Journées d’étude organisées dans le cadre du séminaire
« Orientalismes », (ENS, 31 mai-1er juin 2012)
En 1829, Hugo lance en France le goût pour l’orientalisme
littéraire avec son recueil de poésies Les Orientales. Nombre de poètes du XIXe siècle consacreront des vers à l’Orient, proche ou plus lointain, présent ou passé, réel ou imaginaire. Mentionnons simplement, parmi les plus grands, Nerval, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé. Mais ce courant avait déjà commencé, en Allemagne avec Goethe (West-Östlicher Diwan, 1819), et en Angleterre avec Byron (Childe-Harold’s Pilgrimage , 1812-1818). D’autres pays suivront. Il s’agit donc bien d’un mouvement européen, qui semble devoir beaucoup à la poésie en tant que « genre ». Au-delà d’une mode pour certains thèmes privilégiés, comme le harem – mode à laquelle les peintres ont beaucoup contribué –, l’orientalisme poétique apparaît comme le point de départ, au XIXe siècle, de représentations nouvelles qui font de l’Orient un vaste champ ouvert à l’imagination créatrice. Cet Orient souvent rêvé n’est plus tant l’« autre » de l’Occident (son envers, son antithèse, comme il le fut si souvent au XVIIIe siècle) que son origine supposée : un ailleurs qui permettrait de remonter le temps des religions, des mythes et des représentations avec lesquelles l’Europe se pense et se construit, dans un mouvement d’échanges avec les peuples qu’elle (re)découvre. Mais l’Orient n’est pas seulement objet de poésie : dès les travaux des grands orientalistes comme William Jones (traduction anglaise des M u’allaqât en 1782), Hammer- Purgstall (Fundgruben des Orients, 1809-1818) ou Silvestre de Sacy (Chrestomathie arabe, 1806 et 1826), les poètes orientaux commencent à être lus dans un cadre qui dépasse les milieux savants. Les traductions de ces poètes orientaux (par exemple Hafiz, Saadi, Antar, Rustem...), et leur réutilisation dans la littérature occidentale du XIXe siècle, appartiennent-elles à ce qu’on appelle aujourd’hui « l’orientalisme », et, si tel est le cas, en quoi ce corpus pourrait-il contribuer à modifier l’image que nous avons des relations interculturelles entre l’Orient et l’Occident ? Ce courant de poèmes orientaux a-t-il eu une influence, par sa topique, sur le devenir de la poésie française, et plus largement européenne ? A-t-il contribué à créer, en littérature, un style, voire des formes ou des genres orientalisants ? C’est notamment à ce type de questions, encore peu traitées, que le présent colloque, organisé dans le cadre du séminaire « Orientalismes » de l’ENS, souhaiterait répondre.
Dominique Combe, Daniel Lançon, Sarga Moussa, Michel Murat.