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Blum-Cuny Pascale. L’idée de bonheur dans les Méditations sur les psaumes de Philippe Duplessis-Mornay. In:
Albineana, Cahiers d'Aubigné, 18, 2006. Philippe Duplessis-Mornay. pp. 213-225 ;
doi : 10.3406/albin.2006.1060
http://www.persee.fr/doc/albin_1154-5852_2006_num_18_1_1060
2. Méditation sur le Ps. XXX, p. 46. Les numéros de pages renvoient à notre édition
critique : Philippe Duplessis-Mornay, Méditations sur les Psaumes, Paris, Champion,
2004.
3. Voir R. Mauzi, L’Idée du bonheur dans la littérature et la pensée françaises au
XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 1960.
4. Voir à cet égard F. Möri, La question de l’âme et la question de Dieu dans les
premiers dialogues d’Augustin d’Hippone. Naissance d’une philosophie de l’image.
Position de thèse. Ecole Pratique des Hautes Etudes (Directeur : O. Boulnois) /
Université de Neuchâtel (Directeur : J.-J. Aubert), 2004.
5. Méditation sur le Ps. XXXII, p. 49.
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6. Ces extraits sont : I, 1 ; II, 1-2 ; III, 2-5 ; IV, 2 ; VI, 2-4 ; VII ; VIII, 5 ; IX, 1 ; XI,
1-2 ; XIV, 2-5 (numérotation de l’édition Les Belles Lettres). Voir D. Carabin, Les
Idées stoïciennes dans la littérature morale des XVIe et XVIIe siècles (1575-1642),
Paris, Champion, 2004, p. 106.
7. Lactance et saint Ambroise, maître d’Augustin, furent les premiers Latins à
introduire la notion de « vie heureuse » dans la problématique chrétienne.
8. Le De finibus de Cicéron expose la relation constante dans les diverses
philosophies de la vie heureuse et du Souverain Bien.
9. Ergo nullo modo dubitamus, si quis beatus esse statuit, id eum sibi comparare
debere, quod semper manet nec ulla saeviente fortuna eripi potest. [Donc, si
quelqu’un est déterminé à être heureux, nous ne doutons absolument pas qu’il doive
se procurer ce qui demeure toujours et ne peut être arraché par quelque coup cruel de
la fortune]. Œuvres de saint Augustin, 4/1. Dialogues philosophiques, De beata vita –
La Vie heureuse. Introduction, texte critique, traduction, notes et tables par
J. Doignon, Paris, Desclée de Brouwer, 1986, p. 77.
10. Saint Augustin développe la doctrine du frui et de l’uti. Il y a le bien véritable, qui
rend l’homme heureux, et les choses dont on doit seulement se servir pour parvenir à
la fin recherchée. L’erreur est d’intervertir les deux catégories, à savoir « fruendis uti
velle atque utendis frui » (De diversis quaestionibus ad Simplicianum libri 2, 83,
2, 30).
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11. Cf. par exemple Ps. CXVIII (CXVII), v. 8-9 ; Ps. CXLVI, 3, etc.
12. Méditation sur le Ps. XXX, p. 39. Cf. aussi pp. 42, 46 et Méditation sur le Ps.
XXV, p. 92.
13. « Or le propre de la felicité c’est de contenter le desir », écrit Mornay dans son
traité De la verité de la Religion Chrestienne (ch. XVIII, Paris, J. Richer et J. de
Latran, 2e éd., 1583, p. 309).
14. « cest esprit luy fust donné [à l’homme], pour tendre & plus haut que le monde, &
plus haut que soy mesme. » (ibid., p. 311).
15. Méditation sur le Ps. XXXII, p. 50.
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16. Voir F. Möri, La question de l’âme …, réf. cit. L’amour de la Sagesse, qui est le
Verbe divin, provient de la connaissance de soi « en tant qu’image d’un modèle
nettement distinct de soi au plan ontologique ».
17. Voir T. Cave, Devotional Poetry in France, Cambridge, University Press, 1969,
p. 184 et suiv.
18. Méditation sur le Ps. XXXII, p. 50.
19. Id.
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25. Méditation sur le Ps. LV, v. 23, pp. 282-283. Voir J. Calvin, Institution de la
Religion Chrestienne, Livre II, ch. VIII, 58, éd. par J.-D. Benoît, Paris, Vrin, 1957-
1963, t. II, p. 187.
26. Méditation sur le Ps. XXXII, p. 58.
27. Ibid, p. 57.
28. « L’homme est ame et l’ame celeste, / Son corps une prison moleste / Fangeuse et
ouverte à tout vent ». Nous citons dans l’édition de 1585, Paris, G. Auvray, p. 8.
29. Dans De la verité de la Religion Chrestienne, Mornay identifie l’esprit et l’âme
intellectuelle, « forme substantielle » et « substance formelle ». C’est cette âme
intellectuelle qui distingue l’homme des plantes, dotées de l’âme végétative, et des
animaux, dotés des âmes végétative et sensitive (ch. XIIII, éd. cit., pp. 221 et 215).
30. Méditation sur le Ps. LI, p. 157.
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31. Méditation sur le Ps. XXXII, pp. 59-60. Mornay avait déjà utilisé dans son ouvrage
apologétique la métaphore des dissonances de l’âme, qui échoue à trouver le ton juste,
en se référant à l’Ethique d’Aristote (De la verité de la Religion Chrestienne,
ch. XVII, éd. cit., p. 294). Contre les stoïciens, il allègue également Plutarque, qui
« trouve bien de la peine à rendre les passions sujectes à la raison, & le corps à
l’esprit. » (p. 297).
32. Discours de la Vie et de la Mort, éd. cit., p. 12.
33. Ibid., p. 13.
34. Cet optimisme présomptueux de la philosophie du Portique est la raison majeure
pour laquelle le De Trinitate d’Augustin (13, 7, 10) revient sur les sympathies
stoïciennes du De beata vita. Et dans son Académie (Paris, G. Chaudière, 1577), le
protestant La Primaudaye considère la philosophie stoïcienne comme une illustration
du péché d’orgueil. Voir D. Carabin, op. cit., p. 97. Il est significatif que dans les deux
occurrences des Méditations où il est fait mention du stoïcisme, il est associé au
pharisaïsme.
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fou qui suit ses passions et le sage qui suit sa raison se voient renvoyés
dos à dos et la notion même de vertu perd son sens.
Puisque tout est « enclos dessous peché, dessous l’enfer »35, le
méditant se voit « tout ordure »36. Prenant conscience de sa misère
absolue, il entre dans un sentiment qui pourrait ressembler à du
désespoir, mais ce désespoir se restreint à ses propres capacités37.
Mornay rejoint Zwingli écrivant dans le De vera et falsa religione que
c’est en désespérant entièrement de soi qu’on peut découvrir « le vaste
dessein de la miséricorde divine »38. Dans un jeu verbal qui n’a de
précieux que l’apparence, Mornay situe exactement la place de
l’homme dans la création : « David, Seigneur, connoissoit que de
neant tu ne l’avois fait pour neant, ains pour ta gloire : que donc pour
ta gloire tu pourrois bien reduire ce corps à neant, mais non pour
neant »39. L’homme a été créé de rien ; il est « un vent », « moins que
vapeur », « moins que la parole qui se pert en l’air »40. Cependant
Dieu l’a créé pour sa gloire, c’est-à-dire pour l’associer à la vie divine
et lui faire atteindre une plénitude d’être. Mais comment atteindre
cette plénitude ? Comment le méditant pécheur peut-il être régénéré ?
Répondre à ces questions revient à évoquer la christologie des
Méditations. Mornay procède de deux façons : en situant le problème
dans une perspective ontologique ; en le ramenant ensuite à une
expérience individuelle. Redisons-le, la faute humaine offense un Etre
infini et ne peut donc être levée que par un médiateur infini, le Christ :
De ta grace infinie, tu nous a donné ton Fils infini comme
toi, pour la porter. Ton Fils, qui par sa puissance infinie, a porté
et englouti nostre peine infinie.41
Pascale BLUM-CUNY
Université de Rouen