, knowledge of the three worlds. In
this regard it may be noted that his treatise on biblical exegesis contains a
slightly different piece of interpretation. Elaborating on the notion of ish
he stated that ish in Scripture is used for someone who has knowledge of
the three worlds, given that the three letters of this word represent the
intellect (aleph), the sphere {yod) and the corruptible world {shin is
equated with esh) respectively32.
We thus find the notion of the three worlds linked to the issues of
emanation and learning, as was the case in the treatise on biblical exe­
gesis. Moreover, Judah’s observations on the highest of the three worlds
reveal a parallel to his introduction to Ptolemy’s astrology (cf. preceding
section). This occurs in his explanation of why the letter zayn corres­
ponds to the intellect of the sphere of the sun. Here he quotes Is 64:3
“Such things have never been heard or noted. No eyes has seen [them], O
God, but You, who act for those who trust in You”. Assuming that ‘eye’
{ayn) in this verse stands for the sun, he interprets this verse as conveying

30
MH, ms. cit., f. 189r.
31
Ibid.
32
Goldstein , ‘Commentary’, lines 955-960.
THE THEM E OF THE THREE W ORLDS IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH 439

that in the world to come, that is the spiritual world, the righteous will see
the ziv ha-shekhinah. In that world, the shekhinah is the source of
illumination, contrary to this world that is illuminated only by the sun. In
other words, besides evoking the notion of illumination once again (cf.
above, section 2) Judah takes one step further than he did in his
introduction to astrology by unequivocally identifying the higher world
with the world to come33.

5. Polemics

Towards the end of the MH, the motif of the three worlds emerges
yet again, this time within the framework of anti-Christian polemics.
After the treatise on the letters of the alphabet Judah inserts a religious
disputation that consists of a question by an anonymous Christian scholar
(hakham me-hakhmei ha-umot) and Judah’s reply to it34. The question
raised by the scholar is how the Jewish claim to being God’s chosen
people and a holy nation can be reconciled with what he calls the ‘acci­
dental’ existence of Israel and the observed status of servitude of the
Jews35.
Judah introduces his reply in these words : “if all that existed were
no more than this world of generation and corruption, how right and
correct would your words be.” As is immediately clear from this opening-
sentence, Judah’s refutation is based on the idea that the present status of
the Jews in this world is only one side of the story. To explain this, he
takes refuge in the tripartite division of all that exists. In this context he
describes the higher world as the world that is pure and holy, the middle
world being that of the spheres. Our lower world is that which receives
the filth, much as in a body where the lower parts that serve the higher
ruling parts receive the bodily waste. The three worlds can be compared
to the various compartments in a king’s palace, each compartment having

33 MH, ms. cit., f. 190r.


34 On this section of the M H , see C. Sir a t , ‘A la cour de Frédéric II
Hohenstaufen ; une controverse philosophique entre Juda ha-Cohen et un sage Chrétien’,
in Italia, 13-15 (2001), p. 53-78 and R. Fontaine , ‘Religious polemics in a philosophical
encyclopedia : Judah ha-Cohen on ‘the Chosen People’' , in Zutot. Perspectives on Jewish
Culture, 2001, Dordrecht etc., 2001, p. 98-106.
35 MH, ms. cit., f. 195v.
440 R ESIA N N E FO N TA IN E

its own supervisors. This explains why the nations, to whom this lower
world belongs, have power over Israel, whose actual domain is the higher
world. Much as the gatehouse exists only for the sake of the inner
sanctum, this world exists only in order to prepare onself for the higher
world, as is taught by the Rabbis : “prepare thyself in the vestibule that
thou mayest enter in the banqueting-hall” (thaï: is, the world to come)36.
Judah then addresses the question of why Israel was not also given
this world. Basing himself on Aristotle’s De Animalibus he argues that
this is a matter of justice in nature : seeing that the higher world is allot­
ted to Israel, it is only fair that the nations should have dominion in this
world. He also asserts that much as one sun suffices for the whole earth,
the existence of one holy nation is sufficient37.
The concept of the three worlds thus enables Judah to account for the
miserable position of the Jews in this world and to reject the claim that
this position contradicted divine election. Moreover, it strikes a note of
optimism, for the thrust of Judah’s argument is that Israel’s proper
domain is the most important of the three worlds, and that the debased
status of Jews in this world is only temporary. Here again we espy the
identification of the higher superior world with the world to come which
we found in earlier sections.
Judah does not specify the nature of the world to come. To be more
precise, he does not explain whether or how this world is related to the
time of the Messiah. Nevertheless, the equation of the world to come with
the highest of the three worlds gives us reason to presume that Judah’s
use of the notion of the three realms serves not only as a cosmolo-
gical/ontological scheme, but that there is also a temporal aspect to it. In
the section immediately preceding the religious disputation Judah enga­
ges in a Messianic calculation, which yields 1260 as the year of redemp­
tion38. The basis of this rather complicated computation is a reinter­
pretation of Jewish history in terms of the reign of the planets, in
particular that of Saturn, a planet that is of special importance to Israel.
Redemption will come when Saturn reigns once more.

36
MH, ms. cit., f. 196r, cf. mAvot 4:16.
37
MH, ms. cit., f. 196r-v.
38
MH, ms. cit., f. 195r.
TH E THEM E OF THE THREE W ORLDS IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH 441

As Y. Tzvi Langermann has noted, the year 1260 was “dangerously


close to the publication of the Hebrew version of the M H ” (1247), which
is why he raises the question of whether the MH was perhaps meant to
prepare the Jews for a new area of enlightenment39. In my view, this
suggestion is highly plausible, given Judah’s emphasis throughout his
work on illumination and on the acquisition of knowledge in general and
traditional Jewish knowledge in particular, and given the fact that Judah
associated Saturn with truth, divine science and higher learning.
However, in my view, we may stretch the point a bit further and
presume that Judah’s theory of the three worlds also echoes trends in the
contemporary non-Jewish environment. In her first article on the Midrash
ha-Hokhmah, Colette Sirat already pointed to the fact that the year 1260
which Judah determined as the year of Messianic redemption happened to
be the year that Joachim of Fiore, the famous Christian expositor of the
Bible and visionary, believed to mark the beginning of a new era, As
Sirat suggested, this can hardly be coincidental40. Therefore, let us briefly
review Joachim’s views on redemption41.
The doctrine that made Joachim of Fiore (1132-1202) famous and
that was to have great impact on western thought was that of the three so-
called ‘states’ (Lat. status) in history, often called the three ages. Lat­
ching on to a time-honoured tradition, Joachim came to distinguish three
states or eras of the world, corresponding to the three persons of the
Trinity. He believed the first state, that of the ‘Old Testament’, to have
been under the rule of the Father ; the second, that of the ‘New Testa­
ment’, under that of the Son, whereas the third and last state in history,
the beginning of which he believed was near, would belong to the Holy
Spirit. Viewing history as a process of increasing spirituality, he pictured

39 Y.Tzvi L angermann, ‘Some remarks on Judah ben Solomon ha-Cohen and His
Encyclopedia Midrash ha-Hokhmah’, in S. H a r v e y (ed.), The Medieval Hebrew
Encyclopedias o f Science and Philosophy, Dordrecht etc., 2000, p. 389.
40 Sirat , ‘Juda b. Salomon ha-Cohen’, p. 48.
41 For Joachim’s thought, see M. REEVES, Joachim o f Fiore and the Prophetic
Future, London, 1976 ; Ea d ., The Influence o f Prophecy in the Later Middle Ages : a
Study in Joachimism, Oxford, 1969 ; N. COHN, The Pursuit o f the Millennium, New-York,
1971 ; B. M acGin n , The Calabrian Abbot : Joachim o f Fiore in the History o f Western
Thought, New-York and London, 1985 ; B. H irsch-R eich , ‘Joachim von Fiore und das
Judentum’, in P. W ilpert (ed.), Judentum im Mittelalter, Berlin, 1966, p. 228-263.
442 R ESIA N N E FO N T A IN E

this era as one of peace and bliss for all mankind. It would be chara­
cterized by a new quality of life thanks to the effusion of the Holy Spirit
over all men ; the whole world would be pervaded by the same spirit and
Jews and Muslims would convert. In this period of angelic-like perfection
and spiritual enlightenment mankind would be led by what Joachim
called spiritual men, that is, the monastics to whom spiritual under­
standing was given. The third age of the world, however, was to be
preceded by a period of incubation that would last two generations (1200-
1260).
After his death his views rapidly gained adherence. The so-called
‘spirituals’ within the mendicant orders, especially the Franciscans,
appropriated Joachim’s views about spiritual men and conceived them­
selves to be the new order that would replace the Church of Rome and
guide mankind into this blissful state. During this period and especially
from the 1240s onwards, these views began to exert great influence on
the masses and gave rise to much religious turmoil and agitation.
Certainly, there is no explicit mention of Joachim’s views in the MH.
However, it is highly improbable that Judah who wrote the Hebrew
version of his work in 1247 and in a Christian environment, at the court
of Frederic II would have been unaware of theories that were in such
tremendous vogue among his contemporaries. Moreover, the Emperor
was a pivotal figure in contemporary Messianic expectations, viewed as
he was both as the Messiah and the Antichrist.
Therefore, it does not seem too far-fetched to assume that it is indeed
not coincidental that Judah calculated 1260 as being the year of
redemption and that he was influenced by Joachim’s views, especially
since the numbers three and seven which play a central role in Judah’s
calculations are also very prominent in Joachim’s explanation of
Scripture.
More generally, the prominent place of the three worlds theory in the
M H may have been influenced by the impact of Joachim of Fiore’s
theories of the three states of the world. In this regard it is relevant to note
that Israel Jacob Yuval has recently argued that Joachimite influence was
at work in an earlier Hebrew text of the thirteenth century. This concerns
an anonymous Hebrew text, which predicted the coming of the Messiah
THE THEM E OF THE THREE W ORLDS IN THE MIDRASH HA-HOKHMAH 443

for 1240, and adopted a division of history into three periods. Curiously,
in this Hebrew text, the three key-figures are Moses, Jesus and the
Messiah. According to Yuval, this scheme should be viewed as a reflec­
tion of and reaction to Joachim’s scheme built around the Trinity42.
Something similar may be the case with the MH. Judah’s
employment of the three worlds theory in the field of polemics that we
find directly after his calculation of the date of Redemption may well be
viewed as a response to Joachim’s views on the age of the spirit. Judah’s
emphasis on issues such as higher spiritual knowledge, illumination and
the pouring out of the divine becomes all the more relevant when seen
against the background of Joachim’s perception of the last state of history
in which the same elements play a crucial role.

6. Conclusion

From the above observations it appears that the motif of the three
worlds does not occur within the body of Judah’s presentation of contem­
porary secular science. It appears in sections where Judah introduces or
supplements the philosophical-scientific writings by others that he
surveys in his encyclopedia : that is to say in his introduction ; in the first
treatise (after Part I) ; his introduction to Ptolemy’s astrology : in the
second treatise (after Part II), and in his polemics that concludes this
treatise. As for the third treatise, which is found immediately after the
second, and which is devoted to an explanation of Talmudic aggadot, the
motif of the three worlds does not play the prominent role that it does in
the other treatises. It occurs towards its end, which is also the end of the
entire work. Here Judah again brings up the difference between the
sciences contained in the books of the nations of the world and divine
science as contained in the Torah, without, however, adding anything
new.
In other words, the theme is to be found in those portions of the text
that reflect Judah’s own thought and it is given pride of place in these
sections. As we have seen, it is a recurrent element in his work. More­
over, the book opens and ends with it, and in several sections Judah refers

42 I. J. YUVAL, “Two nations in your womb”. Perceptions o f Jews and Christians,


Tel Aviv, 2001, p. 302-305.
444 RESIANNE FONTAINE

to it in the opening lines. It is thus no exaggeration to say that it forms the


‘major thread’ of his work. Linked as it is to various philosophical and/or
religious concepts such as matter and form, emanation, providence, the
perfection of man and afterlife it provides him with an overall framework
for the discussion of these subjects. Moreover, this framework enables
him to address more general issues, such as learning, the study of secular
science and its relation to traditional Jewish learning. At the same time,
he uses the theory to react to notions circulating in the non-Jewish
environment. Admittedly, his musings about the three worlds are not
always presented systematically and at times are even found conflicting.
Nonetheless, it can be maintained that the theory of the three worlds
forms the unifying principle to his thought.
Judah ha-Cohen was certainly not the only Jewish scholar to
speculate on the notion of the three worlds. In his study on the fourteenth-
century philosopher Nissim Ibn Malka George Vajda presents a brief
survey of philosophers and kabbalists prior to Ibn Malka in whose works
the notion of the three worlds appears in one way or another. As Vajda
notes : “Les speculations gréco-arabes et juives sur les mondes méri­
teraient une monographie43”. In the absence of such a monograph it is
difficult to precisely determine how Judah’s use of the theme relates to
that by earlier or contemporary thinkers. His pervasive and multifaceted
use of it makes it plausible to assume that his use of it was quite inno­
vative. However, further research is needed to establish the extent to
which this assumption is correct.

43
G. V a j d a , Juda ben Nissim ibn Malka, philosophe ju if marocain, Paris, 1954,
p. 94-95.
O lga W eijers

LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES


UNIVERSITAIRES : QUELQUES EXEMPLES

La réécriture d’un texte est un phénomène de tous les temps. On peut


le constater soi-même chaque fois qu’on rédige un article, un livre, un
rapport ou quelque texte que ce soit : la première rédaction n’est presque
jamais satisfaisante. Cependant, l ’amélioration d’un premier jet n ’est pas
la seule raison de la réécriture et dans le passé on peut également distin­
guer divers motifs et circonstances. Ici, on passera en revue un certain
nombre de ces raisons, sans prétendre à l’exhaustivité, en puisant les
exemples dans les sources universitaires des XIIIe et XIVe siècles.
Dans le contexte universitaire, la réécriture pour des raisons person­
nelles existait naturellement comme partout ailleurs. Après des années
d’annotation et de correction, un maître de la Faculté des arts par exemple
pouvait éprouver le besoin de reprendre son commentaire sur l’un des
textes d’Aristote qu’il enseignait et procéder à la rédaction d ’une nou­
velle version. Cela dit, lorsque nous n ’avons pas de manuscrits auto­
graphes - ce qui est le cas généralement -, il est difficile de déterminer si
cette deuxième rédaction est due au maître lui-même ou s’il s’agit d’une
copie modifiée, effectuée par un élève. On reviendra plus loin sur cette
difficulté1.

Les commentaires de la Faculté des arts

Dans la première partie de cet article, on citera en exemple des com­


mentaires de la Faculté des arts, qui correspondent aux cours donnés par
les maîtres dans le cadre du programme d’enseignement de cette faculté.
Lorsque nous avons plusieurs commentaires du même maître sur le
même texte de base, ces commentaires sont généralement issus de cours
différents. Cela est évident dans le cas où nous avons un commentaire
littéral, sous forme à'expositio, et un commentaire sous forme de ques-

Voir ci-dessous le passage à propos d’Adam de; Bocfeld.


446 OLGAWELTERS

ñones, car ces deux types de commentaires répondent à deux types de


cours qui n ’avaient pas le même but pédagogique2. On en trouve un bon
exemple dans les œuvres de Jean Buridan. Durant sa longue carrière
comme maître à la Faculté des arts de Paris, au deuxième quart du XIVe
siècle, cet auteur a commenté plusieurs fois les textes d ’Aristote qui
étaient au programme. Pour un certain nombre de ces textes, notamment
la Physique, la Métaphysique, le De anima et les Parva naturalia, il a
composé un commentaire littéral, dans lequel il explique l’ensemble du
texte, ainsi qu’un commentaire sous forme de questiones, dans lequel il
discute en profondeur certains problèmes issus de la lecture d’Aristote3.
Cette pratique, qui est courante vers la fin du XIIIe et au XIVe siècle, ne
peut pas vraiment être considérée comme un cas de réécriture, car il s’agit
de commentaires très différents, même s’il y a des ressemblances qui
montrent que l’auteur, en composant le dernier commentaire, a utilisé son
travail précédent. Cependant, Jean Buridan a également écrit plusieurs
versions du même type de commentaire. C’est le cas notamment de son
commentaire sur la Physique, dont nous avons non seulement les Ques­
tiones veteres et une nouvelle rédaction : les Questiones super librum
Physicorum, mais aussi des Questiones longe secundum ultimam lectu­
ram, sans parler des Questiones breves, qui constituent une version abré­
gée, due vraisemblablement à un autre auteur4.
Dans le cas de deux ou plusieurs versions du même type de com­
mentaire, nous sommes manifestement devant une situation de réécriture.
Lorsque l’auteur est un maître qui a longtemps enseigné à la Faculté des
arts, comme ce fut le cas de Jean Buridan, ces diverses rédactions sont

2 Pour les divers genres de commentaires à la Faculté des arts, cf. notamment
O. W e u e r s , « La structure des commentaires philosophiques à la Faculté des arts :
quelques observations », in II commento filosofico nell1Occidente latino (secoli XIII-XV),
éd. G. F ioravanti , C. L eonardi , S. P erfetti, Tumhout, 2002, p. 17-30.
3 Pour les commentaires de Jean Buridan, cf. O. W eu er s , Le travail intellectuel à
la Faculté des arts de Paris : textes et maîtres, 4. G-Johannes B., Tumhout, 2001, p. 127-
165 ; B. MICHAEL, Johannes Buridanus. Studien zu seinem Leben, seinen Werken und zur
Rezeption seiner Theorien im Europa des späten Mittelalters, Berlin, 1985 (diss., 2 vols.).
4 Cf. M ich ael , op. cit., voi. 2, p. 560-614. Les Questiones sur la Métaphysique de
Jean Buridan semblent exister en quatre versions, cf. C. F lüeler , « From Oral Lectures to
Written Commentaries : John Buridan’s Commentaries on Aristotle’s Metaphysics », in
Medieval Analyses in Language and Cognition, éd. S. E bbesen et R. F rie dm an , Kpben-
havn, 1999, p.497-521.
LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 447

probablement dues au fait qu’en reprenant son cours sur le même texte de
base plusieurs années plus tard, il n ’était plus satisfait de son premier
commentaire, sans doute en partie parce qu’il avait pris connaissance du
travail de ses collègues, et il composa donc une nouvelle version, corrigée
et complétée. Les Questiones longe secundum ultimam lecturam de Jean
Buridan correspondent sans aucun doute à un nouveau cours sur la Phy­
sique, fruit d’un enseignement à un moment plus tardif de sa carrière.
Un autre exemple de cette situation est celui d’Adam de Bocfeld, qui
fut probablement maître à Oxford vers 1250. Il est l’auteur d’une série de
commentaires sur les libri naturales d’Aristote, souvent conservés dans
deux recensions qui correspondent sans doute à des séries de cours
différents5. Mais ici on rencontre le problème signalé plus haut : dans un
certain nombre de cas la seconde recension ne semble pas être d’Adam
lui-même. Un de ses élèves, ou même un auteur plus tardif, aurait repris
et adapté le travail du maître. Ainsi, Geoffroy d’Aspall est peut-être
l’auteur de ce que l’on a considéré comme la seconde recension du com­
mentaire d ’Adam sur le De generatione et corruptione6. De même, la
seconde recension du commentaire sur le De somno et vigilia pourrait
être de la main de Siger de Brabant7. Et il faudrait étudier cette question
pour les autres textes des Parva naturalia, qui pourraient présenter un cas
semblable8. Quant au commentaire sur le De anima, il existe en trois
recensions, dont deux sont inauthentiques9.

5 Pour les œuvres d’Adam de Bocfeld, cf. O. W eijers , Le travail intellectuel (op.
cit.), l.A-B, Tumhout, 1994, p. 24-30.
6 Cf. O. W eije r s , « La Questio de augmento d ’Adam de Bocfeld », in Ratio et
superstitio. Essays in Honor o f Graziella Federici Vescovini, éd. G. M archetti,
O. R ign an i , V. S orge , Louvain-la-Neuve, 2003, p. 245 et n. 8.
7 C f. A . D oNDAINE e t L . J. BATAILLON, d a n s Archivum Fratrum Praedicatorum,
36 (1966), p. 170-171, 188-196.
8 Ainsi, Julie Brumberg-Chaumont a pu déterminer que l ’une des rédactions du
commentaire sur le De memoria et reminiscentia attribuées à Adam n ’est pas de lui,
tandis que la rédaction authentique s’est conservée dans quatre versions. Je remercie
Dominique Poirel pour cette information.
9 Cf. R.-A. G a u th ier , préface de Sancti Thomae de Aquino Opera Omnia, XLV,
Sententia libri De anima, Roma-Paris, 1984, p. 247-251. Pour le commentaire d ’Adam
sur la Physique, cf. S. D o n a t i , « Il commento alla Fisica di Adamo di Bocfeld e un
commento anonimo della sua scuola. Parte I », in Documenti e Studi sulla Tradizione
Filosofica Medievale, 9 (1998), p. 111-178, en particulier p. 112-116.
448 OLGAWEIJERS

S’il faut donc être prudent avant d ’attribuer avec certitude deux
versions d’un commentaire au même auteur, il n ’y a aucun doute que
certains auteurs ont remanié une première version à l’occasion d’une
nouvelle série de cours. Outre Adam de Bocfeld et Jean Buridan, on peut
citer en exemple Jean de Jandun, qui composa la première rédaction de
ses Questiones de anima lorsqu’il était jeune, tandis que la seconde
rédaction doit dater des années 1315-1318, c est-à-dire à un moment plus
avancé de sa carrière10. Mentionnons aussi Pierre d’Auvergne, à qui on a
attribué trois séries de questiones sur le De celo et qui a probablement
donné au moins deux séries de cours sur ce texte, en 1271-1272 environ,
puis entre 1277 et 1289 ou 1296 respectivement11.
On peut donc parler de réécriture d’un commentaire pour des raisons
d ’enseignement, même s’il faut prendre le terme réécriture dans un sens
large, car dans certains cas, comme celui de Pierre d’Auvergne, nous
n ’avons que des reportationes, des rapports écrits par des assistants et
non de la main du maître.
Jusqu’à présent, il a été question de cours différents mais proba­
blement donnés dans la même université. On peut aussi imaginer qu’un
maître se rend dans une autre université et décide de remanier son com­
mentaire pour s’adapter aux usages dans sa nouvelle université. Walter
Burley a, durant sa longue carrière d ’enseignement à Oxford et Paris,
composé de nombreux commentaires sous diverses formes et rédactions12.
Ainsi, il est l’auteur de trois commentaires sur la Physique, datant de
périodes différentes13. Le premier, 1’Expositio omnium librorum Physico­
rum, qui pourrait dater de la période 1301-1310, lorsque Burley était

10 Cf. O. WEIJERS, Le travail intellectuel (op. cit.), S. J (à partir de Johannes C.),


Tumhout, 2003, p. 94.
11 Cf. G. G a l l e , “The Set of Questions on De Caelo in the MSS. Leipzig,
Universitätsbibi. 1386, ff. 91 va-102vb and Praha, Knihovni Metropolitni 1320 (L. LXXIV),
ff. 43rb-52vb Attributed to Peter of Auvergne. Its Authorship, Date and Relation to Other
Sets of Questions Attributed to Peter of Auvergne”, in 11 commento filosofico (op. cit. n.
2), p. 253-309.
12 Cf. O. WEIJERS, Le travail intellectuel (op. cit.), 3, G, Tumhout, 1998, p. 37-62.
13 Pour le passage qui suit, cf. O. W eijers , « Un type de commentaire particulier à
la Faculté des arts : la sententia cum questionibus », in La tradition vive. Mélanges
d'histoire des textes en l'honneur de Louis Holtz, éd. P, LARDET, Tumhout, 2003, p. 214-
218 ; cf. aussi R. W o o d , «W alter Burley’s Physics Commentaries », in Franciscan
Studies, 44 (1984), p. 275-327.
LES RAISONS DE LA REECRITUREDANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 449

maître ès arts à Oxford et socius de Merton College, se présente sous


forme d’expositio ou plus précisément à 'expositio cum questionibus : il
est organisé en parties comprenant Yexpositio d ’un passage du texte
d’Aristote, directement suivie de questions à propos du même passage, et
ces questions ont la structure de questions disputées. Cette forme de com­
mentaire correspond au mode de lecture prescrit par les statuts oxoniens :
l’exposition détaillée du texte doit être suivie de questions relatives au
texte commenté. Le deuxième commentaire, les Questiones super librum
Physicorum, date probablement de la période entre 1310 et 1322, lorsque
Burley était à Paris comme étudiant en théologie. Ce commentaire, qui
doit être le résultat de cours à la Faculté des arts de Paris, est composé
exclusivement de questions disputées, sans passages d’explication litté­
rale. Bien qu’il soit différent du premier commentaire, Burley en a
clairement utilisé les questions. Il a donc entrepris une refonte totale de
son commentaire en s’adaptant à ce qui était alors d ’usage à Paris : les
Questiones répondent exactement par leur forme aux commentaires sous
forme de questions tels qu’ils furent composés à Paris à cette époque.
Ce ne fut pas la dernière refonte totale : Burley commença son
dernier commentaire, Y Expositio super totum librum Physicorum, en
1324, lorsqu’il était socius du Collège de Sorbonne, et le termina
beaucoup plus tard, entre 1334 et 1337, à l’instigation de son ami Richard
de Bury. Ce commentaire, qui est devenu très populaire, est une véritable
somme, sous forme d'expositio, mais comprenant aussi un certain nombre
de questions, appelées dubia dans la table qui figure à la fin. Burley se
sert naturellement de ses deux commentaires précédents, mais il utilise
surtout le commentaire sur la Physique de Guillaume d’Ockham, écrit
peu avant 1324. Ce troisième commentaire est clairement une mise au
point définitive, qui ne correspond pas à un enseignement précis, mais qui
a été vraisemblablement entrepris pour des raisons doctrinales, inspirées
par le commentaire d’Ockham.
Finalement, on peut signaler une autre situation encore : un maître
peut donner des cours privés et il peut ensuite reprendre le commentaire
correspondant et le retravailler pour un cours officiel à la Faculté des arts.
Ainsi, on peut supposer que Richard Rufus de Cornwall a écrit son
premier bref commentaire sur la Métaphysique (composé de brèves ques-
450 OLGAWEIJERS

tions) en rapport avec des cours privés ; quelques années plus tard, vers
1238, lorsque l’interdiction d ’enseigner les libri naturales était oubliée à
Paris, il aurait alors donné un cours officiel et composé son deuxième
commentaire, correspondant au type du commentaire parisien de cette
époque14.
Bref, on a vu différentes raisons qui peuvent inciter à la réécriture
d’un commentaire : une nouvelle série de cours sur le même livre de base
dans la même université, des cours dans une université différente, des
cours d’un caractère différent, une nouvelle mise au point pour des
raisons doctrinales. Ce ne sont que les raisons les plus évidentes, sans
parler de la simple reprise d’un texte en vue de, son amélioration.

Un examen à la Faculté de théologie

En changeant de faculté et de situation - on va parler non de


commentaires, mais de textes correspondant à l’un des examens à la
Faculté de théologie -, on va découvrir une autre raison de réécriture.
Présentons d’abord le dossier : un groupe de manuscrits de la Biblio­
thèque nationale de France à Paris comprend des actes scolaires relatifs
aux divers examens et cérémonies en usage à la Faculté de théologie au
XIVe siècle. Trois de ces manuscrits, BnF lat. 16408, 16409 et 16535
comprennent la même question : « Utrum per humanum inquirere
felicitatem contemplari sit possibile ». De plus, dans les deux premiers
manuscrits cette question figure quatre fois, dans le troisième trois fois,
sans compter qu’un bref résumé des conclusiones de la même question se
trouve à un autre endroit dans les deux premiers manuscrits15.

14 Cette hypothèse est la mienne ; pour les commentaires mentionnés, cf.


R. W o o d , « The Earliest Known Surviving Western Medieval Metaphysics Commen­
tary », in Medieval Philosophy and Theology, 7 (1998), p. 39-49.
15 Sur ces manuscrits, cf. P. G lo rieux , « Jean de Falisca. La formation d ’un maître
en théologie au XIVe siècle », in Archives d ’histoire doctrinale et littéraire du Moyen
Age, 33 (1966), p. 23-104 ; Z. K a l u z a , Thomas de Cracovie. Contribution à l ’histoire du
Collège de la Sorbonne, Wrocklaw-Varsovie-Cracovie-Gdansk (Académie Polonaise des
Sciences) 1978, p. 60-108. Cf. aussi B. Ha u r é a u , « Notice sur le numéro 16409 des
manuscrits latins de la Bibliothèque nationale », in Notices et extraits des manuscrits de la
Bibliothèque nationale et autres bibliothèques, XXXIV, 2, 1895, p. 319-362 (p. 346-349
sur la question discutée ici).
LES RAISONS DELA REECRITUREDANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 451

Une table des matières dans le ms. BnF lat. 16408, f. 123M24, nous
donne des renseignements sur la question qui nous intéresse :

In quinto (se. sistemo) multa pro responsione quadam in aula magistri Guillelmi de
Fontefrigido de questione : Utrum per humanum inquirere felicitatem contemplari
sit possibile. Et est ibi positio triplicità.

Il s’agit donc d’une question disputée pendant Yaula de Guillaume


de Fontfroide. Aula est le nom par lequel on désignait la partie principale
de 1'inceptio, c ’est-à-dire de la cérémonie par laquelle un bachelier
formé, dans la dernière phase de ses études, devenait maître, cérémonie
qui se passait à Paris dans Y aula ou grande salle de l’évêque. Durant cette
cérémonie, on disputait notamment d’une question qui impliquait l’inter­
vention d ’un répondant (également un bachelier formé), du nouveau
maître, du maître qui le présentait à l’examen, et du chancelier de l’uni­
versité, le tout étant minutieusement réglé16. Guillaume de Fontfroide, qui
passe donc ici l’examen nécessaire pour devenir maître, était proba­
blement Cistercien et abbé du Collège Saint Bernard, la maison d’études
de Cluny à Paris, ce qui veut dire que l’acte scolaire que nous avons ici
doit dater de 1364 ou 136517. Mais ce n ’est pas Guillaume de Fontfroide
qui a écrit le rapport de la cérémonie ; il s’agit probablement du bachelier
qui a joué le rôle de respondens, de celui qui a présenté une première
réponse provisoire à la question, avant que le nouveau maître et les autres
intervenants en discutent et que le premier donne finalement sa solution
définitive18. Ce bachelier a écrit la plus grande partie des textes du même
recueil et sans doute aussi d’autres recueils comparables. Il doit avoir

16 Cf. B. C. B a z à n , « Les questions disputées, principalement dans les Facultés de


théologie », in B. C. B a z à n , J. F. W ip p e l , G. Fr a n s e n , D. Ja c q u a r t , Les questions
disputées et les questions quodlib étiques dans les Facultés de théologie, de droit et de
médecine, (Typologie des sources du Moyen Age occidental 44-45). Tumhout, 1985, p.
118.
17 Cf. G lorieux , op. cit., p. 97.
18 Dans une dispute ordinaire, il y a généralement un respondens (ou plusieurs
respondentes) qui propose une réponse provisoire et des opponentes qui avancent des
objections ; dans un deuxième temps le maître qui dirige la dispute donne sa determinatio
ou solution finale et réfute les arguments contraires. Ce genre de disputes existait dans
toutes les facultés ; cf. B.C. B a z à n et al., op. cit. (n. 16) ; O. W eijers ,L æ ‘disputatio'
dans les Facultés des arts au moyen âge, Tumhout 2002.
452 OLGAWELTERS

assisté à de nombreux actes scolaires, examens, disputes solennelles,


leçons d’introduction à la lecture des Sentences, etc. et il a noté le dérou­
lement de ces actes au jour le jour, rassemblant ainsi une documentation
importante sur les sujets traités à la Faculté de théologie, sur la façon dont
on les traitait et dont il fallait se conduire durant des épreuves comme la
réponse dans une dispute solennelle. Glorieux a pensé pouvoir identifier
ce bachelier comme Jean de Falisca, mais Z',énon Kaluza a montré qu’il
s’agit d’Etienne Gaudet, maître en théologie depuis 1369 ou 136719, ce
qui s’accorde avec la date de la maîtrise de Guillaume de Fontfroide.
Les manuscrits BnF lat. 16408 et 16535 se ressemblent beaucoup et
font partie du groupe de manuscrits dont il était question plus haut et qui
semble avoir été écrit par la même main, à savoir celle d’Etienne Gaudet.
Celui-ci rédigea des notes tout au long de ses études et ajouta bien plus
tard encore de nouveaux textes, ce qui fait que ses manuscrits compren­
nent des parties écrites sur un laps de temps assez long20. Le ms. BnF lat.
16408 contient 301 folios, en papier, 22 x 14,5 cm environ, et il est
constitué de divers recueils, comprenant à leur tour de nombreux cahiers
(appelés sistemi dans les tables des matières) La partie qui nous intéresse
ici occupe le cinquième cahier de la première partie du ms. (f. 49-59) et
ce cahier est en effet un sénion. Le texte est écrit en longues lignes et le
nombre de lignes est variable, 37 à 40 environ. Le ms. BnF lat. 16535,
également en papier, mesure 22,5 x 15 cm environ et est composé de 246
folios ; la partie comprenant notre question (f. 141-149bis), également
écrite à longues lignes, se trouve dans le premier cahier de la seconde
partie du manuscrit. Le nombre de lignes est en moyenne de 34 à 38. Le
troisième manuscrit, BnF lat. 16409, compte 247 folios en papier, écrits à
longues lignes (ca. 31-32 lignes par page) ; il mesure environ 22 sur 14,5
cm et contient 20 cahiers. Malgré des ressemblances, ce manuscrit
n ’appartient pas au groupe mentionné plus haut : il a été écrit par une
autre main, probablement par Thomas de Cracovie, qui en était en tout
cas le possesseur21. Ce manuscrit est composé de trois parties, dont la

19 Cf. ci-dessus n. 15. Cf. aussi Z. K a l u z a , « L ’œuvre théologique de Richard


Brinkley, O.F.M. », in Archives d ’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Age, 56
(1989), p. 171.
20 Cf. K a l u z a , op. cit., p. 90-91.
21 Cf. K a l u z a , op. cit., qui donne une longue description de ce manuscrit.
LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 453

deuxième, comprenant entre autres notre question, est une copie de textes
contenus dans le BnF lat. 16408.
Revenons maintenant à la question, qui figure donc à plusieurs
reprises dans les manuscrits mentionnés. Pourquoi un bachelier aurait-il
écrit quatre versions de la même question, se suivant immédiatement,
dans un seul cahier (BnF lat. 16408), et encore d ’autres versions, se
suivant aussi directement, dans un autre cahier (BnF lat. 16535) ? S’agit-
il bien de la même question ? Et le développement est-il le même d’une
version à l’autre ?
Dans le ms. lat. 16408, la première version occupe les folios 49r-50v,
donc quatre pages ; la deuxième 51r v, deux pages ; la troisième 52r v,
également deux pages ; la quatrième 53r-59v, donc quatorze pages. Je les
appellerai ici textes 1 à 4. Dans les marges supérieures des textes 1, 2 et 3
on trouve respectivement les mentions : « prima positionis scriptura »,
« secunda scriptura eiusdem » et « tertia scriptura »22. Les textes 1 à 3 ont
été écrits proprement, commençant chacun sur un nouveau folio.
L’écriture du texte 4, qui commence également sur un nouveau folio, est
plus rapide et moins soignée ; elle a probablement été effectuée dans
d’autres circonstances. Le texte 1 contient assez souvent des mots rayés
et des mots ajoutés au-dessus de la ligne ou dans les marges (avec des
signes de renvoi) ; par contre, il y a peu de signes de paragraphe et
relativement peu d’annotations marginales23. Dans le texte 2, ainsi que
dans le texte 3 et au début du texte 4, les signes de paragraphe et les
annotations marginales sont plus nombreux.
Après la formulation de la question, le texte 1 commence par deux
arguments préliminaires, un pour la réponse négative (« Quod non ») et
un pour la réponse affirmative (« Pro questione »). Ces arguments consis­
tent en des citations abrégées et le résumé de leur « conséquence ». Puis,
la page est divisée en deux sur cinq lignes ; la partie gauche est occupée
par des vers, commençant par : « Meum parvum percipere exis tens
vanum et animale », tandis qu’à droite on trouve d’autres citations qui

22 II n’est pas clair pourquoi ces indications ont été barrées ; la quatrième version
n’a pas reçu un tel en-tête, comme on le verra ci-dessous.
23 Dans tous ces textes, on trouve parfois des notes marginales qui semblent être
d ’une autre main. Ce n ’est pas l’avis de Z. Kaluza, qui estime que toutes les corrections,
rayures et annotations sont de la main d ’Etienne Gaudet {op. cit., p. 91).
454 OLGA WEIJERS

continuent de nouveau à longues lignes. L ’auteur s’adresse ensuite au


maître (« Reverende magister ») en donnant une expositio termini
(comme le dit explicitement une annotation marginale dans le texte 2) qui
se limite au mot « contemplari », une description de la matière touchée
par la question et l’annonce des trois conclusiones (thèses) par lesquelles
il va développer sa position. Il continue par introduire, puis par formuler
la première conclusio, qui est la suivante :

Nullam rem omnino insensibilem ac pure spiritualem potest mens nostra per suum
humanum inquirere contemplari absque increate lucis presentía vel asistentia
spirituali.

Suivent quatre auctoritates et leur explication, pour soutenir la thèse.


Cette probatio de la première thèse occupe quatorze lignes dans le texte 1
et seulement quatre dans les textes 2, 3 et 4. La thèse est suivie de deux
corollaria, qui confirment la réponse négative à la question et dont le
développement occupe ici toute une page. Suit la deuxième conclusio
(également après une petite introduction) :

quod nulla entitas seu nulle entitates sunt essentialiter et quidditative nostra ultimata
felicitas.

Après son développement, elle est, elle aussi, accompagnée de deux


corollaires. La troisième conclusio, introduite brièvement, est la suivante :

quod bonum nostre ultimate felicitatis non solum est bonum utile aut delectabile,
ymo est bonum iusti vel iusticie.

Elle est suivie d’une triple probatio et de quatre corollaires, dont le


quatrième réfute l’argument basé sur Boèce, avancé au début comme
argument pour la réponse affirmative. Le texte 1 se termine par « Hec de
positione ». Il s’agit effectivement d’une positio, la position prise par un
bachelier qui jouait le rôle de respondens dans cette dispute, et de la
première écriture de cette position, comme l’indique la mention margi­
nale en tête du texte. Cette écriture ne ressemble pas à une reportatio de
la présentation déjà faite ; par contre on peut supposer qu’on a ici la
première rédaction d ’un texte qui devait préparer l ’intervention du
bachelier.
Le texte 2, qui est décrit dans la marge supérieure - on l’a vu plus
haut - comme « deuxième écriture de la même chose » et qui occupe
seulement le recto et verso d’un folio, a la même structure générale et, à
LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 455

une exception près, le même contenu, mais il n’est pas la copie partielle
exacte du texte 1. Il contient moins de citations, qui sont ici encore plus
abrégées, parfois aussi d’autres citations et dans le reste du texte l’expres­
sion verbale est quelquefois changée. Le texte 2 reprend les vers, ainsi
que Y expositio termini et la définition de la matière avec l’annonce des
trois conclusiones (qui compte ici une phrase de plus que dans le texte 1).
Comme on a vu plus haut, la probatio en quatre points de la première
thèse est ici abrégée jusqu’à quatre lignes seulement. D’ailleurs, dans le
texte 2 la première page va jusqu’à la fin des corollaires de la première
thèse, tandis que dans le texte 1 seuls ces corollaires occupent une page
entière. Cependant, le contenu est pareil. L ’introduction de la deuxième
thèse est formulée plus brièvement que dans le texte 1, mais ici aussi, on
a les deux corollaires dont le deuxième est suivi de trois preuves. Cette
deuxième thèse et ses corollaires n’occupent que dix-sept lignes, au lieu
d’une page entière dans le texte 1. La troisième thèse et son introduction
sont formulées un peu différemment, mais, comme dans le texte 1, il y a
trois preuves et ensuite quatre corollaires. Le quatrième corollaire n ’est
pas le même que dans le texte 1. En effet, dans ce dernier la réponse à
l’argument de Boèce avait déjà été donnée ailleurs (ce que fait observer
d’ailleurs une note marginale) ; dans le texte 2, cet argument est donc
remplacé par un autre qui commence par : « Eodem modo per ornnia
posset dici de peccato et iniusticia ». Ainsi, le texte 2 est une version
abrégée (réduite de moitié) et améliorée du texte 1. L’auteur a repris
l’essentiel, de façon plus brève tout en apportant de légères modifi­
cations.
Le texte 3, la « tertia scriptura », on l’a vu, occupe également le recto
et verso d’un folio. Ici aussi, le contenu et la structure sont les mêmes,
mais il y a encore moins de citations, les vers de l’introduction sont
supprimés, l’exposition du terme et l’indication de la matière sont très
brèves, les trois conclusiones sont annoncées mais ne sont pas formulées.
Bref, tout le début a été encore abrégé. La première thèse, à la différence
des textes 1 et 2, est formulée presque sans préambule et la formulation
n’est même pas achevée, mais elle est ici aussi suivie des quatre preuves
et des deux corollaires. Ensuite, en bas de la première page, un passage
commençant par : « Ex hiis thopice ad quesitum » (correspondant à un
bref passage dans le texte 2) a été rayé par des traits obliques ; dans la
marge on trouve la mention : « conclusio finalis », ce qui est étonnant à
cet endroit. La deuxième thèse, qui commence ici aussi au verso,
ressemble en gros à celle du texte 2, mais la troisième probatio du
deuxième corollaire est formulée un peu autrement. La formulation de la
456 OLGA WEIJERS

troisième thèse et son introduction est plus proche de celle du texte 2 que
de celle du texte 1. Les quatre corollaires sont les mêmes que dans le
texte 2, bien que le quatrième soit exprimé en d’autres termes. Le texte 3
est donc plus proche du texte 2 que du texte 1. Pourtant, ici non plus, il ne
s’agit pas d’une simple copie : l’auteur a encore abrégé son texte, surtout
au début, et utilise parfois d’autres formules. Il me semble que le
bachelier s’est fait un résumé propre mais le plus bref possible pour lui
servir d’aide-mémoire lorsqu’il doit donner sa position lors de la dispute
à propos de cette question.
Le texte 4 comprend en tout quatorze pages, mais en fait ce n’est que
la première partie, une page et demie, qui correspond aux textes 1, 2 et 3,
car ce n’est que cette partie-là qui contient la position du bachelier. Le
reste du texte 4 comprend le rapport de la discussion à propos de cette
position et de la question en général, discussion à laquelle prennent part
divers personnages, dont le chancelier, le nouveau maître et des
collègues. La première partie du texte, avec la positio, est encore plus
brève que les textes 2 et 3 : il occupe le recto et la moitié du verso d’un
folio (l’autre moitié porte des notes isolées). Au lieu de la mention « qua­
trième écriture » à laquelle on s’attendrait, on trouve ici dans la marge
supérieure : « paucas de hiis actoritatibus die: sed tantum quota »24. Dans
le texte 4, les arguments préliminaires sont écrites sur une seule ligne,
mais on retrouve le début des vers (que le texte 3 avait éliminés), la
formule « invocato divino auxilio » a été ajoutée, la première conclusio
est formulée en entier et est développée selon le même schéma. Ici aussi
on trouve une ligne avec la formule « Ex hiis topice patet », non rayée. La
deuxième thèse, avec ses deux corollaires, est encore écrite sur la pre­
mière page, bien que la formulation de la thèse soit plus longue que dans
les textes 2 et 3. D ’ailleurs, le premier corollaire est exprimé en des
termes un peu différents. La troisième thèse ressemble à celle du texte 3,
mais ici l’auteur n ’ajoute que deux corollaires : le premier et le troisième
des textes 2 et 3 sont ici numérotés premier et: deuxième. En fait, les deux
autres, qui semblent être supprimés, ne sont pas totalement absents, car
après le premier corollaire on trouve : « Item de secundo. Item de iniusto

24 Si cette note est de la même main que le texte, l’emploi de la deuxième personne
du singulier ne doit pas étonner, car l’auteur à l ’habitude de s’adresser à lui-même sous
cette forme ; cf. Z. Kaluza, op. cit., p. 91.
LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 457

ac de iusto », suivi de l’observation : « non declaro ergo breviter »25. Le


texte 4 est donc proche du texte 3, mais il est plus bref encore et il
comporte quelques différences. Comme on a vu plus haut, l’écriture n’est
pas non plus identique : il s’agit très probablement de la même personne,
notre bachelier Etienne Gaudet, mais il a écrit ici plus rapidement et
moins soigneusement. D ’ailleurs, le reste du texte 4, avec la discussion, a
été écrit de la même façon. On est tenté d’en conclure que cette quatrième
version de la position a été écrite après la cérémonie, donc après la pré­
sentation de la position, en même temps que le rapport de la discussion
qui y fit suite. Pourquoi l’auteur n ’a-t-il pas fait suivre le texte 3 direc­
tement de la discussion ? Il faut croire que les modifications apportées
(pendant la présentation ?) furent une raison suffisante pour la réécriture.
Si cette interprétation des quatre versions de la même positio est
correcte, nous avons donc ici un exemple de double réécriture (textes 2 et
3) pour arriver à un résumé le plus bref possible, à un aide-mémoire d’un
texte sans doute mémorisé, qui sert à préparer une prestation orale dans
une dispute officielle. D ’autre part, le début du texte 4 représenterait donc
le rapport de cette prestation, légèrement différent de la préparation.
La partie du ms. BnF lat. 16409 qui nous intéresse ici est une copie
de textes du ms. lat. 16408, qu’on vient de décrire. Il ne s’agit pas d’une
simple mise au net d’un brouillon, mais d’un nouveau recueil de textes
d’une grande cohérence interne26. Cela dit, dans le cas de notre question,
le compilateur, peut-être donc Thomas de Cracovie, a fidèlement copié
les quatre versions. Son manuscrit se présente de façon complètement
différente : la version 1 commence au milieu de la page (l’initiale manque
d’ailleurs), au début quelques citations sont soulignées, comme c ’est le
cas partout dans le modèle, mais cela s’arrête rapidement, le texte est
écrit de façon continue, sans signes de paragraphes en début des lignes
(mais on trouve parfois des traits obliques // ou / à l’intérieur des lignes
pour marquer un arrêt). Le copiste a directement incorporé les corrections
écrites au-dessus de la ligne ou dans la marge du modèle et il reprend
aussi les notes écrites dans les marges dont on peut se demander si elles

25 Le mot « declarare » a-t-il ici le sens de prononcer ou d’expliquer ?


26 Cf. Z. Kaluza, op. cit., p. 83. Pour la description de notre question, cf. ibid. p.
74. Kaluza fait observer que dans le texte on cite à plusieurs reprises des auteurs comme
Thomas Bradwardine et Henri de Gand.
458 OLGA WEIJERS

sont d’Etienne Gaudet lui-même, mais il les introduit dans le texte. Son
écriture est moins sévèrement abrégée et elle ne comporte presque pas de
rayures ni de corrections ; on a l’impression qu’il a copié son modèle
d’une traite. Cela dit, il oublie parfois quelques mots ou fait une erreur et
à d’autres endroits il ajoute une explication (par exemple pour le mot
« topice ») ou il corrige une erreur dans le modèle. Il ne recopie pas les
passages rayés et dans la troisième version il ne reprend pas le quatrième
corollaire. A la fin de la quatrième version de la positio il fait suivre
immédiatement (marqué seulement par // et une majuscule) la discussion
qui commence dans le modèle sur une nouvelle page, sans reprendre les
notes qui remplissent le reste de la page précédente dans ce dernier. On
peut se demander pourquoi le copiste a cru bon de recopier toutes les
versions de la positio au lieu de choisir par exemple la première et la
dernière. Peut-être voulait-il avoir un modèle de la façon dont un bache­
lier formé préparait minutieusement son intervention dans une dispute de
ce genre.
Le troisième manuscrit, le BnF lat. 1653:5 ressemble au lat. 16408 et,
comme on a vu plus haut, il a probablement été écrit par la même per­
sonne, le bachelier Etienne Gaudet. L ’écriture est moins soignée et plus
rapide que celle des textes 1-3 du ms. lat. 16408. D’ailleurs, tout au long
de ces manuscrits on constate des différences d’encre et au moins deux
types d ’écriture, soignée et plus rapide, ce qui semble normal pour des
recueils qui ont été constitués au fil des années27. Dans le ms. 16535, aux
folios 141r-143v, 144r-146v et 148r-149bisr (le f. 147 est blanc), nous
trouvons trois fois la même question dont on a parlé plus haut28. S’il s’agit
effectivement du même auteur, pourquoi aurait-il écrit encore une fois
une discussion à propos de cette question ? Le contenu doctrinal ne
semble pas être fondamentalement différente de celle des autres manus­
crits : on retrouve les mêmes conclusiones et en grande partie les mêmes
corollaires.
Regardons ces textes de plus près. Dans la version A on semble en
effet avoir un brouillon, avec beaucoup de rajouts dans les marges. On y
retrouve les arguments préliminaires, puis la réponse qui commence par

27 Cf. Z. Kaluza, op. cit., p. 90-91.


28 A propos de ce manuscrit, cf. P. Glorieux, op. cit., p. 31-33, qui n ’a vu que
deux versions dans ces folios, un brouillon et une mise au net.
LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 459

l’explication, assez longue, du terme « contemplari » et l’annonce de trois


difficultates (qui correspondent aux trois dubia du texte 1 du ms. lat.
16408), mais ici, les trois difficultates sont longuement développées (elles
occupent f. 141v en entier) avant que l’on annonce les trois conclusiones
(« Circa has tres difficultates tres conclusiones cum suis corollariis sunt
ponende »). Suivent donc les mêmes trois thèses, dans l’ordre, défendues
avec les mêmes arguments, mais ceux-ci ne sont pas exposés de la même
façon ni exprimés exactement avec les mêmes termes. En plus, après ces
trois thèses on trouve encore une conclusio principalis (comme le dit une
annotation marginale) suivie de deux corollaires, un passage qui manque
dans les autres manuscrits29. En gros, la version A du ms. 16535 ressem­
ble au texte 1 du ms. 16408, mais pas littéralement ni entièrement.
L’addition de la conclusio principalis pourrait faire penser qu’il s’agit
d’une question disputée dans d’autres circonstances, non d’une positio
préparée par le bachelier-respondens pour la dispute solennelle d’une
maîtrise. Cependant, dans la marge supérieure de la première page on
trouve la mention « quedam questio in aula ». On a donc ici un autre
exemple d’une dispute comparable. A première vue, on a l’impression
qu’il s’agit d ’une réponse définitive donnée par un maître : plusieurs
formules semblent aller dans ce sens, les vers ludiques du ms. lat. 16408
manquent et on ne trouve pas non plus l’adresse « Reverende magister »
au début de la réponse. D ’autre part, cela ne correspond pas à ce que nous
savons du déroulement d ’une dispute in aula (où la position d ’un
bachelier est discutée par le nouveau maître et ses collègues, comme on a
vu plus haut) et la seconde version de ce texte, comme on verra, est bien
appelée positio. En tout cas, ce texte comprend la même matière que la
positio du texte 1 du ms. lat. 16408, mais présentée autrement. Il me
semble que nous avons ici la reportatio, par Etienne Gaudet, de la
position d’un autre bachelier30.

29 Cette conclusio principalis n’a rien à voir avec la conclusio finalis qu’on a vue
plus haut.
30 Notons en passant au f. 142r un renvoi au « penultimus sistemus », qui montre
que l’auteur était en possession de l’ensemble du ms., ou en tout cas de sa seconde partie,
et qu’il a revu les textes écrits auparavant. Dans ce ms. aussi on a diverses notes
marginales dans diverses encres et on ne peut pas toujours dire avec certitude si ces notes
sont du même auteur.
460 OLGA WELTERS

La version B commence sur une nouvelle page et dans la marge


supérieure on trouve, écrite par la même main, la mention suivante :
« Sequitur positio in forma qua ipsam tradet ». Faut-il comprendre qu’on
a ici la positio sous la forme sous laquelle le bachelier (qui l’a présentée)
la remettra (à son maître) ? Cette version contient d’abord le résumé, en
deux pages, du texte précédent. La première conclusio n ’est pas com­
mentée ici par des probationes, mais elle est accompagnée des deux
corollaires. La deuxième est très brièvement résumée, en une seule ligne
suivie de « ut supra ». La troisième thèse est traitée plus longuement ; les
corollaires qui suivent sont au nombre de quatre, mais le quatrième ne
correspond pas à celui de la version A (qui était comparable à celui du
texte 1 du ms. 16408). Suivent encore quelques lignes peu lisibles, mais
pas la conclusio principalis de la version A. Le résumé est donc incom­
plet et n’a probablement pas été fait dans le même but que les textes 2 et
3 du ms. 16408. Il se peut que notre bachelier ait voulu avoir une version
plus condensée et plus propre de la positio, telle que le collègue bachelier
qui l’avait présentée l’aurait rédigée, mais qu'il ait estimé tout en écrivant
que la deuxième thèse était suffisamment claire dans la version A et qu’il
n ’avait pas besoin de répéter la conclusio principalis. Ensuite, on trouve
un certain nombre d ’arguments se rapportant à diverses parties de la
question, mais pas dans l ’ordre. Ainsi, cette partie commence par :
« Circa ultimum corollarium prime conclusionis alica avertenda », plus
loin on trouve par exemple : « Adde probationem tertie conclusionis »,
« Adde probationem prime conclusionis », « in ultimo corollario prime
conclusionis », etc. Au f. 146r (marge supérieure) une note indique :
« Argumenta primi magistri », au f. 146v commencent des répliques :
«Replicat reverendus pater capiendo ultimam propositionem (...)» et
certains arguments dans la première personne du singulier : « Pater
reverende dico alica primo quod quartam propositionem qua dixi quod
(...) », « Ad dicta beati Bernardi quibus duo inferuntur contra me primo
dico quod (...)» . Le bachelier a probablement noté ici un certain nombre
d ’arguments entendus durant la discussion de la question, puis des
répliques aux objections. Les remarques à la première personne sem­
bleraient indiquer qu’il a lui-même participé à la discussion, mais il se
peut aussi qu’il ait noté sous cette forme les répliques de son collègue.
La version C, qui occupe cinq pages, a été écrite de façon plus soi­
gnée que les deux précédentes, mais pas aussi proprement que les textes
du ms. 16408. Cette version est beaucoup plus longue que B et mieux
organisée que A, mais elle supprime tout ce qui précède la première
conclusio. Elle commence donc directement par la première thèse,
LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 461

toujours la même, suivie de ses deux corollaires. Au cours du second


corollaire l’auteur renvoie déjà à la troisième thèse (« parebit hoc in tertia
conclusione »), ce qui montre qu’il a une idée claire de l’ensemble. La
troisième thèse n ’est accompagnée que de deux corollaires, dont le
second ne reprend pas ceux des versions A et B de ce manuscrit, mais
correspond par contre au troisième corollaire des textes 1, 2 et 3 du ms.
16408 (et au deuxième du texte 4). Ici non plus, on ne trouve pas trace de
la conclusio principalis de la version A. La version C ressemble en effet à
une mise au net des matières des versions A et B, probablement avec
l’insertion des arguments entendus durant la discussion et notés à la suite
du résumé de la version B31, mais avec l’exclusion de tout ce qui se réfère
à un contexte cérémoniel. On a l’impression que l’auteur a voulu avoir
une description propre et complète de la façon dont on pouvait traiter
cette question en trois conclusiones avec leur corollaria, une description
qui pouvait servir à d’autres occasions. Son intention n’était pas de garder
la trace de l’ensemble de la dispute, car les trois versions n’en donnent
nulle part le rapport complet. Ce qui l’intéressait manifestement, c’est la
position qu’un bachelier pouvait formuler à propos de cette question.
On a donc ici deux cas de réécriture : le résumé (partiel) d’un texte
qui est probablement une reportatio et la mise au net de la partie centrale
et principale de la première partie (la positio) de la dispute qui était à
l’origine.
Comment se représenter le rapport entre les manuscrits 16408 et
16535 ? Contrairement à ce qui est le cas pour 16408 et 16409, le
ms. 16535 n ’est pas une copie de 16408, ni son modèle. L’hypothèse
suivante me paraît la plus probable31. Dans le ms. lat. 16535, les textes
concernés seraient antérieurs à ceux du ms. 16408. Notre bachelier,
Etienne Gaudet, a assisté à une dispute à propos de la question citée plus
haut et qui devait être l’une des questions courantes à la Faculté de
théologie. Cette dispute faisait partie d’une cérémonie in aula, pendant
laquelle un bachelier était mis à l’épreuve comme respondens. Etienne
Gaudet écrit, d’après ses notes, un brouillon de la position du bachelier
(ms. 16535, version A). Il en fait ensuite un résumé, tel que le candidat
qui a passé l’épreuve doit le faire, mais il le laisse incomplet, car il ne
résume pas la deuxième thèse et il supprime la conclusio principalis à la

31
Une étude du contenu doctrinal de ces textes devrait confirmer cette hypothèse.
462 OLGA WEIJERS

fin. Il ajoute par contre, dans le désordre, un certain nombre d’arguments


et de réfutations qu’il a entendus durant la discussion (version B). En
laissant un folio blanc (dans l’intention d ’y ajouter éventuellement
d’autres arguments ?), il procède ensuite à la mise au net d’une version
longue de la positio, se basant en partie sur les arguments entendus
pendant la discussion, mais il se limite à l’essentiel de la position, c’est-à-
dire les trois conclusiones et leurs corollaria, en éliminant toute la partie
introductive et tout ce qui concerne la cérémonie, y compris la conclusio
principalis (version C). Plus tard, Etienne Gaudet doit lui-même jouer le
rôle de respondens dans la dispute (aula) à l’occasion de la maîtrise de
Guillaume de Fontfroide, à propos de la même question. Il fait une
ébauche détaillée de sa positio, en utilisant sa documentation, à laquelle il
reprend notamment les conclusiones et, en partie, les corollaires, mais il
prend soin de les présenter différemment (ms. 16408, texte 1). Puis, il fait
un résumé de ce texte, résumé dans lequel les citations sont très abrégées
et les arguments sont souvent écrits sur une seule ligne (texte 2). Non
content du résultat, il fait un autre résumé, encore plus abrégé32, et dans
lequel il ne se contente pas de copier littéralement le précédent : il change
encore quelquefois des formules (texte 3). Ce texte, était-il destiné à être
remis au maître qui dirigeait la dispute ou à servir d’aide-mémoire pour
sa présentation durant cette dispute ? La seconde explication me paraît la
plus vraisemblable. Finalement, après la disputatio in aula, il reprend le
résumé de sa positio qu’il avait écrit en préparation, très brièvement et en
changeant légèrement sur certains points, et il le fait suivre par le rapport
de la dispute (texte 4). Les quatre textes forment ainsi une documentation
intéressante pour le traitement de cette question et la préparation d’un
bachelier à son intervention dans une dispute solennelle. C’est la raison
pour laquelle ils ont été copiés tous les quatre par le scribe du ms. 16409.
Comme on l’a vu plus haut, les mss. 16408 et 16409 contiennent en
outre un bref résumé des trois conclusiones de la position33. Elles ont été
éditées par Glorieux, avec la série des responsiones dont elles font
partie34. En effet, notre bachelier a réuni ici les « réponses » qu’il a
données dans diverses disputes ; la série commence par l’intitulé :

32
Ainsi, les vers encore présents dans le texte 2 ne figurent plus ici.
33
Ms. lat. 16408 f. 117 ; ms. lat. 16409 f. 177v.
34
Cf. Glorieux, op. cit., p. 96.
LES RAISONS DE LA REECRITURE DANS LES TEXTES UNIVERSITAIRES 463

« Materie responsionum tuarum in theologia Parisius »35 et la réponse à


notre question, la sixième de la série, est introduite par : « Sexta
responsio in aula magistri Guillelmi de Fonte frigido », ce qui confirme
donc l’indication de la table mentionnée plus haut. On retrouve ici très
brièvement les thèses et les corollaires développés comme positio, en
réponse à la question, à l’occasion de cette aula. Ici, on ne peut pas parler
de réécriture, car il s’agit seulement d ’un bref schéma, dans lequel
l’auteur n ’a noté que le minimum pour rappeler le fil de son inter­
vention36.
Par ailleurs, il faut noter que dans les manuscrits étudiés ici les cas de
réécriture ne sont pas rares ; on a assez souvent deux voire trois versions
de la même question37. Cependant, il n ’est pas courant d ’avoir quatre
« écritures » du même texte dans un même cahier ; c’est pourquoi il m’a
semblé utile de présenter ici ce cas particulier qui représente, si mon
hypothèse est correcte, une pratique particulière : la préparation minu­
tieuse d’une intervention orale suivie du rapport de cette intervention, une
pratique qui était sans doute plus répandue qu’on pourrait le soupçonner
sans avoir connaissance de ce genre de textes.

Pour conclure cette petite recherche, qui n ’a montré que quelques


exemples parmi tant d’autres, force est de constater que dans le milieu
universitaire le phénomène de la réécriture était courant, aussi bien en ce
qui concerne les commentaires philosophiques que pour les textes relatifs
aux examens et cérémonies. Les raisons en étaient multiples et variées ;
elles étaient souvent liées - on l’a vu - aux conditions de l’enseignement,
mais elles découlaient aussi d’une constante assimilation de l’évolution
de la recherche et de la simple exigence intellectuelle. Ce sont des traits
marquants de la personnalité de Colette Sirat, à qui je dédie cette étude
avec admiration et une profonde affection.

35 Ms. lat. 16408 f. 116r ; ms. lat. 16409 f. 176r.


36 Par exemple, après la formulation de la première conclusio il dit : « includit
quatuor probanda sigillatim ».
37 Cf. K a l u z a , op. cit., p. 73 n. 30,76 n. 47,77 n. 48, 80 n. 55, 81 n. 58.
M auro Z onta

A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING” AND THE


TEXTUAL HISTORY OF AVERROES’ MIDDLE COMMENTARY
ON ARISTOTLE’S METAPHYSICS

Author’s variant readings - I am referring here not to the “micro­


variants”, i.e. variants concerning one or two words only, but to the so-
called “macro-variants”, i.e. additions, removals or alterations of more or
less long passages of the text - are a well-known characteristic of the
textual history of many Arabic and Hebrew Medieval texts about phi­
losophy and sciences (which Colette Sirat has studied in several occa­
sions), and of a number of Averroes’ writings in particular. The editors of
some of Averroes’ commentaries on Aristotle’s works have discovered
that the author, after having completed a first version of his writing, re­
vised it as a whole some years later, and in this occasion changed the text
of a number of passages : this has been pointed out by Josep Puig Mon­
tada in his editions of the Epitomes of the Physics and of the De genera­
tione et corruptione1; by ‘Utmän Amin in his edition of the Epitome of
the Metaphysics2 - and this fact will be stressed by Rüdiger Amzen (Uni­
versity of Cologne) in his forthcoming new edition of this work1234; by
Moritz Steinschneider and Steven Harvey in their researches about the
textual history of the Middle Commentary on the Physics* ; Alfred L. Ivry

1 [A v e r r o is ,] Epitome in Physicorum Libros, ed. J. PuiG (Corpus Commen­


tariorum Averrois in Aristotelem, A XX). Madrid, Istituto Hispano-Arabe de Cultura-
Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, 1983, p. vii ; A b Ü L-W a l ïd Ib n R ushd
(AVERROES), Epitome del libro Sobre la generación y la corrupción, edición, traducción y
commentario J. P uig M o n t a d a . Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Cientificas,
1992, p. 20 ff.
2 I b n R u SD, Talhis mä b a d al-tabia, haqqaqahu wa-qaddama lahu ‘UTMÀN
AMÏN. al-Qähira, Mustafa al-Bäbi al-Halabi, 1958.
3 I owe this information to prof. Amzen himself.
4 M. STEINSCHNEIDER, Die hebraeischen Übersetzungen des Mittelalters und die
Juden als Dolmetscher, Berlin, Kommissionsverlag des Bibliographischen Bureaus,
1893 (reprint Graz, Akademische Druck- und Verlagsanstalt, 1956), p. 115; S. H arvey ,
466 MAURO ZONTA

too, in his recent edition of the Middle Commentary on the De anima,


hints at it5. Something similar should have happened in the complicated
textual traditions of the Long Commentaries on the Physics and on the De
anima, which are currently studied respectively by Ruth Glasner and
Marc Geoffroy6. In some other cases, Averroes’ revision seems to have
been limited to circumscribed parts of the text, since his “macro-variants”
consist in re-writing only one short section of the first version of his
work : e.g., in his well-known critical edition of the Long Commentary on
the Metaphysics, Maurice Bouyges has identified at least one passage
where Averroes wrote two different commentaries on the same lemma of
Aristotle’s work7. Cases of author’s variant readings affecting more or
less long passages of Averroes’ work are found also in the tradition of the
Middle Commentary on the Metaphysics.
The textual history of the Middle Commentary on the Metaphysics is
rather complicated, and I have tried to examine it elsewhere8. According

Averroes on the Principles o f Nature : The Middle Commentary on Aristotle’s Physics I-


II. Ph.D. Thesis, Cambridge Mass., Harvard University, 1977. Very recently, R uth
G l a sn e r has exposed new hypotheses about the two different versions of the Middle
Commentary on the Physics (the second of them would include one chapter [book VI, c.7]
revised after the writing of the Long Commentary) in her forthcoming book on Averroes’
commentaries on the Physics : see S. H a r v e y , “The impact of Philoponus’ Commentary
on the Physics on Averroes’ Three Commentaries on the Physics”, in Philosophy, Science
and Exegesis in Greek, Arabic and Latin Commentaries, edited by P. A d a m s o n ,
H. B altu ssen and M. W. F. Sto n e , vols. 2, London, Institute of Classical Studies, 2004,
vol. II, p. 89-105, on p. 102 note 61.
5 A v e r r o e s , Middle Commentary on Aristotle’s De anima, A Critical Edition of
the Arabic Text with English Translation, Notes, and Introduction by A. L. Ivr y , Provo
Ut., Brigham Young University Press, 2002, p. xxvi.
6 See a recent general overview of this question in M. G eo ffr o y , “Averroè”, in
Storia della filosofia nell’Islam medievale, a cura di C. D ’A n c o n a , vols. 2 (Piccola Bib­
lioteca Einaudi, 286). Torino, Einaudi, 2005, vol. II, p. 723-782, on p. 749-750 note 65, p.
762-764, notes 81-82 and 85. See also C. S irat and M. G eo ffro y , L ’original arabe du
Grand Commentaire d ’Averroès au De anima d ’Aristote. Prémices de l ’édition, Paris,
Vrin, 2005.
7 Cf. A v e r r o è s , Tafsïr mâ ba ‘d at-ta b V a t, texte arabe inédit établi par
M. B o u y g es , 4 vols. Beyrouth, Dar el-Machreq, 1938-1952, Notice, p. cx-cxi.
8 See M. Z o n t a , La tradizione ebraica del Commento Medio di Averroè alla
Metafisica di Aristotele. Le versioni ebraiche di Zerahyah ben Ishaq H en e di Qalonymos
ben Qalonymos. Edizione e introduzione storico-filologica , 2 vols. Ph.D. Thesis, Università di
Torino, 1995, vol. I, p. 19*-71* ; see also ID., La filosofia antica nel Medioevo ebraico
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING’ 467

to my examination, the original Arabic text of this writing appears to


have been completely lost, apart from a very short passage of one or two
lines, and the alleged “Latin translation” of it has proved to be a totally
different work, not directly connected with the Arabic text of the Middle
Commentary. However, the text is transmitted by some total or partial
Medieval Hebrew translations, which appear to be directly based upon
the Arabic text and independent from each other. First, there are two
complete Hebrew translations of it : the former, by Zerahyah ben Isaac
Hen (Gracian) of Barcelona, was written in Rome in 1284, and four
manuscripts of it are preserved - including the archetypal codex, ms.
Turin, Biblioteca Nazionale Universitaria, A. IL 139, and its direct copy,
ms. Cambridge, University Library, Add. 173 ; the latter, by Qalonymos
ben Qalonymos of Arles, was written in Arles in 1317 and revised later
on : twenty manuscripts of this translation are extant, although only one
of them (the ms. Parma, Biblioteca Palatina, parmense 2613 [olim De
Rossi 1308]) preserves the complete “second version” of it. Moreover, a
Hebrew paraphrase of the whole Arabic text, including some literal quo­
tations of it10, is found in the metaphysical section of the MidraS ha-
hokmah by Judah ben Solomon ha-Cohen, a philosophic-scientific ency­
clopaedia written in Arabic, possibly around 1235 (while the author was
in Spain), and translated by himself into Hebrew in 1247 (while he was in
Southern Italy, at the court of Emperor Frederick II) ; a number of He­
brew quotations taken from books I, III, IV, VI, VII, Vili, IX and XI of
Averroes’ work are found in books IX and X of a philosophic-scientific
encyclopaedia by Shem Tov ben Joseph Ibn Falaquera, D e(ot ha-
filosofim , written in Spain around 1270 and preserved in two manus-

(Philosophica, 2). Brescia, Paideia, 1996 (reprint 2002), p. 238 ff., and Id ., “Il Commento
medio di Averroè alla Metafisica nella tradizione ebraica : alcuni problemi testuali”, in
Averroes and the Aristotelian Heritage, ed. by C. B affioni . Napoli, Guida, 2004, p. 189-
199.
9 About this manuscript, which was severely damaged in the 1904 fire of the Tu­
rin library, see M. Z o n ta , “Il ritrovamento di un importante testimone dell’Averroes
Hebraicus (Torino, B.N.U., A. IL 13)”, in Henoch, 15 (1993), p. 362-364.
10 Cf. also M. Z o n t a , “The Place of Aristotelian Metaphysics in the Thirteenth-
Century Encyclopedias”, in The Medieval Hebrew Encyclopedias o f Science and Phi­
losophy, ed. by S. H a r v e y (Amsterdam Studies in Jewish Thought, 7). Dordrecht, Klu­
wer Academic Publishers, 2000, p. 414-426, on p. 421, note 17. See a list of these quota­
tions here below, in the Appendix.
468 MAURO ZONTA

cripts11, and some other quotations taken from books VI, VII, XI and XIII
were inserted by Falaquera in his book Moreh ha-moreh, a commentary
on Maimonides’ Guide o f the Perplexed written in 128012; two passages
from book XI are found as an appendix of the Medieval Hebrew transla­
tion of Averroes’ Epitome of the Metaphysics, written by Moses Ibn Tib-
bon in Provence in 125813 ; some short passages from book IV, very
probably translated by Qalonymos ben Qalonymos, were inserted by
Moses ben Solomon of Salon into the anonymous translation (probably,
made by Qalonymos ben Qalonymos himself) of Averroes’ Long Com­
mentary on the Metaphysics14. A tentative critical edition of Zerahyah’s
translation has been inserted into my unpublished 1995 doctoral thesis, in
front of a provisional, non-critical edition of Qalonymos’ translation15 (it
should be noticed that only some short passages from the latter had been
already published)16 ; my critical edition of the revised “second version”
of Qalonymos’ translation will soon appear in the series Averroes He­
braicus, published by the Israel Academy of Sciences and Humanities.
There is evidence that, after having written down the text of the Mid­
dle Commentary on the Metaphysics, Averroes revised it. Besides a series
of minor corrections, he totally re-wrote two short sections of it, which
correspond, in Aristotle’s work, to chapter 29 of book IV / delta (the

11 See also B. C h ie sa , “Note su al-Fãrãbi, Averroè e Ibn Bãgga (Avempace) in


traduzione ebraica”, in H enoch, 8 (1986), p. 79-86, in particular on p. 80-81 ; and
cf. Z o n ta , “The Place of Aristotelian Metaphysics”, d t., p. 423, note 21. See a list of
these quotations here below, in the Appendix.
12 See M. Z o n t a , “The Importance of Falaquera’s Guide to the Guide for the
Transmission of Arabic Philosophy and Science”, unpublished paper read at the Colloque
international “Identité culturelle des sciences et des philosophies arabes : auteurs, œu­
vres et transmissions”, held in Namur and Bruxelles (January, 15th-18th, 2003). See a list
of these quotations here below, in the Appendix.
13 See these quotations in the list here below, in the Appendix.
14 See A v e r r o è s , T afsir, ed. B o u y g es , cit., Notice, p. xcii-xciii ; M. Z o nta ,
“Sulla tradizione ebraica di alcuni commenti arabi alla Metafisica (AbO 1-Farag Ibn al-
Tayyib e Averroè)”, in Documenti e studi sulla tradizione filosofica medievale, 12 (2001),
p. 155-177, on p. 173-177. See a list of these quotations here below, in the Appendix.
15 See ZONTA, La tradizione ebraica del Commento medio, cit., vols. I-H, p. 1-352.
16 Peraqim mi-tok “ha-be’ur ha-’emsa‘i” Sel Abu al-Walid Ibn Rusd le-Fisiqah u-
le-Metafisiqah ha-Aristoteliyyot be-tirgumo Sel R. Qalonimos ben Qalonimos, liqqetu
Prof. Y. B. S e r m o n e t a -A. R a v it z k y , Yerusalayim, ha-’Universitah ha-Tvrit bi-
Yerusalayim, 1975.
A CASE OF “AUTHOR’S V ARIANI’ READING’ 469

treatment of the term “falsity”) and to chapters 15-16 of book VII / eta.
The textual history of these two major author’s variant readings in the
Medieval Hebrew tradition of the Middle Commentary is different, al­
though their origin was probably identical17. It appears that the second
version of Averroes’ commentary on Metaphysics VII 15-16 was found
in the margin of the Arabic manuscript upon which Zerahyah based his
translation, beside the text of the commentary on those chapters accord­
ing to the first version of it. In fact, Zerahyah wrote his translation of the
second version immediately after his translation of the first, introducing it
with the following words : “From the above place where it is written :
‘As for the question’, till to this place18, (the following passage) is found
in the margin (gillayon) of the commentary (be’ur, usually the name of
the “middle commentary”), by the author’s hand (bi-ketivat ha-mehabber,
lit. “in the writing of the author”)19, and, since it does not cancel what it
has been written by him in the main body of the text (ba-sores), I have
decided to write it down too20”. From Zerahyah’s words, it appears that in
Averroes’ mind the second, marginal version, although probably added
some time after the composition of the first one, was intended to “go
alongside” it, rather than to substitute it. In any case, there is no evident
trace of this second version of the passage in the other witnesses of the
manuscript tradition of the Middle Commentary, although there are clues
of the fact that Judah ha-Cohen employed it together with the first ver­
sion for writing the corresponding passage of his encyclopaedia - and, if

17 See about it Z o n t a , La tradizione ebraica del Commento medio, cit., voi. I,


p. 69*-71* ; I d ., “Medieval Hebrew Translations : Methods and Textual Problems”, in
Les traducteurs au travail. Leurs manuscrits et leurs méthodes, éd. J. H am esse , Tumhout,
Brepols, 2001, p. 129-142, on p. 136-138 ; ID., “Il Commento medio di Averroè alla
Metafisica”, cit., p. 197-198.
18 This passage corresponds to the passage edited in Z o n t a , La tradizione ebraica
del Commento medio, cit., vol. II, p. 170-172 right (cf. ms. Cambridge, University Li­
brary, Add. 173, ff. 219r, 1. 4-219v, 1. 20).
19 In my opinion, the Hebrew term employed here, ketivah, refers not to the mate­
rial “hand” of the author (since this would imply that Zerahyah had the autograph of the
Middle Commentary before his eyes), but to his “style”.
20 See ZONTA, La tradizione ebraica del Commento medio, cit., vol. II, p. 172 right
(cf. ms. Cambridge, University Library, Add. 173, f. 219v, 11. 20-22).
470 MAURO ZONTA

proved true, this would suggest that Judah employed a manuscript identi­
cal, or very close to that read by Zerahyah21.
The case of the two author’s “macro-variant” readings of Met. IV 29
appears to give more evident clues for reconstructing the textual history
of the Middle Commentary. What is probably the first version of this
chapter in Averroes’ work (I will call it “version Q”) is found in Qalony-
mos’ translation, and a consistent part of it is quoted by Shem Tov Ibn
Falaquera in his encyclopaedia ; in its turn, the second version of it (I will
call it “version Z”) is found in Zerahyah’s translation (where “version Q”
is never mentioned) and is employed by Judah ha-Cohen for writing the
corresponding part of his encyclopaedia. The only one witness referring
to both versions of the chapter is the ms. Parma, Biblioteca Palatina, par­
mense 2613, where the “second version” of Qalonymos’ translation was
faithfully reproduced, probably as it appeared in the translator’s auto­
graph. On ff. 49v-50v of this manuscript, in correspondence to Met. IV
29, the above-mentioned “version Q” is found - as it happens in the
whole manuscript tradition of Qalonymos’ translation ; but at the end of
book IV of the Middle Commentary (f. 50v, 1. 22), the following state­
ment is found : “Passage (nusha) missing in the discourse on the Taise’
in this treatise”. This statement introduces the text of “version Z” of Met.
IV 29, covering ff. 50v-51v of the Parma ms. It is not a mere copy of the
corresponding passage as found in Zerahyah’s translation, but a totally
new translation of it, made upon the original Arabic text of the Middle
Commentary, evidently by Qalonymos himself.
A comparison between “version Q” and “version Z” of chapter 29 of
book IV of the Middle Commentary (and of the corresponding passages
of Aristotle’s Metaphysics as well) shows that these “versions” were
clearly different interpretations of the same Aristotelian text, according to
a different division of it into lemmata : “version Q” consists of three
lemmata, corresponding to Met. 1024M7-29, 1024b29-32, and 1024b32-
1025al2, and appears to reflect and paraphrase Aristotle’s words rather
faithfully ; “version Z” consists of two lemmata, corresponding to Met.
1024M7-32 and 1024b32-1025al2, and appears a much more free re­
elaboration of the general contents of Aristotle’s text. “Version Z” seems

21 See about it Z o n ta , La tradizione ebraica del Commento medio, cit., vol. I,


p. 70*-71*.
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING” 471

to aim at replacing “version Q” - and not simply at “going alongside” it.


It might be supposed that Averroes wrote these versions in different peri­
ods of his life : “version Q” was written in 1174, during the composition
of the first definitive version of the Middle Commentary ; “version Z”
should have been written several years later, maybe in the period 1192-
1194 - the date ascribed by Gerhard Endress to the composition of the
Long Commentary on the Metaphysics22. This datation is suggested by the
fact that some of the statements found in “version Z” which have no cor­
respondence in “version Q” are very similar, and in some cases literally
identical to statements found in the corresponding passages of Averroes’
Long Commentary. All these facts are shown in the following synoptic
table.

Book IV, chapter 29 (“falsity”, kazav)

ARISTOTLE’S Metaphysics, transi, by W. D. ROSS, 2 vols. Oxford, Clarendon


Press, 192423 (English translation of Met. 1024b 17-26)

‘The false’ means that which is false as a thing, and that because it is not
put together or cannot be put together, e.g. ‘that the diagonal of a square is com­
mensurate with the side’ or ‘that you are sitting’ ; for one of these is false al­
ways, and the other sometimes ; it is in these two senses that they are non­
existent. There are things which exist, but whose nature it is to appear either not
to be such as they are or to be things that do not exist, e.g. a sketch or a dream ;
for these are something, but are not the things the appearance of which they
produce in us. We call things false in this way, then, either because they them­
selves do not exist, or because the appearance which results from them is that of
something that does not exist.

22 See G. Endress , “Le projet d’Averroès : constitution, réception et édition du


corpus des œuvres d’Ibn Rusd”, in Averroes and the Aristotelian Tradition. Constitution
and Reception o f the Philosophy o f Ibn Rushd (1126-1198). Proceedings o f the Fourth
Symposium Averroicum (Cologne, 1996), ed. by G. ENDRESS and J. A. A ertsen. Leiden-
Boston-Köln, Brill, 1999, p. 3-31, on p. 14.
23 I have read it on World Wide Web : see
http://classics.mit.edu/Aristotle/metaphysics.html.
472 MAURO ZONTA

Version Z, as found in Zerahyah Version Q, as found in Qalonymos


Hen’s (see ms. Cambridge, University ben Qalonymos’ translation (see vol. I,
Library, Add. 173, ff. 186v, 1. 6-187r, 1, p. 94-95 left of my edition)
21, and vol. I, p. 94-96 right of my
edition) and in the second version of
Qalonymos ben Qalonymos’ transla­
tions (see vol. I, p. 97-98 left of my
edition ; cf. also ms. of Parma, Biblio­
teca Palatina, parmense 2613, ff. 50v, 1.
23 - 51v, 1. 15).

Falsity. “Falsity” is said of what Falsity. “Falsity” is said of the


is non-existent24. Sometimes it is said false things (<devarim).
of the difference (hevdel/havdalat) of What better deserves this name is
all25 the composed things ( ‘in- to think that what is not composed is
yanimidevorini), and26 of the composi­ composed - and this concerns what
tion of different (muvdalim / nivdalim) cannot be composed - e.g. to say that
(things). the diagonal is commensurable with the
This falsity is of two species : 1. side, since this is a permanent falsity.
the composition of what cannot be The second (falsity) is what is a
composed at all, e.g. the diagonal falsity sometimes, and this is the possi­
(iqotev/qoter) commensurable with the ble falsity, not the absurd {batel) fal­
side (sela‘), and this is called “impos­ sity, which is said of the things which
sible false (ikozev)” ; appear to be different from what they
2. what can be composed, e.g. are in their nature, e.g. the imaginations
when we say27 that who is not standing and the dreams : in fact, they are
( ‘omed) is standing - in fact, the truth something, but they are not in their
of this is possible - and this is called existence as they are in their form28.
“possible false”, while the first one is
the impossible false.

24 Qalonymos eyno nim sa\ “non-existent”] Zerahyah eyno be-nimsa’, “not in ex­
istence”.
25 Qalonymos omits this word.
26 Zerahyah “and”] Qalonymos “or”.
27 Zerahyah “when we say”] Qalonymos “the discourse”.
28
For the above passage, see the literal quotation in S hem T ov Ibn F alaq uera ,
D e‘ot ha-filosofim, book IX, according to the ms. Panna, Biblioteca Palatina, parmense
3156 {ohm De Rossi 164), f. 246v, 11. 2-8 : « “False” and “falsity” are said of the false
things {devarim). What better deserves this name is to say that what is not composed is
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING’ 473

“Falsity” and “false” are said in


many ways. They are all the things
which are imagined29 in a way different
from that in which they are, and are
imagined as non-existent30, e.g. the
imaginations of a dream and in the
shade, since those imaginations are
non-existent31.
Thus, “falsity” is also32 said of
those two species ; either to believe in a
thing in some way33 different from that
in which it is, or to imagine (yesuyyar)
(it) in a way different from that in
which it is34.
(ARISTOTLE’S M eta p h ysics, transi, by W.D. ROSS, Met. 1024b26-28)
A false account is the account of non-existent objects, in so far as it is false.
Hence every account is false when applied to something other than that of which

composed - and this concerns what cannot be composed - e.g. to say that the diagonal
line (qaw ha-alakson) is commensurable with the side, since this is a permanent falsity.
The second (falsity) is what is a falsity sometimes, and this is the possible falsity, not the
impossible (nimna ‘) falsity, and it is said of the things which appear to be different from
what they are in their nature, e.g. the imaginations and the dreams : in fact, they are
something, but they are not in existence according to their form. The “false” is in truth
and imagination ». The last sentence corresponds to the first sentence of “version Q”
translated in the following line of the above table.
29 Qalonymos “are imagined”] Zerahyah “appear”.
30 Qalonymos “are imagined as non-existent” (lit. “in non-existence”)] Zerahyah
“among them what is non-existent appears to have an existence”. A very similar passage,
having no apparent correspondence both in the first version of the Middle Commentary
and in the Arabic translation of the M etaphysics employed by Averroes, is found in
AVERROES’ Long Commentary on the Metaphysics, on p. 686,11. 14-16 of M. BOUYGES’
edition (on Met. 1024b21-23) : “ ’Falsity’ is also said of things which are imagined in a
way different from that in which they are in existence, or are imagined where they are not
existent at all”.
31 Zerahyah “are non-existent”] Qalonymos “pertain to what is non-existent”.
32 Zerahyah “also”] Qalonymos “therefore”.
33 Zerahyah “to believe in a thing in some way”] Qalonymos “to think of a thing”.
34 Qalonymos “or to imagine (it) in a way different from that in which it is”] Ze­
rahyah omits these words. For this passage too, cf. the passage of the Long Commentary
quoted above, note 29.
474 MAURO ZONTA

it is true ; e.g. the account of a circle is false when applied to a triangle.


(Version Z) “False” is said of (Version Q) “Falsity” is either in
what is true35 about something when truth or in imagination (siyyur). “False
another thing is ascribed to it, e.g. of discourse” is said of the discourse
the definition of the circle - in fact, it is about a true thing, when it is said of
true for the circle alone36-, but is false another thing, e.g. the discourse about
for the triangle and for everything else. the circle, which is false (when it is
Therefore, every true discourse37 is said) of the triangle.
false for what is not that thing38.

(ARISTOTLE’S Metaphysics, transi, by W.D. R.OSS, Met. 1024b29-32)


In a sense there is one account of each thing, i.e. the account of its essence, but in
a sense there are many, since the thing itself and the thing itself with an attribute
are in a sense the same, e.g. Socrates and musical Socrates (a false account is not
the account of anything, except in a qualified sense).
(Version Z) The true definitions39 (Version Q) He says : The defini­
indicating the quiddities40 of a thing are tion of each one of the things, indicat­
true sometimes about a unique thing, ing its quiddity, is found in the defini­
and41 sometimes about a composed tion of another thing. This concerns the

35 Zerahyah adds “and”.


36 Qalonymos “alone”] Zerahyah “and its definition”.
37 Zerahyah adds “since”.
38 For the above two passages, see the summary (including some literal correspon­
dences) in Judah ha -C ohen , Midras ha-hokmah, according to the ms. Rome, Biblioteca
Apostolica Vaticana, vat. ebr. 338, f. 117v, 11. 6-11 : « Falsity. It has two species : possi­
bile falsity and impossibile falsity. Possible (falsity) is e.g. when you say that Reuben is
sitting when he is staying : impossible (falsity) is e.g. when you say that the diagonal is
commensurable with the side. It is also said of the things which are imagined in a way
different from that in which they are, or are thought without being existent, like the
imaginations done in a dream and in the shade. It is also said of ascribing to something
what is ascribed to another thing, e.g. to define the circle using the definition of the trian­
gle ». Cf. also AVERROES’ Long Commentary, on p. 686,11. 8-11 of M. BOUYGES’ edition,
where two “falses” are listed : possible false, e.g. Zayd standing when he is sitting, and
absurd false, e.g. the diagonal commensurable to the side.
39 Qalonymos “the true definitions”] Zerahyah “the true defined thing”.
40 Qalonymos “quiddities”] Zerahyah “quiddity”.
41 Qalonymos “sometimes about a unique thing, and”] Zerahyah omits these
words.
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANI' READING’ 475

thing, when the defined thing exists in things existing in a subject - and this45
a subject42, e.g. the definition of man is the subject distinct from it, which is
and the definition of man as a musician predicated of it as it were the same
- in fact, the definition of man is true thing per se, e.g. “Socrates the musi­
for a unique thing, and the definition of cian”, since Socrates is the musician
musician is true for a composed thing : per se.
the man as musician43. But the abso­
lutely false definitions are false for the
things of which they are assumed as
definitions, and for the things different
from those having those definitions44.
(ARISTOTLE’S Metaphysics, transi, by W.D. Ross, Met. 1024b32-36)
Hence Antisthenes was too simple-minded when he claimed that nothing could
be described except by the account proper to it, one predicate to one subject ;
from which the conclusion used to be drawn that there could be no contradiction,
and almost that there could be no error. But it is possible to describe each thing
not only by the account of itself, but also by that of something else.

(Version Z) He says : Since defi­ (Version Q) He says : Since the


nitions are made (mehubbarim) of discourse about the thing generally
things generally including (kolelim) the including (kolel) (another) thing is false
defined things, and the definitions of for a thing having no definition, An­
general (kolelim) things are not true for tisthenes47thinks that it is better that
particular things, some of the Ancients the definitions of the things are made
said that, then46, there were true defini- of the appropriate (sawim) particular

42 Qalonymos nose’, “subject” (Arabic mawdü‘)] Zerahyah maqom, “place” (Ara­


bic m awdï). The above statements are found in a very similar way in AVERROES’ Long
Commentary, on p. 688, 11. 6-10 of M. B o u y g e s ’ edition (on Met. 1024b29-30) : “The
definitions indicating the quiddity (anniyya) of something and its substance sometimes
indicate a unique meaning of the defined thing - and these are the definitions of sub­
stance - sometimes indicate more than one meaning of the thing - and these are the defi­
nitions of accidents. In fact, the accidents assume in their definitions the subjects in which
they are, and their definitions are composed of more than one nature”.
43 Qalonymos “the man as musician”, lit. “the man musician”] Zerahyah “the man
and the musician”.
44 Qalonymos “those definitions”] Zerahyah “that definition”.
45 Qalonymos (according to my edition) adds “that the thing”.
46 “Then” scripsi (Arabic inna ?)] Qalonymos and Zerahyah “i f ’ (Arabic in ?).
47 Written “Antiqan” in Qalonymos.
476 MAURO ZONTA

tions (made) of the particular things things, not of the general ones, e.g. of
(found) in the defined things - and this the genuses included (nofelim) in the
affirmation would dissent (yidhah / definitions. However, from this it re­
yahaloq) with the (existence of) true sults that no thing is either true or
and false definitions, since definitions false : it is false, since the genus is
are made of general rules (kelalim). different from the defined species, ¡and
it is true, since the genus of a false
definition concerning a species is tme
for the species which distinguishes it in
that genus - since definitions are true
or false because of their differentiae.
The main part of this idea (<dimmuy) is
that the genus of the thing, if assumed
in the definition, is true for that thing
insofar as it is connected (yequssar) to
the difference, while it is false for that
thing if it is isolated {mesullah) ; and in
the definition of the false thing it is true
for that thing insofar as it is predicated
of it as isolated, while it is false for that
thing insofar as it is connected to its
difference - e.g. if we say that a man is
a generating animal48.
(A ristotle ’s Metaphysics, transi, by W.D. ROSS, Met. 1024b36-1025al)
This may be done altogether falsely indeed, but there is also a way in which it
may be done truly ; e.g. eight may be described as a double number by the use of
the definition of two.

(Version Z) The reply to this ob­ (Version Q) Well, the definition of


jection is that the definitions of some a thing is said to be true for another
things are true as far as this concerns thing in a sense, and false in another
some things but not in another49 sense, sense - e.g. “two” which, as said by
since50the definition of “two”, as it is Aristotle, is (connected) to “eight” : in
found in the definition of “eight” - due fact, insofar as he says that “eight”

48 The second part of the above argumentation seems to have no correspondence in


AVERROES’ Long Commentary on the Metaphysics.
49 Qalonymos omits this word.
50 Qalonymos “since”] Zerahyah “and that”.
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING” A ll

to the fact that “eight” is generated comes from the multiplication of “two”
from the duplication51 of “two” - can four times, the definition of “two” is
be true for “eight”, but, in the sense included in that (of “eight”), while
that the particular definition of “two” is insofar as the species of “two” as a
not the definition of “eight”, it cannot number is different from the species of
be true for “eight”52. “eight”, the definition of “two” is not
If so, it is manifest that there are true for “eight”.
things which are said to be false not
because their definitions are false only,
but also because the definitions of
others are false for them, and there are
things which are said to be true not
because of the truth of53 their defini­
tions only, but also because the defini­
tions of others are true for them - and
these are the things whose definitions
are only54parts of their definitions.
Therefore, “false” is said of things
having no extramental existence, and is
said of things imagined (yesuyyeru) in
the mind not according to their charac­
teristic55 - i.e. not according their ex­
tramental existence56.

(ARISTOTLE’S Metaphysics, transi, by W. D. ROSS, Met. 1025al-12)


These things, then, are called false in these senses, but a false man is one
who is ready at and fond of such accounts, not for any other reason but for their
own sake, and one who is good at impressing such accounts on other people, just

51 Qalonymos “the duplication”] Zerahyah “the doubles”.


52 Qalonymos “but, in the sense that the particular definition of ‘two’ is not the
definition of ‘eight’, it cannot be true for ‘eight’”] Zerahyah omits these words.
53 Qalonymos “o f ’] Zerahyah “and”.
54 Zerahyah “only” (bi-levad)] Qalonymos “to the thing” (le-davar ).
55 Qalonymos “characteristic” (tekunah )] Zerahyah “group” (kenes).
56 See the almost literal quotation of the last statement in Judah ha -C ohen ,
M idras ha-hokmah , according to the ms. Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. ebr.
338, f. 117v, 11. 11-13 : « To sum up, “falsity” is said of things having no extramental
existence, and of things imagined not according to truth ( ‘al zulat h a -’emet ) ».
478 MAURO ZONTA

as we say things are which produce a false appearance. This is why the proof in
the Hippias57 that the same man is false and true is misleading. For it assumes
that he is false who can deceive (i.e. the man who knows and is wise) ; and fur­
ther that he who is willingly bad is better. This is a false result of induction - for
a man who limps willingly is better than one who does so unwillingly - by
‘limping’ Plato means ‘mimicking a limp’, for if the man were lame willingly, he
would presumably be worse in this case as in the corresponding case of moral
character.

(Version Z) It is said about some (Version Q) Those who imagine


things58, e.g. about the opinion of So these discourses are the sophists who
and So that “false” and “true” are the compose erroneous argumentations,
same thing per se, since he thinks that a which are called “sophistical dissents”
man telling the truth about something is (dehiyyot hafayyoi) - e.g. what is said
a liar, and therefore the true per se is by some of the Ancient : a truthful
false, and like his opinion that who (sodeq) man lies, and what he tells is
does evil voluntarily is more virtuous true (sodeq) ; therefore, the truthful
than who does it by compulsion man is false. The fallacy in this (argu­
( ’ones), and because of this who acts mentation) is that he assumes the fal­
voluntarily is more59 praiseworthy than sity in the place of what can be false or
who acts by compulsion. The cause of has the potentiality of being false : in
the first error is the opinion that the fact, the truthful man has the potential­
potential false and the actual one are ity of being false. The same is valid for
the same thing60 : in reality, the actual what another man says : the voluntary
true is a potential false, not an actual action is better than the action by ne­
one. The cause of the second error is cessity (be-hekreah) ; therefore, doing
the opinion that the praiseworthy vol­ evil voluntarily is more praiseworthy
untary action and the non-praiseworthy than doing good62by necessity. The
one are the same thing : in reality, in fallacy in this (argumentation) is that
ethics it is shown that who does evil by the voluntary action is not absolutely

57 See Plato , Hippias minor, 365c-367c, 372a-376c.


58 Qalonymos “it is said about some things”] Zeraihyah omits these words.
59 Qalonymos omits this word.
60 See a very similar passage in AVERROES’ Long Commentary, on p. 690,11. 15-17
of M. Bouyges’ edition (on Met. 1025a7-8) : “The cause of the error of this man in (say­
ing that) the false per se is true and vice versa is that he thinks that the potential true and
the actual one are the same thing”.
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING’ 479

compulsion is more praiseworthy than more praiseworthy than the action by


who does it voluntarily6162. necessity, but in case of good only ; in
fact, who does evil by necessity is more
praiseworthy than who does it volun­
tarily, contrarily to what happens in
case of good. The fallacy of these
questions consists in assuming what is
connected (mequssar) as it were in ­
definite (setami).

Which are the tentative conclusions concerning the textual history of


Averroes’ Middle Commentary on the Metaphysics I have reached from
an examination of the above-shown data concerning the presence of
“author’s variant readings” in it ? In my opinion, Averroes, after having
composed a complete version of his Middle Commentary in 1174, revised
it later (maybe around 1192-1194, while he was writing his Long Com­
mentary), and this revision affected in particular two passages (corre­
sponding to Met. IV 29 and VII 15-16). In the meantime, the text of the
non-revised version had circulated and, very probably, had been repro­
duced by some copyist ; I have even supposed that there existed one or
more copies of it where the text of the Middle Commentary appeared in
the margin of the text of the Long Commentary63. Copies of this non-
revised version were probably found in Spain and Provence in the period
1250-1320, and could have been employed by Moses Ibn Tibbon, Shem
Tov Ibn Falaquera, Qalonymos ben Qalonymos and Moses ben Solomon
of Salon. However, also copies of the revised Arabic text of the Middle
Commentary (where the later revisions were probably added in the mar-

61 A very similar statement is found in A verroes’ Long Commentary, on p. 692,


11. 2-3 of M. Bouyges ’ edition (on Met. 1025al 1-12) : “Who does evil voluntarily is
worser than who does it by compulsion, as it is said in ethics”.
62 This translation is based upon the context : here, Qalonymos has the reading
“openability” {petihut), which seems to have no sense. A possible explanation of this
strange misreading is : the Arabic text here might have had the correct reading hayra,
“good”, which might have been changed into hayra, “confusion” ; this variant reading,
found in the Arabic manuscript employed by Qalonymos and translated by him as peti-
yyut, “foolishness”, might have been in its turn altered into petihut by the copyist of the
Parma manuscript.
63 See Z onta , “Sulla tradizione ebraica di alcuni commenti arabi”, cit., p. 164-177.
480 MAURO ZONTA

gin of a manuscript of the complete original version) circulated among


some Jewish scholars : one of them should have been employed by Judah
ha-Cohen while he was still in Spain ; he might have carried it with him
when he went to Italy, before 1245, and this copy (or another one of the
same text, found in Barcelona before 1275) was employed by Zerahyah
Hen in Rome after 1280. The copy known to Zerahyah might have been
found in Rome by Qalonymos ben Qalonymos while he was there, after
1320 ; in this occasion Qalonymos should have seen that in some pas­
sages (including “version Z” of Met. IV 29, but not including the second
version of Met. VII 15-16) it was different from that he had employed for
composing his translation, and should have revised the latter accordingly.
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING’ 481

APPENDIX
List of identified explicit Hebrew quotations of Averroes’ Middle
Commentary on the Metaphysics directly taken from the original Arabic
text in some 13th- and 1^-century Hebrew philosophical works

Abbreviations
MC = Averroes’ Middle Commentary on the Metaphysics, according to
the edition of Zerahyah Hen’s and Qalonymos ben Qalonymos’ He­
brew translations in M. ZONTA, La tradizione ebraica del Com­
mento Medio di Averroè alla Metafisica di Aristotele. Le versioni
ebraiche di Zerahyah ben Ishaq Hen e di Qalonymos ben Qalony­
mos. Edizione e introduzione storico-filologica, 2 vols. Ph.D. Thesis,
Università di Torino, 1995 (ff. and 11. are quoted according to the
ms. Cambridge, University Library, Add. 173)
JC = Judah ben Solomon ha-Cohen, Midras ha-hokmah (1247), ms.
Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, vat. ebr. 338
MT = Moses ben Samuel Ibn Tibbon, appendix to his Hebrew translation
of Averroes’ Epitome o f the Metaphysics (1258), ms. Parma, Bib­
lioteca Palatina, parmense 2623 (olim De Rossi 208)
DF = Shem Tov ben Joseph Ibn Falaquera, D e‘ot ha-filosofim (1270 ca.),
ms. Parma, Biblioteca Palatina, parmense 3156 (olim De Rossi 164)
MM = Shem Tov ben Joseph Ibn Falaquera, Moreh ha-Moreh (1280),
according to the critical edition in SEM TOV BEN YOSEF IBN
FALAQUERA, Moreh ha-Moreh, hehdir we-hosif mavo’ u-ve’ur Y.
SHIFFMAN, Yerusalayim, ha-’Iggud ha-‘olami le-madda‘e ha-
Yahadut - Qeren ha-rav David Moseh u-'Amaliyah Rozen, 2001.
QQ = Qalonymos ben Qalonymos, additions to the anonymous transla­
tion of Averroes’ Long Commentary on the Metaphysics (1315 ca.),
as found in ms. Paris, Bibliothèque Nationale de France, hébreu 886

Book I
MC p. 2 (f. 141v, 11. 12-19) = DF f. 282v, 11. 7-21

Book III
MC p. 51 (f. 165v, 11. 17-26) = DF ff. 251v, 1. 24-252r, 1. 4

Book IV
MC p. 61 (ff. 170r, 1. 15-170V, 1. 2) = DF ff. 241v, 1. 26-242r, 1. 7
MC p. 63-64 (ff. 17lr, 1. 26-171v, 1. 4) = DF ff. 241r, 1. 25-241v, 1. 4
482 MAURO ZONTA

MC p. 65-66 (ff. 172r, 11. 25-28 ; 172v, 11. 3 and 20-23 = DF f. 241r,
11. 15-20
MC p. 67 (f. 173r, 11. 4-6) = DF f. 240v, 11. 12-13
MC p. 67-68 (ff. 173r, 1. 7-173v, 1. 7) = DF ff. 240v, 1. 14-241r, 1. 8
MC p. 71 (f. 175r, 11. 17-26) = DF f. 244r, 11. 10-17
MC p. 73 (f. 176r, 11. 23-25) = DF f. 240r, 11. 14-16
MC p. 73 (f. 176r, 11. 26-28) = QQ f. 59r, 11. 22-24
MC p. 73-75 (ff. 176r, 1. 28-177r, 1. 4) = QQ ff. 59r, 1.28-59v, 1. 6
MC p. 75 (f. 177r, 11. 4-9) = DF f. 244v, 11. 6-10, and QQ f.59v, 11. 20-23
MC p. 75 (f. 177r, 11. 9-14) = QQ f. 59v, 11. 28-32
MC p. 75 (f. 177r, 11. 14-17) = QQ f. 59v, 11. 33-35
MC p. 75-76 (ff. 177r, 1. 17-177v, 1. 1) = QQ ff. 59v, 1. 35-60r, 1. 1
MC p. 76 (f. 177v, 11. 1-10) = QQ f. 60r, 11. 7-13
MC p. 76 (f. 177v, 11. 11-26) = QQ f. 60r, 11. 16-26
MC p. 78-79 (ff. 178v, 1. 22-179r, 1. 2) = QQ f. 61v, 11. 27-33
MC p. 86-87 (f. 182v, 11. 12-15) = DF f. 242v, 11. 18-27
MC p. 87 (ff. 182v, 1. 25-183r, 1. 4) = DF ff. 242r, 1. 27-242v, 1. 4
MC p. 90 (ff. 184r, 1. 27-184v, 1. 6) = DF ff. 246v, 11. 8-16
MC p. 91 (f. 184v, 11. 16-19) = DF f. 246r, 11. 19-22
MC p. 91 (f. 184v, 11. 21-22) = DF f. 246r, 11. 23-24
MC p. 94 left, last five lines = DF f. 246v, 11. 2-8

Book VI
MC p. 108 (ff. 191v, 1. 26-192r, 1. 4) = DF f. 247r, 11. 17-21
MC p. 109 (f. 192r, 11. 20-23) = DF f. 248r, 11. 13-17
MC p. 110 (f. 192v, 11. 4-13) = DF ff. 248r, 1. 27-248v, 1. 7
MC p. 124 (ff. 198r, 1. 27-198v, 1. 5) = DF f. 249v, 11. 14-26
MC p. 127 (ff. 199v, 11. 11-22) = DF ff. 250v, 1. 22-251r, 1. 4
MC p. 129-131 (ff. 200V, 11. 5-10 and 19-22 ; 200v, 1. 27-201r, 1. 3 ; 201r,
11. 4-11) = MM p. 165,11. 44-60
MC p. 130 (f. 200v, 11. 21-24) = MM p. 146,11. 8-10

Book Y I I
MC p. 166 (f. 217r, 11. 2-9) = DF 256r, 11. 12-20
MC p. 171-172 (ff. 219r, 11. 26-28, and 219v, 1. 19) = MM p. 146,11. 6-8
MC p. 172 (f. 219v, 11. 12-16) = DF f. 257r, 11. 18-23

Book VIII
MC p. 176 (f. 22 lv, 11. 19-21) = DF ff. 259v, 1. 26-260r, 1. 1
MC p. 182 (f. 224v, 11. 12-17) = DF f. 260v, 11. 13-17
A CASE OF “AUTHOR’S VARIANT READING’ 483

MC p. 192 (f. 229r, 11. 13-16) = DF f. 263v, 11. 9-13


MC p. 194 (f. 230r, 11. 8-14) = DF f. 263v, 11. 13-23

Book IX
MC p. 195-198 (ff. 230r, 1. 25-231r, 1. 23) = DF ff. 264v, 1. 4-265r, 1. 27
MC p. 201 (f. 233r, 11. 24-28) = DF f. 265v, 11. 16-21
MC p. 207 (f. 236r, 11. 11-22) = DF ff. 266v, 1. 27-267r, 1. 7
MC p. 211 (f. 238r, 11. 6-15)= DF ff. 269r, 1. 19-269v, 1. 1
MC p. 219-220 (ff. 241V, 1. 22-242v, 1. 5) = DF ff. 268r, 1. ll-268v, 1. 9

Book XI
MC p. 260 (f. 259r, 11. 16-21) = MM p. 223,11. 331-335
MC p. 266-276 (ff. 261v, 1. 17-265r, 1. 27) = JC ff. 125r, 1. 17-129r, 1. 4
MC p. 272 (f. 263V, 11. 12-15 and 18-22) = MM p. 234,11. 62-68
MC p. 272 (f. 263v, 11. 24-27) = MM p. 224,11. 341-343
MC pp. 274-275 (ff. 264v, 1. 8 - 265r, 1. 13) = DF ff. 28 lv, 1. 24-82v, 1. 4
MC pp. 277-281 (ff. 265v, 1. 10 - 267r, 1. 22) - JC ff. 129r, 1. 5-130r, 1. 2
MC pp. 277-281 (ff. 265v, 1. 11 - 267r, 1. 23) = DF ff. 283v, 1. 19-285v,
1.9
MC pp. 278-281 (ff. 266r, 1. 2 - 267r, 1. 23) = MT ff. 176ra, 1. 6-176vb,
1. 29
MC p. 282 (f. 267V, 11. 16-21) = JC f. 130r, 11. 4-9
MC p. 284 (f. 268r, 11. 23-27) = MM p. 284,11. 5-8
MC p. 284 (ff. 268r, 1. 27 - 268v, 1. 4) = MM p. 284,11. 12-15
MC p. 286 (f. 269r, 11. 9-18) = DF ff. 278r, 1. 18 - 278v, 1. 2
MC pp. 287-288 (f. 269v, 11. 3, 15, 19-20) = MM pp. 307,1. 7-308,1. 10
MC pp. 287-289 (ff. 269v, 1. 3 - 270r, 1. 27) = DF ff. 287v, 1. 2-288r, 1. 9
MC pp. 287-289 (ff. 269v, 1. 16 - 270r, 1. 26) = MT ff. 175va, 1. 6-175vb,
last line
MC p. 289 (ff. 270r, 1. 27 - 270v, 1. 1) = DF f. 280v, 11. 15-17
MC pp. 289-290 (ff. 270v, 11. 1-27) = DF ff. 280v, 1. 21-281r, 1. 20

Book XIII
MC p. 338 (f. 292r, 11. 6-13) = MM p. 148,11. 56-61
MC p. 340-341 (ff. 292v, 1. 27-293v, 1. 5) = JC ff. 137r, 1. 20-137v, last
line
MC p. 341 (f. 293r, 11. 5 ff.) = JC f. 138r, 11. 1 ff.
INDEX DES AUTEURS ANCIENS ET MEDIEVAUX

‘Abd al-Wâhid al-Marrâkusî, 2, Anselmus Cantuariensis, 347-


3 365, 373, 377
Abba Mari de Lunel, 320-322 Aristoteles, 1, 3-12, 18, 25, 26,
Abraham Avigdor, 215-252 63, 65, 67, 70, 72-74, 76,
Abraham ben David de 77, 84-87, 89-105, 103-
Posquières, 336 105, 107, 109, 110, 116,
Abraham Berdersi, 186 127, 129, 130, 133, 137-
Abraham de Balmes, 8,47, 53 140, 142-146, 149-157,
Abü Bakr Ibn Tufayl, 3 159, 161, 163, 165, 166,
Abü-Bakr ibn al-Sâ’ig 170, 172, 180, 181, 185,
Avempace, 31 186, 188, 190-193, 198,
Abü Biifr Matta, 151 201-207, 209, 210-212,
Abü 1-Farafi Ibn al-Tayyib, 468 217-219, 221-225, 228-
Adamus Bucfeldus (sive Adam 233, 237, 240, 242, 247,
de Buckfield), 445, 447, 248, 254, 257, 261, 263,
448 265, 266-270, 272, 274,
Adamus de Sancto Victore, 389 276, 282, 283, 285, 295-
Aegidius Romanus, 26 297, 300, 304, 324, 339,
Agrippa (Cornelius Agrippa de 367, 424, 430, 431, 436,
Nettesheim), 108, 109, 438, 440, 445-447, 465,
113,122,125 466, 468, 470, 471, 473-
Albertus Magnus, 108, 125, 477,481
130, 209 Amaldus de Villanova, 107,
Albumasar, 125 111, 112, 115-121, 129,
Alcabitius, 119, 126 134, 135,216, 251
Alexander Aphrodisiae, 97, 98, Amoldus Saxo, 209, 210
104, 138-140, 144, 160, Augustinus (Aurelius), 24, 112,
161,185, 193 350, 369, 376, 384, 385
Alexander III (papa), 197 Augustinus Niphus, 263, 264,
Alfarabi vide Fãrãbl (al-), Abü 265,268,271
Nasr Avempace vide Ibn Bãgga
Algazel vví/c’Gazalï (al-) Averroes vide Ibn Rusd
Ambrosius Mediolanensis, 369, Avicenna vide Ibn Slnä
385 Azaria de Rossi, 312
Amplonius Rating de Bercka,
195 Basilius Magnus, 369
486 ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

Beda Venerabilis (pseudo-), Galenus, 107, 372


209,210 Galfridus Aspaldus (sive de
Benedictus Nursinus S., 368, Haspal), 447
369, 379 Gaunilo, 347, 348, 354, 355-
Bemardus Albert, 215, 216, 359, 361,362
250 Gazäll (al-), Abu Hämid
Bemardus Claraevallensis, 367, Muhammad (sive Algazel),
370-380 26, ' 127, 215, 217-220,
Blasius de Pelacanis de Parma, 222-237, 240,242, 243
119 Gerardus de Solo, 216, 248,
Boethius (A.M.T. Severinus), 249
201, 202, 350, 353, 354, Gersonides ( siveLevi ben
384, 425, 454, 455 Gershon = Ralbag), 63-65,
Bonaventura, 197, 377, 424 71-87, 186, 190-194
Bmno de Lungoburgo, 413 Godefridus de Fontibus, 25-27,
Burgundio Pisanus, 204 33,34
Gratianus, 197
Campanus de Novara, 125 Gregorius Magnus, 24, 30, 369,
Cassiodorus, 384 371,385
Cecco Asculanus (sire Ciccus Gregorius Nazianzenus, 369
Aesculanus), 126 Gregorius Nyssenus, 369, 371,
Constantinus Africanus, 107 378
Gualterius Burlaeus, 448, 449
Dante Allegherius, 111, 112 Guido Aretinus Iunior, 114
Dionysius Areopagita (pseu­ Guilelmus de Alvemia, 108,
do-), 369, 384-386, 388, 110-113
391-393 Guilelmus de Conchis (pseu­
Dioscorides, 107 do-), 409,416
Guilelmus de Conchis, 409,
Epicums, 66, 372 411-413,415
Erkenfiidus, 201 Guilelmus de Fontefrigido, 451,
Euclides, 430 452,462, 463
Evagrius Ponticus, 369 Guilelmus de Luna, 263
Guilelmus de Moerbeke, 98,
Fârãbl (al-), Abu Nasr, 97, 99, 203
220, 225, 230, 235, 255, Guilelmus de Occam, 449
261, 295, 296, 300, 301, Guilelmus de Saliceto, 252
304, 330, 468
Fridericus II imperator, 24, 439, Henricus de Gandavo, 457
442, 467 Hermannus Alemannus, 8
Index des auteurs anciens et médiévaux 487

Hermannus de Carinthia (sive Ibn Tibbon, Moïse, 222, 468,


Hermannus Secundus), 415 479, 481
Hermes Abidimon, 125 Ibn Tibbon, Samuel, 23, 24, 28,
Hermes Enoch, 116,124,125 32, 51, 185, 220, 228, 231,
Hermes Thebit, 116, 124, 125 237, 238,242-244, 320
Hieronymus S., 384, 385 Ibn ™ufayl, 155, 156, 237
Hilarius Pictaviensis, 385 Ioachim de Flore, 441,442,443
Hillel de Verona, 411-413 Ioannes Buridanus, 446,448
Hippocrates, 372 Ioannes Cassianus, 369
Hugo de Sancto Victore, 381- Ioannes de Falisca, 450, 452
408, 416 Ioannes de Fonte, 201, 202,
Hunayn Ibn Ishäq, 151, 155, 207, 208
185 Ioannes de Ianduno, 448
Ioannes Parmensis, 251
Ibn al-Bitrîq, Yahyä, 185, 220 Ioannes de Rupella, 197
Ibn Bägga, Abü Bakr (sive Ioannes de Sacrobosco, 126
Avempace), 144, 230, 237, Ioannes de Tomamira, 252
255,261,330,468 Ioannes Duns Scotus, 424
Ibn Ezra, Abraham, 324, 328 Ioannes Philoponus, 154, 231,
Ibn Falaquera vide Shem Tov 446
ben Joseph Falaquera Ioannes Picus de Mirandola,
Ibn Rusd, Abü l-Walld (sive 108,109
Averroes), 1-22, 45, 47, Ioannes Scotus Eriugena, 391,
48, 72, 87, 89, 90, 95-105, 393
127, 128, 130, 132, 137- Ionathan ben Uziel, 279
146, 150-152, 154, 155, Iordanis de Bergomo, 206-208
157, 159, 160, 161, 164, Isaac Albalag, 232, 237, 316,
165, 168, 170, 173, 176- 318-321,324
182, 186, 187, 191-194, Isaac Ibn Latif, 324
215-218, 220-233, 235- Isaac Pulgar, 237
238, 240, 243, 247, 248, Ishäq ben Hunayn, 161,295
263-265, 267-272, 274, Isidoras Hispalensis, 384, 385
465-471, 473-476, 478,
479, 481 Jacob Anatoli, 5, 6, 191, 223
Ibn Smä, Abü ‘Ali (sive Jacob ben Makhir ibn Tibbon,
Avicenna), 26, 98, 99, 115, 5,21,321,414
123, 133, 155, 156, 216, Jacob ben Meir vide Rabbenu
228, 229, 235, 250, 252, Tarn
282 Juda al-Harizi, 24, 28, 32
488 ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

Juda ben Nathan, 217, 219, Nahmanides (sive Moshe ben


223, 229, 230, 232, 236, Nahman = Ramban), 320,
237 324
Juda ben Nissim Ibn Malka, Nicolaus de Polonia, 112, 114
444 Nissim ben Moïse de Marseille,
Juda ben Salomon (Shlomo ha- 311-318, 320-324, 327,
Cohen), 236, 429-444, 328
467, 469, 470, 474, 477,
479-481 Odericus Vitalis, 370
Juda ha-Levi (sive Judah ben Orígenes, 369, 371
Hallevi), 335
Pacomius, 370
Kïndï (al-), Abu Yüsuf, 414 Petrus Abaelardus, 360, 373,
374, 386, 396, 403
Levi ben Avraham, 316, 322, Petrus Damianus, 24
324-328 Petrus de Abano, 107, 110, 112,
115, 116, 120, 122-135
Macarius, 369, 370 Petrus de Alvemia, 448
Maimonides, 23-28, 30, 31, 33, Petrus Hispanus, 200, 215, 216,
34, 51, 52, 63-73, 75, 76, 245
79, 84-87, 146, 218-220, Petrus Storch Pragensis, 201
222, 228, 230, 232, 233, Philo Alexandrinus, 369, 371
235, 236, 238, 242-244, Picatrix, 108, 126
253-262, 275-310, 319- Plato, 1, 3, 11-14, 18-20, 90,
322, 324-326, 328-344, 94, 96, 98, 99, 114, 123,
468 130, 132, 134, 295, 324,
Marcus Antonius Zimara, 263 367, 478
Marsilius Ficinus, 108-110, Plotinus, 109
122, 125 Porphyrius, 1, 4, 5, 193, 222,
Menahem ha-Meiri, 317, 322, 247,272,384
323 Priscianus Lydus, 157
Michael Scotus, 142, 167 Proclus, 26, 425
Moïse ben Salomon de Salon, Ptolomaeus (pseudo-), 126
468 Ptolomaeus, 21, 77, 114, 119,
Moïse de Narbonne (sire Moses 124, 414, 430, 436, 438,
Narbonensis), 47, 232-234, 443
236-238
Moïse de Sáleme, 412 Qalonymus ben Qalonymus, 7,
Moïse de Vérone, 411 9, 47, 229, 231, 237, 238,
Index des auteurs anciens et médiévaux 489

264, 414, 466-468, 470, Sigerus de Brabantia, 447


472-481 Socrates, 94, 262, 474
Sophonias, 150, 154
Rabbenu Tarn (sire Jacob ben Stephanus Galdeti, 452, 453,
Meir), 323, 324 457-459, 461,462
Radulphus Brugensis, 414, 415
Rashi videSalomon ben Isaac Tabari (al-), 124
Rãzl (al-) Abu Bakr Muhammad, Tabit ibn Qurra, 31
249 Themistius, 98, 144, 193, 225
Ricardus Brinkley, 452 Theodoricus Camotensis, 415
Ricardus de Bury, 449 Theophrastus, 157, 225
Ricardus Rufus de Cornwall Thomas Aquinas, 23, 26, 103,
( siveComubiensis), 449 110, 112, 125, 272, 424,
Robertus Anglicus, 200 425,447
Robertus Grossatesta, 208 Thomas Bradwardine, 457
Rolandus Bandinellus Senensis Thomas de Cracovia, 450, 452,
(vide Alexander III) 457
Romanus de Ursinis de Roma, Todros Todrosi d’Arles (Arela-
197 tensis), 7, 8

Sa‘adya Gaon, 319 Vincentius Bellovacensis, 205,


Salomon Avigdor, 216 207, 208
Salomon ben Elie Sharbat ha-z,
114 Witelo, 109, 112, 125
Salomon ben Isaac (= Rashi),
311 Yahyâ Ibn ‘Adi, 185
Salomon Ibn Adret (si ve Yeda'aya ha-Penini, 186, 187,
Rashba), 315, 322, 327 189,192-194
Samuel ben Juda de Marseille,
5, 18 Zerahyah ben Isaac len, 411,
Shem Tov ben Joseph Falaquera, 466-470, 472-478, 480,
145, 146, 148, 159, 165, 481
183, 220, 467, 468, 470,
472,479, 481
INDEX DES AUTEURS M ODERNES

Les noms d’auteurs suivis de 1’* sont des noms d’imprimeurs

4A. Harïdï, A , 6-8 Beumer J., 197


Achena, M., 229 Biard, J., 135
Adamson, P., 231, 246 Blidstein, G., 254
Aertsen, J.A., 103, 110, 471 Blum, P.R., 114
Afnan, S.M., 98 Blumenthal, D., 341
Al-'Alawï, G., 21 Bobichon, Ph., IX
Al-‘Uryân, S., 3 Bonincontri, L., 126
Al-Ahwänl, A.F., 21 Borsa, G., 271
Al-Gabiri, M. ‘A., 12, 48 Bos, G.M.,21
Alaoui, J.E., 237, 238 Bossier, F., 204
Alexander, J.J.G., 196 Bottin, L., 8
Allard, M., 97 Boudet, J.-P., 113
Altmann, A., 72,315, 329, 330 Bouyer, L., 369
Amerini, F., 103 Bouyges, M., 6, 90, 96-98, 151,
Anawati, G.C., 282 ' 152, 220, 466, 468, 473, 474,
Anawati, M.M., 50 475, 478, 479
Aouad, M., 7, 9 Boyle, L.E., 72
Arkush, A., 314 Braga, G., 24
Arnold, J., 385 Brague, R., 23
Amzen, R., 465 Brayer, M.J., 311
Ascarelli, F., 271 Brenet, J.-B., 155
Ashen, R.E., 293 Brockelmann, C., 50
Aubenque, P., 90 Brogan, T.V.F., 303
Avrin, L., 429 Brown, S.F., 74
Brown, V., 210
Badawl, ‘A., 7-9, 97, 151, 160, Brugman, J., 98
166 Brurnberg-Chaumont, J., 447
Baffioni, C., 8, 467 Bruns, I., 138, 160
Balouye, L., 103 Buck, A., 114
Baltussen, H., 466 Burchardt, J., 109
Barbet, J., 391 Bumett, Ch., 125, 415
Baron, R., 382, 398, 404, 405 Bumyeat, M., 92,103
Bataillon, L J., 447 Butterworth, Ch.E., 5-8, 65, 192
Baumann, F., 276 Buttimer, Ch.H., 383
Bausani, A., 54
Bazàn, B.C., 451 Cabello, M., 266
Beit-Arié, M., 46 Cabeza Sanchez Albornoz, M.C.,
Benmakhlouf, A., 6 266
Berman, L.V., 18 Carmody, F.J., 142
Bemdt, R., 385 Carmoldy, E., 327
492 ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

Carruthers, M., 386 Donato, L., 264, 268, 271


Castelli, L.M., 103 Dondaine, A., 447
Cerami, C., 92, 103 dos Santos Dias, C., DC
Chahlane, A., 1, 12, 14 Draelants, L, 117, 120,210
Charlesworth, M J., 355, 362 Drossaart-Lulofs, H J., 98
Chertoff, G.B., 224, 226 Duin, J.J., 25, 26
Chiesa, B., 468, Dumoulin, B., 90
Cohen, R.S., 24 Dunya, S., 282
Cohn, N., 441 Dutton, P.E., 409, 416-419, 426
Congar, Y., 209
Corbin, M., 362 Eamon, W., 114
Coulson, F., 210 Ebbesen, S., 446
Coviello, A., 14 Efros, L, 222
Craemer-Ruegenberg, L, 425 Elamrani-Jamal, A., 146, 176, 177
Cranz, F.E., 263 Elsakhawi, N., 105
Crawford, F.S., 137-140, 142, Endress, G., 103, 104, 142,471
144-146, 154, 155, 157, 158, Evans, C.S., 355
161, 162, 170, 171,173-175,
178, 180, 181 Fakhri, M., 98
Cruz Hernandez, M., 14 Fattori, M., 45
Fava, M., 268, 269
D ’Alvemy, M.-Th., 25, 26 Federici Vescovini, G., 109, 116,
D ’Ancona, C., 466 119, 127, 133
Dahan, G., 23, 75 Feldman, S., 72, 83
Dancy, R., 90 Ferraro, D., 110
Davidson, H.A., 5, 75, 220, 329, Ferre, L., 251
330 Filipiuk, G., 267
Davies, B., 350 Filipowski, Z., 220
de Libera, A., 34, 47, 108, 110, Finnegan, J., 97
142, 146 Fioravanti, G., VIII, 446
de Lluch Alemany, M., 267 Fleischer, E., 254
De Strycker, E., 94 Fletcher, A., 303
De Wulf, M., 25, 34 Flüeler, C., 446
Decarie, V., 90, 92 Fontaine, R., 185, 220, 439
Dekkers, E., 24 Fomacieri, P.E., 14
Delhaye, Ph., 24 Frank, D.H., 315, 318
Delisle, L., 25 Frankel, Z., 317
Di Donato, S., DC, 47 Fransen, G., 451
Di Giovanni, M., 103 Freudenthal, G., 24, 45, 75, 325,
Diebler, S., 6 409
Dienstag, J.L, 23 Friedman, R., 446
Dimitrovsky, H.Z., 322
Dobbs-Weinstein, L, 74, 83 Gätje, H., 9, 155
Dominguez, F., 210 Gale, R., 363
Donati, S., 447 Galle, G., 448
INDEX DES AUTEURS MODERNES 493

Galluzzo, G., 103 Hauréau, B., 450


Galonnier, A., 146 Hein, Ch., 431
Ganszyniec, R. 115 Henry, D.P., 352
Gardet, L., 50 Hirsch-Reich, B., 441
Gauthier, L., 155 Hissette, R., 263, 264, 266
Gauthier, R.A., 142, 212, 272, Hoffmans, J., 34
273, 447 Holopaien, T., 354
Geiger, A., 316, 327 Holzman, G., 237
Genequand, Ch., 97, 105 Hopkins, J., 347
Geoffroy, M., IX, 47, 48, 142, Horowitz, C., 254
155, 173, 176,311,466 Hourani, G.F., 47
Gibson, M.T., 196 Hugonnard-Roche, H., 9
Gigliotti, G., 110 Hunt, R.W., 196
Gilmont, J.Fr., 266, 272 Hyamson, M., 331
Gilson, E., 373, 375-378 Hyman, A., 45
Giralt, S., 120, 121
Giraud, C., 404 Idei, M., 330
Glasner, R., 143, 186, 191, 192, Imbach, R., VIII, 210
466 Ivry, A.L., 139, 140, 143, 145,
Glorieux, P , 25, 450-452, 458, 146, 158, 164, 168, 171, 176,
462 177, 180, 283,284, 286, 289,
Goehl, K., 114 314, 466
Goetschel, R., 341
Goichon, A.-M., 98 Jacquart, D., 451
Golb, N., 342 Jeauneau, E., 411
Goldenthal, J., 8 Jéhamy, G., 6, 7
Goldstein, D., 433, 434, 438 Joel, Y., 275
Gonzo, A., 266, Jolivet, J., 386
Gottschalk, H.B., 186 Jolies, B., 389, 399, 404
Goullet, M., 195
Grabmann, M., 209 Kaeppeli, T., 206
Gregori (de) Giovanni*, 264 Kafih, J.D., 67
Gregori (de) Gregorio* , 264 Kafih, Y., 336, 343
Gutas, D., 103, 104, 156 Kaluza, Z., 25, 450, 452, 453, 456-
Guttmann, J., 319 458, 463
Kapriev, G., 348, 352
Halkin, A .S, 312, 315, 322 Kassem, M.M., 192
Hamesse, J., 25, 45, 46, 201, 202, Katinis, T., 109
205,206,210 Keil, G., 114, 115
Haridi, A.A., 192 Kellner, M., 72, 86,331
Haring, E.S., 92 Kieckhefer, R., 109
Harvey, S., 215, 221, 231, 233, Klein-Braslavy, S., 65
236, 325,342, 441,465,467 Kluxen, W., 23, 25
Harvey, W.Z., 325, 327, 330 Kraemer, J.L., 289, 339
Hasselhoff, G.K., 24
494 ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

Kreisel, H., 65, 292, 311, 312, Michalski, C , 198


330,331 Michaud-Quantin, P , 197
Kristeller, P.O., 263 Millican, P , 349, 350
Kurdi, M. al-, 223 Minio-Paluello, L , 263
Kurland, S., 238 Montague, R , 293
Moraux, P , 204
Lacarrièrre, J., 369 Morel, F , 126
Lacey, A.R., 91 Moreschini, C , 353
Lagerlund, H., 225 Morewedge, P , 228
Langermann, T.Y., 339, 409, 441 Moussa, M .Y, 282
Lardet, P., 448 Müller, M J , 47, 48
Lasinio, F., 5-8 Munk, S , 21, 28, 30-33, 35, 65,
Lauer, S., 14 253, 275, 277-281, 283, 285-
Leaman, O., 315, 318 287, 289, 290
Leclercq, J., 368, 375
Leftow, B., 350 Nadeau, A , 205
Leonardi, C., 446 Nahon, G , 312,429
Lemer, R., 14 Najjar, F.M , 220
Levine, H., 24 Neubauer, A , 216
Lévy, T., 23 Nife» Agostino*, 263-265, 267,
Locatello Boneto*, 264, 268 268, 271
Lohr, C h, 210 Nikoprowetzky, V , 253
Lottin, O , 34 Novak, D , 283
Lucentini, P , 109, 117 Nuriel, A , 280
Lusignan, S , 205
Luzzato, S.D, 316 Oppy, G , 348, 350
Lyons, M .C, 97 Ott, L , 383
Ottaviano, C , 409, 417, 418
MacGinn, B , 441 Owens, J., 90
Mahoney, E.P, 263, 264
Malcom, N , 362 Pacheco, M.C., 373, 378
Manekin, C , 215, 216, 221, 224, Pajda, Z., 267
225 Palanca Pons, A., 266
Manselli, R , 112 Para vicini Bagliani, A., 125
Mansion, S , 92 Parkes, M.B., 196
Marchetti, G , 447 Pami, I , 109, 117
Markowski, M , 199 Paschetto, E., 109, 112
Martin, A , 105 Patterson, R., 225
Mashbaum, J.S , 72, 87, 191 Paulmier-Foucart, S., 205
Masse, H , 229 Pelzer, A., 34
Mattoso, J , 372 Penkower, J., 311
McVaugh, M , 114, 115 Perfetti, S., 446
Melamed, A , 331 Perrone Compagni, V., 108, 109,
Meyer, G , 209 113, 117, 125
Michael, B , 446 Piazzoni, A., 385, 395, 397, 407
INDEX DES AUTEURS MODERNES 495

Pindl, Th., 210 Schorr, J.H , 312, 316-320, 323,


Pinès, S , 23, 65, 75, 218, 255, 324
257, 261, 275-282, 284-290, Scoto Ottaviano*, 264, 268
293, 330, 332 Scoto Ottaviano (junior)*, 271
Pingree, D., 124, 125 Schwarz, M , 278, 280
Plantinga, A., 348 Senko, W , 25
Poirel, D., 383, 391,397, 403 Septimus, B , 254
Preminger, A., 303 Sermoneta, J.B , 412, 468
Puig Montada, J., 103,465 Shand, J„ 348
Shapiro, M .B, 336
Qanawâtï, G., 155 Shatzmiller, J , 217
Qâsim, M., 6, 48 Shiffman, Y , 146, 481
Sicard, P , 401, 402, 406
Rapoport, S.J., 317 Sicco, M , 272,
Rashed, M., 133 Sirat, C , VII, Vili, 24, 65, 73,
Rashed, R., 23, 135 142, 146, 184, 215, 255, 257,
Ravitzky, A., 315, 336, 468 261, 275, 311, 312, 325, 329,
Reeves, M., 441 425, 429, 437, 438, 441, 463,
Reif, S.C., 414 465, 466
Reinharz, J., 284 Sofer, A., 323
Renan, E., 216, 217, 236, 327 Sorge, V., 447
Ricoeur, P., 90 Speer, A., 110, 425
Rignani, O., 447 Spicehandler, E., 316, 317
Robinson, J.T., 295 Spiro, Y., 436
Rocháis, H.M., 24 Stammberger, R.M.W., 385
Rodier, G., 150, 154, 157 Stange, E., 210
Romanello, M., 112 Steel, C., 155
Rosenthal, E.I., 14-18 Steinschneider, M., 5, 217, 415,
Rosenthal, F., 185 465
Ross, W.D., 92, 471, 473-477 Stem, G , 318, 323
Rosier-Catach, L, 108, 110 Stem, J., 255, 332
Rothschild, J.-P., 46, 412, 425 Stone, M.W.F., 231,466
Rudavsky, T., 286 Strauss, L., 275, 276
Sul Mendes, M.V.C.A., 266
Sachs, S., 325 Swetschinski, D., 284
Saffrey, H.D., 425
Sälim, M.S., 7, 8 Tamani, G., 47
Samuelson, N., 283 Taylor, R., 173
Sarachek, J., 318 Teeuwen, M., 206
Scaliger, J.-J., 126 Thaner, F., 197
Scheidegger, Ch., 270 Thillet, P., 97, 151
Schmitt, C h, 204,211 Tihon, P., 34
Schmitt, F.S, 347 Toth, G , 266
Schoeler, H , 9 Touati, C., 191,312,429
Tricot, J., 92
496 ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

Twersky, I., 255, 315, 330 Wilpert, P., 441


Wippel, J.F., 34, 45
Urvoy, D., 3, 21 Wohlman, A., 23
Wolfson, E., 314
Vadja, G., 319, 409, 417, 418, 444 Wolterstorff, N., 355
Van den Eynde, D., 391 Wood, R., 448, 450
Venetianer, L., 220
Verbeke, G., 98 Yuval, I.J., 443

Walter, P., 210 Zambelli, P., 110, 125


Walzer, R., 97 Zaoi, A., 253
Weijers, O., 65, 446-448, 451 Zayed, S., 155, 282
Weill, G.E., 194 Ziegler, J., 216
Weill-Parot, N., 109 Zimara Marcantonio*, 263
Weiss, R.L., 67 Zimmermann, A., 209
Weisweiler, H., 383, 392, 393 Zimmermann, F.W., 304
Wensinck, A.J., 61 Zonta, M., 45, 51, 103, 236, 466-
Westphal, M., 355 470, 479, 481
Whitman, J., 301, 303
Wiener, Ph., 303
Wiesner, J., 204
Williams, Th., 362
INDEX DES MANUSCRITS ET EDITIONS ANCIENNES

Aquila (L’) Add. 1741 : 409, 413, 414,


Biblioteca Provinciale « Salvatore 416
Tommasi » Mm. 6.30.3 : 234, 238
Inc. E 1 : 270
Corregio
Avellino Biblioteca Comunale « G. Einaudi »
Biblioteca S. Maria della Grazie Rari e preziosi c/8 : 270
Sala Sud IX-14 : 271-272
Erfurt
Barcelona Wissenschaftliche Bibliothek der
B ib lio teca U n iv ersita ria y Stadt
Provincial Amplon., 2° 34 : 198
Inc. 457 : 270 Amplon., 4° 299 : 195

Bari Escorial (El)


Biblioteca provinciale dei Cappu­ Biblioteca do Real Monasterio de
c c i di Puglia San Lorenzo
Volume C C 44 : 271-273 632 : 48, 49, 56

Bergamo Graz
Biblioteca Civica Angelo Mai Universitätsbibliothek
Ine. 3 124 : 270 347 : 25

Berlin Istanbul
Staatsbibliothek Köprülü Kütüphanesi
Lat. fol. 695 : 201 1601 : 49, 56, 59
110/2 (Or. Fol. 1055): 190,
192 Leiden
212 :21 Universiteitsbibliothek
213 :21 Warner 1547

Budapest Leuven
Mayyar Tudomanyos Akadémia Abdij van Park
Inc. 145/koll. 1 : 266 Volume KULeuven GPAR :
PrGV/4 : 272-273
Cambridge
University Library Lisboa
Add. 173 : 467, 469, 472, Biblioteca Nacional
481-483 F.G. 2299 : 25
498 ECRITURE ET REECRITURE DES TEXTES PHILOSOPHIQUES MEDIEVAUX

London 2486 : 225


Beit ha-din 2521 : 224, 239-241
41 : 21 M icrofilm 2516 : 21

British Library Oxford


882/1 : 190 Bodleian Library
882/2 : 190 Hebr. 1363 :193
H u n t. 79 ( = U ri 393)
Madrid (Neubauer 1380) : 21
Biblioteca Nacional Marsh. 472 : 21
500 : 143 Mich. 335 (Neubauer 1318) :
Biblioteca de la Universidad 412
Complutense Mich. 551 (Cat. Nr. 1321) :
BH Inc. 1-25 : 266 430-432, 437-440
Opp. 143 : 9
Modena Opp. 683 (N eubauer 1370) :
Biblioteca Estense 21
ex. J. 6.23 : 142, 148, 155
Palma de Majorca
Montréal Biblioteca Publica del Estado
McGill University Inc. 536 : 267-270
Folio WZ230 A953d 1497 :
270 Paris
Bibliothèque Mazarine
Moskva 3549 : 272
Günzburg 1172 : 191 Bibliothèque nationale de France
Hébr. 8 8 6 :4 8 1 ,4 8 2
München H ébr. 904 : 223, 228, 230,
Bayerische Staatsbibliothek 232, 234, 237
Hebr. 26/4 : 190 Hébr. 919 : 72
Hebr. 32 : 9 Hébr. 932/1 : 192
Hebr. 54 : 327 Hébr. 938 :229-231
Hebr. 964 : 4 Hébr. 956 : 21
Clm. 18215:415 Hébr. 958 : 190, 192
Hébr. 959 : 47
Napoli Hébr. 964/1 : 193
Biblioteca Nazionale Vittorio Hébr. 966 : 191
Emmanuele III Hébr. 973 : 409, 413, 417
S.Q. V.E.30 : 267-268 Hébr. 990/1 : 219, 220, 222,
S.Q. VI.E.31 : 267-270 224-235, 237, 239-241
Hébr. 1008 : 4
New York Lat. 7377B : 415
Jewish Theological Seminary of Lat. 14303 : 398
America Library Lat. 15973 : 27-33, 35
INDEX DES MANUSRITS ET EDITIONS ANCIENNES 499

Lat. 16096 : 25 Valencia


Lat. 16297 : 26 Universitat, Biblioteca Historica
Lat. 16408 : 450-453, 457- Inc. 154 : 266
463
Lat. 16409 : 450, 452, 457, Valenciennes
461,462, Bibliothèque municipale
Lat. 16535 : 450, 452, 453, 321 : 415, 416
458,459,461
Vaticano (Città del)
Commissio Leonina Biblioteca Apostolica Vaticana
6 G 6 : 272-273 Barb. lat. 692 : 201
Hebr. 342/1 : 192
Parma Hebr. 338:474, 477,481,
Biblioteca Palatina 483
Hebr. 285 : 9 Hebr. 345/3 : 237
Parm. 2612 (olim De Rossi Urbin. lat. 207 : 205
1339) : 187 Urbin. lat. 221 : 263
Parm. 2613 (olim De Rossi Vat. gr. 1339: 139
1308): 467, 470, 472 Vat. lat. 3049 : 201
Parm. 3156 (olim De Rossi
164): 472, 481-483 Venezia
Parm. 3623 (olim De Rossi Biblioteca Nazionale Marciana
208): 481, 483 Inc. V.353.1 : 270

Porto Wien
Biblioteca Publica Municipal Österreichische Nationalbibliothek
Inc. 45 : 270 114: 9

Roma Zakroczym
Biblioteca nazionale Vittorio Biblioteka Warszawskiej Prowincji
Emmanuele II Kapuczynow
14.3.Q.25 [1] : 268 XV 5 : 267-270
14.10.G.16 : 268
Zürich
Saint-Pétersbourg Zentralbibliothek
Institute of Oriental Studies 4.96 : 270
B 390 : 21

Torino
Biblioteca Nazionale Universitaria
A.I.14 : 21
A.II.13 : 467

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