SOCIETE
Inégalités, injustices, ressentiment.
Par Francois Dubet
SOCIOLOGUE
En faisant son tron, l'idéal démocratique a multipli¢ les motifs de revendication:
Les inégalités ont ainsi cessé d’étre vécues seulement par les classes populaires et
suscitent aujourd hui les protestations des femmes, des personnes agées, des.
minorités, des périurbains, des non-binaires... Cette nouvelle expérience des.
inégalités, trés personnelle et ne reposant plus sur un vécu de classe, débouche sur
Faigreur et le ressentiment plutot que sur le ralliement 4 un mouvement social.
Lest peu discutable que les inégalités sociales se creusent : Ie centiéme, et le
millieme plus encore, le plus riche de la population capte une part croissante des
revenus ct du patrimoine, pendant que la condition des pauvres se dégrade.
Relativement modérée en France, cette évolution est extrémement brutale dans les
sociétés les plus libérales, comme aux Etats-Unis oit Ie coefficient de Gini mesurant
les inégalités a été multiplié pas pres de deux an cours des quarante dernieres
années.
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Cependant, cette définition des inégalités mesurées aux deux extrémités de échelle sociale
reste relativement insatisfaisante car elle ignore les inégalités les plus fines. celles qui
concernent vraiment les individus dans leur vie quotidienne, celles qui fondent leurs
critiques ct leurs sentiments d'injustice, celles qui, souvent, déterminent leurs choix
politiques. Or il faut s‘intéresser & ces inégalités-la pour mieux comprendre la situation
dans laquelle nous sommes : alors que les inégalités « obscénes » sont dénoncées, les partis
de gatiche s‘effondrent, les pauvres votent pour les droites contre de plus pauvres qu’eux et
les appels an peuple contre les oligarchies n’évoquent guére les « petites inégalités » qui
sont pourtant au coeur des experiences sociales. Dans la plupart des cas, les dénonciations
des trés grandes inégalités ne semblent pas se transformer en programmes de réduction
des inégalités.inégalités qu’ leurs transformations et
les qui en découlent,
Les sociétés industrielles nationales étaient
inscrites dans une structure sociale. Pour l'essenticl. les inégalités sociales
all regard des classes sociales et des expériences collectives. Pour le dire tres, et trop,
rapidement, les positions de classe agrégeaient les diverses dimensions des inégalités
sociales : les revenus, les conditions de vie, les destins sociaux, les modes de vie et |
identités collectives... Les classes sociales étaient des catégories « totales » associant des
positions sociales a des mani¢res de voir le monde, des rapports sociattx & des consciences
de classes. Cette structuration des inégalités, plus exactement, cette maniére de les voir,
semblait d’autant plus robuste que la vie politique en a été progressivement construite
comme Fexpression en donnant une forme relativement stable au conilit de classes.
ractérisées par un systéme d'inégaliti
Dans ce contexte, la justice sociale et le progres social éduire les
inégalités entre les classes sociales grace a 'Etat-providence, limpdt progressif, la
redistribution sociale, la protection des salariés. Jusqu’au début des années 1980, ce modéle
de justice et d'action a été fort efficace pour réduire les inégalités, bien que le socialisme
promis ne soit jamais advenu, Notons ecpendant que remprise de cette structuration des
ales a conduit & passer sous silence bien des inégalités qui pouvaient alors
« secondaires » et « naturelles », 4 commencer par les inégalités entre les femmes
ct les hommes, entre les nationaux et les migrants, entre les territoires.
Les classes sociales nvont pas disparu. Mais depuis une trentaine d’années, en méme temps:
que les inégalites ‘reusent, leur structuration autour des classes sociales semble avoir
« explosé » devant la multiplication des inégalités. Cette mutation procéde sans doute des
progrés de esprit démocratique entendu ici au sens tocquevillien comme l'aftirmation du
droit de chacun a étre légal de tous. Et plus nous nous sentons égaux, plus les inégalités
« secondaires » ou percues comme acceptables parce qu'elles étaient dans la « nature des
choses », deviennent intolérables et sont alors mesurées. critiquées et combattues. Alors
que les classes sociales cristallisaient la plupart des clivages sociaux, ceux-ci ne cessent de
tinguer, de sautonomiser, et de devenir des problemes sociaux spécifiques. \ c6té du
é en
fonction des revenus, des patrimoines, des statuts du travail, des niveaux scolaires, de la
santé, des lieux de vie, des protections sociales, de Vaccés aux institutions, a la culture et &
Véducation ... A c6té des classes émergent une multitude de groupes victimes d'inégalités
spécifiques : les femmes et les minoril
les urbains, les périurbains et
seule exploitation s‘ajoute désormais le vaste éventail des discriminations dont sont
victimes les catégories constituées par une inégalité spécifique.
Le travail sociologique et les représentations de la vie sociale refletent (ailleurs cette
mutation des inégalités. D'un c6té, se multiplient les studies, les études consacrées aun
ensemble d'inégalités, notamment a des discriminations spécifiques & un groupe, et le
paysage social explose devant la multiplication des groupes et des critéres définissant des
inégalités. D’un autre cAté, le vocabulaire désignant les inégalités structurelles, devient plus
vague et plus composite que rancien vocabulaire de classes : les riches/les classes
populaires, les élites/le peuple, les inclus/les exelus, les majorités/les minorités, le
enracinés/les mobiles... Ces clivages ne se recouvrent jamais exactement et,
progressivement, le vocabulaire des identités se méle a celui des inégalités proprement
dites. Cette longue évolution a évidemment une consequence politique qui est le déclin du
vote représentatif selon les classes sociales et selon le développement des offres politiquesvis ion.
int des segments particuliers de la popu
Plus les inégalités se multiplient, plus les inégalités fines sont décisives. Par exemple, au
« Vieux clivage » opposant la jeunesse bourgeoise qui allait au lycée ct & Puniversité, & la
jeunesse populaire qui travaillait précocement, s‘est substituée la longue chaine des
inégalités distinguant les éleves et les étudiants en fonction des établissements scolaires,
's de formation et des conditions d'études. De 's femmes ont
tres largement aceédé & Femploi salarié et & des professions qui leurs étaient fermées,
jusqu’a y devenir parfois majoritaires, Mais cette évolution a aussi révelé d'autres inégalités
et des discriminations subtiles en mati¢re de carriéres, de plafonds de verres et de
stéréotypes de genre traversant les seules inégalités de classes, De fagon générale,
Télargissement de la consommation de masse et de Faccés aux biens produits par les
industries culturelles a affaibli les anciens clivages opposant les modes de vie bourgeois aux.
modes de vie ct aux aspirations populaires, tout cn élablissant des échelles d’inégalités fines
et des jeux de distinctions subtils et parfois agressifs : tous consomment, mais pas
exactement les mémes biens et pas exactement de la méme maniére. La consommation de
masse 1a pas affaibli les inégalités, elle les a ansformées,
L’expérience des inégalités
Les mutation
waflectaient pa
des inégalités ne serait qu'une lubie de statisticiens et de soi
profondément l'expérience méme des inégalités
Dans une société de classes oit les diverses dimensions des inégalités tendaient 4 se
recouvrir ou & se superposer, 'expérience des inégalités était tres fortement collecti
ailleurs, les institutions et les mouvements sociaux aecentuaient ees dimensions collective
cn la valorisant : « nous » les ouvriers, « nous » les cadres, « nous » les paysans... Mais quand
les inégalités se dispersent et se multiplicnt, les individus se situent au croisement de
plusie
irs registres et de plusicurs dimensions des inégalités, et 'expérience des inégalités
deux poles extrémes de la hiérarchie
sociale oit les inégalités s‘agrégent et se renforcent, chacum peut considérer qwvil est plus ou
moins ¢gal ou inégal « en tant que ». Je suis plutot favorisée en tant que cadre, mais inégale
en lant que femme ; plutot favorisé en tant qu’éludiant, mais défavorisé par des origines me
privant de réseauy sociaux efficaces ; favorisé en tant que travailleurs qualifié, mais
discriminé comme migrant ; favorisé en tant que a é propriétaire de ma maison, mais
défavorisé comme habitant d'un territoire délaissé... La notion « d'intersectionnalité » ne
désigne pas autre chose. L’espace des comparaisons s'est considérablement ouvert et la
singular nces individuelles tend a se détacher des expériences collectives.
Dvailleurs, les sondages nous apprennent que, depuis phis de trente ans, les Francais ont le
sentiment que les inégalités s‘accroissent contintiment, y compris dans les périodes oii elles
ont été tres sensiblement réduites. Ce sont donc moins les inégalités qui comptent que
Texpérience que nous en avons.
tend a s‘individualiser, Des que Fon s’éloigne des
Dans la mesure oit l'expérience des inégalités s‘individualise, "espace des comparaisons ne
se de s'étendre puisque chaque individu est défini pas une multitude de critéres. Méme
dans les ensembles a prior les phts homogénes, chacun peut se prévaloir de représenter
inégalité justifige tout en se sentant personnellcment victime d'une inégalité injuste.
Par exemple, le une profession relativement prestigieuse et bien
rémunérée, n’atténue en rien les sentiments d'injustice quand les individus se comparent a
¢Fantres membres du méme ensemble. Dés lors, la conscience individuelle des inéyaités
Femporte sur le
comparaisons inter} petri izecsachtde
critéres de comparaison, mai
se développer avec la multiplication des
ms se font ant pls prés de soi. Les revemus de
Bernard Arnaud peuvent nous si mais ily a, malheureusement, peu de chances
qwils nous fassent autant soufirir que la rével n petit privilege acquis par un
collégue de travail, En s‘ouvrant, espace des comparaisons s‘établit an-dessus ct aut-
dessous de soi car siles riches hénéficient de privileges indus, les plus pauvres aussiparaissent bénéficier de « privileges » quils ne mériteraient pas. Crest sur ce type de
comparaison que Trump et quelques autres démagogues ont construit leur succes ; les
pauvres votent pour in milliardaire dénongant de plus pauvres qu'eux.
Lindividualisation de Fexpérience des inden ne proce tas skeet del la
multiplication des dimensions des inégalités telles es
quand décline la « vieille » structure de classes. E
du principe ¢'égalité. Plus nous nous sentons égaux en tant quvindividus et sujets, plus nous
revendiquons le Alors que Fidéal socialiste de
des chances devient la norme
ales aussi inégales soient-clles, et les inégalités deviendraient justes des lors
que l’égalité des chances dans la compétition sociale serait garantie. Par exemple, on attend
de Fécole qu'elle crée des inégalités justes, tenant au seul mérite des individus, & condition
uel capable abolir les effets des inégalités sociales initiales. Les salaires des
stars du football ne sont guére contestés, tant leur « mérite » semble évident et leurs
origines sociales modestes, alors que le mérite des patrons, des élites, des fonctionnaires et
de bien des professionnels est toujours soupgonnable et soupgonné. Cette conception de
justice sociale, fiit-clle pondérée par le principe de différence énoneé par John Rawls |.
individualise rexpérience des inégalités et exacerhe les sentiments de discrimination au
risque parfois de faire oublier les dures « lois » de Fexploitation et de la division du travail.
Sile principe de légalité des chances peut fonder lorgueil des vainqueurs qui ne devraient
leur suecés qu’a cux-mémes, il entraine la culpabilité des vaincus qui ne devraient leur
‘hee qu’a cux-méemes. On peut toujours soupgonner les autres, ct parfois soi-méeme, d'etre
les auteurs de leurs échecs, Les prineipes de justice qui sont au coeur de la critique sociale
sont, en r . réversibles. C’est au nom de l’égalité et du mérite que ron. jue les
in¢galités sociales, mais c'est aussi au nom de l'égalité ct du meérite que l'on justifie ces.
inégalités. Si l'on pense que les individus sont a priori libres et ézaus. il est toujours possible
sad montrer qu ils 1vont pas fail le meilleur usage de leur liberté et de leur égalité. Dans tous
combine une critique de la société et une interrogation
sur sa propre valeur el sur celle des autres. A-L-on « m ses échecs scolaires, ses
maladies, ses emplois et son chomage... ? Quand les inégalités ne sont plus pereues comme
un effet de structure et de destin, la question se pose insidieusement. Plus les inégalités se
multiplient et se singularisent, plus ces questions de nature morale se substituent aux
anciemnes représentations sociales des inégalités ct de la justice.
Du conflit au ressentiment
Lévolution que je viens d’esquisser, et qui semble irréversible puisqwelle est associée pour
une part au progres du principe d’ézalité, débouche moins sur le conilit que sur le
ressentiment ct la colere, Mlors que le systeme des inégalités de classes avail fini, au prix de
combats et de sacrifices, a étre articulé autour d'un conflit social et politique, univers des
inégalités multiples accentue les mécanismes de la frustration ct du ressentiment,
La frustration 'abord. Selon une thése classique, mais pas absurde pour autant, plus
Tattirmation de légalité fondamentale des individus est forte, plus se déploient les
frustrations. Y compris les « frustrations relatives » quand les sociétés et les institutions ne
ticrnent pas totalement leurs promesses, quand les progres de Pégalité vont moins vite que
larevendication c'ézalité, Par exemple, au long des trois derniéres décennies, les inézali
scolaires ont été réduites de fagon « absolue ». ec que mesure le tau acces am bac eta
Fenseignement supéricur. mais jamais la critique des inégalité scolaires n'a été aussi vive
car les écarts a rintérieur méme du systéme se sont révélés ct parfois accentués. Le méme
raisonnement pourrait étre appliqué a la situation des femmes ou au systéme de santé ; en
‘meme temps que la condition féminine est moins manvaise et que la santé des gens
iméliore, comme le montre Fallongement de lespérance de vie, les inégalités entre les
sexes et les inégalités de santé sont moins acceptables. Cependant, la frustration relative neirement sur le ressentiment.
débouche pas néces:
Le ressentiment ensuite. I] suffit de circuler sur la toile pour voir que la haine, le
ressentiment et la méchanceté s‘y déploient abondamment. C'est sans doute un artefact
technique puisque les « corbeaux » du film de Clouzot accédent désormais a un espace
expression universel : la lettre anonyme et la rumeur villagcoise s'adressent a tous ct tous
peuvent insulter et dénoncer. Mais an-dela de cet effet accélérateur, on peut penser que le
ressentiment procéde de la transformation des inégalités sociales, de leur expérience et des
modéles de justice qui leur sont attachés. En effet, quand les inégalités semblent étre le
produit de la liberté et de la respons de chacun, la question de la culpabilité s'impose
et chacun doit s‘en défaire au prix d'un ressentiment conduisant a accuser les autres d’étre
responsables de son malheur, Alors, le ressentiment se décline selon deux grands.
mécanismes.
des victimes des inégalités. Bien stir, on
Le premier est le soupgon porté sur « l'innocence
condamne la pauvreté, le chémage et chee scolaire. Mais cette condamnation n'empéche
pas de mettre en accusation les pauvres, les chomeurs et les éleves en échee qui auraient.
dans une certaine mesure, « choisi » leur sort. Pire encore, ces victimes tireraient des
avantages indus de leur situation : ils abuseraient des prestations sociales, les famille
nrasstimeraient plus leurs responsabilité, les migrants feraient dit benchmark social. les
discriminés essaieraient d'en lirer des avantages....\wec le ress nt, la comparaison
avec les plus panvres conduit 4 « blimer les viet érir un peu de dignité
ct de justifier une inégalité favorable.
Le second processus est de nature plus cognitive que morale. Le ressentiment se déploie
autant plus que la critique des inégalités a du mal & désigner des adversaires sociauy.
que lon peut combattre par la mobilisation, par la gréve, par le vote. Avec la multiplication
des inégalités, ces luttes restent locales, partielles, ct parfois d’autant plus radicales qurelles
sont locales el particlles. Pour Fessentiel, la source des inégalités est perce comme étant
sans visage : la mondialisation, la finance, les riches, et parfois méme, les autres, tous les
autres, Dans ce eas, le conflit laisse la place soit au fatalisme ~ on n'y peut rien ~ soit & une
rage d'autant plus forte qu'elle n'a pas vraiment d’adversaire social. Alors que les inégalités
résultent de causes économiques et sociales complexes. et souvent de mécanismes auxquels
on part éme, on erce de lintelligibilité en transformant les causes en intentions
hostiles. Sil ya un effel, c'est qu'il y a des causes, el derrigre les causes se tiennent des
intentions. le plus souvent des complots et des projets cachés. « tls » veulent la misére, la
crise économique, les inégalités. et chacun retrouve son innocene é
s‘effondre, ce n'est pas a cause de sa conception on de son manvais entretien,
de FEurope et de toutes les forces qui agiraient dans Fombre,
Que le ressentiment conduise & dénoncer les pauvres, les étrangers, les migrants, les
réfugiés, es victimes, on qu'il conduise & dénoncer les forces eachées qui nous dominent,
dans les deux eas la critique des i loigne de la figure du conllit social opposant
des acteurs autour d'un méme enjeus, du développement économique, de la redistribution,
des institutions. Alors, sil est toujours bon de s'indigner, il arrive que indignation tourne &
vide et ne se transforme pas en programme d'action. Parfois méme, lindignation semble
détachée de toute éthique de responsabilité que ron revendique tout et son contraire
lamer des services publics et refuser limpdt -, ou que Ion fait, sans la moindre gene, le
contraire de ce supposcrait indignation ~ dénoneer la sélection et préparer les concours
des grandes écoles, rouler en 44 et dénoneer le réchautfement de la planéte -... Bref, il
fauc
Les populismes, que Fon appelle ainsi faute de mieux, se développent sur les ruines de ka
social-clémocratie et mobilisent les passions sombres cu ressentiment. Ecartons ne
explication trop simple : celle des effets de la « crise ». En Europe, les populismes se portent
souvent mieux dans les pays relativement égalitaires ct au chomage relativement faible, que
dans les pays en crise. UAllemagne, \utriche, la Hollande et les pays seandinaves semblentplus attirés par le populisme que les pays oi les effets de la crise sont profonds, comme
[Espagne ou le Portugal. C’est plus au coeur de lexpérience des inégalités que dans.
Tampleur méme des inégalités que se tient une des explications du succés des populismes.
Bien stir, les populismes de droite et les populismes de gauche restent profondément
différents, en tous cas jusqu’a aujourd'hui, Les premiers dénoncent les étrangers et la
mondialisation ; les seconds essaient de constituer le peuple contre Voligarchie suivant en
cela les analyses de Chantal Moutfe et d’Ernesto Laclau. II s‘agit de mobiliser les émotions, y
compris la « haine », afin de constituer un peuple qui ne serait pas lui-méme divisé,
peuple des travailleurs, le peuple national et le peuple de la volonté démocratique, dres
contre les élites, contre la finance, contre loligarchie et, parfois, contre la démocratie
représentative réduite a une ruse de la domination.
En Europe, les gauches réformistes ont moins été balayées par explosion des inégalités que
par leur multiplication et par le pa: inégalités entre les
positions sociales a celui de l'égalité méritocratique des chances. Mais le combat est-il
définitivement perdu ? Méme si ce texte n’en dil rien, le ressentiment mest pas Falpha et
Foméga de nos émotions sociales : la mesure, la solidarité, Fentraide, la compassion nvont
pas plus disparu que le désir de voir se construire une offre politique couragcuse ne faisant
pas comme si le monde n'existait pas, comme si nous étions condanmés a vivre dans le fac:
face des technocraties libérales et des coléres populistes. Quitte a sembler ala fois
«ringard » et timide, nous devrions reconstruire Fespace des mouvements sociaux, des
syndicats, des revendications et des programmes politique « soutenables », comme on parle
de croissance soutenable, afin que les coléres, les ressentit ’s indignations se
donnent des objectils et des adversaires sociaux, afin que nous acceptions que F'égalité
mérite quelques sacrifices, ct pas seulement ceux des autres.
LLCe principe affirme que les inégalités isstes de la compétition méritocratiques sont
acceplables tant qu’elles améliorent la situation des plus défavorisés. Par exemple, les
inégalités de salaire sont acceptables si le salaire minimum est le plus élevé possible
Frangois Dubet
‘SOCIOLOGUE, DIRECTEUR DIETUDES A L{EHESS, PROFESSEUR A L'UNIVERSITE BORDEAUX 2