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Abstract
Manner is the poem itself.
Manner, as a critical concept sitll valued by Diderot is eliminated during the 19 th century by a Hegelian metaphysics of
aesthetics seeking an objectified subjectivity — and not signs of an individual subject, repeating itself. Yet, reconceptualised as
the mark of the unknown, understood as what of poetic utterance has not yet become language but might, manner is
dialectically what literature passes on of itself into collective reality.
Dessons Gérard. La manière est le poème même. In: Littérature, n°100, 1995. pp. 81-91;
doi : 10.3406/litt.1995.2386
http://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_1995_num_100_4_2386
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4. Pour ne citer qu'un ouvrage, le Ton poétique d'Emilie Noulet (Corti, 1971) est
représentatif de cette tendance, en ce qu'il étend la notion de ton, prise chez Valéry, où
elle gardait sa valeur concrète de référence à la diction poétique — il affirmait avoir utilisé,
dans Ebauche d'un serpent, • tous les tons de la voix • (cité p. 167 de l'ouvrage) — , à la
dimension de la poéticité.
5. V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 1. 1, Le Seuil, coll. - Points -,
1980, p. 53.
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actantiel qu'il manifeste, et donc qu'un texte élaboré à partir d'un tel
système, soit, proprement, un conte. Claude Lévi-Strauss ne le
pensait déjà pas, en 1978, pour la musique : « Du fait que toute œuvre
musicale a une structure, il ne résulte pas que toute structure puisse
engendrer une œuvre » 9, une œuvre d'art. Pourtant, on croit parfois
encore qu'en mettant des mots sur un schéma de sonnet on réalise un
poème. Si on ne voit pas le problème, c'est qu'on est sourd à la
manière, qui seule fait un poème, fait basculer une forme sonnet du
plan de la tekhnè à celui de la poièsis. Une certaine forme de
scientisme esthétique et poétique a marginalisé la manière, parce
que, précisément, fondamentalement, elle ne se laisse pas mettre en
tableaux. En même temps, elle a marginalisé l'art comme
questionnement, le rapportant à une esthétique des formes et des sensations.
Je pose qu'il y a manière quand il y a littérature, et
réciproquement. C'est ce qui fait de la notion de manière une notion de
poétique. La manière littéraire n'est pas un synonyme de façon, si ce
terme ne désigne qu'une modalité de procès. Elle n'est pas non plus
un synonyme de style, s'il s'agit de la notion rhétoricienne, qui
implique le discontinu et le connu. Et ce n'est pas seulement une
question de mots. La manière, quand elle n'est pas simplement la
manière d'écrire, de penser, mais qu'elle est le processus qui
transforme l'écriture et la pensée en invention de formes et de
valeurs, de formes qui sont des valeurs, c'est-à-dire en pratiques
historiques individuantes, renvoie à la recherche de l'inconnu,
effective dans la théorie du je-ne-sais-quoi, jusque dans sa forme
sanjuaniste, où la poésie des gloses » a lo divino » historicise le mode
mystique du no se que en aventure du dire. Car la manière n'est pas
un indicible, contrairement à sa conception classique — et celle du
je-ne-sais-quoi, en premier lieu — , contrairement aussi aux
philosophies idéalistes, qui envisagent, significativement, un « rapport entre
le "charme" du Quatuor en sol mineur de Fauré et le No se que de
Jean de la Croix » 10.
C'est la métaphysique ontologique — classique, moderne et
contemporaine — qui, en confondant le je-ne-sais-quoi avec
l'innommable, a fait de la manière un ineffable, et de son lieu d'élection
le silence. Le problème est clairement ici un problème de théorie du
langage, et précisément, s'agissant d'indicible, de conception du dire.
La métaphysique, comme Platon, ne connaît du langage que le nom.
C'est pourquoi elle lit la poésie comme une tentative de dire le nom
— de l'essence, de l'être, de Dieu. Tentative, on le sait, anthropolo-
giquement et, au regard du sacré, fondamentalement,
nécessairement impossible, qui motive et légitime la démarche de l'ontologie
négative, et qui fait du sacré un effet de la théorie du nom.
Empiriquement, c'est une évidence, on n'a pas toujours le nom. Mais
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littérature est en effet une forme particulière d'art, puisqu'elle est faite
du même matériau — le langage — que celui du système qui en rend
compte, mais elle est bien un art. En ce sens, et c'est ce que montre
l'analyse de Benveniste, le rapport d'une œuvre littéraire avec le
système linguistique qui lui sert de fondement n'est pas plus
immédiat, direct, que celui qu'entretient une œuvre picturale avec les
éléments qui la composent matériellement. Ce qui signifie que les
catégories qui régissent le système de la langue ne sont pas a priori
opératoires pour rendre compte de la signifiance d'un poème, en tant
que poème, c'est-à-dire en tant qu'art du langage.
C'est précisément ce que suggère, en 1956, la distinction opérée
par Benveniste, à propos de la symbolique de l'inconscient dans la
théorie freudienne, entre la logique de la langue et celle du « style » :
• C'est dans le style, plutôt que dans la langue, que nous verrions un
terme de comparaison avec les propriétés que Freud a décelées
comme signalétiques du langage onirique » 13. S'agissant ici de style,
cette distinction, opératoire pour la logique du rêve, l'est a fortiori
pour la littérature, et particulièrement pour la poésie, dont « certaines
formes [...] peuvent s'apparenter au rêve » (p. 83), et que Benveniste
érigeait, avec le mythe, en modèle épistémologique, y renvoyant
l'auteur de La Science des rêves : « Ce que Freud a demandé en vain
au langage "historique", il aurait pu en quelque mesure le demander
au mythe ou à la poésie » (ibid.). Notamment au « surréalisme
poétique », dans lequel Freud « aurait pu trouver quelque chose de ce
qu'il cherchait à tort dans le langage organisé » (ibid.).
Même si Benveniste pensait la signifiance littéraire à travers la
notion non interrogée de « style » — c'est encore chez lui la notion
rhétoricienne, liée à la théorie des figures — , ce qui importe, c'est
que par ce terme, il ait reconnu, dans la poésie, un mode de
signifiance particulier, qu'il définira, en 1969, comme mode
sémantique. Simplement, ce que ne dit pas Benveniste, parce que son
propos n'est pas celui d'une poétique, c'est que le type de signifiance
qu'il développe à partir des arts plastiques et musicaux s'applique de
facto à la littérature. Celle-ci a beau être constituée à partir du
système de la langue, elle n'en met pas moins en échec toute
approche de sa signifiance par le biais des catégories linguistiques —
et, en fait, par le bais de toutes les catégories, qu'elles soient
linguistiques, rhétoriques ou stylistiques, si elles ne sont pas des
unités de signifiance spécifiques.
C'est sans doute cette sémiotique personnelle que Baudelaire
percevait quand il évoquait le « ton Alphonse Rabbe » 14 dans une
œuvre que l'abondance de ses procédés rhétoriques pourrait remiser
dans un xvme siècle finissant. Des textes avec des effets de manches,
des périodes nombreuses, un lexique antiquaire : un échantillon de
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