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Guilloux Pierre. L'amour de Dieu selon Saint Bernard (suite). In: Revue des Sciences Religieuses, tome 7, fascicule 1, 1927.
pp. 52-68;
doi : https://doi.org/10.3406/rscir.1927.1364
https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1927_num_7_1_1364
(Suite) (1).
II
(1) Cf. Revue des Sciences religieuses, 4926, t. VI, pp. 499-512.
L'AMOUR DE DIEU SELON SAINT BERNARD 53
(1) In Ascensione Domini, Serm. 3, 6-7 ; Serm. 5, 7 ; Ep. 11k, 2-3. L'auteur
de Ylmitation fait la même constatation : « Religiosos negligens et tepidus
habet tribulationem, ex omni parte patitur àngustiam : quia interiori conso-
latione caret, et exteriorem quaerere prohibetur. » L. I, Gh. XXV, n. 7.
(2) Ep. 385, 3. La même comparaison se trouve déjà deux fois dans saint
Augustin, Enarratio in Psalm 59, 8 ; Serm. 164, 5.
(3) In festo omnium Sanctorum, Serm. 1, 10,
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degrés. L'épouse est au.. plus, élevé. Les enfants aiment aussi,
mais ils pensent à l'héritage... L'unique affaire de l'épouse est
d'aimer. EUe surabonde d'amour et cela fait la joie de l'époux.
Lui ne cherche, elle nie possède rien autre chose : voilà ce
qui fait l'époux, voilà ce qui fait l'épouse ». A coup sûr, il
ne faudra pas chercher entre l'âme et Dieu l'égalité qui existe
entre les époux de la terre. « L'abondance de l'amour n'est
pas la même, entre l'âme et le Verbe, entre le créateutr et la
créature : il y a la même différence qu'entre la source et celui
qui a soif. Mais quoi ! l'âme devra-t-elle étouffer son désir,
sa confiance, son affection, renoncer tout à fait à épouser le
Verbe, sous prétexte qu'elle ne saurait lutter de vitesse avec
le géant, de suavité avec le miel, de douceur avec l'agneau,
de blancheur avec le lis, de clarté avec lé soleil, d'amour avec
celui qui est l'amour même? Non, elle aimera moins,
puisqu'elle est créature, puisqu'elle est moindre, mais elle sera
toute dans son amour, et là où il y a tout, il ne manque
rien (i). Voilà ce que j'appelle être épouse » (2).
Les paroles des psaumes nous suffisent d'habitude pour
exprimer nos sentiments à l'égard de Dieu. Une fois élevée
au rang d'épouse, l'âme ne s'en contente plus ; elle recouirt
d'instinct au, chant nuptial que l'Esprit Saint a daigné faire
écrire pour elle. « II y a lin cantique qui surpasse tous les
autres par son élévation et par sa suavité, on a raison de
l'appeler le cantique des cantiques, car il est le fruit de tous
les autres. C'est l'onction seule qui le révèle et l'expérience
seule qui l'apprend. Que ceux qui l'ont goûté, le goûtent de
nouveau ; que les autres s'enflamment du désir, non pas tant
de le connaître que de le savourer. Ce n'est pas le
frémissement de la bouche, mais la jubilation du cœur, non le bruit
des lèvres, mais le mouvement de la joie, c'est l'harmonie
des volontés, et non pas celle des paroles. On ne l'entend pas
au dehors, il ne retentit pas en public : personne ne l'entend
que celle qui chante et celui à qui elle chante, l'épouse et
(1) « Deus meus, adjutor meus diligam te pro dono tuo, et modo meo, minus
quidem justo sed plane non minus posse meo : quia etsi quantum debeo non
possum; non possum tamen ultra quam possum ». De diligendo Deo,ch. VI,
n. 16.
(2) In Cant. Serm. 83, 5-6. ■
L'AMOUR DE DIEU SELON SAINT BEJtNARD 59
(1) In Cant. Serm. 74, 3-4. Sainte Thérèse décrit de la même façon les
audaces de son amour à l'égard de Notre Seigneur. Sa vie écrite par elle-
même, Ch. XXXVII.
(.2) In Cant. Serm. 74, 4-$.
L'AMOUR DE DIEU SELON SAINT BERNARD 61
(1) « Nullum enim omnino preesentise ejus (Dei) certius testimonium est,
quam desiderium gratiae amplioris. » In fes to s. Andrese, Serm. 2, 4.
(2) In Cant. Serm. 9, -1-3.
(3) Ibid. Serm. 312, 2.
(4) In Cant. Serm. 49, 3.
L'AMOUR DE DIEU SELON SAINT BERNARD 63
(1) Le texte latin porte : « Ego vero amans, amari me dubitare non possum,
non plus quam amare ». M. Saudreau me paraît commettre une légère
inexactitude en traduisant : « Pour moi qui aime, je ne puis douter que je ne sois
aimée d'une affection plus grande que la mienne ». La Vie d'Union à Dieu et
les moyens d'y arriver, p. 177-178. Saint Bernard exprime une pensée
analogue quand il écrit : « Qui non placet Deo, non potest illi placere Deus. Nam
cui placet Deus, Deo displicere non potest ». In cant. Serm. 24, 8. Saint
Augustin l'avait déjà dit : « Ille placet Deo, cui placet Deus ». In Psalm. 32,
Enarratio, 1,1.
(2) In Cant. Serm. 84, 5-7. Pascal, exprimant avec émotion ses sentiments
à l'égard de Jésus, rapproche et adopte deux fragments de ce passage de
saint Bernard : Dignior plagis quam osculis non timeo quia amo. L'éminent
éditeur des pensées, M. Brunschvicg, s'est. donc trompé, quand il écrit en
note, p. 573 : « Vraisemblablement, cette phrase est de Pascal lui-même. »
(3) In Cant. Serm. 84, 7 . « Amans quandoque videtur amens, sed ei qui
non amat. » De considerations, prsefat.
64 PIERRE GtîILLOUX •
(1) In Cant. Serm. %3, 11. Au cours d'une extase saint Benoît] aurait
contemplé l'univers entier comme dans un seul rayon de soleil : « collectum sub
uno solis radio mundum universum conspexit. » De diversis Serm. 9, 1.
(2) In Cant. Serm. %$, 12-14.
(3) Ibid., 16.
l'amour de dieu selon saint berfsard 65
(1) Ibid., 3.
(2) In Cant. Serm. 20, S.
Ci) In Cant. Serm. 52, 4.
(4) Ibid. Serm. S, 6. Cette science puisée dans le baiser de l'union mystique
est bien différente de la scientia sœcularis « quae quidem inebriat, sed curio-
sitate, non caritate; implens, non nutriens; inflans non sedificans ; ingurgi-
tans, non confortans». In Cant. Serm. 9, 7 .
-
(1) De diligendn Deo, ch. IX, n. 28. Ce texte suffirait à montrer combien
Harnack a tort de voir du panthéisme chez saint Bernard. « Bas excedere et
cum Christo esse ist auch von Bernhard so verstanden, dass die Seele sich
selbst verliert und in den Umarmungèn des Brailtigauis aufhôrt, ein eingenes
Selbst zu sein». Dogmengeschichte III, p. 305, n. 1. Saint Bernard s'est
parfaitement expliqué sur le mode d'union qui peut exister entre Dieu et Fame
humaine. A propos du texte de saint Paul, Rom. XI, 36, il écrit : « Esse ergo
omnium qui© facta sunt ipse factor eoruin sed causale, non materiale ». In
Gant. Serm. 4, 4. Au sujet des mots de l'Ange Gabriel à la Vierge : Dominus
lecum, il explique comment Dieu est avec les diverses créatures, pour leur
assurer l'être, leur mode d'être et il ajoute: « In solis ergo bonis ita est,
ut etiam sit cum ipsis propter concordiam voluntatis ». Super : Missus est,
Horn. 3, 4. Voici un texte encore plus explicite : « Atqui Deum et hominem,
quia propriis exstant ac distant et voluntatibus et substantiis, longe aliter in
se alterutrum manere sentimus, id est, non substantiis confusos, sed
voluntatibus consentaneos ». In Cant. Serm. 71,10. Cf. Joseph Bernhart, Ber-
nhardische und eckhardische Myslik, Kempten, 1912. L'auteur a raison d'écrire
que saint Bernard a condamné d'avance maître Eckart « Nemo nisi démens
sive de terra sive de cœlo usurpabit sibi illam Unigeniti vocem : Ego et Pater
unum sumus ». L'âme unie à Dieu fait un seul esprit avec lui. « Nec prse-
judicat rerum pluralitas unitati huic, quam facit non confusio naturarum,
sed voluntatum consentie ». In Cant. Serm. -7-1, 6-7.
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Pierre Gmixoux.
(A suivre).
'
(1) De diligendo Deo, ch. X, n. 28, '29.