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114 L 'é n ig m e Pirî R e is

L’énigme Pirî Reis


Deux cartes du X V Ie siècle posent la plus troublante
question sur les civilisations disparues

Paul-Ém ile Victor et A riette Peltant

Notre passé est entièrem ent remis en question


P lanète a la réputation de se
lancer dans des hypothèses auda­ « C e t t e c a rte du m o n d e a 5 000 ans et m ê m e d a v a n ta g e . M ais elle
cieuses. On lui reproche souvent c o n ti e n t des d o n n é e s e n c o r e a n té r ie u r e s de plusieurs milliers
de ne pas assez présenter ces d'années. »
hypothèses comme telles, mais de L 'h o m m e qui fait c e tt e s u r p r e n a n te d é c la ra tio n est un te c h n icien
laisser parfois planer une impres­ qui a o c c u p é un p oste officiel: Mr. I. W alters, lo n g tem p s a tta c h é
sion d'affirmation. c o m m e c a r t o g r a p h e au S ervice h y d ro g r a p h iq u e de la M a rin e a m é ­
Nous n'hésitons pas, dans l ’ar­ ricaine. C e q u ’il a v a n c e , m ê m e s’il parle en son nom p erson nel,
ticle que voici, à suivre la voie n 'e n g a g e pas qu e lui, d ’a u ta n t q ue c e tte p hrase fut p r o n o n c é e
des hypothèses audacieuses. Mais p u b li q u e m e n t . Il s’agissait, en 1956, d 'u n F o ru m radiodiffusé de
nous insistons sur le fa it qu 'il ne l’U n iv ersité de G e o r g e to w n , c o n s a c r é aux c a rte s de Pirî Reis, et
s'agit de rien d'autre. Moins auquel p a rtic ip a ie n t, o u tr e M r. W alters, le R.P. L in e h a n , de la
encore d'affirmations. C o m p a g n ie de Jésus, sism olo gu e, m e m b re de l'O b se rv a to ire de
Les vrais scientifiques sont des B oston C ollege, m e m b re des e x p é d itio n s de l'U.S. N avy en A n t a r c ­
poètes et des imaginatifs. Sans tiq ue , et A rlin gto n H. Mallery, l'h o m m e des c a rte s de Pirî Reis,
eux, la science n'existerait pas. leur « in v e n te u r» au sens é ty m o lo g iq u e du te r m e . Et tou s deux
Les autres sont des comptables, souscrivirent sans réserve à l'affirm ation de Mr. I. W alters.
des épiciers; ils ne découvrent pas. Le sujet, signalé p o u r la p r e m iè r e fois p a r P aul-Ém ile V ictor, fut
Et d ’ailleurs: que la vie serait repris d ’a b o rd d a n s le Matin des Magiciens, puis d ans Planète.
ennuyeuse sans imagination! Un p ro f e s s e u r a m é r ic a in , C h a rle s H. H a p g o o d , a étu d ié p e n d a n t
Paul-Émile Victor. plusieurs a n n é e s av ec ses élèves le p ro b l è m e : son livre, les Anciens
Rois de la terre, c o n stitu e un é v é n e m e n t su sceptib le de b o u le v e rse r
les c o n c e p t io n s de l’histoire de la civilisation.
Les c a r t e s de Pirî Reis o n t u n e réalité h is to riq u e, p a rf a it e m e n t
« Il n'y a rien dans ce livre d a té e et c o n tr ô la b le , qui c o m m e n c e en 1513, et une réalité
qui ne soit basé sur des cartes »,
écrivait Pirî Reis.
et ce livre contenait des cartes
qui défient notre science.
Les civilisations disparues 115
«préhistorique» au sens technique du term e, sa prem ière carte dessinée dans sa ville natale,
c’est-à-dire uniquem ent conjecturelle et sans Gelibolu, du 9 mars au 7 avril 1513 (an 919 de
docum ents à l’appui, celle d ’avant 1513. l’hégire). Il déclare que, pour l’établir, il a
compulsé toutes les cartes existantes connues de
lui, certaines très secrètes et très anciennes, une
Ces cartes furent retrouvées vingtaine environ, y compris des cartes orientales
au Musée Topkapi qu’il était sans doute le seul à l’époque à connaître
en Europe.
Commençons par ce que l’on sait de façon sûre Sa connaissance du grec, de l’italien, de l’espagnol
et irréfutable. Le 9 novembre 1929, M. Malil et du portugais l’aida grandem ent à tirer le
Edhem, directeur des Musées nationaux turcs, meilleur parti des indications portées sur toutes
en faisant procéder à un inventaire et à un clas­ les cartes qu’il consulta. Il avait aussi, naturel­
sement de tout ce que contenait alors le fameux lement, en main une carte établie par Christophe
Musée Topkapi à Istanbul, découvrit deux cartes Colomb lui-même, qu’il avait eue grâce à un
du monde — où plutôt des fragments — que l’on membre de l’équipage du célèbre Génois: ce
croyait disparues à jam ais: celles de Pirî R eis1, marin avait été capturé par Kemal Reis, oncle de
célèbre héros (pour les Turcs) ou pirate (pour, Pirî Reis, et put donc en outre com pléter orale­
tous les autres) du xvi' siècle, qui relate abon­ ment la science de notre cartographe turc.
damm ent les conditions et les circonstances dans
lesquelles il fit ces cartes, dans son livre de
mémoires, le « Bahriye » 2 Christophe Colomb
Le seul récit écrit n’avait alors guère retenu n'a pas découvert l'Amérique
l’attention, mais la carte allait peu à peu le valo­
riser considérablement. En fait, il fallut attendre Jusque-là, l’œuvre de Pirî Reis n’avait qu’un
la fin de la Seconde G uerre mondiale pour que intérêt anecdotique, encore que ce ne soit pas un
l’étude comparée des cartes et du texte de Pirî intérêt mineur, témoignage de la grandeur du
Reis soit réellem ent entreprise. passé pour les Turcs, démystification des « pirates
D ’une famille de grands marins turcs, Pirî Reis, barbaresques » pour les Européens3. Le
un remarquable homme de mer, multiplia les « Bahriye» resta donc longtemps un « classique»
succès aux quatre coins de la M éditerranée et des turc pour gens cultivés. Pourtant, avant même
mers avoisinantes, rem porta de nombreux succès que les cartes dont il parle ne fussent connues et
navals et contribua à asseoir la suprématie mari­ et ne posassent un point d’interrogation à nombre
time, incontestée alors, de l’Empire ottom an. de chercheurs dans le monde entier, sa connais­
Mais Pirî Reis était un homme cultivé et intel­ sance approfondie aurait permis aux historiens
ligent: il prit, tout en courant l’aventure, le d ’éviter leur plus monumentale erreur, qui fut
temps d’écrire le « Bahriye », qui fourmille de d ’affirmer que Christophe Colomb avait décou­
notations pittoresques et vivantes sur tous les vert l’Amérique. Il l’a redécouverte, ou plus
ports de la M éditerranée et de cartes variées exactem ent il a révélé à l’Europe occidentale
(215 au total). Il prit aussi, avant d ’écrire, celui ce continent dont l’existence n’était jusqu’alors
d’établir deux cartes du monde, l’une en 1513, connue que de quelques initiés. Le témoignage
l’autre en 1528 (sous le règne de Soliman le de l’amiral turc est net et sans équivoque. C ’est
Magnifique). dans le chapitre sur « La mer occidentale » (nom
Il fut un cartographe d’une conscience exem­ longtemps donné à l’océan Atlantique) qu’il
plaire. Il commence par affirmer que la confection parle abondam m ent du navigateur génois et qu’il
d ’une carte demande des connaissances appro­ raconte ainsi son aventure:
fondies et une qualification indiscutable. Dans « Un infidèle, dont le nom était Colombo et qui
sa préface au «Bahriye», il évoque longuement était génois, fut celui qui découvrit ces te rre s4.

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Un livre était parvenu dans les mains dudit question datait d’Alexandre le Grand! Il est diffi­
Colombo et il trouva qu’il était dit dans le livre cile d’affirmer que notre amiral turc eut ce
qu’au bout de la M er Occidentale, tout à fait à fameux livre en main. En tous cas, il en connais­
l’Ouest, il y avait des côtes et des îles, et toutes sait certainem ent la teneur.
sortes de métaux et aussi de pierres précieuses.
Le susdit ayant longuement étudié le livre, alla
solliciter l’un après l’autre les notables de Gênes Comment est né le mythe
et leur dit: «Voilà, donnez-moi deux bateaux de Christophe Colomb
pour aller là-bas et découvrir ces terres.» Ils
dirent : « O homme vain, comm ent peut-on C’est donc de propos délibéré que Christophe
trouver une limite à la M er O ccidentale? Elle se Colomb partit découvrir l’Amérique. Il avait foi
perd dans le brouillard et la nuit. » dans son précieux livre, l’avenir prouva rapide­
» Le susdit Colombo vit qu’il ne pouvait rien ment qu’il avait raison, mais il borna ses confi­
attendre des Génois et se hâta d ’aller trouver le dences aux notables génois et au roi d ’Espagne.
Bey d ’Espagne pour lui raconter son histoire en Publiquement, il feignit de se ranger à l’opinion
détail. On lui répondit comme à Gênes. Mais il commune du temps: la terre étant ronde, en
sollicita si longtemps les Espagnols que leur Bey partant vers l’Ouest, il semblait que l’on devait
lui donna finalement deux bateaux, fort bien fatalement revenir à un moment ou à un autre à
équipés, et dit: « O Colomb, s’il arrive ce que tu son point de départ et rencontrer en cours de
dis, je te fais Rapudan de cette contrée. » Et ayant route, mais en sens inverse, les pays connus à
dit, le roi envoya Colombo sur la M er O cciden­ l’Orient de l’Europe. Des cartographes té ­
tale.» moignent de cette croyance générale: on possède
Pirî Reis passe ensuite au récit que lui a fait le ainsi une carte attribuée à un certain Toscanelli
marin de Christophe Colomb qui était devenu son et que Christophe Colomb em porta d ’ailleurs
esclave. Inutile de relater toiit ce récit, rendant dans son expédition: on y voit de droite à gauche
compte de l’étonnem ent des marins européens les rivages européens, puis la « mer Occidentale»,
devant les sauvages plus qu’à demi nus qu’ils et enfin l’île de « C epanda » (autre forme de
trouvèrent sur les îles où ils m irent d’abord « Cipangu », nom sous lequel alors on connaissait
pied. Une mention pourtant est essentielle à le Japon), le pays de. « Katay » (la Chine), celui
notre propos: « Les habitants de cette île 5 virent d’india et les îles de l’Asie du sud-est. Il n’y a pas
qu’aucun mal ne leur venait de notre bateau; le moindre soupçon d ’Amérique dans cette carte !
aussi ils prirent du poisson et nous le portèrent Cette opinion eut la vie dure et explique que
en se servant de leurs canots. Les Espagnols l’on baptisa «Indes occidentales» le Nouveau
furent très contents et leur donnèrent de la verro­ Monde.
terie car Colombo avait lu dans son livre que ces Notre propos n’étant pas la démystification de
gens aimaient la verroterie. » Christophe Colomb, nous ne nous étendrons pas
Ce détail extraordinairem ent surprenant et qui à sur ses prédécesseurs qui auraient retrouvé, eux
notre connaissance n ’a pas encore été commenté, aussi, l’Amérique, mais sans se rendre compte de
prend encore plus de relief si l’on se rapporte aux l’importance du fait et sans chercher à appro­
indications portées en légende d’une de ses fondir la question. Les Vikings sont les plus
cartes, où Pirî Reis affirme que le livre en connus, nous y reviendrons tout à l’heure. Mais
1. En turc, « reis» veut dire «anim al» et « p irî» « l ’adm irable, le Pirî Reis en cite d ’autres, saluons-les au passage :
sublim e». D e sorte que Pirî Reis est plutôt un titre honorifique qu’un
nom proprem ent dit. Sanvobrandan (devenu St Brandan), le Portugais
2. C’est-à-dire « Le livre de la m er » ou « de la navigation ». Nicola Giuvan, un autre Portugais, Anton le
3. Ces « pirates barbaresques » pullulaient dans la littérature euro­
péenne de l’époque. Q u’il suffise de citer le fameux « Que diable Génois, etc.
allait-il faire dans cette galère? »
4. Pirî Reis dit: « l’Antilia » - nom générique alors de toute l’Amérique.
Avant même que la carte du monde n’eût été
5. Il nous est bien difficile de savoir laquelle. retrouvée, on eût pourtant dû faire bien plus

Les civilisations disparues 117


Navire de guerre phénicien. p h o to R o g e r-v io iie t.

A l'époque où 3000 mètres de glace ne recouvraient pas les pôles,


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P h o to E x p éd itio n s p o laires fran çaises.
Désert de glace antarctique.

les Phéniciens ont-ils osé affronter l'immensité de l’Océan ?


Les civilisations disparues 11 9
crédit à Pirî Reis. Dans son livre, il répète à Qui est Arlington H. Mallery? Ingénieur de for­
maintes reprises son souci d ’exactitude : « Il n’y a mation, il s’était toujours intéressé à la mer et
rien dans ce livre, dit-il, qui ne soit basé sur des avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale
faits.» Les 215 cartes que com porte au total le dans les Transports de troupes. Lors de sa
« Bahriye » pouvaient bien perm ettre de vérifier retraite —il était capitaine —, il consacra ses loisirs
ses dires. Il ajoute : « La plus petite erreur rend à un sujet qui lui tenait à cœ ur: l’Europe avait
une carte marine inutilisable. » C’est un marin qui découvert l’Amérique avant Christophe Colomb.
parle, ne l’oublions pas, et qui sait les traîtrises et De patientes recherches linguistiques (pour
les servitudes de la mer. Gardons présente à m ontrer les emprunts faits par la langue iroquoise
l’esprit cette rem arque en abordant ses cartes du à l’ancien norvégien), l’étude exhaustive des
monde. sagas scandinaves, des enquêtes archéologiques
patiem m ent menées, le déchiffrage des anciens
Ce sont de très précieux «portulans»6, le conduisirent à reconstituer
l’épopée viking en Islande, au G roenland, à
parchemins en couleur Terre-Neuve et sur le littoral canadien. Il rendit
compte de ses découvertes dans un livre paru en
De ces cartes, on ne possède que des morceaux, 1951, Lost America, qui, préfacé par M attew
au total l’Atlantique et ses rivages américains, W. Stirling, directeur du Bureau d ’Ethnologie
européens, africains, arctiques et antarctiques. américaine de la Smithsonian Institution, eut un
Elles sont sur parchem in en couleur, enlu­ retentissement considérable. Le capitaine Mallery
minées et enrichies de nombreuses illustrations: y défendait la thèse, pièces à l’appui, qu’il avait
portraits des souverains du Portugal, du M aroc et existé une civilisation du fer en Amérique non
de Guinée, en Afrique un éléphant et une seulement avant la conquête européenne, mais
autruche, en Amérique du Sud des lamas et des peut-être même avant le peuplem ent indien.
pumas, dans l’Océan et le long des côtes des Ce n’était pourtant que le début d ’une aventure
bateaux, dans les îles des oiseaux. Les légendes destinée à devenir combien plus exaltante.
des illustrations sont en turc.Les montagnes sont Quand lui parvinrent les cartes de Pirî Reis, son
indiquées par leur profil et les rivières par des expérience était déjà considérable en la matière
lignes épaisses. Les couleurs sont utilisées de et, dès le prem ier coup d ’œil sur les documents,
façon conventionnelle : les endroits rocheux sont il comprit que cette découverte était sans com­
marqués en noir, les eaux sablonneuses et peu mune mesure avec les précédentes. Arlington
profondes avec des points rouges, et les écueils H. Mallery eut l’intuition immédiate que ces
non visibles à la surface de la m er par des croix. cartes recélait un mystère fascinant.
Voilà donc ces vénérables, parchem ins retrouvés
en 1929. Les Turcs s’y penchèrent avec pré­
caution et dévotion, pensant avec nostalgie à Dix-huit ans pour déchiffrer
l’époque faste de PEmpire ottom an, ne songeant le système de projection
nullem ent à étudier plus profondém ent la
question. Des reproductions furent acquises dans Mais il ne se lança pas à l’aveuglette. Ses
le monde par diverses bibliothèques. En 1953, un travaux antérieurs l’avaient habitué à toujours
officier de la marine turque en envoya une copie contacter les autorités techniques les plus
à l’ingénieur en chef du Bureau hydrographique indiscutables. Et c’est ce qu’il fit, travaillant avec
de l’U.S. Navy, lequel alerta un spécialiste en des cartographes renommés (principalement
cartes anciennes qu’il connaissait: Arlington Mr. I. W alters, nommé au début de cet article),
H. Mallery. des scientifiques et des techniciens polaires (dont
Et c’est alors que com m ença véritablem ent le R.P. Linehan).
l’« affaire » des cartes de Pirî Reis. Le prem ier problème qui se posa fut le déchif­

120 L'énigme Pirî Reis


frement même des cartes, c’est-à-dire du système rique et que les résultats de cette exploration
de projection employé — qui paraît étrange au n’étaient donc pas encore connus.
prem ier examen, c’est du moins l’impression d’un Mieux encore: une carte d ’Amérique, publiée
profane. Mais les spécialistes, grâce aux res­ dans la cosmographie de Sebastien M unster en
sources de la trigonom étrie m oderne, ont pu les 1550 — donc presque quarante ans après Pirî
décrypter: un explorateur suédois, Nordenskjôld, Reis — est loin d’être satisfaisante, bien que le
avait passé dix-huit ans à établir la « traduction » Nouveau Monde ait enfin son identité de continent.
des portulans en langage cartographique moderne. Nous voilà donc en face de faits précis: les
Son travail a servi de base d’abord à Mallery, affirmations du «Bahriye» sont corroborées par
puis à Charles H apgood et à ses élèves. Ceux-ci les cartes de Pirî Reis. Celui-ci avait incontes­
ont effectué des vérifications si précises qu’ils ont tablem ent sur l’Amérique des informations
pu définir que les cartes de Pirî Reis provenaient valables, étrangères à celles fournies par Chris­
d ’origines différentes et reconstituer, au moins tophe C olom b7 et précédant celui-ci. Mais pré­
théoriquem ent, le puzzle original. C ’est ce tra­ cédant de combien? Toute la question est là.
vail, constamm ent vérifié par des mathématiciens,
qui prouverait le mieux jusqu’à présent que les
cartes de Pirî Reis constituent un problème réel Les cartes sont encore plus exactes
et que les intuitions des premières personnes qui que nous le croyons
les découvrirent, et notam m ent Mallery, étaient
justes. Les preuves apportées de leur ancienneté Il faut m aintenant examiner l’interprétation
sont nombreuses. A signaler par exemple: le lama m oderne de ces cartes. Nous avons deux thèses
dessiné sur ces cartes n’était pas connu des Euro­ en présence: l’américaine et la russe.
péens de l’époque. Q uant aux longitudes, exac­ Suivons d’abord Mallery, qui eut le mérite de
tem ent indiquées, même Christophe Colomb ne découvrir le mystère, et Hapgood la volonté de
savait pas les calculer. le résoudre.
La première chose à faire, pour com prendre en La portion de la carte comprise entre Terre-Neuve
quoi elles sont exceptionnelles, c’est de les et le sud du Brésil, en dehors de son exactitude
com parer aux autres cartes de l’époque: la diffé­ stupéfiante pour l’époque, ne pose pas de pro­
rence saute aux yeux im médiatement, même blème de déchiffrement. En ce qui concerne le
pour ceux qui n’ont pas pâli durant dix-huit ans nord et le sud de la carte, une fois les indications
sur des portulans! Citons-en quelques-unes: la «traduites» en langage cartographique moderne,
carte de Jean Severs, publiée à Leyde en 1514, Mallery se convainquit, d’une part que Pirî Reis
exacte pour l’Europe et l’Afrique, est nettem ent avait dessiné les rivages de l’Antarctique, d ’autre
aberrante pour l’Amérique (à noter en particulier part que le G roenland et le continent antarc­
que l’Amérique C entrale et l’Amérique du Nord tique étaient révélés comme ils se présentaient,
sont confondues). La carte attribuée à Lopa avant la glaciation actuelle des pôles! Cette
Hamen et publiée en 1519 n ’est pas meilleure: hypothèse, à première vue extravagante, ne peut
les dimensions de l’Amérique sont dispropor­ être avancée — avant même d’être discutée, ce
tionnées par rapport à l’Afrique, la distance entre que nous ferons tout à l’heure —que si l’on est en
l’Afrique et l’Amérique est largem ent sous- mesure de définir plus ou moins précisément la
estimée, la configuration générale du Nouveau configuration des socles terrestres de l’Arctique
Monde est presque méconnaissable. 6. Les « portulans » correspondaient à ce que nous appellerions main­
Une autre carte, dessinée par un Portugais dont tenant «instructions nautiques», c’est-à-dire cartes marines, mais
aussi relevés divers et com m entaires appropriés.
on ignore le nom, parut en 1520. L’Amérique 7. Lors de sa prem ière expédition, 1492-1493, Colomb avait déjà à son
s’arrête brusquement au sud du Brésil. Il faut bord La Cosa, fameux cartographe du temps, qui participa également
à la deuxième expédition (1493-1496). Le « portulan » que l’on possède
préciser que c’est cette année-là que Magellan de lui est d ’une exactitude très relative et en tout ne présente guère de
entreprit sa circumnavigation autour de l’Amé­ similitude apparente avec les cartes de Pirî Reis.

Les civilisations disparues 121


et de l’A n ta r c t iq u e sous la c o u c h e de glace qui les blèm e au S ervice h y d ro g r a p h iq u e . Il avait si bien
re cou vre a c tu e lle m e n t. su a le r te r les te c h n ic ie n s les plus c o m p é t e n ts que
Ce n'est que très r é c e m m e n t q u e l’on a a cq u is des les A m é ric a in s e n tr e p r i r e n t d es so n d a g e s sis­
no tion s à ce sujet. D es t e c h n i q u e s m o d e r n e s (g ra­ m iq u es de vérification à ce t en d ro it. Et c ’est la
vim étrie, so n d ag es sismiques, etc.), d ’a b o rd mises c a rte de Pirî Reis qui avait raison !
au p o in t et e x p é r i m e n t é e s au G r o e n l a n d p a r les Il n ’y a d o n c pas à s’é t o n n e r q u e, lors du F o ru m
Expéditions polaires françaises puis da ns l’A ntarc- ra d io p h o n iq u e p r é c é d e m m e n t é v o q u é , l’h y p o ­
tiqu e, o n t d o n n é lieu à des résu ltats s p e c t a ­ thèse de l’a n c ie n n e té des c a rte s de Pirî Reis eût
culaires. cessé d ’ê tre p u r e m e n t sp éculative. « Les trav aux
On a d ’a b o rd pu m e s u r e r l'é p a isse u r de la c o u c h e effe ctu és à ce jo u r , dit le R.P. L in e h a n , p r o u v e n t
de g lace : au G ro e n la n d , l’é p a is se u r m a xim ale est qu e ces ca rte s s e m b le n t rem arquablem ent
de 3 300 m è tre s; d a n s l’A n ta r c t iq u e , elle a ttein t ex actes. Et, ajoute-t-il p a r ailleurs, je p ense que
4 500 m ètre s. Puis on a pu d re s s e r un e c a rte du de s r e c h e r c h e s sism iques c o m p lé m e n ta ir e s , p e r ­
relief g ro e n la n d a is , avec les altitu des, tel q u ’il m e tta n t de d é t e r m i n e r l’e m p l a c e m e n t re s p e c tif
existe sous ce tte é n o r m e c o u c h e de glace. Un de la glace et de la te rre ferm e, d e v ro n t p ro u v e r
travail similaire fut e ff e c tu é d a n s ce rta in e s que ces c a rte s sont m ê m e e n c o r e plus ex a c te s
parties de l’A n ta r c t iq u e . que nous ne le c ro y o n s a c tu e lle m e n t. »
A rling to n M allery avait d o n c des é lé m e n ts g é o ­
g ra p h iq u e s m o d e r n e s au x q u e ls c o m p a r e r les
d o n n é e s des c a rte s de Pirî Reis. Ses co n clu sio n s Est-ce l'Antarctique
p erso nn elle s, h a u te m e n t affirm ées au F o ru m de ou la Terre de Feu ?
ï’U niversité de G e o r g e to w n , furent form elles: le
G r o e n la n d tel q u ’il était dessiné p a r l’amiral M ais to u t le m o n d e est loin d ’ê tre d ’a c c o rd là-
turc c o r r e s p o n d a it aux lignes de relief tro u v é e s dessus. Les Russes, d o n t on sait q u ’ils p a rtic ip e n t,
par les E x péd itio ns p olaires fra nça ise s (qui font avec de n o m b r e u s e s n atio ns o c c id e n ta le s , à
éta t de deu x é t r a n g le m e n ts m é d ia n s c o u p a n t le l’é tu d e du c o n tin e n t a n ta r c ti q u e , on t p rés e n té
G ro e n la n d ) . Q u a n t au rivage qui p ro lo n g e si lo n ­ d ’a u tr e s thèses sur le sujet. En se livrant à leur
g u e m e n t celui de l'A m é r iq u e du Sud, ce n ’était p ro p r e travail de tran sp osition , ils on t co n c lu que
a u tr e q u e celui de l 'A n ta r c ti q u e : A rlin gto n le tr a c é de Pirî Reis ne c o rr e s p o n d pas à l’A n ta rc -
H. M allery prit la pein e de suivre la c a rte milli­ tiqu e, mais à l’e x tr é m ité sud de la P a ta g o n ie et
m ètre p a r m illim ètre et d ’é ta b lir c h a q u e fois la de la T e rre de Feu. C e la n ’en pose pas m oins un
c o m p a r a is o n a vec les d o n n é e s m o d e r n e s. Il faut p ro b lè m e , ces régions n ’a y a n t c o m m e n c é officiel­
dire q u ’il a b o u tit ainsi à des c o n clu s io n s p o u r le m e n t à ê tre c o n n u e s q u ’à p a rtir de 1520.
le moins s u r p re n a n te s ; p a r e x e m p le , les îles D ’ailleurs, en Russie m ê m e , d ’a u tre s o pin io n s ont
in d iqu ées p a r Pirî Reis au large des cô te s c o ïn ­ été ém ises sur la q uestio n. Le p ro fe sse u r
cident avec ce qui a p p a ra ît c o m m e des pics m o n ­ L .D. D o lg o u c h in e , de l’institu t g é o g ra p h iq u e , a
tagneux su bg lac iaire s d é c o u v e r t s d a n s la Q u e e n e stim é que ces c a rte s p o u v a ie n t r e p r é s e n te r
M au d L an d p ar la N orw eg ian -sw ed ish-b ritish l’A n ta r c t iq u e , mais q u e les in fo rm atio n s d o n t
A n ta rc tic E x p é d itio n et d o n t le relevé fut publié elles font é ta t n ’o nt pas été recueillies av an t la
d a n s le « G é o g r a p h ie J o u r n a l » de juin 1954. gla ciation qu e, p o u r sa p art, il fait r e m o n t e r à
T o u jo u rs p o u r la Q u e e n M a u d l.an d, Mallery, un million d ’a n n é e s (no us v erro n s to u t à l’heu re
p o u rs u iv a n t ses c o m p a r a is o n s , eu t c o n n a is sa n c e les th èses a c tu e lle s sur ce p ro b lèm e). Le p r o ­
e n tre a u tr e s d 'u n e c a r t e du rivage co n tin e n ta l fesseur N.Y. M e p e r t, s e c r é ta ire de l’institut
a n ta r c ti q u e étab lie p a r P e te r m a n en 1954. Les d ’a rc h é o lo g ie , a d é c la r é : «Il faut s’a tt e n d r e en
c o r r e s p o n d a n c e s , à son avis, é ta i e n t parfaites, H istoire à des surprises aussi g ra n d e s q u ’en ph y­
sa u f à un e n d ro it: Pirî Reis indiquait d eux baies, sique nuclé a ire. C ’est p o u rq u o i il est nécessaire
P e te r m a n , de la terre ferm e. M allery posa le p r o ­ d ’é tu d i e r ces cartes. »

1 22 L 'é n ig m e Pirî R e is
D ans un sujet si peu co n fo rm is te , il faut en tous m o m e n t qui nous intéresse. Les Vikings non plus.
cas a v a n c e r avec c ir c o n s p e c tio n . Le p re m ie r Le seul p eu p le n a v ig a te u r à qui l’on puisse p r ê t e r
point établi, c ’est q ue Pirî Reis p o ssé d ait sur le ces c o n n a is s a n c e s est celui des P hén iciens. Il est
c o n tin e n t am é ric a in d es d o n n é e s a n té r ie u r e s à la établi h is to riq u e m e n t q u ’ils c a b o ta ie n t sur to u te
« d é c o u v e rte » de C h ris to p h e C o lom b. On p o u rrait la c ô te o c c id e n ta le e u r o p é e n n e . Ont-ils fait plus?
s u p p o s e r qu e ces d o n n é e s p ro v ie n n e n t de Ont-ils osé a ff ro n te r l’im m en sité de l’o c é a n ? P o u r
l’é p o p é e viking, m a i n te n a n t bien c o n n u e et à peu le moins, la q u estion doit être posée. Il est
près sortie des limbes m é d iév au x . M ais les certain q u ’un e trad itio n s’est p e r p é t u é e à trave rs
Vikings, si té m é ra ire s q u ’ils fussent, ne c o n n a is ­ l’A n tiq u ité et le M o y en Age c o n c e r n a n t l’exis­
saient q u ’un e p e tite pa rtie de l’A m é riq u e du te n c e d 'u n c o n tin e n t plus ou m oins m y th iq u e au-
N o rd , d o n t ils ig n o raien t d ’ailleurs q u ’elle fût un delà de l’o c é a n . N o u s av on s é v o q u é le fam eu x
c o n tin e n t. U n e r é c e n t e trouvaille a fait b e a u c o u p livre p r é t e n d u m e n t d a té d 'A l e x a n d r e le G r a n d et
p a rle r d ’elle: celle d ’une c a rte d é c o u v e r t e en d o n t la le ctu re la n ç a C h ris to p h e C o lo m b d a n s sa
Suisse et d a ta n t de 1440. O n y voit au large de la g ra n d e a v e n tu r e . D es c o m p ila te u rs gre cs parlen t
S cand inav ie d ’a b o rd l’Is lande, puis le G ro e n la n d , d 'u n c o n ti n e n t ap p e lé « A n tic h t o n ê » (c'est-à-dire
enfin une île plus vaste, où on croit re c o n n a îtr e la « t e r r e des an tip o d e s» ). Saint Isidore de
les e m b o u c h u r e s du S ain t-L au ren t et de l'H ud son , Séville, qui v é c u t de 560 à 636, passe p o u r avoir
tr a n s fo r m é e s en baies p ro fo n d es. La légende d é c la r é : « Il y a un a u tr e c o n ti n e n t en plus des
p o rte : « D é c o u v e r te s de Bjarni et de Leif». trois q u e nous c o nn aisson s. Il est a u -d e là de
Précison s qu e d ’a p rès les sagas n o rv ég ien n es l'o c é a n et là-bas le soleil est plus c h a u d que
Bjarni H erjolfson passe p o u r avo ir navigué d a n s nos c o n tr é e s .» Il y a aussi l’é p o p é e e n c o re
ju s q u e sur les rivages a m é r ic a in s en 986 et Leif bien mal c o n n u e des m oines b re to n s partis évan-
Ericson en 1002. géliser les p eu p le s de ce fam eu x c o n tin e n t d o n t
Les Vikings ne suffisent d o n c pas à e x p liq u er les ils av aie n t e n te n d u p a rle r — cro isad e d ra m a ti q u e
c a rte s de Pirî Reis. C a r celles-ci sont c o rr o b o r é e s et é m i n e m m e n t m e u r triè re . On sait qu'ils p a r ­
p a r d ’a u tr e s faits. Il existe p a r e x em p le une a u tre tirent des cô tes de B reta g n e . L 'u n de ces b ate a u x
ca rte du m o n d e , c o n n u e sous le nom de c a rte de parvint-il ja m a is en A m é ri q u e ?
G lo r e a n u s et qui figure à la B iblio th èq ue de Il y a des a r g u m e n ts solides en fa v e u r de l’h y p o ­
B onn. J u s q u ’à p re u v e du c o n tr a ir e , elle est d a té e thèse p h é n ic ie n n e et n o ta m m e n t le fait que l’on
de 1510. Elle serait d o n c a n té r ie u r e à celles de d é c o u v r e en A m é ri q u e du Sud, et m ê m e du N o rd ,
Pirî Reis. C e tt e c a rte d o n n e non s e u le m e n t la des vestiges à c a ra c té ris tiq u e s m é d i te r r a n é e n n e s :
con fig uratio n e x a c te de to u t e la c ô te A tla n tiq u e la d e rn i è re en d a te a été faite p a r un H ollandais,
de l’A m é riq u e , du C a n a d a à la T e r r e de feu, ce le p ro f e sse u r Stolks. C es d é c o u v e r t e s 8 sont en
qui est déjà e x tr a o rd in a ire , mais aussi de to u te la g é n é ral très c o n tr o v e rs é e s . L 'idée q u e les P h é ­
c ô te Pacifique, é g a le m e n t du N o rd au Sud. niciens aien t été c a p a b le s de tra v e rsé e s o c é a ­
niqu es n 'a rien de fan tastiq u e en soi. L e u r m arine,
tan t m a r c h a n d e qu e de g u e rr e , leur eût p erm is
Les Phéniciens ont-ils pu ce t exploit. C e qui est plus difficile à im aginer,
découvrir l'Am érique ? c 'e st la raison p o u r la quelle ils a u ra i e n t g a rd é le
se c r e t sur leurs d é c o u v e rt e s . Mais la puissance
Les d o n n é e s de l’histoire officielle ne p e r m e t t e n t de leu r très petit pays é tait u n iq u e m e n t basée sur
g u è re de ré s o u d re le m y stère q u e pose l’existen ce leur m arine et la c o n n a is s a n c e s e c r è te de lieux
de ces cartes. Il faut d o n c m a i n te n a n t r e m o n te r d ’a p p ro v i s io n n e m e n ts eû t c o n stitu é un a to u t
h a rd im e n t la chro n o lo g ie. A r r ê t o n s -n o u s d ’a b o rd
à l’in te rp ré ta tio n russe: Pirî Reis a u ra it dessiné
8. E lles so n t le fait de l’e x p lo ra te u r a m é ric a in A. H y a tt V errill, d o n t d^
non pas l’A n ta r c t iq u e , mais la P a ta g o n ie et la n o m b re u se s œ u v re s o n t é té tra d u ite s en F ra n c e et p u b lié e s aux éd itio n s
T e r r e de Feu. O n ne les co n n ais sa it pas au Payot.

Les civilisations disparues 12 3


intéressant. Puis le secret se serait plus ou moins la civilisation et doit être prise avec une très
perdu au fil de l’Histoire. On peut penser à ce grande prudence et avec scepticisme. Que disent
propos aux Vikings: quelques siècles après leurs les manuels de préhistoire? II. y a dix mille ans
expéditions maritimes, il a bien fallu « redé­ régnait (si l’on peut dire) l’homme de Cro-
couvrir» le G roenland, Terre-Neuve et le Magnon, auquel on attribue les peintures de
Canada. De tels secrets corporatifs sont faciles à Lascaux, mais qui ne connaissait ni le travail des
garder et encore plus à perdre. métaux, ni la culture de la terre, ni la domes­
tication des animaux.
Or des cartes de Pirî Reis, leur plus intime
Quand a commencé la glaciation spécialiste, Arlington H. Mallery, dit: «A
actuelle des pôles ? l’époque où la carte a été faite, il ne fallait pas
seulement qu’il y ait des explorateurs, mais aussi
Abordons m aintenant l’hypothèse Mallery: des techniciens en hydrographie particulièrem ent
héritier d ’une longue lignée de traditions secrètes, com pétents et organisés, car on ne peut pas
Pirî Reis aurait eu connaissance de données dessiner la carte de continents ou de territoires
géographiques datant d’avant la glaciation en ce aussi grands que l’A ntarctique, que le Groenland
qui concerne le G roenland et l’A ntarctique. Une ou que l’Amérique, comme apparem m ent elle a
première question se pose: de quand date cette était faite il y a quelques millénaires, si l’on est
glaciation? un simple individu ou même un petit groupe
L’Année géophysique internationale a donné, d ’explorateurs. Il y faut des techniciens expéri­
entre autres, une vive impulsion à ces recherches. mentés familiers de l’astronomie, aussi bien que
En 1957, les travaux convergents du D rJ.L . Hough, des m éthodes nécessaires de levée des cartes. »
de l’Université de l’Illinois, par sondage, et du Arlington Mallery va même plus loin. Il dit:
D r W .D. Hurry, des laboratoires de Géophy­ «Nous ne comprenons pas comment ces cartes
sique de l’institut Carnegie, à Washington, par la ont pu être dressées sans le secours de l’aviation.
méthode du radio-carbone, com m encèrent à déli­ En outre, les longitudes sont absolument exactes —
miter le problème: la période de glaciation ce que nous ne savons faire nous-mêmes que
actuelle des pôles a com mencé depuis 6 000 ou depuis à peine deux siècles. »
15 000 ans. La marge d ’incertitude a été large­ Il faudrait donc procéder à une « révision déchi­
ment réduite depuis. Les spécialistes (et notam­ rante» de nos concepts concernant l’histoire de
ment Claude Lorius, chef glaciologue des Expé­ l’humanité. Quelles conjectures peut-on faire sur
ditions'polaires françaises) fixent le début de la une civilisation développée qui aurait donc existé
période glaciaire de 9 à 10 000 ans. Ils s’accordent il y a quelque dix millénaires?
en outre sur le fait qu’une période de déglaciation
vient de commencer.
Il semble donc possible qu’il y a dix millénaires Des inscriptions préphéniciennes
environ le G roenland et l’A ntarctique avaient la découvertes en Pennsylvanie
configuration qu’on leur voit sur les cartes de Pirî
Reis. Leur relief s’élevait librement, une partie Pour sa part, Arlington H. Mallery, spécialiste de
des terres actuellem ent sous la glace ou l’Amérique précolombienne, ayant à son actif
immergées était encore visible. dans ce domaine de remarquables découvertes,
On pourrait conclure, semble-t-il, que les connais­ était à la recherche d’une grande civilisation
sances ayant servi à l’établissem ent de ces cartes disparue qui aurait existé sur le continent amé­
datent d’il y a 10 000 ans. ricain. Il a pu présenter un dossier dont quelques
La conclusion est inévitable après tout ce que pièces sont troublantes, et notam m ent des hauts
nous venons de dire, mais elle contredit toutes fourneaux à traiter le fer, sur la datation desquels
les théories classiques actuelles sur l’histoire de les spécialistes sont très divisés, et des pierres

124 L'énigme Pirî Reis


portant des inscriptions. Cette découverte fut Alors? Habitants de l’Atlantide ou de Gondwana?
faite en Pennsylvanie, à l’est d’Harrisburg, chez Mais la dérive des continents a une histoire qui
les frères Strong. Les spécialistes que Mallery remonte au-delà de dix millénaires et, à l’époque
interrogea, sir W .M. Petrie, sir A rthur J. Evans, qui nous intéresse, ces continents, s’ils ont existé,
J.L. Myres, trouvèrent à ces inscriptions des avaient disparu depuis bien longtemps ou
ressemblances soit phéniciennes soit crétoises. s’étaient morcelés.
Quoi qu’il en soit, ces inscriptions paraissent On pourrait donc supposer qu’un rameau de la
représenter un état antérieur aux prem ières race humaine, coexistant avec d ’autres moins
écritures m éditerranéennes, en ce sens que évolués, était parvenu il y a huit à dix mille ans
l’alphabétisation est déjà com m encée, mais que à un degré de civilisation considérable et qu’il
cette écriture, qui n’est plus réellem ent sylla­ avait une connaissance développée de sa planète;
bique, comporte encore 170 signes. Actuellement, et que tout cela fut détruit du jo u r au lendemain
elle n’est pas encore déchiffrée. à la suite d’un cataclysme.
Arlington H. Mallery pense qu’elle est l’écriture Pour sa part, dans ses conclusions, Charles
d’une ancienne civilisation américaine, anté­ H. Hapgood est formel. On a commencé, il y a un
rieure bien entendu aux civilisations précolom ­ siècle seulement, à reculer les limites de l’Histoire
biennes connues (inca, maya ou aztèque). On et à retrouver les vestiges matériels de civilisations
peut supposer que celles-ci en auraient conservé jusque-là considérées comme mythiques (Troie,
des vestiges: on expliquerait ainsi la mystérieuse la Crête) ou même inconnues (Sumer, les Hittites,
et indatable forteresse de Tiahuanaco; certaines la vallée de l’Indus). Le professeur américain
particularités de l’astronomie maya, qui paraît déclare qu’il faut continuer ces recherches et que
rendre compte d ’un état du ciel antérieur de celles-ci devraient obligatoirement conduire à la
nombreux millénaires à celui que nous connais­ découverte de cette civilisation avancée datant
sons; les légendes étranges faisant état d’anciens de 10 000 ans. Nous lui laissons naturellem ent la
civilisateurs, etc. responsabilité de ces affirmations, étayées, rap-
Mais en adm ettant qu’une telle civilisation ait pelons-le une fois de plus, par une expérimen­
existé il y a quelque dix mille ans sur le continent tation scientifique serrée. La grande découverte
américain, encore conviendrait-il d’expliquer archéologique du siècle est à faire...
comment ses connaissances géographiques PAUL-ÉM ILE VICTOR ET ARLETTE PELTANT.
auraient pu parvenir à l’Europe.
Puisque m aintenant le m ur de la raison a été
franchi, on peut laisser libre cours à l’imagi­ 9. Parmi les personnalités de prem ier plan à avoir manifesté un
nation : et si cette civilisation avancée avait existé intérêt semblable aux cartes de Pirî Reis, citons notam m ent George
alors non pas seulement en Amérique, mais sur R. Toney, chef des opérations à la base Byrd, président du Science
foundation office à Washington.
toute la T e rre ? 10. 10. « Le matin des m agiciens», de Louis Pauwels et Jacques Bergier,
présente une docum entation abondante en faveur de cette hypothèse.
Cette civilisation était-elle d’origine extra-ter­
restre? En ce qui concerne les cartes de Pirî Reis
on ne voit pas, heureusem ent, com m ent faire
intervenir des Vénusiens ou tous autres extra­ Les inform ations contenues dans ce texte proviennent principalem ent
terrestres: car pourquoi diable auraient-ils eu des trois origines suivantes:
- « The olaest mal o f America, drawn by Pirî Reis », par le prof.
besoin, équipés, on peut le supposer, des fusées D r A feünan, traduit en anglais p ar le D r Lém an Yolac, et publié
les plus perfectionnées, de dresser la carte sous les auspices de la « Türk Tarih K urum u», Société d ’histoire
turque. A nkara 1954.
détaillée non des continents, ce qui pourrait - Le com pte rendu du Forum de PUniversité de G eorgetow n,
s’expliquer, mais des rivages et des côtes? Cela W ashington : « New and old discoveries in A ntarctica », 26 août 1956.
n’exclut pas que par ailleurs on puisse se pencher - La correspondance d ’Arlington H. M allery avec Paul-Émile Victor.
- « M aps of the ancient seas», par Charles H . H apgood (Chilton
sur ce problème; mais les cartes de Pirî Reis sont books).
exclusivement affaire de marins terrestres.

Les civilisations disparues 125

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