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Approche macroscopique
par Yvon CHEVALIER
Docteur ès Sciences
Maître de Conférences à l’Institut Supérieur des Matériaux
et de la Construction Mécanique (ISMCM)
composites sont donc d’une grande diversité et ne peuvent être décrits que si
l’on connaît :
— le critère de résistance de chaque phase ;
— l’état des contraintes et des déformations dans le matériau ;
— les phénomènes de propagation de fissure dans la microstructure ;
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Les vecteurs et plus généralement les tenseurs sont désignés par des
caractères gras.
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2. Théorie de la contrainte
maximale
Cette approche consiste à étendre les connaissances acquises
dans le domaine des matériaux isotropes. Elle s’applique essentiel-
lement aux matériaux composites à fibres unidirectionnelles, la fibre
étant la source principale de résistance. Les divers auteurs
considèrent un élément de fibre comme macroscopiquement Figure 1 – Schématisation d’un essai de traction hors axes
homogène et ils cherchent une fonction du premier degré des
composantes du tenseur des contraintes qui dépend d’un certain
nombre de paramètres qui sont des valeurs de résistance du maté-
riau global. Ces paramètres sont déterminés de façon expérimentale.
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Nous supposerons :
— que la contrainte dans la direction des fibres (direction 1) ne
dépasse pas la valeur σc [relation (3)] ;
— que la contrainte dans la direction perpendiculaire aux fibres
(direction 2) ne doit pas dépasser une valeur σm qui est la contrainte
limite en extension de la matrice (ou du plus faible interface) ;
— que la contrainte de cisaillement dans le plan (1,2) doit rester
inférieure à τm , qui est la contrainte limite en cisaillement de la
matrice (ou du plus faible interface).
À la suite de cette supposition, nous obtenons d’après la
relation (2) :
σc σm τm
σ x ------------------
-, σ x -----------------
-, σ x --------------------------------- (4)
cos 2 α sin 2 α cos α sin α
2.2 Résistance en glissement Pour les 3 modes de rupture envisagés précédemment, les valeurs
de v = (v i ), n et σv sont données dans le tableau 1 et représentées
Historiquement, l’étude des matériaux plastiquement anisotropes par la figure 3. La relation (5) se traduit donc pour les modes 1, 2
(les métaux en particulier) a conduit certains chercheurs à étendre et 3 par :
les principaux critères utilisés pour les milieux isotropes. C’est le cas
mode 1 σ 12 cos α + α 13 sin α σ a
du critère de Tresca par exemple qui suppose que l’écoulement plas-
tique intervient lorsque la contrainte de cisaillement atteint une 1
mode 2 ----- ( σ 33 – σ 22 ) sin 2 α + σ 23 cos 2 α σ τ
valeur critique caractéristique du matériau. Lance et Robinson (1971) 2 (6)
[9] ont repris cette idée en l’appliquant au cas des milieux
1
composites. Ils envisagent certains modes de rupture préférentiels mode 3 ----- σ 11 – σ 22 cos 2 β – σ 33 sin 2 β – σ 23 sin 2 β σ s
2
du composite à fibres unidirectionnelles et en conséquence ne
calculent le maximum de la contrainte de cisaillement que suivant Il y a rupture du matériau si l’une des trois conditions (6) est
certaines familles de plans. Insistons sur le fait qu’il s’agit là d’une satisfaite. Il est entendu que chacune des conditions ne dépend pas
théorie continue, c’est-à-dire que l’on envisage le matériau comme seulement du tenseur des contraintes au point M considéré mais
homogène macroscopiquement. Par contre, l’on tient compte effec- aussi de l’orientation des plans de cisaillement critique qui
tivement des caractères propres aux matériaux composites par le dépendent des angles α et β . Un calcul simple de dérivée montre
fait que la structure du renfort et de la matrice suggère l’existence que les membres de gauche des égalités (6) sont maximaux pour
de plans d’écoulement privilégiés. Cette théorie peut donc s’adapter les angles :
en fonction du composite considéré. Afin de décrire le procédé en
détail, considérons le cas de composites à fibres unidirectionnelles σ 13
(l’axe 1 étant l’axe des fibres), pour lequel la rupture peut se faire α a = arctan ----------
σ 12
suivant les trois modes suivants :
σ 33 – σ 22
— mode 1 : la contrainte de cisaillement sur des plans parallèles
aux fibres et dans une direction parallèle à cette contrainte atteint
1
α τ = ----- arctan -------------------------
2 2 σ 23
une valeur critique σa (rupture de la matrice) ;
2σ
= ----- arctan -------------------------
— mode 2 : la contrainte de cisaillement sur ces plans mais dans 1 23
βs
une direction perpendiculaire aux fibres atteint une valeur limite στ 2 σ –σ 22 33
(rupture de la matrice) ;
— mode 3 : la contrainte de cisaillement maximale sur des plans (0)
orientés à 45 o avec la direction des fibres atteint une valeur
critique σs (cette dernière condition prend en compte la rupture des
fibres).
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Tableau 1 – Caractéristiques des modes de rupture en cisaillement d’un composite à fibres unidirectionnelles
(axe des fibres : 1)
Mode de rupture
Mode 1 Mode 2 Mode 3
en cisaillement d’un composite
σv σa στ σs
φ ( ) = { σ }t { F } { σ } 1 (8)
avec {σ }t vecteur transposé (ou vecteur ligne), du vecteur
colonne {σ }.
La matrice symétrique de fragilité {F } est définie par les égalités (9)
et on remarquera l’analogie de la matrice {F } avec la matrice des
Figure 3 – Critères de la contrainte maximale,
souplesses {S } des milieux élastiques (article Comportements élas-
position des plans de cisaillement
tique et viscoélastique des composites [A 7 750] du présent traité) :
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Ces conditions de stabilité traduisent le fait que les valeurs propres avec X, Y et Z 3 contraintes de résistance ultime de tension
de la matrice carrée 6 × 6 sont strictement positives (elles sont suivant les axes 1, 2 et 3,
nécessaires). On peut enfin remarquer que, contrairement aux Q, R et S 3 contraintes de résistance ultime de cisaillement
critères de la contrainte maximale, dans le cas présent, φ est une dans les plans (2, 3), (1, 3) et (1, 2).
fonction homogène d’ordre 2 :
Lorsque le matériau composite est orthotrope de révolution autour
φ ( λ ) = λ2 φ ( ) de l’axe 1 (isotropie transverse pour les composites à fibres uni-
directionnelles par exemple), nous avons les relations supplé-
mentaires suivantes :
G=H
3.2 Influence de la pression de confinement
L = 2F + H = 2F + G
Par analogie avec les critères de plasticité, certains auteurs
admettent qu’une pression de confinement (ou pression hydro-
statique) n’influe pas sur la résistance du matériau à la rupture, 3.3 Cas des contraintes planes,
c’est-à-dire : étude du couplage
φ ( + P ) = φ ()
quel que soit le tenseur sphérique (ou de pression) : 3.3.1 Formulation en contraintes planes
P = (pδij ) Dans la pratique, bon nombre de structures composites se pré-
avec δij symbole de Kronecker qui prend la valeur 0 si i ≠ j et la sentent sous forme de plaques ou de coques et le critère de Hill
valeur 1 si i = j. [relations (7) ou (8)] prend dans le cas des contraintes planes la forme
suivante :
Cela implique les liaisons suivantes entre les composantes du
tenseur des fragilités : 2 2
φ ( ) = F 11 σ 11 + F 22 σ 22 + 2F 12 σ 11 σ 22 + F 66 σ 12 1
2
(19)
f ijk δ k = 0 avec i = 1, 2, 3 et j = 1, 2, 3 (13)
Comme précédemment, les 3 composantes diagonales du tenseur
des fragilités sont reliées aux contraintes ultimes en traction X, Y
f ijk δ ij δ k = 0 (14)
et en cisaillement S par :
La relation (13) implique la relation (14), et la neutralité de la 1 1 1
pression de confinement vis-à-vis de la résistance à la rupture du F 11 = --------2- , F 22 = --------
-, F 66 = --------
- (20)
X Y2 S2
matériau se traduit par :
La fragilité de couplage F12 ne peut être mise en évidence que
f ijk δ k = 0 avec i = 1, 2, 3 et j = 1, 2, 3
par des essais biaxiaux ou des essais hors axes. Le lecteur pourra
à ce titre consulter par exemple les références [2] [15] [16]. Pour
ou sur la matrice de fragilité par les 6 relations suivantes :
pallier la difficulté des essais biaxiaux et hors axes, certains auteurs
F1j + F2j + F3j = 0 j = 1, 2, ..., 6 (15) préconisent de déterminer la fragilité de couplage par le calcul,
moyennant certaines hypothèses. Les divers critères se différencient
Dans le cas particulier où le matériau possède en tout point 3 alors par le choix de l’hypothèse adoptée. Pour des raisons de
plans de symétrie orthogonaux, la forme de la matrice de fragilité commodité, il est d’usage de poser :
[relation (10)] montre que les égalités (15) se réduisent aux 3 rela-
tions suivantes : K
F 12 = – --------------
2XY
F1j + F 2j + F3j = 0 avec j = 1, 2, 3 (16)
et d’écrire compte tenu de (20) le critère défini par (19) sous la forme :
En éliminant dans le critère quadratique (8) F11 , F 22 et F33 à l’aide
des 3 relations (16), ce critère se réduit à la forme : 2 2 2
σ 11 σ 22 K σ 12
φ ( σ 11 , σ 22 , σ 12 ) = ---------- - – ----------- σ 11 σ 22 + ----------
- + ---------- -1 (21)
φ ( ) = F ( σ 22 – σ 33 )2 + G ( σ 11 – σ 33 )2 + H ( σ 11 – σ 22 )2 X2 Y2 XY S2
2 2 2 (17)
+L σ 23 +M σ 13 +N σ 12 1 Pour que la relation (12) de stabilité soit satisfaite, K doit satisfaire
l’inégalité :
avec F = – F23 G = – F13 H = – F12 K 2 (22)
H + G = F11 F + H = F22 F + G = F33
L = F44 M = F55 N = F66 3.3.2 Critère de Norris (1950)
La forme du critère énergétique définie par la relation (17) est celle
utilisée par Hill pour les polycristaux. Elle est parfois employée par En l’absence de cisaillement, Norris suppose que le point σ11 = X,
certains auteurs quand il s’agit de composites. σ22 = Y, σ12 = 0 est sur la surface de rupture [φ (X, Y, 0) = 1]. Il vient
alors :
Un calcul élémentaire (écrire successivement φ ( ) = 1 pour un K=1
champ de contraintes uniaxiales dans les 3 directions et un champ
de cisaillement simple dans les 3 plans principaux) montre que les Ce critère est utilisé surtout pour le bois.
fragilités F, G, H, L, M, N sont reliées aux tensions ultimes de
résistance par :
3.3.3 Critère de Tsai-Hill (1965)
1
2F = ---------
1 1 1
+ --------- – --------- , L = ---------
-
Y2 Z2 X2 Q2 Ce critère est surtout utilisé pour les composites à fibres uni-
directionnelles. Lorsque l’axe 1 est l’axe des fibres, Tsai suppose
1 1 1 1
2G = -------- - + --------- – --------- , M = -------- - (18) que le point σ11 = σ22 = Y, σ12 = 0 est sur la surface de rupture
Z2 X2 Y2 R2
1 1 1 1
2H = --------2- + --------2- – --------
- , N = -------- -
X Y Z2 S2
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[φ (Y, Y, 0) = 1]. Il y a donc ruine du matériau lorsque les contraintes Le lecteur pourra trouver les définitions et les valeurs des modules
normales σ11 et σ22 atteignent la tension ultime transversale Y d’élasticité de matériaux composites dans l’article Comportements
(sens normal aux fibres). Le coefficient K vaut alors : élastique et viscoélastique des composites [A 7 750] du présent
traité. L’égalité (23) montre alors que :
Y
K = ------
X A1 + A2
--------------------------
L’inégalité (22) montre que cette estimation est possible pourvu 2 A1 A2
K = ------------------------------------------------------------------------- = E 1 ( 1 + ν 21 ) + E 2 ( 1 + ν 12 )
que : 2 E 1 E 2 ( 1 + ν 12 ) ( 1 + ν 21 )
Y 2 X
Ce critère, valide si le comportement est linéaire jusqu’à la
rupture, nécessite la connaissance des modules d’élasticité E1 , E2 ,
3.3.4 Critère d’Ashkenazi ν12 et ν21 .
T T T
φ ----- , ----- , -----
2 2 2 =1 Quelle que soit la nature du critère, dans un état de contraintes
planes dans le plan (1,2), il est commode de visualiser la surface
de rupture [φ (σ11 , σ22 , σ12 ) = 1] par des coupes de cette surface à
avec T résistance ultime en traction à 45o de la direction des fibres cisaillement constant (σ12 = Cte ). Ces coupes se traduisent dans le
(voir relations de changement de base du paragraphe 2.1). plan (σ11 , σ22 ) par des courbes fermées. Dans le cas particulier des
Le coefficient K vaut alors : critères énergétiques, ces courbes sont des ellipses concentriques
et inclinées centrées à l’origine, comme l’indique la figure 4. Si, par
Y X 1
K = ------- + ------- + XY --------
X Y S2 T2
4
- – --------- exemple, le milieu est isotrope et si l’on suppose, de plus, que le
critère de résistance est du type Von Mises [14], il vient :
2
4 1 1 1 axes et confronter le modèle aux résultats expérimentaux. On
--------2- – ------- + ------- < --------
-
T X Y S2 entend, par essais hors axes, des essais de traction ou de compres-
sion pratiqués sur des éprouvettes de composite pour lesquelles les
axes de symétrie matérielle (1,2) des échantillons ont subi une rota-
3.3.5 Critère de Fisher tion d’angle α par rapport aux axes de sollicitation (x, y ). En traction
uniaxiale (σxx = σx , σyy = 0, σxy = 0), les relations de changement de
base du paragraphe 2.1 montrent que lorsque la direction 1 fait un
Ce critère, appliqué aux matériaux orthotropes, est calqué sur
angle α avec la direction 2 :
l’analyse menée par Norris et postule que le point σ11 = P, σ22 = – P,
σ12 = 0 est sur la surface de rupture [φ (P, – P, 0) = 1]. La contrainte σ11 = σx cos2 α , σ22 = σx sin2 α , σ12 = – σx sin α cos α
ultime P est celle qui limite l’énergie volumique de distorsion
élastique U. Le critère de résistance [relation (21)] montre alors que la résis-
tance en traction σx dans la direction α (figure 1) a pour valeur :
■ Énergie volumique de déformation élastique w : X
σ x = -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
- (24)
1/ 2
2E 1 E 2 w ( σ 11 , σ 22 , σ 12 ) = X2 X 2 KX
cos α + --------
4 - sin 4 α + --------- – ----------- sin 2 α cos 2 α
2 Y2 S2 Y
2 2 σ 12
E 2 σ 11 + E 1 σ 22 – σ 11 σ 22 ( ν 12 E 2 + ν 21 E 1 ) + -------------
G 12 Sachant que 1 = cos 4 α+ sin4 α+2 sin2 α cos2 α l’égalité (24)
s’écrit aussi :
■ Énergie volumique de distorsion élastique U :
k
σ x = -------------------------------------------------------------------------------- (25)
2E 1 E 2 U = 2E 1 E 2 w ( P, – P , 0 ) = ( 1 + b 0 cos2 α + c 0 cos4 α ) 1/2
P2 [ E 2 ( 1 + ν 12 ) + E 1 ( 1 + ν 21 ) ] Y 2 KY Y2 Y2 KY
avec b 0 = --------
- – ----------- – 2 , c 0 = --------2- – ---------
- + ---------- + 1 , k = Y
S2 X X S2 X
pour σ11 + σ22 = 0 et σ12 = 0.
La figure 5 montre que l’on peut distinguer 3 zones dans l’évo-
Par analogie avec la forme φ (P, – P, 0) Fisher pose : lution de l’angle de sollicitation (§ 2.1).
■ Zone 1 : la résistance est assurée par les fibres et la rupture
1 1 1 1
-------------------- = -----------------------------------
- + ------------------------------------ + ------------------------------------ (23) intervient par rupture des fibres. Pour les matériaux à renforts uni-
E1 E2 U X 2 ( A 1 + A 2 ) Y 2 ( A 1 + A 2 ) 2XY A 1 A 2 directionnels, cette zone est toujours très faible (0 < α < 8o dans
l’exemple).
où A1 = E1 (1 + ν21 ), A2 = E2 (1 + ν12 )
■ Zone 2 : la composante tangentielle de la contrainte atteint la
avec E1 et E2 modules d’Young dans les directions 1 et 2, valeur critique et l’on observe une rupture par cisaillement de la
ν12 et ν21 c o e f fi c i e n t s d e P o i s s o n d u m a t é r i a u matrice. Cette zone est plus ou moins importante suivant les résis-
(E2 ν12 = E1 ν21 ). tances limites X, Y ou S (8o < α < 28o dans l’exemple).
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4. Critères tensoriels
Étudiant le comportement plastique dissymétrique des métaux en
traction et en compression, Fukuoka, Ota et Shindo [18] extrapolent
le critère énergétique de Hill en ajoutant des termes linéaires. Le
comportement dissymétrique des matériaux composites, comme le
montrent le tableau 2 et la figure 8, a conduit plusieurs auteurs à
reprendre et à adapter cette idée en envisageant divers critères.
φ ( ) = { H }t { σ } + { σ }t { F } { σ } 1 (27)
avec {F } matrice de fragilité définie par la relation (9).
Lorsque le matériau est orthotrope et que les axes 1, 2 et 3 sont
les axes de symétrie matérielle du milieu, le vecteur {H } se simplifie
pour prendre la forme suivante :
{H } = (h11 , h22 , h33 , 0, 0, 0) = (H1 , H2 , H3 , 0, 0, 0)
La matrice {F } vérifie les conditions de stabilité (11) et (12), et on Figure 8 – Résistance sous contrainte uniaxiale
peut noter que ce critère ne vérifie aucune propriété d’homogé- d’un composite à fibres unidirectionnelles graphite/époxy
néité [ φ ( λ ) ≠ λ α φ ( ) φ ∀α ] . en fonction de l’angle d’orientation des fibres [19].
En considérant des champs de contraintes élémentaires, on peut Confrontation théorie-expérience
relier les fragilités aux contraintes ultimes comme l’indique le
tableau 3 (écrire successivement φ ( ) = 1 pour les champs de
contraintes élémentaires). Rappelons que X, Y, Z et X ’, Y ’, Z ’ sont (0)
les contraintes ultimes (ou résistances limites) en traction, respec-
tivement en compression, dans les trois dimensions de symétrie (0)
matérielle du matériau orthotrope ; Q, R et S sont les résistances
ultimes en cisaillement dans les plans (2,3), (1,3) et (1,2).
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(X, 0, 0, 0, 0, 0) 1
F 11 = -------------
XX ′
(– X ’, 0, 0, 0, 0, 0) 1 1
H 1 = ------- – ---------
X X′
(0, Y, 0, 0, 0, 0) 1
F 22 = -------------
YY ′
(0, – Y ’, 0, 0, 0, 0) 1 1
H 2 = ------- – --------
Y Y′
(0, 0, Z, 0, 0, 0) 1
F 33 = ------------
ZZ ′
(0, 0, – Z ’, 0, 0, 0) 1 1
H 3 = ------ – --------
Z Z′
(0, 0, 0, Q, 0, 0) 1
F 44 = --------
-
Q2
(0, 0, 0, 0, R, 0) 1
F 55 = -------2-
R
1
(0, 0, 0, 0, 0, S ) F 66 = -------2-
S
On rencontre la même difficulté que dans les critères énergétiques définitions des invariants et pourra consulter l’article de Wu et coll.
au niveau de la détermination des fragilités de couplage F12 , F13 [20], paru en 1973, qui traite de manière générale de l’utilisation des
et F23 . Comme l’indiquent Tsai et Wu [19], ces fragilités de couplage invariants des tenseurs de rang inférieur ou égal à 4 (l’estimation
peuvent être déterminées par une infinité de combinaisons de des contraintes ou des déformations par les cercles de Mohr est une
contraintes, mais il faut souligner que les essais sont délicats et application particulière de cette technique).
coûteux (cas des essais sur tubes par exemple, [2] [4]). Le tableau 4 Dans le cas de l’essai biaxial général (tableau 4), on obtient la
résume, par exemple, les essais classiques et utiles à la détermi- fragilité de couplage F 12 à partir du champ de contraintes
nation de F12 et le lecteur pourra consulter pour plus de détails les {σ } = {σ1 , σ2 , 0, 0, 0, 0} par la relation :
références [15] [19]. Signalons que l’essai d du tableau 4, qui est
un cas particulier de c du même tableau (α = 45o), est recommandé σ1
2
σ2
2
par l’école soviétique. On peut également souligner que les essais
hors axes (c et d ) sont plus répandus que les essais biaxiaux (a et b ),
1
1 1
1 1
F 12 = ------------------- 1 – ------------- – ------------- – σ 1 ------- – --------- – σ 2 ------- – --------
2 σ1 σ2 XX ′ YY ′ X X′ Y Y′ (28)
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Tableau 4 – Essais classiques permettant de déterminer la rigidité de couplage : cas de F12 [19]
1
F 12 = ------------ [ 1 – σ 2 ( F 11 + F 22 ) – σ ( H 1 + H 2 ) ]
2σ 2
(σ, σ, 0, 0, 0, 0)
1
F 12 = ------------
2σ 2 1
1 1
1 – σ 2 ------------- + ------------- – σ ------
XX ′ YY ′ X
1
X′ Y
1
Y′
1
- – --------- + ------- – --------
a
1
F 12 = – --------------2- [ 1 – σ ′ 2 ( F 11 + F 22 ) + σ ′ ( H 1 – H 2 ) ]
2σ ′
(σ ’, – σ ’, 0, 0, 0, 0)
2σ ′
1
1
XX ′ YY ′ 1
Y
1
1
Y′ X 1
X′
1
F 12 = – --------------2- 1 – σ ′ 2 ------------- + ------------- – σ ′ ------- – -------- – ------- + ---------
b
1 1 H1 H2
- ------------------------------------ – σ ----------------
F 12 = ------------ - + ------------------
(σ cos2 α, σ sin2 α, 0, 0, 0, σ sin α cos α ) 2 σ 2 sin2 α cos2 α sin2 α cos2 α
F 11
– σ 2 ---------------
- + F 22 tan2 α + F 66
tan2 α
2 σ σ2
- 1 – ----- ( H 1 + H 2 ) – --------- ( F 11 + F 22 + F 66 )
F 12 = --------
σ2 2 4
σ σ σ
----2- , ----2- , 0, 0, 0, ----2-
σ2
2
σ 1
1 1 1
- 1 – ----- ------- – --------- + ------- – --------
F 12 = --------
2 X X′ Y Y′
σ2
XX ′ YY ′ S
– --------4 - -------------
1 1 1
+ ------------- + --------
2
Figure 9 – Critère de résistance d’un composite à fibres unidirectionnelles graphite/époxy dans le plan 11 , 22 (axe des fibres : 1) (d’après [16])
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(0)
4.2 Critère de Hoffman Cela suppose que les résistances ultimes dans la direction 1
(X et X ’ ) sont supérieures aux résistances ultimes dans la direction 2
Par analogie avec le paragraphe 3.3 et pour les mêmes motiva- (Y et Y ’ ). Rappelons que les estimations des fragilités de couplage
tions, différents critères peuvent être obtenus à partir du critère de ont pour principal intérêt de dispenser le bureau d’étude d’une
Tsai-Wu. Les rigidités de couplage sont déterminées moyennant campagne d’essais longue et coûteuse.
certaines hypothèses pourvu que les conditions de stabilité du
type (12) soient satisfaites. Nous avons par exemple pour F12 :
4.3 Critère de Gol’Denblat et Kopnov
– F 11 F 22 F 12 F 11 F 22 (29)
Historiquement, Gol’Denblat et Kopnov (1966) furent les premiers
Dans cette optique, on peut distinguer deux directions. à suggérer l’utilisation des tenseurs de fragilité dans l’étude des
— La première consiste à prendre des valeurs de F12 qui res- phénomènes de rupture. Ils proposèrent une théorie générale sous
pectent la condition de stabilité (29). La solution F12 = 0 est bonne la forme :
par exemple pour les matériaux fortement anisotropes (grande dif-
férence entre les axes 1 et 2). Citons également le choix : φ ( ) = ( h ij σ ij ) α + ( f ijk σ ij σ k ) β + ( g ijk rs σ ij σ k σ rs ) γ + … 1 (30)
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Y′
---------
2
2Q
- –1
( σ 22 + σ 33 ) 2
( σ 22 + σ 33 ) ----------------------------------- + ------------------------------
-
Y′ 4Q 2
(34)
2 2 2
( σ 22 – σ 22 σ 33 ) ( σ 11 + σ 13 )
- + --------------------------------
+ ---------------------------------------- 0
Q2 R2
Il y a rupture du matériau si une des inégalités (31) à (34) est
violée. L’avantage de ce type de critère est de mettre en évidence
les modes de rupture du matériau. Figure 10 – Évolution des contraintes ultimes de traction
et de compression hors axes d’un stratifié mat verre /époxy
en fonction de la direction de sollicitation [4].
Comparaison des essais et du critère de Tsai-Wu
5.2 Critère de Boehler-Raclin
L’égalité (35) traduit la relation φ ( ) = 1 [relation (27)] pour le
Certains matériaux composites tels que les stratifiés mats/époxy champ de contraintes {α } = (– σx , – p, – p, 0, 0, 0), les tenseurs des
répondent mal au critère tensoriel de Tsai-Wu en compression et fragilités étant exprimés dans le repère (x, y, z ). Le lecteur pourra
sous pression de confinement (ou pression hydrostatique). Comme se reporter à l’article Comportements élastique et viscoélastique des
le montre la figure 10, le critère de Tsai-Wu sous-estime la résistance composites [A 7 750] de cette rubrique dans lequel sont exposées
ultime dans un essai de compression hors axes, tandis que la les relations de changement de base des tenseurs de rang 4.
contrainte ultime de traction est bien représentée. Les familles de Le critère proposé, en 1985, par Boehler et Raclin [4] pour les
courbes données dans la figure 10 sont obtenues par résolution de stratifiés s’apparente à celui donné par Hashin [22] pour les uni-
l’équation : directionnels. Ces deux auteurs admettent que la ruine du matériau
en compression est causée par deux mécanismes différents (ou
– σ x [ H 1 sin2 α + H 3 cos2 α ] – p [ H 1 ( 1 + cos2 α ) + H 3 sin2 α ] modes) suivant l’orientation du matériau.
2 ■ Un mode parallèle qui traduit la séparation des couches par
+ σ x [ F 11 sin4 α + F 33 cos4 α + ( F 44 + 2F 13 ) sin2 α cos2 α ] glissement les unes sur les autres (figure 11). Le critère adopté
traduit une généralisation de la loi de Coulomb [relation (36)] :
+ p 2 [ F 11 ( 1 + cos4 α ) + F 33 sin4 α + ( F 44 + 2F 13 ) sin2 α cos2 α (35)
+ 2F 12 cos α + 2F 13 sin α ]+2 σ x p [ ( F 11 + F 33 – F 44 ) sin α cos α
2 2 2 2 σ 13 ( 1 + a 0 p + a 1 p 2 ) σ 33 tan Φ 0 + ( 1 + a 2 p + a 3 p 2 ) c 0 (36)
+ F 13 ( cos2 α + sin2 α + cos4 α ) + F 12 sin2 α ] = 1 avec Φ0 angle de frottement à p = 0,
c0 résistance au cisaillement dans le plan des
couches,
a1 , a2 et a3 caractéristiques du matériau.
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( σx – p ) 2
k2
- (37)
= -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( 1 + a 1 p + a 2 p 2 ) + ( b 0 + b 1 p + b 2 p 2 ) cos2 α + ( c 0 + c 1 p + c 2 p 2 ) cos4 α
6. Conclusion
Comme nous l’avons souligné dans l’introduction, aborder la
rupture des matériaux par la notion de critère est une approche
pessimiste. En effet, si le critère est violé en un ou plusieurs points,
la rupture apparaît en ces points, mais on ne peut présager de l’évo-
lution des défauts. Le critère seul ne permet pas de prédire l’évolution
globale de la structure car, lorsqu’il est violé, la forme de cette
dernière change ainsi que les conditions aux limites et donc la dis-
tribution des contraintes. La démarche est donc fondamentalement
différente de celle de la mécanique de la rupture.
Dans le choix du critère, nous pouvons constater que deux points
de vue semblent actuellement prévaloir.
— Le premier, général mais parfois peu précis, consiste à traduire
la rupture par une expression mathématique empirique dont les
paramètres sont fixés par des essais multiples (critères énergétiques
et tensoriels). Cette démarche est d’emploi commode lorsque tous
les paramètres (plus ou moins nombreux) du matériau sont connus.
— Le second point de vue, moins général mais plus précis,
consiste à fixer le critère à partir du mécanisme de rupture (critères
phénoménologiques, critère de la contrainte maximale). La princi-
pale difficulté est de mettre en évidence les modes de rupture pour
les composites à structure complexe. Ajoutons à cela l’impossibilité
de prévoir le comportement du matériau pour un chargement
complexe.
Enfin, seules les ruptures fragiles ont été évoquées (cas les plus
fréquents dans le domaine des composites) et les critères corres-
Figure 12 – Évolution des contraintes ultimes de traction
pondants ne font appel qu’au champ de contraintes. On peut de
et compression hors axes d’un stratifié mat verre/époxy
manière analogue envisager des critères de rupture ductile
en fonction de la direction de sollicitation [4]. Comparaison des essais
s’exprimant à l’aide du champ des déformations.
et du critère phénoménologique de Boehler-Raclin
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