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Le bloc de droite « traditionnel », qui comprend les


Modérés (conservateurs), le Parti du centre (sociaux-
L’extrême droite bouscule le jeu politique
libéraux, ex-agrariens), les Libéraux et les Chrétiens-
suédois démocrates, a très légèrement progressé par rapport
PAR FABIEN ESCALONA
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 10 SEPTEMBRE 2018 à 2014. Il reste cependant loin de l’étiage des 50 %
approché en 2006 et en 2010, qui lui avait permis
d'exercer le pouvoir, de même qu'il reste toujours
derrière le bloc de gauche, mais d’un point seulement
(contre quatre en 2014).
Si les Modérés restent la principale force de ce bloc,
ils reculent pour la deuxième fois consécutive (– 3,5
© Mediapart points) alors qu’ils campaient dans l’opposition ces
Les Démocrates de Suède (extrême droite) ont quatre dernières années. Leur leader, Ulf Kristersson,
confirmé leur ascension, à la faveur d'une campagne a fait le pari de respecter un cordon sanitaire avec les
hantée par l’enjeu migratoire. Les grands partis de Démocrates de Suède, tout en durcissant la doctrine de
gouvernement continuent de décliner, laissant place à son parti sur les enjeux migratoires, à l’instar d’autres
un paysage politique de plus en plus fragmenté. forces conservatrices en Europe. Le résultat ne s’est
Dimanche 9 septembre, les Suédois étaient appelés à pas révélé probant. Kristersson s’est pour l’instant
élire leurs représentants aux niveaux national et local. contenté d’appeler à la démission l’actuel premier
Les résultats législatifs confirment la progression ministre social-démocrate, Stefan Löfven, qui a rejeté
attendue des Démocrates de Suède (extrême droite) et cette option.
le déclin des deux grands partis de gouvernement. Le Le Parti du centre, au contraire, s’est distingué par
paysage politique apparaît plus fragmenté et polarisé une position ouverte sur l’asile et l’immigration.
qu’auparavant, deux tendances à l’œuvre de longue Cette formation est l’héritière directe du parti agrarien
date en Europe du Nord, mais plus récentes en ayant historiquement représenté les intérêts ruraux.
Suède. Aucun parti ou coalition de partis ne dispose Bien qu’ayant accompli des mutations qui ont assuré
d’une majorité, si bien que l’issue des négociations sa survie alors que l’électorat paysan se raréfiait
pour former un gouvernement reste incertaine. drastiquement, elle était ces dernières années sur une
En dépit d’une évolution modeste des scores globaux pente nettement déclinante. Sa progression de deux
de chaque force politique, les premières enquêtes points, ce dimanche, l’a ramenée à un étiage qu’elle
indiquent une volatilité assez forte parmi les électeurs. n’avait plus connu depuis un quart de siècle.
Il faut dire que les enjeux à partir desquels ils Mais à droite, c’est surtout l’installation durable
ont fait leurs choix de vote ont évolué depuis les d’une force extrême, ou plus précisément nationale-
précédents scrutins. Dans la liste des dix enjeux populiste, jouant sur la confusion entre peuple
estimés les plus importants, celui de la sécurité a en ethnique et peuple plébéien, qui bouleverse le paysage.
effet bondi de dix points entre 2014 et 2018, tandis que • La progression des nationaux-populistes
celui de l’immigration a fait son entrée en huitième
Les Démocrates de Suède figurent parmi les gagnants
position. Ce dernier a favorisé la dynamique des partis
de ces législatives. Ils n’atteignent certes pas les scores
positionnés le plus clairement sur le sujet : ceux qui
que leur promettaient certaines enquêtes au mois de
tiennent une rhétorique xénophobe, mais aussi leurs
juillet, mais les plus récentes les situaient bien sous la
plus farouches adversaires, les tenants d’une politique
barre des 20 %. Leur progression reste tout de même
d’accueil généreuse.
la plus forte de tous les partis (+ 4,7 points). Végétant
• La stabilité du « bloc bourgeois » à 0,4 % il y a vingt ans, entrant pour la première fois

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au Parlement avec 5,7 % il y a huit ans, ils détiennent Il faut y insister : c’est bien la politisation de
désormais une taille électorale significative, qui pèse l’immigration et de l’asile qui a nourri les nationaux-
plus que jamais sur les négociations post-électorales populistes – et par contrecoup leurs plus farouches
pour la constitution d’une majorité parlementaire. adversaires. Comme on peut le voir dans le
Comment expliquer une telle ascension ? Plusieurs graphique ci-dessous, l’attitude des Suédois envers les
facteurs ont joué ensemble. L’un d’entre eux doit immigrants et les réfugiés ne s’est pas durcie au fil des
être recherché du côté du parti lui-même. Celui-ci années, même les plus récentes. 60 % souhaitaient que
a fait l’effort de s’extraire du folklore néonazi et leur nombre décroisse en 1990, contre 40 % en 2015.
suprémaciste blanc qui lui aliénait toute crédibilité, En revanche, le thème a pris une importance inédite
et l’empêchait de capter des sentiments anti-migrants pour les Suédois, au moment d'accomplir leurs choix
et anti-establishment qui étaient déjà répandus dans électoraux.
la population suédoise. Au début des années 2000, À chaque fois qu’une force politique a cherché à
le politiste Jens Rydgren avait en effet repéré instrumentaliser l’enjeu (que ce soit dans le sens de
l’existence d’un potentiel pour un parti de droite l’ouverture ou – plus souvent – de la fermeture),
nativiste et populiste. cela a eu des effets dans la sphère publique. Le fait
Plusieurs raisons expliquaient la non-actualisation de que les Modérés, mais aussi les sociaux-démocrates,
ce potentiel, qui se sont toutes évanouies en 2018. aient durci leur discours sur l’asile et en aient fait
En premier lieu, on l’a dit, les Démocrates de Suède un argument de campagne, n’a pu que favoriser les
ont accompli une mue réelle, notamment sous l’égide nationaux-populistes, dont la capacité de mobilisation
de leur leader actuel Jimmie Akesson. Les membres dépend de la centralité de cet enjeu dans la compétition
de la direction condamnés pour violence ou ayant électorale. Les Démocrates de Suède en font en effet
conservé des liens avec des groupes néonazis ont le point nodal de toute une série de préoccupations, y
peut à peu été exclus, ou sont partis d’eux-mêmes. compris sociales (lire l’article de Romaric Godin).
L’image extérieure du parti a été policée, par exemple Plus que d’une force révolutionnaire, il s’agit d’un
avec le logo inoffensif d’une fleur bleue, en lieu et parti entretenant la nostalgie d’un passé idéalisé,
place d’un poing tenant une torche enflammée. Le lorsque la solidarité et la souveraineté étaient possibles
programme lui-même a été purgé des propositions les dans une communauté homogène. D’où leur utilisation
plus radicales, comme le rapatriement forcé de tous perverse de l’idéal de « foyer du peuple », autrefois
les migrants arrivés depuis les années 1970. L’offre utilisé par la social-démocratie, dont ils défendent une
politique qui faisait défaut a ainsi vu le jour. version excluante sur le plan ethnique et culturel.
En second lieu, les différences entre partis • La gauche gouvernementale en recul, la gauche
de gouvernement restaient significatives pour radicale en progression
l’électorat, qui se déterminait essentiellement en Le bloc de gauche a reculé de trois points. La baisse
fonction d’enjeux économiques et sociaux. Or, les des sociaux-démocrates et des Verts, en coalition
conservateurs et des sociaux-démocrates ont convergé dans un gouvernement minoritaire qui a tenu grâce à
sur un agenda néolibéral plus ou moins tempéré, l’appui ponctuel du centre-droit, a été compensée par
brouillant la distance droite-gauche perçue par les la progression du Parti de gauche. Cet héritier du parti
électeurs. De plus, ces deux partis ont contribué à communiste, dont l’identité est devenue féministe,
politiser l’enjeu migratoire dont les Démocrates de écologiste et socialiste, s’est par ailleurs distingué par
Suède se sont faits les hérauts, en mobilisant contre son hostilité non seulement aux Démocrates de Suède,
l’accueil des réfugiés (le plus généreux d’Europe en mais au revirement de la gauche gouvernementale
proportion de la population). sur l’asile. Ceci dit, les gauches dans leur diversité
ont bien connu un ressac, dans la mesure où le parti

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féministe, qui avait réalisé un bon score en 2014 mais vite abandonné les projets de socialisation progressive
sans pouvoir entrer au Parlement, a lui aussi perdu des des firmes, perdant son originalité dans des politiques
suffrages. économiques pro-marché.
Si les sociaux-démocrates ont moins reculé Toujours le premier parti du pays (ça ne change pas
qu’attendu, leur score confirme à la fois leur depuis... 1917), le SAP n’a guère de choix s’il veut
changement de statut et leur déclin structurel. Depuis rester au pouvoir. Löfven a appelé à « en finir avec
que des élections sont tenues au suffrage universel la politique des blocs », c’est-à-dire à une coopération
(masculin, pour commencer), le parti n’avait jamais formalisée entre partis de centre-droit et de centre-
été aussi peu performant dans les urnes. Depuis 1921, gauche.
il n’était jamais passé sous la barre des 30 %. • La fin confirmée de la « politique des blocs »
Entretemps, les sociaux-démocrates suédois étaient Le scrutin de dimanche dernier apparaît en effet
parvenus à déjouer le dilemme bien connu des partis comme un clou de cercueil de plus sur la dynamique
ouvriers de masse : gagner des soutiens parmi les bipolaire du système partisan suédois. Depuis 1998,
classes moyennes, sans s’aliéner les électeurs les plus des alliances plus ou moins formelles s’étaient nouées
populaires. Non seulement le SAP a conjugué les deux respectivement entre partis de gauche et de droite, dont
objectifs, mais tous les groupes sociaux votant pour les « blocs » avaient alterné au pouvoir jusqu’en 2014.
lui estimaient que les politiques concrètement menées En l’absence de majorité pour l’un de ces blocs, ce
l’avaient été dans leur intérêt. La social-démocratie qui était déjà le cas il y a quatre ans, ce mécanisme
suédoise a donc été un agent politique rare, capable n’est plus possible. Cela signifie que des préférences
d’intégrer les intérêts des couches subalternes dans un différentes doivent être accordées, de façon moins
intérêt commun élargi, approchant du « bloc national- aisée que lorsque la proximité des idéologies et des
populaire » évoqué par Gramsci lorsqu’il décrivait bases sociales est plus étroite.
l’objectif d’hégémonie à atteindre pour une force de Pour l’instant, les partis de la droite classique semblent
transformation sociale. se tenir à distance des Démocrates de Suède, qui
Le problème, c’est que cette hégémonie est restée revendiquent de peser sur les prochains choix de
« passive », reposant moins sur l’implication active politique publique. À droite, ce sont les Modérés qui
des citoyens, que sur des compromis positifs noués risquent de se retrouver sous la plus forte pression, s’ils
entre élites politiques, patronales et syndicales, avec veulent renouer avec la capacité de diriger un exécutif
beaucoup d’efficacité mais sur un mode élitaire. Selon à court terme, et non pas seulement d’y participer
les chercheurs Therborn et Buci-Glucksmann, « le ou de le soutenir au niveau parlementaire. Les élites
consensus obtenu ne faisait nullement appel à la locales de ce parti, surtout, risquent de vouloir nouer
démocratie de base, à l’autogestion ou à l’auto- des alliances là où les Démocrates de Suède sont les
organisation des masses ». Surtout, ce consensus plus forts, notamment en Scanie (lire notre reportage).
n’était que provisoire, dépendant d’un environnement En tout état de cause, le dernier scrutin confirme que
international et d’un équilibre des forces sociales la politique suédoise est entrée dans une nouvelle ère,
qui allaient se dégrader. Face aux turbulences poussant les forces politiques à des choix stratégiques
économiques et à l’offensive du patronat, le SAP a cruciaux.

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