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Entretien (vec Michel Collot

Prétexte 21/22

Revue Prétexte : Vous publiez des ess(is théoriques depuis plus de dix
(ns et nous découvrons seulement m(inten(nt votre poésie, une poésie
dont l( qu(lité l(isse vite deviner que vous pr(tiquez depuis longtemps
l'écriture poétique. Qu'est-ce qui vous ( (mené A fr(nchir le p(s de l(
public(tion et pourquoi (voir (ttendu si longtemps ?
Michel Collot : D,ns mon histoire personnelle, l'écriture poétique , précédé le
tr,v,il critique et l, réflexion théorique. Celle-ci , d',bord eu pour fonction
d'expliciter ce que j'éprouv,is lorsque je lis,is ou écriv,is des poèmes : cette
expérience m'ouvr,it un horizon, contr,irement E ce que souten,it l, poétique
des ,nnées 1970, qui insist,it sur l, clôture du texte et l'intr,nsitivité du
l,ng,ge poétique. J',i jugé nécess,ire d'él,borer et de f,ire conn,ître une
,ltern,tive théorique, centrée sur l'idée d'horizon. C'ét,it une tMche exige,nte
et pren,nte, qui , f,it p,sser ,u second pl,n pend,nt une diz,ine d',nnées
l',ctivité cré,trice dont elle ét,it issue. C'est ,u terme de ce long tr,v,il que,
retrouv,nt d',nciens poèmes, dont cert,ins ét,ient p,rus en revue ,u cours
des ,nnées 1980, j',i eu envie de les réunir et de les publier sous l, forme d'un
petit recueil, intitulé Issu de l'oubli. Il s',giss,it de tirer de l'oubli ces textes qui
,v,ient nourri mes ess,is théoriques et critiques, et d'illustrer cette fois p,r l,
pr,tique l, conception de l, poésie que j'y ,v,is défendue, et qui ét,it
désorm,is susceptible d'être mieux reçue. C'ét,it ,ussi une m,nière de
redonner s, pl,ce d,ns mon tr,v,il E l'écriture poétique, de lui rendre
l'initi,tive, et de me remettre E l'écoute de ce qu'elle ,v,it E me dire, et qui
demeure toujours imprévisible, débord,nt les prises du discours critique ou
théorique, et, du coup, lui offr,nt l'occ,sion de se renouveler. C'est ,insi que
j',i repris une ,ctivité poétique plus soutenue, qui , donné lieu ,ux poèmes
de Ch3osmos, qui sont be,ucoup plus récents et d'une écriture bien différente.

R.P. : Issu de l'oubli (dopte l( forme versifiée et Ch(osmos celle du poème


en prose. Les pr(tiquez-vous simult(nément ?  Comment s'opère pour
vous le choix de l( forme ?
M.C. : Le recours E l, prose s'est imposé E moi, s,ns que je s,che très bien
pourquoi. Rétrospectivement, j'entrevois quelques motiv,tions E ce
ch,ngement de m,nière. Les poèmes d'Issu de l'oubli ét,ient pour l, plup,rt
très elliptiques, liés E de fulgur,ntes m,is fugitives épiph,nies ; je voul,is me
donner l'esp,ce d'un développement, s,ns renoncer E l, condens,tion qui
définit le poème : dép,sser l'inst,nt,né, pour él,borer une construction plus
complexe, bien que fr,gment,ire. L, prose me permett,it p,r ,illeurs
d',border une plus gr,nde diversité de thèmes et de tons, de me r,pprocher
de l'expérience concrète, l, plus quotidienne et l, plus singulière ,ussi :
d'évoquer plus précisément cert,ins lieux et moments de mon existence. Elle
m'est ,pp,rue nécess,ire pour ,ccueillir le désordre de notre vie et de notre
monde. M,is pour f,ire de ce ch,os un cosmos, cette prose tend vers le
poème, et elle se souvient p,rfois du vers : les exigences du rythme, les ,ppels
de sonorités y jouent un rôle très import,nt. Cert,ins des textes de Ch3osmos 
se r,pprochent même d,v,nt,ge de l, versific,tion tr,ditionnelle que les
poèmes d'Issu de l'oubli, dont le vers est très rompu, p,rfois mis en l,mbe,ux.
L, prose de Ch3osmos peut ,boutir E l',mplific,tion et E l, génér,lis,tion du
vers, ,lors qu'Issu de l'oubli tr,v,ill,it E s, réduction. Tout cel, pour dire que,
d'une forme E l',utre, les frontières sont permé,bles, et f,vorisent les
p,ss,ges et les éch,nges. L, mode est ,ujourd'hui de proser et de pros,ïser le
vers ; j',i plutôt tend,nce E poétiser l, prose. L'essentiel est de donner E l,
p,role un rythme : d'en rendre sensible l',ccentu,tion, en y mén,ge,nt des
silences. Cel, ne se f,it p,s de l, même m,nière en vers et en prose ; j',ime
bien p,sser de l'une E l',utre : je tr,v,ille ,ctuellement E un livre de vers, ,ssez
différents de ceux d'Issu de l'oubli. M,is E ch,que fois, c'est l, visée d'un sens
et l, vision d'un monde, qui cherche E prendre consist,nce E tr,vers une forme
spécifique : celle-ci s'impose E moi, plus que je ne l, choisis.

R.P. : D(ns L7 M7tière-émotion vous (vez montré comment l'émotion A


son p(roxysme peut ré(liser «l( confusion du sujet et de l'objet». Or d(ns
Ch(osmos, le poète se f(it descripteur. Comment voyez-vous l( rel(tion
entre description et émotion, objectivité et lyrisme ?
M.C. : Le terme de description me gêne un peu, c,r il est lié d,ns notre
conscience littér,ire E l'idé,l n,tur,liste de reproduction intégr,le et objective
d'une ré,lité extérieure ,u sujet. Celui d'évoc,tion me conviendr,it mieux, c,r il
donne E entendre l, compos,nte subjective de toute ,pproche poétique du
réel, et le rôle qui revient E l'im,gin,tion et E l, voix, c,r c'est elles qui donnent
E voir en poésie. Lorsque je me tourne vers un objet ou vers un lieu, c'est moins
pour le restituer tel qu'en lui-même que pour évoquer m, rencontre ,vec lui,
les circonst,nces qui l'entourent, les impressions et les émotions qu'il suscite,
l'horizon qu'il m' ouvre. Si j'en décris effectivement cert,ins ,spects, c'est pour
tenter de donner forme E un ,ffect, qu'ils me semblent plus p,rticulièrement
,ptes E exprimer et E susciter. Lorsque j'écris : «H,rdiesse ,ltière, l, verrière
soud,in nous b,igne de lumière», c'est pour tenter de fixer l'impression de
vertic,lité, de tr,nsp,rence et de luminosité qui s'est emp,rée un jour de moi
en pénétr,nt d,ns l, G,lleri, Vittorio Em,nuele E Mil,n. Au sortir du métro et
de l, pl,z, del Duomo, ,lors en pleins tr,v,ux, je m'ét,is retrouvé d,ns un
microcosme urb,in dont l'h,rmonie m',v,it tr,nsporté d'une ,llégresse
d',ut,nt plus in,ttendue que je n',v,is ,lors ,ucune r,ison de me réjouir. Cette
étr,nge émotion ét,it intimement liée E l, physionomie des lieux, E leur
,tmosphère, E leur configur,tion, E leur ,rchitecture et ,ux m,téri,ux mêmes
d,ns lesquels elle ét,it bMtie. C'est donc en les décriv,nt que je pouv,is
ress,isir leur réson,nce intérieure. L, description peut être lyrique, - elle l'est
souvent chez Zol, lui-même ...

R.P. : D'une cert(ine f(çon L7 M7tière-émotion peut (pp(r(ître comme


une tent(tive de dép(ssement de l( querelle entre littér(lité et néo-
lyrisme. Pensez-vous que ce soit lA un f(ux déb(t et comment vous situez-
vous p(r r(pport A ces deux cour(nts ?
M.C. : L'écriture poétique eng,ge un sujet, un monde et un l,ng,ge, qui entrent
en inter,ction d,ns l',lchimie du verbe. Toute pr,tique ou théorie qui privilégie
l'un des termes de cette rel,tion complexe E l'exclusion des ,utres risque
d',pp,uvrir l, poésie, de l, priver d'une de ses dimensions constitutives. Le
littér,lisme tend E dissocier le tr,v,il sur l, l,ngue de l'expression de soi et de
l'expérience du monde. Le néo-lyrisme , eu le mérite de ref,ire ,u sujet une
pl,ce, excessive p,rfois ,u point de l,isser env,hir le poème p,r l, confession
,utobiogr,phique ou l'effusion sentiment,le. Ses détr,cteurs ont eu be,u jeu
de lui reprocher son subjectivisme et son idé,lisme, ,u nom d'un objectivisme
ou d'un m,téri,lisme linguistique. Cette polémique me semble reconduire des
cliv,ges stériles, hérités de notre tr,dition poétique et philosophique, entre le
sujet et l'objet, l, lettre et le sens, l, m,tière et l'esprit. L'expérience poétique
nous invite ,u contr,ire E dép,sser ces cliv,ges ,rtificiels. Ce que je propose
d,ns L3 M3tière-émotion, c'est de redéfinir le lyrisme non comme l'expression
d'un sentiment intérieur, m,is comme l, cré,tion d'une émotion neuve, qui ne
prend corps qu'E tr,vers l, m,tière du monde et des mots. Je m'inscris ,insi
d,ns le prolongement des efforts f,its tout ,u long du siècle pour promouvoir
«un lyrisme objectif» (J. Rom,ins), un «lyrisme de l, ré,lité» (Reverdy) ou un
«lyrisme de l, m,tière» (M,rinetti, m,is ,ussi Ponge). Le plus précieux, et le
plus difficile E penser et E mettre en oeuvre, c'est l',lli,nce de ces termes en
,pp,rence ,ntinomiques. Le tr,v,il sur l, lettre, p,r exemple, ne s'oppose p,s
nécess,irement ,u lyrisme. D,ns m, tent,tive pour exprimer ce que j',v,is
ressenti d,ns l, G,lleri, Vittorio Em,nuele, j',i vite compris que le
retentissement de cet esp,ce ét,it insép,r,ble non seulement de s,
topogr,phie, m,is de s, toponymie. Le mot g,lleri, surtout m', retenu, p,rf,it
,n,gr,mme d',llegri,. Je l',i donc pris pour titre, et j',i tr,v,illé E l, fois sur
son référent et sur ses signifi,nts. C'est en l,iss,nt résonner en moi et d,ns
mon texte ses sonorités que j',i pu exprimer mon ,llégresse et lui donner une
réson,nce nouvelle : celle des mots de mon poème.

R.P. : D(ns Ch7osmos vous en (ppelez (u concret et, dénonç(nt l(


défigur(tion du p(ys(ge, vous tentez de rest(urer l( figure. F(ut-il voir lA
une méfi(nce A l'ég(rd de l'(bstr(ction, t(nt en peinture qu'en poésie.
M.C. : En mett,nt l',ccent sur le m,téri,u verb,l ou pictur,l, toute une
tend,nce de l',rt et de l, littér,ture modernes ,boutit p,r,dox,lement E
congédier l, m,téri,lité du monde ,u profit d'une ,bstr,ction qui montre
,ujourd'hui ses limites. Il est vr,i cepend,nt que l'ém,ncip,tion vis-E-vis des
contr,intes de l, mimésis , permis non seulement de découvrir les ressources
du m,téri,u lui-même, m,is ,ussi d'exprimer des ,spects du monde et du moi
qui éch,ppent E l, représent,tion : il y , une ,bstr,ction lyrique et un
p,ys,gisme ,bstr,it, p,r exemple, qui en disent E mes yeux d,v,nt,ge que
l',rt cl,ssique du p,ys,ge ou du portr,it sur ce qui, de l'homme et du monde,
est in,ccessible E l, conscience et E l, conn,iss,nce. Les peintres que
j'évoque d,ns l, dernière section du Ch3osmos sont pour l, plup,rt des
ten,nts d'une cert,ine ,bstr,ction; m,is, grMce not,mment E l, pl,ce qu'elle
,ccorde E l, m,tière, leur peinture évoque puiss,mment pour moi tel ou tel
,spect du monde : elle me f,it vivre une ,venture, E l, fois physique et
spirituelle, que j',i tenté de formuler E tr,vers ces quelques proses. M,is
lorsque l, recherche formelle se poursuit indéfiniment pour elle-même, elle
risque de perdre de vue ses enjeux et de devenir un simple jeu. Elle vire E l,
surenchère, d,ns le minim,lisme, l, sophistic,tion ou l, dérision, E mesure que
l, signific,tion s',menuise ,u point de se réduire de plus en plus souvent E une
pure ,utoréférence : «ceci est un poème», ou «ceci est une oeuvre d',rt». Il
me semble qu'en se vid,nt ,insi de tout ,utre contenu, le l,ng,ge, pl,stique ou
verb,l, s',pp,uvrit lui-même. Les gr,ndes innov,tions formelles
s',ccomp,gnent d'une nouvelle vision du monde. Certes, cette vision ne
s,ur,it ,ujourd'hui se tr,duire p,r un retour pur et simple E l, figur,tion, ,u
sens h,bituel du terme. Elle doit ,ffronter l'épreuve d'une défigur,tion, qui
concerne ,ussi le sujet lui-même, moins soucieux d',ffirmer une identité que
d'interroger une intime ,ltérité. M,is n'oublions p,s que toute figure émerge
d'un fond qui simult,nément l',nime et l',bîme. Il en est de même pour le
p,ys,ge, qu'on envis,ge trop souvent comme une im,ge du monde bien s,ge
et st,ble ; or l'expérience du p,ys,ge, telle que je l'éprouve, et telle que
l',n,lysent des philosophes comme Erwin Str,us ou Henri M,ldiney, comporte
une p,rt de vertige et de dés,isissement f,ce E l, démesure de l'univers. Si j',i
be,ucoup insisté sur l'horizon, c'est qu'il résume l',mbiguïté de tout p,ys,ge :
il délimite un ensemble visible et org,nisé, m,is il m,rque ,ussi le seuil d'un
esp,ce invisible et ins,isiss,ble. Lier le poème E un horizon, c'est chercher E
rét,blir ,vec le monde une rel,tion qui ne s,ur,it être mimétique, c,r elle
intègre l, dist,nce qui les sép,re. C'est se tenir d,ns l, proximité de
l'in,ccessible.

R.P. : «Qu(nd s(urons-nous mén(ger, en nous et (utour de nous, l'esp(ce


nécess(ire pour recevoir l'(utre, et l'étr(nge ? Accueillir d(ns nos vies le
vide, s(ns nous presser de le remplir ?», interrogez-vous d(ns Ch(osmos.
Vous présentez ég(lement l'(utre comme ce qui ouvre l'horizon. Est-ce  A
dire  que vous (ttribuez (u poète un rôle éthique ?
M.C. : Le refus d'un l,ng,ge ,ut,rcique, replié sur lui-même, le désir d'ouvrir le
poème E un horizon qui le déborde, répondent ,u souci de ne p,s rester
prisonnier d'une logique de l'identité et d',ccueillir l',ltérité. C'est un geste
«poéthique», pour reprendre l'expression de Michel Deguy, d,ns le double
sens du mot ethos : une m,nière d'h,biter le monde et de vivre ensemble. Les
poètes n'ont eu que trop tend,nce E cultiver leur singul,rité, ,u point de
s'enfermer d,ns un idiome et d,ns un idios cosmos.  L'éc,rt s'est ,insi creusé
entre l'expériment,tion poétique et une littér,ture de m,sse qui renvoie ,u
public une im,ge compl,is,nte et convenue. Il f,ut cultiver l, l,ngue et
l'expérience communes, pour les tr,nsformer, si l'on ne veut p,s les l,isser en
proie E une décultur,tion m,ssive. Il ne s',git certes p,s pour le poète de
délivrer un mess,ge ou une leçon de mor,le. C'est d,ns s, f,çon même de dire
et de donner E voir, que l, poésie est porteuse d'un ,rt de vivre. A l, logique
cumul,tive qui préside de plus en plus ,u stock,ge et E l, circul,tion de
l'inform,tion, elle oppose p,r exemple ses bl,ncs, ses m,rges, ses silences,
qui préservent un esp,ce potentiel où l',utre pourr, prendre pl,ce et déployer
l, liberté de s, lecture. D,ns une société qui tend E isoler les individus, et d,ns
un monde qui ex,cerbe ,gressivement les différences ou les ,r,se en les
,ssimil,nt, elle rest,ure le sens de l, rel,tion. L, mét,phore nous ,pprend
qu'un mot peut vouloir dire une chose et en signifier une ,utre, E l, fois
différente et comp,r,ble. Le p,ys,ge offre une vue d'ensemble qui met en
r,pport le proche et le loint,in, le ciel et l, terre, l'homme et l, n,ture : un point
de vue p,rticulier sur le monde commun. En l,iss,nt jouer librement les
différences sur le fond d'une référence p,rt,gée, l, poésie propose un mode
de communic,tion fondée sur un éch,nge entre les singul,rités, et non sur leur
eff,cement. L, justesse de l'expression crée les conditions d'un juste r,pport
,vec ,utrui. 
 
 Propos recueillis p3r Ch3nt3l Colomb. Michel Collot 3 répondu > cet entretien
p3r écrit.

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