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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
I. Chronique et alliage de genres

La chronique et l’essai : analogies et interdépendances


Crónica y ensayo: analogías e interdependencias
Fernando Aínsa
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

Les Chroniques de la Conquête de l’Amérique hispanique – mêlant récit épique et représentation didactique sous les
espèces d’un proto-essai – avaient fondé un genre qui a constitué une longue tradition en Amérique latine et qui s’est
ramifié dans le journalisme, avec les différentes formes que celui-ci assume (articles de fond, articles d’opinion,
rubriques d’actualité, éditoriaux, « tableaux de mœurs », « scènes pittoresques ») et dans l’essai, genre qui revêt
également des caractères propres à l’Amérique comme le signalait Germán Arciniegas en en rappelant les origines,
notamment les textes publiés par Montesquieu sur le Nouveau Monde : « L’Amérique est déjà par elle-même un
problème, un essai de monde nouveau, quelque chose de tentant, de provoquant, un défi à l’intelligence ».
Cette communication établit des analogies entre ces deux genres, soulignant leur interdépendance et leur projection
dans l’époque actuelle.

Las Crónicas de Indias –al mezclar la épica con la didáctica como especie proto-ensayística– fundan un género de
larga tradición en América Latina, con ramificaciones en el periodismo y las diferentes formas que éste asume
(artículos de fondo y de opinión, crónicas, columnas, editoriales, «cuadros» y «estampas») y el ensayo, género que
también se identifica con América como bien señalara Germán Arciniegas al recordar su origen y los textos que
Montesquieu publicara sobre el Nuevo Mundo: «América es ya, en sí, un problema, un ensayo de nuevo mundo,
algo que tienta, provoca, desafía a la inteligencia».
La presente ponencia establece algunas analogías e interdependencias entre ambos géneros y su proyección actual.

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Entrées d’index
Mots-clés :

genre littéraire, essai, interdépendance de genre, nouveau journalisme


Palabras claves :

género literario, ensayo, interdependencia genérica, nuevo periodismo


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Plan
Une origine commune
Une modalité textuelle transgénérique
Savoir « être là »
Les échos d’une catastrophe réelle
Au temps présent, de préférence
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Texte intégral
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O ya no entiendo lo que está pasando


o ya no pasa lo que estaba entendiendo.
Carlos Monsiváis

1La chronique est à la mode. Les auteurs contemporains qui en écrivent – Juan Villoro, Leila Guerriero, Jorge
Carrión, Martín Caparrós, Carlos Franz, entre autres – sont publiés dans des pages de revues, de magazines et de
quotidiens, popularisant un genre qui est dénommé tour à tour « récit journalistique » et « journalisme littéraire »,
c’est-à-dire des travaux de journaliste faits par des moyens propres à la littérature, ou, pour le dire autrement, des
écrits littéraires dont la fonction est l’information, « des recherches journalistiques visant au statut littéraire ». La
présence croissante de cette « non-fiction » dans ce qui était territoire exclusif du récit littéraire (nouvelle et roman)
y incorpore l’expérience directe de la réalité : le témoignage, la biographie, les mémoires, les essais et maintenant les
blogs donnent un genre hybride où se combinent le savoir-faire du journaliste et celui de l’écrivain. Ce nouveau
genre est consacré par des manifestations diverses – colloques, symposia, numéros spéciaux de revue, anthologies,
ouvrages collectifs –, une critique spécialisée est à l’œuvre. Certaines maisons d’édition ont même créé des
collections qui y sont destinées, variant des modalités comme les chroniques de voyage, le reportage romancé,
l’interview, les travaux d’anthropologie et de psychologie, ou des « travestissements », comme c’est le cas de Günter
Wallraf dans Tête de Turc (Ganz unten, 1985) qui s’est grimé en travailleur immigré pour vivre la condition d’un
Turc en Allemagne, ou celui du Chilien Juan Pablo Meneses, dans Hotel España (2010), qui, plaçant la chronique de
voyage à travers le continent américain sous la gageure de ne faire étape que dans des établissements appelés Hôtel
Espagne, définit cette modalité originale du genre comme « journalisme portatif ».

2La chronique contemporaine a puisé ses modèles aux États-Unis, dans le New Journalism popularisé par la revue
Granta, les magazines The New Yorker (dès les années 1920) ou Esquire et l’hebdomadaire The Village Voice ; elle
revêt dans les récentes décennies des modalités propres et se voit offrir par le contexte social, économique et
politique latino-américain des supports nouveaux avec des revues comme Orsai, Panenka, Anfibia, Gatopardo, El
Malpensante, Marcapasos, Pie izquierdo, Etiqueta Negra, FronteraD. C’est Tom Wolfe qui, en 1972, a baptisé
« nouveau journalisme » ce qu’écrivaient de grands reporters de cette époque, tels que Norman Mailer, Truman
Capote, Susan Sontag et Wolfe lui-même, et le flambeau a été repris en Amérique latine par Carlos Monsiváis, Elena
Poniatowska, Gabriel García Márquez, Edgardo Cozarinsky et Rodolfo Walsh (auteur du « roman témoignage »
Operación masacre, 1957, et disparu en 1977, victime de la dictature argentine). Elle se poursuit aujourd’hui sous la
plume d’Alberto Fuguet, Pedro Lemebel, Cristián Alarcón, Edgardo Rodríguez Juliá, Rodrigo Fresán, Juan Gabriel
Vázquez, parmi d’autres journalistes et écrivains qui entreprennent de concilier leur vocation littéraire et cette façon
nouvelle d’approfondir la connaissance de la réalité.

Une origine commune


3Mais ce genre est-il si nouveau qu’on le prétend ? N’est-ce pas plutôt une actualisation du genre des chroniques que
naguère écrivaient José Enrique Rodó, José Martí, Amado Nervo, Rubén Darío, Alfonso Reyes, Alejo Carpentier,
Miguel Ángel Asturias et ses Crónicas parisinas, ou les Aguafuertes de Roberto Arlt qui, faisant suite au
Modernisme hispano-américain, avaient renouvelé pour leur part les chroniques et « tableaux de la vie quotidienne »
du xixe siècle où Tomás Carrasquilla, Isidoro de María, Joaquín Edwards Bello et Ricardo Palma faisaient triompher
une forme littéraire plaisante – d’ailleurs constamment portée par la presse – et décrivaient leurs sociétés respectives
en Colombie, en Uruguay, au Chili et au Pérou ? Le prestige de ces chroniqueurs était dû à leur regard intuitif porté
sur les us et coutumes et à leur écriture poétique (« encanto de una escritura entre ingeniosa y poética », Villanueva
Chang, in Jaramillo Agudelo [ed.], 2012 : 605), permettant de découvrir le « merveilleux dans le quotidien » et de
« dire la portée de l’éphémère » (« hacer trascender lo efímero », Tejada, 1922, ibid. : 605). Et pourtant – d’après
l’aveu d’Edwards Bello – « el oficio cansa » [Quel labeur éprouvant !].

4Mieux encore, ne faudrait-il pas faire remonter ce genre nouveau aux Chroniques des Indes – une proposition
d’Alejo Carpentier selon qui l’écrivain contemporain remplit une fonction de « nouveau chroniqueur des Indes » – et
l’apparenter à l’essai comme le suggérait Germán Arciniegas ? Nous nous proposons aujourd’hui de dégager
certaines analogies et interdépendances de ces deux modalités littéraires, la chronique et l’essai, qui plongent
ensemble leurs racines dans les Chroniques des Indes. C’est à celles-ci que remonte en effet la chronique
contemporaine maintenant popularisée en tant que genre journalistique, à une tradition où les caractères de la
chronique de la Renaissance italienne se combinaient avec la nécessité de décrire le Nouveau Monde (ses gens et ses
paysages, sa flore et sa faune) et de légitimer leur incorporation à l’empire de la couronne espagnole. Les premiers
chroniqueurs ont écrit l’Amérique à partir de ce à quoi ils s’attendaient et sous le choc de ce qu’ils rencontraient.
« Así escribieron América los primeros: narraciones que partían de lo que esperaban encontrar y chocaban con lo
que se encontraban » – reconnaît Martín Caparrós, populaire chroniqueur contemporain – en attribuant l’origine de
la chronique contemporaine à ces précédents écrits qui étaient en même temps une forme originale de l’essai
(Caparrós, in Jaramillo Agudelo [ed.], 2012 : 608). De son côté, Eduardo Fariña dit que le chroniqueur est un
« métavoyageur » de l’actualité postmoderne, il ne part pas en exploration, il en revient (« descubre con mirada
sorprendida de explorador la otredad al modo de los Cronistas de Indias describiendo la realidad inédita americana,
[…] el metaviajero de nuestra posmodernidad última no va, regresa », Fariña, 2014 : 255).

5Pourquoi y a-t-il en Amérique une prédilection pour l’essai, se demandait, en 1963, Germán Arciniegas, rappelant
qu’il s’était écrit bien des pages dans le Nouveau Monde avant que Montaigne se mette à réfléchir sur l’altérité de
l’Amérique et déclare : « Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette
nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage » (Montaigne,
Essais, I, XXXI : 203). Pour Arciniegas, cette singularité faisait évidence car dans le monde occidental, expliquait-il,
l’Amérique était apparue avec sa géographie et ses hommes comme une nouveauté inattendue venant rompre avec
les idées établies, un essai de monde nouveau, un défi à l’intelligence : « América es ya, en sí, un problema, un
ensayo de nuevo mundo, algo que tienta, provoca, desafía a la inteligencia » (Arciniegas, 1991).

6Lorsque ce genre était apparu, les Européens réfléchissaient à la singularité du Nouveau Monde – ainsi faisait
Montaigne dans les fameux chapitres « Des cannibales » (I, XXXI : 200-213), « Des coches » (III, VI : 886-894), de
même qu’il s’intéressait à la vie quotidienne dans « De la coutume et de ne changer aisément une loi reçue » (I,
XXIII), « De l’usage de se vêtir » (I, XXXVI), « Des postes » (II, XXIII). Cette nouvelle forme d’expression servait
alors aux Américains pour se connaître et affirmer leur identité. Une telle modalité – appelée par d’autres proto-
essai – allait faire son entrée dans la tradition de critique et de dénonciation inaugurée par le sermon de Montesinos
(1511) et la Brève relation de la destruction des Indes (1552) de Bartolomé de las Casas.

7Au long de son histoire, l’essai latino-américain partage avec celui de l’Europe un ensemble de caractéristiques,
mais en lui réservant des variantes et des particularités qui ont fait leur originalité. Si le fil conducteur est
initialement l’américanité et l’américanisme – comme l’indiquait déjà Alberto Zum Felde (1954) – résumés dans la
formule « América como problema », cela s’était développé dans l’esthétique du Modernisme et s’est approfondi
dans l’essai littéraire au xxe siècle. Une diversification favorisée par l’ironie et le paradoxe, la lecture de l’essai en
tant que métatexte et la progressive fragmentation d’autres genres littéraires dont elle tire parti et qui préfigurent de
façon suggestive des ouvertures vers ce qu’offre l’Amérique latine dans les dernières décennies.

8C’est cependant avec la création du genre, tel que le définit Montaigne – « le seul livre au monde de son espèce,
d’un dessein farouche et extravagant » (Essais, II, VIII : 364) – ou encore Francis Bacon – « méditations éparses » –,
que devient évident le désir de se séparer des formes solennelles de la philosophie, scholastiques et canoniques, et de
revendiquer la liberté de penser, la diversité d’opinion et le « doute méthodique » qui s’installe au centre de toute
certitude. Ce genre revêtira une dimension littéraire avec Leopoldo Alas, Clarín, qui, justement, se mettra à
employer le mot essai pour parler d’Ariel, de José Enrique Rodó (1900).

Une modalité textuelle transgénérique


9La polysémie de l’essai – comme celle aussi de la chronique – est propice à des incursions non systématiques dans
des thèmes philosophiques, éthiques et même métaphysiques, et cela couvre un spectre pouvant aller de l’essai
formel (historique, sociologique, critique, littéraire) au plus informel (impressionniste, journalistique) selon
l’éminence accordée à l’un ou à l’autre. En tant que modalité textuelle transgénérique, il peut « parler de presque
tout » (Aldous Huxley), ce qui permet de déposer sur le papier ses réflexions au fil de la libre association de sa
pensée. Juan Marichal qualifie cela de « liberté de caméléon » pour faire remarquer que, dans l’essai, la forme
littéraire se plie aux intentions de l’essayiste. Genre caméléon – redit Miguel Oviedo – qui tend à adopter la forme
appropriée au cours d’une quête expérimentale, sorte de compromis entre l’analyse et l’intuition : « el análisis y la
intuición, entre el lenguaje expositivo y el metafórico, entre el conocimiento objetivo y la percepción íntima »
(Oviedo, 1991: 12). En somme l’essai est ouvert à toutes les possibilités : « hay mil maneras de escribir un ensayo y
todas ellas son correctas » (José Emilio Pacheco).

10Les emprunts entre genres semblent être la norme, il en va de même pour la chronique. Ces emprunts prouvent
catégoriquement la nature protéique de ces deux modes textuels, la polyphonie des voix et des thèmes invitant à de
fluides transferts d’une discipline à l’autre, de l’historique au philosophique, au politique, à l’esthétique. Ce que
l’essai recherche devient aussi une caractéristique de la chronique. C’est ainsi que la composante d’une « écriture de
l’essai », bien qu’elle naisse d’objectifs apparemment peu littéraires, apparaît dans des lettres ouvertes comme la
Carta de Jamaica de Simón Bolívar ou dans les lettres de José Martí, ou les récapitulatifs de doléances à la façon du
Memorial de agravios de Camilo Torres, les « méditations » et les « paraboles » de Rodó, les manifestes où
s’entrelacent le savoir, l’art et l’action, et où l’esthétique croise le politique.

11C’est cependant dans l’écrit journalistique, sous les formes diverses qu’il prend – articles de fond, rubriques,
éditoriaux, « croquis », « scènes » et « estampes » – que l’essai partage le plus de caractères du genre avec la
chronique, et cela en a stimulé la production et facilité la diffusion. Une longue liste de revues et journaux – depuis
Biblioteca Americana (1823) publiée par Andrés Bello pendant son exil à Londres, jusqu’aux revues argentines Sur
et Crisis, Cuadernos Americanos à Mexico, Marcha à Montevideo, en passant par El Cosmopolita, El Regenerador
et par El Espectador dirigé par Juan Montalvo, par Repertorio americano qui consacre au Costa Rica le talent du
polygraphe García Monje, ou par Asomante, fondée et défendue avec ténacité et un dévouement acharné par Nilita
Vientós à Porto Rico – accompagne l’histoire de l’essai et du journalisme latino-américains. Indéniable est leur
apport à l’histoire des idées et des mouvements littéraires et esthétiques du continent, comme le reconnaissent les
congrès et les publications récentes traitant de la question.

12Grâce à la fréquence, à l’assiduité, à la large communication offerte par la « littérature de kiosque », selon les
termes de l’analyse de Flora Ovares portant sur le Costa Rica, l’essayiste latino-américain s’est montré foncièrement
« chroniqueur » attentif de la société qui l’entoure. Dans sa façon d’aborder les « thèmes de notre temps » – comme
le disait Octavio Paz –, il fait acte de critique et d’homme d’opinion. Periodismo militante (1978) est le titre donné
par Gabriel García Márquez à un de ses recueils d’articles de presse ; il avait gagné la complicité de ses fidèles
lecteurs, car ils y reconnaissaient leurs propres inquiétudes et leurs soucis. Les réactions et prises de position
suscitées par les essais journalistiques et les chroniques de Mario Vargas Llosa sont les meilleures preuves de ce
rôle.

13En ce qui la concerne, la chronique en tant qu’écrit de « non-fiction », qui est employée de façon croissante dans
la presse écrite ou électronique, se différencie de la nouvelle brute parce que son caractère est moins ponctuel, moins
ancré dans l’immédiateté, au fait qui vient de se produire. La chronique tente de donner une vision complète et
ordonnée d’événements qui suivent un développement, de sorte qu’elle revêt un caractère plus narratif que descriptif
et vise à se tenir à égale distance entre l’information et l’interprétation ; mais parce qu’elle lie l’information et
l’opinion, elle est récit et jugement. Pour résumer : la chronique est une information qui interprète et évalue les faits,
les nouvelles d’actualité ou actualisées, elle raconte et juge avec sa liberté de style, sa spontanéité et jusqu’à l’ironie,
ce dont doit être dépourvu le journalisme d’information, même si Juan Villoro prétend qu’écrire des chroniques a
rapport à l’éternité : « un modo de improvisar la eternidad ».
Savoir « être là »
14La chronique est la plus interprétative des formes de journalisme : ayant, sans équivoque, une facette informative,
elle contient plus qu’une simple information – Antonio Cándido l’appelait « littérature au ras du sol » – mais ce qui
détermine son identité est l’interprétation et l’évaluation de ce qui est raconté. On peut la définir comme une
information interprétée, évaluée, commentée et soumise au jugement, c’est-à-dire comme genre hybride entre ceux
qui interprètent et ceux qui informent ou limitrophe entre note d’information et texte d’opinion. Par-delà le récit, elle
devient, comme l’essai, une forme de connaissance, nous dit Villanueva Chang : « Cuando se propone ir más allá de
la narración y adquiere un vuelo ensayístico, una crónica es también una forma de conocimiento » (Villanueva
Chang, 2012 : 590).

15En outre, la chronique se propose d’orienter ; si bien que sa liberté de style devra se combiner avec la
connaissance préalable de l’événement dont il est question, afin que le lecteur acquière une connaissance globale,
prise d’un point de vue déterminé, et toujours dans le style propre au journalisme littéraire. Compte tenu de tout
cela, on pourrait définir la chronique comme un texte de journalisme littéraire rédigé depuis le lieu où se sont
produits des faits méritant l’attention et qui requièrent nécessairement d’être interprétés par l’auteur, visant un large
public et écrit dans un langage simple, accessible à toutes sortes de lecteurs et propre à aborder une grande diversité
de sujets : « reconstrucción literaria de sucesos o figuras, género en que el empeño formal domina sobre las
urgencias informativas » (Monsiváis, 1985 : 16).

16Carlos Franz – romancier et journaliste qui publie chaque semaine dans La Segunda de Santiago du Chili et El
País de Madrid – a répondu récemment à la question « qu’est-ce que la chronique ? », un fourre-tout, de
l’observation du réel au récit imaginaire, du souvenir personnel à la réflexion ou au reportage de la vie sociale :

Pensando en voz alta (un recurso muy propio de la crónica) contesto que las crónicas son un «cajón de
sastre». A ellos van a parar los retazos de observación, reflexión, memoria y fantasía, que no se ocupan
en otros géneros más estrictos y vigilados. Aquí caben un relato imaginario, tanto como una reflexión
ensayística; una observación cotidiana, tanto como una meditación trascendente; un recuerdo personal,
tanto como un reportaje social (Franz, 2014, 12 juillet).

17Pour faire simple, la chronique se définit comme article de journal sur un sujet spécifique, élaboré à partir de ce
qui a été observé sur le lieu des faits : à la fois information et opinion. Les chroniqueurs – affirme María Angulo
Egea – « utilizan la mirada con más intensidad que la pluma o las teclas del ordenador ». Ils doivent savoir que
regarder et comment regarder (« saber qué mirar. Saber cómo se mira » Angulo Egea [ed.], 2014 : 7). Avoir le regard
observateur qui incite à penser, et savoir écouter les véritables personnages actifs du récit ; chroniqueur capable en
définitive de dénoncer ce qu’il voit, de s’émouvoir devant le réel, et qui sache ensuite raconter sans juger ni
endoctriner. Il y a ainsi, sous-jacente à la chronique, une inévitable subjectivité, halo de vérité qui décèle le
voyeurisme pratiqué par le chroniqueur et commande le style du récit : « Una crónica es en primer término una
forma de mirar que encuentra un estilo de narrar ». Une façon de regarder qui suppose en même temps d’avoir un
« regard clinique » pour exercer « le pouvoir littéraire de sélection » (ibid. : 14).

18Comme le dit Tom Wolfe, il s’agit « d’être là », d’entrer dans les histoires, de documenter les faits, d’enregistrer
les détails quotidiens significatifs, de refléter la stupeur devant l’inconnu. Le chroniqueur s’implique dans ce qu’il
raconte, il détache et sélectionne des impressions, interroge les protagonistes et les témoins, il partage avec le lecteur
sa vision de ce qui est raconté, cherchant une complicité.

Les échos d’une catastrophe réelle


19Un bon exemple de cette façon « d’être là » est celui de Germán Santamaría, écrivain et journaliste à El Tiempo de
Bogotá qui fut l’envoyé spécial de ce quotidien à Armero, le village ravagé par les eaux du Lagunilla, dévalées du
volcan Nevado del Ruiz, le terrible 13 novembre 1985. Avec ses chroniques en direct d’Armero, Santamaría émut
toute la Colombie en racontant, heure par heure, l’agonie d’Omayra Sánchez, une fillette de douze ans, coincée sous
les dalles de ciment de sa maison effondrées sur sa famille. Les images de son agonie, vécue « en direct » apparurent
sur les écrans de télévision du monde entier et les photos de couverture des hebdomadaires comme Time Magazine,
Newsweek et Paris Match. Au long de ces heures dramatiques, Germán Santamaría mobilisa les groupes de
sauveteurs, obtint de faire arriver à Armero un hélicoptère et des équipements qui ne parvinrent pas à briser à temps
les plaques qui immobilisaient le corps de l’enfant, et il dialogua avec elle jusqu’au moment de sa mort.

20De ces chroniques, recueillies ensuite dans le volume Colombia y otras sangres (1987), il s’est plus tard inspiré
pour son roman No morirás, 1992 (Condamné à vivre, 1994, traduction Jacques Gilard, préface Fernando Aínsa),
couronné comme le meilleur roman latino-américain 1993, par un jury où siégeaient les écrivains Nélida Piñón,
Antonio Skármeta et Eduardo Gudiño Kiefer, et dont l’appréciation soulignait le déploiement métaphorique de sa
prose ainsi que « l’intensité narrative d’un récit portant sur les conséquences d’une catastrophe dans un village ». On
trouve dans ces pages non seulement l’agilité de style d’un correspondant qui ne se borne pas au rôle de témoin de
ce qu’il décrit, mais aussi ce qui fait la caractéristique de la nouvelle chronique latino-américaine : l’engagement
personnel dans l’histoire racontée où les genres du journalisme et du roman s’influencent l’un l’autre, tant la réalité
et la fiction se trouvent liées et leurs traits impossibles à séparer.

21Ce reportage, comme beaucoup des chroniques actuelles, est empreint d’une violence obsédante, cette violence
qui marque l’histoire contemporaine de la Colombie. « Journaliste de catastrophe », comme il a été surnommé, dans
la meilleure tradition d’Hemingway et de García Márquez, Germán Santamaría affirme que les chroniques de presse
doivent « rechercher la beauté du récit », offrant au lecteur un plaisir de la lecture, la « saveur de la créativité » :
« que una noticia pueda estar tan bien escrita que el lector tenga la sensación de belleza y solaz ».

22Cette savoureuse créativité pousse le chroniqueur — de même que l’essayiste – à toujours signer ses textes,
scellant ainsi son engagement envers le lecteur avec qui il cherche à établir une relation d’empathie. De son côté, le
lecteur reconnaît la signature du chroniqueur, il la cherche : sceau de leur pacte tacite d’adhésion et de crédibilité.
Comme l’essai, la chronique donne à la subjectivité une fonction essentielle dont les variétés sont aussi multiples
que les styles des divers auteurs. Il n’y a pas un style unique de chronique ; le chroniqueur – à l’instar de
l’essayiste – désire se voir reconnu par son style, la marque de l’auteur, il use dans ce but d’une stratégie de récit qui
mette en évidence le je narratif. Plus que d’autres genres (pensons à la poésie), l’essai et la chronique ont besoin
d’un lecteur avec qui s’établira une complicité fondée sur la sincérité et l’authenticité : conscience de la présence de
l’auteur inséparable de la volonté de séduire.

23Proférer le je (« Proferimiento de un yo », Pallares) en quête de complicité, c’est, grâce au processus


d’associations intuitives qui en découle, incorporer le lecteur avec ses propres composantes. Lire des essais ou des
chroniques suscite en lui idées et réactions, amenant d’autres thèmes ; cela stimule sa propre pensée et sème dans
son esprit de potentielles nouveautés. Le degré de réception chez le lecteur peut être mesuré d’après le degré de son
implication, selon qu’il se sente concerné par l’autre, mais aussi d’après sa capacité à modifier ses propres façons de
voir.

Au temps présent, de préférence


24La phrase au temps présent est la plus usitée par la chronique et par l’essai, temps préféré pour exposer ou
expliquer, tandis que le passé est plus approprié au récit narratif. La représentation de l’expérience du présent reçoit
ainsi un sens et une portée qui favorisent le dialogue avec le lecteur ; c’est un véritable « nœud » où se raccordent –
 comme le dit Liliana Weinberg – les divers fils temporels : références et évocation du passé, projection vers
l’avenir, en cet instant privilégié de l’écriture. Exposant et dialoguant par la pensée avec les lecteurs (« con los otros,
lectores, miembros de una comunidad simbólica con que se quiere entrar en diálogo »), le présent fait vivre
ensemble l’énonciation et l’interprétation, dualité de ce vers quoi l’on tend, prosaïque et poétique, et que Weinberg
propose comme une véritable « poétique de la pensée » (Weinberg, 1993).

25« Centaure des genres », c’est ainsi qu’Alfonso Reyes qualifia métaphoriquement l’essai, être vivant hybride (en
lui : « hay de todo y cabe todo, propio hijo caprichoso de una cultura que ya no puede responder al orbe circular de
los antiguos, sino a la curva abierta, al proceso en marcha, al etcétera », Reyes, 1959). Entité mouvante, il ouvre sur
un vaste et cetera qui fait place à l’analyse et à la créativité, sa vocation littéraire est manifeste ; comme c’est une
forme d’expression ancillaire, il emprunte techniques, procédés et préoccupations à la littérature et à d’autres
disciplines.

26De son côté, Juan Villoro applique à la chronique un autre symbole, celui d’ornithorynque de la prose (« Si
Alfonso Reyes juzgó que el ensayo era el centauro de los géneros, la crónica reclama un símbolo más complejo: el
ornitorrinco de la prosa », Villoro, in Jaramillo Agudelo [ed.], 2012 : 577-582). Elle prend au roman la capacité de
raconter, « crear una ilusión de vida » ; au reportage journalistique, les données de ce qui est rapporté et les
dialogues qui le configurent ; à l’essai la possibilité d’argumenter et de relier des savoirs séparés (« argumentar y
conectar saberes dispersos ») ; à l’autobiographie la mémoire du moi : « el tono memorioso y la reelaboración en
primera persona ». En résumé, « una buena crónica lograda es literatura bajo presión ».

27Plus que jamais, l’essai comme la chronique visent aujourd’hui le vrai sans prétendre être la vérité, relation
paradoxale qui accentue leur caractère de spéculation et d’interrogation, tout en démentant un possible dogmatisme
ou l’imposition d’un modèle, journalisme selon l’idée de Tomás Eloy Martínez : « De todas las vocaciones del
hombre, el periodismo es aquella en la que hay menos lugar para las verdades absolutas » (Martínez, 1997 : 1).

28Pour Liliana Weinberg, la chronique comme l’essai portent la parole des autres auxquels ils donnent une voix. Ils
présentent une continuité de réflexion par laquelle chaque auteur fait siens des sujets et des problèmes
antérieurement traités, poursuit la discussion pour la renouveler ou même la révolutionner, ou aborder un problème
nouveau qui d’ailleurs peut être implicite ou latent dans d’autres textes, ce qui inscrit l’essai dans un « horizonte de
sentido » (Weinberg, 2006). Il en résulte un métatexte qui esquisse un « commentario infinito », discours énonciatif
qui peut devenir inépuisable ou même circulaire (« glosa de la glosa de la glosa », Krysinski, 1998), une « letteratura
sulla letteratura » dont Giorgio Manganelli affirme : « L’importante è non raccontare una storia […] Non raccontare
una storia. Divagare » (Manganelli, 1982 : 15).

29La nature du métatexte renvoie à des synonymes comme le commentaire, l’interprétation ou la réflexion critique :
c’est au « faire interprétatif » (Greimas et Courtès, 1979 : 144) et à « l’autoréflexivité » que se résument les
opérations intertextuelles qui donnent sa dynamique à la création et à la lecture de l’essai et de la chronique en tant
que métalangage. Entendons par « faire interprétatif » le déploiement systématique du commentaire de l’auteur
d’essai ou de chronique, texte qui en découle et qui est la somme des prédicats et des jugements à travers lesquels est
réalisée l’opération cognitive ; tandis que « l’autoréflexivité » implique un réseau de structures parallèles qui
reflètent le texte de base. Il en résulte un métatexte qui sera à la fois commentaire et structure discursive, ce que
Krysinski voit comme un jeu spéculaire (« un juego de espejos por el que se reflejan recíprocamente texto y
metatexto en una como progresión que se autorefleja », Krysinski, 1998 : 31).

30En même temps, les chroniques ont braqué leur faisceau sur le marginal, l’envers du monde, vers l’intime et ce
qu’on considérait comme domaines du privé, ou vers une périphérie mal définie et à laquelle on accède à travers un
voyage qui est devenu un facteur essentiel de beaucoup de chroniques. « Se trata de aprender a convivir en los
márgenes de la corriente de prensa ventrílocua y notarial, pero ensayando otras ventanas para la crónica »
(Villanueva Chang, in Jaramillo Agudelo [ed.] : 2012 : 604).

31La chronique est débat (« no es un género, es un debate ») – suggère Jorge Carrión –, possible conclusion à notre
réflexion sur les analogies et les interdépendances entre la chronique et l’essai. Le débat reste ouvert et il continue.

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Bibliographie
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Pour citer cet article


Référence électronique

Fernando Aínsa, « La chronique et l’essai : analogies et interdépendances », América [En ligne], 49 | 2016, mis en
ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1599 ;
DOI : 10.4000/america.1599

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Fernando Aínsa

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résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
questions spécifiques.

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
I. Chronique et alliage de genres

Les chroniques de Jorge Luis Borges dans El Hogar,


continuum de l’œuvre littéraire
Las crónicas de Jorge Luis Borges en El Hogar, un continuo con la obra
Christophe Larrue
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

La communication se propose principalement de voir en quoi les chroniques de Borges parues dans El Hogar entre
1936 et 1939, en tant que rubrique de « Libros y autores extranjeros », contiennent en germe certains aspects de
l’œuvre narrative et des essais en gestation ou à venir, en particulier les nouvelles de Ficciones, dont certaines sont
contemporaines de ces chroniques. Nous dégageons certaines caractéristiques de ces chroniques littéraires, inscrites
dans les débats et conflits idéologiques de l’époque, et présentons les coïncidences textuelles entre chronique et
œuvre et, plus généralement, nous mettons en relation des textes qui dialoguent entre eux à plus ou moins grande
distance chronologique.

El artículo tiene como principal objetivo mostrar, a través de ejemplos concretos, cómo las crónicas de Borges
publicadas en El Hogar entre 1936 y 1939, como sección de « Libros y autores extranjeros », contienen ya en
germen elementos formales o de reflexión que se encontrarán en la obra narrativa y ensayística, y en particular los
cuentos de Ficciones, algunos de los cuales son contemporáneos de estas crónicas. Presentamos algunas
características des esas crónicas literarias, que se inscriben en los debates y conflictos ideológicos de la época, así
como las coincidencias textuales entre crónica y obra pero, más generalmente establecemos relaciones entre textos,
más o menos alejados en el tiempo, y que dialogan entre sí.

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Mots-clés :

Borges, chronique, El hogar, Ficciones


Palabras claves :

Borges, crónica, El hogar, Ficciones


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Plan
La question de la combinatoire
La littérature selon Valéry et Pierre Menard
Le roman policier
Science et littérature
Les avant-gardes
Débat public : science, art, éthique et politique
L’humour vache
Conclusion
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1 El Hogar Ilustración semanal argentina Para la mujer, la casa y el niño. Le contenu alterne des suj (...)
2 « La importancia de El Hogar en la conformación de los gustos, vestimentas y formas de vida de los (...)
3 Ces textes sont disponibles dans Textos cautivos qui, à peu de chose près, est la sélection que déc (...)
4 C’est ce à quoi nous invite l’éditeur scientifique Sacerio-Garí dans le prologue de Textos cautivos(...)

1Entre 1936 et 1939, Borges tient dans la revue argentine El Hogar1 la rubrique « Libros y autores extranjeros » qui
paraît chaque semaine ou tous les quinze jours. El Hogar était une revue hebdomadaire destinée à la bourgeoisie
argentine et à un lectorat essentiellement féminin2. La rubrique est organisée en différentes sous-sections comme
« Biografía sintética », « Libros nuevos », « De la vida literaria », illustrées de quelques dessins, qui sont souvent
des portraits d’écrivains. Exception faite des biographies synthétiques (lesquelles ne sont pas nécessairement en lien
avec une actualité éditoriale), les textes sont majoritairement des critiques de romans policiers et fantastiques, de
romans d’anticipation, d’études critiques ou érudites de publication récente, la plupart en langue anglaise3. Cette
page a donc la régularité et l’actualité de la chronique. Dans ces textes, qui sont parfois de véritables petits essais
(désignés comme tels), Borges va exposer ses goûts mais aussi affirmer certaines positions théoriques et, au détour
de ces critiques, aborder la question des affrontements idéologiques dont l’Europe est le théâtre. Nous nous
proposons de dégager certaines caractéristiques de ces chroniques et de voir qu’elles sont une manière d’archéologie
de certains textes de l’œuvre4.

La question de la combinatoire
2Le premier thème qui a retenu notre attention est celui de la combinatoire qui intéresse Borges dans son
appréhension de la pensée, la littérature et la langue et qu’il va appliquer à différentes échelles. Il lui consacre le petit
essai « La máquina de pensar de Raimundo Lulio » (H, 15 octobre 1937, in Borges, 1990 : 174), qui décrit un
dispositif qui combine au hasard des concepts. Dans l’article « Delphos, or the Future of International Language, de
E.S. Pankhurst » (H, 10 mars 1939), apparaît un nom qui aura d’autres occurrences, John Wilkins, penseur anglais
du xviie siècle, dont une des œuvres présente sa création d’une langue artificielle :

La autora (y el doctor Henry Sweet) dividen los idiomas artificiales en idiomas a priori y a posteriori, es
decir, en originales y derivados. Los primeros son ambiciosos e impracticables. Su meta sobrehumana
es clasificar, de un modo perdurable, todas las ideas humanas. […] urden vertiginosos inventarios del
universo. El más ilustre de esos catálogos razonados es, sin duda, el de Wilkins, que data de 1668.
Wilkins distribuyó el universo en cuarenta categorías, indicados por nombres monosilábicos de dos
letras (Borges, 1990 : 306).

5 La question de l’utopie revient souvent dans ces chroniques.


6 Borges n’a pas eu accès à l’ouvrage, qui est en revanche consultable à la BNF (X-31) : Wilkins, Joh (...)

3Ce texte est contemporain de la publication et, sans doute, de l’écriture de la nouvelle « Pierre Menard, autor del
Quijote » (Sur, mai 1939), or dans « l’œuvre visible » de Pierre Menard figure « una monografía sobre “ciertas
conexiones o afinidades” del pensamiento de Descartes, de Leibniz y de John Wilkins (Nîmes, 1903) » (Borges,
1989, t. 1 : 444). En vérité, celui qui va publier deux textes sur ce dernier, c’est Borges lui-même, avec « John
Wilkins, previsor » (H, 7 juillet 1939) et « El idioma analítico de John Wilkins » (La Nación, 8 février 1942 ; repris
dans Otras inquisiciones). Dans le premier, il affirme que son œuvre « consta de muchos libros, algunos de carácter
doctrinal, casi todos utópicos5 » (Borges, 1990 : 333-334) ; il présente ainsi le livre qui l’intéresse de cet auteur 6 :

El Ensayo de una escritura real y de un lenguaje filosófico (1668) propone un catálogo razonado del
universo y deriva de ese catálogo un riguroso idioma internacional. Wilkins reparte el universo en
cuarenta categorías, indicadas por nombres monosilábicos de dos letras. Estas categorías están
subdivididas en géneros (indicados por una consonante) y esos géneros en especies, indicadas por una
vocal. Así “de” quiere decir elemento; “deb”, fuego; “deba”, la llama… (Borges, 1990 : 334).

4Il est clair que la mention de Wilkins dans « Pierre Menard, autor del Quijote » correspond aux intérêts de Borges
pour la classification et la combinatoire, thèmes présents, on le sait, dans plusieurs nouvelles de Ficciones, dont « La
biblioteca de Babel », « Examen de la obra de Herbert Quain » et « La lotería en Babilonia ». L’ambition de Wilkins
était, en fait, d’appliquer au lexique la logique du système numéral, comme Borges le fait remarquer dans « El
idioma analítico de John Wilkins » en rapprochant, comme Pierre Menard, sa pensée de celle de Descartes :

En el idioma universal que ideó Wilkins al promediar el siglo XVII, cada palabra se define a sí misma.
Descartes, en una epístola fechada en noviembre de 1629, ya había anotado que mediante el sistema
decimal de numeración, podemos aprender en un solo día a nombrar todas las cantidades hasta el
infinito y a escribirlas en un idioma nuevo que es el de los guarismos ; también había propuesto la
formación de un idioma análogo, general, que organizara y abarcara todos los pensamientos humanos.
John Wilkins, hacia 1664, acometió esa empresa (Borges, 1989, t. 2 : 84-85).

5Comme la notion de contre-livre chère à la littérature de Tlön, cette démarche trouve son utopie contraire avec le
protagoniste éponyme de « Funes, el memorioso » (La Nación, 7 juin 1942) :

Me dijo que hacia 1886 había discurrido un sistema original de numeración y que en muy pocos días
había rebasado el veinticuatro mil. […] Su primer estímulo, creo, fue el desagrado de que los treinta y
tres orientales requieren dos signos y tres palabras, en lugar de una sola palabra y un solo signo. Aplicó
luego ese disparatado principio a los otros números. En lugar de siete mil trece, decía (por ejemplo)
Máximo Pérez; en lugar de siete mil catorce, El Ferrocarril; otros números eran Luis Melián Lafinur,
Olimar, azufre, los bastos, la ballena, gas, 1a caldera, Napoleón, Agustín de Vedia. En lugar de
quinientos, decía nueve. Cada palabra tenía un signo particular, una especie de marca; las últimas muy
complicadas… Yo traté de explicarle que esa rapsodia de voces inconexas era precisamente lo contrario
de un sistema de numeración. Le dije que decir 365 era decir tres centenas, seis decenas, cinco unidades;
análisis que no existe en los «números» El Negro Timoteo o manta de carne. Funes no me entendió o no
quiso entenderme.
Locke, en el siglo XVII, postuló (y reprobó) un idioma imposible en el que cada cosa individual, cada
piedra, cada pájaro y cada rama tuviera nombre propio; Funes proyectó alguna vez un idioma análogo,
pero lo desechó por parecerle demasiado general, demasiado ambiguo (Borges, 1989, t. 1 : 489).

6Cette radicalité du personnage de Funes quant à la capacité ou l’incapacité de la langue à rendre compte de la
réalité va se retrouver dans des spéculations sur la littérature.

La littérature selon Valéry et Pierre Menard


7Quand Borges cite Valéry au début de l’essai « La flor de Coleridge » (La Nación, 1945 ; repris dans Otras
inquisiciones), où il développe une idée de celui-ci en examinant son expression par plusieurs auteurs, il reprend la
citation qui figurait déjà dans le premier paragraphe de sa chronique sur « Introduction à la poétique de Paul
Valéry » (H, 10 juin 1938) :

Valéry –como Croce– piensa que todavía no tenemos una Historia de la Literatura y que los vastos y
venerados volúmenes que usurpan ese nombre son una Historia de los Literatos más bien. Valéry
escribe: «La Historia de la literatura no debería ser la historia de los autores y de los accidentes de su
carrera o de la carrera de sus obras, sino la Historia del Espíritu como productor o consumidor de
literatura. Esta historia podría llevarse a término sin mencionar un solo escritor. Podemos estudiar la
forma poética del Libro de Job o del Cantar de los Cantares, sin la menor intervención de sus autores,
que son enteramente desconocidos (Borges, 1990 : 241).

8Or nous en avons une version à l’humour absurde sur la planète Tlön, par laquelle Borges se moque des
biographies littéraires :

En los hábitos literarios también es todopoderosa la idea de un sujeto único. Es raro que los libros estén
firmados. No existe el concepto del plagio: se ha establecido que todas las obras son obra de un solo
autor, que es intemporal y es anónimo. La crítica suele inventar autores: elige dos obras disímiles –el
Tao Te King y Las mil y una noches, digamos–, las atribuye a un mismo escritor y luego determina con
probidad la psicología de ese interesante homme de lettres… (Borges, 1989, t. 1 : 439).

9Paul Valéry figure parmi les figures d’auteur que la critique a vues derrière Pierre Menard, lui qui, comme le
rappelle sa « Biografía sintética » (H, 22 janvier 1937), publia dans la revue La conque, tout comme le Nîmois.
Unamuno est une autre possible référence pour Menard, par anti-modèle cette fois, comme le suggère l’essai
« Presencia de Unamuno » (H, 29 janvier 1937) où Borges affirme :

Otros consideran que la obra máxima es su Vida de don Quijote y Sancho. Decididamente no puedo
compartir ese parecido. Prefiero la ironía, las reservas y la uniformidad de Cervantes a las
incontinencias patéticas de Unamuno. Nada gana el Quijote con que lo refieran de nuevo, en estilo
efusivo; nada gana el Quijote, y algo pierde, con esas azarosas exornaciones tan comparables, en su tipo
sentimental a las que suministra Gustavo Doré. […] su intromisión en el Quijote me parece un error, un
anacronismo (Borges, 1990 : 79).

10Or la question de l’anachronisme du texte de Menard est centrale dans la réflexion du narrateur, qu’il conclut
ainsi : « Menard (acaso sin quererlo) ha enriquecido mediante una técnica nueva el arte detenido y rudimentario de
la lectura: la técnica del anacronismo deliberado y de las atribuciones erróneas » (Borges, 1989, t. 1 : 450).

11Dans une chronique publiée le 1er avril 1938, à propos d’une anthologie, Borges affirme : « La mera
yuxtaposición de dos piezas (con sus diversos climas, procederes, connotaciones) puede lograr una virtud que no
logran esas piezas aisladas. Por lo demás: copiar un párrafo de un libro, mostrarlo solo, ya es deformarlo
sutilmente » (Borges, 1990 : 219). Cette dernière remarque semble, elle aussi, préfigurer le projet de Menard, avec
son Quichotte littéralement identique à celui de Cervantès mais fragmentaire et si sémantiquement différent au dire
du narrateur borgésien.

Le roman policier
12Au gré de ses critiques sur des romans policiers (anglais et américains), Borges énonce des bribes d’une théorie du
genre ; dans la chronique du 15 avril 1938, il confesse (ou fait semblant) un projet :

He aquí mi plan: urdir una novela policial del tipo corriente, con un indescifrable asesinato en las
primeras páginas, una lenta discusión en las intermedias y una solución en las últimas. Luego, casi en el
mismo renglón, agregar una frase ambigua –por ejemplo: «y todos creyeron que el encuentro de ese
hombre y de esa mujer había sido casual»– que indicara o dejara suponer que la solución era falsa. El
lector, inquieto, revisaría los capítulos pertinentes y daría con otra solución, con la verdadera. El lector
de ese libro imaginario sería más perspicaz que el «detective» (Borges, 1990 : 227-228).

13En 1941, dans « Examen de la obra de Herbert Quain », c’est à peu près avec les mêmes mots que le narrateur
résume un roman d’Herbert Quain :
Hay un indescifrable asesinato en las páginas iniciales, una lenta discusión en las intermedias, una
solución en las últimas. Ya aclarado el enigma, hay un párrafo largo y retrospectivo que contiene esta
frase: Todos creyeron que el encuentro de los dos jugadores de ajedrez había sido casual. Esa frase deja
entender que la solución es errónea. El lector, inquieto, revisa los capítulos pertinentes y descubre otra
solución, que es la verdadera. El lector de ese libro singular es más perspicaz que el detective (Borges,
1989, t. 1 : 462).

14Il est donc clair qu’il y aussi du Borges derrière Herbert Quain, ce révisionniste radical de la littérature
(particulièrement s’agissant des genres et des structures des œuvres).

Science et littérature
7 Signalons que Borges avait déjà publié l’article « La cuarta dimensión », dans Revista Multicolor d (...)

15On trouve de temps en temps dans ces chroniques un intérêt pour des sujets scientifiques particulièrement
abstraits. Le 16 septembre 1938, Borges publie un article sur Duodecimal Arithmetics, de George S. Terry (Borges,
2000 : 127-128), ce qui n’est pas sans rappeler une des singularités du monde de Tlön, où un siècle dure 144 ans
« de acuerdo con el sistema duodecimal » (Note de l’auteur, Borges, 1989, t. 1 : 437). Le 14 octobre 1938, « Un
resumen de las doctrinas de Einstein » parle, en fait, de géométrie à n dimensions, dont la quatrième dimension7 qui
stimule l’imagination du chroniqueur :

Mediante la tercera dimensión, la dimensión de altura, un punto encarcelado en un círculo puede huir
sin tocar la circunferencia; mediante la cuarta dimensión, la no imaginable, un hombre encarcelado en
un calabozo podría salir sin atravesar el techo, el piso o los muros (Borges, 1990 : 277).

16On le voit, Borges envisage ici les possibilités littéraires, et en particulier policières, de cette géométrie non
euclidienne ; cette considération semble faire écho à une remarque d’un compte rendu de « The door between, de
Ellery Queen » (H, 25 juin 1937) : « Hay un problema de interés perdurable: el del cadáver en la pieza cerrada, “en
la que nadie entró y de la que nadie ha salido” » (Borges, 1990 : 145). Mais elle trouvera en fait, bien plus tard, un
emploi dans un contexte qui n’a rien de policier avec ces vers du poème « Adrogué » (1960) : « Pero todo ocurre en
esa suerte / de cuarta dimensión, que es la memoria » (Borges, 1989, t. 2 : 220). Ici la mémoire n’est donc pas un
espace temporel mais une dimension supplémentaire de l’espace dans lequel nous évoluons, colorant ce poème
nostalgique de fantastique.

Les avant-gardes
17Il est clair qu’à l’époque où il publie ces chroniques, Borges a définitivement pris ses distances avec les avant-
gardes, et se moque d’autres spécialistes de la littérature (ici les critiques) qui privilégient les idées et les postures au
détriment des résultats esthétiques, comme dans l’essai « Enrique Banchs ha cumplido este año sus bodas de plata
con el silencio » (H, 25 décembre 1936) :

Es muy sabido que a los críticos les interesa menos el arte que la historia del arte; la obtención efectiva
de una belleza que su arriesgada búsqueda. Un libro cuyo valor fundamental es la perfección puede ser
menos comentado que un libro que muestra los estigmas de la aventura o del mero desorden…
La urna ha carecido, asimismo, del prestigio guerrero de las polémicas. Enrique Banchs ha sido
comparado a Virgilio. Nada más agradable para un poeta; nada, también, menos estimulante para su
público (Borges, 1990 : 64).

18On comprend alors que l’écrivain Herbert Quain (qui, par ailleurs, fait tout pour se voir rangé dans cette catégorie)
se lamente ainsi : « no pertenezco al arte sino, a la mera historia del arte » (Borges, 1989, t. 1 : 461). L’essai « Las
“nuevas generaciones” literarias » (H, 26 février 1937) fait le procès de la vanité de certaines positions (pour ne pas
dire poses) avant-gardistes :

También tuvimos el arrojo de ser hombres de nuestro tiempo –como si la contemporaneidad fuera un
acto difícil y voluntario y no un rasgo fatal. En el primer impulso abolimos –¡oh definitiva palabra!– los
signos de puntuación: abolición del todo inservible, porque uno de los nuestros los sustituyó con las
«pausas», que a despecho de constituir (en la venturosa teoría) «un valor nuevo ya incorporado para
siempre a las letras», no pasaron (en la práctica lamentable) de grandes espacios en blanco, que
remedaban toscamente a los signos (Borges, 1990 : 98).

19Le poème « Invocación a Joyce » (1968, inclus l’année suivante dans Elogio de la sombra) n’en dira pas plus, en
s’en prenant cette fois aux universitaires :

Dispersos en dispersas capitales,


solitarios y muchos,
jugábamos a ser el primer Adán
que dio nombre a las cosas.
Por los vastos declives de la noche
que lindan con la aurora,
buscamos (lo recuerdo aún) las palabras
de la luna, de la muerte, de la mañana
y de los otros hábitos del hombre.
Fuimos el imagismo, el cubismo,
los conventículos y sectas
que las crédulas universidades veneran.
Inventamos la falta de puntuación,
la omisión de mayúsculas,
las estrofas en forma de paloma
de los bibliotecarios de Alejandría.
Ceniza, la labor de nuestras manos
y un fuego ardiente nuestra fe.
(Borges, 1989, t. 2 : 382)

8 On peut, par exemple, renvoyer aux prologues de El otro, el mismo (1964) ou de El oro de los tigres(...)

20Dans ce même essai, Borges énonce ce que l’on pourrait appeler son paradoxe Lugones : « Lugones publicó
[Lunario sentimental] el año 1909. Yo afirmo que la obra de los poetas de “Martín Fierro” y “Proa” […] está
prefigurada, absolutamente, en algunas páginas del Lunario » (H, 26 février 1937, in Borges, 1990 : 99). On le voit
donc sur le chemin de la réconciliation (esthétique) avec Lugones, au prix d’un tour de force de parfaite mauvaise
foi, qui fait du moderniste le père des avant-gardes. On sait que Borges poursuivra cette réconciliation avec Lugones
qui culminera avec « A Leopoldo Lugones », qui ouvre El hacedor (1960), et dira son admiration pour le
modernisme, dans son œuvre poétique de la vieillesse8. C’est donc très logiquement que l’année d’après, dans « Un
caudaloso manifiesto de Breton » (H, 2 décembre 1938), il s’en prend à André Breton, attardé dans des postures
d’avant-garde et dont il n’accepte pas les conceptions de l’engagement :

Hace veinte años pululaban los manifiestos. Esos autoritarios documentos renovaban el arte, abolían la
puntuación, evitaban la ortografía y a menudo lograban el solecismo. Si eran obra de literatos, les
complacía calumniar la rima y exculpar la metáfora; si de pintores, vindicar (o injuriar) los colores
puros; si de músicos, adular la cacofonía; si de arquitectos, preferir un sobrio gasómetro a la excesiva
catedral de Milán. Todo sin embargo tiene su hora. Esos papeles charlatanes (de los que poseí una
colección que he donado a la quema) han sido superados por la hoja que André Breton y Diego Rivera
acaban de emitir (Borges, 1990 : 287 ; nous mettons des italiques).
Es absurdo que el arte sea un departamento de la política. Sin embargo, eso precisamente es lo que
reclama este manifiesto increíble. André Breton […] rechaza el «indiferentismo político», denuncia el
arte puro «que de ordinario sirve los fines más impuros de la reacción» y proclama que la tarea suprema
del arte contemporáneo es «participar consciente y activamente en la preparación de la revolución».
Acto continuo propone «la organización de modestos congresos locales e internacionales». Deseoso de
agotar los deleites de la prosa rimada, anuncia que «en la etapa siguiente se reunirá un congreso mundial
que consagrará oficialmente la fundación de la Federación Internacional del Arte Revolucionario
Independiente (F.I.A.R.I.)».
¡Pobre arte independiente el que premeditan, subordinado a pedanterías de comité y a cinco
mayúsculas! (Borges, 1990 : 288).
9 Voir Trotsky, Léon, 2000, Littérature et révolution, Paris, Éd. de la Passion. Préf. de Maurice Nad (...)

21Borges n’a pas de mal à souligner les contradictions (une de ses stratégies d’attaque préférée) du manifeste et il lui
a seulement manqué de repérer qu’en fait le manifeste avait été rédigé par Breton et Trotsky9.

Débat public : science, art, éthique et politique


22Ces chroniques expriment pourtant clairement les positions éthiques et politiques de Borges. Ainsi l’essai « La
dinastía de los Huxley » (H, 15 janvier 1937), dont le contenu jusqu’alors n’était pas politique, s’achève sur une
considération à propos de la notion de tradition en opposant Charles Maurras et les Huxley :

Charles Maurras nos habla sin ironía de cierto «maestro de tradición», J. F. Bladé, hijo, nieto y bisnieto
de soldados, que para continuar esa tradición «determinó batirse con Alemania en el terreno de la
ciencia». ¡Triste manera de entender la ciencia, denigrándola al ejercicio jurídico de probar que el
acusado nunca tiene razón; triste manera de entender la tradición, denigrándola a un juego de odios!
Mejor la sirven los Huxley interrogando al mundo, sin otro compromiso que el de la probidad de su
método. Eso debe ser la tradición: un instrumento, no la perpetuación de unos malhumores (Borges,
1990 : 74 ; nous mettons en italiques).

23On reconnaît là une position éthique de Borges appliquée à la science et applicable à l’art. Pour les mêmes raisons
(mais pas seulement), il loue Oswald Spengler : « Sus varoniles páginas, redactadas en el tiempo que va de 1912 a
1917, no se contaminaron nunca del odio peculiar de esos años » (H, 25 décembre 1936, in Borges, 1990 : 66).

24Prenant très souvent position contre les totalitarismes européens (nazisme et communisme, sans s’occuper de
Mussolini), il conclut son article consacrée à « Insel Almanach auf das Jahr 1937 » (H, 11 juin 1937) :
« Descontadas algunas reediciones […] vemos que sólo veinticuatro títulos se han añadido a su catálogo. […]
Resumo lo anterior: Alemania, literariamente, está pobre » (Borges, 2000 : 55-56). La sous-section « La vida
literaria » du 28 octobre 1938 signale (entre autres) avec une lapidaire ironie : « En la novísima “Historia de la
literatura alemana”, de Wilmar y Rohr, no figura el nombre de Heine. Esa omisión está compensada por la inclusión
de los aclamados escritores Hitler y Goebbels » (ibid. : 133). En 1946, Borges déclare dans un discours dont c’est
Perón qui est cette fois la cible : « Las dictaduras fomentan la opresión, las dictaduras fomentan el servilismo, las
dictaduras fomentan la crueldad; más abominable es el hecho de que fomenten la idiotez » (Borges en Sur : 304;
nous mettons en italiques). Dans ces chroniques, il ne manque pas une occasion de renvoyer dos à dos fascisme (en
fait le nazisme) et communisme, comme dans son commentaire de Guide to the Philosophy of Morals and Politics,
de C.E.M. Joad du 22 juillet 1938 :

Fascismo y comunismo –nadie lo ignora– abominan por igual la democracia.


De otro rasgo común –la adoración idolátrica de los jefes– Joad ha reunido algunos divertidos ejemplos.
Un periódico oficial de Moscú suspira esta cosa: « ¡Qué felicidad vivir en la Era de Stalin, bajo el sol de
la constitución de Stalin!». En Berlín un «decálogo para obreros» empieza así: «Cada mañana
saludamos al Führer y cada noche le rendimos gracias por haber infundido en nosotros, oficialmente, su
voluntad vital». Lo cual ya no es adulación, sino magia (Borges, 1990 : 254).

25Sans ironie cette fois, il le fait également dans la « Postdata de 1947 » de la nouvelle « Tlön, Uqbar, Orbis
Tertius » (Sur, mai 1940) : « Hace diez años bastaba cualquier simetría con apariencia de orden –el materialismo
dialéctico, el antisemitismo, el nazismo– para embelesar a los hombres ». (Borges, 1989, t. 1 : 442). Ces positions
culmineront avec la publication en première page de El Hogar, le 13 décembre 1940, soit plus d’un an après la fin de
la collaboration régulière des chroniques, de « Definición del germanófilo » (Borges, 1990 : 335), où le Borges
libéral et anglophile attaque les nationalistes argentins pro-allemands (Rodríguez Monegal, 1983 : 405) et qui est à
mettre en rapport avec des textes publiés dans Sur à la même époque.

L’humour vache
26Ces chroniques révèlent aussi un trait de caractère bien connu de Borges, à savoir son penchant pour la causticité ;
la nécessité impérieuse de faire de l’esprit, où confluent l’acuité de l’intelligence, la passion littéraire (qui ne tolère
pas la médiocrité) et la jubilation de la formule. C’est ainsi que, mécontent de la qualité d’une anthologie policière,
Borges commence un de ces textes du 24 février 1939 en affirmant : « Dorothy Sayers suele compensar con
excelentes antologías la publicación de novelas imperdonables. Ahora sin embargo, parece haber extendido a otros
escritores la culpable indulgencia que antes guardaba para uso particular » (Borges, 1990 : 303). Affublant sa
victime de faiblesse morale et de nullité artistique, la formule est assassine parce que frappée au coin de l’humour
(féroce).

27« La vida literaria » est une sous-section courte qui consiste tantôt en une accumulation de brèves pour signaler
une parution dans une capitale étrangère ou une traduction, tantôt porte sur un seul livre, pour n’en signaler parfois
qu’un aspect saugrenu ou amusant. Celle du 7 juillet 1939 est consacrée à un livre sur les sœurs canadiennes Dionne,
très célèbres en leur temps pour avoir été les premiers quintuplés à survivre :

Uno de los rasgos desconcertantes de nuestro tiempo es el entusiasmo que han provocado en todo el
planeta las hermanas Dionne, por motivos numéricos y biológicos. El doctor William Blatz les ha
consagrado un vasto volumen, previsiblemente ilustrado de fotografías encantadoras. En el tercer
capítulo afirma: «Yvonne es fácilmente reconocible por ser la mayor, Marie por ser la menor, Annette
porque todos la toman por Yvonne, y Cecile porque es del todo igual a Emilie» (Borges, 1990 : 334).

28Il s’agit d’un texte qui fait partie de la dernière page régulière de Borges dans El Hogar ; il était au courant de la
probable prochaine disparition de ses chroniques (la page ayant été diminuée de moitié et reléguée vers la fin de la
revue), et il faut sans doute y voir de sa part une espièglerie à plusieurs niveaux : il se moque de l’auteur de ce livre,
par une simple citation comique (parce qu’elle est sortie de son contexte ou parce qu’elle était déjà absurde ?), mais
aussi de son public de lectrices, sans doute plus intéressé par les sœurs Dionne que par les parties de la chronique
consacrées à « Un manual homérico » et « John Wilkins, previsor » et de lui-même, un peu, en consacrant sa section
« De la vida literaria » à un sujet qui n’a précisément rien à voir avec cette vie littéraire.

Conclusion
29On voit, bien entendu, à l’œuvre dans ces chroniques, l’esprit borgésien, avec son acuité d’analyse mais aussi son
humour, voire son sarcasme et son goût pour la polémique. S’agissant de la poésie (avec Banchs et Lugones,
notamment), elles prennent le parti des formes classiques, en opposition avec les avant-gardes historiques, option qui
préfigure ce qui sera l’orientation esthétique dominante de sa propre production poétique à partir de El hacedor. Il ne
faudrait pas en conclure pour autant que Borges s’est replié sur des choix esthétiques du passé, comme en témoigne
son admiration répétée pour Faulkner, garant d’une modernité romanesque, et son goût pour le roman policier,
encore considéré comme un genre mineur. On voit aussi à quel point les textes de Ficciones, en particulier, intègrent
les questions et débats spéculatifs qui intéressent Borges dans ces années-là. En fait, il va y explorer lui-même, sans
entièrement les assumer, des attitudes radicales, recyclées en thèmes plus qu’en pratique, tout comme il s’est
intéressé dans ses chroniques à l’utopie et la contre-utopie.

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Bibliographie
Borges, Jorge Luis, 1989, Obras completas, Buenos Aires, Emecé.

—, 1990, Textos cautivos. Ensayos y reseñas en El Hogar (1936-1939), Barcelona, Tusquets. Édition de Enrique
Sacerio-Gori et Emir Rodríguez Monegal.

—, 1999, Borges en Sur 1931-1980, Buenos Aires, Emecé.

—, 2000, Borges en El Hogar: 1935-1958, Buenos Aires, Emecé.

RodrÍgueZ Monegal, Emir, 1983, Jorge Luis Borges. Biographie littéraire, Paris, N.R.F. Gallimard.

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Notes
1 El Hogar Ilustración semanal argentina Para la mujer, la casa y el niño. Le contenu alterne des sujets mondains
(loisirs, vacances, réceptions, mode, etc.) et des pages culturelles et littéraires (des récits, des articles signés par des
écrivains, etc.), des illustrations, publicités et photographies et quelques pages destinées aux enfants dont une de
bande dessinée (Aventuras de caza del Pibe Palito et Las aventuras de don Pancho Talero). La page de Borges
alterne avec la section « Libros y autores de idioma español » (diverses signatures ou pas de signature). Nous
abrègerons par H le titre de la revue dans les références.

2 « La importancia de El Hogar en la conformación de los gustos, vestimentas y formas de vida de los argentinos
todavía no ha sido suficientemente estudiada. Fue por mucho tiempo la revista de mayor venta y el público
reconocía en ella a la publicación más identificada con un incipiente estilo de vida nacional.

La transformación del El Hogar le permitió identificarse con vastos sectores de la vida argentina y alcanzó
consagración nacional. Era el espejo de los principales acontecimientos sociales y políticos, interesaba al lector
femenino, al lector joven, al lector sentimental, al lector de las ciudades de provincias. Intenta perpetuar sucesos,
establece modas y costumbres y consagra escritores. Acceder a sus páginas en alguna de esas formas era alcanzar el
Parnaso criollo o una zona para pocos elegidos.

[…] era también una publicación elaborada por argentinos, que hacía conocer firmas, literatura y pensamiento
argentino. Exaltaba las tradiciones, el arte, el folklore, la historia, los usos y cosas cotidianos, los héroes de la
nacionalidad.

El libro argentino pasó en esa época de orfandad casi total a tener aceptación en sectores más amplios, tarea en la
que El Hogar contribuyó en medida no despreciable, exaltando el pasado literario y abriendo sus páginas a los
principales expositores del pensamiento vernáculo, como Enrique Méndez Calzada, Eduardo González Lanuza,
Manuel Láinez, José Quesada, Ernesto Mario Barreda [...] Horacio Quiroga, Conrado Nalé Roxlo, Julio Aramburu y
otros ». Pablo Mendelevich, « Las revistas argentinas », archivé par Unesco Internet Archive, 21 juin 2004, La vida
de nuestro pueblo. Las revistas, fascículo 3 (Colección centro editor de América latina, Buenos Aires, 1981).

3 Ces textes sont disponibles dans Textos cautivos qui, à peu de chose près, est la sélection que décida Borges pour
la Pléiade (Borges, 1990 : 18). Un complément de textes est paru dans Borges en El Hogar.

4 C’est ce à quoi nous invite l’éditeur scientifique Sacerio-Garí dans le prologue de Textos cautivos : « Comprobé
que era un texto indispensable para el conocimiento de sus ficciones críticas » (Borges, 1990  : 17).

5 La question de l’utopie revient souvent dans ces chroniques.

6 Borges n’a pas eu accès à l’ouvrage, qui est en revanche consultable à la BNF (X-31) : Wilkins, John, An Essay
towards a real character and a philosophical language, London : S. Gellibrand and J. Martin, 1668. En se reportant
à « The Fourth Part Containing a Real Character, and a Philosophical Language », et son chapitre III « How this
Real Character may be effable in a distinct Language, and what kind o Letters or Syllables may be conveniently
assigned to each Character  » (p. 414), on trouve effectivement le passage qui présente la formation des mots par
dérivation à partir d’un radical et selon la logique des catégories longuement exposée précédemment.

7 Signalons que Borges avait déjà publié l’article « La cuarta dimensión », dans Revista Multicolor de los Sábados,
supplément du quotidien Crítica, Buenos Aires, nº  40, 5 décembre 1934 ; in Irma Zangara (invest. y recop.), Borges
en Revista Multicolor, Atlántida, Buenos Aires, 1995, p. 29-32.

8 On peut, par exemple, renvoyer aux prologues de El otro, el mismo (1964) ou de El oro de los tigres (1972).

9 Voir Trotsky, Léon, 2000, Littérature et révolution, Paris, Éd. de la Passion. Préf. de Maurice Nadeau.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Christophe Larrue, « Les chroniques de Jorge Luis Borges dans El Hogar, continuum de l’œuvre littéraire »,
América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1606 ; DOI : 10.4000/america.1606

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Auteur
Christophe Larrue

Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3

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Paru dans América, 40 | 2011

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América
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Cette revue sur les champs culturels en Amérique Latine (Littérature et civilisation) publie les
résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
questions spécifiques.

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ISSN imprimé :
0982-9237

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
I. Chronique et alliage de genres

La chronique au Mexique : évolution et perspectives


La crónica mexicana contemporánea: evolución y perspectivas
Françoise Léziart
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

Partant des premières chroniques journalistiques du xixe siècle, frivoles, patriotiques ou déjà combatives pour
ensuite aborder les textes d’Elena Poniatowska et de Carlos Monsiváis (les chroniqueurs emblématiques du Mexique
des années 1960-1990) notre travail cherche à souligner l’évolution (tant thématique que rhétorique) de ce type
d’expression hybride dont on trouve certains prolongements dans les ouvrages d’un auteur comme Jorge Volpi. Cela
nous amène à réfléchir également au rôle du chroniqueur et aux conditions spécifiques de production de ce type de
texte.

Partiendo de las primeras crónicas decimonónicas, frívolas, patrióticas o ya combativas para luego enfocar los textos
de Elena Poniatowska y de Carlos Monsiváis (los cronistas emblemáticos de los años 1960-1990) nuestro trabajo
procura subrayar la evolución (a nivel temático tanto como retórico) de esta forma híbrida de expresión que
obviamente tiene repercusiones en las obras más recientes como la de Jorge Volpi. Lo que nos lleva a reflexionar
sobre el papel del cronista y las condiciones específicas de producción de esta textual.

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Entrées d’index
Mots-clés :

chronique, chroniqueur, Mexique, Elena Poniatowska, Carlos Monsiváis

Palabras claves :

crónica, cronista, México, Elena Poniatowska, Carlos Monsiváis


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Plan
Le chroniqueur témoin de l’histoire
La chronique journalistique
Nouvelle génération
En conclusion
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1Les profonds changements qui se sont opérés au cours des dernières décennies et qui continuent de bouleverser le
rapport de l’auteur avec l’écriture et la notion même de genre littéraire ont fait évoluer les jugements émis sur les
formes hybrides d’expression comme c’est le cas de la chronique. Il est donc intéressant d’analyser, à plusieurs
titres, l’évolution et la permanence de ce type de texte et plus encore dans un pays comme le Mexique.

2Il est, de fait, bien difficile de donner une définition de la chronique qui est, au sens propre, la relation de faits ou
d’événements suivant l’ordre chronologique de l’actualité. Comme le soulignait avec justesse Paul Veyne dans son
essai Comment on écrit l’histoire : « Écrire c’est raconter » (Veyne, 1971 : 29), ce qui revient à mettre en relief le
caractère subjectif de toute forme d’écriture et en particulier celui de la chronique qui présente un point de vue
personnel. Et c’est bien la raison pour laquelle, le chroniqueur cherche à convaincre et à séduire tout à la fois son
auditoire ou son lectorat. Il y parvient par le recours à une argumentation (d’où l’importance et la fréquence de la
« fonction conative » du discours – Jakobson, 1963 : 218) et par l’utilisation de certaines « propriétés littéraires » qui
sont un peu éloignées du cadre traditionnel de l’écriture (Todorov, 1987 : 24). Il y a donc, dans la chronique, cette
« chispa tonal », comme le dit Fabienne Bradu, qui en fait le charme et qui la différencie d’un banal article de presse
ou récit.

3On a coutume de diviser l’évolution de la chronique en deux grandes périodes. Dans un premier temps, chronique
et histoire voguaient sur la même rive et les chroniqueurs-historiens avaient pour vocation de proposer une vision
spécifique des grands événements de l’actualité. Il s’agissait pour eux, soit d’agrémenter de leur plume élégante les
hauts faits royaux des cours qu’ils servaient, soit de témoigner d’une autre réalité volontairement occultée. Et l’on
retrouve bien là les deux facettes de cette forme d’expression qui oscille entre séduction ou complaisance et
engagement parfois stigmatique. Dans un pays comme le Mexique et à travers son histoire chaotique, face à la
chronique officielle, s’est érigée, comme le rempart de la vérité ou d’une vérité autre, une chronique non officielle
ou « extra-officielle » (comme le disait Carlos Monsiváis) révélatrice des dysfonctionnements de la société.

4Dans un deuxième temps et dans le sillage du développement de la presse puis des mass media, la chronique
historique a troqué ses pompeux atours contre les frusques de la quotidienneté. Le chroniqueur-journaliste ou
reporter s’est alors imposé comme le nouveau héraut de la modernité et de l’ouverture à l’autre et au monde.
Privilégiant le texte court, proche du conte parfois ou de la nouvelle, ou bien adoptant la forme de l’article de journal
ou de revue, cette nouvelle chronique conserve son ancrage dans la périodicité et l’actualité. Au Mexique, c’est une
forme d’expression dont les « écrivains-journalistes » (comme on les nomme) de la période contemporaine se sont
servis pour contredire les diktats de l’académisme nationaliste assimilant culture et stéréotype. Ils ont aussi utilisé ce
mode d’écriture rapide et facilement accessible pour défendre les idées de justice et de liberté face à un
environnement social et politique hiérarchique, fermé ou même corrompu. Comme on le voit, par mimétisme ou par
nécessité, la chronique s’est adaptée aux fluctuations du temps pour retrouver une sorte d’oralité qui lui sied bien par
sa proximité des faits et des actes.

Le chroniqueur témoin de l’histoire


5La chronique mexicaine en son début est indissociable de la formation des nouveaux Empires coloniaux
d’Amérique. Elle a fourni, en effet, des informations essentielles sur le fonctionnement des sociétés que les
Conquistadors espagnols venaient de découvrir et d’envahir avec les conséquences que l’on connaît. Les premiers
chroniqueurs furent les témoins oculaires et privilégiés de la destruction du Nouveau Monde ; le plus représentatif
d’entre eux étant le soldat de Cortés : Bernal Díaz del Castillo. Son ouvrage intitulé Historia verdadera de la
conquista de la Nueva España et écrit llanamente – comme il le souligne lui-même – contient tous les éléments
constitutifs de la chronique : c’est avant tout le témoignage d’un soldat qui a participé aux combats et à la conquête
du territoire aztèque. Il propose une sorte « d’histoire immédiate » pour reprendre l’expression de l’historien Jean
Lacouture. En outre, Bernal Díaz del Castillo insiste sur le fait qu’il écrit sa propre histoire de la Conquête, une
vision des choses bien éloignée de celle des chroniqueurs officiels de la Royauté espagnole (en l’occurrence
Francisco López de Gómara) dont la posture était plus proche de celle du « notario de las transacciones políticas y
las proezas militares y en condición necesaria para adquirir prestigio » (González y González, 1989 : 41).

6D’où le caractère subjectif de son témoignage doublé d’un véritable désir de sincérité. La chronique, même
personnelle, comporte aussi, comme c’est le cas ici, une dimension collective puisqu’elle informe sur un événement
historique majeur. Bernal Díaz del Castillo propose donc une approche factuelle et souvent anecdotique de la
Conquête du Mexique. Comme le montrent ces annotations concernant le Conquistador Cortés qu’il admire tout en
lui reconnaissant certains défauts : « Era aficionado de naipes y de dados… con demasía dado a las mujeres » (Díaz
del Castillo, 1985 : 581). Le recours à l’humour et à l’exagération étant, de manière générale, deux vecteurs de la
« poétisation » de la chronique. Dans le cas évoqué, l’emphase sert à décrire les batailles de la Conquête en tableaux
épiques à la manière de Rubens, et la touche humoristique sur lui-même ou sur les autres a pour fonction de susciter
l’intérêt et la curiosité.

La chronique journalistique
1 José Joquín Fernández de Lizardi cité par Carlos Monsiváis dans son anthologie de la chronique (p.1 (...)
2 Ignacio Manuel Altamirano a publié cet article en 1869, dans la revue El Renacimiento dont il était (...)

7Le xixe siècle correspond au Mexique à l’âge d’or de la chronique journalistique. Le développement de la presse
quotidienne et périodique devient alors une tribune idéale pour les écrivains où ils peuvent exprimer et transmettre
leur avis. Mais le lectorat est encore limité à une élite éclairée, comme le constate Fernández de Lizardi en
soulignant que le peuple ne lit pas les écrits savants1. Carlos Monsiváis, dans la préface de son incontournable
anthologie de la Chronique au Mexique, A ustedes les consta, rappelle que les chroniques de cette période peuvent
être frivoles ou patriotiques, légères ou graves, et qu’elles s’orientent vers une forme de « turismo interno » ou bien
aspirent à forger la « filosofía nacional » (Monsiváis, 1985 : 27). Avec son ironie habituelle, l’auteur mexicain
insiste sur la propension de ces chroniques brèves à la stéréotypie et à l’archaïsme, comme si se pencher sur le passé
permettait d’éviter les écueils du présent. Et il ne fait pas de doute qu’un texte comme celui d’Ignacio Manuel
Altamirano intitulé « Una visita a La Candelaria de los Patos »2, où il dénonce les conditions de vie misérable dans
certaines zones de la capitale, fait figure d’exception.

8De ces chroniques se dégage généralement une certaine légèreté, que l’on peut voir dans le parisianisme du poète
Amado Nervo, ou encore de l’emphase, comme dans les chroniques à l’héroïsme exalté de Guillermo Prieto
célébrant les batailles de l’Indépendance. Sans oublier une autre composante de ce type de texte, la recherche du
pittoresque et de l’anecdotique dont témoignent les chroniques de Ricardo Cortés Tamayo intitulées Tipos populares
de la ciudad de México que « dan fe y testimonio del calor y color del pueblo » (Cortés Tamayo, 1974 : 5). Il y
dépeint, entre autres personnages pittoresques, le « pelado » ou « lépero » mexicain, l’homme du peuple en version
édulcorée et bienveillante. Ces chroniques s’inscrivent dans la continuité de la chronique historique et elles en
possèdent le même caractère documentaire et généraliste. Mais elles répondent également à de nouveaux critères de
visibilité et de lisibilité propres à un siècle où l’un des objectifs prioritaires est de forger un passé et des racines
identitaires à un pays peu accoutumé à l’exercice de la nationalité.

9Et l’on peut dire qu’au Mexique le « genre » de la chronique a trouvé son plus grand rayonnement dans la seconde
moitié du xxe siècle grâce aux textes d’Elena Poniatowska et de Carlos Monsiváis, qui sont deux représentants
emblématiques d’une chronique que l’on pourrait qualifier de « républicaine ». Héctor Aguilar Camín, journaliste
lui-même et essayiste, résume fort bien, à travers la déclaration suivante, l’importance acquise par cette forme
d’expression dans les années 1970. Il se réfère à la publication par Elena Poniatowska de La noche de Tlatelolco :
« El éxito de La noche de Tlatelolco se debió […] a que respondía […] a la nueva catarsis literaria que prefieren los
setentas: la catarsis del espejo, la crónica, en el doble sentido de la reseña y clímax de la realidad » (Aguilar Camín,
1985 : 130). Il y insiste sur l’une des tendances propres au journalisme et aux médias, à savoir le recours à une forme
de sensationnalisme, de réalité crue – encore dominante aujourd’hui. Mais, il n’insiste pas assez sur le contexte
sociopolitique de l’époque qui tolérait ou encourageait même une certaine forme de désinformation.

3 Il y aurait eu 325 morts, de nombreux blessés et des arrestations ce jour-là à Mexico.

10Elena Poniatowska comme Carlos Monsiváis, à travers leurs ouvrages de chroniques ou leur collaboration à
diverses publications mexicaines, ont œuvré à la construction d’un espace de démocratie dans leur pays. La noche de
Taltelolco (1971) est un « collage polyphonique » de témoignages sur les manifestations étudiantes de 1968, dont le
point d’orgue se soldera en un lourd bilan en vies humaines le 2 octobre sur la place des Trois Cultures3. L’ouvrage
de la journaliste mexicaine a connu par la suite un nombre impressionnant de rééditions, ce qui n’était pas si courant
à cette époque. Les années 1960 correspondent aussi à l’élévation moyenne du niveau d’éducation et du niveau
culturel du Mexique, ce qui a entraîné l’émergence d’une classe moyenne plus instruite et plus en situation de
dénoncer certains excès. Passant de chroniques anecdotiques (correspondant au début de sa carrière où elle tenait la
rubrique mondaine) de type « costumbrista » dans ses premiers ouvrages comme Todo empezó el domingo (1963) à
des chroniques plus engagées comme le montre le titre de cet ouvrage, Fuerte es el silencio (1983), les textes
d’Elena Poniatowska ont occupé un espace d’expression intermédiaire libéré par un pouvoir politique moins
appliqué qu’auparavant à museler la presse.

11Il s’était instauré une sorte de complicité involontaire entre ces journalistes contestataires et le pouvoir en place
qui laissait dire ce que, finalement, une minorité de Mexicains pouvait entendre et comprendre. Le parcours d’Elena
Poniatowska est aussi celui d’un écrivain à part entière, elle a publié des contes, des romans, surtout à partir des
années 1990, et a su endosser les deux costumes : celui de journaliste et celui de romancière. Elle s’est beaucoup
inspirée du mouvement né aux États-Unis dans les années 1950 sous le nom de « New Journalism » dont le but était
d’élever le journalisme au niveau de la littérature par l’utilisation de techniques narratives destinées à transmuer le
récit de la réalité. On peut citer, ainsi, cette nouvelle d’Elena Poniatowska assez longue (de presque cent pages)
intitulée La Colonia Rubén Jaramillo (Fuerte es el silencio, p. 181-178), où elle transforme l’occupation de terres
par des paysans de l’État du Morelos dirigés par un leader charismatique – le « Güero Medrano » – en « breve
novela épica » (Manjárrez, 1981 : 102). Ou comment enjoliver une réalité bien populaire et bien prosaïque…

12Carlos Monsiváis était qualifié, dans son pays, de « juge à la Cour suprême » en revendication permanente. Plus
que celui d’Elena Poniatowska, son propos est idéologique et son exigence ne se limite pas seulement à
l’établissement de la démocratie, elle englobe aussi le droit des minorités et les droits fondamentaux. Il a (comme sa
consœur) écrit sur les événements et le mouvement de protestation étudiante de 1968 ou sur le désastre occasionné
par le séisme de 1985, mais ses activités de journaliste ne se sont pas limitées à la presse puisqu’il intervenait
également dans d’autres médias, ce qui lui donnait plus de poids dans la société mexicaine. Ses ouvrages de
chronique se répartissent en deux catégories : des textes relatifs à la réalité sociale et un autre volet plus axé sur
l’analyse de la culture, surtout de la culture populaire. Et l’on touche là le paradoxe de l’écriture de Carlos
Monsiváis : avoir traité de la culture populaire en se servant d’un discours accessible à une élite lettrée… Días de
guardar (1970) est son premier recueil de chroniques où il pratique déjà ce qui caractérisera ses publications futures,
c’est-à-dire un usage aigu de l’ironie et de la dérision, le recours à une typographie résolument novatrice, un
découpage chronologique hautement symbolique (ainsi la date du « Premier Mai », la fête du travail, adopte ce titre
volontairement contradictoire : Imágenes del tiempo libre). Tout se passe comme si la modernité que Carlos
Monsiváis appelle de ses vœux ne trouvait sa concrétisation que par défaut.

13Le journaliste mexicain avait, en fait, pour fonction de servir d’intermédiaire entre une classe moyenne éclairée et
les couches inférieures de la société. Il s’agissait de renforcer les liens existants entre les intellectuels progressistes et
les éléments les plus actifs ou impliqués du monde ouvrier ou du monde paysan (syndicalistes, membres
d’associations…). On voit bien là le rôle de détonateur social qu’a pu avoir la chronique mexicaine dans les années
1970. L’hybridité des chroniques de Carlos Monsiváis est encore plus nette que celle des textes d’Elena Poniatowska
ou d’autres chroniqueurs de la même époque comme Fernando Benítez ou José Joaquín Blanco. Elles oscillent entre
témoignage, diatribe et essai mais comportent peu d’éléments décoratifs. Ce sont souvent des sortes de tableaux ou
de scénettes visuelles servis par une rhétorique à la fois impersonnelle et partisane, abstraite et argotique,
conceptuelle et vindicative. Il faut retenir particulièrement un ouvrage intitulé Escenas de pudor y liviandad, dans
lequel l’auteur s’applique à dresser un panorama assez exhaustif de la culture populaire mexicaine qui va bien au-
delà des stéréotypes de « l’albur » et de la « carpa ».

14On peut dire que la chronique s’est imposée comme discours porteur entre 1960 et 1990 en raison de son
accessibilité à un public plus large. Elle a bénéficié également de circonstances favorables, de la présence de grandes
personnalités, a su exploiter au mieux l’intensité dont peut être dotée la réalité et qui la rend plus percutante que la
fiction.

Nouvelle génération
15La nouvelle génération d’écrivains mexicains ne manque ni de talent ni de reconnaissance internationale – de
Jorge Volpi à Yuri Herrera, sans oublier les femmes comme Guadalupe Nettel. S’il existe une continuité entre ces
jeunes auteurs et les chroniqueurs précités, elle se trouve dans le fait que leurs écrits ne perdent jamais de vue la
réalité socio-historique de leur pays. Renato Leduc disait déjà (dans les années 1980) que les écrivains mexicains
avaient du mal à se « désintoxiquer » du réel, et c’est encore le cas. Cependant, les auteurs contemporains
s’impliquent de manière moins directe que leurs prédécesseurs dans la vie sociale du pays. Ils le font sous couvert de
la fiction et en maniant habilement symbole et allusion. Jorge Volpi est l’auteur de nombreux romans et il est aussi
journaliste. Son roman publié en 2003 et intitulé El fin de la locura mêle, en effet, plusieurs genres : la chronique,
l’essai et le roman. Son personnage et narrateur principal est un témoin de son temps (un témoin proche de son
auteur), ce qui donne des airs d’autobiographie à l’histoire ou aux histoires racontées. Cet ouvrage est, de plus, doté
d’une structure fragmentaire qui le rapproche du discours journalistique. Ce sont également les événements de 1968
(vus de l’extérieur puisque le personnage Aníbal Quevedo les vit depuis Paris où il se trouve) ou le combat de
l’EZLN (des années 1990) dans les montagnes du Chiapas qui sont évoqués. Des thématiques proches de celles dont
témoigne Elena Poniatowska et que Carlos Monsiváis analyse sur le vif.

16À travers les différentes notes, lettres, interviews retranscrites ou réécrites qui jalonnent son livre, Jorge Volpi
dresse le bilan en demi-teinte d’un pays qui tarde encore à s’intégrer au concert des démocraties modernes. Il place
son personnage-narrateur au cœur des grands courants de pensée du xxe siècle : du marxisme aux fluctuations de la
psychanalyse, de Mao ou Althusser à Jacques Lacan. Dans les chroniques de Carlos Monsiváis, ces mêmes
personnages ne font l’objet que de citations savantes en marge ou en complément de la thématique évoquée. Car le
rôle et la fonction de l’intellectuel ont changé au cours des dernières décennies. En opposition à une vision locale et
nationale (celle des chroniques) s’est imposée une approche plus « transnationale » (Aínsa, 2012 : 9-11) des réalités
qui découle en partie du fait que bon nombre de ces écrivains ont séjourné ou vécu en Europe ou aux États-Unis, par
nécessité ou par choix. Ce qui caractérise également l’écriture de Jorge Volpi, c’est le recours à une langue familière
et accessible proche de celle des journalistes-écrivains de la génération précédente. L’humour et l’ironie y
soulignent, de la même façon, le rapport ambigu que l’auteur entretient avec une réalité qu’il cherche à dédramatiser.
Ainsi, la photo de famille des membres de la revue Tel Quel (Philippe Sollers, Roland Barthes, Severo Sarduy…) est
décrite de cette façon : « Retrato de familia con cuello Mao » (Volpi, 2003 : 289), pour stigmatiser l’orientation
idéologique du groupe. On retrouve alors la plume acérée de Carlos Monsiváis.

En conclusion
4 « Murió el cronista de Oaxaca », Proceso, n° 562, 10 de agosto 1987, México, p. 57.

17Cette permanence de la chronique dans le panorama historique et culturel du Mexique a donné au chroniqueur un
rôle prédominant. Il y avait le chroniqueur officiel de la Nouvelle Espagne chargé de consolider la présence
péninsulaire hors de ses frontières ou le chroniqueur de la Ville de Mexico dont le premier représentant fut Francisco
Cervantes de Salazar. Il s’appliquera comme ses successeurs à exalter la magnificence de la « muy noble y muy leal
e imperial ciudad ». Cette fonction aux contours imprécis perdurera jusqu’en 1733 où le développement des
premières gazettes obligera le pouvoir colonial à l’officialiser. Et, jusqu’à une période récente, les chroniqueurs
officiels de la Ville de Mexico – souvent des historiens – se borneront le plus souvent à l’évocation du passé
colonial. Ainsi, Luis González Obregón, dans les premières décennies du xxe siècle, s’emploie à répertorier les rues
de la capitale coloniale avec un brin de nostalgie. Après l’expérience malheureuse de 1968 où le poète et
chroniqueur officiel Salvador Novo omettra de mentionner le massacre de la place de Tlatelolco, cette charge plutôt
honorifique finira par évoluer pour être confiée à Guillermo Tovar y de Teresa qui constituera en 1987 un premier
Conseil de vingt intellectuels chargé de sauver le centre historique de la capitale endommagé par le séisme de 1985.
En 2007, ce Conseil, transformé en association civile, s’est élargi à des personnes venant d’horizons culturels divers
qui réfléchissent aux problèmes posés par la mégalopole actuelle. Il faut mentionner également le travail de terrain
des chroniqueurs des villes de province qui ont travaillé à consolider la mémoire historique et culturelle mais
également à créer des liens de solidarité et de convivialité4.

18Il est possible de dire que la chronique au Mexique est une permanence plus qu’une continuité. Elle montre,
encore aujourd’hui, l’incontournable proximité existant entre écriture et temporalité. L’urgence de continuer à
témoigner et à dire.

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Bibliographie
Aguilar CamÍn, Héctor, 1985, Saldos de la revolución, México, Ed. Océano.

AÍnsa, Fernando, 2012, Palabras nómadas, nueva cartografía de la pertenencia, Madrid, Frankurt, Ed.
Iberoamericana, Vervuert.

Cortés Tamayo, Ricardo, 1974, Tipos populares de la Ciudad de México, México, col. Popular de la Ciudad de
México.

DÍaz del Castillo, Bernal, 1985, Historia verdadera de la Conquista de la Nueva España, Madrid, Espasa Calpe.

GonzÁlez y GonzÁlez, Luis, 1989, « Atajo de historiadores », in Nexos, n° 15, marzo, México, p. 41-42.

JaKobson, Roman, 1963, Essais de linguistique générale, Paris, Minuit.

ManjÁrrez, Héctor, 1981 « La indiscreción de Elena Poniatowska », in Cuadernos políticos, n° 27, enero-marzo,
México, p. 102-114.

MonsivÁis, Carlos, 1970, Días de guardar, México, Ed. Era.

—, [1983] 1988, Escenas de pudor y liviandad, México, Grijalbo.

—, 1985, A ustedes les consta (Antología de la crónica en México), México, Ed. Era.

PoniatoWsKa, Elena, 1963, Todo empezó el domingo (con ilustraciones de Alberto Beltrán), México, Ed. Fondo de
Cultura Económica.

—, 1971, La noche de Tlatelolco, México, Ed. Era.

—, 1983, Fuerte es el silencio, México, Ed. Era.

Todorov, Tzvetan, 1987, La notion de littérature, Paris, Seuil.

Veyne, Paul, 1971, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil.

Volpi, Jorge, 2003, El fin de la locura, Barcelona, Ed. Seix Barral.

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Notes
1 José Joquín Fernández de Lizardi cité par Carlos Monsiváis dans son anthologie de la chronique (p.19, note 7).

2 Ignacio Manuel Altamirano a publié cet article en 1869, dans la revue El Renacimiento dont il était le directeur
(Monsiváis, 1985 : 104-105).

3 Il y aurait eu 325 morts, de nombreux blessés et des arrestations ce jour-là à Mexico.


4 « Murió el cronista de Oaxaca », Proceso, n° 562, 10 de agosto 1987, México, p. 57.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Françoise Léziart, « La chronique au Mexique : évolution et perspectives », América [En ligne], 49 | 2016, mis en
ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1617 ;
DOI : 10.4000/america.1617

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Auteur
Françoise Léziart

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
I. Chronique et alliage de genres

Crónica, ironía y sujeto: leer a Monsiváis hoy


Chronique, ironie et sujet : lire Monsiváis aujourd’hui
Ana María Amar Sánchez
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

Este trabajo se enfoca en el último libro de crónicas, Apocalipstick (2009), de Carlos Monsiváis y analiza los
cambios que en él determinan un alejamiento de las formas más periodísticas hacia una mayor «narrativización» o
«ficcionalización». Se examinan los procedimientos que operan en estos cambios: la voz narradora se hace cada vez
más subjetiva, aumenta su protagonismo, prescinde de informaciones puntuales, trabaja con la presuposición, omite
los datos que se espera encontrar en una crónica. Al mismo tiempo, el uso de la paradoja y la ironía, que siempre han
estado presentes en su producción, alcanzan un espacio dominante, funcionan como un arma política y una estrategia
que acentúa la ambigüedad del género en sus últimas producciones y lo distingue nítidamente de otros escritores y
periodistas que han cultivado la crónica en las últimas décadas.

La présente étude d’Apocalipstick (2009), livre de chroniques de Carlos Monsiváis, analyse les changements
apportés par l’auteur pour s’écarter des formes caractéristiques du journalisme et approcher une plus grande
« narrativisation » ou « fictionnalisation ». Elle examine les procédés mis en œuvre : voix du narrateur de plus en
plus subjective, accroissement de plus en plus marqué de sa présence en tant que personnage, éclipse des
informations précises, travail sur les sous-entendus, omission des données que l’on s’attend à trouver dans une
chronique. En même temps, l’usage du paradoxe et de l’ironie, qui ont toujours été présents dans les écrits de cet
auteur, prend la plus grande place, fonctionnant comme une arme politique dans ses dernières œuvres. Sa stratégie
accentue l’ambiguïté du genre, ce qui le distingue clairement des autres écrivains ou journalistes qui ont cultivé la
chronique durant les dernières décennies.

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Entrées d’index
Mots-clés :
sujet, histoire, fiction, ironie, politique

Palabras claves :

sujeto, historia, ficción, ironía, política


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Plan
Fusión de géneros literarios
El cronista como sujeto
Imágenes apocalípticas enfocadas desde el narrador
Paradoja e ironía
En resumen
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Texte intégral
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1Sin duda, la crónica –como el testimonio o relato documental– ha sido uno de los géneros «estrella» de la literatura
del siglo XX y comienzos del XXI en América Latina. Desde las Aguafuertes de Roberto Arlt es imposible pensar
en el canon latinoamericano sin incluir al menos algunos de sus cultores: Arlt, Walsh, Poniatowska, Monsiváis. De
hecho, en los últimos años muchos críticos han insistido en la revitalización de esta forma y son numerosas las
recopilaciones de crónicas escritas por autores, en algunos casos muy conocidos, que reeditan sus obras anteriores;
éste es el caso del cubano Padura que publica en el 2013 en Argentina sus crónicas de los años ochenta.

2Del mismo modo, la extensa Antología de crónica latinoamericana actual de Jaramillo Agudelo, del 2012, da
cuenta de ese interés por la crónica en la actualidad e incluye cuarenta y ocho autores de toda América Latina
nacidos en la segunda mitad del siglo XX. El compilador considera que se trata de la mejor prosa del presente, una
extensa producción marcada con una fuerte impronta política que despliega una variedad de formas estéticas. Sin
embargo, el lector puede ver que son pocas las crónicas realmente innovadoras en términos literarios y formales;
predominan en verdad las estructuras tradicionales y los temas previsibles. Lo mismo puede observarse en la
antología de Padura, aunque éste en el prólogo señale que sus crónicas no sólo son «una expedición a los pliegues de
la cultura cubana, a contrapelo de los cánones propuestos por la memoria oficial de la Revolución» (9), sino también
forman parte de un momento en que comienzan a aparecer «un lenguaje y unas perspectivas diferentes [que] traían
aires de renovación» (15). En resumen, las crónicas de los últimos años, independientemente de la calidad formal y
los temas tratados, se encuadran en su mayoría en las convenciones tradicionales del género. Es sorprendente por eso
confrontarlas con Apocalipstick de Monsiváis publicada en 2009, un año antes de su muerte. Si bien los textos de
Monsiváis nunca fueron convencionales, Apocalipstick propone una cantidad de cuestiones estéticas y políticas para
debatir.

Fusión de géneros literarios


3Puede afirmarse que Apocalipstick representa el punto más alto de fusión y disolución de géneros en la producción
de Monsiváis: es ficción, historia, ensayo, y si bien esto lo podemos encontrar, sin duda, en su obra anterior, es aquí
donde se juega al máximo con sus posibilidades y se exploran elementos aparentemente contradictorios. Como en
las décadas de 1920 y 1930 las Aguafuertes de Roberto Arlt, en los años cincuenta y sesenta los testimonios
periodísticos de Rodolfo Walsh y en los noventa los textos de Pedro Lemebel, en los comienzos del siglo XXI,
Apocalipstick, también una obra difícil de encasillar, culmina la larga trayectoria de cronista de Monsiváis. Cabe
quizá preguntarse si una forma tan lábil e híbrida como la crónica no necesita para brillar y ser ella misma la
permanente ruptura de sus límites, el cuestionamiento de sus convenciones; de hecho, los autores que marcan hitos
en el género son aquellos que, justamente, no las respetan.

4¿En qué consiste ese juego irrespetuoso en Apocalipstick? Me voy a limitar a señalar algunas cuestiones y
procedimientos que considero ejemplares de su escritura: el primer aspecto que salta a la vista es la particular
condición del sujeto que narra la crónica, figura esencial del género que lleva a una serie de consideraciones sobre el
estatuto de esta enunciación, oscilante siempre entre un cronista «real» y un narrador ficcional. El segundo es el
vínculo con la referencia, con el dato y con la información precisa que solemos atribuir a la crónica: Apocalipstick
plantea una ficción de cronista ocupado en presentar una visión de la historia de la ciudad de México muy especial.

1 El término lo utiliza Anna Forné en su estudio sobre Oblivion de Edda Fabbri. Asimismo, Ilse Logie (...)

5La voz narradora de la crónica, como la del testimonio, siempre tiene una condición híbrida. Solemos asimilarla al
autor y a la vez sabemos que de algún modo se ha ficcionalizado; se mueve entre lo referencial y lo textual, se
construye como un punto de encuentro o de pasaje entre lo real y su organización narrativa. Esta figura se torna muy
compleja en autores como Walsh, Lemebel y Monsiváis, en todos ellos acaba por configurarse un «personaje
cronista narrador» que escapa a toda simplificación. Creo que los actuales debates en torno a la autoficción (de algún
modo una variable del mismo problema, pero enfocado desde la ficción) son herederos del cuestionamiento a la
figura «autor» y «personaje ficcional» que han puesto en primer plano los géneros cercanos al periodismo. Es decir,
el problemático sujeto de la crónica comparte con mucha narrativa del presente un gesto estratégico, un rasgo, que
podríamos llamar «epocal». De ahí que diferentes investigadores hablen de «autoficción testimonial» al referirse a
ciertos textos latinoamericanos de las últimas décadas1.

El cronista como sujeto


2 «No hay ningún conflicto entre la pureza del arte y su politización. Al contrario, en función de su (...)

6Pienso este sujeto en Monsiváis como un espacio donde se da lo que Rancière denomina una «particular
configuración» que anuda, en su articulación de lo textual con lo referencial, el lazo entre política y estética2. Lo
mismo que en muchas ficciones (y de ahí la cercanía con la discusión sobre la narrativa autoficcional) tiene en
común su naturaleza contradictoria (y en ello reside gran parte de su atractivo), pues puede leérselo como un híbrido
que borra las diferencias entre los géneros y plantea un ambiguo juego entre el autor real y su representación
narrativa. El nombre del autor que firma el libro e ingresa en el texto como cronista –o el narrador que aparece como
su alter ego– origina este efecto. El cronista Monsiváis de Apocalipstick se mueve en muy diferentes registros, desde
la voz casi impersonal de un observador: «El protagonista de esta nota […] medita» (217), «el protagonista observa
y percibe lo obvio» (219), a la de un personaje que sufre los avatares de vivir en la ciudad de México: «Con
frecuencia, en el Metro de la Ciudad de México me siento atrapado, al borde de la angustia» (229). Entre esos dos
extremos, el cronista puede asumir el tono de un ensayista poco ortodoxo: «Inicio con una arbitrariedad: por
“México Freudiano” entiendo el nivel de aceptación de las realidades sexuales tal y como se encuentran en la
divulgación […] de las teorías de Sigmund Freud» (95), o convertirse en interlocutor en alguna de las pequeñas
historias que atraviesan el texto, como en el cómico y delirante relato «Las nuevas profesiones. Licenciado en
Pasarela» en el que dialoga con el lector: «¿Que no existe tal cosa como la licenciatura en Pasarela? ¿Que estoy
inventándola? […] La primera vez que oí del tema fue en un café con unos amigos» (185).

7Foucault en «¿Qué es un autor?» señala que «sería falso buscar al autor tanto del lado del escritor real como del
lado de ese locutor ficticio; la función-autor se efectúa en la escisión misma, en esa decisión y en esa distancia»
(Foucault, 1999: 98) y Agamben, en «El autor como gesto», siguiendo a Foucault recuerda que «existe un sujeto-
autor, y sin embargo él se afirma sólo a través de las huellas de su ausencia» (Agamben, 2009: 85). Del mismo
modo, Derrida en «Políticas del nombre propio» se propone debilitar la fuerza que otorgamos a un nombre, ya sea en
una autobiografía, en un texto histórico o de ficción, y denomina «efecto de ingenuidad» el producido en nosotros
por la fuerza persuasiva del lenguaje que nos hace creer que una firma «corresponde, de manera natural y obvia, al
cuerpo de un hombre singular» (Derrida, 2009: 292). Esto es particularmente notorio en la crónica o el testimonio,
géneros en los que se vuelve difícil deslindar al autor del narrador; justamente, acentuando esos límites borrosos
entre lo real y lo ficcional juega la voz del cronista en el texto de Monsiváis.

Imágenes apocalípticas enfocadas desde el narrador


8En resumen, la enunciación genera un sujeto bisagra, oscilando entre «lo exterior y lo interior», produce un efecto
–un gesto– que requiere la complicidad del lector, gesto muy cercano al que en la ficción un crítico como el español
Alberca denomina un pacto ambiguo. Esta estrategia sin duda desestabiliza y cuestiona las perspectivas
convencionales sobre las nociones de cronista, narrador y autor. Por otra parte, si la enunciación pone en entredicho
la función tradicional de ese cronista, éste, a su vez, narra los hechos, la referencia, de forma sorprendente para el
lector. El texto contiene capítulos muy diversos, y si bien algunos siguen en orden cronólogico la vida social y
política de la ciudad, muy rara vez se enfoca en episodios puntuales o aporta información coyuntural; sobre todo, es
evidente que supone el conocimiento de los hechos y de la ciudad de México y que no se propone como una
denuncia política o social explícita. Se trata de un relato que parece desplazar el eje de la crónica tradicional y contar
desde otro espacio el horror de la vida cotidiana que se diluye en el humor o la risa. Una cita en las primeras páginas
da cuenta del proyecto: «El gran personaje de la Ciudad de México es la ciudad misma, su gran contexto y su mejor
referente. (Antes que interpretarla, conviene volverse un banco de imágenes.)» (20). Esta frase es esencial para
comprender la estrategia del texto, la función del cronista y sus registros tan distintos: banco de imágenes, bricolage
de fragmentos y relatos diversos. La frase es incluso válida para entender las pocas fotos que se incluyen. Hay que
recordar que la imagen suele reforzar el lado periodístico, lo informativo de la crónica, pero en este caso las fotos no
dan información y no interpretan. Por el contrario, exponen escenas que necesitarían una explicación o que implican
un conocimiento previo; es más, al pie de algunas de ellas en lugar de una frase aclaratoria encontramos una
pregunta.

3 «En este movimiento esencial del espectáculo, que consiste en recapitular en sí mismo todo cuanto e (...)

9Puede verse entonces que ese sujeto, ese cronista, utiliza una serie de procedimientos a través de los cuales se
produce la evaluación, la lectura política de un mundo exterior que no es necesario describir demasiado. En este
sentido, el título del libro es paradigmático, es una condensación de dos temas clave que atraviesan el texto: el
horror, el apocalipsis en que se va sumiendo el país y la superficialidad, el espectáculo –tal como lo entiende
Debord–, el consumo que define a la sociedad mexicana3. Destrucción y mercado se fusionan: el apocalipsis con el
lapiz labial que evoca la noción de maquillaje, de máscara, con los que juega el sujeto de enunciación al construir el
«banco de imágenes» sobre la vida en la ciudad de México. Ya en Los rituales del caos (1995) Monsiváis propone el
concepto de «postapocalipsis» porque, según señala, en la América Latina de las posdictaduras y posutopías el
apocalipsis no es una posibilidad sino una situación permanente: el fin del mundo ya ha tenido lugar. Latinoamérica
ha conocido todos los cataclismos y sus ciudades ya se han derrumbado: la Ciudad de México es un «transitable
apocalipsis». Tenemos entonces que la ciudad funciona aquí como una sinécdoque, como un síntoma, de un
derrumbre mayor. El juego de palabras del título define una posición del sujeto y un modo de considerar, de
representar, de dar la referencia, distinto del esperable. ¿Cómo cuenta, a qué formas retóricas apela ese sujeto
«oscilante»?

Paradoja e ironía
10Dos procedimientos se anudan y vinculan estrechamente para producir la evaluación política que nos propone ese
narrador: la paradoja y la ironía permiten incorporar el humor y la parodia, establecer posturas sobre todo aquello
que casi nunca se explicita pero que está presente. Ambas suponen una complicidad con el lector y en ese espacio se
instala lo político, por eso la referencia directa pierde protagonismo: la voz enunciativa cuenta con el consenso de un
lector que comparte sus presupuestos.

11La paradoja es una figura retórica que plantea una idea extraña y opuesta a lo que se considera verdadero o a la
opinión general. Lleva en sí una contradicción lógica o infringe el sentido común –y en Monsiváis con frecuencia, el
lugar común. De este modo, obliga a detenerse y reflexionar, pone al desnudo la falta de sentido o el absurdo de lo
que damos por sentado o consideramos aceptable. El texto de Monsiváis remite claramente a la etimología del
término griego paradoxon, formado por la unión de «para» (a parte de) y «doxon» (opinión) y que da como
resultado lo inesperado» o «increíble». Ahí se ubica Apocalipstick, no porque lo que cuente sea increíble, sino
porque expone una mirada literalmente «separada», distante y contraria a lo esperable. Bastan algunos ejemplos: «el
que no le cuenta a un desconocido las dificultades sexuales con su pareja, carece de intimidad» (71) o «en el futuro
todo el mundo tendrá derecho a sus 15 minutos de anonimato» (72). Y en el capítulo «El Zócalo: el que no quepa es
que ya se fue» explica: «Ningún mexicano prescinde del Zócalo, so pena de sentirse sólo cosmopolita o ni siquiera
local» (163).

12La ironía, por su parte, es por definición un arma política: es siempre una visión «desde afuera» de aquello que se
ironiza, por lo tanto establece algún tipo de distanciamiento con el objeto ironizado. Esta «distancia irónica», ese
aparente desapego y la autoconsciencia –puesto que siempre presupone autorreflexión– señalan una actitud
evaluadora. Wayne Booth ha mostrado que la relación entre la ironía y el receptor es política por naturaleza dado
que consigue establecer «una forma de comunidad», cierto tipo de consenso: «Toda ironía construye inevitablemente
una comunidad de creyentes» (57). Las estrategias irónicas, a su vez, establecen una doble complicidad, exigen que
el lector comparta presupuestos estéticos y políticos. Decimos que supone distancia y que a través de ella se hace
una lectura política de los hechos contados, lectura que difiere totalmente de otras versiones sobre los mismos
acontecimientos. La ironía es, además, una mirada a través de un lente que destroza lo solemne, lo ridiculiza, reduce
lo serio o heroico. Es aquí donde paradoja e ironía se vinculan: ambas suponen un extrañamiento, establecen pactos
con el lector, le hacen un guiño basado en una misma visión política y estética. La ironía se ejerce sin duda sobre
hechos y sujetos, sobre la ciudad, sus habitantes, la vida cotidiana, el mundo intelectual, pero simultáneamente sobre
–y a través de– el modo de contarlos. Lo mismo que la paradoja, presupone entonces un saber común en cuanto a los
códigos ironizados y en cuanto al conocimiento de los hechos narrados; complicidad en la risa, en el juego irónico,
en la inflexión paródica. Frases como «dogma que se explica se vuelve ponencia» (16), «que levante la mano el que
todavía quiera parecerse a sí mismo» (319) o títulos como «El cantante que ofrenda el regalo de su abstinencia
vocal» (233) son ejemplos de esa fusión que suma lo inesperado de la paradoja a lo irónico para construir una mirada
crítica sobre lo narrado.

13Podría pensarse la ironía como una forma de relato elusivo, en tanto presupone lo no dicho, trabaja –lo mismo que
la paradoja– la inversión y el doble sentido. Establece un juego con la ambigüedad, la antítesis, la alusión: «leer la
ironía –dice Booth– es, en cierta forma, como traducir, como decodificar, como descifrar, y como mirar detrás de
una máscara» (Booth, 1974: 66). Forma en la que predomina el no decir de manera expresa lo que realmente se
quiere decir, la ironía problematiza la fijación del sentido, impone una mirada altamente autoconsciente y carente de
inocencia sobre lo narrado; de ahí la semejanza de estrategias y sus límites lábiles con la parodia y el humor. Este
«no dicho» que la distingue es el espacio donde puede leerse la posición del enunciador; en verdad, ambas figuras,
paradoja e ironía, implican siempre una postura del sujeto frente a los hechos. El juicio crítico, el discurso político
transcurre en la superposición de significados, de contextos semánticos: entre lo que se dice y lo que se quiere dar a
entender. Juegos del lenguaje que funcionan como velos que ocultan a la vez que revelan lo que se quiere decir sin
decir.

14El encuentro de esas dos estrategias retóricas permite vincular lo referencial y lo ficcional o narrativo, pero
también fusiona el humor y la tragedia en una imagen que incluye en el apocalipsis el brillo del lápiz labial. Ese
encuentro es una interpretación, una lectura política más demoledora y contundente que otras más explícitas. La
crónica de Monsiváis se ha alejado ya de las formas más previsibles del género en el que dominan la denuncia o el
compromiso político en su modo más expreso.

En resumen
15En las crónicas de Carlos Monsiváis se ha ido ahondando el alejamiento de las formas más claramente
periodísticas hacia una mayor «narrativización» o «ficcionalización» que culmina en Apocalipstick. Distancia que es
sostenida por procedimientos literarios: la voz narradora se hace cada vez más subjetiva, aumenta su protagonismo,
prescinde de informaciones puntuales, trabaja con la presuposición, omite los datos que se espera encontrar en una
crónica. Al mismo tiempo, la paradoja y la ironía, que siempre han estado presentes en su producción, alcanzan un
espacio dominante, funcionan como un arma política, como una evaluación de esa referencia que ya no es necesario
explicitar, que basta con aludir, narrar al sesgo, de forma oblicua, de un modo que implica una última paradoja:
cuanto más se evaden los hechos puntuales, más se politiza.

16Apocalipstick puede leerse como un testamento político, ejemplar de la escritura y de la trayectoria de Monsiváis,
donde se funden la ficción con la historia, el ensayo y el periodismo para construir otra cosa; diría una arriesgada
forma de la crónica que explora hasta un punto extremo la disolución de los límites genéricos. Así nos anuncia con
una sonrisa el apocalipsis en que estamos embarcados sin remedio, sin conciencia del derrumbe que ya ha ocurrido,
que está teniendo lugar y que no se detendrá.

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Bibliographie
AGamben, Georgio, 2009, «El autor como gesto», en Profanaciones, Buenos Aires, Adriana Hidalgo, p. 81-94.

Alberca, Manuel, 2007, «El pacto ambiguo», en De la novela autobiográfica a la autoficción, Madrid, Biblioteca
nueva.

BOOth, Wayne, 1974, Retórica de la ironía, Madrid, Taurus.

DebOrd, Guy, 1999, La sociedad del espectáculo, Valencia, Pre-textos.

Derrida, Jacques, 2009, «Políticas del nombre propio», en Sujeto y relato, María StOOpen GalÁn (ed.), México,
UNAM, p. 289-312.

FOrnÉ, Anna, 2009, «La autoficción testimonial: Oblivion de Edda Fabbri», en revista Telar, n° 7-8, año VI, 2009-
2010, p. 63-75.

FOucault, Michel, 1999, «¿Qué es un autor?», en Entre filosofía y literatura, Buenos Aires, Paidós, p. 329-360.

JaramillO AGudelO, Darío (ed.), 2012, Antología de crónica latinoamericana actual, Madrid, Bogotá, Alfaguara.

MOnsivÁis, Carlos, 1995, Los rituales del caos, México, Ediciones Era.

—, 2009, Apocalipstick, México, Mondadori.

Padura, Leonardo, 2013, El viaje más largo. En busca de una cubanía extraviada, Buenos Aires, Futuro anterior.

RanciÈre, Jacques, 2005, Sobre políticas estéticas, Barcelona, Universitat Autonoma.

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Notes
1 El término lo utiliza Anna Forné en su estudio sobre Oblivion de Edda Fabbri. Asimismo, Ilse Logie y Brigitte
Adriaensen también lo mencionan en un proyecto, «Nuevas modalidades del testimonio en la literatura
hispanoamericana actual», inédito.

2 «No hay ningún conflicto entre la pureza del arte y su politización. Al contrario, en función de su pureza la
materialidad del arte se propone como materialidad anticipada de una configuración distinta de la comunidad»
(Rancière, 2005: 27).

3 «En este movimiento esencial del espectáculo, que consiste en recapitular en sí mismo todo cuanto existía en la
actividad humana en estado fluido para poseerlo en estado coagulado […] reconocemos a nuestra vieja enemiga, que
sabe muy bien cómo hacer para presentarse a primera vista como algo trivial y autoevidente, cuando es, al contrario,
algo tan complejo y tan lleno de sutilezas metafísicas: la mercancía». Capítulo II «La mercancía como espectáculo».
(Debord, 1999: 51, la bastardilla es del autor).

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Pour citer cet article


Référence électronique

Ana María Amar Sánchez, « Crónica, ironía y sujeto: leer a Monsiváis hoy », América [En ligne], 49 | 2016, mis
en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1623 ;
DOI : 10.4000/america.1623

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Auteur
Ana María Amar Sánchez

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
I. Chronique et alliage de genres

Los ejercicios con el tiempo de Arnaldo Calveyra


Les exercices d’Arnaldo Calveyra avec le temps
Mariana Di Ció
Résumé | Index | Plan | Notes de l’auteur | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

Todos los textos de Arnaldo Calveyra (1929-2015, poeta argentino radicado en Francia desde 1960) vibran de
«cadencias en presente». En estos ejercicios con el tiempo, la urgencia por «anotar el instante» se combina con la
necesidad de dar cuenta tanto de geografías remotas como de los espacios más cotidianos, del tiempo que transcurre
cíclicamente o de aquel que, como un ejercicio de la memoria, busca fijar y cristalizar vivencias que parecen fuera
del tiempo, como las que recoge en Diario del fumigador de guardia.
La ponencia se propone analizar el modo en que, para deletrear el tiempo, Calveyra utiliza poéticamente la crónica –
a la que hace dialogar con los cuadros de costumbres, el diario de viaje y especialmente las crónicas de Indias– para
producir no sólo un relato sobre los trabajos y los días del poeta/fumigador, sino también, y sobre todo, una reflexión
sobre la práctica de escritura en sí misma.

Tous les textes d’Arnaldo Calveyra (1929-2015, poète argentin résidant en France à partir de 1960) vibrent de
« cadences au présent ». Dans ces exercices avec le temps, l’urgence qu’il éprouve de « prendre note de l’instant »
est combinée avec le besoin qu’il a de rendre compte tant de géographies lointaines que des espaces plus quotidiens,
aussi bien du temps qui s’écoule cycliquement que de celui qui, tel un exercice de mémoire, cherche à fixer, à
cristalliser ces instants vécus comme saisis hors du temps, comme ce travail dans un port qu’il retrace dans Journal
du dératiseur.
Cet article vise à analyser la façon qu’a Calveyra d’utiliser poétiquement la chronique afin de déchiffrer le temps –
 chronique qu’il fait dialoguer avec les tableaux de mœurs, avec le journal de voyage et notamment avec les
chroniques des Indes – afin de produire non seulement un récit sur les travaux et les jours du poète/fumigateur, mais
aussi, et surtout, une réflexion sur la pratique d’écriture elle-même.

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Entrées d’index
Mots-clés :

Arnaldo Calveyra, chronique, hybridation, temps, métapoésie

Palabras claves :

Arnaldo Calveyra, crónica, hibridación, tiempo, metapoesía


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Plan
Los oficios terrestres
La máscara del fumigador
Las ratas
Escribir desde los márgenes
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Notes de l’auteur
A Arnaldo Calveyra, en su memoria

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Si estas cosas se pueden contar


es porque somos cuento
Arnaldo Calveyra, Diario del fumigador de guardia

1Un viaje, una estadía en una abadía benedictina, un trabajo en el puerto, un paseo por los jardines públicos, el
tiempo de espera antes de ingresar al servicio militar. Con el afán de tomarle el pulso al presente, pero también como
un ejercicio de la memoria, cada texto de Arnaldo Calveyra deletrea experiencias extraordinarias o improbables que,
al sumarse, configuran ese «alfabeto de poema de viaje» (2012: 611) que es toda su obra. Incluso antes de cruzar el
Atlántico y de dejar su Mansilla natal para instalarse definitivamente en París a principios de los años sesenta,
Calveyra ya empieza a cultivar los márgenes de la crónica y del relato de viajes: la prosa se vuelve elástica o se
entrecorta, los géneros se disuelven en anábasis, apuntes, diarios, cartas, cuadernos y escenas de teatro. La fuerza de
ciertas experiencias inaugurales obliga al poeta entrerriano a recurrir a un molde nuevo para delinear aquello que se
presenta ante sus ojos como por vez primera, ya se trate de paisajes con olor antediluviano (una isla, un río, un
muelle) o de escenarios bastante menos poéticos, como pueden ser un cuartel militar o un barco infestado de ratas y
de palabras.

1 En su artículo «Cartas, crónicas y relaciones del descubrimiento y la conquista», Walter Mignolo su (...)

2El pasmo con el que Arnaldo Calveyra registra esas experiencias no es distinto del que experimentaban los
cronistas de Indias que, en su afán por informar fehacientemente sobre lo visto, se veían muchas veces obligados a
recurrir a un ordenamiento temporal de los acontecimientos, tal como lo consigna el mismo Cristóbal Colón en su
diario de navegación: «…y para esto pensé de escribir todo este viaje muy puntualmente de día en día todo lo que yo
hiciese y viese y pasase como adelante se verá» (Diario de Colón, folio 1)1. También Calveyra busca dejar
constancia de sus experiencias cuando, entre dos cambios de bandera, se transforma en fumigador y sale a
inspeccionar los recovecos de la palabra y a desratizar astilleros en un muelle de Ensenada. Hay, sin embargo, una
diferencia esencial en el manejo que ambos hacen del cuaderno de bitácora: en lugar de recurrir al secuenciamiento
temporal para presentar su propia vivencia «de a bordo», Calveyra se aleja voluntariamente del modelo inaugural de
la crónica para aludir, de manera elíptica y desordenada, a la vivencia de la precariedad que experimenta como
fumigador, y que recogerá en Diario del fumigador de guardia, libro en el que voy a centrarme para intentar pensar
al poeta como cronista de lo cotidiano, pero también como cronista ambulante o explorador de territorios indómitos.
Lo que me propongo es, entonces, analizar el modo en que Calveyra escribe textos abiertamente híbridos, que
entorpecen voluntariamente la temporalidad que podría esperarse de una crónica o diario de a bordo, pero que sin
embargo reactualizan algunos elementos de estos relatos fundacionales: el desplazamiento espacial y simbólico,
cierto imaginario de la conquista, la meticulosidad en la escritura de ese «nuevo mundo» que se presenta ante sus
ojos. Porque al hacer dialogar la crónica con el diario autobiográfico, la nota del reportero, los cuadros de
costumbres o la canción, Calveyra juega con el tiempo para anotar una y otra vez el instante y retratar poéticamente,
con sus silencios e historias subterráneas, los trabajos y los días del viajero, del conscripto, del explorador de
jardines y del fumigador pero ante todo, y quizás más fundamentalmente, los días y los trabajos del poeta.

Los oficios terrestres


Me tiendo en cubierta, no a descansar
sino a aguardar la irrupción de la memoria
Diario del fumigador de guardia.

2 En un texto de homenaje a su primera traductora, Laure Guille Bataillon, el mismo Calveyra se refie (...)

3Una de las primeras cosas que llaman la atención al analizar la producción poética de Calveyra es que la mayoría
de sus libros parecen estar fuertemente asociados a experiencias vitales cuya duración puede circunscribirse o
delimitarse temporalmente2, ya sea porque implican un viaje (en Diario de Eleusis y El cuaderno griego) o una
lectura subjetiva del calendario (Estaciones en el día 25 de junio de 1966), o porque dan cuenta del tiempo de espera
mientras aguarda la revisión médica para el servicio militar, un tiempo de limbo que recoge en un libro al que llama,
«medio en broma» (citado en Alaniz, 2009), Diario del recluta. Este libro se cierra con una nota seca, en clave
burocrática, que marca el enrolamiento del conscripto: «Fecha de incorporación: 15 de marzo de 1950». La
parquedad del tono contrasta con el asombro del amanuense que registra los pequeños milagros cotidianos en una
«mañana del cuartel con un gusto a sílaba rancia en la boca» (2012: 628). Y si la fecha resulta, hoy, más anecdótica
que anacrónica (el libro fue publicado por primera vez en 2012, en la segunda edición de la Poesía completa), lo
cierto es que la reescritura le permite incorporar una visión nueva, proyectada hacia caminos que son antiguos pero
que también se nutren del descubrimiento de nuevos territorios y del camino recorrido entre tanto, sin por ello perder
el frescor ni la autenticidad de la experiencia primera, tal como escribe en «Retrato de autor»:

(Y ahora, treinta años después, […] retocando esta página en la continencia de la noche de Florencia y
por aquel entonces a quién se le hubiera ocurrido sospechar que la luz de escribir poemas de los hoteles
de la vieja Europa iría a disminuir en tan inquietante proporción, caigo en la cuenta de que en esta
página sobada por el tiempo no se han extraviado pájaros ni príncipes de viaje ni heraldos ni bellezas ni
frutos sino un barco destartalado que sigue recostado en un estuario del Plata) (2012: 154).

4Anexar a la producción un libro temprano supone, en Calveyra, una vuelta de tuerca suplementaria, puesto que el
tiempo de la publicación –muchas veces en francés antes que en español– suele encubrir y velar el tiempo de la
escritura: cada texto esconde o encierra una doble o a veces triple o cuádruple cronología (la de la escritura y
reescritura, la de la traducción, la de la publicación) que permite hilvanar cada fragmento de manera diferente y a la
vez simultánea. Al dislocar las coordenadas espacio-temporales y dejar lo circunstancial en el tintero, las crónicas de
oficios «raros» o anacrónicos parecen siempre asentarse en lo que Calveyra va a llamar «el maná del presente»
(ibid.: 115).

5Apremiado por la necesidad de encontrar un trabajo que le permitiera ganarse el pan, el joven Arnaldo Calveyra,
por ese entonces estudiante en La Plata y poeta incipiente, acepta hacia 1951 un trabajo que encuentra en la rúbrica
de los avisos clasificados de un diario, tal como lo explica en diferentes entrevistas:

Se trataba de limpiar los barcos que llegaban de cualquier lado y que allí estaban, llenos de cucarachas,
de ratas. Había de todo.
Era un trabajo muy insalubre, peligroso, había que tener una máscara, filtros de los que había que
respetar la fecha de vencimiento, etc. (ibid.: 23).

Por el contacto con el gas, no se podía trabajar más de dos horas. Trabajé todos los sábados y domingos
durante dos o tres años. Ahí fui escribiendo el libro (ibid.: 24).
6El colofón del Diario del fumigador de guardia indica «Ensenada, 1951-París, 1983», pero lo cierto es que fue
publicado primero en francés en 1987 y recién en 2002 en español, en la editorial Vox, de Bahía Blanca.

3 Reportaje de Pablo Gianera y Daniel Samoilovich, publicado en Diario de Poesía, n° 69,


diciembre de (...)

La primera versión es de 1951, lo que hice después fue corregirlo. No se lo mostré a nadie. Hacia el 53,
el libro quedó guardado, pero en el fondo de la casa había un arroyo y cuando vinieron los militares
canalizaron el puente que pasaba delante de la casa y se inundó todo. Y el original quedó en ese baúl
medio mojado, y hasta que lo encontré en 1983, en el curso de un viaje a Argentina; así que me lo llevé
a París tras treinta años de olvido, lo releí, vi que en ese texto había cosas aún vivas, lo reescribí y lo
limpié3.

4 «Por suerte estaba escrito con birome, que no te traiciona, no es la tinta que se borra. Así que el (...)

7Contrariamente a lo que podría esperarse, este libro «inundado» (Petrecca, 20154) no es un verdadero diario ni un
cuaderno de bitácora, en el sentido en que no hay ni referencias temporales precisas, ni fechas que vayan jalonando o
estructurando el relato desde su interior, tal como lo señala Gilda di Costa en una reseña:

Como género literario, el diario está sometido a una sola condición: respetar el calendario. El calendario
es su centro de imantación: reflexiones, sueños, pensamientos, acontecimientos –importantes o nimios–
se agrupan sin una forma específica. En el diario, el calendario rige e impone un orden, al menos
aparente.
Sin embargo, el Diario del Fumigador de guardia está lejos de pactar con el género. La obra reúne un
conjunto de textos escritos mayoritariamente en prosa que sugieren la intención de contar una historia
pero en la ausencia casi total de argumento y la completa insustancialidad de los personajes. Es que se
trata menos de un diario de sucesos que del «diario» de la indagación poética de la palabra y la
experiencia de la extrañeza de lo real (di Costa, 2004).

8Y sin embargo, el discurrir de la prosa es indisociable de la percepción del tiempo: un tiempo que se inscribe en los
breves intervalos de pausa, y que va construyendo, en su ruptura con la cotidianeidad, un espacio y un tiempo como
suspendidos. Precisamente porque la temporalidad está enmarcada por elementos externos –«la sirena de volver a
tierra» (Calveyra: 2012: 121); «el cambio de banderas» (ibid.: 121)– en estas vivencias que parecen fuera del tiempo
se acentúa otro tipo de regularidad, en donde el ritmo de la respiración, o la línea frágil del verso se asocian, por
ejemplo, a la cantidad de veneno derramado: «[…] los vidrios de mi máscara empañados por la respiración, el
capataz cuenta con los dedos las latas de cianhídrico que hemos abierto» (ibid.: 118). Las pocas alusiones al paso del
tiempo son, entonces, de orden general, y de tono marcadamente poético, asociadas más a la necesidad de describir
el paisaje o la vivencia que al deseo de registrar el aquí y ahora exacto de los acontecimientos: «La hora en que la
llovizna se pone tan tierna con la proa de las embarcaciones nórdicas, el cielo se está cubriendo de vértebras azules»
(ibid.: 157).

9Calveyra insiste, en sus entrevistas, en el carácter autobiográfico de la experiencia. El título Diario del fumigador
de guardia propone, sin embargo, un distanciamiento que involucra también un cambio en el punto de vista del
relato, puesto que la figura del fumigador desplaza, o por lo menos problematiza, a la figura autoral; un
procedimiento que no deja de recordar el modo en que también la voz de Bartolomé de las Casas se entremezcla y se
confunde con la del Almirante:

Esto que sigue son palabras formales del Almirante, en su libro de su primera navegación y
descubrimiento de estas Indias: «Yo (dice él), porque nos tuviesen mucha amistad, porque conocí que
era gente que mejor se libraría y convertiría a Nuestra Santa Fe con Amor que no por fuerza, les di a
algunos de ellos unos bonetes colorados y unas cuentas de vidrio que se ponían en el pescuezo, y otras
cosas muchas de poco valor, con que tuvieron mucho placer y quedaron tanto nuestros que era
maravilla» (Diario de Colón, 1995: 46).

10Sin entrar en disquisiciones historiográficas o en consideraciones acerca del carácter apócrifo (o no) del diario de
Colón, lo cierto es que, en Calveyra, este distanciamiento o intento de objetivizar la narración es claramente un
artificio, que también está presente en Diario del recluta y que resulta a todas luces paradójico. La voz narrativa
adopta, ya desde el incipit, la primera persona, primero plural («Somos cinco los que subimos por la escalera de
emergencia», 2012: 115) y luego singular («Recuerdo la primera vez», ibid.: 115), para ir enseguida sumando otras
voces o máscaras que se inmiscuyen en el texto de diversas maneras: en sordina, en estilo indirecto, en forma de
órdenes, de telegramas, de canciones, de comillas sin referencias identificables, de diálogos.

11La presencia y las voces de los compañeros, de los médicos, del capataz, de Alves, el fumigador decano, del
botero, de los amigos circunstanciales, del marinero inmigrante o de Toño, el dueño del café, multiplican los puntos
de vista para incluir, a modo de un caleidoscopio, la vacilante realidad de ese nuevo mundo que se intenta narrar de
manera consciente:

Pero recapitulemos el libro.


Volvieron los días con más luz, la primavera les puso un ángulo rojizo a los almendros que daban a la
costa, ¿pero cuál de todos esos personajes era el auténtico?: ¿el botero?, ¿el empleado municipal de
guantes?, ¿sus guantes?, ¿todos?, ¿todos? … ¿el verbo que los hacía caminar, remar, hablar, firmar un
papel con una mano enguantada de marrón, quedarse serios, hablar de gentes que cobran en dólares,
arreglarse la corbata en momentos inciertos?, ¿todos?, ¿todos?, ¿ni uno menos que todos?… (ibid.: 137).

12Si bien a veces es necesario un traslado en lancha o bote, el barco a fumigar está, por lo general, anclado en el
muelle. Es decir que, contrariamente al Almirante, que va registrando cambios de flora y fauna a medida que va
engullendo leguas, en un tono que, por momentos y muy borgeanamente, parece anunciar ya el modernismo de
Darío –«La mar era commo un río, los ayres dulçes y suavísimos», leemos el 26 de septiembre (Diarios, 1995: 85)–,
el desplazamiento del poeta-fumigador es sobre todo simbólico. No en vano el libro se abre y se cierra con
referencias a una escalera que, además de ser plenamente funcional a la propia dinámica del fumigador, opera
también como recordatorio explícito del cambio de nivel que supone semejante experiencia iniciática: «Somos cinco
los que subimos por la escalera de emergencia, ya les echamos un último vistazo a las máscaras y las
recomendaciones alegres» (2012: 115). El relato terminará con el movimiento inverso, en un gesto que no solo
clausura la experiencia, sino también un ciclo que se presenta como un paréntesis o tiempo de latencia, tiempo que
interrumpe y marca para siempre el transcurso de los días ordinarios y cuyo final permite, precisamente, el retorno al
orden: «El último de nosotros baja por la planchada de emergencia, se saca la máscara cubierta de sudor y aspira el
aire del domingo sin falla» (ibid.: 160).

La máscara del fumigador


13La fumigación es una experiencia sigilosa. Es un oficio que requiere meticulosidad y sangre fría, y que poco a
poco parece ir invadiéndolo todo: «días y noches en que el cielo/ hiede a rata muerta» (2012: 140). Cuando se trata
de describir el modus operandi de los fumigadores, no hay lugar para eufemismos ni metáforas edulcoradas, sino
para un lenguaje casi científico (junto a la mención de las ratas se aclara –y se prefiere– «roedores»); un lenguaje
bien acerado, aséptico, preciso al punto de ser casi brutal: «Cuando mi compañero inyecta el gas y con el guante voy
clausurando puertas detrás nuestro, alguien –no yo– se acerca, se acerca, es el hombre destinado a la muerte del día»
(ibid.: 142); «La flamante insistencia por que haga entrar las colitas dentro del tarro de inspección» (ibid.: 126).

14Con tono intimista, Calveyra va relatando los espacios vacíos y los tiempos muertos, los ojos gastados de Alves,
el fumigador decano con «pasado de gas» (ibid.: 120), la respiración contaminada, la presencia siempre acechante de
la muerte, que se materializa en el veneno o en la figura de Caronte: «El botero es el primer fresco de la tarde. […]
Cuando por fin encuentro la moneda y quiero pagarle el viaje ya es tarde, ya está cerrado su comercio con humanos,
los ojos fijos en el agua, el agua oscura que lo observa» (ibid.: 125).

5 La reflexión sobre el verbo como motor de la narración y, sobre todo, como vector de la temporalida (...)

15Para la descripción de la fumigación en sí misma, Calveyra recurre al uso de enumeraciones frías y literalmente
descarnadas; recurre al infinitivo, como si se tratara de una actividad siempre en potencia, como si no quisiera
conjugar esos verbos en ninguna persona, ni del singular ni del plural. Y sin embargo, a pesar de que reduce los
núcleos narrativos a su mínima expresión5, se trata, paradójicamente, de uno de los momentos en los que el orden
cronológico aparece probablemente de manera más marcada:

Otros trabajos que cumplir:


asegurarse del cierre hermético de las entradas de aire secundarias, disponer los encerados para tapiar
las entradas de las bodegas,
terminar de cerrar con papel engomado los ojos de buey (apretar cuidadosamente una sola de las tres
tuercas),
cerrar con papel de diario encolado las puertas de la Tebas de los oficiales,
dejar una entrada para los fumigadores y otra entreabierta al final del recorrido (comenzar siempre por
inyectar el gas desde la parte superior del barco).
Por lo general se fumiga los domingos. El sol entra y sale fácilmente de las bodegas dejadas solas, los
bares se llenan de marineros (ibid.: 135).

16El oficio se convierte por momentos en cacería, juego del gato y el ratón, pulseada por ver quién se erige en
vencedor; conquista, o reconquista, de un territorio abandonado y pretérito («la Tebas de los oficiales»; «las bodegas
dejadas solas») al que hay que sanear antes de poder habitar.

Pero los barcos más grandes requieren más muerte, entonces somos diez o doce los que ganamos la
soledad en que dejan a los corredores, a las cocinas, tanta cosa ofertada al mar.
El encierro, las cocinas, las cocinas son su reducto estupefacto. Les dedicamos más gas que a los demás
rincones, aparente desuso de esas ollas. El olor a grasa y a alimentos almacenados más allá de la
estación, puentes de tres inviernos, lugar donde los platos se enjuagaron con las tormentas, ese lugar,
este lugar mismo (ibid.: 116).

17Junto con el instinto primario, casi visceral, que acompaña las ganas de aniquilar el foco infeccioso que parece
acechar a la vuelta de la esquina, y que por momentos se acerca peligrosamente al lugar de la enunciación («ese
lugar, este lugar mismo»), surge también la necesidad de referir la experiencia, de nombrar eso que apenas se intuye,
de transformar lo vivido en hecho estético, pero mediante un lenguaje que rehúye abiertamente de toda poetización
artificiosa:

6 Y el lector rioplatense no puede sino escuchar también: «¡Lauchas, lauchas!» Así define este
términ (...)

Lanchones como brújulas, fueron brújulas, con nombres de frutas y a los que yo les gritaba desde la
costa falsa. Pasaban en un estado de alegría primitiva o iban redondeando una alegría de antes.
Avanzaban de fragilidad en fragilidad pero no lo sabían. Cuando ya no fue quedando luz volvieron
cargados de esa luz y con raíces minerales.
- ¡Lanchas!, les grité desde el último sol de la costa.
Había un hombre que era un mapa de colores, las mujeres hacían balcones de cada centímetro de
campo.
- ¡Lanchas!, volví a gritarles6 (ibid.: 145).

7 Compárese, por ejemplo, con el tono de esta anotación de Colón, en la entrada de su Diario del 16 d (...)

18El fumigador de guardia puede no haber avistado la tierra firme de las Indias, pero sin dudas se ha asomado a una
experiencia igualmente incalificable, y es por eso que, desde una costa que ya le parece falsa, recurre a metáforas e
imágenes semejantes a las de quienes primero dieron cuenta de esa experiencia inaugural: «Había un hombre que era
un mapa de colores»; «fueron brújulas, con nombres de frutas». En sus versos reverbera el mismo tono embelesado
que leemos en el Almirante7, el mismo desconcierto y el mismo asombro de aquellos cronistas que debían recurrir a
comparaciones y símiles para nombrar la nueva realidad, pero también se adivina la fragua del poeta que, en el
silencio de lo no dicho, se maravilla a sí mismo al entretejer un canto que no le teme al inestable vaivén de la página,
ni a la soledad que, tal como lo sugiere la «Canción del fumigador de guardia», es necesaria al fumigador y al poeta:

Para mí la línea tachada del verso,


arcoiris en blanco y negro de las comas,
la plaza castellana de la palabra,
solitaria plaza
(ibid.: 151).

Las ratas
Arnaldo Calveyra charla con las ratitas en la cubierta del barco. El cielo está encapotado. El sol es una
lenteja de agua roja. Es el único poeta en el barco. Todas lo escuchan atentas. Pero en la capilla la rata
más ingenua le dice a las otras pregoneras: «Ojo, chicas, éste nos va a liquidar a todas. ¿Saben por qué?
Porque es el único polizonte que conoce la virginal unidad de los sentidos. Y sabe que hay virginal sólo
cuando la sensación atraviesa todo campo, toda ciudad del espíritu. Y sabe también que esa potencia
más profunda que todos los sentidos y que todas las sensaciones, como dijo el flautista Messiaen, se
llama Ritmo. Ritmo, ritmo».

19Incluidas en la contratapa de la primera edición argentina (2002), estas palabras de Arturo Carrera subrayan, en el
tono tan particular de Carrera, otra de las emanaciones de este libro: las flexiones y reflexiones sobre la escritura;
una veta que es, por otra parte, marca de fábrica del entrerriano. Si el ritmo y las palabras parecen indisociables del
descubrimiento de nuevas realidades, la especulación metapoética se va infiltrando y mezclando con la genealogía
de la escritura y la minuciosa dosificación de la palabra: «Con el frío se refuerza la fila de puentes y mi vecino de
asiento, con un movimiento de la cabeza me pregunta qué hago con un lápiz y un papel» (Calveyra, 2012: 119);
«Cegado por la humedad emigro al otro muelle, el relato que iba imaginando con el mero latido de mis pasos se
interrumpe por la página 25, retrocede a su comienzo cargado de promesas» (ibid.: 129); «mi amigo me dice: no
escribas la palabra ruiseñor; en Argentina no hay ruiseñores» (ibid.: 141).

8 En su hoy ya famoso ensayo, Borges sostiene, a propósito de unos versos de Banchs: «el ruiseñor es (...)

20De manera solapada, Calveyra se vale de una voz externa para introducir, a través de otra máscara en discurso
directo, una temática que Borges ya había tratado en su célebre ensayo «El escritor argentino y la tradición»8, y que
incluye, pero por supuesto excede, el problema de la designación, y del hiato que existe o que se crea entre las
palabras y las cosas. En este caso, la pregunta por la pertinencia del color local para dar cuenta de una supuesta
realidad autóctona, y la pregunta por la presencia, real o simbólica, de lo foráneo en la literatura argentina parece
también servir para reavivar el imaginario del viaje («aquí me quedé / me conquistaron / las veredas de Ensenada»),
que se desliza luego hacia el imaginario de la Conquista («América la ofrecida, me digo», ibid.: 139). Pero el poeta
en ciernes no se limita al muelle infestado como improbable escenario de sus actividades sino que también se atreve
a navegar en «el agua discursiva» (ibid.: 147) para emprender un viaje lleno de asociaciones libres que también lo
conduce al pasado familiar; pasado que, como se sabe, en Argentina remite casi siempre a un barco, que no solo trae
inmigrantes sino también palabras, como lo vemos en «Canción del marinero inmigrante»:

Vine una, dos veces,


aquí me quedé,
me conquistaron
las veredas de Ensenada:
desparejas, era como
caminar en cubierta
sobre el mar huracanado

ir perdiendo memoria,
es dejar un día de crear distancia,
ya no ser artefacto del mar

una vez, en una costa del sur,


logré escribir sobre una ola,
y fuimos varios en leerla,
la palabra palabra
[…]

de un tío irlandés
heredé la palabra oblivion,
la encontré entre varios objetos
a mí destinados
a la muerte de ese human being,
amaneceres en hilachas,
días y noches en que el cielo
hiede a rata muerta
América la ofrecida, me digo
mirando el yuyal incesante

morir será
encender una lámpara
en la casa desconocida
(ibid.: 139-140)

9 Pablo Gianera y Daniel Samoilovich incorporan esta afirmación de Saer en un reportaje realizado a C (...)

21Una vez más, la voz poética recurre al relato de un viaje para introducir una reflexión sobre las palabras y la
posibilidad que ofrecen de crear nuevos mundos. No sorprende, entonces, que Juan José Saer, gran amigo de
Calveyra, haya sugerido que el Diario del fumigador de guardia puede leerse sustituyendo la palabra «rata» por la
palabra «poesía»9. Porque aun en las palabras aspiradas y el timbre amortiguado de ciertas armonías, sospechamos
la mano del poeta que lucha cuerpo a cuerpo con la lengua, que sabe tomarle la temperatura a las palabras para mejor
indagar «en la plena lividez del paréntesis» (ibid.: 575).

22Como un nuevo flautista de Hamelin, Calveyra nos va conduciendo por los vericuetos de su poesía hasta llevarnos
a otros espacios, y lentamente su «canción a medio camino de ratas y hombres» (ibid.: 146), va domesticando el
ambiente hasta habituarnos a lo inhabitual: «La rata que lo acompaña se le apersonó una vez y se quedó a vivir con
él para siempre», dirá en «La rata lazarilla» (ibid.: 146); o hasta adoptar, en «Autopsia de una rata», un descolocante
tono panegírico; que resulta, al final de cuentas, máscara del poeta mismo: «Le gustaban las correrías por cubierta al
claro de la luna, deslizarse por los pasamanos de las escaleras, contemplar el cielo desde una sentina y la palabra
irlandesa oblivion» (ibid.: 152).

Escribir desde los márgenes


23Explorador de barcos abandonados, espectador de epifanías modernas al modo de las apariciones subterráneas de
pétalos que describe Pound pero también, y ante todo, testigo y simultáneamente protagonista de momentos de
intensa cercanía con la muerte, Calveyra recurre a un yo poético en primera persona, que por momentos se
multiplica en un plural pero que, sobre todo, queda siempre desplazado frente a los demás mortales, hasta llegar a
confundirse con su oficio. Descubridor de nuevas realidades y lazarillo para sus lectores, el yo que escribe detrás de
la máscara no deja nunca de cuestionar el modo de «sanear» la palabra para liberarla de vahos y tonos artificiales, de
los efluvios mortíferos que la intoxican y la hacen irrespirable. Pero precisamente porque se escribe desde los
márgenes del género, Diario del fumigador de guardia excede la crónica de un oficio inusitado, e incorpora una
reflexión sobre la lengua, pero también sobre la literatura y sus instituciones. Así se puede apreciar en una pequeña
fábula en la que, una vez más, Calveyra se esconde detrás de su máscara para invertir con humor el etnocentrismo
tan habitual en los cronistas de Indias, pero también en los escritores, literatos y demás trabajadores de este oficio
nuestro. El objetivo de esta alegoría no parece ser limpiar, fijar y dar esplendor a la palabra poética, sino más bien
fumigarla, quizás con la secreta intención de burlarse de las doctas ratas de biblioteca que acechan a la vuelta de la
esquina y de deshacerse, de una vez y para siempre, del academicismo excesivo que contamina buena parte de la
poesía:

Soñé o leí en un libro que el dios de las ratas, en uno de los innumerables laboratorios que las ratas
poseen a través del mundo, se vestía de Visitante y que así vestido se ponía en camino.
Mientras lo vestían dispuso llegado el momento de invadir a la tierra, las instituciones de los hombres,
llegado el momento de imprimir su ley a los hombres.
La solapa de su saco estaba húmeda de rocío.
En un alto del camino entró a una posada, se sentó y dictó un decreto que una vez escrito comenzó a
oírse en altavoces. Cada rata que escuchaba la lectura dibujaba un asiento parecido a una cátedra, y allí
se sentaban a escuchar.
Una vez más y toda la noche, a causa de estos sucesos, estrelló un cielo de ratas (ibid.: 128).

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Bibliographie
AlaniZ, Rogelio, 2009, «… el verde de los pastos de Entre Ríos: contrapunto con Arnaldo Calveyra», en El Litoral,
Santa Fe, 11 de septiembre de 2009 www.ellitoral.com/index.php/diarios/2009/09/11/informaciongeneral/INFO-
02.html (consulta 5 de julio de 2016).

Bataillon, Laure, 1991, Traduire, écrire, Paris, Arcane 17 / ATLF, Atlas MEET.

Borges, Jorge Luis, 1974, Obras completas, Buenos Aires, Emecé.

Calveyra, Arnaldo, 1987, Le journal du dératiseur, trad. de Claire Durouvray, Arles, Actes Sud.

—, 2002, Diario del fumigador de guardia, Bahía Blanca, Vox ediciones.

—, 2003, «In signo balbuli», en La pecera, Mar del Plata, año 3, n° 5, otoño, p. 72-80.

—, 2012, Poesía reunida, 2a edición aumentada, edición al cuidado de Pablo Gianera y Daniel Samoilovich, Buenos
Aires, Adriana Hidalgo.

Diario del primer viaje de Colón, 1995, edición de Demetrio Ramos Pérez y Marta González Quintana, Granada,
Diputación provincial de Granada.

Di Crosta, Gilda, 2004, «Diario de una indagación poética» [reseña de Diario del fumigador de guardia, Bahía
Blanca, Ediciones Vox], en La Capital, Año CXXXVII, nº 48348, 4 de abril de 2004.
http://archivo.lacapital.com.ar/2004/04/04/seniales/noticia_88411.shtml (consulta 5 de julio de 2016).

Mignolo, Walter, 1982, «Cartas, crónicas y relaciones del descubrimiento y la conquista», en Historia de la
literatura hispanoamericana, vol. 1 (época colonial), coordinado por Luis Iñigo Madrigal, Madrid, Cátedra, p. 57-
116.

Petrecca, Miguel Ángel, 2015, «Arnaldo Calveyra: lo esencial era entender», en Clarín (Revista de cultura Ñ),
Buenos Aires, 23 de enero de 2015 http://www.revistaenie.clarin.com/literatura/Arnaldo_Calveyra-esencial-
entender_0_1291070896.html (consulta 5 de julio de 2016).

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Notes
1 En su artículo «Cartas, crónicas y relaciones del descubrimiento y la conquista», Walter Mignolo subraya la
utilización del término "escribir" en relación con los informes que, "de día en día", realiza Colón (Mignolo, 1982:
57-116).

2 En un texto de homenaje a su primera traductora, Laure Guille Bataillon, el mismo Calveyra se refiere a la
suspensión del tiempo ordinario como una de las principales características de sus poemas: «A ella [Laure Bataillon]
le debo las más fulgurantes y seductoras intuiciones en lo que atañe a mis textos, como por ejemplo la intuición del
tiempo suspendido o detenido, la inmovilización del tiempo en algunas de mis páginas como en “Las señoritas del
teléfono” o en la escena de la siesta (y fiesta) campesina de Cartas para que la alegría que Laure, en su entusiasmo
comparaba, por su inmovilidad, a la Vista de Delft de Vermeer» (Calveyra, 2003: 77). Este texto fue primero
publicado en traducción francesa de Philippe Bataillon; bajo el título «In signo balbuli» (Bataillon, 1991: 41).

3 Reportaje de Pablo Gianera y Daniel Samoilovich, publicado en Diario de Poesía, n° 69, diciembre de 2004,
recogido en Calveyra, 2012: 24.

4 «Por suerte estaba escrito con birome, que no te traiciona, no es la tinta que se borra. Así que el libro salió a flote,
lo refloté», le dirá a Miguel Ángel Petrecca en la misma entrevista (2015).

5 La reflexión sobre el verbo como motor de la narración y, sobre todo, como vector de la temporalidad, ya estaba
presente en libros anteriores: «No es cierto, en el comienzo no fue el verbo, el cronista del Génesis se equivocó por
exceso de envión lírico; en el comienzo, seguro, fue el nombre», dirá en «Apprendre le français», de Iguana, iguana
(2012: 76).

6 Y el lector rioplatense no puede sino escuchar también: «¡Lauchas, lauchas!» Así define este término el
Diccionario de la Real Academia Española: laucha. (Del mapuche laucha o llaucha). 1. f. Arg., Bol., Chile, Par. y
Ur. ratón (mamífero roedor). // 2. f. coloq. Arg. Persona astuta.

7 Compárese, por ejemplo, con el tono de esta anotación de Colón, en la entrada de su Diario del 16 de octubre de
1492: «Aquí son los peces tan disformes de los nuestros que es maravilla. Hay algunos hechos como gallos, de las
más finas colores del mundo, azules, amanlíos, colorados y de todas colores, y otros pintados de mil maneras; y las
colores son tan finas que no hay hombre que no se maraville y no tome gran descanso a verlos. También hay
ballenas. Bestias en tierra no vi ninguna de ninguna manera, salvo papagayos y lagartos. Un mozo me dijo que vio
una grande culebra. Ovejas ni cabras ni otra ninguna bestia vi; aunque yo he estado aquí muy poco, que es medio
día: mas si las hubiese no pudiera errar de ver alguna. El cerco de esta isla escribiré después que yo la hubiese
rodeado» (Diario de Colón, 1995: 52).

8 En su hoy ya famoso ensayo, Borges sostiene, a propósito de unos versos de Banchs: «el ruiseñor es menos un
pájaro de la realidad que de la literatura, de la tradición griega y germánica. Sin embargo, yo diría que en el manejo
de estas imágenes convencionales, en esos tejados y en esos ruiseñores anómalos, no estarán desde luego la
arquitectura ni la ornitología argentinas, pero están el pudor argentino, la reticencia argentina; la circunstancia de
que Banchs […] recurra a imágenes extranjeras y convencionales como los tejados y los ruiseñores, es significativa:
significativa del pudor, de la desconfianza, de las reticencias argentinas; de la dificultad que tenemos para las
confidencias, para la intimidad.

[…] El culto argentino del color local es un reciente culto europeo que los nacionalistas deberían rechazar por
foráneo» (Borges, 1974: 269-270).

9 Pablo Gianera y Daniel Samoilovich incorporan esta afirmación de Saer en un reportaje realizado a Calveyra:

«–Juan José Saer sugiere que Diario del fumigador puede leerse sustituyendo la palabra ‘rata’ por la palabra
‘poesía’. ¿Qué eran las ratas para usted?

–No era solamente el animalito. Era como un mensajero de mucho más. De una cosa apocalíptica. Nunca sabemos
para qué lado van a tomar las ratas. Hay una bifurcación: son como nosotros sin nosotros.» (Diario de poesía n° 69,
2004, recogido en 2012: 24) Consultado sobre la fuente exacta de la genial propuesta de Saer, Gianera responde:
«Creo recordar que fue el propio Calveyra quien, un buen tiempo antes de esa entrevista, me contó esa fantástica
observación de Saer. Tal vez sencillamente se la dijo y no la puso por escrito» (correo electrónico, 24 de abril de
2015).

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Pour citer cet article


Référence électronique

Mariana Di Ció, « Los ejercicios con el tiempo de Arnaldo Calveyra », América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne
le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1626 ; DOI :
10.4000/america.1626

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Auteur
Mariana Di Ció

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
I. Chronique et alliage de genres

La biografía y la autobiografía en la entrevista, una


forma de crónica periodística
en los libros Cien horas con Fidel y Hugo Chávez. Mi primera vida
L’entretien biographique et autobiographique, une modalité de la chronique journalistique
Venko Kanev
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

El propósito del presente ensayo es analizar en función de la crónica a dos libros curiosos, obra del periodista
francoespañol Ignacio Ramonet y sus insignes interlocutores: Fidel Castro y Hugo Chávez. Y de sendos libros: Cien
horas con Fidel (edición cubana) o Biografía a dos voces (edición española) y Hugo Chávez. Mi primera vida. Se
estudiará la interferencia de la crónica con otros géneros. Formalmente se trataría de largas entrevistas de más de
setecientas páginas cada una. Sin embargo, estos libros corresponden en gran medida a las características de la
crónica. Los acontecimientos están contados en un orden cronológico determinado por el periodista. Si estudiamos
las respuestas aparte, el relato de un suceso o de un período con sus protagonistas, se puede hablar propiamente de
crónica o de varias crónicas. Las preguntas forman también un texto que completa la crónica de los acontecimientos.
Los textos están construidos por dos voces, por lo cual existen elementos biográficos en las largas introducciones,
las preguntas y el paratexto, y autobiográficos en las respuestas-explicaciones del entrevistado. Pero en el aspecto
formal, los dos libros por su volumen se apartan de la entrevista y se acercan a la crónica. Nuestro ensayo revela
estas y otras características de la crónica en relación con otros géneros.

L’objectif de cet article est d’analyser, du point de vue de la chronique, deux livres du journaliste franco-espagnol
Ignacio Ramonet et de ses célèbres interlocuteurs : Fidel Castro et Hugo Chávez. Les deux livres sont
respectivement intitulés Cien horas con Fidel (édition cubaine) ou Biografía a dos voces (édition espagnole) et
Hugo Chávez. Mi primera vida. Ce texte étudie l’interférence de la chronique avec d’autres genres. Formellement, il
s’agit de deux longs entretiens de plus de sept cents pages chacun. De nombreuses caractéristiques sont empruntées à
la chronique. Les événements sont racontés dans un ordre chronologique établi par le journaliste. Si on analyse les
réponses, le récit d’un événement ou d’une période concernant chacun de ses protagonistes, on peut parler d’une
chronique. Les questions forment d’ailleurs un texte complémentaire à la chronique des événements. Les textes ont
été construits en fonction de deux voix. La voix biographique se révèle dans les introductions, les questions-
explications, le paratexte, la voix autobiographique dans les réponses que sont les récits des protagonistes. Mais d’un
point de vue formel, par leur extension, les deux livres s’éloignent de l’entretien et se rapprochent de la chronique.
Ce travail se propose de mettre en évidence les liens que la chronique entretient avec d’autres genres ou formes
d’écriture.

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Entrées d’index
Mots-clés :

chronique et entretien, biographie et autobiographie, Fidel Castro, Hugo Chavez

Palabras claves :

crónica y entrevista, biografía y autobiografía, Fidel Castro, Hugo Chávez


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Plan
Definir la crónica, orígenes y actualidad
El narrador y lo narrado
Dos libros de crónica contemporánea
Biografía y autobiografía
El cronista periodista
Historia y entrevista
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1Entre los múltiples puntos de nuestra reflexión colectiva sobre las crónicas está el problema genérico. Quizás éste
se deba al «pecado original», o sea, a la hibridez de las crónicas de la conquista. Por lo cual entre los objetivos figura
«el diálogo de la crónica con otros géneros» y la inestabilidad del contrato de lectura. El tema escogido corresponde
a estos puntos de vista y a otros que se verán a lo largo del presente ensayo.

Definir la crónica, orígenes y actualidad


1 El término crónica tiene su origen en el latín chronica, cuyo antecedente etimológico se halla en e (...)

2Al hacer un recorrido por la bibliografía que concierne las crónicas el investigador se da cuenta de que las
definiciones abundan y que forman parte a la vez de la enseñanza del periodismo y de la literatura. En líneas
generales se habla de un género o subgénero cultivado por la crónica periodística y literaria. Coinciden los estudios
en que las crónicas refieren sucesos en orden cronológico1. La crónica periodística, según algunos críticos, no
debería utilizar la ficción, pero al parecer no es la opinión generalizada y los hechos desmienten tal aseveración, al
menos en América Latina. Los estudiosos coinciden también en que este género arranca en América con los
cronistas de Indias que con sus relatos entre realistas y fantásticos construyen la imagen del continente en las mentes
europeas. No cabe dudar de la importancia que tiene este género para formar una imagen o visión de algún lugar o
un acontecimiento. La crónica, por su nombre mismo, supone abrir ante los lectores un horizonte de lectura de
objetividad con valor documental, las crónicas de Indias confirman y desmienten a la vez esta noción.

3El Diccionario de términos literarios de Alianza Editorial (Estébanez Calderón, 2006: 237), define la crónica de la
manera siguiente: «Modalidad de literatura historiográfica consistente en la narración de acontecimientos durante un
período histórico y según el orden en que han sucedido». El Ensayo de un Diccionario de la Literatura (Sainz de
Robles, 1954: 263) la define así: «Historia detallada de un país, de una época, de un año, de un hombre, escrita por
un contemporáneo que ha registrado, sin comentarios, todos los pormenores que ha visto o que le han sido
transmitidos». Y continúa «sigue un orden cronológico para sus recuerdos» y que «las crónicas suelen contraerse a
los hechos de la historia política».

4Es evidente que estas dos definiciones son ciertas, pero restringen el campo de la crónica. Muchos insisten en que
los cronistas describen los hechos de acuerdo con su propia visión crítica lo que me parece inevitable. El cronista da
por lo general su versión del suceso o retransmite el relato de otros. Se señala también que contienen a menudo
frases dirigidas al lector en un intento de establecer el diálogo.

5Otros clasifican los tipos de crónica: periodística, humorística, histórica, descriptiva, narrativa. La equiparan al
ensayo y la lírica. Esta manera de ver la crónica admite la subjetividad y las emociones. El carácter emotivo atañe
también al lector que no la concibe sólo como un documento: «la crónica periodística es la prosa narrativa de más
apasionante lectura y mejor escrita hoy en día en Latinoamérica», escribió Darío Jaramillo Agudelo, autor de la
Antología de crónica latinoamericana actual (Madrid, Alfaguara, 2012).

El narrador y lo narrado
6La crónica puede ser una narración con mucha descripción, puede llegar a ser un documento en que se pintan
momentos de la vida, se narran recuerdos, se describen las tendencias de la época, las costumbres, se habla de
ideologías. La crónica puede ser vívida, es de interés colectivo. El cronista hace comentarios, ejerce su estilo
personal, da una información, pero pone el énfasis en la manera en que sucedieron las cosas. La crónica –dicen los
estudiosos– es el antecedente del periodismo actual, recrea la atmósfera, es una expresión periodística más literaria.
Existen clasificaciones de las crónicas como informativas, opinativas, interpretativas. A las crónicas de carácter
periodístico se las puede clasificar de «amarillas» o «blancas», según su contenido.

7Todo lo dicho hasta aquí ensancha el perímetro de este género de límites imprecisos. Existen algunas características
invariables: en una crónica los hechos se narran según el orden temporal en que ocurrieron. Esta narración está
frecuentemente a cargo de testigos presenciales o contemporáneos, en primera o en tercera persona. La crónica
puede adoptar la forma de una historia detallada de un país o de una región, de una localidad, de una época, de un
hombre o de un acontecimiento, con o sin comentarios. Tampoco se subestima la acción y se hacen referencias
espaciales y temporales.

8Una opinión generalizada es que la crónica utiliza un lenguaje sencillo, directo, personal, pero que admite un
lenguaje literario y descriptivo.

9Un tipo de crónicas, que nos interesa, es la que recoge las opiniones de una o varias personas a medio camino entre
crónica y entrevista. Un ejemplo son la Crónica de una muerte anunciada de Gabriel García Márquez o El Bogotazo
de Arturo Alape.

2 El primer modo de utilizar la crónica fue para realizar relatos históricos. Posteriormente fue el m (...)

10Es válido subrayar que la crónica puede tratar muchos temas: sociales, políticos, económicos, policiales,
deportivos, etc. Cada una puede tener un estilo propio, desarrollar la noticia, humanizarla e involucrar al lector. Y
desde luego, volviendo a nuestra observación anterior, permite valoraciones subjetivas del periodista, refleja también
las experiencias personales2.

11La crónica puede necesitar cierto distanciamiento en el tiempo cuando refiere acontecimientos históricos, pero en
general, la crónica y sobre todo la periodística, se escribe y publica poco después del suceso narrado. Se concibe
como una información, si el periodista goza de la confianza del público lo que no siempre es el caso.

Dos libros de crónica contemporánea


12En esta ocasión nos proponemos hablar de la crónica como género (escrita, oral, audiovisual o periodística y
literaria, etc.) en diálogo con otros géneros. La crónica como lectura pragmática y sus formas de enunciación y
recepción, sus funciones en el espacio social, su incidir político y al final la figura del cronista. Estos propósitos
entroncan con nuestra intención de analizar el género de dos libros curiosos, obra del periodista franco-español
Ignacio Ramonet y sus insignes interlocutores. Se trata de las dos figuras más conocidas de la contemporaneidad
latinoamericana: Fidel Castro y Hugo Chávez.

13Es necesario señalar que Ignacio Ramonet, doctor en semiología, es esencialmente periodista y politólogo.
Durante dieciocho años dirigió el periódico francés Le Monde diplomatique y actualmente es director de El mundo
diplomático en España. Es autor de numerosos libros y de innumerables artículos y ensayos. I. Ramonet es a la vez
un profundo conocedor de las realidades latinoamericanas. Entre sus libros tres despiertan nuestro interés: Marcos,
la dignidad rebelde, 2001; Cien horas con Fidel (edición cubana 2006) o Biografía a dos voces (edición española);
Hugo Chávez. Mi primera vida, 2013. Los tres libros son conversaciones: con el subcomandante Marcos, con Fidel
Castro y con Hugo Chávez. Nos referiremos a los dos últimos. Por su forma se trataría de largas entrevistas, cada
una de más de setecientas páginas, pero los comentarios prefieren el término «libro». La edición cubana sugiere una
conversación con Fidel de cien horas o más. El título de la edición española indica el carácter biográfico del libro: la
biografía de Fidel relatada por el periodista I. Ramonet y la autobiografía en el relato del propio Fidel.

Biografía y autobiografía
14El libro comienza con una presentación de I. Ramonet, seguida por tres notas de las tres ediciones. En estas
páginas se insiste en el carácter biográfico del libro, en el relato cronológico y el trabajo de revisión exhaustivo
realizada por Fidel: primero en cuanto a la lengua empleada y segundo, en cuanto a la veracidad histórica. En la
introducción que sigue, Ignacio Ramonet hace una caracterización de Fidel Castro, describe el contorno, los
antecedentes y el contexto de la revolución.

15Entre paréntesis, sería muy interesante analizar las semejanzas y las divergencias entre Fidel Castro y Hugo
Chávez: diferentes por su origen, formación, forma de ser, lenguaje, recorrido vital, etc., a base de los dos libros en
cuestión.

16Tratándose del lenguaje se puede constatar que se entrecruzan el lenguaje oral, espontáneo del entrevistado en las
respuestas, y el lenguaje oral más elaborado del entrevistador. Sin embargo, el lenguaje de Fidel es revisado por el
propio Fidel a posteriori. I. Ramonet está consciente de este doble discurso:

3 El texto de la entrevista es antecedido por una «Presentación» y la «Introducción» al inicio del li


(...)

Fidel había asumido el regreso a lo escrito para perfilar con un lenguaje limpio y sencillo de ideas,
porque no es lo mismo hilvanar recuerdos o pensamientos en el aire y en voz alta, que hacerlo en
silencio, en diálogo reposado con la mente, lo que permite escribir, tachar, ordenar, detenerse a buscar la
mejor palabra [...]3.

17Quizás a este trabajo posterior se deba que las respuestas de Fidel son más largas que las de Chávez.

18El mismo lenguaje oral se da en el libro de Chávez. En ambos casos existe un paratexto que dice «Conversaciones
con Ignacio Ramonet». En el libro de Chávez una larga introducción de 47 páginas precede el texto de la entrevista,
término que en este caso emplea I. Ramonet. Describe las características que según él son propias de Chávez. Relata
en breve su vida, destaca sus cualidades que le permitieron acceder a la cumbre.

19I. Ramonet sitúa a su «personaje» dentro de su contexto histórico y actual. La introducción hay que verla junto
con la propia entrevista. Aquí también tenemos un texto biográfico, en las palabras de I. Ramonet, y un texto
autobiográfico que encontramos en las respuestas de Chávez. I. Ramonet en función de cronista biógrafo cuenta una
parte de la vida de Chávez, o sea, su relación con Venezuela, ciertos episodios históricos del país que preceden al
advenimiento de Chávez al poder y su implicación personal. Es un aporte del entrevistador al relato de Chávez y sus
circunstancias. Chávez lleva a I. Ramonet a su pueblo natal Sabaneta y a la cercana ciudad de Barinas, cuenta sus
recuerdos. Ignacio Ramonet dice:

en el laberinto de sus vivencias pasadas, me sentí algo perdido. [Chávez] Se dio cuenta [...]. «Los
recuerdos usted sabe que lo emboscan a uno en cualquier mata de monte». Paciente, me volvió a
explicar, reordenando la cronología (15-16).

20Esta frase es reveladora del método de I. Ramonet. La cronología es lo esencial en los dos libros. La cronología es
necesaria tanto para la crónica como para la biografía o autobiografía. Los tres géneros implican la relación con la
historia. I. Ramonet cita a Chávez: «Debemos conectar el presente con el pasado. Nuestra historia es nuestra
identidad. El que la ignora no sabe quién es. Sólo la historia le da a un pueblo la entera conciencia de sí mismo»
(15).

21Y otra vez, como en el caso de Fidel Castro, I. Ramonet define la lengua de Chávez:

Le deleitaba exponer con claridad y amenidad. Deseaba que se le entendiese y se esforzaba por
conseguirlo. Llevaba casi siempre consigo un manojo de lápices de colores y cuartillas de papel en las
que con su mano izquierda –era zurdo– dibujaba gráficos, pintaba figuras, trazaba estadísticas, escribía
conceptos, ideas, cifras… Trataba de hacer visible lo abstracto. Y volvía sencillos, problemas a veces
bastante enredados (16).

22En ambos casos la claridad es esencial, lo que siempre pretende la crónica.

El cronista periodista
23Otras características de los dos libros corresponden también a la crónica. El autor-cronista es un periodista. Él
orienta subjetivamente el desarrollo del relato. Él dirige la conversación y la publica como un libro propio, aunque
en realidad está construido por dos autores. I. Ramonet está consciente de ello, cuando titula el primer libro
Biografía a dos voces. El texto de las preguntas no es anodino, no se trata de simples preguntas cortas. Es un texto
bastante voluminoso que contiene mucha información. Ahí se revela la figura del cronista.

24Los acontecimientos están contados en un orden cronológico. La cronología como método está a la vista en el
libro de Fidel Castro. La entrevista comienza con los antecedentes de la revolución antes de entrar en el tema de la
misma. Es evidente que si no se habla de la revolución es inútil hablar de su líder. Lo exige la lógica de una crónica
histórica. Luego la conversación se dirige hacia la infancia, la formación de Fidel como rebelde, cómo entra en la
política y a partir de ahí se encamina hacia los hechos más significativos de la época revolucionaria: el asalto al
cuartel Moncada, la guerrilla en Sierra Maestra, Playa Girón, la crisis de los cohetes y luego hacia épocas más
cercanas como el derrumbe del campo socialista y la Unión Soviética. Las preguntas abarcan también su política
internacional con respecto a África, Europa, América latina, España y, por supuesto, los Estados Unidos. Termina
con un capítulo titulado «Después de Fidel, ¿qué?». Las fechas claves al final de la vida de Fidel Castro y de la
Revolución Cubana refuerzan el orden cronológico.

25Es muy parecido el orden en que se estructura el libro de Hugo Chávez. Hay tres partes esenciales: «Infancia y
adolescencia (1954-1971)», «De cuartel en cuartel (1971-1982)», «Rumbo al Poder (1982-1998)». La cronología es
evidente como estructura preconcebida del libro. El lector puede dar por posible otra parte del libro que continuará la
crónica de la vida de Chávez hasta su muerte.

26La cronología no es suficiente para definir un texto como crónica. Es cierto que la estructura formal puede
justificar la definición de un género, pero no es suficiente. Si hablamos de entrevista, la extensión del texto es
exorbitante. En cambio las crónicas pueden ser cortas o largas. Los cronistas de Indias escribieron textos largos y a
veces referían o citaban documentos o palabras de los adelantados.

Historia y entrevista
27Otro rasgo de gran importancia es la historicidad de ambos libros. La historia verídica, tal como la ven los dos
protagonistas y el entrevistador-cronista. Aquí empleo el término cronista, porque I. Ramonet guía el relato del
entrevistado y refiere él mismo muchos datos y detalles. La historia que cuentan los protagonistas es su propia
historia, están insertos en ella, les concierne de cerca, es su vida, la encarnación de los acontecimientos que ellos
provocaron o vivieron. Aquí los protagonistas adoptan de pleno derecho el papel de cronistas. Contar los eventos y
describir el papel del protagonista de los mismos es una característica de la crónica. El Bogotazo: memorias del
olvido del colombiano Arturo Alape (1983), es un antecedente de esta forma de entrevista larga. El libro por su
contenido es una crónica que cuenta los eventos hora tras hora después del asesinato de Gaitán, a través de los
testimonios, las entrevistas, las cartas de varios personajes entre los cuales una larga entrevista con Fidel quien
estuvo en Colombia durante la rebelión llamada el bogotazo.

28Si las respuestas a una o varias preguntas se sacan del libro o si se eliminan las preguntas, se puede hablar
propiamente de una crónica. Si se extrae un fragmento, lo que sería legítimo ya que dentro de los dos libros en
cuestión existen relatos independientes, determinados por la pregunta, hablaremos sin reservas de una crónica.
Desde luego, existe el elemento biográfico y autobiográfico que no contradice la definición de crónica. En estos
libros se entrecruzan la biografía, la autobiografía, la crónica y la entrevista. Cuatro géneros o subgéneros. Se
pueden ver como crónicas periodísticas que, sin embargo, se refieren a asuntos de varios campos: la filosofía, la
política, la sociología, etc. Al mismo tiempo, tienen rasgos de reportaje, un género muy cercano a la crónica.

29No intentamos probar que este libro-entrevista pertenece al género crónica, sino mostrar la evidente relación con
la crónica de este tipo de entrevista biográfica y autobiográfica en que los protagonistas cuentan en detalle los
acontecimientos. No cabe duda de que si ignoramos las preguntas, o sea, la forma de entrevista, los dos libros se
concebirían como dos largas crónicas referentes a la revolución cubana y al proceso revolucionario venezolano junto
con sus líderes. Con un trabajo paciente y meticuloso, pregunta tras pregunta, I. Ramonet y sus interlocutores han
construido la crónica de dos acontecimientos mayores en el continente americano y en el mundo. Y no es posible
verlos como dos libros de historia.

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Bibliographie
Alape, Arturo, [1983] 1984, El Bogotazo: memorias del olvido, Bogotá, Planeta colombiana, 2ª edición.

EstébaneZ CalderÓn, Demetrio, 2006, Diccionario de términos literarios, Madrid, Alianza Editorial.

Ramonet, Ignacio, 2006, Cien horas con Fidel, La Habana, Oficina de publicaciones del Consejo de Estado,
3a edición cubana. Edición española: Fidel Castro: biografía a dos voces, Barcelona, Ed. Debate.

—, 2013, Hugo Chávez. Mi primera vida. Conversaciones con Ignacio Ramonet, Barcelona, Ed. Debate.

SaÍnZ de Robles, Federico Carlos, 1954, Ensayo de un Diccionario de la Literatura, Madrid, Aguilar.

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Notes
1 El término crónica tiene su origen en el latín chronica, cuyo antecedente etimológico se halla en el concepto griego
kronika biblios. El término hace referencia a un relato que narra acontecimientos según su organización cronológica.
Una crónica es una obra literaria o periodística consistente en la recopilación de hechos históricos narrados en orden
cronológico.

2 El primer modo de utilizar la crónica fue para realizar relatos históricos. Posteriormente fue el modelo casi
excluyente a la hora de relatar los viajes de exploración de los navegantes europeos en sus conquistas en el nuevo
mundo.

3 El texto de la entrevista es antecedido por una «Presentación» y la «Introducción» al inicio del libro Cien horas
con Fidel, más las notas mencionadas.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Venko Kanev, « La biografía y la autobiografía en la entrevista, una forma de crónica periodística », América [En
ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1645 ; DOI : 10.4000/america.1645

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Venko Kanev

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El salvajismo institucionalizado en El sueño del celta de Mario Vargas Llosa [Texte intégral]
Paru dans América, 50 | 2017
La independencia en las mentalidades cubanas en la novela Caniquí (1936) de José Antonio Ramos [Texte
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0982-9237

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
II. Humeur, ironie, satire

Les chroniques de Jorge Ibargüengoitia dans le


quotidien Excélsior (1968-1976)
Las crónicas de Jorge Ibargüengoitia en el Excélsior (1968-1976)
Karim Benmiloud
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

Dramaturge, nouvelliste et romancier de premier ordre, l’écrivain mexicain Jorge Ibargüengoitia (1928-1983) est
moins connu pour ses chroniques, alors même qu’il en a rédigé plus de 660, de 1968 à 1976, pour le prestigieux
quotidien Excélsior. Cet article commence par rappeler les conditions de production de ces chroniques (rédigées à la
demande de Julio Scherer dans les mois qui suivirent le massacre de Tlatelolco), avant d’analyser les différents
pactes de lecture que suppose leur réception par les lecteurs de l’époque (qui les découvrirent deux fois par semaine
dans leur quotidien) et par les lecteurs d’aujourd’hui (qui y ont accès grâce aux six anthologies thématiques qui
rassemblent l’essentiel de cette production journalistique initialement marquée par la discontinuité). L’article
analyse enfin les variations thématiques récurrentes les plus significatives, les cibles favorites, ainsi que la double
nature du regard porté par l’écrivain sur les faits qu’il rapporte, entre fausse ingénuité et lucidité dévastatrice,
teintées de mélancolie.

Dramaturgo, cuentista y novelista de primer orden, al escritor mexicano Jorge Ibargüengoitia (1928-1983) se le
conoce menos por sus crónicas, a pesar de que escribió más de 660, de 1968 a 1976, para el prestigioso periódico
Excélsior. Este artículo empieza recordando las condiciones de producción de dichas crónicas (redactadas a petición
de Julio Scherer durante los meses que siguieron la masacre de Tlatelolco), antes de analizar los diferentes pactos de
lectura que supone su recepción por los lectores de aquella época (quienes las leyeron dos veces a la semana en su
periódico) y por los lectores de hoy (quienes tienen acceso a ellas gracias a las seis antologías temáticas que reúnen
la mayor parte de esta producción periodística inicialmente marcada por la discontinuidad). El artículo analiza por
fin las variaciones temáticas recurrentes más significativas, los blancos predilectos, así como la doble naturaleza de
la mirada del cronista sobre los hechos que narra, entre falsa ingenuidad y lucidez demoledora, con tintes de
melancolía.

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Entrées d’index
Mots-clés :

Ibargüengoitia, Excélsior, chronique mexicaine, satire, ironie

Palabras claves :

Ibargüengoitia, Excélsior, crónica mexicana, sátira, ironía


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Plan
Conditions de production/réception
Le pacte de lecture
Variations thématiques
Ironie, humour noir, absurde
Pour conclure
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Texte intégral
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1 Comme la romancière mexicaine Rosario Castellanos l’avait fait avant lui, de 1963 à sa mort en 1974 (...)

1Du 13 décembre 1968 au 5 juillet 1976, au rythme d’une (jusqu’en mai 1969), puis de deux livraisons par semaine,
le dramaturge, nouvelliste et romancier mexicain Jorge Ibargüengoitia (1928-1983) publie dans le célèbre quotidien
mexicain Excélsior une vaste série de plus de 660 chroniques1, que l’auteur – à quelques très rares exceptions près,
soit Viajes en la América ignota (1972) et Sálvese quien pueda (1975) – ne republiera pas sous forme d’anthologie,
comme c’est devenu de plus en plus aujourd’hui l’usage chez les écrivains invités à collaborer de façon régulière
avec la presse.

2Moins d’une dizaine d’années après la mort de l’auteur, et à partir d’une sélection établie selon des critères
thématiques, Guillermo Sheridan édite d’abord trois volumes de ces chroniques sous le titre de Autopsias rápidas
(Editorial Vuelta, 1988), Instrucciones para vivir en México (Joaquín Mortiz, 1990) et La casa de usted y otros
viajes (Joaquín Mortiz, 1991). Puis, à partir de 1997, dans le cadre d’une réédition complète des œuvres
d’Ibargüengoitia par Joaquín Mortiz, sont publiés trois nouveaux volumes – qui viennent compléter les précédents –,
grâce à une sélection effectuée cette fois par Aline Davidoff et Jesús Quintero : Ideas en venta (avril 1997),
Misterios de la vida diaria (juillet 1997) et ¿Olvida usted su equipaje? (fin 1997).

3Sans doute grâce à l’aura que lui a conférée l’obtention de deux prix Casa de las Américas (le premier en 1962 pour
sa pièce de théâtre El atentado, le second en 1964 pour son roman Los relámpagos de agosto), Jorge Ibargüengoitia,
qui a fêté le 22 janvier 1968 ses quarante ans, est donc invité à collaborer avec le quotidien Excélsior en décembre
1968, alors qu’il a mis fin à sa vocation de dramaturge et publié, pour l’heure, un seul roman et un seul recueil de
nouvelles, La ley de Herodes, en 1967. Après une courte carrière comme chroniqueur de théâtre (de 1961 à 1964),
ses chroniques, écrites pendant la fin du mandat de Gustavo Díaz Ordaz (1er déc. 1964 – 30 nov. 1970) et surtout
l’intégralité du mandat de Luis Echeverría Álvarez (1er déc. 1970 – 30 nov. 1976), commencent donc à être publiées
en décembre 1968, soit à peine deux mois après le massacre de Tlatelolco, dans un contexte qui n’est guère propice à
la légèreté ni à la fantaisie, pourtant souvent considérées comme des « marques de fabrique » du natif de
Guanajuato.

4Le début de la collaboration d’Ibargüengoitia coïncide avec la nomination du brillant Julio Scherer García (1926-
2015) à la tête du journal en 1968, journal qui sera, sous sa houlette, marqué à la fois par un soutien aux réformes du
régime priiste et par une critique sans concession du gouvernement, notamment pendant le sexennat de Luis
Echeverría. C’est cet exercice implacable du quatrième pouvoir que Julio Scherer finira par payer au prix fort,
puisque, en juillet 1976, il sera démis de ses fonctions par l’assemblée de la Cooperativa convoquée en urgence,
consécutivement à des manœuvres du Président qui ne supporte plus l’indépendance du journal (il fait nommer à la
place de Scherer le journaliste Regino Díaz Redondo, beaucoup plus docile). Et c’est à la suite de ce départ forcé de
Julio Scherer que Jorge Ibargüengoitia – comme de nombreuses autres grandes plumes du journal, et au total plus de
200 journalistes et collaborateurs, dont Octavio Paz, Carlos Monsiváis, José Emilio Pacheco, Vicente Leñero, etc. –
mettra fin à sa collaboration avec Excélsior.

5À son entrée dans ce journal, Ibargüengoitia y rejoint deux grands noms, Daniel Cosío Villegas (1898-1976) et
Octavio Paz (1914-1998), qui allait prendre peu après la direction de la revue Plural (supplément culturel de
Excélsior, de 1971 à 1976). Contraint au départ en juillet 1976, Julio Scherer fonde le 6 novembre 1976 la revue
Proceso, tandis qu’Octavio Paz part de son côté fonder la célèbre revue Vuelta (1976-1998), où Jorge Ibargüengoitia
le suivra et publiera une chronique mensuelle cette fois intitulée « En primera persona », dont il livrera 30
exemplaires, jusqu’à sa mort dans un tragique accident d’avion à Madrid, le 27 novembre 1983, qui coûta la vie à
181 personnes, et notamment à l’écrivain péruvien Manuel Scorza et au couple de critiques formé par Marta Traba et
Ángel Rama.

Conditions de production/réception
6La publication de ces contributions est marquée par un certain nombre de contraintes, directement tributaires des
conditions de production, liées à la fois au support journalistique qui accueille ces chroniques et au contrat que
l’auteur mexicain a passé avec son employeur.

7La première contrainte est bien sûr celle de la brièveté, puisque l’auteur est tenu de ne pas dépasser un certain
nombre de signes ou de mots (même si l’auteur traite parfois de certains sujets, qui l’inspirent particulièrement, en
deux ou trois livraisons) ; la deuxième est la périodicité, puisque Ibargüengoitia s’engage à livrer deux chroniques
hebdomadaires, ce qu’il fera pendant près de huit ans, jusqu’à constituer un corpus total de 660 articles ; la dernière
contrainte est enfin celle de la fugacité, puisque, en acceptant de travailler pour la presse (qui plus est, pour un
quotidien), l’auteur accepte de travailler pour un support éphémère. Comme le rappelle un autre écrivain mexicain,
Juan Villoro, lui aussi romancier et essayiste :

Condenadas a la fugacidad, las páginas del periódico terminan por servir, en la mayoría de los casos, al
«arte de envolver pescados», como diría el poeta y cronista peruano Antonio Cisneros (prologue, in
Ibargüengoitia, 2009 : 23).

8En effet, il ne faut pas oublier que, en les livrant à la presse, l’auteur accepte que ses chroniques ne soient pas
destinées à être gravées dans le marbre, et qu’elles disparaissent inéluctablement avec le passage des jours… Fugit
tempus irreparabile. Rappelons que le mot « chronique » – tant en français qu’en espagnol – tire son origine du latin
chronica, qui, à son tour, dérive du grec kronika biblios (« livres qui suivent l’ordre du temps »). Le terme fait ainsi
étymologiquement allusion à un récit dans lequel les faits suivent l’ordre chronologique, un récit qui en assume donc
le caractère fugace et éphémère, immédiatement remplacés qu’ils sont par d’autres faits et d’autres événements.
Comme le rappelle le Trésor de la langue française, dans le monde du journalisme, une « chronique » est, par
ailleurs, un « article de journal ou de revue, émission de radio ou de télévision, produits régulièrement et consacrés à
des informations, des commentaires sur un sujet précis. Une chronique financière, judiciaire, théâtrale ; chronique
quotidienne, hebdomadaire ; rédiger, publier une chronique ».

9Autre point qui mérite d’être souligné, en ce qui concerne les conditions de production, c’est le confort matériel
qu’assure à leur auteur la publication de ces chroniques dans la presse. La périodicité (et en l’occurrence la haute
fréquence) de ces chroniques assure à leur auteur un salaire stable, régulier, c’est-à-dire une indépendance
financière, particulièrement confortable si on la compare aux droits d’auteur souvent misérables dont doivent se
contenter les écrivains. Et c’est cette indépendance financière (il s’agit aussi, bien sûr, d’un travail alimentaire) qui
garantit par ailleurs à l’écrivain une totale liberté de création de l’œuvre qu’il construit patiemment dans ses
ouvrages de fiction (ceux qui resteront pour la postérité). Pour qui a une certaine facilité de plume (et c’est
manifestement le cas d’Ibargüengoitia, si l’on en juge par le nombre des chroniques qu’il a livrées), les contraintes
conjointes de la périodicité, de la brièveté et de la fugacité se transforment bientôt en avantages, et même en
privilèges, comme il l’avouait en 1975 dans un entretien : « Como rutina es la más agradable que he
tenido. ¿Cuántos asalariados pueden decir lo que yo he estado diciendo varios años?: los lunes a las doce y media
termino el trabajo de la semana » (Corona, in Ibargüengoitia, 2002 : 317). Dès le mois de mai 1969, en effet, et au
rythme de deux par semaine, ses chroniques écrites le lundi sont publiées le mardi et le vendredi.

10Enfin, en ce qui concerne le destinataire, et à l’inverse de la prose fictionnelle, ces « chroniques du temps
présent » publiées dans la presse sont aussi destinées à un lectorat large et massif, même si Excélsior est un journal
exigeant, et sans doute, à cette époque glorieuse, un des meilleurs journaux au monde. Juan Villoro le rappelait ainsi
en 2008 : « Durante esos ocho años, Excélsior se convirtió en [el] periódico […] más leído en el país, y uno de los
diez principales del mundo » (Villoro, in Ibargüengoitia, 2009 : 14).

2 Juan Villoro note avec raison : « Ibargüengoitia escribió sin freno de películas que hoy no interes (...)

11Analyser ces chroniques, sous leur forme actuelle, présente donc des difficultés majeures. Peut-être n’est-il pas
inutile de rappeler les multiples écueils méthodologiques auxquels se heurte l’exégète qui s’y intéresse : d’abord,
elles sont désormais déconnectées du contexte et des circonstances qui les ont vu naître (temps de production)2 ;
elles sont ensuite publiées sous forme de livres (ce qui suppose un changement de support : du journal, support
jetable, au livre, support pérenne) ; signées par le même auteur, elles sont aussi rassemblées au motif de leur
auteurité, et se donnent donc à lire sous une forme univoque plutôt que plurivoque (autrefois en dialogue avec les
autres plumes du journal), et sous une forme continue plutôt que discontinue. Leur caractère fragmentaire en est
largement estompé ou atténué, et c’est une forme de continuité (logique, stylistique, rhétorique, et même thématique)
qui finit par prendre le pas sur l’absolue discontinuité qui avait présidé à leur composition.

12Il y a enfin un dernier effet de lecture, qui est imputable aux éditeurs eux-mêmes, qui ont fait le choix de publier
ces textes, non pas dans des livres chronologiques (qui auraient pu permettre de donner une idée de la dynamique et
de l’évolution de la pratique journalistique de Jorge Ibargüengoitia tout au long de ces huit années), mais dans des
anthologies thématiques, qui dégagent donc de facto des thèmes récurrents, des lignes de force, des noyaux narratifs,
des obsessions, etc. Là encore, la dimension fragmentaire est considérablement réduite, et ce « chapitrage » (avec
des titres donnés par les éditeurs) donne à la prose de l’auteur mexicain une structure et une cohérence qu’elle
n’avait pas du tout au départ, sans compter les effets de reprises ou de redites, qui sont ainsi beaucoup plus évidents.

Le pacte de lecture
13Par opposition à la prose fictionnelle, le genre de la « chronique » suppose un ancrage contextuel et un système
référentiel stables, dignes de foi, et immédiatement identifiables/reconnaissables par le lecteur du journal. Ignacio
Corona évoque ainsi « un estilo “realista” de escritura, un código de verosimilitud articulado a una referencialidad
verificable por medios extratextuales y una expresión impersonal que, en apariencia, prescinde de la subjetividad »
(Corona, 2002 : 315-316). Si le chroniqueur est souvent caractérisé par son « extériorité », et sa lecture tout à la fois
analytique et critique des faits qu’il décrit et décrypte, censée être « objective », la dimension subjective n’en est
bien sûr pas absente, ne serait-ce que par les choix qui sont opérés dans les faits et les scènes rapportés.

14Les chroniques de Jorge Ibargüengoitia se caractérisent très souvent par le recours à une première personne
assumée et un ton franchement autobiographique, parfois guère éloigné de celui que l’auteur a développé un peu
plus tôt dans les nouvelles de son recueil La ley de Herodes (1967). Citons, à titre d’exemples :

Proyectar casas ajenas y reparar in mente las de nuestros amigos es un deporte sencillo, divertido y
saludable […]. Yo lo recomiendo como hábito diario, por ser excelente ejercicio de la facultad crítica
(30/11/1971) (Misterios de la vida diaria, 1997 : 12).

Hace veintitrés años compré unos mapas en el Observatorio de Tacubaya en los que aparecía una
carretera pavimentada que iba de Apatzingán à Zihuatanejo (05/05/1970) (ibid. : 17).

En San Roque, el rancho donde yo viví, San José es un santo peligroso, inestable, algo aventurero
(24/03/1972) (ibid. : 20).

15Juan Villoro note ainsi : « En sus textos más conmovedores (sobre la muerte de su madre o los cuadros de su
esposa) dejó que las palabras cayeran con una sobriedad sin énfasis » (Villoro, 2013 : 16). En outre, d’un point de
vue formel, le recours à la première personne (même s’il n’est pas systématiquement synonyme d’autobiographie
réelle) est commun à la fois aux chroniques et à plusieurs romans de l’écrivain : Los relámpagos de agosto (1964) se
présente sous la forme de mémoires (parodiques) d’un général qui a pris une part active dans le processus
révolutionnaire ; Los pasos de López (1982) donne la parole à un narrateur lui aussi auto-diégétique, qui raconte, à la
première personne, des événements et des faits dans lesquels il prend toute sa part (voir Pitois-Pallares, 2015). De
sorte que, du point de vue du dispositif grammatical et énonciatif mis en place, il n’y a guère de différence entre
certaines chroniques de Excélsior et certaines scènes des romans de Ibargüengoitia.

16C’est évidemment d’autant plus vrai que, dans certains cas, les événements rapportés par Ibargüengoitia
chroniqueur semblent tout droit sortis des satires historico-militaires dont le romancier Ibargüengoitia fait ailleurs
(c’est-à-dire dans la fiction) son miel. Ainsi en va-t-il de cette anecdote, qui pourrait ressortir tout aussi bien au
genre de la « chronique » tragi-comique (ce qu’elle est, du reste) que de la farce militaire (comme dans la pièce El
atentado) ou du roman satirico-burlesque (comme l’anecdote du train d’explosifs dans Los relámpagos de agosto,
voir Benmiloud, 2011) :

De las aventuras de los decoradores de interiores aficionados la que primero se me viene a la cabeza es
la del sargento de infantería que quería hacer una lamparita de pie. Lo único que sé de la vida de este
sargento es un momento hogareño. El sargento está en su casa, en una modesta vivienda cercana al
Campo Militar Número Uno, rodeado de su familia: su esposa, sus tres hijas y dos hijos, tres yernos y
dos nueras, un amigo de la familia y seis nietos. Los niños lloran, los hombres platican, las mujeres
hacen la comida. El sargento está electrificando su lamparita de pie. La base de esta lámpara es una
granada de mortero de 88 mm. El cable entra por el centro de la granada y sale por la cabeza del
percutor.
Todos estos datos los recogió el Ministerio Público, de las informaciones de los vecinos, después del
accidente. (Misterios de la vida diaria, 1997 : 15).

3 Voir aussi l’allusion au cas des sœurs Poquianchis, traité de façon fictionnelle dans son roman noi (...)

17Cette indétermination générique montre bien que les frontières ne sont pas étanches entre ces genres que
Ibargüengoitia pratique en parallèle, tantôt pour la presse, tantôt pour ses éditeurs de fiction3. Il n’est d’ailleurs sans
doute pas fortuit que Jorge Ibargüengoitia associe en 1975, dans Sálvese quien pueda, véritable livre de
miscellanées, des textes d’origines multiples et variées et ressortissant à des genres différents (à la nouvelle, au
théâtre et à la chronique), en les présentant brièvement en ces termes dans la « Nota preliminar » :

4 Il est à noter que la quatrième de couverture, plutôt tape-à-l’œil, chercher à attirer le lecteur a
(...)

Este libro, cuyo título evoca un desastre náutico, es una labor de rescate : de una niñez de los treinta, de
una obra de teatro [La conspiración vendida] que no fue representada, y de un conjunto de artículos –
 que aparecieron originalmente en EXCELSIOR –, que en mi opinión, merecen ser presentados
nuevamente, en la perspectiva de un libro (Ibargüengoitia, 1975 : 9)4.

18Enfin, faut-il rappeler que la brièveté de la chronique, souvent redoublée par un style lui-même vif et alerte (et
marqué par des accélérations du récit comme dans l’histoire de la grenade montée en lampe, qui projette en une
seconde le lecteur dans l’après-explosion), n’est pas étrangère à l’écriture même de Jorge Ibargüengoitia, qui s’est
spécialisé dans les romans brefs, souvent d’à peine 200 pages ? L’art du récit cultivé par Ibargüengoitia est ainsi
caractérisé par Juan Villoro :

5 Voir aussi cette reformulation du même Juan Villoro : « Heredero de James Thurber y Evelyn
Waugh, e (...)

[…] historias dialogadas, con precisos cambios de escena, que no rebasaban las 200 páginas y donde la
trama podía extraerse sin pérdida como un acabado guión de cine. Después de escribir una novela a lo
largo de dos años, Ibargüengoitia lamentaba que pudiera leerse en menos de dos horas. Sin embargo,
nunca optó por la densidad narrativa. Su ligereza no es atributo de la superficialidad, sino del veloz
ritmo narrativo. Certeras y agudas, sus historias no admiten pausas. (Villoro, in Ibargüengoitia, 2009 :
20)5.

19Il est de surcroît un autre implicite que la pratique d’Ibargüengoitia met à mal : à savoir que la qualité de ces
productions de circonstance – expédiées en une demi-journée, chaque semaine, le lundi matin, et destinées à
disparaître avec le papier sur lesquelles elles sont imprimées – serait moindre que celle de sa production fictionnelle
(destinée, elle, à durer). Quand bien même nous avons souligné plus haut le caractère (au moins partiellement)
alimentaire de cette pratique régulière, il ne fait pas de doute que certaines de ces chroniques font pleinement partie
de ce que Ibargüengoitia a publié de mieux, comme il finit du reste par l’avouer lui-même :

En cuanto a lo escrito […] debo admitir que hay artículos – unos cuantos – que me dejan satisfecho y
que, dentro de las restricciones particulares del género, tienen una calidad que no desmerece al
comparárselas con otras cosas que he escrito con mucho más cuidado (Corona, loc. cit.).

6 Sur ce texte, voir par exemple Dorita Nouhaud (1996 : 153-156).

20Nous en voulons pour preuve des textes comme « Casas prestadas » (justement repris par l’auteur dans Sálvese
quien pueda, 1975 : 179-183)6, ou encore « El lenguaje de las piedras » (1972), qui sont devenus des classiques de
la chronique mexicaine. Ainsi, dans ce dernier texte, le chroniqueur feint de prétendre que ce sont les gouvernements
révolutionnaires mexicains qui ont inventé… la statuaire allégorique :

Con los gobiernos revolucionarios aparece en la monumentalística mexicana una nueva tendencia que
consiste en intentos sucesivos de representar ideas abstractas dentro de un estilo realista. Por ejemplo,
un señor sin camisa, secándose la frente con una mano y deteniendo en la otra un marro inútil,
representa El Trabajo. (Que si a metáforas vamos, la ausencia de camisa podría significar no sólo el
trabajo, sino el trabajo mal retribuido). Una Señora con un niño en brazos representa otra idea abstracta:
La Madre (sic) (Revolución en el jardín, 2009 : 37-38).

21Juan Villoro souligne lui aussi : « Las vacaciones de una sirvienta, la receta de un guiso, la enigmática existencia
de un objeto o las molestias de un viaje adquirieron en sus páginas el rango de lo imprescindible que se volverá
clásico » (prologue, op. cit. : 16).

7 Il s’agit de « Appelez le médecin », publié sous le titre orginal « Esta Ciudad (I) » (La casa de u (...)

22Ainsi, dans Mexico, chroniques littéraires d’une mégalopole baroque, anthologie coordonnée en 2007 par
l’essayiste Rubén Gallo pour les éditions Autrement, sur 19 chroniques rassemblées, signées des incontournables
Elena Poniatowska, Carlos Monsiváis, Augusto Monterroso et Juan Villoro, pas moins de trois textes sont empruntés
à Jorge Ibargüengoitia7, preuve s’il en était besoin de l’écho que continuent de susciter chez le lecteur du début du
e
xxi siècle les textes de l’auteur mexicain décédé en 1983.

Variations thématiques
23Les plus de 660 chroniques publiées en huit ans dans Excélsior par Ibargüengoitia donnent à voir le regard sans
concession de l’écrivain mexicain sur la province ou sur le Distrito Federal, sur le pays (béni des dieux) ou sur ses
habitants (abandonnés par eux), sur la Nation ou sur la société mexicaines, mais aussi sur toutes les transformations
que subit l’environnement immédiat du chroniqueur : le chaos architectural et urbain, les aléas des transports, le
boom démographique et la surpopulation dans une capitale qui croît de façon exponentielle, la furie des nouvelles
techniques de commerce qui transforme la ville en capharnaüm, mais aussi toutes les nouveautés qui scandent
l’entrée du Mexique et de sa capitale dans la modernité : la mise en service de la première ligne de métro, la
généralisation de la voiture individuelle, l’essor de la publicité, l’émergence de nouveaux loisirs et divertissements,
la libération des mœurs, etc.

24Plus étonnant encore, un certain nombre de sujets traités par l’auteur mexicain il y a plus de quarante ans
présentent, pour les lecteurs que nous sommes, des ressemblances troublantes avec l’actualité française de ces
derniers mois : les ravages du tourisme de masse, la prolifération des micro-trottoirs (en lieu et place des analyses
politiques), la réforme des rythmes scolaires, la gratuité de l’éducation, le sous-financement des universités, le Plan
Campus ou le crédit-impôt recherche, etc. ! Il est ainsi manifeste que, dans les pays occidentaux, ce sont toujours les
mêmes débats qui agitent non seulement la presse, mais aussi le « café du commerce » et la conversation nationale,
et reviennent avec la régularité implacable de ce que le jargon journalistique appelle, à juste titre, des
« marronniers ».
25Tour à tour, et même s’il ne se revendique ni comme un intellectuel, ni comme un expert, le chroniqueur endosse
le rôle d’homme de la rue (ou de bon sens), d’individu pragmatique, d’ingénu, de faux naïf, ou, de façon plus
mordante, de râleur, de mauvais coucheur, de misanthrope et de cynique : « Claro que todo el mundo sabe que el
mejor regalo es un cheque, pero como nadie se atreve a hacerlos por diez pesos, hay que recurrir a todo este
intercambio de baratijas inútiles » (Misterios de la vida diaria, 1997 : 129). En réalité, la préférence pour certains
sujets liés à la modernisation, à la planification, à la technique et à l’économie, nous rappelle (entre les lignes) que
l’auteur avait une formation d’ingénieur et qu’il avait géré pendant des années la propriété agricole de ses parents.

26Bien sûr, le regard acéré du chroniqueur-anthropologue se porte sur quelques cibles favorites : les chauffeurs de
bus et de taxi, les fonctionnaires et les bureaucrates, les petits chefs et les hiérarques, le gaspillage et la corruption,
les rassemblements politiques, les commémorations officielles, les mondanités. Enfin et surtout, comme dans la
prose fictionnelle, le discours mémoriel et le grand récit national (notamment celui de l’Indépendance et de la
Révolution) sont régulièrement battus en brèche. Ignacio Corona en dresse lui aussi une liste non exhaustive : « La
reflexión crítica tiene blancos dados: la herencia posrevolucionaria y sus figuras históricas, la política y los políticos,
la burocracia, las universidades y los profesores, los comerciantes, el deporte […], la policía, etc. » (Corona, 2002 :
320).

27À cette fin, deux modalités concurrentes sont alternativement – et aléatoirement – convoquées : c’est d’abord
l’étonnement ou la surprise – c’est-à-dire la fausse ingénuité – du chroniqueur qui feint de découvrir les us et
coutumes de son propre pays. Soit un dispositif narratif proche de celui des Lettres persanes (1721) de Montesquieu
(où le caractère épistolaire du roman facilite le témoignage incrédule à la première personne de Usbek et Rica) ;
c’est aussi le « regard du Huron », dans l’Ingénu (1767), cher à Voltaire, qui permet de montrer le caractère
arbitraire – et donc relatif – de certains usages, de certaines pratiques ou de certaines croyances.

28Dans cette configuration, tout se passe comme si la réalité mexicaine était vue par un chroniqueur (un
touriste dans son propre pays), faussement ingénu, qui se demanderait, le plus sincèrement du monde, « Comment
peut-on être mexicain ? ». Faut-il rappeler que, d’un point de vue personnel, pour Ibargüengoitia, le fait d’avoir
épousé une artiste-peintre anglaise, en la personne de Joy Laville, a dû favoriser ce décentrement, ce pas de côté, qui
a permis à l’écrivain mexicain de regarder les mœurs de son pays avec une acuité particulière ?

29La seconde modalité fait du chroniqueur un témoin visionnaire, qui voit ce que ses compatriotes ne voient pas, et
se construit sur « el interjuego entre apariencia y realidad, y sus posibles variaciones ideológicas: lo visible y lo
invisible; lo sabido y lo ignorado » (Corona, 2002 : 319). Dans cette configuration, le chroniqueur livre le fruit de
ses observations les plus aiguës, et révèle à ses lecteurs cette réalité « mexicaine » qui échappe au commun de ses
compatriotes, comme elle lui est soudain apparue à lui, à la faveur de ce qui ressemble à une illumination.

Ironie, humour noir, absurde


30Comme dans sa prose fictionnelle, Ibargüengoitia mobilise tous les codes de l’humour et de l’ironie, depuis
l’understatement britannique – ce n’est pas un hasard si le Mexicain a pour auteurs de chevet Swift, Bernard Shaw,
Chesterton, Waugh ou Naipaul – jusqu’à l’ironie désacralisante la plus féroce. Mais, comme souvent, chez
Ibargüengoitia, ce qui ressemble à de la légèreté – ou même à de l’ingénuité, vraie ou fausse – cache peut-être une
forme de mélancolie, quand ce n’est pas du véritable désespoir. Le romancier mexicain Enrique Serna souligne en
effet quant à lui :

Producto de una clase moldeada y torturada por la decencia, Ibargüengoitia escribió para ella, pero
también contra ella. Si el público leyera con más atención, si asimilara a fondo su crítica lúcida y serena
de la pesadilla mexicana, no se quedaría tan reconfortado después de leerlo. Porque en el fondo,
Ibargüengoitia era un pesimista crónico que no tenía esperanza alguna en la redención colectiva (Serna,
2013 : 22).

31Ainsi, la légèreté de la touche et l’éclat du vernis humoristique ne doivent pas faire oublier que les réflexions sont
souvent on ne peut plus lucides, sérieuses, et même d’une profonde gravité, même s’il ne prend pas la peine de se
parer du ton tragique de nombre de ses contemporains. Juan Villoro note avec une certaine sévérité (et un peu de
mauvaise foi) :

Las grandes obras de la cultura mexicana han tenido un tono desgarrado. Las sangrantes mujeres de
Frida Kahlo y los extenuados peregrinos descalzos de Juan Rulfo son figuras emblemáticas de una
cultura donde la intensidad rara vez se asocia con la risa (Villoro, in Ibargüengoitia, 2009 : 17).

32Ce n’est donc pas un hasard si Jorge Ibargüengoitia récuse les analyses mythico-tragiques de l’Octavio Paz de
Postdata [al Laberinto de la Soledad], en regardant, lui, vers les États-Unis plutôt que vers le passé préhispanique :

[…] me parece que la tendencia a explicar los problemas políticos y sociales de México actual
refiriéndose al pasado prehispánico es, además de una actividad bastante estéril –se llega a la conclusión
de que siempre hemos estado en las mismas y que por consiguiente no es probable que podamos
cambiar– una fuente de símiles bastante inexactos. Las actividades de los funcionarios públicos tienen
más que ver con la mercadotecnia y con Walt Disney que con el imperio azteca. (15/02/1972) (« Con el
Laberinto en la mano (Lo que cambió Tlatelolco) », Ibargüengoitia, 1991 : 331).

Pour conclure
33Comme le remarquait justement Juan Villoro en 2013, dans le numéro hommage de Letras Libres intitulé
« Ibargüengoitia vivo », dans ses chroniques « El autor comenta los hechos con creativa mala leche y reconciliadora
compasión. Es implacable con las molestias de lo real y al mismo tiempo se reconcilia con el inevitable sino de vivir
ahí. Entender el desastre es un acto crítico, pero también una señal de afecto: identificarse con el caos no lo mejora,
pero lo hace llevadero » (Villoro, 2013 : 18). Laissons la conclusion à Jorge Ibargüengoitia, qui avoue, dans la même
phrase, à la fois son exaspération et son lien indissoluble, son identification totale à son pays :

Con motivo de salir de México a pasar una temporada, se me ocurre hacer un examen de conciencia con
el objeto de determinar qué es lo que más me irrita de este país cuyo nombre anda en boca de tanta
gente demagógica y que sin embargo es mi patria, primera, única y final. La verdad es que mientras más
enojado estoy con este país y más lejos viajo, más mexicano me siento (Instrucciones para vivir en
México, cit. in. Corona, 2002 : 327).

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Bibliographie
Benmiloud, Karim, 2011, « Los relámpagos de agosto de Jorge Ibargüengoitia : la crise du langage
révolutionnaire », in Karim Benmiloud, Alba Lara-Alengrin, Laurent Aubagué, Jean Franco et Paola Domingo
(dir.), Le Mexique de l’Indépendance à la Révolution : 1810-1910, Paris, L’Harmattan, p. 315-328.

Castellanos, Rosario, 1974, El uso de la palabra, México, Excélsior, 1974 (édition préparée par José Emilio
Pacheco).

Corona, Ignacio, 2002, « La construcción de la subjetividad y lo aparente. El discurso periodístico de Jorge
Ibargüengoitia », in Ibargüengoitia, 2002, p. 315-331.

IbargÜengoitia, Jorge, 1975, Sálvese quien pueda, México, Editorial Novaro.

—, 1977, Las muertas, México, Joaquín Mortiz.

—, 1990, Instrucciones para vivir en México, México, Joaquín Mortiz.

—, 1991, La casa de usted y otros viajes, México, Joaquin Mortiz.

—, 1997, Misterios de la vida diaria, México, Joaquín Mortiz.

—, 2002, El atentado – Los relámpagos de agosto (edición crítica de Juan Villoro y Víctor Díaz Arciniega),
Nanterre, ALLCA XX – UNESCO (col. Archivos, n° 53).

—, [2008] 2009, 2ª ed., Revolución en el jardín (prólogo y edición de Juan Villoro), Barcelona, Reino de Redonda.
Nouhaud, Dorita, 1996, La littérature hispano-américaine. Le roman, la nouvelle, le conte. Paris, Dunod.

Pitois-Pallares, Véronique, à paraître, « Configuración del yo autodiegético en Los pasos de López y Los
relámpagos de agosto », in Karim Benmiloud (dir.), Nuevos estudios sobre Jorge Ibargüengoitia, México-Madrid,
Bonilla Artigas Iberoamericana.

Rehder, Ernest, 1993, Ibargüengoitia en Excélsior (1968-1976). Una bibliografía anotada con introducción crítica y
citas memorables del autor, New York, Peter Lang (American University Studies, vol. 23).

Serna, Enrique, 2013, « El burladero de Ibargüengoitia », in Letras Libres, numéro spécial « Ibargüengoitia vivo »,
octubre, p. 20-22.

Villoro, Juan, 2013, « Sabemos que usted es ilustre: ¿quiere explicarnos a qué se dedica? », in Letras Libres,
numéro spécial « Ibargüengoitia vivo », octubre, p. 16-19.

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Notes
1 Comme la romancière mexicaine Rosario Castellanos l’avait fait avant lui, de 1963 à sa mort en 1974 (Castellanos,
1974). Sur les chroniques de Jorge Ibargüengoitia : Rehder, 1993.

2 Juan Villoro note avec raison : « Ibargüengoitia escribió sin freno de películas que hoy no interesan, enigmas
políticos olvidados, rincones desaparecidos de la ciudad donde pasó la mayor parte de su vida, costumbres ya
indescifrables. Sin embargo, muchas de sus crónicas conservan la vitalidad del relato robado con astucia al flujo de
los días » (Revolución en el jardín, 1997 : 23).

3 Voir aussi l’allusion au cas des sœurs Poquianchis, traité de façon fictionnelle dans son roman noir Las muertas
(México, Joaquín Mortiz, 1977) et dans Misterios de la vida diaria, 1997 : 42.

4 Il est à noter que la quatrième de couverture, plutôt tape-à-l’œil, chercher à attirer le lecteur avec cette présentation
accrocheuse : « ¡Por fin! Lo mejor de la obra del más grande Humorista de México. Jorge Ibargüengoitia. Triunfador
del Premio Internacional de Novela “México” –en competencia con 400 escritores de todo el Mundo de Habla
Hispana. Sálvese quien pueda ».

5 Voir aussi cette reformulation du même Juan Villoro : « Heredero de James Thurber y Evelyn Waugh, el cronista
de Autopsias rápidas cultivó la claridad en las descripciones, el humor como signo de inteligencia y un ritmo de
relojería que le permitía mantener la tensión a lo largo de ciento cincuenta páginas. Trabajaba dos años para escribir
un libro que se leía en dos horas » (Juan Villoro, 2013 : 18).

6 Sur ce texte, voir par exemple Dorita Nouhaud (1996 : 153-156).

7 Il s’agit de « Appelez le médecin », publié sous le titre orginal « Esta Ciudad (I) » (La casa de usted y otros viajes,
México, Joaquin Mortiz, 1991, p. 96-98) ; « Qui est là ? De l’art d’ouvrir et de fermer la porte » (publié dans
Instrucciones para vivir en México, México, Joaquín Mortiz, 1990, p. 74-75) ; et « Le klaxon et l’homme », qui
réunit deux textes publiés sous les titres « El claxon y el hombre » et « El arauca vibrador » (Instrucciones para vivir
en México, 1990, p. 85-90).

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Pour citer cet article


Référence électronique

Karim Benmiloud, « Les chroniques de Jorge Ibargüengoitia dans le quotidien Excélsior (1968-1976) », América
[En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1655 ; DOI : 10.4000/america.1655
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Auteur
Karim Benmiloud

Université Paul Valéry, Montpellier 3 ; Institut universitaire de France

Articles du même auteur

L’art du cameo onirique dans Les minutes noires de Martín Solares [Texte intégral]
Paru dans América, 44 | 2014
Trois biographies de Juan Rulfo [Texte intégral]
Paru dans América, 40 | 2011

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Titre :
América
Cahiers du CRICCAL
En bref :

Cette revue sur les champs culturels en Amérique Latine (Littérature et civilisation) publie les
résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
questions spécifiques.

Editeur :
Presses Sorbonne Nouvelle
Support :
Papier et électronique
E ISSN :
2427-9048
ISSN imprimé :
0982-9237

Accès :
Open access Freemium

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DOI / Références

DOI :
10.4000/america.1655

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Karim Benmiloud
L’art du cameo onirique dans Les minutes noires de Martín Solares [Texte intégral] Paru
dans América, 44 | 2014
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Accueil > Numéros > 49 > II. Humeur, ironie, satire > Estampas de ocio, buen humor y re...

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
II. Humeur, ironie, satire

Estampas de ocio, buen humor y reflexión : les


chroniques de l’écrivain péruvien Edgardo Rivera
Martínez
Estampas de ocio, buen humor y reflexión
 : las crónicas del escritor peruano Edgardo Rivera Martínez (Jauja 1933)
Françoise Aubès
Résumé | Index | Plan | Texte | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

Edgardo Rivera Martínez (Jauja 1933), nouvelliste, romancier, qui a connu un certain succès en 1993 avec País de
Jauja, roman du métissage heureux, est aussi l’auteur d’une œuvre journalistique réunie dans plusieurs recueils dont
celui qui donne son titre à cet article. Depuis 1976, l’écrivain publie de façon régulière dans le supplément dominical
de divers quotidiens liméniens des « estampas », sur des sujets très variés comme l’emploi excessif de la locution o
sea que par les jeunes Liméniennes qu’il surnommera les « Oseanidas », jusqu’aux souvenirs de la Lima d’autrefois.
Ajoutons à cela ses « Estampas de viaje », chroniques de ses voyages dans les années 1950 et 1960 en Europe (Al
andar de los caminos), sans oublier A la hora de la tarde y de los juegos (l’enfance à Jauja). Edgardo Rivera
Martínez est un observateur amène, parfois complice parfois moraliste, jamais caustique ni racoleur.
Cet article étudie la place que tiennent ces chroniques dans l’œuvre de l’écrivain.

Edgardo Rivera Martínez, cuentista, novelista, que conquistó el éxito en 1993 con País de Jauja, novela del
mestizaje feliz, es también autor de una obra periodística antologada en varias recopilaciones, destacándose la que da
su título a esta ponencia. A partir de 1976, el escritor ha venido publicando en el suplemento dominical de varios
diarios limeños sus «estampas» sobre temas muy variados como el uso excesivo del giro o sea que en boca de las
jóvenes limeñas a las que tildará de «Oseanidas», y también recuerdos de la Lima de antaño. Cabe añadir sus
«Estampas de viaje», crónicas de sus viajes de los años 1950 y 1960 por Europa (Al andar de los caminos), y no
dejar olvidados sus recuerdos de la niñez en Jauja (A la hora de la tarde y de los juegos). Edgardo Rivera Martínez
es un observador ameno, ora cómplice ora moralista, jamás cáustico ni sensacionalista.
La ponencia estudia el lugar alcanzado por las crónicas en la obra del escritor.
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Entrées d’index
Mots-clés :

voyage, Lima, décennie 1980, monde andin, souvenirs

Palabras claves :

viaje, Lima, decenio 1980, mundo andino, recuerdos


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Plan
Dans les rubriques littéraires des quotidiens de Lima
Tonalité et style
Des textes dignes d’une anthologie
Un genre moderne
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Texte intégral
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1 On trouvera de nombreuses informations sur la « Chronique moderniste » dans La prose moderniste pér (...)

1La chronique journalistique connaîtra au Pérou à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle un essor tout
particulier. La chronique semble d’abord indissociable du modernisme1. Parmi les chroniqueurs célèbres, citons
Manuel González Prada, Clemente Palma, Ventura García Calderón, Abraham Valdelomar, sans oublier Juan
Chroniqueur, pseudonyme de José Carlos Mariátegui. Le titre des recueils qui réunissent leurs textes, Frívolamente.
Sensaciones parisienses (1908) de Ventura García Calderón, Viendo pasar las cosas (1904-1916), de Enrique
Carrillo (dit Cabotín), Crónicas Político dosméstico- taurinas (1909-1919) de Clemente Palma. Constituant un genre
en soi, la chronique selon Abraham Valdelomar est le récit de « las pequeñas grandes cosas » (Valdelomar, 2001 :
171) : elle est en effet élégante, légère, divertissante, liménienne et cosmopolite, entre le Country Club et Paris. Les
chroniqueurs modernistes fondent donc une tradition : celle d’un genre hybride, très diversifié ; il s’agit de saisir le
temps qui passe, de retenir quelques petits événements que l’on commente selon son humeur. Comme le disait Luis
Alberto Sánchez, ce qui fait la spécificité de la chronique, c’est avant tout le je du chroniqueur, le regard subjectif
qu’il porte sur le monde, tout en jouant sur de multiples registres :

Es el género más inequívocamente trabajado por los modernistas […]. La crónica es como el cuaderno
de bitácora de una generación de perpetuos nautas. Desde luego sería impropio catalogar todas las
crónicas dentro de un solo clasificador. Las hay de todos los tipos y niveles. La periodístico-política, la
periodístico-literaria, la estrictamente literaria, la costumbrista, la taurina, la panfletaria, etc. Hasta
podría afirmarse que no existe la crónica, sino los cronistas (Sánchez, 1981: 1193).

2La chronique va perdre peu à peu de sa frivolité pour devenir plus politique, pour s’ajuster à une actualité plus
dramatique socialement à partir de la deuxième moitié du xxe siècle. Elle suit les mutations de la société péruvienne
en plein changement, en se faisant l’écho des bouleversements urbanistiques et sociologiques de la capitale, liés aux
migrations rurales, et on peine à retrouver l’humour qui la caractérisait, sauf à de rares exceptions comme les
chroniques de Luis Felipe Ángel dit Sofocleto (1924-2004) ou de Héctor Velarde El arquitecto (1898-1989).
Signalons le rôle de Sebastián Salazar Bondy(Hirschhorn, 2005) ; sa production journalistique est extrêmement
hétéroclite, à la mesure de sa très grande curiosité et de son désir de comprendre et d’infléchir la société de son
temps. Loin d’être un simple polygraphe, son rôle aura été celui d’un éveilleur de conscience, pour reprendre les
mots de Mario Vargas Llosa. Dans les années 1980 et 1990, les écrivains chroniqueurs sont nombreux. Crónicas
perdidas, publié en 2001 rassemble les textes de Alfredo Bryce Echenique parus dans la presse péruvienne et
espagnole entre 1972 et 1997. On pourrait citer Fernando Ampuero, le poète Antonio Cisneros, Mario Vargas Llosa
et évoquer le renouveau actuel du genre ; au Pérou comme ailleurs, on assisterait à un boom. Or on peut se demander
si la chronique est encore un genre opératoire à l’heure des réseaux sociaux, des blogs aux je pléthoriques, etc. Mais
revenons au papier. Dans La invención de la crónica, Susana Rotker résume ainsi son propos :

La definición del género crónica como lugar de encuentro del discurso literario y periodístico, es tan
central como los aportes a la renovación de la prosa hispanoamericana que hicieron los modernistas
desde la prensa escrita (Rotker, 2005 : 133-134).

2 César Ferreira, professeur à l’University of Wisconwin-Milwaukee, spécialiste de littérature péruvi (...)

3C’est à partir de cette définition de la chronique, à l’intersection de deux genres, que je me propose d’étudier
Estampas de ocio, buen humor y reflexión, volume publié en 2003 à Lima et qui réunit une sélection de chroniques2
de Edgardo Rivera Martínez.

Dans les rubriques littéraires des quotidiens de Lima


3 Outre les nouvelles, les essais et les anthologies évoqués, Edgardo Rivera Martínez a publié quatre (...)

4Professeur, nouvelliste, critique, Edgardo Rivera Martínez a obtenu la consécration de son talent en publiant País
de Jauja en 19933, une parution qui a la dimension d’un événement littéraire. Néo-indigéniste, proustien, universel
et andin, d’une part, ce roman sur le bonheur, thème incongru dans le roman latino-américain et dans le roman en
général, propose une utopie, celle du métissage des cultures, depuis la petite ville de Jauja ; d’autre part, País de
Jauja est écrit alors que le Sentier lumineux dynamitait les pylônes électriques, pour faire taire Lima la blanche et la
plonger dans l’obscurité.

5Estampas de ocio, buen humor y reflexión (2003), recueil de 209 pages, rassemble quarante-sept petits textes
prélevés sur des centaines de chroniques essaimées dans divers journaux (El Comercio, La República, Expreso, dans
les suplementos dominicales, etc.), entre les années 1970 et les années 2000. Certains textes n’ont pas été retenus,
d’autres ont été réunis dans un recueil de chroniques de voyages intitulé Al andar de los caminos. Estampas de viaje,
publié lui aussi en 2003. Avant d’étudier le recueil, soit un ensemble de textes figés, je m’intéresserai aux
chroniques in situ et j’étudierai tout particulièrement un échantillon de celles que l’auteur publie dans La República
entre 1982 et 1983.

4 Le quotidien La República publie le 26 novembre 1982, p. 21, « El Ave Fénix » en précisant : « Edga (...)

6Dans les années quatre-vingt, le nom de Rivera Martínez est associé à un genre : la nouvelle. Il remporte le prix du
concours « El Cuento de la mil palabras » en 19824, mais le succès n’est venu qu’un peu plus tard : « Antes de la
publicación de su novela País de Jauja en 1993, la obra de Edgardo Rivera Martínez fue una suerte de secreto
exquisito, reservado para un puñado de lectores en el Perú » (Ferreira, 2006 : 289). Soulignons l’élégance du
commentateur César Ferreira, mais reconnaissons aussi la justesse de l’expression « secreto exquisito »,
préfiguration du style du chroniqueur que nous allons analyser. Quant à La República, c’est un quotidien fondé en
1981 et qui s’impose rapidement comme un des quotidiens les plus importants du Pérou aux côtés de El Comercio et
Expreso. De tendance gauche modérée, il aura à gérer, comme ses confrères, une actualité de plus en plus violente :
Sentier lumineux passe à l’action en 1980, déclarant le début de la lutte armée. Commence pour le Pérou la década
trágica, ou de la violencia, la guerre interne qui fera 69 000 victimes.

7Les chroniques de Rivera Martínez qui paraissent régulièrement dans La República dans la section Opinión sont
variées, mais elles partagent la même qualité d’écriture, savante et poétique, le même ton aimable, humoristique. Les
sujets choisis sont très divers ; l’auteur jouissait d’une grande liberté et pouvait traiter n’importe quel thème ;
néanmoins certains sont des thèmes obligés, comme les commémorations, les anniversaires ; c’est le cas de la
chronique « Las rejas de Lima », datée du 18 janvier 1982, anniversaire de la fondation de la ville par Pizarro le
18 janvier 1535. À côté de la chronique de Rivera Martínez, on peut lire « La ciudad ‘mosca’ » écrite par le poète
Oscar Málaga Gallegos. La República ayant commencé une grande enquête sur les prisons liméniennes, en
particulier celle de Lurigancho, on pourrait peut-être voir dans ces « rejas » comme le clin d’œil à une réalité moins
aimable. Rivera Martínez, avec nostalgie, évoque la beauté de la ville d’autrefois tandis que dans la Lima des années
1980 en voie de calcutisation, des grilles d’un genre nouveau apparaissent : « No son más las ventanas, alféizar. Y
en lugar de volutas las verjas exhiben de modo cada vez más ostensible, púas disuasorias y terribles. Lima asume así
una experiencia cada vez más carcelaria » (Rivera Martínez, 2003 : 9). Voici une des techniques du chroniqueur qui,
sous couvert d’érudition, fait remonter le passé à la surface du présent, pour faire sens.

8Quel rapport ces chroniques entretiennent-elles avec l’actualité plus immédiate, voire politique ? Rivera Martínez
n’est ni un reporter ni un journaliste politique. Mais il commente, à sa façon indirecte et subtile, l’actualité. La
chronique parue le 8 mars 1983, pour la Journée de la Femme, est intitulée « Tres mujeres » : l’auteur rend
hommage à Micaela Batista (la compagne de Tupac Amaru II, laquelle fut exécutée à ses côtés en 1781), à Francisca
Zubiaga la Mariscala, épouse du président Gamarra, actrice à part entière de l’indépendance du Pérou, et à Edith
Lagos, jeune combattante sentiériste tuée le 3 septembre 1982 par les troupes antisubversives, au cours d’une
action ; âgée de 19 ans, elle deviendra une sorte d’héroïne, martyre à Ayacucho. Rivera Martínez, qui n’adhère
certainement pas aux thèses violentes du mouvement terroriste, évoque cependant cette jeune femme d’une façon
très tolérante : s’il admire son abnégation, il veut retenir aussi le souvenir de celle qui écrivait des vers agrestes et
tendres, prémonitoires de sa mort peut-être.

Tonalité et style
9La República est, avec Expreso, et contrairement au journal El Comercio, un des quotidiens qui dès le début de la
guerre interne rendent compte, et souvent de façon sensationnaliste, de la gravité des événements qui se passent dans
la sierra. Car La República publie des photos : maisons éventrées, corps mutilés, cadavres torturés, et le journal est
un des premiers à dénoncer les exactions des troupes antisubversives, à mettre ainsi en cause le gouvernement. Dans
le contexte de l’époque, les chroniques de Rivera Martínez sont comme de petites fenêtres qui s’ouvrent sur un fond
d’actualité sanglante, terriblement violente. Elles vont donc « illuminer », voire enluminer les pages très noires des
années quatre-vingt. Ainsi, le premier vendredi de janvier 1982, dans la section Opinión, est publié le texte intitulé
« Una muchacha en un día de enero », mise en abyme de la nouvelle année qui commence. Le narrateur à la
première personne est dans un bureau, il attend d’être reçu. Toute la chronique tiendra dans la description de la
secrétaire, sa beauté, la joliesse de ses mains délicates qui remuent des papiers et les classent ; il se produit tout à
coup comme une réminiscence pour le narrateur ; la jeune Liménienne devient cette Koré, souriante, jeune fille de la
statuaire grecque, longuement contemplée autrefois dans un musée d’Athènes. Comment une telle ressemblance est-
elle possible ? « Y me digo en respuesta que hay personas en las que alumbra una luz cristalina y radiosa aun en las
horas más grises, en los días más lóbregos […] manifestación de un arcano y universal principio de luz y
transparencia » (Rivera Martínez, 8 janvier 1982).

10On trouve déjà dans ces lignes écrites en 1982, outre la place toujours prégnante de la Grèce antique chez Rivera
Martínez, l’isotopie porteuse de l’idéologie qui caractérisera le monde fictionnel de l’écrivain : irradié, lumineux,
cristallin et qui atteindra sa pleine expression dans País de Jauja. Les souvenirs personnels, l’enfance à Jauja
inspirent de nombreuses chroniques, amusantes comme « Perros y capitanía en la noche » ou très poétiques ; elles
peuvent apparaître comme le contrepoint à l’image violente de la sierra affichée dans La República. Les événements
d’Uchuraccay (le massacre le 26 janvier 1983 de huit journalistes venus enquêter sur la situation dans la sierra
d’Ayacucho) seront largement diffusés. Le 31 janvier 1983, le gros titre de La República est « ¡Bestias ! ». Rivera
Martínez, pendant cette période, restitue, lui, le village andin, son calme, la beauté des arbres comme el aliso ; il
évoque l’insaisissable atoj, le renard dans « Zorro de puna », présence furtive dans la sierra, chasseur impénitent,
figure tutélaire : « por algo dicen las historias que desciende de antiguos y arcanos dioses y que por ello vigilará
siempre enigmático, en los repechos en las jalcas, en los collados. Zorro de puna inalcanzable… » (Rivera Martínez,
26 mars 1982).

11Le chroniqueur Rivera Martínez, s’il commente l’actualité, la détourne toujours de façon poétique. En avril 1982
commence la guerre des Malouines ; dans « A propósito de las Maldivas. Los mares del sur », Rivera Martínez, ne
fait pas une analyse géopolitique du conflit qui oppose Argentins et Britanniques, mais, grand amateur de récits de
voyage, il préfère évoquer l’aura légendaire de ces parages mystérieux que sont les mers du Sud : « […] esa
atracción secreta y terrible que ejerce el Sur –blanco y onírico Erebo por siempre inalcanzable » (Rivera Martínez,
29 avril 1982). Les tracasseries de la vie moderne lui inspirent de petits textes satiriques comme « Psicología de un
auto » (l’arrivée de la Volkswagen dans les années 1980 au Pérou), ou « Promesa y engaño de un nombre », datée du
24 juin 1983, consacrée à la compagnie qui gère la distribution des eaux à Lima, le SEDAPAL (Servicio de agua
potable y alcantarilla de Lima). L’atmosphère qui règne dans le siège de cette administration, loin de correspondre à
l’univers soyeux et sédatif que laissaient espérer les jolis sons de SEDAPAL, est celle d’un effrayant pandémonium
kafkaïen. Thématique variée, mais affirmation d’un style où se combinent l’humour fin, l’érudition et le lyrisme qui
seront la marque de l’écrivain, caractérisent donc cet échantillon de chroniques publiées dans La República entre
1982 et 1983.

Des textes dignes d’une anthologie


12Demandons-nous maintenant ce que devient une chronique quand elle se retrouve dans un livre, texte figé, comme
un papillon léger qu’on aurait épinglé dans une boîte. Éditer des textes publiés au fil des jours pose un problème
générique. « L’horizon du recueil […] est celui d’un objet fini, stable, de diffusion élargie et durable » (Fraisse,
Mouralis, 2001 : 94) ; le texte perd ce qui faisait sa spécificité, son rapport au temps, c’est un « texte reclassé, offert
a un nouveau mode de lecture » (ibid. : 126).

5 Edgardo Rivera Martínez s’intéresse tout particulièrement à l’histoire de Lima ; il a lui-même écri (...)

13En 2003, Edgardo Rivera Martínez est un auteur reconnu ; selon la logique éditoriale en vogue depuis quelques
années, il est tout à fait légitime d’éditer des textes écrits quelques années auparavant, même s’ils n’appartiennent
pas au genre qui a fait le succès de l’auteur. Ajoutons à cela l’intérêt récent des lecteurs, au Pérou comme ailleurs,
pour la littérature personnelle, mémoires, autobiographies, journaux intimes et pourquoi pas chronique, puisque le
chroniqueur « moderne » ne se cache plus sous un pseudonyme, s’épanche souvent, choisissant le registre de la
confidence. Le volume publié en 2003 est intitulé Estampas de ocio, buen humor y reflexión. Et non Crónicas.
« Estampas » renvoie à la « Tradición », celle inventée par Ricardo Palma qui s’inspire du cuadro de costumbres et
de la petite histoire. Estampas sera aussi le titre des chroniques de voyage Al andar de los caminos. Estampas de
viajes. Estampa signifie, au sens propre comme au figuré, impression, gravures, empreintes ; les trois mots rendent
bien compte de l’esprit du recueil : réflexions amusantes, instantanés de vie, anecdotes, qui doivent divertir, faire
sourire ; on retrouve l’esprit des chroniques traditionnelles. Le choix du mot Estampas réinsère les chroniques de
Rivera Martínez dans une filiation qui remonte au xixe siècle et au début xxe : Estampas de Lima de José Gálvez,
Estampas mulatas de José Díez Canseco5.

6 I : « Lima, Ciudad de mil facetas », II : « Notas de buen humor y ocio », III : « De la Coca, el Té (...)

14La répartition des chroniques dans le recueil publié en 2003 est, aux dires de l’auteur, un peu arbitraire ; on a
élagué en supprimant les chroniques qui renvoyaient à la violence de la guerre interne ; reviennent dans les titres des
six petits chapitres6 des termes comme deleite, humor, sátira, placer qui renvoient certes, de manière redondante, au
titre de l’ouvrage Estampas de ocio, buen humor y reflexión. Mais on y retrouve une grande partie de ce qui fait
l’univers personnel de l’écrivain, comme par exemple sa fascination pour Lima dans le premier chapitre : « Lima,
ciudad de mil facetas ». Rivera Martínez a publié de nombreux travaux sur Lima, dont deux anthologies : Antología
de Lima (2006) et son complément Los balnearios de Lima. Antología Miraflores. Barranco. Chorrillos. Malgré la
garúa et la neblina de l’hiver, Lima reste pour l’écrivain de Jauja une source d’inspiration aussi présente que Jauja.
L’un de ses volumes de contes, qui rassemble les textes publiés entre 1964 et 2008, s’intitule Cuentos del Ande y la
neblina. Sur la couverture du livre, édité par Punto de Lectura, deux paysages se superposent : en haut les Andes, en
bas, Lima et l’Océan Pacifique enveloppés de brume, le tout marqué du sceau de l’Amaru, le serpent mythique.

15Le chapitre consacré à Lima ne se réduit pas à quelques évocations nostalgiques. Rivera Martínez saisit aussi une
certaine façon d’être, une certaine culture liménienne comme le parler des jeunes filles dans le texte intitulé
« Oseánidas ». L’auteur, gentiment agacé par le tic de certaines jeunes Liméniennes qui ne peuvent pas faire une
phrase sans y glisser un « O sea que », jouant sur l’homophonie avec les nymphes de la mer, filles de l’océan, les
appelle « Oseánidas » : « De sus labios fluye un río casi tan incontenible como el río Océano que circundaba la
tierra. La perspectiva binaria o terciaria de sus “o sea” acabará por ahogarlas en un mar de alternativas tan nerviosas
como inútiles » (Rivera Martínez, 2003 : 46).

16Certaines chroniques rappellent le goût de l’écrivain pour les mots, leur étymologie, pour les expressions
familières comme « No le cabe una gragea ». D’autres se distinguent par leur érudition ; ce sont de vrais cabinets de
curiosité. Les sujets sont légers et brillants ; le style est celui d’un miniaturiste ; le terme de recueil est donc on ne
peut plus approprié car « le recueil repose sur une métaphore essentielle que nous rappelle l’étymologie : celle de la
cueillette, de la sélection, de l’extraction et de l’assemblage qu’il partage avec l’anthologie » (Fraisse, Mouralis,
2001 : 128) ; le lecteur de ce « florilège » se fait glaneur et grappilleur, lisant selon son gré et selon son humeur ce
que le livre ouvert au hasard lui offre. Si pour Abraham Valdelomar le chroniqueur est avant tout un menteur :
« Nosotros los cronistas mentimos sinceramente, mentimos hasta por moral porque ello divierte al público, el cual
prefiere las crónicas frívolas a las disquisiciones académicas y a las contiendas filosóficas » (Valdelomar, 2001 :
173).

17Ce qui donne de la cohérence à ces textes épars tient justement à une posture contraire. Il y a une voix qui n’est
pas brouillée, celle du je chroniqueur qui, en instaurant un pacte de sincérité avec son lecteur, déploie toutes ses
facettes : l’autobiographe, l’érudit, l’amateur de récits de voyages, le censeur aimable, mais aussi le moraliste qui
condamne les maux d’une société moderne, vulgaire : « la chatura alienación y vulgaridad que imperan hoy en
nuestra patria, por obra y culpa de sus clases dominantes » (Rivera Martínez, 2003 : 158). Dans certains textes,
l’instance narrative est un « nosotros », car le chroniqueur appartient à une collectivité dont il pointe les vices en
citoyen responsable ainsi que le malheur de vivre sous un régime dictatorial et corrompu (ibid. : 195-196).

Un genre moderne
18Lire les chroniques de Rivera Martínez peut être une manière d’entrer dans l’univers d’un écrivain péruvien dont
l’œuvre occupe une place particulière : le monde andin, dont l’épicentre serait la ville de Jauja, source première
d’inspiration. Ce n’est pas un monde clos et figé mais ouvert et en totale symbiose avec d’autres cultures. La
chronique, genre « moderne », varié, souple, est donc tout à fait dans l’esprit d’un écrivain curieux dans toute la
plénitude du terme. Il y a bien un « continuum » entre les chroniques, les nouvelles et les romans (motifs, thèmes,
style). Mais il ne faut pas réduire les chroniques à un brouillon de l’œuvre, ou à un atelier d’écriture. Car le talent de
Rivera Martínez s’exerce aussi bien dans le texte court, le fragment, la nouvelle, l’essai que dans le roman. Dans une
chronique intitulée « El poeta y la moda », Rivera Martínez rappelle que le grand poète Mallarmé, alors en pleine
maturité, a dirigé une revue de mode, La dernière mode (1874-1875) ; les réflexions de Rivera Martínez sur la
surprenante activité du maître du symbolisme pourraient être comprises comme une mise en abyme de sa poétique
personnelle, voire de son travail personnel :

Quizás uno de los síntomas del genio sea precisamente el de poder variar así de registro y alternar las
más hondas meditaciones con la divagación amable, sensual, ingeniosa […]. Después de todo la vida
está hecha más de momentos fugaces e intrascendentes que de horas memorables y grandiosas (Rivera
Martínez, 2003 : 102).

19La chronique de l’écrivain Rivera Martínez n’est pas un genre mineur ou un simple épitexte. En passant du
journal au recueil, elle change certes de statut, mais elle rend visible le réseau intertextuel qui sous-tend l’œuvre de
Rivera Martínez et en devient ainsi un élément constitutif à part entière.

FerreiraFerreiraEdgardo Rivera Martínez. Nuevas lecturasFraisseMouralisQuestions générales de


littérature,Hirschhorn, Gerald, 2005, Sebastián Salazar Bondy. Pasión por la culturaRivera MartÍnezEstampas de
ocio, buen humor y reflexiónRotkerLa invención de la crónicaSalas AndradeRevista de Comunicación,SánchezLa
literatura peruana, derrotero para una historia cultural del PerúValdelomarCrónicas 1909-1910, Obras completas
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Notes
1 On trouvera de nombreuses informations sur la « Chronique moderniste » dans La prose moderniste péruvienne et
la vision de la modernité chez Manuel González Prada, Clemente Palma et Ventura García Calderón, thèse de
doctorat soutenue par Ricardo Sumalavia Chávez le 8 juillet 2014 (Bordeaux Montaigne) et dirigée par Isabelle
Tauzin. Cette dernière est l’auteure de nombreux ouvrages de référence sur Manuel González Prada.

2 César Ferreira, professeur à l’University of Wisconwin-Milwaukee, spécialiste de littérature péruvienne et de


l’œuvre de Edgardo Rivera Martínez, prépare l’édition complète des chroniques de ce dernier.

3 Outre les nouvelles, les essais et les anthologies évoqués, Edgardo Rivera Martínez a publié quatre romans : País
de Jauja (1993), Libro del amor y de las profecías (1999), Diario de Santa María (2008), A la luz del amanecer
(2012).
4 Le quotidien La República publie le 26 novembre 1982, p. 21, « El Ave Fénix » en précisant : « Edgardo Rivera
Martínez –colaborador de la página editorial de La República– acaba de ganar el primer puesto de “El cuento de las
mil palabras”. El narrador jaujino nos ofrece una muestra de una prosa finamente elaborada en las líneas de su
cuento “El Ave Fénix” incluido en su libro Azurita ».

5 Edgardo Rivera Martínez s’intéresse tout particulièrement à l’histoire de Lima ; il a lui-même écrit sur les
estampas limeñas. Cf. « Litografías iluminadas. Estampas limeñas del siglo XIX », Kontur n° 1, Perú en la cultura,
junio agosto 1986. Voir aussi le chapitre VI de son Antología de Lima, Lima, Fundación Bustamente de La Fuente,
2002.

6 I : « Lima, Ciudad de mil facetas », II : « Notas de buen humor y ocio », III : « De la Coca, el Té y otros
placeres », IV : « De la literatura y sus deleites », V : « Viajes, viajeros », VI : « Apuntes satíricos ».

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Pour citer cet article


Référence électronique

Françoise Aubès, « Estampas de ocio, buen humor y reflexión : les chroniques de l’écrivain péruvien Edgardo
Rivera Martínez », América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017.
URL : http://journals.openedition.org/america/1662 ; DOI : 10.4000/america.1662

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Auteur
Françoise Aubès

CRICCAL, Université de Paris-Ouest, Nanterre-La Défense

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intégral]
Paru dans América, 46 | 2015

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Titre :
América
Cahiers du CRICCAL
En bref :

Cette revue sur les champs culturels en Amérique Latine (Littérature et civilisation) publie les
résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
questions spécifiques.

Editeur :
Presses Sorbonne Nouvelle
Support :
Papier et électronique
E ISSN :
2427-9048
ISSN imprimé :
0982-9237

Accès :
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Souza [Texte intégral] Paru dans América, 46 | 2015

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
II. Humeur, ironie, satire

Savoir en rire : La duda melódica, blog de Luis


Barrera Linares
Saber en la risa: el blog La duda melódica de Luis Barrera Linares
François Delprat
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

Critique littéraire, auteur de romans et de fictions brèves, Luis Barrera Linares, tient depuis des années, à partir de
2006, le blog « La duda melódica », forme virtuelle d’un humour à fleur de vie quotidienne. La plus grande partie en
est publiée dans le volume La duda mélódica. Crónicas malhumoradas 2006-2012.
Les différentes modalités de l’ironie en font une critique des courants du discours contemporain : pensée dominante,
modes artistiques, caractère évolutif du langage. La satire des visions de grandeur est renforcée par la modeste,
perspicace et pittoresque tía Eloína, incarnation de la sagesse populaire. Plaisante voie vers la connaissance, cette
forme d’écriture est dérivée des exercices stylistiques du même auteur dans plusieurs de ses livres, dont ses Cuentos
en-red-@-dos, qui explorent les possibilités d’une réalité virtuelle découlant des médias numériques.

Literato y crítico de la literatura, autor de novelas y narrativa breve, Luis Barrera Linares, lleva desde 2006 el blog
«la duda melódica», forma virtual de un humor preñado de vida cuotidiana. La mayor parte de estas crónicas se han
publicado en 2013 en el libro La duda melódica (2006-2012).
Las diferentes modalidades de la ironía apuntan a criticar las corrientes del discurso contemporáneo: pensamiento
dominante, modas artísticas, carácter evolutivo del lenguaje. Sátira de los vanidosos contrastados con la modestia
perspicaz de la pintoresca tía Eloína, personificación de la sabiduría popular. Divertida vía hacia el conocimiento,
esta forma de escritura se deriva de los ejercicios estilísticos del mismo autor en varios libros, como sus Cuentos
Cuentos en-red-@-dos que exploran las posibilidades de una escritura virtual a través de los medios digitalizados.

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Mots-clés :
écriture virtuelle, humour, satire, pensée dominante, Venezuela

Palabras claves :

escritura virtual, humor, sátira, pensamiento dominante, Venezuela


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Plan
Douter, même de soi
Critique, histoire littéraire, langage, satire du quotidien, travers des habitants…
Conversation virtuelle : humour et pédagogie
Savoir en rire, le doute méthodique (en manière de conclusion)
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Texte intégral
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1Développé en ligne depuis 2006, le blog de Luis Barrera Linares a repris le titre de « chroniques » que cet écrivain
tenait dans la presse écrite à Caracas depuis plusieurs années, en particulier dans El Nacional. Par ailleurs, auteur de
contes et nouvelles et de courts romans, ce professeur de littérature à l’université Simón Bolívar a publié au cours
des vingt dernières années des essais sur l’art du récit et sur la sémiotique littéraire, ainsi que des articles de critique
littéraire dans les pages culturelles de grands quotidiens (1993-2004, El Nacional, el Diario de Caracas, Tal Cual
notamment).

2Le Papel literario de El Nacional (supplément littéraire hebdomadaire de ce grand quotidien vénézuélien) a été le
premier support de la chronique régulière intitulée La duda melódica et son rayonnement a largement renforcé
l’audience de l’écrivain qui a été élu académicien (Academia venezolana de la lengua) en 2005.

3Dans « Introito por si las dudas », prologue au volume La duda melódica édité en 2013, l’auteur dit avoir
délibérément abandonné en 2002 ses chroniques de presse et les avoir reprises pour le cyberspace à partir de 2006 :
« […] sin la fastidisosa periodicidad ni las presiones y censuras diarísticas de otras épocas, pero con todas las
fabulosas posibilidades de permanencia, difusión y posibilidad de interacción que ofrece esa maravilla denominada
Internet ».

4Nous étudierons ici les grandes orientations des textes mis en ligne par Luis Barrera Linares, puis la variété des
formes et des langages, la spécificité de ses ressources humoristiques, et enfin, au moins sommairement, la réception
immédiate du blog, perçue à travers les commentaires en ligne.

Douter, même de soi


5Le titre du blog est donné comme une règle intellectuelle et morale précédemment inscrite dans les chroniques de
presse, reprise dans le premier texte mis en ligne en 2006, et rappelée dans tous les suivants jusqu’en 2012, puis dans
la renaissance de fin 2013 à octobre 2014.

6En frontispice, le blog offre une photo souriante de son auteur avec le titre et une annonce de contenu sur le ton de
la plaisanterie :

LA DUDA MELÓDICA
Crónicas malhumoradas de Luis Barrera Linares y su tía Eloína
Lenguaje, literatura, ideas, humor, política, locuras y otros desvaríos…
Tuíter: @dudamelodica
7L’ouverture du blog le 1er novembre 2006 le présente comme directement issu de l’écriture au fil des jours dans la
presse :

Después de que deambuló por varios diarios venezolanos durante diez años (principalmente por El
Nacional), mi tía Eloína había prometido desde el 2002 que no publicaría esta columna durante algún
tiempo. Sin embargo, como la promesa se limitaba a la versión escrita en algún diario impreso
tradicional, hoy vuelve La duda melódica a través de la blogósfera. Regresa mi parienta por sus fueros
porque los tiempos que corren no son para quedarse callados ni para perder esta oportunidad que ofrece
la red. Aquí estaremos otra vez, tanto ella como yo, para continuar con nuestros comentarios semanales
en los que esperamos que haya un poco de cada cosa que nos resulte interesante compartir con el
ciberespacio. Saludos desde esta Caracas pre-electoral, convulsa, repleta de automóviles y de
ciudadanos estresados hasta la saciedad, saludos, pues desde nuestro nuevo lugar de opnión.

8Quant à « mi tía Eloína », le lecteur la connaît depuis les chroniques de presse et ses avatars successifs dans les
contes et le roman Sin partida de yacimiento, textes écrits avant 2006. Les lignes citées en font le co-auteur du blog
puis la voix de l’auteur lui-même, dédoublement très littéraire. Les sujets abordés par Luis Barrera Linares sont très
variés, mais tiennent tous à l’un ou l’autre des traits de sa personnalité, répondant bien au caractère autobiographique
de la chronique relevé par tous les spécialistes du domaine. Ses nouvelles et romans ont d’ailleurs souvent le
caractère d’autofiction annoncé dans « Pórtico del desahogo », le texte initial de Cuentos en-red-@-dos  :

No creo ser el primer sujeto o sujeta de este continente preocupado por el curioso fenómeno de la
quíntuple relación lector-autor-crítico-profesor-editor, tan propia de los espacios literarios
latinoamericanos, y hago consciente el problema de desempeñar simultáneamente, aunque en distintos
contextos, los varios roles discursivos y fácticos implícitos en esta polivalencia a veces forzada.

9Le lecteur est ainsi préparé à une problématique de l’écriture liée soit à l’imprimé, soit au texte virtuel, récit des
aventures et mésaventures de ce petit monde d’une grande capitale qui tisse ses relations entre les librairies, les
maisons d’éditions, les bistros où l’on cause et l’université, lieux de rencontre que la projection sur le web va encore
étendre en réseaux non moins cohérents, ceux des diverses modalités de la création artistique, littéraire en
particulier.

Critique, histoire littéraire, langage, satire du


quotidien, travers des habitants…
1 La présente étude s’arrête à 2014, mais le blog, diffusé parallèlement sur le site de la revue en l (...)

10Comme dans toute chronique, l’auteur proclame sa liberté de choix. Les 55 textes – appelons-les chapitres –
suivent d’abord une régulière parution hebdomadaire, de novembre 2006 à mars 2007. Le rythme se ralentit ensuite,
tous les quinze jours à partir de juillet 2007, ensuite mensuel, puis bimestriel en 2008, encore plus espacé en 2009 et
2010, trois dans l’année en 2011 et 2012, deux seulement en 2013 et trois en 20141. L’auteur avait décidé d’arrêter
son blog en 2012 puis il y est revenu pour des textes nouveaux en cours de rédaction. Il faut dire que tous les
chapitres de 2006 à 2012 se sont retrouvés, remaniés pour l’occasion, dans un volume édité à Caracas en 2013.
Quant aux thèmes, d’une grande variété, ils sont inspirés de l’actualité culturelle ou de la vie de la cité, au jour le
jour, et le même chapitre passe parfois d’un sujet à l’autre avec une adroite souplesse qui fait penser aux brusques
détours de la conversation. Les textes mis en ligne portent souvent sur un livre récemment paru, un point d’histoire
littéraire récente ou des pratiques langagières usuelles.

11L’expression littéraire est le principal domaine abordé par les textes de 2006 et ceux de 2007, les mois où la
publication est la plus fréquente. On peut voir un véritable programme dans le premier chapitre du blog, « Buenos y
nuevos aires para la narrativa venezolana » (8 novembre 2006) : les écrivains vénézuéliens se plaignent en un
« lamento borincano » du manque de reconnaissance de leurs écrits, surtout en prose de fiction, car la critique
occidentale a concédé plus de bienveillance à la poésie et à l’essai. Sur le mode de l’ironie, l’auteur renvoie à son
essai critique La negación del rostro (2005) et redemande aux écrivains d’aujourd’hui d’écrire pour le monde entier,
de dépasser les bornes du localisme. C’est un mérite de récents volumes de nouvelles et de romans à partir de 2005-
2006, dit-il, où fleurit une nouvelle vision du monde, une autre représentation de la vie des contemporains ou même
des êtres qui ont vécu jadis et dont l’histoire est racontée avec des ressources d’écriture enrichie par la coexistence
des différents médias. C’est une bibliothèque personnelle qui surgit alors, faite des admirations et sympathies de
l’auteur, merveilleuses nouveautés qui ouvrent sur un autre temps et d’autres lieux.

12Deux des textes suivants rendent compte justement d’œuvres littéraires saluées pour l’originalité de leur écriture
et l’innovation dans la pensée. Renato Rodríguez a reçu en 2006 le Premio Nacional de Literatura, des années après
la parution de son premier texte novateur (Al sur del Equanil, 1963). L. Barrera Linares rend hommage à un homme
pourchassé pour ses idées d’avant-garde révolutionnaire, son engagement, incompris en son temps par
l’intelligentsia et la plus grande partie de la critique. C’est la parution d’un nouveau livre qui inspire la chronique
consacrée à Eduardo Liendo, écrivain dont la réputation est établie de plus longue date et qui avait apporté un ton
nouveau dans ses nouvelles et ses romans (certains relevant du registre policier). La réédition en 2006 de Diario del
enano [1995] donne au roman historique une fonction instructive et les qualités de l’engagement pour la liberté. Luis
López Nieves, romancier portoricain, est célébré pour El corazón de Voltaire (2005), récit historique très
plaisamment mis en forme de messagerie électronique. La chronique vante l’astuce très littéraire de celui qui mène
l’enquête et résout un mystère par internet. D’autres écrivains s’y sont appliqués qui forment ainsi un cénacle des as
de l’ordinateur avec l’auteur et sans doute le lecteur du blog, un cercle ouvert à tout l’univers.

13L’éloge de livres revient avec « Felipe Pirela BOLERISTA DEL UNIVERSO » (29 septembre 2007) où
L. Barrera Linares dit son bonheur d’écouter des boléros, dans les bars où on mettait une pièce dans le juke-box pour
entendre ses morceaux favoris. La biographie et chronique musicale consacrée au chanteur Felipe Pirela étend à tous
les lecteurs ce penchant personnel. « La novela de un cantante ‘encantador’ » (20 mai 2009) rend compte du roman
récent de Mario Amengual El cantante asesinado, de façon ostensiblement subjective : la trame policière et le
brillant de l’écriture sont présentés comme faire-valoir de l’engouement pour le boléro et pour le peuple de la nuit
dans une Caracas d’aujourd’hui, clichés de beuveries et de plaisanteries étroitement associés à la chanson et au
téléroman.

14Le goût du bizarre s’exprime dans « ¿Se llamaría de verdad Rafael Bolívar Coronado? » (24 octobre 2007), un
petit mystère d’histoire littéraire du Venezuela au xxe siècle. Des essais comme El Llanero, de Daniel Mendoza, des
poèmes, des nouvelles sous d’autres noms ont pu, après bien des recherches, être attribués à un même auteur qui a
signé des chroniques et des vers du nom de Rafael Bolívar Coronado. En l’absence de données biographiques
précises, ces pseudonymes laissent planer un doute sur l’identité de cet écrivain qui joue de l’imitation ou de la
parodie avec talent. Son nom ne serait-il pas un pseudonyme de plus ? De la sorte, la nature de l’écrit littéraire fait
l’objet d’une interrogation qui est au centre de la critique selon l’auteur du blog.

15La personnalité de l’écrivain dans ses relations avec ses confrères, avec son éditeur et avec son public lecteur
donnait lieu à quelques inquiétudes dans le premier texte déjà évoqué. Cela revient, avec force moquerie, dans
nombre d’autres textes. La satire du milieu culturel revient avec fréquence, exercée par dix des cinquante-cinq blogs
pour se moquer des jérémiades d’écrivains qui se plaignent de ne pas être reconnus à leur valeur. Non sans sévérité
parfois, comme dans « Crítica literaria y llanto literatoso » (25 avril 2007) et « Escritores que son y escritores que se
lo creen » (11 septembre 2013). Une joyeuse férocité dénonce aussi l’égolâtrie de certains écrivains : « En ocasiones
sobran quienes se creen pedantonamente consagrados desde el primer libro que publican. Y hasta sin haberlo
publicado… » (« Críticos crónicos de la crónica », 31 janvier 2007) : l’écrivain devenu critique décerne des éloges,
contribue à une consécration de tel auteur selon ses innovations ou parfois son succès de best-seller, encourageant
ainsi une littérature par imitation de grands auteurs, conformistes plaisamment qualifiés de « postmodernistas
focaultianos, estructuralistas psicoanáliticos o narratologistas genettianos », pour la critique, et pour le roman
« garcíamarcados, vargasllorosos, mutis-lados, allendosos, mastroteros, restreputeados, saramagosos,
fuenteovejunos, y etcétera para no abundar » (« Acólitos anónimos y egotecas hinchadas » 15 mars 2007).

2 Le tout récent livre de L. Barrera Linares, Breves y bravos, rassemble nombre de portraits vivement (...)

16L’outrecuidance de certains est la cible de « Los escritores como personajes » (18 juin 2008) qui annonce un
projet de L. Barrera Linares d’un roman satirique sur les « egoletrados » et dont « El bautismo de un libro es un
parto social » (2012) comporte une « Nota de Eloína: reproducción del “Frontispicio” de la novela en crónicas
Jueves de Cruz y Ficción ». Ce blog croque un personnage d’écrivain imbu de lui-même, un des travers de ce petit
monde où parfois l’on n’accorde pas assez d’attention à la qualité de l’écriture et au soin de la composition d’un
livre. La suite en est donnée dans « Proemio del Premio (cap. 1 de Jueves de Cruz y Ficción, novela en ciernes »
[16 février 2013]), d’une plume acide et même parfois méchante2.
17C’est une tradition de la chronique d’épingler les grands et petits travers de la ville aujourd’hui, satire de la vie
quotidienne. L’attente interminable lors d’une consultation chez le médecin (« Ir al médico » 6 décembre 2006),
l’agacement des défauts imposés par des moyens supposés faciliter la vie (la standardiste dans « Contesta Dora »
14 février 2007), l’évolution des mentalités et la persistance de pratiques attardées dans les relations entre hommes et
femmes (« Humor con amor se pega » 2 février 2007, « De tetas, paraísos y otros refrescamientos » 7 avril 2011), les
délices et désagréments des trajets dans le métro bondé (« Un metro de amor » 8 janvier 2008), les lourdeurs
d’organisation et les contrôles stupides dans les aéroports (« Torturas aeroportuarias del siglo XXI » 19 juillet 2007).
Et aussi les petits et grands plaisirs de la sociabilité vénézuélienne : le soin mis à cacher son âge à partir d’un certain
moment de la vie, chez les femmes, mais chez les hommes aussi (« La edad y el (re)trato » 26 décembre 2006), la
manie de fêter la publication d’un nouveau livre, déjà évoquée, avec l’indispensable affichage d’un savoir
œnologique aussi douteux qu’inopportun (« Aferrarse a la vid » 6 janvier 2014) et l’insouciance avec laquelle on se
bouscule pour jouir de l’instant, brûler la vie par les deux bouts, alors que les circonstances demeurent fort
inquiétantes (« Colas en el bar de la felicidad » 27 juin 2014).

18Mais la parole est en outre ici pleine d’un autre enseignement, le bon usage de la langue : « Charleros y
charlatanes » (3 janvier 2007), « El profesor de castella(s)no » (23 mars 2007), « Entre lenguas y lenguaradas
sexistas te veas » (6 mars 2012), « Censores filológicos, censuras ideológicas » (7 juillet 2012). Entre le parler
contemporain et l’enseignement de l’école il peut y avoir un assez grand écart, et les modulations littéraires d’un
langage supposément imité du parler réel sont un exercice fascinant dont l’auteur du blog se réjouit qu’il favorise
une évolution du vocabulaire et qu’il contribue, dans la presse écrite autant que dans les autres formes d’écriture, à
une modernité de la graphie. Si l’auteur trouve justifiée l’adoption de mots d’autres langues accompagnant
l’évolution des techniques et les modes mondialisées, il proteste contre l’anglomanie (« Anglobalización » 13 juin
2010) devenue une tare de la télévision et de la radio ; prenant position en personne cultivée et active dans la
valorisation de la culture proprement vénézuélienne tout en se démarquant des pédants (« De las academias líbranos,
señor » 26 novembre 2008). C’est de cette richesse de la culture que parlent des articles rendant hommage à des
personnes qui ont eu sur lui une influence décisive, « Manuel con B de Bermúdez » (27 décembre 2009), ou
évoquant sa précoce découverte de la bonté de la lecture (« Beatriz, la Bella, en Macondo » 7 mars 2007).

Conversation virtuelle : humour et pédagogie


19Le recours constant à la première personne du singulier appartient au statut de la chronique, et ceci dès le temps
jadis où les Artículos de costumbre prenaient prétexte d’une contrariété vécue par l’auteur témoin pour donner une
leçon au public. Le je narratif donne à tous ces chapitres les commodités de l’autobiographie, une assise de
témoignage vécu à la plupart des anecdotes, ou de l’autofiction également mise en œuvre dans des livres comme Sin
partida de yacimiento (ce roman de 2009 compte des chapitres que le lecteur a pu lire en 2007 sur le blog : « El
profesor de castella(s)no », « Beatriz la Bella, en Macondo »). Le plaisir des jeux de mots, du calembour à la
fabrication de mots-valises, de la moquerie des usages pédants à la revendication de la liberté enfantine d’accumuler
les « gros mots », différencie ces chroniques de l’écriture des contes dans les autres livres de Luis Barrera Linares,
désireux par le blog de mener une réflexion sur la connaissance et les démarches de l’esprit à travers le langage, de
proposer aussi une tolérance raisonnée, une considération envers autrui, ce qui fait de chaque texte un aimable
moment de légèreté et d’esprit. Établi sur un site web gratuit, il apostrophe l’immense public de la toile, un procédé
qui modernise l’idée très littéraire que les savoureuses marques de localisme ne sont pas contradictoires avec
l’intention d’atteindre à une portée universelle, fondement d’un réalisme satirique dont les fonctions sont bien
établies : divertir et enseigner.

20Un dialogue indirect est créé par un procédé dramaturgique : l’invention de « mi tía Eloína », référence familiale
apparente mais véritable personnage de candide ou, par moments, détentrice d’un savoir immense. Elle est aussi
l’incarnation de la sagesse populaire et peut recevoir toutes les missions du gracioso de la comédie espagnole, le
bouffon qui dit ce que les autres pensent tout bas et dont les choquantes expressions ne peuvent qu’être pardonnées
(effet d’autant plus drôle qu’il échappe à toute censure). C’est elle qui dit des méchancetés contre les femmes
obsédées par le jeunisme, elle qui dénonce l’inutilité de la réforme de l’Académie espagnole imposant d’appeler
« uve » le v que les Latino-américains appellent souvent « be-baja », par rapport au b (be-alta) (« Con “Uvre” de
Vaca: la “nueva” ortografía » 28 novembre 2010), c’est elle qui se permet des astuces vaseuses, de celles qu’on
entend dans la rue ou dans les conversations de comptoir. Mais cette sagesse révèle une connaissance identitaire
profonde et une grande force morale.
Mi inefable tia Eloína ha sido siempre aficionada a seguir eso que los terconomistas llaman «el pulso de
la intrahistoria». O sea, tomar nota de los cambios (aparentemente imperceptibles, pero reales) que día a
día van incidiendo en nuestra cotidianidad y nos van obligando a modificar hábitos, costumbres,
actitudes. Historia pequeña, diaria, rutinaria, en la que los de a pie somos protagonistas.
Según ella, en este tiempo en el que escasea hasta la lluvia, no nos hemos cerciorado pero andamos
inmersos en un eufemismo llamado por ella «el bar de la felicidad».
–¿Qué vaina es esa, Eloína? –le pregunto–. Y se despatilla de la risa al ripostarme que soy tan caído de
la mata que no me he percatado de que los venezolanos de hoy (junio de 2014) somos muy diferentes a
los de hace una década.
–Nos estamos comportando como los borrachos de un bar –me aclara–, somos felices en el botiquín
hasta que pedimos la cuenta (« Colas en el bar de la felicidad », juin 2014).

21Ce personnage, créateur d’écriture « distanciée », apparaît en alter ego de l’auteur. C’est la « tía Eloína » qui
annonce, dans le blog de 2013, le roman de son neveu Jueves de Cruz y Ficción, elle qui est à la fois l’autorité
morale et l’enracinement le plus profond dans la réalité nationale, elle est l’âme de la discussion.

22Comme tout blog, les chroniques comportent un lien hypertexte offrant au lecteur d’écrire ses réactions et ses
idées. Et c’est justement ce personnage de « Mi tía Eloína » qui reçoit le plus d’éloges et de commentaires, les
lecteurs disant leur plaisir de la retrouver. Un des cas les plus patents se trouve dans les commentaires à « Remedios
que sacan la piedra » (28 février 2007). Les différents moyens de soigner les coliques néphrétiques dont souffre
Eloína vont de l’herboristerie à des passes magiques, en passant par des prières. C’est un des textes qui a suscité le
plus de réponses (139 lisibles sur internet), les lecteurs proposant aussi leur remède ou ceux de leur tradition, surtout
les plus extravagants.

23Nous touchons là un des mérites du blog, comme le signale l’introduction du volume imprimé : réaliser un rêve
d’écrivain, le contact direct, quasi immédiat avec les personnes qui le lisent. Qu’il soit critique ou philosophique ou
théâtral, le dialogue n’était qu’une convention, puis l’enregistrement pour la radio ou la télévision en a fait un
instrument d’échange d’idées très souple, tout en lui laissant son caractère d’élite de lectures dont les transcriptions
continuent de nourrir des revues culturelles.

24Le blog, avec ses commentaires, constitue dorénavant un ensemble (certes entièrement sous le contrôle de l’auteur
qui en est le webmaster), communication avec un public tellement précis que chaque avis est signé d’un nom (assez
souvent une personnalité connue, mais aussi des familiers de l’auteur et nombre d’inconnus), échange stimulant où
le lecteur dit son intérêt pour les sujets abordés et le savoir apporté, mais surtout son plaisir de lire et son envie de
suivre cette leçon dans le monde actuel.

Savoir en rire, le doute méthodique (en manière de


conclusion)
Cree en ti, pero no tanto; duda de ti, pero no tanto. Cuando sientas duda, cree; cuando creas, duda. En esto estriba la
verdadera sabiduría que puede acompañar a un escritor.
Augusto Monterroso.

25Cette épigraphe du blog, tiré des aphorismes d’Augusto Monterroso, un des grands maîtres hispano-américains du
texte bref, incite le lecteur à partager une inquiétude proprement philosophique très proche de la tradition humaniste
et du rationalisme cartésien : un doute vis-à-vis du savoir institué et des idées reçues, donné aussi comme attitude
dans la vie, indépendance d’esprit et conscience de soi révélées sous la forme écrite particulièrement libre du blog.
Le lecteur pourra se souvenir de figures anciennes de philosophe grincheux, ces chroniques de la « mauvaise
humeur » ayant de fort lointains prédécesseurs dans les anecdotes évocatrices de Diogène, mais aussi de grands
maîtres de la pensée libre et de la sagesse comme Montaigne et Érasme.

26Dès le titre, le calembour de « doute méthodique » à doute « mélodique » invite non pas à la rigueur mais à
l’harmonie, il tourne en dérision le savoir académique prétentieux, imbu d’autorité, générateur de conformisme. Le
billet d’humeur revêt ainsi un des attributs de l’humour, le quatrième des sept registres mentionnés dans le sous-titre,
perspective laissée ouverte par les points de suspension qui prolongent « otros desvaríos ». Un soupçon de méthode
subsiste cependant puisque, de par la construction de ce sous-titre, le mot « desvaríos » (délires de l’esprit) nuance
l’ensemble des registres, ceux du langage, de la littérature, des idées, de l’humour et de la politique et pas seulement
les folies. Transparente référence à l’Éloge de la folie d’Érasme, fondateur de la pensée moderne. Par ailleurs,
comme dans les Méditations philosophiques où Descartes expose les démarches du « doute méthodique », la
conscience de soi se fonde sur le cogito, et le blog, tout comme les chroniques de presse, s’ouvre à des formes de
discours de soi et de discours pour autrui porteuses d’échange, un dialogue qui évite toute pesanteur philosophique
et veille à ne rien écrire qui paraisse dogmatique. La quête du savoir ne se réalise ici que dans la grâce du rire.

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Bibliographie

Bibliographie de Luis Barrera Linares


Fiction
1980, En el bar la vida es más sabrosa (cuentos), Caracas, Instituto Pedagógico.

1985, Beberes de un ciudadano (cuentos), Caracas, Edit. Caribana.

1993, Cuentos de humor de locura y de suerte (cuentos), Caracas, Edit. Fundarte.

1999, Sobre héroes y tombos (novela), Caracas, Edit. Equinoccio.

2002, Parto de caballeros (novela), [Caracas, Edit. Monte Ávila, 1991], Caracas, Comala editores.

2003, Cuentos en-red-@-dos (cuentos), Caracas, Editorial Ficticia La Duda Melódica.

2007, Cuentos en-red-@-dos /Sobre héroes y Tombos (Cuentos/novela), reedición corregida y ampliada, Caracas,
Edit. El perro y la rana.

2009, Sin partida de yacimiento (novela), Caracas, Edit. BID and CO.

2013, La duda melódica. Crónicas malhumoradas, Caracas, Academia venezolana de la lengua, 2013.

2014, Breves & bravos, Caracas, Editorial Lector cómplice, col. La noche boca arriba.

Théorie de la littérature, critique littéraire


1993, Del cuento y sus alrededores (Aproximaciones a una teoría del cuento (con Carlos Pacheco y Marco Tulio
Aguilera Garramuño), Caracas, editorial Equinoccio, Universidad Simón Bolívar.

2004, Discurso y literatura (teoría literaria), [Caracas, La Casa de Bello, 1995], [Caracas, Universidad Central de
Venezuela, 2000], Caracas, Los Libros de El Nacional.

2005, La negación del rostro. Apuntes para una egoteca de la narrativa masculina venezolana (crítica), Caracas,
Monte Ávila editores.

2006, Nación y Literatura. Itinerarios de la palabra escrita en la cultura venezolana. Compilación de trabajos de
crítica literaria, desde la colonia hasta el siglo XXI, con Carlos Pacheco y Beatriz González Stephan, Caracas,
Fundación Bigott.

2009, Habla pública, Internet y otros enredos literarios, Caracas, Equinoccio.

Linguistique et sémiotique
1992, Los estudios lingüísticos en Venezuela y otros temas (Caracas, Edit. IPAS-ME, con Luis Quiroga Torrealba).

1999, Psicolingüística y desarrollo del español II. Caracas, Monte Ávila, con Lucía Fraca de Barrera.

2000, Análisis crítico del discurso. Crítica literaria, perfiles psicológicos y avisos necrológicos. Caracas,
Universidad Católica Andrés Bello.

2004, Psicolingüística y desarrollo del español I [Caracas, Monte Ávila, 1991], Caracas, Monte Ávila, segunda
edición ampliada, con Lucía Fraca de Barrera.

2012, Ciberlingua y ciberliteratura. Madrid, Editorial Académica Española, con Lucía Fraca de Barrera.

Blog : La duda melódica, en ligne http://barreralinares.blogspot.com (consulté 20 avril 2016).

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Notes
1 La présente étude s’arrête à 2014, mais le blog, diffusé parallèlement sur le site de la revue en ligne
<contrapunto.com> à partir de février 2015, demeure actif en 2016.

2 Le tout récent livre de L. Barrera Linares, Breves y bravos, rassemble nombre de portraits vivement tournés qui
peuvent rappeler ceux de La Bruyère. Une satire très classique, en langage très contemporain.

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Pour citer cet article


Référence électronique

François Delprat, « Savoir en rire : La duda melódica, blog de Luis Barrera Linares », América [En ligne],
49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1673 ; DOI : 10.4000/america.1673

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Auteur
François Delprat

Université de la Sorbonne Nouvelle, Paris 3

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Paru dans América, 40 | 2011
Introduction [Texte intégral]
Paru dans América, 40 | 2011
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Titre :
América
Cahiers du CRICCAL
En bref :

Cette revue sur les champs culturels en Amérique Latine (Littérature et civilisation) publie les
résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
questions spécifiques.

Editeur :
Presses Sorbonne Nouvelle
Support :
Papier et électronique
E ISSN :
2427-9048
ISSN imprimé :
0982-9237

Accès :
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10.4000/america.1673

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
II. Humeur, ironie, satire

Les chroniques de Ricardo Blume dans le quotidien


péruvien El Comercio
Une relation pointilliste et humoristique sur la société péruvienne des années 1980
Las crónicas de Ricardo Blume en el diario peruano El Comercio
Patricia Salinas-Desmond
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

À travers soixante-sept chroniques, publiées en 1988, sous le titre Como cada jueves, Ricardo Blume, acteur, auteur
et réalisateur de théâtre, de cinéma et de séries de télévision, a livré aux lecteurs du quotidien péruvien El Comercio,
chaque jeudi entre 1981 et 1988, une lecture personnelle, impressionniste et humoristique de l’actualité et de la
société péruvienne des années quatre-vingt. Ces chroniques courtes révèlent par petites touches, avec légèreté, des
photographies instantanées et légendées de la société péruvienne et de ses travers, pendant les années de la
restauration démocratique, du gouvernement d’Alan García, du terrorisme et du contre-terrorisme, ainsi que de la
crise économique de la fin des années quatre-vingt.

Mediante sesenta y siete crónicas, publicadas en 1988, con el título Como cada jueves, Ricardo Blume, actor, autor y
director de teatro, de cine y de series de televisión, ha dado a los lectores del diario peruano El Comercio, cada
jueves entre 1981 y 1988, una lectura personal, impresionista y humorística de la actualidad y de la sociedad peruana
de los años ochenta. Estas crónicas cortas revelan con leves pinceladas, con ligereza, unas como fotos instantáneas y
subtituladas de la sociedad peruana y de sus imperfecciones, a lo largo de los años de la restauración democrática,
del gobierno de Alan García, del terrorismo y del contra-terrorismo, y también de la crisis económica de finales de
los años ochenta.

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Entrées d’index
Mots-clés :
Pérou, XXe siècle, société, culture, politique

Palabras claves :

Perú, siglo XX, sociedad, cultura, política


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Plan
Lima : la mégalopole blessée
Les grands maux de la société péruvienne
Si les hommes changent, la société changera
L’amour des mots
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1Avant d’être un chroniqueur, Ricardo Blume (1933) est d’abord un comédien et metteur en scène péruvien de
théâtre, un acteur de cinéma et surtout une vedette de séries populaires de télévision, très connu au Pérou et au
Mexique. Il fut, entre autres, Heathcliff dans Cumbres borrascosas (Pérou, 1963), Roberto Cárida dans Simplemente
María (Mexique, 1989-1990) ou le père de « Marichuy » dans Cuidado con el ángel (Mexique, 2008-2009). Il a
aussi joué dans une vingtaine de films dont Mi secretaria está loca, loca, loca (Argentine, 1967), Detrás de esa
puerta (Mexique, 1975), Malabrigo (Pérou, 1986), Sobrenatural (Mexique, 1996).

2Mais sa carrière est surtout théâtrale. Il a été le fondateur du Théâtre de l’Université catholique de Lima (TUC),
Ricardo Blume ; de plus, il a joué, au Pérou et au Mexique, dans plus de soixante pièces de théâtre et en a dirigé une
vingtaine en tant que metteur en scène. Un nouveau théâtre, ouvert l’an dernier à Lima, porte son nom, où a été
jouée cette année, parmi les premières pièces produites, une œuvre de Jean-Claude Carrière, La controversia de
Valladolid. Comme le dit Ricardo Blume dans une interview récente : « Je ne suis pas un senior, je suis un
octogénaire » (El Comercio, dimanche 17 août 2014). À ses quatre-vingts ans, en 2014, l’acteur n’arrêtait pas de
travailler. Il était à l’affiche du film Viejos amigos du réalisateur péruvien Fernando Villarán et se préparait à jouer
dans une nouvelle « telenovela » mexicaine.

3Ricardo Blume, qui voulait être écrivain quand il était adolescent, a toujours eu une certaine activité journalistique.
Dès le milieu des années cinquante, il écrivait, depuis l’Espagne ou le Mexique, des reportages et des récits pour le
quotidien péruvien El Comercio. Mais cessant toute collaboration lorsque les médias étaient sous la coupe des
militaires, entre 1968 et 1980, il disparut du paysage médiatique en tant que journaliste (Blume, 1988 : 6).

4Ce fut donc une surprise pour de nombreux lecteurs, lorsqu’en 1981 ils trouvèrent chaque semaine – ceci pendant
huit ans – une chronique humoristique et satirique, signée Ricardo Blume, intitulée « Comme chaque jeudi »
(« Como cada jueves »), qui parlait d’eux et de l’actualité. Comme il le déclare dans le prologue d’une sélection de
ses chroniques : « Como cada jueves est une bouteille à la mer. Ces chroniques veulent être des retrouvailles
secrètes, privées, quasi clandestines avec ce lecteur idéal que chacun voudrait avoir. Pour qui, en réalité, on écrit
toujours. Pourvu que ces retrouvailles aient lieu… Comme chaque jeudi. » (ibid.).

5Ces chroniques révèlent un homme possédant un grand sens de l’humour et de la dérision, avec une lecture
personnelle et impressionniste de l’actualité de cette décennie terrible pour le Pérou. Ces textes courts – entre 550 et
650 mots – révèlent par petites touches, comme des conversations entre amis, des instantanés de la société
péruvienne et de ses travers, durant les années qui vont de la restauration démocratique à l’élection d’Alberto
Fujimori.

6Alors que la parution de la chronique « Como cada jueves » était sur le point de s’arrêter (1989), Ricardo Blume,
publia, en décembre 1988, éditée par la Universidad del Pacífico, une sélection de 66 chroniques choisies sur deux
critères : la distance chronologique avec l’actualité et l’intérêt du grand public, parmi quelques centaines d’autres,
car il publia, en 1989, un Nada del otro jueves, complément de Como cada jueves. Ce dernier ouvrage porte en
quatrième de couverture la mention suivante, bien dans l’esprit de Ricardo Blume :

1 Toutes les citations de Ricardo Blume sont prises dans cette édition de 1988 et traduites par nos
s (...)

L’auteur nous demande de diffuser cet avis : si vous vous décidez à acheter ce livre et si sa lecture ne
vous déplaît pas complètement, dites-le à vos amis pour qu’ils l’achètent : ne leur prêtez surtout pas
votre exemplaire. Si, comme cela est très possible, il vous semble illisible et impubliable, s’il vous plaît,
ne dites rien. Merci (Blume, 1988 : 4e de couverture).1

7Mais si Ricardo Blume fait assurément dans ses chroniques œuvre d’humoriste, il est aussi un moraliste qui, tout en
faisant rire ou sourire, met à nu les travers de ses contemporains, fustige certains de leurs comportements, souligne
les grands problèmes de la société péruvienne et montre l’envers du décor et les dérives d’un pays blessé, contrasté
et en pleine évolution.

8Nous devons nous rappeler que ces chroniques furent écrites durant la période de la présidence de Fernando
Belaunde (1980-1985) et de celle d’Alan García (1985-1990). Durant la décennie où le terrorisme des groupes
d’extrême-gauche (Sentier lumineux et MRTA : Movimiento Revolucionario Túpac Amaru) et la militarisation du
conflit entre ces groupes armés et l’État péruvien se sont développés. Ces dix années de violence, prélude au
paroxysme de la décennie suivante, peuvent être divisées en deux périodes. La première, de janvier 1983
(installation du Commandement politico-militaire à Ayacucho) (59-68) à juin 1986 (le massacre des prisons), où la
violence était plutôt circonscrite à certaines régions du pays. La seconde, de juin 1986 à mars 1989 : l’offensive
urbaine du Sentier lumineux et les actions armées du MRTA, qui voit la violence se généraliser sur l’ensemble du
territoire national et la crise économique et l’inflation galopante accroître la misère (69-71).

9La différence entre ces deux périodes se ressent très bien à travers les chroniques, celles de la première partie étant
plutôt sur les thèmes de la légèreté et de l’espérance, celles de la seconde secondes sur ceux de la gravité et d’un
certain découragement.

Lima : la mégalopole blessée


10Concernant Lima, cette gravité, mêlée à une certaine stupéfaction, est pourtant déjà présente dans certaines
chroniques de la première période. On les ressent à la lecture de l’une d’elles consacrée au spectacle de la
désorganisation et du chaos de la circulation dans la capitale, après un attentat à la voiture piégée devant le Palais
présidentiel, en juin 1985, un trimestre où eurent lieu à Lima plusieurs assassinats de députés et une série d’attentats,
juste après l’élection présidentielle remportée par le parti APRA, dans le laps de temps qui précédait l’investiture du
nouveau président Alan García (« Qué cosas suceden con el apagón », 20 juin 1985 : 96-98).

Quand j’étais enfant, on chantait une chanson picaresque pour l’époque, avec ce refrain : « Qué cosas
suceden con el apagón, con el apagón qué cosas suceden ». Et à chaque strophe, on racontait et on
chantait ce qui pouvait se passer. Je veux raconter ce que j’ai vu (ou plutôt, ce que j’ai entrevu) le
vendredi de la coupure de courant, des dynamitages de pylônes électriques et des incendies. C’est moins
drôle que cette chanson. Ça n’a plutôt vraiment rien de drôle. […] En lisant le lendemain les quotidiens,
je ne savais pas si je devais rire ou pleurer (ibid.).

11Pour quelqu’un comme Ricardo Blume, né à Lima dans les années 1930, « à la clinique Febres, au numéro 590 de
la Colmena » (86), quand cette ville alors « criolla » ne comptait pas plus de 500 000 habitants, la comparaison avec
l’agglomération « andine » des années 1980, où la population a atteint les 10 millions, ne peut que susciter la
nostalgie, « parce que cette Lima de tous n’est la Lima de personne. Ce n’est pas Lima. Cette Lima n’est pas pour le
moins ma Lima personnelle. » (« Mi Lima personal », 17 janvier 1985 : 84). Car la vie de tous les jours, dans une
ville saturée par la circulation, affligée d’une inflation galopante et alors plongée dans une insécurité et une violence
grandissante, est de plus en plus difficile. Donc, s’impose la nostalgie de la ville de l’enfance :

Quand le présent ne nous plaît pas, nous nous mettons à fouiller dans notre passé à la recherche de
temps meilleurs. Nous retournons vers nous-mêmes et nous souvenons avec nostalgie et délectation des
paysages précis, des images, des impressions de notre enfance, déjà si lointaine. C’est ce qui m’arrive
ces jours-ci. Et je l’écris ici, sans être certain que cela puisse intéresser qui que ce soit d’autre que moi.
Sauf que peut-être ces candides souvenirs d’enfant susciteront des réminiscences parallèles ou
semblables chez les gens de ma génération. C’était un autre monde (« De mi infancia », 7 avril 1988 :
201).

12Un autre monde bercé par les musiques et les chansons que diffusait Radio Miraflores, dont le cinquantenaire
suscite une avalanche de souvenirs (« En torno a una vieja radio », 5 décembre 1985 : 111-113), même si, alors, les
grands problèmes de société, sauf le terrorisme, étaient les mêmes qu’aujourd’hui.

Les grands maux de la société péruvienne


13Les chroniques, de façon récurrente, s’attachent à scruter les problèmes de société, comparables à des plaies
d’Égypte frappant le pays. Trois thèmes sont traités en particulier : l’iniquité de la justice, les carences de l’éducation
et l’identité nationale problématique.

14Le thème de la justice est abordé durant la période 1983-1988, celle du développement du terrorisme, de la
répression et l’accroissement de l’insécurité dans le pays. Ricardo Blume dénonce d’abord les lenteurs de la justice :
« Trois cent quatre-vingt-trois ans après [la dénonciation des lenteurs de la justice par Shakespeare dans Hamlet],
nous continuons, ici au Pérou, à souffrir de l’un de ces grands maux de l’humanité ». Il termine ainsi sa chronique :

Que personne ne me fasse un procès pour cela, s’il vous plaît. Il ne s’agit ni d’un manque de respect ni
d’un attentat contre la majesté d’un pouvoir constitué. Il s’agit seulement de ce qu’on appelle vox
populi, qui, jusqu’à maintenant, un peu aphone, crie dans désert (« Las tardanzas de la justicia »,
27 octobre 1983 : 51-53).

15Dans un texte de 1988, l’année où apparurent des escadrons de la mort, sous l’appellation de « Comando Rodrigo
Franco », il se dresse contre la corruption, l’iniquité et l’incompétence de nombreux juges qui font perdre toute
confiance en la justice. Le titre est évocateur : « Le préjudiciaire » « Le pouvoir exécutif pourrait être le “Percutif” et
le législatif, le “Perlatif”, ce qui leur irait comme un gant. » (« El perjudicial », 1er septembre 1988 : 210-214) :

Les pressions doivent arriver de toutes parts : d’en haut, d’en bas et de côté. L’argent, en espèces, en
prébendes ou en faveurs […] Assaillis, assiégés, tentés ou apeurés, les rares magistrats ayant une
vocation au service de la justice ne peuvent que jeter l’éponge et partir en courant. D’autres doivent se
ramollir, partir en vacances, se dessaisir des affaires et rejeter tout engagement. Ou bien, ils doivent
accepter d’entrer dans le sale jeu, corrompant ainsi l’administration de la justice et démoralisant le pays
(213).

16Cette déplorable situation où la justice est détournée, s’exerce contre l’ordre légal, est signalée dans une chronique
de mars 1986 évoquant l’arrestation d’un narcotrafiquant, suivie de son immédiate remise en liberté, ainsi que des
affaires de compromissions de politiques et surtout de militaires dans le trafic de drogue, non poursuivis par la
justice, soi-disant faute de preuves (« Lo justo y lo legal », 13 mars 1986 : 124-125). Cela, parce que la justice oublie
qu’elle doit « avoir les yeux bandés », comme la déesse romaine Iustitia, pour qui la Loi est la même pour tous et qui
ne peut voir chez les justiciables « leurs positions sociales, politiques ou économiques » (« La venda de la justicia »,
29 janvier 1987 : 156-158).

17En marge de la justice, la police – son bras armé et sa pourvoyeuse –, dont tous les différents corps ont été unifiés,
n’est l’objet, pendant toute la période, que d’une seule chronique (novembre 1987), alors qu’elle est, au cours des
deux dernières années, de plus en plus présente dans les rues de la capitale, visée quotidiennement par des attentats,
surtout les « bérets rouges », ses unités d’élite et les unités de protection des personnalités. Ricardo Blume considère
qu’avec lunettes noires, démarche de « cow-boys », armes braquées et 4x4 aux vitres fumées, ils en font trop. Le
titre, « Mamani-Vice », donne le ton. Entendu dans la rue, le mot fait référence à la série policière à succès de
l’époque, Miami Vice, « que ceux qui s’y connaissent en langue vivante prononcent Maiami-Vice » et dont ils
« pérouanisent » le titre en remplaçant « Miami » par « Mamani » :

Tandis que les Mamani-Vice jouent dangereusement au film d’action, le terrorisme nous plonge dans les
ténèbres et fait des siennes durant le black-out. Il semble bien que les forces de police soient mal
distribuées. Tous pour un et un pour tous, comme une version déformée de la célèbre phrase des
mousquetaires. Pendant que tant de déploiement nous sidère, le sourire populaire se venge par une satire
et une mauvaise copie, produit du sous-développement et de la cucuterie de mauvais goût, intitulé
Mamani-Vice. Vox populi, vox Dei (« Los Mamani-Vice », 26 novembre 1987 : 179).

18Pour lui, le grand ennemi de la société, de la citoyenneté et de la démocratie est bien le manque d’éducation et son
corollaire, l’ignorance. Un thème récurrent et itératif tout au long de la première moitié du xxe siècle. Dans sa
chronique du 17 février 1983, il écrit :

On me dira que déjà gaga, je délire, je pèche par ingénuité et idéalisme… Je réponds avec un vieux
proverbe hindou, que je viens juste d’inventer, et qui sonne comme un slogan de manifestation de rue :
« un homme avisé ne sera jamais manipulé » […] Qui nous va combattre avec un chiffon rouge, blanc
ou bleu, si nous sommes avisés par l’éducation, l’instruction, la connaissance et – pourquoi pas ? –
l’expérience d’autres combats passés où l’on a voulu nous rabattre le caquet et nous faire courber la
nuque. À d’autres, ça ne prend pas avec moi ! Comme dit mon cocker spaniel quand je lui jette une
dangereuse patte de poulet déjà sucée, avec laquelle il pourrait obstruer son gosier de clebs et s’étouffer.
Le plus grand ennemi est l’ignorance (« El enemigo es la ignorancia », 17 février 1983 : 27-28).

19L’éducation, comprise comme le développement optimum des facultés de chacun, « À ne pas confondre avec la
simple instruction ou l’accumulation de connaissances », n’est pas seulement l’affaire des pédagogues et de l’école,
c’est l’affaire de tous. Elle commence pour l’enfant à la maison et continue toute la vie. C’est l’apprentissage sans
fin de la pensée autonome, dès l’enfance :

Pour le dire grossièrement : d’un côté, il faut leur enseigner à penser par eux-mêmes, avec leur propre
tête, sans accepter comme un dogme ce qu’on leur dit. D’un autre, pour donner un exemple simplet, ne
pas prétendre leur enseigner tous les mots, mais le bon usage du dictionnaire et de l’encyclopédie.
L’exemple éculé : ne pas leur donner un poisson, mais leur apprendre à pêcher (« Educación y saco
roto », 18 février 1988 : 195).

20Ricardo Blume, qui, rappelons-le, a été la tête d’affiche de très nombreuses séries de télévision, demande que,
l’éducation étant la priorité de tous, la télévision y joue un rôle positif. Ce n’est, déplore-t-il, malheureusement pas le
cas :

Que vous le vouliez ou non, la télévision éduque. Éduque ou mal éduque. Forme ou déforme. Je suis
convaincu que sans renoncer à sa mission d’informer et de divertir, elle pourrait contribuer à l’éducation
de manière décisive. Parce qu’on peut éduquer en informant et en divertissant. C’est même peut-être la
meilleure façon d’éduquer (« Educación y TV », 2 avril 1987 : 164).

21Mais pour l’homme de théâtre, l’art est le moyen idéal pour communiquer, avoir du plaisir, transmettre la
connaissance, éduquer et même soigner les maux de l’esprit et le mal d’exister : « C’est une forme, une voie, un
chemin magnifique et créatif pour vaincre, remplir et soulager l’épouvantable solitude qui niche dans les
profondeurs les plus obscures de nous tous. » (« Arte y soledad », 20 mars 1986 : 126-128). L’éducation par l’art est
aussi, pour lui, la meilleure façon de canaliser et de neutraliser la violence, « la meilleure façon que je connaisse
pour neutraliser ou canaliser les instincts agressifs de quelqu’un », comme il l’écrit dans une chronique un peu
provocante et décalée (« Confesión y colofón », 13 février 1986 : 119), sachant qu’en février 1986, quand elle fut
écrite, la violence avait entraîné la mort de plusieurs centaines de paysans innocents dans la province d’Ayacucho et
la déclaration de l’état d’urgence avec couvre-feu pour Lima et le Callao pour soixante jours renouvelables
(Comisión de la Verdad : 155-170).

22Autre thème de prédilection des chroniques de Ricardo Blume, qui a préoccupé les intellectuels péruviens tout au
long du siècle dernier, à droite et à gauche : l’identité nationale et ses liens avec la citoyenneté, son cadre d’exercice,
le patriotisme et le rôle du pouvoir dans un pays toujours en construction (cf. Sinesio López Jiménez). Une identité
nationale où nous, les Péruviens, dit Blume dans sa chronique, « sommes tous la solution », nous devons faire
ensemble d’un pays pluriculturel, sous-développé, « un pays pour de vrai, un pays sérieux » :

Le pays que nous aimons n’appartient pas aux partis politiques qui gouvernent ni à ceux qui sont dans
l’opposition : il appartient à tous ceux qui sont nés ici et à ceux qui en sont proches et qui l’ont fait leur.
Des politiques et des non-politiques, des riches et des pauvres, des civils et des militaires, des métis
blancs-indiens ou noirs, des blanchâtres, des mulâtres, des Noirs ou des Orientaux, des ouvriers et des
patrons, des grands et des petits, des gens cultivés et des analphabètes (« La solución somos todos »,
30 décembre 1982 : 17).

23Car pour Blume, la réalité nationale est que le Pérou est encore en esquisse, c’est un brouillon qu’on n’a pas
encore recopié au propre : « Le pays donne la sensation d’être une feuille pleine de taches et de pâtés, quelque chose
d’à moitié fait, d’inachevé » (« Un país en borrador », 22 mars 1984 : 69).

24En cette année 1983, le gouvernement d’Acción Popular ne répond pas aux attentes de la population et l’on parle
déjà des prochaines élections présidentielles de 1985. Le phénomène climatique El Niño, la crise économique, une
forte inflation et de nombreuses grèves sont au rendez-vous. Le Sentier lumineux se fait de plus en plus menaçant et
huit journalistes viennent d’être assassinés à Uchuraccay. Enfin, la lutte électorale pour la conquête de la mairie de
Lima est déjà en préparation.

25Dans une chronique du mois de mars de cette année-là, Ricardo Blume rappelle à ses lecteurs que la pratique de la
démocratie, l’affaire de tous, est plus compliquée que son principe : « La phrase la plus claire et la plus expressive
sur la différence entre la théorie et la pratique, je l’ai entendue d’un camionneur péruvien qui a dit : “une chose est la
carte, une autre la route”. » (« El mapa y la carretera », 3 mars 1983 : 29-31). Aussi, l’exercice du pouvoir y est-il
plus difficile.

26Le thème de l’identité nationale et du pays est aussi l’objet d’une réflexion sur la patrie et le patriotisme. Qu’est-
ce que la patrie ? s’interroge Ricardo Blume le jour de la fête nationale, le 28 juillet 1983. Il répond, certain de
froisser les nationalistes revanchards :

Aimer la patrie devrait être naturel. Être patriote, l’aimer et la servir, n’entraîne pas le désamour de la
patrie universelle et commune des hommes qui est ce monde en convulsion dans lequel nous vivons. Au
contraire, si l’on aime son foyer, on sera capable d’aimer et de respecter celui du voisin. Si l’on aime ses
enfants, on ne peut pas être indifférent aux enfants des autres. Être patriote serait, ainsi compris, le
premier pas pour être proprement universel, citoyen du monde (« Hacer patria », 28 juillet 1983 : 40).

27Dans une autre chronique consacrée au même sujet, quatre jours avant la fête nationale de 1986, il s’attache à
signaler la différence entre le patriotisme et les signes extérieurs du patriotisme, dans un pays où ces signes, peut-
être en guise de méthode Coué, sont souvent exacerbés : « Les signes extérieurs du patriotisme, le “patriotérisme”
sportif, les solennités, les mains sur le cœur, les flonflons, la langue de bois et la démagogie des discours me
provoquent une irrésistible nausée morale. » (« Revisando el patriotismo », 24 juillet 1986 : 136).

28Deux ans après, en 1988, alors que la situation du pays est de plus en plus dramatique, une chronique, « La
métaphore des mouches », met l’accent sur l’irresponsabilité et l’égoïsme des citoyens et de leurs élus face à la
multiplicité des problèmes qui affectent la société tout entière (« La metáfora de las moscas », 24 mars 1988 : 198-
200). Ricardo Blume dirigeait et jouait alors une pièce de l’écrivain et dessinateur polonais, Slawomir Mrozek.
Certaines répliques des personnages lui ont inspiré le sujet et le titre de la chronique :

L’un des personnages, qui n’est qu’instinct et animalité, s’étonne de ce que, dans le pays où il vient
d’émigrer, il n’y ait pas de mouches. Cela permet à l’autre personnage, un intellectuel assez névrosé,
lassé d’une conversation autour des mouches, de se rendre compte soudain que « en y réfléchissant, les
mouches pourraient servir de métaphore ». Et il ajoute : « Supposons que les mouches symbolisent les
problèmes mesquins et minuscules qui nous tourmentaient là-bas (il se réfère à son pays). Ces petits
chauvinismes, ces réformismes pathétiques, ces divisions ridicules ». Il n’y a pas de nuit au cours de
laquelle, je ne répète ces paroles sans sentir, avec tristesse, que je suis en train de parler de mon propre
pays, de notre pays (200).

Si les hommes changent, la société changera


29Pour Blume, il y a un lien étroit, presque de causalité, entre les maux de la société péruvienne et le comportement
des individus. Il croit que pour que la société change, il faut que ses membres eux-mêmes changent. Un tiers de ses
chroniques est ainsi consacré à décrire et à dénoncer les travers, les défauts et les mauvais comportements de ses
concitoyens.
30Tel est le cas du non-respect de la parole par chacun et de la part de l’État : les rendez-vous ne sont généralement
pas respectés, pas plus que les engagements, pas plus que les promesses des gouvernants : « Au Pérou, une personne
qui respecte sa parole est quasiment un pilier de la société. Celui en qui on peut croire et avoir confiance est un
oiseau rare qu’il faudrait protéger et conserver comme une espèce en voie de disparition. » (« Credibilidad », 10 mai
1984 : 73).

31D’autant plus qu’au Pérou, nous dit Blume, la forme compte plus que le fond : « Nous aimons la cérémonie, le
rite, la solennité et la pompe. Il faut que tout apparaisse comme sérieux. Même si au fond ce ne l’est en rien. En
d’autres termes : la prune compte pour des prunes, ce qui compte, ce sont les feuilles. » (« Informalidad », 7 juin
1984 : 75).

32Ce qui ne veut pas dire que tout formalisme doive être rejeté. Dans sa chronique « Respect », l’auteur démontre
que si tout le monde n’est pas digne de respect, tout le monde doit recevoir un traitement respectueux. Il ne faut pas
confondre le respect et les signes de respect : « Le respect il faut le gagner, le mériter. Mais le traitement respectueux
est une forme élémentaire de la convivialité civilisée. » (« Respeto », 23 janvier 1986 : 116). D’ailleurs, selon lui, les
médias portent une lourde responsabilité dans l’irrespect et le traitement irrespectueux des personnes (« Dignidad e
indignación », 20 février 1986 : 120-122).

33Un autre travers, non sans lien avec le culte des apparences, est l’incapacité à terminer une chose commencée :
« Notre pays semble parfois être un grand cimetière de premières pierres. De bonnes intentions. De bons chantiers,
bien commencés, mais jamais terminés. » (« Terminar las cosas », 17 mai 1987 : 168). Un mal qui frappe les
individus et la collectivité. « Rien de cela ne m’est étranger », écrit-il, faisant son autocritique, et il demande
ironiquement : « Serait-ce, comme certains disent, la faute du climat liménien, qui écrase, aplanit, affaiblit et
décourage ? » (170).

34Derrière le formalisme, la procrastination ou la maltraitance de la réalité : le règne du mensonge devient une


habitude. Un constat qui lui fait écrire : « Quel pays sommes-nous en train de construire sur l’habitude de la
tromperie ? Un pays d’apparences. À l’époque de Calderón de la Barca on appelait apparences les décors et la
scénographie. Des toiles et du carton pour faire croire que… » (« Mendacidad », 28 janvier 1988 : 192-194).

35Mais Ricardo Blume est profondément un optimiste, malgré la réalité nationale problématique, les maux qui
touchent le pays, les comportements inciviques ou immoraux de ses citoyens ; si l’on accepte l’autocritique et la
critique et si l’on agit en comptant sur ses propres forces, alors tous les espoirs d’avancer et de s’améliorer sont
permis :

L’horrible phrase sans issue et sans espérance : « Personne ne peut plus rien y faire », est presque
toujours au bord des lèvres quand on voit ce que l’on voit, entend ce que l’on entend et lit ce qu’on lit
[...] Ne jetez pas l’éponge ! Croyez en la force que nous donnera l’union de tous en train de tirer sur la
corde dans le même sens. (« No tire la esponja », 3 février 1983 : 23 et 25).

36In fine, il ne faut jamais s’avouer vaincu (« Sin esperanza no hay futuros », 22 décembre 1983 : 57-59).

L’amour des mots


37Ainsi, au long de ses chroniques, Ricardo Blume interpelle-t-il le lecteur, lui raconte une chose vue et lui fait part
de ses impressions et de ses réflexions. Il va toujours du particulier au général, du fait au contexte, dans une
démarche généralement inductive. Toujours avec le sens du détail concret, des références aux situations et aux gestes
simples de la vie quotidienne des lecteurs et un recours humoristique aux dictons et aux aphorismes. Ricardo Blume,
homme de théâtre, a le sens de la scène et de la formule qui fait mouche et, surtout, est un amoureux des mots et de
la langue. Plusieurs chroniques leur sont consacrées. On y trouve des explications et des exemples du sens et de
l’usage des mots et des barbarismes de l’espagnol du Pérou. En voici quelques exemples.

38On apprend ainsi dans une chronique que le mot « álgido » (« très froid ») est utilisé dans le sens d’« intense »,
« actif », « ardent », « décisif », que « conflictivo » (« conflictuel », « polémique », « contestataire ») l’est pour
« franc », « ponctuel », « rigoureux » ou « honnête » (« Los conflictivos », 19 mai 1983 : 35-37). Dans une autre,
que la « Huchafería » (un mélange de snobisme, de mauvais goût et d’inauthenticité) n’est qu’urbaine et que si les
« huachafos » ont « mauvais goût », tous ceux qui ont « mauvais goût » ne sont pas « huachafos » (« Huachaferías »,
22 octobre 1983 : 48-50).

39Pour lui, le langage s’encanaille et devient de plus en plus vulgaire, comme les médias, comme la société (« El
encanallamiento », 16 février 1984 : 63-65). Cette dérive est due en partie au fait que le mot, « comme la monnaie se
dévalue, se détériore, perd de son pouvoir d’achat sur le marché de la communication » (« Devaluación de la
palabra », 15 mai 1986 : 132-134). Pour Ricardo Blume, acteur, réalisateur et auteur, les mots et les phrases sont
prononcés ou écrits pour communiquer, dialoguer et, surtout, parler de la vie. Citant, dans une chronique intitulée
« Usa tus puentes » (« Sers-toi de tes ponts »), une réplique d’une pièce de théâtre qu’il avait dirigée, il écrit : « Sais-
tu ce qu’est une langue ? Bon, la langue est formée de mots. Et les mots sont des ponts qui conduisent d’un lieu à un
autre. Et plus tu connais de ponts, plus de lieux différents tu pourras connaître. » (« Usa tus puentes », 17 avril
1986 : 130).

40Ricardo Blume conclut ce texte par cette exhortation à ses lecteurs, qui résume bien ses intentions de
chroniqueur : « Il est donc important de créer des ponts pour pouvoir les emprunter. De les créer pour pouvoir les
offrir aux autres. Les offrir aux autres pour aller où nous désirons aller. Atteindre le cœur des gens. Sers-toi de tes
ponts ! » (ibid.).

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Bibliographie
Blume, Ricardo, 1988, Como cada jueves. Artículos periodísticos, Lima, Occidental Petroleum of Perú-Universidad
del Pacífico.

—, 1989, Nada del otro jueves, Editorial e Imprenta Desa, Lima.

Comisión de la verdad, http://www.cverdad.org.pe/ifinal/ (consulté le 5 juillet 2016).

LÓpeZ JiméneZ, Sinesio, 1997, Ciudadanos reales e imaginarios, Concepciones, desarrollo y mapas de la ciudadanía
en el Perú, Lima, IDS – Instituto de Diálogo y Propuestas.

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Notes
1 Toutes les citations de Ricardo Blume sont prises dans cette édition de 1988 et traduites par nos soins.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Patricia Salinas-Desmond, « Les chroniques de Ricardo Blume dans le quotidien péruvien El Comercio », América
[En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1680 ; DOI : 10.4000/america.1680

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Auteur
Patricia Salinas-Desmond

Université Paris 3, CRICCAL


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L’érotisation du monde et l’affirmation identitaire chez Gregorio Martínez [Texte intégral]


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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
III. Polymorphies : ville et chronique

La Habana en las crónicas de Jorge Mañach y José


Lezama Lima
La Havane dans les chroniques de Jorge Mañach et de José Lezama Lima
Armando Valdés Zamora
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

El objetivo de nuestro artículo consiste en describir y comparar dos libros de crónicas sobre La Habana publicados
por estos dos escritores cubanos: Estampas de San Cristóbal (1926) de Mañach y La Habana de José Lezama Lima
editado en 1991, pero compuesto por las crónicas publicadas semanalmente durante los años 1949 y 1950 en el
Diario de la Marina por encargo de Gastón Baquero. A través de nuestra lectura crítica confrontamos la visión que
tienen del mismo espacio urbano dos de los más eminentes intelectuales cubanos del siglo XX: la defensa «del
espíritu clásico dentro del afán moderno» de Mañach, frente al deseo de configurar una «ciudad intelectual» en el
caso de Lezama, con el objetivo de precisar cómo se concibe, a través de la escritura de crónicas sobre la capital,
imágenes diferentes de la cultura cubana republicana.

Cet article propose de décrire et de comparer deux recueils de chroniques sur La Havane publiés par deux écrivains
cubains : Estampas de San Cristóbal (1926) de Jorge Mañach et La Habana de José Lezama Lima édité en 1991,
mais qui rassemble des chroniques publiées chaque semaine de 1949 à 1950 dans le Diario de la Marina, à
l’invitation de Gastón Baquero. Il s’agit de confronter la vision d’un même espace urbain chez deux des plus
éminents intellectuels cubains du xxe siècle : la défense « de l’esprit classique dans la modernité » de Mañach face
au désir de configurer une « cité intellectuelle » dans le cas de Lezama. L’objectif est de définir deux conceptions
différentes de la culture cubaine de la période républicaine.

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Entrées d’index
Mots-clés :
Jorge Mañach, José Lezama Lima, La Havane, chronique, littérature cubaine xxe siècle

Palabras claves :

Jorge Mañach, José Lezama Lima, La Habana, crónica, literatura cubana siglo XX
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Plan
El Maestro y el Profesor
Estampas de San Cristóbal: la nostalgia y el ideal imposible
La Habana de Lezama: la ciudad a la medida del hombre
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La Habana incita a mentir, como París incita a reír y Lisboa a llorar.


No hay remedio.
Gastón Baquero

El Maestro y el Profesor
1Una anécdota cuenta que una tarde de algún año de finales de la década del 40, en la puerta de la librería La
Victoria de la calle Obispo en La Habana Vieja, se cruzaron los escritores Jorge Mañach y José Lezama Lima. Se
dice que Mañach se dirigió al poeta de la manera siguiente:

1 La anécdota aparece mencionada en Díaz (2003: 16). El libro José Lezama Lima: El maestro en
broma, (...)

–Lezama, es cierto que sus discípulos ahora lo llaman Maestro.


A lo cual Lezama Lima, ducho en el arte de la réplica, respondió de inmediato:
–Señor Mañach, prefiero que me llamen Maestro en broma y no Profesor en serio1.

2Si bien se puede otorgar el beneficio de la duda a la autenticidad de este breve duelo verbal, lo cierto es que el
diálogo ayuda a ilustrar la representatividad y las significaciones de estos dos intelectuales en el imaginario cultural
cubano de antes de la revolución de 1959.

3Como ha señalado la crítica en varias ocasiones, Jorge Mañach, de orígenes catalanes, que había nacido en 1898, el
año del fin de la presencia española en Cuba, en Sagua la Grande (pequeña ciudad pesquera del centro de la isla de
donde es originario el pintor Wifredo Lam, entre otras figuras relevantes de la cultura cubana), y que muere en el
exilio en Puerto Rico en 1961, encarna uno de los modelos más polémicos y representativos de la intelectualidad
republicana (Rojas, 2008: 218).

4Tanto por la evolución de sus ideas estéticas y sus libros, como por su actividad pública y su militancia política que
lo llevaron a ser senador y ministro, Mañach ocupa un lugar singular, aporta una forma de escritura, y una voz, a la
configuración de la cultura de su país natal. Cosmopolita y políglota, formado en el extranjero (fue alumno de las
universidades de Harvard y de la Sorbona y enseñó en Columbia University) Mañach logró alternar su trabajo de
escritor con el de periodista y académico llegando a ser una figura conocida también por su original programa radial
La Universidad del Aire.

5Las tensiones de esta suma de prácticas con la historia política de su país y su insistencia por corregir y orientar el
espíritu de la nación, quizás fundamenten uno de los emblemas por el cual también se le conoce: el de haber sido el
único intelectual obligado a exilarse tres veces a causa de sus confrontaciones y desacuerdos con las tres dictaduras
que conoció Cuba en el siglo XX: la de Gerardo Machado, la de Fulgencio Batista y la de Fidel Castro.

6Paradójicamente esta suma de excepciones es la causa fundamental de su relativo descanso en el olvido de las
historiografías. En la lectura crítica de su obra han predominado las imágenes del escritor conservador y la del
exilado que, en sus días finales en Puerto Rico, llegó incluso a apoyar el desembarco de Bahía de Cochinos.

7Su biografía Martí, el Apóstol editado por Espasa Calpe, en Madrid en 1933, es quizás el libro más conocido de
Mañach entre los lectores hispanoamericanos. Sin embargo, es su Indagación del choteo, una conferencia publicada
en 1928 en la vanguardista Revista de Avance de la cual él fuera fundador junto a Alejo Carpentier y otros
intelectuales, el texto más difundido y citado por la historiografía cubana. Si nos detenemos un momento en la
sugerencia de ambos títulos, nos percatamos que abordan dos temas aparentemente antagónicos: el primero la
sublimación de la imagen histórica del héroe nacional cubano, el segundo, esa especie de desviación del espíritu
criollo que desacraliza toda gravedad y jerarquía social. En ambos estudios subyace, no obstante, la misma intención
didáctica, el mismo objetivo de erigir virtudes y corregir defectos del espíritu de la nación. Estas tensiones y
contradicciones son perceptibles en el pensamiento, la escritura y la exposición pública de Mañach a todo lo largo de
su vida.

2 Las citas de Estampas de San Cristóbal utilizadas en este trabajo corresponden a la edición de Madr (...)

8Es necesario señalar sin embargo que tres de los libros de Mañach han sido reeditados recientemente en Cuba;
Martí, el Apóstol (1990 y 2001), una selección de sus ensayos en 1999, y las Estampas de San Cristóbal el libro de
crónicas de La Habana que analizo en este trabajo que fuera publicado por primera vez en 1926, y ahora en el año
20002.

9Por su parte José Lezama Lima en la época en la que se podría ubicar la anécdota cuenta con algo más de treinta
años, ha publicado tres poemarios (Muerte de Narciso, Enemigo rumor y Aventuras sigilosas), además del conocido
Coloquio con Juan Ramón Jiménez, y edita desde 1944 la célebre revista Orígenes en la cual colaboran jóvenes
escritores y pintores a quienes se asocia con el grupo y la generación que toma su nombre de la revista.

10Lezama es por consiguiente mucho más joven que Mañach a quien entonces se le identifica en la memoria cultural
de la isla con la fundación de la más importante revista vanguardista del país y, a su vez, en el plano político, como
el otrora intelectual rebelde devenido profesor y ministro. Abismales son entonces las diferencias estéticas de ambos
escritores y sus respectivas políticas culturales (Rojas, 2006: 51-214).

11Rafael Rojas en su libro Tumbas sin sosiego, tomando como base tres modelos del nacionalismo cubano en las
décadas de los 40 y los 50, propone tres políticas culturales para ese período: la católica, la comunista y la liberal y
republicana. Es evidente que Lezama se inscribe en la primera, mientras que Mañach se afilia a la corriente liberal y
republicana. Estas disimilitudes se expresan no sólo en el estilo de ambos, sino en las formas dispares de asumir la
presencia del intelectual en la sociedad.

12En la escritura de ambos predomina sin embargo la misma intención de rescatar por el pensamiento y la escritura
lo esencial de lo que ambos consideran la espiritualidad de la nación cubana. Si para Mañach la conciencia de isla
que predomina en el estilo de la nación desde el segundo cuarto del siglo XIX se traduce por una ruptura con
modelos foráneos de civilidad y después, debido a la represión del poder colonial, por simulaciones y oblicuidades,
para el primer Lezama, precisamente el de finales de la década del 40 al que nos referimos aquí, lo insular constituye
la base de su modelo de pensamiento y del proyecto de teleología, punto de partida de su visión ontológica y a la vez
poética de la isla, basada precisamente en las para él ventajosas diferencias geográficas y espirituales expuestas en su
Coloquio con Juan Ramón Jiménez de 1938 (Valdés-Zamora, 2005: 159-166).

13Resulta esclarecedor al establecer las particularidades de esta dicotomía que Mañach prefiera utilizar la noción de
conciencia de isla, mientras que Lezama se refiere a una sensibilidad insular.

14En la crónica «El arrabal y lo clásico» del libro Estampas de San Cristóbal de Mañach, al observar la moderna
arquitectura de una Habana en crecimiento, se puede leer la siguiente reflexión:

–Todo esto, hijo, es vanidad presente; no podrá envejecer nunca, no hará época; le falta hasta la más
humilde posibilidad de clasicismo. Porque clasicismo es, sobre todo, desde la moda, respeto al tiempo
que no se ha de vivir […] ¡Qué falta anda la patria, hijo, del espíritu clásico dentro del afán moderno!
(Mañach, 1996: 250).
15Mientras la misión cívica del intelectual insular para Mañach consistía en escribir «para higiene del espíritu
cubano» y en la defensa de un «pesimismo franco» que se enfrente a la «actitud aprobatoria», a través de la inserción
de las ganancias de la cultura foránea en lo nacional, el pensamiento teórico del Lezama Lima de los años cuarenta
tomaba otras direcciones y su sociabilidad también. Lezama alude a la creación de una tradición de futuridad y, a
diferencia de la plaza pública tan cara a Mañach, se enorgullece de haber podido crear con Orígenes «una pequeña
república de las letras» al margen de las agitaciones políticas de su tiempo (Lezama, 1981: 188).

En el número 17 de 1947 de la revista Orígenes Lezama escribió lo siguiente:

Existe entre nosotros otra suerte de política, otra suerte de regir la ciudad de una manera profunda y
secreta. Han sido nuestros artistas, los que procuran definir, comunicar sangre, diseñar movimientos.
Pero mientras ellos recorrían las vicisitudes que le habían sido impuestas, la otra política, la fría, la
desintegrada, ha rondado con su indiferencia y con su dedo soez esa labor secreta que asombra ver en
pie, dando pruebas incesantes de su vocación, tensa, inmediata y continua, como quien se dirige a su
destino con misional misterio (ibid.: 193).

16Lezama apostaba por la configuración de una inmanencia espiritual y de una diferencia que provenía de su propio
estatuto geográfico. De esta manera llama la resaca al primer elemento de la sensibilidad insular para admitir a la
vez el temporal carácter secundario de la cultura cubana, la obligación de dialogar con una expresión propia con el
Otro continental y fundamentar una ontología y una independencia por la imaginación.

17Resulta evidente que eso que Lezama llamaría con su peculiar lenguaje «entrecruzamiento de flechas» sería
inevitable entre dos personalidades a las vez disímiles e imprescindibles de la cultura insular de la época.

18En agosto de 1949 Lezama Lima envía un ejemplar de su poemario La Fijeza a Mañach con la siguiente
dedicatoria: «Para el Dr. Jorge Mañach, a quien Orígenes quisiera ver más cerca de su trabajo poético, con la
admiración de José Lezama Lima».

19Pocos días después, el 25 de septiembre, en las páginas de la revista Bohemia Mañach publica su «El arcano de
cierta poesía nueva: carta abierta a José Lezama Lima», iniciando la célebre polémica entre ambos. Tres días más
tarde, en el Diario de la Marina, y gracias a los auspicios del poeta Gastón Baquero, Lezama inicia anónimamente la
sección La Habana cuyos textos después conformarían las crónicas de «Sucesiva o las coordenadas habaneras»
publicadas en su libro de ensayos Tratados en La Habana de 1953.

20La lectura crítica que sigue intenta interpretar y comparar dos maneras distintas de escribir la misma ciudad, La
Habana, en dos épocas que poseen en común, estar situadas en el período llamado republicano que antecedió a la
revolución de 1959.

Estampas de San Cristóbal: la nostalgia y el ideal


imposible
21El primer artículo de Mañach en el Diario de la Marina con el título de «San Cristóbal de La Habana», aparece el
13 de octubre de 1922. (Díaz, 2003: 67). Mañach que tiene sólo veinticuatro años está de regreso a Cuba después de
haber partido con sus padres a España, y una vez terminada otra estancia en los Estados Unidos y en Francia.
Mañach no ha publicado entonces ningún libro, pero poco después saldrían los primeros; la novela breve Belén, el
ashanti (1924), La Crisis de la alta cultura en Cuba y La pintura en Cuba, ambos de 1925 y, en 1926, el libro de
crónicas de La Habana que nos ocupa, Estampas de san Cristóbal.

22Mucho se ha escrito sobre la década del 20 que el ensayista Juan Marinello calificara de «crítica». Como se sabe,
varios hechos políticos y culturales marcaron esos años y radicalizaron a los intelectuales en su oposición a los
dirigentes de una república que decepcionaba las aspiraciones de una mayoría de cubanos. La injerencia constante
del gobierno de los Estados Unidos, unida a la corrupción imperante, eran las causas recurrentes del malestar
ciudadano.

23Mañach de diferentes maneras participa activamente en la mayoría de los acontecimientos clave de la época que
terminaron con el derrocamiento de Gerardo Machado y la revolución de 1933. Miembro del Grupo Minorista,
forma parte de la Protesta de los Trece contra la corrupción del gobierno del entonces presidente Alfredo Zayas y
milita en el partido revolucionario ABC que se fundara en 1931 para oponerse a Machado.

24Sin embargo, las crónicas habaneras de Mañach, escritas entre 1925 y 1926 y publicadas en el periódico El país,
deben leerse como el testimonio de un emigrado que regresa después de haberse formado en el extranjero, como la
confrontación entre las imágenes de la memoria de un niño y la realidad de una ciudad transformada por el progreso
urbanístico de los primeros años de la república fundada en 1902.

25La Habana que Mañach recorre sufre las transformaciones de la intervención e influencias norteamericanas desde
varios puntos de vista. Eduardo Luis Rodríguez en su libro La Habana: arquitectura del siglo XX, estudia el impacto
urbano en esta ciudad que adopta en los primeros años del siglo y hasta 1925 un estilo a la vez ecléctico y
monumental. Algo de lo que Rodríguez califica de romanticismo neogótico se difunde, pero lo predominante es el
clasicismo norteamericano, el eclecticismo, que busca hacer funcionales los edificios públicos y las mansiones de
quienes se enriquecieron con la exportación de azúcar durante la primera guerra mundial.

26La Habana descrita en Estampas de San Cristóbal ha doblado el número de habitantes que ha pasado, después de
la instauración de la república de doscientos cincuenta mil a medio millón. En 1909 se ha creado la primera escuela
de arquitectura y se han integrado a ella los primeros arquitectos cubanos formados en el extranjero, el más
destacado de ellos, y autor de muchos edificios, casas e instituciones relevantes del período fue el clasicista
Leonardo Morales.

27Los desacuerdos con lo descrito, las sorpresas del caminante, la nostalgia y hasta el optimismo, que se pueden leer
en las Estampas de San Cristóbal se comprenden mejor si se conoce la expansión de una ciudad que, en poco más de
veinte años, desplaza las fronteras de sus edificios simbólicos y las residencias de su oligarquía más allá del casco
histórico colonial de La Habana Vieja.

28El centro urbano se desplaza en esos años al Vedado beneficiado por la construcción del Malecón durante la
intervención norteamericana, al igual que el barrio de Miramar que al bordear la costa se beneficia de esta agradable
vía de comunicación. En un primer momento las quintas y casas señoriales del Vedado reemplazan a las del Cerro,
hasta que importantes centros culturales y edificios públicos lo convierten en el nuevo centro de la ciudad. Otros
barrios de clase media también surgen en estos primeros años del siglo XX, como Cerro, Santos Suárez, La Víbora,
Lawton y Luyanó.

29Muchos de los sitios descritos por Mañach forman parte del urbano itinerario simbólico de la capital: El Morro, El
Malecón, el Parque Maceo, la Alameda de Paula, las sinuosas calles, Obispo, Mercaderes, la Calzada del Monte, etc.

30Si bien esta primera Habana del siglo XX aún no posee los monumentales edificios públicos que se erigirán
durante el gobierno de Gerardo Machado (1925-1933), sí muestra ya ciertas construcciones emblemáticas de la
capital de la república, como la Estación central de ferrocarriles (construida en 1912), el Centro gallego de La
Habana (en 1914) y el Palacio Presidencial (en 1920).

31Estos contrastes entre un pasado linaje criollo y el advenimiento de una acelerada modernidad importada del
vecino del norte, no escapa al autor de Estampas de San Cristóbal. Mañach estructura sus estampas a manera de
diálogos entre el narrador y un personaje mayor que éste llamado Luján que juega el papel del criollo nostálgico y
conservador. «Y casi nunca estamos de acuerdo […] porque él es viejo y yo soy joven: él ama sobre todo la tradición
y yo el progreso; él es irónico y caudaloso; yo, directo y sobrio», se puede leer en un pasaje del libro.

32A su vez, a esta dualidad narrativa corresponden dos temas generales de un mismo espacio habanero: la mirada
crítica y comparativa entre el presente moderno y el pasado colonial de la arquitectura de la ciudad, de sus
monumentos, parques y lugares en general, por una parte, y por otra, la descripción anecdótica de sus personajes
exóticos: el pregonero, el turista, el guapo, los chinos, el negro, el mendigo, etc.

33La ciudad es recorrida en estas páginas a pie, en tranvías, en coche y hasta en avión en la última viñeta del libro
titulada «La noble perspectiva». Aunque en el afán por calificar el tipo de cubano ideal para la naciente república,
Mañach hace de la guagua su vehículo preferido:

[…] porque los cubanos nos dividimos en dos categorías correspondientes: los de espíritu rutinario y
subalterno, que gustan de ir siempre sobre rieles, y los individualistas a ultranza, que nunca se mueven
sino por su cuenta y como les place… ¡Qué bien si lográsemos algún día el predominio de un tipo
medio, a la vez individualista y cooperador, voluntarioso y confiado: el hombre de la «guagua», hijo
mío! (Mañach, 1996: 164).

34En su libro Mañach o la República, Duanel Díaz al interpretar estas Estampas considera que «Mañach busca una
conciliación, un justo medio entre tradicionalismo e innovación» (Díaz, 2003: 77), es decir entre los puntos de vista
de los dos personajes que, al hablar y opinar, describen y juzgan la ciudad y sus habitantes.

35Esta dicotomía, señala Díaz, se estructura a través de oposiciones entre Pueblo y ciudad, lo autóctono y lo
extranjero, danzón y bailes de moda, buen salvaje y civilizado decadente, etc. Se trata entonces de una estética que
confronta dos opciones: el «criterio romántico-estético» y el «utilitario-innovador».

36Se puede entonces considerar que al escribir la ciudad, Mañach reproduce ya las mismas paradojas de su
conciencia crítica y de su experiencia de hombre público que explicarían más tarde las múltiples contradicciones de
su propia personalidad. Enclavado entre dos visiones del mundo, una que añora el pasado de los patricios cubanos de
antes de las guerras de independencia, y otro del cual regresa después de haber sido un deslumbrado discípulo,
Mañach representa en estos años el drama de un intelectual moderno que no ha llegado aún a su madurez intelectual
ni expresiva y que no encuentra soluciones inmediatas al hecho de cohabitar con dos realidades que, en la vida
cotidiana y la arquitectura de la ciudad, coinciden, fusionan, o se enfrentan.

37En el caso de las Estampas de San Cristóbal esto se traduce, según Díaz, por un sorpresivo cambio de
significaciones en los roles de los dos personajes: a veces el narrador defiende con nostalgia la inmovilidad de un
pasado colonial y es Luján quien encarna con sus observaciones el progreso.

38Jorge Luis Arcos, en la introducción a la selección de ensayos de Mañach publicada en La Habana, sintetiza de
manera magistral estas incoherencias:

Toda su obra y su pensamiento tuvieron un centro cordial: su desvelo por lo que él llamó «La Nación
que nos falta», título de un libro que pensó escribir y que sin embargo pudiera presidir el de su obra […]
Su ideal de República era el de una república nacionalista, liberal burguesa. En cierto sentido quiso ser
el ideólogo de una burguesía nacional inexistente en Cuba, y ese fue su drama: la contradicción entre el
ser de la burguesía cubana, estructuralmente dependiente, y su deber ser, acaso utópico […] Quería,
como Lezama, participar del proceso creador de la nación, y todo su pensamiento estuvo orientado a ese
fin, sobre todo a través de la dignificación de la función social de la cultura […] quiso formar una
conciencia histórica, cultural, moral, que se orientara hacia el logro de una nación cubana independiente
[…] Sus límites, además de los que eran inherentes a su ideario burgués nacionalista, se derivaron de su
cautelosa y muy controvertida a veces actitud política (Arcos, 1999: 9).

La Habana de Lezama: la ciudad a la medida del


hombre
39En la introducción que escribiera Gastón Baquero a la recopilación de crónicas publicadas por Lezama en el
Diario de la Marina por su encargo, el poeta y entonces jefe de redacción de ese diario nos esclarece algunos
detalles sobre esa rara participación del editor de Orígenes en lo que el propio Baquero califica de «episodio» de
tarea periodística, «o mejor, periódica» de Lezama (Baquero, 1991: 13).

40Baquero desea retener de esa experiencia pública de Lezama varias cosas; el inútil esfuerzo de adaptación que le
pidiera para modular su lenguaje a lectores que, quizás, como Mañach, argumentaban que no comprendían nada de
esa prosa poco «acomodaticia», la resistencia de Lezama a hacerlo («esa es la intransigencia de los artistas que se
salvan al salvar su obra de las trampas y asechanzas del mundo», anota medio siglo después un Baquero resignado)
y, lo más trascendente, la total identificación de Lezama con La Habana a través, dice, de esa «facultad que le dieron
a los cielos para viajar sin moverse, para estar en el centro del mundo sin abandonar su sillón de lectura» (ibid.: 14).

41Se infiere de lo anterior que se trata entonces de una escritura de la ciudad bien diferente a la que hiciera un cuarto
de siglo antes Jorge Mañach. Como veremos, Lezama no recorre la ciudad a pie sino que se limita a un repetido
itinerario de su casa a la zona del puerto sin alejarse de La Habana Vieja. Es así como la escruta, la palpa por sus
sentidos sin desplazarse, la escucha a través de los diálogos de paseantes y amigos, la degusta en referencias a
almuerzos y a cenas de días festivos en familia, y, cosa sorprendente, a través de la lectura cotidiana de sus noticias
en los muchos diarios habaneros de la época. Se impone reconocer algo evidente: Lezama también imagina una
ciudad metafórica por asociaciones culteranas, por relaciones insólitas que alteran cualquier aproximación racional.

42Las páginas reunidas por José Prats Sariol en el volumen La Habana son noventa y nueve crónicas publicadas
durante seis meses, en el espacio comprendido entre el 28 de septiembre de 1949 y el 25 de marzo de 1950, lo que
muestra la sorpresiva intensidad de esa escritura. Hay que tener en cuenta que Lezama al mismo tiempo edita
Orígenes, prepara su libro de ensayos Tratados en La Habana (1953), trabaja como funcionario en la Dirección de
Cultura del Ministerio de Educación, publica su cuarto poemario, y acaba de dar a conocer el primer capítulo de la
novela Paradiso.

43Si se hace un repaso de la escritura de Lezama en este período, uno llega a la conclusión que estas crónicas
escritas por una necesidad en apariencia sólo económica, forman parte de su proyecto de escritura en esos
momentos: así lo denota el lenguaje, y sobre todo, los temas abordados y su posterior inclusión en su libro de
ensayos titulado, precisamente, Tratados en La Habana.

44Es de suponer que desde el punto de vista arquitectónico, cultural y político, veinticinco años más tarde que
Mañach lo hiciera, La Habana aquí descrita no es tampoco la misma. El período que va de 1930 al 1959 se considera
el más moderno de la arquitectura cubana que, sin abandonar completamente su eclecticismo, integra el Art Déco y
también la vanguardia plástica a sus proyectos. Lezama escribe sobre la ciudad cuando ya han sido construidos los
proyectos monumentales del Plan de Obras Públicas que, bajo las órdenes de Gerardo Machado, ha dirigido el
ingeniero Carlos Miguel de Céspedes. Los edificios más emblemáticos de la modernidad cubana ya existen en este
período, me refiero al Hotel Nacional, el Capitolio, el Paseo del Prado que Lezama recorre a diario, obra del francés
Jean Claude Forestier, entre otros.

45Aunque es conocido, no debe olvidarse que los años cuarenta constituyen el único momento en que se suceden
tres gobiernos democráticos en Cuba hasta la violenta interrupción del golpe de estado de Batista en 1952. Me
refiero a los gobiernos de Ramón Grau San Martín (1944-1948) y el de Carlos Prío Socarrás (1948-1952).

46De manera paralela a la efervescencia de los escritores que publican en Orígenes (Cintio Vitier, Eliseo Diego,
Fina García Marruz, entre otros) la literatura de la época, menos apegada, por las decepciones de los intelectuales, a
la actividad política, cuenta con numerosos escritores que publican en esta década muchas de sus obras
fundamentales. Basta citar los casos de Alejo Carpentier, Lino Novás Calvo, Lydia Cabrera, y Virgilio Piñera para
argumentar esta afirmación.

47Si a esto añadimos que es el momento más relevante de la plástica cubana en todo el siglo XX con pintores como
Wifredo Lam, de regreso de París, Amelia Peláez, Cundo Bermúdez, José Mijares y Mario Carreño, todos
ilustradores de las ediciones de Orígenes, se puede tener una mejor idea de la importancia del momento en la cultura
nacional.

48Lezama titula «La pequeña ciudad o la medida del hombre», una crónica publicada el 15 de noviembre de 1949
(Lezama Lima, 1991: 87-88). En ella resalta las ventajas de vivir en una ciudad más bien pequeña y descentrada,
insular y retrasada pero a la vez tan independiente como una ciudad estado a la manera de Atenas, Florencia o
Weimar. En un gran estado, escribe Lezama, no pueden sobrevivir los ingredientes para dar «respuestas de forma y
expresión» antes de afirmar: «Goethe fue el último europeo de gran estilo que extrajo sus fuerzas de la ciudad». Para
Lezama el artista debe sentir la ciudad y a la vez obtener de ella su sabiduría y para él a La Habana le alcanza «la
medida linda», «la respuesta a los cariños». Este texto es clave para comprender el conjunto. Todas las crónicas
pueden leerse de esta manera. La Habana de Lezama es apreciada por espacios breves y sensaciones que están al
alcance de la mano, es decir, de su sillón y de su biblioteca en la casa de la calle Trocadero.

49En la imaginación de Lezama, La Habana de mediados de siglo XX funciona como una ciudad medieval a pesar
de su expansión y progreso. Es curioso el hecho que Alejo Carpentier en su libro La ciudad de las columnas relate
una apreciación de Humboldt, como se sabe, amigo de Goethe y a quien se considera por sus estudios de la isla
como el segundo descubridor de Cuba, donde se compara el trazado de las calles de La Habana con las europeas
ciudades medievales. Escribe Humboldt: «Aquí, como en nuestras más antiguas ciudades de Europa, sólo con suma
lentitud se logra enmendar el mal trazado de las calles» (Carpentier, 2004: 9).
50Esta dimensión humana que Lezama relaciona y acorta con sus asociaciones a otros modelos que él sólo conocía
de sus lecturas, explica la sensación de inmovilidad de sus crónicas que por momento parecen comentar lo visto o
escuchado desde un banco de uno de esos parques de barrio «de ocio bien llevado» «donde se elabora el oro apagado
del recuerdo» (Lezama Lima, 1991: 49).

51Los temas de estas páginas habaneras son muy variados, pero predominan las crónicas que José Prats Sariol
califica de socio-costumbristas, lo cual no deja de sorprender en su caso. Pero si tomamos en cuenta que Lezama en
estos momentos escribe libros en los que sitúa la mirada del sujeto en la ciudad donde vive, y que desea, por sutiles
referencias, situarse en una tradición de cronistas locales del siglo XIX como Francisco Covarrubias, Ramón de
Palma y sobre todo, Julián del Casal, se puede comprender esta preferencia. Es esta quizás la única concesión que,
de manera muy diestra, hace Lezama al encargo periodístico.

52Los parques y sus jardines, las fiestas de Navidad, el día de Reyes Magos, las cenas familiares, los estudiantes de
provincia, las guaguas, los mercados y también, de manera mordaz la sociabilidad literaria de la época, son algunos
de los temas que se leen en estas crónicas de solo una página y media, algunas de las cuales se publican con apenas
un día de diferencia.

53Lezama nombra de una manera ambivalente cada crónica componiendo todos los títulos por asociaciones binarias:
«El día del cobro o la pérdida de los años», «Los refrescos de sirope o desarrollar la imaginación», «El juego de
pelota o la historia como hipérbole», «Día de compra o el pellizco del instante», «La guagua o la promiscuidad»,
«Hacia la cena madrileña o la sensualidad expectante», «Los profesionales del aburrimiento o un dardo ucrónico»,
etc. Esta oposición entre el tema que se menciona de manera literal y una proposición de libre interpretación del
mismo, reproduce la racionalidad contradictoria de Lezama, la asociación de lo real y lo imaginado, y actúa como un
gesto lúdico en el que está implícito su espíritu barroco.

54Mañach recorre la ciudad con asombro o contrariedades y propone el orden de un modelo que es imposible por
sus contradicciones. Su ideal de ciudad como cuerpo urbano del espíritu de la nación es, a la vez incompleto y
utópico porque se articula a partir de una reminiscencia decimonónica incompatible con la forzosa modernidad del
nuevo siglo al cual él se aferra con una mezcla de fe y de escepticismo propio de una ideología liberal (Rojas, 2008:
224).

55Lezama, partidario de la creación de una tradición por futuridad y que considera que «la imaginación puede
engendrar el sucedido», prefiere contraponer a la descripción de la ciudad, una imagen y un tono casi siempre
lúdico. Su Habana no es, totalmente, la ciudad real, sino el cuerpo imaginario «con piernas y brazos» que posee un
ritmo y un destino: «Ritmo de pasos lentos, de estoica despreocupación ante las horas, de sueño con ritmo marino,
de elegante aceptación trágica de su descomposición portuaria porque conoce su trágica perdurabilidad» (Lezama
Lima, 1991: 88). Esta relación recíproca de afecto y de fusión con su entorno se debe a una convicción, a una
especie de fe en las posibilidades vitales de la ciudad, como escribiera en una ocasión su amiga, la española María
Zambrano: «Él era de La Habana como Santo Tomás lo era de Aquino y Sócrates de Atenas. Él creyó en su ciudad»
(Zambrano, 1996: XVI).

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Bibliographie
Arcos, Jorge Luis, 1999, «Prólogo», en Ensayos, Jorge Mañach, La Habana, Editorial Letras Cubanas.

Baquero, Gastón, 1991, «Palabreo para dejar abierto este libro», en La Habana de José Lezama Lima, Madrid,
Verbum, p. 13-16.

Carpentier, Alejo, 2004, La ciudad de las columnas, Madrid, Espasa Calpe.

DÍaz, Duanel, 2003, Mañach o la república, La Habana, Letras Cubanas, Premio Alejo Carpentier de ensayo.

Lezama Lima, José, 1981, «Respuestas y nuevas interrogaciones. Carta abierta a Jorge Mañach», en Imagen y
posibilidad, Ciro Bianchi (ed.), La Habana, Editorial Letras Cubanas.

—, 1991, La Habana, Madrid, Verbum.


MaÑach, Jorge, 1996, Estampas de San Cristóbal, Madrid, Trópico.

Prats Sariol, José, 1991, «Prólogo», en Lezama Lima, 1991.

RodrÍguez, Eduardo Luis, 1998, La Habana: arquitectura del siglo XX, Barcelona, Blume.

Rojas, Rafael, 2006, Tumbas sin sosiego. Revolución, disidencia y exilio del intelectual cubano, Barcelona,
Anagrama.

—, 2008, «Varona, Mañach y la fe de los escépticos», en Motivos de Ateneo. Patria y nación en la historia
intelectual de Cuba, Madrid, Colibrí, p. 201-248.

Valdés-Zamora, Armando, 2005, «El modelo insular en la escritura de José Lezama Lima», en América, Cahiers du
CRICCAL n° 33: Les modèles et leur circulation en Amérique latine (1re série), Paris, Presses Sorbonne Nouvelle,
p. 159-166.

Zambrano, María, 1996, «Breve testimonio de un encuentro inacabable», en Lezama Lima, Paradiso, Edición
Crítica, París, ALLCA XX, col. Archivos, n° 3, p. XV-XVII.

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Notes
1 La anécdota aparece mencionada en Díaz (2003: 16). El libro José Lezama Lima: El maestro en broma, 2013,
Madrid, Verbum, de Fernando Guerrero toma su título de esta anécdota.

2 Las citas de Estampas de San Cristóbal utilizadas en este trabajo corresponden a la edición de Madrid, Trópico,
1996.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Armando Valdés Zamora, « La Habana en las crónicas de Jorge Mañach y José Lezama Lima », América [En
ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1684 ; DOI : 10.4000/america.1684

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
III. Polymorphies : ville et chronique

La figure de l’auteur de chronique dans Nueva


grandeza mexicana (1946) de Salvador Novo
La figura del cronista en Nueva grandeza mexicana (1946) de Salvador Novo
Isabelle Pouzet
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

En 1946, le poète et journaliste mexicain Salvador Novo gagne le concours du Departamento Central grâce à son
ouvrage Nueva grandeza mexicana consacré à la ville de Mexico. En ponctuant son texte d’anecdotes tant
historiques que biographiques, Salvador Novo propose au lecteur une promenade enchanteresse dans les rues de la
capitale afin de lui en révéler toutes les beautés. Construit en écho aux chroniques sur la ville de Mexico du
XVIIe siècle et plus particulièrement à Grandeza Mexicana (1604) de Bernardo de Balbuena, ce texte présente
néanmoins une ville en pleine évolution culturelle et architecturale. Dans cet article, nous étudions la figure du
chroniqueur, telle que la présente l’auteur, en éclairant les circonstances particulières dans lesquelles cette œuvre a
été élaborée.

En 1946, el poeta y periodista mexicano Salvador Novo gana el concurso del Departamento Central gracias a su obra
Nueva grandeza mexicana dedicada a la ciudad de México. Las anécdotas tanto biográficas como históricas
vertebran ese texto en el que Salvador Novo propone un paseo encantador por las calles de la capital mexicana. Al
mismo tiempo que Nueva grandeza mexicana encuentra su origen en las crónicas de la ciudad de México del siglo
XVII y en particular en Grandeza Mexicana (1604) de Bernardo de Balbuena, describe la ciudad en plena evolución
cultural y arquitectónica a mediados del siglo XX. Con este artículo analizaremos la figura del cronista tal como la
construye el autor en su obra, interesándonos por las peculiares circunstancias en las que el ensayo fue redactado.

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Mots-clés :
chronique de la ville, Mexico, Salvador Novo, intertextualité

Palabras claves :

crónica de la ciudad, México, Salvador Novo, intertextualidad


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Plan
Un écrivain aux multiples talents
La construction de la figure de l’auteur de chronique
L’image de l’auteur
Chroniqueur officiel
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Texte intégral
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1Dans la biographie que Carlos Monsiváis a consacrée au chroniqueur et poète mexicain Salvador Novo, il affirmait
dès l’introduction que celui-ci, dans ses articles, ses chroniques, ses poèmes et ses mémoires, « ne laissait presque
rien au hasard » (Monsiváis, 2000  : 12). Tout en revenant sur les circonstances de rédaction de l’un de ses écrits,
l’essai intitulé Nueva grandeza mexicana et publié en 1946, nous nous proposons de vérifier l’assertion de Carlos
Monsiváis.

2Nueva grandeza mexicana occupe une place fondamentale dans la carrière littéraire de l’auteur, car c’est par cet
essai qu’il s’est véritablement fait connaître dans le monde littéraire mexicain : il donnait grâce à lui la pleine mesure
de son talent d’écrivain tout en étant reconnu pour sa connaissance de l’histoire de la capitale mexicaine et pour sa
capacité à décrire avec précision les us et coutumes de ses habitants. Au début de l’année 1946 en effet, la Direction
d’action civique du Département du district fédéral organisait un concours littéraire qui consistait à rédiger, sous
forme d’essai, une description de la ville de Mexico en moins de quatre-vingt pages. Encouragé par ce défi, Salvador
Novo composa cet essai et fut lauréat du premier prix.

Un écrivain aux multiples talents


3Pour comprendre les raisons d’un tel succès, il convient de revenir sur une expérience littéraire qui, très tôt, s’est
manifestée à la faveur d’écrits de divers types. Au début de sa carrière, Salvador Novo est l’auteur de chroniques qui
paraissent dans des revues peu connues et à faible tirage. À l’âge de dix-neuf ans, sous le pseudonyme de
« Radiador », il publie l’un de ses premiers articles dans une revue destinée aux chauffeurs d’autobus et aux
chauffeurs routiers, la revue El Chafirete. Ces textes allient des thématiques originales et bien souvent insolites à une
ingéniosité verbale qui s’exprime grâce à des références de haut vol écrites sur le ton de l’ironie. Dès ses débuts,
Salvador Novo cultive le contraste entre des sujets prosaïques et un style raffiné, séduisant ainsi un public qui lit ses
articles avec plaisir.

4Puis, à partir des années 1940, Salvador Novo est un auteur reconnu dont le talent s’exprime de multiples façons et
sur divers plans culturels. Il écrit pour différents journaux tels que le quotidien Excélsior, et dans des revues comme
El Espectador. Dans Revista de revistas, il a sa propre chronique intitulée « Le panier et la table », et à partir de
1938 il rédige pour la revue Hoy une chronique politique intitulée « La semana pasada ». En 1943, il collabore à la
revue Novedades avec une chronique au titre hautement évocateur : « Ventana ». Mais Salvador Novo est également
poète, et aux côtés des hommes de plume que sont Carlos Pellicer, Xavier Villaurrutia, Bernardo Ortiz de
Montellano et Jaime Torres Bodet, il contribue à forger le renom de la revue littéraire Contemporáneos où il publie
des poèmes inédits. Ses écrits paraissent également sous forme de recueils dont les plus connus sont à cette époque
XX poemas (1925), Espejo, poemas antiguos (1933) et Nuevo amor (1933). Enfin, Salvador Novo est également
dramaturge et, en outre, traduit de l’anglais des romans et des pièces de théâtre.
1 Ce fut le cas en 1932 au Mexique lorsqu’éclata la polémique autour du sens de la littérature et de (...)

5L’image que Salvador Novo s’est construite par ses articles a contribué à forger sa renommée. Homosexuel
assumé, il a dû par ailleurs se défendre contre les attaques proférées à son encontre dès son entrée dans le monde du
journalisme. Dans un contexte où seule valait la virilité de l’homme mexicain, selon le canon hérité de la Révolution
mexicaine, son apparence efféminée (qu’il a entretenue à l’aide de bijoux et de maquillage tout au long de sa vie),
ses manières et son style de dandy ont provoqué de violentes réactions dans le monde culturel de son pays1. Mais le
poète a toujours assumé son orientation sexuelle et, comme le rappelle son ami Elías Nandino, Novo considérait que
« decir que él era maricón era no decir nada » (Monsiváis, 2000 : 46).

La construction de la figure de l’auteur de chronique


2 «Cuando llegué, me aseguraban que nunca conocería la ciudad entera. Aquel pronóstico me hace sonreí (...)

6Né à Mexico en 1904, l’écrivain manifeste très tôt un grand intérêt pour sa ville natale, à tel point qu’en 1928 il
publie El joven, un essai biographique consacré à la capitale mexicaine. Il connaît si bien le District fédéral qu’il se
targue de ne pas avoir besoin de plan pour s’y orienter, préférant au contraire se laisser guider par « l’ambiance »2
des rues qui lui permet d’identifier les différents quartiers qu’il sillonne. Aussi, lorsqu’en 1946 il prend connaissance
du concours littéraire consacré à la capitale et lancé par la Direction d’action civique, il se met à l’ouvrage et écrit
Nueva grandeza mexicana. Contrairement à un auteur qui n’aurait d’autre objectif que celui d’être publié, Salvador
Novo, en participant à ce concours, prétend en gagner le premier prix et ainsi faire sa place dans le monde littéraire
mexicain. Dans cette perspective, avant même de rechercher les faveurs de ses futurs lecteurs, il s’efforcera de
séduire le jury au moyen de diverses stratégies littéraires. En analysant la figure du narrateur de Nueva grandeza
mexicana en auteur de chronique, nous décrypterons les moyens par lesquels l’écrivain y construit son image.

3 Anadeli Bencomo distingue différents types d’auteur de chroniques urbaines et parmi eux elle défini (...)

7Nueva grandeza mexicana s’inscrit dans le sillage de son premier essai, El joven, dont il approfondit certains des
aspects. Selon un schéma similaire, un narrateur parcourt la capitale et observe les mutations aussi bien
architecturales que culturelles qui affectent la ville en plein essor. Dans Nueva grandeza mexicana, le narrateur note
avec un étonnement teinté d’admiration que la culture nord-américaine envahit les rues, s’introduit dans la vie des
habitants, bouleversant leurs coutumes et leur langage. Deux éléments distinguent toutefois ces textes ; d’une part, la
narration de El joven est resserrée dans le cadre temporel d’une seule journée, tandis que celle de Nueva grandeza
mexicana s’étend sur une semaine ; d’autre part, Nueva grandeza mexicana, plus que El joven, se situe dans la
tradition mexicaine de la chronique urbaine, les déambulations étant pour le narrateur l’occasion de confronter ses
propres souvenirs de la ville qu’il a connue à l’époque de El joven, c’est-à-dire celle des années vingt, avec le visage
qu’elle offre dans les années quarante3.

4 Les titres des chapitres correspondent aux vers suivants: « De la famosa México el aliento / Origen (...)

8Aussi bien le texte que le paratexte placent Nueva grandeza mexicana dans la tradition de la chronique de la ville,
héritée de celles qui ont été écrites après la Conquête. Tout d’abord, comme le suggère le titre, le texte fait
clairement référence à Grandeza mexicana de Bernardo de Balbuena, un long poème en tercets, écrit en 1604 et dans
lequel, animé d’une intention apologétique très marquée, l’auteur exprime son admiration pour la ville de Mexico.
Salvador Novo ne s’est pas contenté de faire allusion à l’œuvre de Bernardo de Balbuena dans le titre de son
ouvrage, puisqu’il a également emprunté à l’un des poèmes liminaires de Grandeza mexicana les six vers qui
donnent leur titre aux six chapitres de son essai4.

9Cependant, et contrairement aux apparences, ce n’est pas à Grandeza mexicana que Salvador Novo fait le plus
souvent référence dans son ouvrage, mais aux deux premiers dialogues que Francisco Cervantes de Salazar a publiés
en 1554. Professeur de l’université d’Osuna en Espagne, Francisco Cervantes de Salazar est arrivé au Mexique en
1550 ; en 1554 il peint la ville de Mexico sous la forme de dialogues mettant en scène des personnages fictifs qui
visitent la ville. De fait, Salvador Novo a choisi pour l’épigraphe de Nueva grandeza mexicana les premiers mots
que prononce le personnage de Zuazo dans Diálogo segundo. Zuazo s’adresse en ces termes à son ami Zamora :

Es tiempo ya, Zamora, de que llevemos a pasear por México, cual nuevo Ulises, a nuestro amigo Alfaro,
que tanto lo desea, para que admire la grandeza de tan insigne ciudad. De este modo, mientras le vamos
enseñando lo más notable, él nos dirá algo que no sepamos, o nos confirmará lo que ya sabemos
(Cervantes de Salazar, 1985 : 41).

10Bien que Salvador Novo se soit inspiré des trois dialogues de Francisco Cervantes de Salazar, c’est de toute
évidence dans le deuxième dialogue qu’il a puisé la plus grande inspiration. Dans ce dernier, Zuazo et Zamora
proposent à Alfaro, fraîchement débarqué d’Espagne, de lui faire visiter la ville. La structure même du texte de
Salvador Novo rappelle celle des dialogues du savant espagnol puisque le narrateur entreprend de faire visiter la
ville à un ami venu de la province :

Yo iba a disfrutar, durante una semana, el privilegio de servir a mi amigo como guía de turistas; de
llevarlo por la ciudad, mostrársela, exhibir mi pericia y mi conocimiento de todos sus secretos frente al
asombro de un provinciano que por primera vez la visitaba (Novo, 1992 : 21).

11Dans la chronique de Salazar, l’ami étranger prend toujours la parole pour s’extasier et exprimer son admiration
devant des monuments ou des lieux ; dans celle de Novo, l’ami est anonyme et il n’intervient que très rarement de
manière directe, de telle sorte que le narrateur puisse, tout au long du texte, déployer ses visions et ses réflexions
sans avoir besoin d’entamer une véritable discussion avec son interlocuteur. Par ailleurs et plus que de répondre aux
besoins de la narration, le rôle du personnage-visiteur consiste davantage à souligner le lien intertextuel qui unit
Novo à la chronique de Salazar. En outre, l’auteur ne se contente pas d’employer une structure narrative identique à
celle de Salazar : il use du même procédé pour faire référence à certains lieux de la ville. Tout comme les
personnages de Mesa, dans le premier dialogue, et ceux de Zuazo et de Zamora dans le deuxième et le troisième
dialogue de Salazar, le narrateur de Nueva grandeza mexicana, enthousiasmé par l’élégance et la beauté de la
capitale, indique à son ami ce qui mérite d’être observé. Si ces éléments caractérisent l’ensemble de l’œuvre, dans
certains passages l’intertexte se donne à lire avec une grande netteté. Par exemple, dans le troisième dialogue que
Salazar consacre aux alentours de la ville, Zamora se dirigeant vers Chapultepec dit à son ami : « Y mira todo con
cuidado, porque no has de volver por aquí » (Cervantes de Salazar, 1985 : 61). Le narrateur de Novo ne procède pas
autrement à l’égard des statues qui ornent le Paseo de la Reforma : « Mira todas esas estatuas, porque cada una de
ellas tiene una historia y guarda un recuerdo que hoy no te puedo detallar, pero que condensa un momento de
México » (Novo, 1992 : 84). La référence à son devancier est assumée pour certaines descriptions de lieux, comme
celles de la place du Zócalo et du Palais national. Dans le chapitre intitulé « Origen y grandeza de edificios »
(Origine et grandeur des édifices), le narrateur remplace les paroles que Zuazo adresse à Alfaro par les siennes et
celles d’Alfaro par celles de son ami. Il commence ainsi :

Y mis palabras, que repetían las de Zuazo a Alfaro en el segundo Diálogo de Cervantes de Salazar,
tuvieron por respuesta la misma que en 1554 emitió aquel maravilloso visitante: «Ciertamente que no
recuerdo ninguna, ni creo que en ambos mundos pueda encontrarse igual. ¡Dios mío! ¡Cuán plana y
extensa! ¡Qué alegre! ¡Qué adornada de altos y soberbios edificios! ¡Qué regularidad! ¡Qué belleza!
¡Qué disposición y asiento! En verdad que si se quitasen aquellos portales de enfrente, podría caber en
ella un ejército entero » (ibid. : 63).

5 Centre d’études d’histoire du Mexique Carso-Fondation Carlos Slim (CEHM), Fonds DCXX-2 Salvador
Lóp (...)

12L’auteur va encore plus loin : les références aux chroniques de la ville écrites au xviie siècle, hormis leur présence
au sein du texte, surgissent également dans le paratexte, que ce soit par le biais du titre, ou dans le choix du
pseudonyme que Salvador Novo retient pour présenter son texte au concours. Le tapuscrit actuellement conservé au
Fonds Salvador Novo-López Antuñano du Centre d’études d’histoire du Mexique5 situé à Mexico, nous révèle que
l’auteur a eu recours à un pseudonyme venant renforcer sa filiation avec les chroniques anciennes, puisqu’il choisit
de s’appeler « Zuazo ». C’est ce nom qui figure sur la page de titre de la version tapuscrite de Nueva grandeza
mexicana, transmise aux membres du jury du concours en 1946, et qui se trouve reproduite ci-dessous. Or, il est
intéressant de noter qu’au moment de la publication de l’essai, c’est-à-dire au moment où il peut s’attribuer la
paternité de son œuvre et lever l’anonymat qui lui était sûrement imposé dans le règlement du concours, Salvador
Novo n’hésite pas à reprendre son nom. Le tapuscrit fait également apparaître un autre élément tout aussi riche
d’enseignements : le titre Nueva grandeza mexicana n’était pas un titre définitif et son auteur hésitait entre trois
titres possibles : Guía de Forasteros et Revisión de Anáhuac. Il n’a finalement conservé que le troisième titre ainsi
que le sous-titre déjà présent sur le tapuscrit : Ensayo sobre la ciudad de México y sus alrededores. Le premier titre,
Guía de Forasteros, s’explique par le contenu du texte et l’objectif principal du narrateur « que está […] ejerciendo
una inédita profesión de guía » (ibid. : 83). Le deuxième titre, Revisión de Anáhuac fait évidemment allusion au
célèbre Visión de Anáhuac d’Alfonso Reyes. Tant les titres que le pseudonyme traduisent le désir de l’auteur de
devenir lui aussi, à l’instar d’Alfonso Reyes, une figure du canon littéraire mexicain. L’ambition de Salvador Novo
est donc double : à la fois souligner que son essai est aussi important pour la culture mexicaine que ceux d’Alfonso
Reyes ou de Bernardo de Balbuena, mais aussi chercher à renouveler la tradition de la chronique consacrée à la ville
de Mexico.

Agrandir Original (jpeg, 788k)

6 La capitale comptait trois millions et demi d’habitants à cette époque. Voir à ce sujet l’introduct (...)

13De ce point de vue, les allusions à des chroniques de la ville autres que celles citées précédemment ne manquent
pas. L’auteur évoque par exemple des écrits postérieurs à ceux des auteurs de chronique du xviie siècle tels que
Diálogos sobre la ciudad de México de Joaquín García Icazbalceta, écrit en 1838 (ibid. : 85), ou Las calles de
México que Luis González Obregón a publié en 1922 (ibid. : 54). Pour autant, Nueva grandeza mexicana n’est pas
une simple imitation des chroniques traditionnelles car, s’il s’en inspire et s’en nourrit, l’essai garde avant tout pour
objectif de saisir l’incidence que l’évolution culturelle, architecturale et démographique exerce sur la capitale
mexicaine en plein essor6.

14Il arrive, de loin en loin, que la surprise et l’admiration laissent place à la nostalgie ; celle du Mexique des années
1920, celle de la jeunesse que décrivait El joven et qui est un temps définitivement révolu. Mais la nouveauté prime
et l’auteur souligne sans cesse les aspects les plus modernes de la ville avec cet humour qui lui est propre et qui rend
la lecture si divertissante. Voici l’exemple d’un passage évoquant certaines incohérences dans la nomenclature des
rues nouvellement construites ; Novo montre à quel point trouver son chemin dans ce labyrinthe urbain relève du
miracle :

Así, por grupos de conocimientos, no les era a los padrinos de calles tan difícil seguir, como sí era
imposible que uno, pobre de uno, siguiera pudiendo, a la vez que ser un sabio en todas ciencias y artes,
recordar o adivinar dónde les había ocurrido a esos sabios en todas ciencias y artes ubicar y entrelazar a
poetas y dicotiledones, o cruzar Guanajuato con Jalapa. Nadie, empero, reparó a tiempo en el problema,
que se dejó engordar, cuando al triunfo de la Revolución las colonias se extendieron y proliferaron, y la
flamante Cuauhtémoc […] mezcló las caudalosas aguas del Amazonas con las del Pánuco y el Nazas,
las del Rhin con las del Lerma, para ulterior asfixia de los inexpertos en nataciones callejeras tan
contradictorias (ibid. : 70).

15Il règne dans la ville de Mexico une grande effervescence culturelle et, pour plus d’effet, l’auteur n’hésite pas à
inclure dans sa description l’évocation des plus grands artistes de l’époque. À l’occasion de la visite du Palais
national, il découvre Diego Rivera lui-même en pleine réalisation de ses fresques murales :

Hube de repetirle (pues el tiempo apremiaba, y no lo teníamos para entablar con Diego una charla que
nos habría cautivado por horas y horas de fábula fabulosa) que en el libro de don Artemio sobre el
palacio Nacional podría más tarde y más en paz completar sus conocimientos de todos sus rincones […]
(ibid. : 65).

7 CEHM, Fonds DCXX-3, liasse 13, boîte 3, image 3/135. Nous avons pris connaissance de la composition
(...)

16La visite incontournable de l’édifice est l’occasion idéale pour faire allusion à Diego Rivera et pour citer Artemio
del Valle Arizpe, le chroniqueur officiel de la ville de Mexico depuis 1937, auteur également d’un livre consacré à
l’histoire du Palais national et publié en 1936 et, détail important ici, membre du jury du concours littéraire auquel
participe Salvador Novo et qu’il préside aux côtés d’Agustín Yáñez et d’Alfonso Toro7. Cette référence
intertextuelle ne se trouve donc pas dans le texte par hasard : son auteur y a recours pour attirer l’attention des
membres du jury du concours en citant de temps en temps leurs œuvres. Ce détail nous incite à envisager l’image
que Salvador Novo a cherché à donner de lui-même dans son essai.

L’image de l’auteur
17Retenons tout d’abord que malgré son anonymat, Salvador Novo cite volontiers ses propres textes, ou parfois
même se dévoile de manière incongrue. Lorsque le narrateur se consacre à la description du quartier de Coyoacán,
pour évoquer la rue Santa Rosalía, c’est-à-dire la rue où il vit et qui en 1968 prendra le nom de « Salvador Novo » en
son honneur, le narrateur affirme : « Luego siguen las grandes [casas] de yanquis. Apenas hay dos mexicanos de
alguna nota entre ellos, Dolores del Río y Salvador Novo, dueños de grandes jardines por esa calle de Santa
Rosalía » (ibid. : 89). C’est ainsi, en plaçant son nom à côté de celui son amie, la célèbre actrice Dolores del Río, que
Salvador Novo se met en valeur.

18Par la suite, l’auteur intervient à deux reprises dans le texte pour s’adresser à ceux qui ont la chance de pouvoir
lire son essai, c’est-à-dire au jury du concours. À la fin du deuxième chapitre consacré aux loisirs dans la ville de
Mexico, le narrateur conclut sa promenade en citant les théâtres et les cinémas à la mode, expliquant à son ami :

¿Otras formas de capitalizar la noche, más privadas, paradisíacas? Mi amigo –y mis lectores– tendrá que
dispensarme de sugerirlas. Si yo redactara una historia o crónica minuciosa de la ciudad, no podría
soslayar el discreto detalle de su vida galante nocturna […] (ibid. : 49).

19Ensuite, il énumère les différents lieux d’amusement nocturnes qui existent dans ce quartier. Il informe ainsi de
manière implicite le jury de sa connaissance de la vie nocturne dans la capitale et se déclare disposé à en écrire une
chronique plus fournie si, bien sûr, ce dernier lui en offrait la possibilité. Il arrive même qu’il s’adresse de manière
encore plus directe au jury du concours, comme par exemple dans ce passage du chapitre « Gobierno ilustre,
religión, estado » entièrement consacré aux bâtiments officiels de la capitale et à leurs usages. Parmi des explications
relatives aux diverses obligations de chaque ministère, le narrateur fait allusion à la Direction d’action civique du
Département du district fédéral et en profite pour faire part au jury de son opinion sur l’organisation du concours
dont elle a eu l’initiative :

[…] su Dirección de Acción Cívica organiza festivales y ferias, y aun convoca a concursos como el que
tuvo la inesperada virtud de incitarme a escribir para él este ensayo: concurso que es idea felicísima, a
que sólo atrevo el retobo de que no debió limitar a ochenta el número de cuartillas, máximo, a que se
sujetara el elogio-descripción de esta ciudad de México. Porque –por mí lo digo– si hubiera «manos
libres», como en el box, no me habría yo exprimido el seso en condensar, como vengo haciéndolo hasta
la vitamina adjetival, cuanto acerca de esta ciudad idolatrada surgió en mí al conjuro de aquella grata
invitación a encomiarla. Si en fin, como espero y deseo, merezco el premio, he de ampliar este ensayo y
publicarlo, con ilustraciones en que –como en su prosa comprimida– riñan y se concierten litografías e
instantáneas, apuntes y aerofotos, ayer y hoy, como hoy miramos el ayer y el hoy desposados en el
instante (ibid. : 78).

8 Dans l’édition du Consejo Nacional para la Cultura y las Artes, de 1992, cette allusion a été conse (...)

20Ce long passage, parfait exemple de l’habileté verbale de son auteur, remplit trois fonctions : tout d’abord, celle
de s’excuser d’avoir écrit cent neuf pages au lieu des quatre-vingt exigées, ensuite de louer l’initiative des
organisateurs du concours, et enfin celle de leur promettre de réaliser une magnifique chronique illustrée de la ville
s’il advenait qu’il gagnât le premier prix. Le fait que ce passage du texte ait été conservé dans la version publiée de
Nueva grandeza mexicana ainsi que dans des versions postérieures à celle de 19468 semble bien surprenant. Cela
prouve en tout cas que ce paragraphe n’aurait pas existé si le texte n’avait pas été destiné à ce concours.

9 CHM, Fonds Salvador Novo DCXX-3, liasse 13, boîte 3, image 134/135. Cet article critique avec sévér (...)

21L’audace de l’auteur qui s’adresse au jury par le biais de son texte nous incite à penser qu’au moment de sa
rédaction, il est presque certain de remporter le premier prix. Si l’on en croit le journaliste dont le nom ne nous est
pas connu et qui, en novembre 1946, c’est-à-dire quelques mois après la remise des prix, a rédigé un article intitulé
« El libro de la infamia » dans la revue culturelle Suma bibliográfica, le monde littéraire mexicain savait que
Salvador Novo allait y participer9. Aussi pourrait-on imaginer que tous ces détails à l’attention du jury auraient pu
aider ce dernier à identifier l’auteur de l’essai et peut-être même à assurer son triomphe. Quoi qu’il en soit, il est
certain que Salvador Novo y construit l’image d’un auteur rompu à la chronique de la ville.

22Lorsque Salvador Novo reçoit son premier prix pendant la Foire du Livre de Mexico, le 28 juin 1946, le poète
prononce un discours de remerciement où l’on admire sa maîtrise de l’art oratoire. Après avoir souligné le lien qu’il
a voulu tisser entre sa chronique et celles tant de Bernardo de Balbuena que de Francisco Cervantes de Salazar, et
après avoir formulé les remerciements d’usage, il déclare :

10 CEHM, Fonds Salvador Novo DCXX-3, liasse 13, boîte 3, image 79/135. Il s’agit du discours
prononcé (...)

He aquí un sueño, el mejor de los sueños de un escritor pero un sueño cuya realización depende en
mucho de los propios escritores, por cuanto ha de fincarse en la más amplia y firme difusión de las
letras. Un sueño que podrá cumplirse cuando en México todos los hombres tengan acceso al libro,
porque todos sepan leer10.

23C’est après avoir prononcé ces mots qu’il annonce le don de la moitié de son prix à l’Université nationale
autonome du Mexique et de l’autre moitié au Fonds de campagne pour l’alphabétisation. Ce don, qui reflète à la fois
sa générosité et son intérêt pour l’essor de la littérature et de la culture envers les plus démunis, révèle également que
son but premier n’était pas de gagner ce prix, mais bien de trouver sa place dans le monde des lettres mexicaines.

Chroniqueur officiel
24En définitive, et pour pleinement apprécier l’œuvre fondamentale que représente Nueva grandeza mexicana dans
l’histoire de la chronique de la ville de Mexico, il convenait de revenir sur le contexte si particulier dans lequel elle a
été élaborée. Sans pour autant minimiser le travail littéraire de Salvador Novo, l’allusion au contexte a permis
d’éclairer certains aspects de l’œuvre et d’en rendre la lecture plus aisée.

25Nueva grandeza mexicana constitue un véritable tournant dans la carrière littéraire de Salvador Novo, dont le
talent pour l’écriture de la chronique urbaine est incontestable. Dès lors, son rôle d’auteur de chronique va peu à peu
s’affirmer jusqu’au jour où il sera nommé chroniqueur officiel de la ville de Mexico par le président Gustavo Díaz
Ordaz en 1965. Nueva grandeza mexicana reflète non seulement l’attachement qu’éprouve Salvador Novo pour sa
ville, mais aussi son désir de se faire un nom dans l’univers littéraire mexicain ; le texte vient en outre donner raison
à Carlos Monsiváis qui déclarait dans la biographie qu’il lui a consacrée que, dans ses écrits, Salvador Novo ne
laissait pas de place au hasard.

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Bibliographie
Balbuena, Bernardo de, [1604] 1927, Grandeza mexicana, México, reproduction en fac-similé de l’édition princeps,
Sociedad de Bibliófilos Mexicanos.

Bencomo, Anadeli, 2003, « Subjetividades urbanas: mirar/contar la urbe desde la crónica », in Revista
Iberoamericana, Pittsburgh, Pittsburgh University, n° 11, p. 145-159.

Cervantes De Salazar, Francisco, [1554] 1985, México en 1554 y Túmulo imperial, México, Porrúa.

MonsivÁis, Carlos, 2000, Salvador Novo. Lo marginal en el centro, México, Era.

Novo, Salvador, [1946] 1992, Nueva Grandeza Mexicana. Ensayo sobre la ciudad de México y sus alrededores en
1946, México, Consejo Nacional para la Cultura y las Artes.

—, 1996, Viajes y ensayos I, México, Fondo de Cultura Económica.

Sheridan, Guillermo, 1999, México en 1932: la polémica nacionalista, México, Fondo de Cultura Económica.

Documents d’archive consultés


Centre d’histoire du Mexique Carso-Fondation Carlos Slim, Fonds DCXX-2 Salvador López Antuñano, liasse 11,
boîte 65, image 2/122.
Centre d’histoire du Mexique Carso-Fondation Carlos Slim, Fonds DCXX-3, liasse 13, boîte 3, image 3/135.

—, liasse 13, boîte 3, image 134/135.

—, liasse 13, boîte 3, image 79/135.

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Notes
1 Ce fut le cas en 1932 au Mexique lorsqu’éclata la polémique autour du sens de la littérature et de son rapport à la
nation. Voir sur ce point, Sheridan, 1999.

2 «Cuando llegué, me aseguraban que nunca conocería la ciudad entera. Aquel pronóstico me hace sonreír, y aun
cuando ignore los nombres de las calles, que suelen cambiar con discutible frecuencia, el puro ambiente me guiaría
para saber si me encontraba en una u otra de estas que tan significativamente llamamos “colonias” de la ciudad.»
(Novo, 1996 : 109).

3 Anadeli Bencomo distingue différents types d’auteur de chroniques urbaines et parmi eux elle définit l’auteur de
chronique historique qui correspond exactement à la position empruntée par le narrateur de Nueva grandeza
mexicana. Elle le définit en ces termes : « El cronista histórico escarba tras las apariencias que registra su mirada
para encontrar una imagen compilada en su memoria o en los libros y anales que recogen el pasado de la ciudad que
ahora él rescata. » (Bencomo, 2003 : 147).

4 Les titres des chapitres correspondent aux vers suivants: « De la famosa México el aliento / Origen, y grandeza de
edificios/ Cavallos, calles, tratos cumplimiento / Letras, virtudes, variedad de oficios / Regalos, ocasiones de
contento/ Primavera inmortal, y sus indicios / Govierno ilustre, Religión y estado/ Todo en este discurso está
cifrado ».

5 Centre d’études d’histoire du Mexique Carso-Fondation Carlos Slim (CEHM), Fonds DCXX-2 Salvador López
Antuñano, liasse 11, boîte 65, image 2/122. Les références des archives numérisées du CEHM correspondent aux
descriptions des documents consultés sur le site http://www.cehm.com.mx.

6 La capitale comptait trois millions et demi d’habitants à cette époque. Voir à ce sujet l’introduction de Carlos
Monsiváis dans Novo,1992 : 15.

7 CEHM, Fonds DCXX-3, liasse 13, boîte 3, image 3/135. Nous avons pris connaissance de la composition du jury
grâce à la lettre officielle que le gouverneur du District fédéral a adressée à Salvador Novo pour l’informer qu’il a
gagné le concours ; cette lettre indique également que le manuscrit écrit sous le pseudonyme de « Zuazo » venait
accompagné d’une lettre sous enveloppe adressée au jury, dans laquelle la véritable identité de l’auteur de l’essai
était indiquée.

8 Dans l’édition du Consejo Nacional para la Cultura y las Artes, de 1992, cette allusion a été conservée. En
revanche, dans celle du Fondo de Cultura Económica, de 1996, elle a été éliminée.

9 CHM, Fonds Salvador Novo DCXX-3, liasse 13, boîte 3, image 134/135. Cet article critique avec sévérité le livre
de Salvador Novo pour, entre autres raisons, avoir fait référence à plusieurs reprises aux membres du jury du
concours.

10 CEHM, Fonds Salvador Novo DCXX-3, liasse 13, boîte 3, image 79/135. Il s’agit du discours prononcé par
Salvador Novo au moment de recevoir son prix le 28 juin 1946. Le discours a été publié le jour même dans la revue
Novedades à laquelle il collaborait en tant que chroniqueur.

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Table des illustrations


URL http://journals.openedition.org/america/docannexe/image/1694/img-1.jpg
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Pour citer cet article


Référence électronique

Isabelle Pouzet, « La figure de l’auteur de chronique dans Nueva grandeza mexicana (1946) de Salvador Novo »,
América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1694 ; DOI : 10.4000/america.1694

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Auteur
Isabelle Pouzet

Université Rennes 2

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
III. Polymorphies : ville et chronique

Mexico D.F. au crible des chroniques


Polis y megalópolis: México D.F. ante las crónicas
Florence Olivier
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

Cet article examine et compare l’anthologie chorale de chroniques urbaines México D.F.: Lecturas para paseantes
(2005) de Rubén Gallo et le dernier livre que Carlos Monsiváis a consacré à la culture urbaine de la capitale
mexicaine : Apocalipstick (2009). Les deux ouvrages s’intéressant à la ville qui « émerge des ruines de la dernière
modernité », il ressort de leur lecture croisée un état des lieux de la capitale, plus directement marqué par une vision
politique chez Monsiváis, exaltant, comme dans l’essai qu’écrit Rubén Gallo en introduction de son volume, la
paradoxale vitalité de ces lieux si mouvants. Les chroniqueurs littéraires de la capitale fédérale en explorent les
spectaculaires métamorphoses, y sondent les expressions de la culture populaire, narrent les fonctions politiques de
l’espace public, mettent la polis en mots et en scène. Tout un registre d’écritures de la ville apparaît ainsi, qui rend
compte de la nature polymorphe du genre de la chronique.

Este artículo examina y compara la antología coral de crónicas urbanas México D.F.: Lecturas para paseantes
(2005) de Rubén Gallo y el último libro que dedicara Carlos Monsiváis a la cultura urbana de la capital mexicana:
Apocalipstick (2009). Al interesarse ambos títulos por la ciudad que « emerge de las ruinas de la última
modernidad », su lectura cruzada brinda un estado de las cosas en la capital, más directa y explícitamente marcado
por una visión política en la obra de Monsiváis, exaltando, como en el ensayo que escribe Rubén Gallo a modo de
introducción de su volumen, la paradójica vitalidad de tan movedizos lugares. Los cronistas literarios de la capital
federal exploran sus espectaculares metamorfosis, sondean las expresiones de la cultura popular, narran las
funciones políticas del espacio público, escenifican la polis y le buscan un verbo. Todo un registro de escrituras
cronísticas de la ciudad aparece así, que da cuenta de la polimorfa naturaleza del género.

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Entrées d’index
Mots-clés :
mégalopole, culture populaire, culture politique, effets d’écriture

Palabras claves :

polis, cultura popular, cultura política, efectos de escritura


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Plan
Une approche chorale de la ville, un essai critique
Mythes et rituels de la mégalopole : de la culture populaire à la culture politique
Parodie, satire, critique : quelques stratégies d’écriture de la ville
Expression littéraire d’une parole citoyenne
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Texte intégral
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1Si la chronique prétend mettre en récit le passage du temps ou celui de l’événement, bref ou long, si, sous l’une de
ses formes traditionnelles, elle s’attachait à conter un voyage, décrivant lieux et murs, elle permet aussi, dans sa
souplesse, d’explorer les changements des lieux mêmes : « la forme d’une ville/ change plus vite, hélas ! que le cœur
d’un mortel » écrivait Baudelaire au xixe siècle dans l’un de ses « Tableaux Parisiens ». Descendant contemporain
du flâneur, le chroniqueur et voyageur urbain du Mexico actuel croque les moments de tel ou tel quartier, assiste à
ses successifs embellissements, travestissements, détournements et déclassements. Dès les années 1970, Mexico
devenu D.F. (Distrito Federal) ne saurait plus, au dire des écrivains contemporains, être le personnage d’un roman.
En revanche, les chroniqueurs littéraires de la capitale fédérale ne manquent pas, qui en explorent les spectaculaires
métamorphoses, y sondent les expressions de la culture populaire, narrent les fonctions politiques de l’espace public,
mettent la polis en mots et en scène. Sans doute la mégalopole actuelle réclame-t-elle d’être écrite ainsi, par
fragments, croquis, aperçus qui, classés en une anthologie des chroniqueurs les plus assidus de la ville telle que
México DF: Lecturas para paseantes (2005) de Rubén Gallo ou qui, signés du seul Carlos Monsiváis (Apocalipstick,
2009), offrent un état de ces lieux si mouvants. Outre la labilité du genre qui tient tantôt du reportage, tantôt du récit,
n’hésitant pas à recourir à la fiction et revendiquant la subjectivité du chroniqueur, on observe dans ces chroniques
les stratégies de l’analyse culturelle, de la satire politique et sociale, du discours de la mémoire empreint d’une
éventuelle dimension élégiaque, mais aussi les effets d’écriture qui leur confèrent un statut littéraire.

Une approche chorale de la ville, un essai critique


2México DF: Lecturas para paseantes, l’anthologie de Rubén Gallo, propose une approche chorale de la ville qui
souligne les changements des lieux, vivement altérés depuis les années 1970 par l’accélération du développement
urbain dû à la croissance démographique. Peut-on dès lors parler d’un portrait puzzle de Mexico D.F. passé au crible
des chroniques ou s’agit-il plutôt d’une série de témoignages, plus que de vues, de ce qu’est l’expérience de la vie
dans la mégalopole que devenait Mexico entre les années 1970 et les années 2000 ? En effet, la ville-district,
insaisissable dans sa totalité, irréductible à l’une de ses composantes ou à l’un de ses aspects qui en dirait l’essence,
se voit morcelée en objets partiels pour chacun de ces sujets écrivains et habitants de la capitale que sont les
chroniqueurs rassemblés dans le livre. Chaque chronique urbaine signée d’un auteur se présente alors comme le
mode d’appréhension de son lieu de vie par un sujet qui le construit et qui le narre pour d’autres membres de la
collectivité, les destinataires et lecteurs initiaux du texte. De la collectivité, le chroniqueur se sépare parfois
momentanément pour l’observer, mais il la rejoint tout aussi vite, s’incluant dans un « nous » à la portée affective
tout autant que politique. Dire le lieu, c’est dire le rapport au lieu, le sien, celui des autres, celui que l’on partage
avec ces autres, ce lieu commun par-delà les inégalités sociales, voire par-delà certains effets de ségrégation. La
mégalopole reste polis par ce dire même. Et l’anthologie de chroniques urbaines redouble cet effet en juxtaposant les
textes et les auteurs de diverses générations : des aînés consacrés, tels Carlos Monsiváis, Elena Poniatowska, Jorge
Ibargüengoitia ou Vicente Leñero, aux chroniqueurs plus jeunes, Fabrizio Mejía Madrid et Julieta García González,
en passant par les disciples ou les héritiers directs des premiers : Juan Villoro, Guillermo Sheridan, José Joaquín
Blanco, Guadalupe Loaeza.

3Le titre de l’anthologie, México DF: Lecturas para paseantes, invite à vivre la ville en lecteur, promeneur par
procuration, soit à une pratique de l’espace urbain qui, médiatisée par la lecture, renvoie cependant à la figure
désormais historique, voire anachronique, du flâneur baudelairien ou benjaminien. Celui de l’ouvrage de Carlos
Monsiváis, Apocalipstick, associe ironiquement l’apocalypse urbaine à la cosmétique, à une forme de frivolité et de
mise en spectacle de soi, pour une personnification de la ville sommée de se contempler dans un miroir. On y
entendrait bien l’écho, près d’un siècle plus tard, de la personnification des heures de la capitale qui, l’œil cerné,
maquillées, évoquent la hâte, la veille, l’artifice dans La Suave Patria de López Velarde, par contraste avec le temps
rituel des cloches dont les coups sonnent tels des sous bien comptés dans la province. On lit dans les titres des deux
ouvrages l’expression des vœux ou des prises de position des auteurs.

4Dans la longue introduction critique de son anthologie, Rubén Gallo, refusant toute nostalgie conservatrice envers
l’image passée et idéalisée de Mexico, tente de concilier les traits actuels qu’il distingue dans la capitale : ceux de la
« ville générique » ultra-contemporaine telle que la définit Rem Koolhaas, soit ceux de la mégalopole indifférenciée
par rapport à d’autres ; ceux de la ville diverse et plurielle où se côtoient les habitants dans un espace public
partageable et une culture commune où la tradition se réinvente au contact de la nouveauté hétérogène. Apocalipstick
pose d’emblée la question de la possibilité de l’identification de la ville à l’heure où les ambitions d’harmonie et de
beauté semblent obsolètes ou se voient circonscrites à des zones consacrées et touristiques, affirmant qu’il faut
actuellement constituer un fonds d’images de la capitale plutôt que de chercher à l’interpréter. En effet, l’un et
l’autre ouvrage s’intéressent à la ville qui émerge des « ruines instantanées de la modernité » (Monsiváis, 2009 : 19.
Notre traduction). L’auteur de l’anthologie engage, certes, sa subjectivité critique dans son introduction, mais il cède
ensuite la parole aux chroniqueurs tout en composant un ensemble organisé par thèmes qu’il juge signifiants :
« Lugares », « transportes », « Monumentos », « delicias », « desastres », « temblores », « criadas », « burocracias »,
« márgenes ». Carlos Monsiváis, fidèle à son écriture déjà éprouvée du genre, se situe dès le début à la fois en sujet
habitant et en sujet de discours essayiste, en individu membre de la collectivité urbaine et en individu membre de la
collectivité pensante.

Mythes et rituels de la mégalopole : de la culture


populaire à la culture politique
5Examinant tout en les parodiant, dans la sorte d’introduction que constituent les deux premiers chapitres
d’Apocalipstik, les discours ambiants sur le D.F. mégalopole, définissant les traits communs aux mégalopoles latino-
américaines du xxie siècle, Monsiváis fait aussi plus avant œuvre d’historien, de sociologue et d’anthropologue
culturel, de chroniqueur essayiste pour tout dire, et revient sur la mythologie de la vie urbaine traditionnellement
associée depuis le xixe siècle à la légèreté des mœurs. Les chroniques, devenues chapitres, du premier tiers de
l’ouvrage rappelleront et analyseront ainsi par décennies successives à partir des années quarante les modes de
divertissement, les régimes et les lieux de la vie nocturne populaire pour une approche de l’évolution des mentalités
et des (auto-)représentations de l’identité urbaine. Postmoderne, la capitale, dans un pays du tiers-monde qui aspire
encore à la modernité ? Monsiváis pose la question dans le deuxième chapitre de son livre, tend à y répondre
affirmativement, arguant de l’adoption massive, du moins dans l’imaginaire de la population, de modes de vie
promus comme modèles par la publicité et par les médias ; constatant que la visée unificatrice de la culture
nationaliste mexicaine de naguère se voit désormais malmenée, voire mise en échec, par la culture de masses et par
le paradoxe qu’implique l’individualisme contemporain dans une société uniformisatrice qui veut que chacun soit
unique et tout à la fois pareil à son voisin.

6Si l’introduction de Rubén Gallo témoigne, avec un enthousiasme quelque peu redevable à une forme d’exotisme,
de l’intensité et de la vitalité de la culture populaire du D.F., Carlos Monsiváis oppose, dans un discours plus
politique, l’héroïsme collectif de la société civile lors des tremblements de terre de 1985 à l’énumération des maux
de tous ordres qui affligent la capitale, persiflant au passage, sans vraiment y renoncer, sa propre affirmation selon
laquelle Mexico aurait atteint son « plafond historique » (28). Intitulée « La ciudad y sus delirios », l’introduction de
Rubén Gallo cite indirectement le célèbre essai de Rem Koolhas Delirious New York (1978), qui se présente comme
un manifeste rétroactif pour la construction de Manhattan. Dans un langage hyperbolique, quasi sensationnaliste,
sont énumérés là encore les maux de Mexico, immédiatement nuancés par l’affirmation, empruntée à Juan Villoro,
de l’affection que lui portent malgré tout ses habitants comparés au Don Juan de Stravinsky amoureux de la femme à
barbe du cirque ; par l’évocation de son statut de capitale culturelle ; enfin, par « l’intensité » du spectacle de la rue,
qualifié de « délirant » (Gallo, 2005 : 14). La tentation de la mise en spectacle pour le lecteur – l’ouvrage est d’abord
paru en anglais aux États-Unis – de cet univers de la rue présenté comme truculent à l’aide d’une énumération de
personnages-acteurs, dont des manifestants, se fait ici perceptible.

1 Cet ouvrage aborde bien des thèmes développés dans Apocalipstick, mais porte sur les cérémonies, pr (...)

7Si l’un et l’autre auteur rendent hommage à la vitalité de la ville, Monsiváis en donne une perspective plus
sociologique, soulignant les causes économiques de l’exode rural, présentant synthétiquement les contrastes entre
groupes d’habitants, entre vieux et nouveaux métiers, et mettant encore l’accent sur les tensions parfois violentes
qu’offre, au fil des heures de la journée, la vie de la rue. Monsiváis conclut ainsi le deuxième chapitre
d’Apocalipstick sur un éloge du désordre social, et s’il a lui aussi recours à une énumération, volontairement
hétéroclite et par là même fort pertinente, des groupes de population et des activités diverses qui se croisent et
s’entremêlent dans la rue, une clausule synthétique la parachève dans un tout autre sens que l’observation de Rubén
Gallo : « la calle, el espectáculo que compite gloriosamente en vano contra la televisión. » (30) Réalité sociale du
spectacle de la rue contre spectacle télévisuel ; culture populaire urbaine vivante contre culture médiatique
modélisatrice. L’éloge dit « fortuit » que fait Monsiváis du désordre, voire du chaos urbain, ne repose pas sur la
conviction que les hiérarchies sociales seraient assouplies dans la ville-mégalopole, bien au contraire, comme
l’affirme la quatrième de couverture de Los rituales del caos (1995)1, l’un de ses précédents ouvrages. Mais
l’essayiste considère qu’à la faveur du chaos, de la diversité, des contradictions entre culture populaire traditionnelle
et culture populaire réinventée, se manifeste dans la capitale le désir de vivre comme si ces hiérarchies n’étaient pas
si rigides.

8Le pessimisme mâtiné d’optimisme de Carlos Monsiváis quant au devenir de la capitale, sensible dans l’ironique
oxymore qu’est le titre d’Apocalipstick, se résume au début de l’ouvrage dans une question rhétorique et une
affirmation :

¿Cómo no admirar la coexistencia de millones de personas en medio de los desastres en el suministro de


agua, en la vivienda, en el transporte, en las opciones de trabajo, en la seguridad pública? (29)

La Ciudad de México día a día se precipita a su final y, también a diario, se reconstituye con la energía
de las multitudes convencidas de que no hay ningún otro sitio a donde ir. (30)

9Entre l’anthologie de Rubén Gallo et l’ouvrage de Monsiváis, qui résulte lui-même d’une mise en anthologie
(personnelle) de chroniques diverses, écrites et publiées précédemment, parfois au fil de l’actualité, on trouve certes
nombre de thèmes convergents qui permettent de croiser les lectures : les désastres ; les lieux et leur histoire ; les
modes de ségrégation entre classes sociales ; l’inscription de l’histoire nationale, et nationaliste, dans l’espace
urbain ; les divertissements et la libéralisation des mœurs ; les glissements et les changements des notions et des
valeurs du public et du privé dans la société contemporaine ; les paradoxes des nouveaux espaces publics. Mais
Monsiváis, qui, par-delà la multiplicité de ses textes et de ses approches, manie avec brio l’art de la synthèse – celle
qu’il imprime à ses propres écrits recueillis dans Apocalipstick, celle de la pensée sur la culture populaire urbaine
qu’il a élaborée dans ses précédents ouvrages, mais aussi celle de ses lectures d’autres chroniqueurs de Mexico –,
rappelle systématiquement l’évolution de la ville et des discours qu’elle a inspirés, parfois depuis le xixe siècle, et lit
tout aussi résolument la vie de la ville dans une perspective politique au sens le plus ouvert du terme. Il établit ainsi
de façon synthétique, vers le deuxième tiers de son livre, des « cartographies de la dissidence » pour répertorier les
groupes, traditionnellement politiques, ou citoyens et d’apparition récente, qui manifestent dans l’espace public :
gays, prostituées, féministes, partis et organisations de gauche, écologistes, défenseurs des animaux. L’usage des
rues par les manifestants, leur occupation pour des protestations ou des performances artistiques de masse font, dans
le dernier tiers d’Apocalipstick, l’objet d’une série de chroniques plus ponctuelles, reportages et analyses politiques à
la fois, sur des événements tels que l’arrivée de la Marche zapatiste à Mexico (mars 2001) ; la Marche du Silence
contre le projet de destitution de López Obrador, alors chef de gouvernement du D.F. (24 avril 2005) ; d’exemplaires
meetings de candidats de l’opposition du PRD (Partido Revolucionario Democrático) et du PAN (Partido Acción
Nacional) lors de la campagne pour les élections présidentielles de 1988. La composition du livre fait donc affluer de
façon croissante les acteurs sociaux de la dissidence sur la scène publique de la ville à travers la succession des
chroniques-reportages de son dernier tiers. Un contrepoint implicite s’établit par ailleurs entre les chroniques
consacrées à ces autres interventions de groupes de population dans l’espace public que sont les représentations
religieuses et les rassemblements profanes : la Semaine sainte à Iztapalapa ; la fête-spectacle du Millénaire,
orchestrée par le gouvernement fédéral du PRI (Partido Revolucionario Insitucional) sur le Zócalo ; la performance
de pose pour les photographies de nu collectif de l’artiste Spencer Tunick sur le Zócalo le 6 mai 2007, conçues
comme des installations, bien accueillies, selon l’auteur, par le gouvernement de gauche du D.F. La couverture
d’Apocalipstick affiche l’une de ces photos, saisissante par le contraste entre la nudité des corps de la foule et
l’emblématique lieu de la nation où les édifices des pouvoirs ecclésiastique et politique sont rassemblés : la
cathédrale, le Palais national.

Parodie, satire, critique : quelques stratégies


d’écriture de la ville
10L’érudition biblique de Monsiváis, trace de l’origine et du fondement de la formation intellectuelle de l’auteur
assise sur une éducation protestante, donne lieu en guise de prologue et d’épilogue de son livre, ainsi que sous forme
de codas ajoutées aux chroniques de certains chapitres, à une série parodique d’aphorismes, de paraboles de la
survie, de projections fictionnelles de l’avenir post-apocalyptique. Si donc la fiction n’apparaît que sous forme de
traits partiels – personnages et discours paradigmatiques – dans nombre de chroniques d’Apocalipstick, elle se
déploie en toute liberté dans ces textes qui scandent l’ouvrage et contribuent à lui donner une cohérence et une
identité satirique qui justifient son titre. L’écriture des chroniques elles-mêmes doit sa qualité littéraire à la vélocité
synthétique que lui apporte l’alliance entre le langage de l’essayiste emprunté aux sciences sociales et le recours
fréquent à la métaphore ou à diverses figures de rhétorique. Elle s’adonne avant tout aux usages, éprouvés dans le
style de Monsiváis, de la citation, de l’allusion à des discours de la culture populaire, de la reprise d’expressions au
goût de l’époque ou du jour, du détournement subversif et profanateur des discours officiels. Tous usages
fréquemment mis au service d’une stratégie titulaire, titres et intertitres mettant à nu les lieux communs et les idées
reçues, mais donnant surtout à entendre l’esprit de la gouaille urbaine dans les parlers populaires et créant par là
même des effets d’humour, d’ironie, de surprise qui assoient la portée critique et politique de la chronique sur la
fusion de l’énonciation de l’essayiste avec la parole collective. Quelques exemples : « Pachito Eché, le dicen al
señor/ Pachito Eché baila mambo y danzón » (paroles de chanson des années 1940) (37) ; « Yo me imagino el cielo
como el sitio donde el único celular lo tiene Dios… » (sur l’ambiance sonore de la ville) (69) ; « Se me hace que el
Cielo es la única vecindad donde no pagas renta » (sur la Vecindad) (79) ; « No le pego para que me obedezca sino
para darle gusto a la tradición » (sur le machisme) (107) ; « Quítense todo, pero déjense la epidermis » (sur la séance
de pose sous l’objectif de Spencer Tunick) (285) ; « ¡No están feas! ¡No están feas! » (réponse de la foule au
discours sur le Zócalo de la commandante zapatiste Fidelia, qui parle au nom des Indiennes encagoulées, qu’elle dit
laides) (383).

11Dans un chapitre sur le métro, constitué d’une série de notes, Monsiváis fait allusion au « voyeurisme auditif »,
qu’il définit ainsi, avant d’affirmer que les brusques interruptions du voyage en métro frustrent une telle activité :
« ¿Hay algo semejante al “ voyeurismo auditivo” ? No me refiero a la imaginación que se alimenta de rumores,
cualidad común y corriente, sino a la destreza que del oleaje de voces, extrae el tema elocuente, el diálogo tan
intenso que “solo le falta hablar” » (230). Nul doute que cette aptitude perverse soit celle de l’auteur, ni d’ailleurs
qu’il la partage, comme on le verra, avec nombre d’autres chroniqueurs.

12L’ouvrage de Monsiváis peut être lu comme une somme sur la mégalopole tout autant que comme une synthèse
des régimes d’écriture de son auteur, entre fictions religieuses parodiques et chroniques-essais. La multiplicité des
auteurs et des thèmes abordés dans México DF: Lecturas para paseantes offre une promenade temporelle des années
1960 aux années 2010, une promenade géographique à travers les lieux de la ville, une autre à travers les aspects de
la vie urbaine, mais aussi une promenade à travers différents registres, modes et exercices de l’écriture de la
chronique. Si l’on croise les lectures des deux livres, depuis les années 1960, on obtient un aperçu généalogique de
l’écriture du genre depuis les années 1960 et un état des lieux urbains, que parachève Apocalipstick.

13La série regroupée dans l’anthologie sous le titre de « Desastres », s’ouvre sur le thème de l’hyper-croissance de la
ville, phénomène inscrit dans la liste ou le « chœur » de lieux communs sur Mexico qu’établit Monsiváis. Mais la
chronique sur le sujet de Jorge Ibargüengoitia « Llamen al médico » donne d’abord la parole à l’auteur lui-même,
naguère fier de la taille de la ville dans sa naïveté d’enfant, puis introduit en comparaison l’exemplaire et absurde
histoire d’une mère d’abord énamourée de son bébé atteint de gigantisme puis affolée de sa pathologie. Suit une
argumentation par l’absurde sur le choix guerrier du lieu par les Aztèques pour la fondation de Mexico, sur les
causes, plus négatives les unes que les autres, de la croissance de la ville, dont la dernière et non la moindre
stigmatise la tendance des Mexicains à la reproduction massive et désordonnée. La stratégie du satiriste le mène
ainsi d’une autocritique du « je » à la critique de ces « autres » que sont les Mexicains en passant par un « nous »
inclusif désignant les habitants de la capitale comparée à un monstre menaçant. Si l’humour régit la satire, il y pointe
une légère condescendance envers les travers du peuple, quand bien même la société nationale se voit lucidement
qualifiée de paternaliste. Le satiriste adopte la même position, distanciée et humoristiquement accusatrice, à l’égard
de l’incivilité dont font preuve les usagers et les chauffeurs dans deux textes sur les transports en commun,
regroupés dans la partie « Transportes » de l’anthologie, laquelle aurait tout aussi bien pu s’intituler « Desastres » :
« Viajar en camión » met en place une drôlissime série d’instructions antiphrastiques à l’adresse des passagers,
tandis que « ¡Servicios! » narre les mésaventures de l’auteur et de sa femme lors d’un trajet en autobus, à défaut de
taxi. La conclusion de ce dernier texte s’avère éclairante quant à la forme de ségrégation que crée le contraste entre
les propriétaires de voitures, appartenant aux classes haute et moyenne, et les usagers des transports en commun,
dont le chroniqueur juge la condition humiliante. Si le cercle vicieux des problèmes de circulation automobile, dus à
l’augmentation du nombre de véhicules privés et à la déficience des services publics de transport, est souligné, le
préjugé de classe qui conduit les classes moyennes à éviter de se mêler aux classes populaires fait à peine ici l’objet
d’une discrète allusion.

14Les autorités de la « delegación » de Coyoacán, sorte d’arrondissement, tout comme les autorités fédérales,
constituent l’une des cibles de prédilection du satiriste Ibargüengoitia qui, face aux projets d’embellissement du
centre de Coyoacán ou à ceux du Zócalo, dénonce la falsification de l’aspect présent de son quartier sous couleur
d’authenticité coloniale, ou l’anarchie des références historiques nationalistes que signifierait l’exposition de pièces
archéologiques préhispaniques sur ce qu’il nomme la Plaza Mayor. Le raisonnement par l’absurde, là encore,
construit donc un contre-discours qui vilipende l’absurdité des projets liés aux représentations de l’histoire nationale
dans les lieux centraux de la ville, dont cet « ombilic » qu’est la Plaza Mayor. La contre-proposition du chroniqueur
à cet égard fait du Zócalo le lieu d’une telle accumulation de références monumentales à l’époque aztèque, la
période coloniale, l’Indépendance, la révolution, mises en scène dans leurs relations contradictoires, qu’elle détruit
de façon hilarante tout le grand récit exemplaire de l’histoire nationale élaboré au fil des décennies de la post-
révolution par ce qui devait devenir le régime priiste.

15Dans une veine comparable de satiriste libéral conservateur, Guillermo Sheridan consacre lui aussi des chroniques
à son propre quartier, Coyoacán, et aux monuments de la ville, conçus là comme des repères spatiaux et affectifs des
habitants de la capitale. Pour décrire et analyser les trois espaces du Zócalo de Coyoacán – le premier, administratif
et priiste ; le deuxième catholique et bigot ; le troisième, new age et intellectuel –, offrant chacun une réserve de
nostalgie différente à l’époque post-moderne, il se met en scène sur la place : le chroniqueur fait cirer ses chaussures
tout en écoutant avec une condescendance amusée et distraite les commentaires de l’actualité que lui adresse le
cireur, qualifié du terme emprunté à Quevedo de « parlaembalde ». S’excluant donc de chacun des espaces pour
conserver un rôle de spectateur analyste, il brocarde avec une efficace ironie les rituels auxquels s’adonnent les
différentes catégories de population et ne donne la parole au cireur, dont il souligne les traits physiques d’origine
indienne, que pour traiter de « m’as-tu vu » les concheros vêtus à l’aztèque qui dansent furieusement sur la place. La
dénonciation de ce que le chroniqueur juge être une pose identitaire virant à l’imposture n’en est que plus virulente.

16Un troisième implacable satiriste et excellent voyeur auditif, Ricardo Garibay, fait œuvre de dramaturge
caricaturiste en présentant deux conversations dialoguées dans un argot ultra-codé, dont il reproduit mimétiquement
l’énonciation elliptique et la prononciation de mots avalés : la première met aux prises un malhabile citoyen
ordinaire contraint de négocier un bakchich avec des officiers de police ; la seconde se déroule entre des
commandants de la police secrète, dévolus à des opérations répressives et fort embarrassés d’avoir commis une
bavure : ils ont malmené et volé la veuve d’un intellectuel communiste guatémaltèque et réfugié politique alors que
le gouvernement de Luis Echeverría, s’achetant l’apparence d’une politique d’ouverture démocratique, entend
protéger la « brillantina » (soit : les intellectuels). Le jeu de déchiffrement linguistique proposé au lecteur béotien
contribue à fonder une complicité avec ce dernier, placé du côté des rieurs aux dépens de la corruption de l’autorité
policière. À la différence de ce qui se produit dans les billets d’humeur d’Ibargüengoitia et de Sheridan, le
chroniqueur ne se pose ni en acteur ni en spectateur de ces deux scènes, classées dans la rubrique « Burocracias » de
l’anthologie, mais propose d’habiles et comiques reconstitutions fictionnelles de situations typiques. Il se met
ailleurs lui-même en scène comme reporter dans un texte sur le métro datant des années soixante-dix, époque
inaugurale de ce moyen de transport dans la capitale. Les discours rapportés de différents usagers lui permettent de
construire des scènes souvent absurdes, voire dénigrantes, situées à une heure précise tel ou tel jour de la semaine
dans l’une ou l’autre des stations de métro tandis que des dialogues avec le photographe qui l’accompagne ou avec
le commanditaire de l’article situent sa position de rejet et d’indignation face aux insuffisances du métro et aux
fonctionnaires qui sont responsables d’une telle « calamité » (147). Ces stratégies de captatio benevolentiae ne
laissent pas de s’adresser à des lecteurs peu familiers du métro, tandis que les usagers-victimes, au nom desquels le
chroniqueur dit s’exprimer, se voient caricaturés dans leurs propos ou dans leurs actes. À en croire Ricardo Garibay,
pourtant partisan d’un développement mieux planifié du métro, ce dernier serait en l’état « le circuito interior de la
neurastenia » (146), peu ou prou un piège, voire un coupe-gorge.

17Tout autre, critique mais aussi analytique, est l’approche du métro que fait Juan Villoro dans « La ciudad es el
cielo del metro ». Cette chronique-essai mêle d’abord les références littéraires sur l’écriture de la ville dans le roman
du xxe siècle pour y mettre en lumière les traits dominants d’une mythologie urbaine, dont celles de la ville conçue
comme jungle de béton ou comme étendue océanique ; pour affirmer aussi que dans les années quatre-vingt-dix,
l’appréhension littéraire et critique de la ville ne peut plus se faire de l’extérieur, à la façon d’une fresque, mais de
l’intérieur. Esquissant ensuite une analyse du rapport affectif des habitants de Mexico à leur ville, il cite Monsiváis
parlant d’une attitude « post-apocalyptique ». L’écriture de Villoro, véloce, synthétique, étaie son acuité critique sur
certaines phases brèves, quasiment lapidaires, qui ponctuent une argumentation faussement erratique car elle semble
régie par des associations d’idées. Ainsi du titre de la chronique et de la réponse à une série de questions sur la future
direction de la croissance de la ville : « Todas la flechas apuntan hacia abajo » (140). Le métro apparaît donc comme
une dernière frontière urbaine ; pour les habitants de la surface, y pénétrer reviendrait à entrer imaginairement dans
l’espace de la terra incognita, de la sauvagerie, naguère signalé sur les cartes coloniales par l’indication « Hic sunt
leones ». Deux phrases résolues suffisent à signaler l’effet de ségrégation entre classes populaires et autres classes :

Los que pueblan la ciudad subterránea son… –escoja su ultraje favorito– los morenos, los nacos, los
indios, los mexicanos. Hic sunt leones. […] Para los dueños de la superficie el metro es algo que se
toma en París. Abajo, la raza circula a velocidades supersónicas (144).

18L’autre observation que fait le chroniqueur sur ce nouvel espace urbain s’assied sur une comparaison entre le
métro de Moscou et celui de Mexico, tous deux emplis de symboles et d’icônes révolutionnaires ou encore, pour
celui de Mexico, de pictogrammes de « l’inconcevable modernité préhispanique » (144 ; notre traduction). De sorte
qu’en une conclusion inspirée, synthétique et satirique Villoro affirme : « Lo cierto es que bajo tierra se cruzan dos
ejes de la vida mexicana: la importancia retórica del pasado y el racismo funcional » (144) avant d’imaginer, en un
clin d’œil à un slogan utopique, la prise d’assaut de ce ciel qu’est la ville par les hordes d’usagers du métro. Si le
chroniqueur a recours à des traits d’humour qui servent parfois la saillie satirique, la cible en est ouvertement les
mentalités héritées de la colonie qui régissent la vie sociale mexicaine ou le discours officiel nationaliste et pseudo-
révolutionnaire.

19S’intéressant aussi au métro comme espace public, révélateur des mœurs urbaines à venir, dans une série de notes
d’Apocalypstick, Carlos Monsiváis porte encore son attention sur un nouvel espace urbain qui joue de l’ambiguïté
entre le privé et le public : le mall ou centre commercial à l’américaine, monumental temple de la consommation, du
défilé de mode spontanée des consommateurs, de la stylisation des corps, de l’uniformisation des signes extérieurs
d’appartenance à la classe moyenne haute et à la bourgeoisie qui vise à refléter la possession du capital symbolique
de la « distinction », tel que l’a défini Bourdieu. Une série de discours sur la consommation censément entendus par
le « voyeur auditif » viennent ironiser polémiquement sur le phénomène, feignant tantôt l’opposition, tantôt
l’adhésion du discoureur. In fine, est rappelée l’animation des rues commerciales du centre de Mexico, ironiquement
attribuée au pouvoir de convocation de l’anachronisme, pour souligner la diversité des mœurs contemporaines
obéissant à différents régimes temporels qui coexistent dans la capitale. À cette analyse de Monsiváis répond, dans
México: lecturas para paseantes, une chronique plus ponctuelle et très narrative de José Joaquín Blanco rapportant
une excursion du chroniqueur dans le centre commercial de Plaza Satélite. L’auteur revient fort déconfit de son
expédition car il a déduit de cette brève expérience l’impunité sociale des consommateurs des classes moyennes,
apolitiques, impavides et imperméables à tout changement de régime, à toute crise économique.

Expression littéraire d’une parole citoyenne


20Parmi les régimes d’écriture et les sous-genres de la chronique qui apparaissent dans l’anthologie de Rubén Gallo,
il faudrait encore signaler le magistral maniement de la narration que déploie une Elena Poniatowska dans un extrait
de son livre Nada, nadie: las voces del temblor (1988) sur le séisme de 1985 : chronique qui, rassemblant les
témoignages des acteurs du drame, personnes sinistrées et sauveteurs spontanés, rend hommage au civisme spontané
des habitants de la capitale. Ou le reportage enquête de longue haleine d’une Alma Guillermoprieto sur les mafias
populaires du tri des ordures dans des quartiers marginaux improvisés puis organisés autour des décharges publiques
de la mégalopole. Ou le recours à la mémoire familiale, à des souvenirs personnels fictionnalisés, à des anecdotes
historiques d’un Fabrizio Mejía Madrid parcourant pour le lecteur l’impressionnante longueur de l’avenue
Insurgentes mais aussi sa profondeur temporelle, et mettant en scène les contrastes sociaux, économiques, culturels.

21Entre la ville devenue mégalopole, et de surcroît entre la capitale où s’expriment et où fonctionnent le pouvoir
administratif et politique local tout comme le pouvoir national, et la chronique, expression littéraire d’une parole
citoyenne quelque subjective qu’elle puisse se vouloir, l’adéquate correspondance entre sujet et genre littéraire
semble évidente. Mais la chronique ne trouve la pleine efficacité de sa fonction critique ou analytique du réel que
selon un régime de lecture qui l’appréhende en série : soit au fil des jours ou des semaines qui correspondent à sa
publication liée à une forme d’actualité dans la presse quotidienne ou hebdomadaire ; soit à la faveur d’une
anthologie, personnelle ou d’auteurs divers, qui recueille les multiples approches de la diversité urbaine
contemporaine d’un Carlos Monsiváis, chroniqueur-orchestre à lui seul dans Apocalipstick, ou qui fait jouer leur
partition ou chanter leur voix à cet ensemble babélique que forment les chroniqueurs interprètes de tel ou tel
fragment du réel urbain dans México DF: Lecturas para paseantes. Le recueil de chroniques assure une longévité à
ces textes de l’éphémère, et permet de répéter à la suite de Monsiváis citant Quevedo : Lo fugitivo permanece. Il est
vrai qu’il s’agit là du titre que l’écrivain a donné à une anthologie de nouvelles. De quoi réfléchir encore sur les liens
de parenté entre la nouvelle et la chronique.

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Bibliographie
Gallo, Rubén, 2005 México DF: Lecturas para paseantes, México, Turner.

Koolhaas, Rem, 1978, Delirious New York, New York, Oxford University Press.

MonsivÁis, Carlos, 1989, Lo fugitivo permanece: 21 cuentos mexicanos, México, Cal y arena.

—, [1995] 2001, Los rituales del caos, Mexico, Era.

—, 2009, Apocalipstick, Mexico, Debate.

PoniatoWska, Elena, 1988, Nada, nadie: Las voces del temblor, Mexico, Era.

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Notes
1 Cet ouvrage aborde bien des thèmes développés dans Apocalipstick, mais porte sur les cérémonies, profanes ou
religieuses, de la mégalopole, qui préservent une forme d’identité collective.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Florence Olivier, « Mexico D.F. au crible des chroniques », América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07
septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1699 ; DOI :
10.4000/america.1699

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Auteur
Florence Olivier

CERC/CRICCAL, Université de Paris 3

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Paru dans América, 49 | 2016
Introduction [Texte intégral]
Paru dans América, 46 | 2015
La mémoire ou l’oubli du crime : trous du dire dans El Llano en llamas [Texte intégral]
Paru dans América, 43 | 2013

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Cette revue sur les champs culturels en Amérique Latine (Littérature et civilisation) publie les
résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
III. Polymorphies : ville et chronique

De la crónica urbana a la crónica barroca (o cómo


normalizar a Lemebel)
De la chronique urbaine à la chronique baroque (ou comment normaliser Lemebel)
Patricio Tello
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

Transgresora a ultranza la prosa de Pedro Lemebel despertó pronto la angustia de la crítica literaria. La
denominación «crónica urbana» con que el propio autor apostilló su trabajo, cumple el cometido de precisar el
espacio en que se desenvuelve su discurso. La academia, momentáneamente ocupada con los límites del adjetivo,
sus ramificaciones y alcances, se apresura a poner en marcha el rastreo de filiaciones para localizar una familia a la
que adscribirlo. A tal efecto se prestaron la identidad gay; la proteica sexualidad y el deseo omnívoro; la despiadada
mirada arqueológica que levanta el tupido velo de un engaño político y social colectivo; la memoria que se fractura
en microescenas, mirada facetada de flâneur escatológico. Temas todos caros a la poética de Lemebel. E índices al
uso del pensamiento académico para desembocar en una dudosa clasificación al alero de una pista falsa: la lengua de
este cronicar se irisa como el caracol lezamiano, ergo «crónica barroca».
Este trabajo se propone desmontar una genealogía, que no por tentativa es menos normalizadora y reductora.

Par son caractère outrancièrement transgresseur, la prose de Pedro Lemebel a aussitôt éveillé des angoisses chez les
critiques littéraires. La dénomination de « chronique urbaine » par laquelle l’auteur lui-même a désigné son travail a
pour fonction de préciser l’espace dans lequel ce discours se déroule. La critique académique, se bornant tout
d’abord à l’adjectivation, ses ramifications et sa portée, se lance avec empressement à la recherche des filiations, à
trouver une famille à laquelle le raccrocher. On a fait ressortir à cette occasion l’identité gay, sexualité protéique et
désir omnivore ; l’impitoyable regard archéologique qui lève le voile sur une collective tromperie politique et
sociale ; la mémoire qui se fractionne en micro-scènes, le regard à facettes du flâneur scatologique. Ce sont des
thèmes chers à la poétique de Lemebel et des indices dont fera usage le penseur académique pour déboucher sur un
classement douteux, sous l’auvent d’une fausse piste : la langue de ce mode chronique s’irise comme le coquillage
de Lezama Lima, ce serait donc une « chronique baroque ».
Cette étude vise à démonter une généalogie qui, si tâtonnante qu’elle soit, n’en est pas moins normalisatrice et
réductrice.
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Mots-clés :

Lemebel, chronique urbaine, chronique baroque, critique littéraire, pensée académique

Palabras claves :

Lemebel, crónica urbana, crónica barroca, crítica literaria, pensamiento académico


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El guante y el clóset
Las razones del guante
Las razones del clóset
Las razones de Lemebel
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Y ahora, todo está lleno de cronistas con una flor


estilográfica en el ojal mezquino de la solapa.
(Lemebel, 2013)

El guante y el clóset
1En 1997, dos años después de la aparición de La esquina es mi corazón y Loco afán, un texto de Soledad Bianchi,
académica de la Universidad de Chile, inaugura con estas palabras la larga serie de asedios críticos que darán por
establecida la genealogía lemebeliana: «[…] su obra podría considerarse una raicilla más de una red entre cuyos
nudos puede reconocerse a Lezama Lima, Sarduy, Perlongher […] Fluyendo del Barroco al Neobarroco (americano
ya), al Neobarroso rioplatense, al Neobarrocho.» El texto en cuestión es una comunicación intitulada «Un guante de
áspero terciopelo, la escritura de Pedro Lemebel» (Bianchi, 1997: en línea).

2En 2001, con motivo de la reedición de La esquina es mi corazón, Carlos Monsiváis lo presenta en sociedad
leyendo el prólogo que ha escrito para la nueva edición y que titula «Pedro Lemebel en su mejor momento. El
amargo, relamido y brillante frenesí». Posteriormente, con precisión seis años después, Monsiváis recupera el texto
y, con algunos cambios, lo publica en la Revista de la Universidad de México. La primera modificación salta a la
vista, ahora lo titula: «Pedro Lemebel: Del barroco desclosetado». De esta versión otra variante aparece en la revista
Nuevo Texto Crítico, también de México, el año 2009; en ella vuelve a modificar el título, quedando como sigue:
«Lemebel: “Yo no concebía cómo se escribía en tu mundo raro”, o: del barroco desclosetado». En cualquier caso lo
que nos importa de esta alambicada manía apelativa es la persistencia de la expresión «barroco desclosetado» que,
apartando el adjetivo y su sesgo, el cual ya examinaremos, nos remite a la familia escritural asentada por Bianchi y
que el mexicano refrenda así:

A la tradición de Lemebel pertenecen entre otros muchos el argentino Néstor Perlongher, el mexicano
Joaquín Hurtado, el puertorriqueño Manuel Ramos Otero, el cubano Reynaldo Arenas, y, un tanto más a
distancia, el cubano Severo Sarduy y el argentino Manuel Puig.

3El resto de la abundante reflexión crítica generada por la obra lemebeliana se organiza bajo la égida de estos dos
discursos, y lo hace en fila india acatando unánimemente la filiación al árbol lezamiano. De aquí en adelante todo
texto crítico, trátese de artículos o tesis doctorales, que ensaye una mirada a la obra cronística del escritor chileno lo
hará bajo el supuesto de una pertenencia estatuida. Pocos, muy pocos, serán los críticos que objeten o cuestionen
esta genealogía arbórea y menos aún su adscripción a la estética neobarroca.

Las razones del guante


4El texto de Bianchi es un texto laudatorio. Un opúsculo que busca instalar en el espacio académico una primera
lectura de esta escritura y que, al mismo tiempo, la ingresa en un orden. El método empleado por la autora es el del
camuflaje, es decir, quiere confundirse con su original remedando la escritura lemebeliana, replicando su gramática
y sus arabescos, pero reconociendo su incapacidad de asimilarse por completo a la potencia transgresora de ésta:
«[…] a la usanza del escritor, también déformé: hay una distorsión de la escritura del propio Lemebel; pero,
careciendo de su osadía, de su desparpajo para seducir, penetrar y manosear las palabras, yo simplifiqué.»

5Es significativo que la autora despliegue como método de lectura esta especie de canibalismo hermenéutico, pues
no resulta ser la única seducida por la palabra lemebeliana: el antropólogo chileno Yanko González en su trabajo
«Etnografía persistente: Pedro Lemebel o el poder de la metáfora» reconoce que en un artículo suyo anterior quiso
acercarse al nuevo fenómeno literario a través de la imitación de su escritura:

Hace diez años escribí lo que, hasta ese momento, era una de las pocas notas críticas en revistas
universitarias sobre la obra de Pedro Lemebel. El artículo, titulado «Loco afán: Una bella etnografía
sobre el dolor marica» (González, 1997), tenía la particularidad de imitar la escritura de Pedro,
acercándose lo más posible a lo que me parecía un grueso aporte estético inscrito al interior de la
crónica en Chile (González, 2007: 161).

6Valga la cita para constatar esta suerte de paráfrasis crítica que sobreviene a los lectores académicos luego del
contacto con la escritura lemebeliana. Tal habrá sido el estupor causado en una aldea literaria dominada por
territorios bien acotados y géneros colonizados por los «prostáticos», según el decir del propio Lemebel.

7Volviendo a Bianchi, su procedimiento opera como estrechamiento o abolición de distancias entre aquello que
desea filiar y el orden que lo contendrá. Más allá del mero encantamiento, la suya es una estrategia parafrástica que
planea asimilar la escritura lemebeliana a la red neobarroca por medio del rastreo de modalidades y productos
retóricos en la superficie de sus textos, en este caso la crónica «Baba de caracol en terciopelo negro» contenida en
La esquina es mi corazón.

8El repertorio léxico cribado por el ojo crítico de Bianchi instaura su correlato en el texto y lo desarrolla a medida
que avanza la lectura. De este modo expresiones como «disfraza», «enmascara», «fusionan», «desplazamiento»,
«mirada mirona», «mirada de voyeur», «crónica voyeur», «red», «raicilla», «nudos», «espejos», «máscaras»,
«espejeando, reflejando y haciendo reflejar», «bordan», etcétera, contribuyen a anclar una trama de relaciones de
parentesco avaladas por, presuntamente, «guiños» del propio Lemebel en la forma de epígrafes, giros retorcidos,
antítesis, oxímoros y acoplamientos incestuosos de la lengua. Así, y mediante un razonamiento encadenado, Bianchi
nos conduce del guante a la mano; de la mano a la manuscritura que no se desliza desnuda sino enmascarada; de la
máscara al disfraz; del disfraz al travestismo y de ahí al inevitable corolario «donde lenguajes y estilos se disfrazan,
donde enredan, donde bordan complicados tejidos de intrincadas tramas». Entendemos que, en suma, de lo que se
trata es de evitar, en el texto académico, la recaída en el comentario que fosiliza, porque todo sistema interpretativo
cerrado, por muy agudo que se quiera, no podrá permear la movilidad e indeterminación de un texto radicalmente
otro; radicalmente neobarroco, concluimos.

Las razones del clóset


9Si Bianchi, en cuanto que académica de literatura, representa el pensamiento crítico que canoniza en su prestigioso
espacio la escritura quiltra de Lemebel, Monsiváis es el representante de la intelectualidad de izquierdas, nutrido de
un casi enciclopédico bagaje cultural, siempre al día en lo que a las ciencias sociales se refiere. Sus obras recorren
sin problemas los bien aceitados circuitos comerciales de la crónica y al momento de presentar a Lemebel en la
reedición de su primer libro se hallaba en lo que habitualmente llamamos «cúspide de su carrera».
10En el orden de las jerarquías ser prologado y presentado por Monsiváis equivalía a algo así como la unción
definitiva, aquella capaz de abrirle las puertas a la mundialización; pero, fuera de eso, se trataba de un sacramento
que Lemebel ni añoraba ni necesitaba: su obra, aunque parca en ese entonces, ya se había ganado el derecho de
ciudad. De todos modos, como veremos, la lengua del mexicano se afilaba en otra dirección.

11A Monsiváis no le provoca parafrasear a Lemebel. Su registro tiene sello de apelación y con él la autoridad va de
suyo. Además, el neobarroco le tiene sin cuidado. Si examinamos las modificaciones que va introduciendo en el
texto-prólogo desde esa primera versión de 1997 a esas otras de 2007 y 2009, veremos que la tribu neobarroca
permanece; los cambios ocurren y se profundizan en otra área del texto.

12En la primera versión se percibe una espontaneidad cercana a la reflexión en voz alta. El texto se dispone
estructuralmente en una larga serie de párrafos de los cuales dos funcionan como introducción y, subtítulo mediante,
el resto como cuerpo. En los dos primeros párrafos Monsiváis cumple la tarea del elogio, destacando el carácter
notable de la prosa del chileno y señalando a la vez su condición anómala: gay, maraco, marica, puto, trolo, hueco,
loca; condición que, continúa Monsiváis, se halla indisolublemente unida a su poética y que ha superado los intentos
de sumisión a un marco de tolerancia represiva. La historia de esta superación se encuentra tanto en sus textos como
en las performances de Las Yeguas del Apocalipsis. En seguida, y bajo el subtítulo «Nuevos criterios estéticos…»,
Monsiváis levanta acta de la parentela neobarroca que ya conocemos, caracterizando cada tipo de literatura: a
Perlongher, Arenas y Hurtado corresponde la «literatura de la ira reivindicatoria»; a Sarduy la «de la
experimentación radical»; a Puig la «de la incorporación festiva y victoriosa de la sensibilidad proscrita». En este
punto Monsiváis aclara:

En todos ellos lo gay no es la identidad artística, sino la actitud que al abordar con valor, insistencia y
calidad un tema se deja ver como el movimiento de las conciencias que por valores compartidos y
acumulación de obras dibuja una tendencia cultural. No hay literatura gay, sino una sensibilidad
proscrita que ha de persistir mientras continúe la homofobia, y estos autores al asumir con talento y
vehemencia sus voces únicas, le añaden una dimensión cultural y social a la América Latina (Monsiváis,
2001).

13Acto seguido, Monsiváis cita cómo Néstor Perlongher, «poeta apreciado por Lemebel», describe el gueto. Y en
este punto nos vemos obligados a preguntarnos de qué gueto habla. La duda se aclara si regresamos a la cita anterior.
En ella Monsiváis instala el germen de una idea que desarrollará en las otras dos versiones de su texto. Volverá a
usar la palabra una segunda vez en relación a las «atmósferas lezamianas» creadas por Lemebel, explicando que son
el vehículo a través del cual se describe la intromisión del gueto en la ciudad. Al paso advierte que existe una
diferencia de densidad entre el barroquismo lezamiano y la intencionalidad barroca de Lemebel; en éste la palabra
sería menos deslumbradora y más exhaustiva.

14En las dos versiones posteriores de este texto Monsiváis reconstruye su reflexión dotándola de una fisonomía más
elaborada. Junto al cambio de título vemos cómo el texto se dispone en una arquitectura simétrica y espejeante en la
que la primera versión es subsumida. El ahora subtexto está enmarcado por una serie de párrafos separados entre sí
por tres vistosas estrellitas y luego por subtítulos. El antiguo y único subtítulo presente en el texto-prólogo se
incorpora al párrafo que precedía en la forma de bastardilla.

15Ahora la idea germinal que mencionábamos líneas atrás se nos presenta esplendente en el nuevo título: «barroco
desclosetado». Se trata de una refactura que absorbe y neutraliza los lazos de familia literaria agrupados bajo el
rótulo neobarroco.

16A Monsiváis ya no le importa la discutible pertenencia de la escritura lemebeliana a un supuesto neobarroco


latinoamericano, pese a ser fácilmente detectables en ella algunos procedimientos retóricos atribuibles tanto al
barroco áureo como a este aire de época denominado neobarroco. No se trata tanto de una cuestión de inventario
como de clóset. Y aquí está el giro. Para Monsiváis el barroco desclosetado es un arma ideológica capaz –de la mano
del talento poético y narrativo de su creador– de armonizar desacuerdos culturales y artísticos (aquello que llamamos
kitsch) en una constelación de paradojas irresolutas que avanzan e instalan su desmesura alucinada en una zona del
lenguaje antes reservada a la representación mimética.

17Pero este descubrimiento del mexicano tiene también su lado oscuro… o más pedestre si se quiere. El barroco
desclosetado arriba a sí por medio de una insumisión que rechaza toda tentativa de someterse a una racionalidad
preceptiva; sus operaciones ocurren en la escritura, pero también en el cuerpo y en el substrato de ambos: el deseo.
¿Y cuál es la prehistoria de este deseo en la literatura latinoamericana? Nada menos que la lenta conformación de
ese gueto homosexual que apenas y oblicuamente en los inicios osa darle forma verbal a la pulsión. Monsiváis nos
ofrece leer los sedimentos de esa progresión: Xavier Villaurrutia, Carlos Pellicer, Carlos Montenegro, Salvador
Novo. Estos ancestros y sus herederos conforman la sensibilidad proscrita sugerida en el primer texto del mexicano.

18En resumidas cuentas, el barroco desclosetado en el que se incluye a Lemebel acaba siendo una reductora
artimaña que quiere minimizar la potencia de un verbo atado fuertemente a una ética, a un decir que no se agota en
la representatividad de tal o cual grupúsculo, a una poética de lo heterogéneo y lo múltiple que recorre híbrida los
bordes de lo estatuido y más allá inclusive, hasta donde doña metáfora pierde los colores.

Las razones de Lemebel


19Se reconoce fácilmente la situación extranjeriza que ocupa la obra de Lemebel, tanto en la escena literaria chilena
como latinoamericana. Su diálogo con otros autores se entiende como efecto de su inclusión en la malla literaria más
que como inscripción en una tribu de adoradores de la imagen o de cultores de abstracciones deseosos de (re)crear
escuela.

20Su opción por la crónica como vehículo artístico y la religación de ésta a un pasado de intervención de espacios,
así como a un ejercicio de oralidad que actúa como basamento de la palabra –y que la acompaña indisoluble en su
tránsito por los circuitos de la domesticación–, le colocan a tiro en un campo cruzado por fuerzas normalizadoras.

21Hoy, quienes vieran en la inclusión de un glosario en una de sus obras los primeros signos de erosión mercantil,
harían bien en leer estas líneas:

Podría escribir clarito, podría escribir sin tanto recoveco, sin tanto remolino inútil. Podría escribir casi
telegráfico para la globa y para la homologación simétrica de las lenguas arrodilladas al inglés. […]
Podría escribir novelas y novelones de historias precisas de silencios simbólicos. Podría escribir sin
lengua, como un conductor de CNN, sin acento y sin sal. […] Podría mejorar el idioma metiéndome en
la raja mis duras metáforas inmundas […] Pero no vine a eso. Y ahora, todo está lleno de cronistas con
una flor estilográfica en el ojal mezquino de la solapa […] Y creí como una tonta, como una perra lacia
me dejé embaucar por alegorías barrocas y palabreríos que sonaban tan relindos. […] A pesar de todo
aprendí […] Les guste o no, pulso aquí el play de este cancionero memorial (Lemebel, 2013: 74-75).

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Bibliographie
Bianchi, Soledad, 1997, «Un guante de áspero terciopelo, la escritura de Pedro Lemebel», Cyber Humanitatis, 0 (3),
http://www.cyberhumanitatis.uchile.cl/index.php/RCH/article/view/27843/29508 (consulta 5 de julio de 2016).

GonZÁleZ, Yanko, 2007, «Etnografía persistente: Pedro Lemebel o el poder cognitivo de la metáfora», en Atenea
(Concepción), n° 496, II sem. 2007, p. 161-165.

Lemebel, Pedro, 1995, La esquina es mi corazón, Santiago de Chile, Editorial Cuarto Propio.

—, 1996, Loco afán. Crónicas de Sidario, Santiago de Chile, LOM Ediciones.

—, 2013, «A modo de preludio», en Revista Casa de las Américas, n° 273, octubre/diciembre, p. 74-75.

MonsivÁis, Carlos, 2001, «Pedro Lemebel en su mejor momento. El amargo, relamido y brillante frenesí», prólogo a
la reedición de La esquina es mi corazón, Santiago de Chile, Seix Barral, p. 7-19.

—, 2007, «Pedro Lemebel: Del barroco desclosetado», en Revista de la Universidad de México, n° 42, agosto de
2007, p. 5-12.

—, 2009, «Lemebel: “yo no concebía cómo se escribía en tu mundo raro”, o: del barroco desclosetado», México,
Nuevo Texto Crítico, vol. XXII, n° 43-44, p. 27-37.
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Patricio Tello, « De la crónica urbana a la crónica barroca (o cómo normalizar a Lemebel) », América [En ligne],
49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1708 ; DOI : 10.4000/america.1708

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América
Cahiers du CRICCAL
En bref :

Cette revue sur les champs culturels en Amérique Latine (Littérature et civilisation) publie les
résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
questions spécifiques.

Editeur :
Presses Sorbonne Nouvelle
Support :
Papier et électronique
E ISSN :
2427-9048
ISSN imprimé :
0982-9237

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10.4000/america.1708

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
III. Polymorphies : ville et chronique

Dislocaciones. Crónica, memoria y homosexualidad


Reflexiones a partir de la obra de Pedro Lemebel
Dislocations. Chronique, mémoire et homosexualité : Réflexions à partir de l’œuvre de Pedro Lemebel
Víctor Galarraga-Oropeza
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

Las crónicas de Pedro Lemebel (Santiago de Chile, 1955) constituyen uno de los casos más singulares del variopinto
panorama de la literature latinoamericana de las últimas décadas. Con una retórica resueltamente mestiza e
irreverente, Lemebel acomete una re-lectura tanto de la cartografía urbana, como de la historia nacional chilena,
proponiendo una reivindicación de sujetos y discursos tradicionalmente marginados –el homosexual, el indio, el
pobre– hasta construir una potente apuesta estética y política, marcada por la convicción de una especificidad
latinoamericana, que permitiría cuestionar las tradicionales relaciones entre la escritura, el deseo y la memoria.

Les chroniques de Pedro Lemebel (Santiago du Chili, 1955) sont l’un des cas les plus singuliers dans le panorama de
la littérature latino-américaine de ces dernières décennies. Avec une rhétorique résolument métisse et rebelle,
Lemebel entreprend une relecture de la cartographie urbaine ainsi que de l’histoire nationale chilienne et propose
une revendication des sujets et des discours traditionnellement ignorés – l’homosexuel, l’Indien, le pauvre – jusqu’à
construire une puissante proposition esthétique et politique, marquée par la conviction d’une spécificité latino-
américaine, qui permettrait de mettre en question les relations traditionnelles entre l’écriture, le désir et la mémoire.

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Mots-clés :

Lemebel, chronique, sexualité, Chili, marges

Palabras claves :
Lemebel, crónica, sexualidad, Chile, márgenes
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Plan
La crónica y el tema de la homosexualidad
Mirada a lo que ha caído fuera de las narrativas oficiales
Reivindicar la homosexualidad
Crónica contestaria
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Texte intégral
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1Un mínimo arqueo documental muestra que la obra de Pedro Lemebel ha ganado tal popularidad (muy
merecidamente, por demás), pareciera estar tan de moda, a juzgar por la cantidad de artículos, capítulos y libros que
se le han dedicado sobre todo en los últimos cinco años, que muy difícilmente cabría decir algo innovador. Así pues,
lo que sigue no son ni observaciones exhaustivas ni conclusiones, sino apenas impresiones de lectura de un amateur
–de un amante– de la obra de Lemebel.

La crónica y el tema de la homosexualidad


1 Por razones de comodidad y de disponibilidad, todas las citas de esta intervención (números de pági (...)

2En sus conferencias Sexualidades en disputa Daniel Balderston y José Quiroga proponen la idea de que El beso de
la mujer araña de Manuel Puig (1976) y En breve cárcel de Sylvia Molloy (1981) son las dos novelas que marcan
un antes y un después en la representación de la homosexualidad en la literatura hispanoamericana, y que en en esos
puntos de discontinuidad se puede verificar, entre otras cosas, la existencia de una rica tradición de escritura
homoerótica en el continente. Una idea similar, me parece, se puede proponer a partir de la obra de Pedro Lemebel1,
de la cual se diría que cierra un ciclo centenario, circunscribe una época: la que vio nacer en Hispanoamérica, a
finales del siglo XIX y principios del XX, al género híbrido y dislocado que es la crónica contemporánea, y que es el
mismo ámbito discursivo donde aparece por primera vez en público el tema de la homosexualidad.

3Dicho de un modo un poco más provocador pero más simple: se podría proponer una relación de contigüidad, de
consanguinidad, textual y contextual, entre la crónica hispanoamericana moderna y la noción y figura de la
homosexualidad que hoy conocemos, precisamente porque ambas surgieron del mismo zeitgeist, la misma matriz
cultural y discursiva, la modernidad del fin-de-siècle. Tanto en las diatribas contra el afeminamiento en los círculos
oficiales del México post-revolucionario (o como se le conoce en la historia de las polémicas literarias: Estridentistas
contra Contemporáneos); así como en la ansiosa curiosidad que la figura de Oscar Wilde ejerce sobre los jóvenes
modernistas (Martí, Darío, Gómez Carrillo, entre otros) es posible constatar, sin mucho esfuerzo, que el tema y la
imagen de la homosexualidad y el género de la crónica, en su encarnación moderna (¿modernista?) están
íntimamente ligados. Por ejemplo, esta «escena norteamericana» que Martí publica en La Opinión de Caracas en
1882:

Con los primeros días del año llegó a Nueva York, a bordo de uno de esos vapores babilónicos, que
parecen casas reales sobre el mar, un hombre joven y fornido, de elegante apostura, de enérgico rostro,
de abundante cabello castaño, que se escapa de su gorra de piel sobre el Ulster recio que ampara del frío
su robusto cuerpo. Tiene los ojos azules, como dando idea del cielo que ama, y lleva corbata azul, y sin
ver que no está bien en las corbatas el color que está bien en los ojos. Son nuestros tiempos de corbata
negra. Este joven lampiño, cuyo maxilar inferior, en señal de fuerza de voluntad, sobresale
vigorosamente, es Oscar Wilde, el poeta joven de Inglaterra, el burlado y loado apóstol del estetismo
(Martí [1882] 1975: 221).

4Y apenas una semana después, después de asistir –suponemos– a la célebre conferencia de Wilde sobre el
Renacimiento inglés en el arte:

El cabello le cuelga cual el de los caballeros de Elizabeth de Inglaterra, sobre el cuello y los hombros; el
abundoso cabello, panido (sic) por esmerada raya hacia la mitad de la frente. Lleva frac negro, chaleco
de seda blanco, calzón corto y holgado, medias largas de seda negra, y zapatos de hebilla. El cuello de
su camisa es bajo, como el de Byron, sujeto por caudalosa corbata de seda blanca, anudada con
abandono. En la resplandeciente pechera luce un botón de brillantes y del chaleco le cuelga una artística
leopoldina (ibid.: 360).

5Casi huelga decirlo: el «esteticismo» de la «elegante postura», su «enérgico rostro» de joven lampiño; su cuello
bajo «como el de Byron», y sobre todo su «abundante cabello castaño», que «le cuelga cual el de los caballeros de
Elizabeth de Inglaterra, sobre el cuello y los hombros», son eufemismos para la homosexualidad, para Wilde en
tanto homosexual, aunque este término tardara aún un poco más en hacerse moneda corriente en el continente. La
ambigua política de la pose (Molloy, 1998: 141-160) que rigió el fin-de-siècle hispanoamericano, atravesado como
estuvo por las vehementes (y a menudo abiertamente homofóbicas) discusiones en torno al carácter nacional, como
lo ha señalado Sylvia Molloy (1992 : 187-201), se hace patente, como en pocos otros casos, en la ansiosa
fascinación por Wilde, por su larga cabellera, que mostraron los Modernistas, nuestros primeros cronistas
contemporáneos.

6Sin embargo, aunque el mismo momento de transformaciones del ámbito letrado hispanoamericano que hizo
posible, o que precipitó (si seguimos a Julio Ramos en Desencuentros de la Modernidad en América Latina), la
constitución, la autonomización, de la crónica como género literario, coincida con el momento político y discursivo
que vio surgir los primeros debates abiertos en torno a la homosexualidad en el continente, no se puede afirmar tan
sueltamente que se trate de una coincidencia marcada por una voluntad celebratoria o reivindicativa. No es la
relación entre la crónica modernista y la idea de homosexualidad la de dos hermanas amorosas. Al contrario, salvo
en casos muy puntuales como en «A través de la ciudad. El Centro de Dependientes», una crónica encargada a Julián
del Casal de 1889, donde el cubano sentimentaliza, sin declarar, las relaciones de amor entre los hombres en la
Habana de finales del siglo XIX, el Modernismo hispanoamericano no se destacó por una celebración irrestricta del
homoerotismo, aunque éste sea un tema recurrente, un espectro casi omnipresente. Con todo, me parece que el
reconocimiento del parentesco, pocas veces enunciado esquemáticamente, entre crónica moderna y homosexualidad,
ofrece nuevos elementos para repensar tanto las lecturas particulares que hasta ahora se han hecho de cronistas como
Martí y como Lemebel, en uno y otro extremos del siglo XX, y acaso puede hacer más compleja y rica nuestra
indagación general sobre la crónica literaria tal como la conocemos hoy en nuestra América.

Mirada a lo que ha caído fuera de las narrativas


oficiales
7Si las relaciones entre nacionalidad y sexualidad han sido tradicionalmente tensas en nuestro continente, como lo
han sido stricto sensu en todo el mundo, entre nacionalidad y homosexualidad han sido resueltamente problemáticas,
desde las gentiles admoniciones de Bello contra la «melindrosa y femenil ternura» y los «arrebatos eróticos», hasta
llegar a capítulos tan sombríos como los campos de la UMAP (Unidades Militares de Ayuda a la Producción) de la
Cuba post-revolucionaria. A quienes crecimos en Hispanoamérica y ahora nos dedicamos a leer su literatura, nos ha
tocado en suerte aprender que en la historia del continente «el deseo ha significado sobre todo deseo nacional […]»
(Molloy y McKee, 1998: XVII), y en ese état d’esprit, los sexualmente desviados han sido, continúan siendo,
sistemáticamente percibidos como una amenaza para las formaciones e identidades nacionales, ya sean
conservadoras o progresistas. Y cuando además, esas específicas formaciones ideológicas llamadas nacionalismos
han sido presentadas como la única formulación posible de lo nacional (lo que, además, casi siempre ha sido el caso)
la disidencia del raro tiende a contarse entre las primeras víctimas.

8En este orden de ideas, se podría decir que el carácter paradigmático de la obra de Lemebel no radica, pues, ni en
su lenguaje desbordante, camp, neobarroco (como se le ha llamado, emparentándolo con el de otro escritor sureño,
también importantísimo en el desarrollo de una reflexión en torno a la homosexualidad en la literatura
hispanoamericana, Néstor Perlongher); ni en el tono explícito con los que formula el homoerotismo (hemos dicho ya
que existe, en rigor, una larga y rica tradición literaria en América Latina cuyo tema central es precisamente éste); y
ni siquiera en el hecho de que en ella el tema de la homosexualidad aparezca sistemáticamente vinculado con otros
como la política, la cultura popular y los mass media. En Lemebel, el gesto verdaderamente radical (aunque no
estrictamente novedoso) es acaso la forma en que la sensibilidad y la mirada desviada, torcida, incómoda, del deseo
y la identidad homosexuales, encuentra en las posibilidades expresivas de la crónica –género igualmente inestable,
transido de oralidad, profundamente artificioso, polifónico, plagado de tensiones entre distintos registros culturales–
un espacio, un cuerpo, particularmente eficaz para interpelar y complicar (en el sentido de hacer más compleja) la
que ha sido una de las preocupaciones, y acaso la preocupación, más duradera de la historia literaria del continente:
la escritura de la historia y la identidad nacionales: «Cadáveres sobre cadáveres tejen nuestra historia en punto cruz –
escribe en la crónica que le da título a su segundo libro (Loco afán)– Un cordón de costras borda el estandarte de
raso revenido en aureolas de humos que desordenaron las letras» (Lemebel, 1996: 166).

9Lo que sistemáticamente ha caído fuera de la ley, y por eso de la escritura oficial de la historia, es el material
sensible, la materia prima de las crónicas de Lemebel –los olvidados sociales y sexuales: el indio, el pobre, el
homosexual–, y la enunciación de las pérdidas, los desechos de la historia (moderna), presentes y pasados, la energía
que sostiene su escritura y la enfrenta permanentemente a las narrativas (y poéticas) integradoras con que suelen
decirse todos los nacionalismos. Y más específicamente en la conexión deseo-historia, en las crónicas de Lemebel
(pero también en sus performances), es precisamente la posición dislocada del erotismo del maricón, del travesti, del
homosexual sidoso, lo que posibilita el reconocimiento, la puesta en evidencia, y por tanto la crítica frontal del
carácter artificioso y excluyente de las narrativas oficiales de construcción de la conciencia nacional originaria, así
como de la retórica reformista de los proyectos de (re)fundación nacional.

La obsesión de Lemebel por la perspectiva oblicua –explica Francine Masiello en The Art of
Transition– por la visión que se extiende desde el margen hasta cubrir los radicales eventos de la
política chilena en los tiempos de la transición a la democracia, son una parte integral de su proyecto
escritural, esenciales a la crónica como forma. Un género híbrido que endosa la naturaleza híbrida de la
ciudad, para expresar el carácter permeable del intercambio cultural que prevalece a pesar de los
regímenes neoliberales, las crónicas de Lemebel permiten atravesar un campo de fuerza de artefactos
culturales extraídos de los Estados Unidos y de Europa, de la política y los mass media, para forjar una
colcha de retazos, global y alternativa, para cubrir el mapa Norte/Sur (Masiello, 2001: 193).

Reivindicar la homosexualidad
10Si de diferentes maneras la crónica del siglo XIX fue el espacio que identificó y denunció las exclusiones en los
procesos de modernización (verbigracia Martí), la crónica de Lemebel se re-apropia de esta voluntad reivindicatoria
y repliega el género (literario y sexual) para hacerlos nombrar espacios propios de lo diferente. Es decir: la posición
política de Lemebel está muy lejos de ser la del liberal progresista y pacificador, defensor de los derechos de las
minorías, tal como lo entienden los movimientos a lo civil rights. Su denuncia de la exclusión, del silenciamiento, de
los «cadáveres sobre cadáveres» de las minorías del deseo y del género (los homosexuales y travestis pobres) va
dirigida por igual contra las fracciones declaradamente reaccionarias así como a las que se proclaman defensoras
progresistas de los explotados, es decir, la izquierda humanista tradicional:

Después de tanta impunidad, esta propuesta se archiva en los kárdex de Televisión Nacional como
propaganda para dar una cara democrática, pero demacrada por la pose colisa […]. Pareciera que los
homosexuales estuvieran obligados a posar en la vitrina de la compasión pública […] Como si los
homosexuales necesitaran de estas piadosas acogidas para ejercer el derecho a la propiedad del cuerpo
(Lemebel, «La insoportable levedad, 2013a: 172).

11En uno de sus textos iniciales, incluso anterior a la mayoría de sus crónicas, «Manifiesto» de 1986, leído
precisamente como intervención (esta palabra es clave en lo que pretende la obra de Lemebel, intervenir), la
posición de desacomodo, de rechazo, con respecto a la idea de consenso (léase borrado de diferencias), se articula
con elocuencia insuperable, y se dirige explícitamente contra el bando político que en el contexto de la
democratización se asumía como progresista, como tolerante:

Me apesta la injusticia
Y sospecho de esta cueca democrática
Pero no me hable del proletariado
Porque ser pobre y maricón es peor […]
Porque la dictadura pasa
Y viene la democracia
Y atrasito el socialismo
¿Y entonces?
¿qué harán con nosotros compañeros
¿Nos amarrarán de las trenzas en fardos con destino a un sicario cubano? […]
¿El futuro será en blanco y negro?
¿No habrá un maricón en alguna esquina desequilibrando el futuro de su hombre nuevo?
¿Van a dejarnos bordar de pájaros las banderas de la patria libre? […]
¿Tiene miedo de que se homosexualice la vida? […]

Yo no pongo la otra mejilla


Pongo el culo compañero
Y esa es mi venganza […]
Por eso a este tren no me subo
Sin saber a donde va
Yo no voy a cambiar por el marxismo
que me rechazó tantas veces […]
No voy a cambiar solamente
Porque los pobres y los ricos
A otro perro con ese hueso
Tampoco porque el capitalismo es injusto
En Nueva York los maricas se besan en la calle […]
Y no es por mí
Yo estoy viejo
Y su utopía es para las generaciones futuras
Hay tantos niños que van a nacer
Con una alita rota
Y yo quiero que vuelen compañero
Que su revolución
Les dé un pedazo de cielo rojo
Para que puedan volar.
(«Manifiesto. Hablo por mi Diferencia», 2013: 35)

12La interpelación que despliega la serie de preguntas retóricas, cuyo destinatario es, huelga decirlo, el hombre
heterosexual de la izquierda –el hombre nuevo, el intelectual orgánico–, se cifra en el lenguaje clásico de lucha de
clases, porque asume que es el único código inteligible para la izquierda del momento, sin embargo complica el
cuestionamiento al introducir el elemento de la sexualidad («ser pobre y maricón es peor») precisamente porque para
Lemebel este es el elemento dejado de lado, negado, por la gran parte los actores políticos, es decir de todas las
historias oficiales. Su apóstrofe no anula las jerarquías sociales, sino que utiliza un lenguaje sentimentalista
(usualmente despreciado en la discusión política) para sumar puntos de tensión y conflicto.

13No hay que olvidar, como lo explica Gonzalo Oyola (2014), que es precisamente en el contexto de la
domesticación de las diferencias, apuntalado por los promotores de la reconciliación post-Pinochet, que Lemebel
irrumpe en la escena, proponiendo una estética y una escritura que inviste de potencia simbólica los residuos, los
márgenes, las omisiones de los discurso del consenso, al re-inscribirlos en una superficie donde se hace posible la
expansión de sus densidades semánticas. La intervención de Lemebel se encuadra, en eso que Nelly Richard
describió como «nueva izquierda», es decir un espacio intelectual y estético que promueve prácticas en las que el
cuerpo desnudo –«pongo el culo compañero»– se expone, se ofrece como testimonio y como arma contra los
atropellos de la dictadura, incluida la dictadura del heterosexismo, del machismo; sin embargo, es con la fuerza y
resolución una posición que despliega una voluntad resueltamente «anti izquierda», al oponer una pluralidad de
voces y personajes (marginales, sí, pero sobre todo plurales) al unidireccional discurso del humanismo progresista
ortodoxo. Una izquierda-anti-izquierda, se diría, que se empeña tanto en dar voz a una serie de voces silenciadas,
como a erguirse contra la ortodoxia militante que quiere reducir al arte a un testimonio social contingente y unívoco.

Crónica contestaria
14Sobre Lemebel escribió Carlos Monsiváis, que sin duda sabía mucho de crónicas y de movilizaciones ciudadanas
contestatarias: «Lemebel es gay, y no consigue ni quiere disimularlo»; sin embargo es imposible no subrayar la
incomodidad que, tomada descriptivamente, esta etiqueta le produce al chileno. Así como las crónicas de Lemebel
son un escenario donde se despliegan cuerpos desaparecidos, borrados de la historia, también en ellas se articula una
feroz crítica contra el blanqueamiento, la domesticación, que pretenden las versiones neoliberales de la
homosexualidad, eso que en el terreno de la discusión política de los Estados Unidos y Europa suele llamarse las
«políticas de la identidad» GLBT (Gay, Lesbian, Bisexuela, Transexual).

15Para Lemebel no hay emancipación posible en lo gay, precisamente porque la homogeneización y domesticación
de las diferencias que avanza su estrategia reformista («demasiado lineal para nuestra loca geografía, demasiado
rubia y musculatura dorada»), se ejerce según la lógica del mercado neoliberal de identidades, el cual «se suma al
poder, no lo confronta, no lo transgrede» privilegiando desde luego una versión blanqueada y acomodada
económicamente de la disidencia –en nada distinta de la «izquierda dorada [que] forma un clan de ex-alumnos, que
se pavonea de sus logros sociales y económicos en los eventos de la cursilería» (Lemebel, «El exilio Fru-Fru»,
2013b: 137).

16De esto precisamente que el personaje verdaderamente transgresor y políticamente disruptivo en las crónicas de
Lemebel sea el travesti, la loca, la vestida, «La María Camaleón de los mil nombres», y no el homosexual clase
media que reclama el derecho al matrimonio y la reproducción asistida, el cual aunque se pretenda y exhiba como
símbolo de la «diferencia» apenas vehícula(ría) la corrección política de todo consenso. Sexualidad otra, sí, pero
sexualidad domesticada, política cómplice:

Lo gay acuña su emancipación a la sombra del «capitalismo victorioso». Apenas respira en la horca de
su corbata, pero asiente y acomoda su trasero lacio en los espacios coquetos que le acomoda el sistema.
Un circuito hipócrita que se desclasa para configurar otra órbita más en torno al poder. Quizá América
Latina, trasvestida de traspasos, reconquistas y parches culturales (que por superposición de injertos
sepulta la luna morena de su identidad), aflore en un mariconaje guerrero que se enmarcara en la
cosmética tribal de su periferia. Una militancia corpórea que enfatiza desde el borde de la voz un
discurso propio y fragmentado, cuyo nivel más desprotegidos por su falta de retórica y orfandad política
sea el travestismo homosexual que se acumula lumpen en los pliegues más oscuros de las capitales
latinoamericanas […] Quizá este sea el momento en el que el punto corrido de la modernidad sea la falla
o el flanco que dejan los grandes discursos para avizorar a través de su tejido roto una vigencia
suramericana en la condición homosexual revertida del vasallaje («Loco afán», en Lemebel, 1996: 167).

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Bibliographie
Balderston, Daniel, y Quiroga, José, 2005 Sexualidades en disputa. Homosexualidades, literatura y medios de
comunicación en América latina, Buenos Aires, Universidad de Buenos Aires/Los libros del Rojas.

Del Casal, Julián, [1889] 1963, «A través de la ciudad. El Centro Dependiente», en Prosas, La Habana, Consejo
Nacional de la Cultura.

Lemebel, Pedro, 1993, «La insoportable levedad del gay», en revista Página abierta, Madrid, n° 84, 29 de marzo -
11 de abril. Id., en Lemebel, 2013, p. 237-245.

—, 1996, Loco afán. Crónicas de sidario, Santiago de Chile, LOM Ediciones.

—, 2013a, Háblame de amores, Santiago de Chile, Seix Barral.

—, 2013b, Poco hombre. Crónicas escogidas, Santiago de Chile, Ediciones Universidad Diego Portales.

MartÍ, José, 1975, Escenas Norteamericanas, en Obras completas (vol. 15: «Crítica y arte»), La Habana, Editorial
de Ciencias Sociales, p. 250-252.

Masiello, Francine, 2001, The Art of Transition. Latin American Culture and Neoliberal Crisis, Durham y Londres,
Duke University Press.
Molloy, Sylvia, 1998, «The Politics of Posing», en Hispanisms and Homosexualities, Durham y Londres, Duke
University Press, p. 141-160.

—, 1992, «Too Wilde for Comfort: Desire and Ideology in Fin-de-Siècle Spanish», en Social Text, Durham (North
Carolina), Duke University Press, n° 31-32, p 187-201.

—, y McKee, Irwin, 1998, Hispanisms and Homosexualites, Durham y Londres, Duke University Press.
Introducción, p. 3-18.

Oyola, Gonzalo, 2014, «Agarrar el caño desinflado en la eyaculada guerra. Notas sobre la crónica de Pedro Lemebel
en los noventa», en Revista Iberoamericana, Pittsburgh, Pittsbugh University Press, vol. LXXX, n° 247, p. 433-468.

Ramos, Julio, 2009, Desencuentros de la modernidad en América Latina. Literatura y política en el siglo XIX,
Caracas, Fundación Editorial El perro y la rana.

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Notes
1 Por razones de comodidad y de disponibilidad, todas las citas de esta intervención (números de páginas, etc.) se
apoyan en la edición de crónicas escogidas Poco hombre de 2013, la cual, hay que anotar, no respeta un criterio
cronológico ni incluye toda la obra publicada de Lemebel.

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Víctor Galarraga-Oropeza, « Dislocaciones. Crónica, memoria y homosexualidad », América [En ligne],


49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1718 ; DOI : 10.4000/america.1718

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Cette revue sur les champs culturels en Amérique Latine (Littérature et civilisation) publie les
résultats inédits des travaux de recherche de l’EA 2052 : numéros thématiques consacrés à des
questions spécifiques.

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
III. Polymorphies : ville et chronique

Caracas muerde, de Héctor Torres: la crónica como


grito
Caracas muerde, de Héctor Torres : la chronique comme cri
Cristina Raffalli
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Treinta crónicas de la violencia cotidiana constituyen un fresco de la capital venezolana de estos primeros años del
siglo XXI. En una de las urbes más violentas del mundo los modos de relación social están condicionados por el
miedo, la desconfianza y los sentimientos de frustración. El cronista reconstruye eventos que no trascendieron los
espacios de la intimidad, y su escritura los convierte en la caja de resonancia de una ciudad entera.

Trente chroniques de la violence quotidienne constituent une fresque de la capitale vénézuélienne de ces premières
années du xxie siècle. Dans une des villes les plus violentes du monde, les modes de relations sociales sont
conditionnés par la peur, la méfiance et les sentiments de frustration. Le chroniqueur récupère des événements qui
n’ont pas dépassé les espaces de l’intimité, l’écriture devient la caisse de résonance d’une ville entière.

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Caracas, chronique, ville, violence, peur

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Caracas, crónica, violencia, urbe, miedo


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Crónica venezolana sobre la violencia
Flexibilidad del relato, tensiones convertidas en palabra
Recursos narrativos
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1 A excepción del dato proveniente del Consejo Ciudadano para la Seguridad Pública, Justicia y Paz de (...)

1Caracas muerde, de Héctor Torres (Caracas, 1968), es un título que reúne treinta crónicas articuladas por el
patrimonio común de la violencia. Los eventos reconstruidos por el autor tuvieron lugar en el país donde ocurre un
homicidio cada veintidós minutos y donde sólo ocho de cada cien crímenes llegan a ser castigados1.

2 Esta organización no gubernamental revisa desde 2008 los índices de violencia en las principales ur (...)
3 En San Pedro Sula se registró un total de 1.411 homicidios en 2013, para una población de 753.999 h (...)

2Un informe del Consejo Ciudadano para la Seguridad Pública, Justicia y Paz de México2 reveló, en enero del
presente año, que Caracas es la segunda urbe más violenta del planeta. El primer lugar lo ocupa la ciudad hondureña
de San Pedro Sula, donde ocurrieron menos crímenes por año que en Caracas, pero apuntan una mayor incidencia en
razón de la cifra de su población total3. El Observatorio Venezolano de la Violencia en su informe de diciembre de
2013, estima que las muertes violentas representan en Venezuela el 12 % de la mortalidad general, es decir, de cada
cien habitantes fallecidos en 2013 por todas las causas posibles, doce murieron asesinados.

Crónica venezolana sobre la violencia


4 Como los que en la última década han publicado Eduardo Sánchez Rugeles, María Isoliett Iglesias, Le (...)

3La crónica, desde su hibridez, es el género que recupera este acontecer y evalúa su impacto en la vida de los
ciudadanos. Periodistas y escritores confluyen en la vastedad del género, bien desde las páginas de los diarios y
revistas o desde libros de crónicas4, más presentes en los catálogos de las editoriales durante los primeros años de
este siglo que en cualquier otra época. Revistas digitales como Marcapasos (dedicada a la publicación de crónicas) o
Prodavinci, son amplias en espacios para este género. La Sociedad de Amigos de la Cultura Urbana ha mantenido
durante catorce años su muy prestigioso «Concurso anual transgenérico», al que han acudido muchos de los mejores
ejemplos de aquello que Juan Villoro ha llamado «el ornitorrinco de la prosa». La Fundación Bigott ha realizado
todos los años desde 2006 un seminario de periodismo narrativo y de investigación, por el cual han pasado más de
doscientos profesionales de la comunicación escrita y que ha legado un libro por cada edición. En Nuevos cronistas
de Indias, espacio internacional de referencia para la crónica escrita en español, Venezuela es narrada por varios de
sus periodistas: Milagros Socorro, Sergio Dahbar, Albinson Linares, Boris Muñoz, Liza López, Sandra Lafuente y
Maye Primera.

4¿Qué nos dice la crónica sobre la razón de ser de la violencia? Si buscáramos en Caracas muerde (2012) alguna
respuesta a esta pregunta, encontraríamos una que se alinea con los planteamientos ya propuestos por Susana Rotker
en Ciudadanías del miedo (2000): la violencia es el recurso (aberrado, enfermo pero efectivo) mediante el cual se
anulan los espacios de diferenciación. Frente a ella, todos experimentamos por igual el sentimiento del atropello, de
la injusticia, del abuso de poder. El sociólogo Alejandro Moreno, en su exhaustivo estudio de la criminalidad
caraqueña titulado Y salimos a matar gente (2007) llega, entre otras conclusiones, a la afirmación de que en la
capital de Venezuela el robo, el secuestro y el homicidio no son motivados por la necesidad material. La violencia
no es hija de la pobreza, se aloja en todos los sectores socioeconómicos y sus progenitores son la impunidad y el
apetito de poder. Los jóvenes que comienzan desde muy temprano a cometer asesinatos buscan en sus primeros
crímenes su afirmación ante el colectivo, su respetabilidad, según consta en los testimonios metódicamente
recogidos y analizados por Alejandro Moreno. Cabe entonces preguntarse en qué medida la eterna postergación del
protagonismo ciudadano y de la inclusión, ha sembrado en el colectivo el impulso de satisfacer, por cualquiera de los
medios que tenga a su alcance, la gastada promesa igualitaria.

5Las crónicas de Héctor Torres no se refieren únicamente a la delincuencia común ni al abuso policial, sino a las
múltiples formas que día a día adquiere la violencia, muchas de las cuales ni siquiera son delito, como la
indiferencia, la burla o el abandono. Su libro registra, precisamente, el igualitarismo oscuro que ha impuesto la
violencia, compensación ante la desprotección institucional y alternativa de manejo de una frustración social cuyo
crecimiento pasó de ser sostenido en la segunda mitad del siglo veinte, a ser exponencial en los años transcurridos
del siglo veintiuno.

5 Guerra nuestra, de José Roberto Duque (Caracas, editorial Memorias de Altagracia, 2007), es anterio (...)

6Caracas muerde es el primer título de un autor venezolano que reúne crónicas exclusivamente centradas en el tema
de la violencia cotidiana5. «Se ha mantenido, mes a mes y desde hace más de un año, como el libro más vendido del
sello Punto cero», según asegura Ricardo Ramírez Requena, Coordinador de Mercadeo del Grupo Alfa (Raffalli,
entrevista personal, 8 de septiembre 2014). La misma editorial acaba de presentar Objetos no declarados (2014), un
libro que reúne 35 nuevas crónicas de Héctor Torres, quien ha publicado, además, dos libros de relatos (El amor en
tres platos, 2007, y El regalo de Pandora, 2011) y una novela, La huella del bisonte (2008).

7Las historias narradas en este libro, los incidentes, tropiezos, sobresaltos o verdaderas desgracias que relata, nunca
llegaron a ser noticia y acaso muchos de estos eventos fueron olvidados al día siguiente por quien los vivió, o
murieron ahogados en la estridencia de Caracas. En el prólogo al libro Mejor que ficción, Jorge Carrión ha dicho:
«Las ciudades, los países, los viajes, el pasado, las guerras pueden ser narrados mediante el retrato de lo mínimo, de
lo cotidiano»(Carrión, 2012: 28). A través de la exploración minuciosa de sus rutas más inadvertidas y de los seres
más miméticos de la urbe, el autor entrega un paisaje vasto, exacto y desolador: esos eventos que no trascendieron
los espacios de la intimidad, son la caja de resonancia de una ciudad entera. Una Caracas donde todos los habitantes
están emparentados por el miedo y van legando una sombría descendencia: la desconfianza, el odio, la impotencia.
Ese «retrato de lo mínimo» del que habla Carrión, la pequeña historia que renace en estas páginas, desnuda las
deformidades de una ciudad que ruge, que apesta a pólvora, a sangre y a basura, y que deslumbra de tanto verde y de
tanto cielo abierto:

Juan Ernesto vio (descubrió) calles oscuras, infinitos recovecos invariablemente sucios, sexo escondido
y sexo forzado, algo detrás de un árbol que no se ve bien pero que asusta, montañas de basura, un
borracho en el piso pidiendo auxilio, medio perrocaliente en un pipote, unas ratas robustas comiéndose
vivo a un cachorrito de gato, una cartera vacía tirada en la cuneta, caras tensas que evaden
proximidades, los escondites que guardan los tesoros robados a los transeúntes, dedos que amenazan,
patadas sobre la cara, un palo haciendo swing, tipos de azul acerándose con caras de risas torvas, tipos
llamando detrás de un rincón con caras ávidas, un tambor retumbando en los oídos queriendo decir «no
vayas», manos hurgando entre bolsillos, batidas a puñal que no siempre se ganaron… Y los curiosos
dibujos que hace la sangre sobre la acera (Torres, 2012: 102).

La Muerte es de los pocos servicios a tiempo completo que tiene este valle que, visto con la suficiente
distancia, engaña cruelmente con su belleza.
De lejos, generalmente fresco y cubierto de verdes y azules que conmueven. De cerca, desde adentro,
desde la pegajosa mancha de la acera y la oscuridad del poste apagado, es el decorado de historias que
tatuarán en el alma del no iniciado una indeleble certeza: mejor es no asomarse (ibid.: 75).

8Las crónicas de Caracas muerde practican un franco desapego al rigor periodístico y no dan lugar a ningún
ejercicio investigativo. En ninguna de ellas el lector hallará respuestas a las cinco preguntas básicas del oficio
informativo. Y es sobre la base de esta renuncia, que Héctor Torres propone otra manera de revelar su ciudad y su
tiempo: en el lugar que la información objetiva dejó vacío, se expande el lenguaje hasta coparlo todo. Donde
esperaríamos encontrar un nombre, una cifra o una coordenada, el escritor ha puesto un rostro, ha narrado una
costumbre o ha descrito el paisaje que observa desde su ventana. Es así que, aunque sus crónicas no hayan sido
escritas para dar a conocer la historia que no se había contado, ni para reconducir desde otra perspectiva la
comprensión de algún evento, ellas contienen los sabores, las atmósferas, temperaturas y vibraciones de la ciudad y
su tiempo. Su lectura es una experiencia de inmersión en Caracas.
Flexibilidad del relato, tensiones convertidas en
palabra
9La flexibilidad propia del género permite alterar las proporciones entre información y elaboración subjetiva, sin que
por ello se pierda el sentido de la realidad. Susana Rotker, en La invención de la crónica, describe una operación
similar:

La crónica, como el periodismo, no inventa los hechos que relata. Su manera de reproducir la realidad es
otra; los textos enviados por Martí como corresponsal desde Nueva York no se adhieren a una
representación mimética y esto no significa que su subjetividad traicione el referente real, sino que se le
acerca de otro modo, para redescubrirlo en su esencia y no en la gastada confianza de la exterioridad
(Rotker, 2005: 226).

10La esencia del referente real que redescubren las crónicas de Héctor Torres toma la forma de una propuesta moral
a la que el autor se atreve. Habitado por Caracas, el cronista se detiene en el punto medio de una encrucijada: un
camino promete, a contracorriente, la restauración del patrimonio que alguna vez nos hizo solidarios, compasivos y
vitales; el otro asegura una meta rápida, casi inmediata, donde la violencia decide quiénes somos y cómo nos
relacionamos. En el punto crítico de encuentro entre ambas opciones, nace la escritura de esta realidad que vamos
siendo, sus tensiones convertidas en palabra.

11Desde su título, el libro prefigura un personaje que monopoliza la acción: Caracas muerde, hiere, acecha. Ella es
la única que tiene nombre y rostro. Sus habitantes son, apenas, circunstancias, objetos casuales de su asedio
indiscriminado. Sin rostro, sin historia, sin poder ni posibilidad de actuar ante la desgracia. Anónimos, como su
ciudadanía desprotegida por las instituciones, amordazada por el miedo, disecada por la censura, anestesiada por la
desesperanza. Caracas muerde propone la representación de un anonimato que precede a la escritura y que es el
resultado de la indefensión ante la violencia: todos somos aquél y como aquél, todos podemos ser nadie.

12La complicidad del poder ante la autoridad del miedo, deja de expresarse en su habitual silencio. El texto la
convierte en rumor de fondo, el ruido abstracto y perturbador de lo que no se dice:

Devolviendo las cosas de playa del bolso a sus gavetas, la viuda planeará mudarse de esa zona. No
soportará la idea de caminar por esas calles sin saber si se tropieza a diario con el que acabó con la vida
de su marido. Su cuñado, alimentando una rabia que no lo dejó llorar, planeará minuciosamente lo que
hará con los asesinos en cuanto dé con ellos (Torres, 2012: 78).

13A fin de elaborar una representación de la ciudad, el escritor hace una operación completamente opuesta a la que
haría un reportero que necesita infiltrarse para vencer las barreras que restringen el acceso a determinado hecho,
personaje u organización. Para decir Caracas y que Caracas se escuche en la escritura, el autor opta por redescubrirla
lejos de su centro, mediante la abstracción, llegando a veces hasta el confinamiento, un punto de vista natural en el
caso de Caracas, ciudad que ha perdido los espacios públicos pues han sido confiscados por la violencia, ciudad
cuyos espacios de socialización son ahora espacios de confinamiento. Es así que no hay confrontación directa con
las acciones que se narran, como tampoco la hay con sus actantes. Como si la estridencia de Caracas impidiese
escribirla desde adentro, el autor elige mirar la ciudad, sus eventos y a sus seres desde una distancia salvadora:

Llovió duro y con frío durante las tres noches siguientes. Antes de las nueve, las calles ya se quedaban
desiertas. A las diez, en los apartamentos cercanos, la gente se preparaba para dormir, se amaba
rabiosamente, veía televisión, peleaba, se amenazaba con un amor eterno o con una ruptura
irreconciliable, y hasta le hablaba a la soledad de las paredes. Todos al abrigo de esa lluvia helada (ibid.:
91).

14Fiel a ese confinamiento, la mirada observadora del autor cruza con igual propiedad tanto los referentes reales
como los espacios de la imaginación. Esta posibilidad del género es advertida por Susana Rotker en su ensayo
Crónica y cultura urbana: Caracas, la última década, cuando reconoce en la crónica «una escritura del afuera que
encastra el lugar del otro en mi lenguaje, dentro de mi espacio imaginario» (1993, en línea). Abundan, así, las
situaciones en que ambas posibilidades, percepción y fabulación, cooperan gestándose mutuamente en pos del relato:
La gente camina en pasillos y andenes y sabe sin alcanzar a ver, que «algo» anuncia ese aire enrarecido.
Otean en todas direcciones, confundidos y preocupados, apurando el paso, como los perros cuando
perciben esas «presencias» que deambulan en dimensiones paralelas en la oscuridad de nuestras casas
(ibid.: 41-42).

A Amelia no le importan los malandros del bloque ni el fantasma de Alberto ni la política. Le da igual
que los vagos de siempre ahora digan que esa es una «comunidad socialista». Como miles de sus
vecinos, sólo sabe que su día comienza a las cinco de la mañana (ibid.: 158).

Recursos narrativos
15Las crónicas de Caracas muerde tienen la estructura y el planteamiento dramático propios de la narrativa, en
ocasiones con un sentido de la intriga muy desarrollado. En «Presentimientos», dos niñas que pasan todas las tardes
solas en casa y con instrucciones de no abrir la puerta a nadie, oyen las voces y los ruidos de tres hombres que
intentan forzar la cerradura para entrar al apartamento. La madre recibe mensajes de sus hijas sin poder acudir en lo
inmediato, mientras recorre, de la oficina al hogar, un trayecto que se hace interminable. O en la crónica que lleva
por título «¿Cómo se les llama a los que nacen en Chivacoa?», donde una chica que baila con un desconocido en un
bar, va solapando los efectos de la abundante cerveza con la sospecha de que el hombre trama algo. En cuanto a su
tratamiento del tiempo, el autor puede reconstruir la lentitud con la que transcurre cada segundo desde el terror de la
víctima, o reproducir un relámpago que condensa la emocionalidad de toda una vida. En «El estelar segundo
veintiuno», Héctor Torres demuestra una particular destreza en la escenificación del tiempo desde una multiplicidad
de personajes que confluyen en un mismo evento y cuyas reacciones aceleran, enlentecen o congelan la percepción,
para luego converger en una súbita resolución narrativa.

16La transcripción del diálogo directo es escasa en este libro e inexistente entre el narrador y sus personajes. No
obstante, todos los textos están atravesados por la voz del otro, sus circunstancias, miedos y sospechas: «Le
preocupa llegar a la oficina sin los doce mil bolívares que le mandaron a sacar. Y sin un tiro en la pierna, que es lo
peor. Piensa en esto último y le parece tan sospechoso, que hasta él mismo duda de su inocencia» (ibid.: 29).

17Juan Villoro estima la crónica como la restitución de una palabra perdida: «La voz del cronista es una voz
delegada, producto de una “desubjetivación”: alguien perdió el habla o alguien la presta para que él diga en forma
vicaria» (Villoro, 2006, en línea). Caracas muerde nos hace pensar que es precisamente la ciudad la que ha perdido
el habla, como ha perdido muchas otras facultades propias de lo humano. El cronista es la voz restituida de una
ciudad que dejó de hablar para gruñir, para aullar y gemir. El autor, aquí, es su ventrílocuo: anima a una Caracas sin
aliento e intoxicada. La voz del cronista es la de millones de ciudadanos mordidos por Caracas, que silenciosamente
y con el perfil más bajo posible, persisten en su intento de preservar la vida. Ante Caracas y desde sus seres, el relato
intenta recordarnos que existe una posibilidad de seguir siendo sensibles y constructivos:

El taxista, un viejo fuerte y sesentón de guayabera y gorra, se bajó del carro y cruzó de prisa la calle,
pensando cuál sería el hospital más cercano. Menos aturdida y más atemorizada, Andrea pudo sentir el
grito de cada uno de sus huesos. El taxista la cargó mientras le decía a Mariela que en diez minutos
estarían en un hospital. Andrea nunca había cruzado el laberinto desde el aire. El taxista no cobró la
carrera (Torres, 2012: 73).

18Si del cronista el lector suele obtener la comprensión de cierta realidad, la crónica de la violencia aquí es absorta.
Una perplejidad congela el verbo y con él, la posibilidad de juicio. Ya lo ha dicho Susana Rotker en Ciudadanías del
miedo: la violencia produce crisis de significados. Estos relatos no conducen a salida alguna, ni se celebra en ellos
ningún ordenamiento de la realidad. Son historias que se dejan narrar desde una actitud contemplativa: la violencia
ha sido «tragada» por el texto en su estado más puro.

19En «Un guionista al que se le secaron las ideas», un barrendero silencioso, invisible en la madrugada caraqueña,
observa cómo dos policías extorsionan a tres jóvenes incautos, una escena muchas veces vista por este observador
taciturno que transparenta la antigua conciencia ciudadana. ¿Qué urbe vive en este barrendero? ¿De qué imaginario
participa? ¿Cuáles son sus causas, sus desvelos, sus apetitos? Nada sabemos ni sabremos de él. Solo está presente en
esa crónica para hacernos sospechar que en una ciudad poseída por el desenfreno, el confinamiento puede ser una
situación menos repulsiva que la de aquellos que participan de la historia, mordiendo o siendo mordidos por la
ciudad. Pareciera que de Caracas solo se salva el que la ve, como él, desde la orilla del olvido.
20En las páginas de Caracas muerde vive la ciudad de la que han emigrado cientos de miles de personas en los
últimos quince años. En sus páginas la seguiremos escuchando cuando el tiempo pase, y ojalá sea sólo en la escritura
donde siga existiendo esa Caracas feroz.

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Bibliographie
CarriÓn, Jorge, 2012, Mejor que ficción, Barcelona, Anagrama.

Moreno, Alejandro, 2007, Y salimos a matar gente, Maracaibo, Universidad del Zulia, Ediciones del Vice Rectorado
Académico.

RotKer, Susana, 1993, «Crónica y cultura urbana: Caracas, la última década» en Inti (Revista de literatura
hispánica), n° 37, http://digitalcommons.providence.edu/inti/vol1/iss37/27/ (consulta 5 de julio de 2016).

—, 2005, La invención de la crónica, México, Fondo de Cultura Económica.

RotKer, Susana, Goldman, Katherine, 2000, Ciudadanías del miedo, Caracas, Editorial Nueva Sociedad.

Torres, Héctor, 2007, El amor en tres platos, Caracas, Equinoccio.

—, 2008, La huella del bisonte, novela, Bogotá-Caracas, Norma.

—, 2011, El regalo de Pandora, Caracas, FD Libros.

—, 2012, Caracas muerde, Caracas, Punto cero.

—, 2014, Objetos no declarados, Caracas, Punto Cero.

Villoro, Juan, 2006, «La crónica, ornitorrinco de la prosa», en Safari accidental, México, Editorial Joaquín Mortiz,
p. 9-19. Id., Suplemento cultural de La Nación, Buenos Aires, 22/01/2006, www.lanacion.com.ar/773985-la-cronica-
ornitorrinco-de-la-prosa (consulta 5 de julio de 2016).

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Notes
1 A excepción del dato proveniente del Consejo Ciudadano para la Seguridad Pública, Justicia y Paz de México,
todas las cifras relacionadas con la criminalidad en Venezuela han sido tomadas del informe anual (2013) del
Observatorio Venezolano de la Violencia, organización no gubernamental de referencia en Venezuela, conformada
por investigadores de siete universidades nacionales, a cuyo frente se encuentra Roberto Briceño León, de la
Universidad Central de Venezuela, quien también ha sido profesor en la Universidad Paris 3 Sorbonne Nouvelle e
investigador asociado del Saint Anthony’s College de la Universidad de Oxford.

2 Esta organización no gubernamental revisa desde 2008 los índices de violencia en las principales urbes del mundo.
Para ello toma en cuenta las cifras oficiales de homicidios en aquellas que tengan, por lo menos, 300.000 habitantes.

3 En San Pedro Sula se registró un total de 1.411 homicidios en 2013, para una población de 753.999 habitantes, lo
que arroja una tasa de 187,14 homicidios por cada 100.000 habitantes. En Caracas se reportó un total de 4.364
homicidios en 2013 en una población de 3.247.971 habitantes, lo que indica una tasa de 134,36 homicidios por cada
100.000 habitantes.

4 Como los que en la última década han publicado Eduardo Sánchez Rugeles, María Isoliett Iglesias, Leonardo
Padrón, Sergio Dahbar, Rafael Osío Cabrices, José Roberto Duque, Sebastián de la Nuez, Salvador Fleján, Cheo
Carvajal y Juancho Pinto, entre otros.
5 Guerra nuestra, de José Roberto Duque (Caracas, editorial Memorias de Altagracia, 2007), es anterior a Caracas
muerde pero se trata de una recopilación centrada exclusivamente en hechos de violencia policial.

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Cristina Raffalli, « Caracas muerde, de Héctor Torres: la crónica como grito », América [En ligne], 49 | 2016, mis
en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1722 ;
DOI : 10.4000/america.1722

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
IV. De la nécessité d’un genre au XXIe siècle

Nuevos cronistas de Indias o nuevos «indios» de la


crónica
Les nouveaux chroniqueurs des Indes, ou les nouveaux « Indiens » de la chronique
Carlos Mario Correa Soto
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

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La crónica latinoamericana actual es el reportaje narrado con imaginación y creatividad en el estilo por los
denominados «Nuevos Cronistas de Indias»: una escritura mestiza –el ornitorrinco de la prosa como la llama el
mexicano Juan Villoro– en la que la voluntad de sus autores por lograr una forma de literatura puede llegar incluso a
predominar sobre las obligaciones informativas propias de los relatos periodísticos. La crónica, de antigua estirpe,
tiene el don de siempre parecer recién inventada toda vez que intenta explorar al máximo las técnicas de escritura y
todos los recursos para describir situaciones, asuntos, objetos y personas, haciendo que el mundo sea siempre nuevo
cada vez que un cronista lo observa, escucha, evoca, reconstruye, interpreta y narra. Este artículo describe las
apuestas por la crónica que hacen algunos de estos autores latinoamericanos –entre ellos quienes más bien prefieren
decir que son los «nuevos indios de la crónica»– a partir de la lectura y el análisis de sus piezas cronísticas y de las
reflexiones acerca de su oficio, publicadas en español en lo que va corrido del siglo XXI por un grupo de revistas y
de libros, bien sean de carácter individual o antológico. Y muestra sus temas recurrentes: crimen, narcotráfico,
marginación, prostitución, pandillas, música, fútbol, migraciones forzadas, vida urbana, deportes extremos,
extravagancia y monstruosidad; es decir, los esplendores y las miserias de cada día1.

La chronique latino-américaine actuelle est reportage, récit doté d’imagination et d’un style créatif par ceux qu’on
appelle les « nouveaux chroniqueurs des Indes » : une écriture métisse – l’ornithorynque de la presse, comme
l’appelle Juan Villoro – où la volonté des auteurs de trouver une autre forme de littérature peut l’emporter sur
l’obligation d’information propre à l’écriture journalistique. La chronique, si loin que remonte son origine, a le don
de paraître toujours récemment inventée, puisqu’elle s’efforce d’exploiter au maximum les techniques d’écriture et
toutes les ressources permettant de décrire situations, sujets, objets et personnes, faisant en sorte que le monde soit
toujours neuf chaque fois qu’un chroniqueur l’observe, l’écoute, le reconstruit, l’interprète et le raconte. La présente
étude décrit les enjeux de l’écriture chez certains de ces auteurs latino-américains – parmi ceux qui ont choisi de se
désigner comme les « nouveaux Indiens de la chronique » – à partir de la lecture et de l’analyse de leurs textes et de
leurs réflexions sur leur métier, publiés en espagnol depuis le début du xxie siècle dans un ensemble de revues et de
livres, soit à titre individuel, soit dans des anthologies. Des termes récurrents s’en dégagent : crime, trafic de drogue,
marginalité, prostitution, bandes organisées, musique, football, migrations forcées, vie urbaine, sports extrêmes,
extravagance et monstruosité ; autrement dit, splendeurs et misères de chaque jour.

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nouveaux chroniqueurs des Indes, journalisme narratif, non-fiction, écriture créative, histoires, témoignages

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Nuevos Cronistas de Indias, periodismo narrativo, no-ficción, escritura creativa, reportaje, historias, testimonios
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Una vitrina de variedades
La violencia crónica
Un laboratorio de reporterismo y narración
Traducir el caos a través de una historia
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La crónica se levanta para ofrecer el testimonio del desasosiego latinoamericano.


Rossana Reguillo

No hay crónica periodística sin un problema que le dé vida.


Julio Villanueva Chang

1Al caracterizar la crónica, dice Villoro:

De la novela extrae la condición subjetiva –el mecanismo de las emociones–, la capacidad de narrar
desde el mundo de los personajes y crear una ilusión de vida para situar al lector en el centro de los
hechos; del reportaje, los datos inmodificables –la «lección de cosas», como anunciaban los manuales
naturalistas del siglo xviii–; del cuento, el sentido dramático en espacio corto y la sugerencia de que la
realidad ocurre para contar un relato deliberado, con un final que lo justifica; de la entrevista, los
diálogos, y del teatro moderno, la forma de montarlos; del teatro grecolatino, la polifonía de testigos, los
parlamentos entendidos como debate: la «voz de proscenio», como la llamaba Wolfe, versión narrativa
de la opinión pública cuyo antecedente fue el coro griego; del ensayo, la posibilidad de argumentar y
conectar saberes dispersos; de la autobiografía, el tono memorioso y la reelaboración en primera
persona (Villoro, 2005: 14).

2Este catálogo de influencias –aprecia Villoro– puede extenderse y precisarse hasta «competir con el infinito». Pero
advierte que usado en exceso, cualquiera de esos recursos «resulta letal», pues la crónica es un animal «cuyo
equilibrio biológico depende de no ser como los siete animales distintos que podría ser» (ibid.).

Una vitrina de variedades


2 Periodismo narrativo en Latinoamérica fue creado en 2008 por Roberto Valencia, periodista nacido en (...)

3Al leer una amplia selección de crónicas latinoamericanas en español, publicadas por distintas editoriales en trece
libros de tipo antología, entre 2001 y 2013; y en el blog Periodismo narrativo en Latinoamérica. Recopilación de
crónicas periodísticas con chispa2 (http://cronicasperiodisticas.wordpress.com/), llegamos a la conclusión de que es
muy difícil enmarcarlas de manera cerrada en uno o dos grandes temas. Por el contrario, lo que encontramos es un
popurrí que representa las decisiones personales que toma quien escribe, ligadas a sus maneras de ver el mundo y lo
que quieren conocer de él.

4No obstante, bajo un criterio si se quiere caprichoso, ordenamos las crónicas de acuerdo a doce asuntos porosos: la
persistente violencia o la violencia crónica; sucesos, oficios y memorias; narcos, tribus urbanas y pandillas; testigos
y testimonios; el rebusque de cada día (o «rebusque menor»); anécdotas e ironías; animales y hombres; géneros
musicales y deportes (apasionadamente el fútbol); quién es quién (o perfiles); tinta roja (o crónica policial o de
sucesos); lugares, paisajes y naturalezas, y los oficios periodístico y literario.

5Como se puede advertir, muchas de las crónicas tienen más puntos de contacto que de separación y pueden hacer
parte de varias de estas cuestiones. Eso sí, la violencia con sus diferentes manifestaciones y actores, es transversal a
casi todas ellas.

6Valgan algunos ejemplos.

7Un asunto recurrente en varias crónicas es el tratamiento de la marginalidad. En primer lugar, aparecen aquellos
relatos sobre personas en situaciones precarias para los ojos del escritor: pobreza, migración, explotación laboral,
trata de personas, drogadicción, delincuencia, habitantes de calle. Es el caso en Córdoba, Argentina, de «Un barrio
de trabajadores sin trabajo» (de Alejo Gómez Jacobo, en Periodismo narrativo en Latinoamérica); de los ‘bolitas’
bolivianos reducidos a la servidumbre en las fábricas de vestuario en Buenos Aires y Sao Paulo, en «Compran
‘bolitas’ al precio de ‘gallina’ muerta» de Roberto Navia Gabriel (Jaramillo Agudelo [ed.], 2012: 363-366); y la
aplicación de formalina al cadáver de Virginia, en la casucha de los González, en El Salvador, para tratar de que no
se corrompa mientras consiguen con qué sepultarla, en «Entierro pobre», de Rossy Tejada (en Periodismo narrativo
en Latinoamérica).

8Por otro lado, existe un interés particular por las diversas maneras como muchos personajes buscan su sustento en
el día a día, con trabajos difíciles y algunas veces curiosos, que requieren de la perseverancia de quien lucha por
sobrevivir. Es así como en «Operación Ja, Ja», de Carolina Reymúndez (Tomás [comp.], 2007: 23-38), se cuenta la
historia de los reidores o profesionales de la carcajada que se encargan de darle sentido a los chistes en la televisión
argentina; en Soledad, en el Norte de Colombia, desde hace 50 años «Chibolito» se gana la vida en monedas
contando chistes como «El Bufón de los velorios», en un relato de Alberto Salcedo Ramos (Carrión [ed.], 2012: 105-
115); mientras que en El Alto y en algunos barrios de La Paz, propios y extraños pagan en devaluados pesos
bolivianos para aglomerarse en las graderías de rústicos coliseos, atraídos por el vuelo de polleras y enaguas en la
lucha libre de cholitas, descrita en sendos relatos «Las cholitas se defienden» y «La última pelea de las cholitas
luchadoras», por Almaguillermo Prieto y Rocío Lloret (Periodismo narrativo en Latinoamérica).

9Los cronistas latinoamericanos viven y cuentan la urbe. Bajo la tarea de encontrar un tema, recorren sus ciudades
con ojos atentos, descubren y redescubren esquinas, parques y negocios. Los centros de las ciudades son el foco de
atención principal, calles efervescentes de personas, negocios, automóviles, buses y sistemas de transportes masivos
como el metro.

10El peruano Jaime Bedoya camina por los recovecos de «Polvos azules o la videoteca de Babel», el más grande
centro comercial informal de Lima, reino soberano de la piratería de lo bonito y barato (Jaramillo Agudelo [ed.],
2012: 543-547). Mientras que Sergio González Rodríguez, en Ciudad de México, se adentra en las muy concurridas
noches de la «Mujer del Table-Dance» (Aguilar [ed.], 2010: 125-142).

3 Con este trabajo Peña ganó el Premio Nuevo Periodismo CEMEX + FNPI 2008, en la categoría texto.

11Pero también son un tema muy cronicable aquellos otros sitios de la ciudad que no saltan a la vista de todos. Así
el chileno Cristóbal Peña nos invita a seguirlo en su «Viaje al fondo de la biblioteca de Pinochet»; para descubrir
55 000 libros empolvados que se hacían un lugar entre adornos, recuerdos, chocolates y objetos personales que el
dictador dejó alguna vez ahí y muy probablemente después olvidó, sin que nadie se atreviera a sacarlos o cambiarlos
de lugar, siquiera a pasarles un plumero (Jaramillo Agudelo [ed.], 2012: 334-335)3.

12Un subgénero de la crónica muy utilizado es el perfil; un relato que gira sobre la vida de un personaje y que busca,
a partir de entrevistas con el «perfilado», con quienes lo rodean y con el acopio de información documental,
responder a las preguntas ¿quién es quién?, y ¿cómo es quién?, o ¿quién era quién?, y ¿cómo era quién? en su estilo
de obituario. El personaje no necesariamente debe ser famoso o relevante para la vida pública de una sociedad;
puede ser cualquier persona, algunas con características físicas y psicológicas particulares o vidas trajinadas por
muchos caminos; en todo caso, historias dignas de ser reveladas con una marcada intención épica.

13Laura Castellanos en «Cronista de otro planeta» (Osorno [comp.], 2010: 47-58) perfila al periodista mexicano
Jaime Maussan, quien se dedica a documentar su obsesión por la vida extraterrestre en una revista y en un programa
de televisión respaldado por su grupo Los Vigilantes; tildados de indeseables y cazafantasmas por astrónomos y
ufólogos. En «La eterna parranda de Diomedes», Díaz Salcedo Ramos (en Periodismo narrativo en Latinoamérica)
se arriesga a quemarse metiéndose en el infierno personal del controvertido ídolo de la música vallenata; y en «El
oro y la oscuridad» (Caballero, 2008: 195-234) logra describir, golpe a golpe, la vida gloriosa y trágica de Antonio
Cervantes «Kid Pambelé», quien llegó a ser el hombre más importante de Colombia para Gabriel García Márquez.

4 «El tenor que no sabía silbar». En: El País (España). http://elpais.com/diario/2005/01/16/eps/11058 (...)

14Entre tanto, Villanueva Chang conduce con astucia reporteril al tenor4 peruano Juan Diego Flórez –considerado el
nuevo héroe de la ópera y a quien Pavarotti señalara como su heredero– para que afloje su voz y le refiera detalles
sobre una de las mayores frustraciones que ha tenido en su vida: no saber silbar. Leila Guerriero, en cambio, logra
sin trucos que René Lavand no se guarde ninguna carta bajo la manga y le confiese su vida desde la niñez en «El
mago de una mano sola» (Jaramillo Agudelo [ed.], 2012: 119-137).

15Una de las similitudes entre la crónica de perfil que se escribe, por ejemplo, en Estados Unidos y la que se escribe
ahora en los países latinoamericanos tiene que ver con la búsqueda de la historia secreta de alguien que ya es
conocido, pues en sociedades mediáticas y tan adictas a la fama, el desafío es conocer la zona incierta de las
celebridades. Ha sido lugar común que los cronistas latinoamericanos escriben preferentemente de personas
olvidadas o desconocidas, poco tratadas o distorsionadas por el discurso oficial. En palabras del maestro Villoro: «Si
los cronistas norteamericanos buscan la vida secreta de las famas públicas, los cronistas latinoamericanos buscan las
historias que subyacen bajo la ignorancia o la impunidad» (Escobar y Rivera [eds], 2006: 263).

16Así, nos damos cuenta de la existencia del uruguayo Gonzalo Tancredi, doctor en astronomía, quien en «El
socialista que degradó a Plutón» de Leonardo Haberkorn, entrega el testimonio de cómo bajó de la nube a
generaciones de escolares que aprendieron erróneamente que Plutón era el noveno planeta del sistema solar; pues fue
él quien puso las cosas en su lugar convenciendo a la comunidad astronómica mundial de que se definiera al astro
como «Planeta enano»; y de paso, desde un país donde no existe un solo telescopio importante, humilló a la
astronomía estadounidense, descubridora del cuerpo celeste degradado (Osorno [comp.], 2010: 263).

17Suele ser muy recurrente que los cronistas latinoamericanos escojan aquellos temas que consideran tabú para la
sociedad en general, o para ellos mismos: la prostitución, las drogas, la brujería, el fetichismo, las diversidades
sexuales, el suicidio y la locura. Por eso es posible encontrar numerosas crónicas sobre estos contenidos,
convirtiéndose más que en temas tabús, en temas reiterados y tradicionales para estos soportes. Por ejemplo, en
«Burdel de burras», la cronista Margarita García se va detrás de Andrés y de sus cinco amigos, quienes median
como proxenetas de varios adolescentes de 14 y 15 años a quienes llevan por turnos a una finca del municipio de
Turbaco, a 40 minutos de Cartagena, para que hagan lo que ellos ya hicieron cuando tenían sus mismas edades:
perderle el miedo al sexo en un aventura zoofílica (Caballero, 2008: 497-506).

La violencia crónica
18Notamos en efecto cómo la violencia y sus expresiones, actores y sucesos, salpican con su tinta roja a todos los
demás asuntos. En un país como Colombia, con más de cinco décadas de conflicto armado con fuerte impacto en los
ámbitos rurales –al que se suma la violencia generalizada, endémica, crónica, que sucede en las ciudades–, la
violencia y sus manifestaciones es un tema que les es imposible soslayar a los cronistas. Más que una temática que
reitera el horror, los cronistas manifiestan un propósito claro de dar a conocer casos concretos que materialicen esa
violencia, a través de historias de personas y de pueblos que la han vivido en carne y hueso.
19Los actores que producen la violencia que más ha afectado a los países latinoamericanos –además de Colombia,
por ejemplo a Venezuela, Brasil, El Salvador, Nicaragua, Honduras, Guatemala, y México– están presentes en todas
las páginas de las antologías de crónica latinoamericana actual: guerrilleros, paramilitares, fuerzas armadas estatales,
pandilleros, narcotraficantes, secuestradores, pederastas y traficantes de personas.

20«Así se fabrican guerrilleros muertos» (en Periodismo narrativo en Latinoamérica) es la segunda crónica que
Ander Izaguirre –bloguero y viajero español que ejerce el periodismo con botas contagiado del estilo de sus colegas
latinoamericanos– escribió en Colombia sobre un negocio siniestro dentro de su Ejército: los falsos positivos.
Secuestraban a jóvenes para asesinarlos, luego los vestían como guerrilleros y así cobraban recompensas secretas del
Gobierno de Álvaro Uribe (de 2002 a 2008). De ahí el término «falsos positivos», en referencia a la fabricación de
las pruebas. Izaguirre siguió la historia de Luz Marina Bernal, una de las madres del municipio de Soacha que
rompieron el silencio y destaparon el escándalo.

21La crónica es «el altavoz de la víctima». Ahora a la crónica latinoamericana «le fascina la víctima» de la violencia
(Jaramillo Agudelo [ed.], 2012: 45). No está lejano el tiempo en el que la situación fue al contrario: el victimario fue
el protagonista de diversas historias de horror en las que figuran incluso como autores de los relatos –muchos de
ellos empaquetados en libros– y los periodistas como sus amanuenses.

22La prosa cronística del tipo reportaje, sustentada por un notable contraste de fuentes de información y de versiones
documentales y testimoniales, así como por el acercamiento del reportero a las víctimas y a los victimarios,
humaniza la noticia; le da un rostro a las historias y las presenta ubicándolas en un tiempo y en un territorio
claramente definidos. Tenemos entonces la reconstrucción, la escenificación, la dramatización, la personificación y
el acercamiento; es decir, la relocalización narrativa de los hechos de violencia, fortalecen el contenido y la forma de
la nota roja, la cual de esta manera –además del contacto audaz de los reporteros con las víctimas y los victimarios
de las tragedias que se proponen registrar– adquiere la holgura y el aliento de la crónica de reportaje.

Un laboratorio de reporterismo y narración


5 El término gonzo está muy asociado con el estilo de los reportajes del norteamericano Hunter Stockt (...)

23Una lectura atenta de las crónicas latinoamericanas permite examinar cuáles fueron las metodologías y las
maniobras de reporterismo empleadas por los escritores. La entrevista es la herramienta principal para obtener
información de las personas. Los cronistas acuden a distintas fuentes de información testimonial y documental para
construir un intercambio de opiniones y versiones en sus historias, como lo demandan los cánones del periodismo
comprometido. En la mayoría de los casos sus autores recurrieron a un trabajo paciente de inmersión, en donde se
sumergieron en las vidas de los protagonistas de sus historias. El cronista latinoamericano saca el tiempo para vivir
los hechos, acercarse a la gente, visitar varias veces un lugar. Acompañan a sus personajes en sus jornadas laborales,
de descanso o diversión; recorren calles y lugares escuchando sus testimonios y sus anécdotas, observándolos en su
ambiente natural; inclusive varios de los periodistas se arriesgan con prácticas de obtención de información a través
de la suplantación de personas y del periodismo gonzo5 pues para estos reporteros el periodismo es una aventura que
conlleva el riesgo personal en diversas actuaciones temerarias.

24Andrés Felipe Solano, por ejemplo, al comienzo de su crónica anuncia que acaba de iniciar un viaje en el que sus
votos son los de un monje: pobreza y castidad; pues ha decidido vivir «Seis meses con el salario mínimo» en
Medellín, trabajando como obrero en una fábrica de ropa infantil y durmiendo en una habitación alquilada en un
barrio popular (Paredes, 2010: 389-423).

25El viaje para el cronista es más bien un medio, antes que un fin. En ese sentido, «cronista de viajes» le parece
redundante al chileno Juan Pablo Meneses para quien todo cronista, por esencia, escribe de viajes, aunque salga a
contar una historia que ocurre a dos cuadras de su casa. «La idea de una buena crónica –aprecia Meneses– es que te
muestre y te ilumine un mundo que uno desconoce, y eso es por esencia algo muy viajero» (Jara, 2010: 67).
Periodismo portátil es el nombre que Meneses le ha dado al modo como trabaja sus crónicas viajeras. El ejercicio de
estar, estar, estar, estar y estar con sus personajes «hasta lograr desaparecer y empezar a formar parte del paisaje»
(Figueroa, 2010: 41) es el método de Leila Guerriero para elaborar sus refinados perfiles. Emilio Fernández Cicco
llama Periodismo border a las andanzas y al arrojo «gonzo» que preceden sus crónicas de lujuria y demencia.
Mientras que Gabriela Wiener define como «sexografías» –y algunos comentaristas como «gonzo pornográfico»– a
la práctica y a los contenidos del periodismo extremo en el cual ella, como estrategia, pone y expone su cuerpo y sus
palabras para dar testimonio de los intercambios sexuales en clubes swingers, de la connivencia con travestis y
putas, o de su penetración en las alcobas de superestrellas del porno.

26Otros de los cronistas coinciden con Salcedo Ramos –quien ha sido renuente a la práctica de reportear
disfrazándose o suplantado personas–, e identifica a su manera de proceder como propia del periodismo esencial o
del periodismo a secas; es decir, en el que como reportero se gasta las suelas de los zapatos para encontrar a los
personajes de sus historias y aprovechar la ocasión para conjugar los verbos preguntar, conocer, dudar, confirmar…
antes de correr a contarlas; «pues esos son los verbos capitales de la profesión más arriesgada y apasionante del
mundo» (Martínez, 1997 [2002]: 117).

6 La referencia es básicamente al significado que el Diccionario de la Real Academia Española (RAE) l (...)

27La narrativa cronística que venimos describiendo por su misma condición formal y de contenido es de tipo
sensacionalista6 y de tendencia melodramática: exhorta al lector desde los titulares y desde los primeros párrafos;
despierta su curiosidad, le genera emociones y pasiones, muchas de ellas contradictorias; lo confronta con su
realidad inmediata, lo hace sentirse el protagonista o el antagonista de las historias.

7 «Yo violada». En: Periodismo narrativo en Latinoamérica. http://cronicasperiodisticas.wordpress.com (...)

28Veamos, por ejemplo, «A Magaly Peña la violaron no menos de quince pandilleros durante más de tres horas y
tuvo que callar…» escribe Roberto Valencia en el primer párrafo de su crónica «Yo violada»7, en la que tras contar
cómo esta joven de San Salvador fue sacada de su escuela y violada por pandilleros del Barrio 18, muestra el poder y
la crueldad que ejercen las maras en El Salvador, Guatemala, Honduras y parte de México (Ruiz, 2014).

29¡Extra¡ ¡Extra! Presentamos otros títulos: «El loco del martillo», de Daniel Riera (Osorno [comp.], 2010: 119-
128); «El depredador de San Cristóbal», de Sinar Alvarado (Silva y Molano, 2006: 313-325); «Una granada para
River Plate», de Juan Pablo Meneses (Aguilar [ed.], 2010: 45-61); «Un día en la vida de Pepita la Pistolera», de
Cristian Alarcón (Tomás [comp.], 2007: 41-49); «Un narco sin suerte», de Alejandro Almazán (en Periodismo
narrativo en Latinoamérica); «El boxeador de las orejas perfectas», de Santiago Roncagliolo (ibid.); «Las hermanas
satánicas», de Guido Bilbao (ibid.: 107-124); «Y parirás con dolor», de Josefina Licitra (ibid.: 217-238) y «La
historia del soldado que se convirtió en mujer», de Diana María Pachón (en Periodismo narrativo en
Latinoamérica).

30La crónica por su propio temperamento es sumamente emotiva y por eso en los ejemplos de sus mejores piezas se
nota el esfuerzo de los narradores por captar y por dramatizar la vida misma. Para lo cual necesitan tener un
conocimiento y una destreza de la técnica narrativa. Deben tener talento y oficio, pues sin éste no hay talento que
valga.

31A propósito de la migración como un asunto cardinal para los cronistas latinoamericanos, ésta tiene un capítulo
aparte en el libro Sam no es mi tío (2012) en el cual, los escritores Diego Fonseca y Aileen El-Kadi se juntaron con
otros 22 colegas para desordenar los discursos oficiales que hablan de las relaciones entre la América Latina y la
América de los Estados Unidos; entre latinos y gringos, entre ilegales y legales, entre primer y tercer mundo.

8 El parlache es un dialecto social de carácter argótico que crearon los jóvenes de los sectores marg (...)

32La utilización de diálogos es un recurso recurrente para caracterizar a los personajes; estos se reflejan reales
cuando se les pone a hablar a través de sus expresiones, ritmos y equivocaciones. Es así cómo, en varios casos, los
cronistas deciden dejar hablar a sus personajes con su lenguaje propio y con la estructura de su narrativa coloquial.
La decisión de narrar un fragmento de la crónica por medio de un diálogo específico, ubica al lector desprevenido
como observador silente de una escena. Además, la crónica, por su vínculo con la actualidad, es especialmente
permeable a la lengua coloquial, a las distintas jergas que se hablan al día de hoy. Son muchas las palabras y modos
de decir del vocabulario local que se pueden leer en las crónicas de actualidad mexicanas. En ellas el lector
fácilmente se topa a cada rato con una «balacera de la palabra balacera» (tiroteo) y con el sartal de mexicanismos
ligados a la violencia atroz que vive este país: levantamiento, cuerno de chivo, mota, fayuquero, gatillero, guarura,
merca, mordida, etcétera (González, 2012). Y algo similar se observa en las crónicas colombianas con las palabras
del llamado Parlache8, tales como gonorrea, chichipato, sapo, quebrar o quiñar, estrechamente vinculadas con las
conversaciones de narcotraficantes, sicarios y pandilleros.
33Los periodistas encuentran en la crónica un espacio para la experimentación narrativa y, a propósito de esa
experimentación, una de las que más se nota en la escritura de los cronistas latinoamericanos es el uso decidido del
punto de vista –de la voz– en primera persona. Se trata, ni más ni menos, de un punto de vista independiente y
original del cronista-reportero, el cual implica que su temperamento, su ideología y su mirada personal del mundo se
reflejen en su trabajo narrativo sin ninguna clase de inhibición. Esa marcada individualidad del autor que se nota en
muchas crónicas es, a nuestro modo de ver, la única forma de objetividad posible en el periodismo. Es decir que,
paradójicamente, mientras más evidente sea la presencia del periodista en la crónica, informando y conceptuando,
más claro, honesto y creíble será su mensaje para el lector.

34«La crónica, además, es el periodismo que sí dice yo. Que dice existo, estoy, yo no te engaño», destaca Caparrós.
Por supuesto –advierte– la diferencia radica «entre escribir en primera persona y escribir sobre la primera persona».
Señala, entonces, el peligro que conlleva el mal uso de la primera persona; es decir el abuso de ésta que, aparte de la
pedantería que puede llegar a connotar, pasa a ser ya no una manera de abordar la historia sino a convertirse en la
historia. Además –dice–, la primera persona de una crónica no tiene siquiera que ser gramatical: «[…] es, sobre todo,
la situación de una mirada. Mirar, en cualquier caso, es decir yo y es todo lo contrario de esos pastiches que
comienzan ‘cuando yo’: cuando el cronista empieza a hablar más de sí que del mundo, deja de ser cronista»
(Jaramillo Agudelo [ed.], 2012: 610-611).

Traducir el caos a través de una historia


35Profundidad en la mirada y originalidad en la voz son dos de las virtudes primordiales que debe tener un buen
cronista, toda vez que: «quien sabe mirar, elige ángulos novedosos que los demás no ven. Quien tiene una voz
narrativa sólida, sabe seducir con el relato.» Pero «obviamente, la mirada y la voz del cronista deben sustentarse en
un riguroso trabajo de investigación» como reportero (Salcedo, 2010: 211-212). En palabras de Luis Tejada:

El mejor periodista no es el más sabio sino el más intuitivo; […] no es el que escribe mejor sino el que
mejor sabe hacer escribir […]; no es el más honrado, ni el más sincero, sino el que es capaz de hacer
decir al mayor número de gentes: ¡eso es lo que yo pensaba!

36Y el mejor novelista:

es el que amalgama en su trama lo inverosímil dentro de lo posible, lo fantástico dentro de lo real.


Porque así va recto al corazón del hombre, eternamente iluso, heroico y ansioso de realidades enormes
(Tejada, 2008: 279).

37Será que entonces, en este orden de ideas expresadas por el «Príncipe» de los cronistas colombianos, la unión de
las cualidades del mejor periodista y las del mejor novelista, conforman las del mejor cronista; es decir, de aquel
narrador que con el vigor y la pericia de su mirada y de su escritura «puede hacer trascendente lo efímero; el que
logra poner mayor cantidad de eternidad en cada minuto que pasa.» (Tejada, 2008: 279).

38Tejada, «en tiempos de sospecha y de cinismo» como el actual –dice Julio Villanueva Chang– sigue teniendo la
intuición respecto a los cronistas y a los periodistas que más necesitamos. Pero Chang agrega:

Tal vez hoy la singularidad de un cronista le debe más al rigor y al entendimiento que a la habilidad de
un narrador de ficción. Más que entretener, hoy el desafío de un cronista es desengañar. En papel o por
Internet, más que un experimento de selección de hechos y narración verificable, hoy el reto de un
cronista es la inmersión y el conocimiento de una comunidad de gente, y, en consecuencia, una
frecuente cita con el escepticismo, la incertidumbre y la perplejidad. […]. Un cronista tiene el reto de
narrar ‘lo glocal’ y de traducir el caos a través de una historia (Jaramillo Agudelo [ed.], 2012: 605, 606).

9 Como se les llamó a sus cronistas estudiantes o aprendices en el editorial de la revista Ciudad Vag (...)

39Una cita con el escepticismo, la incertidumbre y la perplejidad es, justamente, lo que produce el caos a la
latinoamericana que ha sido traducido en historias por esta «briosa brigada de reporteros purasangre9» que hemos
mencionado aquí como los «Nuevos Cronistas de Indias» o «Nuevos indios de la crónica».

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Reguillo, Rossana, 2007, «Textos fronterizos. La crónica, una escritura a la intemperie», en Falbo, p. 41-50.

Riera, Daniel y otros, 2007, Los mejores relatos de Rolling Stone. Crónicas filosas, Buenos Aires, Publirevistas
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RuiZ, Adolfo y otros, 2014, Periodismo narrativo en Latinoamérica. Recopilación de crónicas periodísticas con
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Salcedo, Alberto, 2010, La pasión de contar. El periodismo narrativo en Colombia. 1638-2000, Medellín, Hombre
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Notes
1 Este artículo presenta resultados de las investigaciones «Idea, estructura y contenido de la crónica periodística
universitaria contemporánea en Colombia»; y «Trueque de oficios y discursos narrativos en la literatura colombiana
contemporánea», desarrolladas en el Departamento de Humanidades de la Escuela de Ciencias y Humanidades de la
Universidad EAFIT, Medellín - Colombia. Las dos se encuentran inscritas en la línea de investigación de Estudios
de narrativas del Grupo de Estudios sobre Política y Lenguaje de la misma institución (conferencia pronunciada en
la Universidad EAFIT el 11 de septiembre de 2014).

2 Periodismo narrativo en Latinoamérica fue creado en 2008 por Roberto Valencia, periodista nacido en 1976 en
Vitoria-Gasteiz, España, pero quien vive desde 2001 en El Salvador, donde trabaja para el periódico digital El Faro.

3 Con este trabajo Peña ganó el Premio Nuevo Periodismo CEMEX + FNPI 2008, en la categoría texto.

4 «El tenor que no sabía silbar». En: El País (España).


http://elpais.com/diario/2005/01/16/eps/1105860411_850215.html.

5 El término gonzo está muy asociado con el estilo de los reportajes del norteamericano Hunter Stockton Thompson
y muchos atribuyen el término al propio Thompson. Aunque éste fue usado por primera vez por Bill Cardoso, del
periódico Boston Globe, para catalogar el artículo «El Derby de Kentucky es decadente y depravado» (The
Kentucky Derby is Decadent and Depraved), de Thompson. Es «¡Gonzo puro!», dijo Cardoso al leerlo en la revista
Scanlan´s Monthly, donde fue publicado inicialmente en 1970. En el periodismo gonzo –en la perspectiva de los
trabajos que hoy hacen parte de la obra de Thompson– el autor se convierte en protagonista y catalizador de las
acciones de sus crónicas.

6 La referencia es básicamente al significado que el Diccionario de la Real Academia Española (RAE) le da al


termino sensacionalismo (correspondiente al adjetivo sensacional): «tendencia a producir sensación, emoción o
impresión con noticias, sucesos, etc.». Y que corresponde a una tendencia que en este sentido es perceptible en el
estilo y en el contenido de la escritura en muchas de las crónicas latinoamericanas contemporáneas que son objeto de
nuestro estudio.

Hemos sido cuidadoso para no incluir crónicas que tengan salpicaduras del llamado periodismo amarillista –que
también lo hay en los aspectos formales y de contenido de varias de las crónicas que hemos leído tanto en los libros
de antologías como en las revistas y los blogs donde fueron publicadas inicialmente–; es decir, el que corresponde a
una versión degradante del sensacionalismo apreciable en aspectos tales como la fabricación y la invención de datos
y de testimonios, la exageración y la deformación de los hechos, etc.

7 «Yo violada». En: Periodismo narrativo en Latinoamérica.


http://cronicasperiodisticas.wordpress.com/category/roberto-valencia/page/2/..

8 El parlache es un dialecto social de carácter argótico que crearon los jóvenes de los sectores marginales y
populares de Medellín. La difusión del parlache entre los jóvenes de Medellín y de su Área Metropolitana, e incluso
en otras ciudades de Colombia, y su presencia reiterada en los medios, permite ver que se trata de un lenguaje
urbano muy creativo que expresa sin pudores ni temores la nueva realidad que viven amplios sectores de la sociedad
medellinense y colombiana (Castañeda y Henao, 2009).

9 Como se les llamó a sus cronistas estudiantes o aprendices en el editorial de la revista Ciudad Vaga, de la
Universidad del Valle, Cali, Colombia, n° 1, mayo de 2007.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Carlos Mario Correa Soto, « Nuevos cronistas de Indias o nuevos «indios» de la crónica », América [En ligne],
49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1731 ; DOI : 10.4000/america.1731

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Auteur
Carlos Mario Correa Soto

Universidad EAFIT, Medellín – Colombia

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
IV. De la nécessité d’un genre au XXIe siècle

Crónica de crónicas: teoría y práctica del género en los


textos de María Moreno
Chronique de chroniques : théorie et pratique du genre dans les textes de María Moreno
Teresa Orecchia Havas
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

En las crónicas de María Moreno, celebrada periodista y escritora argentina, se encuentran algunas de las
sugerencias más interesantes del momento actual sobre la escritura de ese género. La trayectoria de esta autora, que
ha publicado en una veintena de medios argentinos, y sigue haciéndolo en particular en los diarios Página 12 y
Perfil, dibuja desde sus inicios una línea de intervención feminista y se inserta cada vez con mayor claridad en el
análisis de las ideologías de la cultura y en los debates estéticos y literarios en curso.
La comunicación enfoca las estrategias con las cuales las notas de Moreno asientan una teoría y una práctica del
género cronístico que, alejándolo tanto del periodismo como de algunas maneras consagradas de la crónica literaria,
lo proponen como una escritura específica, guiada ocasionalmente por modelos áureos pero al mismo tiempo
incompleta y tendiente a una forma final por venir. La hipótesis final del trabajo es que las propuestas de Moreno
logran oportunamente construir puentes entre diversas poéticas literarias al par que reajustan los pasos del género a
un proyecto de futuro.
Se examinan en relación con esta hipótesis: a) los textos programáticos de Moreno (artículos sueltos, prólogos o
epílogos en el formato del libro); b) las técnicas de construcción del sujeto y el lugar atribuido al cronista; c) las
principales estrategias de composición y la defensa de los procedimientos experimentales.

Les chroniques de María Moreno, journaliste et écrivaine argentine renommée, offrent quelques-unes des idées
actuelles les plus intéressantes sur l’écriture contemporaine de ce genre. Les textes de cette auteure, qui a écrit pour
une vingtaine de revues et journaux argentins et continue de le faire dans Página 12 et Perfil, se placent dès le début
dans le cadre des interventions féministes, puis s’insèrent progressivement dans les débats esthétiques et littéraires
en cours ainsi que dans ceux qui concernent les idéologies de la culture.
La communication focalise les stratégies que Moreno met en œuvre afin de construire une théorie et une pratique de
la chronique en tant que genre. S’éloignant souvent du journalisme tout autant que des manières habituelles de la
chronique littéraire, ses notes se présentent comme des textes à l’écriture originale, parfois articulée suivant des
modèles nobles, mais forcément inachevée et en processus de construction. L’hypothèse principale de ce travail est
que María Moreno réussit ainsi avec bonheur à articuler des passerelles entre différentes poétiques littéraires tout en
esquissant un nouvel avenir pour la chronique.
Afin d’étayer cette hypothèse sont examinés ici : a) des textes programmatiques de l’auteure (des articles, des
préfaces et des postfaces de certains livres) ; b) les techniques de construction du sujet et la place attribuée au
chroniqueur ; c) les principales stratégies de composition et la défense par la journaliste des procédés expérimentaux.

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Entrées d’index
Mots-clés :

théorie et critique de la chronique, stratégies de composition, poétiques du présent, María Moreno

Palabras claves :

teoría y crítica de la crónica, estrategias de composición, poéticas del presente, María Moreno
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Plan
La mirada del viajero. La colección. Mansilla contra Lévi-Strauss
Seudónimos y lenguajes. Cosas nimias
Bajo el signo de lo experimental. El paso del grabador
Conclusión
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Mi lenguaje pretendía ser como un foulard empapado en purpurina barroca con un fleco de jerga
psicoanalítica, otro de materialismo dialéctico pop y otro de feminismo fashion, más algunas motas de
argot farandulero y tartamudeo histérico. Deja traslucir a la chica que iba al velorio de Perón con su hijo
en brazos y vestida con un traje de Madame Frou Frou con mangas jamón y los colores de la bandera
española. Y a la que […] con las mismas botas ecuestres ideales para saltar de la factoría de Andy
Warhol al interior de un taxi […] se detenía ante la vidriera del Instituto Di Tella para observar los
zapatos ortopédicos de Dalila Puzzovio (Moreno, 2011a: 15).

1 Ver Moreno 2001, 2002, 2005a, 2007a, 2011a, 2011b, 2013.


2 He estudiado con mayor amplitud la escritura cronística de María Moreno y sus modos de inserción en (...)

1En dos páginas sarcásticas donde se dibuja la figura de una muchacha capturada en la velocidad de la cultura
voluntariosamente cosmopolita y un tanto kitsch del Buenos Aires de los años sesenta, María Moreno borda uno de
sus autorretratos. Esta celebrada periodista argentina, cuya larga trayectoria en medios locales dibuja una línea
continua de posiciones feministas, suele centrar sus intervenciones en el análisis irreverente de los imaginarios
sociales y en los debates estéticos y literarios en curso. En la última década, la moda editorial en torno al género
cronístico y a la forma breve ha venido a consolidar su renombre con la recopilación de sus crónicas y reportajes en
libro1, un proceso que las prestigia y las acerca al material de antología. Bajo el sugestivo título de «Locuelas», la
página citada antes sirve de prólogo a una recopilación de notas periodísticas y esboza un gesto de cronista que
cartografía momentos pasados como divertidas supersticiones que hacen a la historicidad de una cultura. Pero lo
interesante aquí es que la cronista levanta en esas líneas el acta del pasado de su estilo (palabra fundamental de su
idiolecto) o, lo que es lo mismo, de sus estilos pasados, para mejor dejar entrever qué cambios han afectado su
experiencia y su escritura. En esa noción de estilo entendida a la manera vanguardista, como una totalidad donde se
inscriben conjuntamente el gesto, la vida y la obra, serie circular de cantidades idénticas, irreductible a uno solo de
sus componentes, reside sin duda una de las claves para entender la figura y los textos de María Moreno2.

2Sin perder de vista el recorrido global de su trabajo, quisiera enfocar aquí algunas de las estrategias que asientan
una teoría y una práctica personal del género cronístico en sus notas y artículos. Sus textos delatan una reflexión
continuada sobre el lugar y la artesanía del cronista, y una práctica que si bien distancia a la crónica contemporánea
de las maneras consagradas de hacer literatura, la presenta como un modo específico de escritura, guiada
ocasionalmente por modelos áureos, pero al mismo tiempo en proceso continuado hacia una forma que está todavía
por venir. Mi hipótesis final es que las propuestas de Moreno logran oportunamente construir puentes entre diversas
poéticas literarias al par que reajustan los pasos del género a un proyecto de futuro.

La mirada del viajero. La colección. Mansilla contra


Lévi-Strauss
3Banco a la sombra (2007), un libro escrito por encargo para una colección (‘In Situ’, de editorial Sudamericana)
donde se evocan experiencias vinculadas a lugares precisos, ofrece un terreno fértil para abordar los desvíos a los
que la escritora somete a los códigos habituales del género cronístico. Moreno aprovecha el marco editorial para
sabotear la perspectiva, actualizando a la vez una práctica heterodoxa y una teoría que la acompaña. Elige el motivo
de la(s) plaza(s) como topos organizador del volumen y desorienta las expectativas de lectura torciéndole el cuello a
por lo menos tres parámetros: la supuesta verdad de la experiencia narrada del viaje (y de las narrativas del viaje), la
movilidad del sujeto (viajero) de la enunciación, la posición exterior a la escena del observador –flâneur urbano. El
procedimiento es tanto más significativo cuanto que la índole tradicionalmente híbrida del género cronístico,
sometido a lo largo de la segunda parte del siglo XX a una serie de cambios discursivos (escrituras de no-ficción), a
la oscilación entre protocolos documentales y pactos ficcionales, a la proliferación de los soportes de publicación, y
por fin a la revolución cibernética, no parece en cambio haber cedido terreno en cuanto a la persistencia del relato
del cronista viajero, a la escritura de la geografía del viaje, y a lo que Julio Ramos (1989) llamó «la retórica del
paseo».

3 Una serie de fotos supuestamente tomadas en los lugares a los que se alude acompaña los capítulos d (...)

4En Banco a la sombra en cambio, el viaje, el paisaje, la escena urbana, la experiencia misma pueden ser o no
apócrifos; las sucesivas estaciones del libro no narran el errar de alguien en búsqueda del detalle curioso o de la
modernidad de lo insólito, sino que trazan itinerarios de los encuentros de un sujeto femenino con ciertos recuerdos
u obsesiones personales. La elección del motivo de las plazas, algunas situadas en Buenos Aires, otras en el
extranjero, es el lugar de cruce donde la imaginada topografía urbana se encuentra con la proyección de la mirada
sedentaria –que es lanzada desde el descanso al que convoca el asiento a la sombra. La plaza resucita al paseo
público de otros tiempos y a la silueta un poco fanée de la vista impresa en la tarjeta postal, imagen repetida que
siempre habla de lugares ya visitados por otra gente3.

4 Las crónicas pregonan que toda mirada es cultural, que está determinada por las lecturas: «Cuando e (...)
5 «Una vez escribí sobre un viaje a Venecia. Se lo conté a muchos: jamás había estado ahí. No hacía m (...)
6 Así por ejemplo, una larga nota sobre los circuitos sado-masoquistas en Buenos Aires («No, mi ama», (...)

5En este trayecto, algunas estaciones suenan lógicamente como recorridos más auténticos que otros. La más
flagrantemente inventada es la séptima de la serie, que lleva el título delator de «Venecia sin mí [Plaza de San
Marcos]». Por supuesto, el relato no permite deducir sin vacilar que el itinerario de la narradora no ha pasado en
realidad por allí, pero el último capítulo del libro lo insinúa4 y la autora se encargará más tarde de confirmarlo5. El
carácter probadamente ficticio de la séptima estación echa una luz de duda sobre varios momentos de las otras y
confirma un importante principio operativo: la práctica de la inserción ficcional en marcos que en principio la
excluirían, como la escritura del viaje o la entrevista6. De allí las frecuentes metamorfosis del modelo viajero, que se
transforma en cuento sobre la familia (Plaza Djemá el F’ná), en evocación fantasiosa del duelo personal (Plaza
Borda), en apología barroca y transgresora de los ritos sedentarios del bar porteño (Plaza Miserere), etc.

6La fundamentación programática de Banco a la sombra se encuentra en su tramo final, que tiene también valor de
última parada del trayecto, dedicada a la plaza Dorrego, la del mercado de pulgas más popular y más turístico de
Buenos Aires. Bajo la forma de una irónica viñeta o aguafuerte ciudadana en la que se vuelve al lugar de origen de la
viajera, el capítulo está destinado a enunciar estética y ética de la cronista. Ambas fusionan en una encendida
defensa del lenguaje como mediador absoluto de la experiencia y en la búsqueda de una mirada exenta de
determinación colonial. De allí el rechazo de la idea de experiencia original, de saber adquirido en contacto
inmediato con lo exótico, de memoria directamente transmisible, de neutralidad ideológica del observador. Para
Moreno, la mirada del viajero que pretende escribir todo lo que ve es etnológica y lleva naturalmente hacia la
colección, la acumulación de capital, el mercado, la superstición del objeto y la «loa exotista»:

La enumeración caótica es el ritual recurrente del colonizador. Lévi-Strauss cifra en nombrar cada uno
de los elementos hallados en sus viajes una prueba de haber estado allí. Sin embargo, la experiencia no
puede ser sino retórica. […] «He recorrido» es la declaración soberana del que ejerce un derecho:
escribir sólo luego de haber hecho la experiencia, no como turista sino desde la sustancia misma de los
sitios, exhaustivamente, no de uno sino de todos los mercados […]. Pero estoy segura de que Lévi-
Strauss podría haber logrado ese dechado de estilo sin haber estado in situ, ensamblando párrafos de
libros escritos por viajeros de la biblioteca francesa. Enumerar es la necesidad de imaginar una posesión
imposible, no un correlato de lo conocido (Moreno, 2007: 150).

7La objeción a la experiencia y al discurso del etnólogo vehicula la crítica al impulso acumulador del capitalismo.
Transpuesto al marco de su propio libro y de la fabricación del género, el ataque expresa una reticencia de fondo
frente al cronista tradicional, observador y archivista, instalado en un lugar desde el cual se percibe, se opina y se
reconstruyen la escena o la historia de los objetos. Es decir, expresa el rechazo de una mirada culturalmente
determinada tanto por la fascinación de las cosas como por la confianza en la memoria, el «he visto», el «veo», que
consagraron Joseph Roth o Walter Benjamin en sus paseos por Berlín o por París, los escritores del ochenta o
incluso Roberto Arlt en sus evocaciones de Buenos Aires.

7 Entre los momentos de la Excursión … que le gusta mencionar figuran el episodio de la curación del (...)
8 Sobre la valoración del dandismo y la reiterada construcción por Moreno de su propia imagen como la (...)

8En materia de viajeros se podría inferir en cambio que en el pensamiento de María Moreno hay un antídoto
perfecto a Lévi-Strauss, a los coleccionistas y a los merceros. Es el celebrado relato de viaje de Lucio Mansilla, la
Excursión a los indios ranqueles (1870), que ella admira y cita a menudo (Moreno, 2005c, 2013, etc.). El ejemplo
puede verse como referencia a un modelo que ilumina el género cronístico y casi como un emblema de la literatura
que debería ser, afianzada en los tonos de la lengua hablada y abierta a una idea de futuro7. Visto desde el ángulo de
la enunciación, el libro resulta único probablemente porque reúne dos miradas en un solo estilo: el golpe de vista
exacto pero consciente de su impregnación subjetiva y un registro antropológico-político atento a la identidad de los
otros. En cuanto al privilegio acordado al personaje mismo del escritor gentleman, mediador insólito y generoso de
sí, su silueta confirma la valoración del dandy 8 en los textos de Moreno, en una franca elección de la figura del
artista, creador de una huella original, por sobre la del investigador o la del cronista a secas.

Seudónimos y lenguajes. Cosas nimias


9María Moreno asume frecuentemente una actitud crítica con respecto a la autoridad del escritor, a la idea de obra, a
las jerarquías implícitas en todo canon, que coincide con la reivindicación de una escritura fraguada desde los
márgenes, en esas «zonas francas que permiten el suplemento cultural, la página de misceláneas, la revista literaria y
la columna del costado» (Moreno, 2011a: 9). Signos de la ambigüedad con que ella enfrenta desde siempre el
estatuto de autor son también los vaivenes entre su nombre de pluma y su nombre legal (María Cristina Forero) en el
primer período de su producción, sobre la que resume: «Siempre hubo [en mi trabajo] una idea de no
reconocimiento, de construir algo exterior a mí, sin posibilidad de autoría» (Moreno, 1998).

9 En una crónica sobre los usos de la anécdota la escritora insiste en las cómodas vías actuales de f (...)

10Con estas ideas9 hay que conectar la defensa del estatuto de periodista y la valorización de su trabajo en tanto
trabajo asalariado. En realidad, esa defensa despeja los puentes tendidos entre el periodismo y la literatura, pero
desde un espacio bien diferente al de la tribuna académica o la historia literaria. Se trata por supuesto de una
afirmación de igualitarismo social –el escritor/periodista necesita de una paga como cualquier otro trabajador– pero
también de la construcción de un nicho aparte, donde se situaría una escritura que se auto-proclama a la vez dentro y
fuera de la biblioteca universal. Según Moreno, el cronista contemporáneo debería escribir no tanto sobre lo que
logró averiguar sino sobre lo que no sabe, es decir, como en un ejercicio literario, sobre aquello de lo que se irá
enterando a medida que vaya componiendo la página. Para esta escritora entonces, no hay autoridad legítima a la
hora de ordenar el saber del texto y el que firma no puede tampoco prevalerse de ningún privilegio en ese sentido,
pero tiene en cambio una única responsabilidad, que es la de no obedecer ciertos mandatos. El trabajo de los
márgenes comporta precisamente saludables oportunidades de desobediencia –el desvío de un encargo editorial
inocuo a favor de una tarea con sentido polémico; un juego con la lengua que combata las facilidades y los
estereotipos; un descolocar las ficciones sociales que las revele en su verdadera funcionalidad. Lo propio de la
escritura es la invención (Moreno, 2011a: 9), no el acopio de conocimientos, y sus escuelas están al alcance de la
mano, en la radio, en la canción popular (Gardel resulta un excelente maestro de poesía), en la ciudad, en los diarios,
en la literatura misma.

11Canción, voces y acentos, hablas locales, giros periodísticos, literaturas escritas: el problema de la lengua y de las
tradiciones lingüísticas que definen los usos de una cultura marca el pensamiento de esta cronista, que viene a
ocupar así un sitio propio en la discusión sobre el valor de las tradiciones populares, uno de los debates centrales a la
historia de la cultura argentina. Su vindicación de los lenguajes orales y de las lenguas subalternas, anotada en
cantidad de crónicas, se deja fácilmente poner en paralelo con su selección de autores que construyen identidades
«oblicuas, indirectas, distantes», como Manuel Puig, Copi o Néstor Perlongher y con su preferencia por los que han
vivido su estilo de dandys sin flaquear, como Charlie Feiling u Osvaldo Lamborghini (Moreno, 2011a, 2013 y
passim). En el mismo sentido opera su instrumentación del kitsch, manera de colocarse fuera de los parámetros
normativos del gusto, y la autocrítica irónica de su propio estilo de mezcla –como ella misma dice: «de chatarra», su
«técnica de cartonera», su hábito del «secuestro» o plagio–, o sea, del uso de modos de decir acarreados por la
travesía entre niveles de lenguaje y por la lectura de traducciones.

10 Un texto característico en este sentido es «Yorando en el espejo» (Moreno, 2008a), en torno al tema (...)

12Muchas de las intervenciones de María Moreno vuelven sobre algunos problemas que preocupan hoy a la crítica
literaria. Bajo la forma ya de una opinión deslizada a vuelta de página, ya de una demostración argumentada, se
pueden leer sus posicionamientos sobre cuestiones como el testimonio, la ficcionalización de lo autobiográfico, las
narrativas de lo político, el tiempo lento de la literatura frente a la escritura prêt(e) à porter de los libros influidos
por la red y por la voracidad editorial, etc.10. En este grupo de escritos algunos delimitan sin embargo mucho más
directamente una poética de la crónica. Las ideas, expuestas de manera fragmentaria u orgánica a partir de 2005,
están dispersas en textos diversos (Moreno, 2005c, 2007a, 2008a, 2008b, 2011a, 2013, y en Gorodischer, 2011),
entre los cuales se destacan la larga nota «Escritores crónicos» (2005c) y un bello artículo sobre Lemebel («Pedro»
[2002], en 2011a: 134-140). De ese conjunto de observaciones retendré aquí tres aspectos centrales: las reflexiones
sobre la inserción periodística del género, sobre el carácter del cronista, sobre el material y el lenguaje de la
escritura.

11 Para subrayar mejor su rechazo de las modas editoriales, Moreno misma suele pronunciarse contra el (...)

13El primer punto remite a las relaciones del escritor con el periodismo en tanto institución dependiente, sea del
Estado, sea del capital privado y del mercado, y ofrece a la autora la oportunidad de disertar sobre la historia del
género así como sobre los estímulos y limitaciones que ha representado desde finales del XIX la creciente relación
con el público. María Moreno replantea aquí la dependencia ante los intereses del mandatario (el diario) y sus
clientes (lectores o poderes públicos) y acusa la recuperación actual del concepto de crónica en aras de la
construcción de una moda editorial que sirve, entre otras cosas, para enmascarar el estrechamiento real de los lugares
de inserción de los textos e incluso la expulsión de la página cronística del espacio de los cotidianos11. Por supuesto,
toda la problemática se proyecta sobre el fondo más amplio de las relaciones entre modernización tecnológica,
periodismo y literatura, un asunto clave para la historia de la cultura latinoamericana, y, en el caso particular de la
Argentina, un campo que se vio revolucionado a partir de la obra de Rodolfo Walsh.

14Pero el hilo rojo de las preocupaciones de Moreno en este plano concierne sin duda el lugar de la investigación y
de la información dentro del género. Sus planteos aparecen ligados a dos tradiciones discursivas diferentes, de las
que considera necesario alejarse. Por un lado, la herencia de la obra de Walsh, vista aquí como un mandato a
transformar o incluso a evitar. Por otro, la abundancia y éxito persistente del periodismo que bucea en lo oculto y lo
peligroso, consagrado en los años posteriores al retorno de la democracia por su alcance político, pero según ella,
vigente aun hoy sólo a causa de la popularidad fácil de la aventura, de la violencia y de lo exótico. Moreno reconoce
en Rodolfo Walsh al verdadero cronista investigador, al cronista «popular» e incluso al «cronista editor» que
encontraba, producía, redactaba y difundía las noticias en un verdadero circuito paralelo al de los medios y al del
poder político, pero piensa que el protocolo de la investigación previa a la revelación de secretos, que asentó la
manera operativa de Walsh, ha caducado. Los métodos del escritor-cronista-reportero, incluso el que practicó con la
Agencia Clandestina de Noticias que fundó e hizo operar en pleno período militar, son para ella letra antigua. En
cuanto a los cultores del «Nuevo periodismo», teóricamente inscriptos en esta tradición, tampoco podrían
constituirse aquí como referencia, ya que no se interesan en los procedimientos ni se atreven a experimentar con las
formas.

15Los textos de Moreno abogan en consecuencia por una figura positiva de cronista, diferente de la del investigador
sacrificado a la verdad y a la justicia, o del arriesgado aventurero acechado por el peligro y la muerte. E insisten en
tres tópicos que se pueden entender como las condiciones a cumplir fijadas al cronista futuro: imaginación, mirada
apasionada, estilo. El verdadero material de ese cronista serían las cosas pequeñas a partir de las cuales se inventa un
mundo (o una página), el descubrimiento de lo insignificante que se metamorfosea en la escritura, las «enormes
minucias» de Chesterton, que la periodista cita en varias ocasiones. Porque la ciudad y lo nimio (o bien los
«entresijos», lo nómade, lo «ni ni») configuran el material más auténtico, y porque el estilo deseable debe recoger
los tonos del lenguaje oral, Pedro Lemebel es uno de los dioses del género y su escritura una «prosa caníbal […] que
remapea Santiago, convirtiendo la crónica en justicia poética» (Moreno, 2011a: 137).

16En fin, la exigencia más ajustada a su propia práctica y a su propio estilo es quizás justamente la que concierne la
capacidad de lengua, la incisión oral, democrática, sexuada, popular, que según la escritora sería inseparable de una
auténtica intención cronística. Más bien austera, la tradición argentina aparece en esto como un límite, puesto que la
forja de un lenguaje extra-ordinario que tenga los acentos de lo cotidiano habría quedado censurada, así como las
proyecciones del tesoro modernista y neobarroco, por el prestigio local del pudor y del sobreentendido, encarnada en
la segunda parte del siglo XX en una línea «ascética» cuyos representantes más conspicuos revistaban o habían
revistado en las filas de Sur (Moreno, 2005c y 2011b). En cuanto a la crónica actual, resultado de una época en que
dominan los mercados editoriales y la fabricación conformista de eventos culturales, Moreno la ve como un
producto-cajón de sastre, amenguado por la ausencia de políticas lingüísticas que primen por sobre la inercia de la
máquina narrativa, y detentadora de una ausencia flagrante de voluntad experimental, de concisión y de audacia de
lenguaje.

17El modelo ideal de crónica que se desprende de estos textos parece ser en realidad un modo específico de la
literatura que permitiría pensar el tiempo y el sujeto junto con la militancia o la presencia de las cosas concretas, un
modelo en donde el lenguaje tiene un papel protagónico. Es lógico entonces que uno de los mejores «cronistas» sea
el poeta, y que la mejor descripción de la lengua deseada lo concierna:

La autoadscripción de «cronista» elegida por varios intelectuales latinoamericanos (Carlos Monsiváis,


Pedro Lemebel), en pos del legado de la compleja relación entre poesía, intervención cultural y política
de los cronistas modernistas convendría hoy al Perlongher de Prosa Plebeya […] y de Papeles insumisos
[…]. Allí descuella ese barroco de trinchera que Baigorria definió […]: «Una lengua que se habla bajo
fuego, en medio del combate, en una posición más subterránea que la oración de barricada. Una lengua
menor, pero urgente, apremiada por sacarle el cuerpo a la posibilidad de captura o destrucción en manos
del enemigo. Una lengua política» (Moreno, 2008b).

Bajo el signo de lo experimental. El paso del grabador


18Sin embargo, ni la teoría ni la práctica textual de María Moreno se agotan en este programa. Otros dos parámetros
que me parecen todavía más significativos dentro del contexto de las tradiciones argentinas anudan en sus textos la
literatura a la crónica. El primero es el encomio de la voz y de los escritores atentos a las voces sociales,
consecuencia de una mirada que valoriza la presencia textual de los subalternos y de los «tonos extraviados» de la
época. El segundo es la defensa de la operación de montaje (y del montaje de voces), procedimiento que animaría el
lado más prometedor de las poéticas contemporáneas.

19El manifiesto en favor de las voces se puede articular directamente con su propia práctica, no sólo estilística
(léxico, tonos), sino retórica, en particular en los artículos que obedecen al modelo de la entrevista. Captada en su
integralidad o mechada por fragmentos entre otros discursos, la entrevista es una vía específica de intervención en
terrenos polémicos y en debates de resonancia social (como las nuevas políticas de la memoria que surgen de las
prácticas artísticas, por ejemplo, en Moreno, 2003 y 2007b). Si bien el formato es parte desde siempre de su
trayectoria periodística, se puede observar un ajuste progresivo de la técnica, que lleva a la autora a disimular cada
vez más la propia voz. Son reportajes en los que ella toma partido sin excepción, pero situándose siempre en el sitio
donde la voz de los otros emerge frente al borrado de la suya –delimitando una suerte de sujeto ausente que recuerda
el caso de las escrituras de no-ficción.

12 Publicado originalmente bajo el título de «Doble casetera» (Moreno, 2010b).

20La atención que se presta al registro de las voces resulta entonces inseparable del relieve dado a los
procedimientos de selección y montaje, foco argumental de Moreno en el que se produce el encuentro entre la
práctica de Puig y las visiones premonitorias de Walsh. El heredero de la utopía de Walsh sobre las posibilidades
artísticas del montaje sería justamente Puig, en cuya obra de madurez se pone a prueba el mayor grado posible de
exclusión del narrador a través de la inducción y la edición de otras voces. El inspirado artículo «Puig con Walsh»
(Moreno, 2013: 271-281)12 es el que más sistemáticamente expone estas ideas, y mejor pone en evidencia el camino
entrelazado que en el pensamiento de María Moreno recorren la literatura y las estrategias del cronista. Allí afirma
que Walsh no habría trabajado la tensión entre ficción y realidad, sino que habría liquidado tales fronteras al
«intervenir en lo real», de modo que su originalidad «radicó en concebir una literatura que con los únicos elementos
de la compaginación y el corte del testimonio, el documento y la historia de vida, tuviera todas las perfecciones de la
ficción» (273). Ambos autores comparten «el proyecto común involuntario de hacerse soportes de voces
heterogéneas» (280), «ambos tenían un oído absoluto para una música, un estilo y unos matices que se fugaban
hipnóticos por sobre la voluntad de sentido de los «subalternos»». (281) Ambos aparecen como fundamentales para
una lectura política de la cultura. En el universo de los relatos (literarios o no) el futuro estaría entonces en manos de
quienes fueran lo suficientemente audaces como para romper las jerarquías que genera la escritura y adoptar gestos
que asumieran las lecciones radicales de esos maestros.

21Evidentemente, este programa estético, que abre grandes hacia el futuro los lineamientos de una escritura por
hacerse, no carece de notas comunes con la ya larga revalorización crítica de los dos autores mencionados, del
mismo modo que viene a colocarse en sintonía con el protagonismo del montaje en los diagnósticos sobre las
vanguardias actuales, sobre todo en textos de autores como Alan Pauls. Todo lo cual aporta una prueba más de la
capacidad de María Moreno para pensar tendencias teóricas transfiriéndolas o traduciéndolas a hipótesis propias
originales. Digamos también que el programa recupera una fuerte vinculación ideológica con el pasado a través de la
referencia al pensamiento elaborado en los años sesenta y setenta sobre las vanguardias revolucionarias y las
vanguardias artísticas. Al reunir las poéticas de Puig y de Walsh Moreno entiende volver a reunir la línea de las
vanguardias políticas con las de la renovación literaria. Esa voluntad de síntesis que rehúsa la vieja dicotomía entre
las armas y las letras, entre los libros y la vida, se lee igualmente en su extenso artículo «Che lector», en el mismo
volumen citado (Moreno, 2013: 255-269), que se ubica en la estela de las ideas de Ricardo Piglia sobre el personaje
del Che, y donde el acento está puesto en la indisoluble vocación doble de intelectual y de revolucionario de
Guevara.

Conclusión
13 En la literatura argentina de los años 2000, Beatriz Sarlo (2007) distinguió dos líneas predominant (...)

22Se ha dicho con acierto que la crónica urbana tomó a su cargo el desplazamiento de la literatura hacia los medios
de comunicación que había sido impulsado por la cultura de masas (Franco, 2003: 251-260). El caso de María
Moreno muestra precisamente la permanencia de un pensamiento y de una práctica que entreteje poéticas de cuño
literario con un arraigo de la mirada y del sujeto en el presente social a la manera de los grandes cronistas y de
ciertos hitos del periodismo contemporáneo. Sus textos trazan puentes entre proyectos discursivos (latinoamericanos
y rioplatenses) para los que proponen una descendencia posible, y recuperan la idea de la unidad del tiempo
vanguardista, acercándose al pensamiento actual sobre el sentido político de toda estética (Rancière). Las estrategias
de la crónica y las de la literatura no diferirían en lo esencial, siempre que se supere el mero concepto de técnica o de
procedimiento con una comprensión socializante de los términos. Así, en el camino abierto hacia el futuro por los
textos de esta cronista se evitan tanto las tendencias actuales a una escritura «etnológica»13 como el estancamiento
en formas «leves» en que la literatura del continente parece haberse complacido últimamente, tironeada entre una
dimensión definitivamente post-auréatica y la facilidad de los programas icónicos de tiempos dominados por la
tecnología.
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Bibliographie
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noviembre de 2013, http://www.pagina12.com.ar/diario/suplementos/libros/10-5167-2013-11-10.html (consulta 5 de
julio de 2016).

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Notes
1 Ver Moreno 2001, 2002, 2005a, 2007a, 2011a, 2011b, 2013.

2 He estudiado con mayor amplitud la escritura cronística de María Moreno y sus modos de inserción en lo
contemporáneo en mi artículo «Crónica y tiempo contemporáneo: los textos de María Moreno», ponencia al
Workshop «Temporalidades de la globalización en el mundo hispánico» (Berna, 26-27 de marzo 2014), de próxima
aparición en volumen, editado por la Universidad de Lovaina (Ver Orecchia Havas, 2015). Aquí en cambio me
centraré sólo en el enfoque de los aspectos meta-cronísticos.

3 Una serie de fotos supuestamente tomadas en los lugares a los que se alude acompaña los capítulos del libro.

4 Las crónicas pregonan que toda mirada es cultural, que está determinada por las lecturas: «Cuando escribí sobre
Venecia lo hice luego de leer el libro de Paul Morand; mi Taxco tiene indecentes porciones de Helena Poniatowska»
(Moreno, 2007a: 152).

5 «Una vez escribí sobre un viaje a Venecia. Se lo conté a muchos: jamás había estado ahí. No hacía más que
homenajear la tradición de cronistas viajeros sin viaje como el Fray Mocho de En el mar austral.» (Moreno, 2013:
136).

6 Así por ejemplo, una larga nota sobre los circuitos sado-masoquistas en Buenos Aires («No, mi ama», en Cristoff
[comp.], 2006: 77-99) incluye tres entrevistas, una de las cuales es muy probablemente falsa. Ver De Leone, 2011b.

7 Entre los momentos de la Excursión … que le gusta mencionar figuran el episodio de la curación del cacique
Mariano Rosas, que padecía de viruela negra, las situaciones de negociación donde el cacique se muestra más lúcido
y memorioso que los blancos, las escenas de acogida y de fiesta. Todas esas escenas focalizan la atención sobre la
disponibilidad del escritor para el contacto con el cuerpo de los otros, así como sobre la materialidad de los cuerpos,
olor, mugre, piel, temas que ella ha tratado a su vez en varias crónicas (ver Moreno 2011a: 55-58; 2013: 13-16 y
185-190).

8 Sobre la valoración del dandismo y la reiterada construcción por Moreno de su propia imagen como la de una
dandy un tanto trasnochada, ver Orecchia Havas, 2015.

9 En una crónica sobre los usos de la anécdota la escritora insiste en las cómodas vías actuales de fabricación de un
nombre: «Hoy el 50% de la emergencia de un autor se basa en la edición que éste hace de sí mismo a través de
blogs, videos, facebook, etc. Es la ilusión de tener controlada la crítica mediante la proliferación de datos voluntarios
y de anécdotas dejadas como cebos.» (2013: 135).

10 Un texto característico en este sentido es «Yorando en el espejo» (Moreno, 2008a), en torno al tema del «giro
autobiográfico» de la literatura argentina, un tópico de la crítica cultural y literaria (Sarlo) que se ha convertido en
una muletilla de universitarios. En una muy extensa nota polémica, Moreno examina esta categoría que
evidentemente le interesa menos como clave textual que como trampolín para criticar el parasitismo de la crítica y
radiografiar la idea de novedad («las arrugas de lo nuevo»), examinando el estatuto de la intimidad hoy, en tiempos
de chat, de blog y de red cibernética, y discutiendo la relación actual de la escritura con la tecnología (2008a).

11 Para subrayar mejor su rechazo de las modas editoriales, Moreno misma suele pronunciarse contra el apelativo de
cronista tal como se lo aplica hoy en publicaciones especializadas, y recuerda, citando a Caparrós, que en el
periodismo de los brillantes años sesenta y setenta el cronista era sólo el que traía la información, mientras que los
demás miembros de la redacción no enrojecían al ser llamados periodistas (2005c).

12 Publicado originalmente bajo el título de «Doble casetera» (Moreno, 2010b).

13 En la literatura argentina de los años 2000, Beatriz Sarlo (2007) distinguió dos líneas predominantes, la
imaginación etnográfica (el presente como escenario a representar y como tiempo de referencia) y la tendencia a la
iconografía de lo Actual (abandono de la trama, moda del disparate, de los discursos que proceden de la tecnología,
de los supuestos lugares contra-culturales de enunciación, etc.).

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Pour citer cet article


Référence électronique
Teresa Orecchia Havas, « Crónica de crónicas: teoría y práctica del género en los textos de María Moreno »,
América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 24 octobre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1745 ; DOI : 10.4000/america.1745

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Auteur
Teresa Orecchia Havas

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
IV. De la nécessité d’un genre au XXIe siècle

Aux nouvelles frontières de la chronique


Blogs culturels du nord-ouest du Mexique
En las nuevas fronteras de la crónica, blog cultural del Noroeste de México
Anaïs Fabriol
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Citation | Auteur

Résumés
Français Español

L’art de réaliser une chronique s’est vu modifié avec l’arrivée des nouvelles technologies de l’information.
L’avènement des blogs, dans la première décennie de notre siècle, a permis à de nombreux auteurs d’entreprendre
une nouvelle réflexion sur les formes non fictionnelles, dont la chronique fait partie. Cependant, qu’écrit-on dans
certaines régions, carrefour de plusieurs identités culturelles, comme le nord du Mexique. Quel regard porte-t-on sur
une culture forcément multiple et polysémique ? Comment cartographie-t-on un essor créatif nouveau,
géographiquement localisé ? Notre étude s’intéresse à deux blogs emblématiques, « Badbit.org » et « , enfin… »,
témoins de leur temps et de l’évolution des formes d’écriture, et à une expérience d’écriture, « minicienciaficción ».
Tous cherchent à chroniquer et à décrire une réalité mouvante, tout en retraçant l’évolution des différentes formes
d’expression.

El arte de escribir una crónica se ha transformado con la llegada de las nuevas tecnologías de la información. La
aparición de los blogs, en la primera década de nuestro siglo, permitió a numerosos autores lanzar nuevas reflexiones
sobre las formas no ficcionales, como la crónica o el ensayo. Sin embargo, ¿qué es lo que se escribe en algunas
regiones, donde se cruzan diferentes identidades, como es el caso del norte de México? ¿Cómo se mira una cultura
múltiple y polisémica? ¿Cómo cartografiar nuevas creaciones? Nuestro estudio se interesa por dos blogs
emblemáticos, « Badbit.org » y « , en fin… », testigos de su época y de la evolución de las formas de escritura y por
una experiencia semi literaria, « minicienciaficción ». Todos sirven para crear crónicas y descripciones de una
realidad movediza, y a la vez son muestra de la evolución de las formas de expresión.

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Entrées d’index
Mots-clés :
blogs, nord du Mexique, chronique culturelle, statut de l’auteur, diffusion de l’auteur, glissement fiction/réalité

Palabras claves :

blog, norte de México, crónica cultural, estatuto de autor, difusión literaria, enlace ficción/realidad
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Plan
Badbit, ou le blog par antonomase
Alejandro Espinoza et en fin…
L’expérience « Desde Aquí se ve el Futuro »
Pour conclure
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Texte intégral
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1L’avènement de nouvelles technologies de l’information a permis, depuis la toute fin du xxe siècle, de repenser les
médias écrits et les stratégies de diffusion. L’apparition des premiers blogs, au début de notre siècle, de par leur
forme et leur type de rédaction, a du reste plus modifié la production de non-fiction (chroniques, essais, journaux
intimes) que les processus de narration, en démocratisant son émission et sa réception. Désormais, tout anonyme a
pu, du jour au lendemain, voir ses écrits suivis par des centaines, voire des dizaines de milliers de personnes, ce qui,
malheureusement, n’est pas toujours un gage de qualité.

2Au Mexique, pays relativement bien connecté dans ses zones urbaines, l’apparition des blogs a été concomitante de
leur essor ; dans le Nord, elle l’a été d’autant plus que la proximité avec des États à la pointe des technologies de
l’information comme la Californie a été moteur d’échanges. Cet essor peut également s’expliquer par le fait que le
vivier de jeunes auteurs (nés entre 1970 et 1985, à la toute fin de la Génération X donc), est généralement issu de
secteurs où la formation informatique s’est faite en même temps que la formation littéraire – comme nous le
montrera plus loin l’exemple de Miguel Lozano, « BadBit » – ; Internet leur permettant par ailleurs une bien
meilleure diffusion de leurs écrits que les maisons d’édition – souvent officielles ou précaires – locales.

3Si bien des blogs mexicains, et, dans une moindre mesure ceux du Nord-Ouest, ont une approche politique
ouvertement contestataire (et il y a matière, tant durant les années Calderón que depuis l’élection d’E. Peña Nieto),
notre étude, portant sur la chronique, va tenter d’interroger un genre que l’on a vu évoluer avec les médias
numériques : la chronique culturelle.

4Il serait hasardeux de penser que la numérisation de l’information et l’accès, rapide, peu onéreux et de qualité
convenable n’a pas modifié la manière qu’a le chroniqueur d’interroger, de s’approprier et de construire une
réflexion, aboutie ou non, sur des faits culturels, quels que soient d’ailleurs leurs supports. Celui qui parle
maintenant d’un objet audiovisuel ou musical peut, à l’instar d’un commentateur radiophonique ou télévisuel, en
proposer directement les fragments visés, et dans de nombreux cas le travail ne s’arrête pas à la simple citation,
créant une véritable hybridation générique. D’autre part, si la chronique culturelle a souvent été à la limite entre
critique plus ou moins objective et narration non fictionnelle (ou semi-fictionnelle) le blog élime presque
irrémédiablement des frontières déjà bien mises à mal par la post-modernité. À l’instar de Lyotard, qui voyait la
mort du grand récit au début de l’ère postmoderne, la chronique telle qu’elle apparaît dans les blogs hybride
différents formats et supports. Cette hybridation est d’autant plus intéressante qu’elle permet d’aller au-delà d’un
hinc et nunc parfois réducteur et d’aller vers un débat plus globalisé.

5Dès lors, quelles sont les spécificités de ces blogs culturels du Nord ? Sont-ils tournés vers la frontière, vers une
réalité qui est de moins en moins ancrée dans ce qu’en blogging l’on nomme l’IRL (In Real Life, c’est-à-dire ce que
l’on côtoie physiquement tous les jours) et centrée vers un au-delà dématérialisé ? Ou bien se trouve-t-on au
contraire dans un recentrement vers la culture frontalière ? Quels faits, idées, concepts, éléments culturels chronique-
t-on et pourquoi ? Y a-t-il une part de création fictionnelle, et si oui, pourquoi et comment ?

6Notre étude portera sur trois médias différents : le blog de l’informaticien et nouvelliste Miguel Lozano
(www.badbit.org), celui de l’écrivain Alejandro Espinoza (http://akurtz.blogspot.com/​), et le blog collectif
coordonné par Néstor Robles et Pepe Rojo (http://minicienciaficcion.blogspot.mx/​). S’il existe bien évidemment
d’autres supports sur la zone frontalière, ces trois-là attirent tout particulièrement notre intérêt dans le sens où, de
manières différentes, ils cherchent à chroniquer la réalité du monde frontalier tout en la transcendant.

Badbit, ou le blog par antonomase


7Ouvert en 2004, Botellas al Mar (une partie des archives n’est plus consultable pour des raisons diverses), le
premier blog « BadBit », se veut avant tout un lieu d’écritures diverses, l’auteur se revendiquant à la fois de la geek
culture et d’éléments plus mainstream (littérature et musique classiques). Initié comme un mélange entre un journal
intime, une chronique littéraire et un lieu de publication de fictions (micro ou courtes nouvelles), son premier
message, que nous pourrions qualifier de pacte de lecture, se veut explicite :

8¡Qué manera de comenzar! ¡Qué primera línea para un escrito de este tipo de escritos! Afortunadamente no sabía
hablar cuando nací, y no tuve la oportunidad de regar el comienzo de mi vida como lo estoy haciendo ahorita con mi
«laiv yurnal». Ojalá hubiera comenzado con algo que se volviera famoso como: «En algún lugar de Mexicali, de
cuyo nombre no quiero acordarme…».
Afortunadamente, los diarios que anuncian su final son sólo tristes excepciones…
(http://badbit.blogspot.fr/​2004/​01/​el-inicio.html, consulté le 3/10/2014).

9Si son billet inaugural peut renvoyer à une certaine forme de journal intime, Botellas al mar, comme beaucoup de
blogs, va plutôt se chercher du côté de la chronique littéraire (interrogations sur certains ouvrages anglophones, mais
aussi, et chaque fois plus d’ailleurs, sur les titres marquants des années 2000 au niveau mexicain ou local,
publications d’A.B.U.R.T.O d’Heriberto Yépez, reseñas d’ouvrages d’écrivains de Mexicali…), musicale ou encore
consacrée à la culture geek, en général étasunienne. Botellas al Mar, à la différence de beaucoup de supports de ce
type, qui s’intéressent à représenter une culture hybride, frontalière, va obtenir un lectorat (il sera classé à la
33e place des 75 meilleurs blogs mexicains en 2006), et finalement décroître à la suite d’opérations de trolling. Le
problème de la nouvelle chronique, c’est qu’elle se trouve dans un espace participatif, et que la retenue n’est pas
toujours de mise dans les commentaires.

10En 2013, comme bon nombre de bloggers historiques – on peut entendre par historique tout blogger ayant débuté
avant la présente décennie –, « BadBit » va changer de plate-forme et ouvrir une page épurée, plus que jamais axée
sur la chronique d’événements culturels touchant de près ou de loin l’univers quotidien : livres, films, musiques ou
autres créations interactives. Il est néanmoins intéressant de constater que si un virage assumé a été fait du côté de la
non-fiction, ce virage a été nourri par le nouveau statut de l’auteur (d’étudiant il est devenu professeur universitaire)
et par son déménagement dans une zone géographique plus propice aux commentaires de spectacles vivants
novateurs. Il est intéressant de constater que Badbit ne commencera à s’interroger sur le rôle de l’organisation
frontalière (multilinguisme, difficulté d’accès, rapport à l’autre) qu’une fois qu’il aura emménagé plus loin des États-
Unis, qu’il sera confronté à un nouvel espace à chroniquer, et donc à mettre en perspective : « Hace poco estaba
pensando que no comprendo las ciudades sin frontera. Así como a aquellos que crecen en ciudades con mar les
cuesta trabajo comprender una ciudad sin mar. Para mí la frontera es mi brújula » (De camino al trabajo, Botellas al
mar, 2011).

11L’intérêt principal de Botellas al Mar, puis de « badbit.org » est donc, avant toute chose, sa longévité et son
caractère protéiforme. Peu importe qu’à l’origine il se soit agi ou non du seul blog culturel en présence : le point le
plus important est sans doute que son auteur soit l’un des rares à s’être construit à travers la chronique numérique
avant de passer à d’autres formes, plus physiques, de publications. Cette transition s’affirme depuis 2014, quand
Badbit, qui publie des critiques artistiques dans des quotidiens locaux tels que El Vigía, doté d’un tirage papier assez
conséquent, reproduit ses articles sur son blog.

12Ses blogs ont également le mérite de défricher une chronique culturelle locale souvent enlisée dans un processus
laudateur (du fait du manque de productions) et souvent incapable de comparer, rationaliser et mettre en perspective
son analyse de l’art en général. Dans ce sens, les billets des deux blogs de Badbit sont, sans nul doute, de très bons
témoins et analystes de la construction des idées frontalières des dix dernières années, dans le sens où l’auteur se
réfère à la fois au monde proche et accessible (les groupes d’auteurs et ateliers d’écriture de Mexicali puis
d’Ensenada, les auteurs de l’université, les initiatives culturelles proposées dans les deux villes, qu’il y prenne part
ou non), mais également à celui plus lointain des États-Unis ou du centre du Mexique, le blog permettant, d’une
certaine manière, de chroniquer à la fois un ici et un là-bas.

Alejandro Espinoza et en fin…


13Si Miguel Lozano et Alejandro Espinoza sont assez proches – tous deux viennent de Mexicali et se sont retrouvés
à plusieurs reprises impliqués dans des projets communs –, leurs trajectoires diffèrent sur un point précis : Espinoza
était déjà connu comme écrivain et chroniqueur « sur papier » avant l’apparition de son blog, dont les premiers
billets datent de 2003. Tout comme l’a fait BadBit, on peut remarquer que ses billets sont plus nombreux et plus
réguliers dans les premières années (environ un billet par semaine), puis cela décroît à la fin de la décennie 2000-
2010 après avoir connu un pic circa 2008-2009. Dès les toutes premières chroniques apparaissant sur « , en fin… »,
Espinoza s’interroge sur les rôles de la littérature et les supports qu’elle revêt, en particulier le tout récent support
numérique :

Alberto Chimal menciona (parece ser que sacaron de contexto la cita. pero en fin) que uno de los
problemas de esta libertad que sugiere la escritura por medios electrónicos no permite garantizar la
calidad de la obra. Esto me parece absurdo.
En ningún momento puede garantizarse la calidad de una obra literaria, ya sea por medios impresos o a
través de una publicación virtual. He tenido una infinidad de novelas adquiridas en los últimos años que
pueden atestiguar que el medio impreso no garantiza en lo más mínimo la calidad literaria
(akurtz.blogspot.fr/2003/12/hace-unos-diyas-estuve-pensando-sobre.html#links, la graphie est
d’origine).

14L’interrogation de la valeur du support numérique revient, tout comme le positionnement entre mainstream et
underground. S’il utilise beaucoup moins de médias différents que BadBit, Espinoza procède par contre beaucoup
par synesthésies, posant souvent la question du rôle d’une musique mondialisée, globalisée, voire délocalisée, dans
l’illustration des gestes et des actions du quotidien, parfois même dans la langue de Shakespeare :

Jazz is speed, electric cocaine, so it is no surprise that the first time I got hooked on the speed of reality
was with John Coltrane’s A Love Supreme. Acknowledgement. Resolution. Pursuance. Approximately
a liter of coffee and thirty minutes of constant exercise. [...] The room smelled of sweat and coffee
beans, the mouth stench of too many cups of Java flowing in my veins. Speed became my captain; life
became a free jazz exercise. This experience lasted ten years.
(http://akurtz.blogspot.fr/​2003/​11/​coming-down-from-coca-cola-dream.html#links)

15Parfois, cette même réalité culturelle est transformée en sujet d’humour noir, où le très local côtoie la culture
savante et la pop-culture, dans un mélange à la fois répulsif et tragicomique :

Okey.
Mañana se presenta Luciano Pavarotti en La Laguna Salada, desierto de donde se da paso la ciudad de
Mexicali, rumbo a la Rumorosa.
Ha sido un espectáculo digno de los mejores episodios de The Simpsons, pan y circo para un pueblo que
todavía se saca los mocos en público, le gustan los platillos de los restaurantes con redilas, y entran con
cachucha a la iglesia.
No pude dejar de pensar en esta imagen: Luciano Pavarotti, desnudo salvo unos calzones, comiéndose
una pasta rebozando de carne molida, pensando en la última vez que tuvo una erección. ¿Por qué pienso
en esto? Porque los seres humanos somos patéticos, y alguien debe presentar una imagen banal y
estúpida que baje del trono a los más airados.
La ciudad estará vacía. Si alguien desea saquear las casas de aquellos mexicalenses y mexicalensas de
bien, yo puedo apuntarlos en la dirección correcta.
(http://akurtz.blogspot.fr/​2003/​10/​okey.html#links)

16Autant les blogs de Badbit que ceux d’Espinoza peuvent donc être vus comme une tentative de retracer dix ans
d’histoire culturelle de Basse-Californie, au moment précis où commencent à donner leurs fruits les politiques
artistiques volontaristes débutées à la fin des années 1970. Si tout n’y est forcément pas de grand intérêt – d’où
d’ailleurs la suppression sans doute de certaines archives – ces deux structures ont donc le mérite à la fois de tracer
l’évolution culturelle propre d’un territoire (ni mainstream du centre de la République, ni copie fidèle et aveugle de
l’autre mainstream, celui en provenance des États-Unis), tout en analysant cette évolution à l’aune de ce qui peut se
faire ailleurs. La solide culture classique des deux auteurs – en sus de leur facette geek-underground – permet sans
nul doute cette passerelle. D’une certaine manière, leurs chroniques peuvent autant être vues comme des
témoignages que comme une vulgarisation à l’adresse de potentiels lecteurs moins avertis, qui trouveraient sur
Internet des clés de premier ordre pour comprendre la culture savante.

17Leur objectif, directement avoué, ou découvert en cours de route – comme c’est souvent le cas pour les chroniques
tenues sur un blog – est de témoigner des évolutions culturelles, aussi longtemps que tiendra la plate-forme ; s’ils y
publient de temps à autre quelques récits de micro-fiction, ceux-ci restent secondaires. À la manière des cronistas de
Indias, ils ont conscience de décrire un processus en pleine évolution ; avec les différents stades d’une évolution qui
voit peu à peu les nouvelles technologies occuper le devant de la scène, et qui permet à l’auteur, dans une
perspective très bourdieusienne, d’être à la fois acteur et passeur de cette chronicisation.

18Le blog de chroniques pourrait donc être une sorte de médiateur entre un ici qui s’interroge sur le renouveau
culturel, et un là-bas qui édicte les normes et le mainstream (les interrogations sur les films issus des studios
hollywoodiens tels que la série des Star Wars sont par exemple source de nombreux questionnements souvent très
critiques chez BadBit), qu’il convient de décrypter, d’analyser, de déconstruire voire complètement de satiriser,
comme dans l’extrait d’Espinoza cité ci-dessus. Savoir quel est l’avenir de ce type de média reste toutefois
hasardeux ; si l’émergence de la dématérialisation a permis l’apparition d’une écriture moins soumise aux champs
éditoriaux et aux marchés des contenus – dont la pénétration semble souvent opaque –, l’effacement d’une partie des
billets et leur réorganisation montre bien que l’histoire d’un blog est tout sauf linéaire.

L’expérience « Desde Aquí se ve el Futuro »


19Le troisième support qui nous intéresse est quelque peu différent des deux autres pour trois raisons : il s’agit d’un
travail collectif – en général, un blog nominal peut être considéré comme participatif, mais il y a toujours un blogger
principal et des invités –, limité dans le temps, et qui oscille entre fiction d’anticipation et réutilisation d’éléments de
la réalité de Tijuana au moment précis de sa rédaction. Ce blog est le résultat d’un e-atelier d’écriture de chroniques
fictives censées avoir lieu uchroniquement dans une Tijuana post-apocalyptique. Une fois encore, son hybridité pose
la question de l’étanchéité entre la chronique, l’essai, le journal de bord et la narration fictionnelle.

20Si les contenus ne sont plus disponibles que sous forme de livre électronique (ou, depuis, physique), ils ont été
publiés graduellement sur le blog durant la courte durée de l’atelier (printemps 2012). Partant du principe qu’une
catastrophe mal définie aurait ravagé la conurbation San Diego-Tijuana deux ans plus tôt, les bloggers ont donc
imaginé une réalité alternative et catastrophique, qui par moments redéfinit l’art et la culture dans ce nouveau monde
en fin de course :

Lo único importante es trascender el tiempo y el espacio. Todo artista muere siendo un incomprendido,
ya les tocará a las siguientes generaciones reevaluar su obra. Por eso hay que presionar los límites del
estado del arte. Hacer lo que nadie había hecho antes.
Su obra, una zona radioactiva de más de cincuenta millas, entre Tijuana y San Diego está por ser
desvelada. Se corta el listón. Estalla la primera bomba art-tómica (Carbajal et al., 2012 : 13).

21Cette « zona radioactiva » peut, sans nul doute, renvoyer à la frontière : même impact dans la vie quotidienne,
même tentative de mettre à distance tout ce qui est étranger. La démultiplication des futurs et les changements
culturels sont dénoncés dans le prologue, écrit par P. Rojo :

El futuro ya no es lo que solía ser.


La urgencia por desarrollar una arqueología del futuro, disciplina de la que todavía muchos se burlan, es
vital para nuestra supervivencia. Los brotes del futuro que siguen apareciendo espontáneamente en la
zona fronteriza necesitan ser analizados.
El porvenir se juega en ello.
(http://minicienciaficcion.blogspot.mx/​p/​desde-el-bunker.html)
22« Desde aquí se ve el Futuro » pourrait être une sorte d’hybride entre un ouvrage de science-fiction et un blog
lifestyle : en somme une fiction pas si fictive d’une réalité parfois peu réaliste. Le fait qu’il soit issu d’une série de
propositions faites en ligne est garant de cette tentative de chroniciser le futur et de ce qui pourra ou non s’y dire ;
futur en direct lien avec les idées, idéaux et perspectives culturelles de l’époque dans laquelle il a été pensé – ce qui
en général est sous-tendu dans toute perspective de science-fiction est ici affirmé, assumé et proclamé. La
construction reste cependant artificielle : si tout blog de chronique s’installe sur la durée (et les deux que nous avons
analysés précédemment en sont de très bons exemples) et sur une certaine connivence avec le lecteur, ici, il s’agit de
reproduire spontanément ces connivences et durées. Les chroniques qui y apparaissent sont évidemment parodiques,
mais, comme dans toute tentative de science-fiction, lire entre les lignes peut permettre de se réinterroger sur les
rapports sociaux, sur la place de l’art, celle de la culture, celle des différences, surtout dans un endroit où l’altérité
est omniprésente.

Pour conclure
23Que ce soient des chroniques « réelles » (mais qu’est-ce le réel ? A-t-il seulement existé ?) ou fictionnelles, il est
évident que l’avènement des supports numériques, et partant, du blog, a permis l’essor de nouvelles manières de
chroniquer le culturel. Ces nouvelles formes se sont accompagnées d’une hybridation entre genres et d’un jeu sur les
réalités et les périodicités. Elles ont également permis à ces chroniques de se dégager de l’aspect lucratif et/ou de
recherche de public qu’amenait le format physique du livre, ce dernier n’intervenant plus que dans un second temps.
Dire que l’on assiste à l’apparition d’une vague de chroniqueurs indépendants serait toutefois excessif, du moins en
ce qui concerne l’objet de notre étude. D’une part, même si, du moins dans les deux premiers cas, l’entreprise est
affirmée comme propre et détachée de tout organisme, il convient de ne pas oublier d’où viennent socialement les
bloggers et leur place au sein des institutions locales. D’autre part, la constante évolution du blog en tant que média
et les nouvelles possibilités technologiques font que le rattachement des bloggers à des groupes ou des institutions
peut varier avec les époques et les forces en présence – l’on peut déjà souligner qu’en un peu plus de dix ans, la
blogosphère a déjà connu des changements radicaux, tant dans les contenus que dans les contenants. Peut-être s’agit-
il là de la dernière génération hybride entre écriture physique et écriture numérique. À moins que l’avenir n’abolisse
définitivement cette dualité.

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Bibliographie
Carbajal, Lawrence, Robles Néstor, Rojo, Pepe, 2012, Desde aquí se ve el futuro, antología de mini(ciencia)ficción,
Tijuana, ed. El lobo y el Cordero.

EspinoZa, Alejandro, « en fin… », blog, http://akurtz.blogspot.com/ (consulté le 5 juillet 2016).

LoZano, Miguel Ángel (« BadBit »), www.badbit.org (consulté le 5 juillet 2016).

—, Botellas al Mar le premier blog, http://badbit.blogspot.fr/2004/01/el-inicio.html (consulté le 5 juillet 2016), une


partie des archives n’est plus consultable pour des raisons diverses.

Robles, Néstor et Rojo, Pepe, coordinateurs du blog collectif http://minicienciaficcion.blogspot.mx/ (consulté le


5 juillet 2016).

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Pour citer cet article


Référence électronique

Anaïs Fabriol, « Aux nouvelles frontières de la chronique », América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07
septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1755 ; DOI :
10.4000/america.1755
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Auteur
Anaïs Fabriol

CRICCAL, Université du Havre

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Les indépendances de l'Amérique latine: acteurs, représentations, écritures (vol.1)
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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)
IV. De la nécessité d’un genre au XXIe siècle

La construcción de la verosimilitud en la crónica


contemporánea
Reflexión en torno a la obra de Juan Villoro y Fabrizio Mejía Madrid
La construction de la vraisemblance dans la chronique contemporaine : réflexion à propos des œuvres de Juan
Villoro et de Fabrizio Mejía Madrid
Miguel Tapia
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Auteur

Résumés
Español Français

Si en la crónica moderna «el empeño formal domina sobre las urgencias informativas» (Monsiváis), esto no la exime
de la exigencia de una mirada periodística. A la verosimilitud construida desde la subjetividad del narrador, propia a
la ficción, debe sumarse el recurso a anclajes periodísticos que sitúen lo narrado en la realidad. Pero en el terreno de
la escritura tanto la subjetividad del punto de vista personal como la objetividad –periodísitica u otra– son
construcciones textuales (Barthes). En la elaboración del punto de vista el cronista echa mano de estrategias tomadas
de una gran variedad de géneros; busca el delicado equilibrio que mantenga al lector en el terreno de lo real. La
crónica, dice García Márquez, «es un cuento que es verdad». La construcción textual de la verosimilitud pasa por lo
que Umberto Eco llamó «competencia enciclopédica», el sistema de reglas y referencias cognitivas en las que el
texto se apoya, y que el pacto de lectura establece como común al cronista y al lector. El presente artículo estudia la
disposición de los diferentes registros cognitivos en que se apoya la construcción del pacto de lectura en la obra de
dos cronistas contemporáneos mexicanos: Juan Villoro y Fabrizio Mejía Madrid. En sus trabajos buscamos
identificar el uso de recursos tomados de los diferentes géneros en que la crónica se inspira, así como la eventual
presencia de recursos propios. De los conocimientos que el texto suponga en el lector y de los diferentes estatutos
que a ellos otorgue, afirma Michel Pierssens, dependerá la verosimilitud de lo narrado.

Si, dans la chronique moderne « le côté formel de l’écriture l’emporte sur les urgences de l’information »
(Monsiváis), cela ne la dispense pas de l’exigence du regard journalistique. À la vraisemblance construite à partir de
la subjectivité du narrateur, qui est le propre de la fiction, il faut ajouter les ancrages journalistiques propres à situer
ce qui est raconté dans la réalité. Mais sur le terrain de l’écriture, aussi bien la subjectivité du point de vue personnel
que l’objectivité – journalistique ou autre – sont des constructions textuelles (Barthes). Pour élaborer le point de vue,
le chroniqueur a recours à des stratégies empruntées à une grande variété de genres ; il cherche le délicat équilibre
capable de maintenir le lecteur sur le terrain du réel. La chronique, dit García Márquez, « est un conte qui est vrai ».
La construction textuelle du vraisemblable passe par ce qu’Umberto Eco a appelé une « compétence
encyclopédique », le système de règles et de références cognitives sur lequel s’appuie le texte et que le pacte de
lecture établit comme étant commun au chroniqueur et au lecteur. L’article étudie la disposition des différents
registres du cognitif sur lesquels s’établit la construction du pacte de lecture chez deux chroniqueurs contemporains :
Juan Villoro et Fabrizio Mejía Madrid. Il cherche à identifier, dans leurs travaux, les ressources empruntées à
différents genres dont s’inspire la chronique, ainsi que la présence éventuelle de ressources qui leur sont propres.
C’est des connaissances que le texte suppose chez le lecteur et des différents statuts que cela lui octroie, que, pour
reprendre la formule de Michel Pierssens, dépendra la vraisemblance de ce qui est raconté.

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Entrées d’index
Mots-clés :

chronique latino-américaine, vraisemblance, réalité, le savoir dans la littérature, Juan Villoro, Fabrizio Mejía Madrid

Palabras claves :

crónica latinoamericana, verosimilitud, realidad, conocimiento en la literatura, Juan Villoro, Fabrizio Mejía Madrid
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Plan
Crónica y narrativa de ficción
Verosimilitud pragmática
Verosimilitud empírica
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Texte intégral
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1En la crónica titulada «Monterroso, libretista de ópera», publicada en el libro Los once de la tribu, Juan Villoro
describe la adaptación como libreto operístico de «El dinosaurio», famoso microcuento del maestro guatemalteco.
En el texto Villoro detalla la estructura, las características formales y algunas modalidades de la puesta en escena de
una ópera que Augusto Monterroso parcialmente imaginó pero que nunca llegó a existir. Si el texto da a entender su
carácter imaginario, lo hace de forma tangencial, mientras mantiene la atención enfocada en la descripción de las
diversas posibilidades de la adaptación musical y escénica. El autor, por su parte, se limita a escribir, en el texto de
introducción del libro, que la crónica «merecería ser cierta».

1 Las crónicas estudiadas en este texto aparecen en los libros Los once de la tribu (1998), de Juan V (...)

2En un texto de tema y tono muy distintos1, el también mexicano Fabrizio Mejía Madrid ofrece dos versiones
distintas de la «muerte» de la activista de los derechos humanos Digna Ochoa. La primera de ellas describe un
improbable suicidio, y expone en detalle la cadena de actos absurdos que la activista tendría que haber llevado a
cabo para darse muerte en el escenario que los investigadores encontraron poco después. Aunque esta versión es
falsa, Mejía Madrid la narra sin desmentirla: la lógica falseada e irónica con la que es expuesta lo hace en su lugar.
La segunda versión ofrecida, en contraparte, deja ver en toda su brutal coherencia la secuencia criminal que lleva de
las amenazas al asesinato de la activista, en un relato que se impone como verdadero gracias a la autoridad de lo
plausible.

3Tanto la crónica de Mejía Madrid como la de Villoro dejan ver una decidida incursión en los terrenos de la ficción,
sin que esto les impida cumplir con su cometido testimonial. Así, nos preguntaremos en este artículo: ¿Qué es lo que
permite a estos textos pasar de la realidad a la ficción, y viceversa, sin necesidad de un esclarecimiento explícito de
parte de la voz cronista? ¿Y cómo se construye en su interior la verosimilitud necesaria para que el lector acepte
dichos traslados de nivel?

Crónica y narrativa de ficción


4Procedente de la tradición de la escritura histórica, la crónica contemporánea irrumpe en el seno de la labor
periodística como una necesidad por mostrar la actualidad también desde la mirada subjetiva individual, y utilizando
para ello recursos hasta entonces propios a la escritura literaria o ensayística. Surge así como una contradicción,
como una oposición a la mirada de intención objetivadora que caracteriza al discurso periodístico. Al fundarse en el
abandono del principio de la objetividad, la crónica se instituye como una suerte de género satelital, que se mueve en
órbita propia sin alejarse demasiado del campo magnético que la justifica y retiene: los hechos de la realidad
contemporánea. Al mismo tiempo, la reivindicación de la mirada subjetiva le permite hacer uso de estrategias
textuales provenientes de las más diversas tradiciones, lo que llevó a Juan Villoro a considerar –parafraseando a
Alfonso Reyes– la crónica como el ornitorrinco de la prosa, por su capacidad de alimentarse de géneros tan diversos
como la novela, el reportaje, la entrevista, el teatro, el ensayo.

5Pero junto con las estrategias textuales de los diferentes géneros la crónica toma prestadas, y con frecuencia
reformula, algunas de sus problemáticas fundamentales. Consideramos que uno de los puntos de contacto con la
narrativa de ficción que más enriquecen la reflexión en torno a la crónica contemporánea es el de la verosimilitud
narrativa. Carlos Monsiváis definió la crónica como un «género donde el empeño formal domina sobre las urgencias
informativas» (Jaramillo Agudelo [ed.], 2012: 12), señalando el relativo desapego de la intención cronística respecto
a los hechos de la realidad; mientras que Gabriel García Márquez la definió como « un cuento que es verdad » (ibid.,
2012: 15). Juan Villoro, por su parte, lo plantea de esta manera:

La realidad, que ocurre sin pedir permiso, no tiene por qué parecer auténtica. Uno de los mayores retos
del cronista consiste en narrar lo real como un relato cerrado [...] sin que eso parezca artificial (Villoro,
2012: 580).

6Estas definiciones sintetizan el conflicto que en el seno de la crónica genera la construcción de la credibilidad de la
voz cronista.

2 « [il] faut préférer ce qui est impossible mais vraisemblable à ce qui est possible mais non persua (...)

7No es difícil pensar en esta reflexión como un replanteamiento de la antigua polémica acerca de la verosimilitud en
la ficción, cuyos principios se han mantenido relativamente constantes desde que fueran formulados por Aristóteles
en el siglo IV antes de nuestra era. La poética aristotélica asentaba que la poesía –en el sentido que cobraba el
concepto, equivalente a «relato de ficción»– debía exponer hechos coherentes con el funcionamiento normal o ideal
del mundo; debía conformarse a lo plausible. «Debemos preferir, escribió Aristóteles, aquello que es imposible pero
verosímil, a lo posible pero no convincente.»2 Al discurso histórico correspondía, en contraparte, la relación de
hechos verídicos, con la exigencia de hacerlo de manera cronológica y documentada, lo que autorizaba al historiador
a relatar hechos constatados, por más improbables que parecieran; lo facultaba a referir esos «absurdos de la vida»
que inquietan a Villoro, y de los que la Historia está llena.

8Si la noción de lo verosímil ha cambiado a lo largo de los siglos (en particular en los últimos dos, llegando incluso,
por momentos, casi a desaparecer del debate teórico) la problemática no ha dejado de estar presente de una u otra
manera, formulada además en términos que deben mucho al planteamiento heredado a la escuela aristotélica. El
problema de la verosimilitud del sujeto cronista contemporáneo puede, en efecto, ser visto como un paralelo de este
planteamiento. El apego a la realidad exigido al texto histórico por la escuela aristotélica se emparenta con la
objetividad a que aspira originalmente el discurso periodístico. La oposición entre el periodismo tradicional y el
relato subjetivo de la crónica guarda así una relación de conflicto paralela a la planteada por la visión clásica entre
poesía e historia, pero formulada en sentido inverso, según lo expresa la reflexión de Villoro. Si para los aristotélicos
era necesario presentar la ficción como parte de la realidad, para Villoro y otros cronistas contemporáneos, la
crónica debe «narrar lo real como un relato cerrado [...] sin que eso parezca artificial», es decir, mostrar la realidad,
según quería García Márquez, como si fuera un cuento.

9Pero si la problemática es paralela, el contexto exige un acercamiento distinto. Las barreras que separaban los
géneros y las formas de leerlos han cambiado con los siglos y en la actualidad apenas existe un género, literario o
periodístico, que no se permita constantes exploraciones en terrenos vecinos. El sentido de lo verosímil ha dejado de
fundarse sobre valores normativos y ha llegado a constituirse como una función del mismo texto –Todorov escribió
que existen tantas formas de la verosimilitud como géneros literarios (Todorov, 1971: 94).

10En su estudio sobre la autoridad narrativa en la literatura contemporánea, Frances Fortier y Andrée Mercier
definen cuatro diferentes códigos de verosimilitud, según los elementos puestos en juego en el texto narrativo. Éstos
son: la verosimilitud genérica, la pragmática, la diegética y la empírica. Así, para las autoras, la autoridad en la
narrativa contemporánea –donde «autoridad» se define como la confianza que se puede conceder a un texto– se
construye a través de «dislocaciones más o menos marcadas» a los códigos de verosimilitud (Fortier y Mercier,
2014). Consideramos que la semejanza de estrategias utilizadas entre la narrativa de ficción y la crónica autoriza un
acercamiento desde esta perspectiva a la «narrativa sin ficción» de la crónica contemporánea.

11Los dos primeros códigos de verosimilitud propuestos, la verosimilitud genérica y la pragmática, parecen ser los
menos problemáticos para nuestros cronistas. La verosimilitud genérica se apoya en los rasgos característicos de un
género determinado para establecer un contrato de lectura que permita la recepción del relato. La crónica como
género, ya lo hemos visto, no se deja definir fácilmente. Jorge Carrión escribe que no se trata de un género, sino de
un debate: constante movimiento. Producto tanto de una búsqueda de nuevas formas expresivas como de una
necesidad concreta en el seno de la producción periodística, sus características básicas parecen, en el caso de
nuestros dos cronistas, reducirse a dos: tomar por objeto una manifestación de la realidad contemporánea y abordarlo
desde un punto de vista subjetivo. Incluso la exigencia de la presencia física del cronista en el lugar de los hechos ha
derivado en una exigencia de relativa cercanía, como veremos más adelante. Las múltiples formas en que estos
elementos han sido combinados en la crónica contemporánea revelan que el establecimiento de la verosimilitud
genérica en la obra de Juan Villoro o de Fabrizio Mejía Madrid no plantea mayores problemas.

Verosimilitud pragmática
12Cécile Cavillac define la verosimilitud pragmática en el discurso ficcional como « la fictivité de l’acte de
narration : mode d’information du narrateur, circonstances de l’énonciation » (Cavillac, 1995: 24). En la
actualidad, la proliferación de técnicas narrativas novedosas, de puestas en duda y de refundaciones de la figura del
narrador que se han sucedido sobre todo a partir del siglo XX hacen del lector moderno uno más abierto a aceptar
situaciones de enunciación variadas, apertura que, junto con el resto de los recursos narrativos, la crónica puede
tomar prestadas a la ficción.

3 Juan Villoro ha publicado dos tomos de ensayos literarios que son presentados también como crónicas (...)
4 Juan Villoro publicó en 1986 un volumen de relatos titulado Tiempo transcurrido. Crónicas imaginari (...)

13Un elemento relativo a la situación de enunciación, que constituye a la vez un rasgo definitorio de la crónica desde
sus orígenes, es la condición de testigo presencial del cronista respecto al hecho reportado. Si en la actualidad esta
exigencia parece estar todavía en vigor, la idea de la presencia del cronista en el lugar de los hechos se ha
modificado para llegar a ser entendida como una forma de atenta cercanía. En el trabajo de nuestros cronistas, el
testimonio presencial puede entenderse así de distintas maneras, según la naturaleza del acontecimiento objeto de la
crónica. La crónica de un evento social, de una manifestación política o ciudadana, requerirá la presencia física del
cronista en el lugar y momento de los hechos. Es el caso de las crónicas de la convención zapatista, del primer
concierto de los Rolling Stones en la ciudad de México o de una pelea de box en el estadio más grande del país, en el
caso de Villoro; así como la de una masiva marcha contra la violencia o la de una gigantesca fiesta de música
electrónica, en el caso de Mejía Madrid. Pero en el caso de crónicas que toman por objeto un evento mediático, por
ejemplo casos de la nota roja, el acercamiento del cronista consiste en un seguimiento del evento a través de la
prensa o de reportes de organismos involucrados, así como de declaraciones a posteriori de testigos presenciales o
incluso de los mismos implicados. Otras crónicas permitirán un testimonio indirecto o hasta virtual: podrán así tomar
por objeto prácticas comunitarias y fenómenos de moda, como la fascinación popular por los reality shows de la
televisión o el ambiente en los cafés exclusivos de la capital, en el caso de Mejía Madrid, o la afición colectiva por el
fútbol, en el de Villoro. La crónica de un libro, más íntima, se construirá desde el solitario testimonio del cronista-
lector y dará con frecuencia lugar a verdaderos ensayos literarios en forma narrativa –son numerosos los ejemplos en
el caso de Juan Villoro3. A veces el cronista podrá mostrarse incluso como testigo de sus propios recuerdos, de sus
miedos, de sus esperanzas o fantasías4. Vemos así que la multiplicidad de formas del testimonio hacen de la crónica
un género flexible que no carece de recursos ante la necesidad de asegurar una verosimilitud pragmática.

14La verosimilitud diegética, nacida de la reflexión en torno al relato ficcional, tiene también un papel que jugar en
el seno de la crónica, según que el cronista dé más o menos importancia a la construcción narrativa de su texto. Entra
aquí en juego la idea de mostrar la realidad como si fuera un cuento, esfuerzo en el que el problema está en imitar
una forma narrativa y en trasponer elementos de la realidad contingente como elementos necesarios al
funcionamiento del relato.

15El efecto de la construcción diegética está muy presente en algunas crónicas de Fabrizio Mejía Madrid. Como
ejemplos basten textos como «La persecución de las furias» o «La dama del silencio», crónicas de crímenes con una
trabajada labor de puesta en intriga, mediante recursos como la fragmentación narrativa, la acronía o la utilización de
ciertos elementos menores como apoyos estructurales de la narración, gracias a una resignificación simbólica. En
«El arte de la calle», por ejemplo, la imagen de perros callejeros vendidos como mascotas finas simboliza el ascenso
económico a través de la venta de piratería en las aceras de la ciudad de México; del mismo modo que la continua y
caótica presencia de estas manadas de canes funciona como metáfora de los violentos enfrentamientos callejeros
entre gremios de comerciantes por el control de los barrios céntricos de la capital.

16Entran en juego de esta manera las consideraciones que Gerard Genette presentó en su estudio sobre la oposición
entre verosimilitud y motivación. La motivación, escribió Genette, es la necesidad de justificar las acciones que
articulan un relato y que lo llevan del punto inicial a la situación final que el autor fija de antemano: la motivación es
la razón por la cual el narrador aporta la información indispensable para mostrar una acción en el relato como
necesaria y, por tanto, verosímil (Genette 1969: 96). Si la motivación de los hechos de la realidad está determinada
–motivada– por factores ajenos al cronista y al texto, la verosimilitud de lo narrado dependerá de la forma en que
dicha realidad determinante sea traducida en elemento narrativo e insertada en el discurso; es decir, de la forma en
que la motivación sea recreada en la construcción diegética de la crónica. De modo que, aunque el narrador de
realidades deba en principio dar a conocer causas más que inventarlas, en la tarea de ponerlas en texto su problema
se acerca al del narrador de ficciones, en el sentido de que debe hacerlas verosímiles en el funcionamiento diegético
interno. La crónica, escribe Juan Villoro, «debe hacer verosímil aquello que sucede sin propósito o razón» (Villoro,
2002: 67, traducción nuestra). Así, aún cuando el pacto de lectura de la crónica dé por sentado que los hechos
relatados son reales, la puesta en intriga obedecerá a ciertas expectativas de coherencia que mucho deben a las
formas de la narrativa de ficción.

17Cabe aquí llamar la atención sobre un elemento característico que la crónica –en particular a partir de su versión
modernista– heredó del discurso periodístico. La verosimilitud de la cualidad de testigo del cronista –es decir la
autenticidad de su testimonio– se construye en muchos casos a nivel textual gracias a la inclusión de datos concretos
y de referencias a fuentes autorizadas. Pero la inclusión de datos concretos en la crónica contemporánea sirve
también a otro propósito. En la época de la ultra-información, donde los lectores de crónica están con frecuencia
enterados de la información elemental referente a los hechos que el cronista toma por objeto, la información concreta
sobre éstos, más que informar o demostrar objetividad, ancla la crónica al hecho de la realidad que le sirve de base.
En un contexto en que se asume que lector y cronista están al tanto de la actualidad informativa, la aportación de
datos concretos sobre ésta juega el papel de un effet de réel aplicado al discurso cronista. Así, los datos concretos en
la crónica pierden parte de su valor como contenido o como refuerzo de la autoridad testimonial del cronista, para
ganar importancia como elementos de verosimilitud narrativa. En crónicas en que la puesta en intriga cobra un papel
más importante –pienso en el texto «La persecución de las furias», de Fabrizio Mejía Madrid, que narra un caso de
asesinato múltiple– la información concreta servirá en buena medida a la construcción de la trama narrativa,
imitando las fórmulas tradicionales de la literatura policíaca, es decir, reconstruyendo los hechos con información
precisa, a la manera de los métodos detectivescos.

Parte de la labor cronística es entonces encontrar en la información aportada por la realidad los elementos para
reconstruir la historia:

El cronista –escribe Villoro– parte de la idea de que la realidad ha escrito una historia sumergida bajo la
excesiva profusión de detalles que por convención llamamos “vida real”. Desenterrar esa historia es su
principal contribución creativa (Villoro, 2002: 67).

18Vemos así cómo la problemática de la verosimilitud narrativa, si bien puede plantearse en términos paralelos a los
aplicados a la ficción, presenta en la crónica un desplazamiento de valor y de funcionalidad, al menos en lo que
concierne a algunos de sus elementos, a la vez que se mantiene como una condición indispensable para el
funcionamiento del discurso.

Verosimilitud empírica
19Pero es en la idea de la verosimilitud empírica donde vemos más evidentes los conflictos propios a la naturaleza
de la crónica contemporánea. Desde la antigüedad, la noción de verosimilitud se piensa en relación con la opinión
pública, con lo generalmente aceptado como plausible (Todorov, 1971: 94). De esta visión deriva la actual idea de
verosimilitud empírica. Así, para Cavillac esta última rinde cuenta de la coherencia de los hechos narrados con un
cierto sistema de creencias comunes a narrador y lector (Cavillac, 1995: 24), mientras que para Mercier concierne a
«conocimientos, hechos verificados» y «opiniones», e incluyen «lo empíricamente posible y las ideologías que
fundan la representación del mundo» (Fortier y Mercier, 2014).

20La construcción de la verosimilitud empírica ocupa buena parte del esfuerzo discursivo de nuestros autores. Si la
multiplicidad de recursos formales, estilísticos y retóricos le permiten una gran libertad formal, y si la multiplicidad
de fuentes de información alivia en él la carga de la labor informativa, el centro de su labor se encuentra en el papel
testimonial y para ello debe garantizar la admisibilidad, por parte del lector, ya no de la realidad de los hechos
relatados, sino de la interpretación que de ellos le es ofrecida.

21Tanto Villoro como Mejía Madrid tejen, a lo largo del discurso cronístico, una red de comentarios al margen, de
comparaciones humorísticas y de guiños hacia códigos culturales específicos que apuntan marcadamente a dejar
sentada la pertenencia de quien habla a una comunidad determinada. Son frecuentes las referencias a la cultura
popular vernácula, las modas pasajeras, los escándalos informativos del momento, que se mezclan con referencias
más o menos «eruditas», y que no están desde luego exentas de cierta voluntad de entretenimiento o de la necesidad
de una apurada puesta en perspectiva. Si a veces estas acotaciones tienen, en el nivel del discurso, la función de
ofrecer una interpretación de los hechos comunicados, en numerosos casos se hace evidente, por el peso o la
naturaleza de la referencia cultural a la que se alude –muy datada o codificada–, que la función comunicativa
principal es la de marcar una cercanía cultural e ideológica con el lector.

22Para Gerard Genette un relato verosímil es aquél en el que las acciones responden a un conjunto de máximas
tenidas por ciertas por el público al que se dirige, pero estas máximas –o principios–, por el hecho mismo de que son
admitidas, permanecen por lo general implícitas (Genette, 1969: 76). Los numerosos comentarios contenidos en las
crónicas de Villoro y de Mejía Madrid, que añadan o no información a lo ya dicho en el texto, son formas de tejer,
entre el relato, señalamientos que delimitan en silencio los perímetros de estas máximas implícitas a que se refiere
Genette, y que los relatos de ficción toman a cargo gracias a recursos menos dóciles a la crónica como la
construcción de la trama, la introducción de personajes funcionales o la invención de contextos propicios a las
necesidades del narrador. Es así notable el esfuerzo de parte de la voz cronista por situarse en el centro del universo
de máximas y códigos culturales contingentes, de darse a percibir como miembro indiscutible de la comunidad que,
cercándola con referencias, ella misma busca definir y que incluye, según su visión, al lectorado mismo al que
aspira.

23Juan Villoro lo expone de esta manera: «El único compromiso ético válido, en mi opinión, consiste en hacer
explícito el punto de vista del cronista» (Villoro, 2002: 66). El riesgo que el autor de crónicas busca así evitar no es
la duda del lector sobre la veracidad de los hechos narrados, sino su posible reticencia ante el punto de vista desde el
cual éstos le son presentados. El cronista asume la necesidad del lector de sentirse identificado con su perspectiva,
con su condición social y económica, con su postura política. La suspensión voluntaria de la incredulidad de que
hablaba Coleridge se acomoda aquí como una suspensión voluntaria de la suspicacia, o de la sospecha de
manipulación. Carlos Monsiváis detectó esta tendencia en los cronistas de la generación posterior a la suya, de
quienes escribió que: «Se distinguen por su atrevimiento, por su lenguaje sin censuras, por el recurso a hablar desde
un “yo” que anuncia una relación más democrática con el lector bajo la premisa: «Soy exactamente igual a ti,
excepto que yo tengo la palabra» (Monsiváis, 2002: 34, traducción nuestra).

24Crónica y ficción funcionan desde niveles de realidad distintos pero con estrategias textuales similares. Ambos
relatan historias que deben exponer de manera verosímil. Pero la verosimilitud no representa exactamente lo mismo
en ambos casos: para la ficción significa dar la impresión de que lo narrado puede pertenecer a la realidad; para la
crónica, significa autorizar al cronista a emitir una opinión al respecto. La verosimilitud de los hechos y de las
acciones se convierte, en la crónica contemporánea, en una verosimilitud de la interpretación; traduce la autoridad
del cronista para formular y transmitir una lectura subjetiva de la realidad que atestigua.

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Bibliographie
Aristote, 1980, Poétique, traduit par Roselyne Duponc-Roc et Jean Lallot, Paris, Seuil.

Cavillac, Cécile, 1995, « Vraisemblance pragmatique et autorité fictionnelle », en revista Poétique (Collectif), Paris,
éditions du Seuil, n° 101, p. 23-46.

Corona, Ignacio, y JÖrgensen, Beth E., 2002, The Contemporary Mexican Chronicle, New York, State University of
New York Press.

Fortier, Frances, y Mercier, Andrée, « La captatio illusionis du roman contemporain », Temps zéro,
http://tempszero.contemporain.info/document1170#ftn3 (consultado el 5 de julio de 2016).

Genette, Gérard, 1969, Figures II, Paris, Seuil.

Jaramillo Agudelo, Darío (ed.), 2012, Antología de crónica latinoamericana actual, Madrid, Alfaguara.

MejÍa Madrid, Fabrizio, 2007, Salida de emergencia, México D. F., Mondadori.

Mercier, Andrée, 2009, « La vraisemblance : état de la question historique et théorique », Temps zéro,
http://tempszero.contemporain.info/document393(consultado el 5 de julio de 2016).

MonsivÁis, Carlos, 2002, « On the Chronicle in Mexico », en Corona y Jörgensen, p. 25-36.

Todorov, Tzvetan, 1971, « Introduction au vraisemblable. », en Poétique de La Prose, Paris, Seuil, p. 92-99.

Villoro, Juan, 1998, Los once de la tribu, Crónicas, Nuevo siglo, México D. F., Aguilar.

—, 2002, «Questioning the Chronicle», en Corona y Jörgensen, p. 64-68.

—, [1986] 2006, Tiempo transcurrido. Crónicas imaginarias, México D. F., Fondo de Cultura Económica.

—, 2012, « La crónica, ornitorrinco de la prosa », en Jaramillo Agudelo, p. 577-582.

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Notes
1 Las crónicas estudiadas en este texto aparecen en los libros Los once de la tribu (1998), de Juan Villoro, y Salida
de emergencia (2007), de Fabrizio Mejía Madrid, excepto donde se indique distinta referencia.

2 « [il] faut préférer ce qui est impossible mais vraisemblable à ce qui est possible mais non persuasif » (Aristote,
1980 :127).

3 Juan Villoro ha publicado dos tomos de ensayos literarios que son presentados también como crónicas: Efectos
personales y De eso se trata.

4 Juan Villoro publicó en 1986 un volumen de relatos titulado Tiempo transcurrido. Crónicas imaginarias, en los
que pretendía, según sus propias palabras, «rescatar sucesos no vividos» imaginando «historias a partir de ciertos
episodios reales» (Villoro, [1986] 2006: 10).

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Pour citer cet article


Référence électronique

Miguel Tapia, « La construcción de la verosimilitud en la crónica contemporánea », América [En ligne], 49 | 2016,
mis en ligne le 07 septembre 2016, consulté le 16 décembre 2017. URL :
http://journals.openedition.org/america/1768 ; DOI : 10.4000/america.1768

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Miguel Tapia

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49 | 2016 : La Chronique en Amérique latine XIXe-XXIe siècle (vol.2)

Introduction
Françoise Aubès et Florence Olivier
Texte | Citation | Auteurs

Texte intégral
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1Ce numéro 49 d’América, deuxième volet consacré à l’étude de la chronique en Amérique latine, met l’accent sur
les déploiements du genre dans sa labilité, sa fonction critique à l’égard du social et du politique, sa capacité à saisir
la complexité des univers urbains, son opportunité et son efficacité dans le monde global. Le numéro précédent
envisageait la chronique, si prisée et si pratiquée en Amérique latine, dans son évolution historique du xixe au
e
xx  siècle, sa réutilisation au sein de la fiction narrative, ses liens avec la poésie épique ou de témoignage. Les
contributions rassemblées dans ce numéro s’attachent davantage à cerner la polymorphie du genre et à envisager son
ouverture sur le futur.

2Comment débusquer les traits spécifiques d’un genre dont l’apparition en Amérique latine coïncide avec l’époque
de la Conquête et qui naît alors comme un récit épique, comme un compte rendu, comme un témoignage, comme la
description d’un monde inconnu ?

3C’est de cet originel « alliage de genres » qu’ont tiré profit par la suite les chroniqueurs d’occasion ou de métier
pour écrire sur le réel du moment, le plus souvent dans la presse, avec la liberté que revendiquent les essayistes. En
témoigne, dans la première partie de ce numéro, l’article de Fernando Aínsa, qui se penche sur les parentés entre
l’essai et la chronique, rappelant que si les deux genres partagent une même tendance à l’hybridation discursive, la
chronique, maniant l’expression littéraire à des fins journalistiques, se veut tout à la fois espace d’opinion et
d’information ponctuelle. Insinuant la possibilité d’un débat, elle n’hésite pas à recourir à une ironie et à une légèreté
ordinairement bannies des articles d’analyse de l’actualité politique, économique ou sociale. Ces observations se
voient confirmées par les contributions de Françoise Léziart et d’Ana María Amar Sánchez, qui portent toutes deux
sur la chronique écrite au Mexique. On peut en effet envisager la tradition mexicaine comme un paradigme du genre
pour l’ensemble des pays d’Amérique latine, depuis les Lettres de relation d’Hernán Cortés et La Véritable Histoire
de la conquête de la Nouvelle Espagne de Bernal Díaz del Castillo jusqu’aux textes récents de Jorge Volpi, en
passant par les ouvrages d’Elena Poniatowska et de Carlos Monsiváis. S’appropriant les stratégies du New
Journalism nord-américain et des récits de non-fiction, ces deux derniers, grands écrivains de ce journalisme
littéraire dans la deuxième moitié du xxe siècle, ont non seulement ouvert de nouvelles voies à cette écriture du
contemporain mais ont eux-mêmes constamment renouvelé leurs pratiques. Pour exemple, la lecture que fait Ana
María Amar Sánchez d’Apocalipstick de Carlos Monsiváis, ouvrage résolument ancré dans la fictionnalisation et la
parodie biblique afin de dresser un portrait des désastres de la mégalopole qu’est devenue Mexico au seuil du
e
xxi  siècle.

4La transgénéricité propre à la chronique se lit dans les contributions de Mariana Di Ció, Venko Kanev et
Christophe Larrue, qui portent respectivement sur des textes poétiques de l’Argentin Arnaldo Calveyra, des
entretiens du journaliste Ignacio Ramonet avec Fidel Castro et Hugo Chávez, les livraisons successives de Jorge
Luis Borges pour une rubrique littéraire. Chez le poète-chroniqueur Calveyra, l’écriture du moi se fait dialogue avec
les tableaux de mœurs, le journal de voyage et la correspondance. Les sommes d’entretiens effectués par Ignacio
Ramonet réussissent des portraits dans le temps, et par là historiques, de chefs politiques. Enfin, dans les années
trente, Borges éprouve les glissements progressifs de son écriture vers la fiction depuis ce lieu de publication
faussement anodin qu’est El Hogar, hebdomadaire grand public au lectorat essentiellement féminin.

5Humoristes ou écrivains satiriques, les chroniqueurs se font-ils moralistes dans l’exercice de leur liberté
d’opinion ? La deuxième partie, « Humeur, ironie, satire », s’attache à répondre à cette question. Le dramaturge puis
romancier Jorge Ibargüengoitia, qui excelle dans la mise à nu de la solennité affichée du pouvoir postrévolutionnaire
mexicain, pratique avec constance l’art de la chronique iconoclaste, à la manière prétendument ingénue des Persans
de Montesquieu (Karim Benmiloud), tandis que le Péruvien Edgardo Rivera Martínez joue de la bienveillance pour
élaborer une critique toute en finesse des moindres défauts d’une société en proie à une forme larvée de guerre civile
au début de la décennie 1980 (Françoise Aubès). Quelques années plus tard, toujours au Pérou, alors au paroxysme
de la crise économique et politique liée à la lutte armée que menait Sentier lumineux contre l’État péruvien, l’acteur-
auteur-réalisateur Ricardo Blume propose dans El Comercio des instantanés sur l’ordinaire d’une période pourtant
tragique (Patricia Salinas). Au Venezuela, dans les années 2000, Luis Barrera Linares, par ailleurs romancier et
critique littéraire, publie dans son blog « La duda melódica » des billets d’humeur qui déstabilisent les grands
courants du discours contemporain (François Delprat).

6Le titre de la troisième partie, « Polymorphies : ville et chronique », rappelle d’emblée que dès la fin du xixe siècle
la diversité et le dynamisme de la réalité urbaine requièrent l’écriture à main levée de textes brefs qui en saisissent
des vues, des scènes, des instants. La Havane se voit appréhendée et définie culturellement durant deux périodes de
l’époque républicaine : dans les années vingt, l’avant-gardiste Jorge Mañach prône la présence de l’esprit classique
dans la modernité ; dans les années quarante, le poète et romancier José Lezama Lima voit dans la ville réelle
l’espace privilégié d’une sensibilité insulaire (Armando Valdés Zamora). Mexico, dans les années quarante
également, fait l’objet d’un éloge ingénieux sous forme de visite guidée en dialogue avec divers textes du xviie siècle
qui louaient déjà sur un mode canonique les beautés et les charmes de la ville. Le Nueva grandeza mexicana du
poète Salvador Novo, écrit dans le cadre d’un concours organisé par les autorités de la capitale, remporte le premier
prix ; dans les années soixante, l’institutionnalisation de la fonction de chroniqueur au sein de la politique culturelle
postrévolutionnaire trouvera en Salvador Novo le candidat idéal (Isabelle Pouzet). Dans les années 2000, la ville qui
« émerge des ruines de la dernière modernité » fait l’objet de deux anthologies de chroniques urbaines : Lectura
para paseantes de Rubén Gallo et Apocalipstick de Carlos Monsiváis. Il ressort de leur lecture croisée un état des
lieux de la capitale, plus directement marqué par une vision politique chez Monsiváis ; la mégalopole
« apocalyptique » redevient la polis où s’exprime une parole citoyenne avec un talent tout littéraire (Florence
Olivier). L’originalité et la créativité du Chilien Pedro Lemebel, qui entreprend une relecture de la cartographie
urbaine de Santiago ainsi que de l’histoire nationale chilienne, construisent, selon Víctor Galarraga-Oropeza, une
puissante proposition esthétique et politique qui remet en question les relations entre écriture, désir et mémoire. La
critique manifeste un certain désarroi face à cette poétique inclassable, que Carlos Monsiváis n’a, pour sa part, pas
hésité à qualifier de néo-baroque gay (Patricio Tello). Au Venezuela, le recueil Caracas muerde d’Héctor Torres
témoigne de l’impossible vivre en commun dans une ville où le crime tend à devenir un mode de relation sociale
(Cristina Raffali).

7La quatrième partie de ce numéro, « De la nécessité d’un genre au xxie siècle », rend compte de l’essor actuel de la
chronique, que Gabriel García Márquez, lui-même formé à l’école de l’écriture journalistique, a souhaité
promouvoir en créant en 1996 à Carthagène des Indes la Fundación Nuevo Periodismo Iberoamericano, institution
destinée à former des écrivains journalistes d’Amérique latine ainsi qu’à favoriser leurs échanges. La contribution de
Carlos Mario Correa Soto analyse les enjeux de cette pratique du journalisme littéraire chez les auto-dénommés
« Nouveaux Indiens » de la chronique qui traquent les phénomènes politiques, sociaux et culturels de l’ensemble des
pays latino-américains. La chroniqueuse argentine María Moreno, exemplaire dans l’exploration audacieuse des
possibilités expressives du genre, construit pour sa part une théorie et une pratique de la chronique qui l’apparente à
un laboratoire d’écriture, propice à une parole féministe et à la mise en perspective des idéologies de la culture
(Teresa Orecchia-Havas). Supports apparus avec les nouvelles technologies de l’information, les blogs
favoriseraient-ils un renouveau des formes non fictionnelles ? Étudiant deux blogs emblématiques d’écrivains de
Basse Californie, Anaïs Fabriol souligne la coïncidence entre localisation frontalière et expérimentation du genre.
Prenant exemple sur les œuvres des Mexicains Juan Villoro et Fabrizio Mejía Madrid, Miguel Tapia analyse avec
rigueur le système de règles et de références cognitives qui fondent un pacte de lecture entre chroniqueurs et
lecteurs. Il rappelle pour ce faire les réflexions de Roland Barthes et d’Umberto Eco sur ces constructions textuelles
que sont, bien évidemment, la subjectivité et l’objectivité, mais aussi le vraisemblable.

8La réflexion engagée dans le précédent numéro d’América autour de la chronique en Amérique latine se poursuit
dans celui-ci et aura sans doute permis de dégager un certain nombre de traits caractéristiques d’une identité
générique a priori difficilement saisissable : la pérennité et la faculté métamorphique d’un genre lié à l’existence
verbale d’un monde naguère dit nouveau ; l’attrait qu’il exerce génération après génération, tant sur ses auteurs que
sur ses lecteurs avides de saisir l’esprit de l’instant et de poser un regard neuf sur leur réalité immédiate ; la liberté
d’écriture et d’opinion qu’il autorise. Et, parce qu’il s’agit d’un journalisme si véritablement littéraire qu’il prend le
temps de penser et d’énoncer le présent, « … solamente / lo fugitivo permanece y dura », comme le disait très
justement Carlos Monsiváis citant le paradoxe jadis formulé en vers par le conceptiste Quevedo.

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Pour citer cet article


Référence électronique

Françoise Aubès et Florence Olivier, « Introduction », América [En ligne], 49 | 2016, mis en ligne le 07 septembre
2016, consulté le 16 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/america/1781 ; DOI :
10.4000/america.1781

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10.4000/america.1781

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