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LE MONDE | 04.01.2017 à 12h55 • Mis à jour le 04.01.2017 à 15h56 | Par Véronique Lorelle (/journaliste/veronique-lorelle/)
The Bureau, un espace de coworking luxueux avec vue sur la tour Eiffel. Raphaël Dautigny
Un billard sur mesure habillé de chêne, comme les murs du restaurant chic où il trône, des tables en
pierre et marbre terrazzo à tous les étages, des guéridons tulipes d’Eero Saarinen et des téléphones
rouges à cadran : nous sommes dans The Bureau, le nouveau lieu de coworking
(http://www.thebureau.club/) grand luxe qui a ouvert au bas des Champs-Elysées, à Paris, avec vue sur la
Seine et la tour Eiffel. « La décoration est inspirée de Mad Men, la série télévisée américaine qui
dépeint la vie de bureau dans les années 1960, mais avec, en plus, une French touch : c’est
l’univers qui nous faisait rêver », se félicite Rasmus Michau, qui a fondé avec Laurent Geneslay ce
nouvel espace.
Une armada de fées se sont penchées sur le projet : de l’architecte d’intérieur Marika Dru à
Constance Gennari, fondatrice en 2013 du blog déco « The Socialite Family »
(http://www.thesocialitefamily.com/a-propos/) , en passant par la paysagiste Julia Chaigneau et le directeur
artistique Emmanuel Bossuet. Résultat : quatre étages avec bureaux moquettés plus ou moins
spacieux, organisés autour d’espaces de convivialité où faire une pause et ce, avec un impact
minimal sur l’environnement (eau filtrée au robinet et éclairages avec détecteur de présence). Et
pour tous, selon ses moyens, du clé en main : concierge privé, menus concoctés par le chef Luca
Laffi (ex-Thoumieux, La Corte…), pressing pour des chemises impeccables, salle de sport avec
cours de yoga et autres joyeusetés.
Au-delà du décor
« Ce qui prévaut ? L’idée d’appartenir à un club privilégié, un peu comme les gentlemen anglais du
siècle dernier », souligne Rasmus Michau. Dégustation de vins, conférence ou concert privé : un
compte Twitter interne rappelle à chaque membre les réjouissances du soir. « La décoration est faite
avec goût, les matériaux sont de qualité et le raffinement est poussé jusque dans les détails : les
gens qui travaillent avec nous sont heureux de venir chaque jour ici », estime Jérôme Tourbier, qui y
a établi le bureau parisien de son entreprise bordelaise, les célèbres Sources de Caudalie.
Velours, cuir, tissu, liège… le lieu est conçu pour être intime, chaleureux, avec cette table au plateau
qui tourne, dans le lobby, pour échanger des notes sans quitter sa chaise ou bien – campés dans
d’énormes vitrines – ces monstres géants de papier mâché, les Ogoh-Ogoh venus de Bali, censés
conjurer le mauvais sort.
Les cofondateurs, qui ont dessiné eux-mêmes les canapés d’extérieur pour la terrasse ou les
paravents-cloisons en liège, les proposent à la vente à leurs résidents. Dans les deux nouveaux
Kwerk, qu’ils inaugureront ce printemps dans d’autres styles et d’autres arrondissements parisiens,
ils envisagent de tester des coussins de gel polymère pour travailler debout, « comme en
lévitation ».
Pour assurer la sérénité des travailleurs, Kwerk met à leur disposition une salle de yoga et d’arts martiaux. KWERK
Ces lieux de coworking sont les fers de lance d’un nouveau mantra : « Travailler bien, travailler
design ». Sous leur impulsion, certaines entreprises se sont équipées de mobilier décontracté et chic
(sofas colorés, poufs moelleux, etc.) pour « montrer à quel point elles sont uniques et développer la
fierté d’appartenance de leurs salariés », souligne Anna Montano, de Colliers International France,
société de conseil en immobilier d’entreprise.
Mais l’enjeu va bien au-delà de la simple décoration. En 2013, un projet de recherche porté par la
Cité du design de Saint-Etienne soulignait le décalage de plus en plus visible – et gênant – entre les
manières de travailler et les espaces et les meubles existants. Ces derniers n’ayant guère évolué
depuis la révolution industrielle, pour laquelle ils ont été conçus.
Dans la majorité des cas, « le travailleur doit contraindre son corps et son cerveau pour qu’ils
s’adaptent à un dispositif systématisé et obsolète », souligne Marie-Haude Caraës, politologue et
directrice scientifique de cette étude. Les entreprises continuent de louer « des espaces vides qui
sont habillés, meublés, éclairés au kilomètre, avec pour seul critère la rentabilité ramenée au poste
de travail individuel ».
T&P Work Unit a aménagé les 20 000 m2 de bureaux de l’agence BETC à Pantin. Jo Magrean
Sans plus de bureau fixe, mais avec des casiers. « Il y a une ergonomie du corps à respecter : on
sait que l’être humain doit bouger pour être bien, physiquement mais aussi mentalement, d’où ces
espaces différents qui permettent de changer de posture et de se ressourcer », explique Catherine
Geel, historienne du design, qui a participé en tant que directrice artistique à la conception de ce
lieu, pensé comme un paysage dont on ne se lasse pas.
Un aperçu de cette réalisation sera exposé sous le titre Le Bureau générique ou le temps des cols
blancs créatifs, pendant la Biennale du design de Saint-Etienne, qui s’interrogera précisément, du
9 mars au 9 avril 2017, sur les mutations du travail ou « Working Promesse ».