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GUÉRIT-ON

DE L’ŒDIPE ?




UFR Sciences de l’éducation, Psychanalyse, Communication-
Français Langue Etrangère


Département de Psychanalyse



Travail final du cours « Guérit-on de l’inconscient ? »
Professeur : Caroline DOUCET




Étudiant : José Miguel GRANJA
Master 2 de Psychanalyse
Nº Étudiant. : 15608144





Année universitaire 2016 - 2017
Guérit-on du complexe d’Œdipe ?

Voilà une question qui mérite d’être travaillée avec beaucoup d’attention
et de rigueur. Le complexe nucléaire de la névrose fût pour Freud un nœud où
tous les fils de la sexualité infantile venaient se mêler et que le psychanalyste
avait pour tâche de dénouer. Ce concept donnait à la psychanalyse sa spécificité,
au point que sa reconnaissance était devenue, d’après Freud, « [...] le schibboleth
qui distingue les adeptes de la psychanalyse de ses adversaires »1.
Depuis lors, la psychanalyse a été relue et réinventée par Lacan, si bien
que l’Œdipe ne semble plus trop en être un schibboleth. Or, est-ce que les
psychanalystes peuvent désormais se passer de l’Œdipe, sous prétexte qu’ils
l’ont dépassé dans leurs propres analyses, qu’ils en ont atteint un certain au-
delà ? À ce propos, nous voudrions faire valoir ce qu’aura dit Lacan en 1976 sur
le Nom-du-Père, à savoir qu’ « On peut aussi bien s’en passer à condition de s’en
servir »2.

Alors, puisque notre question concerne la guérison, nous allons aborder
l’Œdipe par le truchement de la normalité, ce qui n’est pas sans rapport avec
l’usage effectif qu’avait le terme « schibboleth ». Rapporté dans le Livre de juges,
ce signifiant permettait aux gens de Galaad de démasquer les gens d’Ephraïm,
qui le prononçaient différemment, afin de les éliminer3. C’était un signifiant
maître opérant parallèlement une identification et une ségrégation. De même,
dans le débat intellectuel, le terme de « complexe d’Œdipe » identifiait les
préconiseur de la psychanalyse freudienne, face à ceux qui osaient prononcer,
par exemple, « complexe d’Électre », quoiqu’on n’allait pas jusqu’au meurtre.
Quant au sujet, la fonction de l’Œdipe est — c’est le moins qu’on puisse
dire — plus complexe. Elle comporte aussi une identification particulière, celle
qui a été épinglée par Freud du terme d’Idéal du moi, et que Lacan associe tout
d’abord à une fonction normative. « La virilité et la féminisation sont les deux
termes qui traduisent ce qui est essentiellement la fonction de l’Œdipe. Nous
nous trouvons là au niveau où l’Œdipe est directement lié à la fonction de l’Idéal
du moi — il n’a pas d’autre sens. »4
Ces mots ont été prononcés par Lacan pendant la leçon du 15 janvier
1958, où il introduit à son public la métaphore paternelle. Son mouvement
d’élaboration se soutient de l’article de Freud La disparition du complexe Œdipe,
où celui-ci définit, d’une façon limpide et rigoureuse, la logique qui mène le petit
garçon de l’Œdipe à la castration :

Le complexe d’Œdipe, nous dit Freud, offrait à l’enfant deux possibilités de
satisfaction, l’une active et l’autre passive. Il pouvait, sur le mode masculin,
se mettre à la place du père et, comme lui, avoir commerce avec la mère,

1Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), Paris : Puf, 2010, p. 107 [Note

en bas de page ajoutée en 1920]


2 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre XXIII. Le sinthome. 1975-1976, Paris : Seuil, 1999, p.

136
3 Livre de juges (12,6)

Disponible sur : http://www.sefarim.fr/Proph%E8tes_Juges_12_6.aspx


4 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. 1957-1958, Paris :

Seuil, 1998, p. 166

1
auquel cas le père était bientôt ressenti comme un obstacle, ou bien il voulait
remplacer la mère et se faire aimer par le père, auquel cas la mère devenait
superflue. Quant à savoir en quoi consiste le commerce amoureux apportant
satisfaction, l’enfant ne pouvait en avoir que des représentations très
imprécises ; mais ce qui était sûr c’est que le pénis jouait un rôle là-dedans
comme en témoignaient ses sensations d’organe. Il n’avait pas encore eu
l’occasion de douter de l’existence du pénis chez la femme. L’acceptation de
la possibilité de la castration, l’idée que la femme est castrée, mettait alors un
terme aux deux possibilités de la satisfaction dans le cadre du complexe
d’Œdipe. Toutes deux comprenaient, en effet, la perte du pénis : l’une, la
masculine, comme conséquence de la punition ; l’autre, la féminine, comme
présupposition.5

Chaque phrase de ce passage mérite une analyse approfondie. Il y est
question de l’identification et du choix d’objet au sein du triangle œdipien, de
l’irruption de la jouissance dans cette dialectique, de la castration comme limite à
deux modes de jouissance. Mais il est clair que toute cette articulation ne se
soutient que d’une seule idée, à savoir l’idée que la femme est castrée.
Comment le garçon parvient-il à concevoir une idée pareille ? Selon
Freud, il s’agit d’une sorte de première perception du vagin. « L’observation qui
finit par briser l’incroyance de l’enfant [à la possibilité de la castration] est celle
de l’organe génital féminin »6. Or, nous savons combien problématique était pour
Freud la question de la représentation de cet organe. De surcroît, l’hypothèse de
cette observation miraculeuse s’oppose complètement à ce qu’il élabore, la
même année (1923), dans L’organisation génitale infantile.
Dans ce dernier article, il est admis que l’enfant associe la castration
seulement aux femmes qu’il considère d’infériorité morale. « Mais des femmes
respectées, comme sa mère, gardent encore longtemps le pénis. »7 De plus, Freud
explique que la reconnaissance du vagin n’aurait lieu qu’à la puberté, où homme
et femme se rencontreraient finalement dans l’étreinte complémentaire que la
reproduction avait programmée. Pourtant, la castration doit avoir lieu au
moment logique de l’organisation phallique, puisque à la sortie de ce moment
l’opposition sexuelle s’énonce ainsi : « [...] organe génital masculin ou châtré »8.
Comment donc parvient le garçon à reconnaître l’idée que la femme est
castrée ? Freud le dit en toutes lettres, il s’agit de la reconnaissance de la
castration de la mère en articulation étroite avec l’origine des enfants. « Plus
tard, lorsque l’enfant s’attaque aux problèmes de l’origine et de la naissance des
enfants, lorsqu’il devine que seules les femmes peuvent enfanter, alors
seulement la mère est elle aussi dessaisie du pénis. »9
Il semble donc qu’ici intervienne aussi l’équation symbolique
pénis = enfant, mais d’une façon un tant soit peu différente. En effet, si le désir de
la fille glisse de gauche à droite sur telle équation, en se vouant ainsi à l’attente
d’un enfant du père, le garçon, lui, il fait parcourir le désir de sa mère sur
l’équation à rebours, de droite à gauche, rétroactivement, pour l’arrêter sur le

5 Sigmund Freud, « La disparition du complexe d’Œdipe » (1923) in La vie sexuelle, 13e

édition, Paris : Puf, 2002, p. 119-120


6 Ibid., p. 119
7 Sigmund Freud, « L’organisation génitale infantile » (1923), in Op. cit., p. 116
8 Ibid.
9 Ibid.

2
pénis, et reconnaître sa castration. En d’autres termes, si la mère désire l’enfant,
c’est qu’elle a envié le pénis et donc elle ne l’a pas. Comme dit Freud, c’est la
castration en tant que présupposition de la position féminine.
Aussi la castration est-elle introduite dans le domaine du possible, et pour
ce qui concerne l’Œdipe positif, les menaces que le garçon avait entendu
parviennent après-coup à faire effet. Cela dit, il ne faut pas oublier que le garçon
a aussi un autre mode de satisfaction, à savoir celle de l’Œdipe inversé, où il se
met dans une position passive à l’égard du père. Alors, posons-nous une
question : l’Œdipe inversé est-il équivalent à l’Œdipe féminin ?

La fille, nous dit Freud, « [...] accepte la castration comme un fait déjà
accompli [...] » 10 . Dans Quelques conséquences psychiques de la différence
anatomique entre les sexes, la situation qui mène à cette acceptation est décrite
ainsi : « Elle remarque le grand pénis bien visible d’un frère ou d’un camarade de
jeu, le reconnaît tout de suite comme la réplique supérieure de son organe et dès
lors elle est victime de l’envie du pénis. »11 L’équation symbolique pénis = enfant
introduit alors la petite fille à l’Œdipe. « Elle renonce au désir du pénis pour le
remplacer par le désir d’un enfant et, dans ce dessein, elle prend le père comme
objet d’amour ».12 Ultérieurement, la fille abandonne l’Œdipe parce que le père
ne satisfait jamais l’attente d’enfant.
Nous pouvons donc relever une différence fondamentale par rapport à
l’Œdipe inversé. Dans l’Œdipe féminin, étant donné que le père est l’objet
d’amour, l’enfant est en position active et, selon les catégories opposées chez
Freud13, il est même en position de sujet. En revanche, dans l’Œdipe inversé,
l’enfant est en position passive : il se fait aimer par le père. C’est là que Lacan
repère une béance dans la fonction normative de l’Œdipe.

Tout d’abord, il reprend la question de l’Œdipe inversé dans ces termes :

Seulement, l’Œdipe inversé n’est pas non plus si simple. C’est par la même
voie, celle de l’amour, que peut se produire la position d’inversion, c’est à
savoir qu’au lieu d’une identification bénéfique, le sujet se trouve affecté
d’une brave et bonne petite position passivée sur le plan inconscient, qui fera
sa réapparition à la bonne date, le mettant dans une espèce de bissectrice
d’angle squeeze-panic. Il s’agit d’une position où le sujet est pris, qu’il a
découverte tout seul, et qui est bien avantageuse. Elle consiste en ceci — ce
père redoutable, qui a interdit tant de choses mais qui est bien gentil par
ailleurs, se mettre à la bonne place pour avoir ses faveurs, c’est-à-dire se
faire aimer de lui. Mais comme se faire aimer de lui consiste à passer d’abord
au rang de femme, et que l’on garde toujours son petit amour propre viril,
cette position, comme Freud nous l’explique, comporte le danger de la
castration, d’où cette forme d’homosexualité inconsciente qui met le sujet
dans une situation conflictuelle aux retentissements multiples — d’une part,
le retour constant de la position homosexuelle à l’égard du père, et, d’autre

10 Ibid., p. 121
11 Sigmund Freud, « Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique
entre les sexes » (1925) in Op. cit., p. 126
12 Ibid., p. 130
13 Cf. Freud S., « La négation » (1925) in Résultats, idées, problèmes II, 6e édition, Paris :

Puf, 2012, p. 137

3
part, sa suspension, c’est-à-dire son refoulement, en raison de la menace de
castration que cette position comporte.14

Plusieurs choses sont à remarquer. Il s’agit d’une position passivée ou
homosexuelle inconsciente : non seulement le sujet n’assume pas une
homosexualité, mais on pourrait dire le sujet de l’inconscient est dans une
position passive. Certes, il peut l’accepter partiellement, mais il se voit obligé de
la suspendre devant la menace de la castration. À cela, il faut ajouter ce que
Lacan énonce deux semaines après. Pour le sujet effectivement homosexuel, dit-
il, l’incidence du père est présente « [...] non pas du tout dans le sens de l’Œdipe
inversé, mais de l’Œdipe normal [...] »15.
Alors, afin de bien pointer la béance dans la fonction normative de
l’Œdipe, reprenons les différentes fonctions du père en articulation à la logique
du manque d’objet.

Tableau 116

Manque
Agent Objet
(acte)
Père réel Castration imaginaire
R . i
Père symbolique Mère symbolique Frustration réel
S S’ . r
Père imaginaire Privation symbolique
I . s

Tableau 217

Surmoi R.i
Réalité S ← S’.r
Idéal du moi I.s

En premier lieu, le père énonce une menace de castration au moment où
l’enfant commence ses activités masturbatoires. « Nous dirons donc qu’il s’agit
de l’interdit du père à l’endroit de la pulsion réelle » 18 . Bien que l’acte en
question corresponde à la castration symbolique, Lacan l’énonce comme une
menace imaginaire. « Il s’agit, dit-il, de l’intervention réelle du père concernant

14 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. 1957-1958, p. 171
15 Ibid., p. 209
16 Ce tableau, construit dans le séminaire sur La relation d’objet et retrouvé dans la leçon

que nous examinons, a été remanié par nous selon quelques indications de Lacan. Cf.
Ibid., p. 172
17 Cet autre tableau, retrouvé dans la même leçon, résume en trois pôles les

problématiques principales des différents débats de l’époque sur l’Œdipe : 1) la question


de la structure morale liée au surmoi, dont l’on trouvait des manifestations très
précoces ; 2) le champ dit préœdipien regroupant les pathologies qui mettaient en cause
le rapport du sujet à la réalité ; et 3) le problème de l’assomption du sexe, que Lacan
articule à la fonction de l’Idéal du moi. Ibid., p. 166
18 Ibid., p. 172

4
une menace imaginaire, R.i, car il arrive assez rarement qu’on le lui coupe
réellement. »19
Si, comme Freud l’a toujours souligné, la menace de castration parvient à
faire effet dans l’après-coup, c’est qu’elle ne suffit à elle seule pour poser la
castration symbolique. Une fois qu’elle sera devenue symbolique, son objet — le
phallus imaginaire — aura rentré en jeu. Cela dit, l’intervention du père est là
bien réelle, si bien qu’elle atteint la pulsion. C’est pourquoi, en s’avançant sur ses
élaborations concernant la jouissance, Lacan associe au surmoi l’agent de la
castration en tant que père réel. Par ailleurs, remarquons que dans le séminaire
sur Les psychoses, Lacan pouvait déjà définir le surmoi comme fonction du tu
— le tu qui dit « tu » —, celle justement qui se sonorise chez Schreber20.
En second lieu, le père symbolique, le père en tant qu’ayant droit, « [...]
intervient dans une frustration, acte imaginaire concernant un objet bien réel,
qui est la mère en tant que l’enfant en a besoin, S’.r. »21. La formule S’.r de la
frustration inscrit donc le père symbolique en S’ et la mère réel en r. Or, nous
pouvons en faire une autre lecture à partir d’un point de la dialectique de la
frustration, élaborée pendant le séminaire sur La relation d’objet.
Dans la leçon appelée par Jacques-Alain Miller Du complexe de castration,
leçon où se retrouve une version du tableau 1, Lacan affirme que, de par ses
allées et venues, la mère aimée par l’enfant est d’abord une mère symbolique.
Elle peut néanmoins devenir réelle pour l’enfant, au moment de ses frustrations.
« La mère objet d’amour peut être à chaque instant la mère réelle pour autant
qu’elle frustre cet amour. » 22 Donc, la formule S’.r se traduirait plutôt par :
Mère symbolique . mère réelle.
Ce n’est pas tout, lorsque, dans la même leçon, Lacan parle du
déclenchement de la phobie du petit Hans, il situe un point crucial sur ces
moments de frustration. Après l’entrée en jeu de la pulsion qui éveille l’organe
réel, Hans est « [...] confronté à la béance immense qu’il y a entre satisfaire à une
image et avoir quelque chose de réel à présenter — à présenter cash [...] »23.
Hans a beau séduire la mère avec son petit pénis — « Pour quoi t’y met pas le
doigt ? » —, elle ne le considère que comme quelque chose de misérable —
« C’est une cochonnerie [Schweinerei] »24. Donc, nouvelle lecture de la formule
S’.r : Mère symbolique . pénis réel.

L’enfant est alors placé, poursuit Lacan, devant cette ouverture d’être captif,
la victime, l’élément passivé d’un jeu où il devient la proie des significations
de l’Autre. [...] c’est très précisément en ce point que s’embranche l’origine
de la paranoïa. À partir du moment où le jeu devient sérieux, et où en même
temps ce n’est qu’un jeu de leurre, l’enfant est entièrement suspendu à ce
que le partenaire lui indique. Toutes les manifestations du partenaire


19 Ibid.
20 Cf. Jacques Lacan, Le séminaire. Livre III. Les psychoses. 1955-1956, Paris : Seuil, 1981,

p. 311-313
21 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. 1957-1958, p. 173
22 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre IV. La relation d’objet. 1956-1957, Paris : Seuil, 1994,

p. 223
23 Ibid., p. 227
24 Sigmund Freud, « Analyse de la phobie d’un garçon de cinq ans » (1908), in Cinq

psychanalyses, 2e édition, Paris : Puf, 2014, p. 168

5
deviennent pour lui des sanctions de sa suffisance ou de son insuffisance.
Dans la mesure où la situation se poursuit, c’est-à-dire où n’intervient pas, en
raison de la Verwerfung qui le laisse en dehors, le terme du père symbolique,
[...] l’enfant se trouve dans la situation très particulière d’être livré
entièrement à l’œil et au regard de l’Autre.25

C’est sur ce point logique précis que Lacan introduit un an après, non pas
la métaphore paternelle, mais une certaine attraction symbolique du père. « Il
s’agit alors du père en tant qu’il se fait préférer à la mère, dimension que vous
êtes absolument forcés de faire intervenir dans la fonction terminale, celle qui
aboutit à la formation de l’Idéal du moi, S ← S’.r »26. À lire attentivement, l’on
remarque que la formule en question ne représente pas l’Idéal du moi, mais ce
que Lacan appelle la fonction terminale qui aboutit à la formation de l’Idéal du
moi, soit ce qui correspond, sur le tableau 1, au rapport du sujet à la réalité. Donc,
nous pouvons maintenant comprendre la formule S ← S’.r ainsi :
Père symbolique ← Mère symbolique . pénis réel
Alors, cette attraction symbolique du père est justement ce par quoi
l’Œdipe a un effet de virilité ou féminisation — ce sont les termes de Lacan27.

Cela va tout seul pour ce qu’il en est de la fille, et c’est pour cette raison que
l’on dit que la fonction du complexe de castration est dissymétrique pour le
garçon et pour la fille. C’est à l’entrée qu’est pour elle la difficulté, alors qu’à
la fin, la solution est facilitée parce que le père n’a pas de peine à se faire
préférer à la mère comme porteur du phallus.28

Il s’agit là d’un mouvement qui va de la frustration du pénis réel à la
privation réel du phallus symbolique, en homologie avec le glissement sur
l’équation symbolique pénis = enfant. Le résultat, c’est que le père devient l’Idéal
du moi et la fille se reconnaît comme privée, soit manquante de ce qu’elle n’a pas,
le phallus symbolique29. Le père en tant qu’agent imaginaire de la privation est
alors noté I30, à quoi s’adjoint l’objet de la privation, le phallus symbolique, donc :
I.s.

Pour le garçon, en revanche, c’est une autre affaire, et c’est là que reste
ouverte la béance. Comment le père se fait-il préférer à la mère en tant que
c’est par là que se produit l’issue du complexe de l’Œdipe ? Nous nous
trouvons là devant la même difficulté que nous avions rencontrée à propos
de l’instauration du complexe d’Œdipe inversé. Il nous semble de ce fait
que, pour le garçon, le complexe d’Œdipe soit toujours ce qu’il y a de moins
normativant, alors qu’il est tout de même impliqué par ce qu’on nous dit
qu’il l’est le plus, puisque c’est par l’identification au père que la virilité est
assumée.31

25 Jacques Lacan, Op. cit., p. 227
26 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. 1957-1958, p. 173
27 Voir supra p. 1
28 Jacques Lacan, Op. cit., p.173
29 Ibid., p. 174
30 D’ailleurs, ce statut du grand I en tant qu’agent imaginaire nous permet de lire
autrement ses occurrences dans les différents schémas de Lacan (schéma optique,
schéma R, graphe du désir).
31 Ibid., p. 173

6

Nous nous trouvons enfin devant la béance. Selon tout ce que Freud avait
formulé, à une exception près, l’Œdipe mènerait toujours le petit garçon à la
psychose. Cet exception a été déjà évoqué ici : ce n’est rien d’autre que la
castration de la mère, encore que, d’après Freud, elle est reconnue par le garçon
en devinant que seules les femmes peuvent enfanter32. La métaphore paternelle
est donc une « solution »33 à ce qui chez Freud restait encore dans l’ombre. Nous
ne reprendrons pas tout le développement de la métaphore paternelle, nous
ferons seulement quelques remarques qui s’inscrivent dans le fil de notre travail.
D’abord, quelque chose qui est en rapport à la notion déjà présente chez
Freud de la castration de la mère :

Mathème 134

S S′ 1
. S
S′ 𝑥 ! 𝑠′

« L’élément signifiant intermédiaire tombe, et le S entre en possession par voie
métaphorique de l’objet du désir de la mère, qui se présente alors sous la forme
du phallus. »35 En d’autres termes, le Nom-du-père — le Père symbolique S —
rentre en possession de l’objet x du Désir de la Mère — la Mère symbolique S’ —
qui tombe. La métaphore a ainsi un double effet. Premièrement, elle instaure la
rétroactivité qui indice sur l’objet énigmatique du désir de la mère : il aura été le
phallus imaginaire. Cet effet rétroactif n’est pas négligeable. Il est absolument
nécessaire pour le premier des temps logiques de l’Œdipe — que Lacan
développe les deux leçons suivantes —, à savoir celui où l’enfant s’identifie en
miroir à l’objet du désir de la mère : « [...] to be or not to be le phallus »36. De plus,
la rétroaction explique pourquoi les menaces de castration ne deviennent
efficaces que dans l’après-coup. Nous entendons : ce qui jusque là était une
menace imaginaire sur l’enfant, devient rétroactivement un manque symbolique
de la mère.
Cela nous introduite au deuxième effet de la métaphore paternelle, à
savoir qu’elle opère un transfert du manque sur l’Autre. En effet, jusqu’ici la
logique du manque était appliquée au sujet ; c’était lui le castré, le frustré et le
privé. Une fois que le Nom-du-Père se substitue au signifiant de l’Autre
primordial, ce dernier tombe. Le Nom-du-Père donne ainsi consistance à l’Autre,
mais ce n’est qu’au prix de lui soustraire un signifiant, d’instaurer dans son sein
un manque, ce qui sera postérieurement noté dans le même séminaire S(Ⱥ).
D’où, dans le temps dit nodal de l’Œdipe, il s’agit pour le sujet, non pas
d’admettre sa propre privation, mais de rendre signifiante « la privation dont la
mère s’avère être l’objet »37.


32 Voir supra p. 2. Cf. Sigmund Freud, « L’organisation génitale infantile » (1923), in Op.

cit., p. 116
33 Jacques Lacan, Op. cit., p. 174
34 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. 1957-1958, p. 176
35 Ibid.
36 Ibid., p. 186
37 Ibid., p. 185

7
Par ailleurs, ce double effet de la métaphore n’explique-t-il pas ce que
nous avons déduit de l’incidence de l’équation symbolique pénis = enfant dans
l’Œdipe masculin ? Le garçon, avons-nous affirmé, fait parcourir rétroactivement
le désir de sa mère sur l’équation, pour l’arrêter sur le pénis, et reconnaître sa
castration. Mais il peut tout aussi la désavouer [Verleugnen]. Dans ce cas, l’enfant
en tant que désiré — le grand E, comme Lacan l’inscrit dans le schéma R au fur et
à mesure qu’il le construit38 — pourra devenir une indentification capital pour
certains sujets, celle de l’Idéal du moi39. À ce propos, Lacan parle de Gide, mais
nous ne nous presserons pas à dire que c’est ainsi pour toute perversion.
Par contre, l’identification « normale » à laquelle aboutit l’Œdipe est fait
par une autre voie. D’abord, la castration de la mère implique pour le sujet
l’ordre de l’être : il est ou n’est pas le phallus imaginaire de la mère. Ensuite,
temps nodal, le père imaginaire prive la mère et symbolise ce qui était pour le
sujet le phallus imaginaire. Autrement dit, le père introduit l’ordre de l’avoir
comme symbolique, supporté par le phallus symbolique de la privation de
l’Autre. Finalement, le père réel intervient en tant qu’il est apte à répondre à la
demande de la mère, soit au désir de l’Autre, liant ainsi la demande au surmoi
(R.i). Dans ce troisième temps, le père devient l’Idéal du moi et le sujet obtient les
titres de virilité, c’est-à-dire « [...] quelque chose qui est de l’ordre du signifiant,
qui est là en réserve, et dont la signification se développera plus tard »40.
Selon la formule de l’idéal du moi que nous avons utilisée dans ce travail,
I.s, l’objet en jeu dans l’identification terminale de l’Œdipe masculin serait le
phallus symbolique. Or, il nous semble que ce ne soit pas le cas, puisque le
transfert de manque, accompli par la métaphore du père, doit bien avoir là un
effet. C’est pourquoi nous croyons que, pour ce qui concerne l’Œdipe masculin,
les formules trouvées dans le graphe du désir sont beaucoup plus justes, à savoir
I(A) pour l’Idéal du moi, s(A) pour le titres ou insignes41, c’est-à-dire ce que
Jacques-Alain Miller épingle comme symptôme versant sens42.

Pour terminer, nous voudrions faire un résumé de notre recherche et
proposer une nouvelle voie d’investigation. La castration freudienne ne se
soutient que de l’idée que la femme est castrée. Or, dans la mesure où, pour ce
qui concerne l’Œdipe positif, cela implique le manque de l’Autre, le surgissement
de cette idée nécessite de l’intervention d’un autre élément signifiant posé
comme agent, le Nom-du-Père. Celui-ci fera consister l’Autre et, en même temps,
exister son désir. Le grand Φ du phallus symbolique s’instaurera alors dans
l’horizon comme ce qui pourra répondre à ce désir. Cependant, puisqu’il apparaît
comme produit d’un autre signifiant, le sujet se verra voué à sa rechercher
auprès d’un autre, puis d’un autre et ainsi de suite. Cette quête même est
l’insigne que le petit garçon hérite de son père. Mais il ne faut pas oublier que

38 Cf. Ibid., p. 183, 223, 226
39 Cf. Ibid., p. 257
40 Ibid., p. 195
41 Remarquons que Lacan emploi, déjà dans ce séminaire, le terme d’ « insigne » pour

nommer s(A). Cf. Ibid., p. 312


42 Jacques-Alain Miller, « Le sinthome, un mixte de symptôme et de fantasme » In : La

Cause freudienne. Revue de psychanalyse, # 39, Maladies du nom propre, mai 1998
[Ouvrage sur CD-ROM], Paris : Éditions de l’École de la cause freudienne, 2007, p. 10-13.

8
cela suppose pour lui le renoncement d’une satisfaction œdipienne. Le
symptôme, qui n’est que la recherche du sens mêlée à la jouissance que procure
l’inévitable renoncement d’une satisfaction, se place donc à la même position que
le grand Φ, autrement dit, à la même place de ce qui fait en même temps barrage
et suppléance au non-rapport-sexuel.
D’un autre côté, nous pouvons distinguer deux autres « Œdipes ». En
premier lieu, l’inversé, celui que Lacan désignera différemment tout le long de
son enseignement. D’abord, comme nous avons vu, il l’appelle « position passivée
sur le plan de l’inconscient » ou « homosexualité inconsciente »43. Puis, à propos
de l’Homme aux loups, il dira que « Tout indique en effet que celui-ci reste fixé
dans son inconscient à une position féminine imaginaire qui ôte tout sens à sa
mutilation hallucinatoire » 44 . Ensuite, il affirmera sur Schreber que « [...] la
divination de l'inconscient a-t-elle très tôt averti le sujet que, faute de pouvoir
être le phallus qui manque à la mère, il lui reste la solution d'être la femme qui
manque aux hommes. » 45 . Finalement il l’appellera pousse-à-la-femme et
l'inscrira dans le tableau de la sexuation sous la formule ∃𝑥 Φ𝑥, à savoir celle qui
écrit justement La femme qui n’existe pas46.
En second lieu, l’Œdipe féminin, celui où l’attraction symbolique du père,
notée S ← S’.r, agit, en quelque sorte, sans la métaphore paternelle. D’où cette
différentiation que Lacan pourra faire en 1971 :

Sous l’angle de ce qui se passait dans la détermination psychotique de
Schreber, c’est en tant que signifiant capable de donner un sens au désir de la
mère, qu’à juste titre je pouvais situer le Nom-du-Père. Mais quand c’est,
disons l’hystérique qui l’appelle, ce dont il s’agit, c’est que quelqu’un parle.47

Si pour Freud, la castration se soutient de l’idée que la femme est castrée,
pour Lacan elle n’est que l’envers de l’inexistence de La femme. Du coup, le grand
Φ existe, et non pas grâce à la métaphore paternelle. C’est là l’attraction
symbolique du père, dont l’inscription se retrouve dans la partie inférieure du
tableau de la sexuation : Φ ← La.










43 Voir supra p. 3. Cf. Jacques Lacan, Le séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient.

1957-1958, p. 171
44 Jacques Lacan, « Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la “Verneinung” de

Freud » (1956) in Écrits, Paris : Seuil, 1966, p. 392


45 Jacques Lacan, « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la

psychose » (1957-1958) in Op. cit., p. 566


46 Cf. Jacques Lacan, « L’étourdit » (1973) in Autres écrits, Paris : Seuil, 2001, p. 465-466
47 Jacques Lacan, Le séminaire. Livre XVIII. D’un discours qui ne serait pas du semblant.

1971, Paris : Seuil, 2007, p. 172

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Partie inférieure du tableau de la sexuation48




Éclatement de la formule de la Réalité

S ← S’.r

S’
r
S La


La formule Φ ← La écrit la jouissance phallique en tant qu’une femme sait
où la trouver, elle n’a qu’à l’appeler. Mais il y a aussi pour elle une Autre
jouissance, non repérée par Freud car il faisait de la castration une limite aux
deux possibilités de satisfaction. Il s’agit de S’ en tant que séparé du petit r, c’est-
à-dire le signifiant de l’inexistence de l’Autre S(Ⱥ) scindé de l’objet petit a49.

Donc, la nouvelle recherche qui apparaît dans notre horizon est celle de
distinguer la jouissance Autre, selon qu’il s’agisse de la jouissance pastoute
phallique ou de la jouissance pas du tout phallique.

Pour conclure brièvement, redemandons nous : guérit-on de l’Œdipe ?
Nous croyons avoir démontré que la réponse est paradoxale. L’Œdipe nous
normalise face à la folie, mais, du même coup, il nous fait penser que nous
sommes normaux. En effet, il cache dans son noyau la jouissance anormée de
chacun.











48 Cf. Jacques Lacan, Le séminaire. Livre XX. Le sinthome. 1972-1973, Paris : Seuil, 1975, p.

73
49 N’oublions pas que, dans la leçon où Lacan dessine le tableau de la sexuation, il dira

que le principe du plaisir implique la coalescence du petit a avec S(Ⱥ). Cf. Ibid, p. 78

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Bibliographie

- Freud S., Trois essais sur la théorie sexuelle (1905), Paris : Puf, 2010
- Freud S., « Analyse de la phobie d’un garçon de cinq ans » (1908), in Cinq
psychanalyses, 2e édition, Paris : Puf, 2014
- Freud S., Psychologie de masses et analyse du moi (1921), Paris : Éditions
Points, 2014
- Freud S., « L’organisation génitale infantile » (1923), in La vie sexuelle, 13e
édition, Paris : Puf, 2002
- Freud S., « La disparition du complexe d’Œdipe » (1923) in La vie sexuelle,
13e édition, Paris : Puf, 2002
- Freud S., « Quelques conséquences psychiques de la différence anatomique
entre les sexes » (1925) in La vie sexuelle, 13e édition, Paris : Puf, 2002
- Freud S., « La négation » (1925) in Résultats, idées, problèmes II, 6e édition,
Paris : Puf, 2012
- Lacan J., « Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la “Verneinung” de
Freud » (1956) in Écrits, Paris : Seuil, 1966
- Lacan J., Le séminaire. Livre III. Les psychoses. 1955-1956, Paris : Seuil, 1981
- Lacan J., Le séminaire. Livre IV. La relation d’objet. 1956-1957, Paris : Seuil,
1994
- Lacan J., « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la
psychose » (1957-1958) in Écrits, Paris : Seuil, 1966.
- Lacan J., Le séminaire. Livre V. Les formations de l’inconscient. 1957-1958,
Paris : Seuil, 1998
- Lacan J., Le séminaire. Livre XVIII. D’un discours qui ne serait pas du semblant.
1971, Paris : Seuil, 2007
- Lacan J., Le séminaire. Livre XX. Le sinthome. 1972-1973, Paris : Seuil, 1975
- Livre de juges
- Lacan J., « L’étourdit » (1973) in Autres écrits, Paris : Seuil, 2001
- Lacan J., Le séminaire. Livre XXIII. Le sinthome. 1975-1976, Paris : Seuil, 1999
- Livre de juges
Disponible sur : http://www.sefarim.fr/Proph%E8tes_Juges_12_6.aspx
- Miller J.-A., « Le sinthome, un mixte de symptôme et de fantasme » In : La
Cause freudienne. Revue de psychanalyse, # 39, Maladies du nom propre, mai
1998 [Ouvrage sur CD-ROM], Paris : Éditions de l’École de la cause
freudienne, 2007









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