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La genèse de la monnaie : les théories économiques face aux


enseignements de l’anthropologie et de l’histoire
par Pierre ALARY

| Éditions L’Harmattan | Cahiers d’économie politique

2009/1 - N° 56
ISSN 0154-8344 | ISBN 9782296086289 | pages 129 à 149

Pour citer cet article :


— Alary P., La genèse de la monnaie : les théories économiques face aux enseignements de l’anthropologie et de
l’histoire, Cahiers d’économie politique 2009/1, N° 56, p. 129-149.

Distribution électronique Cairn pour les Éditions L’Harmattan.


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LA GENÈSE DE LA MONNAIE : LES THÉORIES ÉCONOMIQUES
FACE AUX ENSEIGNEMENTS DE L'ANTHROPOLOGIE
ET DE L'HISTOIRE.

Pierre ALARY1

Résumé : Jevons a défini des principes théoriques mobilisés par les recherches contempo-
raines pour expliquer, dans un cadre normatif, la genèse de la monnaie. Nous vérifions dans
cet article si les contraintes qu'il identifie se retrouvent également dans une perspective his-
torique. Notre travail, une analyse comparative, montre que le désir d'échange ne constitue
pas le mobile d'action des agents dans les économies pré-marchandes. Ainsi, en l'absence de
désirs d'échanges, les contraintes identifiées par Jevons n'existaient pas dans ces économies
et, historiquement, la double coïncidence des besoins (par exemple) n'explique pas la genèse
de la monnaie.

Abstract: The genesis of money: the economic theories confronted to the anthropology
and history lessons
From a conceptual point of view, the Jevons' theory of money impacts the contemporary re-
search on money. The following paper checks if the constraints identified by this author ex-
plain the money genesis in a historical perspective. This comparative analysis proves that
exchanges are not a goad in pre-market economies. Therefore, in these economies, the con-
straints identified by Jevons do not exist and, historically, the double coincidence of want
(for example) does not explain the genesis of money.

JEL Classification : A1, B5, E4

1. INTRODUCTION

Les travaux de Stanley Jevons, "Money and the mechanism of exchange"


(Jevons, 1876), occupent une place singulière en économie. Ils formalisent claire-
ment des principes théoriques à l'origine de la genèse de la monnaie. Jevons repère
des relations d'échanges bilatérales où la monnaie n'intervient pas et il identifie les
contraintes immanentes à ce type de transactions : l'absence de double coïncidence
des besoins par exemple. Pour éluder ces contraintes et ainsi fluidifier les échanges
à l'origine des gains, les acteurs inventent la monnaie. Ce socle analytique, écono-

1. École Supérieure de Gestion, Paris

Cahiers d'économie politique, n° 56, L'Harmattan, 2009


Pierre Alary

mie de troc versus économie monétaire2, se retrouve également dans "On the origin
of money" (Menger, 1892).

La monnaie disparaît ensuite des analyses déterminantes en sciences économi-


ques. Dans le modèle Arrow-Debreu par exemple les échanges ont lieu sans mon-
naie. Cependant, la monnaie reste présente dans les débats et elle revient comme
objet de recherche à partir de la fin des années 1970. Les modèles de prospection
monétaire (MPM) démontrent la supériorité de l'équilibre monétaire (en termes de
satisfactions), son essentialité. Pour cela ils reprennent la dichotomie proposée par
les analyses précédentes (économie de troc versus économie monétaire). Dans ce
cadre la monnaie règle les frictions spécifiques au troc et elle facilite les échanges.
Trois types de frictions sont avancés : l'absence de double coïncidence des besoins
(Kiyotaki, Wright, 1989), (Kiyotaki, Wright, 1991), concept ancien mais toujours
valide, les difficultés de mémoriser toutes les transactions passées (Kocherlakota,
1998) et l'incertitude sur la qualité des biens (Williamson, Wright, 1994).

Méthodologiquement, les MPM se caractérisent par l'absence de différences


conceptuelles entre économies avec et sans monnaie. Elles possèdent les mêmes
fondamentaux (Cartelier, 2001a) : préférences, mode de production, de rencontre,
etc., car elles reposent sur le désir ou la nécessité d'échange. En effet, par hypo-
thèse, les agents ne peuvent pas consommer leur production (Bignon, 2001). Cette
hypothèse constitue la pierre angulaire de ces modèles dans la mesure où, si les
agents ne voulaient pas transacter, ils ne se coordonneraient pas autour d'un équili-
bre monétaire.

Cette hypothèse, relativement forte, est discutée dans un cadre historique et se-
lon John Hicks l'échange ne joue pas un rôle déterminant dans les économies non
marchandes, "l'économie sans marché se présentait donc sous un autre aspect … "
(HICKS, 1973, page. 24). Polanyi partage également cette analyse3. Les agents ne
possèdent pas les mêmes mobiles d'actions, "La prétendue tendance de l'homme au
troc et à l'échange est presque entièrement apocryphe" (page 72). Les conditions
d'une économie marchande "ne sont pas naturellement données dans une société
agricole; il faut les créer. Que la création soit progressive n'affecte en aucune façon
le caractère saisissant des changements impliqués. La transformation suppose chez
les membres de la société un changement de leur mobile d'action : le mobile de gain
doit se substituer à celui de la subsistance" (Polanyi, 1996, page 70). Ce dernier
élément de l'analyse de Karl Polanyi touche certainement un point de divergence

2. Économie de troc = économie marchande sans monnaie.


Économie monétaire = économie marchande monétaire.
3. "Par rapport à l'économie antérieure, la transformation qui aboutit à ce système est si totale qu'elle
ressemble plus à la métamorphose de la chenille qu'à une modification qui pourrait s'exprimer en ter-
mes de croissance et de développement continus". Polanyi, K., (1996), La Grande Transformation, Pa-
ris, Gallimard.

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La genèse de la monnaie

majeur entre l'état initial (économie de troc) imaginé à partir de l'état final et l'état
initial dans une perspective historique.

Grâce à une étude comparative, basée sur des exemples choisis dans la littéra-
ture anthropologique, historique et économique, ce travail vérifie la présence des
forces du marché (désir ou nécessité d'échange) dans une perspective historique. Si
l'échange ne constitue pas le moteur de l'action économique, historiquement, la
monnaie ne peut être la réponse aux difficultés de transactions.

Des niveaux d'abstraction différents caractérisent les approches historiques et


celle retenue dans les MPM. Pour ne pas les confondre, la première partie de ce tra-
vail s'interroge sur les économies antérieures aux économies marchandes pour les
distinguer des économies de troc. Ensuite, le rôle de la monnaie dans ces "écono-
mies antérieures" est analysé pour déterminer si les agents disposent du choix entre
le troc et la monnaie.

La seconde partie constitue le cœur de la démonstration. Elle confronte les


exemples effectifs (observables) aux hypothèses des MPM : un fort degré de spécia-
lisation, les agents ne peuvent pas consommer leur production, il existe un grand
nombre de biens, etc. Ces hypothèses traduisent sous différentes formes la même
idée centrale et nous ne les traiterons pas individuellement. En revanche nous discu-
terons l'idée centrale en question : le désir ou la nécessité d'échange. Ce désir ou
cette nécessité n'a pas constitué le mobile d'action économique des économies anté-
rieures aux économies marchandes et nous proposerons un nouveau concept pour
formaliser la force4 qui les anime. La dernière partie, à travers l'éventuelle possibili-
té de choix entre échanges et autarcie, se penche sur les possibilités et les limites
des MPM pour comprendre la monnaie dans un cadre effectif.

2. ÉCONOMIE DE PRODUCTION DOMESTIQUE VERSUS ÉCONOMIE DE TROC

La signification de certains concepts, sur lesquels repose ce travail, est parfois


plastique. Ces derniers ne traduisent pas toujours les mêmes phénomènes et cela
pose des problèmes méthodologiques. Pour éluder ces problèmes il semble impor-
tant de distinguer les concepts : d'économie de production domestique (EPD) et
d'une économie marchande qu'elle soit monétaire ou de troc. Le cadre analytique
ainsi précisé, la place de la monnaie dans les EPD sera présentée.

2.1. LE CONCEPT D'ÉCONOMIE DE PRODUCTION DOMESTIQUE

Le concept d'économie de troc (ET) formalise les principes de fonctionnement


d'une économie marchande sans monnaie. Dans les MPM par exemple, ces écono-

4. L'analogie aux forces du marché guide le choix du terme force.

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Pierre Alary

mies sont connexes ou minimalement connexes5 (Iwai, 1997). Le troc ne permet pas
le développement des échanges et ces derniers sont réduits voire absents. Cette sin-
gularité des ET, les échanges de marchandises y occupent une place congrue, se re-
trouve également dans les économies antérieures aux économies marchandes (dans
une perspective historique). Cependant, malgré ce trait commun, les deux types
d'économies se distinguent nettement. Les premières sont imaginées pour dévelop-
per un raisonnement logique, les secondes sont observables.

Notre analyse repose sur les économies observables que nous qualifierons
d'économies de production domestique6 à la place d'économies antérieures. Cepen-
dant, un modèle "pur" n'existe pas réellement dans une perspective historique
(Hicks, 1973) et pour contourner ce problème la logique dominante sera considérée.

Notre démarche nous plonge dans une abondante littérature consacrée aux éco-
nomies rurales. Les cas sont multiples et touchent à des royaumes (Braudel, La-
brousse, 1993), des dynasties (Rider, 2001), des pharaonies (Menu, 2002), des
communautés (De Coppet, 1998), qu'elles soient agricoles (Baudran, 2000) ou de
chasseurs-cueilleurs (Sahlins, 1976). Nous mesurons parfaitement les différences
entre ces sociétés et notre travail ne cherche pas à identifier la diversité et la com-
plexité de leurs modes de fonctionnement économique. Au contraire, nous voulons
dégager des récurrences, des mécanismes communs pour démontrer notre propos.

Dans une EPD, l'autosubsistance est la première issue (et raison) de la produc-
tion et elle constitue la première source d'approvisionnement. En d'autres termes,
l'autoconsommation motive avant tout la production et satisfait avant tout la
consommation. Production et consommation sont synchronisées et l'autosuffisance
est un mobile déterminant de l'organisation économique.

5. Dans une économie connexe les échanges de troc sont difficiles et dans une économie minimale-
ment connexe ils sont impossibles.
6. M. Salhins s'intéresse aux sociétés de production domestique et ce concept et son nom furent inspi-
rés par ses travaux.

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La genèse de la monnaie

Cependant, l'autarcie7 complète n'existe pas (Cartelier, 1996) et le concept


d'EPD n'exclut pas des échanges. Les agents échangent mais ils ne le font pas pour
maximiser une utilité ou un profit. Les échanges répondent à une autre logique,
qu'ils aient lieu au sein de la communauté, entre communautés ou avec un éventuel
pouvoir (royaume, etc.). Par exemple, les militaires ou les fonctionnaires dans la
Chine féodale, dans l'empire Incas (Thurnwald, 1933), dans l'empire Ottoman
(Yildirim, 2000), au Moyen-âge en France (Braudel, Labrousse, 1993)8,(Fourquin,
1975), à Phongsaly à la fin du XXe (Alary, 2006), sont obligés d'échanger pour se
nourrir. Ces échanges sont organisés par le pouvoir9 et les agents (militaires, fonc-
tionnaires) dépendent de la capacité de ce dernier à les approvisionner. Le pouvoir
dépend également de la fidélité des agents et il maîtrise les transferts de biens pour
asseoir son autorité. Hicks (1973) qualifie ces économies d'autoritaires et Thurna-
wald (1933) présente ces échanges comme un élément de la relation de don contre
don (entre le pouvoir et ses subordonnés) dans la mesure où le souverain conserve
dans ses magasins de multiples biens pour les distribuer à l'armée, aux fonctionnai-
res, etc. Selon ce dernier auteur et selon Polanyi, la redistribution, au sens de Mali-
nowski (1922), joue une fonction économique essentielle.

Par ailleurs, la présence des agents du pouvoir est l'une des seules formes de
division sociale du travail, mais cette dernière ne correspond absolument pas à une
logique marchande. L'essentiel des agents satisfait ses besoins sans recourir aux
échanges.

Dès lors, les EPD sont avant tout organisées pour permettre l'autosubsistance
de la population, même si la reproduction du pouvoir passe souvent par des échan-
ges. Dans les EPD, l'économie n'est absolument pas désencastrée, en revanche l'au-
tosubsistance occupe un rôle crucial. Elle rythme le mode de reproduction sociale

7. Nous retenons une définition extrêmement générique de l'autarcie. L'autarcie caractérise un mode
d'organisation où les unités consomment leurs productions. La production des unités de production ne
dépasse pas leur niveau de consommation. Ces dernières ne dégagent pas un excédent de biens. Le
concept d'autarcie dépend de l'entité choisie, une nation, une région, un foyer, peuvent vivre en autar-
cie. Nous considérons l'autarcie du point de vue de l'unité familiale : le foyer. Les productions des
foyers ne dépassent pas leurs consommations et ils ne consomment que leurs productions. Certes, l'au-
tarcie complète n'existe pas et un foyer échange toujours, même en quantité extrêmement faible. En
revanche et ce point est central dans un régime autarcique, l'autoconsommation constitue le premier
objectif de la production pour un foyer. L'organisation des systèmes de production ne repose pas sur
les échanges de biens et ils restent accessoires. Dans un environnement autarcique, la disparition des
quelques échanges présents affecte assez peu le mode d'organisation de la société.
8. Braudel semble ne pas suffisamment distinguer le commerce au long cours (les marchés) du mar-
ché. Cependant, même s'il ne formalise pas clairement les différences, ses descriptions montrent clai-
rement que les marchés qu'il étudie se distinguent du marché autorégulateur.
9. Une signification usuelle est attribuée à pouvoir et il englobe les entités supra individuelles préci-
tées. À l'échelle communautaire il existe également des formes de pouvoir et pour lui donner une as-
sise, certains biens s'échangent (cf. Mauss M. (2002)). Le divin représenté par les individus dominants
joue alors un rôle déterminant.

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Pierre Alary

de la majorité des acteurs. Elle est un mobile d'action, comme l'échange (avec le
profit pour but) est un mobile d'action des ET ou des économies monétaires.

2.2. LES MONNAIES ET LES ÉCONOMIES DE PRODUCTION DOMESTIQUE

Le statut de la monnaie est sujet à controverse et selon le type d'approche son


rôle et sa définition changent. Pour les approches instrumentales, très succincte-
ment, elle facilite les mécanismes d'échanges, qu'elle soit définie par cinq fonctions
(Jevons, 1876), par trois fonctions (Stiglitz, 2001) ou encore par une fonction dans
les MPM. Dans ces modèles la monnaie est seulement un intermédiaire d'échange et
cette fonction suffit à démontrer son essentialité10.

Pour les approches institutionnelles, la monnaie participe aux processus de so-


cialisation, que le mode d'organisation soit marchand ou non, et la monnaie est dé-
finie comme un médium de reproduction sociale (Aglietta, Orléan, 1998), (Orléan,
2006).

L'étude des EPD semble donner raison au second type d'approche dans la me-
sure où des monnaies circulent et cela nous pose un problème de méthode. En effet,
nous démontrons que les hypothèses généralement retenues pour démontrer l'impor-
tance de la monnaie dans les économies marchandes n'existent pas dans les EPD.
Pour démontrer cette absence nous retenons des exemples où "paradoxalement" la
monnaie existe déjà. La question suivante vient alors à l'esprit : pourquoi ne pas
avoir choisi des économies effectives sans monnaie ; pourquoi les démonstrations
reposent-elles sur des exemples d'économies ayant une monnaie ?

D'une part, nous n'avons pas réussi à identifier un exemple de société sans
monnaie. En dehors de certains cas très particuliers, il ne semble pas exister d'éco-
nomies amonétaires (Klein, 1976), (Servet, 1994). Dès lors, nous nous sommes
contentés du matériau existant.

D'autre part, et cela explique l'omniprésence de la monnaie, "à tout social diffé-
rent monnaie différente" (Orléan, 2002, page. 333) et derrière chaque mode de re-
production sociale se cache une monnaie. Ainsi, les EPD, qui ne sont pas des
économies marchandes, possèdent une ou des monnaie(s) spécifique(s) à leur mode
d'organisation. Les monnaies ont des "propriétés" différentes et la monnaie des
économies marchandes ne peut prétendre à l'universalité (Servet, Theret, Yldirim,
2007). Dans ce contexte, les monnaies des EPD se distinguent nettement de l'inter-
médiaire d'échange présent dans les MPM. Dans ces modèles, les agents préfèrent
au troc un intermédiaire qui, tacitement, possède les "propriétés" requises pour faci-

10. La monnaie est dite essentielle dans un contexte où elle permet d'atteindre des allocations qui ne
seraient pas atteintes sous une autre forme d'organisation des échanges (Wallace, N., 2001).

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La genèse de la monnaie

liter des relations marchandes. Or, comme nous venons de le voir, les monnaies des
EPD permettent d'autres médiations et les acteurs ne peuvent pas les préférer au troc
pour des "propriétés" qu'elles ne possèdent pas. En d'autres termes, dans une pers-
pective historique les agents ne choisissent pas entre troc et monnaie et l'intermé-
diaire d'échange qui permet de maximiser une utilité ou un profit dans les MPM est
difficilement comparable aux monnaies des EPD.

Quoi qu'il en soit, qu'une monnaie circule dans les EPD n'invalide pas notre
démarche dans la mesure où : d'une part, ce type de monnaie n'entre pas en concur-
rence avec le troc ; d'autre part, notre travail ne porte pas sur la genèse de la mon-
naie en général. Nous voulons simplement démontrer que dans les EPD
(historiquement antérieures aux économies marchandes), les principes de fonction-
nement des économies marchandes sont absents. Ainsi, ils ne peuvent en rien cons-
tituer la "force première" à l'origine de la monnaie ou de son essentialité (dans les
économies marchandes).

NB: Les arguments mobilisés pourraient également éclairer la genèse du marché


dans la mesure où la même force se trouve à l'origine du marché et des instruments
qui facilitent les échanges. Ainsi, démontrer que les forces endogènes à l'origine de
la genèse de la monnaie sont absentes dans les EPD rebondit directement sur la ge-
nèse du marché. Cependant, notre travail n'étudie pas la genèse du marché, il s'inté-
resse uniquement aux dites forces avec l'objectif de participer au débat sur la
monnaie.

3. POUR ATTEINDRE L'AUTOSUBSISTANCE LES AGENTS PRODUISENT DE


NOMBREUX BIENS

L'hypothèse de concurrence entre troc et monnaie ne se vérifie pas dans les


EPD dans la mesure où les agents ne cherchent pas à faciliter les échanges.
L'échange n'est pas leur objectif, au contraire ils cherchent à produire l'ensemble
des biens nécessaires aux besoins du foyer. Ainsi ils ne dépendent pas de l'échange.
Dans ce contexte, d'une part ils ne cherchent pas à se spécialiser et ils produisent un
panel étendu de biens. D'autre part, peu de biens sont potentiellement échangeables
et peu d'agents sont disposés à échanger. Les agents jugent l'autosubsistance fon-
damentale et les choix individuels, dans un environnement institutionnel favorable,
convergent pour atteindre cet idéal.

3.1. DES STRATÉGIES INDIVIDUELLES GUIDÉES PAR L'OBJECTIF D'AUTOSUBSIS-


TANCE

Polanyi réfute l'idée qu'une tendance universelle à l'échange guide les rapports
de production. Selon lui cette tendance était étrangère aux agents des économies an-
térieures et il semblerait qu'elle soit absente dans les EPD. Dans les EPD, la logique

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Pierre Alary

de production est fortement guidée par le désir de satisfaire les besoins de consom-
mation alimentaire11 pour limiter les risques de disette (Newbery, Stiglitz, 1979),
(Squire, Strauss, 1986). Éviter la situation redoutée (manque de nourriture) consti-
tue la pierre angulaire des stratégies des unités de production (foyer) et celles-ci di-
versifient au maximum leurs ressources annuelles (Newbery, Stiglitz, 1979), (Sen,
1984). Dès lors, chaque unité de production produit une gamme de biens étendue
qui offre bon an mal an les ressources nécessaires à leur reproduction.

Cette stratégie est qualifiée de "Share cropping, risk sharing" par Newbery et
Stiglitz (1979). Une ou plusieurs productions rythment les campagnes agricoles, de
chasse, de cueillette, etc. Elles constituent l'ossature du système productif et une
multitude de productions variées (végétales, animales, issues de la cueillette, éle-
vage, chasse, pêche, etc.) disponibles dans le biotope12 leur est associée. Ce type
d'organisation repose sur l'exploitation d'un vaste spectre de produits complémen-
taires dont la présence assure un approvisionnement le plus régulier possible en
biens alimentaires (Clifton, 1970). Ce mode de production, où chaque foyer produit
un panel de biens étendu dans le biotope, sécurise les approvisionnements mais il
s'oppose à toute forme de spécialisation. En effet, cette dernière expose aux risques.
Si l'unique production ne donne aucun résultat, non seulement l'unité de production
se retrouve sans nourriture, mais, en plus, elle ne dispose d'aucun bien échangeable
pour obtenir la nourriture nécessaire. L'unité de production est dépourvue de res-
sources alimentaires palliatives et sa reproduction est remise en cause.

La peur d'un tel risque (ne pas disposer de ressources alimentaires) contraint
les acteurs à limiter toutes formes de spécialisation au profit d'une multitude de pro-
ductions. Dès lors, au sein d'un même écosystème, toutes les unités visent cet objec-
tif et produisent les mêmes biens alimentaires. Elles s'inscrivent toutes dans ce
schéma et l'acteur A par exemple récolte ses X en même temps que l'acteur B. L'in-
térêt d'échanger des X semblables à d'autres X est réduit. Par ailleurs, les bonnes
années tous les acteurs (ou presque) disposent d'un excédent d'X potentiellement
échangeable et les mauvaises années tous les acteurs (ou presque) recherchent po-
tentiellement des X.

Comme l'explique Salhins (1976), le transfert d'excédents à l'intérieur de la


communauté ne présente aucun intérêt, en revanche, les déficits sont impossibles à

11. Les besoins, sous-entendu les besoins en biens et en services, ne sont pas illimités. Au contraire,
des normes sociales les encadrent et ils sont avant tout conditionnés par les besoins alimentaires.
12. Une production multiforme se caractérise par la production d'un panel diversifié, très étendu de
biens à l'intérieur d'un environnement déterminé. La dynamique ne change pas ou peu d'un biotope à
l'autre (production multiforme), en revanche, la gamme de biens produits au sein d'un biotope est très
étendue. Par exemple, la production multiforme des économies de production domestique d'Afrique
équatoriale et de Mandchourie n'offre absolument pas les mêmes biens aux producteurs. Cependant, à
l'intérieur de chaque environnement, les acteurs utilisent le plus de ressources possibles.

136
La genèse de la monnaie

combler. Les acteurs ne visent donc absolument pas l'excédent, il est perdu quoi
qu'il en soit (peu de biens se conservent sur le long terme) et ils mettent tout en œu-
vre pour n'avoir aucun déficit : "Tout est fait pour satisfaire tous les besoins, tout est
fait pour produire la totalité du minimum de ces besoins" (Sahlins, 1976, pg.15). La
stratégie du "share cropping, risk sharing" bloque la spécialisation et les choix de
production dépendent uniquement des besoins de l'unité. Au sein des communautés,
la division sociale du travail13, fruit de la spécialisation, n'existe pas (Meillassoux,
1970), elle s'opère sur des critères de genre (Sahlins, 1976), d'âge, etc. Or, ces for-
mes de division du travail n'entraînent pas obligatoirement la spécialisation des uni-
tés de production14 (en général, hommes, femmes, jeunes, vieux, composent les
unités de productions). Ainsi, globalement toutes les unités produisent le même pa-
nel très étendu de biens aux mêmes périodes. Cette organisation de la production
garantit la sécurité alimentaire et les acteurs choisissent ce mode de production mul-
tiforme pour maximiser leur "sécurité". Pour cette raison, ils préfèrent l'autosubsis-
tance à l'échange vers lequel ils ne sont absolument pas tournés naturellement
comme le spécifiait Polanyi. Le désir d'échanges des acteurs des EPD n'est pas
contraint. Ces derniers ne désirent pas transacter et satisfaire, leurs besoins passent
avant tout par la synchronisation entre production et consommation.

Ce premier élément nous semble central. Parce qu'ils ne désirent pas échanger,
les agents produisent de nombreux biens pour satisfaire tous leurs besoins. Dès lors,
il ne peut pas y avoir de friction sans désir d'échanges. En revanche, ils cherchent à
minimiser les risques d'un défaut d'approvisionnement par l'autosubsistance et ce
désir guide le mode d'organisation des EPD. Minimiser les risques par l'autosubsis-
tance joue dans les EPD le rôle qu'occupe la propension naturelle à l'échange dans
l'analyse classique et néoclassique, ou bien la spécialisation dans les MPM. Dans ce
contexte, rien ne surprendra si les institutions des EPD sont avant tout conçues pour
atteindre cet objectif d'autosubsistance.

13. Le recours au concept de division sociale du travail (DST) peut sembler contradictoire avec l'ana-
lyse de la DST au § 2.1. Trois niveaux se dégagent lorsque nous abordons ce concept. Premièrement,
la forme de DST évoquée dans le § 2.1. est liée à l'administration du pouvoir et elle ne concerne pas
l'essentiel de la population, des paysans. Deuxièmement, au sein d'une communauté, d'un village, d'un
écosystème, elle est absente ou extrêmement réduite. Elle peut éventuellement correspondre à des ac-
tivités religieuses par exemple (chamanes, druides, etc.), mais les acteurs impliqués dans ces fonctions
se détachent assez peu des activités de productions de biens alimentaires. Troisièmement, ce dernier
cas renvoie à la note de bas de page n° 11 sur la production multiforme. L'écosystème où vivent les ac-
teurs entraîne des types de spécialisations. La production des Inuits au siècle dernier était très diffé-
rente de celle des Yanomanis, mais le commerce n'explique pas cette DST. Entre groupes sociaux,
généralement, elle résulte de différences géographiques, biologiques voire culturelles (Thurnwald,
1933) et ces différences expliquent certains échanges. Cependant, ce type de DST n'est pas le fruit d'un
désir d'échanges pour accroître des gains, la DST vient d'ailleurs (Hicks, J. R., 1973).
14. Globalement, selon des normes culturelles la proportion d'hommes et de femmes est sensiblement
équivalente d'une unité de production à l'autre.

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Pierre Alary

3.2. LES INSTITUTIONS COUTUMIÈRES STABILISENT DURABLEMENT LE


SYSTÈME AUTOSUBSISTANT

Comme dans toutes les sociétés, des institutions encadrent les actes sociaux.
Dans les EPD, des normes plus ou moins étendues ou spécifiques à un groupe
orientent les modalités de production. Cet encadrement vise l'objectif majeur préci-
té, sa pérennité et les individus maîtrisent l'allocation des facteurs de productions
dans ce cadre. En dehors de ce dernier ils ne sont pas libres15 d'affecter les facteurs
de production et, en supposant que des opportunités d'échanges durables existent, ils
ne pourraient pas obligatoirement les utiliser à ce dessein.

Des normes sociales pérennisent le système autosubsistant.

Le mode d'organisation "share cropping, risk sharing" assure à chaque unité


un approvisionnement le plus régulier possible en biens de consommation jugés né-
cessaires. Malgré cette stratégie, la vie demeure risquée au sein des EPD (maladies,
ravageurs, épizooties, etc.) et la couverture des besoins n'est pas toujours garantie.
En général, les liens de solidarité assurent alors l'approvisionnement minimum au
cas où un problème laisserait une unité sans ressources. À l'intérieur de chaque
communauté (village, groupe de villages, etc.), selon des modalités spécifiques, des
normes d'entraide "Kinship tie" (Huang, 1984) assurent un second niveau de protec-
tion.

Il existe une forme de mutualisation des risques et, pour éviter des stratégies
qui nuiraient à la cohérence globale du système, le groupe définit des normes d'at-
tribution des ressources qui permettent aux unités de produire "la totalité du mini-
mum". À ce dessein, la communauté légitime l'allocation des moyens de production
et en contrôle la gestion. Toutes choses égales par ailleurs, les mêmes mécanismes
se retrouvent dans les sociétés contemporaines occidentales16. Nous retiendrons

15. La pertinence du terme liberté ne constitue pas l'objet de cette discussion et nous considérons ce
mot tel qu'il est communément admis dans la littérature économique.
16. Les membres des sociétés où domine le rapport marchand dépendent également de la société et ils
gèrent leurs moyens de production à l'intérieur d'un cadre défini par leur société. L'influence de la so-
ciété à travers les lois, les règles, les normes sociales, les conventions, etc., est tout aussi présente que
dans les EPD. Les individus intègrent les règles et s'estiment libres même s'ils respectent des règles
contraignantes. Les acteurs des EPD intègrent les normes de leur société et ne s'estiment pas davantage
privés de liberté en respectant les normes, même si les normes limitent les possibilités individuelles de
production. Par exemple, une société où domine le rapport marchand est risquée (chômage, maladie,
vol, etc.). La société protège les acteurs qui acceptent ses règles, mais parallèlement, elle leur impose
des normes. Les acteurs doivent souscrire des assurances. Pour être assurés, ils doivent installer une
alarme dans leurs bâtiments, véhicules, etc. Les acteurs ne sont pas libres d'affecter leurs moyens de
production et leurs ressources selon leur bon vouloir, ils doivent se conformer aux règles de la société
pour jouir de sa protection.

138
La genèse de la monnaie

deux exemples pour illustrer la manière dont le mode de gestion permet à toutes les
unités de disposer du minimum. Ces exemples montrent également le cadre que
constituent les normes sociales par rapport aux possibilités de production17.

En France, dans certaines régions, au Moyen-âge, la gestion du foncier était


plus ou moins communautaire. Les paysans cultivaient leurs terres et les mettaient
en jachères par la suite. La jachère constituait une réserve fourragère accessible aux
animaux des membres de la communauté (Mazoyer, Roudart, 1998). Ce phénomène
se retrouve au Nord Laos (Alary, 2006). Les communautés de riziculteurs de plai-
nes exploitent leurs rizières individuellement et une fois l'unique récolte annuelle
prélevée, les animaux de la communauté broutent indifféremment les rizières assé-
chées. Un foyer qui se spécialiserait dans la riziculture irriguée avec plusieurs récol-
tes par an devrait interdire l'accès de ses parcelles aux animaux des autres membres
de la communauté. Il priverait les autres d'un droit sur ses terres et, de fait, il s'in-
terdirait l'accès aux parcelles des autres. Comme le riz occuperait ses parcelles toute
l'année, il ne disposerait plus de ressources fourragères pour son bétail. Un tel choix
le priverait d'une ressource, l'élevage (logique opposée au "share cropping, risk
sharing"), et en même temps de la force de traction bubaline. De plus, comme dans
toute société, rompre avec les lois d'un groupe est perçu comme une atteinte à l'or-
dre établi (Platteau, Abraham, 2001) (Malinowski, 1968) et le contrevenant s'expose
généralement à l'ostracisme voire aux représailles. Cette dernière raison, périphéri-
que à notre analyse sur l'encadrement des normes de production, ne sera pas appro-
fondie dans cet article. Cependant, elle peut également être mobilisée pour conforter
notre argument.

Retenons l'hypothèse favorable (l'ostracisme) :

• Soit les résultats de la spécialisation comblent les attentes de l'unité. Celle-


ci échangera sa production pour obtenir les biens alimentaires qu'elle ne
produit plus (la viande car elle ne possède plus de terres pour nourrir du bé-
tail) et la force de traction des animaux (elle ne peut plus nourrir les ani-
maux de trait).
• Soit les résultats de la spécialisation déçoivent pour de multiples raisons et
elle n'a pas la production échangeable pour acquérir ses moyens de subsis-
tance. Ostracisée par son choix de stratégie individuelle opposée aux lois du
groupe, l'unité de production ne bénéficiera pas de l'assistance de la com-
munauté et elle se retrouvera sans ressources.

Ainsi, se démarquer d'un mode de fonctionnement entraîne des tensions entre


le contrevenant et sa société. Les agents ne se spécialisent pas pour entrer sur

17. Indépendamment du lieu, de nombreuses EPD fonctionnent ainsi, même s'il est toujours possible
de trouver des contre-exemples.

139
Pierre Alary

d'éventuels marchés parce qu'ils ne disposent pas librement des moyens de produc-
tion. Dès lors, l'évolution du mode de production est difficilement envisageable sans
l'accord plus ou moins direct du groupe.

Les facteurs de productions sont légitimement alloués pour atteindre


l'autosubsistance.

L'attribution des facteurs de productions repose sur des normes peu favorables
à une dynamique ayant le gain pour mobile et à l'origine de la spécialisation. Les
essarteurs de la province de Phongsaly à la fin du XXe par exemple gèrent le foncier
en commun (Baudran, 2000), (Jouanneau, LAFFORT, 1997), tout comme les
paysans de Nouvelle-Guinée au milieu du XXe (Godelier, 1996) ou encore les
paysans russes au début du XXe (Paucelle, 2005), (Tchayanov, 1990). L'accession à
ce bien particulier est codifiée, normée et dépend des liens des acteurs avec le pou-
voir, des besoins alimentaires des unités de production, etc. Dans ce dernier cas, les
unités sont souvent autorisées à cultiver en fonction de leurs besoins d'autosubsis-
tance et non en fonction de leur capacité de production. Id est : une unité familiale
constituée de cinq personnes actives ne sera pas obligatoirement mieux dotée qu'une
unité de production dotée de deux actifs et trois inactifs. Pratiquement, de telles dis-
positions se traduisent par une moyenne annuelle d'heures ouvrées relativement fai-
ble. En général, les paysans travaillent peu, deux, trois, quatre heures par jour en
moyenne (Sahlins, 1976), mais ces moyennes ne doivent pas masquer un écart-type
considérable. Selon les périodes, l'activité est plus ou moins intense et parfois la
disponibilité en main d'œuvre limite la capacité de production (à l'intérieur d'un sys-
tème de production stable). Quoi qu'il en soit, légitimement, un foyer dont la dispo-
nibilité en main oeuvre est importante n'aura pas obligatoirement le foncier pour
s'employer dans une activité spécifique et destinée à l'échange. Le choix entre tra-
vail et non-travail ne repose pas sur les paramètres énoncés dans une société de
production marchande (le gain), mais il s'inscrit dans un cadre tout aussi rigide, où
la satisfaction des besoins alimentaires de tous les individus est jugée primordiale.
Dès lors, l'attribution des moyens de production est régulée à cette fin. La commu-
nauté ne les alloue pas pour permettre aux actifs d'exploiter des ressources dont le
produit est destiné à des marchés. Le cadre institutionnel ne légitime pas un mode
d'appropriation des facteurs de production qui permettrait à une unité, indépen-
damment des autres unités, d'augmenter le temps de travail pour se spécialiser dans
une production destinée à l'échange.

Que la gestion du foncier soit l'objet d'un mode de gestion qui assure généra-
lement une stabilité sociale ne semble pas surprenant. La terre et le travail sont des
facteurs de productions, deux des trois biens fictifs (Polanyi, 1996), qui permettent
l'autosubsistance. La terre offre à toute force de travail qui y accède une autonomie
vis-à-vis de l'échange.

140
La genèse de la monnaie

3.3. LA "FORCE" DES EPD À L'ORIGINE DE L'AUTOSUBSISTANCE

Un premier principe théorique se dégage de l'analyse du rapport à la produc-


tion des EPD. La production est avant tout organisée pour garantir la sécurité ali-
mentaire par la synchronisation entre production et consommation. Cet objectif de
sécurité par l'autosubsistance guide le mode d'organisation des EPD et nous le qua-
lifierons d'autarkoïkos. Autarkoïkos est un néologisme construit à partir de deux
mots de grec ancien, autarkeia et oikos.

Autarkeia traduit l'indépendance matérielle par rapport à l'extérieur pour éviter


les aléas, les risques. Ce concept traduit exactement l'idée qui nous préoccupe : pour
éviter les risques liés à un défaut d'approvisionnement en biens indispensables
(nourriture), les foyers produisent tous les biens nécessaires et ainsi ils atteignent
l'autosubsistance. Cependant, ce terme d'autarkeia ne spécifie pas si l'unité de pro-
duction et de consommation retenue se limite au foyer, à une communauté, à un
Royaume, à un Etat, etc. Or dans le cadre de nos recherches, la dimension de l'unité
a une importance capitale, elle est constitutive du concept que nous avons établi. En
effet, la "force" qui bloque le mécanisme d'échange (pour limiter les risques) prend
corps au sein de l'unité de base des EPD, le foyer, la maisonnée. Cette force n'a au-
cune signification à l'échelle d'un Royaume, où, au contraire, les échanges sont né-
cessaires pour stabiliser le pouvoir. Ainsi, il manque à l'autarkeia la dimension qui
traduit la taille de l'unité dans la mesure où la "force" est fondée microéconomi-
quement.

Oikos désigne le foyer, la maisonnée et ce terme permet de spécifier ce fonde-


ment. L'oikos est l'unité de base à laquelle chaque personne est rattachée dans la so-
ciété grecque, elle comprend le chef de famille, sa famille et les esclaves vivant
sous le même toit.

Le concept d'autarkoïkos18 traduit donc la force présente dans les foyers qui,
pour limiter les risques, aiguillonne les acteurs vers l'autosubsistance.

Atteindre cet "état" constitue une préoccupation de tout premier ordre et cela
entraîne d'une part une grande diversité de production au sein de l'unité, logique
diamétralement opposée à la logique de spécialisation et d'autre part une allocation
des facteurs de production orientée pour satisfaire ce dessein. Dans ce contexte, les
acteurs ne conçoivent pas l'échange comme une "source" d'approvisionnement du-
rable et les EPD sont donc organisées pour que l'autosubsistance permette d'attein-

18. Étymologiquement économie provient d'oikos.


Le concept d'autarcie dérive d'autarkeia, mais il n'en conserve pas l'intégralité du sens. Il a perdu la
notion : éviter les aléas. Pour le concept d'autarcie, la synchronisation peut s'expliquer par de multiples
raisons mais pas obligatoirement par le désir de limiter le risque. Or cette idée est centrale pour notre
concept.

141
Pierre Alary

dre la sécurité. En revanche, dans les économies marchandes, où la survie des ac-
teurs dépend de l'échange, les risques sont potentiellement importants (risques de la
séparation marchande) et un niveau minimum de sécurité conditionne la viabilité du
système marchand. Ainsi ces dernières économies se dotent d'institutions qui garan-
tissent le niveau nécessaire à son fonctionnement. Cependant le concept d'autarkoï-
kos ne doit pas être confondu avec la notion d'aversion aux risques. En effet, cette
dernière prend corps à l'intérieur d'un cadre marchand où les individus désirent
échanger. Dans ce contexte, ils saisissent les opportunités d'échanges (investisse-
ments, paris) en fonction de leurs préférences pour un gain relativement sûr ou plus
important mais aléatoire.

Par ailleurs, et pour revenir aux EPD, il est fort possible que les acteurs n'ima-
ginent pas que transacter puisse devenir un moyen d'approvisionnement fiable sous
certaines conditions. En effet, les forces "intérieures" (autarkoïkos) poussent à la
synchronisation et il n'y a pas de forces endogènes qui orientent vers l'échange pour
accroître le gain. Tel qu'il est conçu dans les économies marchandes, l'échange sort
du cadre conceptuel des agents des EPD. Dès lors, ils ne peuvent pas adhérer spon-
tanément à la généralisation de ce dernier dans la mesure où ils ignorent tout des
avantages éventuels. Par ailleurs, cette difficulté d'adhésion à un état inconnu ne
semble pas spécifique aux EPD. En effet, elle se remarque, ou une logique analo-
gue, dans d'autres contextes pour expliquer des évolutions bien différentes. Aux
États-unis dans les années 1930 par exemple, il n'existait pas de mécanismes endo-
gènes pour assurer l'émergence des conventions fordiennes (Boyer, Orléan, 1991),
dans la mesure où les ouvriers en ignoraient les avantages. Ainsi ils n'adhéraient pas
spontanément à ces dernières.

Les études de cas traduisent clairement cette absence de forces endogènes. El-
les ne peuvent donc pas expliquer l'évolution des EPD en économies marchandes.
Au contraire, ces forces sont exogènes et l'adhésion à ces dernières, généralement
considérée comme un processus pacifique, fut au contraire violente. Rompre avec
les institutions antérieures rencontra de nombreuses résistances, les agents étaient
viscéralement animés par l'objectif d'autarkoïkos tel que le montrent les exemples :
de l'ancien régime en France (Fourquin, 1975), des enclosures au Royaume-Uni
(Marx, 1993), de l'Afrique à travers la colonisation (Servet, 1984), (Challaye,
2003), (Conan Doyle, 2005), (Gide, 1992). Les agents ne voulaient pas quitter l'au-
tosubsistance, la sécurité qu'elle offrait leur était trop chère et ils s'opposaient farou-
chement à produire pour échanger. Seuls la coercition (impôts), les châtiments
corporels, les exactions, voire les crimes les forcèrent à produire pour les marchés
naissants. Dans le bassin du Congo, les récits de Challaye, Conan Doyle et Gide
sont éloquents. Les colons usèrent d'une violence presque illimitée pour créer la
propension dite naturelle à l'échange au détriment de leur propension socialement
construite à l'autosubsistance.

142
La genèse de la monnaie

4. LES MODÈLES DE PROSPECTION MONÉTAIRE PERMETTENT-ILS DE


COMPRENDRE LA MONNAIE DANS UN CADRE EFFECTIF ?

La réponse à cette question serait positive si les différences entre économie de


19
troc et EPD étaient négligeables au regard de ce qui leur est commun. Or nos ana-
lyses montrent que les différences sont substantielles. De plus, les MPM s'intéres-
sent aux choix entre équilibre de troc et équilibre monétaire et notre travail porte sur
la force à l'origine du choix. Les agents veulent-ils échanger ou pas ? Si oui, ils re-
cherchent les moyens pour faciliter les échanges, sinon la recherche de ces moyens
n'a pas de sens. Ainsi, paradoxalement, le choix sur lequel devrait porter ce travail,
l'autarcie versus l'échange, n'est le problème ni des MPM, ni des EPD. Pour les
premiers les agents ne peuvent pas consommer les biens qu'ils produisent (Bignon,
Compain, 2001) et ainsi la nécessité d'échanger est fixée par hypothèse. Pour les se-
condes, la logique d'autarkoïkos stabilise un mode de fonctionnement autosubsistant
et la possibilité de s'orienter vers une économie marchande n'est même pas envisa-
gée.

Ainsi, quel que soit le type d'analyse, les problèmes de choix entre autosubsis-
tance et marché ne se posent pas, comme le résume le tableau ci-dessous.

19. Nous traitons uniquement les économies de troc dans les modèles de prospection dans la mesure
où ce concept y est suffisamment stabilisé. Dans d'autres analyses, celle de Jevons par exemple, la no-
tion d'économie de troc est équivoque et change de perspectives selon les besoins de ces démonstra-
tions (Alary, P. 2008).

143
Pierre Alary

TABLEAU N°1 : L'ABSENCE DE CHOIX DES AGENTS.

Absence de choix

Il ne consomme pas sa Troc. Marchés absents ou


production Frictions peu développés
Agent d'une
• Il produit peu de
économie de
biens
troc
• De nombreux biens
Monnaie.
sont échangeables Les marchés se déve-
Absence de fric-
loppent
tions

Il consomme sa produc-
tion
• Il produit tous les
Agent d'une biens nécessaires Autosubsistance
EPD • Les biens indispen-
sables sont exceptionnel-
lement échangeables

Monnaies qui ne servent pas la relation marchande


NB : Même si notre propos ne porte pas sur les raisons à l'origine de l'évolution des EPD
en économies marchandes, nous suggérons qu'elle résulte d'un choc exogène fort (interven-
tion d'un nouveau pouvoir, fiscalité dans une monnaie qui permet le rapport marchand,
etc.). Ainsi, nous ne faisons pas évoluer la case autosubsistance.

Appliquer les MPM à un cadre effectif achoppe certainement sur cette absence
de choix. Les agents, dans les MPM, doivent échanger. Qu'un modèle basé sur les
choix individuels fixe de façon exogène ce choix a priori important semble étrange
à certains auteurs (Cartelier, 2001b). Pour pallier ce problème cet auteur endogé-
néise ce choix et obtient un résultat intéressant. D'une part il abonde dans notre
sens, mais d'autre part, son travail repose sur des bases très différentes.

• Si le choix entre autarcie et économie de marché s'offre aux agents, ils pré-
fèrent l'autarcie (Cartelier, 2001b). En effet, la spécialisation implique une
condition forte. Pour qu'un agent sorte de l'autarcie (se spécialise), l'écart
entre les coûts d'un bien qu'il produit, dont l'utilité est importante, et les au-
tres biens doit être élevé. Si tel n'est pas le cas, les individus n'ont pas inté-
rêt à se coordonner sur un équilibre monétaire et ils choisissent l'autarcie.
Les conclusions de Cartelier et les nôtres convergent : le régime autarcique
est stable.
• En revanche, nos analyses reposent sur une différence fondamentale. Pour
Cartelier, chaque individu détermine ses préférences en fonction des coûts,

144
La genèse de la monnaie

des prix et cela suppose une logique absente des EPD. En effet, dans ces
dernières les agents ne raisonnent pas en termes de coûts, de prix, dans la
mesure où il n'existe pas de système de prix pour comparer les avantages re-
latifs que procurerait l'échange (Alary, 2006), (Bohannan, 1959). Ils raison-
nent en fonction de leur désir d'autosubsistance et donc en dehors de toute
référence aux mécanismes d'échanges. Ainsi, les grandeurs nécessaires aux
choix des agents dans le modèle de Cartelier n'existent pas dans les EPD.

Par rapport aux questions monétaires, notre travail et les MPM ne posent pas
les mêmes questions et ne reposent pas sur les mêmes bases analytiques. Nous ne
nous intéressons pas aux choix entre équilibre de troc et équilibre monétaire et pour
étudier la monnaie nous nous penchons sur les premiers pas de la dynamique : l'ab-
sence ou la présence des forces du marché à l'origine de la genèse. Les MPM postu-
lent ces forces et ainsi mettent en relief tous les problèmes qu'élude la monnaie dans
un système marchand sans monnaie. Ils montrent son essentialité et offrent un éclai-
rage intéressant à ce titre. En revanche, ils ne permettent pas de comprendre la
monnaie dans un cadre effectif où les échanges sont peu développés (les économies
de production domestique).

5. CONCLUSION

L'analyse comparative ci-dessus montre la spécificité des économies de pro-


duction domestique, historiquement antérieures aux économies marchandes. Elles
ne possèdent pas les conditions propices à l'émergence endogène de la monnaie
dans la mesure où les individus ne recherchent pas l'échange. L'échange n'est pas un
moyen fiable et durable pour approvisionner en biens jugés nécessaires. Au
contraire, le désir de synchroniser production et consommation pour limiter les ris-
ques d'un défaut d'approvisionnement en constitue la force interne : l'autarkoïkos.
Ce désir aiguillonne les acteurs et, au sein de l'unité de production, la production est
essentiellement organisée pour atteindre cet objectif. La crainte de ne pas produire
tous les biens nécessaires pousse donc les unités à une diversification maximale
pour éviter les risques spécifiques aux logiques de spécialisation (insécurité de la
relation marchande). Cette logique bloque toute forme de division sociale du travail
et les seuls types de divisions du travail existants reposent sur des critères de genre,
d'âge, géographiques, etc. Chaque unité de production tente de satisfaire ses besoins
de consommation en produisant elle-même.

Les logiques qui animent les économies marchandes avec ou sans monnaie et
celles des EPD s'opposent. Pour les premières, l'échange constitue le point de départ
et le mode d'organisation dépend de ce désir. Pour les secondes, la synchronisation
représente ce point et les échanges ne jouent qu'un rôle accessoire, contingent, oc-
casionnel et jamais ils n'entrent en conflit avec l'autosubsistance. Dans une perspec-
tive historique, ou anthropologique, l'autarcie (la synchronisation) ne s'explique pas

145
Pierre Alary

par l'absence d'instruments comme la monnaie. Cette dernière ne peut pas être appa-
rue pour faciliter les échanges dans la mesure où les forces du marché sont absentes.
Dans les économies effectives, les frictions identifiées par les auteurs présentés en
introduction n'ont guère de place et leurs modèles théoriques n'expliquent en rien la
genèse historique de la monnaie.

Quoi qu'il en soit, en s'intéressant à l'organisation de la production, notre ana-


lyse démontre pourquoi les échanges n'ont pas réellement de place pour approvi-
sionner les foyers. Notre travail s'attaque aux principes premiers et il serait
également intéressant d'observer, selon la même méthodologie (confronter aux en-
seignements de l'anthropologie et de l'histoire), l'organisation des échanges. Ce tra-
vail mettrait peut-être en avant un mode d'organisation qui enferme les échanges
dans un cadre étroit. Les échanges sont organisés pour permettre une organisation
éloignée de l'organisation marchande et ils ne sont pas contraints par des frictions.

146
La genèse de la monnaie

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