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LES VOIX DU BURUNDI

Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 Avenue de France n°6 (Bujumbura)/ Tél.: 22258957 1000 Fbu

? ?

? “LA TUERIE DE MUYINGA” ?


Qui étaient-ils
24 tués. Ce « 24 » ne nous dit pas seulement le nombre de personnes froidement
assassinées en juillet 2006 à Muyinga. Il porte aussi des vies brisées. Pages:6-7-8

? ? ? ? ? ? ?

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Le Fond Politique
Spécial La course aux présidentielles de 2010 a déjà
commencé page: 4
Carburant
tombe Déblocage à l’Assemblée nationale. Mais à quel
dans les prix ! page: 4

oubliettes Carte blanche à Eva Palmans


Elections de 2005 au Burundi. Les médias
Page: 11 ont bien joué leur rôle de «chien de garde» du
Le secret de Buta
Le premier moine burundais parle Page: 12
processus électoral. Page: 2

Justice
Les prisons devraient compter plus de con-
damnés que de prévenus page:9

Jadot
Le jeune qui veut reboiser Bujumbura page:15

Economie
Un selfmade nommé Gérard Manimpaye
page: 13
Valentin Bankumuhari
Un compagnon du père de Culture
l’indépendance se souvient « Le dialogue entre différents
partenaires nationaux
Francophonie : bientôt une antenne TV5 et France
Page:5 doit être permanent. » Page: 3 24 au Burundi page:17
02 Honni soit qui mal y pense Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU
EDITORIAL Président du Conseil d’administration :
Iwacu, avenue de France N° 6 Le journal Iwacu est une publication du
La liquidation des cadavres
ou le crime parfait BP 1842 Bujumbura-Burundi Centre d’Echanges Belgo Burundais Joseph Ntamahungiro
Téléphone 22.258957 Coordinateur du Projet :
(asbl)
Antoine Kaburahe
www.iwacu-Burundi.org 184 D, Boulevard Léopold II 1080 Bruxelles
Janvier Nahimana: Graphiste
Le journal Iwacu bénéficie du soutien financier du ministère belge des Affaires Etrangères et de Reporters Sans Frontières.
Les opinions exprimées dans ce journal n’engagent que la rédaction.

CARTE BLANCHE Par *Eva Palmans,


They're dancing with the missing Institut de Politique et de Gestion du Développement, Université d’Anvers (UA)

Elections de 2005 au Burundi. Les médias ont bien joué


They're dancing with the dead
They dance with the invisible ones

leur rôle de «chien de garde» du processus électoral.


Sting, They dance alone *

Eté 2006. Le Burundi baigne encore un peu


dans les effluves post-électoraux. On parle du
Burundi « post conflit », dirigé par un parti qui En 1993, les journalistes n’étaient pas pré- connues la nuit même du jour de vote ou
a remporté les élections le plus démocratique- parés et ont versé dans les dérapages. Il le lendemain matin. Cette initiative est ap-
ment du monde. faut souligner que la presse, à quelques préciée par les observateurs nationaux et
C’est alors que l’on découvre des corps tor- exceptions près, était sous le contrôle gou- internationaux et même par les partis poli-
turés, décomposés, flottant dans la Ruvubu, au vernemental. La presse dite «indépen- tiques.
nord, dans la province de Muyinga. Morts
dante» était constituée par des amateurs
anonymes, cadavres non identifiés... Une pra-
tique hélas courante dans toutes les dictatures
très vite récupérés par les politiciens après Survivre sans les bailleurs de fonds
: la victime est niée dans la mort elle-même. Elle la crise d’octobre 1993. C’est une expéri-
bascule dans le rien. La victime est littéralement ence traumatisante pour tout le monde. D Le rôle de «chien de garde» du processus
effacée. Le corps de Patrice Lumumba est dis- ans les mois qui précèdent les élections électoral, et donc leur indépendance vis-
sout dans l’acide. En Argentine, durant la dic- de 2005, plusieurs initiatives sont prises à-vis du pouvoir politique, dépendent de
tature, des personnes disparaissent sans pour responsabiliser les journalistes. leur mode de financement, assuré à ce
laisser aucune trace. Solidarité professionnelle et indépen- jour principalement par la coopération
La représentation de la mort permet une forme dance étrangère. L’engagement des radios bu-
– certes toujours insatisfaisante – de réparation
rundaises dans un journalisme pluraliste et
symbolique. L’effacement des traces s’attaque
Le travail des médias burundais tout au équilibré résisterait-il à une éventuelle
déjà à ce que Freud appelle le travail du deuil.
Ce processus ne s’enclenche pas sans
long du processus électoral de 2005 est diminution des appuis de l’extérieur ? Si
l’épreuve de la réalité. Ne pas voir le cadavre caractérisé par le professionnalisme, la les subventions externes devaient
conforte « follement » le déni de la mort. Par cet solidarité professionnelle et l’indépen- s’amoindrir et que les salaires s’en trou-
Dans la mémoire collective burundaise, les dance vis-à-vis des acteurs politiques. Les
acte on quitte l’humanité, en refusant une in- vaient diminués, les journalistes pour-
échéances électorales sont envisagées engagements essentiels prévus par le
scription (rituel funéraire, récit) à ceux qui bas- raient-ils garder leur impartialité et
culent ipso facto dans le rien. Mais les comme une source de violence. En 2005, code de déontologie de la presse et par le maintenir le rôle de «chien de garde» ? La
crocodiles de la Ruvubu n’ont pas pu les médias se trouvent confrontés à un défi code de conduite en période électorale plupart de ces bailleurs de fonds s’in-
parachever ce crime parfait qu’est la liquidation important : celui de convaincre la popula- sont, en général, bien suivis. vestissent dans le financement de ces ra-
des cadavres. tion que les élections ne sont pas forcé- Durant ces élections, une dizaine de mé- dios dans le contexte du conflit et de la
Les Burundais stupéfaits s’attendaient à une ment une source de conflit et de peur. La dias burundais font le choix de tenter une transition politique afin d’assurer le rôle de
réaction énergique du nouveau pouvoir, des responsabilité qui pèse sur les épaules expérience unique et originale : la création
mises en examens, des procès retentissants. ces radios comme instruments contribuant
des journalistes burundais, à la veille des de la Synergie des médias, un réseau na-
Désillusion sur toute la ligne. Le principal sus- à la paix, à la réconciliation et à la démoc-
élections, est donc très grande. Le poids tional, réunissant les médias publics et
pect, le Colonel Vital Bangirinama, continuera ratisation. Une fois le pays sorti de la crise,
est accentué par le souvenir du trauma- privés pour couvrir les élections. Par la
à vaquer à ses fonctions malgré les protesta- plusieurs de ces bailleurs estiment leur
tisme des médias «de la haine» et de leur création de la Synergie des médias, les ra-
tions des associations des Droits de l’Homme mission accomplie et retirent progressive-
nationales ou internationales comme Human rôle dans les violences post-électorales en dios font front commun, en se transformant ment leurs appuis financiers.
Right Watch. 1993. Mais depuis lors le paysage médi- temporairement en une voix et laissant de Face à ce problème de pérennité finan-
Finalement, la pression devenant intense, le atique burundais a radicalement changé, côté une prise de position individuelle. cière, les médias sont appelés à mettre en
colonel prendra la fuite, non sans avoir con- et ses nouvelles caractéristiques con- L’idée derrière la Synergie est d’assurer la place de toute urgence les conditions de
tacté une station de radio locale ainsi qu’une or- stituent généralement des atouts face au couverture la plus large et la plus impar- leur émancipation économique progres-
ganisation burundaise de défense des droits rôle qu’ils sont appelés à jouer lors du tiale possible du processus électoral.
humains pour avouer les meurtres et pour af- sive. Des stratégies doivent être dévelop-
processus électoral. L’organisation concrète se focalise sur la
firmer que « sa propre vie était maintenant men- pées au niveau de chaque média. Le
Un premier point fort du paysage média- couverture de l’état des lieux à la veille des
acée par ceux qui avaient donné l’ordre de développement du service commercial afin
tique burundais réside dans son réel plu- scrutins, le déroulement du scrutin, les ré-
commettre ces crimes. » d’attirer le maximum de recettes publici-
ralisme et, à la grande différence de 1993, sultats provisoires et l’ambiance qui règne
Mais nous sommes au Burundi, on laisse les taires, la mise en place de structures an-
journaleux et autres « droits de l’hommistes » aucun parti ne dispose de son propre jour- au sein de la population. nexes génératrices de revenus, comme le
s’agiter. Pour la consommation extérieure nous nal ou de sa radio.
studio d'enregistrement numérique de la
avons un joli refrain bien rôdé qui a fait ses Cette initiative résout le problème des RPA, peuvent contribuer à l’autofinance-
preuves, une belle épitaphe que l’on devrait Une dizaine de radios occupent les ondes moyens matériaux et du personnel car en ment. Outre ces efforts propres aux entre-
écrire sur tous nos charniers : «baracabitohoza» en 2005, et la plupart se définissent travaillant ensemble une couverture na- prises visant à augmenter leur viabilité,
(les enquêtes se poursuivent) .On mise sur le comme des organes d’information «neu- tionale est possible ce qui n’aurait pas été
temps, sur le tassement. l’Etat pourrait mettre à disposition des mé-
tres» et sans appartenance politique. Cette le cas si les radios avaient travaillé sé-
Mais désormais nous refusons le silence. A dias un fonds de promotion prévu par la loi
bonne santé du secteur radiophonique parément, étant donné que les stations
ces morts niées nous leur redonnons leur iden- sur la presse. Toutefois, si les initiatives
tranche avec la pauvreté de la presse disposent de peu de moyens de fonction-
tité. Leur vie. C’est le premier pas d’un combat pour arriver à une émancipation
écrite qui ne compte que quelques titres nement. A travers cette collaboration, les
que nous savons long et périlleux. économique progressive sont réelles, leur
AK réguliers. médias peuvent donner des informations réussite reste tributaire du contexte poli-
L’unique chaîne de télévision publique sur l’ensemble du pays. Ainsi, les irrégu- tique.
* Ils dansent avec les absents (RTNB) ne couvre que 60% du territoire et larités et les fraudes peuvent être rap-
Ils dansent avec les morts reste peu accessible à la majorité de la portées et dénoncées avant qu’elles ne *Eva Palmans a consacré sa thèse de
Ils dansent avec les invisibles. population. Une télévision privée (Télé prennent trop d’ampleur. Grâce à la Syn- doctorat sur le rôle des médias burundais
Renaissance) existe depuis quelques ergie, la population est informée en temps
Sting, Elles dansent seules dans les transitions politiques au Burundi
temps et fait son chemin. réel et les premières tendances sont déjà
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 POLITIQUE 03

« Le dialogue entre différents partenaires nationaux


doit être permanent. »
Du 17 au 19 avril 2008, le projet Cadre de Le problème est que les gens ne compren-
dialogue national a lancé le premier nent pas encore. Il faut beaucoup de sensi-
forum. Le projet vise le renforcement des bilisation de la population, même au niveau
réflexes démocratiques et la restauration des officiels. Ils ne comprennent pas la dif-
de la confiance entre les différents parte- férence entre les processus antérieurs et
naires nationaux. Candide Ruvakubusa, celui que nous entamons. Ils sont scep-
Coordonnatrice du Bureau Exécutif du tiques quant à la mise en oeuvre des con-
Mécanisme de Suivi- Evaluation de ce clusions et des recommandations. Le pays a
projet donne quelques précisions par tellement de problèmes qu’ils pensent qu’il
rapport à la mission lui confiée. est difficile de les résoudre. C’est un défi à
relever. Nous sommes au début du proces-
Quels sont les objectifs du projet Cadre sus et au fur et à mesure des explications,
de dialogue national? les gens comprendront.
L’objectif global du projet Cadre de dialogue
national est de promouvoir une culture dé- Quel est l’état d’avancement des activ-
mocratique, et restaurer la confiance entre ités ?
les partenaires nationaux par le recours à un acteur doit définir son rôle et ses respons- La différence est qu’il n’y a pas eu mise en Elles évoluent positivement .Les participants
dialogue permanent et inclusif. En d’autres abilités dans le processus de consolidation place du cadre permanent. A l’étape à ces deux sessions de dialogue, qui sont
termes, le projet vise le renforcement des de la paix. Les organisations de la société actuelle, ce processus veut mettre en place destinées aux cadres du gouvernement ont
réflexes démocratiques, l’apaisement social civile, les partis politiques que ce soit le parti un cadre de dialogue permanent et inclusif. fait des recommandations et des conclu-
et politique, et enfin la gouvernance par le vainqueur des élections de 2005 ou les par- La différence réside aussi dans le fait que sions importantes et que nous allons bien-
dialogue et le renforcement des institutions. tis d’opposition, les médias, chacun a son les accords d’Arusha sont un processus de tôt vulgariser au profit du public. Les
rôle à jouer. Chacun a des droits et même paix, un processus de réconciliation entre participants à ces sessions de dialogue ont
Pourquoi les officiels du gouvernement des obligations pour que la paix soit con- deux belligérants. Maintenant, c’est un dia- mis de côté leurs divergences et se sont
n’ont-ils pas répondu nombreux pendant solidée dans ce pays. logue entre partenaires nationaux, non pas quand même convenus sur l’essentiel.
la première session? Les partis d’opposition doivent savoir leur des partenaires politiques seulement, mais
Sur un nombre de soixante participants qui rôle : celui d’être une opposition responsable aussi les hommes des médias et la société Quel est le calendrier des prochaines ac-
était prévu, cinquante ont répondu présents. et non une opposition pour bloquer. Les mé- civile. C’est un processus qui ne doit pas tivités ?
Parmi les absences, nous notons des min- dias doivent contribuer à apaiser le climat être conjoncturel, mais qui est permanent. Il y a eu d’abord le premier forum national
istres qui ne se sont pas présentés en nom- social et contribuer à la consolidation de la La deuxième différence est qu’il y a un mé- de lancement du processus de dialogue, du
bre suffisant, pour des raisons liées à leur paix, en véhiculant des messages réunifica- canisme de suivi et d’évaluation qui a été 17 et 19 Avril 2008. Les premières sessions
fonction. Certainement qu’à la première ses- teurs et pacificateurs. Les organisations de mis en place, composé de 25 membres de dialogue des officiels du 25 au 28 Juin
sion, il y a eu des contretemps. Peut-être la société civile doivent soutenir des actions provenant de différents groupes sociaux. Ce 2008. Nous entamons les sessions de la so-
aussi qu’il n’y a pas eu assez de sensibili- du gouvernement en faveur de la popula- mécanisme concerne le suivi et l évaluation ciété civile dans le cadre de dialogue de la
sations et d’informations sur ce projet ainsi tion. Elles jouent aussi le rôle de contre- des activités du processus de dialogue. Il va société civile du 07 au 11 Août, et du 21 au
que son importance. poids. Mais c’est surtout un rôle de faire un surtout veiller à la mise en œuvre des con- 25 également. En Août, il y aura un cadre de
clin d’œil et non celui d’insister seulement clusions et recommandations issues des dif- dialogue entre les élus nationaux, des partis
sur ce qui ne va pas. férentes sessions de dialogue, pendant et politiques et les hommes des médias.
Quelle est donc l’importance de ce
après le projet.
processus de dialogue ? En quoi ce dialogue diffère-t-il des dia-
Je pense que ce processus est d’une im- logues inter burundais comme les négo- Quelles sont les difficultés jusque là ren-
Elyse Ngabire
portance capitale dans la mesure où chaque ciations d’Arusha ? contrées ?

Ce jour-là : 10 juillet 1993


1er juin 1993. Les Burundais cohésion sociale, la liberté d’expression, le rundi Nouveau. pour une période de 12 ans (1994-2005) :
élisent dans la sérénité un combat de la paresse, le partage de la Les principales orientations de ces de- Cyprien Ntaryamira (du 5 février 1994 au 6
Président au suffrage uni- richesse nationale et la bonne gestion de l’E- scentes sont, entres autres, le respect du avril de la même année), Sylvestre Ntiban-
versel direct. tat. droit de la personne humaine, la lutte pour la tunganya (du 30 septembre 1994 au 25 juil-
Trois candidats sont let 1996), Pierre Buyoya (du 25 juillet 1996
en lice dans cette au 30 avril 2003) et Domitien Ndayizeye (du
course à la magistra- 30 avril 2003 au 22 août 2005).
ture suprême. Il s’agit Le peuple n’a jamais été consulté. On n’a
de Melchior Ndadaye parlé de « Convention de Gouvernement »,
qui représente le du « Partenariat » et autres arrangements
Front pour la Démoc- pour gérer la Transition. Les Partis politiques
ratie au Burundi s’entendaient sur celui qui va être le « guide
(FRODEBU), Pierre des Burundais. » Même l’actuel Président,
Buyoya de l’Union Pierre Nkurunziza sera élu collégialement
pour le Progrès National (UPRONA) et par les députés et les Sénateurs. Et pour-
Pierre Claver Sendegeya du Parti pour la tant, tous parlent du « Gouvernement du pe-
Réconciliation du Peuple (PRP). A la fin des uple, par le peuple et pour le peuple. »
élections, le candidat du FRODEBU gagne Il interpelle les Burundais à rassembler les sauvegarde de la paix, le respect mutuel et L’article 15 de la Constitution stipule que : «
avec 64,75%, celui de l’UPRONA aura énergies pour construire le pays. Le nou- la tolérance. Le Gouvernement est construit sur la
32,39% et enfin le PRP avec 0,82%. veau Président veut tourner la page d’un Melchior Ndadaye recommandera aux Bu- volonté du peuple burundais. Il est respons-
passé sombre : « Nous devons être soudés rundais d’éviter tout ce qui divise comme le able devant lui et en respecte les libertés et
10 juin 1993.Investiture du premier Prési- pour consolider la démocratie et dire adieux régionalisme, la religion, l’ethnisme. droits fondamentaux. » A la faveur du suf-
dent de la République issu des élections plu- aux maux qui ont miné notre pays depuis frage universel direct des Présidentielles de
ralistes. Dans son discours d’investiture, son indépendance. » Et 15 ans après ? 2010, les opportunistes politiques ne vont-
Melchior Ndadaye insiste sur sept points qui Il promet d’entamer des tournées de sensi- Depuis les élections de juin 1993, le peuple ils pas utiliser la démagogie, leur arme fa-
vont caractériser ce qu’il a appelé le « Bu- bilisation dans les communes, les collines, burundais n’a jamais participé effectivement vorite ?
rundi Nouveau. » Il s’agit de la paix pour quartiers et camps militaires sur le nouveau au suffrage universel direct des Présiden-
tous, le respect de la personne humaine, la comportement qui doit caractériser le Bu- tielles. Quatre Présidents se sont succédés Léandre sikuyavuga
04 POLITIQUE Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

La course aux présidentielles de 2010


a déjà commencé
Les deux principaux partis politiques succède à Sylvestre Ntibantunganya à la bre 2003) entre le Gouvernement et le « La politique, c’est l’art de réaliser ce qui
sont entrés, à des périodes et pour des présidence de l’Assemblée Nationale. A CNDD-FDD. Par la suite, elle initie, en est utile », insiste-t-elle.
partir de janvier 1995, il cède son siège à 2003, la Ligue des Femmes du CNDD-

P
motifs différents, dans une crise interne
l’honorable Léonce Ngendakumana. FDD. Au lendemain de la victoire électorale L’honorable Jean Minani s’autoproclame
profonde. De janvier 2002 à août 2005, le docteur du CNDD-FDD, elle occupe la fonction de l’héritier politique de feu Melchior Ndadaye.
Jean Minani préside l’Assemblée Nationale Deuxième Vice- Président de la République N’est-ce pas aux militants du Sahwanya –
our le CNDD-FDD, le Congrès Na- de Transition. d’août 2005 à septembre 2006. FRODEBU de porter un tel jugement sur
tional de février 2007 constitue le De mai 2007 à janvier 2008, elle est Pre- leurs dirigeants ?
premier acte de l’érosion progressive De vives tensions caractérisent les rela- mier Vice- Président de l’Assemblée Na- En outre, créer une dissidence n’aura pour
du pouvoir CNDD-FDD avec la dissidence tions entre le camp Minani et celui de Ngen- tionale. seul effet que le partage des suffrages de
de 23 parlementaires. La nouvelle direction dakumana durant le régime Ndayizeye. Les députés, fin 2007, conviennent de dé- leur base électorale.
du parti au pouvoir a, ensuite, été atteinte Mais la goutte d’eau qui fait déborder le battre sur l’opportunité de la mise en place
par « le « syndrome Radjabu », c’est-à- vase est le ralliement du camp Minani à la d’une commission spéciale chargée du suivi Quant à l’honorable Alice Nzomukunda, sa
dire que celui qui n’est pas avec moi est cause du CNDD-FDD par stratégie: l’en- des négociations entre le Gouvernement et volonté de créer un parti se fonde sur un
contre moi. Ainsi, l’honorable Alice nemi de ton ennemi est ton ami. D’où la dis- le Palipahutu- FLN lors de la session de capital sympathie acquis en milieu urbain,
Nzomukunda n’est qu’une des victimes de location du groupe parlementaire Frodebu. février. L’honorable Alice Nzomukunda qui consécutif à sa démission de la fonction de
la volonté de puissance du CNDD-FDD. De ce fait, le divorce est consommé entre préside alors les travaux à l’Assemblée Na- Deuxième Vice- Présidente de la
les deux blocs rivaux du parti de Melchior tionale soutient une telle initiative. Les République. Et à son bref passage au Bu-
En ce qui concerne le FRODEBU, la dy- Ndadaye. stratèges du CNDD-FDD considèrent cette reau de l’Assemblée Nationale.
namique de la scission débute après les attitude comme un coup de poignard dans
élections de 2005. La direction du parti L’honorable Jean Mi- le dos. En effet, cette commission serait Une volonté d’affirmation de soi, avec en
FRODEBU reproche au Dr Jean Minani nani explique sa dissi- composée de tous les partis représentés à toile de fond des conflits interpersonnels,
d’avoir détourné l’argent de la campagne dence en ces termes : « l’hémicycle et de façon paritaire. La explique la prolifération des candidats po-
électorale pour son profit personnel (la con- Ceux qui dirigent aujour- meilleure défense étant l’attaque, la radia- tentiels pour les présidentilelles de 2010.
struction d’un hôtel luxueux). Mais, c’est à la d’hui le parti Sahwanya tion de la « traîtresse» pour la remplacer par L’absence d’un mâle alpha (en l’occurrence,
faveur de sa dissidence, au cours de la ses- –Frodebu n’ont pas con- une fidèle au Bureau n’a pas tardé. un homme d’Etat) est un facteur aggravant.
sion de février, qu’il est exclu du parti. tinué son idéologie en la Face à un leader charismatique, on revoit à
Ces deux députés, tombés en disgrâce au mettant en avant. C’est L’honorable Alice Nzomukunda affirme que la baisse ses prétentions, puis on s’évertue
sein de leurs partis d’origine, ont donc dé- ce qui nous a poussés les projets de société à devenir un de ses lieutenants.
cidé d’entrer en lice pour les présidentielles d’ailleurs à nous séparer des partis politiques Les Burundais sont donc toujours orphe-
de 2010. ». sont bons. A ses yeux, lins d’une personnalité politique d’enver-
l’Alliance Démocratique gure à l’instar du Prince Louis Rwagasore.
« Ceux qui dirigent aujourd’hui le parti « La politique, c’est l’art de réaliser ce pour le Renouveau D’autres observateurs affirment que Mel-
Sahwanya- Frodebu n’ont pas continué qui est utile » (ADR), son mouvement chior Ndadaye serait devenu un grand
son idéologie en la mettant en avant. » politique, fera la dif- leader. Mais il n’a pas eu le temps de faire
L’honorable Alice Nzomukunda est mem- férence par un « lead- ses preuves…
En 1993, à la suite de la victoire électorale bre du Bureau de l’Assemblée Nationale de ership visionnaire » Léandre Sikuyavuga et
du Sahwanya –Frodebu, le Dr Jean Minani transition, à la suite de la signature de l’ac- susceptible de mettre en pratique un projet
devient ministre de la Santé Publique. cord global de cessez- le- feu (16 novem- sociétal viable.
Guibert Mbonimpa.
En octobre 1994, l’honorable Jean Minani

Déblocage à l’Assemblée nationale. Mais à quel prix !


A la suite de l’arrêt de la Cour Par la suite, quatre projets de loi sont adop- - « Ne recherchez pas vos seuls in- -« la normalisation de la composition et du
Constitutionnelle, deux lettres tés illégalement, en raison de l’inexistence térêts personnels ou les seuls intérêts de fonctionnement du Bureau de l’Assemblée
de 18 députés exclus de l’hémi- du Bureau. vos partis : mettez en avant l’intérêt du bien nationale.
cycle sont adressées aux Se- « Notre pays tourne en rond comme ne commun. -« le règlement de la question de la
crétaires Généraux de l’ONU et
sachant pas où aller » - « Rappelez-vous toujours que la démocra- présence des députés « indépendants » au
de l’Union Interparlementaire
(UIP). Ils sollicitent leur inter-
Le message des Evêques catholiques du tie s’édifie par des lois qui sortent de vos sein de l’Assemblée nationale.
Burundi aux chrétiens et à tous les Barundi rangs, parce que c’est vous qui représentez -« la reconfiguration des postes de Prési-

L
cession afin qu’ils puissent être
réhabilités. s’intitule : « Burundi, d’où viens-tu ? Où vas- le peuple. N’entachez pas votre honneur en dents et de Vice- Présidents des commis-
tu ? ne faisant rien pendant des jours et des sions.
e CNDD-FDD persiste dans sa logique Sur la gouvernance politique de l’ heure, ils jours, alors que le pays a besoin de lois pour -« la création d’une structure permanente
de mainmise sur l’Assemblée nationale font ce constat : « …face aux querelles avancer. de concertation sur la gestion administrative
: deux propositions d’amendement (ar- stériles qui ont paralysé des institutions es- - « Cessez vos palabres et vos croche- et politique de l’Assemblée nationale.
ticles 19 et 20) sont adoptées. sentielles de la vie du pays, force nous est pieds interminables. Orientez le pays dans la -« la clarification des rapports entre les
Le premier stipule : « Le Bureau de l’Assem- de reconnaître que notre pays tourne en bonne direction à travers une juste législa- Députés et le Gouvernement. »
blée nationale comprend un Président et rond comme ne sachant pas où aller… » tion pour le bien de tous. » A toutes ces voies de sortie de crise à
deux Vice- Présidents… » D’où ce commentaire sans complaisance : Face au penchant totalitaire du régime en l’Assemblée nationale, le CNDD-FDD a op-
Le second change le mode électoral pour « …le pays manque de véritables leaders place dans un contexte démocratique, les posé une fin de non- recevoir. Ainsi, depuis
l’entrée au Bureau : « Le Président et les mus par un vrai patriotisme et manifestant Evêques catholiques du Burundi ont passé l’instauration du multipartisme (1992), la cul-
Vice-présidents sont élus à la majorité des réellement un amour sincère de la patrie et outre la neutralité politique -pour la première ture politique de la pensée unique sous le
deux tiers, un à un au secret sur présenta- le sens du bien commun. » fois- qui sied à leur fonction. couvert d’un vernis démocratique a toujours
tion libre des candidatures. » La tentation Aux parlementaires, ils prodiguent quelques cours au Burundi.
d’avoir un Bureau multipartite de façade, conseils : L’Union Interparlementaire à la La « démocrature », c’est-à-dire un mélange
pour le parti au pouvoir, sera donc forte. - « A vous les membres de l’Assemblée na- rescousse de l’Assemblée nationale de démocratie et de dictature, étant une ten-
Par ailleurs, ces propositions d’amendement tionale et du Sénat même si vous êtes en- dance lourde, au Burundi, une révolution cul-
ne sont pas recevables pour analyse au trés dans ces institutions par le canal des Pour sortir l’Assemblée nationale de l’im- turelle et philosophique s’impose donc pour
cours d’une session ordinaire. Elles ne sont différents partis politiques auxquels vous ap- passe, la Mission de l’Union Interparlemen- doter le Burundi de leaders visionnaires.
introduites ni par le Bureau ni par 1/5 des partenez, vous représentez tout le peuple taire (UIP), dans son rapport du 12 au 15 Guibert Mbonimpa
députés. depuis votre élection. mai 2008, a proposé 5 pistes de solution :
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 POLITIQUE 05

Interview avec Valentin Bankumuhari


« Nous avons mal géré notre indépen- Une chose est sûre, le Burundi est indépen- ceux qui l’ont suivi en étaient conscients. aient l’amour du prochain sans aucune autre
dance. » dant. C’est dommage que nous avons mal Presque tous les gouvernants après considération, qu’ils tiennent compte des be-
Valentin Bankumuhari, l’un des pionniers de géré notre indépendance. Nous devons lut- l’Indépendance, ont semé des mauvais soins de la population. Secourir les plus vul-
l’indépendance, trouve que depuis 1962, le ter pour que notre indépendance soit réelle grains dans les esprits de certains bu- nérables, encourager les plus avancés pour
Burundi n’a fait que reculer. Ancien com- et profitable à la population qui l’a tant de- rundais. Ils ont trahi le pays en soutenant les qu’ils entraînent d’autres et travailler toujours
pagnon de lutte du Prince Louis Rwagasore, mandée et l’a obtenue. divisions interethniques. en synergie, devrait être leur priorité.
il pense que les burundais ont trahi l’idéal Elyse Ngabire, Léandre Sikuyavuga

d’unité prônée par le Prince. Il estime que


seuls la vérité et l’amour du prochain peu- A l’époque de l’Indépendance, il y a une Quel comportement avez-vous adopté
vent rendre réelle et profitable notre in- catégorie des Burundais qui pensaient devant les colonisateurs ? Valentin Bankumuhari, un ami du Prince
dépendance. qu’il était encore tôt. Est-ce que vous ne Je crois que nous nous sommes bien com- Louis Rwagasore à l’époque, a gardé
trouvez pas qu’ils avaient raison ? portés. Rwagasore n’a jamais été pris en-
quelques souvenirs.
Nous avons déjà prouvé que ce n’était pas train de transgresser la loi. Moi non plus.
Quel a été votre rôle à la recherche de Il se rappelle que le Prince était un homme
tôt. Regardez par exemple le Conseil D’autres personnalités comme Nugu, Thad-
l’Indépendance ? calme, réfléchi qui, malgré son apparence,
Un lutteur comme les autres. J’étais chargé Supérieur qui était composé par des indi- dée Siryuyumusi n’ont jamais été attrapés
semblait avoir de la nervosité. Mais, pour-
surtout de voir comment le règlement de vidus qu’on appelait « évolués », c'est-à-dire entrain d’agir contre le règlement des lois du
suit-il, le paradoxe est qu’il ne s’énervait ja-
l’UPRONA est suivi par la population et les ceux qui ont terminé leurs études, soit à pays et contre les décisions de l’autorité ad-
mais. Quand quelqu’un l’insultait, il ne
membres du comité central de ce parti qui Astrid, soit au séminaire, soit dans les écoles ministrative.
réagissait pas : « Un jour, nous étions en-
étaient convaincus que nous allions arriver normales. Son travail a suffisamment prouvé
semble et on l’a insulté, mais il n’a rien
à l’Indépendance du Burundi. A ce moment que le Burundi était mûr pour accéder à son Est-ce que le Prince avait des ennemis ?
répondu ! »
là, il n’y avait pas des tracasseries comme indépendance. Il faut consulter les procès Son ennemi le plus juré et le plus méchant,
Valentin B. décrit le Prince en ces termes :
aujourd’hui de clans, d’ethnies. Nous étions verbaux de ce conseil. Vous trouverez que c’était le Vice Gouverneur Général du
« Il voulait le bien du pays, donc il devait
tous des Burundais. Nous luttions avec con- leurs conclusions étaient le résultat d’un tra- Rwanda-Urundi Harroi. Dans son livre, Har-
donner l’exemple. Ce n’était pas un homme
fiance mutuelle. Bien sûr, il y avait qui étaient vail d’hommes mûrs qui savaient ce qu’ils roi l’appelle « animal politique ».
de bistrot, ni un vagabond. Il restait souvent
contre nous parce qu’ils suivaient les con- cherchaient. Si après l’Indépendance, nous
chez lui. Il travaillait beaucoup. » D’après
seils du colonisateur mais ils n’étaient pas avions suivi leur exemple, le Burundi ne Pourquoi cette appellation?
lui, de temps en temps, il recevait des vis-
méchants. C’étaient une lutte sincère et ou- serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Il serait un Parce que le Prince était tellement correct
ites des amis ou bien venait chez lui pour
verte, cherchant un objectif bien déterminé pays modèle sur tous les points de vue. qu’on ne pouvait jamais le surprendre en dé-
discuter du comportement à adopter devant
sans faire du tort à personne. faut. C’était un homme qui cherchait l’intérêt
les colonisateurs.
Les Burundais se sont entretués depuis de son pays. C’est pour cela d’ailleurs qu’il
Il précise encore que Rwagasore était un
l’Indépendance jusqu’aujourd’hui. Quelle est mort prématurément. Ses adversaires
Quarante six ans après l’indépendance, exemple pour tous les pays, parlait toujours
est votre réaction par rapport à l’idéal politiques c'est-à-dire les colonisateurs, ne
quel bilan faites-vous? avec précision et évitait de blesser ses in-
Quand je regarde où nous sommes venus d’unité prônée par le prince Louis Rwa- pouvaient pas avoir le dessus sur lui.
terlocuteurs. Généreux, il avait l’amour du
et où nous sommes aujourd’hui, je pense gasore ?
prochain : « il a créé la Coopérative des
que nous avons fait marche en arrière. Je Ce que nous observons aujourd’hui est une En tant que pionnier de l’Indépendance,
Consommateurs du Rwanda-Urundi pour
ne vois même pas par où commencer pour trahison à l’idéal du prince Louis Rwagasore. quels conseils donnez-vous aux hommes
développer à la fois des Burundais et des
faire le bilan. Depuis que le Burundi existe, nous n’avons politiques burundais ?
étrangers. » Conscient que seule l’union fait
Aujourd’hui, peut-on dire que le Burundi est pas connu pareille situation. C’est encore Pour bien gouverner, il faut qu’ils sachent
la force, conclut Valentin B., le Prince disait
indépendant vu les problèmes politico socio- une attitude qui blesse les cœurs. Rwaga- dire la vérité, toute la vérité, rien que la
souvent que personne ne peut faire du pro-
économiques qui secouent la population ? sore a suivi l’instruction de nos ancêtres et vérité, quoi qu’elle puisse coûter. Il faut qu’ils
grès tout seul.
06 JUSTICE Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

ENQUETE
FROIDEMENT ASSASSINEES A MUYINGA
24 tués. Ce « 24 » ne nous dit pas seulement le nombre de personnes froidement assassinées en juillet 2006 à Muyinga.
Il porte aussi des vies brisées. Celles des enfants devenus orphelins du jour au lendemain. Celles des veuves qui ne
savent même pas où sont enterrés leurs maris, ces hommes arrêtés en plein jour, par la police ou l’administration et froide-
ment exécutées dans la prison de Mukoni. Iwacu a mené une enquête, non pas pour savoir pourquoi ils ont été supprimés-
car aucune raison ne justifie la liquidation d’une personne, de surcroît quand elle se trouve théoriquement entre les mains
de la justice- mais pour mettre enfin des visages sur un chiffre.

Raconter ces vies brisées, c’est notre façon de protester. dressé une liste de trente et une personnes disparues au travaux champêtres . Cela s’est passé le 1er mai 2006 vers
C’est notre manière de leur rendre hommage. Pour nous ils ne courant des mois de juin, juillet et août 2006. L’identité des 13h 00. D’après son épouse, les militaires qui l’ont arrêté
sont pas « FNL-Palipehutu », ou « opposants », mais des Bu- personnes retrouvées dans la rivière Ruvubu et leur étaient de la zone Gasave. Ils l’ont d’abord dépouillé de
rundais avant tout. Des citoyens qui avaient droit à la vie, à la nombre étaient très difficiles à déterminer car tous les tout ce qu’il avait jusqu’aux vêtements. Deux jours après
protection de l’administration. Mais c’est justement cette ad- corps étaient à un stade de décomposition avancée ... sans son arrestation , Véronique, l’épouse, a pu constater les
ministration qui, non seulement a tué, mais a voulu effacer oublier que les crocodiles s’étaient régalés au passage. faits et lui a apporté de nouveaux vêtements avant son
Des sources concordantes affirment que beaucoup de transfert de la position Gasave vers le camps militaire

L
toute trace de ses meurtres, jusqu’aux dépouilles elles-
mêmes, jetées en pâture aux crocodiles de la Ruvubu. ces personnes auraient été exécutées près de la position de Mukoni, au centre de Muyinga . Il aurait été extrait de
militaire se trouvant près du pont qui relie Muyinga et sa cellule du camp Mukoni, sur ordre du commandant
a technique de la « disparition », de « l’effacement », Cankuzo et qui traverse ladite rivière . Manirambona du même camp le 7 août 2006 vers 21h 30,
comme elle a été pratiquée à Muyinga n’est pas une et exécuté la même nuit. Sa femme qui lui rendait
trouvaille burundaise. C’est une méthode qui a fait ses Parmi les premiers accusés comme planificateurs de ces régulièrement visite à Muyinga dit que le constat de sa dis-
preuves ailleurs, en Argentine notamment. Elle est terrible- meurtres figurent le commandant de la 4 è région militaire, parition a été fait bien longtemps après sa mort , car les
ment efficace pour effacer les traces du crime, soustraire les le colonel Vital Bangirinama (en cavale), le Gouverneur de militaires qui réceptionnaient la nourriture continuaient de
corps à leurs familles, effacer non seulement la vie mais en- la province Muyinga , Mohamed Feruzi, le Chef des serv- prétendre qu’il était là. Aujourd’hui, la pauvre veuve élève
core l’existence. Pour dissoudre la mort elle-même. ices de renseignement à Muyinga, Dominique Sugwavuba, seule ses dix enfants. C’est une femme désemparée Elle
le commandant du camps Mukoni ainsi que les trois ad- n’a qu’un seule parole à la bouche : UKURI. Elle veut la
En Argentine, il y a eu ces femmes qui, inlassablement, ve- ministrateurs ; celui de Giteranyi , Muyinga et Buhinyuza . vérité. Signalons que le fils aîné de Claver et quatre
naient défiler sur la place de mai, à Buenos Aires pour rap- neveux de ce dernier, tous interpellés le même jour, sont
peler aux argentins et au monde, les visages des « effacés. Mai 2006. Personnes arrêtées, toujours dans la prison de Muyinga et n’ont pas encore
» Ici au Burundi, Iwacu veut être la place de mai des « ef- puis disparues été jugés . (Photo du défunt)
facés » de Muyinga. Nous voulons dire à ces veuves, à ces
orphelins, que nous sommes là, à leurs côtés, pour porter * SEGAMBA, 30 ans, un simple « groom » * SINDAYIHEBA Eric, 26 ans, petit commerçant
haut, pour porter loin leur douleur, leurs chagrins étouffés, Le 1er mai 2006, le jour de la fête Il avait combattu dans les rangs
leur soif de justice. Nous voulons montrer ces visages, dire du travail, six personnes sont ap- du CNDD FDD. Marié et père de
ces vies pour entamer un long combat contre l’injustice, con- préhendées. Il s’agit de : trois enfants, il habitait la colline
tre l’impunité. Le premier pas c’est de rompre ce voile de si- SEGAMBA, 30 ans, fils de de Ntobwe, dans la commune
lence, juste en disant qui étaient ces suppliciés. Ces pères. Ndaruzaniye Kojongoro, frère de Buhinyuza, quand il fut interpellé.
Ces époux. Qui ne demandaient qu’une chose : vivre Mbonimpa Louis et Sibomana. C’é- Il venait tout juste de commencer
tait un simple groom et vendeur de un petit commerce avec l’argent
Volatilisés pain dans une boulangerie du cen- qu’on lui avait donné pour sa dé-
Juillet 2006, Muyinga au nord du pays. Des familles des tre ville de Muyinga. Il était marié et mobilisation. Eric a été arrêté chez
communes Buhinyuza , Muyinga et Giteranyi, ainsi que père d’un enfant. Son domicile se trouvait sur la colline lui le 01 mai 2006 dans l’après -
Busoni dans la province de Kirundo remuent ciel et terre Kibongera , dans la localité appelée communément midi et conduit à la position militaire de Buhinyuza. Le
pour retrouver les leurs, disparus. Ces personnes, inter- Mwibuye , en commune Muyinga . L’après midi du 1er mai lendemain il a été transféré au camp militaire de Mukoni.
pellées peu de temps avant , en juillet , avaient été soit ar- 2006, il est interpellé , chez lui, par les services de ren- Son père Ntibuzohera Thomas déclare qu’il ne l’a plus
rêtées par les militaires ou la police, soit par les services seignement à Muyinga dirigé à l’époque par Surwavuba revu. C’est en juillet, lorsqu’on a retrouvé les corps dans la
de renseignement à Muyinga. Mais on n’en trouvait aucune Dominique . Il sera incarcéré pendant trois jours au camp Ruvubu, qu’il a compris ce qui s’était passé. Des gens
trace dans toutes les prisons de Muyinga et du pays ! Où Mukoni ( Muyinga ), après un bref interrogatoire musclé ef- qui étaient détenus avec lui déclarent qu’il a été tiré de sa
étaient-elles ? S’étaient-elles volatilisées dans la nature ? fectué par les services de renseignement. La personne qui cellule le 16 juillet 2006 et qu’il n’est jamais rentré. (Photo
Toutes ou presque avaient été arrêtées au courant des l’a vu pour la dernière fois était son frère SIBOMANA. Il de son père)
mois de mai, juin, et juillet avec le même chef d’accusa- lui rendait visite au camp militaire de Mukoni où il ap-
tion : appartenir au mouvement Palipehutu-FNL. prend le motif de son incarcération. (Photo de son frère * HABIMANA Balthazar, maçon et agriculteur 26 ans.
jumeau SIBOMANA). Originaire de la colline Kiyange,
Août et septembre 2006, des corps décapités et mutilés Segamba aurait été extrait de sa cellule du camp de Mukoni commune Buhinyuza, il était marié
sont retrouvés flottants dans les eaux de la rivière Ru- sur ordre du Commandant MANIRAMBONA le 7 août 2006 et père de 3 enfants. Agriculteur et
vubu, surtout dans les localités de Nkoyoyo, Mageni dans et exécuté dans la même nuit vers 21h 30. Après sa dis- maçon, il avait aussi combattu dans
la commune de Buhinyuza. Cette rivière serpente le long parition, sa femme écœurée, ne sachant où donner la tête, les rangs du CNDD FDD et venait
de la frontière nord du pays avec la Tanzanie et traverse a quitté sa belle-famille en abandonnant l’enfant qu’elle d’être démobilisé. Son père Cyrille
la réserve naturelle qui porte son nom. Plus d’une vingtaine avait eu avec son défunt mari. Mpabonimana est le dernier à l’avoir
de corps sont recensés. Qui étaient ces gens dont les vu. Il témoigne que deux jours avant
corps ont été retrouvés décomposés dans la Ruvubu ? *KARINAMAGURU Claver 46 ans, agriculteur l’arrestation de son fils, il avait en-
Pourquoi et quand ont-ils été torturés et exécutés ? Chef d’une association très tendu dire que beaucoup de je-
Etaient-ils réellement du Palipehutu-FNL ? Méritaient-ils ces prospère dans sa contrée, « Du- unes démobilisés étaient recherchés et avait averti
morts atroces ? Voilà bien des questions que beaucoup fashimpfuvyi » Karinamaguru Balthazar qui n’a jamais voulu l’écouter. Il a été arrêté par
de Burundais se posent à ce jour. A défaut de dire pourquoi Claver était marié et père de 10 le service de renseignements de Muyinga dirigés par leur
la mort, Iwacu a retracé la vie des morts. enfants. Originaire de la colline chef en personne Surwavuba Dominique. Cyrille Mpaboni-
Gasave, commune Buhinyuza , il mana a rendu visite à son fils à trois reprises, au camp
A l’époque de la découverte des corps suppliciés, le Gou- était respecté car faisant partie militaire de Mukoni. La dernière fois, c’était le 20 mai 2006.
verneur de la province Muyinga, Mohamed Feruzi, avait des Bashingantahe, les sages . C’est par la suite qu’il saura ce qui était arrivé : Balthazar
défrayé la chronique en déclarant sans sourciller « qu’au- Sa femme Véronique Minani , a été extrait de sa cellule au camp militaire de Mukoni, sur
cune personne n’avait été tuée dans sa province » ! Pour- raconte que son mari a été in- ordre du Commandant de la 4è région militaire, le 16 juil-
tant, des organisations des Droits de l’Homme avaient terpellé sur la colline Muramba où il était allé effectuer des let 2006 à 19h 00, et il a été exécuté tard dans la nuit.
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 JUSTICE 07

(Photo du défunt) est transféré de la PSI ( Police de Sécu- ils s’apprêtaient à rentrer à Busoni , une cette dernière qu’il a été interpellé par le
rité Intérieure ) Giteranyi au camp Mukoni personne du nom de Tharcisse, alias « Tout commandant Manirambona, en compagnie
. Il ne reviendra jamais. cassé », lui-même originaire de Busoni, les des militaires de la position du petit sémi-
* KWIZERA Venant. 26 ans, agriculteur (Photo du défunt) dénonce comme des « assaillants » . L’ad- naire de Rusengo . Il était un des 5 chefs
Originaire de la colline ministrateur de Giteranyi ne se fait pas prier de la colline lorsqu’il a été pris. C’était aussi
Gasave, commune de * KIZITO Ntirakirawa, alias « Sumaili », pour appréhender les deux hommes. Ils sont vers 6 heures du matin. Son frère cadet
Buhinyuza, marié à 22 27 ans, pêcheur arrêtés mi-juillet et transférés à Muyinga Banyanse Sostène, appréhendé en même
ans, il était père d’un Il habitait la colline au camp de Mukoni à bord du pick up de temps, a échappé de justesse à la mort.
enfant. « Enfant soldat Nzove, commune Giter- l’administrateur. Sur l’ordre du commandant Il se rappelle encore les 30 minutes
» dans les rangs du anyi. Marié à deux Manirambona, ils auraient été retirés de leur passées devant les bureau de Sur-
CNDD FDD, il avait femmes, il avait 5 en- cellule le 7 août 2006 et exécutés vers 21h wavuba Dominique , chef des SNR ( service
aussi combattu dans fants. Pêcheur dans les 30. (Photo du défunt Arthémon, et son national de renseignements ) à Muyinga.
les rangs du CNDD lacs du nord (Rweru et père) Sostène a pu s’échapper en se mêlant à
FDD au Congo Siméon Banzizubusa. Son Cohoha), il vendait le la foule grâce à la complicité de ses
frère aîné, dit se rappeler encore de ce plus souvent du poisson * NTAHOGWAMIYE Félicien, frères venus s’informer du sort de leur
jeune agriculteur acharné à nourrir sa à Kabanga, en Tanzanie. Sumaili a été ar- Il était originaire de la colline Jarama, com- père. C’était le 12 juillet 2006. Il venait de
jeune famille. Il l’avait averti de ce qui était rêté le 8 juin 2006 à 3h 00 du matin. Ce sont mune Buhinyuza, province Muyinga . Dans voir, pour la dernière fois, son grand frère vi-
en train de se passer dans Buhinyuza. Son les militaires de Nzove et Ruzo qui se l’après midi du 13 juin 2006, le chef de vant. Après un bref passage au cachot de
père Misago Ferdinand , 56 ans, qui tra- sont présentés chez sa deuxième femme colline Kara, accompagné de policiers, l’a la PJ ( Police Judiciaire ) Muyinga, Isaac au-
vaillait dans le parc avait déclaré être au Aicha Mavette , chez qui il avait passé la interpellé . Il l’a remis à l’administrateur rait été exécuté , comme son oncle Dede
courant de déplacements inhabituels de mil- nuit . Cette dernière a suivi le cortège communal le même jour. Depuis lors plus , dans la nuit du 16 au 17 juillet 2006 .
itaires dans le parc. C’est en date du 01 mai jusqu'à une localité appelée Kumatara de de trace de Félicien .
2006 que Venant fut emmené, menotté, la colline Kayove. Ils y ont passé la journée. *RWASA Claver
par des militaires de la zone Gasave. Tard dans la soirée, il a été conduit à Ruzo Les disparus du mois de juillet
Transféré le même jour au camp militaire de pour être déporté à Giteranyi à bord du Originaire de Musasa, commune Gasorwe,
Mukoni, il devait être extrait de sa cellule au véhicule de l’administrateur communal. Sa * BUDENDEGERI Jean Bosco, le prof. il était le fils adoptif de madame Immaculé
camp Mukoni sur ordre du commandant femme lui a rendu visite deux fois de Il est né en 1972 à Bisoro, dans la province Ndagiwenimana , elle même habitant
de la 4è région militaire Vital Bangirinama suite à la prison de la PSI , puis à la Mwaro , son père s’appelle Budendegeri Muyinga , dans la localité de Jarama . Il au-
le 16 juillet 2006 à 19h 00. Il a été exécuté brigade Giteranyi. Après son transfert de Evariste C’était un jeune professeur de rait été appréhendé vers 9h00 à Jarama,
tard dans la nuit . ( photo du défunt avec son Giteranyi à Muyinga, a bord du véhicule maths, technologie, EPS et dessin au col- commune Buhinyuza . Claver, touche à tout,
père ) communal, on ne l’a jamais plus revu . Il lège communal de Ruzo. Sa seule erreur n’avait pas de travail fixe. Il est mort dans
aurait été exécuté avec Georges Bigiri- aurait été de donner des exercices les mêmes conditions que Dede et son
* Tharcisse, 33 ans. mana , Minani Selemani, Jean Bosco Bu- physiques à ses élèves qui n’étaient pas neveu.
dendegeri et Mirenzo Jean .( photo de sa appréciés par les militaires basés à la com-
Arrêté le 01 mai 2006, il a été détenu au femme ) mune. Bosco a enduré le même calvaire *KASSIM Abdoul alias Kasongo , 35 ans
camp de Mukoni durant 3 mois. Extrait de que Selemani, arrêté comme lui le 10 juil- , démobilisé
sa cellule le 07 août 2006 vers 21h 30, * SELEMANI MINANI, 40 ans. let 2006. Leur transfert vers Muyinga s’est Père d’un enfant, habitant
sur ordre du commandant Manirambona, Il est originaire de la colline Ruzo, dans la effectué le même jour, 24 juillet 2006. de la colline Mageni, com-
Tharcisse sera exécuté la même nuit. Orig- localité Nzove , commune de Giteranyi . Il mune Buhinyuza, il était
inaire de la commune Buhinyuza, sa famille a subi le même sort que Georges Bigiri- fraîchement démobilisé .
s’est déplacée vers Kayanza peu de mana , Minani Selemani , Jean Bosco Bu- *DEDE SELEMANI, 48 ans, commerçant Le 18 juillet 2006, vers
temps après sa mort. dendegeri et Mirenzo Jean. Il a été arrêté 16 heures, il a été inter-
le 29 juin 2006 par des militaires de Ruzo. De son vrai nom Dede pellé par des militaires du
Les disparus du mois de juin De Ruzo , Giteranyi à Muyinga, le périple a Melchiade, il est né en camp Muyinga et conduit dans un cachot
été le même . Après un bref passage à la 1960. Il habitait la du camp Mukoni . Sa femme Kankindi Aline,
*MIRENZO Jean, 38 ans agriculteur. PSI Giteranyi, ils ont été transférés de Git- colline Rusengo à 100 24 ans, n’a été autorisée à le voir qu’une
Il était marié et père eranyi à Muyinga le 24 juillet 2006 à bord mètres du petit sémi- seule fois. Il aurait été extrait de sa cel-
de trois enfants. Le du pick-up de l’administrateur Oswald . naire de Rusengo , lule, sur ordre du Commandant Maniram-
troisième est né Depuis, aucune trace dans toutes les pris- commune Muyinga . bona le 7 août 2006 vers 21h30, et exécuté
après sa mort. Ad- ons du pays. Commerçant de pagnes au cours de la nuit.
ventiste, il habitait la très prospère au centre Muyinga, il avait ( photo de sa cousine )
colline natale de * Dieudonné Bamporubusa 26ans. quatre femmes et seize enfants. Ses enfants
Nonwe , commune se rappellent encore de cette matinée du Yamuremye Gérard, habitant de la colline
Giteranyi . Fils de Originaire de la com- 12 juillet 2006, à 6 heures, où les militaires Gitaramuka dans la commune de
Ndagwaye, il aimait le mune Busoni, colline de la position dudit séminaire arrêtèrent leur Buhinyuza , a été appréhendé le même
foot et était agricul- Kumana , province père. Ndinzemenshi Térence, son fils, jour que Kassim . Amené à Muyinga et in-
teur. Le 29 juin 2006 à midi, après le repas, Kirundo , il a été ap- fraîchement démobilisé, était lui aussi terrogé par les Services de renseignement
il reçoit la visite d’un officier de la brigade préhendé en compag- recherché. Caché dans les bananeraies à Muyinga, il aurait été exécuté tard dans
de Giteranyi du nom de Hatungimana nie d’ Arthémon de la parcelle, il a entendu les militaires in- la nuit du 16 août 2006 .
Helmenegilde. C’étaient des connaissances. Bucumi , 44 ans , lui timer à son père, qui était en tenue musul-
Ils jouaient ensemble au foot. Ils se sont aussi de Busoni , mane, l’ordre d’aller se changer et de les Les disparus du mois d’août
dirigés à la commune où l’administrateur l’at- colline kunama. Le suivre. Dede n’a pas passé la nuit à la po-
tendait. Trois jours après, sa femme calvaire de ces deux sition du petit séminaire car , il a été im- *NDAYIZEYE Jean Marie alias Mutama
Odette Niyomugisha, inquiète de ne pas personnes a commencé quand ils ont dé- médiatement transféré au camp militaire de , 25 ans.
voir son mari rentrer, se rend à la brigade cidé de quitter leur colline natale de Ku- Mukoni à bord du pick up de l’administra- Connu dans presque toute la province
Giteranyi pour s’enquérir des nouvelles . mana, en juin 2006, pour se rendre à teur. Sa famille n’a jamais été autorisée Muyinga, il était le fils de Dominique Sur-
On lui apprend que son mari, accusé Muyinga en traversant le lac Rweru. Ils se à le voir, mais uniquement à lui envoyer de wavuba chef des services de renseigne-
d’appartenir au Palipehutu FNL, a été in- rendaient précisément dans la commune la nourriture . Il aurait été exécuté 5 jours ment à Muyinga . Habitant la colline
carcéré. C’est l’administrateur Oswald Ru- de Giteranyi, colline de Tura. Ils espéraient après son arrestation dans la nuit du 16 Kinyota , commune Muyinga , Jean Marie
gengamanzi en personne qui se charge du gagner de l’argent en exploitant le min- au 17 juillet 2006. (Photo de NDINZE- est mort à cause de sa curiosité gran-
dossier. Après deux semaines de déten- erai coltan, qui faisait alors la fortune des MENSHI Térence) dissante sur les mystères entourant la
tion, la femme demande à voir l’administra- gens de cette contrée. La mère d’ Arthé- mort de sa mère. Son propre père l’aurait
teur, mais en vain. Pourtant en passant à la mon , Karenzo Véronique, 66 ans, dit se * NDUWIMANA Isaac alias Saidi Ndege. interpellé, sous l’accusation d’être un com-
brigade , son mari lui affirme qu’il va être rappeler qu’ils étaient partis « après la ré- 32 ans. battant du FNL, pour le faire taire. Arrêté
libéré bientôt , car il avait donné 50 000 fr colte du maïs . » Le père de Dieudonné, le 05 août 2006 par les services de ren-
bu à Hatungimana, l’officier qui l’avait ar- Révocat Barayavuga, affirme qu’il les a Originaire de la colline Rusengo, Com- seignements sous les ordres de leur chef ,
rêté. Ce fut le dernier jour qu’elle rencon- accompagnés jusqu’à Ngomo, commune mune Muyinga, il était l’un des neveux de son propre père , il fut exécuté dans la nuit
tra son mari. Le 24 juillet 2006, à bord du Giteranyi . Après les travaux d’exploitation Dede Selemani. Il avait deux femmes dont du 16 août 2006.
pick up de l’administrateur Oswald , Jean du minerai coltan, ils ont logé à Tura. Quand Kahigiro Asmini et 5 enfants. C’est chez
08 JUSTICE Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

Il était fraîchement D’autres personnes disparues, toutes de de juillet. Sur ordre du commandant Mani-
*BARANDERETSE Roger, 30 ans . rapatrié du camp de Muyinga, ont aussi été vraisemblablement rambona. Il a été extrait de sa cellule et
Né à Gasave en réfugiés de Rukole I, tuées entre juillet et Août 2006 . Iwacu n’a exécuté dans la nuit de 7 août 2006
commune de en Tanzanie. « Il a pas pu retrouver leur adresse .Voilà une • NDAYISHIMIYE MANIRAKIZA , arreté par
Buhinyuza, cet adhéré successive- liste non exhaustive : les service de renseignement le 5 août
agriculteur était ment au mouvement 2006. Il a été détenu au camp MUKONI et
marié et père de PALIPE AGAKIZA, • Jean Marie HAVAYARIMANA a été in- exécuté trois jours après.
deux enfants. Selon PALIPEHUTU FNL carcéré dans le campsde MUKONI durant
Hassan Ndegamiye, », raconte sa deux- le mois de juillet. Sur ordre du Comman- Christian Bigirimana
son frère qui s’est ième femme dant Manirambona. il a été extrait de sa & Fabrice BENIMANA
remarié avec sa Amissa. Il aurait été chargé de recrutement cellule et exécuté dans la nuit de 7 août
femme, la seule er- dans les rangs des FNL, dans la commune 2006
reur qu’aurait commis Roger était d’avoir Buhinyuza . C’est d’ailleurs son apparte- • Félix HAVYARIMANA a été incarcéré Les bouchers circulent librement.
des amis soupçonnés d’appartenir au mou- nance au FNL, qui lui aurait valu son in- dans le camp de MUKONI durant le mois
vement FNL. Des militaires de la position carcération puis son exécution. Arrêté le de juillet Sur ordre du commandant de la Surwavuba Dominique, un moment arrêté,
qui se trouve sur la route traversant la 16 juillet 2006 vers 16h 00 dans la local- quatrième région militaire. Il a été extrait de a été par la suite relâché. Des sources nous
réserve naturelle de la Ruvubu l’ont inter- ité de Rugarama par des militaires, il est sa cellule et exécuté dans la nuit de 16 juil- apprennent que l’ancien responsable des
pellé chez lui le 8 juillet 2006 . Il n’a été au- conduit directement au camp militaire de let 2006 services de renseignement de Muyinga cir-
torisé à emporter que ce qu’il avait sur lui. Mukoni. Sur ordre du commandant de la • Omar KUBWIMANA a été incarcéré dans cule librement dan laville. D’autres questions
De la position militaire de Buhinyuzza, il a 4ème région militaire, Vital Bangirinama, il le camp de MUKONI durant le mois de troublantes demeurent sans réponses
été par la suite transféré au camp militaire est tué dans la nuit du 17juillet 2006 vers juillet , sur ordre du commandant de la qua- jusqu’aujourd’hui : Ou est passé le com-
de Mukoni. Une semaine tard , le 16 juillet 23h00. Son corps a été identifié par un trième région militaire, il a été extrait de sa mandant du camp Mukoni d’où ont été ex-
2006 à 19h 00 il a été extrait de sa cellule pêcheur, parmi 5 autres corps décapités cellule et exécuté dans la nuit de 16-7-2006 traits les prisonniers ? Le colonel Vital
sur ordre du commandant de la quatrième qui flottaient dans la rivière Ruvubu . Un • Gilbert YAMUNGE a été incarcéré dans le BANGAIRIMANA, chef militaire de la région
région militaire, Bangirinama Vital, et a été œil était crevé et il avait des blessures au camp de MUKONI durant le mois de juillet. est resté longtemps en poste malgré les
tué la même nuit . ( Photo de son frère ) niveau des flancs. ( photo du défunt ) Sur ordre du commandant Manirambona du protestations des associations des Droits de
camp MUKONI. II a été extrait de sa cellule l’Homme. Il a pu se mettre à l’abri par la
*CISHAHAYO Selemani , son vrai *Tharcisse MIBURO, 35 ans. et exécuté dans la nuit de 7août 2006 suite et des sources non confirmées le
prénom est Stanislas . Il est arrêté début août par les services • Charles NZOYISABA a été incarcéré dans le situent au Canada… Qui a permis son exfil-
Né en 1948, il était originaire de la com- de renseignements de Muyinga. Originaire camp de MUKONI durant le mois de juillet. tration ? Quelle sont les responsabilités des
mune Gasorwe . Il habitait la colline Gi- de Muyinga, il a été incarcéré dans le camp Sur ordre du commandant de la quatrième ré- trois administrateurs ? Les familles des
taramuka, commune Buhinyuza. Il avait de Mukoni. Le 07 août 2006, le comman- gion militaire, il a été extrait de sa cellule et disparus réclament toujours justice et
deux femmes, l’une à Gasorwe, Sauda dant Manirambona a donné l’ordre de le exécuté dans la nuit de 16 juillet 2006 vérité sur ce dossier.
Ntukamazina , l’autre à Buhinyuza, Ngen- sortir de son cachot. Il n’est jamais réap- • Félicien RWAMENAYA a été incarcéré
dahayo Amissa . Il était père de 5 enfants . paru. Il aurait été exécuté la même soirée. dans le camp de MUKONI durant le mois

Les avocats commis d’office existent-ils chez nous ?


La plupart des systèmes juridiques organisent la défense lieu du barreau, ce qui est irrégulier, leurs ef- qu’ils avaient droit à une assistance. Grâce
des prévenus indigents afin de garantir à tous une justice forts sont très louables car l’essentiel, c’est notamment à la ligue Iteka et à l’ABDP, les

«T
équitable. Au Burundi, les textes légaux le prévoient égale- de tirer d’embarras la personne nécessi- prévenus sont de plus en plus informés de
ment. Mais qu’en est-il réellement ? teuse, quelle que soit l’assistance. De plus, leurs droits. L’action réelle de ces associa-
ces ONG et associations utilisent les serv- tions commence dans les années 1997-98
oute juridiction estimant organise le remboursement des frais en- ices des avocats du barreau qui sont ré- avec l’aide de l’Office du Haut Commissaire
qu’une des parties citées gagés par l’avocat commis d’office. Il s’agit munérés », se félicite le Bâtonnier. aux Droits de l’Homme, précise le Président
manque de moyens suffisants en quelque sorte d’un bénévolat forcé. En réalité, il apparaît que les véritables de l’ABDP. Avec le soutien de l’Office,
pour assurer convenablement sa défense En théorie, le budget du ministère de la jus- défenseurs des prévenus indigents soient souligne-t-il, les associations s’adressent in-
peut désigner d’office un avocat présent à la tice devrait prévoir des fonds pour les avo- les associations et les ONG. « Dans notre dividuellement aux membres du barreau
barre ou inviter le bâtonnier à commettre l’un cats commis d’office mais, en pratique, ces association, la protection des droits civils est pour qu’ils défendent les prévenus et ils sont
des avocats du tableau de l’ordre ou des av- fonds n’ont jamais été disponibilisés, faute parmi nos buts. Le droit à la défense et au rémunérés.
ocats stagiaires pour assurer la défense de de moyens. « Le barreau ne les réclame ja- procès équitable entre dans cette ligne de « Le barreau ne peut pas remplir conven-
cette partie. L’avocat commis d’office ou mais car il sait que ce serait en vain puisque mire », précise Laurent Gahungu, Président ablement sa mission car il ne dispose pas
désigné est tenu de prêter son concours à l’Etat est toujours en retard dans certaines de l’ABDP, l’Association Burundaise pour la de fonds pour payer les honoraires des av-
la partie assistée sauf motif légitime d’ex- procédures de rémunération », se désole Défense des Prisonniers. Il rappelle qu’ils ocats. Le ministère de la justice qui devait le
cuse ou d’empêchement admis par la juri- Me Birihanyuma. ont commencé à s’y intéresser avec la crise faire n’a jamais prévu ce volet dans son
diction ou le bâtonnier qui a procédé à cette Le bâtonnier du Burundi souligne néan- car le barreau ne pouvait seul y faire face budget et c’est très regrettable », s’indigne
désignation ou commission », article 51 du moins que le barreau est en train de mettre par manque de ressources humaines. Mr Gahungu. Il s’étonne même du fait que
décret n°100/103 du 29/08/1979 portant sur pied une assistance judiciaire rémunérée L’ABDP et la ligue Iteka sont les premières à la commission d’office ne figure pas dans le
statuts de la profession d’avocats. en créant son propre fonds avec l’aide des prendre en charge la défense des prison- Code de procédure pénale mais pense
Selon Me Birihanyuma Marc, Bâtonnier du différents bailleurs de fonds. « On a voulu niers. « Plusieurs raisons rendaient difficile qu’elle figurera dans celui qui est en élabo-
barreau du Burundi, la loi prévoit clairement renforcer l’assistance judiciaire en la ré- le travail du barreau ; la plupart des avocats ration.
la défense des parties indigentes .L’avocat munérant au risque qu’il y ait des avocats étaient de l’ethnie tutsi et ne pouvaient La mission de défendre les prévenus indi-
désigné pour assister un prévenu qui a be- qui se dérobent .Si on est désigné deux à défendre bénévolement et en âme et con- gents incombe aussi bien au barreau qu’aux
soin d’assistance judiciaire doit prêter son trois fois par semaine sans honoraires, on science des hutu qui ,eux-mêmes, ne leur associations. Puisque l’Etat semble inca-
ministère auprès du tribunal compétent n’aurait pas le temps de s’occuper des af- faisaient pas confiance. Nous avons servi de pable de bien assurer cette défense, les dif-
jusqu’à l’épuisement de la procédure. S’il le faires rémunératrices et on sait qu’un travail jonction entre les prévenus qui croyaient férentes personnes morales pouvant le faire
refuse, le refus doit être motivé contrôlé par gratuit est souvent négligé », remarque Me plus en nous et les avocats », souligne Mr doivent unir leurs efforts pour que chaque
le bâtonnier. « Si le bâtonnier remarque une Birihanyuma. Gahungu. citoyen puisse jouir d’une justice réellement
certaine négligence dans le travail de l’avo- L’assistance judiciaire gratuite existe depuis Il remarque que les fonctionnaires du min- équitable.
cat,il peut le sanctionner sévèrement. C’est longtemps dans des cas sporadiques et était istère de la justice eux-mêmes n’avaient pas
à ses risques et périls », souligne Me Biri- le seul apanage du barreau. Depuis la crise, pris conscience des textes internationaux et
hanyuma. cette assistance a été élargie aux organisa- s’arrêtaient aux dispositions du droit positif Edouard Mayuya
Il fait toutefois remarquer que l’assistance tions non gouvernementales et aux associ- interne. Les prévenus quant à eux ignoraient
est gratuite car il n’existe aucun système qui ations. « Même si elles agissent en place et
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 JUSTICE 09

ILS NOUS DEFENDENT

Maître Déo Ndikumana, au secours des enfants.


Dans un pays sans magistrats possibles grâce au financement de la Bel- mains de ceux qui en utilisent pour leurs pro-
spécialisés pour les mineurs, en gique à travers le projet Aide judiciaire à l’en- pres intérêts.
l’absence d’une loi sur l’en- fance. » Il poursuit en disant qu’il travaille Me Ndikumana demande au Gouvernement
fance, depuis 1993, Maître Déo bénévolement en faisant le plaidoyer et les de libérer tous les enfants incarcérés dans
Ndikumana se bat pour
visites dans les prisons car la Belgique ne différentes prisons. Son souhait est que tous
défendre les enfants ou pour les
sortir de prisons. L’avocat
finance plus. Mais il a bon espoir car l’U- les enfants de la rue soient réinsérés à l’in-
souhaite également que la lég- NICEF va prendre la relève. star des démobilisés. Il lance un appel à tous
islation nationale change et que Comme c’est le cas dans d’autres secteurs, les enfants pour qu’ils aient du respect à l’é-
le Burundi ratifie les textes in- les problèmes ne manquent pas. Selon Me gard de leurs aînés et qu’ils se respectent

M
ternationaux en faveur des en- Ndikumana, il y a trop de violations des entre eux. Il rappelle pour terminer qu’un en-
fants. droits des enfants dépassant leurs moyens. fant de plus de 13 ans peut être puni con-
Malheureusement, ajoute-t-il, la justice n’a formément à la loi.
e Déo Ndikumana se souvient de pas de magistrats spécialisés pour les
ses débuts, en pleine crise de 1993 mineurs. Il affirme aussi qu’il y a absence de
la rue. Elle plaide en faveur de ceux-ci Dieudonné Hakizimana
quand il défend des jeunes hutu et lois sur l’enfance. En plus, il regrette que
auprès du Gouvernement sur deux points:
tutsi entraînés par les hommes politiques beaucoup de financements soient entre les
d’abord changer la législation nationale en
dans des actes criminels mais qui compara-
faveur des enfants, ensuite ratifier tous les Qui est Maître Ndikumana ?
issent seuls devant la justice.
textes internationaux en la matière. Elle as-
18 mars 1999, Me Déo Ndikumana fonde la
sure la formation des intervenants en « Les enfants sont des innocents qui grandissent dans un monde souvent injuste », tel
Ligue Burundaise pour l’Enfance et la Je-
matière d’enfance comme les magistrats, les est la philosophie qui guide Me Déo Ndikumana.
unesse (LIBEJEUN). Elle a déjà pris en
jeunes, les parents et les enseignants. Avocat privé, spécialisé dans la catégorie des défavorisés comme les mineurs et les
charge 5600 enfants. Certains d’entre eux
Quand il travaillait à l’UNICEF, son représen- enfants travailleurs, Me Déo Ndikumana est né en 1967 en commune Matana de la
sont défendus quand ils sont violés, spoliés
tant à l’époque ne cessait de l’appuyer province Bururi. Il fait ses études secondaires à l’Athénée de Bujumbura. A l’Université
de leurs terres ou lorsque leur patrimoine est
jusqu’à lui trouver un stage au Barreau des du Burundi, il fréquente la faculté de Droit. Parallèlement aux études, il a travaillé pen-
volé. D’autres sont aidés à la recherche de
magistrats. Arrivé là, reconnaît l’accueil lui dant une année au PNUD. Après l’Université en 1995, Me Ndikumana est engagé pen-
paternité ou quand ils sont en conflits avec
réservé : « j’ai été encouragé par mon dant une année à l’UNICEF.
leurs tuteurs ou leurs maisons d’accueil.
maître de stage, Me Laurent Nzeyimana. ». Dans sa vie, Me Ndikumana aime faire la lecture des ouvrages en rapport avec le droit.
La Ligue Burundaise pour l’Enfance et la Je-
Le fondateur de la Ligue précise où il a Il joue aussi au tennis et aime voyager en compagnie des enfants.
unesse est en train de chercher les cartes
trouvé les moyens pour bien mener son ac- Ce grand défenseur des enfants est marié et père de quatre enfants.
d’identité nationale pour tous les enfants de
tion : « toutes les actions de la Ligue étaient

Les prévenus en attente de jugement ,


cause du surpeuplement des maisons carcérales.
Les prévenus en détention préventive La lenteur des procédures administratives et des maisons d’arrêt. n’est que très peu appliquée.
constituent 71% de la population car- judiciaires est surtout liée à l’éloignement Le nombre élevé des prévenus en attente Le manque d’assistance judiciaire aux
géographique des cours et tribunaux par de procès dans les prisons est également la détenus nécessiteux renforce aussi cet état
cérale au Burundi. Cette situation est la
rapport à la population carcérale. Alors que conséquence du contexte de crise. Nul n’ig- de fait. Cette assistance implique des

A
cause principale du surpeuplement de chacune des 17 provinces judiciaires que nore les maux engendrés par la guerre et la moyens financiers que l’Etat n’est pas ca-
nos prisons et ses conséquences sont compte le pays devrait avoir un établisse- délinquance qui en découle. Les assassins, pable de disponibiliser, ce qui fait que les
souvent dramatiques. ment pénitentiaire, seules quelques-unes en les voleurs, les violeurs et autres délinquants défenseurs des détenus indigents négligent
vant la mise en vigueur de l’actuel disposent. Cela ne facilite pas le travail des engorgent les prisons, d’autant plus qu’il souvent leur travail qui n’est pas rémunéré.
Code de procédure pénale en janvier représentants du ministère public pour in- n’existe pas de peine alternative à la peine La multiplication des détenus en détention
2000, le milieu carcéral comptait 80% tervenir. A titre d’exemple, les ¾ des détenus privative de liberté. préventive entraîne un surpeuplement des
de détenus en détention préventive. Après de la prison de Ngozi ont été arrêtés dans prisons qui devraient compter plus de con-
la mise en vigueur du Code jusqu’à la date les provinces voisines. Le ministère public Le non respect de la loi damnés que de prévenus. Ce déséquilibre
des libérations par grâce présidentielle, de Kirundo est obligé de chercher des Mais n’oublions pas non plus la violation de est la conséquence d’une violation perma-
c’est-à-dire entre 2000 et 2005, la popula- moyens pour aller vérifier la régularité des la loi qui conduit à l’augmentation du nombre nente des normes en matière de procédure
tion carcérale en détention préventive a détentions à Ngozi. De même, les représen- des prévenus en détention préventive. pénale telle que prescrite dans nos textes et
diminué jusqu’à atteindre 60%. Après les tants du ministère public à Karuzi ont des dif- Beaucoup de nos juridictions n’observent lois. Il s’ensuit une promiscuité de la popu-
mesures de grâce présidentielle, les détenus ficultés pour vérifier la régularité des pas le Code de procédure pénale en son ar- lation carcérale et ses effets catastrophiques
préventifs ne constituent plus que 53% de la détentions à Gitega. Ils recourent souvent à ticle 75 qui stipule que « l’ordonnance au- sur la santé des détenus. Certaines associ-
population carcérale car celles-ci les con- l’aide des associations car les fonds alloués torisant la mise en détention préventive est ations fournissent des efforts très louables
cernent également. Aujourd’hui, la popula- par l’Etat sont insuffisants. En définitive, les valable pour 30 jours, y compris le jour où pour résoudre ce problème. Pourtant, même
tion carcérale en détention préventive a détenus du ressort des provinces judicaires elle est rendue. A l’expiration de ce délai, la si l’Etat autorise les organisations à mener
augmenté jusqu’à 71%. de Cibitoke, Kayanza, Muyinga, Kirundo, détention préventive peut être prorogée par des actions dans ce domaine, il ne participe
La principale cause de cette situation est la Karuzi, Cankuzo, Bururi et Ruyigi sont in- décision motivée pour un mois et ainsi de pas à leur promotion. Il devrait fournir plus
lenteur du ministère public dans le traitement carcérés dans des établissements pénitenti- suite, de mois en mois, aussi longtemps que d’efforts pour lutter contre la délinquance et
des dossiers. Cela est dû au manque de aires éloignés de leurs juridictions. Cet l’intérêt public l’exige.» L’article continue en désengorger les prisons. Quant à la com-
ressources humaines et financières en suff- éloignement nécessite beaucoup de précisant que « toutefois, la détention munauté internationale, elle doit aider les as-
isance car il n’est pas rare que les bureaux moyens pour garantir aux justiciables préventive ne peut dépasser 12 mois si le sociations qui contribuent activement à la
de nos magistrats soient enfouis sous des détenus préventivement de jouir des fait paraît ne constitue qu’une infraction à l’é- réforme de notre système judiciaire et péni-
piles de dossiers. garanties au procès équitable. De plus, l’E- gard de laquelle la peine prévue par la loi tentiaire.
tat n’a pas assez de moyens pour y n’est pas supérieure à cinq ans de servitude Edouard MAYUYA
L’éloignement des cours et tribunaux remédier, ce qui entraîne le surpeuplement pénale. » Dans la pratique, cette disposition
10 SANTE Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

Les médecins spécialistes, tous dans le privé


!Un phénomène nouveau s’observe à Bu- des dizaines d’années à étudier et avoir un
jumbura. Tous les spécialistes se tour- salaire aussi dérisoire! Mais en créant nos
cabinets nous sommes à la disposition de
nent dans le secteur privé. Selon ces
tout le monde et rapidement. Cela nous per-
médecins, l’apparition des cabinets met de soigner et en même temps gagner
médicaux privés est due à une ré- un peu d’argent » ajoute-t-il.
munération dérisoire et aux mauvaises Et les répercussions…
En dépit de tout, l'instauration du système

L
conditions de travail dans les hôpitaux
publics. privé fait que les établissements publics
manquent de médecins spécialistes dont les
e phénomène de cabinets médicaux patients ont absolument besoin. Selon N.N.,
privés dans Bujumbura est monnaie « Ce n’est pas notre faute. Il suffit de bien
courante. Aujourd’hui, presque tous les équiper les hôpitaux. Néanmoins, nous cou-
spécialistes sont dans le secteur privé. « vrons ce manque. La plupart des spécial-
Nous le faisons pour promouvoir la qualité istes travaillent également dans les cliniques
de soins de santé. Dans les hôpitaux publiques. Chaque praticien établit son ho-
publics, qui ont la plupart une autonomie de raire pour faire des consultations ».
gestion, les responsables gèrent mal les in- Ainsi, les patients qui ont plus de moyens
frastructures de santé. Souvent, nous préfèrent se faire soigner chez les médecins
du burundais moyen s’en trouve affecté lieu de revenir travailler dans de mauvaises
sommes obligés de renvoyer les patients privés. Toutefois, la prestation des soins
surtout pour les plus démunis. « Si c’est ur- conditions.
parce que nous manquons du matériel. Cela tend à coûter plus cher dans le privé que
gent, tu dois te débrouiller pour trouver les Rémunérer davantage les médecins? C’est
nous est insupportable » , nous dit le Dr dans le public. Une consultation y coûte
frais de te faire consulter rapidement dans ce que souhaitent ces spécialistes. Mais le
M.J. Ce phénomène s’expliquerait égale- 8000 FBu, contre 1000 Fbu dans un hôpital
le privé » ; témoigne N.B. problème ne sera pas résolu pour autant. Le
ment par le salaire insuffisant des médecins. public. Un contraste qui n’étonne pas outre
Même si le secteur public est défaillant, le Dr N.N parle de restructuration de toutes les
Selon ce docteur, les 400 000Fbu par mois mesure M.J : « A voir dans d’autres pays,
privé offre au moins une alternative pour le infrastructures de santé. Chose qui ne se fait
ne concordent pas à leur statut et à la déli- nous soignons presque gratuitement. »
maintient des médecins dans le pays. Selon pas en un seul jour. Par ailleurs, pour ces
catesse de leur travail. Mais ceux qui ne peuvent pas payer les con-
le Dr M.J., le ministère de la Santé publique spécialistes, le secteur privé est plus al-
Être médecin est une vocation. C’est la com- sultations dans le privé, attendent de longs
favorise ce phénomène pour désengorger le léchant : « Nous préférons prester dans des
passion et l’accompagnement du malade jours pour en bénéficier dans le public. C’est
secteur public. Sinon les autres médecins conditions pécuniaires plus favorables. »
dans sa souffrance. Alors, on peut se de- le cas de des femmes enceintes qui doivent
qui font leurs spécialisations à l’étranger, ne
mander pourquoi ils ouvrent des cabinets où faire une échographie. Elles doivent atten-
pourront pas revenir s’ils ont l’opportunité de Nkurunziza Lyse
ils gagnent plus ? « On ne peut pas passer dre plus d’un mois. Ainsi, la qualité des soins
gagner plus. Ils seront tentés d’y rester au

Diabète : une maladie mal connue


Le Burundi est touché par la ou diabète de l’enfant) se caractérise par Comment se manifeste-t-il ? complications liées à cette maladie. Pour le
croissance du diabète de type 2 une sécrétion insuffisante d’insuline ou arrêt Dans le type1, les symptômes sont nets. Le type1, l’insuline est essentielle pour la
(90% des malades). Le diabète de la production de l'insuline. Il est mortel malade a tout le temps soif, urine abondam- survie. Et c’est pour toute la vie. Pour le
en tant que tel est la troisième sans l’administration quotidienne d’insuline. ment et tout le temps (polyurie), a une soif type2, quand le contrôle du poids et l'exer-
cause de mortalité. Il est la pre-
Il représente 10% des patients diabétiques. excessive (polydipsie), une faim perma- cice ne suffisent pas pour acquérir un con-
mière cause de cécité avant 65
ans, d’amputations et une
2.Le diabète de type 2 (diabète de l’adulte) nente, une perte de poids de dix à 20 kg en trôle idéal des glycémies, une thérapie
source importante de complica- est dû à une mauvaise utilisation de l’insu- quelques jours, une altération de la vision et médicamenteuse sera nécessaire.
tions cardio -vasculaires. line par l’organisme. L’organisme résiste à la fatigue. Ces symptômes peuvent appa- Peut-on éviter ces complications ?
l'action de l'insuline au niveau cellulaire. L'in- raître subitement. Il faut qu’après 5 ans de diabète, tous les pa-
suline est nécessaire pour faire entrer le Dans le type 2, la montée de la glycémie est tients diabétiques de type 1 soient vus an-
Le docteur Nitunga Nestor, interniste en-
sucre dans les cellules. Cette résistance lente mais progressive. Dans ce cas, le nuellement par un spécialiste pour les yeux
docrinologue nous en parle rend celle-ci moins efficace. Alors à ce mo- malade est en générale peu symptomatique. qu'est l'ophtalmologiste. Pour tout patient di-
ment, la glycémie monte. Il représente 90 % Les signes cliniques sont parfois totalement abétique, l'ophtalmologiste devient le
Qu'est-ce que le diabète?
des cas de diabète et résulte principalement absents ou sont souvent moins prononcés. meilleur ami de ses yeux pour un dépistage
d’un surpoids et du manque d’exercices De ce fait, il arrive que la maladie ne soit di- précoce. Chacun devrait savoir qu’à partir
Le diabète est une accumulation du sucre
physiques. agnostiquée que plusieurs années après de 30ans à 35ans, il faut faire un examen de
dans le sang (l’hyperglycémie). C’est une
son apparition, alors qu’il y a déjà des com- glycémie sans qu’on soit nécessairement
maladie chronique qui apparaît quand le
Quelles sont les causes du diabète? plications. malade.
pancréas ne sécrète pas assez d’insuline ou
Dans le type 2, il y a des facteurs génétiques
quand l’organisme utilise mal l’insuline qu’il
qui interviennent (hérédité), la sédentarité, Est-ce que le traitement est le même Lyse Nkurunziza
produit. L’insuline est une hormone qui
le type d’alimentation à l’occidental trop riche dans les deux cas ?
régule la concentration de sucre dans le
en sucre fin et en graisse. Il y a également Dans tous les cas, le traitement global du
sang. Il y a deux sortes :
l’obésité et l’inactivité. patient diabétique consiste à prévenir les
1.Le diabète de type 1 (insulinodépendant

Les complications tique). De ce fait, deux différentes situa- du cristallin. Egalement, la néphropathie agréable. Le toucher peut ainsi devenir
dues au diabète tions sont possibles: diabétique qui est une atteinte du rein. Elle désagréable.
Dans le type 1, il y a la rétinopathie dia- ● Atteinte cérébro-vasculaire, soit l'oc- consiste en une perte de capacité de fil- Une autre complication du diabète est
bétique qui consiste en une augmentation clusion des artères nourrissant le cerveau. tration des protéines. l’impuissance chez les hommes et une
du nombre des vaisseaux qui nourrissent ● L'infarctus qui est une cause impor- ¬ au niveau des nerfs : La polyneu- perte de la qualité de l’acte sexuel chez
la rétine. Malheureusement, l'augmenta- tante de mortalité et de morbidité chez les ropathie diabétique est possible. Elle con- les femmes.
tion de ces vaisseaux chez le patient dia- patients diabétiques évoluant en âge. siste en une perte de sensibilité graduelle Atteinte nerveuse digestive au niveau du
bétique fait en sorte qu'ils sont de faible L'obstruction des artères des membres in- qui se manifeste au début surtout par l'at- petit intestin ou du gros intestin. Elle peut
qualité et peuvent saigner facilement. férieurs, soit les petites artères du pied ou teinte au niveau du gros orteil. Elle peut apporter des problèmes de constipation à
Dans le type 2, on peut regrouper les du mollet, apporte des problèmes de per- progresser à tout le pied, toute la jambe l'inverse des diarrhées importantes
complications en trois catégories : fusion au niveau des tissus, des muscles et par la suite attaquer simultanément les chroniques.
¬ au niveau des artères : et de la peau des pieds et des mollets. mains. Les symptômes peuvent consister
Le malade peut avoir une baisse de la ¬ au niveau des vaisseaux : le malade en une perte de sensibilité, et parfois en
tension artérielle (hypotension orthosta- peut avoir la cataracte qui est une maladie une variation de la qualité de la sensation
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 ECONOMIE 11

Le Fond Spécial Carburant tombe dans les oubliettes


Le Fond Spécial Carburant (FSC) a été créé au Burundi en avril Economiques (OLUCOME)
1983, dans le but de stabiliser les prix à la pompe. D’autres mis- adresse un mémorandum au
sions lui seront assignées à partir de 2001 mais une gestion Président de la République. Il
opaque s’en suivra. En 2006, le Gouvernement Burundais décide fustige « l’incurie du secteur

T.S
de le gérer dans un fond commun, au Trésor Public. Aussitôt, pétrolier qui engendre une
l’opinion publique y voit une malversation et entrevoie sa dispari-
paupérisation des consom-
tion pure et simple.
mateurs. » Il se demande à «
, membre d’une association tures diverses » sont assurés par lui. qui profite cette situation » si
burundaise des pétroliers, ne La gestion du FSC est jalonnée de zones ce n’est que « le cartel qui y
mâche pas les mots lorsqu’il d’ombres malgré les sommes faramineuses opère. »
dénonce la gestion louche du fonds destiné qui lui sont alloués, à l’instar des 80000 USD Faux, rétorquent les
à réguler les prix à la pompe. « Malgré sa qui y transitent mensuellement. Les anom- pétroliers qui appellent
gestion, que nous jugeons chaotique alies proviennent de certaines opérations il- l’OLUCOME à plus d’objec-
d’ailleurs, nous continuons à l’alimenter. légales d’une part, et leur justification tivité dans ses déclarations.
Seul, l’Etat est responsable de cette insta- douteuse d’autre part. Par conséquent, Sinon, « ce qui a fait votre
bilité permanente des prix du carburant. » l’opinion publique devient sceptique à l’en- [OLUCOME] réussite risque
Pétrolier aussi, A.R s’insurge contre l’inca- droit de l’honnêteté des gérants. d’être votre perte. » Les So-
pacité du Gouvernement à faire face aux La guerre des responsabilités ciétés Pétrolières du Bu-
fluctuations liées à la hausse du prix du car- Selon un audit des dettes croisées de février rundi précisent, dans une « proposer, sur base des critères objectifs, les
burant: « Comme les autres pays de la sous 2008, entre l’Etat du Burundi et le secteur lettre du 30 mai 2008, qu’elles « supportent prix des produits pétroliers (Essence, Gasoil et
région, le Burundi est tributaire du prix mon- pétrolier, la dette de l’Etat est arrêtée à 945 des charges de plus de 62,28 Fbu qui sont Pétrole). »
dial du baril. Le Fonds devrait donc permet- 317 117 FBu au 31 décembre 2006. Mais purement et simplement ignorées par l’au- Cette commission devra, en outre, « proposer
tre une stabilité du prix à la pompe, au moins aussi, les pétroliers lui doivent 41 588 992 torité. » les modalités de réguler les prix des produits
pendant une année ! » 106 FBu à la même date. Pour plus de transparence pétroliers dans l’intérêt du consommateur en
En effet, le premier objectif du FSC est de sta- En mai 2007, Denise SINANKWA, ex-Min- La réalité est que la hausse du prix du pét- tenant compte des taux de taxation. »
biliser les prix du carburant, lorsque ceux-ci istre des Finances, ordonne à la Banque role entraîne celle des prix des produits de Qu’en est-il du FSC et de son avenir ? La
subissent des variations importantes à la Centrale du Burundi (BRB) de vider 48 première nécessité. Pour l’OLUCOME, « la réponse n’est pas dans les attributions de la
hausse sur le marché mondial. Le second, comptes spéciaux pour rassembler un mon- population ne s’est pas encore remise des nouvelle commission. Peut-être parce qu’il
depuis 2001, est l’achat des véhicules de l’Etat. tant de 8,6 milliards de Francs burundais. chocs causés par le passage du prix de est difficile ou même périlleux de clarifier ce
Ainsi, cette dépense supplémentaire va en- Somme destinée, précise-t-elle, à apurer les l’essence de 1600Fbu en décembre 2007 à qui s’est passé qui, selon l’OAG, « est qual-
gendrer un débordement sur l’utilisation du arriérés envers le secteur privé afin d’attein- 1860, trois mois après. » ifiable de détournement ou de mauvaise
Fonds pour des fins étrangers à ces deux dre le niveau que la Banque Mondiale pou- Il dénonce le manque « de lois claires depuis gestion du simple fait que l’utilisation du
missions lui assignées par les lois de Fi- vait juger satisfaisant. près de 12 ans dans un secteur aussi Fond s’est faite en dehors de l’objet lui as-
nances de 2001 à 2004 et les textes de La société INTERPETROL va empocher stratégique. » signé par la loi. »
référence. plus de huit milliards de francs burundais. Ainsi, la deuxième vice-présidence crée, en avril Il est impératif que la poche du contribuable
Une analyse diligentée par l’Observatoire de Tollé général dans l’opinion politico- 2008, une commission permanente chargée ne continue pas à être saignée pour remplir
l’Action Gouvernementale (OAG) en 2005, économique. des produits pétroliers. Elle fonctionne sous celle des gestionnaires.
révèle que « les frais des voyages » de cer- Une année plus tard, l’Observatoire de Lutte l’autorité du Ministre ayant le Commerce dans
taines autorités ou « les paiements des fac- contre la Corruption et les Malversations ses attributions. Entre autres missions, elle doit Didier Bukuru

INITIATIVE JEUNES
Les citadins prennent goût à la culture burundaise
Jadis pratiquée par les ru- membres du club pour leurs besoins re-
raux, la danse du tambour « spectifs.
sacré » intéresse aujourd’hui Pendant la cérémonie, un membre qui se
les citadins. Vingt jeunes de méconduit est sanctionné d’une amande de
la zone Mutakura réunis 2 000Fbu, précise Bonfils. Quant aux mem-
dans le Groupe Interconti- bres du club à bas âges, ils ne reçoivent pas
nental de Bujumbura s’ex- directement de l’argent, c’est plutôt leurs
hibent dans des cérémonies parents qui le récupèrent.
sociales. Ils gagnent un peu

I
d’argent et font rayonner Un club soutenu et motivé
notre culture. Le groupe a commencé avec huit jeunes et
huit tambours. Actuellement, continue le re-
ls sont motivés et dynamiques. Ces je- sponsable, le club compte 24 membres per-
unes de Mutakura dont l’âge varie entre 7 manents dont quatre filles et 12 apprentis. Il
et 18 ans ont initié un club culturel, le ajoute que pour adhérer dans le club, au-
Groupe Intercontinental de Bujumbura. « cune condition n’est exigée.
J’aime la culture dès mon bas âge. A 11 ans En août 2007, le Représentant Légal de l’é-
déjà, j’adhère à un groupe du centre des je- cole Groupe Intercontinental de Bujumbura j’éprouve l’envie de découvrir mon pays et La collaboration est parfaite entre le club et
unes orphelins Méo Avissi de Cibitoke», af- leur donne une place pour les répétitions. Il connaître l’historique du tambour». Il pour- d’autres groupes de tambourinaires, précise
firme Bonfils Kamana, 18 ans. Elève en leur offre aussi un don de 12 tambours et suit en disant que l’argent qu’il reçoit le rend le responsable : « Ils peuvent solliciter un
9ème au Lycée portant le nom du groupe. Il une tenue d’exhibition. « Sans s’ingérer autonome dans ses petites dépenses. service auprès de nous et vice versa». Le
est le plus âgé et responsable du club. dans les affaires du club, il nous a promis responsable interpelle en outre les jeunes à
« Notre tarif est de 80 mille fbu par céré- des études gratuites », renchérit Bonfils. H. Clovis, le plus jeune du groupe, est âgé ne pas perdre du temps dans des occupa-
monie sociale », affirme le responsable. Il N. Excellent, 15 ans, est tambourinaire de 7ans. En première année à Cibitoke, il tions inutiles : « Rendons honneur à notre
ajoute qu’un montant de 20 000Fbu est depuis 2001. Il est fier d’être tambourinaire commence à jouer au tambour alors qu’il n’a pays en valorisant la culture. Nous les je-
versé à la caisse pour chaque engagement. car, d’après lui, c’est valoriser la culture de que 4 ans : « Je suis fier d’être « umutimbo unes, nous avons un grand rôle à jouer. »
Selon Bonfils, cet argent est destiné au rem- sa patrie : « Depuis mon adhésion à ce club, » et je ne prétends pas abandonner. C’est
placement des tambours usés et l’entraide je me sens attaché à ma patrie. En plus ma passion ».
mutuelle. Le reste est partagé entre les Nsabimana Edine Mimi
12 AU COEUR DU PAYS Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

Le secret de Buta
1998. Père Zacharie Bukuru sent une pression intérieure. Il veut rundi après le noviciat : « J’avais pensé en Israël Aimer Dieu et vouloir le suivre, être chrétien sans
répondre à l’appel du Seigneur : être moine. En 2004, il implante ou ailleurs en Afrique. Un soir, alors que je pri- arrières pensées sont les quelques conditions
à Buta le premier et le seul monastère pour homme au Burundi. Sa ais, une conviction claire et nette me montra exigées pour entrer au monastère : « Ce n’est
mission est d’appeler les hommes à écouter Dieu, le contempler, Buta. J’ai combattu deux nuits. J’ai même voulu pas un lieu des saints, mais des pécheurs qui
désobéir. » veulent se convertir et se donner à Dieu.» Pour

12
vivre le bonheur permanent et sûr. Rencontre avec un homme
apaisé et qui prie pour la paix. Selon Père Zacharie, plusieurs raisons l’em- Père Zacharie, un diplôme des humanités
pêchaient de revenir à Buta : le souvenir des en- générales réussies est exigé en vue d’un bon
km de Bururi. Les montagnes sur- 1980. Lors de ma visite à Lourdes (France), un fants tués devant ses yeux, pas de terrain pour suivi de la formation. Le candidat doit être libre
plombent le petit site de Buta. De pe- moine est passé devant moi. J’ai tout de suite construire le monastère… S’il devait faire le de tout engagement familial. L’âge n’est pas con-
tites pistes traversent une forêt compris par intuition que c’est ce que Dieu m’ap- choix, Buta viendrait en dernière position. ditionnel.
d’eucalyptus blancs de plus de 6 mètres de hau- pelait de faire», explique-t-il. Mais les conseils de ses supérieurs et la voix in- Toutefois, les problèmes ne manquent pas : «
teur. A quelques mètres près, une pancarte in- Actuellement le monastère compte deux moines térieure qui s’imposait en lui l’ont convaincu : « Des gens ne me comprennent pas. L’engage-
dique: « Monastère Sainte Marie Reine de la et trois candidatures en attente pour les aspi- Ce n’est qu’après l’implantation du monastère à ment des chrétiens dans le monastère est aussi
paix», « Hôtellerie Saint Bernard. » rants. Il a aussi une hôtellerie pour les retraitants Buta que j’ai compris le sens du martyr de ses latent. Ils ont peur. »
Le calme est total. On n’entend que le souffle des et des cellules des moines et des novices. enfants. Ils sont le pilier, la fondation du Faisant suite à une vie pleine de bonheur et d’é-
grands arbres qui noient le monastère. Le soleil D’après le responsable, le couvent peut accueil- monastère. » panouissement que connaît la vie de moine,
est doux. Une pelouse et des fleurs occupent lir 20 religieux. Père Zacharie interpelle les jeunes et tout chré-
une grande partie. Des fruits, des plants de ba- « Etre moine ce n’est pas fuir la vie. » tien qui sent l’appel du Seigneur en lui de ne pas
naneraies, des avocatiers et quelques «Vivre un appel intérieur avec une prière en sept s’inquiéter : « Il y a un lieu où on peut s’épanouir,
Pourquoi à Buta ?
légumes… C’est le décor d’un espace d’un temps par jour pour louer Dieu», telle est la mis- où on peut être bien accueilli. Un lieu de bonheur
En 1998, une pression intérieure s’impose. « J’ai
hectare de ce couvent. sion des moines. Selon toujours Père Zacharie, permanent et sûr. C’est au monastère. »
senti que je devrais faire quelque chose de spé-
Teint foncé, grande taille et un sourire aux lèvres, ciale pour Dieu », raconte-t-il. Après sa démis- ils sont appelés à offrir les prières de ceux qui ne
un homme vous accueille avec un mot de bien- sion au petit séminaire de Buta en 2000, ce peuvent pas le faire pour eux-mêmes. C’est Edine Mimi Nsabimana
venu. C’est Père Zacharie Bukuru, le respons- moine fait trois ans de noviciat à Bourgogne en aussi pour vivre les combats du monde et sup-
able du Monastère de Buta. « L’idée de fonder France. porter la misère de ce dernier dans la prière,
un monastère habitait en moi depuis septembre D’après lui, il n’avait jamais pensé revenir au Bu- poursuit-il.

L’homme aux mille souvenirs. loup !»


Fils de Kabeya Vénérand et Nicayenzi Marie, Père Zacharie Bukuru A 17 ans, une période de recueillement personnel tourne la page de
voit le jour en 1954 à Mugano. Il est ordonné prêtre en 1984, après la vie du moine :« J’ai découvert que j’avais un ami intime, qui
ses études de grand séminaire en France. En 2005, il s’engage dans m’aimait de tout son cœur. C’était Dieu. J’ai pris la décision de devenir
la vie de moine après trois ans de noviciat. prêtre.»
Jeune, ce jumeau aime le basket-ball et la natation. La danse et le Homme plein d’émotion, en 1997, il est bouleversé par l’assassinat de
chant sont jusqu’à présent ses hobbies. Sa passion : l’être humain : 40 élèves du petit séminaire de Buta dont il était Recteur. A la de-
« C’est pour moi un mystère de Dieu, un objet de contemplation. » mande de Mgr feu Bududira, il fait un rapport du massacre. Le petit
Grandi dans une famille aisée où l’amour et la joie sont les piliers de récit devient objet d’un grand livre : « Les quarante martyres de la fra-
la vie, il est déçu pendant la crise de 1972 : « J’ai découvert le re- ternité. » Publié le 15 avril 2005, ce livre reçoit le premier prix
vers. J’ai été surpris par la haine des gens. L’homme pouvait être un catholique de littérature.

Le secret de Buta
Le premier moine burundais parle
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 Au coeur du pays 13

On Avance
Hier vendeur de brochettes, aujourd’hui propriétaire de bistrots, bœufs ou de chèvres, sur commande. Ce Pour Gérard, l’espoir fait vivre. Il faut viser
Gérard Manimpaye, 36 ans, célibataire, a d’abord travaillé comme qui fait sa réputation. loin pour atteindre ses objectifs. En 2004, il
vendeur de brochettes dans les bars avant d’en ouvrir trois à son Deux ans plus tard, il change d’employeur ouvre un compte dans une banque de la
propre compte. Avec 17 ans d’expérience, son objectif est de créer
dans le souci de trouver mieux. C’est au « place. Elle lui octroie un crédit d’un million

V
beaucoup plus d’emploi en ouvrant des bistrots un peu partout à
Bujumbura.
Maximin », au centre de la ville, qu’il offre auquel il ajoute un prêt de deux millions de
ses services. Des habitués à ses services l’y Fbu acquis auprès d’une maison de micro fi-
suivent. Ceci demeure le fruit des relations nances. Il rachète le « Cercle Universitaire »,
endredi, 27 juin lage d’enfants au quartier Nyakabiga 3, les saines qu’il entretient avec les clients, selon en plein centre de Bujumbura.
18heures. Non chaises et les tables blanches en plastic lui : « Je m’efforce d’être poli envers tout le L’endroit fait actuellement sa fierté : « Grâce à
seulement c’est sont protégées par de gros parapluies. Le monde. » lui [le Cercle Universitaire], j’ai acheté une
presque la fin du client y est chaleureusement accueilli par un Sa persévérance et son amour du travail voiture et ouvert un autre bar, en 2005. » Ce «
mois, mais aussi les serveur souriant. Comme certains, il porte bien exécuté vont porter de bons fruits. En deuxième joyau » lui a valu plus de 6 millions de
activités festives de un tablier rouge. Ceux qui sont à la cuisine, 1995, il vole de ses propres ailes. De petites Fbu. Le « bar SOS » est réputé pour la bonne
chaque fin de se- sont habillés en blanc, « pour que le client économies lui permettent d’ouvrir son tout qualité de ses brochettes de poisson.
maine battent le plein. les distingue facilement », précise Gérard. premier bar à Bwiza, 6ème avenue. Bien Dans sa passion d’investir, Gérard acquiert,
Le vrombissement Les pots de fleurs soigneusement placés que jeune « patron », il continue de s’occu- une année plus tard, le « Castelana », dans
des voitures mêlé à celui des motos assour- dans les coins, la table de billard bien cou- per personnellement de la préparation des la commune urbaine de Ngagara. Comme
dit les piétons. Ils ont du mal à traverser les verte en attendant les joueurs, la télévision brochettes : « Je tenais à ce que le client dans les deux autres bars, il y place un
rues, tellement la circulation est danse. qui diffuse de la musique est-africaine, sont sente ma touche culinaire. » gérant « qui rend compte chaque soir. »
Pour Gérard Manimpaye, c’est le début des tant de signes qui amènerait le client à croire Avec la même abnégation, il reprend « Tu- Son rêve ? « Implanter un bar dans chaque
va-et-vient entre ses trois bars. A l’un d’eux, que la viande et la boisson y sont chers. jajure » dans la commune urbaine de Nyak- commune urbaine. » Pour ce croyant, « Dieu
le « Cercle Universitaire », il veille à ce que « Pas du tout », réfute Vianey N, qui se dit abiga, en 1998. Il agrandit le bar, lui donne béni le travail lorsque vous aidez les gens. »
les clients soient rapidement installés et client du bar. A 2000 Fbu, il commande un un aspect rustique grâce à une clôture et Toutefois, il déplore les vols quotidiens des
servis. Ceux qui ont payé 30000 Fbu pour la plat de brochettes de bœuf ou de poisson. des paillotes en bambous. A 5000 Fbu, le verres, plats et autre matériel par des clients
location de la salle des fêtes doivent trouver Un accompagnement de deux bananes, de poulet rôti ou provençal en devient la spé- ou certains de ses employés : « Sur 100 tra-
tout en ordre. Entre deux communications la mayonnaise et quelques salades y sont cialité. Du coup, les clients qui en raffolent vailleurs, je pense qu’une trentaine est mal-
téléphoniques, il demande à un employé de ajoutés. Une Amstel 65 Cl lui coûtera 1200 ne jurent que par le coin. « Il y avait du honnête. »
nettoyer rapidement une table précédem- Fbu. Selon lui, ces prix sont acceptables monde les samedis et dimanches», précise Selon Gérard, les entrepreneurs moyens
ment occupée. pour des bars du même standing. Gérard. comme lui, aident au développement du
Pour lui, la courtoisie, la rapidité et la pro- Mais tout n’est pas rose dans les naissantes pays : « des familles entières vivent grâce à
preté sont de rigueur « pour fidéliser la clien- L’employé devenu employeur… affaires de Gérard. Un proche avec qui il tra- ce travail. » Si seulement, demande-t-il, le
tèle. » Ses 130 employés, sont tenus au C’est en 1991 que l’aventure commence vaille monte un coup et lui vole une bonne gouvernement pouvait le soutenir dans ses
respect strict de ces trois règles. Nestor N. pour Gérard. Il est simple employé dans un partie de ses économies. C’est presque efforts en revoyant les impôts à la baisse.
se plaît à travailler dans cette ambiance : « bar, « Chez Ntekumutwe », dans la com- avec des larmes aux yeux qu’il évoque cette
Le client n’hésite pas à me donner un bon mune urbaine de Rohero. Abusivement, les épisode sombre de sa vie : « Je n’aimerais
pourboire. » clients l’appellent « Vétérinaire » car, il y est même pas en parler, tellement ce mauvais Didier Bukuru
A l’autre, le « bar SOS », situé dans le vil- pour préparer de bonnes brochettes de souvenir me fend le cœur. »

Transport en commun : Les vieux bus restent en circulation


Démarreurs qui ne démarrent plus, amortisseurs usés, nid de poule. Aline, une étudiante assise à côté d’une vitre bus sont réellement en mauvais état. Cependant, interrogé
de nombreux minibus vétustes restent en circulation au s’inquiète à chaque fois qu’un véhicule s’en approche dan- sur les bus vétustes en circulation, il jette le tort sur les serv-
gereusement. « Un accident même banal pourrait m’être fa- ices de l’Otraco (Office des Transports en Commun) qui sont
grand dam du confort et de la sécurité des passagers.
tale, je suis en première loge », lance-t-elle à qui veut chargés du contrôle technique. Ils devraient ne pas renou-
l’entendre. Fabriqué au début des années 90, ces minibus veler la carte du contrôle technique des véhicules hors
normes, dit-il.

Les transports publics


Alain B, un fonctionnaire s’étonne de voir encore de vieux
mini bus en circulation : « La police fait des contrôles tous
les jours. On ignore la raison pour laquelle, ils ne sont pas
mis hors circuit. » Du côté des transports publics le tableau
n’est pas rose non plus. « L’Otraco a peu de bus, il ne
parvient pas à satisfaire la demande », déclare un passager
rencontré au marché. C’est pourquoi ces minibus prolifèrent
malgré leur mauvais état. On voit encore des bus de l’O-
traco, mais ils se sont apparemment spécialisés dans le
transport scolaire.
Face à une telle situation, on est en droit de se poser des
questions. Pourquoi l’Etat qui est le plus grand employeur du
pays n’organise pas le transport de ses employés ? La crise
socio-économique que le Burundi traverse apporte peut être
une partie de la réponse. Cependant aujourd’hui, à l’heure

L
de la mondialisation, les communications entre les Etats
mais aussi au sein des Etats est un facteur essentiel du
communément appelés Hiace, de fabrication aponaise, développement. Où en est l’Etat Burundais en matière de
es bus dits « Hiace » battent tous les records de vé-
montrent des signes d’essoufflement : démarreur qui ne dé- transport ? Si le Gouvernement a opté pour une politique
tusté, critique Dieudonné qui prend tous les jours un
marre plus, rétroviseurs libérale dans les transports, il reste toutefois le garant de la
bus pour se rendre au travail. Aux heures de midi, sous
dévissés, phares cassés, amortisseurs usés, portes blo- sécurité des personnes.
un soleil accablant, les passagers se pressent aux arrêts
quées. Nombreux bus devraient prendre le chemin de la La police Nationale du Burundi a réussi à imposer le port de
bus du marché central. Au parking des bus de Gasenyi, une
casse. Pour Satura, le représentant de l’association des la ceinture de sécurité. Pourquoi ne retire-t-elle pas les
femme d’une quarantaine d’années rentre dans un minibus,
chauffeurs de Kakiru (Kanyosha, Kinindo, Ruziba), le mau- véhicules qui ne répondent plus aux normes de la circulation
se courbe et s’installe péniblement. A l’intérieur on se serre
vais état des routes est la première cause de dégradation routière ?
à quatre. Des sièges conçus pour trois, ont été remplacés
de leurs véhicules : « Nos bus roulent toute la journée sur
par des bancs de fabrication locale. Collés contre la tôle, les Dima Nzohabonayo
des routes en très mauvais états. Il y a carrément des cre-
occupants se cognent souvent quand le bus passe dans un
vasses au milieu ». Il reconnaît tout de même que certains
14 AU COEUR DU PAYS Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU
ZOOM
« Aux jeunes, il ne faut pas toujours donner
la même soupe ! »
Le Centre Jeunes Kamenge anime la vie de la jeunesse des
quartiers du nord de Bujumbura. A l’origine de cette généreuse et

«D
grandiose œuvre se trouve Claudio, un père xavérien. Selon lui,
des jeunes désoeuvrés constituent un danger social.

ans la vie, il faut faire un choix. Il constate que des jeunes ne sont pas as-
Au lieu de m’amuser, j’amuse sistés. « Par expérience, j’ai déjà remarqué
les autres », affirme Claudio que des jeunes désoeuvrés constituent un
Marano, responsable du Centre Jeunes Ka- danger social. », souligne-t-il. Tandis que
menge (CJK). Originaire de Frioul, petit vil- quand ils font du sport, lisent ou étudient,
lage du nord de l’Italie, Claudio est l’aîné ils ne pensent pas à autre chose, continue-
d’une famille de deux enfants. t-il.
Fils d’un agriculteur, il hérite de ses parents Alors que Claudio pense à un projet édu-
l’amour du prochain, du travail et la mod- catif, il est chassé en 1985 avec 600 mis-
estie. «Ils vivaient de la sueur de leur front sionnaires catholiques sous la Deuxième
pour satisfaire aux besoins familiaux. Pour- République. Il se rappelle avec amertume
tant, cela ne les empêchait pas de partager de ces sombres moments : « On nous a
avec les autres le peu qu’ils avaient. », se jetés dehors comme des malpropres. J’avais
rappelle-t-il. juré de ne plus retourner au Burundi ». ; diverses activités comme des vidéos- paix et d’expression. Les jeunes peuvent se
Jeune, il aimait la vie à la campagne, le voy- Cinq ans plus tard, il revient, sous une con- forum, les nouvelles tehnologies de l’Infor- supporter dans leurs différences.
age, le sport et les films. Il affirme que ses dition : qu’on l’autorise à travailler avec la je- mation, etc… Une grande bibliothèque Toutefois, des problèmes subsistent encore,
parents se sont tardivement procurés une unesse. Décembre 1990, avec l’aide de permet aux jeunes de se documenter et sert comme le précise Claudio : « Certains je-
voiture et un poste téléviseur. Il dit qu’il a l’Evêque de Bujumbura de l’époque, Simon aussi de lieu d’études pour certains. unes veulent avoir de l’argent alors que le
horreur de la monotonie. « Quand j’étais Ntamwana et deux autres Pères xavériens, Centre n’en dispose pas. D’autres sont en-
jeune, je n’aimais pas porter les mêmes ils initient un projet éducatif qui donnera core animés par un esprit de violence ». Il
Un lieu de paix.
habits, sinon je finissais par les haïr. » naissance au CJK dont il est toujours re- rappelle ici l’assassinat du couple Jérôme et
Réputé pour avoir protégé des gens qui
« Etre utile pour les autres, c’est mon rêve sponsable. Joël, anciens travailleurs et membres du
fuyaient les affrontements entre les militaires
de toujours », affirme Claudio M. C’est avec A 57ans, ce père xavérien trouve que sa Centre. Cependant, il tranquillise ceux qui
et les rebelles pendant la crise de 1994, le
passion et détermination qu’il entre au sémi- place est à côté de la jeunesse : « Je pensent qu’il est au service d’une seule eth-
CJK est considéré aujourd’hui comme un
naire des Pères xavériens dès l’âge de 12 partage les mêmes idées et le même lan- nie : « Devant moi, tous les jeunes sont
havre de paix. Il compte plus de trente mille
ans. Il se consacre au sacerdoce et devient gage que les jeunes.» égaux, Hutu et Tutsi. Avec trente mille je-
jeunes ayant entre 16 et 30 ans, toutes eth-
prêtre en 1979. Son rêve venait d’être une Créatif, il pense qu’il ne faut pas toujours unes, je ne peux offrir que ce que j’ai,
nies confondues.
réalité : servir les autres. donner la même soupe aux jeunes. Il admet l’amour. »
Situé au nord de la capitale Bujumbura,
que pour les satisfaire, il faut être imaginatif.
entre les quartiers à majorité Hutu (Ka-
C’est pourquoi le CJK propose aux jeunes
« Ma place se trouve auprès des jeunes » menge et Kinama) et Tutsi (Cibitoke et Mu- Elyse Ngabire
Septembre 1981, Claudio arrive au Burundi. différents jeux comme le football, basket-ball
takura), le Centre est un lieu éducatif, de

Les mineurs se font servir de l’alcool au grand jour


A Bujumbura, des jeunes de moins de 18 ans, filles et garçons
fréquentent assidument les bars. Ils expérimentent « les pro-

L
fondeurs de l’ivresse » sans se cacher. Un phénomène nouveau
qui semble laisser indifférente la société burundaise.

es garçons et les filles entre 15 et 17 des boissons alcoolisées. Pourtant, certains


ans sont de plus en plus nombreux à commerçants ne s’inquiètent pas du jeune
consommer de l’alcool, remarque âge des clients. « De nos jours, il est difficile
Ema, élève en terminale dans un lycée de de faire la différence entre les mineurs et les
Bujumbura. Au mois de juillet, c’est le début jeunes de plus de 18 ans. Les mineurs trou-
des vacances pour les élèves du sec- vent toujours un moyen détourné de se pro-
ondaire, une occasion de faire la fête. La fin curer de l’alcool », rapporte un boutiquier. Il
de l’année est célébrée par un « gong explique que les mineurs se font accompa-
unique », petite fête entre camarades où al- gner par des jeunes plus âgés, disant que
cools et musiques sont les principaux ingré- ce sont leurs grands frères. Quand on ne les
dients pour créer l’ambiance. Suivent sert pas, ils deviennent menaçants.
ensuite les tournées nocturnes ou plutôt «
ibirori » d’après leur jargon. Les soirées des Pourquoi les mineurs s’adonnent
adolescents se passent généralement en à l’alcool ? cadrement . Il précise qu’il n y a pas d’infra- Qu’en est-il chez nous, faut il jeter le tort sur
dehors du cercle familial, chez des amis, Selon Richard N, il y a eu un relâchement structures dédiées aux divertissements pour la publicité omniprésente dans ce domaine
dans un bar ou dans les discothèques. au niveau des mœurs et coutumes. Les par- la jeunesse : de communication ou au manque de
Actuellement, l’accès à l’alcool est devenu ents ont renoncé à lutter contre les effets né- « Pendant les vacances, ils regardent prévention dans les écoles et les lycées ? «
facile pour les adolescents. Les établisse- fastes de la modernité. Il affirme que vers la surtout la télé et les publicités qui incitent à L’explication est à chercher du côté des par-
ments qui vendent des boissons alcoolisées fin des années 80, il était impensable de voir la consommation. » ents et des pouvoirs publics », affirme Willy.
se sont multipliés dans les quartiers de Bu- un élève dans un bar ; et encore moins des En France, un des plus grands exportateurs Y a-il lieu de faire marche arrière ? Un
jumbura. C’est surtout le cas pour les bou- filles. La société est devenue plus tolérante d’alcools au monde, la loi dite « Evin » in- proverbe kirundi dit qu’il faut assouplir un
tiques alimentaires. Ces dernières vendent quant à la consommation de l’alcool par les terdit toute publicité pour les boissons al- arbre tant qu’il est encore jeune.
de l’alcool mais aussi les clients peuvent se jeunes, poursuit Richard. « Pire, aujourd’hui, coolisées à la télévision et au cinéma. Même
rafraîchir sur place. Dans les bars, les com- on voit des adolescents de quinze à dix sept le parrainage de manifestations sportives et Dima Nzohabonayo
merces ou lieux publics, il est interdit de ven- ans ivres… ». Willy, un jeune éducateur, culturelles est exclu s’il a pour finalité la pub-
dre ou d’offrir gratuitement à des mineurs considère que c’est plutôt un problème d’en- licité.
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 AU COEUR DU PAYS 15

TRANCHE DE VIE
Jadot, le jeune qui veut reboiser Bujumbura
Jadot, un jeune élève de 16 ans, défense, Germain Niyoyankana de m’aider. de moyens. En plus je perds énormément
est déterminé à faire le reboise- Il m’a procuré à plusieurs reprises de gros de temps de revoir mes cours. Je crois qu’ils
ment de la capitale. Jusqu’à camions. À chaque tour, j’amenais plus de me jugeaient comme un profiteur. Mais je
maintenant, il a planté plus de 5 cent mille plants d’arbres. reste déterminé.
1 million deux cent mille ar-
bustes dans divers endroits.
Mais par manque de soutien, Où les avez-vous plantés ? Aucun profit derrière cela ?
quelques milliers de boutures J’ai pu planter 1million deux cent mille ar- Non ! (Nerveux). Tout le monde pense que je
ont été abîmés. bres sur les bords de la rivière Ntahangwa, le fais pour gagner de l’argent. J’utilise mes
sur la colline Sororezo, dans le camp mili- terres pour les pépinières. Les seuls moyens
Qui êtes-vous Jadot? taire Bataillon Para de Musaga, dans le que je sollicite concernent de transport
Je suis né le 12 juillet 1992. Je suis le deux- camp Kamenge, et à l’école primaire de « jusqu’en ville. Tout ce que je fais, c’est pour
ième garçon d’une famille de cinq enfants. Jardin Public » où j’ai fait mes études pri- mon pays.
Je suis orphelin de père. Ma mère est com- maires. Tout cela, j’ai pu le faire avec l’appui
merçante. Je suis élève en neuvième au de l’association des taxis vélos, STAVEBU, Pas d’autres projets ?
Collège Municipal de Nyakabiga. Solidarité des Taxis Vélos du Burundi. Pour Je participe également à l’assainissement
ne pas perturber mon emploi du temps à l’é- de la ville lors des travaux communautaires.
cole, nous les plantons les samedi lors des Pendant ces prochaines vacances, je
Pourquoi vous vous occupez du re- travaux communautaires. Mais par malheur,
Qui vous a aidé ? compte fabriquer des briques pour la con-
boisement de la capitale ? J’ai toqué à plusieurs portes. Je suis allé voir d’autres arbustes ont été abîmés faute de struction des écoles avec le soutien de mes
Tout a commencé en 2006, quand je suis l’ancien maire de la ville Elias Buregure pour pouvoir les ramener en ville. confrères.
parti en vacances chez mes grands parents lui expliquer mon plan et le bien fondé de ce
à Banga (province Kayanza). J’ai participé reboisement. Etant trop jeune, il ne m’a pas Que s’est-il passé ? Nkurunziza Jadot, élève en neuvième au
aux travaux de reboisement de cette région cru sur parole. Nous sommes partis ensem- On a nommé un autre maire de la ville. Le
avec les paysans. Ils plantaient des arbres ble afin de vérifier si j’avais réellement ces collège Municipal de Nyakabiga, est un
nouveau était très occupé. Je ne pouvais
en pépinière. Cela m’a passionné. J’ai hérité arbustes. Après vérification, il m’a donné un membre du mouvement scout de l’unité
pas aller le voir tout le temps. J’ai essayé de
de mon grand père une vaste propriété. véhicule de marque Toyota avec un chauf- Sainte Turienne de Mutanga Sud. Le
contacter d’autres personnalités, mais à
Ayant constaté une carence d’arbres à Bu- feur pour le transport de ces derniers vers chaque fois on me donnait de faux rendez- jeune Jadot est passionné par le sport
jumbura, j’ai eu l’idée d’y planter 3 millions Bujumbura. De plus, il m’a accordé un es- vous. En me trouvant trop jeune, ils ne me surtout le football et le basket. Il déteste
arbustes. Ensuite, j’ai demandé de l’aide pace et des travailleurs pour leur entasse- donnaient même pas le temps de m’ex- l’injustice sociale.
pour les déplacer jusqu’à la capitale. ment. Mais, vu leur nombre considérable, j’ai primer. Ne sachant pas que le travail que je
également demandé au ministre de la fais nécessite une assistance et beaucoup Lyse Nkurunziza

Les rapatriés sans repère


Interview avec l’Abbé Astère Kana, Président de la Commission Nationale des Terres et Autres Biens (CNTB)
Ils sont nés en exil. Ils débar- Ils sont contents de rentrer, mais pas con- Nous gérons davantage ceux qui n’ont pas
quent dans un pays inconnu. Ils tents des conditions d’accueil qu’ils vivent. les moyens, c’est- à- dire ceux qui restent
quittent des camps de réfugiés Ils quittent un camp pour rentrer dans un dans les camps de transit. Une fois qu’une
pour d’autres camps dits de autre. Ils passent beaucoup de temps à at- personne reçoit la carte nationale d’identité,
transit. L’abbé Kana évoque
tendre leur installation. On prépare leur ac- elle a droit de vivre n’ importe où au Burundi.
cette catégorie de la population
qui cherche une terre et une
cueil dès qu’ils sont déjà venus. Ceux qui n’ont pas de diplômes, ce sont eux
identité. Lorsqu’ un réfugié rentre, on vérifie sa carte qui ont des difficultés. Ils restent dans les
nationale d’identité afin de procéder à son camps.
installation. Il y a une personne qui vient de
Qu’est-ce qui explique qu’une personne
passer une année au camp de transit de Ma- Quelles sont vos observations par rap-
soit rapatriée sans repère ? banda (Province Makamba).
Par exemple, les enfants qui sont nés en port aux résultats que vous avez déjà en-
l’exil, dont les parents sont morts, savent registrés en rapport avec les rapatriés
Où est- ce qu’on rencontre beaucoup
qu’ils sont Burundais mais ne savent pas sans repères ?
d’où ils viennent. Les femmes mariées en plus de rapatriés sans repères ? La première, les rapatriés sans repères ex-
exil, lorsqu’ elles rentrent seules, elles sont Les rapatriés sans repères sont accueillis istent et sont nombreux. Il y a difficultés de
sans références. Elles ne sont pas accep- dans tous les camps de transit : à Nyanza- les installer, parce que le gouvernement n’a
tées dans les familles de leurs maris. A leur lac, Mabanda, Gisuru et à Giteranyi. Les pas de moyens. Le HCR avec d’autres or-
plus nombreux sont à Mabanda. bénéficient des soins gratuits sur une durée
retour, il y a des femmes qui sont abandon- indéterminée. C’est le ministère de la soli- ganisations internationales font leur possi-
nés au Burundi, parce que leurs maris ont darité qui les installe à travers la PARESI et ble. Mais il y a ceux qui passent beaucoup
d’autres femmes. A Nyanza –Lac, il y a des Ces rapatriés, rentrent –ils de leur propre
la CNTB .Cette dernière fait des démarches de mois dans les camps de transit, ce qui
femmes qui sont rentrées avec leurs maris volonté ou forcés? pour leur trouver des terrains cultivables. n’est pas bon. D’autres sont installés dans
mais, par après, ces derniers ont disparu. Ils rentrent volontairement .Nous savons que les villages et n’ont pas où cultiver .Il y a
Ces femmes se déclarent également sans depuis un certain temps, il y a une volonté aussi un problème de suivi .Enfin, il n’est pas
Au point de vue socioprofessionnel,
références. Il y a aussi des personnes qui du gouvernement tanzanien de les forcer à facile de leur donner des terres. Pour leur
ne veulent pas retourner chez eux, parce rentrer. Nous pensons qu’ils ne regrettent sont-ils facilement intégrés ? donner des terres, il faut une planification.
pas de rentrer, non, non. Ils veulent rentrer. Le ministère de l’éducation et les autres min- Pour faire une planification, il faut qu’il y ait
qu’elles ont vendu leurs propriétés avant de
Seulement, ils sont déçus des conditions istères trouvent toujours des places pour les des statistiques. Or, les statistiques n’exis-
s’exiler. Elles se déclarent sans références.
d’accueil. rapatriés. C’est donc une préoccupation du tent pas. Puisque ces rapatriés sont recen-
Un autre cas est celui des personnes qui vi-
gouvernement. Ceux qui rentrent avec leurs sés quand ils viennent, on ne sait pas le
ennent des régions surpeuplées (cas de la
diplômes s’insèrent facilement dans le mi- nombre exact de tous les réfugiés bu-
province de Kayanza). Ces dernières ne Les rapatriés sans repères, sont –ils
lieu du travail. Mais ce n’est pas tout le rundais. Alors, si on distribue des terres, on
veulent pas rentrer chez eux et se déclarent aidés ? monde, car il y a le problème de l’emploi risque de les terminer sans que tout le
aussi sans références. Oui, ils sont aidés. Ils sont accueillis dans dans notre pays. monde soit servi.
les sites de transit et sont assistés par le
Quelles sont les conditions de vie des ra- HCR (Haut Commissariat des Nations Unies
Qu’envisage la CNTB pour palier une
patriés? pour les Réfugiés) et le ministère de la soli- Samson Mbonyingingo
darité. Quand ils sont dans les camps, ils telle situation ?
16 SECURITE Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

Y AURAIT-IL DES NEGOCIATIONS ENTRE LE GOUVERNEMENT ET


LES DISSIDENTS DU PALIPEHUTU-F.N.L D’AGATHON RWASA ?
Les dissidents du Palipehutu-F.N.L at- passée : « Rwasa prétendait défendre la role de ce mouvement, Pasteur Habimana, Le responsable du site Buramata ne
tendent la fin des négociations entre eux cause hutu alors que les Hutu occupent les « ces hommes ne sont pas reconnus par la souhaite pas une réunification entre ces
et le Gouvernement pour intégrer l’armée principales fonctions dans tout le pays. La communauté internationale ». Il poursuit en deux branches armées. Comme il le dit lui-
et la police et occuper des fonctions poli- dernière raison à la base de cette disloca- disant que ce sont des manœuvres du Gou- même, Rwasa est un « traître » car il les a
tiques. Néanmoins, la facilitation sud- tion est que le Palipehutu-F.N.L voulait vernement burundais pour les anéantir. attaqués depuis Buterere, Rugazi et Ma-
africaine basée à Bujumbura ne confirme libérer ceux-là même qui subissaient le mar- Selon toujours Habimana, ces regroupés ont tongo sans oublier Kabezi alors que c’était
pas cette information. Le Palipehutu- tyre pendant la guerre », a-t-il expliqué. même changé d’appellation : « ils se récla- leur compagnon de lutte. Il ajoute aussi que
F.N.L d’Agathon Rwasa ne reconnaît pas ment du F.N.L et omettent le Palipehutu. » Rwasa n’est pas rentré au pays par amour
cette dissidence. Le Palipehutu-F.N.L d’Agathon Rwasa ne re- mais par faiblesse.
connaît pas ces dissidents. Pour le porte-pa- « Pas de réunification ! » Concernant la question de savoir si tous

Agathon Rwasa
Jérémie Icoyashinze

Les dissidents du Palipehutu-F.N.L re- ceux qui sont casés au site Buramata sont
groupés à Buramata espèrent intégrer les de vrais rebelles, il est affirmatif : « tous ceux
corps de défense et de sécurité et avoir une qui se trouvent ici sont de vrais combattants
place dans d’autres institutions. Le « Com- de notre mouvement. » Quant à ceux qui
mandant de Brigade » Jérémie Icoyashinze, disent qu’ils se ravitaillent auprès de la pop-
chef de la position Buramata l’affirme: « Les ulation environnante, le « Commandant de
négociations sont en cours entre le Gou- Brigade » Icoyashinze réfute ces accusa-
vernement et notre mouvement et sont sous tions. Il précise qu’ils sont bien nourris et
les auspices de la facilitation sud-africaine. » soignés par la facilitation.
Il donne la liste de ceux qui les représentent Pour lui, ceux qui répandent ces rumeurs
dans ces pourparlers, en l’occurrence Willy sont les membres de certains partis poli-
Freddy, Melowé et lui-même. tiques. Ces derniers, explique-t-il, n’ont pas
Pourtant, cette facilitation n’est pas au été satisfaits du retour d’Agathon Rwasa sur
courant de ces négociations. Elle ajoute que Bujumbura. Même s’il n’a pas voulu les citer,
depuis le 15 mai 2008, il n’y a plus de com- il ajoute qu’ils voulaient que le Burundi reste
munications entre les dissidents et cette fa- une zone d’insécurité afin que le désordre
cilitation. Même si cette dernière n’a pas continue. De ce fait, poursuit-il, les politiciens
voulu s’exprimer sur cette question, d’au- allaient profiter de cette situation pour exiger
cuns pourraient se demander s’il n’y avait l’impossible au Gouvernement.
pas de relations avant cette date. Le site Buramata se situe dans la Province
Côté Gouvernement burundais, sa porte- Bubanza et compte 1531 combattants. A
parole Mme Hafsa Mossi, affirme ne pas quelques kilomètres, à Randa, un autre site
être au courant de ces pourparlers : « Si ces compte 2872 éléments. Tous ces rebelles af-
dissidents ont dit qu’il y a des négociations, firment que ce sont des dissidents du
moi je n’en sais rien. Peut-être qu’on ne m’a Palipehutu-F.N.L. Une inquiétude ne
pas encore informée.». manque pas quant au sort de ces anciens
Le « Commandant de Brigade », Icoyash- combattants. Jusque quand vont-ils rester
inze, donne quatre raisons qui ont motivé dans ces sites?
leur départ : la première est qu’ils ont con-
staté que Rwasa voulait pérenniser la Dieudonné Hakizimana
guerre, la seconde est que ce mouvement & Christian Bigirimana.
ne pouvait pas arriver au pouvoir par force,
si ce n’est que par négociations. Enfin, Gnl Mjr Evariste Ndayishimiye
l’idéologie du F.N.L était en ce moment là dé-
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 SOCIETE 17

Diomède Niyonzima, le poète blessé


Pendant 5 ans, Diomède compte les minutes qui le séparent de la publication de son moins ou être parrainé par une célébrité poli- Une impatience grandissante…
premier recueil de poèmes ‘Héritiers d’un nouveau monde’. Une cinquantaine de tique au plus, tu n’es pas pris au sérieux ! », « Je passai mes nuits les yeux grands ou-
résume-t-il. verts, je revoyais sans cesse mon projet. Je
poèmes qui relatent la vie de tous les jours, la révolte d’une jeunesse blessée par
souffrais de chaque minute qui me séparait
la guerre sans oublier la richesse de notre culture.
Une parole tardive de la sortie tant rêvée de mon recueil. Pen-
‘Quand j’étais petit, je ne parlais pas !’ Etrange dant 5 ans.» Ce 27 Juin, il l’a présenté dans
qu’il vient de passer, son regard s’éveille. « aveu d’un des plus jeunes écrivains burundais, l’amphithéâtre de l’Université Lumière. L’œil
Un soir de 2004, j’ai croisé un monsieur qui né en 1982 à Kirundo. Il est de ceux qui ont fier, devant des amis et des professeurs d’u-
m’informa que le ministère ayant en charge vécu 93 et ses horreurs : « J’ai fait trois années niversité… les cheveux toujours impres-
la Jeunesse pouvait m’aider à publier mon sans étudier, jusqu’en 1996, ayant abandonné sionnants ! Diomède ne s’est pas retenu de
œuvre », se souvient-il. La tête haute, ma province natale.» Aîné de famille, il en parle fustiger « le manque de volonté politique de
Diomède se lance à l’aventure et dépose pourtant très peu, une manière de souligner sa la part des autorités pour soutenir les artistes
une lettre de demande de financement au pudeur… Sa chevelure, noire et très fournie re- burundais.»
ministère de la Jeunesse et des Sports. tient l’attention. La voix aussi, même si Diomède ‘Héritiers d’un nouveau monde’ nous parle
La réponse ne lui parvient qu’en 2006 ! Les affirme « s’exprimer mieux sur papier qu’orale- de la vie et ses violences- « La Fleur Violée
services ministériels y louent la créativité du ment ». Ses premières publications poétiques », et ses bonheurs aussi-« Les délices »…
poète mais s’excusent : « Les frais alloués à virent le jour au collège de Mivo, à Ngozi, puis On y redécouvre le Burundi et sa culture-«
ce genre de travail sont au ministère de l’E- au Lycée Ngagara, ancien Ecole Normale de Umuhororo : arbre sacré du Burundi », ou
ducation, qui s’occupe aussi de la promotion l’Etat (ENA). «C’était une grande joie que d’en- ses périodes sombres « Brise le silence »…
culturelle.» Une correspondance adressée tendre mes camarades de classe me dire qu’ils Poète engagé ? Diomède répond par un ‘oui’
à ce dernier revient avec le même contenu appréciaient mes textes. Je composais des spontané: « Je ne peux pas me taire devant
assommant. Diomède Niyonzima est prié pièces de théâtres, des poèmes aussi. Je ne une situation qui m’interpelle ! »Avant d’a-
entre autre de s’adresser au Ministère de la les déclamais jamais, je n’en jouais pas non jouter un ‘non’, qui s’explique aussi: « Je ne
Culture, « où son œuvre est destinée». Des- plus. J’étais mon auditoire !» La poésie lui fais que constater la réalité, et la décrire.»
tination inconnue ? Pour clarifier ce jeu de viendrait peut-être aussi de son lieu de nais- Diomède chante l’amour dans « Quelques
va-et-vient, le ministre de l’Education le sance, aux bords du lac Kanzigiri… mots et maux de la vie…», mais ne se re-
reçoit en 2007. Il apprend que la culture Il y a de l’humilité dans cet homme, mais aussi le tient pas d’alerter la jeunesse dans « Ndase-
avait changé d’attribution ministérielle. Il fal- courage de parler au monde. Une entreprise qu’il merera !!!» -Je crie! Entendez ‘crier contre
lait retourner au Ministère de la Jeunesse, continue en 2000, quand il envoie ses poèmes à la le SIDA.’ Paradoxal monde que nous héri-
des Sports et de la Culture ! Radio Télévision Nationale du Burundi. Pendant tons…
« Je suis passé dans chaque service pour trois ans, l’œuvre de Niyonzima réveillera chaque
récolter la moindre signature ! » L’ordre de mercredi les auditeurs, dans « Reveil Poétique »,
Il souffrira. Douleur de l’incompris : « Les Roland Rugero
virement des frais d’impression ne viendra une émission radiodiffusée de 5h à 6h30 du matin.
vieux nous barrent le chemin vers une civil- que fin 2007. Le poète est profondément Jusqu’au jour où l’envie de publier un recueil se
isation d’amour, de fraternité et de réussite ! blessé de ce terrible périple : « Si tu n’a pas
» Quand il évoque les cinq dernières années cristallise. C’était en 2004.
de cheveux blancs, quelque doctorat au

Francophonie : bientôt une antenne TV5 et France 24 au Burundi


Une Bibliothèque Nationale prochainement en construction, des bibliothèque sera confiée au ministère ayant gion en matière de Francophonie.
antennes des plus grandes chaînes audio-visuelles françaises in- la Culture dans ses attributions. Il appartient
stallées au Burundi…Tels sont des projets envisagés dans le aux autorités burundaises, bien entendu, Qu’est-ce qu’est la Francophonie ? Une
cadre de la promotion de la Francophonie. Gilles Vaubourg, Con- d’être les acteurs de ce projet. Mais la vision politique ou un espace culturel ?
seiller de Coopération et d’Action Culturelle à l’Ambassade de Coopération Française est extrêmement at- La Francophonie est le partage de la langue
France au Burundi nous en parle. tentive à ce projet pour l’accès au livre, au française, et des ‘langues partenaires’. Une
savoir, à la connaissance, l’accès au belle expression que je reprends à mon
Quels sont les projets en cours de la tigieux. Il pourrait être un lieu d’enseigne-
numérique. Dans toute la mesure du possi- compte. Elle n’est pas un empire, c’est un
Francophonie au Burundi? ment des langues en ouverture aux fran-
ble, nous essayerons de contribuer dans sa espace ouvert qui peut être politique, mais
cophones des pays voisins comme le
concrétisation avec d’ailleurs des parte- qui est essentiellement culturel. Ça touche
Kenya, la Tanzanie ou l’Ouganda. Ce sont
naires comme l’OIF qui a manifesté son in- à la diversité culturelle, au partage des
les deux projets phares. Mais il y a le projet
térêt et l’Unesco. valeurs véhiculées par une langue. Par ex-
CELEC (Coopération en matière Linguis-
emple au Burundi, il y a une langue na-
tique, Educative et Culturelle) évidemment,
L’Envoyé Spécial du Secrétaire Général tionale, le kirundi, qui cohabite avec la
qui est très vivant, avec l’appui aux médias,
de la Francophonie au Burundi a évoqué langue française et l’anglais, enseigné peu à
à l’audio-visuel, avec des productions, avec
le choix au niveau mondial du Burundi peu dans le cadre de l’entrée du pays dans
des créations… Nous sommes en train d’ap-
comme un pays phare au sommet de la l’East Africa Community (EAC) ; il y a le
puyer le tournage d’un documentaire sur
Francophonie qui va se tenir au Québec, swahili parlé par certaines populations…
l’environnement réalisé par Léonce Ngabo.
en Septembre. Pourquoi ?
Nous formons trois milles cinq cent maîtres
Je pense que le propos de MRoy est en- Quelle place occupe finalement le Bu-
au FLE (Français Langues Etrangères) pour
courageant. Cela veut dire que l’idée d’un rundi dans la Francophonie ?
justement consolider le français et la Fran-
Burundi ‘tête de pont’ de la Francophonie La France n’a pas le monopole de la Fran-

N
cophonie. Il y a l’appui aux CLAC (Centre de
dans la sous région fait son chemin. Mr Roy cophonie. La Francophonie, c’est l’affaire du
Lecture et d’Animation Culturelle), aux ate-
Gilles Vaubourg a pu constater que le CELAB est un lieu qui Burundi. C’est l’affaire de nos amis belges,
liers de journalisme, au théâtre… Il y a des
peut devenir emblématique et favoriser l’im- suisses, luxembourgeois. C’est l’affaire de
ous réfléchissons avec les autorités dotations en livres. Et nous voulons favoriser
mersion linguistique des futures élites fran- la France, du monde universitaire, des créa-
burundaises, l’OIF (Organisation In- l’implantation d’antennes TV5 et FRANCE24
cophones des pays voisins et bien sûr du teurs, des intellectuels, des élites, des mé-
ternationale de la Francophonie) et pour la promotion du français. Les projets ne
Burundi. Il a également pu constater l’im- dias, de la société civile qui la partage. Ça
l’UNESCO à la création d’une bibliothèque manquent pas.
portance que pourrait revêtir un projet ne peut pas être un domaine réservé. C’est
nationale à vocation régionale, voulue par le
comme celui d’une bibliothèque nationale. par définition un domaine partagé, le do-
Président de la République du Burundi. Il y Que va apporter de plus une Bibliothèque
Le Président Abdou Diouf, numéro un de maine de la diversité.
a aussi la réhabilitation du CELAB (Centre Nationale au Burundi, par rapport au CCF
l’OIF, a été sensibilisé à ces dossiers et il
d’Enseignement des Langues au Burundi ) ? Est-ce son extension ?
connaît la place du Burundi dans la sous ré-
un laboratoire des langues au passé pres- Absolument pas. La mise en œuvre de cette Roland Rugero
18 CULTURE & SPORT Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

Steven SOGO : la hantise d’une identité musicale


Chanteur et musicien, Steven Sogo sort son premier album améliorer mon style. » Le jeune talent est marié,
ce 4 Juillet 2008. Pour son auteur, ce recueil de onze « avec un bébé de six mois ». L’heureux père
précise ce choix : « Les artistes sont très tentés,
morceaux, intitulé ‘Il est beau mon pays’ a pour ambition
avec la renommée et souvent leur jeune âge. J’ai

«E
de créer un « son typiquement burundais ». Un pari presque choisi de me marier avant de me lancer dans une
gagné. vraie carrière. Les tentations ne sont pas exclues,
mais j’y résisterai mieux. »
n tant que chanteur, je ne serai jamais comme R.
Kelly ou F. Cabrel. Jamais je ne saurai prononcer
Pourquoi Sogo chante
l’anglais ou le français comme eux », avoue Steven. En avant marche !/ Où vas-tu comme ça ?/ Je
Aveux d’impuissance ? Non, car l’artiste ajoute : « Quand je vais vivre la ville / Pourquoi pas rester ?/ Je vais
chante, je suis et je reste Sogo, le Burundais ! ». Cela veut beau- changer le monde, la campagne m’enfonce/…
coup dire pour ce musicien de 25 ans, hanté par la question de On écoute ‘Kaza Mwendo !’- Maintenez la
l’identité. Son ambition est claire : « Je veux créer une musique marche ! La voix de Sogo simule la fatigue, il y
burundaise. Je ne refuse pas le métissage avec des influences évoque les afflictions de la vie. L’artiste dédie la
venues du Congo, du Rwanda… Mais il faut que le passant chanson à toute personne, dans son travail. La
puisse reconnaître un son burundais dans la rue. » souffrance meurtrit le travailleur, mais la ré-
Steven parle à voix basse, prenant le temps de peser ses mots. munération apaise ces afflictions. « Il faut per-
Sa déception est grande, quand il regarde la scène musicale bu- tut des Techniques Supérieures n’étoufferont pas sa soif de créa- sévérer ! », murmure-t-il. Il en est convaincu. Il en est fier. Le
rundaise : « C’est un fléau, tous ces jeunes qui s’exhibent devant tivité musicale. En 2007, c’est la sortie remarquée du tube ‘Il est boulot, la souffrance, la campagne et ses misères, la ville et ses
la caméra en se faisant passer pour des chanteurs », confie-t-il. beau mon pays’. illusions… tels sont les sujets que Sogo aborde.
Ce natif de Kamenge classe les artistes en deux catégories : Dans ce savoureux morceau aux envolées lyriques, l’artiste voy- « Je chante pour parler, pour interroger la vie. »
ceux qui savent patienter, et qui travaillent beaucoup. Et ceux age à travers sa patrie, le Burundi : « Quand j’ai commencé à Une tâche qu’il accomplit seul avec sa guitare verte, à tâtons : «
qui sont très agités, assoiffés de gloire. Ces derniers sont classés écrire la chanson, c’était comme une blague. » Mais au fur et à Je commence parfois par créer le rythme, ailleurs le souffle de
parmi « ceux qui font du rap au Burundi ». Son commentaire est mesure qu’il y travaille, les mots se précisent pour Sogo : « Les l’inspiration m’apporte les accords en premier lieu, ou les mots
claire : « En évoquant la vie burundaise dans un langage dé- gens sont très pauvres, mal habillés. Mais ils parviennent à du texte… Je n’ai pas de chemin précis de création. »
connecté de la réalité, ces rappeurs perdent leur identité. Il leur garder le sourire. C’est cela la beauté de notre pays. Bien sûr il Ses références ? Lokua Kanza, Richard Bona, Selif Keïta et
faut un rap original, adapté au contexte local. » y aussi les splendides paysages du Burundi, la richesse de notre autre Youssou N’Dour. Bref l’Afrique et sa richesse.
culture », fait-il remarquer. Avant d’ajouter : « Même s’il a souf- ‘Ndanka agatirano’- Je déteste l’emprunt, tel est le titre d’un autre
L’expérience, synonyme de responsabilité fert, pourquoi ne pas reconnaître malgré tout la beauté de notre succulent morceau de ‘Il est beau mon pays’. Souhaitons que
Cadet d’une famille de 5 enfants, et dont le père est décédé de pays ? » Sogo n’y tombe pas ! Les immenses noms qui l’inspirent ont déjà
mort naturelle, Steven Sogo commence à gratter de la guitare Avec le sponsor de la Coopération Française, Steven Sogo est créé à foison…
en 1997. Il vit alors à Kinama. « A l’époque, je n’avais pas de vi- parvenu à produire 11 titres à la Production Grands Lacs, un stu-
sion, je voulais juste être une star », confie-t-il. L’adolescence dio de Bujumbura. Onze morceaux qui forment son premier
bat son plein. Il intègre peu après la chorale du Lycée du Saint- album, intitulé ‘Il est beau mon pays’. Humble, Sogo reconnaît
Roland Rugero
Esprit, un établissement jésuite qu’il quitte en 2003. Le jeune volontiers l’état embryonnaire de son travail : « J’ai maintenant
homme voudrait aussi faire de l’électronique. Deux ans à l’Insti- une grande responsabilité de travail. Je pense constamment à

Quand la religion rime avec la culture !


Sur la route menant vers Ngozi, à moins chasse, la cueillette, la danse, le partage, les valeurs. Je suis content et fier quand
de 10km, à gauche, une pancarte indique fêtes, la tenue des jeunes filles, des mères je transmets à la génération nouvelle
et des guerriers… et future les vérités du passé »,
une route en terre. C’est cette dernière
« La génération actuelle ne retrouve pas leur renchérit-il
qui mène à Busiga où se trouve « le bar repère, elle se perd complètement dans la Le révérend frère Philippe prend
musée. » Grâce à l’initiative d’un moine, modernité », raconte Philippe. Le bar est vis- l’âge, il aimerait laisser quelque
ce bar «sous l’avocatier »est devenu un ité régulièrement par des personnes de tout chose de positive. La seule chose
site touristique. âge, ainsi il profite de cette occasion pour qui compte pour lui est de mettre en
venter la tradition burundaise et les valeurs valeur notre histoire, notre identité.
Révérend frère Philippe Bitimbukwaha, qui s y rapportent. Il se propose gratuite- Il souhaiterait que le ministère ayant
62ans, (congrégation des Frères Saint ment de guider les visiteurs et explique in- la culture dans ses attributions col-
génieusement ses tableaux. Un des lectionne tous les documents qui re-
visiteurs trouvé sur les lieux loue l’initiative : latent la vie traditionnelle et les sation à l’étranger. « La vieillesse me hante
« Nous venons avec des enfants pour leur mette à la disposition des élèves. Ainsi, les et je prends l’âge. Toute ma vie, j’ai été pas-
apprendre notre passé, ainsi ils complètent enseignants ne se feront pas de la peine sionné par la lecture des livres religieux, des
les connaissances acquises à l’école ». Se pour dispenser les cours de Kirundi et d’his- sciences et des romans », confirme-t-il. La
trouvant au sommet d’une chaîne de mon- toire. découverte de l’autre, la complémentarité
tagne, Busiga est un endroit stratégique Cette stratégie suscitera aussi un esprit pa- sont, d’après lui, des valeurs fondamentales
pour les sportifs. Les fonctionnaires de triotique chez la jeunesse qui en manque pour une société chrétienne : « J’aime vivre
Ngozi y affluent en masse tous les vendredi tant. en harmonie avec les autres. La vie simple,
et les samedi. l’écoute, l’échange sont mes joies ».
Une vie pleinement exploitée « Je contribue pour rendre saine cette terre.
Les sculptures font vivre les scènes A 62 ans, révérend frère Philippe, le ré- Participer d’une manière ou d’une autre,
« J’ai opté pour les sculptures parce qu’elles gional, est plein d’ambitions et d’expéri- mettre mes connaissances et mes expéri-
sont plus vivantes que les photos ou les ences. A la tête de la région Nord depuis ences au service des générations futures
dessins. Les enfants sont attirés par ce qu’ils 5ans, il s’est fait un nom grâce à sa immortalisent mon âme . Maintenant que Je
voient, touchent et contemplent », avoue-t-il. générosité et sa simplicité. Philippe s’est prends l’âge, je joue au ping- pong. J’aimais
Joseph) a fait installer,sur les murs d’un bar, « J’ai cherché un sculpteur, ancien de l’école consacré depuis son bas âge. Il a voué sa jouer au football. »
des sculptures mettant en scène la vie tra- de céramique de Giheta. Ça m’a coûté cher vie à Dieu et ses créatures .Toujours au près
ditionnelle des Burundais. « Je suis content mais ça valait la peine. Je suis beaucoup at- des jeunes, il a passé des années comme Diomède Niyonzima
que j’ai réalisé mon rêve, le rêve de trans- taché à la culture burundaise et à ses professeur et Directeur de Lycée (Gatara) .Il
mettre la tradition », dit-il. Les scènes de la a aussi accompli des missions d’évangéli-
IWACU I Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 CULTURE & SPORT 19

Une étoile s’annonce dans le firmament des stades


Elle a 18 ans, elle s’appelle Flo- wanayo, le coach de l’équipe de basket-ball précise qu’elle a commencé à jouer dans la promouvoir le football féminin. « Il y a un
rence Kalumé elle collectionne Berco Star. Révélation de l’année 2002 au rue avec ses voisins. Je souhaiterai, con- désintérêt quand il faut encadrer les équipes
coupes et prix individuels. Elle Burundi, grande figure au tournoi des pays tinue-t-elle, jouer dans les grandes équipes féminines par rapport aux équipes mascu-
a remporté des trophées aussi des Grands Lacs à Bujumbura 2005, le par- d’Europe et des Etats-Unis. lines » et d’ajouter « la preuve c’est que
bien au Burundi que dans les
cours sportif de Dada est jonché de coupes Florence vient d’être sélectionnée au niveau nous avons passé deux saisons sans com-
pays de la sous-région, plus par-
ticulièrement en Ouganda en
et trophées personnels. Cette « étoile mon-
tant que semi-professionnelle. tante » n’a jamais cessé de briller. Avec son
Florence, vient d’être choisie club La Colombe FC, elle a remporté 5
par le CNO (Comité National coupes nationales. En basket-ball, Florence
Olympique) pour assister aux cumule 6 coupes nationales et 6 autres des
Jeux olympiques de Beijing cet Plays off sans oublier les coupes des

K
été. tournois organisés par AC Génocide, Air Bu-
rundi et la Socabu. Repérée au cours d’une
compétition régionale de la zone 5 en
alumé Florence, alias « Dada », Ouganda, Dada est invitée et prise en
1m70, visage ovale, ailier en basket, charge par Cranes High School pour une
attaquante de pointe en football, est saison.
une enfant de la balle. Son père, Florent
Kalumé, a contribué à l’apogée d’Inter FC Début des espoirs, début des incompati-
dans les années 1970. Révélation de l’an- bilités
née 2002 au Burundi, grande figure au La jeune Kalumé Florence appelée trop tôt
tournoi des pays des Grands Lacs à Bujum- aux exigences du semi-professionnalisme,
bura en 2005, le parcours sportif de Dada se montre efficace. Elle glane la coupe des
est jonché de coupes et trophées person- All Stars Game, décroche le MVP (Most
nels. Cette « étoile montante » n’a jamais Valuable Player- women : meilleure joueuse)
cessé de briller. Avec son club, La Colombe au terme du tournoi inter scolaire Falcons en
FC, elle a remporté cinq coupes nationales, 2007 organisé par Cranes High School. Elle
sans oublier les coupes des tournois organ- est aussi sollicitée par d’autres clubs du
isés par AC Génocide, Air Burundi et la So- Rwanda et de l’Ouganda.
cabu. En revanche sur le plan scolaire, Dada
La jeune sportive brille aussi bien au football s’adapte difficilement. Au bout du compte, national par le CNO pour assister aux JO de pétitions alors que les garçons continuaient
qu’en basket-ball. Elle est capable de s’im- elle jette l’éponge et regagne le pays pour Beijing d’août 2008. Un encouragement qui leur championnat».Issue d’une famille de 9
poser aisément dans ces deux disciplines. caresser son rêve : « j’aimerais devenir in- sera bénéfique pour l’avenir de cette jeune enfants Kalumé Florence est cadette et tient
« Cette joueuse a de multiples qualités tant génieur en informatique et en communica- sportive. Précisons aussi que Kalumé fille ne à devenir vedette.
physiques que techniques. Nous sommes tion ». mâche pas les mots. Elle fait remarquer que
satisfaits, car elle fait partie des éléments ir- Cet espoir du football et basket-ball féminin la FFB devrait jouer un rôle important pour Erick E-Manirakiza
remplaçables », précise Alain Batung-

Des joueurs alimentent une polémique à la FFB


Quatre joueurs de la ligue A de
football de Bujumbura sont vic-
times de dysfonctionnement et
de spéculations. La Fédération
de Football du Burundi (FFB) as-
siste impuissante sans réagir.
Et pourtant, les joueurs con-
cernés ont contribués non
seulement à l’apogée de leur
club d’origine mais aussi à la
conquête du trophée de l’équipe
nationale Intamba. Des talents
mis en tenailles. Des joueurs à

V
la quête de leur liberté. .

que le marteau n’enfonce le clou. « Les intelligemment avec des passes précises. ment je peux lâcher des joueurs pour un
oilà une demi-saison du championnat joueurs ne peuvent pas quitter précipitam- Avant de devenir le point de discorde entre club ayant pratiquement le même niveau
Amstel league édition 2008 qui prend ment le club avant les clauses du contrat », Flamengo et Vital’o, il a servi le club Atletico. que Flamengo.
fin. Quatre joueurs en provenance du précise le président de Flamengo Jean Rodrigue Kizosi dit Mapwa, au gabarit de Du côté de Vital’o Désiré Bahama, président
club Flamengo sont bloqués. Ils ne savent Pierre Kamwenubusa alias Succès. 1m80, il joue sans difficulté à la défense et du club, réfute toutes les accusations selon
pas à quel saint se vouer. Flamengo tient à au milieu du terrain. Plus de 5 fois présélec- lesquelles il aurait violé la loi en volant les 2
les retenir bon gré mal gré. La FFB évite tionné dans l’équipe nationale, il séduit par joueurs. Il précise qu’il entreprend toutes les
De jeunes talents mis en jachères
toute ingérence : « Le problème se trouve son flegme et son jeu aérien. Atletico démarches dans la légalité. Toutefois Ba-
Le jeune Sendazirasa, âgé de 21 ans,
entre le club d’origine des joueurs et le club aimerait le retenir cette saison. hama interpelle la présidente de la FFB à se
plusieurs fois présélectionné en équipe na-
qui veut les acheter. Si le contrat est conclu « Que l’on trouve des solutions à ce prob- saisir du dossier pour l’intérêt des joueurs.
tionale était convoité par Vital’o. C’est un
entre les deux parties, la FFB valide le trans- lème pour que nous puissions retrouver la Les joueurs sont-ils manipulés ? La loi régis-
bon défenseur.
fert. Par contre s’il s’agit d’un transfert de pelouse et jouer sinon ce sont nos talents sant la liberté des joueurs est-elle coercitive
Quant aux autres joueurs dit « rebelles » et
promotion c’est à dire par exemple un qui en pâtissent », clame tout en bloc les ? Les joueurs et les présidents des clubs
« manipulés » selon Kamwenubusa, ils ont
joueur qui est en 2e division et monte en joueurs concernés. comprennent-ils de la même manière la loi
aussi des talents appréciables . Christophe
1ère division, là nous encourageons l’af- Les présidents des clubs Vital’o FC et des transferts ? N’ y a-il pas de spéculations
Ndayishimiye 1m72, 65 kg, attaquant de
faire», explique Mme Lydia Nsekera la prési- Atletico n’émettent pas sur les mêmes sur ce dossier ? Même si la présidente de la
pointe, convoité par le club Vital’o, a été
dente de la FFB. ondes avec Flamengo. Kamwenubusa dit Fédération ne doit pas s’immiscer dans l’oc-
sélectionné plus de 10 fois dans l’équipe na-
Mis à part le libero Parfait Sendazirasa dit que la balle est dans le camp de Vital’o et troi des certificats de transferts. N’Y a-t-il pas
tionale. 2ème meilleur buteur en 2006, il a
Badibadi qui a regagné le bercail, Flamengo Atletico qui détiennent illégalement les lieu de convoquer d’urgence les deux par-
servi le club Muzinga avant de venir appuyer
après une longue absence ( 2 match joués joueurs. Nous occupons la 3è place jusqu’ à ties pour l’intérêt des joueurs ?
Flamengo promu en 1ère division. Divin
sur 15 ), ses compagnons persistent avant maintenant, ajoute-t-il. Je ne vois pas com-
Gateretse ,1m86, 75 kg, milieu offensif joue Erick E-Manirakiza
20 Photos de la semaine Vendredi 04 Juillet 2008 - n°3 I IWACU

Commémoration du 46ème
Anniversaire de l’indépendance

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