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Vanessa Monfrinotti

Francés 2015

Savoirs écologiques
1 Au-delà de l’impératif de protection et de conservation de la nature auquel le terme «
2 écologie » renvoie de manière privilégiée, on parle aujourd’hui plus largement d’écologie
3 pour qualifier des manières d’habiter, de se nourrir, de se déplacer, etc. La notion sert ainsi à
4 labelliser un ensemble de pratiques, qui traduisent un rapport de respect et d’attention à
5 l’environnement. Parallèlement à ces usages ordinaires, les démarches intellectuelles qui se
6 réclament de l’écologie se développent et se diversifient : si l’écologie désigne initialement
7 une branche de la science biologique étudiant les relations entre les organismes vivants et
8 leur milieu, on parle aussi d’une écologie urbaine, industrielle, sociale ou humaine ; on peut
9 faire de l’écologie de l’action, de la perception ou de la sensation ; voire on peut donner une
10 nouvelle dimension à des disciplines existantes à travers l’adjonction du préfixe « éco »,
11 comme c’est le cas de l’écohistoire, de l’écolinguistique ou de l’écoanthropologie.
12 La variété des usages de la notion d’écologie invite donc à s’interroger sur ce que
13 signifie véritablement l’adoption d’une démarche écologique en sciences humaines
14 aujourd’hui. Que partagent, au-delà de la seule terminologie écologique, des travaux
15 portant sur les controverses environnementales, l’analyse des interactions urbaines ou des
liens entre perception et action ? Comment est-on passé de l’écologie comme objet d’enquête
pour les sciences humaines, à l’écologie comme modele d’enquête possible? À l’évidence, il
n’existe pas de modèle écologique bien identifié dans le panorama des sciences humaines, et
ce « label » recouvre ainsi des approches disciplinairement, thématiquement et
20 méthodologiquement, très variées. Toutefois, il nous semble que ces différentes approches
partagent, depuis leurs ancrages propres, le projet de retrouver une articulation entre l’action
et ce qui l’environne, de renouer quelque chose comme une unité ou une solidarité entre le
monde des pratiques et le milieu dans lequel elles se déploient. De ce point de vue, le
référentiel écologique apparaît comme une manière de mobiliser le plus largement possible les
25 éléments requis pour interroger des ordres de relations de natures et d’échelles multiples.
C’est ainsi un domaine d’enquête trop rarement saisi dans son unité que l’on aimerait
éprouver, même si, précisément, cette dernière est à interroger. Autrement dit, si l’enquête
écologique se présente en ordre dispersé dans le panorama des sciences humaines¹, nous
voudrions, dans le présent numéro, rassembler les pièces éparses de cette démarche, en tant
30 qu’elle nous semble constituer un mode de connaissance singulier, une manière
d’organiser des savoirs empiriques au sein d’une perspective dont les contours sont à
dessiner.
Pour un mode de connaissance écologique
Vanessa Monfrinotti
Francés 2015
35 Que fait l’écologie à l’ordre des savoirs ? Si nous avons jusque-là décrit comment
ces savoirs s’élaborent et circulent, on peut désormais revenir sur la place qu’ils occupent au
sein des sciences humaines. En premier lieu, l’adoption d’une approche écologique enrichit les
pratiques d’une discipline donnée, voire offre l’occasion d’un bilan critique. Diana K. Davis par
exemple, dans sa présentation du courant de l’écologie historique, explique les
40 repositionnements induits par la prise en compte de l’environnement comme objet
d’enquête historique. Comme elle le souligne, dès lors que l’on admet que l’environnement est
le résultat d’un ensemble de pratiques historicisées, institutionnalisées, qu’il est l’objet de récits
et de représentations conçus à des fi ns argumentatives spécifiques, il convient de se doter
d’outils d’analyse capables de tenir ensemble ces différentes dimensions. De ce point de vue,
45 la perspective écologique s’accompagne d’une dimension critique, qui tend à déplacer les
frontières disciplinaires – entre sciences du vivant et sciences de l’homme, mais également au
sein des sciences humaines –, au profit d’une approche plus complexe, à même de rendre
compte de la nature composite des objets étudiés. Ce paysage tend également à se diversifier,
par l’« écologisation » de certains objets : l’écosocialisme, dont Pierre Charbonnier expose,
50 dans sa note sur l’ouvrage de John Bellamy Foster, Marx écologiste, la complexité, ou
l’écoféminisme, dont Catherine Larrère propose dans son article une généalogie critique.
L’adjonction du préfixe éco- fonctionne alors comme un opérateur de relecture: c’est l’exercice
auquel se livrent ces auteurs, qui questionnent tous deux l’efficacité de ce recadrage, ses
enjeux et ses points d’ancrage. Enfin, les dynamiques contemporaines de recherche tendent à
55 enrichir les objets « traditionnels » des enquêtes écologiques, en les passant au prisme de
leurs épistémologies propres. C’est par exemple le cas des « nouvelles » écologies de la
perception, proposées ici par Anthony Pecqueux, Natalia La Valle et Joffrey Becker, qui
entrent largement en résonance avec l’appel de Tim Ingold à concevoir une « écologie de la
sensibilité » – qui reste à développer. Nous proposons donc, dans ce numéro de Tracés, un
60 panorama de ces « écologiques », susceptible de faire apparaître les parentés
épistémologiques qui se dégagent entre les différentes démarches, sans pour autant en
conclure l’existence d’un modèle écologique unique. La plupart des contributions de ce numéro
soulignent en effet la dimension programmatique, la part d’expérimentation inhérente à leurs
enquêtes, et ouvrent des champs qu’il n’est pas souhaitable de figer sous une forme
65 systématique. Parce que l’écologie enrichit les perspectives traditionnelles des sciences
humaines, parce qu’elle articule des sphères de connaissances généralement dissociées, et
met ainsi en relation des mondes qui l’étaient eux aussi, c’est sa dimension accueillante que
68 nous souhaitons avant tout rendre sensible ici.

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