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Si les dérapages graves de Monsieur Benalla avaient fait l’objet, dès le 1er mai,
d’une sanction conforme au droit en vigueur, il n’y aurait pas eu « d’affaire Benalla ». Mais
comme les faits reprochés semble avoir été couverts par des passe-droits au plus haut niveau de
l’Etat, il y a bel et bien une « affaire Benalla ».
C’est donc en raison de cette affaire et de votre mauvaise gestion de cette crise que
nous avons déposé une motion de censure de votre Gouvernement, Monsieur le Premier
ministre. Mais c’est surtout au regard de votre conception de l’exercice du pouvoir que cette
affaire a révélé au grand jour, et des conséquences qui en résultent pour notre pays, que nous
demandons à notre Assemblée nationale de vous retirer la confiance qui vous a été accordée.
Nous connaissons la suite, mes chers collègues : la majorité a refusé ces auditions ;
la majorité s’est même octroyé de manière autocratique la légitimité de décider qui serait
Motion de censure : intervention de Valérie Rabault Mardi 31 juillet 2018
auditionné ou pas par la commission d’enquête, réduisant notre Assemblée nationale à une
chambre d’enregistrement du bon vouloir présidentiel. Face à cette mascarade démocratique, le
Sénat, avec sa commission d’enquête remarquable, sauve heureusement l’honneur du
Parlement. Ainsi, Monsieur le premier Ministre, en tant que chef de la majorité, vous avez failli
à soutenir le cadre de l’exigence de vérité et de transparence.
Monsieur le Premier ministre, « après tout, notre censure s’adresse à d’autres qu’à
vous-même. Vous exécutez une politique qui vient d’ailleurs ». Ces mots, ce sont ceux de
François Mitterrand défendant à cette tribune une motion de censure en 1978. Force est de
constater que la motion de censure s’adresse, aujourd’hui encore — et en même temps — au
chef du gouvernement que vous êtes et au Président de la République dont nous dénonçons la
pratique des institutions.
Or l’affaire Benalla a jeté un sérieux doute. Lorsque les faits ont été révélés, vous
avez refusé de venir devant notre Assemblée nationale comme vous y invitaient pourtant
l’ensemble des présidents des groupes d’opposition. Vous avez par ailleurs tacitement avalisé
le renoncement du Ministre de l’intérieur, placé sous votre autorité, à saisir le procureur de la
République en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale. Vous avez assisté en
spectateur aux explications que le Président de la République a livrées aux seuls parlementaires
de la majorité. Le Président de la République se comporte en chef de Parti et vous assistez,
passif, à cette attaque en règle de l’équilibre des pouvoirs.
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Motion de censure : intervention de Valérie Rabault Mardi 31 juillet 2018
pas celle qui figure dans vos trois projets de réforme de nos institutions, puisqu’au contraire,
vous proposez de diminuer les pouvoirs du Parlement que ce soit en prenant plus fermement la
main sur son ordre du jour ou en réduisant sa capacité à représenter les citoyens de tous nos
territoires.
Vous avez enfin assisté, totalement muet, à une remise en cause de ce qu’est
l’essence de notre fonction publique. Elle a vocation à « être au service de l’Etat » et à
transcender les clivages politiques, afin d’assurer la continuité et la permanence de l’Etat. Avoir
la tentation de la doubler, sur certains sujets, avec une hiérarchie parallèle, constitue un
manquement grave.
Monsieur le Premier Ministre, l’Etat français n’est ni une société anonyme, ni une
start-up. Pour Jean Jaurès dont nous commémorons aujourd’hui l’assassinat, « l’État
aujourd’hui, surtout l’État républicain, est l’expression et l’organe de la volonté commune et
de l’intérêt public. » En tant que Premier ministre, vous êtes responsable de son intégrité, de
sa survie et de son impartialité à l’égard de toutes les Françaises et les Français.
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Motion de censure : intervention de Valérie Rabault Mardi 31 juillet 2018
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Motion de censure : intervention de Valérie Rabault Mardi 31 juillet 2018
Concernant les Outre-Mer, votre politique est tellement invisible que vous
les avez oublié de nombreux projets de loi, notamment la loi logement.
L’exemple le plus récent est celui de la loi relative à la formation
professionnelle.
Pour le pouvoir d’achat des Français, vous avez là aussi choisi la main
invisible. Lorsque, pour boucler votre budget, il vous a fallu trouver de
nouvelles recettes pour remplacer celles que vous aviez supprimées au
bénéfice des plus aisés (suppression ISF, création flat tax), vous avez décidé
de mettre à contribution les classes moyennes, mais sans le dire
Ce risque est pour nous inacceptable. C’est pour cela que j’invite chacune et chacun
de nos collègues à voter notre motion de censure.