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PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !

)\i À R h

Volume 10 - N°* 2-4

SOMMAIRE
E D ITO R IA L :
Les initiatives diplomatiques du Kremlin
E. GERM AIN. — Evolution de l’Europe orientale
dçpuis 1950.

L’Europe désunie
par M. PAB LO

Lettre de Chine.

Guillermo LO R A
Les luttes de classes en Bolivie

M. COR VIN . — L ’Afrique du Nord

et les livres, documents et nouvelles


du mouvement ouvrier et de VIniernationale.

F E V R IE R -A V R IL 1952
(paraissant tous les 2 mois)
1(K A N N E E VOL. 10 — N° 2-4

SOMMA/RE
E D ITO R IA L
Les initiatives diplomatiquesdu Kremlin .......................................... 1

NOTES ED ITO R IA LE S
Après les élections aux Indes .......................................................... 5
Le bevanisme ..................................................................................... 7
Le mouvement ouvrier allemand contre le réarmement ............... 9
La campagne présidentielle aux U S.A............................................... 10
Insurrection en Bolivie .................................................................... 12

Les hommes qui ont forgé notre In term t’onale : Léon LESO IL ......... 13

M. PAB LO
L ’Europe désunie .............................................................................. 16

E. G ERM AIN
L ’évolution économique de l ’Europe orientale depuis 1950 ............... 21

Guillcrmo LO RA
La grande décade (Les luttes de classes en'Bolivie) ....................... 29

M. COKVIN

Les mouvements de libération nationale en Afrique du N o r d ......... 35

LE TT R E DE OHTNE. — Le tournant à gauche du P.C.......................... 40

LES LIVR E S
« Capitalisme et socialisme à la barre » par F. Sternberg ............ 45

DOCUMENTS
La construction du parti révolutionnaire (Extraits du rapport au
10» Plénum du C.E.I.) ................... ; ........................................... 46

NO U VELLES DU M OUVEMENT O U VRIER DE L ’IN T E R N A T IO N A L E


Le 10 Plénum du C.E.I. — Ecole de cadres internationale — Autriche
— Grande-Bretagne :— France — Afrique du Sud — Australie —
Etats-Unis — Ceylan ................................................................. 59
DOCUM ENTS

LÀ CONSTRUCTION
du parti révolutionnaire
(Exfrail-s du rapport présenté par le cam arade H. PÂBLO
au 10e Plénum du Comité ExécuHf Intérnaïional)
L'étape du travail de masse pour notre (programme syndical adapté aux condi­
mouvement international aurait dû être tions de chaque pays, analyses concrètes
franchie avec l’élaboration et la mise en de la situation politique nationale, mots
application du Programme de transition. d’ordre politiques concrets), maist avant
L. Trotsky avait conçu celui-ci dans un tout, un milieu de travail concret, une
tel sens. conception concrète de la façon de tra­
Il couronnait une longue période de dé­ vailler dans un tel milieu, tout ceci or­
veloppement et d’activité du mouvement donné dans le cadre d’une conception
trotskyste, durant laquelle celui-ci. par­ concrète de la construction du Parti ré­
tant du stade nécessaire de la stricte volutionnaire dans chaqûe pays.
délimitation idéologique par rapport au L ’étape d’une telle activité a commencé
stalinisme et aux autres tendances du peur notre mouvement dans son en­
mouvement ouvrier, ainsi que de la pro­ semble après la dernière guerre et elle
pagande générale, avait atteint ce degré se poursuit depuis lors, atteignant cons­
de maturité qui permet, et impose même, tamment de nouveaux niveaux de matu­
la plus large activité au sein de la classe. rité et de réalisations, dont certaines
La conception et l’élaboration du P ro­ constituent des acquisitions nouvelles —
gramme de Transition, auxquelles avait dans le domaine de la tactique et de
contribué l’expérience collective du mou­ l’expérience — pour l’ensemble du mou­
vement trotskyste, reflétaient déjà sur le vement ouvrier marxiste depuis ses ori­
terrain des idées cette maturité naturelle gines.
de notre mouvement. Nous subdiviserons cette étape en trois
Cependant, les conditions particulières phases afin de mieux comprendre la lo­
de la guerre qui survint peu après son gique du développement et l’ampleur des
adoption n’ont pas permis à l’Interna­ progrès accomplis : De la fin de la
tionale et à ses sections que l’expérience guerre, au 2» Congrès Mondial (avril
de la nouvelle étape se développe sans 1948) ; du 2e au 3e Congrès Mondial ; de­
entraves, entraînant et éduquant l’ensem­ puis celui-ci.
ble du mouvement. Dans la première phase, plusieurs' de
La plupart de nos sections se sont nos sections se sont exercées à propager
trouvées pendant la guerre plongées dans et à appliquer, dans les conditions con­
la plus stricte illégalité, avec des forces crètes de leur pays, le Programme de
limitées, sévèrement traquées par les ré­ Transition devenu plus actuel que jamais
pressions impérialiste et stalinienne. Dans dans la situation où se trouve le capi-
certains pays où le mouvement des mas­ ta’isme d’après-guerre.
ses a pris des formes particulières pour Ce fut plus spécialement le cas de la
s’exprimer, nos faibles sections, insuffi­ plupart de nos sections européennes et
samment expérimentées, encore prison­ des trotskystes américains, ainsi que de
nières d’une pensée entachée d’un cer­ nos organisations de Ceylan et de Boli­
tain esprit formaliste, schématique, doc­ vie, qui, toutes deux, pour des raisons
trinal, n’ont pas pu apprécier les possi­ spécifiques avaient déjà acquis une réelle
bilités offertes par ces mouvements de influence de masse.
mas&e, s’y intégrer et en profiter. Dans tous ces pays les organisations
Il en a résulté qu’au lendemain de la trotskystes ont réalisé des.progrès paral­
fin de la guerre notre mouvement dans lèles aussi bien sur le plan de l’élabora­
son ensemble n’avait pas encore fait une tion d’une politique concrète que sur le
réelle expérience d’un travail de masse et p’ an d’une activité réelle de masse, parti­
que le caractère propagandiste général cipant largement aux campagnes électo­
dominait toujours son activité. rales, aux grèves, aux activités syndi­
Je dis son activité et non sa politique, cales.
car ce qui manauait à cet,*e époque en­ E l’es ont ainsi rompu, aussi bien sur
core à notre mouvement n’était pas teUe- le plan des idées que sur celui de l’acti­
ment une position concrète et non géné­ vité pratique, avec leur passé de groupes
rale sur telle ou telle question politique de propagande et se sont insensiblement

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Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

transformées qualitativement en groupes de 1948, presque simultanément au coup


politiques plus .intimement liés à la vie de Prague et à l’entrée véritable dans
et aux luttes de la classe. la « guerre froide ».
Cette phase a été placée, en règle gé­ Sur le plan de la tactique et de la
nérale, sous le signe de l’activité et de construction concrète du Parti révolution­
l’organisation indépendante des forces naire, le 2e Congrès Mondial a apporté
trotskystes. une contribution particulière concernant
Les raisons d’une telle orientation le travail en direction des organisations
étaient basées sur notre appréciation à réformistes.
l’époque de la situation internationale, Entre le 2® et le 3* Congrès Mondial,
du stalinisme et du réformisme. plus spécialement entre le 2* Congrès et
Cette appréciation était essentiellement le 9° Plénum du C.E.I. (octobre 1950),
juste. c’est surtout ce travail qui a retenu l’at­
En sortant de la guerre, la situation tention de l’Internationale à cause de la
en Europe, en Asie, en Amérique latine, revalorisation auprès des masses d’une
aux Etats-Unis même (certainement dans série d’organisations réformistes et d’une
une moindre mesure) était pleine de pos­ régression parallèle de l’influence stali­
sibilités révolutionnaires. Ce fut la poli­ nienne dans les pays correspondants
tique de collaboration de classes du (Belgique, Autriche, pays Scandinaves,
Kremlin appliquée déjà durant la guerre Allemagne, etc.).
avec le camp de l'impérialisme « démo­ Le ' cas de l’Angleterre soulevé dès
cratique », politique que le Kremlin en­ avant le 2e Congrès Mondial avait trouvé
tendait poursuivre, qui liquida ces possi­ une solution peu après celui-ci. La dé­
bilités et trahit cyniquement les intérêts cision d’entrée dans le L.P. et la con­
de la Révolution. ception du travail à y faire a été la pre­
Le Kremlin .voulait éviter la rupture mière expérience nouvelle, des trotskys­
complète avec ses ex-alliés et était à la tes et de loin la plus importante dans
recherche d’un compromis durable avec le domaine du travail entriste en géné­
ceux-ci qui, de leur côté, n’avaient pas ral.
encore repris suffisamment de force pour Elle s’est développée depuis dans un
passer à la « guerre froide ». sens qui la différencie considérablement,
Certes, la logique de la situation, mal­ je dirai presque qualitativement, de
gré les avances du Kremlin, poussait à la 1’ « entrisme », tel qu’il a été pratiqué
rupture entre les deux camps et à leur par notre mouvement dans les années
opposition violente, mais les^ jeux 1934-1938.
n’étaient pas encore faits du côté capi­ J’aurai à revenir plus loin sur les con­
taliste et personne ne pouvait prévoir ditions objectives et subjectives nouvelles
combien de temps s’écoulerait exactement qui ont déterminé le sens nouveau de
avant que n’intervienne cetté'rupture. cet « entrisme ». Il suffit pour le mo­
C’est en réalité la chute de Tchang-Kaï- ment d’indiquer que, par l’entrée au L.P.,
Cheik, beaucoup plus que le coup de le trotskysme s’engageait dans la voie
Prague en février 1948, qui a miné la pos­ , d'un travail à perspective longue au sein
sibilité d’un compromis étendu et viable des mouvements et des organisations par
entre le Kremlin et l’impérialisme. les canaux desquels passe — et selon tou­
De toute façon, la période 1944-1947 se te probabilité passera pour une période
déroula sous le signe de la politique con­ encore — le courant politique fondamen­
tre-révolutionnaire du Kremlin liquidant tal de la classe.
les possibilités révo.utionnaires de la si­ En agissant ainsi, l’Internationale ad­
tuation. Les masses, désertant les an­ mettait une réalité et, par conséquent,
ciens partis réformistes, affluaient dans la nécessité d’envisager la construction
les organisations staliniennes, mais la du Parti révolutionnaire à travers une
politique de celles-ci les désappointait et expérience commune avec la majorité po­
risquait de les pousser au débordement litique de la classe, expérience vécue là
des cadres de ccs organisations. où cette classe était et resterait groupée
Dans ces conditions, il était logique pour une période. Les forces essentielles
pour notre mouvement de tenter une ex­ du Parti révolutionnaire surgiraient par
périence de travail essentiellement indé­ la différenciation ou l’éclatement de ces
pendant qui permettait de dénoncer ou­ organisations de masse.
vertement, sans restriction, la politique Cette conception tactique était et reste
clairement contre-révolutionnaire du naturellement fondée sur les perspectives
Kremlin à l’époque, et de polariser au­ de l’évolution de la situation internatio­
tour de nos propres organisations les élé­ nale, telles qu’elles commencèrent à se
ments révolutionnaires désappointés de préciser pour nous-mêmes à partir de la
cette politique. « guerre froide » : délais relativement
D’autre part, un travail « entriste » ou courts jusqu’à la guerre ; caractère nou­
essentiellement « entriste » au sein des veau et décisif de -cette guerre ; crise ac­
organisations réformistes, à l’époque af­ célérée du régime capitaliste atteignant
faiblies et discréditées dans la plupart de toute façon un degré explosif géné­
des pays européens, n’ouvrait aucune ral dans la guerre même. D’ici là, resser­
perspective sérieuse pour notre mouve­ rement probable des masses autour de
ment. Cependant les cas particuliers de leurs organisations principales — réfor­
l’Angleterre et de l’Autriche n’avaient pas mistes ou staliniennes selon les pays —
manqué de retenir l’attention de l’Inter­ et différenciation se maintenant en géné­
nationale dès ce moment-là. ral dans les cadres mêmes de ces organir
La deuxième phase a commencé avec la sations.
tenue du 2* Congrès Mordial, au début Chercher à faire chanceler, et p'us en-

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« Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

.core à remplacer la direction bureaucra­ Tout ceci a joué de plus en plus non
tique des masses de l’extérieur, en lui pas en faveur d'une disparition de la
opposant nos propres organisations indé­ crise du stalinisme (cette crise en réalité
pendantes risquait, dans ces conditions, permanente étant due aux contradictions
de nous isoler de ces masses et de nous insolubles du stalinisme), mais à sa
faire perdre toutes les possibilités réelles transformation en crise contenue à l’inté­
qui existaient d’opérer dans ce but beau­ rieur des cadres des organisations et du
coup plus efficacement de l’intérieur mê­ mouvement stalinien, les masses et les
me de leur mouvement. militants faisant instinctivement front
Entre le 21 et le 3e Congrès Mondial avant tout contre l’impérialisme mena­
l'évolution de la situation objective dans çant.
le sens déjà indiqué nous renforça dans Dé stimulant puissant qu’elle était pour
cette conception tactique. accentuer l’aspect centrifuge, dislocateur,
Mais tandis qu’à partir de la réalisa­ de la crise du stalinisme, l'affaire you­
tion de l’entrée en Angleterre cette tac­ goslave devenait au contraire un facteur
tique apparaissait généralement possib’e agissant dans le sens d’un renforcement
à l’égard des organisations réformistes et de l’aspect centripète de la crise du sta­
rencontrait peu à peu plus de compréhen­ linisme, les éléments mécontents hésitant
sion dans toute l’Internationale, la tac­ à rompre pour ne pas trahir dans l'isole­
tique d’approche du mouvement stalinien ment, comme Tito le faisait, le front de
restait la même que par le passé. classe.
On misait toujours sur la crise et le Le gauchissement accentué de la poli­
débordement du stalinisme. tique stalinienne jouait d’autro part,
La raison principale en a été la crise comme nous l’avons déjà noté, dans le
effective du stalinisme qui a connu son. même sens.
point, culminant jusqu’ici, dans la période Cette nouvelle situation internationale
de l’aprèf-guerre, en 1948-1950, avec le ainsi que ses nouvelles incidences sur le
mûrissement de l’affaire yougoslave, son mouvement stalinien, qui se créèrent avec
éclatement et ses répercussions dans tous la guerre de Corée, devaient retenir no­
les pays du glacis et dans tous les Partis tre attention et influencer notre tactique,
communistes jusqu’à la guerre de Corée. spécialement à l'égard du mouvement
Elle se nourrissait des contradictions stalinien..
entre les objectifs de la politique réac­ Il n’était plus possible de procéder
tionnaire du Kremlin dans le glacis et à comme si rien n’était changé, sans le
travers les Partis communistes de l’occi­ risque certain de faire fausse route, d’os­
dent. et les besoins et les aspirations des sifier notre mouvement sur des positions
■masses révolutionnaires qui avaient afflué dépassées par la réalité mouvante, par
après la guerre dans ces organisations. la vie, et de le faire stagner par incom­
L ’éclatement de l’affaire yougoslave et préhension théorique et par sectarisme
Je cours centriste de gauche progressif de l’activité.
que le P.C. yougoslave esquissa jusqu’à C’est le 9* Plénum du C.E.I. qui a es­
la guerre de Corée, militaient en faveur quissé la réorientation de notre mouve­
de rélargissement et de l’approfondisse­ ment, c’est-à-dire qui a commencé à met­
ment de cette crise. tre notre analyse politique et notre acti­
Mais en même temps, l’intensification vité pratique en accord avec la nouvelle
de la « guerre froide » avait amené un situation internationale et ses implica­
gauchissement de la politique des Partis tions dans le mouvement ouvrier. C'est ce
communistes par rapport à celle qu’ils Plénum qui a esquissé en particulier une
avaient suivie jusqu’à 1947 environ, et nouvelle perspective de l'évolution de la
plaçait le mouvement stalinien dans des situation internationale et des conditions
conditions objectives nouvelles. nouvelles dans lesquelles se trouvaient
Ce deuxième facteur allait à l’encontre désormais placés le stalinisme et parti­
du libre exercice de l’influence du pre­ culièrement les Partis communistes ayant
mier et, dans une certaine mesure, con­ une influence de masse.
trecarrait ses effets. Ce début de réorientation fut complété
L ’affaire yougoslave pendant sa phase lors du 3e Congrès Mondial. Dans ses rap­
progressive aurait eu infiniment plus de ports et résolutions furent jetées les ba­
répercussions au sein du mouvement sta­ ses d’une tactique d’ensemble de notre
linien international si les P.C. avaient en mouvement afin d’œuvrer à la construc­
même temps maintenu leur politique ul­ tion du Parti révolutionnaire mondial de
tra-droitière de 1944-1947. masse, dans le cadre ( d’une perspective
Cependant, ce qui a véritablement ren­ d’ensemble d’évolution'de la situation in­
versé le processus centrifuge de la crise ternationale. -
stalinienne fut, en général, la nouvelle Avec ce congrès, notre mouvement est
situation créée par la guerre de Corée et, parvenu au plus haut degré atteint jus­
en particulier, les effets désastreux que qu’à présent de compréhension de sa tac­
cette situation a provoqués sur la politi­ tique afin de s’insérer dans le réel mou­
que yougoslave. vement de masse et d’y devenir sa direc­
Avec la guerre de Corée, la « guerre tion révolutionnaire.
froide » s’intensifia énormément, et pa­ Toute approche mentale, intellectuelle
rallèlement s’accentua le gauchissement de la réalité objective est par principe
de la politique stalinienne. D’autre part, une approche limitée, incomplète. La pen­
la rdirection du P.C. yougoslave, prise sée saisit quelques aspects de la réalité
entre les difficultés intérieures et la pres­ qu’elle fractionne, immobilise et appau­
sion aggravée de l’impérialisme, a com­ vrit de son contenu beaucoup plus riche,
mencé à céder à celle-ci. plus complexe. La pensée défigure néces­

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Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E *

sairement la réalité et, pour la saisir, vie, le mouvement naturel de la classe,


rompt son unité, son mouvement. La dont il s’agit de devenir la conscience et
pensée de notre mouvement, malgré sa la direction révolutionnaires.
supériorité sur la pensée individuelle de J’en viens maintenant à la conception
chaque élément non organisé (et qui ne d’ensemble de la tactique à laquelle noua
bénéficie pas par conséquent de l’apport sommes parvenus au 3e Congrès Mondial;
de la discipline et de la vigueur de la Ses éléments constitutifs ainsi que leur,
pensée collective d’un mouvement inter­ dialectique se trouvent explicitement et
national ayant mille et mille positions implicitement contenus dans la ligne des
privilégiées d’observation et d’expé­ textes, rapports et résolutions de ce
rience), n’est pas exempte de ces défauts. Congrès.
Elle retarde elle aursi constamment sur Je me propose, dans ce rapport, de dé­
le processus objectif et le saisit avec des gager davantage cette conception et de
limitations. la développer plus intégralement et plus
Certaines choses fondamentales, cerj analytiquement. Je dis que le 3’’ Congrès
tains aspects fondamentaux de la réalité Mondial a élaboré une tactique d’ensem­
objective ne peuvent être saisis, compris, ble pour notre travail dans le réel mouve­
qu’à travers une expérience, un mûrisse­ ment de masses afin de construire le
ment naturel de la pensée dans l’action. Parti révolutionnaire de masse dans cha­
Le mouvement révolutionnaire, malgré que pays. Dans ce sens, il a repris tout
l’arme puissante de la théorie marxiste l’acquis du passé de notre mouvement et
ne parvient pas d'emblée à se fondre l’a porté à un degré plus élevé en fusion­
avec le mouvement réel de la classe dans nant des éléments en apparences dispa­
chaque pays, ne parvient à saisir la rates dans une conception tactique d’en-»
réalité extérieure dans ses particularités, semble plus développée et plus intégrale.
ne parvient à éliminer les barrières Cette conception tactique d’ensemble est
doctrinales, schématiques qui le séparent subordonnée à la perspective politique
de la réalité qu’à travers l’expérience et générale élaborée par le 3° Congrès Mon­
les approximations successives de sa pen­ dial et en découle.
sée à la réalité, facilitées, imposées même, L ’unité et le sens de cette tactique ne
par l’expérience. peuvent être saisis que par ceux qui les
Avec le 3' Congrès Mondial, nous avons abordent à la lumière de la perspective
la preuve d’en mûrissement concret de générale.
la pensée de notre mouvement, basée sur Cette perspective se définit comme celle
toute son expérience passée et sur ses de la crise finale du capitalisme et de
ressources théoriques, qui a permis l’éla­ l’extension de la Révolution mondiale,
boration d’une conception tactique d’en­ précipitées toutes deux par les boule­
semble pour la construction du Parti ré­ versements que la dernière guerre a pro­
volutionnaire de masses, la plus vivante, voqués, accentuées depuis la « guerre
c’est-à-dire la plus réaliste par rapport à froide » et qui s’acheminent maintenant
tout le passé du mouvement ouvrier ré­ à travers un conflit décisif vers une so­
volutionnaire, la plus adaptée à une lution décisive, c’est-à-dire qui manquera
réelle compréhension du caractère de de toute façon une époque historique en­
l’époque et du mouvement réel de masses tière. Dans cette évolution, nous disons :
que cette époque engendre dans chaque les forces de la Révolution partent favo­
pays. risées, et nous ne prévoyons pas la
C’est nous, le mouvement trotskyste possibilité que ce rapport de forces change
international, qui avons réalisé sur le d’une façon décisive dans tes années à
plan de la conception tactique le pro­ venir au détriment de la Révolution.
grès le plus grand depuis la naissance du La guerre contre-révolutionnaire que
mouvement ouvrier marxiste, en œuvrant prépare l’impérialisme coalisé, et à la­
pour la fusion réelle de l’avant-garde ré­ quelle il sera acculé fatalement (si on ex­
volutionnaire avec le mouvement naturel clut l’hypothèse que la Révolution gagne
de la classe, tel qu’il se forme, tel qu’il mondialement, y compris et surtout aux
s’exprime dans chaque pays, en élimi­ U.S.A. avant qu’elle n’éclate, ou que l’im­
nant ainsi toutes les barrières doctrinales, périalisme y compris celui des U.S.A.,
schématiques, qui séparent la pensée for­ effrayé, cède sans combat) dans des dé­
maliste de l’action révolutionnaire ; en lais qui. dès maintenant, sont relative­
éliminant le sectarisme qui est au fond ment. courts, cette guerre loin d’arrêter
d'une pensée qui sc garde de se fondre ce processus destructeur du capitalisme
dans une activité révolutionnaire créa­ le portera à un niveau encore plus élevé
trice. — celui de la guerre civile internationale,
Ce progrès, nous l’avons réalisé sur le de la guerre-révolution.
plan de la compréhension de la majo­ Dans cette période, qui est déjà ou­
rité de nos cadres et d’une grande partie verte, la plus révolutionnaire de l’His­
de nos militants. Il reste naturellement à toire (pas^ seulement de celle du capi­
imprégner le mouvement tout entier de talisme), où se joue le sort final du ca­
ces conceptions et à réaliser ainsi, poqr pitalisme dans des délais relativement
la première fois dans l’histoire du mou­ courts, sera aussi scellé le sort du stali­
vement ouvrier international, l’exemple nisme, c’est-à-dire de la bureaucratie so­
d’une avant-garde vraiment non sectaire, viétique et de^ son emprise réactionnaire
c’est-à-dire d’une avant-garde plus pro­ sur la partié^du mouvement ouvrier ré­
che que jamais de la réalité, dont la volutionnaire qu’elle influence encore.
pensée et l’activité qui s’ensuit ont saisi Nous partons de la conviction que
plus étroitement que jamais, avec moins l’élargissement de la Révolution signifie
de limitations que jamais,- la réalité, la en même temps la mort certaine du sta-

49 -
« Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

linisme, que le résultat final de la lutte ditions qui déterminent de nouvelles réac­
.engagée, indépendamment de telle ou tions de leur part, indépendamment de tel
i telle phase initiale, passagère, épisodique ou tel désir ou plan de leurs directions.
ci ou là amènera aussi la destruction du C’est en partant d’une telle com­
stalinisme. Cette conviction n’a rien d’un préhension du caractère de la période,
sentiment de consolation ou d’un voeu du sens de son évolution et des réactions
pieux, mais est fondée sur la compréhen­ que cette situation impose et détermine
sion profonde des forces objectives en aussi bien sur le plan du mouvement
lutte, de la nature et des contradictions spontané des masses que sur le plan de
du stalinisme, ainsi que de l’expérience leurs formations organisées, que nous
déjà faite en Yougoslavie, en Chine, dans élaborons notre tactique d’ensemble.
le glacis, avec d’autres Partis commu­ C’est de cette façon que nous avons
nistes, durant et après la dernière procédé lors au 3* Congrès.
guerre. Les conceptions tactiques que ce Con­
Les conditions objectives nouvelles grès a élaborées sont toutes basées sur
dans lesquelles se déroule actuellement la l’analyse du caractère de la période et
lutte pour le socialisme déterminent une de ses perspectives. C’est là qu'elles trou­
dynamique nouvelle du mouvement spon­ vent leur sens et l'unité de leur contenu.
tané des masses. Ces conditions objec­ Car sous des formes diverses, notre tac-
tives ont placé et placent d’autre part tique vise p m oût notre intégration dans
constamment, le mouvement politique cr- le mouvement réei de masse. en tenant
ganisé du prolétariat, les différents cou­ compte de ses pai ticularités pour chaque
rants et organisations dans lesquels il se pays, afin de créer la direction révolu­
manifeste, dans des conditions objecti/es tionnaire et le P a iti révolutionnaire.
également nouvelles, c’est-à-dire des con­

LES T R O IS SEC T EU R S DE N O T R E A C T IV IT E

Avec le 3® Congrès Mondial notre mou­ tous ces pays les trotskystes doivent agir
vement est arrivé à unifier dans la con­ des mamionant comme ia direction révo­
ception de sa tactique deux éléments : lutionnaire des masses, même si cela doit
un milieu de travail concret, une ma­ comporter, pour quelques-uns de ces
nière concrète d’y travailler. pays, une expérience' à travers certains
Il est faux de dire, comme l’affirment courants et formations réformistes, cen­
certains, que le 3“ Congrès Mondial a tristes, ou simplement nationaux.
donné une préférence quelconque au tra­ Par exemple, l’activité des trotskystes
vail en direction des ouvriers et des or­ américains est une activité, à l’étape ac­
ganisations staliniens au détriment des tuelle, essentiellement indépendante, mê­
autres secteurs de travail. S’il a insisté me si elle préconise la nécessité d’un La-
plus particulièrement sur la nécessité bor Party aux U.S.A, éventualité qui, si
d’un tel travail, c’était, comme nous elle se réalisait, entraînerait leur entrée
l’avons déjà noté, parce que ce domaine dans le Labor Party.
fut jusqu’à présent le plus négligé, celui L ’activité des trotskystes des pays du
où le retard d’ùne réorientation imposée Moyen-Orient et des colonies africaines
par les nouvelles conditions objectives pourrait se développer pour une période
fut incontestablement le plus grand. Mais au sein des mouvements nationaux qui
en vérité, la conception tactique qu’a secouent ces pays mais elle aurait à as­
dégagée le 3® Congrès Mondial porte à sumer dès le début des tâches d’une di­
la fois sur trois directions distinctes, se­ rection révolutionnaire des masses.
lon les particularités du mouvement des Notre activité doit être considérée
masses dams chaque pays : travail essen­ comme essentiellement indépendante
tiellement indépendant ; travail en di­ dams tous les pays où l’existence d’une
rection des ouvriers et organisations ré­ autre direction, réformiste ou stalinienne,
formistes : travail en direction des ou­ n’est pas solidement établie parmi les
vriers et des organisations staliniens. masses et, par conséquent, n’impose pas
un entrisme à longue échéance, comme
A ) De travail essentiellement indépen­ nous l’envisageons maintenant pour toits
dant. les autres cas.
Cette activité essentiellement indépen­
dante signifie, nous l’avons dit, agir dès
Les textes du 3* Congrès Mondial ont maintenant comme la direction révolu­
clairement indiqué que, pour toute une tionnaire des masses.
catégorie très importante de pays dans Ce caractère d’activité découle de no­
lesquels l’obstacle d’un fort, mouvement tre appréciation de la situation et des
réformiste ou stalinien n’existe pas, la perspectives de son évolution. La situa^
tâche centrale immédiate des trotskystes tion est partout prérévolutionnaire à des
est d’agir dès maintenant comme la di­ degrés divers, et évolue dams des délais
rection révolutionnaire des masses. Cette relativement courts vers la Révolution.
catégorie de pays comprend avant tout E t ce processus e$t maintenant en géné­
l'Amérique latine et Ceylan. Les Etats- ral irréversible.
Unis, les Indes, les pays du Moyen-Orient La révolution éclate môme à l'impro-
les colonies africaines peuvent être con­ viste, comme en Iran, en Egypte, en Tu­
sidérés comme faisant partie de cette nisie.
catégorie sous la réserve suivante : dans Les petits noyaux de révolutionnaires

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Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

marxistes peuvent et doivent jouer le rouk », « Vive Mossadegh », « Vive Bour­


rôle que leur assigne l’histoire, celui de guiba » ; leur deuxième cri inévitable
la direction révolutionnaire. Ces noyaux sera, contre le roi traître, les pachas traî­
peuvent s’acquitter de cette tâche et, en tres, les féodo-capitalistes traîtres, le cri
agissant ainsi, se développer dans des des manifestants du Caire : « Guerre et
délais relativement courts en puissants Révolution ! ».
courants s’ils sont dès maintenant idéolo­ Il faut commencer par où les masses
giquement et politiquement préparés. Ce­ elles-mêmes commencent : par la lutte
la veut dire s’ils ont, dès maintenant, anti-impérialiste, par exemple, l’organiser
une c'aire et profonde compréhension du nous-mêmes, en prendre l’initiative la
caractère explosif révolutionnaire de la pousser à fond. Il faut faire confiance
période, et s’ils élaborent une politique aux masses, il faut éviter de surestimer
concrète et une tactique concrète adap­ leur apparente apathie pendant une pé­
tées aux conditions particulières de leur riode, leurs reculs momentanés inévita­
pays. S’ils agissent, en un mot, dès main­ bles, et ne pas sous-estimer le processus
tenant. non comme des groupes de pro­ moléculaire constant qui s’opère dans les
pagande générale mais comme les noyaux profondeurs en diréction de la révolution
de la direction révolutionnaire, conscients et qui explique les brusques transforma­
des besoins et des aspirations des masses tions qualitatives, les explosions révolu­
de leur pays, et ayant une réponse politi­ tionnaires. Il ne faut pas être en retard,
que concrète à donner à leurs problèmes. il faut faire vite, il faut être toujours
C’est cet esprit audacieux, offensif, lar­ prêt, plein d’esprit d’initiative et d’au­
ge et souple que le 3" Congrès Mondial dace révolutionnaire. C’est le caractère
a, voulu insuffler aux trotskystes de tous de la période qui impose cette conception.
ces pays. Aux camarades de Bolivie et de Ceylan,
Ce que les textes du Congrès ont dit l’Internationale dit actuellement : le pou­
sur les pays du Moyen-Orient et la tac­ voir est à votre portée, non pas d’ici dix
tique à y adopter en l’insérant aux mou­ ans mais immédiatement, dans les quel­
vements nationaux qui les secouent si ques années à venir, sinon cette année
profondément maintenant, dès avant même. (Ceci plus particulièrement pour
l’épanouissement de la crise iranienne, les Ceylan). Il dépend en grande partie de
événements d’Egypte et de Tunisie, est vous, de votre politique dès maintenant
une confirmation éclatante de la jus­ de votre audace, de votre activité quoti­
tesse de l’appréciation et de la tactique dienne à la tête des masses pour la dé­
préconisée. fense de leurs revendications quoti­
D’autre part, la résolution sur l’Amé­ diennes, de votre programme hardi pour
rique latine constitue un exemple d’une demain, de gagner leur majorité, même
telle compréhension de la situation et une majorité parlementaire, et de consti­
des tâches de l’avant-gardc. Cette résolu­ tuer un gouvernement ouvrier, premier
tion avertit les trotskystes dë ces pays pas vers une véritable prise du pouvoir
que la crise explosive, révolutionnaire de à Ceylan, appuyé sur la mobilisation et
l’Extrcmc-Orient, propagée au Moyen- l’organisation révolutionnaires des
Orient est leur avenir inévitable de de­ masses.
main, très proche. Qu’ils doivent par Naturellement,les camarades de Bolivie
conséquent se préparer dès maintenant, et de Ceylan ne doivent pas rester seuls
vite, à jouer leur rôle de direction. Que dans ce combat. C’est. l’Internationale
ceci doit s’exprimer dans la structure tout entière, sa direction avant tout, qui
et l'esprit de leur programme, l’audace doit les assister, les aider. Nous serons
et la souplesse de leur activité. La réso­ solidaires et également responsables de
lution donne sur tous ces points des di­ la réussite ou de la faillite.
rectives précises. Son esprit, sa concep­
tion sont encore plus importantes que sa B) Le travail en direction dès ouvriers
lettre.
et des oi'ganisations réformistes.
Le 3e Congrès Mondial s’est efforcé de
briser toute barrière doctrinale, forma­
liste, schématique, en définitive petite- Dans les pays où le mouvement réfor­
bourgeoise, qui empêche la compréhen­ miste englobe la majorité politique de la
sion du processus objectif révolution­ classe, où existent des Partis socialistes
naire de notre époque et son utilisation solidement établis gardant encore une
en temps opportun. grande influence sur les masses et sur­
Objectivement, la révolution peut com­ classant de loin toutes les autres forma­
mencer par des voies imprévisibles, en tions politiques, comme en Angleterre, en
apparences contraires à la lettre des li­ Autriche, en Belgique, en Australie, au
vres et des documents en dehors des Canada, en Hollande, dans les pays Scan­
schémas établis. dinaves, en Suisse, en Allemagne et, sous
Il faut être prêt à s'engager tout réserves, aux Indes, Jes trotskystes ont le
d’abord dans le combat, confiants que la devoir d’agir avant tout en direction de
logique de son développement est imman­ ces organisations et des masses qu'elles
quablement celle de la Révolution per­ influencent. La question d’une entrée mô­
manente et, tirant par le premier bout me totale est à envisager dans tous ces
offert par la situation (mouvement pay­ pays, si elle n’est pas encore réalisée.
san, grève prolétarienne ou manifesta­ Car pour tous ces pays il est infiniment
tion nationale) aller avec les masses, ma­ probable que, sauf développements nou­
nifester avec elles et être les premiers veaux imprévisibles à l’heure actuelle,
contre les impérialistes. Même si elles le mouvement de radicalisation des mas­
crient en même temps « Vive le roi Fa- ses et les premières étapes de la Révo-

S1
Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

lution, de la situation révolutionnaire ob­ bientôt. Nous entrons pour y rester long­
jective, se manifesteront dans les cadres temps, misant sur la très grande possi­
de ces organisations. bilité qui existe de voir ces partis, placés
Les principales forces du Parti révo­ dans les conditions nouvelles, développer
lutionnaire dans ces pays surgiront par des tendances dentrisies qui dirigeront
la différenciation ou l’éclatement de ces toute une étape de la radicalisation des
organisations. Celles-ci ne pourront pas masses et du processus objectif révolu­
être brisées et remplacées par d’autres tionnaire dans leurs pays respectifs.
dans les délais relativement courts qui Nous voulons en réalité, de l’intérieur
nous séparent du conflit décisif. Les ou­ de ces tendances, amplifier et accélérer
vriers qui n'ont pas abandonné jusqu’à leur mûrissement centriste de gauche et
présent ces organisations ne les quitte­ disputer même aux dirigeants centristes
ront pas si vite en l’absence d’un autre la direction tout entière de ces ten­
puissant pôle d’attraction. D’autant plus dances.
que ces organisations, dans la mesure où De tels développements sont actuelle­
ce sont réellement des organisations de ment possibles, en contraste avec la si­
masse placées dans les nouvelles condi­ tuation d’avant-guerre car la crise du
tions objectives d’accentuation de la capitalisme est infiniment plus profonde
crise du capitalisme, de préparation de et le mouvement des masses infiniment
la guerre et de détérioration inévitable plus puissant.
qui s’ensuit du niveau de vie des masses, Tout cela veut-il dire que les Partis ré­
seront obligées, bon gré mal gré, de gau­ formistes deviendront des Partis révo­
chir la politique de l’ensemble ou d’une lutionnaires et que nous entrons non pour
partie au moins de leur direction. les détruire mais pour les renforcer ?
Le bevanisme, d’ampleur variable d’un Non, les Partis réformistes dans leur en­
pays à l’autre, est un phénomène inévi­ semble, tels qu’ils sont, ne se transfor­
table de la conjoncture actuelle pour tous meront jamais en Partis révolutionnaires,
ces P.S. Le bevanisme polarisera le mé­ mais ils peuvent se transformer, sous une
contentement des niasses dans ces pays poussée exceptionnelle des masses, en
et le soutiendra dans le cadre de ces or­ Partis centristes, dans leur ensemble ou
ganisations. Le bevanisme est à la fois dans une grande partie.
l’expression de la pression des masses de Nous n’entrons pas, par conséquent,
ces partis et de l’espoir qu’elles nourris­ avec l’illusion de les transformer en Par­
sent (et qu’il entretient) d’un change­ tis révolutionnaires, mais pour aider au
ment encore possible de la politique droi­ développement de leur tendance centriste
tière de ces partis. et lui assurer notre direction.
Quand et comment se produiront exac­ Tout ce processus ne sera pas néces­
tement le dépassement du bevanisme et sairement court mais il ne s’étalera pas
la création d’une tendance et d’une di­ non plus sur des dizaines d’années.
rection vraiment révolutionnaire à*base Nous partons toujours de la considé­
de masse dans ces pays, nous ne pouvons ration que les développements et les
le dire dès maintenant avec exactitude. échéances décisives se placent •dans les
Ce qui est certain, c’est qu’il faut passer quelques années à venir et non dans un
préalablement par cette expérience en avenir indéterminé ou très lointain.
s’y insérant et en l’aidant de l’intérieur D’autre part, il n’est pas exclu que la
à se développer jusqu'à ses ressources et réalité, la vie nous mettront devant des
conséquences dernières. particularités actuellement imprévisibles
D’où la conception d’une tactique en- qui modifieront notre tactique. Mais agir
triste dans tous ces partis, mais d’un genre dès maintenant comme nous le préconi­
différent de l’entrisme pratiqué avant la sons au sein de ces puissantes organisa­
guerre. Avant la guerre plus précisé­ tions réformistes, n’est pas un handicap
ment entre 1934 et 1938, après la vic­ pour de telles éventualités. C’est au con­
toire d’Hitler et la menace que le fas­ traire une garantie que nous serons, le
cisme faisait peser sur la démocratie cas échéant, le mieux préparé, par le tra­
bourgeoise et le mouvement ouvrier, y vail présent, à nous adapter à celles-ci et
compris la social-démocratie, L. Trotsky à les exploiter à notre profit.
avait conçu la tactique d’entrée dans les
Partis socialistes qui étaient placés dans Toute manœuvre et toute politique qui
ces nouvelles conditions et obligés de se risquent de nous couper prématurément
battre. Mais cette tactique avait un ca­ de la grande masse de ces partis doivent
ractère plutôt éphémère, de courte durée, être considérées comme fausses. Le grand
avec des objectifs limités. Il s’agissait danger qui nous menace n’est pas, com­
en général d’entrer dans ces partis, de me c’était le cas dans les petites organi­
profiter de leur gauchissement passager, sations où nous sommes entrés (J.S.),
de recruter des militants ou de capter d’y rester trop longtemps, quand la situa­
quelques minces courants de gauche qui tion pourrissait ; le grand danger c’est
s’y développaient, et de sortir. Il n’était d’avancer trop vite, de prendre les mou­
pas question d’affronter les tâches de la vements d’une avant-garde restreinte
guerre et de la révolution en restant à pour la radicalisation et la révolte de la
l’intérieur de ces partis. Toute la concep­ grande masse, qui coïncideront pratique­
tion de réalisation de l’entrée et du tra­ ment avec l’éclatement d’une véritable
vail dans ces partis était déterminée par crise révolutionnaire, dans le pays.
cette perspective. Notre but est le dialogue avec des di­
Aujourd’hui il ne s’agit pas exactement zaines et des centaines de milliers d’ou­
du même genre d’entrisme. Nous n’en­ vriers dont la révolte contre le réarme­
trons pas dans ces partis pour en sortir ment et la guerre est inévitable. C’est

52
Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

dans ce but que les instruments de tra­ Party). Tout cet acquit se combine par­
vail doivent être établis. C’est dans ce fois à un vague sentiment que « somme
but que notre plate-forme politique dans toute, l’U.R.S.S. a à se défendre ». Mais
les Partis socialistes doit être adaptée. nous nous désarmerions nous-mêmes si
En matière de politique intérieure, nous voulions fermer les yeux des lar­
cette plate-forme doit être résumée dans ges masses des pays d’Europe occiden­
la formule : LE P A R T I SOCIALISTE tale sur la politique stalinienne passée et
SEUL AU POUVOIR POUR A P P L I­ présente. Son discrédit — lié en Allema­
QUER UNE PO LITIQ U E SOCIALISTE. gne et en Autriche à la peur produite par
Partant des revendications formulées par l’expérience propre des masses — est un
les dirigeants réformistes pour un « par­ facteur réel de la situation politique, et
tage plus équitable des charges du réar^ si nous voulons faire une politique réel­
mement », les trotskystes dans les Par­ lement capable d’influencer et même de
tis socialistes doivent élaborer une plate­ diriger ces masses, nous devons partir
forme de mesures concrètes (confiscation de ce qui est et non pas de ce qui devrait
de tous les bénéfices de réarmement et être.
de guerre ; nationalisation sans indem­ Ces masses, à juste titre, n’ont pas
nités des industries de guerre ; échelle confiance en Staline. Dans tous ces pays
mobile des salaires ; contrôle ouvrier sur à longue ti’adition social-démocrate et de
la production ; contrôle sur les prix par démocratie ouvrière, elles sentent ins­
des comités de ménagères ; nationalisa­ tinctivement le caractère conservateur et
tion des banques et des industries de oppresseur de la bureaucratie soviétique.
base ; un plan pour le bien-être du peu­ Ce n’est pas notre tâche de combattre
ple et non pas un plan pour préparer la ou d’affaiblir ce sentiment foncièrement
guerre, etc.) qui réponde aux préoccupa­ sain, aussi sain que le sentiment d’oppo­
tions des larges masses ; lutte contre la sition instinctive à l’impérialisme, sur la
hausse du coût de la vie, contre les pro­ bureaucratie stalinienne dans des pays où
fiteurs, contre le réarmement comme tel, son influence est déclinante ou minime.
lutte pour la réalisation du socialisme, C’est pourquoi notre plate-forme, en
etc. Il est clair que cette plate-forme doit matière de politique internationale, de­
partir des conditions concrètes de cha­ vrait être résumée ainsi : LUTTONS
que pays et doit inclure par exemple en POUR UNE A N G LE TE R R E SOCIA­
Grande-Bretagne ou en Norvège (si le LISTE, POUR UNE ALLEM AG NE SO­
Parti socialiste y perdait le pouvoir) la CIALISTE, etc., seul moyen d’éviter la
défense des réformes progressives intro^ guerre impérialiste, de combattre l’in­
duites par les gouvernements travaillistes fluence de la bureaucratie soviétique,
homogènes ou à direction social-démo­ d’arracher aux staliniens la direction de
crate (sécurité sociale, nationalisations, la révolution coloniale et de libérer les
politique de logement, etc.). peuples du monde entier de la fausse
alternative: impérialisme ou stalinisme,
Notre plateforme en matière en les plaçant devant l’alternative réelle :
victoire de l'impérialisme ou victoire de
de politique internationale ta révolution socialiste (du socialisme).
C'est ’<i partie la plus difficile et en Sur une telle plate-forme (rupture avec
même temps la plus importante de notre le Pacte Atlantique, aide illimitée aux
action dans les Partis socialistes. C’est mouvements d’émancipation dans les co­
ici que les trotskystes doivent agir dès lonies ; retrait de toutes les troupes im­
maintenant avec l’idée de devenir la di­ périalistes de Corée, d’Egypte, du Viet­
rection effective des masses des que cel­ nam, de Malaisie, etc.; conclusion de trai­
les-ci auront atteint un point déterminé tés de paix et d’accords de coopération
de mécontentement et de révolte. Ceci économique avec l’U.R.S.S., les démocra­
signifie : que notre plate-forme doit être ties populaires, la Chine et tous les pays
telle qu’elle puisse être comprise par de coloniaux libérés ; élaboration d’un plan
larges masses, qu’elle puisse les pousser économique de développement mondial
en avant sur la voie de la résistance à pour toute la zone non-capitaliste du
l’impérialisme et à la guerre, qu’elle monde, etc.), on peut combiner les senti­
puisse leur offrir une issue et une pers­ ments anti-impérialistes et antistaliniens
pective compréhensible non seulement à sains des ouvriers socialistes et ouvrir
une petite avant-garde mais à tous. une perspective qui est effectivement la
L ’opposition générale à la guerre, le seule issue pour le prolétariat internatio­
sentiment général que cette guerre n’est nal : passage du centre de gravité du
voulue et préparée que par l’impérialisme, mouvement révolutionnaire mondial vers
principalement par l’impérialisme améri­ les pays industriellement avancés.
cain, la méfiance instinctive envers tou­ En développant une telle plate-forme,
tes les paroles « défensives » de sa pro­ nous pourrions beaucoup plus facilement
pre bourgeoisie, la volonté de défendre le mobiliser en pratique les masses contre
mouvement d’émancipation des peuples les préparatifs de guerre et contre la
coloniaux contre les exploiteurs impéria­ guerre impérialiste eile-même c’est-à-dire
listes — ce sont là dès aujourd'hui des amener les masses à défendre en pra­
facteurs présents chez des dizaines de tique l’U.R.S.S. et les démocraties popu­
milliers d’ouvriers socialistes conscients laires, qu’en centrant notre agitation di­
(comme le démontre par exemple la plate­ rectement sur le mot d’ordre « défense
forme de Bevan, qui reflète plutôt l’ar- de l’U.R.S.S. » ou sur « nous devons
rière-garde que l’avant-garde des ouvriers être dans le camp anti-impérialiste
mécontents de la direction du Labour même s’il est dirigé par la Russie ';». Ces

53
Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

mots d’ordre sont seulement adéquats sur vers cette lutte, aussi contre la bureau­
le plan de la propagande individuelle, ils cratie et le stalinisme » (Résolution sur
peuvent convaincre quelques centaines ou la situation internationale, p. 36, « Qua­
même quelques milliers d’ouvriers avan­ trième Internationale », souligné par
cés; ils ne peuvent pas par eux-mêmes nous).
surmonter les obstacles qu’un passé de Pour les pays où le mouvement des
trente ans a créés dans la conscience des masses a pris déjà un caractère révolu­
masses sur ce plan. Ceci ne signifie natu­ tionnaire ouvert, dirigé par les P.C.,.
rellement pas que dans le cadre de notre comme dans les € pays asiatiques en ré­
propagande générale, dans nos organes, volte », le Congrès Mondial a clarifié
etc., nous devons escamoter le problème davantage cette ligne en indiquant que
de la défense de l’U.R.S.S.. Ceci signifie dans ces pays c l’orientation de notre
seulement que sur ce plan, comme sur mouvement doit être aussi vers le travail
l’ensemble des questions, notre travail dans les P.C. et les organisations qu’ils
dans les Partis socialistes n’est plus en influencent en vue de ne pas nous cou­
premier lieu un travail de propagande, per du mouvement des masses et d’ex­
mais bien un travail pour faire faire aux ploiter au mieux la conjoncture de la
masses un pas pratique en avant. C’est guerre ». (Thèses, p. 26 € Quatrième In­
à cette tâche que le travail de propa­ ternationale »).
gande générale doit être subordonné.
La question d’un travail entriste dans
Une telle plate-forme internationale les P.C. de masse et les organisations
permet également d’utiliser la question qu’ils influencent a été posée par le
européenne, importante dans plusieurs 3HCongrès Mondial lui-même, qui a sou­
Partis socialistes, en faveur d’une mobi­ ligné de plus le caractère « essentiel »
lisation révolutionnaire. L ’Europe des d’une telle activité de nos organisations.
Franco, Churchill, Adenauer, Gasperi
Paul Rcynaud ou de Gaulle, est une Eu­ Mais pourquoi alors le Congrès a-t-ii
rope pour laquelle pas un ouvrier ne vou­ spécifié en même temps le caractère
dra mouvoir un doigt. L ’Europe socia­ « nécessairement indépendant » de ces
liste, l’Europe dans laquelle les. Partis dernières ? Parce que la nature super-
socialistes auront conquis le pouvoir, bureaucratique du mouvement stalinien
pourra devenir la première base mondiale et avant tout des P.C. ne permet pas un
du socialisme, etc. De même on peut entrisme total du genre de celui que
reprendre sur la question du plan Schu­ nous pouvons pratiquer, et que nous pra­
man d’excellents mots d’ordre comme : tiquons, en direction des organisations
D’abord nationaliser, ensuite internatio­ réformistes. L ’activité essentielle de nos
naliser ! D’abord un gouvernement socia­ organisations dans les pays où les P.C.
liste dans chaque pays, ensuite une auto­ influencent la majorité de la classe ou­
rité socialiste internationale, etc. vrière ou dirigent déjà son mouvement
révolutionnaire, doit s’exercer en direc­
tion de ces partis, tout en restant né­
cessairement indépendant du point de
C) Le travail en direction des ouvriers et vue organisationnel, c’est-à-dire tout en
étant obligé de sauvegarder des forces
des organisations staliniens. organisées à l’extérieur, indépendantes.
Il s’ensuit qu’envers les P.C. — et au
Toutes les considérations qui précèdent moins pour une période — on ne peut
dans ce rapport et plus spécialement pas pratiquer un entrisme total mais un
celles qui concernent le travail en direc­ entrisme de genre spécifique, sui generis,
tion des ouvriers et des organisations ré­ comme nous l’avons indiqué dans la
formistes doivent éclairer et faciliter la lettre du S,I. adressée au C.C. de jan­
compréhension du travail préconisé par vier 1952 du P.C.I. en France. Nous ver­
le 3* Congrès Mondial en direction des rons que la nature même du travail que
ouvriers et organisations staliniens. nous avons à faiçe dans l’étape actuelle
Aussi bien dans les « thèses » que dans en direction des ouvriers et des organi­
la résolution sur la situation internatio­ sations staliniens, impose une telle divi­
nale, il est explicitement indiqué — et sion une telle façon sui generis d'opérer.
mieux encore impliqué dans le sens, la Les considérations politiques qui sont à
ligne de ces textes — que « dans les pays la base d’une telle orientation tactique
où la majorité de la classe ouvrière suit ont été amplement données aussi bien
encore les P. C. » nos organisations dans les textes du Congrès Mondial que
« doivent s’orienter vers un travail plus dans des textes ultérieurs de l’Interna­
systématique en direction de la base de tionale (Résolution sur la question syn­
ces partis et des masses qu’ils influen­ dicale en France ; lettre du S.I. au C.C.
cent » (Thèses, p. 26, « Quatrième Inter­ de janvier du P.C.I.) que dans ce rap­
nationale »). port même.
« Dans tous les autres pays où le
mouvement révolutionnaire de masses J’insisterai cependant sur quelques as­
passe encore principalement par les orga­ pects supplémentaires de la question.
nisations staliniennes ou stalinisantes. Ceux qui comprennent, ou qui disent
notre préoccupation essentielle doit être qu’ils comprennent la logique et la néces­
de ne pas nous couper de ces masses, de sité d’une tactique entriste envers les or­
chercher à nous y mêler et à profiter de ganisations réformistes de masse à l’épo­
la lutte commune contre le capitalisme que actuelle, devraient normalement com­
et l’impérialisme, pour les dresser, d trar prendre plus aisément que les mêmes

54
Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E -

considérations, amplifiées et renforcées devant la crise sans cesse aggravée du


imposent une tactique analogue envers capitalisme.
le mouvement stalinien tel qu’il est ac­ .Dans ces conditions nouvelles, que la
tu ellem ent placé dams les conditions ob­ bureaucratie soviétique n’a pas créées
jectives nouvelles de la « guerre froide » volontairement mais qu’elle subit obli­
et de la perspective de la troisième guerre gatoirement, le stalinisme fait réappa-i-
mondiale. raître des tendances centristes qui pren­
dront le dessus sur l’opportunisme droi­
Si des organisations réformistes de tier.
masse sont capables, sous la pression de Jusqu’où iront ces tendances ? Peu­
révolution révolutionnaire de leur base — vent-elles transformer la nature du sta­
évolution que nous considérons inévitable, linisme, faire des Partis communistes de
déterminée à son tour par l’évolution vrais partis révolutionnaires ?
objective inévitable portant vers une si­ Absolument pas aussi longtemps que
tuation révolutionnaire, vers des explo­ ces partis dépendants seront contrôlés
sions révolutionnaires, vers la crise fi­ par la bureaucratie soviétique qui, elle,
nale — de développer inévitablement des tout en étant elle-même obligée — dans
tendances centristes, le mouvement sta­ les nouvelles conditions — de gauchir sa
linien là où il a une base de masse, dé­ politique, de faire appel aux masses, de
veloppera inévitablement des tendances chercher à s’y appuyer, ne fera tout
centristes beaucoup plus amples et plus cela qu’en subordonnant toute action de
importantes. Ceci du reste est déjà en sa part à la- question de son contrôle
partie commencé. bureaucratique sur les masses, qui ne
L ’évolution de la situation objective doit pas être mis en danger.
agit actuellement (et ce processus ira Les zigzags de la bureaucratie soviéti­
en s’amplifiant avec l'évolution vers la que ne changent pas sa nature réaction­
guerre et la guerre elle-même) sur toute naire, qui est déterminée par sa posi­
organisation ouvrière de masse contre la tion sociale en tant que caste privilé­
tendance opportuniste droitière et pour giée omnipotente en U.R.S.S. Mais les
sa transformation en centrisme. Ce pro­ zigzags existent toujours dans sa poli­
cessus n’est pas rectiligne, pas partout le tique et sont déterminés à leur tour par
même, etc., majs en général est inévitable les pressions qu’exercent sur el;e l’im­
et va dans cette direction générale. périalisme et les masses.
C’est la profondeur extraordinaire de Entre la bureaucratie soviétique et les
la crise du régime capitaliste, crise sans P.C. de masse nous avons appris — à
issue, irréversible, qui provoque tous les la lumière de l’expérience de la guerre
phénomènes. Il faut — encore une fois et, depuis, de la Yougoslavie et de la
— comprendre cela. Chine en particulier — à établir une dif­
Le stalinisme, y compris la bureau­ férence et à tenir compte de ce qui peut
cratie soviétique, est placé, depuis la se passer avec ces partis s’ils se trou­
« guerre froide », dans des 'conditions vent dans des conditions exceptionnelles
nouvelles par rapport à tout ce qu’était et sont entraînés par un puissant mou­
la situation jusqu’alors. Ses tendances vement révolutionnaire de masses.
opportunistes droitières inhérentes à sa Ces partis dans de telles conditions,
nature, sont constamment contrecarrées, développent inévitablement des tendan­
mises en échec par l’évolution de la ces centristes de plus en plus pronon­
situation, aussi bien par l’attitude des cées et commencent à esquisser une
capitalistes que par les réactions des orientation révolutionnaire. Un tel déve­
masses. Les conditions qui ont permis loppement, dont nous avons fait déjà
son jeu de 1934 jusqu’à la fin de la l’expérience, est destiné dans les condi­
guerre ne se renouvelleront jamais plus. tions nouvelles créées par l’accentuation
A cette époque les antagonismes inter- de la « guerre froide », l’acheminement
impérialistes ont été encore assez viru­ vers la guerre — et dans la guerre elle-
lents pour provoquer une rupture effec­ même — à prendre des proportions en­
tive entre deux blocs de puissances et core plus considérables, et c'est sur ce
le conflit à mort entre eux. La lutte de développement centriste que nous de­
l’impérialisme coalisé contre l’U.R.S.S. vons miser pour notre tactique. Cela
fut subordonnée à la lutte entre les deux signifie, comme dans le cas des organi­
blocs, et la politique de la bureaucratie sations réformistes, que l’avenir de la
soviétique misant exclusivement sur cet Révolution et du Parti révolutionnaire
antagonisme et sur l’alliance avec une dans les pays en question, dépendra
partie de la bourgeoisie contre l’autre, pour les années à venir du sort de ces
avait un sens. Aujourd’hui la rupture tendances centristes.
provoquée dans le monde capitaliste par Se mêler dès maintenant avec les
l'apparition, à côté de l'U.R.S.S., de la forces qui constituent leur base, les
Chine, des « démocraties populaires » suivre et les aider dans leur développe­
européennes, du mouvement révolution­ ment dynamique et y disputer la direc­
naire colonial et de celui des masses mé­ tion, c’est là la façon concrète, réaliste
tropolitaines, rend tout compromis stable pour nos organisations d’œuvrer à la
et viable impossible et a mis au centre construction du Parti révolutionnaire. Ces
le conflit inévitable entre l’impérialisme tendances centristes vont-elles conquérir
coalisé et ces formes et forces variées et transformer l’ensemble de tel ou tel
de la révolution. Parti communiste de masse ?
La bureaucratie soviétique est acculée Nous ne le savons pas, nous ne pou­
au combat final et décisif ; le mouve­ vons pas le savoir, ceci n’est pas déter­
ment staliniens est partout pris entre minant. Ce que nous savons, ce que nous
cette réalité et les réactions de masses devons savoir, c’est que l’essentiel du

55
Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

Parti révolutionnaire de demain sortira taire quelconque, on n’hésitera pas si né­


/ de ces tendances et que ceci se pro­ cessaire à sacrifier par exemple la vente
duira de toute façon à travers une rup­ de « l’Unité » et même de la « Vérité »,
ture avec la bureaucratie soviétique. à mettre tout à fait à l’arrière-plan sa
Sous quelle forme exacte nous ne qualité de trotskyste si les direction bu-
pouvons dès maintenant le prédire. Mais reaucratiques l’exigent et si nous-mêmes
ces considérations déterminent déjà le ai-rivons à la conclusion que c’est là la
genre de travail que nous avons à faire condition pour faciliter notre intégration.
en direction des ouvriers et des orga­ Toutes ces questions, nous avons cru
nisations staliniens, les perspectives et qu’elles étaient depuis longtemps parfai­
les buts de ce travail. tement claires pour tous les membres de
Je reprends ici une série de points notre mouvement.
inclus dans le texte du S.I. au C.C. du Poursuivons. Si nous avons défini la po­
P.C.I. français et qui, à mon avis, con­ litique que l'Internationale entend suivre
crétise la conception de ce travail sur en France comme une sorte de politique
l’exemple d'un pays, en l’occurrence de entriste sui generis, c’st, répétons-le, à
la France. cause du caractère spécifique du mouve­
Il s’agit de pratiquer dans ce pays, ment stalinien dont la direction extrême­
de plus en plus une solde de politique ment bureaucratique nous empêche de
entriste sui generis par rapport aux procéder exactement comme dans un
organisations et ouvriers influencés mouvement réformiste de la même im­
par les staliniens. Cela■veut dire qu’au portance. Sinon, nous serions — et depuis
fur et à mesure que nous approchons longtemps déjà — pour une politique en­
de la. guerre, une partie de plus en triste totale. La nature du mouvement
- plus importante de nos forces doit stalinien nous impose en réalité une com­
s’intégrer dans les différentes organi­ binaison de travail indépendant et de
sations politiques et syndicales diri­ travail « entriste » avec les particularités
gées on influencées par les staliniens, ci-après :
\y compris dans le P.C., y rester et- — le travail indépendant doit être com­
y travailler selon une tactique adaptée pris comme ayant pour but principal d’ai­
à la nature de ces organisations et der le travail « entriste » et s’adresse lui
subordonnée au principe d’un travail aussi principalement en direction des ou­
à longue échéance. La partie indépen­ vriers staliniens ;
dante de notre organisation aura com­ — le travail entriste s’amplifiera au fur
me tâche principale de faciliter la et à mesure que nous approcherons de
compréhension de notre ligne révolu­ la guerre.
tionnaire par les ouvriers staliniens, Le secteur indépendant aide le travail
et. notre travail à l’intérieur de leur entriste en lui fournissant les effectifs,
mouvement. en les dirigeant de l’extérieur, en déve­
L ’ensemble du travail intérieur et loppant les thèmes de notre politique, de
extérieur de l’organisation trotskyste la critique concrète de la politique stali­
aurait ainsi pour but d’accélérer la ra­ nienne, etc. d’une façon ample, claire,
dicalisation des ouvriers staliniens et sans autres limitations que celles du lan­
le développement d’une direction révo­ gage et de la forme qui doivent être étu­
lutionnaire surgic fondamentalement diés de façon à trouver un écho grandis­
du sein de leur mouvement- à travers sant parmi les militants staliniens.
les expéiiences des luttes à venir et les Le secteur indépendant maintient tou­
tâches que ces luttes imposeront à la tes les activités essentielles actuelles,
masse des militants staliniens. dans les usines, les syndicats, les jeunes,
Examinons maintenant les diffé­ et continue à recruter, y compris parmi
rents aspects particuliers de cette les meilleurs éléments dépistés au sein
orientation sans avoir néanmoins la du mouvement stalinien par nos mili­
prétention d'épuiser le sujet. tants qui font du travail entriste.
L ’expérience que l’Internationale en­ Il se peut en effet, bien que notre ten­
tame dans ce domaine est jusqu’à dance constante sera de maintenir et
maintenant unique dans son histoire, d’augmenter nos forces à l’intérieur du
et sa mise au point exigera un cer­ mouvement stalinien (et ceci pour une
tain temps ainsi que la collaboration longue période) que, pour certains élé­
compréhensive et loyale des directions ments qui nous auront été signalés au
des sections impliquées dans ce tra­ sein de ce mouvement, il soit préférable
vail. de parfaire leur formation trotskyste en
Afin de s’intégrer dans le réel mouve­ les affiliant au secteur Indépendant.
ment des masses, de travailler et de res­ Le secteur indépendant sera constitué
ter par exemple dans les syndicats de par tous les éléments qui sont strictement
masses. les « ruses » et les « capitula­ nécessaires pour diriger l’ensemble du
tions » sont non seulement admises mais travail, plus ceux qui pour une raison
nécessaires. Nous avons déjà appris cela quelconque et malgré tous nos efforts, ne
du temps de la « Maladie Infantile » de peuvent s’intégrer dans le mouvement
Lénine et toute l’expérience de l’Inter­ stalinien, plus ceux dont nous jugeons
nationale en matière de travail de mas­ préférable, et même nécessaire de par­
ses, qu’il soit entriste ou travail syndical, faire la formation trotskyste dans l’orga­
nous a permis de mieux en développer le nisation indépendante. Nos militants in­
sens. dépendants n’abandonneront aucune acti­
Pour pouvoir réintégrer les syndicats vité dans les usines et les syndicats, con-
cégétistes quand on a été exclu, ou pour formement^ à nos idées sur l’unité d’ac­
entrer dams un organisme syndical uni­ tion, l’unité, la stratégie àes luttes, etc.,

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ni aucune initiative de propulser, de diri­ existe déjà sur ces deux thèmes parmi
ger des organismes et des luttes, là où les ouvriers et militants staliniens les
les conditions le leur permettent, mais plus avancés, et leur démontrer d’une fa­
ils feront toujours attention que cette ac­ çon compréhensible, tangible pour eux,
tivité s’exerce en tenant compte de l’en­ l’impasse à laquelle aboutit ainsi inter­
semble du travail que nous faisons en nationalement et nationalement la poli­
France, et de l’intérêt que nous accor­ tique stalinienne (la politiqtie avant tout
dons avant tout aux militants staliniens, du Krem lin) et les entraves qu’elle cons­
à des expériences faites avant tout avec titue pour une mobilisation de la classe
eux, et comprises avant tout par eux. effective et efficace} seule capable de lut­
Si notre organisation française s’engage ter réellement' contre la guerre.
dans une politique telle que celle que Des discussions adéquates, plus pru­
nous venons simplement d’esquisser dans dentes, sur ces thèmes doivent se faire
certaines de ses grandes lignes — avons- à l’intérieur même des organisations sta­
nous dit à nos camarades français — il liniennes par nos éléments entristes mais
s’ensuivra dans un certain temps une vé­ qui se garderont de s’isoler de leur mi­
ritable intégration de dizaines et de di­ lieu ou de provoquer leur exclusion.
zaines de nos militants dans un réel tra­ Notre presse aura en réalité comme
vail de masse, au sein même du mouve­ tâche de faire ressortir d’une façon com­
ment stalinien. préhensible pour les ouvriers et militants
Nous le suivrons ainsi dans toute son staliniens, la nécessité d’une orientation
évolution dynamique, déterminée par de classe, aussi bien pour affronter effi­
l’évolution de la situation internationale, cacement les préparatifs de guerre des
et nous serons placés dans les meilleures impérialistes que la guerre elle-même, et
conditions pour en profiter. dont la logique se fait sentir de plus
Une telle politique donnera dans l’im­ en plus par l’absurdité, l’échec continuel
médiat : un terrain de travail à plusieurs devant les réalités, l’impasse à laquelle
de nos militants, cçééra peu à peu parmi conduit la politique actuelle stalinienne.
les milieux des militants staliniens une La direction stalinienne elle-même subit
atmosphère de compréhension de nos po­ la pression de la situation, de sa logique,
sitions politiques fondamentales et de et cherche à sc dégager de l’impasse de
notre critique des contradictions et des sa propre politique. Mais naturellement,
erreurs fondamentales de la politique sta­ comme elle est prisonnière de saipolitique
linienne, l'enforcera même numérique­ passée, de la pression du Kremlin et de
ment notre organisation dans son ensem­ sa propre nature bureaucratique, elle
ble par l'apport d’éléments staliniens. n’y arrive que partiellement, confusé­
Je compléterai ces points par l’examen ment, bureaucratiquement d’une façon
de quelques problèmes particuliers posés saccadée et contradictoire.
par le travail en direction des ouvriers Exemple la façon dont elle veut ré­
et organisations staliniens. soudre la question de l’unité d’action et
Tout d’abord en ce qui concerne notie du front unique sur le plan syndical et
presse indépendante, son contenu, sa politique entre les réformistes et ses pro­
forme. Notre presse nous l’avons dit, doit pres forces.
être écrite avant tout pour aider le tra­ En France, par exemple, clic est sur
vail entriste, pour donner des directives cette question à mi-chemin entre une po­
politiques à nos forces travaillant à l’in­ litique correcte de front unique du som­
térieur, pour trouver le maximum d’écho met à la base, et une politique « troi­
parmi les ouvriers et militants staliniens, sième période » de front unique à la
pour faciliter leur progression politique. base.
Comme il s’agit d’organes ouvertement Les trotskystes ont une occasion,
trotskystes, et étant donné qu’ils s’adres­ comme ils n’en ont jamais eue, de parler
sent non à des ouvriers réformistes mais actuellement, aux ouvriers et militants
à des ouvriers révolutionnaires qui se staliniens, et de faciliter leur compréhen­
placent sur le terrain général du commu­ sion, leur évolution.
nisme, de la Révolution, qui ont les mê­
mes préoccupations et les mêmes buts En arrivant à la conclusion de ce rap­
que nous, nos organes ont. le devoir de port déjà trop long, je tiens à répéter
développer amplement toute notre poli­ que je ne considère pas, loin de là, avoir
tique, tous ses thèmes, faire la critique épuisé son sujet. Mais l’esprit de notro
claire, sans équivoques, concrète, de la tactique est clair, les lignes générales et
politique stalinienne, etc « sans autres des directives plus précises s’y trouvent
limitations que celles du langage et de la déjà.
forme qui doivent être étudiés de façon Pour le reste faisons confiance à l’éla­
à trouver- un écho grandissant parmi les boration collective de notre mouvement, à
ouvriers et militants staliniens ». l’esprit d’initiative et de souplesse de nos
A l’étape actuelle nous centrerons notre dirigeants et. cadres nationaux.
argumentation serrée, pédagogique, mais Nous sommes tous ici, je pense, ferme­
non équivoque et claire, sur le caractère ment convaincus que le 3* Congrès Mon­
utopique, réactionnaire, incompatible dial a libéré, plus que n’importe quelle
avec une efficace mobilisation de la autre assemblée et délibération interna­
classe et une lutte réelle contre la guerre, tionale de notre mouvement, ce dernier
des deux thèmes de la politique stali­ des dernières entraves sectaires, et que
nienne : la coexistence pacifique ; l’unité sa directive « d’achever de nous insérer
et l’indépendance nationales. dans le réel mouvement des masses » ne
Les arguments ne nous manquent pas sera pas déçue.
naturellement pour accentuer le doute qui Notre mouvement est en train de fu­

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Q U A T R I E M E I N T E R N A T I O N A L E

sionner et fusionnera effectivement tota­ nos positions pour le combat final. Nous
lement avec sa classe, la suivra dans sa n’avons pas une période très longue
marche naturelle., vivra son expérience devant nous pour accomplir cette tâche.
et l’aidera de son mieux à réaliser ses Les événements évoluent vite.
buts historiques, buts maintenant si Même s’il nous reste encore deux, trois
proches. ans — et même un peu plus — avant
Naturellement l’orientation que nous la lutte décisive, ceci n’est pas beaucoup
exigeons actuellement de l’ensemble de pour nous préparer. Au contraire il faut
notre mouvement ne va pas sans rencon­ agir vite, placer nos forces, agir dès
trer la résistance de l’inertie, des habi­ maintenant pour notre intégration par­
tudes, du passé, de l’incompréhension iné­ tout dans le réel mouvement des masses.
vitable d’une série d’éléments face aux C’est la raison pour laquelle les discus­
changements fondamentaux survenus du­ sions sur les applications tactiques de la
rant et après la guerre, et au caractère ligne du 3* Congrès Mondial ne peuvent
rapide, tumultueux du processus objectif pas traîner en longueur.
révolutionnaire de cette époque. Depuis déjà un an nous perdons dans
Des gens restent surpris, étonnés, qt se certains pa/ys un temps extrêmement im ­
débattent en vain pour faire entrer une portantj précieux, et nous aggravons
réalité nouvelle, riche, explosive dans des notre retard sur la réelle situation dans
schémas mentaux étroits et périmés. Ils ces pays.
se révoltent alors non contre les sché­ Comme l’ensemble du mouvement ou­
mas mais contre ceux qu’ils appellent les vrier, notre mouvement aussi souffre de
iconoclastes et les visionnaires. Ils réa­ la contradiction entre les exigences d'une
gissent, ils boudent, ils crient au scan­ situation plus extraordinaire que jamais
dale, ils s’accrochent à leurs schémas, ils et les insuffisances subjectives. Mais à
ne comprennent plus. l’encontre des autres courants dans le
Naturellement l'Internationale a le de­ mouvement ouvrier, qui bénéficient de
voir de patienter avec les retardataires, l’appui des masses, nous-même encore
d'expliquer et de réexpliquer sa ligne. à l’étape actuelle n'avons d’autre appui,
Cela, elle l’a fait, elle le fait, elle le fera. d’autre force principale, que la clarté et
Mais dans certaines limites. Elle ne pour­ l’ampleur de notre pensée, la rapidité et
ra pas, dans le but de persuader tout le la souplesse de notre action.
monde sur la justesse de sa ligne, accep­ L ’époque, la période, exigent du Parti
ter de retarder d’ici là son activité sur révolutionnaire, des dirigeants et des mi­
cette ligne. Il y a toujours un pourcen­ litants révolutionnaires plus capables,
tage de résidus dans le mouvement, com­ plus complets que jamais.
posé par des éléments usés ou travaillés
par des pressions et les forces ennemies, Elles exigent en réalité des partis de
qui ne comprendront plus jamais. Il y a cadres, c’est-à-dire des partis ayant un
toujours un fond sectaire — qui se dé­ nombre de plus en plus grand de cadres
cante surtout dams un mouvement comme ayant des vues larges et profondes.
le nôtre, longtemps isolé des grandes Notre mouvement devrait être dgjà ar­
masses — qu’on ne peut rééduquer avec rivé, tout entier, dans sa grande majorité,
des arguments. à un tel niveau pour affronter cette pé­
Il faut passer à l’action et laisser l’ac­ riode et accomplir ses tâches. H risque­
tion persuader ceux qui retardent. rait autrement de se broyer sous la pres­
Le 3* Congrès Mondial a abattu les sion énorme d’une situation sans précé­
dernières barrières de sectarisme dans dent, qu’il n’arriverait pas à comprendre,
notre action. Il s’agit maintenant d’aller et des tâches qu’il n’arriverait pas, sur­
de l’avant et d’occuper partout à temps tout par incompréhension, à accomplir.

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