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Les politiques monétaires strictes se sont imposées malgré des critiques récurrentes.
A partir de la fin des années 70, la persistance de tensions inflationnistes dans les
économies occidentales a conduit les autorités monétaires à modifier leur politique dans le
sens d’une gestion plus stricte de la masse monétaire. Après les USA qui ont pratiqué dès
1979 une politique de base monétaire très serrée, la France a mis en œuvre à partir de 1983
une politique de maîtrise monétaire qui s’est incarnée dans la désinflation compétitive.
La politique monétaire, après avoir été utilisée comme levier d’une politique
économique expansionniste, est devenue un des instruments de lutte contre la hausse des prix
dans le cadre de la désinflation compétitive. Son rôle central dans la lutte contre l’inflation,
consacré par l’indépendance accordée aux banques centrales et plus particulièrement à la
BCE, lui retire paradoxalement sa fonction d’instrument de politique économique dans la
mesure où les autorités monétaires ne peuvent plus agir que dans le sens d’une crédibilité
accrue.
a. La désinflation compétitive
- Les principes
- Les objectifs
En matière d’inflation, le succès est incontestable, mais les enchaînements prévus par
les promoteurs de cette politique ne se sont pas réalisés. Le taux d’inflation, qui dépassait 13
% en 1981, est passé à moins de 1 % en 1999, la France ayant réussi à disposer d’un
différentiel d’inflation négatif avec son principal partenaire commercial, l’Allemagne, à partir
de 1991. Cette diminution du coût des produits français a permis de renforcer notre
compétitivité et donc de renverser notre solde commercial à partir de 1991. Enfin, les taux
d’intérêt réels ont effectivement diminué, passant de 16 % en décembre 1981 à 8 % en
décembre 1987 et 5 % en 1999.
Toutefois, ces bons résultats étaient restés fragiles comme l’a montré la crise du SME
de l’automne 1992, qui a contraint la BdF à stopper la baisse de ses taux pour défendre la
parité du franc, illustrant ainsi la double nature de cet instrument, à la fois interne (politique
monétaire) et externe (politique de change). Cette fragilité s’explique par les lacunes
persistantes de l’économie que la désinflation compétitive n’a pas réussi à lever malgré le
principe des enchaînements vertueux :
- la croissance est longtemps restée plus faible que chez nos partenaires principaux et
son rythme s’est fortement ralenti à partir de 1990, avec une année de récession en 1993 (-1,3
%) ; ce n’est qu’en 1998 que le taux de croissance a dépassé la moyenne européenne pour
redevenir atone suite au 11 septembre.
- l’investissement et l’emploi n’ont guère été relancés malgré les gains de productivité
réalisés dans l’économie.
La BCE : la mission de la BCE est définie à l’article 105 du TUE : « l’objectif principal est de
maintenir la stabilité des prix ». D’où son indépendance par rapport aux autorités nationales et
aux ingérences politiques. La stratégie de la BCE, définie en octobre 1998, repose sur 2
piliers : - une définition quantifiée de l’objectif principal, ie de la stabilité des prix (l’indice
des prix à la consommation harmonisé en zone euro doit progresser de moins de 2 % par an) ;
- le rôle essentiel de la monnaie pour assurer cette stabilité : un agrégat large M3 a été choisi
pour servir d’instrument de mesure de référence. L’objectif est de limiter à 4,5 % par an la
croissance de M3.
Jusqu’aux années 60, la politique menée par la BdF avait pour principal instrument le
réescompte, id est la fourniture automatique de « monnaie banque centrale » contre la
perception d’un prix (le taux de réescompte). A la suite du rapport Marjolin Sadrin Wormser
(1969), les outils de contrôle de la masse monétaire se sont fondés sur les réserves
obligatoires et sur l’encadrement du crédit.
Les réserves obligatoires sont déposées auprès de la banque centrale selon un % des
dépôts inscrits au bilan des banques commerciales. Non rémunérées, elles sont d’autant plus
importantes que les dépôts sont élevés et donc que l’offre de crédit est importante. Elles
exercent donc une double fonction restrictive sur la création monétaire :
- face au renchérissement de leurs ressources, les banques peuvent restreindre la
distribution du volume des crédits ou répercuter sur leur clientèle la hausse de con coût et
donc limiter sa demande.
- elles peuvent également diminuer la rémunération des dépôts (comptes à terme) ce
qui oriente les épargnants vers d’autres formes de placement.
Depuis la très forte baisse des coefficients de réserves (1992), cet outil a toutefois
perdu de son impact. Il reste néanmoins en vigueur dans le cadre de l’eurosystème.
Les opérations d’open market (achat ou vente sur le marché secondaire de bons du
Trésor) complètent les interventions des banques centrales. Elles ont pour objet de modifier la
quantité de monnaie centrale en circulation. Lors d’un achat par la banque centrale, un
versement d’espèces vient alimenter le compte d’une banque et donc augmenter la liquidité de
la place. A l’inverse, une vente de titres provoque une destruction de monnaie centrale.
L’ensemble des banques centrales utilisent ces procédures de pilotage de la masse
monétaire par une politique de taux directeurs. Les politiques de base monétaire qui consistent
à fixer la quantité de monnaie centrale en laissant le taux d’intérêt au jour le jour fluctuer
pour réaliser l’égalité entre offre et demande de monnaie ne sont plus en vigueur. Si leur
efficacité est normalement optimale, compte tenu du contrôle direct sur la monnaie en
circulation qu’elles autorisent, elles conduisent à des fluctuations très amples du taux d’intérêt
à court terme, comme l’a montré l’expérience Paul Volcker à la Fed en 1979.
b. des limites à l’efficacité
Les fluctuations des taux d’intérêt ont également une influence sur la valeur des titres
de dette cotés sur le marché. Ainsi une baisse des taux entraîne une appréciation des
obligations émises antérieurement et servant un intérêt plus élevé. Les décisions prises sur les
taux d’intérêt ont donc un effet important sur l’évolution des marchés financiers.
Enfin, les effets de transmission des variations de taux ne sont pas immédiats. Les
banques centrales fixent par leurs taux directeurs les taux d’intérêt à CT. En revanche, ce sont
les intervenants sur le marché monétaire qui établissent les taux à moyen et LT en fonction
des anticipations d’inflation et de change qu’ils forment. Les taux longs notamment
dépendent : - de l’offre mondiale d’épargne limitée par les déséquilibres des fipu et la fin des
excédents pétroliers ; - de la demande de capitaux accrue par les nécessités de la
reconstruction dans les anciens pays communistes et par l’essor des économies émergentes.
Ces conditions expliquent pourquoi une forte baisse des taux à CT peut ne pas avoir
d’effet sur les autres taux qui eux ont normalement une incidence directe sur la demande de
prêts tant pour les entreprises que pour les ménages. Toutefois, même ce dernier effet peut ne
pas se produire, l’évolution du taux d’épargne en France n’a pas été affectée négativement par
la baisse de sa rémunération, les agents préférant disposer d’une épargne de précaution
abondante. Le taux d’autofinancement élevé des entreprises leur a également permis de ne pas
avoir à recourir à l’endettement pour investir, malgré la baisse des taux.
Les résultats contrastés obtenus par la politique de désinflation compétitive ainsi que
les succès des dévaluations pratiquées par certains pays européens à partir de 1992 ont
alimenté une vive contestation des pratiques monétaires restrictives. Ce débat a pris
notamment la forme d’une revendication d’un contrepoids politique aux instances de direction
des banques centrales (proposition d’un Conseil de stabilité pour la BCE) afin d’assurer la
prise en compte d’objectifs complémentaires à ceux de la stabilité des prix, principalement en
matière de croissance dans des économies où les risques inflationnistes paraissent éliminés.
a. De la désinflation à la déflation
Les tensions inflationnistes ont été durablement éliminées dans la plupart des
économies occidentales. Les mécanismes inflationnistes qui avaient été à l’œuvre au cours de
la décennie qui avait suivi le choc pétrolier ne sont guère probables aujourd’hui notamment en
Europe.
Parmi les variables endogènes, le taux de chômage élevé en France exerce une
pression durable sur les salaires et les mécanismes de désindexation des rémunérations dans la
fonction publique ne sont pas remis en cause. Le poids des marchés financiers met l’accent
sur les préoccupations des détenteurs de capital, pour qui la lutte contre l’inflation est une
priorité. Enfin, la concurrence accrue oblige les entreprises à raisonner en termes de réduction
des coûts, ce qui exerce une pression à la baisse des prix.
Quant aux chocs exogènes, on relèvera que les économies occidentales sont de moins
en moins dépendantes du cours des matières premières : leur autonomie dans le domaine de
l’énergie s’est renforcée et l’essor des services limite la part des secteurs économiques
affectés par les variations du prix des consommations intermédiaires.
Enfin, les contraintes de la politique monétaire en UEM incitent les Etats européens à
pratiquer une politique de rigueur budgétaire accrue. Cette limitation des déficits, encadrée
par le pacte de stabilité, évite l’apparition d’une demande supplémentaire d’origine publique
qui serait source d’inflation, soit à cause d’un financement monétaire des déficits, soit par une
pression trop forte sur les capacités de production.
Malgré l’absence de hausse des prix, les banques centrales maintiennent une politique
monétaire restrictive. On peut donc craindre qu’il se soit produit une substitution entre
l’objectif des politiques menées (la lutte contre l’inflation) et son instrument (la crédibilité des
actions). Ce phénomène a deux conséquences néfastes :
- la baisse de l’inflation conduit à une diminution des taux d’intérêt nominaux,
mais pas nécessairement des taux d’intérêt réels si la diminution du niveau de prix est telle
que l’inflation est proche de zéro voire négative. Il est ainsi possible de se situer dans la
trappe à liquidités identifiée par Keynes : les agents sont incités à différer leurs achats et à
augmenter leurs liquidités, même non rémunérées, comme les prix sont appelés à baisser et
que le pouvoir d’achat de leur épargne s’accroît. Ce phénomène est auj amplifié par le fait que
les actifs financiers peuvent être à la fois rémunérés et liquides, comme le sont les OPCVM
monétaires. Toute action de relance devient alors impossible : avec une inflation proche de 0,
les taux d’intérêt réels ne peuvent devenir négatifs.
- cette élévation des taux incite les agents économiques à valoriser très fortement
le présent (taux d’actualisation élevé) ainsi qu’à développer une préférence pour la rente. Par
conséquent, les entreprises sont contraintes d’améliorer leur marge au détriment des salaires
versés pour maintenir la rémunération de leurs créanciers. Cette évolution des comportements
relevée par certains économistes tels Fitoussi en 1995 est particulièrement pénalisante en
termes de demande et d’investissement. Le niveau des taux décourage ces opérations, alors
que les placements financiers semblent plus rentables et moins risqués.
- la politique monétaire semble le meilleur moyen pour lutter contre l’inflation et l’autonomie
des banques centrales paraît l’outil le mieux adapté à la mise en oeuvre d’une politique
monétaire stricte. Deux limites peuvent cependant exister à ce double postulat :
¤ si les entreprises indexent leurs prix sur leurs coûts financiers, cet enchaînement
n’est plus vérifié. L’inflation devient au contraire une fonction croissante des taux d’intérêt
réels.
¤ une interaction non coordonnée entre la banque centrale et les autorités budgétaires
peut par ailleurs aboutir à une situation de blocage de l’économie dans un équilibre sous-
optimal (appelé équilibre de Nash). Il existe ainsi une possibilité de « policy mix
indésirable », conséquence de l’indépendance de la banque centrale (Nordhaus, 1994). En
effet, en phase de déficits publics élevés, une autorité monétaire est amenée à pratiquer une
politique restrictive pour maintenir sa crédibilité, même si le gvt entame un programme de
réduction du déséquilibre des fipu. Au contraire, un équilibre plus coopératif devrait conduire
à une politique monétaire plus accommodante pour appuyer la réduction des déficits.
- ces risques restent cependant fort théoriques. Compte tenu du taux d’autofinancement des
entreprises et de leur faible endettement, la possibilité d’une augmentation des prix de leurs
produits au fur et à mesure d’une hausse des taux est peu probable. Les inconvénients d’un
ajustement qui comporterait un délai inutile entre la mise en oeuvre d’une politique budgétaire
restrictive et une pol monétaire adéquate doivent également être relativisés : une meilleure
coordination conduirait sans doute à un retard dans l’ajustement budgétaire, en l’absence de
sanction externe de l’action menée. L’indépendance de la banque centrale peut ainsi conduire
à un « conflit constructeur » plus qu’à un « jeu destructeur » entre les deux autorités
(Thygessen, 1993). Exemples de la Fed (conflit entre Volcker et Reagan en 1980), de la
Bundesbank (maintien de taux élevés après 1990 en réaction aux dépenses de transfert issues
de la réunification) ou de la BdF (# en 1995 entre Chirac et Trichet sur la possibilité de baisser
les taux d’intérêt compte tenu des déficits élevés). A contrario, le BCE a à ses débuts bien pris
à compte les programmes de réduction des déficits publics annoncés par les pays de la zone
euro lorsqu’elle a fixé à un niveau relativement faible de 3 % son premier taux directeur en
janvier 1999.
Les changes flexibles devaient assurer selon le modèle développé par Mundell et
Fleming une autonomie des politiques monétaires, les variations de change assurant
l’équilibre de la balance des paiements et isolant l’économie des chocs extérieurs. Or,
l’observation des marchés des changes montre que ce mécanisme ne joue pas, rendant ainsi
tout son intérêt à une coordination des politiques.
En effet, les stratégies monétaires de recherche de compétitivité sont par nature
non coopératives. D’une part, la désinflation compétitive se traduit par des excédents
commerciaux qui ne peuvent profiter à tous. Si deux banques centrales cherchent à apprécier
simultanément leur monnaie, l’équilibre atteint annulera leurs efforts respectifs mais après de
vaines tentatives de restrictions monétaires qui auront un impact récessionniste. D’autre part,
une politique inverse de dépréciation par une réduction du taux d’intérêt peut permettre de
retrouver une expansion économique mais au détriment de partenaires.
Surtout, dans le cas de chocs asymétriques dans des zones monétaires, une coord des
pol permettrait d’éviter des chocs récessionnistes. Les politiques monétaires menées par les
pays occidentaux sont proches alors que leurs situations sont très différentes :
- l’All a dû pendant la période 1991-1993 augmenter les taux d’intérêt compte tenu des
risques spécifiques liés à la réunification : augmentation des déficits publics afin de financer
la reconstruction des Länder de l’Est, progression des dépenses sociales pour éviter de fortes
migrations vers l’Ouest à cause de la montée du taux de chômage.
- or, pendant cette même période, la France qui est en décalage conjoncturel avec ses
partenaires a dû maintenir des taux d’intérêt élevés afin de maintenir la parité du franc contre
le DM, alors qu’il aurait été envisageable de mener une pol monétaire plus expansionniste,
comme l’ont montré l’Italie et le RU en pratiquant une dévaluation compétitive.
Les critiques formulées sur les choix de politique monétaire qu’avait retenus la
France ne tenaient toutefois pas compte de deux éléments importants :
- la volonté de maintenir une parité stable entre franc et DM, décision nécessaire pour
la préparation de l’euro, a conduit à pratiquer une gestion des taux d’intérêt sous contrainte.
Pratiquer une baisse plus rapide des taux français aurait abouti à un décrochage de la valeur
externe de notre monnaie, comme l’a montré l’échec des deux tentatives de la BdF, encore en
manque de crédibilité, de faire passer ses taux directeurs à un niveau < à ceux de la
Bundesbank (1992-1994) : la dépréciation du franc a obligé la BdF à faire cesser ce
croisement des taux d’intérêt.
- les taux d’intérêt à LT des pays qui ont pratiqué des dévaluations et diminué
fortement leur taux à CT (RU, Italie) sont restés > aux taux français (plus un point en 1997).
Même si l’inflation y a été contenue, les marchés ont donc pris en compte une prime de risque
sur ces devises qui pénalise la croissance.
Europe : politique monétaire accommodante avec des taux d’intérêt faible et une
politique budgétaire plus stricte grâce à l’encadrement du pacte de stabilité.