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Said OULHEM
Doctorant en sciences économiques et de gestion à la FSJES de Mohammedia
Université Hassan II, Casablanca
Email : saidoulh@gmail.com
Hakima FASLY
Enseignant chercheur
Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales, Mohammedia
Université Hassan II, Casablanca
Résumé
Le vote des lois de finances constitue le champ propice pour le développement de
différents conflits et de différentes alliances politiques entre les différents intervenants
en matière de finances publiques (Parlement, Gouvernement, groupes d’intérêt et
Citoyen). Selon l’approche sociologique des finances publiques, chaque intervenant
dispose d’un pouvoir qui lui est spécifique qu’il alimente grâce à la nature, à la qualité
et la quantité de l’information dont il dispose. L’objet de cet article est de démontrer
que le renforcement de la transparence peut constituer un élément essentiel de
rééquilibrage des pouvoirs.
Mots clés : Transparence des finances publiques, Equilibre des pouvoirs, influence,
Contrôle, Participation.
Abstract
The voting of finance laws is the right place for the development of different conflicts
and political alliances between the different players in public finance (Parliament,
Government, interest groups and Citizens). According to the sociological approach to
public finance, each stakeholder has a specific power that is fed by the nature, quality
and quantity of the information at his / her disposal. The purpose of this article is to
demonstrate that enhancing transparency can be an essential element in rebalancing
power.
Keywords: Transparency of public finances, Balance of powers, influence, Control,
Participation.
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Introduction
Les finances publiques ont toujours joués un rôle majeur dans les transformations en
profondeur et dans l’évolution des sociétés1. Elles demeurent, de nos jours, une source
de mutations et des changements que connait l’Etat moderne partout dans le monde,
puisqu’elles représentent l’outil stratégique de l’application des politiques publiques.
Elles sont souvent soumises à des enjeux et des intérêts importants sur le plan politique
économique et social. Elles constituent un champ propice au développement de
pouvoirs variés et multiples2, qui sont en perpétuel interaction.
Les choix fiscaux, l’allocation des ressources et la distribution des revenus constituent
des choix politiques-eux même - résultant de conflits et de lutte de pouvoirs et
d’arbitrages entre groupes sociaux, acteurs politiques, économiques et décideurs. La
lutte des pouvoirs3 est permanente entre ces différents intervenants qui entretiennent des
relations souvent déséquilibrées (Ministère des finances, Parlement, groupes d’intérêt,
syndicats, société civile etc.).
Les rapports entre ces acteurs institutionnels et non institutionnels Marocains
déterminent Les règles de jeux qui structurent leurs relations et leurs degrés d’influence
sur la décision en matière des finances publiques. L’étude de ces rapports nous amène à
présenter en premier lieu les manifestations de la notion de pouvoir en matière des
finances publiques et ses influences sur la décision financière, avant d’entamer en
deuxième lieu l’analyse de l’apport de la transparence à l’équilibre des pouvoirs des
différents acteurs.
modes d’influence ? Et selon quelle rationalité les acteurs construisent leur pouvoir ? Et
quel est l’importance de la transparence dans ce schéma institutionnel ?
Avant d’entamer cette analyse, il y a lieu de présenter quelques aspects théoriques de la
sociologie des finances publiques susceptible de nous guider dans cette démarche.
6 Michel Crozier, Erhard Friedberg, L’acteur et le système. Les contraintes de l’action collective, Paris,
Seuil, 1977
7
Michel Bouvier « les conditions de la légitimé du pouvoir fiscal aujourd’hui » Revue Al Maliya n° 25,
Novembre 2000.
8
Philippe Bezes et Alexander Siné, « Gouverner (par) les finances publiques », éd Sciences Po les presses
2011, p 21.
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Analyses développés par Michel crosier et Erhard Friedberg dans un ouvrage commun : « L’acteur et le
système : les contraintes de l’action collective » éd du seuil, 1981.
10
Jean Jacques Laffont, « Etapes vers un Etat moderne : Une analyse économique », Actes du colloque
du 16 décembre 1999 « Etat et gestion publique », in la Documentation Française Paris 2000, p 117.
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souvent respecté, et surtout, lorsqu’il s’agit des structures étroitement liées à la gestion
des deniers publics.
Ainsi, comme toute organisation, le secteur public repose sur un réseau de relations de
type Chef-agent ou les asymétries d’information jouent un rôle essentiel. En prenant en
compte les intérêts particuliers de ces agents, Jean-Jacques Laffont, remet en cause le
paradigme de l’Etat bienveillant et du « fonctionnaire bénévole »11. Il a démontré que
les agents de l’Etat s’appuient sur des comportements stratégiques sous-optimaux qui
affaiblissent la performance collective : Les agents publics n’ont pas le même intérêt
pour le bien-être social ni la même désutilité de l’effort. Les plus altruistes n’ont pas
besoin d’être incités à agir dans le sens de l’intérêt général ; les moins altruistes ne le
feront que s’ils sont invités à le faire par des règles incitatives (rémunération,
avancement). Il conclut que la plupart des acteurs administratifs poursuivent, au moins
en partie, leurs intérêts privés.
Les structures apparentes des administrations financières et des institutions politiques ne
sont pourtant pas les seules qui décident de l’orientation et de la mise en œuvre des
finances publiques. Les structures dites informelles représentés par des pouvoirs
informelles peuvent être plus déterminantes et plus imposantes. Dans cette situation la
décision et de la mise en œuvre des politiques publiques devient de plus en plus
compliqué et confus.
La maitrise des finances publiques représente une source de pouvoir pour les
institutions politiques. Cette source résulte le plus souvent d’une certaine expertise et
d’un monopole de l’information financière : maitrise de la législation, des règlements,
des techniques financières etc. Le pouvoir des différents intervenants reste de ce fait lié
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Bernard Jurion et Pierre Pestieau, « Finances publiques Finances privées » édit de l’Université de liège,
Février 2000, p 170.
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Note de présentation de la LF 2016, p 15
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Note de présentation de la LF 2016, p 27
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Ministère de l’économie et des Finances : Economique et social accompagnant le projet de la LDF
2016, p 124.
15
Rapport sur la compensation accompagnant le projet de la LDF 2013 p 1.
16
Ministère de l’économie et des Finances : Economique et social accompagnant le projet de la LDF
2016, p 130
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Revue Almaliya n° 52 juillet 2013, « Assises Nationales sur la Fiscalité : Pour une réforme du système
fiscal marocain », p 11
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Robert Hertzog, op citée p 272.
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Robert Hertzog, « la mutation des finances publiques : manifeste pour une discipline rajeunie ! »,
Revue Française des Finances publiques, n°79 septembre 2002, p 273.
20
Article 8 des LOF de 1963 et 1972 ; Article 32 de la LOLF 1998 et 2000.
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Le Ministère des finances a une influence sur les autres ministères dépensiers grâce à sa
stratégie de pouvoir consistant à techniciser les discussions avec chaque ministère et à
éviter la politisation des choix budgétaires. Le Ministère des finances a souvent
tendance à exiger des autres départements des choix budgétaires tenant compte des
équilibres et de l’économie des ressources.
21
Jean Meynaud, « Les groupes de pression » édit que sais-je, PUF 1960, p 9.
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Le pouvoir du ministère des finances et des groupes d’influence tirent leurs forces du
déclin des autres contrepouvoirs, à savoir le pouvoir de contrôle du parlement et des
citoyens et de la société civile, dans une période où les finances publiques deviennent
plus mouvantes et plus complexes.
22
Patrick Mordacq, « La mise en œuvre des programmes de réforme des finances publiques : Essai
d’étude comparative troisième partie » Revue Gestion et finances publiques n°8-9 Aout septembre 2010,
p 649.
23
Site officiel du parlement Marocain, www.parlement.ma
24
Karim Ghellab, Président de la chambre des représentants, source la Map, le 27/11/2012.
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Larbi Jaidi « Le parlement a-t-il un pouvoir budgétaire ? » Article publié par la Vie Economique du
04/11/2005.
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Mais l’insuffisance majeur qui affaibli le pouvoir du parlement est le niveau de clarté et
de fiabilité de l’information budgétaire mises à sa disposition. Il est, théoriquement, en
mesure de contrôler la dépense publique, mais ses prérogatives en la matière sont peu
utilisées faute d’information fiable et ciblée. « Le Parlement doit s'efforcer de faire
progresser la réflexion collective sur l'action de l'Etat - et, plus généralement, de la
sphère publique - et sur son coût, en développant sa propre capacité d'expertise pour
nourrir le débat public »26.
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Larbi Jaidi « Le parlement a-t-il un pouvoir budgétaire ? » Article publié par la Vie Economique du
04/11/2005.
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27 Dahir n°1-15-62 du 14 chaabane 1436 (2 juin 2015) portant promulgation de la loi organique n° 130-
13 relative à la loi de finances
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Le réaménagement des délais d’examen et de vote par le parlement des lois de finances
de l’année, des lois de finances rectificatives et des lois de règlement représente une
condition cruciale pour assurer une cohérence entre ces trois types de lois, renforcement
le rôle du parlement, de la transparence et assurer un enrichissement du débat public.
Le calendrier budgétaire prévu par la loi organique des finances de 1998 a entrainé un
déséquilibre du pouvoir en matière des finances en faveur du gouvernement. Le débat
public sur les lois de finances ne commence généralement que 70 jours avant la fin de
chaque année budgétaire, c’est à dire à partir du dépôt par le gouvernement du projet de
la loi de finance sur le bureau de l’une des deux chambres du parlement28. Le délai
consacré au débat politique et public se trouve très réduit par rapport au délai dont
dispose le gouvernement en matière de préparation.
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Article 33 de la LOF de 1998
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Revue de l’OCDE op cité p 103.
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Ainsi, ce délai devrait être rallongé à trois mois pour permettre plus de temps de débat à
un document aussi important que la loi de finances. Le gouvernement devrait présenter
ses principales orientations au parlement avant le 15 Mai de chaque année budgétaire et
le texte final devrait être déposé sur le bureau de l’une des deux chambres avant le 30
septembre. Ce calendrier nous parait réaliste du fait qu’au mois de Mai les données
économiques et financières du pays sont largement disponibles et prévisibles. De même
le délai de trois mois qui serait accordé au parlement permettrait de donner plus de sens
et de portée à l’autorisation parlementaire.
Conformément à l’article 76 de la nouvelle constitution de 2011, La LOLF de 2015 a
introduit un légers changement sur le délai de présentation de la loi de règlement en
retenant un délai correspondant à la fin du premier trimestre de la deuxième année
budgétaire qui suit l’année de l’exécution de la loi de finances 30 au lieu de la fin de la
deuxième année prévue par l’ancien texte. Un réaménagement du délai de vote de la loi
de règlement est également souhaitable pour renforcer sa portée et son utilité. Le délai
de dépôt de la loi de règlement ne doit pas à notre avis dépasser le délai d’un an après la
date d’exécution de la loi de finance à laquelle elle se rapporte. L’examen et le vote de
cette loi doivent être achevés pendant les 3 mois qui suivent le dépôt et dans les mêmes
formes que la loi de finance de l’année. Dans un souci de transparence, la loi de
règlement doit, impérativement, être accompagnée dans des délais opportuns des
documents explicatifs des circonstances de gestion et d’un rapport annuel de
performance sur l’exécution de la loi de finances. La LOLF prévoit certes un certain
nombre de documents (documents de synthèse, un rapport annuel de performance et des
rapports d’audit de performance), mais le délai de dépôts, jugée trop long, les vident de
tout intérêt et ne permet pas d’amorcer des actions correctives en temps opportun.
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L’article 66 du projet de la LOLF
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International Budget Partnership, «Open Budget Survey 2012», p 26, www.openbudgetindex.org.
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International Budget Partnership, op cite p 26.
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www.finances.gov.ma
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Les chiffres déclinés dans ce document sont représentés en termes de dépenses quantitatives et non en
termes d’objectifs qualitatifs : par exemple amélioration du classement du Maroc en matière de
l’enseignement publique, en termes de santé publique etc.
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Le citoyen retenu ici est le citoyen actif : citoyens, société civile, élites, etc.
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Ces mouvements ont touchés des pays de l’Europe comme l’Espagne, la Grèce, l’Ukraine, des pays de
l’Amérique latine comme le brésil et des pays asiatiques comme la Turquie et certains pays du golf etc.
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Conclusion
L’information budgétaire et sa communication sont au cœur de la relation entre les
Citoyens et les décideurs et de la notion de pouvoir. La réforme de la loi organique des
finances doit tenir compte de tous les éléments formels et informels de gestion des
finances publiques. Elle doit assurer une certaine liberté dans l’action et l’information
pour créer un certain rééquilibrage permanent entre les pouvoirs et repositionner le
parlement comme acteur décisif des finances publiques. Elle doit également permettre
aux autres acteurs et notamment la société civile de remplir leurs rôle se superviseur à
travers la mise en place de l’obligation de la diffusion de l’information financière. En
outre, La loi organique des finances devrait permettre plus de transparence des finances
publiques pour assurer un certain équilibre des pouvoirs.
La transparence permet un rééquilibrage des pouvoirs entre les décideurs réels et
apparents, les gestionnaires, les parlementaires, les groupes d’intérêt et les citoyens. Elle
constitue un moyen de démocratisation des affaires financières. Dans le cadre de la
transparence, chaque acteur serait en mesure de construire sa stratégie et s’engager dans
un système d’action concret de coopération et d’interdépendance même si les intérêts
des uns et des autres sont parfois contradictoires.
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Bibliographie
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Marc Leroy, option citée p 56.
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