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Maquette de couverture :
Jérôme Lo Monaco
Ja n v ier 1992
PRÉFACE DE LA DIXIÈME ÉDITION
novembre 1983
PRÉFACE DE LA SIXIÈME ÉDITION
A u seuil de cette troisième édition d’un ouvrage qui n’est vieux que
de neuf ans, sans rien changer au texte même de notre première
édition qui ne voulait être qu’un modeste répertoire inventorié et classé
des dynamismes imaginaires, nous tenons à dresser un très bref
inventaire épistémologique de l ’état actuel des questions relatives
aux « Structures » et à « U imaginaire ».
En ce qui concerne les premières, malgré toute la publicitéfâcheuse
donnée aux divers « structuralismes », nous dirons que notre position
n’a pas changé, qu’elle s’est trouvée confirmée par les travaux de
Stéphane Lupasco ou de Noam Chomsky 1, et fort peu ébranlée
par certains travaux, remarquables par ailleurs, de la vieille garde
du « structuralisme formel » et jakobsonien 2. Si pour Chomsky
il y a me « grammaire générative » et une sorte d’infrastructure
créationnelle du langage, si pour Lupasco toute structure profonde
est un système « matériel » deforces en tension, pour nous la structure
fondamentale, « archétypique », n’a jamais cessé de tenir compte des
matériaux axiomatiques — donc des « forces » — de l’Imaginaire.
Derrière les formes structurées, qui sont des structures éteintes ou
refroidies, transparaissent fondamentalement les structures pro
fondes qui sont, comme Bachelard ou Jung le savaient déjà, des
archétypes dynamiques, des « sujets » créateurs. Ce que confirment
de façon éclatante les travaux de N . Chomsky, c’est qu’il y a me
structuration dynamique dans l’intention générale des phrases bien
plus que dans les formes mortes et vides des catégories syntactiques
ou lexicologiques. C’est ce que nous tentions de mettre en évidence,
INTRODUCTION
Pages
Les images de quatre sous.
Critique des théories classiques de l’ imagination. —
L’ imaginaire chez Sartre. — La Denkpsychologie. —
Confusion classique de la sémiologie et du séman
tisme. — Le symbole et l’ homogénéité du signifiant
et du signifié. — La richesse de l’ image .................... 15-27
Le symbole et ses motivations.
Non-linéarité du sémantique. — Critique des classi
fications symboliques. — Naturalisme de Krappe et
d’ Eliade, matérialisme élémentaire de Bachelard,
sociologisme de Dumézil et Piganiol, évolutionnisme
de Przyluski. — Psychanalyse et refoulement.
La méthode anthropologique. — Refus du « psycho
logisme » et du « culturalisme ». — Notion de « trajet
anthropologique ». — Motivations sociopètes et socio-
fuges ................................................................................ 27-40
Méthode de convergence et psychologisme méthodologique.
Convergence, analogie et homologie. — Les notions
d’ isomorphisme, de polarisation, de « constellation
d’ images ». — Nécessité du discours. — Le psycholo
gisme comme simple méthode. — Axiomes dyna
miques de l’ imaginaire. — Réflexes dominants et
gestes primordiaux. — Les trois réflexes dominants
selon Betcherev et son école. — Dominante posturale,
dominante digestive,. dominante rythmico-sexuelle. —
Motricité et représentation .......................................... 40-51
L I V R E P R E M IE R
P r e m iè r e P a r t i e
D e u x iè m e p a r t ie
Le sceptre et le glaive
Isomorphisme du schème ascensionnel fondé sur le
réflexe postural, de la « vision monarchique » et des
L IV R E D EU X IÈM E
LE RÉGIME N O C TU R N E DE L’ IMAGE
P r e m iè r e P a r t ie
La descente et la coupe
Chapitre Premier. — L es s y m b o le s d e l ’ i n v e r s i o n . . . . . . .
D e u x iè m e P a r t ie
Du denier au bâton
Chapitre III. — S t r u c t u r e s s y n t h é t iq u e s d e l ’ im a g in a ir e
E T S T Y L E S D E l ’ h i s t o i r e .......................................................................... 399-410
Difficultés : l’analyse détruit la synthèse. Syntonie et
« coincidentia oppositorum ».
La première structure : harmonisation des contraires.
L ’ imagination musicale. Organisation générale des
contrastes. La musique pure comme idéal. La musique
comme victoire sur le temps. L ’esprit de système.
L ’astrobiologie comme philosophie primordiale.
La seconde structure : la dialectique. La loi du
contraste musical. Drame et musique. La forme sonate.
La péripétie théâtrale et romanesque. L ’archétype de
la passion du Fils.
La troisième structure : l’histoire. Rythmique de
l’histoire. L ’hypotypose du passé. Le présent de narra
tion. L’histoire comme synthèse. Les styles de l’his
toire • la praxis et la fable. L’Inde et Rome.
La quatrième structure : le progrès. L ’hypotypose
du futur. Romains, Celtes, Mayas et Sémites. Messia
nisme et alchimie. Maîtrise du temps et accélération
technique de l’histoire. Résumé des quatre structures 399-410
ÉLÉM ENTS
P O U R U N E F A N T A ST IQ U E TR A N SC E N O A N T A LE
CONCLUSION
1 Cf. Sartre, op. cit., p. 47, 62, 68, 85 sq. — 2 Cf. Sartre, op. cit., p. 69.
— 3 Cf. Sartre, op. cit., p. 146 et L ’Imaginaire, p. 14. — 4 Cf. Sartre,
L ’Imaginaire, p. 16. — 5 Cf. Sartre, op. cit., p. 20. C’est ici la notion de
« travail », chère à Alain, qui vient distinguer le « réel » perceptif de la
paresse ou de l’enfance des images. Cf. Alain, Préliminaires, p. 47*49.
90-91. — 6 Cf. Sartre, op. cit., p. 23. — 7 Cf. Sartre, op. cit., p. 27.
IN T R O D U C T IO N 18
1 Sartre, op. cit., p. 236. — 2 Op. cit., p. 239, sq. Cf. Sartre, Baudelaire
et Situation, T. — 3 Sartre, Imagination, p. 138.
IN T R O D U C T IO N 20
1 Cf. infra, p. 472 sq. —- 2 Cf. la Symbolik der Traume de Von Schubert,
p. 8-10, et Aeppli, L es rêves et leur interprétation.
in t r o d u c t io n 3°
hiérarchie des grandes formes symboliques et de restaurer
l’unité dans le dualisme bergsonien des Deux Sources, soit
enfin avec la psychanalyse qu’on essaye de trouver une syn
thèse motivante entre les pulsions d’une libido en évolution
et les pressions refoulantes du microgroupe familial. Ce sont
ces différentes classifications des motivations symboliques qu’il
nous faut critiquer avant que d’établir une ferme méthode.
La plupart des analystes des motivations symboliques, qui
sont des historiens de la religion, se sont arrêtés à une classi
fication des symboles selon leur parenté plus ou moins nette
avec l’une des grandes épiphanies cosmologiques. C’est ainsi
que Krappe 1 subdivise les mythes et les symboles en deux
groupes : les symboles célestes et les symboles terrestres.
Cinq des premiers chapitres de sa Genèse des mythes sont consa
crés au ciel, au soleil, à la lune, aux « deux grands luminaires »
et aux étoiles, tandis que les six derniers chapitres s’occupent
des mythes atmosphériques, volcaniques, aquatiques, chto-
niens, cataclysmiques et enfin de l’histoire humaine et de
son symbolisme. Eliade2, dans son remarquable Traité
d’histoire des religions, suit à peu près le même plan de clivage
des hiérophanies, mais avec plus de profondeur parvient à
intégrer les mythes et les symboles cataclysmiques, volca
niques et atmosphériques dans des catégories plus générales ;
ce qui nous vaut de vastes chapitres consacrés aux rites et
symboles ouraniens, au soleil, à la lune et à la « mystique
lunaire », aux eaux, aux kratophanies et à la terre. Mais, à
partir du septième chapitre3, la pensée du mythologue
semble soudain s’intéresser aux caractères fonctionnels des
hiérophanies et les études des symboles agraires polarisent
autour des fonctions de fécondité, des rites de renouvellement
et des cultes de la fertilité, qui insensiblement conduisent,
dans les derniers chapitres, à méditer sur le Grand Temps
et les mythes de l’Éternel Retour 4. On voit donc que ces
classifications, qui se veulent inspirées par des normes d’adap
tation au monde objectif, tant sidéral que tellurique et météo
rologique, semblent irrésistiblement incliner à des considé
rations moins objectives : dans ses derniers chapitres, Éliade
1 Krappe, Genèse des mythes; cf. table des matières, p. 346 sq. —
2 Mircea Eliade, Traité d ’histoire des religions; cf. table des matières,
p. 402 sq. — 3 Eliade, op. cit., p. 2 11. — 4 Op. cit., p. 315-333.
INTRODU CTION
1 Piganiol, op. cit., p. 140; cf. également Jung, Psychol. und Religion,
P- 9- — 2 Nous disons quasi statistique; en effet, comme l’a établi
Lévi-Strauss, la recherche anthropologique et spécialement l’enquête
structuraliste n’a affaire que secondairement aux mathématiques quan
titatives. Les « modèles mécaniques », dans lesquels on étudie les
connexions structurales sur un cas particulier ou même singulier,
prévalent sur les « modèles statistiques ». Cf. Lévi-Strauss, Anthro
pologie, p. 315-317. Cf. infra, p. 231, notre étude de l’antiphrase sur
l’exemple singulier de l’icône cynocéphale de saint Christophe. —
3 Baudouin, Psychan. de V . Hugo, p. 202. Nous l’avons écrit dans une
préface, mieux vaudrait dire « isotope ». — 4 Baudoin, op. cit., p. 219.
INTRODUCTION
1Jung> —*
Types psychologiques, 310. Kostyleff, op. cit., p. 70. —
* Cf. Piaget, Farm, symb., p. 219. — 4 Betcherev, op. cit., p. 221 sq. —
5 Cf. Morgan, Psycbo. physiologique, t. II, p. 431-435. — * Piaget,. La
Représentation de l'espace..., p. 447.
INTRODUCTION 48
logie de la verticalité qui entre ici en jeu plutôt que ses caracté
ristiques géométriques. On peut dire que dans une telle
dominante réflexe cumulent Panalogon affectif et Panalogon
kinesthésique de l’image x.
La seconde dominante apparaît encore plus nettement :
dominante de nutrition qui chez les nouveau-nés se manifeste
par les réflexes de succion labiale et d’orientation correspon
dante de la tête. Ces réflexes sont provoqués, soit par des
stimuli externes, soit par la faim. Déjà, chez le chien,
Oukhtomsky2 avait remarqué une dominante digestive
spécialement dans l’acte de déglutition et dans l’acte de défé
cation, ayant pour effet de concentrer « les excitations prove
nant de sources lointaines et de supprimer la capacité des
autres centres de répondre aux excitations directes ». Comme
dans le cas précédent, toutes les réactions étrangères au
réflexe dominant se trouvent retardées ou inhibées. A ces
deux dominantes peuvent s’associer des réactions audio
visuelles que Betcherev étudie. Si par la suite ces organes
sensoriels peuvent à leur tour, par conditionnement, devenir
des dominantes, il n’en est pas moins vrai, comme le remarque
Kostyleff 3, que la nutrition et la position « sont des réactions
innées de caractère dominant ». La dominante agit toujours
avec un certain impérialisme, elle peut être considérée déjà
comme un principe d’organisation, comme une structure
sensori-motrice.
Quant à une troisième dominante naturelle elle n’a, à vrai
dire, été étudiée que chez l’animal adulte et mâle par J. M.
Oufland 4 dans son article : Une dominante naturelle che% la
grenouille mâle dans le réflexe copulatif Cette dominante se mani
feste par une concentration des excitations sur le renforcement
de l’étreinte brachiale. Oufland suppose que cette domi
nante serait d’origine interne, déclenchée par des sécré
tions hormonales et n’apparaissant qu’en période de rut.
Betcherev 5 affirme de nouveau, d’une façon plus vague,
que le « réflexe sexuel » est une dominante. Malgré le manque
1 Cf. Sartre, Imaginaire, p. 96, 97, 109. Cf. infra, p. 474 sq. — ! Cf. Kos
tyleff, op. cit., p. 72, 7 j, 79. — 8 Kostyleff, op. cit., p. 34. — 4 J. M. Ou
fland, in Notioie v. Keflexologuii (Betcherev), p. 80 sq. Cf. Kostyleff,
op. cit., p. 35, 45 sq. — 5 Betcherev, General P rin cipes, p. 118 , 119.
INTRODUCTION 49
1 Cf. Groos, Jeux des animaux, p. 305-313. Cf. Griaule, Jeux dogons,
p. 123, 149, 212. — 8 Cf. Jung, Libido, p. 137. — 8 Cf. également article
P. Germain, Musique et psychanalyse, in Kev.franç. depsychanalyse, 1928. —
* Cf. Delmas et Boll, La personnalité humaine, p. 81. — 6 Dumas, Nouv.
Traité de Psycbol., II, p. 38. — 6 Piaget, Format, symb., p. 177.
INTRODUCTION 51
1 Op. cit., p. j i o . — 2 Cf. op. cit., p. 540 sq. — s Cf. infra, p. 391 sq.
INTRODUCTION 55
1 Cf. Dumas, op. cit., p. 268. — 2 Cf. Hegel, Esthétique (ire leçon),
p. 165. Cf. G. Durand, L ’Occident iconoclaste, in Cahiers intern. de sym
bolisme, n° 2. — 3 Cf. Kant, Critique Raison pure, I, p. 102; Revault
d’Allonnes, A rt. Rev. phil., sept.-oct. 1920, p. 165; Burloud, Pensée
conceptuelle, p. 105 sq., et Psycho. des tendances, p. 200; Sartre, op. cit.,
p. 137- — 4 Piaget, Form. symbol., p. 178. — 5 Bachelard, Terre et rêverie
du repos, p. 264. — • Sartre, op. cit., p. 137.
INTRODUCTION 62
RÉGIME DIURNE
DE LIMAGE
Sémantiquement parlant, on peut dire qu’il n’y a pas de
lumière sans ténèbres alors que l’inverse n’est pas vrai : la
nuit ayant une existence symbolique autonome. Le Régime
Diurne de l’image se définit donc d’une façon générale comme
le régime de l’antithèse. Ce manichéisme des images diurnes
n’a point échappé à ceux qui ont abordé l’étude approfondie
des poètes de la lumière. Nous avions déjà noté avec Bau
douin 1 la double polarisation des images hugoliennes autour
de l’antithèse lumière-ténèbres. De même Rougemont 2 s’in
génie à retrouver le dualisme des métaphores de la nuit et du
jour chez les troubadours, les poètes mystiques du soufisme,
le roman breton dont Tristan et Isolde est une illustration, et
enfin dans la poésie mystique de St-Jean de la Croix. Selon
Rougemont, ce dualisme d’inspiration cathare structurerait
toute la littérature de l’Occident, irrémédiablement platoni
cienne. De même Guiraud 3 relève excellemment l’importance
des deux mots-clefs les plus fréquents chez Valéry : « pur » et
« ombre » qui forment « le portant du décor poétique ».
« Sémantiquement » ces deux termes « s’opposent et forment
les deux pôles de l’univers valéryen : être et non être...
absence et présence... ordre et désordre ». Et Guiraud remar
que cette force de polarisation que possèdent ces images
axiomatiques : autour du mot « pur » gravitent « ciel », « or »,
« jour », « soleil », « lumière », « grand », « immense »,
« divin », « dur », « doré »... etc., tandis que près de « l’om
bre » se tiennent « amour », « secret », « songe », « profond »,
« mystérieux », « seul », « triste »\« pâle », « lourd », « lent »...
Le phonéticien oppose même les sonorités de ces deux termes
« u » ou bien « i » est la plus aiguë des voyelles, tandis que
« on » est la plus grave. L’instinct phonétique du poète, lui
1 Cf. Baudouin, Psychanalyse de V . Hugo, p. 202. Cf. supra, p. 35. —
1 Cf. D. de Rougemont, L ’amour et l ’ Occident, p. 34, 88, 157. Cf.
J. Bédier, Le Romande Tristan et Iseut. — ’ P. Guiraud, op. cit., p. 163.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 70
Dans les rêves d’enfants rapportés par Piagetx, sur une tren
taine d’observations plus ou moins nettes, neuf se réfèrent à
des rêves d’animaux. Il est remarquable d’ailleurs que les
enfants n’aient jamais vu la plupart des animaux dont ils
rêvent, ni les modèles des images avec lesquelles ils jouent.
De même, on constate qu’il existe toute une mythologie fabu
leuse des mœurs animales que l’observation directe ne pourra
que contredire. Et cependant la salamandre reste, pour notre
imagination, liée au feu, le renard à la ruse, le serpent continue
à « piquer » malgré le biologiste, le pélican s’ouvre le cœur,
la cigale nous attendrit alors que la gracieuse souris nous
répugne. C’est dire combien cette orientation thériomorphe
de l’imagination forme une couche profonde, que l’expé
rience ne pourra jamais contredire tant l’imaginaire est réfrac-
taire au démenti expérimental. On pourrait même penser que
l’imagination masque tout ce qui ne la sert pas. Ce qui déclen
che le lyrisme d’un Fabre, ce ne sont pas des découvertes iné
dites, mais les approximatives confirmations des légendes
animales. Certains primitifs2, les Kurnaïs d’Australie par
exemple, savent très nettement faire la distinction entre l’ar
chétype imaginaire et l’animal objet de l’expérience cynégé
tique. Ils appellent jiak ce dernier, tandis qu’ils réservent le
nom de muk-jiak, « animaux remarquables » aux archétypes
thériomorphes des contes et des légendes. L’animal se pré
sente donc, en de telles pensées, comme un abstrait spontané,
l’objet d’une assimilation symbolique, ainsi qu’en témoigne
l’universalité et la pluralité de sa présence tant dans une cons
cience civilisée que dans la mentalité primitive. L’ethnologie
a bien mis en évidence l’archaïsme et l’universalité des sym
boles thériomorphes qui se manifestent dans le totétisme ou
ses survivances religieuses thériocéphales. La linguistique 3
comparée a également remarqué depuis longtemps que la
répartition des substantifs se fait primitivement selon les caté
gories de l’animé et de l’inanimé. En nahuatl, en algonquin,
dans les langues dravidiennes et encore dans les langues
slaves, les substantifs se répartissent en genres selon ces caté
1 Cf. Bréal, art. in Mém. soc. linguist., Paris, t. VII, p. 545. — a Cf.
infra, p. 143 sq., 363 sq. — * Bochner et Halpern, Application clinique
du test de Rorschach, p. 62 sq.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 74
1 Betcherev, op. cit., p. 221 sq. Cf. Kostyleff, op. cit., p. 72; Montes-
sori, L ’Enfant, p. 17, 22, 30. — * Baudouin, op. cit., p. 198-199. — * Cf.
op. cit., p. 101. — 4 Cf. op. cit., p. 1 1 3 ; cf. Jung, Libido, p. 183. — 6Hugo,
Légende des siècles, « L ’Aigle du casque ». — * Cf. Malten, Das Pferd im
Toteng/auben (Jabr. deutsch. Archeo. Inst., t. X X IX , 1914), p. 181 sq.
Nous soulignons bien qu’il ne s’agit que d’un symbole.
LES VISAGES DU TEMPS 79
1 Cf. op. cit., p. 201. — * Cf. op. cit., p. 197; cf. P. Grimai, D ictionnaire,
article Erinnyes. Ces dernières sont également comparées à des « chien
nes » qui poursuivent les mortels. — * A po c., V I, 8. — 4 Malten, op. cit.,
p. 126; cf. Eschyle, Agamemnon, V. 1660. — 5 Cf. Krappe, Genèse des
M ythes, p. 228. — • O p. cit., p. 229. — 7 O p. cit., p. 229. — 8 Jung,
Libido, p. 242 sq.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 80
1 Cf. Dontenville, op. cit., p. 165. — 2Cf. supra, p. 54. — * Cf. R. Lowie,
M anuel d'anthrop. culturelle, p. 55-56. Toutefois il semble bien que dès
l’époque paléolithique, le cheval et les bovidés (bœuf, bison) soient
utilisés corrélativement dans l’iconographie des cavernes; bien plus,
Leroi-Gourhan a montré statistiquement que dans les couplages d’ani
maux sur les parois des cavernes, « le cheval est, par excellence, l’élé
ment complémentaire des couplages puisqu’il rassemble sept des thèmes
de couplage sur douze » (R épartition et groupement des animaux dans
l ’art pariétal paléolithique), in b u ll. soc. préhist. fran ç ., t. LV, fasc. 9, p. 517.
— * Cf. le chinois « ghen », la terre.
LES VISAGES DU TEMPS 87
1 Cf. Grimai, op. cit., article D is Pater, « Le Père des Richesses, est
un dieu du monde souterrain... de très bonne heure identifié à Pluton... ».
— 8 Cf. Krappe, op. cit., p. 173. — 8 Cf. Gorce et Mortier, H ist. génér.
des religions, I , p. 218. Sur le dieu « chien » des anciens Mexicains :
« Xolotl », qui guide les âmes vers les enfers, cf. Soustelle, op. cit., p. 54.
— 4 Cf. Harding, M ystères de la fem m e, p. 228; cf. Grimai, op. cit.,
article Hécate. — 6 M. Bonaparte, Psych. anthr., p. 96.
LES VISAGES DU TEMPS 95
1 Cf. op. cit., p. 129. — 8 Op. cit., p. 119-120. — 8 Op. cit., p. 126. —
4 Cf. Zimmer, op. cit., p. 202, et figure 68, p. 177; « Kali dévorante »,
p. 204. — 5 Bachelard Lautréamont, p. 10, 20, 27 sq. — * Baudouin,
V. Hugo, p. 7 1. — 7 Baudouin, op. cit., p. 94-95 ; cf. Huguet; Métaphores
et comparaisons dans l ’œuvre de V. Hugo, I, p. 216 sq.
T.F. RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 96
1 Cf. Grimai, op. cit., article N yx : « ... elle est fille du Chaos... elle
a sa demeure à l’extrême Ouest. » — * Bachelard, Rêv. repos, p. 76 ; cf.
p. 175. — 3 Cité par M. Davy, op. cit., p. 100. — 4 Cf. G. Durand, article,
in Mercure de France, août 1953. — 5 Bachelard, op. cit., p. 194. — * Cf.
Bachelard, op. cit., p. 27 sq. — 7 Bachelard, op. cit., p. 27.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 100
recèle une gueule énorme qui sert à aspirer tout le sang versé
sur la terre. Cette lune anthropophage n’est pas rare dans le
folklore européen x. Rien n’est plus redoutable pour le paysan
contemporain que la fameuse « lune rouge » ou « lune rousse »
plus brûlante que le soleil dévorant des tropiques. Lieu de la
mort, signe du temps, il est donc normal de voir attribuer à
la lune, et spécialement à la lune noire, une puissance malé
fique. Cette maligne influence se recense dans le folklore
indou, grec, arménien, comme chez les Indiens du Brésil.
UÉvangile de saint Matthieu utilise le verbe sélénia^esthaï
« être lunatique » lorsqu’il fait allusion à une possession
démoniaque 2. Pour les Samoyèdes et les Dayak, la lune est le
principe du mal et de la peste, dans l’Inde on la surnomme
« Nirrti », la ruine s. Presque toujours la catastrophe lunaire
est diluviale 4. Si souvent c’est un animal lunaire — une gre
nouille par exemple — qui dégurgite les eaux du déluge, c’est
que le thème mortel de la lune se marie étroitement à la fémi
nité.
Car l’isomorphisme de la lune et des eaux est en même
temps une féminisation. C’est le cycle menstruel qui en cons
titue le moyen terme. La lune est liée aux menstrues, c’est ce
qu’enseigne le folklore universel 6. En France, les menstrues
s’appellent « le moment de la lune », et chez les Maori la
menstruation est la « maladie lunaire ». Très souvent les
déesses lunaires, Diane, Artémis, Hécate, Anaïtis ou Freyja
ont des attributions gynécologiques. Les Indiens d’Amérique
du Nord disent de la lune décroissante qu’elle « a ses règles ».
« Pour l’homme primitif, note Harding 6, le synchronisme
entre le rythme mensuel de la femme et le cycle de la lune
devait sembler la preuve évidente qu’il existait un lien mysté
rieux entre elles. » Cet isomorphisme de la lune et des mens
trues se manifeste dans de nombreuses légendes qui font de
la lune ou d’un animal lunaire le premier mari de toutes les
femmes; chez les Eskimo, les jeunes vierges ne regardent
jamais la lune de peur de se trouver enceintes, et en Bretagne
1 Sébillot, Folklore, I, p. 38 sq. — * Matt., IV , 25 j X V II, 15 ; cf.
Ps., X C X I, 6. — * Cf. Krappe, op. cit., p. 119. — 4 Cf. Eliade, op. cit.,
p. 147. — s Krappe, op. cit., p. 105 ; cf. S. Icard, L a Femme pendant la
période menstruelle, p. 261 sq. — • Harding, op. cit,. p. 63; cf. Krappe,
op. cit., p. 108.
LES VISAGES DU TEMPS lli
Urtra, le démon, est celui qui enchaîne les hommes comme les
éléments : « Les lacets, les cordes, les nœuds caractérisent les
divinités de la mort1. » Ce schème du liage est universel et se
retrouve chez les Iraniens, pour lesquels Ahriman est le
néfaste lieur, chez les Australiens et les Chinois pour lesquels
ce sont respectivement la démone Aranda ou le démon Pauhi
qui occupent cette fonction. Chez les Germains, pour qui le
système rituel de mise à mort est la pendaison, les déesses fu
néraires hèlent les morts avec une corde 2. 1m Bible enfin est
riche d’allusions diverses aux « liens de la mort3 ». Eliade 4
établit d’ailleurs une importante corrélation étymologique
entre « lier » et « ensorceler » : en turco-tatar bag, bog, signifie
lien et sorcellerie, comme en latinfascinum, le maléfice, est pro
che parent de fascia, le lien. En sanscrit,jukli, qui signifie atte
ler, veut dire aussi « pouvoir magique », d’où dérive précisé
ment le « Yoga ». Nous verrons plus tard que liens et procédés
magiques peuvent être captés, annexés par les puissances béné
fiques et doter ainsi le symbolisme du lien d’une certaine ambi
guïté. Cette ambivalence, sur le chemin de l’euphémisation,
est plus spécialement lunaire : les divinités lunaires étant à la
fois facteurs et maîtres de la mort comme des punitions 5. Tel
est le sens du bel hymne d’Ishtar cité par Harding : la déesse
est maîtresse de la catastrophe, elle noue ou elle dénoue le fil
du mal, le fil du destin. Mais cette ambivalence cyclique, cette
élévation du lien symbolique à une puissance « au carré » de
l’imaginaire, nous fait anticiper sur les euphémisations des
symboles terrifiants. Pour l’instant, contentons-nous de l’as
pect premier du lien et du symbolisme de première instance.
Ce symbolisme est purement négatif : le lien c’est la puissance
magique et néfaste de l’araignée, de la pieuvre et aussi de la
femme fatale et magicienne 6. Il nous reste à examiner, en
reprenant ce thème de la féminité « terrible » comment on
passe, par l’intermédiaire de l’eau néfaste par excellence, le
sang menstruel, des symboles nyctomorphes aux symboles
viscéraux de la chute et de la chair.
1 Eliade, op. cit., p. 134, 138. — 2 Cf. op. cit., p. 138. — * Cf. II,
Samuel, X X II, 6. P s. X V III, 6; CXV I, 3-4; Osée, V II, 12 ; Ézéchiel,
X II, 13 ; X V II, 26; X X III, 3 ; L u c, X III, 16. — * Eliade, op. cit., p. 15 1.
— s Cf. Harding, op. cit., p. 114. — * Sur l’isomorphisme de la chevelure
et des liens, des chaînes, cf. contes chiliens et dominicains rapportés par
S. Comhaire-Sylvain, op. cit., p. 231.
LES VISAGES DU TEMPS ” 9
1 Przyluski, op. cit., p. 196; cf. Zimmer, op. cit., p. 202. Il faudrait
également étudier le démon femelle des Sémites Lilith, dont le nom
vient de la racine « lai lah », la nuit, décrit dans la littérature rabbinique
comme portant une longue cheveluie. Cf. Langton, op. cit., p. 56, 82. —
* M. Bonaparte, Psjich. anthr., p. 99. — * Dieterlen, op. cit., p. 16 ; cf.
p. 39. — * Dieterlen, op. cit., p. 18. — 6 Dieterlen, op. cit., p. 18, note 1.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 122
1 Cf. S. Pétrement, op. cit., p. 205. — * Cf. Freud, Jenseits des Lustprin-
Zips, p. 45 sq. — 3 L év it., X V II, 10 -11. — * Gett., IV, 3. — 5 Cf. E . Lenor-
mant, L es Origines de l ’histoire d ’après la B ib le..., I, p. 70 sq. Cf. le mythe
encore plus explicite des indiens Matakos selon lesquels les femmes
possèdent deux bouches, l’une en haut, l’autre — le vagin — en bas,
cette bouche vaginale étant dentée et redoutable est désarmée par tout
un processus mythique, in Métraux, H istoire du monde et de l ’homme,
textes indiens de l'A rgentine ( N .R .F ., I er sept. 1936, p. 520-524). Cf. sur
le « vagina dentata » : Verrier Elwin, M aisons des jeu n es..., p. 239 sq.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE IJO
LE SCEPTRE ET LE GLAIVE
« Ne déchois point, ô Pârtha, de la virilité du lutteur et du
héros! C ’est indigne de toi. Défais-toi de cette couardise !
Debout, ô Parantapa !... »
Bhagavad-Gltâ, 1, }.
1 M. Davy, op. cit., p. 175. Cf. la pl. X III reproduit une miniature
de Y Hortus Deliciarum représentant l’échelle des vertus, sur laquelle
jouent dialectiquement les thèmes de l’ascension et de la chute, les
pêcheurs trébuchants sur les marches noires de l’échelle. — 2 Cf. St Paul,
III, Corinth., X II, 2. — 3 Baudouin, V . Hugo, p. 192. — 4 Cf. Baudouin,
op. cit., p. 194. — 5 Eliade, Images et symboles, p. 63. — 6 Bachelard,
A ir et songes, p. 33; cf. le platonisme sous-jacent à cette imagination,
Phédon., 80c; Phèdre, 247c. 248a; R ép., VII, 52gd.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 142
1 Cf. op. cit., p. 78, 83. — 2 Cf. op. cit., p. 246, 302. — 3 Dontenville,
op. cit., p. 91. — * Cf. Bachelard, A ir et songes, p. 29-30, 32.
LE SCEPTRE ET LE GLAIVE 145
1 Bachelard, op. cit., p. 36. — 2 Cf. op. cit., p. 71, 78, 65. -— 8 Cf.
Bochner et Halpen, op. cit., p. 62; cf. Desoille, L ’ Exploration de l ’activité,
p. 174. — 4 Cité par Bachelard, op. cit., p. 99. — 5 Op. cit., p. 103. —
6 Bachelard, op. cit., p. 83. — 7 Sur le corbeau demiurge, cf. G. F. Cox-
well, Siberian and Other Fo lk -T aies, p. 77. Cf. Harding, op. cit., p. 60.
Cf. Arnould de Grémilly, L e Coq, p. 23, 48, 82.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 146
1 Cf. Krappe, op. cit., p. 180-182; cf. Granet, op. cit., p. 145 ; cf. G en.,
IX , 13-17, et Iliade, X V II, 547 sq. — 2 Eliade, Traité, p. 17 sq. — 3 Cf.
Dontenville, Myth. franç., p. 34-36.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE
1 Cf. Mund. Upan., I, 1-2; II, 2-5. — 2 Piganiol, op. cit., p. 93. —
3 Cf. Eliade, op. cit., p. 94. — 4 Bachelard, Kêv. volonté, p. 385. — 6 Op. cit.,
p. 380. — 6 Eliade, Traité, p. 63. — 7 Cf. Leenhardt, Notes d’ethnologie,
planche X IX , 4.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 153
flamen possède les mêmes insignes que le rex ; les deux castes
râj et brahmati sont inséparables, et le philologue justifie par
une savante étude linguistique cette dualité fonctionnelle de
la souveraineté. Elle se retrouve dans le dédoublement germa
nique de Odhin le magicien et de Tyr le juriste. C’est égale
ment le dédoublement de Varuna en tant que prêtre et de Mitra
le juriste. Odhin, Varuna, Ouranos sont des rois prêtres, des
rois sorciers, des rois chamanes. Et derrière ce vocable nous
retrouvons les techniques ascensionnelles auxquelles Eliade 1
a consacré un livre important. Odhin, de plus, semble être le
prototype du monarque terrestre, il est appelé le « Dieu du
chef », c’est une divinité aristocrate réservée à certaines
couches sociologiques raréfiées et comparables aux brahmanes
de l’Inde. Le monarque est donc à la fois mage inspiré, aux
prérogatives ascensionnelles, souverain juriste et ordonnateur
monarchique du groupe, et nous ajouterons que l’on ne peut
disjoindre de ces deux fonctions les attributs exécutifs et guer
riers. Les doublets Romulus-Numa, Varuna-Mitra, le triplet
Odhin-Ullin-Tyr masquent en réalité l’indissoluble triplicité
fonctionnelle de la monarchie et de la puissance souveraine,
l’exécutif étant difficilement dissociable du judiciaire dans la
conscience commune. Nous verrons plus tard comment le
glaive, tout en acquérant des prérogatives symboliques nou
velles, reste toujours sous la dépendance des archétypes
monarchiques, reste toujours lié au sceptre dont il n’est qu’une
activation polémique.
*
* *
1 Cf. Wernert, op. cit., p. 67. — ! Cf. Dieterlen, op. cit., p. 65, note 3 ;
cf. l’ impoitance attribuée à la tête lors des cérémonies initiatiques dans
le Vaudou, notions de « pot-tête », de « maît’tête » et pratique du
« laver-tête », in Métraux, Le Vaudou haïtien, p. 188-179. — 8 Baudouin,
V . Hugo, p. 14-15. — 4 Cf. infra, p. 241 sq. — 6 Cité par M. Bonaparte,
op. cit., p. 71, note 1 ; cf. p. 73 ; cf. Lot-Falk, Les Rites de chasse, p. 173,
205 sq., 209 sq.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE !59
1 Cf. Piganiol, op. cit., p. 101-104. — ‘ Cf. Dontenville, op. cit., p. 90.
— 8 Op. cit., p. 94; cf. Jung, L ibido, p. 82. L ’auteur se plaît à rapprocher
« Schwan » le cygne, oiseau solaire, de « Sonne ». — 4 Cf. Davy, op. cit.,
p. 40, 177; Josué, I, 13 ; cf. Jung, Libido, p. 99. — 5 Jung, L ib id o , p. 82;
cf. Krappe, op. cit., p. 83 ; cf. le soleil et l’aigle chez les anciens Mexicains,
Soustelle, op. cit., p. 21. — “ Cf. M. Davy, op. cit., pl. X I, p. 143; cf.
Jung, op. cit., p. 330; cf. Arnould de Grémilly, L e Coq, p. 48 sq.
LE SCEPTRE ET LE GLAIVE 168
1 Cf. supra, p. 81. — * Cf. Gen., II, 8; Ps. L X V III, 34; Matt., X X IV ,
27. — 3 M. Davy, op. cit., p. 142. — 4 Soustelle, op. cit., p. 58 sq.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 169
1 Cité par Jung, Libido, p. 145 ; cf. aroura = champ, giron, sein. —
* Cité par Eliade, Traité, p. 227. — 3 Eliade, Traité, p. 227. — * Dumézil,
L es D ieux des Germ ains, p. 127, 1 3 1 ; cf. Indo-Europ., p. 94, 100. — 8 Cf.
Dumézil, Indo-Europ., p. 89, et Tarpeia, p. 128.
LE RÉGIME DIURNE D E L’iMAGE i 8i
1 Cf. Gusdorf, op. cit., p. 243. — 2 Cf. Diel, op. cit., p. 176 -178.—
3 Diel, op. cit., p. 187. — 4 Cf. Eliade, Forgerons, p. 27.
LE RÉGIME DIURNE DE L’IMAGE 185
-1 Cf. supra, p. 115 sq., 117. — 2 Cf. Athar. Véd., VI, 121-4; R/g. Véd.,
VIII, 87-2. — 3 Eliade, Yoga, p. 18-19. — 4 Cf. infra, p. 127.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 187
1 Cf. Grimai, op. cit., article Athéna. — ! Cf. Desoille, Rêve éveillé,
p. 149, sur le rôle protecteur du cercle magique. — * Cf. Piganiol,
Orig., p. 188. — 4 Cf. infra, p. 288.
LE SCEPTRE ET LE GLAIVE 190
1 Cf. op. cit., p. 187. — * Op. cit., p. 181. — 3 Op. cit., p. 65. — * Op.
cit., p. 187. — 5 Cf. M. Bonaparte, Psych. anthr., p. 183. — • Cf. Freud,
Totem et Tabou, p. 60, 68, 83 sq.
LE SCEPTRE ET LE GLAIVE 194
1 Cf. op. cit., p. 96. — * Cf. op. cit., p. 10 1. — 3 Bachelard, op. cit.,
p. 200. — 4 Burnouf, Le vase sacré, p. 115 . Cf. le curieux mythe Matako
rapporté par Métraux (Histoire du monde et de l ’homme. Textes indiens
de /'Argentine, N.R.F., 1936, p. 525) et qui met bien en évidence cette
ambivalence du feu, à la fois sexuel et purificateur : avant que les hommes
n’aient découvert le. feu, ils ne pouvaient se séparer de la femme lors
de l’accouplement. Le feu joue, somme toute, chez les Matako, le
même rôle que le couteau de circoncision chez les Dogon et les Bam
bara. — 6 Cf. Dumézil, Tarp., p. 107. — • Cité par Bachelard, op. cit.,
p. 205. — 7 Op. cit., p. 209. — 8 Diel, op. cit., p. 234.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE l 91
la lumière), d’autre part la sublimation (par la chaleur) ».
Des considérations anthropologiques viennent confirmer le
symbolisme intellectuel du feu; l’emploi du feu marque, en
effet, « l’étape la plus importante de l’intellectualisation » du
cosmos et « éloigne de plus en plus l’homme de la condition
animale ». C’est pour cette raison spiritualiste que le feu est
presque toujours « présent de Dieu » et se voit toujours doué
d’un pouvoir « apotropéïque 1 ». C’est sous l’aspect igné que
la divinité se révèle dans ses manifestations ouraniennes, aux
apôtres de la Pentecôte, à saint Bonaventure comme à Dante.
Le feu serait ce « dieu vivant et pensant2 » qui, dans les
religions aryennes d’Asie, a porté le nom d’Agni, d’Athar, et
chez les chrétiens de Christ. Dans le rituel chrétien le feu joue
encore un rôle important : feu pascal, feu conservé pendant
toute l’année ; et les lettres mêmes du titre de la croix signifie
raient « Igne Natura Renovatur Integra 3 ». Toutefois, dans
le christianisme comme ailleurs, le symbole du feu est chargé
de significations ambivalentes.' Nous verrons que l’élément
feu, interprété par un tout autre régime de l’image, est intime
ment lié aux mythes de la résurrection, soit par son origine
xylique chez les peuplades qui utilisent les briquets à friction,
soit par le rôle qu’il joue dans la coction des nombreuses al-
chimies 4. Ne conservant pour l’instant des représentations du
feu que leur symbolisme purificateur, nous n’oublions pas
cependant qu’une image soudée naturellement ou technologi
quement à une constellation bien délimitée peut subreptice
ment émigrer, grâce à une qualité secondaire ; dans le cas qui
nous intéresse ici nous voyons le feu d’origine percutante an
nexé par sa qualité lumineuse à un isomorphisme ouranien,
comme l’eau nous est apparue dépendre, quant à son séman
tisme, de ses accidents : limpidité, trouble, profondeur, etc.,
plutôt que de ses caractères substantiels. Une fois de plus nous
constatons que ce n’est pas par une physique des éléments que
• 1 Damourette, op. cit., II, 84, p. 490. Cf. G. Durand, Les Trois
niveaux deformation du symbolisme. — * Cf. Krappe, op. cit., p. 303-304. —
8 Brhad. Aran. Up., II, 15. — 4 Ésaïe, V I, 6-7 ; cf. Exode III. 2.
LE RÉGIME DIURNE DE L’iMAGE 199
1 Cf. Eliade, Yoga, p. 237 sq., 245 sq. — * Dieterlen, op. cit., p. 59-60;
cf. Eliade, op. cit., p. 244, 246; cf. in H .G .R .I., p. 303. — * Cf. Barthes,
Mytho/ogies, p. 38-39.
LE SCEPTRE ET LE GLAIVE 2 02
1 Cf. infra, p. 439 sq. — * Cf. supra, p. 163. E. Souriau, dans les
conclusions de son bel et fervent plaidoyer pour la perfection formelle
et la stylisation, après avoir rendu hommage au platonisme, établit les cri
tères de l’iconographie stylisée. Ceux-ci annoncent d’une façon frappante
les structures schizomorphes que nous distinguons ici par de toutes
autres voies. L ’utilisation de la « cernure » des figures, la « frontalité », la
simplification du trait, la symétrie, la dialectique symétrique des pleins
et des vides, toutes ces qualités formelles sont très voisines des cinq
structures que nous allons induire de l’isomorphisme des symboles
du Régime Diurne. Cf. Souriau, Pensée vivante, p. 256-263.
LE SCEPTRE ET LE GLAIVE 208
1 Séchehaye, op. cit., p. 22, 45, 52. — 2 P. Ricœur, op. cit., p. 261,
chap. IV, « L,e Mythe de l ’âme exilée et le salut par la connaissance ».
LIVRE DEUXIÈME
LE
RÉGIME NOCTURNE
DE L’IMAGE
La précédente étude nous fait toucher à la fondamentale dif
ficulté que présente l’exclusive poursuite de la transcendance
et la polémique dualiste qui en résulte. « On se fatigue d’être
platonicien », écrit Alain 1, ou si l’on ne s’en fatigue pas on
s’aliène. C’est que la représentation qui se confine exclusive
ment dans le Régime Diurne des images débouche soit sur une
vacuité absolue, une totale catharophilie de type nirvânique,
soit sur une tension polémique et une constante surveillance
de soi fatigante pour l’attention. La représentation ne peut
constamment, sous peine d’aliénation, rester l’arme au pied en
état de vigilance. Platon lui-même sait bien que l’on doit à nou
veau descendre dans la caverne, prendre en considération l’acte
même de notre condition mortelle et faire, autant qu’il se peut
un bon usage du temps. De même, le psychothérapeute2recom
mande, dans la pratique ascensionnelle du rêve éveillé, de ne
pas « lâcher » le rêveur au sommet de son ascension, mais de
le faire redescendre progressivement à son niveau de départ,
de le ramener en douceur à son altitude mentale habituelle.
Enfin, la schizophrène 3 traitée par Séchehaye est sur la voie
de la guérison lorsqu’elle prend en horreur l’exclusif monde
de l’éclairement et qu’elle se raccroche à un rituel et à un
symbolisme nocturne.
Face aux visages du temps une autre attitude imaginative se
dessine donc, consistant à capter les forces vitales du devenir,
à exorciser les idoles meurtrières de Kronos, à les transmuter
en talismans bénéfiques, enfin à incorporer à l’inéluctable mou
vance du temps les rassurantes figures de constantes, de cycles
qui au sein même du devenir semblent accomplir un dessein
éternel. L’antidote du temps ne sera plus recherché au niveau
surhumain de la transcendance et de la pureté des essences,
1 Alain, Idées, p. 104. Il ajoute : « C’est ce que signifie Aristote. »
— * Desoille, E x p lo r., p. 27. 68. — 8 Séchehaye. Journal d ’une schizo
phrène, p. 66, 74, 84.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 220
LA DESCENTE ET LA COUPE
« L ’esprit des profondeurs est impérissable ; on l ’appelle la
Femelle mystérieuse... »
Tao-Te-King, VI.
Dumézil1 met en relief par exemple dans les Védas et les textes
mazdéens et qui relie l’idée de richesses, la notion de pluriel
à des figures féminines de la fécondité, de la profondeur aqua
tique ou tellurique. Tels les Açvins liés à Pûshan dieu de la vie,
« donneur de richesses », « masse divine », se concentrant en
la figure féminine de Sarasvati, déesse des eaux mères, don
neuse de vie et de postérité, porteuse de la nourriture, du lait,
de la graine et du miel, abri à toute épreuve, inviolable refuge.
*
* *
1 Op. cit., p. 157. — * Op. cit., p. 157. — 8 Cf. Dontenville, op. cit.,
p. 120. — 4 Op. cit., p. 51, 57, 59. — 5 Op. cit., p. 61 sq.
LA DESCENTE ET LA COUPE 2 35
1 Cf. Bachelard, Terre et repos, p. 143. — 2 Cf. Bay, op. cit., p. 45,
cité par Bachelard, Repos, p. 133. — 3 Cf. Bachelard, op. cit., p . 135.
— 4 Cf. Dontenville, op. cit., p. 120, 129. — 5 Op. cit., p. 130; cf. Sous-
telle, L a Pensée cosmol. des anciens Mexicains, p. 20. Bel exemple d’un
redoublement et d’une confusion du sens actif-passif en la personne du
dieu Quetzalcoatl qui, après s’être sacrifié sous la forme de Nanauatzin,
se pourchasse et se met à mort sous la forme de Xolotl. Mais c’est
surtout L. Dumont qui, dans les conclusions de son ouvrage consacré
à La Tarasque (p. 223-224), montre bien que dans l’ambivalence béné-
fique-maléfique du rituel des fêtes de la Tarasque viennent se totaliser
le maléfice de la Tarasque légendaire et la bienfaisance de la légendaire
sainte Marthe. C’est là le processus inverse de celui du dédoublement
diaïrétique que met en évidence le combat du héros avec le monstre
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 236
1 Op. cit., p. 73; cf. Bachelard, Terre et rêv. repos, p. 61. — * Cf.
Bachelard, L a Poétique de l ’espace, p. 142. — 3 Lévi-Strauss, Anthropo
logie structural, p. 271 sq. ; p. 276, fig. 19 ; p. 279, fig. 20. — 4 Cf. Hutin,
l ’ Alchimie, p. 89; cf. Schuhl, op. cit., p. 65. Sur l’homonculus et la « pou
pée » de Mandragore, cf. A. M. Schmidt, L a Mandragore, p. 53 sq.,
71 sq.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 240
1 Cf. Milner, Poésie et vie mystique, p. 185. — * Cf. Poème Nuit obscure,
20, 7°, 8°, io° strophes; cf. M. Florissone, Esthétique et mystique d’après
Ste Thérèse d’A vila et St Jean de la Croix. — * Cf. Béguin, op. cit., II,
p. 33. — * Cf. Béguin, op. cit., II, p. 33. — 5 V. Hugo, Fin de Satan. —
8 Cf. Novalis, Hymnes à la Nuit, trad. A. Béguin, p. 160-178; et Schijften,
4 7
ï , P- J -é ; H , p . '575 sq.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 250
1 Béguin, L e Rêve che% les romantiques, II, p. 125. — ! Cf. supra, p. 164.
Soustelle remarque l’importance des couleurs chez tous les peuples qui
ont une représentation synthétique du monde, c’est-à-dire organisée
comme des points cardinaux autour d’un centre (Chinois, Pueblos,
Aztèques, Mayas, etc.). Cf. La pensée cosmologique, p. 68 sq. — * Séchehaye,
op. cit., p. i i o - i i i .
LA DESCENTE ET LA COUPE 251
1 Op. cit., p. 46-47. — 8 Op. cit., p. 35 ; cf. Gray, Gatbe the Alchimist,
et A. Von Bernus, Alchimie und Heilkunst, p. 165 sq. — 3 Op. cit., p. 38.
— * Bachelard, E au, p. 82. — 6 Op. cit., p. 83. — * Cf. Bachelard, Terre
volonté, p. 400; Sur le violet, cf. Rousseau, op. cit., p. 171.
LA DESCENTE ET LA COUPE 253
1 Cité par Jung, op. cit., p. 108; cf. Basile Valentin, Les Douane clefs
de la philosophie, p. 22-26, 37, 49; cf. Paracelse, Schriffttn, p. 127, 169, 314.
Sur Paracelse, cf. R. Allendy, Paracelse, le médecin maudit. — 2 Jung
op. cit., p. 63. — 2 Cf. supra, p. 101. — 4 Cf. infra, p. 347. — 5 Cf. J . V.
Andreae, Les Noces chymiques, p. 42-64, 89, 120, etc.; cf. L. Figuier,
L ’Alchimie et les alchimistes., — • Jung op. cit., p. 167.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 260
1 Cf. Piganiol, op. cit., p. 90. — 8 Cf. Leïa, op. cit., p. 70, 77, 83.
L ’auteur relie intuitivement le thème de la belle endormie au « Sym
bolisme de l ’eau », titre d’un de ses chapitres. — 8 Cf. Leïa, op. cit., p. 78;
cf. Béguin, op. cit., I, p. 244; cf. le thème de la belle endormie
chez Stendhal, in L e Décor mythique, op. cit., II, 3. — 4 Cf. supra,
p. 249.
LA DESCENTE ET LA COUPE 273
1 Cf. Saintyves, op. cit., p. 48, 52; Bachelard, Repos, p. 203; Jung,
Libido, p. 366. — * Cf. Jung, op. cit., p. 352. — 3 Bachelard, op. cit.,
p. 205. — * Pour tout ce passage nous renvoyons à la très importante
phénoménologie des images de la maison contenue dans les chapitres I
et II de L a poétique de l ’espace de G. Bachelard, p. 23-51. — 5 Cités par
Bachelard, Repos, p. 99, 105, 161. — 6 Masson-Oursel, Hist. de la philo.
(orient.), p. 127; cf. Eliade, Traité, p. 324.
LA DESCENTE ET LA COUPE 277
Cette féminisation de la maison, comme celle de la patrie, est
traduite par le genre grammatical féminin des langues indo-
européennes domus et patria latines, ê oikia grecque. Les
neutres das Haus et das Vaterland ne sont que d’accidentels
affaiblissements, vite compensés par die Hütte et die Heimat.
La psychanalyse 1, plus que tout autre, a été sensible à ce
sémantisme féminoïde de la demeure et à l’anthropomorphisme
qui en résulte; chambres, chaumières, palais, temples et cha
pelles sont féminisés. En France le caractère féminin de la
chapelle est très net, souvent elle est « Notre-Dame », presque
toujours elle est consacrée, au moins partiellement, à la Vierge
mère.
La maison constitue donc, entre le microcosme du corps
humain et le cosmos, un microcosme secondaire, un moyen-
terme dont la configuration iconographique est par là même
très importante dans le diagnostic psychologique et psycho
social 2. On peut demander : « Dis-moi la maison que tu ima
gines, je te dirai qui tu es. » Et les confidences sur l’habitat sont
plus faciles à faire que celles sur le corps ou sur un élément
objectivement personnel. Les poètes, les psychanalystes, la tra
dition catholique comme la sagesse des Dogon font chorus
pour reconnaître dans le symbolisme de la maison un doublet
microcosmique du corps matériel comme du corpus m ental3.
Les chambres de la demeure font figure d’organes, constate
Baudouin 4, et spontanément l’enfant reconnaît dans les fenê
tres les yeux de la maison et pressent les entrailles dans la cave
et les corridors. Rilke 5 a l’impression d’avancer dans les esca
liers « comme du sang dans les veines », et nous avons déjà
noté 6 les valorisations négatives de l’enfer intestinal et anato
mique. Le labyrinthe est souvent thème de cauchemar, mais la
maison est labyrinthe rassurant, aimé malgré ce qui peut en
1 Cf. Freud, Intr. à la psychan., p. 169, 172. — * Cf. Arthus, Le test
du village ; cf. Minkowska et Fusswerk, Le test de la maison, in Congrès
aliénistes et neurologistes, juillet 1947; cf. Minkowska, De Van Gogh et
Seurat aux dessins d’enfants, p. 59, 78. — a Cf. Freud, Introd. à la psychan.,
p. 169, 176. Bachelard, Repos, p. 95 sq. ; Griaule, Dieu d’eau, p. 173.
Cf. Griaule, Symbolisme d’un temple totémique soudanais (Roma, Is, M.E.O.,
I 957). p- 33 sq. ou l’isomorphisme entre la maison ronde ou ovale des
femmes, la graine, le cosmos et le sang menstruel se trouve particulière
ment affirmé. Cf. Baudouin, De l ’instinct..., p. 190. — * Baudouin,
°py cit., p. 191. — « Cité par Bachelard, Repos, p. 97s — • Cf. supra,
p.' 132.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 278
1 Op. cit., p. 64; cf. infra, p. 393 ; cf. O. Viennot. Le culte de l ’arbre...,
p. 25 sq., 41 sq. — 2 Sur le templum latin et le tém'enos grec, cf. Gusdorf,
op. cit., p. 58. — 3 Cf. Eliade, Traité, p. 324, et Mythe de l ’éternel retour,
p. 32. Cf. Juges, IX , 37. Sur la structure « concentrique » de certains
villages indiens et indonésiens, cf. Lévi-Strauss, Anthrop. structurale,
p. 150 sq. Cf. G. Poulet, Les métamorphoses du cercle. — 4 Cf. Bastide,
Sociol. etpsych., p. 63. Bachelard, Poétique, p. 170-172. Sur la forêt comme
paysage « clos », cf. Le décor mythique, II, chap. 2.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 282
1 Arthus, op. cit., p. 265; cf. supra, p. 190. — * Op. cit., p. 266. —
* Cf. Bachelard, Poétique de l ’espace, p. 208-218. — * Gusdorf, Mythes et
métaph., p. 58.
LA DESCENTE ET LA COUPE
or est fumier, notre fumier est or. » Mais ces associations sont
fort fugitives chez le poète et filent bien vite vers des motifs
sadiques qui déprécient le thème de l’or. C’est que cette asso
ciation de l’or et de l’excrément est irrecevable pour une pensée
diurne. Nous avons ici, une fois de plus, un bel exemple d’in
version des valeurs. Les défécations étant pour la pensée diurne
le comble du péjoratif et de l’abomination catamorphe, alors
que pour le Régime Nocturne l’excrément se confond avec
l’étalon métallique des valeurs économiques et également avec
certaines valeurs célestes quoique nocturnes, comme dans ces
curieuses expressions germaniques et indiennes que Jung relève
à propos des étoiles filantes x.
Il est significatif que Dumézil2 étudie le symbolisme de
l’or chez les Germains à propos des « Mythes de la vitalité »
et des dieux de la fécondité. Il note que l’or est une substance
ambivalente, motif de richesses comme cause de malheurs. Le
trésor est propriété des Vanes, est lié à l’enfouissement et à
l’enterrement, afin d’assurer confort et richesses dans l’au-de-
là. Souvent cet or caché est enfermé dans un coffre ou un chau
dron, tel celui de la Saga du scalde E gill3 caché dans un
marais. Ces accessoires coutumiers du trésor légendaire ren
forcent la polarisation de l’or au sein des symboles de l’inti
mité. Dumézil4 , d’ailleurs, signale la parenté linguistique
entre Gull-veig, « la force de l’or », et Kvasis, « boisson fermen-
tée » ; la racine veig signifiant vigueur dionysiaque. Et surtout le
sociologue des civilisations indo-européennes5 montre bien
l’opposition radicale qui existe entre le héros guerrier et l’hom
me riche ainsi que la fréquente valorisation négative du census
iners, de l’or fatal au héros comme à la purification héroïque.
Tel 1’ « Or du Rhin » ou bien le collier d’Harmonia d’où pro
viennent les malheurs de Thèbes. César lui-même avait remar
qué chez les guerriers germains cette répulsion très forte
vis-à-vis de l’or 6. Chez ces derniers, l’âge de l’or est patronné
par le dieu Frôdhi ou Frotha, variété de Freyr, la divinité
féminoïde de la fécondité, de la terre. Il y aurait donc des
cycles mythiques de civilisation alternativement polarisés par
1 Jung, op. cit., p. 179. — 2 Dumézil, Germains, p. 138 sq. — * Op. cit.,
p. 140. — 4 Op. cit., p. 15 1. — 5 Op. cit., p. 145 sq. — • Dumézil, Indo-
europ., p. 69.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE
gnement d’un penseur indou moderne tel que Ramakrishna; cf. L ’ensei
gnement de Ramakrishna, p. 58 sq. — 1 Cf. Dumézil, Indo-europ., p. 213.
De même le dieu mexicain Tlaloc se monnaie en une multitude de petits
dieux nains et contrefaits : les Tlatoques ; cf. Soustelle, op. cit., p. 48 sq. —
2.Dumézil, op. cit., p. 140; cf. Germains, p. 40, 132. — s bido-europ., p. 135.
— 4 Cf. Piganiol, op. cit., p. 10 9 -m .
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 306
1 Cf. Bohm, op. cit., II, p. 451. — 8 Op. cit. II, p. 400. — a Minkowski,
Scbizophr., p. 200-203. — 4Op. cit., p. 204; Lévy Bruhl (Fonctions mentales,
p. 67) décrit la perception « mystique » dans les sociétés primitives. —
5Bohm, op. cit., I, p. 260. — ‘ Minkowski, op. cit., p. 204. — 7Cf. Minkow
ski, op. cit., p. 205 ; Minkowska, op. cit., p. 25 ; Bohm, op. cit., II, p. 449.
LA DESCENTE ET LA COUPE 315
DU DENIER AU BATON
« N os fêtes... sont le mouvement de l ’aiguille qui sert à lier les
parties de la toiture de paille pour ne fa ire qu’un seul toit, qu’une
seule parole... »
M . L e e n h a fd t , N otes d'ethnologie
néo-calédonienne, p . 1 7 8 .
1 Cf. Van der Leeuw, Homme p rim itif et religion, p. 124; Hubert et
Mauss, Mélanges d 'H ist. des religions, p. 192; cf. Gusdorf, op. cit., p. 26.
— * Cf. Eliade, Mythe de l ’éternel retour, p. 45. — 3 Op. cit., p. 46; cf.
Gusdorf, op. cit., p. 71. — 4 Eliade, op. cit., p. 81.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 324
1 Op. cit., p. 84. — 2 Op. c it.,p . 85. — * Op. cit., p. 15. — * Cf. Couderc,
Calendrier ; cf. supra, p. 110 ; cf. Berthelot, Astrobiologie, p. 58 sq., 360.—
5 Cf. Eliade, Traité, p. 160 sq. ; cf. Brhad-Aranyaka Upan. I, 5-14;
Chandogya U p., V I, 7-1; R ig. V éda, I, 164-45. — * Cf. Couderc, op. cit.,
p. 13 ; cf. Hubert et Mauss, Études sommaires de la représentation du temps
dans la religion et la magie, in Mélanges, p. 195 sq.
DU DENIER AU BATON 327
A
DU DENIER AU BATON 333
1 Cf. op. cit., p. 259-260. — * Cf. Eliade, Traité, p. 26}. — 8 Cf. Har-
ding, op. cit., p. 185. — 4 Cf. Eliade, op. cit., p. 261; cf. P. Grimai,
op. cit., articles Adonis, A ttis. — 5 Bachelard, L ’A ir, p. 238. — 6 R. Ber
thelot, L a Pensée de l ’A sie et l ’astrobiologie.
DU DENIER AU BATON 343
1 Cazeneuve, op. cit., p. 72, 74, 76. — 2 Cf. Pzryluski, op. cit., p. 117 ,
et Eliade, in Forgerons, « Cabires et Forgerons », p. 107; cf. P. Grimai, op.
cit., article Cabires : « A l’époque romaine les Cabires sont le plus souvent
considérés comme une triade, recouvrant les 3 divinités romaines :
Jupiter, Minerve et Mercure. » — 3 Przyluski, op. cit., p. 178. — * Przy
luski, op. cit., p. 179. Sur Mithra « médiateur », cf. Duchesne-Guille-
main, Ormadz et Ahriman, p. 129, note 1, p. 132. — 5 Cf. Jung, Para-
celsica, p. 63 ; cf. A. J. Festugière, L a Révélation d’Hermès Trismégiste, 1 . 1,
P- 47-5 3, 146 sq. — * Jung, Psycho. und Alchem., p. 229.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 348
1 Cf. Gusdorf, op. cit., p. 81. — * Cf. Zimmer, op. cit., p. 68; cf.
infra, p. 378.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE }6o
1 Cf. Eliade, Traité, p. 144-145; cf. Soustelle, op. cit., p. 19, 26,
Tecçiztecatl, « celui du coquillage », de tccciztli « le coquillage ». — * Cf.
H .G .R ., I, p. 184, 193, 198; Buhot, A r ts de la Chine, p. 10, 16, 17, 20,
21 ; cf. I, Groth Kimball et F. Feuchtwanger, L 'A r t ancien du Mexique ;
signalons spécialement le beau gobelet en forme de coquillage du musée
de Villahermosa et le tatouage spiralé de la joue gauche d’une statue
d’Uxmal très proche des dessins faciaux Caduveo; cf. Lévi-Strauss,
Tristes Tropiques, p. 130, 184, 186; anthropologie structurale, p. 269 sq.,
planches V II, VIII, X et fig. 21. — 8 M. Ghika, L e Nombre d ’or, p. 200;
cf. p. 178. — * Cf. op. cit., p. 38-40.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 362
1 Cf. Eliade, op. cit., p. 150; cf. Harding, op. cit., p. 60. — ! Bachelard,
Repos, p. 280-281. — 3 Cf. Granet, Pensée chinoise, p. 13 5 ; cf. Eliade, Trai
té, p. 183. Cf. une belle image de l’ouroboros alchimique, in l ’Anatomia
auri de Mylus, reproduite inM. Caron et S. Hutin, Les alchimistes, p. 182 :
« Le serpent qui se mord la queue indique que la fin de l’ Œuvre rend
témoignage au commencement. »
DU DENIER AU BATON 3<S5
op. cit., p. 69-70 ; cf. op. cit., pl. II, fig. 3, 4, pli III, fig. 5, 7; cf.
O. Viennot, op. cit., p. 182. — 1 Le monstre Cipactli des anciens
Mexicains porte sur son dos Tlaltecutli, « le seigneur de la terre »;
cf. Soustelle,»/). cit., p. 34. — 2 Cf. supra, p. 113 . — * Cf. Zimmer,
op. cit., p. 66; cf. Viennot, op. cit., p. 82, 90, 102-104, 12 1, 17 1.
— 4 Granet, Pensée chinoise, p. 135 ; cf. Eliade, Traité, p. 152.
DU DENIER AU BATON 367
Annam ou en Indonésie le roi porte le titre de « roi Dragon »
ou de « sperme de N agâ1 ». Des mythes innombrables repré
sentent des serpents ou des Dragons contrôlant les nuages,
habitant les étangs et alimentant le monde des eaux
fécondantes « tant la liaison serpent - pluie - féminité -
fécondité est fréquente2 ». C’est ainsi que le dieu mexicain de
la pluie Tlaloc a pour emblème deux serpents enroulés, et la
chute de la pluie est symbolisée par le sang d’un serpent percé
d’une flèche ou par un vase ophidioforme versant de l’eau3.
Il est nécessaire d’insister sur l’aspect féminoïde que prend dans
tous ces cas le serpent « animal Yin », l’épithète Yin évoquant
l’idée de temps froid, couvert, de ciel pluvieux, de tout ce qui
est femelle et intérieur 4. Mais cette sexualité du serpent de la
fécondité peut fort bien s’inverser, et nous retrouvons dans
cette plasticité sexuelle la marque de l’androgynat lunaire.
Certes, comme le note Eliade après la psychanalyse 5, le sym
bolisme du serpent-phallus est fort simpliste, toutefois semble-
t-il, sa forme objective vient se conjuguer avec la signifi
cation plus profonde du thème de la fécondité : le serpent, de
principe Yin qu’il était, devient le grand porteur de sperme.
C’est ce complexe de sexualité et de fécondité qui explique le
rôle de premier mari que le serpent joue en de nombreuses
cultures. C’est un serpent écailleux qui, durant un orage, près
d’un étang, couvrit et féconda la mère de Kao-Tsou6. Dans
les cultures paléo-orientales et méditerranéennes le serpent
prend souvent la place du phallus : Priape est ainsi quelque
fois ophidioforme. Une union mystique avec le serpent était
au centre du rite des mystères d’Eleusis et de la Grande Mère.
Clément d’Alexandrie se fait l’écho chrétien de tels rituels
archétypaux lorsqu’il écrit : « Dieu est un dragon qui s’enfonce
dans le sein de celui qu’il veut initier 7. » De même la Rundalinî
dort « comme un serpent lové » dans le mûlâdhâra çakra — le
çakra, « racine » génitale et anale — fermant de sa bouche le
méat du phallus. La Kundalinî tantrique pouvant facilement
être assimilée à la vigueur sexuelle, au « psychisme spinal »,
1 Cf. Eliade, Yoga, p. 243, 247; cf. Jung, Homme à la découverte de son
âme, p. 336, et M. Choisy, Satan, p. 446. — * Jung, Libido, p. 6, 106;
Bachelard (Repos, p. 154) rapporte des légendes populaires relatives au
serpent qui s’introduit dans les orifices naturels du corps humain. —
3 Cf. Piganiol, op. cit., p. 106; cf. Eliade, Traité, p. 15 3 ; Harding, op. cit.,
p. 61. — 4 Bachelard, Repos, p. 287.
DU DENIER AU BATON 369
1 Cf. Eliade, op. cit., p. 163. Nul mieux que Valéry n’a sur rendre
cette ambiguïté constitutive de la Parque; cf. La Jeune Parque. — 2 Przy
luski, Grande Déesse, p. 172; cf. Soustelle, La Pensée cosm. des anc.
Mexic., p. 36, sur la déesse Tlazotleotl, divinité du tissage, portant au
front le bandeau de coton fiché de fuseaux, au nez un ornement en forme
de croissant. De plus cette divinité se partage en 4 divinités, les « ixcui-
name », les quatre « fils » de coton des points cardinaux. — 3 Cf. Eliade,
op. cit., p. 162. — 4 Cité par Krappe, op. cit., p.122; cf. Eliade, op. cit.,
p. 163. — 5 Cf. Dontenville, op. cit., p. 186. — 9 Krappe, op. cit., p. 103.
— 7 Leroi-Gourhan, Homme et mat., p. 10 1, 103, 262.
DU DENIER AU BATON Î 71
1 Cf. Granet, Pensée chin., p. 161, 177, 186, 200, 205, et R. Girard,
Popol Vuh, p. 26; cf. infra, p. 481 sq. — 2 Lévi-Strauss, Tristes tropiques,
p. 225, 229 sq.; cf. Lévi-Strauss, Anthropol. structurale, p. 133 sq.,
« Les structures sociales dans le Brésil 'entrai et oriental », et p. 147 sq.,
« Les organisations dualistes existent-elles ? ». — 8 Lévi-Strauss, Tristes
tropiques, p. 190; cf. figures p. 184, 186, 189, 193, 195, 198, 200, 201. —
4 Cf. Lévi-Strauss, Le Dédoublement de la représentation dans les arts de
l ’A sie et de l ’Amérique, in Anthropol. structurale, p. 269 sq. ; cf. H .G .R.,
I, p. 84, 142.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 376
1 Cf. Bachelard, Psycb. du Feu, p. 54, 56. — 2 Bachelard, op. cit., p. 54.
Nous avons nous-mêmes fait subir à des élèves des classes terminales
un test dans lequel ils devaient s’ imaginer dans la situation de Robinson
délaissé en son île. Tous sans exception ont pensé à réinventer le feu,
85 % ont fait appel à un briquet par friction, et 97 % de ces derniers ont
avoué n’avoir jamais réalisé pratiquement un tel procédé. — 3 Bache
lard, op. cit., p. 8 1; cf. Jung, Libido, p. 16}. — 4 Bachelard, op. cit.,
p. 84. Sur le feu des alchimistes, cf. J.-P. Bayard, op. cit., p. 157. — 5 Ba
chelard, Feu, p. 48.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 386
1 Cité par Leenhardt, op. cit., p. 118. — 2 Granet, op. cit., p. 200, note 2.
— * C’est nous qui soulignons. — 4 Cf. Granet, op. cit., p. 319. — 5 Cf.
Granet, op. cit., p. 124-209. — • Granet, op. cit., p. 210, 220.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 39°
Nous sommes amenés à faire deux remarques au sujet de la
technologie rythmique que nous venons d’étudier. Nous
voyons d’abord que la plupart des instruments techniques du
primitif : fuseau, rouet, roue de char, tour de potier, baratte, poli-
seuse et finalement aranî ou briquet à friction 1, sont issus du
schème imaginaire d’un rythme cyclique et temporel. C’est
par une rythmologie que commence toute technique, et spécia
lement celle des deux inventions les plus importantes pour
l’humanité : le feu et la roue. D ’où la seconde remarque : c’est
que ces modèles techniques du rythme circulaire, structurés
par Pengramme du geste sexuel, vont peu à peu se libérer du
schème de l’étemel recommencement pour rejoindre une signi
fication messianique : celle de la production du Fils, dont le
feu est un prototype. Filiation végétale ou animale surdéter
minent la « production » technique, et l’inclinent vers une
nouvelle modalité de la maîtrise du temps. La notion primitive
de « produit » végétal, animal, obstétrical ou pyrotechnique,
suscite les symboles d’un « progrès » dans le temps. Si nous
avons séparé ce paragraphe consacré aux images de la croix et
du feu, du paragraphe limité à la technologie du mouvement
cyclique, c’est qu’il s’introduit avec la repoduction du feu une
nouvelle dimension symbolique de la maîtrise du temps. Le
temps n’est plus vaincu par la simple assurance du retour et
de la répétition, mais parce que jaillit de la combinaison des
contraires un « produit » définitif, un « progrès » qui justifie
le devenir lui-même, parce que l’irréversibilité elle-même est
maîtrisée et devient promesse. De même que la rêverie cyclique
est brisée par l’apparition du feu qui dépasse les moyens de sa
propre production, nous allons voir maintenant que l’imagi
nation de l’arbre, surdéterminée par les schèmes verticalisants,
rompt à son tour progressivement la mythologie cyclique dans
laquelle s’enfermait l’imagination saisonnière du végétal. On
peut dire que par la phénoménologie du feu comme par celles
de l’arbre on saisit le passage d’archétypes purement circulaire
à des archétypes synthétiques qui vont instaurer les mythes
si efficaces du progrès et les messianismes historiques et
révolutionnaires.
1 Cf. Bachelard, A ir, p. 251. — a Cf. Eliade, Traité, p. 245 ; cf. Éçech,
47; Apoc., X X II, i-2. — s Cf. Przyluski, op. cit., p. 80, 90; cf. O. Viennot,
op. cit, p. 26, 27, 29, 84, 92.
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 392
au niveau des cultes agricoles, au niveau des civilisations du blé
et du maïs par exemple. Mais selon nous il y a bifurcation de
deux acceptions du symbole végétal, plutôt qu’une véritable
évolution. La notion d’évolution progressive que Przyluski
utilise pour expliquer le passage du symbolisme de l’arbre à
celui du cycle nous paraît elle-même tributaire et subordonnée
à l’archétype de l’arbre. Le culte du cycle lunaire et de son
corollaire végétal semble tout aussi ancien que celui de l’arbre.
Nous avons vu d’ailleurs que le symbolisme xylique non seule
ment est tributaire des technologies primitives de la construc
tion qui transforment l’arbre en poutre ou en colonne, mais
encore est le moyen technique qui, métamorphosant le bois en
briquet, l’arbre en croix, transmute le symbolisme xylique en
rituel créateur du feu. La continuité de l’évolution de l’arché
type de l’arbre ne se fait pas dans le sens rationnel que l’his
torien des religions veut lui donner après coup, sous prétexte
que de nombreuses civilisations semblent avoir été nomades
avant que de s’être fixées en des mœurs sédentaires et agraires,
mais dans le sens absolument contingent qui fut motivé par la
découverte du feu et des moyens de faire le feu. Il se peut
qu’en tant que végétal l’arbre ait préparé le culte de la végé
tation, mais il est certain qu’en tant que bois servant à produire
et à entretenir le feu, l’arbre fut tout aussitôt annexé par le
grand schème du frottement rythmique.
Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, comme colonne ou
comme flamme, l’arbre a tendance à se sublimer, à verticaliser
son message symbolique. Les plus archaïques lieux sacrés,
centres totémiques australiens, temples primitifs sémitiques et
grecs, indous ou pré-indous de Mohenjo-Daro, sont constitués
par un arbre ou un poteau de bois associé à un bétyle x. Il
s’agirait d’une « imago-mundi », d’un rébus symbole de la tota
lisation cosmique dans lequel la pierre représente la stabilité,
tandis que l’arbre signifie le devenir. Très souvent à cet
ensemble est adjoint, comme commentaire, le glyphe des pha
ses lunaires 2. Quelquefois il y a contraction de deux symboles
en un seul : telle serait la signification des bornes latines, repré
1 Cf. H .G .R ., I, p. 109, 130, 146, et Eliade, Traité, p. 236; cf-
Przyluski, Participation, p. 41, et Jérém., II, 20, X V II, 1-3. — 2 Cf. Har
ding, op. cit., p. 53 sq. Sur le Yupa (poteau sacrificiel), cf. O. Viennot,
op. cit., p. 41-54.
DU DENIER AU BATON 393
sentant Terminus « enraciné » et auquel on offre des sacrifices
sanglants x. Chez les Sémites la Grande-Déesse est assimilée à
YAshéra, le pieu sacré qui dans certains cas est remplacé par
une colonne de pierre 2. Quelquefois seul le bétyle est associé
à un hiéroglyphe lunaire, d’autres fois c’est la colonne de
pierre qui se transforme en arbre accompagné de l’hiéroglyphe
lunaire, spécialement dans l’iconographie chaldéenne et assy
rienne 3. Enfin l’arbre peut être flanqué soit de deux animaux,
soit de deux colonnes 4. Przyluski a fort minutieusement étudié
cette liaison fréquente entre l’arbre, la fleur, et la colonne de
pierre aussi bien au ixe siècle avant notre ère dans l’art syro-
phénicien, qu’à Babylone, en Egypte, en Grèce, en Iran ou aux
Indes 5. Se retrouve à peu près partout dans les monuments
de ces cultures anciennes la colonne associée soit au dattier
ou au lotus sacré, soit aux deux à la fois. Sur de tels exemples
on voit nettement comment l’archétype de l’arbre est sans cesse
hanté par les acceptions ascensionnelles des bétyles et des
pierres phalliques que nous avons étudiées plus haut 6.
L’arbre-colonne vient structurer la totalisation cosmique ordi
naire des symboles végétaux par un vecteur verticalisant. Le
pilier de Sarnath collectionne dans sa verticalité les figures
animales, et les divers chapiteaux lotiformes des colonnes
hypostyles synthétisent les diverses phases de l’épanouisse
ment de la fleur : bouton, corolle épanouie, pétales fanés.
C’est donc à une totalisation cosmique que nous convie
Parbre-colonne, mais en faisant porter l’accent sur la verti
calité progressive de la cosmogonie 7.
C’est toujours sous le double aspect, de résumé cosmique
et de cosmos verticalisé, que se présente l’image de l’arbre.
C’est ainsi que l’arbre sera le type même de l’hermaphrodite,
à la fois Osiris mort et la déesse Isis, YAshéra est à la fois Dieu
1 Cf. A. Michel, op. cit., p. 164, 210. — * Cf. Théorie des signes expres
sifs chez J.-S. Bach, in A. Pirro, Esthétique de J.-S . Bach, p. 10-15, 32-47 sq.
— * Cf. supra, p. 2 11 sq. — 4 A. Michel, op. cit., p. 215. Cette opinion
d’A. Michel nous paraît extrême car la musique fait toujours appel à
une morphologie spatiale, ne serait-ce que par la mesure et le rythme ; cf.
E. Willems, op. cit., p. 89, chap. II, § 7, JLa musique et t’espace.
DU DENIER AU BATON 403
nent, qui veut maîtriser le temps, n’est pas autre chose que la
péripétie théâtrale ou romanesque. Tout drame, au sens large
auquel nous l’entendons, est toujours au moins à deux per
sonnages : l’un représentant le désir de vie et d’éternité,
l’autre le destin qui entrave la quête du premier. Lorsque
s’ajoutent d’autres personnages, le troisième par exemple, ce
n’est que pour motiver — par le désir amoureux — la que
relle des deux autres x. Et comme Nietzsche avait pressenti
que le drame wagnérien allait puiser ses modèles dans la tra
gédie grecque, nous pouvons constater que la littérature
dramatique s’inspire toujours de l’affrontement éternel de
l’espérance humaine et du temps mortel, et retrace plus ou
moins les lignes de la primitive liturgie et de l’immémoriale
mythologie. Curiace brisé dans son destin et son amour par le
féroce Horace, Rodrigue provoqué par Gormas et ne méri
tant l’amour de Chimène qu’après de longs travaux expia
toires, Roméo et Juliette séparés par la haine des Capulet
et des Montaigu, Orphée bravant les enfers pour ramener
Eurydice, Alceste en proie aux ridicules petits marquis, Faust
face à face avec Méphisto, Don Quichotte, Fabrice, Julien
Sorel, affrontants moulins à vent, brigands et cachots pour
une quelconque Dulcinée, tous rejouent dans le costume
littéraire de leur pays et de leur époque le drame liturgique
du Fils persécuté, sacrifié, mis à mort et que sauve peut-être
l’amour de la mère-amante. Ainsi l’image du drame couvre
et masque de ses péripéties figurées et de ses espérances le
drame réel de la mort et du temps. Et la liturgie dramatique
semble bien être la motivation de la musique dansée primitive
comme de la tragédie antique. L’on pourrait appliquer
à toutes trois, si nous voulions expliquer cet exorcisme du
temps lui-même par des procédés temporels, la vieille théo
rie cathartique d’Aristote. Le drame temporel représenté
— devenu images musicales, théâtrales ou romanesques —
est désamorcé de ses pouvoirs maléfiques, car par la cons
cience et la représentation l’homme vit réellement la maî
trise du temps.
1 E. Souriau a fait une excellente étude de cette « combinatoire drama
tique »; cf. E. Souriau, op. cit., p. 94 sq. : « Il n’y aurait toutefois pas
de drame si la tendance ne recontrait aucun obstacle..., la force de la
tendance n’est dramatique que si elle rencontre une résistance. »
LE RÉGIME NOCTURNE DE L’iMAGE 406
1 Cf. supra, p. 321. — * Spengler, op. cit., I, p. 63, 118. — * Cf. Dumé
zil, Indo-Europ., p. 143 sq.
DU DENIER AU BATON 407
1 Cf. Jung, Types psych., p'. 436; Baudouin, Introd. analys. des rêves,
p. 19 ; cf. également von Schubert, Symbolik, p. 12, 67, 69. — 2 Cf.
James, Pragmatisme, p. 25.
UNIVERSALITÉ DES ARCHÉTYPES 443
1 Cf. supra, p. 38 sq. — 2 Cf. Ostwald, Les Grands Hommes, p. 27, 262 ;
cf. Jung, Types, p. 333.
ÉLÉMENTS POUR UNE FANTASTIQUE 446
1 C’est la position même d’Alain pour qui les « choses réelles résis
tent au déplacement » ; op. cit., p. 8o. — 2 Sartre, L.'Imaginaire, p. 165. —
8 Op. cit., p. 166. — 4 Piaget, Représent, esp., p. 532,535. — 5 Cf. Séchehaye
op. cit., p. 97.
ÉLÉMENTS POUR UNE FANTASTIQUE 474
1 Cf. Lévy-Bruhl, Fonctions mentales dans les sociétés inférieures, p. 45 i S(i- >
cf. Przyluski, L a Participation, p. 156 sq., 167; cf. Bastide, Contribu
tion à l ’étude de la participation (Cah. intern. sociol., X IV , 1953), p- 130-140.
— 2 Bleuler, Handbucb der Psychiatrie, IV, I, p. 38, 75 sq.
ÉLÉMENTS POUR UNE FANTASTIQUE 480
a
STRUCTURES ET FIGURES DE STYLE 487
Dans les beaux arts nous avons déjà constaté combien ces
structures mystiques étaient au fondement de toute une impor
tante catégorie de moyens d’expression \ Et si la catharsis
prépare l’hyperbole et suscite l’antithèse, l’on peut dire que
l’enjolivement ou la décoration en général annonce l’anti
phrase. Cette attitude perfectionnante peut se manifester,
comme nous l’avons d it2, soit par les réalismes optimistes
dans lesquels l’artiste « suspend le vol » des instants privilé
giés, dans lesquels le souvenir proustien, l’égotisme des
bons moments stendhaliens, la ferveur gidienne ou l’amour
de la minutie chez Flaubert comme chez Van Gogh se rejoi
gnent pour faire de ces instantanés du devenir l’essence
concrète de l’éternité retrouvée. Elle peut aussi se manifester
lorsqu’elle se teinte d’hyperbole en un euphémisme idéalisant
qui adoucit les regrets et les déceptions en quelconques « fêtes
galantes », ou encore escamote la mort dans les coulisses de
la tragédie classique ou les allégories académiques qui enjo
livent le Phédon. Dès le niveau de la linguistique s’ébauche
nettement le style de l’antiphrase. Bréal3 montre qu’un mot
arrive à signifier le contraire de son sens primitif. Tel l’adjectif
latin maturus qui primitivement signifiait matinal, précoce.
De lui est venu le verbe maturare, hâter, qui, appliqué aux
fruits de la terre, veut dire « mûrir ». Comme l’on ne mûrit
qu’avec le temps, l’adjectif sous la pression du verbe actif
a glissé au sens de « sage », « réfléchi », et finalement son sens
s’est inversé en celui de « mûr », c’est-à-dire de suffisamment
âgé : maturi centuriorum, « les plus anciens parmi les centu
rions ». Ce que la fantastique prépare, ce qu’annonce l’évolu
tion sémantique des mots, le schématisme rhétorique le
résume et le réduit à une simple figure de style sur les marches
de la sémiologie formelle. Le discours utilise tous les degrés
de l’antiphrase, depuis l ’antilogie, cette antithèse ramassée,
privée de son ressort polémique et qui se contente de présenter
en même temps et sous le même rapport les deux contraires,
jusqu’à la catachrese, sorte d’antiphrase dont le jeu d’inversion
est effacé et qui se satisfait des mots utilisés à contresens,
en passant bien entendu par la litote 4. Cette dernière est un
1 Cf. supra, p. 317. — * Cf. supra, p. 314. — 3 Bréal, Sémantique,
p. 149-150. — 4 Cf. supra, p. 318.
ÉLÉMENTS POUR UNE FANTASTIQUE 49°
1 Cf. Phédon, 60 e.
ANNEXE I
DES CONVERGENCES
DE NOTRE ARCHÉTYPOLOGIE
ET DU SYSTÈME LOGIQUE DE S. LUPASCO
Nous avions indiqué, dans l’Annexe I de l'édition de 1963
l’utilisation possible de la terminologie lupascienne en arché-
typologie (De l’utilisation en archétypologie de la terminologie
de S. Lupasco). Toutefois — et en accord complet cette fois
avec S. Lupasco lui-même — nous avons dû faire quelques
rectifications relatives aux diverses homologations de la
terminologie lupascienne et de notre propre terminologie.
Nous avions cru jadis que les termes schizomorphe (ou
héroïque) et mystique que nous utilisons étaient homologables
point par point avec hétérogénéisation et homogénéisation utilisés
par l’éminent physicien. Cependant nous remarquions déjà :
« A vrai dire tout se passe comme si le champ total de l’Imagi
naire était polarisé à ses deux limites (schizomorphe et
mystique) par deux forces homogénéisantes : l’une par
défaut... l’autre par excès... Ou encore, pour reprendre le
langage de Piaget, nous nous trouvons en face de deux forces
théoriques d’homogénéisation, l’une — la schizomorphe —
assimilatrice pure, ne présentant à la limite aucune aptitude
à l’adaptation, barricadée dans un autisme agressif et conqué
rant; l’autre — la mystique — adaptatrice pure, collant à
l’ambiance, participant à l’environnement avec le maximum
de viscosité. »
Depuis, les nombreuses observations qu’ont pu nous
apporter les précieux travaux de nos collaborateurs ou des
chercheurs qui se sont inspirés de notre livre, tant en psycho
pathologie qu’en sociologie, ne font que confirmer cette
correction que nous apportions à une assimilation trop
simpliste de notre terminologie et de celle de Lupasco1.
Sont homogénéisantes les deux structures les plus excessives
1 Sur l’état de cette question, cf. notre article Les Structures polari
santes de la conscience psychique et de la culture, in Eranos Jahrbuch, Rhein
Verlag, Zurich, 1968, Band X X X V I.
ANNEXE I 504
P o l a r it é s
P r in c ip e s Représentation objectivement hété Représentation diachronique qui re Représentation objectivement homo
d’explication rogénéisante (antithèse) et subjecti lie les contradictions par le facteur généisante (persévération) et subjec
et de justifi vement homogénéisante (autisme). temps. Le Principe de C A U SA LITÉ, tivement hétérogénéisante (effort anti
cation ou Les Principes d’EXCLUSION, de sous toutes ses formes (spéc. F IN A phrasique). Les Principes d’A N A L O
L o g iq u e s CONTRADICTION, d’ID EN TI- L E , et EFFIC IEN TE), joue à GIE, de SIM ILITUDE jouent à plein.
TÉ jouent à plein. plein.
Dominante PO STURALE avec ses Dominante CO PU LATIVE avec Dominante D IGESTIV E avec ses
R é flex es dérivés manuels et l’adjuvant des sensa ses dérivés moteurs rythmiques et ses adjuvants cœnesthésiques, thermiques et ses
d o m in a n t s tions à distance (vue, audiophonation). adjuvants sensoriels (kinésiques, musi- dérivés tactiles, olfactifs, gustatifs.
caux-rythmiques, etc.).
DISTIP1GUE R R EL 1E R CONFONDRE
S ch èm es
« VERBAUX » SÉPA RER ^ M ÊLER M O N TER M Û R IR R E V E N IR
C H U T E R ■<— —*• PR O G R ESSER R EC EN SE R ■*— —► D E S C E N D R E , PO SSÉD ER, PÉN ÉTR ER
Situation
des
« catégories » L e GLAIVE —*■ (Le Sceptre) L e BÂTON ■*- L e DENIER -+■ L a COUPE
du jeu de
TA RO TS