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DTA 1 Cours N°1

EAC 2010 Quelques notions de base.

Introduction – Astronomie - Géologie - Hydrologie - Météorologie - Science des gaz –


Histoire – l’être humain.

Qu'est ce que l'architecture ?

Etymologie.
ce mot est emprunté au latin « architectura » qui signifie « art de construire ».
Il est composé de deux racines grecques archéo et tekton, archeo signifiant « chef » et tekton
signifiant « constructeur ».
L'ensemble peut être traduit par «art de construire » ou « mode de construction » ou « art de
bâtir »

«Art de bâtir » ?
Bâtir est facile, cela renvoie à la construction, à ses techniques et au savoir-faire.
Art est plus énigmatique mais nous pourrions l'expliciter par « manière de faire ».

Faire de l'architecture, c'est trouver une manière de construire un bâtiment, une manière
d'organiser son savoir-faire en vue d'employer des techniques pour bâtir un édifice.

Il ressort de ceci deux choses :


- il faut acquérir beaucoup de connaissances sur les techniques de construction. Ceci se fait
dans les cours techniques : mathématiques, acoustique, physique des matériaux, chimie,
thermique, géométrie, hydrologie, géologie, et d’autre encore.
- il faut acquérir une manière, une méthode pour concevoir le projet, ceci se fait dans les
cours de théorie : histoire, histoire de l'art et de l'architecture, sociologie, psychologie,
anthropologie etc., et de pratique (atelier, arts plastiques dessin technique).

Une des parties de cette méthode concerne la connaissance des oeuvres du passé. Cela ne se
résume pas à l'histoire de l'architecture avec ses noms et ses dates. Cela concerne aussi la
connaissance intime de projets clés ou représentatifs d’une époque : QUI l'a fait, OU l'as-t-il
fait, QUAND l'as-t-il fait, POUR QUI L'as-t-il fait, POURQUOI l'as-t-il fait ?pourquoi as-t-il
fais comme ça ? aurais-t-il pu faire autrement ? que faisaient les autres architectes à la même
époque ? que puis-je tirer comme enseignement de ce bâtiment ? sont quelques questions
auxquelles il faut répondre quand on regarde un édifice.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 1


OU
Nous allons nous intéresser à la question du « où ? »
Où se trouve un bâtiment ? qu’est ce qui l’entoure ?
Il n'y a pas de bâtiment sans un espace qui l'entoure. Cet environnement influe beaucoup sur
la forme du bâtiment. Pour bien en comprendre les implications revenons à quelques notions
de base.

ASTRONOMIE

La terre est une boule aplatie à ses sommets nord et sud. Elle tourne sur elle-même en 24
heures environ ce qui provoque l'alternance du jour et de la nuit. Elle tourne autour du soleil
en 365 jours environ. Elle est inclinée d'environ 23° par rapport à la perpendiculaire de son
plan de rotation, ce qui provoque l'alternance des saisons.

La terre a été découpée en lignes verticales et horizontales appelées longitudes et latitudes. La


terre fait 360 degrés d'angle. Chaque ligne est espacée de sa suivante de 1° d'angle. Chaque
endroit sur la terre est repéré par sa latitude et sa longitude.

Pour se repérer plus facilement, il existe une longitude de référence, qui vaut 0° : c'est celle
passant par le petit village de Greenwich en Angleterre, elle est appelée «méridien de
Greenwich«. Un méridien est une longitude de référence. Toutes les longitudes sont comptées
à partir du méridien de Greenwich, en indiquant la direction, ouest ou Est. La longitude de
Casablanca est de 7° 35 minutes ouest. On divise les angles en minutes et en secondes. Un
angle fait 60 minutes, qui fait 60 secondes. Toutes les longitudes ont la même longueur.

Il existe aussi une latitude de référence qui s'appelle l'équateur, qui vaut 0°. Toutes les
latitudes sont comptées à partir de celle-ci en indiquant si on part vers le nord ou vers le sud.
La latitude de Casablanca est de 33° 35 minutes Nord. C'est à dire que la ville de Casablanca
est à 33 degrés d'angle, plus 35 minutes d'angles au dessus de l'équateur.
Il existe cinq latitudes majeures (appelées aussi parallèles) :
- le cercle polaire nord et le cercle polaire sud représentent les limites nord et sud où il est
possible d'avoir un jour sans coucher de soleil.
- l'équateur,
- les deux tropiques du cancer et du capricorne, qui représentent les limites nord et sud où le
soleil peut être vu à 90° au moment des solstices.

L'inclinaison de 23° de la terre sur son axe et sa rotation autour du soleil conduisent à des
répartitions inégales du soleil au cours de l'année. C'est ce qui explique les saisons, les durées
inégales du jour et de la nuit et la variation de la position du soleil à son lever et son coucher.
le soleil se lève globalement à l'est et se couche globalement à l'ouest. Dans l'hémisphère
nord, il est à son point le plus haut (qu'on appelle zénith) au sud. Dans l'hémisphère sud, c'est
l'inverse.

L'été les jours sont plus longs car le soleil se lève au nord-est, passe au sud et se couche au
nord-ouest : il éclaire un peu plus la terre, ce qui explique les grandes chaleurs, il fait jour
plus longtemps.
L'hiver, le soleil se lève au Sud-est, passe au sud et se couche au sud-ouest. La durée du jour
est faible, il fait moins chaud.
Dans l’hémisphère sud, c’est l’inverse.

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La période où la durée du jour égale la durée de la nuit s'appelle EQUINOXE. Il y en a deux,
l'un au printemps vers le 21 mars, l'autre en automne, vers le 21 septembre.

Le jour pendant lequel la durée d'ensoleillement est la plus longue s'appelle SOLSTICE
D'ETE, et a lieu le 21 juin. Le jour pendant lequel la durée d'ensoleillement est la plus faible
est appelé SOLSTICE D'HIVER, et c'est le 21 décembre de chaque année.
Le zénith est le point où le soleil est le plus haut dans le ciel, vers midi.
La hauteur du soleil à son zénith varie au cours de l'année. En hiver, le soleil ne dépasse pas
33°, mesure prise par rapport à l'horizontale : il reste bas, rasant, et ses rayons pénètrent
profondément dans les maisons à travers les vitrages. En été, le zénith, à Casablanca, est
d'environ 89 °, le soleil est presque vertical, il fait des ombres courtes et rentrent peu dans les
maisons.

GEOLOGIE
La terre est une sphère de 12000 Km de diamètre environ, aplatie aux pôles. Elle est
constituée de plusieurs «manteaux » posés les uns sur les autres, le premier étant un magma
de roches en fusion, le dernier étant la croûte terrestre, c’est à dire le sol sur lequel nous
marchons, épais de moins de 20 km.

Cette croûte est découpée en plaques qui bougent, et qui en bougeant créent des tremblements
de terre. La théorie qui décrit ces mouvements de plaques s’appelle « la tectonique des
plaques ». Le Maroc est situé non loin d'une limite entre deux plaques, dans ce qu'on appelle
« une zone sismique ». Les tremblements de terre sont fréquents ce qui fait l'objet de
certaines mesure de construction pour renforcer les bâtiments.

La croûte terrestre est constituée de roches, parfois affleurantes en surface, puis dans sa
couche supérieure de sol plus ou moins tassés, qu'on peut appeler communément «de la
terre » pour ne pas rentrer dans les détails puis d'une couche supérieure et relativement molle,
appelée « terre végétale » et parfois, dans votre jardin, d'une couche ultime appelée «
pelouse ». On ne bâtit pas une maison sur de la pelouse. On ne bâtit pas non plus une maison
sur de la terre végétale. Il faut chercher ce que les architectes appellent «le bon sol« qui est
une couche de terre ou de roche suffisamment dure pour recevoir le poids du bâtiment. Sinon
celui-ci tasse le sol sous son poids, le sol bouge, les murs se fissurent et l'édifice s'écroule.

Le bâtiment repose sur cette couche solide au moyens de différents système (radiers,
fondations, pieux, etc.) que vous étudierez en cours de construction.

Ce qu'il faut retenir, c'est qu'avant de bâtir une maison, on fait généralement un trou, pour y
placer l'assise de la maison (l'assise étant un mot général pour signifier le système de
fondation utilisé). Cette assise, une fois l'édifice terminé est souvent invisible, et parfois
visible. Tout cela fait partie des choses que l'architecte, pour des raisons technique ou
esthétique décide de montrer ou de cacher. Souvent, la partie visible de l'assise s'appelle le
soubassement.

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HYDROLOGIE
L'eau recouvre la surface de la terre à 71 %. Cette eau s'évapore par la chaleur du soleil,
s'accumule en nuages, qui se font pousser par les vents car ils ne peuvent avancer tout seul,
les pauvres, et qui viennent déverser leur pluie un peu partout. Cette pluie tombe sur le sol et
sur les bâtiments. Quand elle tombe sur les bâtiments elle doit être évacuée pour ne pas
s'infiltrer à l'intérieur. Quand elle tombe sur le sol, elle doit être dirigée pour ne pas abîmer les
assises de l'édifice. L'eau est le problème numéro 1 de tous les bâtiments au monde. Une
grande partie de ce que vous voyez autour de vous ne résulte que d'une seule chose : ne pas
faire rentrer l'eau dans le bâtiment, l'évacuer le plus loin possible. Vous apprendrez petit à
petit à cesser de voir les choses pour essayer de comprendre le pourquoi de ces choses, afin
de savoir, le jour venu, comment vous ferez, vous, face au même problème.

METEOROLOGIE
La terre est entourée d'une enveloppe gazeuse appelée « atmosphère ». Celle-ci se décompose
en plusieurs couches, dont la plus basse, qui fait 10 km d'épaisseur (10 km est la hauteur à
laquelle volent les long-courriers de la Royal Air Maroc), est l'air que nous respirons tous les
jours. Celle juste au dessus s'appelle la couche d'ozone et joue un rôle dans la filtration des
radiations nocives de soleil. C'est aussi cette couche d'ozone qui donne une belle couleur
bleue au ciel du Maroc.

Cette couche de 10 km d’épaisseur est appelée troposphère. C’est là que se font l’essentiel
des phénomènes météorologiques.
La troposphère est composée d'air, qui lui est composé d'azote (78%), d'oxygène (21%) et de
traces de quelques autres gaz. Il y a aussi de la vapeur d'eau.
Les différentes couches de l'atmosphère, combinée à la rotation de la terre, à l'alternance du
jour et de la nuit, à la chaleur reçue du soleil amène des mouvements de masses d'air, appelé
vents, qui vont, en haute altitudes, toujours dans la même direction (ce qui explique la
présence de désert, où des vents empêchent la venue de nuages et de pluie).

Aux altitudes proches du sol, qui nous intéressent, les vents se forment dans différentes
directions, selon les saisons, le relief, et l’influence des vents de grandes altitude vus
précédemment.

Ces vents peuvent être parfois importants, se changer en tornade, en cyclone, amener des
nuages, qui vont faire tomber de la pluie en quantité, pluie qui peut s'infiltrer dans la maison
sous la pression du vent, ou s'accumuler en torrents, en rivière ou en coulée de boue
dévastatrice. Les catastrophes naturelles du journal du soir sont là pour nous montrer qu'un
bâtiment reste peu de choses face à la force de la nature.

Les vents, en soufflant, « appuient » sur le bâtiment, notamment sur les parois de verre, ce
qui peut les casser. Il peut aussi, par des phénomènes un peu long à expliquer ici, «aspirer« la
toiture qui peut alors s'envoler. C'est ce qu'on appelle la prise au vent. Tout cela vous sera
expliqué en cours de construction.

Le vent, en soufflant peut refroidir le bâtiment, ce qui peut être bienvenu ou mal venu selon la
région et la localisation. Certains bâtiments dans des lieux ventés sont conçus de manière à se
protéger de ce vent. Vous apprendrez comment faire en cours de thermique.

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Par contre, le vent peut aussi rentrer dans l'habitation, amenant sable, poussière, pollution,
c'est mal venu. Parfois, l'architecte décide de la faire rentrer dans l'édifice, de façon contrôlée,
pour faire de la ventilation naturelle, c'est facile et c'est gratuit. Vous tiendrez compte dans
vos observations du comportement des édifices par rapport au vent.

SCIENCE DES GAZ


L'air à beau être léger, la taille de l'atmosphère fait qu'il « pèse » sur le sol. Le poids de l'air
est appelé pression, se calcule en bars ou en pascal, et vaut 1 bar au niveau de la mer. Plus on
monte en altitude, moins il y a d'air, moins il y a de pression.

L'air a tendance à aller d'une zone à haute pression vers une zone à basse pression. C'est la
cause principale des vents. Par un phénomène complexe, quand vous créez une cheminée,
ouverte en bas et en haut, vous faites en sorte que l'air en bas, soumis à une haute pression, va
monter par la cheminée car elle est ouverte sur une zone de basse pression. Cela va créer un
courant ascendant, très utile pour évacuer les fumées ou favoriser la ventilation naturelle. On
appelle ça « effet de cheminée ». Voilà un bon exemple d’un phénomène identique à
l’échelle de la terre et à l’échelle de la maison.

L'air, à une certaine pression et une certaine température peut contenir plus ou moins de
vapeur d'eau. Un air chaud peut contenir beaucoup de vapeur d'eau. Un air froid peu. Quand
un air, qui est chaud, se refroidit, au contact d'une vitre froide, par exemple, sa vapeur d'eau
se condense sur la vitre. C'est la rosée.

Quand de l'air chaud, chargé en vapeur d'eau se condense sur un mur froid, la rosée coule le
long du mur, s'accumule, favorise les moisissures et les mauvaises odeurs, tâche le sol. C'est
pour cela qu'on essaye, selon les régions, d'isoler les murs pour que l'air chaud d l'intérieur ne
touche pas un mur froid et ne cause des désordres autant techniques que pour la délicatesse
du nez.

Quand on veut refroidir un air chaud, il faut évacuer son eau de condensation. C'est pour cela
qu'il y a des flaques d'eau l'été, sous les climatiseurs. La température limite où l'eau de l'air
chaud commence à se condenser est appelée «point de rosée ». Vous trouvez cette
température sur les sites de météorologie. voir par exemple : www.meteoma.net

Par ailleurs, sans revenir dans le détail des lois physique qui régissent les gaz, vous pouvez
retenir ces informations importantes :
- une air chaud est plus léger qu'un air froid et à tendance à monter dans la pièce, vers le
plafond
Un air froid est plus lourd qu'un air chaud et à tendance à s'accumuler au sol.

Conséquence : vous avez la tête au chaud et les pieds au frais, ce qui n'est pas toujours
agréable. Pour cela, et pour d'autres raisons, les peuples des pays chaud vivent au ras du sol,
là où l'air est plus frais. Pour cela,et pour d'autres raisons, les peuplent des pays froids
s'assoient sur des chaises pour ne pas être près du sol, là où l'air est trop frais en hiver.

Si de l'air froid se trouve en haut, il va descendre. Si de l'air chaud se trouve en bas, il va


monter. C'est toujours comme ça. Ces mouvements s'appellent des mouvements de
convection. Ils participent au mélange de l'air dans la pièce. C'est pour cela qu'on met les
radiateurs en bas, pour que l'air chaud commence à chauffer le bas de la pièce et monte

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ensuite, sinon il ne descendrait jamais. C'est pour cela qu'on met les climatiseurs en haut :
c'est pour que l'air frais puisse descendre et laisser sa place à de l'air plus chaud qui va à son
tour se refroidir.

Quand vous comprimez un gaz, il se réchauffe. Quand vous le détendez, il se refroidit. C'est
comme ça que fonctionne votre réfrigérateur et votre climatiseur. Regardez la notice de votre
réfrigérateur pour plus d'explications.
Rapidement détendu, un air se refroidit. C'est pour cela que l'air qui sort de votre déodorant
est froid, car il passe d’un état comprimé à un état détendu.

Plus un air est sec, moins il a de vapeur d'eau, et moins il a d'odeur.


Plus un air est humide, plus il a de vapeur d'eau, plus il est difficile à chauffer, car il faut non
seulement chauffer l'air mais la vapeur d'eau qui est dedans.

En général, l'être humain apprécie peu l'air humide, même si un air totalement sec est
mauvais pour la santé. Un air chaud et sec parait moins chaud qu'air chaud et humide. 40 °C à
Casablanca sont beaucoup plus pénible que 40°C à Marrakech car à Marrakech, l'air est sec.
Quand vous lisez les récits d'aventure de Nicolas Vannier dans le grand nord, celui ci
explique que - -20 °C est plus pénible à supporter que -40°C, car à -20°C, l'air est plus
humide, or la présence de vapeur d'eau dans l'air favorise les déperditions thermiques du
corps. C'est pour cela que les petits brumisateurs destinés à se rafraîchir contient de l'eau :
déposée en petites gouttelettes sur votre peau, elle s'évapore en vous refroidissant.

Tout ceci sont des choses connues qui s'appliquent aussi dans le bâtiment : on vaporise de
l'eau pour refroidir certains espaces très chaud, on utilise l'effet de cheminée pour créer de la
ventilation naturelle, on doit évacuer les eaux de condensât des climatiseurs, etc.

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HISTOIRE

La préhistoire est l’histoire de l’homme avant l’écriture. Elle est divisée en deux périodes :

Le Paléolithique - 5 Millions d'année - apparition des premiers hommes.


Le néolithique - 8 000 ans, apparition des mégalithes, premiers villages.

L’histoire est comprise entre l’apparition de l’écriture et maintenant. Elle est divisée, pour
nous, en quatre grandes périodes, dont les repères sont les suivants :

L’antiquité est la période allant jusqu’à la chute de l’empire romain d’occident.


Apparition de l'écriture vers - 3300 av. J.C.
Civilisations égyptienne, perse, grecque, romaine.
Le moyen-âge couvre la période allant jusqu’aux grandes découvertes du XV° siècle.
Chute de l'empire romain d'occident en 476 ap. J.C.
Conquête du moyen-orient par les arabes.
Féodalité en Europe
L’époque Moderne débute au XV° siècle avec les grandes découvertes, jusqu’aux
révolutions modernes des deux derniers siècles.
découverte de l'imprimerie en 1448, diffusion du savoir.
chute de l'empire romain d'orient en 1453
découverte de l'Amérique en 1492.
chute du royaume arabe d'Andalousie en 1492.
invasion du monde arabe par les turcs aux XVI° siècle.
renaissance artistique et culturelle en Europe.
Siècle des lumières en Europe.
L'époque contemporaine
la révolution française en 1789
la révolution industrielle en Europe au XIX° s.
les grandes guerres d'Europe du XX° siècle.
la conquête spatiale.
l'invention de l'informatique.
le développement des communications.
le futur.

Si un seul de ces événement ne vous est pas connu, faites des recherches pour le connaître et
le comprendre.
Si l’enchaînement de ces évènements ne vous est pas connu, faites des recherches pour
compléter vois connaissances.

Ce qu'il faut retenir de cela : on ne peut comprendre une oeuvre du passé sans connaître assez
précisément ce qui s'est passé avant elle, pendant son époque, puis après elle.
La connaissance de l'histoire est indispensable. Ces dates ne sont que des repères entre
lesquelles vous devez compléter vos connaissances.

Les premiers bâtiments construits apparaissent il y a plusieurs millions d’année sous forme de
huttes faites de branchages. Nous appellerons cela la hutte primitive.

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L’ÊTRE HUMAIN
L’être humain est un mammifère pensant. Chaque être est unique, pourtant il est possible de
dégager des caractères communs à tous.

Ce sont ces caractères communs qui nous intéressent car l’architecte a vocation a construire
pour tous les êtres humains.
Nous ne rentrerons pas ici dans les détails : vous apprendrez précisément en cours de dessin
techniques les dimensions du corps, la hauteur d’une main, celle du coude, celle de la tête, et
bien d’autre encore. Tout cela est indispensable pour placer un interrupteur, une porte, un
garde-corps.
Ce qu’il faut retenir, c’est que l’architecture ne peut être comprise sans connaître les
caractéristiques du corps humain.

A ces caractéristiques physiques viennent s’ajouter le plus grand problèmes de l’Homme :


son cerveau. Ce que vous croyez voir, sentir, toucher, n’est en fait qu’une suite de réactions
électriques dans votre cerveau. Ce que vous croyez penser, mémoriser, apprendre, n’est
qu’une suite de neurones branchées les unes aux autres. Le jour où votre cerveau s’arrête de
fonctionner, tout cela disparaît à jamais et il faut recommencer avec un autre être humain.

Pour éviter que ces choses ne disparaissent à jamais, l’homme a inventé les arts, qui est une
manière de laisser quelque chose derrière soi. C’est pour cela que l’art est toujours le reflet
d’une époque. L’architecture est une manière de laisser des choses derrière soi, ou, vu d’une
autre manière, en regardant les bâtiments du passé, vous plongez directement dans le cerveau
de ceux qui l’ont bâti. Une fois qu’on a compris cela, étudier les œuvres anciennes devient un
jeu très amusant, un peu comme dans le film « Dans la peau de John Malkovich » (de Spike
Jonze, 1999).

Chaque être humain est différent, et malgré cela, il y a un certain nombre de réactions dans le
cerveau qui sont identiques dans un groupe de gens, soient de façon innée, soit de façon
acquise. C’est à dire qu’il y a des réactions communes à tous les hommes, cela est en nous,
ou alors ces réactions communes sont propres à une population donnée, dûes à sa propre
histoire, sa propre culture. C’est l’ensemble de ces réactions communes qui intéressent les
architectes car elles permettent de prévoir le comportement des gens.

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DTA 1 Cours N°2
Du dedans au dehors

La hutte primitive – L’espace – Les limites – dedans et dehors – le passage et la transition –


l’espace a une fonction…ou n’en a pas – L’espace se perçoit – Qualités spatiales – l’espace
se vit – Espace et proportions – Utilitas, firmitas, venustas.

LA HUTTE PRIMITIVE
Le plus ancien livre d'architecture date du 1er siècle avant J.C. Il a été écrit par un citoyen de
l'immense empire romain qui s'étalait autour de la Méditerranée.
Ce citoyen s'appelait VITRUVE. Son traité est en dix tomes, s'appelle « De l'architecture » et
est plus connu sous le nom des « dix livres d'architecture de Vitruve ».
Dans celui-ci, il explique que la première architecture, c'est à dire le premier acte raisonné de
bâtir a été fait pour se protéger des éléments naturels vus précédemment. Ceci est toujours
d'actualité : n'importe quel édifice est destiné, entre autres, à vous protéger du soleil, de la
pluie, de froid, du chaud etc. Ce faisant, en bâtissant un abri, l'homme crée un espace.

L'ESPACE
L'espace est la chose la plus difficile à définir alors que c'est la chose dans laquelle nous
évoluons tous les jours. La pièce où vous êtes actuellement ou la terrasse de café d'où vous
me lisez, en buvant un jus d'orange, une bière ou un café« (vous faites ce que vous voulez)
est un espace défini par des limites.
Pour simplifier, nous dirions qu'un espace architectural est défini par le sol, des murs et un
plafond.. Le bâtiment est un volume et l'espace est le creux qui est dedans.
Ceci est évidemment simpliste : la terrasse de café (où vous avez maintenant terminé votre
jus d'orange et commandé un café serré pour mieux comprendre le cours) est constitué d'un
sol, peut être d'un plafond (comme un bâche) mais pas forcément de murs.

La rue en face de vous, à certes un sol, mais pas de plafond. Ses murs sont en fait les murs
des édifices qui la bordent.

Pour corser la chose on pourrait dire aussi que l'espace ne nous a pas attendu pour exister et
qu'une falaise, une ligne d'arbre une rivière, un rocher, la mer, forment eux aussi des limites à
des espaces naturels très grands.

LIMITES
L'espace est défini par des limites qui sont plus ou moins identifiées : le sol, le mur, le
plafond, mais aussi les murs d'une rue, ou une ligne d'arbre qui ferme une place, une falaise
qui ferme une plage, une mer qui arrête un territoire.

Le propre des limites est d'être transgressées.


En fabricant sa hutte, l'homme crée un intérieur, abrité de l'extérieur. Il limite le dedans du
dehors.

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DEDANS et DEHORS
Les notions de dedans et dehors sont incroyablement difficile à appréhender alors que c'est
une chose que l'on pratique tous les jours : vous savez instinctivement, à l'instant où vous me
lisez, si vous êtes dedans ou dehors. Dedans quoi, ou en dehors de quoi, c'est une autre
affaire.

Observons une maison isolée dans le désert. Elle est comportée d'une seule pièce, c'est facile.
Dans la maison, c'est dedans , dans le désert, c'est dehors. Vous avez compris. Corsons la
chose.
Observons cette salle de classe où vous étiez : dans la salle c'est dedans. En dehors de la salle,
c'est quoi ?c'est le couloir, ou la coursive. C'est toujours dedans. Donc on peut avoir un
dedans dans un dedans. Bien, sortons du couloir. est on dehors ? non. Dans le grand hall de
l'école. Sortons de l'école, sur le parking. est on dehors ? oui. N'y a-t-il pas un autre dehors ?
si, dans la rue. Allons sur le trottoir. Maintenant est on dehors ? oui. N'y a-t-il pas un autre
dehors, un endroit où l'on se sentirait encore moins protégé ? si, sur le route. S'il n'y a pas de
voiture, tu peux aller sur la route, vas-y je t'autorise. ça y est tu est dehors ? Et bien oui. et les
murs ?et le sol ? et cette bordure de trottoir ne déterminent ils pas un espace ? l'espace de la
rue ?
si tu appelles cela rue c'est que tu as reconnu une rue, avec sa voie, ses trottoirs, ses maisons
qui la bordent. Tu est encore un peu dedans. Dans un espace encore plus grand que tu ne peux
appréhender d'un seul coup d'oeil, tu ne peux le faire qu'en imagination, c'est la ville. Voilà, tu
as compris le truc. On peut continuer à l'infini vers le dehors, de la ville au territoire, du
territoire à la région, de la région au continent, etc. sans plus s'arrêter.
bon. Voilà pour le dehors.

RETOUR EN CLASSE
Là on est bien dedans. N'y a-t-il pas un autre dedans ? Si je me mets dans le coin de la salle,
n'ai je pas la sensation d 'être plus enfermé que si je me mets au milieu ? Si je mets sous la
table aussi ? et si en plus je met cette table dans le coin de la pièce, ne suis-je pas au summum
du dedans pour cette salle de classe ?Ainsi, dans un même espace, je peux trouver des
endroits plus fermés (plus dedans, tel le coin de la pièce) ou plus ouverts (le milieu de la
pièce).
Corsons encore un peu la démonstration et après c'est fini :
Si je regarde le mur en tournant le dos aux fenêtres ou l'inverse, n'ais je pas le sentiment d'être
plus dedans dans un cas que dans l'autre ?

Maintenant, si nous résumons ce que nous venons de dire :


il n'y a pas UN dedans et UN dehors. Il n'y a qu'une suite dedans qui s'interpénètrent avec une
suite de dehors. Cela va du lieu qui est sous la table à la salle de classe, au bâtiment, au
terrain, à la rue, à la ville au territoire, etc.
ça tombe bien, nous voyons ici que le métier d'architecte, qui est, entre autre, de limiter le
dedans du dehors, va du mobilier au plan d'aménagement du territoire.
Et c'est une réalité : les architectes font aussi bien du dessin de mobilier (on dit «design«, ça
fait plus classe) que du dessin de ville (on dit de l'urbanisme, ça fait plus sérieux).

Maintenant que vous avez compris cet enchaînement du dedans et du dehors, intéressons
nous à ce qui s'est passé pendant cet enchaînement. :
- il y a eu déplacement de l'homme.
- il y a eu passage de limite.

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PASSAGE, TRANSITION.

Le passage d'un espace à un autre se fait à travers une limite, une frontière, un seuil, une
bordure, etc.
Cette limite peut être plus ou moins marquée : si la porte est fermée, la limite est claire. Si
elle est ouverte, je peux à la fois être un peu dans un espace, un peu dans un autre ; je
m'explique. quand la porte est fermé, mon regard s'arrête à elle. L'espace s'arrête là. (je
simplifie la perception de l'espace au regard pour l'instant). Quand elle est ouverte, mon
regard s'échappe dehors. Et l'espace que je perçois devient plus complexe, avec un peu de
dedans, un peu de dehors. Selon que les limites soient franches ou invisibles, vous avez des
transitions marquées ou très douce. C'est comme le réglage du contraste sur une
photographie.

Si vous marquez franchement une limite, vous délimitez franchement un espace, et c'est très
beau.
Si vous atténuez les limites, vous faites des transitions douces et vous unissez deux espace.
c'est très beau aussi.

Les technologies actuelles des grands vitrages permettent de concevoir des espace abrités
(c'est leur fonction première) tout en étant transparent (ouvert) sur le paysage, ce qui agrandit
la sensation d'espace à l'intérieur.

Oublions pour un temps la notion d'abri, revenons à l'espace.

ESPACE : éléments de limites.


Nous avons dit tout à l'heure pour simplifier que l'espace était le creux d'un volume, qu'il était
défini par un sol, des murs, un plafond. C'est simpliste. L'architecture a horreur du simplisme.
Ça ne conduit à rien de bon. Soyons plus fin.

Imaginons un désert, plat comme le dos de ta main. Comment délimiter un espace le plus
simplement possible ?
- par un creux dans le sol, une simple différence de niveau marque bien l'espace que nous
avons soustrait au désert qui nous entoure.
- par une surélévation. Même principe, mais en hauteur ; cette fois là nous surplombons le
désert. On est vulnérable (exposé) mais dominant.
- un simple mur droit. Il y a un côté éclairé, u côté sombre. Un côté chaud, un côté frais. Dos
au mur nous sommes abrités. Ainsi les limites de notre espace sont à la fois le sol (le désert),
le mur, mais aussi la limite entre l'ombre et la lumière, voire entre le frais et le chaud.

- plaçons deux murs perpendiculaires l'un à l'autre, nous avons un coin. Asseyons nous dans
ce coin. Nous nous entons très protégé dans notre dos.
- plaçons trois murs : nous avons un creux, presque une pièce. Pas de toit, pourtant le haut des
murs, alignés, fonctionne aussi comme une limite être la matière et le vide.
- plaçons un plafond, nous avons presque une boîte, presque un volume, un creux bien
marqué, un abri solide, la transition entre le dedans et le dehors se fait à un seul endroit : là où
il n'y a pas de murs.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 13


Fermons maintenant la boîte, creusons une porte, ç a y est, nous retrouvons notre maison dans
le désert, composée d'une seule pièce, marquant bien le dedans et le dehors. La transition se
fait par la porte.

Que pouvons nous tirer de cette expérience ?


trois choses :
- on peut marque les espaces d'une infinité de manière : un creux, un monticule, un mur, deux
murs, un plafond, des murs transparents, des murs courbes, des murs inclinés. L'histoire de
l'architecture est là pour vous montrer tout ce qui a déjà été fait. Votre imagination est là pour
vous montrer le reste.
- être simpliste, c'est marquer l'espace par quatre murs. être simple, c'est marquer l'espace par
uniquement ce dont il a besoin pour être délimité, en fonction de ce qui s'y passe. Etre
simpliste, c'est faire de la construction ; être simple, c'est faire de l'architecture.
- la transition se fait toujours par un vide permettant le passage. Ce sont les rôles, pour
simplifier pour l'instant, des portes et des fenêtres, des éléments qui ont été le jouet de
l'imagination de tous les architectes qui vous ont précédés.

Pour bien faire comprendre cette notion variable du dedans, du dehors, de l'espace, des
limites, voici quelques éléments :
- le couloir, vs la coursive : même fonction distributive, l'un est fermé, l'autre est ouverte.
- la persienne vs la casquette : même fonction d'abriter du soleil, l'un obstrue le passage,
l'autre le laisse libre.
) la coupole en béton vs la coupole en verre : l'une est opaque, l'autre est ouverte sur le ciel.
- une ruelle de Marrakech vs un boulevard de Casablanca : l'une est sombre et petite, pour les
piétons, l'autre est vaste et lumineuse, pour les voitures et pour aérer la ville.

etc.

L'ESPACE A UNE FONCTION


La manière de délimiter un espace est le fruit de votre imagination et de votre réflexion.
- comment voulez vous cet espace ? (réflexion)
- comment allez vous le délimiter ? (imagination)

un élément bloque : qu'est ce donc que cette chose appelée «cet espace« ?
C'est, dans le cas le plus courant, un lieu destiné à une activité, une fonction, qui vous a été
dictée par votre client qu'on appelle Maître d'ouvrage. Celui-ci fait appel à un architecte pour
bâtir un édifice dont il a besoin.
Ce sont ces besoins que nous traduisons en fonctions à travers un programme.
Ces besoins sont aussi simples que dormir tranquille, manger ensemble, se laver dans
l'intimité, que complexes comme isoler une salle de radiologie des radiations radioactives, ou
«je voudrais pouvoir manger tout en regardant les étoiles«, ou «je veux prendre un bain sans
avoir à sortir de ma chambre«. Cela fait sourire, mais c'est la réalité du métier de l'architecte
répondre à des contraintes très techniques et en même temps à des demandes très poétiques..
Analysez un peu les images dans les revues d'architecture, de décoration intérieure, ou même
de publicité : on y voir une super-woman travailler et manger en même temps, on y voit un
salon ouvert par de grandes baies vitrées sur le jardin (où s'arrête le salon ? où commence le
jardin ?) on y voit des WC dans une chambre (déféquer et retourner dormir...) c'est parfois
étrange mais cela est comme ça.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 14


Tous ces besoins expriment le mode de vie des gens qui vous entoure, et vous devez apporter
une grande attention à cela, par l'observation, et surtout pas le jugement. Les cours de
sociologie, d'anthropologie, de psychologie, bous aideront à analyser vos observations.
Les société changent, parfois très vite, ce qui explique des besoins nouveaux (il y a un siècle
des gares, aujourd'hui des aéroports, demain des base de départ dans l'espace) ou des besoins
qui disparaissent (les temples romains ont disparu lorsque leur religion s'est éteinte).
Ces besoins que l'architecte doit parfois éclaircir avec le maître d'ouvrage formeront un
programme qui mélange texte, schéma, diagramme, tableau, exprimant toutes les attentes du
destinataire final de l'édifice.

Ces programmes sont parfois très simple (du bureau) ou très complexe, comme une maison.
Oui la maison est l'objet le plus complexe qu'ait à faire un architecte. Elle mêle espace public,
espace intime, se laver, manger, être ensemble, être tout seul, etc. tout cela dans un petit
volume.
Un projet complexe n'est pas lié à sa taille, mais à son programme.

Faire un programme est une tâche qui incombe à l'architecte. Pour des projets importants, le
maître d'ouvrage fait parfois appel à un programmiste dont le métier est scénariser les
demandes de son client et de vérifier que l'architecte y répond.

Dans la plupart des cas, l'architecte doit donc dessiner des espaces adaptés à des fonctions.
L'espace a une fonction.

OU N'EN A PAS.
Nous abordons là une notion plus subtile.
Il est illusoire de croire que n'importe quel espace peut répondre à n'importe quelle fonction.
On ne peut dîner à douze dans un cabinet de toilettes. Pourtant il est tout aussi illusoire de
penser qu'une fonction détermine Un et un seul type d'espace possible.

L’espace est relativement malléable. Ce qui compte ce n’est pas (que) répondre à une
fonction c’est aussi concevoir de beaux espaces.

Une fois résolu les grands problèmes (dimensions suffisantes, lumière, ouverture, etc. pour
répondre aux fonctions) l'architecte a le libre choix dans le dessin de ses espaces.
C'est ce libre choix qui fait que l'architecte qui travaille sur son projet fabrique des espaces
puissants, fort, beau, clairs, lisibles, agréables, et que l'architecte simpliste (mérite-t-il le nom
d'architecte ?) fabrique des espaces sans aucun intérêt, des espaces «de série B« pour
paraphraser le langage cinématographique.

Maintenant intéressons nous aux caractéristiques de l'espace : comment pouvons nous le


décrire ?

L'ESPACE SE PERÇOIT.

Nous ne pouvons nous intéresser à une chose sans nous intéresser à la manière dont nous
percevons cette chose. L'homme est la mesure de toute chose. Vous chercherez qui as dit cela
pour la semaine prochaine.
Quand je dis « cette salle est grande »,je ne peux le dire que si je l'ai vue ou parcourue. Quand
je dis « cette salle est sonore », je ne peut le dire que si j'ai écouté.
Quand je dis « ce mur est rugueux », je ne peux en être certain que si je l'ai touché.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 15


Et quand je dis « cette porte sent le cèdre », c'est parce que j'en ai respiré l'odeur.
La peinture, le plâtre, le bois ont une odeur ; ils ont aussi une couleur et une texture, ; ils ne
rendent pas le même son quand je marche dessus.

L'architecture se perçoivent par les sens. : la vue, le toucher, l'ouïe et l'odorat. Manque un
cinquième, le goût, qui est peu usité, aussi, pour compléter le tout l’as t-on remplacé par une
cation : le déplacement.

Ces sens se combinent les uns aux autres : le toucher confirme la vue dans la perception de la
rugosité, la vue confirme l'ouïe dans la perception d'espace plus grand ou plus petit (un
espace qui réverbe le son parait plus grand à l'oreille). Le déplacement permet de toucher, de
voir, de sentir et d'écouter toutes les parties de l'espace.
En effet, un espace n'est pas unique : il se comporte de différentes manières selon le
temps et l'endroit où je me trouve. Par exemple, si je me met dans le coin d'une pièce
rectangulaire, je perçois tout l'espace d'un coup, de plus via sa diagonale, la plus grande
dimension d'un espace perpendiculaire. Cet artifice a été souvent utilisé pour agrandir
l'espace. Par exemple, dans les pièces de l'étage de la Villa des Arts à Casablanca, vous
rentrez par la diagonale dans certaines, au fond de cette diagonale, se situe une fenêtre qui fait
que votre regard s'échappe à l'extérieur et que la pièce parait plus grande qu'elle ne l'est en
réalité.

Ce déplacement permet d'affiner le toucher : je passe du rugueux au lisse, du bois au


carrelage et de l'ombre à la lumière, du frais au chaud, et j'ai des sensations différentes selon
l'endroit où je me trouve.

Si je reste dans un coin de la pièce, ma voix porte plus loin, car elle est amplifiée par les
parois. Pour autant, je suis aussi plus proche des pièces voisines et je peux entendre le bruit
qui se passe dehors.

L'odorat participe aussi à différencier les espaces enfermés des espaces ouverts : les odeurs
des matériaux, des gens qui vivent, des fleurs du dehors ou des gaz d'échappement décrivent
aussi des qualités spatiales.

Le déplacement permet d'enrichir et d'affiner le tout. La notion de déplacement dans un


espace est connue depuis très longtemps mais n'a été réellement théorisée qu'au XX° siècle
dans le livre ESPACE, TEMPS, ARCHITECTURE, de Siegfried Giedion (titre original
« space, time and architecture », éditions Denoël, Paris, 1941 pour la traduction française.)

Que pouvons tirer comme enseignement de tout cela ?

Deux choses :
- l'espace est une chose complexe dont la perception varie au cours du temps et des
déplacements.
- pour être compris, l'espace doit se vivre.

Vous apprendrez peu de choses en regardant des photographies, en regard de ce que vous
apprendrez en allant sur place.
Le livre de chevet de l'architecte, c'est le monde qui nous entoure : à tout moment, regarder,
sentir, toucher, écouter.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 16


Pour finir, un conseil de Frank Lloyd Wright, architecte américain entre le XIX° et le XX°
siècle :
«posez vous toujours la question du «pourquoi ?« des choses qui vous plaisent«.

QUALITE SPATIALES
Toutes ces perceptions vous envoient des signaux que vous allez traduire en mots : grand
petit, sombre, lumineux,lisse, rugueux, sonore, étouffé, sentant la rose ou le jasmin, sans
odeur, etc.

Tous ces mots peuvent être rangés dans une première catégorie de terme, plus générale :

- la luminosité (perception par la vue), ceci inclut la couleur.


- la matière et la température (perception par le toucher)
- l'acoustique (perception par l'ouïe).
- l'odorat.
- la forme, les dimensions. (perception globale)
- le « sens » ou l'émotion si l'on peut dire, que vous percevez en vivant cet espace : c'est un
espace écrasé, ou élancé, ou majestueux ou intime, ou public, etc.

L'ESPACE SE VIT
Les perceptions sont aussi le fait de ce qui se passe dans un espace : une salle de concert ne
réverbe pas le même son selon qu'il y ait des spectateurs ou qu'elle soit vide. Une pièce n'a
pas la même luminosité le matin que le soir.
Il faut donc être fin dans votre analyse et vous replacer dans un contexte.

Enfin, pour terminer, al chose la plus importante pour un architecte mais qui a été le moins
codifié dans l'histoire de l'architecture : les proportions.

ESPACE ET PROPORTIONS
Une proportion est un rapport entre deux dimensions.
Dimensions n'est pas à prendre ici dans le sens de mesure métrique, mais plutôt dans le sens
«mesure« ou «quantité«.
Une proportion s'écrit sous la forme d'une fraction , 1+√5/2 par exemple, ou sous la forme
d'un chiffre 1,618 pour expliquer ce qui lie deux dimensions.

une pièce cubique est une pièce de proportion 1 : toutes les dimensions sont égales.
Une pièce dont la longueur est égale à deux fois la largeur aura une proportion 2.
A noter : on ne parle de proportions en mathématique, que dans le rapport de DEUX
dimensions.

Mais l'architecture est bien plus que deux dimensions. D'abord une pièce est en trois
dimensions, et de plus, les sens perçoivent beaucoup plus de sensations que les seules
dimensions. Enfin, les sens ont pour manière de fonctionner, non de mesurer exactement une
chose (ce sont les machines qui font ça) mais de mesurer des rapports entre deux choses : il y
a deux fois plus de lumière que d'ombre ; il y a trois fois moins de vide que de plein ; ce sont
est plus fort que celui-là, etc...

Un espace bien proportionné est un espace où les dimensions, la lumière, la forme, le plein, le
vide, l'ouvert, le fermé, le transparent, l'opaque, le sonore, le muet, etc. concourent à lui
donner un caractère, un sens.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 17


Si la destination finale d'un espace est d'être une salle de cinéma, une pièce au caractère
sombre et étouffé, de grandes dimensions, conviendra mieux qu'un pièce petite, lumineuse et
sonore.

Un espace bien proportionné ne veut rien dire en soi, même si c'est une locution qu'on utilise
parfois, pour décrire des rapports de dimensions. Un espace est bien proportionné pour ce
qu'il doit être.

Si vous voulez donner un sentiment d'intimité, pour une hutte par exemple, à vous d'y mettre
les ingrédient, en juste quantité, pour donner cette impression d'intimité : une pièce de 20 m
de long, 12 m de haut est mal venue. Pour un hall de gare, c'est mieux. L'architecture c'est
comme la cuisine.

Ce qu'il ressort de tout ça ?

deux choses :
- le travail sur les proportions est la partie la plus importante du travail de l'architecte.
- hormis quelques grandes indications, vous n'aurez pour seul mode d'apprentissage que votre
observation pour apprendre les bons rapports de proportion.

Nous en revenons à la hutte primitive, et à Vitruve, qui résume ainsi l'architecture :


UTILITAS, FIRMITAS, VENUSTAS.

C'est du latin. Nous pouvons le traduire en utilité (l'espace a une fonction), solidité (il faut un
savoir faire technique pour construire), beauté (les proportions concourent à susciter une
émotion par les sens)

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 18


DTA 1 Cours N°3
La limite qualifie le lieu.

Limites et qualification du lieu – Le génie du lieu -épuisement d’un espace – observer,


imaginer.

LIMITES ET QUALIFICATION DU LIEU

Mêlons maintenant les trois notions que nous avons vues :


- l'espace
- les limites
- le dedans et le dehors

Un espace est caractérisé par ce qu'il y a dedans : sa forme, sa matière, sa lumière, son son,
son odeur, ses dimensions, entre autres.
Ces éléments sont perçus par nos sens.

Or, tous ces éléments apparaissent le plus souvent en un seul endroit : aux limites de l'espace.
La transition du dedans au dehors se fait à la limite de l'espace.
L'apport de lumière naturelle se fait à travers les parois, autre limite spatiales.
La couleur des matériaux, leur texture, est située elle aussi sur les parois.
Le son est transmis ou réverbéré par les parois.
Nous pouvons en tirer comme conclusion que ce sont les limites spatiales qui caractérisent en
grande partie l' espace.
Si on remplace quelques mots dans cette phrase, «espace« par « lieu », et « caractériser » par
«qualifier », nous pouvons dire que « les limites qualifient le lieu ».

Pourquoi remplacer des mots par d'autres ?


Et bien pour apprendre du vocabulaire, d'abord, parce qu'il n'y a pas qu'un seul mot pour dire
la même chose.

Ensuite par ce que ces presque synonymes lieu-espace, et qualifier-caractériser ne veulent pas
tout à fait dire la même chose.

Caractériser renvoie à une notion d'image objective.


Qualifier est une notion volontaire, subjective.

Caractériser a une notion objective, très utile lors des descriptions d'espace.
Qualifier renvoie à des notions subjectives, dues au point de vue de celui qui observe. Or,
l'observation d'un espace, parce qu'elle fait appel aux sens, est aussi subjective.

«Espace » a une résonance généraliste. Ce qu'on appelle un «lieu » en architecture, c'est un


espace «où il se passe quelque chose ». Un espace «qui résonne en nous », qui ne nous laisse
pas indifférent.

Pour décrire cela d'une autre façon, certains ont coutume de parler de « génie du lieu » ou
GENIUS LOCI en latin. Le « génie du lieu » ou « esprit du lieu » veille sur le lieu et surtout

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 19


lui donne son caractère. Un peu comme si un djinn habitait là et le marquait de son
empreinte.

« GENIUS LOCI » est le titre d'un ouvrage de Christian Norberg-Schulz que vous lirez pour
la semaine prochaine.

Pour savoir comment qualifier un lieu, il faut donc regarder à ses limites et bien au-delà.

Au-delà, en effet, car les limites d'un espace sont forcément les limites d'un autre espace qui
se trouve à côté.
Pour regarder un lieu, il faut donc aussi s'intéresser à ce qui se passe à côté.

Jusque là nous avons décrit le lieu par ce qui se passait à l'intérieur : lumière, matière, texture,
etc. Maintenant nous allons nous intéresser à ce qu'il y a autour.

La première question que l'on peut se poser en étant dans un lieu est «où étais-je avant ? », et
« comment suis je rentré ? «

Le lieu où nous étions avant et la manière dont nous sommes rentrés qualifient le lieuoù nous
sommes maintenant. Difficile de se trouver dans un salon destiné à recevoir des invités , lieu
«public », si auparavant il a fallu passer par une chambre, lieu privé et intime.
Sortir d'une chambre pour tomber directement dans la salle à manger peut être désagréable
par ce soudain changement de statut d'espace. C'est la raison d'être de tout ce que les gens
appellent «couloir«, «hall«, «dégagement«, «antichambre«, dont la fonction n'est pas
seulement de distribuer plusieurs espaces mais aussi de permettre une transition douce au lieu
de passer brusquement d'un espace à l'autre.

Savoir d'où une personne arrive avant d'entrer dans l'espace que vous avez dessiné est
primordial.

Difficile de se sentir à l'aise dans une chambre si celle ci donne directement sur la rue : il y a
là une confrontation trop directe de lieux public-privés à travers une simple porte qui est
dérangeante. C'est le rôle de l'architecte d'arranger les espaces entre public, semi-public et
privé.

Qu'est ce qui peut être qualifié dans un lieu ?


- son statut : lieu public, lieu semi-public, lieu intime, avec toutes les variations qu'on
peut donner.
son importance dans le bâtiment ou dans la ville : espace majeur ou espace
secondaire. Importance à consédérer du point de vue spatial, symbolique, social ou
fonctionnel.
- sa situation géographique. Nous avons vu au premier cours que le soleil ne répartit
pas uniformément ses rayons sur terre.
- son orientation
- « sa présence », que l’on peut relier à l’idée de « génie du lieu », ou à l’importance
symbolique du lieu.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 20


Par exemple :
Nous pouvons dire d'une chambre, qu'en terme spatial, elle fait « 6m de long par 3 m de large
par 3m de haut. Les murs sont des parois pleines, peintes en rose bonbon, que le sol est en
pierre polie grise, le plafond blanc. Un mur est percé d'une porte en chêne, l'autre mur est
percé d'une fenêtre carrée. »
Bien. Ceci est de la description.

Qu'est ce qui la distingue d'une autre chambre à la forme identique ?


Qu’est ce qui la qualifie ?

«Cette chambre est située au Maroc, sa fenêtre est orientée à l'est, sa porte à l'ouest, le soleil
éclaire directement la pièce le matin, pas le soir. Quand on ouvre la porte, on fait rentrer les
vents d'ouest. Les façades nord et sud sont opaques. Le mur nord est frais, le mur sud est
chaud car le soleil l'irradie.
C'est un lieu intime où les gens demandent la permission de l'occupant avant d'entrer.
- l'occupant dort dans cette pièce.
Les proportions de cette pièce (le double cube) ses couleurs claires, sa lumière atténuée font
qu'on peut l'embrasser d'un seul coup d'oeil. Ses proportions équilibrées lui donnent un aspect
calme et lisse. Quand je rentre dans la pièce, je vois les montagnes à travers la fenêtre. Quand
je sors, je vois la mer. »

EPUISEMENT D’UN ESPACE


On peut dire beaucoup de choses sur un espace.
Georges Perec, écrivain français, a même tenté de tout dire sur un espace dans un texte
intitulé «tentative d'épuisement d'un lieu parisien » (éditions Bourgois, Paris, 1982) que vous
lirez pour la semaine prochaine.

OBSERVER, IMAGINER.
Maintenant que vous avez lu toute cette partie théorique, que vous avez compris l'exemple,
vous pouvez regarder l'espace qui vous entoure d'un oeil neuf.
Etudiez les dimensions, les matières, le son l'odeur, la lumière en un mot : observez.
Bien.
Maintenant, pour affiner votre observation, faites un travail d'imagination et changez la
texture des matériaux. C'est pourtant le même espace, non ? Et pourtant ce n'est plus le même
espace.

SUR VOTRE LIT


Pour faire ce test, vous avez besoin d'un lit. Allongez vous sur le dos, sortez votre tête du lit
et laissez la doucement retomber en arrière.
Vous regardez le plafond. Vous ne devez vois aucun élément de votre corps. Fixez le plafond
et imaginez que c'est le sol, et que vous pouvez marcher dessus. L'espace a une toute autre
présence Si l'espace n'a pas changé, c'est donc que votre point de vue a changé, et je ne parle
pas de la tête renversée, mais de ce que vous imaginez quand vous regardez un sol, un mur,
un plafond.
C'est un bon exercice de relaxation aussi.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 21


Iconographie

3 escaliers urbains : piaza di Spagna à Rome (Italie), Arche de la défense à Paris (France),
Twin-center à Casablanca (Maroc). Dans certains cas, le génie du lieu s’exprime, dans
d’autres, non.Pourquoi ?

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 22


De gauche à droite, des coursives :
Bibliothèque Nationale de France, Paris, France, 1995, Dominique Perrault Architecte
Bâtiment privé à Gênes, Italie, XV° s.
Musée Kiasma, Finlande, Steven Holl Architecte. 2000c.

En dessous : Coursive du musée Guggenheim, 1959, New-York, EU, Frank Lloyd Wright.
En bas : Centre Beaubourg, 1977, Paris, France, Renzo Piano et Richard Rogers,
A droite : coursive dans une maison marocaine. XX° s.

Observez : d’où vient la lumière ? comment vient-elle ? Comment voyons-nous le parcours ?


quelle est l’ambiance propre à chaque lieu ? pourquoi ces ambiances sont elles différentes ?

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 23


DTA 1 Cours N°4
Intérieur vs Extérieur

Le passage du dedans au dehors – Quelques exemples – Facteurs physiologiques et facteurs


psychologiques.

INTERIORITE - EXTERIORITE
Le passage du dedans au dehors, la sensation d'être à l'abri font qu'on a une très grande acuité
à percevoir ce qui est à l'intérieur de ce qui est à l'extérieur.
Ceci pour des cas classiques. Les architectes se sont souvent intéresser à brouiller un peu les
pistes. Pour qu'on ne sache pas si on est vraiment à l'intérieur ou vraiment à l'extérieur.
Nous n'allons pas rejouer le jeu du dedans et du dehors, non, nous allons nous intéresser à ce
qui caractérise un intérieur et ce qui caractérise un extérieur.

Une fois que vous aurez compris, vous serez plus à même de fabriquer des espaces très
intériorisés ou l'inverse, ou renverser les codes en mêlant intérieur et extérieur.

Commençons. Par exemple :


S'il pleut et que vous allez vous abriter sous un abribus, il vous viendrait difficilement à
l'esprit de dire «je suis à l'intérieur«.

Si vous vous installez dans le patio d'une maison, vous êtes bien à l'intérieur de la maison,
pourtant vous êtes aussi à l'extérieur. Vous avez un sentiment d'intériorité mêlé à un sentiment
d'extériorité.

Se sentir à l'extérieur est parfois très agréable pour être plus en contact avec les éléments
naturels, peut-être que notre cerveau y trouve des sensations primaires, va savoir.

Si vous couvrez votre patio avec une toile tendue, vous renforcez son intériorité en le coupant
du ciel ; pour autant, vous êtes toujours dehors.
Si vous couvrez votre patio avec des vitres, vous aurez de la lumière, mais vous vous fermez
au vent, à la pluie, au bruit, et physiquement vous êtes enfermés. Regardez l'espace central
dans la galerie du Twin center à Casablanca, au Maroc. Avez-vous l'impression d'être à
l'extérieur ? Moi, non.
Si vous couvrez votre patio d'une toiture opaque, rien n'indiquera plus que c'était un patio,
sauf peut être la matière du sol, les pentes et le siphon de sol, destiné à évacuer l'eau. Bref,
des traces.

Nous venons de voir quatre situations où la sensation d'extériorité a disparue petit à petit. Que
s'est il passé ?
Tout d'abord, dans le cas du vitrage, une coupure physique, matérielle, réelle avec l'extérieur
a fait quasiment disparaître cette sensation d’extériorité.

Dans le cas de la protection sous l'abri bus, ce n'est pas le toit qui donnait la sensation
d'intériorité. Ce sont plutôt les murs, limites de notre déplacement.
Les murs donnent une sensation de protection face aux dangers qui nous entourent, dangers
qui viennent essentiellement de l'homme, d'ailleurs. L'homme est un loup pour l'homme, vous
chercherez qui a dit ça pour la semaine prochaine. C'est pour cela qu'on met les murs de
clôture autour du jardin plutôt qu'un grand toit parasol. Tout cela vous paraît évident. En
Angleterre, aux Etats-Unis les jardins sont fréquemment sans murs de clôture. Le respect et la

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 24


confiance suffisent à se sentir protégé. Observez en détail le prochain film américain que
vous regarderez. En cela, l'architecture est le reflet de notre société.

(Inutile de voyager pour vérifier ces détails : il suffit d’observer ces intérieurs, ces extérieurs,
ces coutumes qui reflètent le mode de vie ou les fantaisies des autres pays que l’on nous
présente à travers films et télévisions)

Le mur crée la première sensation d'intériorité. Sans doute parce qu'il s'oppose à notre
déplacement. Si vous créez des murs, vous créez de l’intériorité. Observez alors toute la
littérature des architectes sur le thème du « seuil », passage dans le mur qui sépare l’intérieur
de l’extérieur.

Si vous voulez créer des sensations fortes de relations à l’extérieur, ne faites pas de mur.
Observez la Farnsworth House de Mies Van der Rohe (1951, Plano, Illinois, EU) : c’est
l’absence d’obstacles visuels, notamment aux angles, qui favorisent la continuité intérieur-
extérieur.

Quelques exemples :

Comment créer une sensation d’extériorité à un espace intérieur ?

Il faut utiliser des artifices qui décomposent le mur, qui lui, nous enferme. Un des points
important est le coin du mur. Frank Lloyd Wright, architecte américain parle de faire
« exploser la boîte ». Dans ses projets, il s’efforce d’ouvrir les angles.

D’autres architectes créent des fenêtres non pas comme des « trous » mais comme des
« interruptions de murs ». Les baies sont toute hauteur pour ne pas donner l’impression
qu’elles sont un trou dans un mur, mais bien le mur qui disparaît.

Il est possible d’atténuer la violence du passage intérieur-extérieur en créant des espaces


« entre-deux », à la fois dedans et dehors.Par exemple : la loggia, La véranda.
Voir, pour illustrer, le palais de l’Alhambra à Grenade, en Espagne (XIV° Siècle) ou les
maisons sudistes de Virginie (EU), Louisiane (EU).

La galerie couverte, un espace « entre-deux ».


La poste, place Mohammed V, Casablanca (Maroc) par Adrien Laforgue, 1920.

La galerie périphérique du patio, dans Dar Batha, Fès, (Maroc), XIX° s.


Recréer à l’intérieur des sensations d’extérieur : Tadao Ando, dans beaucoup de ses projets
recrée des « idées de nature », ou des « images de nature » à l’intérieur de la maison. Il ne
faut pas voir cela comme des images réelles mais comme des sensations : du soleil, de la
lumière, de l’eau, du vent, de la végétation, de la minéralité.

Ouvrir largement l’intérieur sur l’extérieur par de grandes baies vitrées.


Exemple : la Villa Mairea, d’Alvar Aalto, 1951, Noormarkku, Finlande. De grandes baies
vitrées s’ouvrent sur le jardin. Un jardin protégé d’ailleurs par la forme même de la maison,
et « humanisé » (fleurs, gazon, entretien…) donc plus protecteur que la forêt qui l’entoure.

Exemple : La villa de Barragan, à Mexico, Mexique, 1948. De grandes baies s’ouvrent sur le
jardin : rien à l’angle ni au sol, ni au plafond qui arrête le regard.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 25


La transition, le passage.
La transition de l'intérieur vers l’extérieur ou l’inverse est très importante.
L'être humain a en général horreur des changements brutaux.
Notre corps n'est pas fait pour ça. Il a des capacités d'adaptation mais qui nécessitent un
temps de réaction, de quelques secondes à quelques minutes, par exemple :

- passer d'un endroit sombre à un endroit violemment éclairé vous éblouit et vous met mal à
l'aise pour quelques secondes le temps de reprendre la vue.
Passer d'un endroit éclairé à un endroit sombre vous demande d'écarquiller les yeux car votre
pupille qui s'était rétrécie, doit prendre le temps de s'ouvrir pour faire rentrer la lumière.-
Quand vous sortez d'une boîte de nuit où la musique est forte, votre oreille a du mal à
entendre le murmure des vagues. Un son persiste souvent encore dans votre oreille.
- sortir d’un endroit chaud vers un endroit froid fait frissonner, le temps que le corps s’adapte.

Tout ce qu’on vient de lister est basé sur des sensations physiologiques qu'il faut connaître
pour les traiter.

Par ailleurs, le passage peut aussi être abordé d’une façon symbolique. La porte d’entrée, par
exemple, lieu où le mur s’interrompt pour ouvrir l’intérieur vers l’extérieur est souvent le lieu
de multiples décorations et symboles. Observez la vôtre.
A ces symboles viennent s’ajouter des caractéristiques que l’on pose sur des éléments jugés
importants, en relation avec le passage. L’un de ces éléments est le seuil. Le langage courant
recueille plusieurs expressions en relation avec l’importance symbolique du seuil : « Franchir
un seuil », « passer un seuil » « atteindre un seuil » « fixer un seuil »sont des expressions
utilisées dans la politique, la finance, etc.
Un autre est le linteau qui soutient le mur, qui est souvent souligné par un petit fronton
triangulaire, à la manière des temples romains.

Il existe ensuite des facteurs psychologiques


Même en imagination, l'être humain a besoin de se construire des transitions.
Il se crée en imagination des « étapes « pour atténuer cette transition.
Pour ceux qui habitent en appartement, tout le moment où vous sortez pour être dans le
couloir, pour prendre l'escalier ou l'ascenseur, passer le hall et sortir dans la rue sont des
moments de transition « psychologiques « tout autant que réels Vous n'êtes déjà plus chez
vous sans pour autant être totalement dehors, même si vous êtes toujours à l'intérieur de
l'immeuble.

Vous remarquerez d’ailleurs que j’ai mélangé dans une phrase le mot « chez vous » et le mot
« dehors », comme si « chez vous » équivalait à « dedans » et le dehors équivalait au « pas
chez vous », voire « l’espace public ».

En effet, on peut aussi voir Les effets d’intériorité-extériorité sous le point de vue de
l’appropriation des lieux, c’est à dire, comment ils vous paraissent plus ou moins familier ou
inconnus, voire plus ou moins à vous ou à personne. C’est ce qu’on appelle dans le jargon des
architectes, des espaces « privés », ou « privatifs », « semi-publics » ou « semi-privés » et
« publics ».

Le changement de statut progressif de l'espace : du privé (appartement) au semi-public ((le


palier) au presque public (le hall de l'immeuble) ou public (la rue) a fait office de transition

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 26


douce. Si votre esprit n'avait pas trouvé ces éléments réels (le palier, le hall) comme étapes
entre l'intérieur et l'extérieur, il y a de fortes chances qu'il les trouve soit dans votre
appartement même (le couloir de la porte d'entrée aurait déjà été un lieu moins privatif à vos
yeux) soit dans de petits éléments : passer un seuil, une marche, un rai de lumière qui aurait
acquis de la signification à vos yeux. Intéressez vous à la question la prochaine fois que vous
rentrez chez vous.

Pour ceux qui habitent en maison, l'espace entre la rue et la porte d'entrée est souvent marqué
de «signes « de cette transition : marche, porte différente, porte en retrait, etc...

La sensation d’espace privatif et d’intériorité peut se nicher dans des endroits incongrus.
Quelqu'un me disait un jour : je suis content cette semaine, je suis sorti retirer de l'argent au
bout de la rue à pied. Pourtant il sortait tous les jours dans sa voiture, pour aller au travail. Il
n'était pas chez lui, pour autant il n'était pas dehors non plus. Une voiture est souvent perçue
comme l’extension du domicile.

Sortir de l’intériorité vers l’extériorité demande donc parfois beaucoup d’étapes.

Il ne faut pas voir dans cela l'idée qu'il faille tout traiter en douceur. Il faut juste savoir
comment fonctionne l'être humain. La transition brutale peut aussi être une manière
contrastée de passage d’un lieu à un autre.

Vous apprendrez au fur et à mesure tout cela : un peu par des cours, beaucoup par vous
même. Ces notions d'espace adapté à la physiologie de l'homme est souvent appelée « notions
d'usage «. Utiliser un espace, l'user, demande que celui-ci soit adapté à l'usage que l'homme
en fait.

Tout autour de vous, l'espace a été pensé pour cette notion d'usage ; ça ne vous étonne pas
que la poignée de porte soit à la bonne hauteur. C'est parce que quelqu'un y a réfléchi un jour.
De même pour l'interrupteur, la largeur de la porte, la hauteur de la prise ou de la chaise. Les
dimensions de l'homme et sa manière de se comporter ont été prises en compte pour faire du
mobilier adapté. Il doit en être de même en architecture, pour faire des jeux d'équilibre,
espaces contrastés entre des intérieurs des extérieurs, des transitions douces, des transitions
brutales, des mises en confiance, des effets de surprise.

Cela renvoie vers une autre invention en architecture qui est appelée « la séquence ».

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 27


DTA 1 Cours N°5
La séquence

La séquence cinématographique – le temps – le déplacement – l’espace – compression –


dilatation de l’espace – le cadrage – le pittoresque – le parcours.

Regardez un film, non pas en tant que spectateurs, mais uniquement en étudiant la manière
dont c’est filmé : vous voyez l’image changer constamment de cadre, d’emplacement de
lumière, de scène.
Regardez par ailleurs la manière dont vous rentrez chez vous, comment vous sortez de
l’espace public pour arriver dans votre espace privé : votre corps change constamment
d’espace, de lumière, de décor.

SEQUENCES.
Le parcours que nous avons vu précédemment peut aussi être appelé « séquence ».
C'est quelque chose de très utilisé par les architectes pour mettre en scène l'espace à la
manière d'un réalisateur de film qui met en scène des acteurs et des images selon un scénario,
découpé en séquences.

Intéressons nous au cinéma pour respirer un peu.


Le réalisateur de film utilise, pour ses effets, des cadrages.
Ces cadrages ont différents noms dans le cinéma : Gros plan, plan poitrine, plan taille, plan
américain, plan italien, etc. destiné à indiquer au cadreur ce qu’il doit montrer. (Le jargon du
cinéaste ne nous intéresse que pour rentrer dans le sujet. Continuons un peu sur le thème.)

A ces cadrages s’ajoutent d’autre formes de prises de vue qu’on appelle, en vrac et dans le
désordre : le panoramique, le plan-séquence, le travelling, la plongée, la contre-plongée.

Lorsque que le réalisateur fait un « plan séquence », il filme sans s’interrompre des acteurs,
(le cadrage peut varier mais la caméra ne s’éteint jamais). Un plan séquence est, dans le
jargon du cinéma, un moment où le film est tourné en continu. C’est un effet très utilisé dans
le cinéma pour donner un certain dynamise ou un certain réalisme au film, notamment dans
les effets de « caméra sur l’épaule ».
Cette histoire de plan séquence nous intéresse car elle s’approche assez facilement de la
séquence architecturale.

On appelle séquence architecturale un « moment de déambulation dans un espace où l’on


ressent certaines choses.

Pour décortiquer, nous allons prendre quelques mots isolément :


La séquence architecturale est un « moment ». C’est-à-dire qu’il s’est passé un certain temps
entre le début et la fin de la séquence. Cette notion de temps est importante. Il n’y a pas de
séquence sans temps. Premier point.

Un moment de « déambulation ». Les mots contenant la racine « ambulare » en latin ont trait
au mouvement. Vous chercherez pour la prochaine fois dix mots contenant la racine
« ambulare ». La déambulation est un déplacement. Il n’y a pas de séquence architecturale
sans déplacement. Deuxième point.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 28


Une déambulation « dans l’espace ». Il paraît difficile de se promener sans qu’il n’y ait un
espace où se promener. Le « où », « où vous êtes », « où allez-vous » « d’où venez-vous » est
l’espace dans lequel vous avancez, avec son avant et son après. Il n’y a pas de séquence
architecturale sans qu’il n’y ait un espace pour qu’elle se fasse. Troisième point.

Un espace « où l’on ressent certaines choses. ». Voilà peut être la définition d’un espace
architectural : c’est un espace où l’on ressent « certaines choses » : une lumière particulière
vous fait penser à un vers d’Eluard, une vue précise vous fait frémir, un panoramique vous
enchante, une ambiance sonore vous apaise, une couleur vous égaye, une odeur vous fait
sourire…va savoir. Quatrième point.

Le temps
La grande découverte du XX° en architecture est d’avoir théorisé la notion de temps. Le
temps était déjà présent dans l’architecture antique : l’espace était organisé pour une
procession, ou pour un changement de lumière au cours de la journée ou de l’année. Mais
jamais le temps n’était nommé comme tel. Dans leurs traités, les architectes avaient assez à
faire avec les problèmes de construction. C’est sous l’impulsion du mouvement cubiste, en
peinture, que l’on commença à vouloir théoriser le temps en architecture. C’est Le Corbusier
qui décrit le mieux la notion de temps en architecture par son idée de « promenade
architecturale » : aller dans un bâtiment est une « promenade », où l’on aperçoit différentes
choses et ressent diverses sensations. Cette idée de temps en architecture a été décrite aussi
par Siegfried Giedeon dans son livre « espace, temps, architecture » que vous lirez pour la
semaine prochaine.

Le déplacement
Le déplacement est lié au temps. La « promenade architecturale » de Le Corbusier est un
déplacement dans le bâtiment. Pourtant, déjà Auguste Choisy, historien d’architecture du
XIX° siècle décrivait dans son « histoire de l’architecture » (que vous lirez également pour la
semaine prochaine) la manière de percevoir le Parthénon d’Athènes en se déplaçant.

Un espace
La partie la plus intéressante de la séquence est la manipulation de l’espace, comme un jouet.

(Maintenant que nous avons cerné le problème, élargissons le vocabulaire : nous ne parlerons
plus de séquence architecturale mais de séquence spatiale. En effet, le mot « spatial » renvoie
à la notion « d’espace » est c’est justement ça qui nous intéresse ici, plus que
« l’architecture ».)

Jusque-là, vous aviez vu que l’espace était défini par des limites, que celles ci pouvaient être
transgressées, qu’on passait d’un espace à l’autre, du de l’intérieur à l’extérieur par exemple,
par des passages, des transitions.

Jusque-là on vous avait asséné que l’espace avait une fonction.

Jusque-là on vous avait expliqué que l’espace pouvait aussi ne pas avoir de fonction, mais
seulement « être un bel espace ».

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 29


Jusque-là on vous avait insinué que l’espace avait une matière, une lumière, une texture, un
son, une couleur, une odeur.

Maintenant, vous allez comprendre que l’espace est bien tout ça mais aussi un jeu que l’on
manipule : on le compresse, on l’étire, on l’écarte, on le ferme, on l’ouvre, on l’éclaire puis
on l’éteint, on l’élargit, on le tourne, on le tord, on le perce, on le déforme, on lui donne une
âme…et bien d’autre chose encore.

« guidé me comme je avaient hâleurs. pris des fleuves pour des criards sentis cloués peaux-
rouges aux poteaux impassibles, ayant descendais je ne plus par le cible les, les nus de
couleur ». Arthur Rimbaud.

« comme je descendais des fleuves impassibles, je ne me sentis plus guidé par les hâleurs.
Des peaux-rouges criards les avaient pris pour cible, les ayant cloués nus aux poteaux de
couleur ». Arthur Rimbaud aussi.

Les deux phrases contiennent les mêmes mots : l’une est un charabia incompréhensible,
l’autre un assemblage de mots s’enchaînant naturellement, rythmé, faisant résonner en vous
des images, des couleurs ; de la poésie.

En architecture, c’est pareil : la séquence spatiale est un moment de poésie où le temps, le


déplacement, l’espace se conjuguent pour « ressentir » quelque chose.

Arthur Rimbaud avait à sa disposition verbes, noms, adjectifs, adverbes. Nous avons à notre
disposition l’infinie variété de l’espace.

Recettes.

Vous trouverez ci-dessous quelques éléments de la séquence spatiale. Les ouvrages sur le
sujet étant très rare, vous compléterez par votre propre observation.

La manipulation de l’espace.
On peut manipuler l’espace comme on manipule œuf et farine pour faire un gâteau.
Les principaux composants de la manipulation de l’espace sont la dilatation et la
compression.

La dilatation de l’espace consiste à créer, après un espace bas, un espace très haut, ou après
un espace étroit, un espace très large.
On peut bien sur conjuguer les deux termes : créer, après un espace étroit et bas, un espace
large et haut.

La compression de l’espace, c’est l’inverse.


Attention : ceci ne marche que si les espaces se continuent les uns dans les autres sans
interruption.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 30


Pour comprimer un espace :
- faire baisser le plafond, au moyen d’une passerelle (cf : Villa La roche Jeanneret à
Paris de Le Corbusier), d’un faux-plafond, d’une casquette, etc.
- faire monter le sol, au moyen d’une rampe ou d’un escalier ou de paliers successifs.
- Rapprocher les murs, de façon progressive (en biais, en courbe) ou brutale, quand on
passe par un couloir par exemple.
- Créer de la fermeture : passer d’une coursive ouverte d’un côté sur l’extérieur, à un
couloir fermé des quatre côtés, par exemple.

Pour dilater un espace : faire l’inverse.

Autre manipulations complémentaires :


Vous pouvez aussi jouer sur les aspects sensoriels de l’espace : la lumière, le toucher, le son,
l’odeur.

Eclairer, assombrir un espace


- Passer d’un espace sombre à un espace lumineux. La lumière seule nous indique où
sont les limites de l’espace. Dans l’exemple précédent de la chapelle du couvent de la
Tourette, de Le Corbusier, c’est le noir qui permet de donner une sensation d’infini au
plafond (il n’y a plus de limite car plus de lumière permettant d’apercevoir la dalle en
béton brut) mais c’est la pale lueur qui flotte au plafond qui permet de dire « qu’il y a
un plafond quelque part », et « qu’il flotte au dessus de vous ».
- Passer d’un espace terne à un espace coloré. On oublie trop souvent de colorer
l’intérieur de nos bâtiments. Le Corbusier, Barragan, ont coloré leur bâtiments.

La séquence d’entrée dans les cathédrales gothique est un jeu sur le passage d’un espace
sombre et terne (le narthex ; vous chercherez ce mot pour la semaine prochaine) à un
espace lumineux et coloré (la nef). C’est aussi une manière de rendre la nef plus
importante que ce qu’elle est réellement. Si vous passiez directement de l’extérieur, vaste
et lumineux, à l’intérieur de la nef, celle ci vous paraitrait sombre. Au contraire, en créant
un narthex sombre, vos yeux s’habituent à l’obscurité, la nef n’en paraît que plus grande
et plus lumineuse après.

Le changement de texture
- passer d’un sol rugueux à un sol lisse
- nous avons vu précédemment des dizaines de textures de matière. A vous de les
conjuguer les unes aux autres.

Le changement de son
Passer d’un endroit au son mat à un endroit réverbérant, sonore. Généralement le son est
porteur de sensation sur l’espace : plus un espace est sonore, plus il vous paraîtra grand. Si
vous dilatez un espace, rendez le aussi sonore, vous accentuerez l’effet de dilatation.

Le changement de statut
Nous verrons plus loin en détail les questions de statut de l’espace. L’espace peut être privé,
semi-public, public. Passer d’un statut à l’autre est un moyen pour renforcer une séquence.
(Étudiez les espaces d’entrée dans les maisons vous verrez quels sont les différents
changements de statut)

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 31


Le changement de type de fermeture.
La fermeture de l’espace peut se faire par différents moyens. Il est parfois inutile de mettre
des murs quand seul un poteau suffit. Les différents modes de fermeture de l’espace (par le
haut, sur les côtés) puis les moyens utilisés pour ça (toits pleines, toit ajourés, poteaux, murs
pleins, murs ajourés, etc.) permettent de créer des transitions et d’enrichir la séquence
spatiale.

Le cadrage de la vue.
Posez-vous toujours la question : Dans un espace, que voit-on ?

On peut jouer avec le cadrage des cinéastes : plan large, plan serré, plan américain. Si vous
devez laisser voir quelque chose ou quelqu'un, de quelle manière souhaitez vous le laisser
voir ?
Essayez de déterminer à travers plan et coupe ce que l’on voie à partir d’une porte d’entrée.
Vous serez surpris de la pauvreté de certains plans. Etudiez la villa Mairea d’Alvar Aalto
( Noormarkku, Finlande, 1938-1941), vous serez surpris de la richesse d’espace que l’œil
traverse et de la profondeur de la perspective.

Plan fixe.
Le « plan fixe » est destiné à regarder quelque chose. Pour cela il faut que la chose soit digne
d'être regardée (un beau paysage par exemple) et qu'elle soit regardable.
Ceux qui veulent prendre des photos face au soleil le comprennent vite : par effet de contraste
(qu'on appelle «contre jour ») l'image est noire et blanche. L'œil réagit pareil. Le paysage à
regarder doit être éclairé : il doit donc être opposé au soleil, et surtout pas au sud (dans
l'hémisphère nord).
Quand le paysage à regarder ne nécessite pas de cadrage, il faut le laisser libre d'envahir la
pièce.
Exemple : Palais de justice de Nantes, par Jean Nouvel vs Farnsworth House de Mies van de
Rohe.

Points communs :
- transparence totale sur le paysage.
- paysage digne d'être regardé.
- effet imposant du paysage sur l'observateur : son champ de vision est envahi par le paysage
à regarder.
- observateur surélevé pour un point de vue dégagé 'buissons, voitures, arbres).

Points divergents sur la manière de faire.


- transparence accentuée par le capotage noir des poteaux. Effet de contraste. Verre antireflet.
- disparition des angles

Le plan serré est destiné à donner un détail à voir (exemple : casa Malaparte d'Adalberto
Libera à Capri, Italie). Les encadrements de fenêtre sont traités comme des cadres de tableau.
Le regard se focalise sur ce qui est cadré.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 32


La contre-plongée, faire lever la tête, dominer, être dominé.
Les artifices comme la plongée, la contre-plongée sont aussi très utiles : voir un espace d'en
haut donne un sentiment de domination, le voir d'en bas donne un sentiment d'écrasement, et
de domination du bâtiment sur vous. Donner ni l'un ni l'autre donne un sentiment d'équilibre.
Les bâtiments publics utilisent souvent l'artifice de « vous faire lever la tête » pour vous
sentir dominé par la puissance de l'édifice. Parfois aussi dans les maisons bourgeoises
d’Europe, le hall est surdimensionné pour vous faire sentir la puissance et la richesse du
propriétaire, à travers cette domination de l’espace sur le visiteur.

Comment faire une plongée ?


C’est tout simple : il faut que l’œil s’élève.
Soit il n’a rien à voir devant lui, et il va s’élever pour chercher quelque chose en haut : c’est
le cas si vous mettez un obstacle ou des escaliers : instinctivement, le regard se lève (au
début) avant de se rabaisser pour suivre l’escalier. C’est le cas par exemple dans la séquence
d’entrée de la villa Mairea (Aalto, Finlande, 1938-1941) : de l’extérieur jusqu’au salon, on
monte des marches par paliers et espaces successifs.

Soit il faut attirer l’œil par quelque chose qui brille et qui est lumineux : une ouverture, un
lustre, un objet.

Soit en créant un grand vide : un espace grand attire toujours le regard. Dans la mairie de La
Haye, aux Pays-bas, Richard Meier crée un espace vide de onze étages. La première chose
que vous faites en entrant dedans est de lever les yeux au ciel. Le bâtiment arrive à vous
donner un sentiment de puissance tout en étant clair et léger.

Comment faire une contre-plongée ?


C’est tout simple : il faut que le regard domine.
On peut surélever le visiteur : par exemple une estrade.
On peut aussi baisser le sol devant lui : c’est la sensation qui existe devant un escalier.
L’escalier est parfois une rampe.
On peut faire tout simplement le sol en pente : dans la chapelle de Ronchamp, l’entrée se fait
par le haut et le sol descend vers l’autel. Vous dominez l’espace dès le début.

On peut utiliser aussi le principe de la mezzanine, où un espace est partiellement ouvert sur
un autre, en hauteur. Créer des vues d’un étage à l’autre est un moyen de faire des vues en
plongée dans un espace.

Comment faire un travelling ?


Le travelling est un déplacement de la caméra dans le jargon cinématographique. En
architecture, la caméra c’est vous. L’écran, c’est ce que vos yeux voient. Un travelling
s’apparenterait à la vue de quelque chose quand on se déplace. Ce n’est pas la vue de ce qu’il
y a devant nous dont je veux parler, mais de voir quelque chose de plus global. Un exemple
pour illustrer : dans le couvent de la Tourette, Le Corbusier crée de longs couloirs qui
distribuent les pièces. Ces couloirs sont longés par une fenêtre en longueur à hauteur d’œil.
Durant toute votre déambulation, votre œil fait un travelling sur le paysage extérieur.

Le pittoresque
Le mot pittoresque est souvent ambigu car on lui donne plusieurs sens. Le sens que je veux
donner ici est plutôt celui de « variété ».

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 33


Donner de la variété, c’est donner des sensations différentes à chaque moment. Quand vous
mangez une salade si vous avalez toujours la même bouchée, votre goût s’en ira bien vite. Si
au contraire, à chaque bouchée, vous variez les ingrédients sur votre fourchette, vous pourrez
manger votre salade jusqu’au bout avec plaisir. C’est le secret des bonnes salades. En
architecture c’est pareil : si vous donnez la même sensation tout le temps, le promeneur se
fatigue vite. « Et alors ? » demande t il. « C’est tout ? » s’étonne t il. Et bien oui, il faut offrir
de la variété dans les sensations spatiales, de la surprise, du pittoresque.

La création du parcours.
Quand on veut faire une séquence spatiale, il importa toujours de montrer au promeneur quel
va être son parcours.
Entendons nous bien : il ne s’agit pas de lui dévoiler tout le parcours, sinon, comment faire
des effets de surprise ? Il s’agit de toujours lui dire « viens, c’est par là ». C’est là qu’il faut
être subtil, pour deviner ce qui va toujours attirer instinctivement le promeneur.

Je ma rappelle d’un bureau aux formes libres, (les angles n’étaient pas droit). A la sortie de la
salle de réunion, les visiteurs se retournaient vers vous, vous saluaient d’un grand au revoir,
et se ruaient sur la porte des toilettes au lieu de la porte d’entrée. Pourquoi ? Tout simplement
parce qu’elle se trouvait devant eux. Vous allez me dire, on aurait pu écrire « toilettes «
dessus. On a fait, rien n’y a fait. Les gens continuaient à vouloir sortir su bureau en passant
par les toilettes. A retenir : l’homme regarde devant lui. C’est ce qui apparaît dans son champ
de vision (environ 120°) qui va l’attirer en premier.

Il faut donc toujours indiquer en face du promeneur la suite de la promenade, sinon celui ci
s’arrête, se retourne, cherche son chemin, et toute la séquence tombe à l’eau.

Aller tout droit


Créer l’envie d’aller tout droit est relativement facile, il suffit d’indiquer des passages et des
ouvertures en face. Cela implique par contre qu’il n’y ait pas d’ambigüité, et que le visiteur
n’ait pas à choisir plusieurs chemins. Il faut donc « cacher » les autres ouvertures ». Cacher
n’est pas à prendre au pied de la lettre mais essayer d’imaginer le phénomène suivant pour
comprendre.
Les hôpitaux ont souvent des couloirs très large, très long, et recoupés par des portes coupe
feu. Vous savez toujours où aller, d’ailleurs, on vous a indiqué un numéro à l’accueil et c’est
plutôt bien balisé. Si vous vous perdez, c’est probablement parce que le cas de figure suivant
produit : lorsque que vous passez une porte coupe feu, celle ci est en partie fermée, votre
champ visuel se rétrécit, et elle cache surement une portion du mur derrière. Et c’est dans
cette portion de mur que se trouve le passage que vous deviez prendre. La porte en soi n’est
pas « cachée ». Mais sa disposition dans l’espace fait qu’elle est invisible au visiteur dans un
sens.

De la même manière, dans le hall de la villa La Roche Jeanneret (Le Corbusier, Paris, 1923),
les portes qui sont à droite et à gauche de l’entrée sont invisibles au visiteur, car elles
n’apparaissent pas dans son champ de vision.

Faites tourner, l’inflexion


Pour faire tourner quelqu’un, il suffit que le chemin tourne. Voir par exemple le chemin
d’accès au centre de conférence de Vitra à Weil und Rheims par Tadao Ando : le promeneur
longe un mur et suit un trottoir en angle droit qui va le conduire vers l’entrée.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 34


Dans le cas d’absence de chemin tracé, pour faire tourner les visiteurs, il faut attirer le regard,
soit par une porte, par un escalier, par un vide, par une lumière, etc.

En fait la véritable difficulté n’est pas de les faire tourner, mais qu’ils prennent un
raccourci.On peut, dans le bâtiment de Tadao Ando susmentionné, couper par la pelouse. Le
fait est que cette pelouse est parfois mouillée (on est en Allemagne, il pleut), et surtout que le
cheminement et les proportions du mur que vous longez ont été travaillés pour que vous vous
sentiez en sécurité contre ce mur, et en insécurité dans la vaste pelouse.

Observez les chemins naturels des promeneurs dans les jardins publics : ils marchent
rarement sur les allées dallées et ont préféré tracer leurs propres chemins sur les pelouses,
plus direct. Pourquoi ? Dans le cas d’un jardin public, il est très difficile d’obliger les gens à
suivre un chemin tortueux (même si le chemin est droit, il vous apparait tortueux car ce n’est
pas le plus court chemin), parce que, justement, l’espace se prête difficilement à la création
de séquence spatiales qui les inciteraient à suivre votre tracé. Il ne faut pas les contrarier. La
vie a toujours raison.

L’inflexion du parcours peut se faire aussi à quelques lieux privilégiés : le palier d’escalier
par exemple est un lieu ou naturellement on s’attend à changer de direction.

La courbure de l’espace est un moyen de faire tourner les promeneurs de façon douce. Longer
un mur courbe est une manière de faire changer la vue, la lumière, l’orientation de façon
atténuée.

Le déplacement vertical
L’escalier ou la rampe sont des endroits rêvés pour les séquences spatiales car à ce moment
l’emplacement, l’orientation, le rythme des déplacements change totalement.
Un bon exemple à Casablanca est l’escalier central de la villa des arts sur le boulevard
Roudani (Suraqui architectes, 1920c.) : le visiteur tourne progressivement et découvre le hall
supérieur de la maison à travers un rythme lent et majestueux.

Les escaliers des théâtres et des opéra (opéra de Garnier à Paris, ou opéra de Lyon par
Nouvel) sont des lieux de représentation et de mise en scène des spectateurs par eux-
mêmes ou l’enchainement des escaliers joue un grand rôle.

L'ascenseur permet lui aussi de ménager des effets se rapprochant du cinéma, quand il est
vitré. A voir à Casablanca, les ascenseurs de l’immeuble des Hespérides, Avenue des FAR.
A voir à Paris l’ascenseur du show-room Citroën par Manuelle Gautrand sur les Champs-
Elysées. Ce sont des expériences que l’on ne peut découvrir sur des documents, il faut les
vivre sur place.

L’effet de surprise
L’effet de surprise jaillit justement à un moment où le promeneur a changé » de direction et il
a subitement une « sensation extraordinaire ». Cela peut être : une vue à couper le souffle, un
son très fort, une sensation d’apaisement, une sensation d’excitation, bref tout ce qui peut
arriver aux sens de l’homme.
La séquence urbaine où vous descendez le boulevard Zerktouni à Casablanca, en voiture
jusqu’à la mer et qu’au dernier moment, la grande mosquée vous apparaît dans un grand vide
fonctionne assez bien de ce point de vue là. Voir la grande mosquée pendant 10 minutes

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 35


depuis le boulevard qui longe la mer n’apporte aucune satisfaction, aucun effet de surprise de
ce point de vue là.

La pause, l’arrêt.
Il arrive que dans la continuité de la séquence spatiale, on est envie de créer une pause, un
arrêt. Il faut pour cela prévoir l’espace adéquat : espace isolé, statique, à l’abri du passage.
Regardez justement le balcon en haut de l’escalier dans la villa La Roche de Le Corbusier
(Paris 1923) : si on veut profiter du point de vue, on s’engage sur le balcon mais on doit re
rentrrer dans l’espace de circulation après la suite.
Il ne peut y avoir de pause réussie sans « quelque chose à faire » : regarder un paysage, avoir
une vue plongeante sur un espace, une contre-plongée, etc.

Le temps
Le temps est une chose de plus en plus précieuse pour les gens actifs.
Ne concevez pas la séquence comme une pièce de théâtre destinée à amuser votre visiteur. Il
ne va pas s’amuser beaucoup. Il ne faut jamais le contraindre, et surtout pas lui donner
l’impression qu’il perd son tout.
Tout cela doit être très subtil, la séquence spatiale doit accompagner le développement naturel
de l’espace.
`

Les lieux habituels de la séquence


Les lieux habituels de la séquence spatiale sont les entrées dans un édifice ou dans une pièce
à part de l’édifice (salle de théâtre, salon, hall…). Ce sont les lieux les plus faciles pour créer
des séquences spatiales car vous mêlez à cet endroit des passages de l’extérieur à l’intérieur,
du public au privé, du chaud au froid, de l’ouvert au fermé, etc.

En terme urbain, la séquence spatiale n’a pas de lieu spécifique, même si la ville médiévale
européenne, ou le tissu des médinas marocaines s’y prête plus que d’autre. Tout cela a été
expliqué par Camillo Sitte dans son essai « l’art de bâtir les villes » (Vienne, 1889). Il y
explique les enchaînements intéressants qu’il peut y avoir entre rue, places, boulevard,
espaces libres pour créer du pittoresque.

Plus récemment, les entrées de villes sont de plus en plus étudiées par les urbanistes et les
architectes, car c’est le lieu où la campagne devient ville et qui est par ailleurs parfois plus
utilisé (comme les zones commerciales par exemple) que le centre ville.

Exemples à Casablanca :
Comment accéder à la grande mosquée. (Michel Pinseau)
Comment on accède à la cathédrale St Pierre, Bd Rachidi (Paul Tournon, 1930-50)
Comment accède-t on au palais de justice ? (Joseph Marrast, 1920) Et d’autres…

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 36


DTA 1 Cours N°6
Statut de l’espace

BULLE ET STATUT DE L'ESPACE.


Nous avons décrit qu'un espace pouvait avoir un statut privé, semi-public ou public.
C'est une manière de simplifier les choses destinées à vous faire comprendre les différents
échelons.
En réalité, l'espace change de statut en de multiples nuances, et celles-ci sont définies plus ou
moins privées plus ou moins publique autant par l'endroit où nous sommes que par notre état
d'esprit. Si nous sommes en confiance, nous nous identifions à un espace et lui donnons un
caractère «semi-privé », lorsque nous sommes très attaché à une petite place de notre quartier
par exemple, et que voir la municipalité la transformer sans notre avis nous fait mal au cœur.

Il est un espace qui est toujours privé, c'est celui que nous transportons avec nous, celui qui
nous entoure.
Les sociologues ont coutume d'appeler cela «la bulle« ou la «sphère privative«.

Sentir quelqu'un entrer dans sa propre sphère entraîne une réaction émotionnelle, presque
instinctive, animale, de la part de notre cerveau, qui retrouve ici sans doute des réflexes
primitifs de protection.

Cette réaction du cerveau entraîne une grande attention, une grande acuité, des réactions de
méfiance, de colère, de surprise, de colère parfois.

On respecte généralement intuitivement la sphère, la bulle de l'autre : on se tient à une


distance respectable, on lui parle sur une intensité sonore adéquate, on le regarde sans le fixer.

Notre attitude vis-à-vis de l'autre est un message silencieux. Un anthropologue américain,


Edward Hall a parlé de langage silencieux. C’est aussi le premier à avoir étudié la notion de
distance entre les hommes dans on livre la dimension cachée (the hidden dimension, Edward
Twitchell Hall, Ed. Hall, 1966).

Quand il y a une anomalie dans le code « normal », il y a un autre message qui est transmis.
Si on vous parle fort près de votre oreille, vous aurez l’impression d’être grondé.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 37


Cette sphère est plus ou moins grande selon les cultures. Les occidentaux ont des sphères
faisant 1,10 m environ, les japonais 50 centimètres environ, les chinois, 30 centimètres
environ, etc...ces données ont été trouvées au moyen de statistiques, elles sont variables selon
que la personne habite en ville, en campagne, selon son âge, sa culture, son vécu. Observez
vous : Et vous, quelle est votre sphère ?

La mode des bains de mer a entraîné une foultitude de gens à s’amasser sur les plages. Il se
produit un phénomène très intéressant car, quand il y a peu de monde, les gens s’espacent
d’une certaine distance ; distance qui paraîtrait intrusive s’il elle était trop réduite. Plus la
foule arrive, plus les gens se rapprochent et les distances qui ce matin paraissaient intrusives
deviennent normales. Notre notion de sphère privative est ainsi toute relative et aussi fonction
de la quantité d’espace que l’on partage.

Plus ou moins de monde sur une plage entraîne une attitude différente.

Dans l’ascenseur, nous acceptons la proximité d’inconnus alors que nous ne l’accepterions
pas ailleurs.

PARTAGER LES BULLES


Rentrer dans la bulle de l'autre, de façon voulue ou non, peut prendre des caractéristiques
réelles : sentir l'odeur de l'autre, son haleine, voir les détails de ses yeux, entendre sa voix
même quand elle est murmurée, le toucher, par exemple. Mais à ces caractéristiques sensibles
s'ajoute aussi des éléments intangibles, délicats à décrire, de sentiments, d'émotion, de
méfiance, d'instinct.
Rentrer dans la bulle de quelqu’un, peut signifier beaucoup de choses : agression, mise en
confiance, pression psychologique, amitié et plus si affinité.

Il existe des espaces extrêmement gênants


dans lesquels pour des raisons techniques,
des gens qui ne se connaissent pas sont très
s les uns des autres. Tellement proches
qu'ils éprouvent parfois le besoin de
regarder ailleurs, en l'air, ou d'échanger des
banalités : les salles d’attente trop serrées,
les compartiments de trains, les files de
siège dans un avion, les ascenseurs, etc.
Photo extraite de “lost in translation”.
Coppola, 2003.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 38


BULLE ET ARCHITECTURE
Quel impact a tout cela sur l'espace, me direz-vous ?

Et bien, outre les dimensions fonctionnelles, les espaces sont aussi dimensionnés pour les
bulles. C'est très important de comprendre cette notion de sphère car l'architecte dessine des
espaces où plusieurs personnes vivent ensemble. Si on veut que les sphères de chacun soient
respectées, il faut que l'espace soit suffisamment grand.

Quand on veut donner une sensation d'intimité, il faut faire en sorte que les sphères se
touchent ou soient proches, ce qui ne passe pas forcément par le rapprochement des murs.
Dans les films américains, quand l'acteur drague l'actrice ou l'inverse, les murs de la scène ne
se rapprochent pas. Ils s'assoient tous deux sur le même côté du canapé pour mélanger un
bout de leur sphère, avant d'aller plus loin. On peut donc fabriquer des moments d'intimité en
travaillant sur l'utilisation de l'espace, son organisation, son mobilier (ce qui revient à
fabriquer des sous-espaces) plutôt que sur les murs.

La question de l’entrée est symptomatique des rapports que veulent entretenir les gens avec
leurs visiteurs. Dans la maison bourgeoise européenne du XIX° siècle, on reçoit beaucoup et
le hall est suffisamment vaste pour que chacun puisse respecter des distances convenables.
Créer une entrée, c’est aussi définir la manière dont les bulles vont se gérer dans les espaces
qui vont suivre.La taille de l’entrée est liée au statut de votre client et à sa mode de relation
aux autres.

Dans les rapports publics, il existe aussi des relations hiérarchiques : le professeur, le patron,
le juge, et d’autres. Le rapport à leur présence passe par divers artifices comme
l’éloignement : grand bureau, surélévation, estrade, destiné à ce que les rapports de sphère
soient clairement définis comme « non mélangés ».

ESPACE DOMESTIQUE
Croyez vous que l’homme ait besoin de 1000 m2 pour vivre ? croyez vous qu’il ait besoin de
100 m2, voire de 10 m2 ? la surface que nous réclamons pour notre « espace vital » est liée à
notre manière de nous considérer, et à notre volonté de nous mélanger aux autres, plus que
sur des considérations purement fonctionnelles.

On associe fréquemment le confort avec la quantité d’espace. Pourquoi ? Avec plus d'espace,
les autres rentrent moins souvent dans nos bulles, on n'est donc moins « agressé » et, nous
sentant plus en sécurité, nous pouvons nous sentir reposés. Ce n’est pas anodin si en première
classe du train, le compartiment compte 6 sièges, alors qu’en deuxième classe il en compte 8.
Le confort, avant le moelleux du siège, c’est la quantité d’espace.

ESPACE COMMERCIAL
Pensons à un espace public : les couloirs des twin center, dans la galerie commerciale sont
assez larges pour passer à plusieurs, mais aussi assez large pour se sentir en sécurité
lorsqu’on s'arrête devant une vitrine et que notre esprit cogite à savoir si on va acheter la
chemise bleue ou la chemise rose. Se faire bousculer, se sentir frôlé à ce moment-là
entraînera un manque d'attention sur la vitrine, un comportement de méfiance, un achat
manqué, du commerce en déficit, des magasins qui ferment... La réussite commerciale d'un
espace tient à beaucoup de facteurs, certes, mais aussi au dessin de l'espace.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 39


BULLE ET STATUT DU LIEU
L'être humain a tendance à donner aux choses qui l'entourent ses propres sentiments ; on
appelle cela s'approprier l'espace.

Votre chambre est beaucoup plus grande que votre bulle personnelle. Pourtant, elle est votre
bulle personnelle, même, et surtout si vous n'êtes pas là. Vous apercevoir que quelqu'un a
fouillé dans votre chambre (« qui a fouillé dans mes affaires ? »)entraîne souvent une grande
colère car vous avez identifié cet acte à une intrusion dans votre bulle personnelle.
Identifier est le bon mot. Vous vous êtes identifié en votre chambre. Vous vous l'êtes
appropriée.

Il en est de même pour les objets (vêtements, stylos, montres, etc...)pour les espaces
domestiques (votre logement) ou même l'espace public. Il est des lieux auquel toute une
population s'identifie : les Champs-Elysées pour les parisiens par exemple. La statue de la
liberté pour les Américains, les twins towers pour les new-yorkais.

S'identifier, s'approprier l'espace, c'est aussi avoir un regard dessus, un avis, lui donner un
statut, une présence, un nom.

Et vous, quels sont les lieux publics auxquels vous vous identifiez ?

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 40


DTA 1 Cours N°7
Observer, décrire.

Observer – méthode – décrire - éléments de vocabulaire - concevoir

OBSERVER.
Observer est une démarche qui fait fonctionner le cerveau. Elle est volontaire. C'est un
exercice, un travail, un entraînement, si vous voulez.

Observer ne signifie pas que regarder mais aussi toucher, sentir goûter, accumuler les
informations, les ranger, les classer, les comprendre.

METHODE :
La meilleure méthode d'observation, jusqu'à preuve du contraire, est d'aller du général au
particulier.
le général est la chose qu'on peut décrire dans sa totalité, qui n’est pas remis en cause par un
élément particulier.
Le particulier est une chose de moindre importance qui pourrait tout à fait faire partie d’autre
chose.
Exemple : je dis « Une barre de fer rivetée. » Cela ne signifie rien, on peut la trouver partout.
Si je dis : c’est une tour, elle est à paris, elle est composée de barre de fer rivetées entre elles :
tout le monde a compris que c’était la tour Eiffel.
Le particulier, pour avoir de l’int »érêt, doit être situé dans le général.

DECRIRE
Observer, c'est répondre à des questions : comment est ceci, comment est cela, pourquoi est-
ce comme ça ?
En ce sens, observer et décrire forment les deux aspect d'une même chose : observer
accumule les informations, décrire les organiser en un tout cohérent.

Les éléments basiques de l'observation sont les réponses aux questions :


Où ? Quand ? Qui ? pourquoi ? comment ? conjuguées et répétées à l'infini, à la manière des
poupées russes.

Je vois un escalier. Où est il ? dans un espace public. Quel espace public ? une ville. Quelle
ville ? Casablanca. Où se trouve Casablanca ? Maroc, Quel climat ? chaud et ensoleillé.
Comment est cet escalier ? droit. Quand a-t-il été construit ? il y a 70 ans. Pour qui ? pour
monter vers le palais de justice. D'où part il ? d'un parc. En quelle matière est-il ? recouvert
de marbre. Comment est-il ? large, arrondi sur les bords, composé de x marches, etc.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 41


ÉLEMENTS DE DESCRIPTION.
Décrire une forme se fait au moyen d’éléments déjà pré-établis.
Ci-dessous quelques éléments de vocabulaire.

La ligne
la ligne droite (ex : une villa de Le Corbusier)
la ligne brisée (ex : le fronton d’un temple grec)
angle obtus
angle aigu
la ligne libre (ex : les œuvres de Niemeyer au Brésil)
Le ligne courbe
La ligne mêlant courbe et droite. (ex : certains aspects e la Vila Mairea de Aalto)
La ligne pliée (ex : le plan du musée juif de Berlin de Libeslind)
Le plan
Le plan horizontal (ex : lepavillon de Barcelone de Mies Van der rohe)
Le plan vertical
Le plan incliné. (ex : la rampe du carpenter center de Le Corbusier)
Les formes et volumes simples
Le carré
Le cube (ex : le panthéon à Rome, Italie)
Le rectangle, le volume rectangulaire (la grande mosquée de Casablanca)
Le double carré, le double cube
le triple carré, le triple cube.
le rectangle de racine de deux (ex : les formats normalisés du A0 au A4)
le rectangle d'or (nombre d'or)
Le trapèze, le prisme. ( ex : la porte des lions à Mycènes, forme des pyramides incas.)
le parallélogramme. Le volume parallélépipédique.
La volume libre aux angles aigus (ex certains projets de Zaha Hadid)
Le volume libre aux angles souples (ex musée Guggenheim, Bilbao, de Gehry)
Le volume libre aux angles obtus (ex : casa de musica de Koolhaas à Porto, Portugal)
le volume libre avec courbes et droites.
Le cercle.
L'arc de cercle
Le demi-cercle (ex : l'arc en plein cintre)
Le cylindre (ex : la colonne classique , le phare, la tour)
La sphère, (ex : atomium de Bruxelles, Cénotaphe de Newton de Boullée)
L'hémisphère (ex : la coupole hémisphérique le panthéon).
La voûte hémisphérique.
La voûte quart de sphérique (ex : l’église sainte sophie à Istanbul)
La portion de sphère, le pendentif.
Le bulbe (ex : l’arc bulbé, le bulbe des clochers de la Russie médiévale)
Le tore (ex : aéroport de Paris terminal 2 Paul Andreu)
L'ellipse (ex : Les plans des stades, )
La voûte en ellipse (ex : hangar d'avion à Orly par Freyssinet)
Le pentagone
Prisme sur plan pentagonal (ex : le pentagone américain à Washington DC)
le hexagone, le heptagone, l'octogone. (ex : les coupoles médiévales sur plan octogonal)
le décagone, le dodécagone. etc.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 42


Le triangle
Le triangle quelconque
Le triangle isocèle (ex : le fronton des temples classiques)
Le triangle équilatéral
Le triangle rectangle.
le prisme triangulaire (ex : base du Twin center, Casablanca, musée d'Arles, (FR) par Ciriani)
La pyramide (ex : le Louvre, pyramide d'Egypte)
La pyramide inversée (ex : la pyramide inversée du louvre par Pei)
Le cône
Le tronc de cône.
Le volume conique
Le volume tronconique. ( ex : projet de cénotaphe de Boullée)
Le volume conique inversé.
Le losange, très peu utilisé en architecture (ex : Fenêtres du siège social d’Axa, bd Hassan II
à casablanca par zevaco))

Formes simples composées :


L'ogive (arc en ogive) le volume ogival.
L'anse de panier

FORMES COMPLEXES RECONNAISSABLES :


La voûte d'arête (ex : une église gothique)
L'étoile.
L'étoile de David
L'étoile à cinq branches, six, sept, huit, etc.. (zelliges)
La spirale, l'hélicoïde. (l'escalier hélicoïdal, la coquille d'escargot, le coquillage)
La double hélice (escalier de Léonard de Vinci Chambord, france)
Le ruban, le ruban de Moëbius.
La surface de révolution (paraboloïde hyperbolique : entrée de l'Unesco, Paris par Zerfhuss)
La surface de révolution
Le tronc de sphère (ex : le CNIT à la défense)
Le Fer à cheval (ex l’arc en fer à cheval des palais arabes)
Lobes ( ex le trèfles, les arc lobés, le plan des choeur d'église médiévales lobés.)
Les fractales de Mandelbrot.

AUTRES SCHEMAS D’ORGANISATION EN PLAN :


La croix
La croix grecque (ex : plan de st Pierre de Rome)
La croix chrétienne (ex : plan d'une église médiévale)
La croix gammée (exemple : plan de Azagury à Casablanca)
Le T (qui peut être désaxé)
Le L (qui peut être inversé, avec débordement d'une branche.
Le U (ex : maison en U de Toyo Ito au Japon)
Le I ( ex : profilé utilisé en métallurgie)
le H, qui est différencié du I par ses longues ailes. (ex : centrosoyouz de Le Corbusier)
on pourrait faire tout l'alphabet...

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 43


LE PLAN
L'organisation en plan et en volume basée sur telle ou telle figure géométrique ne doit pas
avoir pour seul but la représentation de cette figure, et encore moins du point de vue
symbolique.

Si Tadao Ando, par exemple, utilise beaucoup des figures géométriques de base, il les
conjugue toujours savamment pour en tirer parti en terme de mise en lumière de l'espace, de
séquence, d'espace fonctionnel. En d’autres mots, l’architecture de Tadao Ando, si elle prend
racine dans des formes géométriques simples, ne peut se résumer à cela.

L'utilisation d'une figure géométrique pour elle même conduit à assujettir tout le bâtiment à
cette figure : fonction, lumière, espace, structure, fluides, séquences, proportions, formes,
sous-espaces, distribution, etc. ce qui peut conduire, si on oublie la lumière, les séquences
spatiales, les matériaux, les enchaînements d’espaces, à un espace très pauvre alors qu'au
départ on pensait faire justement un espace très puissant.

FIGURE ET SYMBOLES
L'utilisation de la symbolique des figures et des nombres est très difficile à manier.
L'utilisation dus ymbole est souvent proche du degré éro de l’architecture. Résumer tout le
travail de conception à un symbole est un raccourci facile qui cache souvent le manque
d’imagination et de travail. Un symbole ne se regarde pas, il ne se vit pas, il ne se goute pas,
on ne peut le sentir nile toucher. C’est une figure abstraite.

De plus, dans notre époque où tous les peuples se connaissent ou presque, manier une figure
en lui accolant une connotation symbolique implique que ce symbole soit compris par tous
les peuples. Or le risque est que le symbole représente ailleurs l’opposé de ce qu’on voulait
dire. Telle couleur signifie la vie en Europe, la mort en Inde. Les chiffres ont autant de
significations qu’il y a d’humains sur terre. Les dates ne sont pas les mêmes sur les différents
calendriers religieux, bref : la croyance en l’universalité d’un symbole est souvent le reflet de
l’ignorance du reste du monde.

Manier un symbole, c'est prendre à coup sûr le risque de faire du contre-sens. Les livres qui
parlent de considérations symboliques et sociales et qui ne traitent pas des aspect fonctionnels
technique, structurels, esthétiques tiennent pour acquis que le lecteur sait déjà lire
l'architecture à travers ces critères ou alors ce sont de mauvais livres.

FIGURE ET MIMETISME
Certains édifices utilisent la notion de mimétisme pour faire passer un message.
Une école de marin doit avoir l'air d'un bateau.
Un fast-food doit avoir l'air d'un hamburger.
Une mairie doit avoir l'air d'une machine à écrire.
Ce système de création implique plusieurs choses :
- si la fonction du bâtiment change, il faut le détruire. Est on prêt à la faire ?
- si la forme utilisée change, le bâtiment n'a plus de sens. Dans une génération, vous
ne verrez plus de machine à écrire. Que devient alors le mimétisme ? comment reconnaît ton
alors le bâtiment ?

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 44


Cette manière de faire a été décrite par un architecte américain Robert venturi de l'agence
Venturi et Scott Brown dans un ouvrage intitulé «l'enseignement de Las Vegas » (Learning
from Las Vegas), que vous lirez pour la semaine prochaine.

extrait de « learning from Las Vegas » de Venturi.

Pour débuter la conception en architecture, il est plus facile de baser le choix des formes sur
des considérations fonctionnelles, technique, climatologiques, esthétiques.

Seulement, comment choisir une forme plutôt qu'une autre ?


Il est d'usage en architecture de se baser sur ce qu'on fait nos prédécesseurs pour réutiliser
leur forme et les adapter à notre époque.

On appelle cela l'utilisation de référence.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 45


DTA 1 Cours N°8
La référence

LA REFERENCE.
La référence consiste à réutiliser un modèle du passé pour l'adapter à notre époque.
Modèle peut aussi être appelé paradigme dans le jargon des architectes. On dira ainsi «le
paradigme de la hutte primitive » ou «le paradigme du temple romain », mais paradigme étant
un mot pas très beau à regarder de près, je préfère « modèle ».

Par exemple, Palladio à la Renaissance, a utilisé les formes des entrées des temples romains
pour concevoir les entrées des villas qu'il dessinait en Vénétie. (Vous lirez ses « quatre livres
sur l’architecture » pour la semaine prochaine).

Par exemple, le plan des premières églises chrétiennes reprend le plan d’un rectangle allongé
des basiliques romaines, et cela s'est perpétué pendant des centaines d’années.

La référence en architecture, pour le dire de façon grossière, consiste à utiliser « un truc qui
marche » pour le ré adapter. On peut triturer une référence, la déformer, la rendre même
invisible une fois le bâtiment achevé, cela n'a pas d'importance.

Pour le dire de façon plus fine, la référence a besoin de deux choses : un projet que l’on fait et
une référence. Le lien qui existe entre les deux peut être de plusieurs nature :

Elle peut être de nature formelle : on réutilise une forme telle que la colonne d’ordre
classique (dorique, ionique, corinthien) par exemple, créée par les Grecs, utilisée par les
Romains, puis à la renaissance, puis à la période néo-classique, puis pendant le post-
modernisme et l’on peut s’attendre à ce qu’elle surgisse encore dans l’histoire.Voir à ce
propos les travaux de Vitruve, Palladio, Jacques-Germain Soufflot, Charles Moore et Ricardo
Bofill.

Elle peut être de nature typologique. La typologie est la science qui classe les choses par
« types » reconnaissables. Il y a donc le type de la maison à patio, le type de la maison de
ville, le type de la mosquée, le type de la gare, etc. tous ces types sont fondés sur des
« ressemblances » qui permettent le classement.La limite de la typologie est son impossibilité
à classer quelque chose de nouveau (une station orbitale par exemple) ; son avantage est de
faire ressortir ce qui fonde réellement une ressemblance, et ce n’est pas seulement la
forme.On peut construire une maison en béton armé qui reprend la typologie des maisons de
campagnes (qui elles peuvent être construite en pierre) : par typologie de la maison de
campagne, cela peut être la forme, la couleur, l’organisation des pièces entre elles, la
volumétrie, les rapports de proportions, etc. Voir à ce propos les œuvres de Venturi.

Elle peut être de nature métaphorique (ce qui peut rejoindre aussi la forme) ; c’est-à-dire
qu’un bâtiment fait penser ou est conçu grâce à l’image d’une fleur ou d’un corps humain, ou
d’une machine ou quoi que ce soit d’autres. Gaudi utilisait beaucoup la référence au corps
humain pour ses éléments de structure, Calatrava en a repris l’idée en s’orientant plus vers
des métaphores animales ou végétales. Le Corbusier fait clairement référence à des machines,
des paquebots, des avions, des voitures dans ses œuvres d’avant la seconde guerre mondiale.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 46


Elle peut être de nature spatiale (ce qui peut rejoindre aussi la typologie). La forme des
espaces, leur utilisation, leur éclairage et tout ce qui concerne la manipulation de l’espace.
L’église du Panthéon à Paris, de Soufflot avait à l’origine, certains espaces inspirées des vues
des prisons imaginaires (les « carceri » ) de Piranèse.

Elle peut revêtir plein de natures différentes : matérielles (reprendre un matériau), odorifique,
poétique, colorée, il n’y a pas de limites à la rechercher de références.

MAIS : Il ne faut pas confondre référence et mimétisme.


Il ne faut surtout pas prendre la référence comme étant une illustration destinée à être
transposée ou reproduite pour faire comprendre à ceux qui regardent le bâtiment ce que c'est.
C'est à mon sens une mauvaise manière de fabriquer du projet. D’abord parce qu’un bâtiment
n’as pas forcément besoin de « dire ce qu’il est ». Ensuite, cela laisserait supposer qu’on
chercherait, comme référence de bâtiments, des choses qui seraient dans le même registre que
la fonction du bâtiment, soit, un kiosque à journaux, un journal, un snack, un sandwich, un
poulailler, une poule, une piscine, un maillot de bain, etc. ce qui est idiot puisque si, dans le
poulailler on élève des canards, tout tombe à l’eau, et le jour ou le snack vend du poisson, il
faudra détruire le bâtiment. Enfin, cette manière de faire suppose aussi qu’il faille à
l’architecte « se justifier » auprès de quelqu’un (son client ? la population ?) de son choix, ce
que personne ne lui a en réalité demandé. Qu’il se justifie de son projet final, oui, mais de sa
référence, non. Qu’on vous le demande à l’école, oui, mais dans la vraie vie, non.Que vus
l’utilisez comme argument commercial, oui, mais comme argument architectural, non. La
référence ne se justifie pas. Elle sert de base de travail.

Les clichés éculés.


« Vous voyez, là, je devais faire un garage, ben alors, j’ai mis une forme de carburateur, c’est
chouette, non ? ». Si vous regardez les bâtiments qui vous entourent, et jusqu’au plus ancien
que vous pourrez trouver, vous verrez qu’ils n’ont pas été conçus ainsi, et avec
raison.L’architecture n’est pas la mise en construction de clichés éculés.

Une référence n’a pas à signifier une chose à la place du bâtiment.En ce sens, ce n’est pas une
chose qui serait collée sur le bâtiment, ou clairement visible pour exprimer, de manière un
peu cliché, une signification quelconque.

Par exemple, mettre une façade de verre réfléchissant sur un immeuble de bureau est devenu
une sorte de cliché. Comme on ne veut pas réfléchir, on reproduit une chose existante « qui
fait sens ». C’est-à-dire qu’on fait un « mauvais » bâtiment, qui n’a « aucun sens » etq u’en
lui colant quelque chose d’aisément reconnaissable (une façade de verre par exemple) on
croit lui « donner un sens ». Ca ressemble un peu aux sauces en sachet qu’on vous vend en
vous faisant croire qu’en les rajoutant aux spaghettis, vos invités croiront que vous êtes un
grand cuisinier. On peut se permettre de rater un plat parce qu’on est pas un cuisinier
professionnel, justement, mais pas de rater un bâtiment, parce que justement, c’est le travail
de l’architecte.
Faire une fenêtre ronde pour donner un effet « paquebot » est un cliché : cela fait bien
longtemps que les bateaux n'ont plus de hublots ronds.

Faire un bâtiment en forme de bateau pour une école de marin est un cliché (on évitera pour
ne pas s’abîmer les yeux de trop regarder l’école de marins sur la route de safi). Il y a des
moyens beaucoup plus puissants pour évoquer la mer qu'une simple imitation de forme. Voir
par exemple l’immeuble Liberté, Place Lemaigre-Dubreuil, sur le BdZerktouni, à Casablanca,

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 47


par Morandi : il ne ressemble en aucune manière à un bateau, pourtant beaucoup de monde y
voit l’évocation du paquebot.

L'étude du Twin-Center de Ricardo Boffil et Elie Mouyal peut nous apporter beaucoup de
renseignements sur la manipulation de la référence.
L'architecte fait deux tours jumelles ; la référence au twin tower de New York est évidente :
tour de bureau, tour repère dans la ville, ancrage dans une modernité, référence à une ville
dynamique (Manhattan), utilisation de légers décrochements dans les hauts des poteaux qui
reprennent des formes utilisées dans les palais marocains, formes octogonales de certains
poteaux, mais pourtant l’ensemble reste très sobre, etc.)

On pensera aussi à étudier la chapelle de Ronchamp et les commentaires de Le Corbusier


décrivant l’idée de sa toiture par une coquille de crabe trouvée sur la plage.

A chercher / a retenir / à situer / à comprendre : Palladio, le plan basilical, le paradigme du


temple romain, la renaissance, lres ordres classiques, Charles Moore, Ricardo Bofill,
Soufflot, le panthéon de Paris, Piranèse, Venturi, Gaudi, Le Corbusier, Calatrava, Machine à
habiter, Léomard Morandi, immeuble Liberté (Place Lemaigre Dubreuil, Casablanca), Villas
Paquet (Bd Mohammed V Casablanca),

Pour aller plus loin :

Venturi Robert, de l'ambihuité en architecture, version française de Complexity and


Contradiction in Architecture, New York 1966.

Venturi Robert, Scott-Brown Denise, Izenour, l'enseignement de Las Vegas, traduction


française de Learning from Las Vegas, Cambridge (Mass.) 1972

Pour lire « I quattro libri dell’architettura di Andrea Palladio » :


http://architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/ENSBA_LES1338.asp

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 48


EAC 2009-2010 S1
Proportions Atelier

Une proportion est un rapport entre deux dimensions.

C'est un terme très utilisé dans le jargon des architectes.


Proportions, «propor », proportionner, mal proportionné, disproportionné, sont des termes
qui reviennent souvent.

À quoi ça sert ?
C'est un outil de fabrication de l'espace et de lecture de l'espace.
Commençons par la lecture, vous allez comprendre la fabrication.

L’œil humain ne mesure pas en mètre. Il mesure le rapport entre des choses : telle dimension
est deux fois plus grande que tel autre. Il mesure des rapports de dimensions, l’œil mesure des
proportions.
Or, certaines proportions plaisent à l'oeil plus que d'autres., On les appelle proportions
agréables, équilibrées, harmonieuses,

Essayons de comprendre le phénomène. L’œil voit des tâches lumineuses qu’il envoie au
cerveau. Le cerveau analyse chaque chose, décompose et recompose l’information complexe
en choses simple, qu’il connaît déjà, qu’il a appris dans son enfance. À partir de ces
informations, qu’il associe à d’autres informations en mémoire, le cerveau dit « ceci est un
carré », ceci est un tableau de Kandinsky » etc.

Imaginez un carré, forme géométrique équilibrée avec ses côtés égaux. Votre oeil le regarde
et il éprouve peu de difficultés à entrevoir ses proportions, puisqu’il compare les deux
dimensions du carré et les trouve égales. C’est une sensation agréable, le cerveau comprend
et analyse vite l’objet.

Si maintenant votre oeil regarde une forme qui est un presque carrée. Le cerveau cherchera
constamment rétablir l’équilibre des deux dimensions pour pouvoir « être satisfait », si l’on
peut dire, « d’avoir décomposé cet objet en objet simple » ; ne pouvant y arriver puisque la
forme n’est pas un carré, il va renvoyer une sensation « désagréable » de déséquilibre.

C'est une manière un peu schématique de résumer les choses. L'essentiel est de comprendre
comment agissent les proportions sur nous. Le processus exact, lui, n'a jamais été défini. Des
philosophes ont supputé des théories très intéressantes, la plus abordable étant les cours de
Hegel, mais vous aurez le temps de les lire plus tard.

Bien, maintenant que vous avez saisi le schéma de base, nous allons compliquer un peu.
Il ne s'agit pas de dire qu'il aime seulement les choses simples, basées sur le carré, c'est trop
schématique, non, Le cerveau, vis son œil, est tout à fait capable de comprendre des choses
extrêmement complexes, pour peu que ces choses complexes soient organisées par des
règles. Dans le cas d’un tableau, on parle de tracé régulateur ou de proportions entre les
objets dessinés, qui organisent les principaux éléments du tableau. Dans le cas d’architecture,

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 49


qui est en trois dimensions, ne l’oublions pas, on parle aussi de tracé régulateur, et de
proportions pour organiser les volumes, les pleins, les vides entre eux.

Ce sont ces sensations variées et complexes envoyées au cerveau, qui donnent du sens à votre
projet.
Par exemple, si je construis un objet massif, rectangulaire, allongé au sol, d'un aspect lourd,
et qu'à côté je pose une très grande tour qui va vers le ciel, je vais donner l'impression d'un
bâtiment «qui est relié à la terre et qui est relié au ciel ». Cette information va d'autant plus
fonctionner que le contraste entre les deux bâtiments est fort. La mosquée Hassan II de
Casablanca illustre cet exemple.

L'architecte se sert des proportions pour que son bâtiment s'exprime.

« N'as-tu jamais remarqué que certains bâtiments sont muets, d'autres parlent et certains
même chantent ? »
Paul Valéry dans Eupalinos, que vous lirez pour la semaine prochaine, résume bien la
différence entre des bâtiments sans intérêt et des bâtiments expressifs.

Si les proportions de votre bâtiment le font chanter, alors vous avez réussi. Comment le fait-
on chanter ? ça c'est une autre affaire.

Il n'y a pas vraiment de traité de proportions en soi, même si des livres sur le sujet existent.
La proportion est une affaire d'observation attentive, de dessin, d'analyse, de mémoire.

À force de dessiner des choses qui vous plaisent, ou qui sont expressives, votre main et votre
oeil s'habitueront à déceler et à créer de bonnes proportions. En ça, le dessin est essentiel.

Il existe bien sûr des dizaines de proportions déjà codifiées, déjà utilisées, déjà commentées.
Il faut les connaître et les utiliser. Elles sont comme des sentiers dans la forêt. Passer à côté
vous ferait perdre du temps, suivre leur trace vous en fait gagner pour aller plus loin.
Elles sont listées ci-après. D'abord un petit détour par la manière de décrire une proportion.

Décrire une proportion


Une proportion est le rapport entre deux dimensions. C'est donc un nombre rapporté à un
autre nombre.
On peut l'écrire par une fraction : 1/3 signifie qu'une dimension est trois fois plus grande que
la première.

Une proportion peut s'écrire par un chiffre (par exemple : 1,618) qui est le résultat de la
division d'une dimension par l'autre. (1,618 = (1+√5)/2) Je sais, je sais, c'est compliqué, mais
vous comprendrez la signification de ce chiffre dans pas longtemps...)

Elle peut s'écrire aussi par des mots : «un rapport de deux par quatre » signifie la même chose
que 2/4.

Elle peut s'écrire aussi au moyen de formes dont les proportions sont déjà connues : le carré,
dont la proportion est 1 par 1 ; le double carré, dont la proportion est 1 par 2, etc.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 50


Les proportions les plus connues :

1 par 1, exemple : le carré, le cube.


1 par 2, le double carré, le double cube
1 par 3, 2 par 3, 4 par 5 sont des rapports simples souvent utilisés.
1 tiers / deux tiers est utilisé de façon classique pour séparer deux choses en donnant une
importance majeure à l’une et mineure à l’autre.
Suite de Fibonacci : 1, 2, 3, 5, 8, 13, ... où un nombre est la somme des deux précédents.
Nombre d'or : 1, 616 et 0, 618 soit (1+√5)/2 et (√5 /2)
Le nombre d'or approché : 5 par 8, proportion très utilisée pour la peinture classique.
Le triangle égyptien : 3 par 4 par 5
La diagonale du carré : 1 par √2 d'où découle le format A4
Le 3 par 4, 4 par 5, qui est aussi utilisé dans l’affichage publicitaire.
Le Modulor, série rouge, série bleu. Basés sur la suite de Fibonacci.
Le tatami, 91 par 182, soit le double carré, soit 1 par 2.

Les rapports simples


1 par 1, 1 par 2, 2 par 3, 4 par 5, 5 par 8, le triangle égyptien, forment des rapports de
dimension simples, c’est-à-dire basés sur des nombres entiers, voire des chiffres entiers. Cela
crée des formes généralement équilibrées et relativement expressives, pouvant donner des
sensations de formes ou d’espaces calme, d’élevé, d’allongé, etc…Ou séparer deux parties en
donnant une importance dominante de l’une par rapport à l’autre.

Les rapports complexes


La suite de Fibonacci, le nombre d’or, le modulor, la diagonale du carré, forment des rapports
de dimensions plus complexes, basés sur des formes géométriques et parfois arrondies pour
des raisons de commodité. Le fait principal de ces suites de nombres est qu’elles lient
ensemble plusieurs dimensions de taille fort variées.

MODULOR
Au milieu du XX° siècle, Le Corbusier, architecte suisse très attaché à la notion d’échelle
humaine, commence une réflexion sur cette déconnection entre l’unité de mesure (le mètre) et
la morphologie humaine. Après plusieurs tentatives, il établit un système appelé « modulor »
qui fixe des unités basées sur un homme debout d’1,83 m.

Le mot « modulor » est une contraction de « module » et « nombre d’or ».


Le nombre d’or est un rapport de proportion utilisé depuis l’Antiquité et dont la valeur est
environ 1, 618. Nous y reviendrons.

Le projet de modulor a deux buts : l'utilisation de l’échelle humaine et la normalisation.


L'utilisation de l'échelle humaine comme base du modulor permettra de revenir à des
dimensions basées sur l'homme, et de retrouver ainsi des proportions jugée «plus
harmonieuse ».

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 51


La normalisation est l'idée qu'en utilisant ce système dans l'industrie du bâtiment pour
fabriquer brique, portes, fenêtres, poutres, planchers, etc. permettra d'obtenir «
automatiquement » des bâtiments aux proportions du modulor.

Le modulor est aussi un système qui unifie les deux grands systèmes de mesure encore
utilisés aujourd’hui : le mètre et le pied pouce.

Ainsi, la hauteur du ruban du modulor est de 2,26 m, soit 89 pouces. Il n'y a pas ou peu de
virgule.
En divisant cette dimension (2,26m ou 89 pouces) par le nombre d'or ou des chiffres basés
sur le nombre d'or, on atteint des valeurs proches de valeur entières à la fois en mètre et en
pouces.

Le modulor comporte deux séries de nombres : la bleue et la rouge.

La série bleue est basée sur la valeur de l’homme debout (1,83 m) et qui tend le bras en l’air
(2,26 m).

La série rouge est basée sur 1,13, la demi-valeur de la série bleue (2,26).

A partir de ces valeurs, il établit les suivantes en se servant du système des suites de
Fibonacci, c’est-à-dire que la valeur suivante est la somme des deux valeurs précédentes .
exemple : 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, etc.

Cela donne ainsi :

Série rouge
Mètres pouces

4,79 116’’1/2
2,96 72’’
1,83 44’’1/2
1,13 27’’1/2
0,70 17’’
0,43 10’’1/2
0,26 6’’1/2

Série bleue
Mètres pouces

9,57 233’’
5,92 144’’
3,66 89’’
2,26 55’’
1,40 34’’
0,86 21’’
0,53 13’’

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 52


Les chiffres retenus par le Corbusier sont des valeurs approchées, l’exactitude mathématique
le préoccupant moins que l’harmonie visuelle.
Dans le domaine de la construction, les dimensions ne sont jamais exactes : la mise en oeuvre
des briques, des dalles de planchers, des poteaux en béton, ne peut se faire au demi-
centimètre près.

Le Corbusier utilisera les valeurs du modulor pour ses unités d’habitation et pour les
bâtiments qu'il construira par la suite.

Il faut bien comprendre que le modulor est un outil pour aider l’architecte à dimensionner
l’édifice en rapport avec l’échelle humaine.

Pour autant, il ne se substituent à votre propre sensibilité.


Ce n’est pas l’utilisation du modulor qui rend un bâtiment beau, équilibré, bien proportionné,
cela tient à votre sensibilité. Le modulor peut vous y aider.

L’architecte doit « préserver sa liberté qui ne doit dépendre que de son sentiment des choses
et non de la raison » (Le Corbusier, « le modulor », page 62, que vous lirez pour la semaine
prochaine).

LE NOMBRE D’OR
Le nombre d’or recouvre une proportion dans laquelle le rapport d »’une grande partie à une
petite est égal au rapport de la grande partie à la somme de la grande et la petite partie.
Euclide, dès l’Antiquité, l’appelait « rapport en extrême et moyenne raison ». Lorsque à la
renaissance, on redécouvrit les textes grecs, on s’intéressa au nombre d’or qu’on appelait
alors « divine proportion ». Ce n’est qu’aux 19 siècles que le mot « nombre d’or » fut
inventé pour désigner cette proportion. On lui a prêté de nombreuses qualités d’équilibre,
plaisante à l’œil.
Des savants ont même crus le retrouver dans d’innombrables bâtiments construits depuis
l’Antiquité, avant qu’on démontre que ces bâtiments étaient construits sur le rapport 5/8 et
(1+5)/8 qui est très proche du nombre d’or. Voilà pour le mythe, voyons les chiffres.

Il y a quantité de manière de démontrer algébriquement ou géométriquement le nombre d’or.


Je vous renvoie à la littérature spécialisée en bibliothèque ou sur wikipédia.
Les architectes, eux, utilisent le plus souvent la méthode suivante : prendre un carré, tracer un
arc de cercle dont le centre est le milieu d’un côté et le rayon la ligne reliant le centre à
l’angle opposé. L’intersection de l’arc et de la prolongation du côté sur lequel était posé le
centre défini un point. Former le rectangle à partir de ce point. Les proportions de ce
rectangle sont dans le rapport du nombre d’or. Un dessin vaut mieux qu’une explication :

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 53


La valeur mathématique est environ 1,618 et 0,618.

LE TATAMI
Le mot tatami vient d’un mot japonais qui veut dire « tassé ». Le tatami est un objet, c’est un
tapis de paille tressée et pressée que l’on pose sur le sol dans les maisons japonaises
traditionnelles. Par habitude et parce que les Japonais forment un peuple bien organisé, les
tatamis ont vu leurs dimensions se figer au cours du temps (91 cmpar182, soit un double
carré) et sont devenus des modules pour déterminer la taille des pièces. On pose les tatamis
au sol de manière à n’avoir aucun espace vide, cela donne des pièces rectangulaires, toutes
basées sur le même module. Accessoirement, il sert du coup aussi d’unité de surface,on en
parle plus de mètres carré, mais de pièces à 2 tatamis, 3 tatamis, 8 tatamis, etc.

Les marocains ont souvent un « salon marocain » chez eux, même s’ils ont une maison
extrêmement moderne. Les japonais ont souvent une « pièce traditionnelle » chez eux, même
dans leurs maisons les plus modernes. Cette pièce est souvent basée sur le module du tatami.

Tadao Ando, boxeur, puis architecte japonais, dont vous étudierez l’œuvre pour la semaine
prochaine, a construit depuis 1970 des dizaines de bâtiments d’architecture moderne, souvent
en béton brut, basés sur le module du tatami. Ce qui est original dans son travail est qu’il ait
fait de l’architecture moderne avec une dimension traditionnelle, mais aussi qu’il ait utilisé
cette dimension pour fixer non seulement la taille des pièces au sol, mais aussi dans les trois
dimensions. Aspect supplémentaire de son travail, le dessin du tatami est représenté sur tous
les murs, incrusté dans les traces du béton que l’on a coulé.

Où trouver les proportions ?


Elles se trouvent partout. On peut les décliner à l'infini.
On utilise dans le jargon des architectes le terme « le tout et les parties » pour exprimer
qu’une chose est composée de parties et que ces parties assemblées forment un tout.

Par exemple : une maison est composée d’un volume principal, d’un avant-toit et d’un garage
accolé. Le volume principal est percé d’une porte, d’une fenêtre. La porte est composée d’une
poignée, d’une vitre.

La vitre et la poignée sont des parties du tout qui est la porte. La porte et la fenêtre sont des
parties du tout qui est la façade principale. Le garage, l'avant-toit, le volume principal sont
des parties du tout qui est la maison tout entière.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 54


Proportionner tout cela consiste à établir des rapports entre la poignée de porte et la porte, la
dimension de la porte avec le volume principal, et le volume principal avec les volumes
secondaires, l’ensemble étant dimensionné par rapport à ce qui l’entoure.

Ainsi la modification de la taille du volume principal entraînera la modification de la poignée


de porte, par une suite continue de proportions établies les unes par rapport aux autres.

Pour bien comprendre cette imbrication, étudions la villa Stein-De Monzie, de Le Corbusier,
construite à Vaucresson en France. En voici la façade.

Nous observons que Le Corbusier a établi le rapport entre la hauteur et la longueur de la


façade comme étant basé sur le nombre d’or. La longueur est égale à 1,618 x la hauteur.
Nous observons par ailleurs que la diagonale reliant les deux coins de la loggia, en haut, est
parallèle à la diagonale de l’édifice, cela signifie que les rapports de proportions sont
identiques : la loggia est donc proportionnée aussi au nombre d’or. Sa position est axée sur le
centre de la façade.
La grande baie vitrée, en bas, utilise le même système, ainsi que la porte du garage, à gauche.
La façade arrière est aussi réglée sur ce rapport de proportion ; la diagonale de la façade suit
la pente de l’escalier.

Essayons de comprendre maintenant comment tout cela fonctionne :

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 55


En établissant des rapports de proportion identique comme il l’a fait, Le Corbusier essaye
d’équilibrer sa façade car l’œil verra une unité de rapport longueur-largeur et y trouvera de
l’harmonie, de l’équilibre.

Si je modifie un tant soit peu la largeur de l’édifice, il faut modifier aussi la largeur de la
loggia, celle de la baie en dessous, celle de la porte du garage, la largeur de l’escalier, donc la
hauteur des marches, donc la hauteur de l'étage, donc la hauteur des fenêtres : tout est
chamboulé. Rien ne peut être modifié sans que les proportions de la façade ne s'écroulent.

Si on modifie ainsi les choses : il faudra modifier le giron et la hauteur des marches de
l’escalier, et donc le niveau du palier, donc le niveau de l’étage, donc le niveau des
percements, qui eux ont déjà été modifiés par la modification de largeur de la façade : tout est
modifié par une seule modification car l’harmonie du tout est liée par les dimensions de ses
parties qui sont liées entre elles.

En architecture, on a coutume d dire que c'est beau «quand on ne peut plus rien enlever ».

En étudiant bien le plan de la Villa Stein-De Monzie, on remarque que l'espace intérieur est
lui aussi calé par rapport à la façade. On a donc bien un « tout » cohérent. On ne peut rien lui
enlever sans que l'édifice paraisse bancal.

ÉQUILIBRE, HARMONIE, TENSION


Maintenant, une petite pause sur les termes «équilibre« et « harmonie ».
Le sens dans lequel il faut comprendre «harmonie » est : combinaison de choses formant un
ensemble, dont les éléments se trouvent reliés dans un rapport de convenance, procurant
satisfaction.
Utiliser le terme « harmonieux » dans vos descriptions pour dire que quelque chose vous plaît
est une faute de sens si vous oubliez de décrire auparavant les éléments qui compose cette
combinaison que vous trouvez harmonieuse. Ce n'est pas parce que le terme « harmonie » est
galvaudé, notamment par les promoteurs, que vous devez faire la même erreur.
Parler d’harmonie est un vrai travail de description qui va en profondeur.

Le sens de « équilibre » est « position stable d’un objet ». Appliqué à l’œil et à l’architecture,
cela a donné « juste proportion » ou « pondération convenable » mais l’idée de base reste la
même : il s’agit de contre balancer une chose qui a de l’importance par une ou plusieurs
autres choses qui en ont autant.
Deux masses égales sur une balance sont en équilibre. Si je mets une masse plus lourde mais
que je la suspends juste ce qu'il faut à un fil pour qu'elle ne modifie pas la balance, il y a aussi
équilibre, même s'il y a une tension dans le fil. En Architecture, c'est pareil : il peut y avoir
équilibre avec deux masses, deux volumes identiques (exemple : les tours du twin center de
Casablanca) ou équilibre par une tension entre deux volumes (exemple : les deux volumes de
la grande mosquée de Casablanca: l'un massif et allongé, l'autre élancé et vertical).

Dans un tajine au pruneau, c'est la tension entre le salé et le sucré qui crée l'équilibre général.
Ou entre le mou du pruneau et le moelleux de la viande. L'architecture et la cuisine c'est la
même chose. Construire un plat avec les ingrédients ou un bâtiment avec les matériaux, c'est
pareil. Faites de la cuisine, vous apprendrez beaucoup en architecture.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 56


Dans une musique, les instruments sont très différents (guitare, batterie, clavier...) pourtant
leur chant se mélange sur un rythme commun. La musique et l'architecture, c'est la même
chose. Composer une mélodie sur un rythme ou composer une façade rythmée, c'est pareil.
Faites de la musique, vous apprendrez l'architecture.

Dans une poésie, le son des mots, la manière dont ils coulent dans votre bouche et ce qu'ils
veulent dire sont accordés. La poésie et l'architecture c'est la même chose. Accorder la
couleur des mots avec ce qu'ils veulent dire ou accorder la lumière d'un bâtiment avec ce qu'il
signifie c'est le même travail. Faites de l'architecture, vous ferez de la poésie.

Je pourrais continuer avec la peinture, la sculpture, la mode, le graphisme, le design, et


d'autres qu'il vous reste à trouver, toutes ces activités qui nécessitent l'apport de l'équilibre, de
la tension, de la proportion.

QUAND

L’invention de la proportion ne peut être datée mais il est aisé de supposer qu’elle est liée à
une gestion saine d’un chantier de construction : si on fixe une dimension et qu’on déduit les
autres de la première, il est facile après de retrouver l’information et de la transmettre, à une
époque où les plans sur papier A0 n’existaient pas.
Si je fixe une dimension de pierre à un pied de large, et que je bâtis tout mon bâtiment sur ce
module, après je peux dire à mes artisans tailleurs de pierre : toi tu fais des pierres de 2 fois la
largeur, toi trois fois la largeur, etc. et je peux calculer la quantité de pierre et combien ça va
coûter en une matinée.

La géométrie euclidienne intervenait pour une grande part car les systèmes de proportions
peuvent être décrits graphiquement par le langage géométrique.

Les grecs utilisaient pour établir en détail leurs colonnes un principe basé sur la hauteur et la
largeur de la colonne que l'on divisait ensuite. Vous retrouverez dans les dix livres de Vitruve
les détails des proportions des différents ordres.

Proportion et adaptation au matériau.


La proportion d’un bâtiment découle aussi souvent des matériaux qu’on utilise pour le
fabriquer. Selon que ce matériau est facile à se procurer ou pas, le système de proportion peut
changer.

Au moyen âge en Europe, tailler des pierres coûte très cher. On établit donc les proportions
en fonction des matériaux dont on dispose. On n’est pas prêt à gaspiller de la pierre pour les
tailler toutes d’égales dimensions. (les carrières présentent des lits plus ou moins fragiles, et il
est hors de question de jeter une pierre parce qu’elle est trop petite) La proportion n’est donc
pas réglée sur l’épaisseur de la pierre, comme peuvent l’être les colonnes classiques, mais est
principalement donnée par la structure générale du bâtiment, notamment les arcs et leurs
poussées qui influent sur la forme de l’espace.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 57


Généralement les proportions sont réglées par le maître bâtisseur, qui est en gros à la fois
architecte et chef de chantier.
Il trace le plan général sur du plâtre au moyen d'une règle d'une dimension x. Il utilise après
une perche (de grande dimension) pour tracer dans la réalité les mêmes dimensions que sa
petite règle sur le plan. Il adaptera ses pierres, au fur et à mesure qu’elles viendront de la
carrière pour construire son mur à la hauteur x voulue. Tout cela est bien décrit dans le roman
«les piliers de la terre » de Ken Follet, que vous lirez pour la semaine prochaine. Un autre
ouvrage, de Fernand Pouillon, «les pierres sauvages » explique aussi comment se construit
une abbaye cistercienne.

La renaissance, à partir du XV° siècle, en gros, la prise de Constantinople par les turcs pour
vous situer, est la redécouverte et la réinvention des proportions de l'Antiquité grecque et
romaine.

La période classique, au XVIII° siècle est la grande codification des proportions. Tout est
réglé, codifié, écrit. Cela aboutira à des édifices très équilibrés, mais aussi à une grande
pauvreté dans l'expression architecturale à la fin du XIX° siècle, dans une période qu'on
appellera éclectisme, pour arriver justement à balayer tout ça avec la modernité.

La proportion à l’âge moderne


L'invention de la construction en fer conduit à des bâtiments d'une forme et d'une taille qu'on
n'avait jamais vus jusqu'alors. La légèreté du fer permet une finesse qui n'est plus en accord
avec les codes de proportion classique, qui était fait pour les constructions en pierre.
Quand Labrouste construit la bibliothèque Sainte Geneviève à Paris en1851, dont vous
étudierez le plan pour la semaine prochaine, il ne peut plus utiliser le code classique : ses
colonnes sont beaucoup plus élancées que les colonnes classiques. Suivront ensuite les ponts,
les serres, les gratte-ciels. Tout doit changer. On abandonne alors le code classique pour
revenir en partie au système du Moyen-Âge, ou la proportion est réglée selon la structure
porteuse et le processus de construction. Ici le matériau devient métal ou béton armé, et le
processus de construction devient l'industrialisation, la normalisation, le module.

Actuellement, en Europe, les architectes sont très assujettis au choix des matériaux
disponibles sur le marché, qui eux, sont pré-dimensionnés en usine sur des tailles qu'on dit «
normalisées ». Ainsi, un immeuble de bureau est sur une trame de 2,70 et ses subdivisions.
Toutes les cloisons disponibles sur le marché ne dépasseront pas 2,70 de haut. Faire un
plafond à 2,80 entraîne des complications. L'architecture s'appauvrit. Une porte qui ne fait
pas 2,05 m de haut est une porte «hors norme » qui va devoir être fabriqué spécialement pour
vous.
Frank Lloyd Wright disait : «la construction devient trop facile, l'architecture devient
difficile ».

Nous avons la chance, au Maroc, de pouvoir fabriquer des bâtiments modernes avec des
techniques encore artisanales, laissant une grande liberté à l'architecte.

Proportion, normalisation, réglementation.


La réglementation de sécurité dans certains bâtiments impose des dimensions minimales pour
les portes, les allèges de fenêtre, les largeurs de couloirs et escaliers. Ces réglementations, qui
doivent être respectées a minima sont au contraire souvent prises comme une norme. Si une
règle impose de faire un garde-corps à au moins 1 m de haut, 99,5 % des architectes font des

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 58


garde-corps à 1 m, sans jamais se poser la question de savoir, si, pour les proportions de leur
bâtiment, 1,12 m ne serait pas mieux. Cette attitude est compréhensible, ça évite de réfléchir ;
c'est fatigant de réfléchir. Quand tout devient facile, pourquoi réfléchir ? relisez l’aphorisme
de Frank Lloyd Wright plus haut.

L'homme pense, c'est ce qui le différencie de l'animal.


L'architecte manie les proportions, c'est ce qui le différencie du constructeur lambda.
La proportion est l'outil majeur de l'architecte.

DTA 1 Cours N°10


La Mise en ordre

Regardons attentivement un tableau de Picasso ou Malévitch ou Kandinsky Nous y voyons


des tâches de couleur.

Ces tâches de couleur représentent quelque chose. C'est évident pour vos yeux, mais si elles
étaient un tant soit peu organisée différemment, on n'y reconnaîtrait plus rien. Encore que ça,
représenter quelque chose avec soin, tout le monde peut facilement y arriver avec de
l'entraînement. Qu'est ce qui dans un tableau de maître, outre la précision du trait, les
proportions, fait qu'il réagit en nous ?

Si on trace quelques lignes sur ces tableaux on se rend compte curieusement que les tâches de
couleur ne sont pas posées au hasard.

Il existe, du fait du corps humain, des « lignes de forces » dans une surface plane.
En effet notre oeil est constamment en mouvement. Il ne lit pas un mur. D'ailleurs même
quand vous lisez, votre oeil ne suit pas les lignes : il saute constamment en avant et en arrière,
en haut et en bas. Pour un mur c'est la même chose : votre oeil saute du coin haut vers le coin
bas, du plein vers le vide, du sombre vers le lumineux.
C'est une données à la fois physique et culturelle.
Par exemple, ceux dont la culture est l'alphabet latin ont tendance à regarder les choses du
haut à gauche vers le bas à droite. Beaucoup de tableaux classiques sont composés ainsi.
Comment regarder un tableau quand on ne sait pas lire ?

Les tâches de couleur sont organisées sur la toile pour former un équilibre. Cet équilibre peut
être obtenu par une stricte symétrie comme l'on fait les peuples anciens dans leurs
constructions. La symétrie est très reposante pour l'oeil.
L'équilibre peut être aussi obtenu par la tension, le contre-point, entre deux, trois, plusieurs
formes, à la manière d'un mobile qui ne tient que si tous ses éléments sont là.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 59


Le plus intéressant là-dedans, c'est d'aller un peu plus loin que ce que voient nos propre
yeux : il faut essayer de sentir la chose. Je m'explique.
Certains peintre ont fait des tableaux symétriques qui, en apparence, étaient dissymétrique.
En apparence seulement, car il s considère que les couleurs ont différents «poids » et que
mettre autant de rouge à droite que de bleu à gauche conduit finalement à un déséquilibre et
qu'il vaut mieux les répartir légèrement différemment.

Beaucoup de ces problèmes de tension des formes ont été décrite dans un livre au début du
XX° siècle « point et ligne sur plan » de Kandinsky, que vous lirez pour la semaine
prochaine.

Tout ceci n'est qu'une introduction pour amener peu à peu à la manière de faire des
architectes, qui travaillent dans les trois dimensions.
Un des problèmes majeurs pour l'architecte est de fixer les dimensions définitives. Pourquoi à
un moment donné, choisir une largeur de 1,21 m au lieu de 1,23 m ? L'oeil voit à peine la
différence.

LA TRAME
Pour gagner du temps, et pour d'autres raisons que nous verrons plus bas, les architectes
utilisent parfois une trame pour dessiner leur bâtiment.
C'est à dire qu'ils se servent d'une grille qui leur indique où placer les murs, les poteaux, les
portes, les fenêtres. Cette grille est choisie par l'architecte.
C'est une aide à la conception, tout comme la règle droite est une aide pour tracer un trait
droit.

Observons comment Berlage, architecte hollandais du début du siècle, utilise cette trame.
C'est une maison à La Haye, dans le quartier Prinsevinkenpark.
Il se fixe une largeur de 1,10 m . Largeur suffisante pour être à la fois plus ou moins un
couloir, une porte, une fenêtre.
Il utilise sa trame comme un fond, et place un calque par dessus pour tracer son plan.
Maintenant une trame est une ligne. Un mur est un volume, il a une épaisseur. Où placer le
mur ? à l'axe de la trame ? sur un des côté ? L'intelligence de Berlage consiste justement à ne
pas être dogmatique. Le dogmatisme ne paie pas en architecture. Il choisit, selon ses besoins,
de placer ses cloisons d'un côté ou de l'autre de sa trame. De fait, globalement, son plan est
plutôt organisé.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 60


A ceux qui pensent que cela ferait un espace trop rigide, on ne sent aucune rigidité de la
trame à l'intérieur de cette maison. Par contre le corps sent une certaine uniformité dans le
bâtiment. Les volumes sont équilibrés car fait tous sur le même modèle, la même trame. C'est
très agréable.

La trame est un outil très utile pour a conception. Il faut juste ne pas s'y soumettre.

La forme de la trame est libre, elle peut être sur base carrée ou rectangulaire, circulaire,
différentes dans les deux ou les trois dimensions.

L'utilisation d'espace basé sur une trame répétitive est aussi utilisé pour mettre en valeur un
élément qui justement ne respecte pas la trame. La diagonale du plan de Cerda à Barcelone
ou de la diagonale de Manhattan en est l’exemple.

Observons maintenant d'autres utilisations de la trame.


La révolution industrielle du XIX° siècle a entraîné un changement dans le mode constructif.
On utilise désormais l'acier, puis le béton. Cette utilisation de matériaux fabriqués
industriellement oblige, pour des raisons d'économie, à utiliser une trame constructive
répétitive, pour acheter et poser les mêmes dimensions de poutres et de poteaux. C'est une
trame qui est dit constructive car elle est reliée à la structure du bâtiment. Lier la trame
constructive et la trame de conception de l'espace est une possibilité. Cela facilite grandement
la conception des grands bâtiments à éléments répétitifs comme les hôtels, les hôpitaux, les
entrepôts, etc.

Pour autant, si on observe un bâtiment icône de la modernité comme la villa Savoye de Le


Corbusier, on remarque que non seulement il ne respecte pas sa trame constructive de bout en
bout (vous chercherez pour la semaine prochaine le poteau qui manque) mais qu'en plus la
trame de conception de l'espace est en partie déconnectée de la structure. En effet, les
cloisons sont placées librement, sans tenir compte des poteaux. C'est ce qu'on appelle le plan
libre.

Maintenant la profusion de matériaux de construction fabriqué industriellement propose deux


solutions : soit une soumission à la trame industrielle du matériaux (en utilisant des tailles
standard) soit au contraire des matériaux capables de s'adapter, dans une certaine limite, aux
dimensions choisies par l'architecte.

LA NORMALISATION

L'industrialisation a conduit à ce que les gens s'entendent sur les grandes dimensions, pour
que les objets fabriqués en série puissent s'assembler les uns aux autres. Cela a conduit à la
normalisation. Les dimensions sont devenues standard. En dehors du standard, point de salut.
Cela est vrai et à la fois pas tout à fait vrai.

Par exemple, les usines fabriques des profilés métalliques en U, en I, en T, suivant certaines
tailles, et au Maroc, sur une longueur de 12 m de long par exemple. Si vous fabriquez un
entrepôt avec une structure métallique, il n'y a pas grand intérêt, à moins que votre

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 61


programme vous y oblige à utiliser une trame de 6,20 m :vous allez devoir utiliser des
profilés non-standard. en gros, comme l'architecte travaille avec un budget limité, vous allez
mettre beaucoup d'argent dans quelque chose qui ne se voit pas tellement. De la même
manière, votre ingénieur a calculé la résistance nécessaire de vos poutres. Bien. Maintenant
on peut fabriquer la poutre spécialement pour vous, c'est ce qu'on appelle un PRS (profil
reconstitué soudé) ou bien en choisir une qui convient sur catalogue ; peut être que cette
dernière a plus de matière qu’il n’en faut, mais au moins elle sera livrée rapidement. Il n' y a
pas de règle, tout dépend de ce que vous voulez faire. En cela, la normalisation est un outil
pour gagner du temps et de l’argent dans des parties du bâtiment qui ne nécessitent pas une
spécificté particulère. Inversement, pour un élément très particulier, on fabrique parfois un
profilé métallique spécifique, parce qu’à cet endroit et à ce moment là, si on utilisait un
profilé normalisé, l’ensemble des proportions de l’édifices ne fonctionnerait plus entre elles.

Il était uen fois un chantier où l'ingénieur avait dimensionné chaque poutre en béton armé
avec un ferraillage adapté à sa résistance. Chaque poutre était différente. L'entreprise
s'arrachait les cheveux pour fabriquer le ferraillage : il fallait commande des fers tous
différents, les stocker séparément pour ne pas les mélanger, lire chaque fois le plan pour une
nouvelle poutre ; ceux qui fabriquent des ferraillage de poutres ne sont pas des ingénieurs. Il
faut faire des choses simples. Finalement l'entreprise a préféré refaire faire tous les calculs
par un autre ingénieur pour gagner du temps et de l'argent. La standardisation et la
normalisation ont aussi un intérêt pour le chantier.

LA MESURE

Mesure : Évaluation d'une grandeur ou d'une quantité, par comparaison avec une autre de
même espèce, prise comme terme de référence.

Dimension : Étendue mesurable (dans tous les sens) d'un corps ou d'un objet.

Pendant longtemps, les humains ont utilisé des outils pour mesurer les dimensions. Ces outils
définissaient des unités de mesure, basées sur leur corps : le pied, le pouce, la coudée, le pas
sont les principaux.

Les mesures romaines par exemple étaient les suivantes :


Le doigt : 1, 85 cm
La palme (la paume) : 4 doigts
Le pied : 16 doigts
La coudée : 1,5 pied
Le pas : 5 pied
Le stade : 125 pas
Le mille :1000 pas

In Léon Battista Alberti « l’art d’édifier » traduction de Pierre Caye et Françoise Choay.
Seuil, Paris, 2004, que vous lirez pour la semaine prochaine.

Ces unités de mesure furent utilisées dans l’empire romain comme une référence et sont
restées usitées en Europe après l’effondrement de l’empire romain d’occident, à la fin du V°
siècle.

Il faut bien saisir la différence entre mesure et dimension.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 62


La dimension est la dimension réelle d’un objet ou d’une étendue.
La mesure de cette dimension donne une valeur, grâce à des unités (le pied, le pouce,
maintenant le mètre). La valeur de cette dimension change selon que l’on change d’unité
mais la dimension réelle reste inchangée.

Maintenant il faut bien comprendre que par facilité, la plupart des constructeurs conçoivent
leur espace en utilisant l’unité de mesure en vigueur dans leur époque, et que, par facilité
toujours, ces dimensions sont souvent entières, c’est-à-dire qu’un mur fera 1 pied d’épaisseur,
par exemple, parce que c’est une information plus facile à transmettre sur le chantier, sur le
dessin à tracer au sol, à transmettre au tailleur de pierre.

Il en suit que tant que les constructeurs ont utilisé des dimensions en pied, pouces, coudée,
pas, ces dimensions avaient pour base le corps humain, et que l’espace était dimensionné « à
l’échelle humaine » pourrait-on dire, c’est à dire que les dimensions du corps humain se
retrouvaient dans les éléments composant le bâtiment : le mur, la porte, la fenêtre, etc. Il y
avait une sorte de mimétisme, et l'oeil retrouvait dans le bâtiment les mêmes proportions que
dans le corps humain.

Ces mesures basées sur le corps humain avaient de légères différences entre les régions, car
tous les humains n’ont pas les mêmes dimensions. Pour unifier cela, on prit fréquemment
comme étalon les mesures du corps du roi.

Le mètre.
L’invention du mètre est une longue histoire qui commence à la fin du XVII° siècle en
Angleterre pour s’achever une première fois en 1791, en France, après la révolution française.
Pour éviter un symbole monarchique et pour unifier les unités de mesures différentes entre
chaque pays, l’académie des sciences française établit que le mètre sera basé sur la
circonférence de la terre, et sera égale à un dix millionième du quart de la circonférence de la
terre.

L’unité de mesure cesse d’être basée sur le corps humain pour devenir une dimension liée à la
planète Terre, une dimension cosmique.

A noter qu’à cette période, l’Angleterre, opposée à la France a continué à utiliser les mesures
en pied et pouces et que ces unités sont encore en cours dans les pays de culture anglo-
saxonne : Angleterre, Etats-Unis, Australie, Inde, pour ne citer que ceux là.

Par facilité, les constructeurs ont continué à dimensionner les espaces en dimensions entières
et ceux-ci se trouvèrent alors dimensionnés en mètre, et d’une certaine manière déconnecté
du corps humain. Cela n’empêcha pas que les architectes dessinèrent des édifices en prenant
en compte l’échelle humaine, mais l’utilisation du mètre entraîna que certains éléments
perdirent leur relation au corps humain.

Or maîtriser l’échelle humaine est une part importante du travail de l’architecte : il serait
incongru de dessiner des escaliers que l’on ne pourrait gravir par exemple.

UNITE DE MESURE ET TAILLE REELLE DES OBJETS


L’unité de mesure doit toujours être adaptée à la taille de l’objet que l’on dessine ou l’on
mesure.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 63


Il est inutile de dire qu'une maison fait 0,002 kilomètres de long ou 20 000 millimètres de
large. Cela complique l'élocution, la notation, la lecture, la transmission de l'information. Or
un plan n'est qu'une transmission de l'information, de ce que vous avez dans votre tête pour le
maçon qui va construire. Un plan c'est un SMS pour maison si vous voulez.

Les plans de maisons se mesurent donc souvent en mètre ou en centimètre.


Les plans de ville ou de régions se mesure en kilomètres ou décamètres.
Les plans de détail se mesurent en centimètres ou millimètres.

Au delà ou en deçà de ces mesures, ce n'est plus le domaine de l'architecte, et c'est déjà bien
assez comme ça.

MODULOR
Au milieu du XX° siècle, Le Corbusier, architecte suisse très attaché à la notion d’échelle
humaine, commence une réflexion sur cette déconnection entre l’unité de mesure (le mètre) et
la morphologie humaine. Après plusieurs tentatives, il établit un système appelé « modulor »
qui fixe des unités basées sur un homme debout d’1,83 m.

Le mot « modulor » est une contraction de « module » et « nombre d’or ».


Le nombre d’or est un rapport de proportion utilisé depuis l’antiquité et dont la valeur est
environ 1, 618. Nous y reviendrons.

Le projet de modulor a deux buts : l'utilisation de l’échelle humaine et la normalisation.


L'utilisation de l'échelle humaine comme base du modulor permettra de revenir à des
dimensions basées sur l'homme, et de retrouver ainsi des proportions jugée «plus
harmonieuse ».
La normalisation est l'idée qu'en utilisant ce système dans l'industrie du bâtiment pour
fabriquer brique, portes, fenêtres, poutres, planchers, etc. permettra d'obtenir «
automatiquement » des bâtiments aux proportions du modulor.

Le modulor est aussi un système qui unifie les deux grands systèmes de mesure encore
utilisés aujourd’hui : le mètre et le pied-pouce.

Ainsi, la hauteur du ruban du modulor est de 2,26 m, soit 89 pouces. Il n'y a pas ou peu de
virgule.
En divisant cette dimension (2,26m ou 89 pouces) par le nombre d'or ou des chiffres basés
sur le nombre d'or, on atteint des valeurs proches de valeur entières à la fois en mètre et en
pouces.

Le modulor comporte deux séries de nombres : la bleue et la rouge.

La série bleue est basée sur la valeur de l’homme debout (1,83 m) et qui tend le bras en l’air
(2,26 m).

La série rouge est basée sur 1,13, la demi-valeur de la série bleue (2,26).

A partir de ces valeurs, il établit les suivantes en se servant du système des suites de
Fibonacci, c’est à dire que la valeur suivante est la somme des deux valeurs précédentes .
exemple : 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, etc.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 64


cela donne ainsi :

série rouge
Mètres pouces

4,79 116’’1/2
2,96 72’’
1,83 44’’1/2
1,13 27’’1/2
0,70 17’’
0,43 10’’1/2
0,26 6’’1/2

série bleue
Mètres pouces

9,57 233’’
5,92 144’’
3,66 89’’
2,26 55’’
1,40 34’’
0,86 21’’
0,53 13’’

Les chiffres retenus par le Corbusier sont des valeurs approchées, l’exactitude mathématique
le préoccupant moins que l’harmonie visuelle.
Dans le domaine de la construction, les dimensions ne sont jamais exactes : la mise en oeuvre
des briques, des dalles de planchers, des poteaux en béton, ne peut se faire au demi-
centimètre près.

Le Corbusier utilisera les valeur du modulor pour ses unités d’habitation et pour les bâtiments
qu'il construite par la suite.

Il faut bien comprendre que le modulor est un outil pour aider l’architecte à dimensionner
l’édifice en rapport avec l’échelle humaine.

Pour autant, il ne se substituent à votre propre sensibilité.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 65


Ce n’est pas l’utilisation du modulor qui rend un bâtiment beau, équilibré, bien proportionné,
cela tient à votre sensibilité. Le modulor peut vous y aider.

L’architecte doit « préserver sa liberté qui ne doit dépendre que de son sentiment des choses
et non de la raison » (Le Corbusier, « le modulor », page 62, que vous lirez pour la semaine
prochaine).

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 66


DTA 1 Cours N°11
L’échelle

Définition graphique – définition architectonique -

Nous avons entrevu à plusieurs reprises le mot «échelle » dans les différents thèmes
précédents. Que signifie-t-il exactement ?

La notion d'échelle est complexe car ce mot, dans le jargon des architectes signifie plusieurs
choses.

Il y a l'échelle de chantier, celle sur laquelle est juché le peintre et sous laquelle il ne faut pas
passer sinon ça porte malheur. Vous êtes averti. Voilà pour elle.

Il y a l'échelle utilisée en dessin qui est une formule mathématique indiquant comment le
dessin a-t-il été réalisé. 1/100 signifie que 1 cm sur le dessin représente 100 cm dans la
réalité, soit 1 m. C’est une proportion de taille entre la représentation d’une chose et la chose
représentée.
On trouve ainsi la notation « 1 cm par mètre » ou « 1 cm p. m. » ou « 1:100 » ou «échelle
0,01 » (1 divisé par 100 = 0,01)

Il y a quantité d'échelles utilisées pour la représentation, du 1/5000 (1 cm sur le dessin = 50 m


dans la réalité) au 1/5 (1 cm de dessin = 5 cm dans la réalité), voire 1/1 (le dessin est à sa
taille réelle). Voilà pour elles.

Enfin, il y a l'échelle utilisée pour décrire un bâtiment avec des mots, pour dire à quoi ce
bâtiment fait référence, à quoi il se compare.

Nous avons vu que l'oeil n'évaluait pas les dimensions mais les rapports entre deux
dimensions. L'oeil est capable de distinguer si un bâtiment est deux fois ou trois fois plus haut
qu'une personne. Il est capable de lire, avec un peu d'exercice, les proportions et les modules
utilisés pour concevoir ce bâtiment.

C'est cette histoire de proportion, de rapport à autre chose que nous allons entrevoir ici.

Quand vous mettez un vêtement trop grand pour vous, il vous dépasse de part et d'autre ; on
pourrait dire qu'il n'est pas à votre échelle. Il n’est pas à l'échelle de votre corps.

Pour un bâtiment c'est pareil. Il doit être à l'échelle de ce qui l'entoure, il doit être à l'échelle
de ce qu'il abrite. Sinon il parait trop grand ou trop petit, mal taillé, mal coupé, pas à sa place.
L'architecture prêt-à-porter n'existe pas (encore), c'est toujours du sur-mesure.
Ce sur-mesure est une affaire facile à comprendre, difficile à faire lorsqu'on fait du projet.

Avant d’entamer le vif du débat, une précision de vocabulaire :


On entend parfois la phrase « ce n’est pas à l’échelle ». C’est incomplet.
Une échelle comprend toujours deux termes : l'élément désigné (le bâtiment par exemple) et
la référence. Il faut toujours préciser ce n’est pas à l’échelle de ceci ou de cela.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 67


Et une précision de sens :
L’échelle ne sert pas qu’à critiquer un bâtiment quant à ses proportions par rapport à ce qui
l’entoure, mais elle sert aussi à en lire le sens.

Maintenant prenons un exemple.


Imaginez les tours du Twin Center de Bofill et Mouyal implantée en plein coeur de la médina
de Casablanca. En marchant dans les ruelles serrées, on les verrait à peine et on tomberait
dessus brusquement. On serait obligé de lever la tête, incapable d'avoir u recul pour
embrasser du regarde la bâtiment en entier. Ce serait un beau moment de séquence urbaine.

Mais véritablement, on aurait le sentiment que les tours ne sont pas « à l'échelle de la médina
qui l’entoure ».
Remettons-les à leur place, au carrefour de trois grand boulevards, visibles de très loin. Les
tours sont enfin à l'échelle du lieu. Elles sont à l'échelle de la ville même, c'est à dire qu'elles
ont été dimensionnées pour être perçues dans toute la ville.
Il ne faut pas voir dans le premier cas une critique négative : placer deux gratte-ciels dans une
médina n’est pas une faute en soi, au contraire, la taille réduite et la proximité des maisons
qui l’entourent permettent à l’œil de jauger la taille réelle des tours. C’est juste qu’un gratte
ciel en pleine médina n’a pas le même sens, en terme urbanistique.
Si on compare avec leur position réelle, les tours du Twin Center dans la médina ne
pourraient fonctionner comme repère, car elles ne seraient pas à l’articulation de carrefour ou
de quartier. Elles ne marqueraient pas de limite entre deux parties de la ville, elles auraient un
rapport très limité au citoyen : visible de très loin ou de très près, pas d’intermédiaire
possible.

Alors que la position des tours jumelles du Twin center à leur emplacement actuel est riche de
sens : articulation de plusieurs boulevards, passage de limite entre quartier, pôle d’intérêt
commercial, dimensions monumentales pour « être à l’échelle » de ce qui l’entoure :
n’oublions pas que les immeubles qui l’entourent font 7 à 15 étages et sont déjà eux aussi
monumentaux, alors qu’ils font si petits à côté des tours…

Nous pouvons même lire plusieurs échelles sur le bâtiment :

Le grand centre commercial qui fait trois niveaux sur Rez de chaussée est un socle pour les
tours à l’échelle de la ville, par contre, cela reste un bâtiment à l’échelle du quartier.
Il y a d’ailleurs, dans les rues adjacentes, un deuxième soubassement en marbre gris, qui lui,
est à l’échelle de la rue et du piéton.
Une des entrées du centre commercial se fait par une grande fente vitrée, à l’échelle du
quartier, mais dans laquelle seulement une partie s’ouvre pour laisser passer les piétons. La
porte est à l’échelle de l’homme.

Cette manière de parler d'un bâtiment peut aussi s'appliquer pour une ville : Casablanca est
une ville à l'échelle du Maghreb, par son importance &économique, sa taille, sa population,
sa situation. Azemmour, même si c'est une ville plus ancienne, n'est pas une ville à l'échelle
du Maghreb. C'est facile à comprendre.

En fait, utiliser le mot « échelle » sert à analyser une chose pour en comprendre son
importance ou sa non-importance. Ce qu'on cherche à savoir en parlant d'échelle c'est si la
chose désignée est adaptée à quelque chose d'autre.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 68


Pour cela on met deux termes en rapport : la chose désignée et la référence, puis on regarde
s'il y a adaptation, et si oui, comment.

Pour autant, un bâtiment ne fait jamais référence à une seule chose : le twin center, nous
l'avons vu, fait référence à toute la ville par ses tours, au quartier par son soubassement et à
l'homme par d'autres éléments comme ses portes, son petit soubassement de marbre et d'autre
encore qu’il vous reste à trouver.

Pour revenir à l'image du twin center dans la médina, nous avons dit qu'il n'était pas à
l'échelle de la médina. Cela ne doit pas être pris comme un jugement négatif.
Un bâtiment peut justement refuser de faire référence à ce qui l'entoure pour se mettre en
valeur.
Par exemple, la plupart des grandes cathédrales du moyen-âge sont dans un tissu urbain
semblables aux médinas. Elles ne sont absolument pas à l'échelle de la ville qui l'entoure et
c'est voulu, car ce sont des bâtiments religieux qui font référence à quelque chose qui dépasse
l'homme.

Si vous devez concevoir un bâtiment, il faut toujours se poser la question de l'échelle qu'il
devrait avoir : fait-il référence à la rue, au quartier, à la ville, au pays ?

On ne fait pas de la même manière une mosquée de quartier et la grande mosquée d'une ville.
La grande mosquée de Casablanca n’est pas à l’échelle de ce qui l’entoure, mais à tout le
maghreb. Il y a d’ailleurs, à son propos, un problème d’échelle, typique des monuments
isolés : rien autour ne permet à l’œil de lire la véritable hauteur du minaret. Avoir voulu isoler
la mosquée des immeubles et des maisons par un grand vide, peut être par une volonté de la
rendre plus monumentale, l’a au contraire rapetie qui pourrait dire la véritable hauteur du
bâtiment sans l’avoir lue dans un livre auparavant ? Qui sait que le minaret est presque deux
fois plus haut que le twin center ? Les deux tiers de la tour Eiffel ?
Impossible à dire, l’échelle du bâtiment s’est perdue dans le vide de la mer.

Par contre, C’est un bâtiment intéressant à étudier dans les détails. Etant un bâtiment à voir de
loin, la plupart des décorations, zelliges, sculptures, sont beaucoup plus grosse que
d’habitude, pour justement, être perçues de loin ; mais cela pas partout. Certains endroits qui
sont destinés à être vus de près, ont des zelliges à taille normale. Promenez vous autour du
bâtiment et tentez de le lire maintenant en ayant à l’esprit des rapports d’échelle de lecture.

Il y a autant d'échelle qu'on le veut.


une échelle de type géographique : l'échelle nationale, continentale, territoriale, régionale,
locale.

Une échelle urbaine : la ville, le quartier, la rue.

Une échelle humaine : le bâtiment, l'homme, l'enfant, la main.

Nous avons vu dans l'histoire des mesures comment on pouvait perdre ce rapport aux
dimensions humaines. Les cathédrales, malgré leur rapport à un dieu, sont aussi à l'échelle

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 69


humaine car certains éléments sont basés sur le corps humain comme outil de mesure. Elles
sont aussi à l'échelle de la main, quand vous serrez une nervure entre vos doigts par exemple.

Voilà une chose intéressante : pour qu’un bâtiment soit à l’échelle de l’homme, il faut qu’on
retrouve en lui des éléments en proportion avec le corps humain.

Prenons une suite d'exemple pour comprendre.


Des enfants passent leur journée dans une garderie. Quand le bâtiment est adapté pour eux,
les sièges sont à leur taille, les fenêtres au ras du sol, les interrupteurs plus bas, etc. Le
bâtiment est à leur échelle.

La BCM de Marius Boyer, rue Lahrizzi à Casablanca, au Maroc, est un bâtiment très simple
et pourtant complexe. Contrairement à la plupart des bâtiments de Casablanca, il n'a pas
d'avancée à partir du premier étage. Par contre cette avancée, qui marque une ombre, un
soubassement, est au niveau du troisième étage, sous la forme d'une casquette. dans une ville
comme Casablanca, ville marchande, ville de commerce et d'argent, une banque a une grande
importance symbolique. En faisant ainsi, l'architecte a fait en sorte que le soubassement de
son bâtiment ne soit pas le premier niveau mais carrément les trois premiers, donnant ainsi
plus d'emphase à son bâtiment. Les balcons d'angles en porte-à-faux sont à l'échelle de cette
idée : ils forment de grandes masses lumineuses au dessus de grandes vides sombres ; ils ne
vous apparaissent pas disproportionnés. S'ils étaient près de vous ils vous paraîtraient
énormes.
Par contre, de l'autre côté, la rue est trop petite pour avoir le recul nécessaire pour
comprendre ce grand soubassement. Alors l'architecte rajoute un petit soubassement coloré
pour redonner une assise au bâtiment.

Quand vous posez la main sur une main courante, celle-ci l'agrippe. On ne s'agrippe pas de la
même manière selon que l'on monte ou que 'on descend. Alvar Aalto, dans le sanatorium de
Paimio, dessine des escaliers utilisés par des malades fatigués. Ils ont besoin de s'agripper à la
main courante pour monter, en tirant dessus. Pour mieux tirer, il faut serrer la main sur un
petit diamètre. Il dessine donc d'un côté une main courante en tube d'acier de deux
centimètres de diamètres.
Pour descendre, au contraire, on se retient. On frotte sa main sur une surface la plus large
possible. Il dessine donc de l'autre côté une main courante plate et large en bois.
nous avons donc un escalier avec deux mains courantes, l'une pour monter, l'autre pour
descendre. Voilà un exemple d’un travail mené jusqu’à l’échelle de la main.

Tout est affaire d'échelle. Parfois c'est facile : placer une poignée de porte à la bonne hauteur,
dimensionner une fenêtre, une hauteur sous plafond, pour s’adapter à l’homme. Parfois plus
difficile : capter l'échelle du quartier pour faire un bâtiment intégré à celui-ci est un exercice
difficile.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 70


DTA 1 Cours N°12
Structure et enveloppe

- construction en :
- terre
mur porteurs
voûtes nubiennes
- bois
système poteau poutre maisons à pans de bois colombages moyen âge
système canadien
Bardage
-pierre
mur porteur
voûte
points porteurs (gothique) chercher photo de cathédrale désossée
voûte béton (panthéon)
Métal
Fonte poteaux
Acier poteau poutre, forme structurelle
béton armé
poteau poutre
voile, formes libres
Plastique enveloppe seulement coque de bateau
Verre
Carton
Jusque là nous avons décrits les éléments d'architecture, le mur, le sol, le plafond, comme
élément fermant et délimitant l'espace.
Il est temps d'expliquer la vérité : c'est un peu plus complexe que cela.
En effet un mur n'est pas qu'un mur. C'est aussi la chose qui tient le plafond. Il a un côté
structurel.
Tout ce qui sert à tenir un bâtiment s'appelle structure.
Pour savoir si un élément forme la structure du bâtiment, enlevez-le. Si le bâtiment s'écroule,
c'était la structure. La structure c'est ce qui fait tomber le bâtiment si vous l'enlevez.

L'enveloppe est la matière qui entoure le bâtiment à l'extérieur.


Ce qui n'est pas la structure peut être n'importe quoi mais dans le cas qui nous intéresse, celui
des murs, du sol et du plafond, on parle généralement d'enveloppe.

Ces mots structure et enveloppe peuvent être regroupé en deux thèmes en architecture :
- La structure est distincte de l'enveloppe.
- La structure et l'enveloppe forme une seule et même chose.

Entre ces deux extrêmes il y a une foultitude de variations et de mélanges possibles.


Structure

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 71


Il ne s'agit pas ici de calcul. Des cours spécifiques sont là pour vous. Par contre vous devez
reconnaître et analyser les différents types de structure. Ce cours est destiné à déterminer
l'impact de la structure sur la forme et sur l'enveloppe.

Enveloppe
L'enveloppe c'est un peu l'habit du bâtiment. Cela peut désigner aussi bien le mur, le sol, le
plafond. L'enveloppe, lorsqu'elle est distincte de la structure, ou comprise dans la structure a
un rôle différent dans la forme du bâtiment.

Le choix de dessiner un bâtiment en mêlant ou dissociant structure et enveloppe est un choix


personnel lié à beaucoup de paramètres :expressivité, forme, économie, aspect, savoir-faire
des entreprises, capacité techniques du matériau.
Savoir lire la structure et l'enveloppe c'est pouvoir repérer ce qui unit et ce qui distingue des
bâtiments parfois très éloignés dans le temps et dans l'espace. Par exemple, pour un oeil non-
averti, il est difficile de comprendre que le mouvement moderne et le moyen-âge sont très
proches dans leur manière de faire l'architecture.
Pour bien comprendre où se joue la dissociation ou l'union structure-enveloppe, nous allons
passer en revue différents modes constructifs.

Le bois
revenons à la hutte primitive de vitruve, ou recherchez dans vos souvenirs vos premières
cabanes.

La construction en bois se fait à partir de tronc d'arbres linéaires résistants à la compression,


la traction et à la flexion.
La hutte primitive est composée de plusieurs tronc fichés dans le sol, comme des poteaux, sur
lesquels on pose d'autres tronc, comme des poutres, pour former le toit. L'espace entre les
poteaux et entre les poutres sera rempli par un tressage de feuilles, de petites branches, ou de
la terre, qu'importe. C'est un mode constructif solide et rapide, là où l'on trouve du bois
facilement.
Dans notre cas d'étude, les troncs de bois formant les poteaux et les poutres forment la
structure. Le remplissage en feuille ou autre forme l'enveloppe.

Bien sûr, l'enveloppe et la structure sont au même endroit, et une fois le mur terminé et enduit
par exemple, un béotien ne verrait pas la différence. Pourtant, dans la en réalité, structure en
enveloppe sont bien distincts : je peux mettre ou ne pas mettre de remplissage, cela ne fera
pas tomber la hutte. En d'autres termes, je peux placer portes et fenêtres où je veux mais pas
sur la structure.

Ce système poteaux-poutres en bois est très utilisé : au moyen-âge on construit beaucoup en


Europe avec ce système, appelé «à pan de bois« ou «à colombages«. Le remplissage entre le
bois se fait avec de la terre ou de la pierre.

Au japon, c'est resté la maison traditionnelle pendant très longtemps, les japonais ayant
développé des systèmes d'assemblages de bois très sophistiqués.

EAC 2010 – Doctrine et Théorie de l’Architecture 72


Aux états-Unis, la majorité des maisons est construite sur ce système. L'enveloppe est faite de
lattes de bois clouées sur la structure, qu'on appelle Bardage. Parfois le tout est recouvert
d'enduit, ce qui donne l'apparence d'une maison en pierre même si ce n'est pas le cas. de
nombreux films d'Hollywood montrent les charpentiers montant une maison de cette manière.

L'autre système constructif en bois est le type de la cabane canadienne. On empile des tronc
les uns sur les autres, à l'horizontale, pour former un mur. Ils sont tenus par des entailles aux
angles. Dans ce cas la structure EST l'enveloppe.
ce système est très utilisé de façon industrielle maintenant, pour fabriquer des maisons en
bois au Canada et en Europe. Dans le livre «l'enfant des neiges« Nicolas Vanier raconte son
expédition dans le grand nord canadien et une partie est consacrée à la construction de sa
cabane. Vous le lirez pour la semaine prochaine.

Terre
Le bois n'étant pas présent partout, c'est souvent la terre qui a été utilisée comme matériau de
construction.
Celle-ci peut être employée brute, c'est à dire telle qu'elle est, coulée et tassée entre des
planches, ou façonnée en brique, cuite ou séchée.

dans le premier cas, la terre est tassée entre deux planches appelée banches ; c'est l'épaisseur
du mur et la cohésion des grains de terre entre eux qui forme la résistance du mur. Celui-ci
porte la toiture. On l'appelle mur porteur. La structure forme l'enveloppe. Il n'y a pas
dissociation. La toiture, si elle est en terre, peut être sous forme de voûte, de dôme, de
coupole. Là aussi c'est en même temps l'élément structurel et l'élément enveloppant. Dans les
constructions mixtes, fréquentes au Maghreb, La toiture est formée de troncs, recouverts de
branches serrées.. Les troncs forment la structure, les branches et ce qu'il y a dessus
l'enveloppe de la toiture.

Pierre
Dans la construction en pierre, il s'agit d'assembler des blocs de différentes dimensions pour
former un mur. On peut tailler plus ou moins la pierre, selon l'aspect désiré. Ce système, qui
ressemble à la brique, utilise aussi l'enveloppe porteuse. Le mur de pierre ferme l'espace et
tient en même temps la toiture, qui peut, elle aussi être en pierre.

La construction en pierre est l'apanage des sociétés riches et évoluées : il faut un certain
savoir-faire pour assembler les pierres et il faut beaucoup d'argent ou beaucoup d'esclaves
pour débiter les pierres et les tailler. C'est plus facile de faire des murs en pierre que des
plafonds. C'est pour cela que souvent les édifices de l'antiquité sont mixtes : le mur de pierre
porte une charpente de bois qui est recouverte d'une enveloppe (tuile, chaume, bardage,
pierre). regardez le panthéon à Athènes, en Grèce : il ne subsiste que l'enveloppe porteuse
périphérique ; l'enveloppe de la toiture, une fois la structure en bois pourrie ou brûlée est
tombée.

La pierre ne permet pas, comme le bois, de faire de grandes poutres. Les poutres en pierres
sont destinées uniquement à franchir de faibles portées, pour une fenêtre par exemple. On
l'appelle alors linteau. Les égyptiens qui avaient peu de bois, ont construits leur premiers
temples entièrement en pierre, y compris la toiture, reposant sur des colonnes très serrés,
donnant des espaces étranges, à la fois très vastes et remplis de colonnes. Ces poutres de
pierres étaient ensuite recouverte d'une enveloppe elle aussi en pierre. Le matériau est
identique, pourtant c'est bien, là aussi, un système différenciant structure et enveloppe.

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Pour éviter le problème des colonnes lors de grandes portées, on a cherché à assembler la
pierre en voûte et en coupoles, ce qui permettait de franchir et de fermer des espaces
beaucoup plus vastes que s'ils avaient été couverts par une charpente en bois. Les grecs ne
connaissaient ni l'arc, ni la voûte, ni la coupole. C'est pour cela qu'ils ont employé des
systèmes mixtes. Les romains étaient pragmatiques : quand ils avaient du bois ils utilisaient
un système mixte, quand ils devaient envelopper un grand espace il utilisaient la voûte ou la
coupole.

La coupole du Panthéon, à Rome, en Italie, construite en 125 ap J.C. d'une portée de 43 m est
un exemple où structure et enveloppe ne forment qu'une seule et même chose.

Ce système a évolué par la suite à l'époque gothique. Les constructeurs gothiques ont réussi à
dissocier la structure et l'enveloppe dans le cas des constructions en pierre, même pour de
grandes portées. Toute la structure est concentrée dans des poteaux qui se courbent en
nervures pour former des arcs puis le tout est recouvert par une mince enveloppe de pierre.

Métal
Le métal dans la construction est utilisé depuis l'antiquité : les grecs utilisaient déjà des
accroches en bronze et en plomb pour attacher leur colonnes.
Mais ni le bronze, ni le plomb, ni le fer n'étaient suffisamment économiques et résistants pour
fabriquer un bâtiment.
Il a fallu attendre la révolution industrielle au XIX° siècle pour produire la fonte, puis l'acier,
le zinc et l'aluminium a des coûts raisonnables.

Le métal ressemble au bois. Il travaille très bien à la traction, la flexion et la compression.


C'est donc un matériau utilisé de la même manière que le bois. : on le pose en poteau, en
poutre et on recouvre le tout par du remplissage qui peut être une tôle, un bardage, et parfois
même, de la maçonnerie.

Le premier bâtiment d'envergure construit de cette façon est la bibliothèque sainte Geneviève
à Paris construite par Labrouste en 1851. ses murs extérieurs sont en pierre mais les colonnes
intérieures sont en acier.

Ce système a par la suite évolué permettant de franchir de grandes portées comme pour les
halls de gare, ou encore maintenant pour les bâtiments industriels. Dans tus ces, structure et
enveloppe sont dissociés.

Parfois, mais c'est très rare dans le bâtiment, c'est la tôle, une fois pliée qui fait office
d'enveloppe structurelle par sa rigidité. On ne peut faire un bâtiment entier comme cela, mais
on peut économiser une partie de la structure secondaire.

Le béton armé.
La grande invention du XX° siècle est le béton armé de d'acier. Le béton en soit est connu
depuis longtemps. Béton veut dire mélange d'une colle et d'un caillou. La colle est appelée
liant et peut être de la chaux ou du ciment, le caillou est plus ou moins gros, on l'appelle
agrégat, et va du sable au gravier. Le panthéon que je mentionnais plus haut dans la
construction en pierre a une voûte constituée en partie de béton.

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Le béton ne travaille bien qu'en compression. Mélanger béton et acier c'est permettre à la
matière de travailler aussi en flexion et en traction.

C'est une bonne nouvelle. On pourra alors aussi bien faire des poteaux et des poutres que des
voûtes ou des coupoles. Les architectes ne s'en sont pas privés.

La construction par poteaux et poutres (ex : la Villa Savoye de Le Corbusier à Poissy, en


France) permet de dissocier structure et enveloppe. L'exemple de la villa savoye est flagrant :
au Rez-de-chaussée, à l'extérieur, seule la structure des poteaux apparaît. A l'étage, structure
et enveloppe sont au même endroit mais sont clairement dissociés : la grande ouverture dans
l'enveloppe montre que celle-ci n'est pas structurelle et est seulement accrochée aux poteaux.

L'autre idée est d'utiliser le béton armé comme la terre ou la pierre, avec l'avantage que le
béton mêlé d'acier permet plus de finesse et plus de portée.

Par exemple, dans le CNIT, au quartier de la défense, à Paris, en France, la voûte porte sur
trois points seulement, espacés de 218 m. C'est une voûte faite d'une double coque, à la
manière d'une aile d'avion, et son épaisseur au sommet est très faible, moins de 20 cm. Pour
vous rendre compte, on pourrait couvrir tout le terrain de l'école avec une telle voûte reposant
sur seulement trois points.
Dans ce cas, la structure forme l'enveloppe.

La toile
La toile de tissu est un élément souple quine travaille bien qu'en traction. Il peut être utilisé
pour couvrir de grand espaces, suspendu à une structure (exemple : le garage automobile de
Oualidia, au Maroc, ou les quais de la Gare du Mans, en France) ou au contraire tendu «par
l'intérieur« : dans le cas des voûtes gonflables, on crée une demi-sphère de tissu étanche, puis
on souffle de l'air à l'intérieur pour la gonfler. Dans ce cas, le tissu et l'air forment la structure,
puisque si on enlève l'air, le tissu tombe, et si on enlève le tissu, il n'y a plus de structure.

Construction en plastique
L'industrie chimique a permis au XX° siècle d'inventer les plastiques., matériaux nouveaux,
résistants, mais chers. Tout le monde connaît les briques de Lego en plastique, mais il n'y a
pas grand chose de commun entre une maison en lego et une vrai maison.
L'avantage technique des plastiques est leur capacité à être moulé. En cela, ils se rapprochent
de la terre et du béton. Les mouler leur permet d'obtenir une forme qui, en soit, peut être
rigide et donc structurelle. Les plastiques peuvent aussi être armés de fibres, ce qui les rends,
d'une certaine manière, armés, comme le béton l'est d'acier.

Ces propriétés les rendent très utile mais malheureusement pour eux, pas vraiment à l'échelle
du bâtiment : leur trop grande fragilité vis-à-vis des éléments naturels : les ultra-violet, le
soleil, la pluie les rends pour l'instant inaptes à constituer un bâtiment entier et durable. Par
contre, ils sont souvent maniés dans de petits objets.

Par exemple, beaucoup de bateaux de plaisance et de course sont fabriqués en matière


plastique : une résine armée de fibre est étalée sur un moule. Une fois séchée, la forme
arrondie de la coque permet de rigidifier l'ensemble.

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Récemment, Manuelle Gautrand pour le show-room Citroën des Champs-élysés, à Paris, a
dessiné des volumes arrondis, en résine, fabriqués de cette manière. C'est très beau, cela
donne une matière lisse et sans joints, mais c'est à l'intérieur du bâtiment.

Le plastique est alors à la fois structure et enveloppe.

Les qualités de moulage du plastique l'ont rendu utile pour imiter d'autre matériaux et il est
parfois utilisé comme revêtement de façade, uniquement décoratif, enveloppe secondaire
fixée sur l'enveloppe primaire, elle même fixée sur la structure. Vous le voyez, le plastique est
loin de constituer un élément majeur de la construction.

Le verre.

Le verre est un matériau très ancien dont les progrès ont permis d'obtenir des compositions
chimiques nouvelles : plus grande résistance, autonettoyant, filtration du soleil, etc.

Le vitrage, comme moyen de laisser passer la lumière dans une fenêtre est un élément de
remplissage intégré dans une structure (le cadre de la fenêtre).

Qu'il soit dans un cadre ou suspendu à la manière d'un mur rideau, cela reste une enveloppe
dissociée de la structure, pour laquelle on a souvent besoin même d'une structure secondaire.

Il existe même des cas ou le verre est moulé en U, forme rigide, à la manière d'un profilé
d'acier, et est suffisamment résistant pour se passer de la structure secondaire ; pour autant,
cette résistance n'est pas suffisante pour lui permettre de porter le bâtiment.

Des architectes se sont pourtant amusés à créer des poteaux en verre. Cela s'est fait
ponctuellement depuis les années 1990. Ces poteaux portent des poutres en verre elles aussi,
qui porte des toiture de verre. L'ensemble est très léger, ne dépasse pas un niveau de
construction, et reste un cas d'expérimentation. Il faut être clair : le verre est incapable de
porter un bâtiment entier. Les industriels du verre ne s'orientent d'ailleurs pas du tout dans
cette voie pour leurs recherches, ce serait bien trop périlleux. Le verre est un matériau fragile
et cassant, cher, irréparable : autant de défait, comparé à l'acier par exemple, qui le rendent
inaptes à leur utilisation en structure. Le verre restera pour longtemps encore une enveloppe.

Le carton.
La dernière évolution dans la construction est le carton. Et oui, on est passé à
l'expérimentation high-tech du verre dans les années 1990 à l'expérimentation low-tech du
carton dans les années 2000.
Le constat est simple : prenez un tube de carton, un rouleau de papier toilette, un rouleau de
papier absorbant de cuisine (un sopalin) ou un tube de carton au centre d'un rouleau de papier
pour traceur , posez le verticalement et essayez de l'écraser : les tubes de carton fabriqués
industriellement sont naturellement rigides.

ces propriétés ont été utilisées pour en faire un matériau de construction, non pas en poteaux,
car l'assemblage avec des poutres est compliqué, mais posés bord à bord pour former des
murs continus, porteurs.

Shigeru Ban, architecte japonais, est l'un des seuls à avoir expérimenté cette voie.

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Il a construit plusieurs bâtiments de cette manière, la structure formant l'enveloppe. Il a
poussé l'expérimentation jusqu'à faire une grande voûte pour le pavillon japonais de
l'exposition universelle de Cologne, en Allemagne. Cette voûte reposait sur un système
triangulé de tubes de cartons industriels, ceux ci formant la structure, sur laquelle était fixée
une autre enveloppe.

On le voit, le carton offre plusieurs possibilités. Son seul défaut est son faible coût : sa
forme , qu'on ne peut changer, implique de trouver des systèmes de connexion peu cher, pour
rester compatible avec l'esprit low-tech du produit.

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