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NOTE

Titrisation et crise financière :


complice, pas coupable
Par Gilles de Margerie, Le 18 novembre 2008
Président du think tank En temps Réel

Crise financière : à qui la faute ? Dans cette recherche de responsabilités, la titrisation est souvent
considérée comme le coupable principal.

Qu’est-ce que la titrisation ? Pour pouvoir prêter de l’argent à l’économie (aux entreprises, aux
particuliers), les banques ont besoin de liquidités. Elles trouvent ces liquidités dans les dépôts qu’elles
gèrent, ainsi que dans les emprunts interbancaires qu’elles contractent. Mais ces sources sont limitées. Or
les banques ont dans leurs actifs des créances qui intéressent les investisseurs : créances hypothécaires,
crédits à la consommation, financement de voitures, encours des cartes de crédit… Les banques ont
développé une technique leur permettant de vendre ces créances, sous formes de titres négociables :
c’est la titrisation. C’est un instrument utile dans son principe car il élargit le refinancement bancaire.

La titrisation a joué un rôle d’amplificateur de la crise par son utilisation débridée et non maîtrisée :
refinancement massif du crédit hypothécaire américain par la titrisation des crédits subprimes (les ABS),
re-titrisation des ABS dans le cadre de produits complexes (les CDO), diffusion de ces titres à travers
l’ensemble du système financier international. Avec le retournement du marché immobilier américain, le
risque de crédit sur les subprimes s’est dénoué : les défauts de paiement se sont accumulés, entraînant la
suspicion sur les titres qui y étaient adossés (ABS et CDO), puis leur effondrement avec la montée de la
panique bancaire. La panique a gagné tous les types de titrisation. Elle a tari une source de financement
désormais au cœur du fonctionnement global de la liquidité bancaire – d’où la nécessité d’un volet
« liquidités » dans les plans de sauvetage. Elle a aussi créé des « trous » dans les bilans des institutions
financières détenant ces titres dont la valeur de marché était anéantie, puisque plus personne ne voulait
en acheter – d’où un besoin de recapitalisation immédiate et la nécessité d’un volet « fonds propres »
dans les plans de sauvetage.

Quelles réformes pour demain ? D’abord, comme souvent, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain :
la technique de la titrisation, si elle est maîtrisée, est utile pour l’économie. L’utilisation débridée de la
titrisation s’explique par une erreur majeure d’analyse des risques par les banquiers. Elle a été rendue
possible par l’absence de régulation de ces produits financiers, et des véhicules qui les portaient. La
réforme passe donc par la régulation. Régulation interdisant les produits les plus complexes, non
maîtrisables. Régulations prudentielles nouvelles pour intégrer ces produits titrisés dans le calcul des
ratios prudentiels bancaires. Régulations comptables clarifiées pour éviter leur effet pro-cyclique.

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Les symptômes de la crise financière ont commencé à se voir en août 2007. Le mois d'octobre 2008 aura
été, jusqu'ici, sa période la plus intense. Les interventions massives des gouvernements de la plupart des
grands pays du monde ont fait comprendre à ceux qui ne l'avaient pas compris que le danger était, lui-
aussi, massif.

Depuis plus d'un an, au fur et à mesure que se déroule la crise, ont fleuri de très nombreuses
interprétations de ses causes. La plupart de ces interprétations s'efforcent de lui trouver une cause
principale : excès des marchés financiers non régulés, goût débridé du profit des banquiers et autres
financiers dans un monde aux exigences de rentabilité des capitaux toujours plus élevées et toujours
moins durablement soutenables, déséquilibres macro-économiques massifs (l'Amérique vivait à crédit, et
le reste du monde finançait le maintien de son niveau de vie), politiques monétaires exagérément laxistes.
La simple lecture de cette liste très partielle suffit à montrer que la réalité ne peut se résumer à une cause
principale.

Le développement extraordinairement rapide de la titrisation pendant les vingt dernières années en a fait
un bon candidat au rôle de cause principale, ou en tout cas, majeure, de la crise. Un certain nombre
d'économistes ont entendu le lui attribuer. Cette approche est trop réductrice, et repose le plus souvent sur
une analyse trop courte des problèmes que pose cette technique.

1 – BREVE HISTOIRE DE LA TITRISATION

Rappelons en quelques mots ce dont il s'agit. Pour partir du plus simple, une entreprise peut se financer
en empruntant à sa banque. C'est un actif qui figure au bilan de la banque, pour la durée lui restant à
courir. Si, au lieu de recourir à l'emprunt auprès de ses banques, l'entreprise décide de se financer
directement auprès d'investisseurs, elle émet une obligation. C'est un titre de créance, qui peut être vendu
par celui qui le détient sur le marché des obligations. La bonne vieille obligation est ainsi le précurseur de
la titrisation : si l'opération avait été faite en vendant un emprunt déjà consenti par une banque à
l'entreprise émettrice, ce serait exactement une titrisation.

Les banques se sont rendu compte, depuis longtemps, qu'elles avaient à leur bilan de nombreuses
créances qui étaient là pour longtemps, et pour lesquelles des investisseurs pouvaient avoir de l'intérêt :
créances hypothécaires, crédits à la consommation, financements de voitures, encours des cartes de
crédit... Elles ont donc développé une technique leur permettant de vendre ces créances à des
investisseurs, en en faisant des "titres" négociables, parfois sur des bases étroitement encadrées sur le
plan légal (les obligations foncières françaises, Pfrandbriefe allemands, et autres produits similaires).
Moyennant quoi, elles allégaient leur bilan, et pouvaient recommencer à prêter.

Le refinancement du crédit hypothécaire américain a massivement reposé sur la titrisation des emprunts
des ménages ; Fannie Mae et Freddie Mac y ont apporté un parrainage public de grande ampleur. Les
titres ainsi émis reposent sur des actifs : les crédits hypothécaires eux-mêmes. Ce sont donc des "asset
based securities" (ABS), qui peuvent être échangés sur des marchés. Lorsque certains prêteurs ont

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commencé à prêter à des ménages dont les revenus ne leur permettaient pas d'assumer normalement la
charge de ces emprunts, et qui s'en remettaient ultimement à l'espoir d'une plus-value sur le bien financé,
ces crédits de mauvaise qualité ("subprime") ont, eux aussi, été titrisés. Il y a donc eu des ABS dont les
sous-jacents comprenaient une bonne dose de subprime.

L'imagination des financiers ne s'est pas arrêtée là. Prenant des paquets d'ABS, ils les ont combinés dans
des produits plus complexes, reposant eux-mêmes sur une gradation des risques encourus par ces ABS :
les "collateralized debt obligations" (CDO).

La première étape de la crise, il y a à peine plus d'un an, et cela paraît un siècle, s'est jouée là. Le cycle
immobilier s'est inversé, les espoirs de valorisation se sont évanouis, la mauvaise qualité des subprimes
est apparue, et les ABS et les CDO sont apparus comme gravement menacés. Plus généralement, avec
eux, c'est tout le secteur de la titrisation qui a commencé à être considéré comme toxique.

Comment en est-on venu là ?

2 – LE ROLE DE LA TITRISATION DANS LA CRISE FINANCIERE

Lorsqu'une entreprise émet une obligation, l'acheteur de l'obligation a le sentiment qu'il peut évaluer le
risque qu'il prend en se renseignant sur l'activité et la situation financière de l'entreprise. Pour simplifier
cette appréciation, il s'en remettra souvent à la note que produit une agence de notation (à la demande et
aux frais de l'émetteur) pour résumer la probabilité de défaut (une note élevée signifie qu'il n'y a guère de
risque de voir l'entreprise incapable d'honorer ses obligations). De manière générale, ce métier premier
des agences de notation, s'il n'est pas absolument exempt de critiques, ne donne guère lieu à
controverses.

Une démarche similaire a prévalu pour la titrisation, et les ABS ont été notés, comme les CDO, par des
agences qui ont tenté d'y transposer, tant bien que mal, les techniques d'appréciation des risques définies
sur les obligations. Le sujet, cependant, était notablement différent : il fallait une approche statistique, pour
les ABS, et, pour les CDO, des raisonnements très sophistiqués, dépendant, pour chacun, des clauses
contractuelles, très variées, établissant les liens entre les différentes "tranches" de risque d'un CDO et les
ABS sous-jacents.

La crise a révélé trois faiblesses majeures dans ce processus :

- le lien entre les CDO, les ABS, et leurs sous-jacents est devenu tellement complexe qu'il est
extraordinairement difficile de simuler l'impact sur une tranche de CDO d'un scénario affectant les sous-
jacents (combien de propriétaires de maisons en Floride vont-ils faire défaut, et quelle sera la perte sur la
valeur originelle du crédit qu'il faudra constater quand tout aura été règlé ? comment ceci impactera-t-il
les différentes tranches de risque que comprend le CDO ?) ;

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- l'approche statistique suppose de tenir compte, au delà de la qualité des crédits sous-jacents un par un,
de l'environnement économique : impact d'une éventuelle chute des prix de l'immobilier, par exemple ;
les agences de notation n'ont pas su intégrer convenablement cette dimension dans leur raisonnement.
C'est ce qui explique, en bout de chaîne, leurs erreurs majeures dans la notation des "rehausseurs de
crédit", des entreprises qui se faisaient une spécialité d'assurer des produits titrisés pour améliorer leur
notation, et qui étaient donc totalement exposées à un retournement conjoncturel que les agences n'ont
pas pris en compte, tant il est loin de leurs méthodes habituelles de valorisation, tournée vers la micro-
économie, et non la macroéconomie ;

- enfin et surtout, ces ABS, CDO et autres produits similaires, sont présumés être des "produits de
marché", que leurs propriétaires valorisent sur la base d'une "juste valeur" de marché. Manque de
chance : le marché, très peu liquide au départ déjà pour les plus sophistiqués de ces produits, a
purement et simplement disparu lorsque la crise a éclaté. Plus personne n'en voulait, à n'importe quel
prix, aussi bas soit-il. Et ceci sans qu'il y ait nécessairement dégradation constatée - simplement
présumée ou anticipée - des sous-jacents.

Du coup, ces produits ont mérité, amplement, le sobriquet sous lequel on les désigne désormais :
"toxiques".

Ce qui les a conduit à avoir ce statut, c'est une erreur d'analyse fondamentale des investisseurs (ce sont
des produits de marché, dont la valeur, en normes internationales ou américaines, doit être pensée en
fonction du comportement du marché, et non des sous-jacents ; ceux qui les ont achetés sur la base des
risques sous-jacents se sont gravement trompés) ; c'est aussi une erreur des agences de notation, qui
n'ont pas assez précisé qu'elles notaient la capacité des sous-jacents à être remboursés (et non une
espérance de valeur de marché), et qui ont mal estimé les risques macro-économiques pouvant
affecter ces sous-jacents ; c'est enfin, une politique de développement très rapide de ces produits, à
l'instigation des banques d'affaires, qui y ont vu la possibilité de très bien gagner leur vie en structurant
ces produits, sans avoir à les porter sur leurs bilans - politique qui leur a permis d'éviter les contraintes de
fonds propres que requiert le fait de porter un titre à son bilan.

Pourquoi les effets de la crise de la titrisation ont-ils été si dévastateurs ? Parce que la plupart des
banques doivent, depuis des années, emprunter auprès du marché les ressources qu'elles prêtent, les
dépôts de leurs clients n'y suffisant plus. Pour emprunter les énormes volumes dont elles ont besoin pour
prêter, elles ont eu largement recours à la titrisation de leurs actifs ; l'investisseur qui achète un paquet
titrisé de crédits hypothécaires à une banque la débarrasse (en tout ou partie de cet actif), et lui fournit la
matière première pour consentir un nouveau prêt. Autrement dit, la titrisation a été au coeur du
fonctionnement global de la liquidité des banques, leur capacité à accéder aux ressources dont elles ont
besoin pour faire leur métier de prêteur. Et les risques qu'elle entraîne pour ceux qui y ont recours ont été
sous-estimés, comme tous les risques de marché - même lorsque les sous-jacents sont de bons vieux
crédits tout ce qu'il y d'ordinaire (maisons, voitures, consommation).

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Une fois la titrisation réputée toxique, les banques ont couru le risque de ne pas trouver la liquidité dont
elles avaient besoin : c'est ce qui a condamné Northern Rock, dont le modèle économique reposait
massivement sur cette technique, mais ce risque a existé, à des degrés divers, pour la plupart des
banques. C'est pourquoi les plans de sauvetage adoptés dans la dernière période ont tous compris un
volet « liquidité ». Et les produits titrisés que les banques détenaient à leur bilan ont vu leur valeur (leur
pseudo valeur de marché) s'effondrer - créant un trou dans leur bilan, les obligeant à se recapitaliser. D'où
le volet "fonds propres" des plans gouvernementaux.

Le recours débridé et mal maîtrisé aux techniques de titrisation a donc bien été un élément central dans la
crise. Mais l'impact macro-financier de ces produits toxiques n'a été ce qu'il a été qu'à cause d'erreurs
fondamentales dans l'appréciation des risques qu'ils faisaient courir, et de la fermeture complète ou
presque du marché mondial de la liquidité bancaire, qui dépendait elle-même crucialement de la titrisation.

3 – REFORMER LA TITRISATION

Comment réformer pour éviter une réédition de ce schéma ? Une voie est souvent évoquée : forcer celui
qui a consenti un crédit et veut alléger son exposition en le titrisant à en conserver une partie suffisante
pour continuer de se sentir très responsable de son sort. L'idée est séduisante : il ne fait pas de doute que
le laxisme dans l'octroi des crédits subprime a du beaucoup à la possibilité de s'en débarrasser très
rapidement en les titrisant. Mais elle ne résout ni la question de la valorisation des produits titrisés, ni celle
de la nécessité d'avoir toujours recours à ce type de techniques si les banques veulent pouvoir continuer à
prêter plus que ce que leurs déposants leur prêtent.

Dans l'immédiat, le marché de la titrisation de crédits hypothécaires est, pour l'essentiel, arrêté. Et il ne
redémarrera probablement, dans un premier temps, que sur des produits qui n'auront pas les
inconvénients constatés sur les CDO (complexité rendant l'analyse de risque de crédit inopérante,
absence de liquidité) ; c'est en partie le cas des obligations foncières. Il y a donc la possibilité de réfléchir
de manière organisée à ce que serait une réforme pertinente. Elle passe sans doute par quelque chose
que le marché fera tout seul : l'abandon des produits les plus complexes, dont le fonctionnement en cas
de choc devient imprévisible. S'y ajouteront des règles durablement clarifiées sur les méthodes de
valorisation comptable de ces produits (marché, modèle, coût historique amorti) en fonction de leurs
caractéristiques, notamment de liquidité, et sur leur coût en capital (les banques centrales ne toléreront
plus le coût de baguette magique qui réduisait le besoin en capital qu'engendre un crédit du seul fait qu'il
est emballé dans un produit titrisé, et soumis aux disciplines jusqu'ici très relâchées des produits de
marché). Peut-être, dans certains cas, une obligation de conserver une partie des produits que l’on
structure sera-t-elle également utile – ce sera à apprécier en fonction du contexte et de la viabilité d’une
telle règle.

Alors, la titrisation, parce que ses fondements ne sont pas en eux-mêmes, absurdes, pourra redémarrer,
mais à moindre risque. Elle aura été l’un des mécanismes dont les défauts ont donné à la crise financière
son ampleur ; mais elle n’en porte pas la responsabilité principale, qui est plutôt dans les erreurs de

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régulation, dans les erreurs de jugement des investisseurs, dans les erreurs de méthode des agences de
notation, dans les failles profondes des mécanismes de la liquidité bancaire, et dans la sous-estimation
systématique des risques extrêmes de produits de marché. Complice, pas seule coupable.

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