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UNIVERSITÉ PARIS VIII/VINCENNES-ST-DENIS

ÉCOLE DOCTORALE

Doctorat

Études Juives et Hébraïques

FITOUSSI Éric

LE STATUT DU FŒTUS DANS LE DROIT ET LA PENSÉE RABBINIQUE CLASSIQUE


ET CONTEMPORAINE

Thèse dirigée par Monsieur le Professeur Éphraïm RIVELINE

Soutenue publiquement le jeudi 22 octobre 2009

Jury :

Madame Hedwige ROUILLARD-BONRAISIN, D.E. à l’EPHE, Président


Madame Maria GOREA, M.CF. à l’université de Paris 8
Monsieur Michel SERFATY, Pr. à l’université de Nancy
Monsieur Ephraïm RIVELINE, Pr. à l’université de Paris 8
2

REMERCIEMENTS

Pour une femme la gestation dure en principe neuf mois, pour moi elle a duré neuf ans.
Pendant ce temps, sur le plan académique et personnel, j’ai appris auprès du Professeur
Ephraïm Riveline, sans qu’il veuille me l’enseigner, à estimer le cœur d’un homme et d’un
ami. Je tiens aussi à remercier Myriam Houry, ma mère, Antoine Léandri, José Costa, Michel
Azerad et Jean-Pierre Messali pour leur constructive et fructifiante participation. Je n’oublie
pas Eric de Rothschild (Casip-Cojasor) et Nelly Hansson (Fondation du Judaïsme Français)
qui ont apporté leur soutien financier.
Je dédie ce travail à la mémoire de ma sœur Agnès-Hanna.

Veille de Pâques, 5769/2009


3

Le résumé en français :

L’objet de ce travail consiste à déterminer le statut du fœtus sur la base de textes qui n’en
traitent qu’indirectement, du fait de l’absence explicite d’une loi définissant ce statut. La
question du fœtus n’est pas abordée de front dans notre corpus ; mais on l’évoquera quand
même dans différents domaines de la vie quotidienne : nous verrons comment nos auteurs
tiennent compte du fœtus dans le cadre d’autres questions le concernant. C’est essentiellement
à travers la littérature halakhique que nous pouvons définir le statut du fœtus ; celle-ci lui
donne certes certaines capacités juridiques, mais inférieures à celles de sa mère ; nous pensons
aussi que même la littérature aggadique le confirme, bien qu’elle semble attribuer au fœtus
une « âme », voire une « conscience ».

Le titre en anglais :
THE STATUT OF THE FOETUS IN CLASSIC AND CONTEMPORARY RABBINICAL LAW AND THINKING

Le résumé en anglais :
Our work consists in formulating the status of the foetus based on texts which deal with the question indirectly,
due to the absence of an explicit law defining its status. The question of the foetus is not covered head on in our
corpus; but it is talked about nevertheless in different areas of daily life: we will see how our authors take the
fœtus into account within the framework of different issues which relate to it. It is mainly through halachic
literature that we can define the status of the foetus which, despite some legal capacity, does not attain that of
the mother; we also think that even haggadic literature confirms this, even though it appears to attribute a
"soul" or even a "conscience" to the foetus.

Les mots clés en français :


Pensée juive ; éthique et médecine ; droit hébreu ; littérature rabbinique ; fœtus/embryon ;
grossesse ; avortement ; âme vivante

Les mots clés en anglais :


Jewish though ; ethic and medicine ; Hebrew law ; rabbinic literature ; foetus ; pregnancy ; abortion ; living
soul

L’intitulé et l’adresse de l’unité ou du laboratoire où la thèse a été préparée :


EA 2303 : Études juives et hébraïques, Université de Paris 8.
2, rue de la Liberté 93526 Saint-Denis
4

TABLE DES MATIÈRES

REMARQUES SUR LA PRÉSENTATION DU TRAVAIL ………………………………. 11

TABLE ET ABRÉVIATIONS ………………………………………………………........... 13

1. Table des transcriptions de l’alphabet hébreu ……………………………………. 13


2. Abréviations des locutions hébraïques courantes ………………………………… 14
3. Noms propres et leur acronymes …………………………………………………. 17

INTRODUCTION GÉNÉRALE …………………………………………………………… 19

Première partie : LE FŒTUS : LES CONCEPTS ………………………………………..… 40

Chapitre 1 : Le fœtus est comme la hanche de sa mère (‘ubar yerekh ’imo) ……………….. 41

Chapitre 2 : Le « détachement du fœtus » (‘aqirat ha‘ubar) ……………………………..… 45

Chapitre 3 : La naissance et la notion du poursuivant/agresseur (rodef) ………………….... 47

Chapitre 4 : Qu’entend-t-on par bar qayama’ ? …………………………………………..… 54


5

4.1. La notion de viabilité (bar qayama’) par rapport au fœtus humain ………….… 54
4.2. La notion de viabilité par rapport aux animaux ……………………………...… 58

Chapitre 5 : La « souffrance inutile » (‘inuyi hadin) ……………………………………….. 60

Deuxième partie : LE FŒTUS ET LA LITTÉRATURE HALAKHIQUE ………………… 62

A- LE FŒTUS DANS LE DROIT BABYLONIEN, HITTITE ET LE JUDAÏSME PRÉ-


RABBINIQUE ……………………………………………………………………………… 63

Chapitre 1 : Le code de Hammurabi …..……………………………………………….…… 63

Chapitre 2 : Les lois hittites ………………………………………………………………… 65

Chapitre 3 : La Septante …………………………………………………………………..… 66

Chapitre 4 : Philon d’Alexandrie …………………………………………………………… 69

Chapitre 5 : Flavius Josèphe ……………...………………………………………………… 72

B- LE FŒTUS DANS LE DROIT RABBINIQUE ANCIEN ……………………………… 75

Chapitre 1 : L’évolution du principe de l’indemnité ………………………………………... 75


6

1.1. Établissement de l’argent en tant que réparation restreinte …………………..… 75


1.2. Le non-cumul des peines et la règle élargie du non-cumul des peines ………… 79
1.3. Établissement de l’argent en tant que réparation générale …………………..…. 83

Chapitre 2 : L’importance de la « forme humaine » du fœtus et ses malformations ……….. 86

Chapitre 3 : Matériaux complémentaires sur les animaux et un parallèle entre des règles sur
les animaux et celles sur le fœtus ………………………………………………………….... 96

C- LE FŒTUS À TRAVERS LE RESTE DE LA LITTÉRATURE JUIVE ET CELLE DES


CONSULTATIONS JURIDIQUES (RESPONSA) PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE … 98

Chapitre 1 : Le bas Moyen-Âge …………………………………………………………….. 98


1.1. Yitshak Elfasi …………………………………………………………………... 98
1.2. Shelomo ben Yitshak sur Exode 21, 22-23 et sur ‘Arakhin, 7a ………………. 100
1.3. Shemuel ben Meir sur Exode 21, 22-23 ………………………………………. 108
1.4. Avraham Ibn Ezra …………………………………………………………….. 110
1.5. Moïse Maïmonide …………………………………………………………….. 114
1.5.1. Le fœtus et les règles de pureté ……………………………………... 114
1.5.2. Le fœtus et les sacrifices …………………………………………….. 132
1.5.2.1. Les sacrifices et la pureté de la femme enceinte …………... 136
1.5.2.2. Le fœtus et les lois sacerdotales (terumah) ………………... 138
1.5.3. Le fœtus et les lois de successions ………………………………….. 139
1.6. Moshe ben Nahman …………………………………………………………… 146
1.7. Menahem ben Shelomo ……………………………………………………….. 149
1.8. Yaaqov ben Asher …………………………………………………………….. 150

Chapitre 2 : La Renaissance ……………………………………………………………….. 151


7

2.1. David ben Zimra ………………………………………………………………. 152


2.2. Moshe Isserles ………………………………………………………………… 153
2.3. Yossef Trani …………………………………………………………………... 154

Chapitre 3 : Les ’aḥaronim ………………………………………………………………... 156

3.1. Ya’ir Bakhrakh ………………………………………………………………... 156


3.2. Shabtay Bass ………………………………………………………………….. 161
3.3. Ḥaim ben Aṭar sur Exode, 21, 22-23 ………………………………………..… 163
3.4. Yaaqov Emden ………………………………………………………………... 167

Chapitre 4 : Les contemporains …………………………………………………………… 169

4.1. Benzion Meir Uziel ……………………………………………..…………….. 169


4.2. Moshe Yona Zweig …………………………………………………………… 171
4.3. Isser Yehouda Unterman ……………………………………………………… 173
4.4. Eliezer Yehouda Waldenberg et Moshe Feinstein ……………………………. 176

Troisième partie : LE FŒTUS ET LA LITTÉRATURE AGGADIQUE ………………… 180

Chapitre 1 : Avant la grossesse ……………………………………………………………. 183

1.1. La prédestination du fœtus (Le mariage) ……………………………………... 183


Yalquṭ šim‘oni
1.2. Comment éviter d’accoucher un chabbat ? …………………………………… 185
Ruth Rabba
1.3. Théories sur la semence ………………………………………………………. 187
Lévitique Rabba
8

Chapitre 2 : Pendant la grossesse – La formation du fœtus .………………………………. 188

2.1. Formation du fœtus (parallèle entre la formation de l’homme et celle du monde)


……………………………………………………………………………………… 188
Midraš tanḥuma
2.2. La fécondation (Théories sur la fécondation) ………………………………… 197
Lévitique Rabba
2.2.1. Conseils durant la grossesse ….………………………………………199
Midraš agada
2.3. Formation du fœtus (Influence de la vue sur le fœtus) ……………………….. 202
Genèse Rabba
2.3.1. La bienveillance divine 1 ………………………………………......... 204
Lévitique Rabba
2.3.2. La bienveillance divine 2 …………………………………………… 206
Lévitique Rabba
2.3.3. La bienveillance divine 3 ……………………………………………. 208
Talmud de Babylone (Nidda, 31a)
2.3.4. Observations ……………………………………………………….... 210
Lévitique Rabba
2.3.5. Parallèle avec la résurrection ………………………………………... 212
Lévitique Rabba
2.3.6. Son « visage » – intervention divine ………………………………... 214
Nombres Rabba
2.3.7. Son « visage » – influence du père ………………………………….. 217
Peṣiqta de-rav kahana
2.3.8. Dieu sculpteur ……………………………………………………….. 219
Yalquṭ šim‘oni
2.3.9. Le début de sa formation et la participation des parents ……………. 223
‘Ocar hamidrašim
2.3.10. Description du fœtus ………………..……………………………… 225
Talmud de Babylone (Nidda, 25a)
2.3.11. La durée de la formation du fœtus …………………………………. 226
‘Ocar hamidrašim
9

2.3.12. Comparaison entre la durée de formation du fœtus de sexe masculin et


féminin ………………...…………………………………………………… 227
‘Ocar hamidrašim
2.3.13. Chorion et placenta ………………………………………………… 229
Lévitique Rabba
2.3.14. Le rôle du père, de la mère et de Dieu ……………………………... 233
Qohelet Rabba
2.3.15. Le serment prénatal ………………………………………………... 235
Yalquṭ šim‘oni
2.3.16. Parallèle entre la formation de l’homme et celle du monde ……….. 237
‘Ocar hamidrašim

Chapitre 3 : Après la grossesse …………………………..………………………………... 244

3.1. Conditions de l’accouchement ……...…………………………………….…... 244


Exode Rabba
3.2. Règles et théories pour le traitement des prématurés …………………………. 246
Nombres Rabba
3.3. Sur le statut du nouveau-né de moins d’un mois ……………………………... 249
Midraš agada
3.4. Traitement des nouveau-nés ……….………………………………………….. 250
Talmud de Babylone (Shabbat, 134a)
3.5. L’opposition vie/mort …………………………………………………………. 251
Talmud de Babylone (Shabbat, 151b)

CONCLUSION ……………………………………………………………………………. 254

BIBLIOGRAPHIE ………………………………………………………………………… 257


10

1. Sources en hébreu ……………………………………………………………….. 257


2. Sources traduites ……………………………………………………………...…. 259
3. Outils ……………………………………………………………………………. 262
4. Littérature secondaire …………………………………………………………… 264
5. Articles ………………………………………………………………………….. 270

GLOSSAIRE ………………………………………………………………………………. 282

1. Les sources ……………………………………………………………………… 282


2. Termes généraux ………………………………………………………………... 290
3. Termes plus spécifiques au statut du fœtus ……………………………………... 303

ANNEXES ………………………………………………………………………………… 309

1. Chronologie des maîtres du Talmud ………………………………………….… 309


1bis. Tableau synthétique des maîtres du Talmud ………………………………… 311
2. Répertoire des terminologies talmudiques ……………………………………… 313

INDEX …………………………………………………………………………………….. 322

1. Index général ……………………………………………………………………. 322


2. Index des sources bibliques ……………………………………………………... 326
3. Index des sources talmudiques ………………………………………………….. 327
4. Index des citations bibliques et talmudiques ……………………………………. 329
11

REMARQUES SUR LA PRÉSENTATION DU TRAVAIL

Tous les termes transcrits respectent la table de transcriptions ci-dessous ; néanmoins, pour les
noms propres la transcription usuelle a été, la plupart du temps, adoptée. Quant aux titres
d’ouvrages comportant des mots en hébreu, l’orthographe telle qu’elle y paraît a été respectée.

Pour distinguer le traité Nidda du Talmud et le terme qui désigne le statut d’une femme
impure qui porte le même nom, nous avons écrit ce dernier conformément à notre table des
transcriptions, à savoir sans majuscule et avec un « h » à la fin.
Pour distinguer le traité Shabbat du Talmud et le jour de la semaine qui porte le même nom en
hébreu, nous avons écrit ce dernier avec un « c » et sans majuscule.

Pour la notation des références du Talmud de Jérusalem, nous avons choisi d’indiquer, dans
l’ordre, le numéro du chapitre, celui de la page, la lettre pour la colonne et le numéro de la
règle (halakha) ; quant à l’édition rappelons qu’il s’agit de celle de Venise (1523).

Pour la transcription de tous les titres en hébreu, nous avons respecté notre table des
transcriptions et, par souci pédagogique, nous leur avons mis une majuscule mais seulement
sur le premier mot du titre : exemple : Hed D., « ‘Ubarim kebney-’adam »… ; en revanche,
nous avons respecté l’orthographe de la transcription des ouvrages faite par les autres auteurs
– exemple : Cohen J. N., Tsa’ar ba’ale hayim: The Prevention of Cruelty to Animals (…).
Seuls les extraits de versets bibliques – cités en hébreu entre parenthèses – sont notés avec la
ponctuation vocalique.

Toutes les traductions en français des extraits de l’œuvre de Maïmonide ont été effectuées par
nos soins. Pour les références des différents livres du Mišneh torah de Maïmonide nous avons
transcrit le titre de l’hébreu, noté le numéro du chapitre et celui de la halakha que nous avons
choisi de traduire par « règle ».
Nous avons choisi de traduire le terme walad – surtout pour Maïmonide et quasi
systématiquement pour les autres rabbins avant et après lui – par « enfant » (plutôt que par
« fœtus suffisamment développé » par exemple) pour indiquer qu’il est question d’un fœtus
capable de donner à sa mère le degré d’impureté d’une parturiente.
12

Pour la traduction des intitulés des articles en hébreu, nous avons ajouté (dans la bibliographie
uniquement) le titre original en hébreu ; autrement, nous présentons seulement la traduction
en français en précisant bien sûr qu’elle vient de l’hébreu.
Pour la traduction en français des extraits bibliques nous avons choisi les versions d’Edouard
Dhormes, de Louis Segond et du Rabbinat. Néanmoins, quand ces traductions ne rendaient
pas toute la richesse du texte original, nous nous sommes permis d’essayer de combler cette
lacune ; et, le cas échéant, nous le signalons par les initiales « n.t. » (nous traduisons). Nous
avons adopté le même signalement pour toutes les autres traductions de textes non bibliques.

Le nom et la génération des maîtres du Talmud sont respectivement indiqués par une lettre et
un chiffre : T : tanna ; TA : un tanna de la période de transition entre les tannaïm et les
amoraïm (200 à 220) ; AI : amora ayant enseigné en terre d’Israël (amora palestinien) ; AB :
amora ayant enseigné en Babylonie.
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TABLE ET ABRÉVIATIONS

1) TABLE DES TRANSCRIPTIONS DE L’ALPHABET HÉBREU :

’ ‫א‬
B, b ; V, v ‫ ב‬,‫בּ‬
G, g ‫ג‬
D, d ‫ד‬
H, h ‫ה‬
W, w ‫ו‬
Z, z ‫ז‬
Ḥ, ḥ ‫ח‬
Ṭ, ṭ ‫ט‬
Y, y ‫י‬
K, kh ‫ ך‬,‫ כ‬, ‫כּ‬
L, l ‫ל‬
M, m ‫ מ‬,‫ם‬
N, n ‫ ן‬,‫נ‬
Ṣ, ṣ ‫ס‬
‘ ‫ע‬
P, p ; F, f ‫ ף‬,‫ פ‬,‫פּ‬
C, c ‫ ץ‬,‫צ‬
Q, q ‫ק‬
R, r ‫ר‬
Š, š ; S, s ‫ שׂ‬,‫שׁ‬
T, t ‫ת‬
‫‪14‬‬

‫‪2) ABRÉVIATIONS DES LOCUTIONS HÉBRAÏQUES COURANTES :‬‬

‫‪Ces abréviations servent pour la lecture de nos sources dans le texte – l’hébreu accorde sa‬‬
‫‪préférence à l’usage des initialées à la répétition de la formule en entier :‬‬

‫א‬
‫א"א = אי איפשר‬
‫אבמה"ח = אבר מן החי‬
‫אה"ע = אהבת עולם‬
‫או"ה = אומות העולם‬
‫אל"כ = אם לא כן‬
‫א"נ = אי נמי\אי נימא‬
‫אע"ג = אף על גב‬
‫אפ"ל = אפשר לפרש‬
‫אצ"ל = אין צריך לומר‬
‫את"ד = אלה תוכן דבריו‬
‫ב‬
‫ב"ד = בית דין‬
‫ב"ו = בשר ודם‬
‫ב"כ = בעל כרחו‬
‫בכה"ג = כהאי גונא ]בענין זה[‬
‫בכה"ג = בכל הגוים‬
‫בכ"מ = בכל מקום‬
‫ב"נ = בני נוח‬
‫בש"ע = בשולחן ערוך‬
‫ג‬
‫ג"פ = גט פיטורין‬
‫ד‬
‫דו"ק = דייק ותמצא קל‬
‫דס"ל = דסבירא ליה‬
‫ה‬
‫ה"ג = הכי גרסינן‬
‫הדר"ג = הדרת גאונו‬
‫ה"ה = היינו הך‬
‫הה"ד = הדא הוא דכתיב‬
‫ה"נ = הכי נמי‬
‫ז‬
‫‪15‬‬

‫זוה"ק = זוהר הקדוש‬


‫ז"ל = זה לשונו‬
‫זש"ה = זהו שאמר הכתוב‬
‫ח‬
‫חו"ד = חקירה ודרישה‬
‫חוו"ד = חוות דעת‬
‫חת"ס = חתם סופר‬
‫י‬
‫יוהכ"פ = יום הכיפורים‬
‫יו"ד = יוצא דופן\יורה דעה‬
‫יצ"ו = ישמרהו צורו ויחיהו‬
‫כ‬
‫כה"ג = כהאי גוונא ]כעין זה[‬
‫כט"ס = כל טוב סלה‬
‫כיו"ב = כיוצא בזה‬
‫כ"כ = כך כתב‬
‫כ"ת = כבוד תפארתו‬
‫ל‬
‫ל"ל = לומר לך‬
‫לפ"ז = לפי זה‬
‫לפ"ז = לפרשה זו‬
‫לפמ"ש = לפי מה שכתוב‬
‫לפע"ד = לפי עניות דעתי‬
‫מ‬
‫מהר"ר = מורנו הרב רבי‬
‫מה"ת = מהתורה‬
‫מ"ט = מאי טעמא‬
‫מ"מ = מכל מקום‬
‫מעכ"ת = מעלת כבוד תפארתו‬
‫מ"ש = מה שכתוב‬
‫משא"כ = מה שאמרו כאן‬
‫ס‬
‫ס"ב = סעיף ב‬
‫ס"ד = סלקא דעתך‬
‫סו"ד = סוף דבריו‬
‫ס"ל = סבירא ליה‬
‫ע‬
‫ע"ד = על דבר‬
‫ע"ז = על זאת‬
‫‪16‬‬

‫ע"מ = על מנת‬
‫ע"כ = עד כאן‬
‫עכ"ח = עיני כל חי ]ספר[‬
‫עכ"ל = עד כאן לשונו‬
‫עכ"פ = על כל פנים‬
‫עכת"ד = עד כאן תוכן דבריו‬
‫ענ"ד = עניות דעתי‬
‫ע"ש = עיין שם‬
‫פ‬
‫פס"ד = פסק דין‬
‫פ"ק = פרק קמא‬
‫צ‬
‫צ"ב = צריך בדיקה‬
‫צל"ע = צריך לדעתי עיון‬
‫ק‬
‫קמ"ל = קא משמע לן‬
‫ר‬
‫ראב"ד = ראש אב בית דין\רבי אברהם בן דויד‬
‫ריו"ח = רבי יוחנן‬
‫רע"ב = ראש עמוד ב‬
‫ש‬
‫שאל"כ = שאם לא כן‬
‫שבסו"ס = שבסוף ספר‬
‫שכמ"ה = שכרו כפול מן השמים‬
‫ש"מ = שמע מינה‬
‫שפ"ד = שפיכות דמים‬
‫ת‬
‫ת"ח = תא חזי‬
‫תנ"ה = תניא נמי הכי‬
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3) NOMS PROPRES ET LEUR ACRONYME :

En raison des migrations de certains des auteurs que nous citons, nous n’avons finalement
indiqué que le pays (dont nous avons choisi de donner le nom contemporain) auquel ils sont
généralement rattachés. Ils sont parfois connus par le titre de leur ouvrage le plus célèbre –
surtout à partir du 19ème siècle. Leur classement est chronologique. L’usage en hébreu est de
désigner le nom d’un auteur classique par son acronyme.

Yitshaq Elfasi (1013-1103), Espagne = ‫רי"ף‬


Shelomo ben Yitshaq (1040-1105), France = ‫רש"י‬
Shemuel ben Meir (1080-1158), France = ‫רשב"ם‬
Avraham ibn Ezra (1092-1167), Espagne = ‫רא"ע‬
Moshe ben Maimon (1135-1204), Espagne = ‫רמב"ם‬
Moshe ben Naḥman (1194-1270), Espagne = ‫רמב"ן‬
Shelomo ben Aderet (1235-1314), Espagne = ‫הרשב"א‬
Menahem ben Salomon (1249-1316), France = ‫מאירי‬
Yom Tov ben Avraham (1250-1320), Espagne = ‫ריטב"א‬
Yaaqov ben Asher (1270-1340), Allemagne = ‫בעל הטורים‬
Nissim Gerondi (1320-1380), Espagne = ‫הר"ן‬
Yitshaq bar Sheshet (1326-1408), Espagne = ‫ריב"ש‬
Yossef ben Shelomo Colone (1420-1480), France = ‫מהרי"ק‬
Ovadia Mibartenura (1440-1510), Italie = ‫הרע"ב‬
Ovadia Sforno (1475-1550), Italie = ‫ספורנו‬
David ben Zimra (1479-1573), Espagne = ‫רדב"ז‬
Moshe Isserles (1525-1572), Pologne = ‫רמ"א‬
Yossef Trani (1568-1639), Turquie = ‫מהרי"ת‬
Avraham Halevi Gombiner (1637-1683), Pologne = ‫מגן אברהם‬
Ya’ir Bakhrakh (1638-1702), Allemagne = ‫חוות יאיר‬
Shabtay Bass (1641-1702), Tchéquie = ‫שפתי חכמים‬
Meir Eisenstadt (1670-1744), Autriche = ‫פנים מאירות‬
Ḥayim ben Atar (1696-1743), Maroc = ‫אור החיים‬
Yaaqov ben Zvi Emden (1697-1776), Allemagne = ‫יעב"ץ‬
18

Shneour Zalman (1745-1813), Biélorussie = ‫בעל התניא‬


Moshe Sofer (1763-1839), Hongrie = ‫חתם ספר‬
Meir Leib ben Yeḥiel Mikhael (1809-1879), Ukraine = ‫מלבי"ם‬
Israel Meir Hacohen (1839-1933), Biélorussie = ‫משנה ברורה‬/‫חפץ חיים‬
David Zvi Hoffman (1843-1933), Allemagne = ‫מלמד להואיל‬
Zvi Pessaḥ Frank (1873-1933), Israël = ‫הר צבי‬
Meshoulam Rath (1875-1963), Israël = ‫קול מבשר‬
Yeḥiel Weinberg (1878-1966), Allemagne = ‫שרדי אש‬
Ben Zion Meir Uziel (1880-1953), Israël = ‫פסקי עוזיאל בשאלות הזמן‬
Isser Yehouda Unterman (1886-1976), Israël = ‫שבט מיהודה‬
Shelomo Zalman Aeurbach (1910-1995), Israël = ‫מנחת שלמה‬
Eliezer Yehouda Waldenberg (1917-2006), Israël = ‫ציץ אליעזר‬
Ovadia Yossef (1920- ), Israël = ‫יביע אומר‬
Israel Meir Lau (1937- ), Israël = ‫יחל ישראל‬
Pinḥas Zbiḥi (1960- ), Israël = ‫עטרת פז‬

Enfin, nous ajoutons les initiales des livres du Šulḥan ’arukh couramment utilisées dans la
littérature rabbinique. Il est composé de quatre livres, subdivisées en chapitres et paragraphes,
voici leur abréviation et un bref résumé de leur contenu. Cette division en quatre parties
rappelle celle Des Quatre Colonnes (‫ )ארבעה טורים‬de Yaaqov ben Asher (14ème siècle). Dans
notre travail, seules la deuxième et la quatrième partie ont été exploitées :

1) ‫ או"ח‬initiales de ’oraḥ ḥayim (‫ )אורח חיים‬: traite des lois concernant la prière et la
synagogue, le chabbat, les fêtes et les différentes bénédictions.
2) ‫ יו"ד‬initiales de yoreh de‘ah (‫ )יורה דעה‬: traite des lois alimentaires, de la pureté et
de la conversion.
3) ‫ אה"ע‬initiales de ’even ha‘ezer (‫ )אבן העזר‬: traite des lois sur le mariage et le
divorce.
4) ‫ חו"פ‬initiales de ḥošen mišpaṭ (‫ )חושן משפט‬: traite des lois pénales et civiles.
19

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Avant de préciser l’objet de notre thèse sur le statut du fœtus dans la pensée juive, il convient
de rappeler, à la fois par comparaison et pour en marquer l’influence, l’approche Gréco-
romaine sur cette question durant l’Antiquité. Cette approche contient des éléments –
philosophiques et littéraires en particulier – dont on pourra mesurer l’influence sur la pensée
juive, et que l’on pourra comparer à sa propre approche.
Très tôt, la vie et la nature de l’être humain ont intéressé les penseurs de l’Antiquité et le
passage du non-être à l’être y constitue un débat majeur. Le vivant est souvent défini par la
présence d’une âme, et l’être humain par la présence d’une âme particulière ; les
représentations de l’embryon sont en conséquence très fortement liées au phénomène de
l’animation : origine, nature et moment de l’apparition de l’âme dans le corps.
Les Pythagoriciens prêtent à l’âme une essence divine, immortelle et temporairement déchue.
Ils l’imaginent s’introduire dans un corps terrestre afin de se purifier en menant une vie réglée
d’après certains principes éthiques. Si elle n’a pas atteint, à la mort du corps, le degré de
pureté voulue, elle reparaîtra dans un autre corps, animal ou humain1. À leurs yeux,
l’embryon est donc animé dès la conception. Pour Aristote, l’âme est cause et principe du
corps vivant ; elle détermine l’essence du corps dans lequel elle se trouve2. Il y en a trois
espèces et selon le type de vivant dont il est question, plante, animal ou homme, il s’agit
toujours d’un corps vivant, animé par une âme. La plante l’est par une âme végétative ;
l’animal, plus complexe, intègre une âme végétative et, lorsque son développement l’y a
suffisamment préparé, une âme sensitive ; enfin, l’âme végétative qui anime au début
l’embryon humain, est ensuite complétée, à mesure qu’un développement donne au corps
humain les organes requis aux opérations sensibles et intellectuelles, par une âme sensitive
puis par une âme intellective, qui assument tour à tour les opérations auparavant animées par
l’âme inférieure. Le fœtus humain contient potentiellement3 les trois genres d’âme et leur
actualisation détermine l’être qu’il deviendra. L’accession humaine à l’être est progressive :
1
Carrick P., Medical Ethics in Antiquity, Philosophical Perspectives on Abortion and Euthanasia, D. Reidel
Pub. Co., Dordrecht, 1985, pp. 41-43.
2
« Voilà donc, d’une manière générale, ce qu’est l’âme : une substance au sens de forme, entendons : l’essence
propre de tel corps déterminé. Supposons qu’un instrument quelconque soit un corps naturel – par exemple la
hache : la « hachéité » serait sa substance formelle, et c’est cela même qui serait l’âme (…). » (Aristote, De
l’âme, II, 1, Texte établi par A. Jannone, traduit et annoté par E. Barbotin, Les Belles Lettres, Paris, 1995, pp.
29-30).
3
L’idée de la potentialité est, nous le verrons, un critère à double tranchant. Voir notamment infra n. 214, p. 74.
20

« En effet, un être ne devient pas d’un seul coup animal et homme, animal et cheval, et il en
va de même pour les autres vivants. Car la fin se manifeste en tout dernier lieu : or la fin de la
génération, c’est le caractère particulier de chaque être. »4. Jusqu’à ce que ses parties se
distinguent, l’embryon « ne forme qu’une masse de chair indistincte »5, et vit de la vie d’un
végétal6. Une fois formé et doué de mouvement (kinesis)7, signe de l’actualisation de l’âme
sensitive, il devient animal. L’âme intellective, caractéristique de l’être humain, lui est infusée
du dehors à un moment non spécifié par Aristote8.
Les Stoïciens, quant à eux, font de l’âme un principe matériel, une partie du Tout divin, un
souffle chaud qui s’étend au corps entier. Le fœtus sera animé à la naissance, au moment de sa
première inspiration9. Jusqu’à ce moment, l’embryon vit de la vie des végétaux10 et fait partie
du corps de la mère11. Dans l’hypothèse du néoplatonicien Porphyre, l’être humain ne donne
naissance qu’à un corps, partie qui servira d’instrument à l’âme12. À l’instar des Stoïciens et
des Hermétistes13, les Néoplatoniciens n’attribuent à l’embryon qu’une âme végétative : « Dès
lors, puisque les embryons, dans leur comportement, n’usent point d’imagination et
d’impulsion, et qu’ils ne sont gouvernés que par les seules fonctions de croissance et de
nutrition, comme en témoignent, pour l’un et l’autre, les phénomènes, il faut admettre que les
embryons sont des végétaux ou pareils à des végétaux ; en revanche, les regarder comme des
vivants parce qu’ils doivent, une fois sortis du ventre, être doués de vie, c’est là je crains une

4
Aristote, De la génération des animaux, II, 3, Texte établi et traduit par P. Louis, Les Belles Lettres, Paris,
1961, p. 60.
5
Aristote, Histoire des animaux, VII, 3, P. Louis (ed.), Les Belles Lettres, Paris, 1961, p. 140.
6
« (…) le passage du non-être à l’être s’effectue par l’état intermédiaire : or le sommeil semble bien être par
nature un état de ce genre. Il est pour ainsi dire aux confins de la vie et de l’absence de vie (…). Car c’est à l’état
de veille qu’appartient par excellence la vie par la présence de la sensibilité. (…) Si [l’animal] ne commence à
être un animal qu’au moment où la sensibilité apparaît, il faut penser que l’état initial n’est pas le sommeil, mais
qu’il ressemble au sommeil, et qu’il s’apparente à celui du genre des végétaux. Car c’est un fait que pendant
cette période les animaux vivent de la vie des végétaux. » (Aristote, De la génération des animaux, V, 1, P.
Louis (ed.), p. 178).
7
Pour Aristote, l’apparition de la forme et du mouvement surviennent à quarante jours pour le mâle et quatre-
vingt-dix jours pour la femelle. Cf. Aristote, Histoire des animaux, VII, 3, P. Louis (ed.), p. 139.
8
« Reste donc que l’intellect seul vienne du dehors et que seul il soit divin : car une activité corporelle n’a rien
de commun avec son activité à lui. » (Aristote, De la génération des animaux, II, 3, P. Louis (ed.), pp. 60-61).
9
Pour Chrysippe, « l’âme est un pneuma igné, continûment répandu à travers tout le corps tant que la respiration
normale de la vie reste à la disposition de ce corps. » Cité in Brun J., Le stoïcisme, P.U.F., Paris, 1985, pp. 77-78.
10
« L’embryon dans le ventre de la mère, pense-t-il [parlant de Chrysippe], se nourrit par nature comme la
plante ; mais une fois qu’il est mis au monde, son souffle vital est refroidi et trempé dans l’air et devient
animal. ». Cf. Plutarque, Des contradictions des stoïciens, XLI, traduit par Bréhier E. in Les stoïciens,
Gallimard-La Pléiade, Paris, 1962, p. 126.
11
Cf. Plutarque, De Placitis Philosophae, 15, cité in Feen R., « Abortion and Exposure in Ancient Greece:
Assessing the Status of the Fetus and ‘Newborn’ from Classical Sources » in Bondeson W.B. (ed.), Abortion and
The Status of the Fetus, D. Reidel Pub. Co., Dordrecht/Boston, 1983, p. 295.
12
Voir Festugière A. J., La Révélation d’Hermès Trismégiste, Tome 3 : Les doctrines de l’âme, Les Belles
Lettres, Paris, 1981, p. 300, n. 1.
13
Festugière A. J., ibid., p. 8.
21

vue précipitée et le fait de gens soucieux de se conformer sans examen suffisant, aux opinions
du vulgaire. »14.
L’embryon, pour Porphyre, « (…) n’est qu’une boue non solidifiée (…) et il faut que la
puissance végétative soit florissante si elle veut (…) rendre compacte en neuf mois cette
goutte de liquide (…) »15. L’analogie entre l’embryogenèse et la croissance des végétaux
parcourt en fait les représentations de la génération de toute l’Antiquité16.
En somme, les opinions sur la nature métaphysique de l’embryon varient beaucoup, ce que
signale d’ailleurs Porphyre : « La doctrine relative à l’entrée des âmes dans les corps en vue
de la production d’un être vivant nous a remplis d’une extrême incertitude, et non pas nous
seulement, cher Gauros, mais ceux qui se sont employés principalement à la recherche de ce
problème. »17. En un mot, plusieurs ne lui accordent que la vie végétative et certains ne le
considèrent même pas comme un vivant.
Cet embryon humain dont nous venons de décrire les diverses représentations se voit-il
reconnaître des droits ? Aujourd’hui, si nous nous interrogeons sur le statut de l’embryon,
c’est parce que la qualité d’être humain implique pour nous une reconnaissance de droits.
Cependant, durant toute l’Antiquité Gréco-romaine, le concept de « personne », tel que nous
l’entendons aujourd’hui, n’existe pas encore et il faudra attendre plusieurs siècles avant que
soient proclamés des droits subjectifs18, c’est-à-dire des droits qui découlent de la nature de
l’être humain19.

C’est ce dont témoigne aussi l’attitude de l’Antiquité à l’égard de l’avortement. Depuis la


haute Antiquité, aucune loi n’aborde de front cette question ; alors qu’il est impensable de
croire qu’il n’était pas pratiqué20. C’est avec beaucoup de réserve donc que les légistes
romains laissent intacte l’incertitude sur la qualité juridique du fœtus. Et ils abordent la
14
Cf. Porphyre, À Gauros, traduit par Festugière A. J. dans l’appendice II in ibid., p. 266. Une nouvelle
traduction du À Gauros par L. Brisson est en cours.
15
Cf. Porphyre, cité in Festugière A. J., ibid., p. 295.
16
On le voit par exemple dans les écrits médicaux : « Si l’on veut considérer, depuis le commencement jusqu’à
la fin, ce qui a été dit [sur la génération], on trouvera une complète similitude entre les produits du sol et les
produits humains. » (Hippocrate, De la nature de l’enfant, 27, dans l’édition d’E. Littré, Œuvres complètes
d’Hippocrate, Tome VII, J.B. Baillière, Paris, 1851, p. 529), et les oeuvres littéraires : « Mon père m’a
engendré ; ta fille me mis au monde, sillon qui reçoit d’ailleurs la semence. » (Euripide, Oreste, v. 553, Texte
présenté, traduit et annoté par M. Delcourt-Curvers, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1962, p. 1145).
17
Cf. Porphyre, cité in Festugière, ibid., p. 265.
18
Voir l’article de Meulders-Klein M. T., « Personne », in A.J. Arnaud (ed.) Dictionnaire encyclopédique de
théorie et de sociologie du droit, Librairie générale de droit et de jurisprudence, Paris, 1988, pp. 292-294.
19
« Ce qui était radicalement étranger à l’esprit antique, c’était l’idée de droits subjectifs, la conception d’un
droit fondamentalement articulé à la figure de l’individu et déduit de sa nature. » (Rials S., « Ouverture :
généalogie des droits de l’homme », Droits, 2, 1985, p. 4).
20
« Abortions were always available in antiquity », voir Riddle J.M., Contraception and Abortion from the
Ancient World to the Renaissance, Harvard University Press, Cambridge, MA, 1992, p. 7.
22

question (comme le fait, partiellement, le législateur du texte mosaïque) par le biais des droits
du père et ceux de l’État.
Un seul texte parle de l’existence d’une législation antique visant l’avortement : Galien
évoque en effet des lois du temps de Solon et Lycurgue21. Mais on ne retrouve aucune trace
de ces lois par ailleurs ; Galien est le seul à y faire allusion. On peut, tout au plus, penser à
une anecdote touchant Lycurgue, rapportée par Plutarque. Il y est question d’avortement et de
la position de Lycurgue sur ce point mais dans un cas très particulier. En effet, il s’agit de
l’épisode où Lycurgue, époux de la veuve de son frère, la dissuade de se faire avorter, lui
montrant les risques qu’elle court pour elle-même. Mais aucune législation n’est évoquée. Au
contraire, le récit de Plutarque met en scène une jeune femme qui ne semble redouter aucune
loi, aucun châtiment et considère l’avortement comme une démarche, une solution naturelle,
logique, quasi-banale. Et le seul souci de Lycurgue en l’occurrence est de préserver la santé
de la mère, puisqu’il propose d’exposer l’enfant après sa naissance.
Si l’on ne connaît pas de texte juridique visant particulièrement l’avortement, on relève quand
même deux exemples de procès où l’avortement est en cause. À travers le texte de Théon
d’Alexandrie, sont parvenus des fragments de discours de Lysias22, le Contre Antigène, qui
font état d’un mari qui poursuit en justice sa femme coupable d’avortement. Elle n’est,
cependant, qu’accusée de crime envers le père qu’elle a privé de descendance et non envers
l’enfant directement. Trois siècles plus tard, le problème se trouve posé dans des termes
identiques lorsque Cicéron23 plaide contre une femme qui s’est fait avorter, privant ainsi son
mari d’un héritier et l’État d’un citoyen. Il n’y a pas crime contre l’enfant, dont il n’est à
aucun moment question, mais, là aussi, un tort au mari et à la société.
On retrouve, donc, chez Cicéron le principe selon lequel l’avortement constitue un préjudice à
l’égard du père et non à la mère. Or, l’amende due pour l’avortement évoqué en Exode, 21, 22
doit être justement payée au mari de la femme. On note déjà une approche similaire entre le
texte biblique et la pensée grecque à l’égard du fœtus (et de la hiérarchie familiale).
C’est encore le souci des intérêts de la société que met en avant le stoïcien Musonius Rufus24
quand il condamne avortement et contraception, parce qu’« il est avantageux pour les cités de

21
Cité dans Etienne R. « La conscience médicale antique et la vie des enfants », Annales de démographie
historique, Mouton et cie, Paris, 1973, p. 17.
22
Environ 380 avant notre ère.
23
« Je me souviens qu’(…) une femme de Milet, (…) ayant détruit, à l’aide de potions meurtrières, le fruit
qu’elle portait, fut jugée criminellement et condamnée. (…) Elle avait ravi à un père l’espoir de son nom et le
soutien de sa race ; à une famille, son héritier ; à la république, un citoyen qui lui était promis. (Cicéron, Pro
Cluentio, Traduit par J.L. Burnouf, dans l’édition M. Nisard, Oeuvres complètes de Cicéron, Tome 2, Firmin
Didot Frères, Paris, 1869, pp. 442-502, § XI.
24 er
1 siècle de notre ère.
23

remplir les maisons de citoyens et très nuisible de les dépeupler »25. L’avortement est donc
condamné comme préjudiciable à l’État ; il l’est également quand il lèse le mari.
Ainsi, Quintilien se demandant si un mari qui tue sa femme adultère enceinte est coupable
d’homicide, conclut sans équivoque qu’il ne peut y avoir d’homicide pour un être qui n’est
pas né26 et que la raison d’être de la loi est de protéger les droits du mari27. De ce fait,
l’avortement provoqué était une raison suffisante pour le mari de répudier sa femme, au même
titre que l’adultère. Et Marcien rapporte qu’en vertu d’un rescrit des empereurs Septime
Sévère et Antonius Caracalla, la mère coupable d’avortement est punie d’exil temporaire
parce qu’elle a enlevé à son mari l’espoir d’une postérité28.
Par conséquent, l’on comprend pourquoi la législation ne traite pratiquement pas de
l’avortement d’une femme qui n’est pas mariée. En effet, cette dernière possède les titres du
père. C’est donc à elle que revient le droit de disposer de l’enfant né ou à naître comme il lui
convient. La définition halakhique du terme « adulte » (bogeret)29 rappelle un peu cette
disposition. Une loi de Gortyne30 reconnaît, justement, qu’une mère abandonnée a le droit
d’exposer son enfant31.
Bien que les légistes Gréco-romains et Hébreux accordent au père une place prédominante,
les tannaïm apportent une certaine originalité quant aux causes du délai de grâce accordé aux
femmes enceintes condamnées à mort32. En effet, si les Grecs acceptent de reporter
l’exécution d’une femme enceinte pour préserver les droits paternels et civiques33, les
rédacteurs de la Mishna favorisent plutôt la femme ; c’est-à-dire qu’ils jugent préférable de ne
pas prolonger les souffrances morales de quelqu’un relatives à l’attente de son exécution. Les
tannaïm veulent réduire au maximum le temps qui sépare la sentence de son application

25
Musonius Rufus (25-80, Rome), cité dans Etienne R., idem, p. 18.
26
Voir plus loin, dans un autre contexte, l’avis similaire des rishonim sur l’acquisition du statut de « personne »
(‫ )נפש‬et particulièrement celui de RaSHi qui dit explicitement qu’un fœtus n’est pas une « personne » tant qu’il
n’est pas né.
27
Quintilien (1er siècle, Calagurris), cité dans Etienne R., idem. Voir plus bas le verset en Exode qui prévoit en
cas d’avortement accidentel le paiement par le responsable d’une amende versée au mari.
28
Digeste, 47, 11, 4. Tryphonius n’invoque d’ailleurs que les droits du mari (ibid., 48, 19, 39).
29
Voir bogeret (‫ )בוגרת‬dans le glossaire.
30
Les « lois de Gortyne » datent du 6ème siècle avant notre ère ; elles sont gravées en dialecte dorien sur des blocs
de pierre et sont précieuses pour l’étude des conditions sociales en Crète archaïque.
31
Cf. Dareste R., Haussoulier B., Reinach Th., Recueil des inscriptions juridiques grecques, tome 1, l'Erma di
Bretschneider, Roma, 1965, p. 364.
32
Il est important de signaler ici et d’une façon générale que l’application d’une condamnation à mort par le
tribunal rabbinique était très rare. Si bien qu’un tel tribunal était appelé « tribunal meurtrier » s’il avait imposé la
mort à une personne en sept ans d’exercice (et certains disent même en 70 ans). Rabbi Ṭarfon (T3) et Rabbi
Aqiva n’ont d’ailleurs jamais pu voter en faveur d’une telle condamnation (Mishna, Makot, 1, 10).
33
Ne pas priver l’État d’un citoyen.
24

(‘inuy hadin)34. On peut, de ce fait, penser que les auteurs de ce concept n’accordent pas au
fœtus un statut tel que son élimination constitue un homicide.

Nous soutiendrons dans ce travail que, dans la pensée juive, le fœtus n’est sans doute pas
l’égal des hommes mais modifie quand même leur univers. Pour y parvenir, nous aborderons
différents domaines tels que ceux des règles de pureté et d’impureté, de successions et par
voie de conséquence de sacrifices. La question du fœtus n’est pas abordée de front dans notre
corpus ; mais on parle quand même de lui dans différents domaines de la vie quotidienne :
nous verrons comment nos auteurs tiennent compte du fœtus dans le cadre d’autres questions
le concernant. C’est essentiellement à travers la littérature halakhique que nous pouvons
définir le statut du fœtus qui, malgré certaines capacités juridiques, n’atteint pas celui de sa
mère pour ne pas tout de suite évoquer la notion d’âme vivante (nefeš) ; nous pensons aussi
que même la littérature aggadique le confirme, bien qu’elle semble attribuer au fœtus une
« âme », voire une « conscience ». Notre travail consistera donc à déterminer le statut du
fœtus sur la base de textes qui traitent indirectement la question, du fait de l’absence explicite
d’une loi définissant son statut. L’étude détaillée de sujets sans rapport direct avec le fœtus
aura donc également sa place dans ce travail, à côté de ceux plus directs qui permettent
d’acquérir une meilleure connaissance de son statut35.

Avant de revenir brièvement sur cette double littérature, halakhique et aggadique, il convient
tout d’abord de parler des versets bibliques qui constituent la seule référence, véritablement
légale, relative au statut du fœtus humain36. Il y a seulement deux passages de la Torah qui
conduisent ceux qui les lisent à les rapprocher du fœtus et qui servent de support à deux
courants plutôt opposés sur la question du fœtus. Les partisans du premier, avec à leur tête
Rabbi Yishmael, se fondent sur Genèse, 9, 6 et soutiennent que le statut du fœtus est loin

34
Voir plus bas l’étude consacrée à ce concept.
35
Juste un exemple pour illustrer l’angle indirect par lequel la question du fœtus est abordée à l’époque de la
rédaction de la Mishna par exemple :
Les tannaïm pensent qu’un « [fœtus] n’est pas un walad tant qu’il ne possède pas de forme humaine » n.t.
(‫)כל שאין בו מצורת האדם אינו ולד‬. Il faut comprendre qu’ils n’envisagent surtout, ici, la question de son
« humanité » que pour savoir si sa mère est pure ou impure – et en l’occurrence un fœtus qui n’a pas « forme
humaine » ne rend pas sa mère impure comme si elle avait accouché. Cf. l’explication de H. Albeck in Mishna,
Nidda, 3, 2 sur ’eyno walad (‫ )אינו ולד‬où il bien question d’impureté d’une femme relative à la naissance de son
enfant : « .‫ טהורה היא אף משום נידה‬,‫ ואם אין עמו דם‬.‫» לעניין טומאת לידה‬. On le voit bien : la question qui les
intéresse est moins de savoir si le fœtus est une « personne », que si la femme est impure.
36
La traduction française de ces versets est celle de La Pléiade et reste une interprétation ; elle ne rend donc pas
toutes les ambiguïtés du texte qui seront justement soulevées par la suite.
25

d’être négligeable ; les autres, qui représentent le courant de l’interprétation traditionnelle, se


basent sur Exode, 21, 22-23 et accordent au fœtus un statut inférieur à celui que lui confèrent
les premiers.
Nous présentons maintenant le développement de l’interprétation des premiers suivi d’une
démonstration effectuée par nous-mêmes et basée sur le deuxième verset de référence qui
s’inscrit dans la vision des seconds sur le statut du fœtus :
.‫אָדם‬
ָ ָ‫ה‬-‫אָדם ָדּמ ֹו יִשָּׁ פֵ � כִּ י בְּ צֶ לֶם אֱ�הִ ים עָ שָׂ ה אֶ ת‬
ָ ָ‫אָדם בּ‬
ָ ָ‫שֹׁפֵ � ַדּם ה‬
« Celui qui verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé car Dieu a fait
l’homme à son image. » (Genèse, 9, 6).
Si on isole de ce verset « ’adam ba’adam » (‫)אדם באדם‬, et qu’on le traduit littéralement par
« l’homme dans l’homme », on peut en conclure – comme Rabbi Yishmael – qu’il s’agit du
fœtus : .‫ « איזהו אדם שהוא באדם – הוי אומר זה עובר שבמעי אמו‬Quel est l’homme qui est dans
l’homme ? [Tu es bien] obligé de dire : le fœtus dans le ventre de sa mère. » n.t. (Sanhedrin,
57b). L’exégèse classique, elle, y voit soit des témoins, soit un tribunal : ba’adam (‫אָדם‬
ָ ָ‫ )בּ‬peut
signifer 1/ des témoins du meurtre, qui s’assureront que l’assassin soit puni ; 2/ une assemblée
humaine (i.e. un tribunal) qui jugera l’assassin, et ne le laissera pas livré à lui même ou à des
vengeances personnelles37.
On peut, par ailleurs, se servir de cette interprétation pour légitimer la recherche sur les
embryons in vitro38 dans la mesure où ils ne résident pas « dans l’homme » – i.e. dans
l’utérus.

37
Cf. respectivement les commentaires de RaSHi et de Sforno sur ba’adam damo yišafekh (‫ )באדם דמו ישפך‬in
Genèse, 9, 6.
38
On autorise la réduction de fœtus (i.e. leur élimination) lors d’une poly-grossesse complexe ou lors de
traitement contre la stérilité (sur la façon dont est vue la stérilité de la femme dans la Bible voir Zevin S.Y. (ed.),
Encyclopedia Talmudica, Vol. 1 : « La femme stérile » (Heb.), Yad ha-Rav Herzog, Jérusalem, 1969, p. 639). La
poly-grossesse complexe est diagnostiquée quand le développement de tous les fœtus ne peut pas être assuré et
compromet donc le développement d’un d’entre eux. Alors l’élimination du fœtus est permise sur la double base
légale du « poursuivant » (rodef) et du statut de non-personne du fœtus.
Dans le traitement de la stérilité seul le dernier argument est retenu. La stérilité se traite la plupart des fois par
l’injection artificielle de semence dans plusieurs ovules, préalablement produits par la femme après un traitement
prévu à cet effet. Or l’implantation de l’œuf (i.e. l’embryon) par la suite dans l’utérus ne réussit, généralement,
qu’à plusieurs reprises – quand cette injection est faite in vitro par exemple. Pour plus de détails sur les
techniques de traitements de la stérilité voir Halperin M., « Médecine Moderne et Halakhah », traduit de
l’hébreu par F. Saquer-Sabin, Yod, 26, Publications Langues’O, Paris, 1987, pp. 74-75. Donc, seule une sélection
d’embryons est retenue, afin d’augmenter les chances de succès et le reste de la production peut être détruite.
Pour le rabbin Y. Zilberstein cette sélection doit être faite après le conseil d’un collège de médecins spécialistes
du sujet sans tenir compte de l’affect provoqué par une telle question : « ‫ ועליהם‬,‫נראה שיש לכנס רופאים מומחים‬
‫ כמה עוברים נחוץ להפסיד על מנת להעניק סיכויים סבירים לנותרים‬,‫להתעלם משיקולים רגשיים ולשקול אך ורק במאזניים מסחריות‬
.‫( » שישארו בחיים‬Zilberstein Y., « La diminution de fœtus » (Heb.), Assia, 45-46, 1989, chapitre 6 : « Combien de
fœtus faut-il éliminer ? » (Heb.), p. 68) ; sur le nombre de fœtus à éliminer, le rabbin H.D. Halevy est d’accord
avec Y. Zilberstein que cette c’est une question qui nécessite un avis médical spécialisé et après avoir précisé
qu’une poly-grossesse – allant parfois jusqu’à huit ou neuf embryons – présente un danger certain pour la survie
de la mère, il conclut que la majorité des grands décisionnaires rabbinique est favorable à la réduction du nombre
26

‫ ִינָּצוּ ֲאנ ִָשׁים וְ נָגְ פוּ אִ שָּׁ ה הָ ָרה וְ יָצְ אוּ ְיל ֶָדיהָ וְ �א יִהְ יֶה אָסוֹן עָ נוֹשׁ יֵעָ נֵשׁ ַכּאֲשֶׁ ר י ִָשׁית עָ לָיו בַּ עַ ל הָ אִ שָּׁ ה‬-‫וְ כִ י‬
.‫אָסוֹן יִהְ יֶה וְ נָתַ תָּ ה נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬-‫ וְ אִ ם‬.‫וְ נָתַ ן בִּ פְ לִ לִ ים‬
« Quand des hommes39 se disputent et heurtent une femme enceinte, si son fœtus sort et qu’il
n’y a pas de malheur, une amende sera exigée40 d’après ce qu’imposera le mari de la femme,
et le coupable paiera au taux des magistrats. Mais s’il y a malheur, tu paieras41 âme vivante
pour âme vivante42. » n.t. (Exode, 21, 22-23)
Même si cette traduction, comme toutes les traductions, présente des lacunes du fait qu’elle ne
rend pas toute la richesse du texte original, il n’en demeure pas moins que le point qui frappe
le lecteur en hébreu est la présence du pluriel « et qu’ils sortent »43 (‫)וְ יָצְ אוּ‬, puisqu’il le pousse
à se demander pourquoi le texte n’emploie pas simplement le singulier. La question motrice,
en effet, est de savoir quoi faire – dans l’hypothèse où l’on accorderait au fœtus le statut
d’âme vivante (nefeš) – si un seul « enfant » sort (i.e. meurt) puisque le texte ne légifère que
sur « les enfants ». Disons que ce pluriel nous permet de donner au fœtus un statut, à
condition d’admettre qu’ils (i.e. « les enfants ») ne sont pas pris en compte en tant qu’âme
vivante (nefeš). C’est justement l’objet de la démonstration suivante.
Question première : quel est le statut d’un fœtus ? La Bible n’en parle pas directement. C’est à
dire que la Bible ne légifère pas explicitement sur le statut du fœtus. Mais on pourrait le
déduire grâce à la présence de ce pluriel. Les seuls versets qui abordent vraiment le sujet sont
en Exode, 21, 22-23 et l’on peut se demander pourquoi donc le texte emploie le pluriel
« sortent » (‫? )וְ יָצְ אוּ‬

des embryons dans une telle grossesse, puisque l’élimination des avortons (nefel) n’entre pas dans le cadre de
règles sur l’homicide : « ‫ פשוט שאפשר לפסוק‬,‫וכיון שדעת רוב גדולי הפוסקים האח' היא שאין בנפלים דין איבוד נפש כלל‬
.‫( » לקולא לפי הענין‬Halevy H.D., « On Fœtal Reduction » (Heb.), Assia, 47-48, 1989, p. 17) ; et pour avoir
quelques statistiques sur les grossesses multiples voir l’article du médecin D. Eisenberg, « Multifetal Pregnancy
Reduction in Halacha », Jewish Medical Ethics, 2004 (cf. la bibliographie pour les références détaillées de cet
article). Cela étant dit, aucune autorité halakhique n’autorise la réduction de la grossesse multiple pour
convenances personnelles ou pour un problème de choix, tel que de mettre au monde un enfant unique au lieu de
jumeaux. Voir justement l’article en question de D. Eisenberg : « (…) most Rabbinic decisors agree that
multifetal pregnancy reduction is permitted in certain circumstances; some permitting it only in situations
where the continuation of the pregnancy threatens the mother’s life, others also allowing it if the pregnancy
itself is threatened. » ; et voir aussi Grazi R.V. & Wolowelsky J.B., « Multifetal Pregnancy Reduction and
Disposal of Untransplanted Embryos in Contemporary Jewish Law and Ethics », American journal of obstetrics
and gynecology, 165, 1991, pp. 1268-1271.
39
Il serait préférable de traduire par « des gens » : la traduction par « hommes » peut suggérer à tort qu’ils sont
nécessairement de sexe masculin…
40
Littéralement : « puni, il sera ! ». Cette traduction est donc comme nous venons de le dire une interprétation,
mais ce passage mérite d’être souligné en raison des différentes interprétations qui lui seront données.
41
Littéralement : « tu donneras ». Là aussi le sens littéral mérite d’être précisé.
42
Sur cette expression, ici, qui par ailleurs marque le début de la loi dite du « talion » (à partir du mot latin talis
« tel » qui indique l’égalité entre le mal accompli et le mal subi en retour) voir notamment Alon G., Meḥqarim
betoldot Israel, Tel-Aviv, 1967, i. 280, n. 32 et Jakobovits, Jewish Medical Ethics, p. 372, n. 43.
43
Les fœtus.
27

Une réponse possible nécessite l’hypothèse suivante : « les enfants » ne sont pas comptés
parmi les humains. En effet, le texte est conjugué au pluriel (« les enfants sortent ») alors qu’il
aurait pu l’être au singulier (« l’enfant sort »)44. D’autant plus que le cas le plus commun est
celui où une femme n’est enceinte que d’un seul fœtus. Ajoutons que :
- Le texte parle d’« enfants » sans autres précisions (ce qui peut inclure le fœtus achevé).
- Le texte emploi le verbe « sortir » sans préciser s’ils sont vivants, blessés, handicapés,
mutilés, mort-nés ou morts ; nous devons donc supposer le cas le moins grave puisqu’il sera
alors toujours possible de déduire les conséquences, a fortiori, pour les cas plus graves.
- Le texte envisage deux cas suite à leurs « sorties » introduits par welo’ yihyeh ’aṣon
(‫ )וְ �א יִהְ יֶה אָסוֹן‬afin de légiférer s’il n’y a pas de « malheur » et we’im ’aṣon yihyeh
(‫אָסוֹן יִהְ יֶה‬-‫ )וְ אִ ם‬afin de légiférer s’il y a « malheur ».
- Le terme ’aṣon (‫ « )אסון‬malheur »45 signifierait la mort et surtout le texte ne précise jamais à
qui ces deux expressions s’adressent46, même si la grande majorité des commentateurs disent
qu’il est question de la femme. Mais supposons quand même qu’il peut s’agir de la mort des
« enfants » i.e. des fœtus.
Pour faciliter la lecture de la démonstration attribuons aux propositions respectives A et B les
expressions suivantes :
(A) = « Les enfants » sont comptés parmi les « humains ». (B) = « Les enfants » ne sont pas
comptés parmi les « humains ». Question déterminante : que faire si un seul « enfant » sort et
meurt ?
Si (A) est vraie la réponse n’est pas satisfaisante. Mais si (B) est vraie, la réponse est évidente.
Autrement dit, si « les enfants » ont une « valeur », il n’est pas possible de légiférer pour le

44
La version grecque et celle de Dhormes traduisent ce pluriel par un singulier mais ne l’exploitent pas. La
version des Septante, on le verra, se basera sur un autre critère pour établir un statut au fœtus (voir infra p. 66).
Quant aux versions ultérieures, elles traduisent ce passage par l’« interruption » effective de la grossesse de la
femme en question, mais ne rendent pas compte du pluriel et demeurent inexploitables pour l’élaboration d’un
statut du fœtus indépendamment de sa mère dans la mesure où leur traduction des versets de cet épisode ne
répond pas aux questions qui se posent pour une telle entreprise.
45
Certains exégètes de la Bible pensent que l’on ne connaît pas le véritable sens du terme ’aṣon et qu’il constitue
un bel exemple de terme biblique obscur sans l’apport de l’exégèse : « It is quite clear that the present instance
of aberratio ictus is thoroughtly dependent upon legal exegesis for its viability.There is virtually no features of
its present formulation and redaction which is entirely unambiguous and self-sufficient. » (Fishbane M., Biblical
Interpretation in Ancient Israel, Clarendon Press, Oxford, 1985, pp. 19 et 24). Pour la définition rabbinique du
terme voir Lauterbach J.Z. (ed.), Mekilta de-Rabbi Ishmael, Vol. 3, nezikin, chapitre 8, The Jewish Publication
Society of America, Philadelphia, 1935, pp. 65-66 et Sanhedrin, 74a et 79a. Et Benno Jacob démontrera de
manière assez claire que le terme ’aṣon signifie un accident pouvant entraîner tout type de dommage y compris
la mort : « [’aṣon is] an accident which could lead to any type of injury or even to death. » (Jacob B., The Second
Book of the Bible: Exodus, translated by W. Jacob, Hoboken, Ktav Publishing House Incorporeted, 1992, p.
656).
46
Cf. in Mekhilta de-RaSHBY son commentaire sur welo’ yihyeh ’aṣon (‫ « )ולא יהיה אסון‬et s’il n’y a pas de
malheur » de Exode, 21, 22. Voir aussi Sarna N., Exploring Exodus: The Heritage of Biblical Israel, Schoken
Books, New York, 1986, p. 186.
28

cas où un seul « enfant » sortirait et mourrait, puisque le texte ne s’applique que s’ils sont au
moins deux à « sortir ». Quelle serait alors la logique à adopter pour parvenir à une réponse si
un seul « enfant » mourait, dans la mesure où, rappelons-le, les termes en question sont au
pluriel ? En revanche, si « les enfants » n’ont pas de valeur, a fortiori « un enfant » non
plus47 ; cette hypothèse permet, en outre, de légiférer rationnellement sur les poly-grossesses.
Si, au contraire, « les enfants » ont une « valeur », aucune conclusion n’est possible ; puisqu’il
est possible que « les enfants » soient la somme de deux unités ayant chacune une « valeur »
comme il est possible qu’ils n’aient de « valeur » qu’ensemble, mais pas séparément. Il est
donc nécessaire, pour comprendre ce texte, de supposer que les « enfants » ne sont pas
comptés parmi les humains…

Venons-en maintenant à la littérature halakhique. Elle ne se fonde pas sur le statut « humain »
ou « personnel » du fœtus pour résoudre les problèmes qu’elle examine le concernant, ce qui
ne signifie pas qu’elle ne lui accorde aucun statut, au contraire : elle lui donne un statut
juridique indépendamment des considérations sur la nature de l’« homme ». On peut dire que
le travail que ces auteurs ont mené est plus celui du juriste que du philosophe.
La littérature aggadique, quant à elle, examine la question du fœtus sous l’angle des théories
de l’âme, mais là non plus, il n’est pas question de « personne » ou d’« homme ». Les auteurs
de cette littérature sont eux en revanche plus philosophes que juristes, sans être en
contradiction avec les premiers, nous montrerons comment.
Le statut du fœtus peut se définir en fonction de deux méthodes. La première consiste à
définir d’abord ce qu’est un homme afin de vérifier si cette définition s’applique au fœtus et
se prononcer ainsi sur son statut48. La deuxième est d’admettre que le fœtus n’est pensé que
par rapport à d’autres questions. Et nous soutenons que c’est plutôt de cette dernière manière
que les auteurs de la pensée juive parlent du fœtus.

47
On peut illustrer cette idée par l’image suivante : si deux personnes ne parviennent pas à soulever ensemble un
certain poids, elles n’y arriveront pas non plus séparément.
48
Il est quand même ici, indirectement, intéressant de noter qu’avec le développement de la technologie et de la
médecine, la tentation naturaliste (i.e. celle qui voit un lien possible entre la nature et les valeurs), qui pourrait
inspirer cette première méthode, s’accroît. On trouve des traces de cette approche très tôt déjà dans la pensée
juive (’aqirat ha’ubar) mais elle n’est évidemment pas la seule. Bien que certaines des étapes suivantes ne se
retrouvent pas dans le corpus juif pour des raisons évidentes d’anachronismes quant aux découvertes médicales
attenantes, il est quand même intéressant de noter, à travers quatre étapes dans la grossesse, ce qui motive
certains aujourd’hui (et qui en aurait peut-être motivé d’autres hier) à conférer au fœtus le statut d’une personne :
1) La fécondation, car l’identité génétique est fixée à ce moment là. 2) L’activité cérébrale, car à l’inverse c’est
aussi le critère (moderne) du décès d’une personne. 3) La viabilité, car c’est le moment à partir duquel le fœtus
peut, théoriquement, poursuivre son développement tout seul. 4) La naissance, car c’est le moment à partir
duquel l’enfant est biologiquement indépendant de sa mère et où une grande partie du lien psychologique va
commencer à s’établir.
29

Prenons un exemple – à travers un terme souvent employé à propos du fœtus et qui peut en
plus porter à confusion – pour comprendre la dimension juridique du statut du fœtus : À la
naissance49, le fœtus acquiert un statut qu’il n’avait pas jusqu’alors, à savoir celui d’âme
vivante (nefeš)50 au même titre que sa mère par exemple ; il devient alors interdit de
l’éliminer. Or, ce qu’il faut bien comprendre ici c’est que la loi ne légifère que sur ce point ;

49
Qui a, en elle-même, fait l’objet d’une longue tentative de définition.
50
« L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et
l’homme devint une âme vivante. » n.t. (Genèse, 2, 7) :
.‫אָדם לְ נֶפֶ שׁ חַ יָּה‬
ָ ָ‫הָ א ֲָדמָ ה וַיִּ פַּ ח בְּ אַ פָּיו נ ְִשׁמַ ת חַ יִּ ים ַו ְיהִ י ה‬-‫אָדם עָ פָ ר מִ ן‬
ָ ָ‫ה‬-‫וַיִּ יצֶ ר ְיהוָה אֱ�הִ ים אֶ ת‬
Nefeš, on le voit, ne désigne pas tant « l’âme », entendue comme un principe spirituel distinct du corps, que
l’homme tout entier, composé d’âme (« souffle de vie ») et de corps (« poussière de la terre »). La traduction de
nefeš par « âme » pourrait se justifier si l’on comprenait l’âme comme un principe de vie inséparable du corps
qu’il anime et « informe », la « substance au sens de forme » d’un corps naturel possédant la vie en puissance,
par conséquent, pour reprendre la définition qu’Aristote donne de l’âme dans le De Anima (II, 1, 412 a 20-21).
C’est cette conception « hylémorphique » d’une âme inséparable du corps dont elle est la forme, que développe
Aristote dans le De Anima, qui permet à Maïmonide de comprendre nefeš au sens de psychè (« âme ») : « L’âme
(nefeš) de toute chair (basar) est la forme qui lui fut donnée par Dieu (…). » (Maïmonide, Mišneh torah,
Yeṣodey hatorah, 4, 8) : .‫נפש כל בשר היא צורתו שנתן לו האל‬
La « forme » (‫)צורה‬, ici, est à rapprocher du sens de celem (‫ « )צלם‬forme naturelle » dont parle, ailleurs,
Maïmonide : i.e. il ne faut pas comprendre par « forme » (‫ )צורה‬la figure extérieure, mais « ce qui constitue la
substance de la chose, par quoi elle devient ce qu’elle est et qui forme sa réalité, en tant qu’elle est tel être
(déterminé). » (Maïmonide, Guide des égarés, I, 1, Traduit par S. Munk, Verdier, 1979, p. 30).
La traduction par « âme vivante », que nous avons finalement adoptée, a l’avantage de suggérer cette idée d’une
âme incarnée dans un être vivant et ne faisant qu’un avec lui. On pourrait dire pour être encore plus clair que
l’âme est vivante parce qu’elle n’est pas dans le ciel ; en un mot, elle vit avec le corps.
M.-H. Congourdeau l’entend également de cette oreille puisqu’elle pense qu’au sujet de l’homme, le terme nefeš
« ne désigne pas son principe spirituel, comme on l’entendait en territoire grec, mais sa totalité. Le verset capital
de Genèse 2, 7 le montre bien : l’homme (…) est constitué d’un corps modelé avec la glaise du sol et d’une
haleine de vie venue de Dieu (neshama) et c’est cet ensemble qui reçoit le nom de nefesh. Ce terme de nefesh qui
désigne l’être vivant en son entier peut aussi être employé pour désigner plus précisément ce que nous entendons
par « âme », à savoir le principe spirituel de l’homme (…). » (Congourdeau, M.-H., L’embryon et son âme dans
les sources grecques (VIè siècle av. J.C.-Vè siècle apr. J.C.), Association des amis du Centre d’histoire et
civilisation de Byzance, Paris, 2007, p. 159). C’est probablement en ce dernier sens, restreint, qu’il faut
l’entendre sous la plume de J. Costa in L’au-delà et la résurrection dans la littérature rabbinique ancienne,
Collection de la Revue des Études juives, Peeters, Paris-Louvain, 2004, p. 5.
Notons d’autre part que ce qui fait la spécificité de « l’âme vivante » de l’homme, c’est la faculté de comprendre,
associée à la parole : c’est grâce à la faculté de comprendre que possède l’être humain qu’il a été dit de lui, et
seulement de lui, que Dieu l’a créé à son « image » (‫( )צלם‬cf. Genèse, 1, 26). Au chapitre 41 du Guide,
Maïmonide apporte toutes les désinences du terme nefeš, à savoir : la sensibilité, la rationalité et la volonté. Si
nous croyons, en accord avec le sens de celem, que seul l’homme est capable de réunir ces trois sens, se pose la
question de savoir en quoi le nouveau-né, qui a le statut de nefeš, les possède ? Il nous semble que la réponse est
dans la question, à savoir qu’il était nécessaire de déterminer le moment où le corps sera considéré comme
« vivant » ou capable de l’être comme tel. Et les premiers législateurs (tannaïm) ont estimé que le « plus » dans
cette affaire se situe au moment de la naissance avec la respiration ; c’est précisément sur l’interprétation de
Genèse, 2, 7.
Le terme nefeš peut donc s’appliquer à tous les êtres vivants, et pas seulement à l’homme (nous verrons
justement que le texte miqraïque (Lévitique, 24, 17-18) opère bien cette distinction) mais c’est bien à l’homme
que ce terme peut s’appliquer par excellence : « âme vivante ». L’animal domestique et celui des champs sont
aussi appelés âme vivante. Mais l’âme de l’homme est la plus vivante, car elle a en plus la connaissance et la
parole. » (RaSHi sur Genèse, 2, 7 in E. Munk (ed.), Le Pentateuque, traduit par I. Salzer, Fondation Samuel et
Odette Lévy, Paris, 1993, 7ème édition, p. 15) :
.‫ שניתוסף בו דעה ודיבור‬,‫ אך זו של אדם חיה שבכולן‬,"‫ אף בהמה וחיה נקראו "נפש חיה‬.‫לנפש חיה‬
Voir aussi Maïmonide : « [Cette] connaissance supplémentaire qui se trouve dans l’âme de l’homme, est
[justement] ce qui parachève l’esprit de l’homme. » (Mišneh torah, Yeṣodey hatorah, 4, 8) :
.‫ היא צורת האדם השלם בדעתו‬,‫והדעת היתרה המצויה בנפשו של אדם‬
30

c’est-à-dire que ce statut répond uniquement à la question de savoir s’il est permis de le tuer.
Mais, savoir qu’il a le statut d’âme vivante (nefeš) et qu’il est donc interdit de le tuer, ne nous
dit finalement pas grand-chose sur la définition de l’« homme ».
C’est aussi parce que les auteurs de la pensée juive considèrent le fœtus dans le cadre d’autres
questions que celle de la nature de l’homme, que ce nouveau-né – ayant acquis, on l’a dit, le
statut d’âme vivante (nefeš) – peut aussi avoir celui d’avorton (nefel)51. Nous reviendrons un
peu plus loin sur point.
Et même lorsque Rabbi Yishmael, par une interprétation d’un des deux versets bibliques que
nous avons mentionnés52, affirme que le fœtus est un homme, c’est pour dire qu’il a le même
statut juridique que lui et que le fœticide est à classer dans le cadre des règles sur l’homicide.
Un autre exemple permettant d’illustrer ce point est l’usage d’un terme souvent employé en
relation avec le fœtus et qui peut lui aussi porter à confusion si on ne le rapporte pas au
domaine d’étude dans lequel les auteurs concernés l’on pensé : walad, « enfant »53 :
Des tannaïm affirment que le fœtus n’est pas un « enfant » tant qu’il n’a pas, par exemple, la
« forme humaine » (kol še’eyn bo micurat ha’adam ‘eyno welad). Bien que l’expression la
« forme humaine » demande elle-même à être définie54, ce n’est pas elle qui pose réellement
problème mais plutôt la conséquence qu’elle implique. En effet, on peut penser que c’est elle
qui confère au fœtus son « humanité » ; car, s’ils disent que le fœtus n’est pas un « enfant »
tant qu’il n’a pas la « forme humaine », alors s’il la possédait, il le serait.
Or ce n’est pas elle qui fait du fœtus un « homme » ni une « âme vivante » (nefeš), car ils
n’emploient le terme « enfant » que par rapport, ici, aux règles de pureté chez la femme.
Pour le comprendre, commençons par remarquer que ce terme (walad) est employé dans la
Bible à propos de la stérilité de Sarah55, comme pour dire qu’elle n’arrive pas à concevoir et
qu’elle est surtout encore loin d’être mère (fut-ce d’un nouveau-né) puisque l’auteur de ce
51
Deux statuts qui, dans la pensée de l’homme moderne, on le conçoit aisément, peuvent porter à confusion
voire être contradictoires.
52
« Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé ; car Dieu a fait l’homme à son
image. » (Genèse, 9, 6) ; ce qui est traduit ici par « (…) de l’homme, par l’homme (…) » peut, en effet, être lu en
hébreu par « l’homme dans l’homme (ce qui feraitr allusion au fœtus) :
.‫אָדם‬
ָ ָ‫ה‬-‫אָדם ָדּמ ֹו יִשָּׁ פֵ � כִּ י בְּ צֶ לֶם אֱ�הִ ים עָ שָׂ ה אֶ ת‬
ָ ָ‫אָדם בּ‬
ָ ָ‫שֹׁפֵ � ַדּם ה‬
53
Comme nous l’avons dit en avertissement, un « enfant » désigne un fœtus suffisamment développé pour
entraîner une réglementation différente du cadre d’étude dans lequel on en tient compte. Ce terme ne doit,
cependant, pas être confondu avec celui de nefeš que nous avons traduit par « âme vivante », qui, contrairement
au premier, interdit l’élimination du fœtus (qui ne l’est justement plus). C’est la raison pour laquelle le fœtus
peut avoir le statut d’« enfant » – déjà à partir de quarante jours – et peut quand même être éliminé jusqu’à sa
naissance s’il menace la survie de sa mère par exemple.
54
« Forme humaine » (curat ha’adam) : il s’agit ici essentiellement de l’apparence humaine, de la forme
extérieure par laquelle nous pouvons reconnaître que nous avons affaire à un être humain. Cela pose évidemment
des problèmes de critères qui ont été longuement débattus, notamment par les amoraïm. Voir infra p. 86.
55
C’est par ailleurs un hapax ; « Saraï était stérile : elle n’avait pas d’enfant » (Genèse, 11, 30) :
.‫וַתְּ הִ י שָׂ ַרי עֲקָ ָרה אֵ ין לָהּ ָולָד‬
31

texte aurait pu employer un autre terme qui désigne clairement une âme vivante (nefeš) aussi
petit soit-il56.
Si nous examinons ensuite le chapitre de la Mishna57 dans lequel on trouve précisément cette
affirmation des tannaïm sur le fœtus qui, en outre, n’ignorent sans doute pas toutes les
occurrences bibliques dont on vient de parler. Ce terme – walad –, donc, est employé dans le
cadre de quatre questions différentes que l’on peut se poser lors d’une fausse-couche58 : la
première concerne la « forme humaine », la deuxième le chorion (šafir), la troisième le
placenta (šilya’) et la quatrième une étape dans la formation du fœtus. Les trois dernières
éclairent la première (la nôtre) – la plus délicate, puisque la plus susceptible, répétons-le, de
conduire à une mauvaise conclusion – et sont toutes cohérentes entre elles à condition
d’abord, d’expliciter les informations contenues dans les trois dernières et d’admettre ensuite,
que ce terme (walad) n’est qu’un statut juridique du fœtus, statut qui a des conséquences sur
l’application de certaines règles – ici les règles de pureté chez la femme. C’est donc la
question de la pureté de la femme qui les intéresse à travers ces quatre sous-questions et pas
celle, répétons-le, de « l’humanité » du fœtus :
1) la « forme humaine » n’est qu’une condition supplémentaire apportée par la majorité des
tannaïm face à R. Meir59 dans une discussion sur les fœtus qui ressemblent aux animaux afin
de savoir si le fœtus est un walad ; 2) à propos du chorion (šafir) les tannaïm pensent qu’on
ne peut jamais parler d’un walad ; 3) à propos du placenta (šilya’) ils pensent que ce dernier
est toujours accompagné d’un walad ; et 4) à propos de l’étape dans la formation du fœtus les
plus exigeants des tannaïm affirment qu’on ne peut parler d’un walad qu’à partir de la
quarante et unième journée de la grossesse. Et nous savons qu’à ce stade (quarante jours) le
fœtus n’a pas de forme humaine reconnaissable (même pas selon leurs critères60), pas plus
qu’à deux mois de grossesse61. Donc, pour que le sens du terme walad soit cohérent partout

56
Les auteurs de la Bible et même ceux du livre de la Genèse déjà (d’où est extrait justement ce passage sur la
stérilité de Sarah) utilisent un autre terme que walad pour parler d’un enfant à partir de la naissance (et jusqu’à la
fin de l’adolescence dirions-nous aujourd’hui), à savoir celui de yeled sur les dix-huit occurrences bibliques où
ce terme désigne le nouveau-né et le nourrisson, nous ne retenons que les deux plus parlantes : 1/« La sœur
[Myriam] de l’enfant [Moïse] dit à la fille de Pharaon : « Puis-je aller appeler pour toi une nourrice d’entre les
femmes des Hébreux, afin qu’elle allaite l’enfant pour toi ? » » (Exode, 2, 7) :
.‫הַ ָיּלֶד‬-‫פַּ ְרעֹ ה הַ אֵ לֵ� וְ קָ ָראתִ י לָ� אִ שָּׁ ה מֵ ינֶקֶ ת ִמן הָ עִ בְ ִריֹּת וְ תֵ ינִק לָ� אֶ ת‬-‫בַּ ת‬-‫וַתֹּ אמֶ ר אֲחֹ ת ֹו אֶ ל‬
2/« La fille de Pharaon lui dit : « Emmène cet enfant et allaite-le pour moi, je te donnerai ton salaire. » La femme
prit l’enfant et l’allaita. » (Exode, 2, 9) :
.‫ ְשׂכ ֵָר� וַתִּ קַּ ח הָ אִ שָּׁ ה הַ ֶיּלֶד וַתְּ נִיקֵ הוּ‬-‫הַ ֶיּלֶד הַ זֶּה וְ הֵ ינ ִִקהוּ לִ י ַו ֲאנִי אֶ תֵּ ן אֶ ת‬-‫פַּ ְרעֹ ה הֵ ילִ יכִ י אֶ ת‬-‫וַתֹּ אמֶ ר לָהּ בַּ ת‬
57
Mishna, Nidda, 3.
58
Il existe d’autres situations et toutes développées mais jamais contradictoires entre elles.
59
Qui estime, lui, que le « sexe » est un critère suffisant.
60
Des critères que l’on pourrait qualifier de très tolérants.
61
Les tannaïm ne parlent de placenta qu’à la condition qu’il atteigne la taille de 9,3 centimètres, soit autour de la
huitième semaine de grossesse (voir infra p. 119) ; et le chorion se réfère à une étape encore plus antérieure.
32

où il est employé, nous devons admettre, avec H. Albeck, que ce terme sert à ne désigner
qu’un statut juridique particulier du fœtus qui oblige sa « mère » à agir comme si elle avait
accouché. Un walad est donc un fœtus – parfois même un embryon – qui demande à sa mère
d’agir d’une façon différente que s’il ne l’était pas mais qui n’a pas le statut d’âme vivante
(nefeš), et qui définit encore moins son « humanité ».
Revenons à présent sur le statut d’avorton (nefel). Parmi les différentes situations où l’on
parle de l’avorton, celle qui nous semble le plus en mesure de perturber la position sur le
fœtus que nous défendons, est celle du « peut-être avorton » (safek nefel)62. Tous les
nouveaux-nés sont en effet considérés comme des prématurés jusqu’à ce qu’ils atteignent
l’âge d’un mois ; et ce pour deux raisons. La première est due à un événement de l’histoire
d’Israël relaté dans la Bible63 : Lorsque Moïse recense les enfants d’Israël, Dieu lui demande
de ne compter que ceux âgés d’un mois et plus ; comme si ceux qui ont moins d’un mois ne
comptaient pas. La deuxième est que l’on ne sait pas avec certitude si les nouveaux-nés sont
bien arrivés au terme des neuf mois de grossesse, puisqu’on ignore la date exacte de la
fécondation. Ces raisons peuvent donc faire croire qu’un nouveau-né, jusqu’à l’âge d’un mois,
a un statut juridique inférieur à celui de sa mère. Les tannaïm corrigent et affirment
clairement qu’à partir de l’instant où la plus grande partie du fœtus est sortie il est interdit de
lui porter atteinte64 ; parce qu’il a dès lors, juridiquement, le même statut que celui de sa mère
c’est-à-dire celui d’une âme vivante (nefeš) humaine. Donc, l’argument de la « viabilité
douteuse » ou pas encore confirmée du fœtus – avancé par certains rabbins et reprise par F.
Rosner65 – pour tenter de justifier l’élimination d’un nouveau-né ne vise qu’à favoriser
finalement la sauvegarde de la mère plutôt que celle de l’enfant quand leurs survies
s’opposent. Le verset biblique en question sur lequel s’appuie ce statut et cet argument ne
mentionnent que les garçons. Si bien que l’on pourrait, jusqu’à l’âge d’un mois, autoriser
l’élimination des garçons et interdire celle des filles, car si le texte ne les a pas mentionnées
c’est peut-être pour indiquer que, contrairement aux garçons, elles « comptent » dès la
naissance et pas à partir d’un mois.

62
Parce qu’elle pourrait être justement interprétée dans le sens d’une condition supplémentaire à l’accession du
fœtus au statut d’âme vivante (nefeš) ou à une quelconque définition de son « humanité ».
63
Voir Nombres, 3, 15 et suivants. C’est vrai qu’il n’y est question que du recensement des garçons, mais cela
n’a pas d’incidence sur le statut des filles en tant qu’âme vivante (nefeš).
64
Cf. Mishna, Aholot, 7, 6 (voir infra p. 47).
65
Rosner, F., « The Jewish Attitude Toward Abortion », paru in Tradition, 10, 2, 1968, pp. 48-71 ; traduction
française : « L’attitude juive devant l’avortement », Revue d’Histoire de la Médecine Hébraïque, 88, 1970, p. 79.
Quant aux rabbins dont F. Rosner parle il s’agit de D. Schick (responsa : Maharam šiq, yoreh de‘ah, § 155,
Muncacz, 1881), D. Hoffman (responsa : Melamed leho‘il, yoreh de‘ah, § 69, Frankfort, 1932), H. Sofer
(responsa : Maḥane ḥaim, ḥošen mišpaṭ, § 50) et M. Eisenstadt (responsa : Panim me’irot, Vol. 3, § 8, Lemberg,
1899).
33

La naissance doit et reste le critère déterminant pour acquérir le statut d’« âme vivante »
(nefeš) – à condition, bien sûr, que le nouveau-né ait respiré au moins une fois – bien que cela
ne nous dise rien, répétons-le, sur son « humanité », parce que ce n’est justement pas la
question que les tannaïm se posent.
Cela dit, la pensée juive n’est pas sans réponse sur la question de « l’âme » du fœtus, mais sa
réponse n’est pas univoque, d’autant plus qu’elle essaie de s’adapter aux questions de son
temps. Des premiers penseurs juifs jusqu’aux derniers, certains affirment, voire croient
sincèrement, que le fœtus est doté d’une « âme ». Rabbi Yehouda (T6), pour ne citer que cet
exemple devenu célèbre, après avoir discuté avec l’Empereur Antonin, a reconnu que l’âme
devait pénétrer le fœtus dès la conception66. C’est ensuite, et surtout, dans la littérature
aggadique que l’on retrouve les différents développements qu’ont faits les amoraïm sur le
fœtus et son âme ; c’est également dans cette partie que l’on note l’influence non négligeable
de la pensée grecque sur la pensée juive quant à la question de l’âme67.
Mais nous nous bornerons à la question du fœtus et laisserons de côté celle de son âme. C’est-
à-dire que nous nous efforçons de réunir tout ce qui a été écrit sur le fœtus dans les sources
juives afin d’établir son statut juridique – nous devrions plutôt dire ses statuts juridiques –,
sans nous pencher sur la nature de l’âme et les questions attenantes. Cela nous mènera à
soutenir que 1) Les auteurs de la pensée juive tiennent compte du fœtus dans le cadre de
différentes questions la plupart du temps sans rapport direct avec lui68 ; 2) le fœtus possède
plusieurs statuts juridiques mais qui n’égalent jamais celui de sa mère, par exemple.

66
Au cours d’une discussion entre eux afin de savoir à quel moment l’âme entre dans le corps, Rabbi Yehouda
aurait reconnu que le fœtus devait avoir une « âme » dès la conception ; suivant ainsi l’argument d’Antonin selon
quoi de la viande sans conservateur se putrifie en moins de trois jours (cf. Sanhedrin, 91b).
67
Il est indéniable que les idées grecques ont traversé la pensée juive dès l’époque des tannaïm et surtout, plus
tard, durant celle des amoraïm. Cela est manifeste, en particulier, dans le domaine de l’embryologie : « There
are very few original ideas in the Talmudic corpus on embryology, but it is obvious that the Sages were well
aware of the Greek and Roman theories on embryology. » (Kottek S., « Embryology in Talmudic and Midrashic
Literature », Journal of History of Biology, 14, 2, 1981, pp. 299-315).
68
Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que S. Kottek dit qu’une part importante des informations que nous pouvons
avoir sur le développement du fœtus provient de questions différentes de cette dernière sur lesquelles les tannaïm
se sont penchés : « The embryological data contained in the Talmud are mainly related to the problem of the
mother’s impurity after childbirth. The principal question is: How long does she have to remain in defilement
after giving birth to a male or a female child? These discussions are essentially based on the biblical paragraph
that begins with the verse (Lev. 12:2) (…) » (Kottek, S., ibid., pp. 299). E. Lepicard n’a pas tort non plus quand il
dit que « ce n’est pas la transmission de connaissances relatives à la formation du fœtus qui est importante, mais
l’établissement de ces règles de pureté » ; cela dit, même si ce n’était pas en effet ce qui importait au premier
chef, un souci de transmission de connaissances n’était pas complètement absent des préoccupations des Sages,
ce dont témoignent les nombreuses informations qu’ils ont apportées sur la question du fœtus dans les différents
« cadres » d’études d’ordre légal dans lesquels le fœtus est mentionné (cf. Lepicard E., « L’embryon dans la
littérature rabbinique ancienne », in Brisson L., Congourdeau M.-H. et Solère J.-L. (eds.), L’embryon Formation
et Animation, Vrin, Paris, 2008, p. 203).
34

Nous essayons donc de mieux définir la question du fœtus même si la question de l’« âme » –
pour ne pas dire de l’« homme » – restera finalement sans réponse.
Disons avec D. Hed que nous sentons également et justement qu’il existe un arbitraire dans
toute tentative de fixer le moment où le fœtus devient un homme, de même qu’on sent qu’il y
a un caractère indéfini à ce que nous entendons par « être humain »69.
Les auteurs des sources juives « intègrent » donc le fœtus à leur monde, mais dans le cadre,
répétons-le encore, de questions qui ne le concernent pas directement, ou du moins ne portent
pas sur son caractère d’ « être humain ». En effet, même là où ils en parlent plus directement
ce n’est pas la définition de l’homme qui est recherchée. La littérature (aggadique) essaie en
effet, contrairement à la littérature légale, de penser le fœtus en tant que tel ou, disons, au
moins, d’une façon plus directe. On y trouve (comme dans la littérature halakhique et les
responsa) de la matière qui pourrait faire croire que le fœtus est l’égal de l’homme. Par
ailleurs, certaines personnalités reconnaissent le fœtus comme l’égal de l’homme et d’autres,
au contraire, ne le reconnaissent pas comme tel. Mais, là aussi, nous soutiendrons que les
auteurs de l’autre grand genre de la littérature rabbinique (le Midrash Aggadah) ne sont
jamais dans la perspective de la première méthode dont nous avons parlé plus haut (partir
d’une définition de l’homme pour voir si elle s’applique au fœtus) ; c’est-à-dire et c’est
d’ailleurs le point commun entre les deux genres littéraires, qu’ils ne cherchent jamais à
s’interroger sur le fœtus en relation avec la recherche d’une définition de l’homme70.
Nous avons dit que cette tradition de pensée évolue ; elle le fait dans la mesure où elle
s’enrichit. Elle ne s’enrichit pas uniquement des influences extérieures mais aussi de la
spéculation intellectuelle et par les nouvelles questions qu’une (nouvelle) réalité impose sans
cesse – on peut redonner ici surtout l’exemple du problème de l’avortement.
Cet enrichissement s’effectue suivant des règles précises à chaque époque. Pour la période
biblique, dans l’unique véritable mention qui en est faite (Exode, 21, 22-23), il est difficile de
déterminer ce qui motive la volonté de légiférer – hormis la nécessité d’une loi – sur un
éventuel statut du fœtus71. Durant toute la période talmudique, les tannaïm et les amoraïm
tiennent compte dans leur production littéraire – dense et variée, d’autant plus qu’elle
constitue une partie importante de notre travail – des règles très précises de l’étude de la Loi
69
Cf. Hed D., « ‘Ubarim kebney-’adam », in D. Hed, ’Etiqah urfu’ah, chapitre 5, dans la série « l’université
diffusée » publié par le Ministère israélien de La Défense, 1989, pp. 55-56.
70
Il serait ensuite éventuellement possible, par comparaison, de tirer des conclusions sur la définition de
l’homme mais ce n’est pas rappelons-le l’objet de notre étude. Cette définition pourra cependant être éclairée
indirectement par ce que nous aurons dit du fœtus. Un peu comme s’il fallait, pour atteindre le centre d’une
cible, viser à côté.
71
Voir la démonstration que nous proposons à propos du statut du fœtus sur la base d’un de ces deux versets en
Exode (voir supra p. 26).
35

afin de l’observer et de l’appliquer aux questions de leur temps. Leurs successeurs, depuis la
fin de cette dernière période et jusqu’à aujourd’hui, ont la même exigence face à d’autres
questions – toujours relatives à celle du fœtus – imposées par la réalité quotidienne (la
production littéraire de ces rabbins est notamment celle des responsa).
On peut aussi supposer que la sensibilité individuelle de certains auteurs est pour quelque
chose dans l’orientation de leur pensée tout en respectant les caractéristiques propres de la
littérature qu’ils rédigent (Midrash Halakhah et responsa ou Midrash Aggadah72). Face à la
question de l’avortement par exemple, certains – parce qu’ils confèrent plus d’importance au
fœtus – établissent son interdiction dans le cadre du devoir qu’ont les hommes de se
reproduire73 alors que d’autres l’autorisent parce qu’ils voient le fœtus comme un viscère de
sa mère (‘ubar yerekh ’imo)74, une menace (rodef)75 ou un parasite76.
C’est dans ce « cadre », avec les catégories de pensée et de langue77 qui lui sont propres, que
notre travail examinera la question du fœtus dans la pensée juive.

Revenons maintenant sur la partie aggadique de notre travail pour en préciser le contenu : la
littérature aggadique complète la littérature halakhique dans la mesure où elle est plus libre, et
donne donc davantage accès à l’imaginaire de ses auteurs ; elle la complète également par les
connaissances qu’elle nous apporte sur le fœtus et son univers.
Son contenu est d’abord marqué par une double influence de la pensée platonicienne : la
théorie de la préexistence des âmes et celle de la réminiscence. Ces deux théories séduisent
sans doute et peut-être convainquent certains auteurs de nos midrashim mais ne réussissent

72
Nous constaterons alors l’influence de la pensée grecque quant aux théories et mythes sur l’âme.
73
Selon le commandement de croître et de multiplier (Genèse, 1, 28) ; voir Brody B., Abortion and the Sanctity
of Human Life, M.I.T. Press, 1975. Ce qui ne nous empêche pas d’admettre, surtout pour les modernes, répétons-
le, qu’ils voient dans une éventuelle interdiction de l’avortement plus qu’une simple traduction du
commandement de se reproduire ; voir, à propos de l’avortement dans le judaïsme (à travers les responsa
surtout), l’étude de Schiff D., Abortion in Judaism, Cambridge University Press, Cambridge, 2002.
74
Conception qui considère le fœtus comme une partie intégrante de sa mère ; voir le chapitre que nous
consacrons à ce concept (infra p. 41).
75
Concept halakhique adapté, par certains, au fœtus (surtout quand il menace sa mère) et qui autorise donc son
élimination (voir infra p. 47 et suivantes).
76
Plusieurs auteurs du judaïsme réformé (face essentiellement à la question de l’avortement) n’accordent pas au
fœtus le statut d’âme vivante (nefeš) et n’assimilent donc jamais l’avortement au meurtre ; voir Thomson J., « A
defense of Abortion », Philosophy and Public Affairs, 1, 1, 1971, pp. 47-66. Voir aussi Block R.A., « The Right
to Do Wrong: Reform Judaism and Abortion », Journal of Reform Judaism, 28, 2, 1981, pp. 3-15 ; Gordis R.,
« Abortion: Major Wrong or Basic Right? », Midstream, 24, 3, 1978, pp. 44-49 et Greenberg B., « Abortion: A
Challenge to Halacha », Judaism, 25, 2, 1976, pp. 201-208 ; Kirschner R.S., « The Halachic Status of the Fetus
with Respect to Abortion », Conservative Judaism, 34, 6, 1981, pp. 3-16 ; Lubarsky S.B., « Judaism and the
Justification of Abortion for Non-Medical Reasons », Journal of Reform Judaism, 31, 4, 1984, pp. 1-13 ;
Shapiro-Libai N., « Right to Abortion », Israel Yearbook on Human Rights, 5, 1975, pp. 120-140 ; Washofsky
M., « Abortion, Halacha and Reform Judaism », Journal of Reform Judaism, 28, 4, 1981 pp. 11-18.
77
Qui sont loin d’être une limitation appauvrissante puisque au contraire elles nous permettent de mieux cerner
l’évolution de la pensée juive à l’endroit du fœtus.
36

pas à élever le statut du fœtus à celui d’âme vivante (nefeš) car on ne trouve jamais dans leurs
écrits une formulation explicite dans ce sens. De plus, l’idée selon laquelle les récits
aggadiques de rabbins ne peuvent pas servir de support à la législation circule déjà auprès des
rabbins palestiniens du Talmud de Jérusalem78. Nous ne disons pas que les aggadot ne sont
pas prises au sérieux, mais qu’elles ne sont simplement pas considérées comme une source
pour asseoir le droit. Nous pouvons même gager que s’il fallait choisir entre la survie de la
mère et celle du fœtus, même les plus convaincus parmi ces auteurs auraient eu moins de
scrupules à privilégier la mère que le fœtus.
Précisons ensuite que la littérature aggadique comporte une dimension éthique qui revient à
admettre les notions de bien et de mal ; notions qui existent déjà à l’époque prébiblique mais
qui peuvent changer dans le temps et dans l’espace79. Et ce, même au sein d’une seule et
même civilisation. L’esclavage, par exemple, est légiféré dans la Bible mais n’est pas
considéré comme quelque chose de « mal ». La propriété s’étendait bien au-delà de ses limites
actuelles. Les épouses, les concubines, les servantes, les enfants et le reste de la descendance80
« appartenaient » au patriarche pour ainsi dire et il pouvait avoir sous sa domination presque
une centaine de personnes81.

78
TJ, Pe’a, chapitre 2, page 17, colonne A, règle 4 :
« ‫» אין למדים לא מן ההלכות ולא מן ההגדות ולא מן התוספות אלא מן התלמוד‬
Comparer avec TJ, Ḥagiga, chapitre 1, page 76, colonne D, règle 8. Plus tard, les geonim ont ouvertement enlevé
« à peu près toute valeur normative aux ’aggadot, qu’ils considéraient comme des opinions personnelles (…). »
(cf. Touati Ch., Prophètes, talmudistes, philosophes, Cerf, Paris, 1990, p. 40). Voir aussi Shiber Y., « Le statut
juridico halakhique du clone humain » (Heb.), ha-maagar ha-mishpati ha-israeli, <nevo.co.il>, pp. 5-37 :
« ‫» אין מורין הלכה מן ההגדות‬
79
L’éthique décrit, alors que la morale prescrit. L’éthique a pour objet le jugement d’appréciation en tant qu’il
s’applique à la distinction du bien et du mal. L’éthique distingue le bien et le mal. La morale est l’ensemble des
prescriptions admises à une époque et dans une société déterminée, l’effort pour se conformer à ces
prescriptions, l’exhortation à les suivre… Ainsi, on pourrait dire par exemple, qu’il existe une éthique commune
aux grecs et aux juifs puisqu’ils admettent les notions de bien et de mal, mais la façon de la concevoir ou de la
transmettre est différente. Ce dernier travail relèverait de la morale (cf. Dan Y., Hebrew Ethical and
Homilethical Literature (Heb.), Keter, Jérusalem, 1975, p. 15). Voir aussi Zafrani H., Éthique et Mystique,
Maisonneuve et Larose, Paris, 1991, p. 11. Pour un plus long développement sur la notion d’éthique voir et
Lalande A., Vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF, Paris, 1968, pp. 305-306.
80
En fonction des fils. Durant toute l’Antiquité, la femme ne peut pas perpétuer une famille. « Il n’est pas de
droit maternel : ni pouvoir successoral légitime, ni transmission du nom. Une femme se définit en droit comme
un sujet incapable de transmettre. Ainsi que l’énonce un aphorisme d’Ulpien, « elle est commencement et fin de
sa propre famille ». » (voir Thomas Y., « Le « ventre ». Corps maternel, droit paternel », La nature, 14, 1986, p.
226). En Grèce, seul le mariage permet à la femme de transmettre son patrimoine à ses enfants puisque la dot
leur est réservée. À Rome, seule l’épouse peut être mère. C’est dire qu’hors mariage une femme ne peut pas être
mater ou matrona. Ce n’est pas la maternité qui lui confère ce titre, mais bien le mariage, qui est l’institution
avec pour fonction la procréation. Ainsi, même en l’absence d’enfants, une épouse est mère, mater ou matrona.
Hors les liens du mariage, elle perd le titre.
81
Le père était en effet la clé de voûte de la vie d’une famille et sa maison (‫ )בית אב‬l’élément fondamental de la
société biblique (Safrai, Sh., Milet Everyman’s University Studies in Jewish History and Culture, Everyman’s
University, Tel-Aviv, 1983, p. 131). La centaine de personne sous le toit de la maison du père s’explique par le
fait qu’elle était composée du patriarche – bien sûr –, de sa femme et des enfants non encore mariés ; puis, le cas
échéant, s’ajoutaient les épouses des garçons, les petits-enfants (mâles) et leurs femmes ainsi que les serviteurs
37

Ajoutons que le statut de l’enfant tel qu’il apparaît dans la littérature aggadique et, d’une
façon générale, dans l’Antiquité, n’est pas sans conséquence sur l’idée qu’on peut se faire du
statut du fœtus. L’institution de l’enfant comme sujet est fonction du bon vouloir de son père
et du statut de ce dernier dans la société. Il a droit de vie ou de mort sur ses enfants. Ainsi, dès
le moment où l’enfant est séparé du ventre, on le présente au père qui, s’il le reconnaît comme
sien et l’élève, lui confère le droit de vivre ; sinon il sera exposé82, ce qui le condamnera à
l’esclavage ou à la mort. La naissance biologique doit donc se compléter par la
reconnaissance sociale, fait exclusif du père. En principe, en Grèce, cette reconnaissance
s’effectue au cours de la cérémonie des amphidromia83 ; à Rome, le rituel du liberum tollere y
pourvoit. Dès ce moment, l’enfant acquiert un nom et un statut : « L’enfant né et séparé de sa
mère attend à même le sol le verdict du paterfamilias. (...) Celui-ci peut accepter ou refuser le
fruit de sa femme. Souvenir d’une économie de subsistance, voire de disette périodique, la
motivation du père était de ne pas accepter de bouches inutiles. (...) Il s’approche de l’enfant,
le prend dans ses mains et l’élève dans ses bras. Ce faisant, il l’admet dans sa lignée. »84.
Dans le cas d’enfants présentant des malformations physiques, signes de la colère des dieux et
considérés comme maléfiques85, il ne s’agit plus simplement d’un droit pour le père mais bien
d’une obligation d’ordre religieux86, l’anormal mettant en danger la collectivité87.
Ce ne sera que tardivement, à la fin du 4ème siècle de notre ère, que l’exposition sera interdite
par le droit positif88. Quand déjà le droit à la vie du nouveau-né est en fonction de sa

avec leur famille et l’étranger, éventuellement, qui résidait parmi eux (Freedman, D.N., Eerdmans Dictionnary
of the Bible, Eerdmans Publishing Company, Cambridge, 2000, p. 457). Toutes ces personnes étaient, on s’en
doute, sous l’autorité quasi-absolue du père ; comme cela l’était chez la plupart des Sémites occidentaux à la
même époque (Reviv H., Mibet-av lemamlakha, Hebrew University Press, Jérusalem, 1979, pp. 22-23). Et plus
généralement sur la façon dont la culture évolue voir Kasher A. & Sadka R., « Constitutive Rule Systems and
Cultural Epidemiology », The Monist, 84, 3, 2001, pp. 437-448.
82
Un enfant exposé est un enfant qu’on abandonne, dont on dispose. D’après S. Adam, « Il était exposé au petit
jour et placé en évidence dans des endroits fréquentés ou à l’entrée des temples (...) ». (Adam S., Aspects
juridiques et sociaux de la maternité dans la Grèce ancienne et l’Égypte Gréco-romaine, Mémoire pour le
D.E.S. d’histoire du droit et des faits sociaux, Université de Paris II, 1977, p. 98).
83
Adam S., ibid., p. 94.
84
Si le père est absent, il peut mandater son agnat pour remplir son rôle et présider à la reconnaissance sociale.
Voir la thèse de Samet T., Le Droit des professions médicales et para-médicales à Rome, Institut de Droit
romain, Université de Paris II, 1987, p. 43.
85
Delcourt M., Stérilités mystérieuses et naissances maléfiques dans l’antiquité classique, Les Belles Lettres,
Paris, 1986, p. 65.
86
Voir Germain L.R.F., « Aspects du droit d’exposition en Grèce », Revue historique de droit français et
étranger, 47, 1969, pp. 177-197. Aucune règle semblable ne se retrouve chez les juifs à la même période, ni
antérieurement chez les Hébreux : « The Jewish tradition has always regarded premeditated infanticide as a
henious transgression. For Jews, unlike for many other peoples infanticide was ‘never socially accepted’. » Voir
L.S. Milner, « A brief history of infanticide », cité in Schiff D., Abortion in Judaism, Cambridge University
Press, Cambridge, 2002, p.21, n. 89. Cette pratique a en effet toujours été mal vue et l’on note justement des
passages de la Bible qui semble nous l’indiquer (Exode, 1, 17-20 et Ezéchiel, 4, 4-7).
87
Lorsque son enfant est bien conformé physiquement, d’après la légende, une disposition des lois de Romulus
limitait ce droit du père, qui se devait d’élever les enfants mâles et la première-née de ses filles (Villers R., Rome
et le droit privé, Albin Michel, Paris, 1977, p. 45).
38

reconnaissance sociale, on conçoit difficilement que le fœtus puisse jouir d’une protection
pour lui-même. On peut donc penser, avec Crahay, qu’il n’y a pas dans l’Antiquité de concept
« d’enfant à naître »89, c’est-à-dire associé à une législation dans le but de protéger la vie du
fœtus pour lui-même.
Rappelons enfin, qu’actuellement, en France, le statut légal de l’embryon et du fœtus n’est pas
très différent de la manière dont la pensée juive le conçoit : c’est-à-dire qu’il reste incertain
dans la mesure où la question de l’« homme » lui attenant reste ouverte, mais ces incertitudes
n’empêchent pas de lui accorder une protection juridique90.

Résumons : Dans toute la littérature légale (halakhique – responsa inclus) le fœtus n’est vu
qu’en fonction de différents domaines du droit ; dans toute la littérature aggadique le fœtus est
essentiellement imaginé à travers les théories de l’âme – dominantes à l’époque de la
rédaction des différents midrashim qui la composent – ou du moins par lesquelles les auteurs
de ces textes sont le plus convaincus ; mais ni dans l’une, ni dans l’autre, une définition de
l’homme n’a été recherchée.
L’étude du corpus juif nous permet donc de soutenir que le fœtus n’est pas pris en compte
autrement que dans différents cadres de la vie juive : les règles de pureté et les lois de
successions surtout et, plus tard, par rapport à la question de l’avortement91.

Notre étude sera articulée en trois parties. La première partie développe les concepts
susceptibles d’être relatifs au fœtus92. La deuxième partie analyse en détails toute la
législation qui le concerne : c’est là que l’on retrouvera surtout les notions de pureté/impureté,
succession et sacrifice relatives au fœtus ; cette deuxième partie se poursuit par la partie
diachronique (historique) de la suite du corpus juif où se dégagent différentes interprétations
quant aux problèmes que peut poser la question du fœtus. Ces différences sont le fruit d’une
divergence d’interprétation des sources et aussi, peut-être, on l’a dit, de différentes sensibilités
individuelles. Car, même si le texte biblique (nous pensons aux versets de références)
tranchait explicitement la question, il est fort à parier que différentes interprétations du texte
auraient quand même vu le jour.
88
Elle sera alors punie de la peine de mort. Voir l’article de Cuq E., « Exposition (Rome) » in Ch. Daremberg et
E. Saglio (eds.), Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Tome 2, Akademische Druck, Graz, 1969, p.
929.
89
Cf. Crahay R., « Les moralistes anciens et l’avortement », Antiquités classiques, 10, 1941, pp. 9-23.
90
Pour plus de détails voir Dreiffuss-Netter F., « Statut de l’embryon et du fœtus », Centre de documentation
multimédia en droit médical, Paris, 2004.
91
Peut-être à cause de l’augmentation du nombre des avortements et des connaissances sur le fœtus.
92
Certains concepts ne concernent pas au départ le fœtus.
39

La troisième et dernière partie (aggadique) – homilétique, imaginative, celle dont on a dit


qu’elle était plus « libre » – offre une spécificité irréductible aux deux autres moments : les
jeux de langage auxquels elle se livre, les rapprochements inattendus qu’elle opère de textes
empruntés à des contextes différents, apportent une dimension « artistique » à la pensée juive
qui éclaire la question du fœtus de façon originale.
40

Première partie : LE FŒTUS – LES CONCEPTS


41

Chapitre 1 : Le fœtus est comme la hanche de sa mère – ‘ubar yerekh ’imo (‫)עובר ירך אמו‬93

C’est un concept fondamental qui est déjà connu à l’époque talmudique puisque les
législateurs romains utilisent aussi cette expression – foetus pas veatris. Selon le Digeste, on
ne peut considérer « qu’avant d’être né l’embryon ait déjà été un homme »94 ; jusqu’à la
naissance, il est considéré comme un viscère de sa mère95. Ainsi, l’avortement n’est jamais,
juridiquement, assimilé à un homicide. La pratique en est d’ailleurs fréquente et on en trouve
trace dans les discours philosophiques96, les textes religieux97, les écrits médicaux98 et la
littérature99. Cette pratique ne constitue pas en soi un sujet d’inquiétude majeur. Elle rencontre
peu d’opposition, exception faite des restrictions qui visent plutôt à protéger les intérêts d’un
autrui, par exemple, on l’a vu, ceux du père ou de l’État.
Les tannaïm, quant à eux, utilisent cette expression à la fois pour le fœtus animal et humain et
dans différents contextes : celui de la propriété pour dire que le fœtus d’un animal fraîchement
acquis appartient également au nouveau propriétaire100 ; celui de la pureté pour signifier, par

93
Voir ‘ubar yerekh ’imo (‫ )עובר ירך אמו‬dans le glossaire. Nous traduisons, ici, cette expression en un sens plus
littéral, mais le reste du temps nous favorisons l’expression « fœtus viscère de sa mère ».
94
Voir Digeste, XXXV, 2.9.1 et Crahay R., « Les moralistes anciens et l’avortement », Antiquités classiques, 10,
1941, pp. 9-23.
95
Voir Digeste, XXV, 4.1.1 et Eyben E., « Family planning in graeco-Roman Antiquity », Ancient Society, 11-
12, 1980/81, p. 27.
96
« Socrate : Les accoucheuses savent encore, n’est-ce pas, par leurs drogues et leurs incantations, éveiller les
douleurs ou les apaiser à volonté, conduire à terme les couches difficiles et, s’il leur paraît bon de faire avorter le
fruit non encore mûr, provoquer l’avortement ? » (Platon, Théétète, 149c-d, traduit par A. Diès, cité par J.
Aubonnet in Aristote, Politique, VII, Les Belles Lettres, Paris, 1986, pp. 299-300).
97
Voir la Loi de Philadelphie : « Que ceux qui viennent en ce sanctuaire (…) jurent par tous les dieux de (…) ne
pas recourir aux philtres d’amour, aux drogues abortives, aux contraceptifs (…) Qu’un homme ou une femme
qui a commis les crimes ci-dessus n’entre pas dans ce sanctuaire (…). » cité in Gourevitch D., Le triangle
hippocratique dans le monde Gréco-romain : le malade, sa maladie et son médecin, Bibliothèque des écoles
Françaises, Palais Famèse, 1984, p. 260.
98
« Les filles publiques, qui se sont souvent exposées, (…) connaissent quand elles ont conçu ; puis elles font
mourir en elles le produit de la conception (…). » (Hippocrate, Des chairs, 19, Littré (ed.), VIII, p. 611) ; « Celle
qui a l’intention d’avorter, doit pendant les trois jours qui précèdent, prendre des bains prolongés, manger peu,
utiliser des pessaires émollients, s’abstenir de vin, puis faire pratiquer sur elle une saignée abondante. »
(Soranos, Gynécologie, I, 65, cité in Gourevitch D., Le mal d'être femme : la femme et la médecine dans la Rome
antique, Les Belles Lettres, Paris, 1984, p. 208.
99
Julie, la nièce de Domitien « délivrait de tant d’avortons sa matrice trop féconde et chassait les lambeaux de
chair qui ressemblaient à son oncle » (Juvénal, Satires, II, 32-33, cité in Gourevitch D., ibid., p. 210) ; « Les
femmes de la plèbe du moins acceptent les dangers de l’accouchement et toutes les peines qui sont le lot de la
femme qui allaite : leur pauvreté les y oblige. Mais sur un lit doré, on ne voit guère de femmes en couches, tant
sont efficaces les pratiques et les drogues qui rendent les femmes stériles et, pour un prix fixé d’avance, tuent les
enfants dans le sein de leur mère. » (Juvénal, ibid., VI, 591-600, cité in Gourevitch D., ibid., p. 195) ; « La
femme qui veut rester belle se blesse la matrice. » (Ovide, Nux, 23-24, cité in Gourevitch D., ibid., p. 210).
100
Cf. Baba Qama, 78a.
42

exemple, que l’impureté de la mère concerne aussi son fœtus101 ou celui de la vie sociale pour
indiquer notamment que la conversion d’une femme au judaïsme s’applique de juro à l’enfant
qu’elle porte102.
Notons quand même, à l’instar de E. Urbach, que cette expression n’apparaît pas dans les
sources tannaïtiques, ni dans le Talmud de Jérusalem, ni dans les énonciations des premiers
amoraïm babyloniens. Et dans la plupart des passages où elle se retrouve, c’est une formule
talmudique anonyme103. Mais il n’est pas exclu que cette expression était connue et même
utilisée vers la fin de la période tannaïtique (2ème siècle de notre ère).
Quant à leur conviction, quasiment tous pensent que le fœtus est un viscère de sa mère : « (…)
nous ne trouvons personne qui soutienne (…) l’opinion que l’embryon, encore dans le sein de
sa mère, est un corps distinct, et qui le considère comme une âme vivante [à part entière]. »104.
Certains rabbins semblent plutôt soutenir la théorie contraire, à savoir que le fœtus n’est pas
un viscère de sa mère :
‫ הא למדנו שהיא‬,‫ לפי שנאמר ויצאו ילדיה‬,‫ למה נאמר‬,‫ ונגפו אשה הרה‬,‫אבא חנין משום ר' אליעזר אומר‬
‫ תלמוד‬,‫ שומע אני יהא חייב‬,‫ שאם הכה על ראשה או על אחד מאיבריה‬,‫ ומה תלמוד לומר הרה‬,‫הרה‬
.‫ מגיד שאינו חייב עד שיכה במקום עוברה‬,‫לומר הרה‬
« Aba Ḥanin dit au nom de Rabbi Eliezer : « Et frappe une femme enceinte » ;
pourquoi l’Écriture énonce-t-elle cela ? Puisqu’il est dit : « et [que cela provoque] une
fausse couche », nous savons déjà qu’elle est enceinte. Pourquoi alors est-il dit
« enceinte » ? Si un homme l’a frappée sur la tête, ou toute autre partie de son corps, je
pourrais inférer qu’il est coupable ; le texte précise « enceinte », pour nous enseigner
qu’il n’est coupable que s’il la frappe là où se trouve son embryon. »105

Même si l’on croit comme V. Aptowitzer106 qu’Aba Ḥanin dit, au nom de Rabbi Eliezer, que
l’épisode de la femme enceinte (Exode, 21, 22) vise justement à statuer sur le fœtus en tant
qu’être à part entière et non comme un membre faisant partie de sa mère parce que si l’auteur

101
Cf. Nazir, 51a.
102
Cf. Yebamot, 78a/b. Voir aussi pour plus de détails sur les conditions d’application de ce principe l’article
d’Ellinson E., « ha-‘ubar ba-halakhah », Sinai, 66, 1969, pp. 27-29.
103
Voir la suite de la note 93 in Urbach E., Les sages d’Israël : conceptions et croyances des maîtres du Talmud,
traduit de l’hébreu par M.J. Jolivet, Cerf/Verdier, Paris, 1996, p. 800.
104
Urbach E., ibid., p. 254. La Bible latine (i.e. La Vulgate) propose une version du passage en Exode en accord
avec cette interprétation rabbinique classique : si la mère est toujours en vie « sed ipsa vixerit », une amende doit
être payée. Mais si la mère meurt des suites du coup « si autem mors eius fuerit subsecuta » alors l’agresseur doit
être mis à mort.
105
Mekhilta de-Rabbi Yishmael, maṣekhta di-nezikin, mišpaṭim, section 8. La traduction est tirée de E. Urbach,
ibid., n. 104, p. 801.
106
Cf. Aptowitzer V., « Observations in the Criminal Law of the Jews », Jewish quarterly Review, 15, 1924/25 ;
cité in Urbach E., ibid., pp. 800-801, n. 103.
43

avait voulu parler simplement de la femme enceinte en tant qu’entité indivisible, il aurait
plutôt parlé d’un coup qu’elle aurait subi sans mentionner les fœtus, on ne doit pas être amené
à penser pour autant qu’il lui confère le statut d’âme vivante (nefeš).
Selon E. Urbach ces rabbins ne se démarquent pas des autres mais veulent dire, par cette
précision, que l’agresseur ne sera accusé d’avoir provoqué cet avortement que si et seulement
s’il frappait le ventre de cette femme107.

Ainsi, même ceux qui considèrent le fœtus comme un être différent de la mère, ne voient pas
en lui, pour autant, une âme vivante (nefeš)108. On peut également reprendre la conclusion
d’Urbach sur ce concept : « Etant donné qu’on ne trouve aucun débat explicite entre les
tannaïm sur la question de savoir si l’embryon est ou non « viscère de sa mère », on peut
concevoir que le sujet constitua le fond de discussions diverses et conclure qu’un tanna ou un
autre fut de la même opinion que R. Yoḥanan109, à savoir que l’embryon « n’est pas la cuisse
de sa mère ». »110.
En un mot, on peut dire qu’il y a ceux qui voient la femme enceinte comme une entité
indivisible et les autres qui voient en elle deux entités111.
C’est donc autour de ce concept que s’articulent deux opinions divergentes. Il est fondamental
dans l’évolution de la pensée juive sur le statut du fœtus.
Cette approche opposée entraîne des conséquences différentes vis-à-vis de 1) l’indemnité pour
les fœtus et 2) la règle concernant la libération des esclaves :

1) Rabban Shimon ben Gamliel (T5) pense qu’en plus de la réparation pour coups et blessures
et perte éventuelle des fœtus (en tant que propriété du père), une indemnité doit être versée

107
Cf. Urbach E., ibid., n. 104 ; Urbach, toutefois, semble croire qu’Aptowitzer voyait le fœtus comme une âme
vivante (nefeš) puisqu’il affirme que « l’argument [de ce dernier n’est] recevable [que] si R. Eliezer [avait]
mentionné (…) qu’un homme qui frappe une femme enceinte sur l’abdomen et porte atteinte à l’embryon, dont
la forme est achevée, sera sûrement mis à mort. »
108
J’ajoute ici un argument valable pour les deux parties dans la mesure où l’on pourra tantôt dire que le fœtus
vit puis meurt rapidement et tantôt dire qu’il s’agit de simples spasmes. Il existe, donc, une règle talmudique qui
oblige d’extraire le fœtus d’une morte le plus vite possible après le décès de cette dernière (même le jour du
chabbat). Il était possible, déjà en 1971, de le sauver même vingt minutes après le décès de sa mère :
«.‫ אפשר להצילו ע"י נתוח קיסרי עד עשרים דקה אחרי מות האם‬,‫( » לדעת מומחים‬cf. Levi Y., « Sauver le fœtus d’une
morte » (Heb.), No‘am, 15, 1972, pp. 292). Cependant, il est possible que le fœtus extracté présente quelques
convulsions. Et les défenseurs du concept « fœtus viscère de sa mère » croient justement que ces « convulsions »
sont comparables à celles de la queue d’un lézard après qu’elle eût été coupée du reste de son corps. Ce qui, si
c’était vrai, retirerait tout statut d’âme vivante (nefeš) à ce fœtus (voir ‘Arakhin, 7a).
109
Yoḥanan ben Nappaḥa, amora de la deuxième génération ayant enseigné en terre d’Israël.
110
« R. Elazar (AI3) partage avec R. Yoḥanan l’opinion (…) que le fœtus n’est pas la cuisse de sa mère »
(Temura, 19a) ; voir également la note 111 in Urbach E., ibid., p. 802.
111
Cf. TJ, Baba Qama, chapitre 5, page 5, colonne A, règle 5 : .‫ ; עוברין אין יוצאין בשן ועין של אימן‬voir aussi Baba
Qama, 49a et 78b ; Yebamot, 78a ; Nazir, 51a ; Giṭṭin, 23b ; Sanhedrin, 80b ; Ḥullin, 19a ; Temura, 25a.
44

pour la perte des fœtus en tant qu’être à part entière – i.e. pour eux-mêmes. Par opposition aux
autres qui ne voient dans la perte des fœtus qu’un dommage économique à l’égard du père et
esthétique à l’égard de la mère112.
2) Si l’on considère que le fœtus est un être différent de la mère, alors celui d’une esclave
affranchie n’est pas libéré avec elle113 :
.‫רבי יסא בשם רבי יוחנן עוברין אין יוצאין בשן ועין‬
« Rabbi Issa, au nom de Rabbi Yoḥanan, rapporte que l’ont ne peut pas affranchir les
fœtus par le biais de la mère. » n.t.

Ainsi, pour les rabbins qui voient le fœtus comme un être différent de la mère, la libération
d’une esclave ou d’une servante enceinte n’implique pas celle de son fœtus ; alors que pour
les autres cet affranchissement vaut pour les deux.

112
Si elle a perdu de sa valeur marchande à cause du coup qu’elle a reçu.
113
TJ, Baba Qama, chapitre 5, page 5, colonne A, règle 5.
45

Chapitre 2 : Le « détachement du fœtus » – ‘aqirat ha‘ubar (‫)עקירת העובר‬

Les amoraïm accordent au fœtus deux statuts différents qui correspondent à deux stades
majeurs dans l’évolution de la grossesse :
Le premier où le fœtus est totalement assimilé à la mère – de la fécondation aux contractions
précédant la naissance – et le deuxième où il n’est plus considéré comme une partie du corps
de la mère et pas encore comme une âme vivante – toute la durée du travail jusqu’à la
naissance – Le début de ce deuxième stade est appelé par les amoraïm « le détachement du
fœtus ». C’est, avec celui de « fœtus viscère de sa mère », l’autre concept fondamental relatif
au statut du fœtus.
Les amoraïm attribuent ainsi au fœtus une certaine importance avant sa naissance dans la
mesure où, par exemple et comme nous l’avons déjà vu, on n’exécute pas une femme enceinte
condamnée à la peine capitale si elle est « assise sur le siège » i.e. en travail. On reporte le
moment de son exécution parce que son fœtus est sur le point de naître. C’est la raison pour
laquelle il est mentionné dans la Mishna (voir plus haut) qu’un délai est accordé à la femme
enceinte condamnée à mort afin qu’elle puisse accoucher, à condition, bien sûr, que la
naissance soit imminente.
Précisons ce qu’est une femme « sur le point d’accoucher ». Certains amoraïm considèrent
qu’à partir du moment où le fœtus va naître c’est qu’il s’est « détaché » (‫ )עָ קַ ר‬de l’utérus.
Ils pensent ainsi que ce deuxième stade de la grossesse (i.e. le moment où la femme est en
travail) correspond à un arrachement du fœtus de sa position et, que dès lors, il ne fait plus
partie de la mère114.
Ainsi, il devient possible de repousser l’application de la peine ; autrement, le fœtus mourrait
avec elle bien sûr :
Talmud de Babylone, ‘Arakhin, 7a
.‫ גופא אחרינא הוא‬,‫"ישבה על המשבר וכו'" – מאי טעמה? מכוין דעקר‬
« « Elle est sur le point d’accoucher etc. ». Pour quelle raison [la Mishna nous dit
cela] ? Parce qu’il s’est arraché, c’est un autre corps. » n.t.

114
Cf. ‘Arakhin, 7a.
46

Cela étant dit, le fœtus est encore à l’intérieur du corps maternel et peut donc être, malgré
tout, considéré comme faisant partie de lui. C’est la raison pour laquelle on trouve dans la
Tosefta une condition supplémentaire afin de considérer le fœtus comme un être différent de
sa mère : les auteurs de la baraïta suivante estiment que le fœtus doit avoir sorti sa main en
dehors du corps de la mère. En effet, ils affirment que même le « détachement » du fœtus ne
suffit pas à reporter l’application de la peine, parce qu’il faut que le fœtus ait sorti un membre
(même si ce n’est pas la tête) :
Tosefta, ‘Arakhin, chapitre 1, règle 4
.‫האשה שיוצאה ליהרג הוציא עובר את ידה ממתינין לה עד שתלד‬
« Si le fœtus d’une femme condamnée à la peine capitale a sorti sa main, l’on attendra
qu’elle accouche. » n.t.

En un mot, pour que le fœtus puisse être vraiment considéré comme détaché du corps de sa
mère, il est nécessaire que l’on puisse le voir.
47

Chapitre 3 : La naissance et la notion du « poursuivant/agresseur » – rodef (‫)רודף‬

Maintenant, si le fœtus est prêt à naître mais que la femme rencontre des difficultés pour
accoucher, on a le devoir de tout faire pour la sauver y compris de « mettre en pièce le
fœtus »115 ; sauf si le fœtus est considéré comme né116. Car le fœtus acquiert alors le même
statut que celui de sa mère – i.e. celui d’âme vivante (nefeš) – et il est par conséquent interdit
de lui porter atteinte :
Mishna, Aholot, 7, 6
‫האשה שהיא מקשה לילד מחתכין את הולד במעיה ומציאין אותו אברים אברים מפני שחייה קודמין‬
.117‫ שאין דוחין נפש מפני נפש‬,‫ יצא רובו – אין נוגעין בו‬,‫לחייו‬
« Une femme qui a du mal à accoucher, on coupe le fœtus en morceaux118 dans
l’utérus et on les en extrait car la vie [de la femme] l’emporte sur celle [du fœtus] ;
[mais] s’il est sorti en majorité on ne le touche pas parce qu’une âme vivante ne
l’emporte pas sur une autre119. » n.t.

Il est également mentionné que le praticien « assermenté » ayant, maladroitement, tué la mère
lors de cette opération, ne sera qu’exilé, comme quiconque ayant commis un homicide
involontaire :
Tosefta, Makot, 2, 5
‫שליח בית דין שהיכה ברשות בית דין הרי זה גולה רופא אומן שריפא ברשות בית דין הרי זה גולה‬
.‫המחתך את העובר במעי עשה ברשות בית דין והרג הרי זה גולה‬

On peut se demander pourquoi on autorise l’élimination du fœtus après le stade de son


« détachement » qui retarde, on l’a vu, l’exécution de la condamnée à la peine capitale. C’est
que le point évidemment central est la survie de la mère. C’est-à-dire, qu’il est permis

115
Même le jour du chabbat, cf. Tosefta, Yebamot, chapitre 9, 5 ; par ailleurs, « tant qu’il n’est pas sorti à l’air du
monde, ce n’est pas une personne. » (‫ )כל זמן שלא יצא לאויר העולם לאו נפש הוא‬in commentaire de RaSHi sur yaca’
ro’šo (‫ )יצא ראשו‬dans le traité Sanhedrin, 72b.
116
Les moments précis au cours des différentes naissances possibles où le fœtus acquiert justement un statut
juridique similaire à celui de sa mère sont mentionnés plus bas.
117
Cf. Šulḥan ’arukh, (‫)חו"פ‬, § 425, alinéa 2.
118
Ce « procédé » existe encore aujourd’hui : voir l’affaire Stenberg vs Carhart 530 US 914 (2000) pour une
interdiction de cette pratique dans l’État du Nebraska.
119
Cela signifie qu’aucune vie humaine n’a plus de valeur qu’une autre. Voir Elon M. (ed.), The Principles of
Jewish Law, Jérusalem, 1974, pp. 525-526 et Zevin S.Y. (ed.), Encyclopedia Talmudica, Vol. 2 : « On ne
supprime pas une vie au profit d’une autre » (Heb.), Yad ha-Rav Herzog, Jérusalem, 1969, p. 3.
48

d’éliminer un fœtus au-delà du stade de son « détachement » parce qu’il menace précisément
la vie de sa mère. Se dégage de là l’idée que ces règles sont le fruit d’une certaine souplesse
d’esprit dans la mesure où elles tiennent compte, à la fois, de la nécessité de l’application
d’une loi (1\ la condamnation d’une femme ; 2\ l’interdiction d’éliminer une vie pour en
sauver une autre) et des « complications » de la réalité (1’\ un enfant est sur le point de naître ;
2’\ devoir choisir entre l’élimination d’un fœtus sur le point de naître ou le décès probable de
sa mère). Ainsi, contrairement à l’avis de V. Aptowitzer, nous ne voyons pas dans l’argument
du « détachement » du fœtus pour retarder l’exécution de sa mère une influence de la pensée
hellénistique de la « forme » du fœtus mais plutôt le signe d’une ouverture d’esprit et d’une
attitude pragmatique vis-à-vis de la réalité120.

Les tannaïm, contrairement aux catholiques bien plus tard, n’adoptent pas la théorie que l’on
nomme aujourd’hui celle du « double effet ». Parce qu’ils ne permettent pas d’accomplir un
acte « moral » (i.e. sauver l’enfant) s’il entraîne assurément une catastrophe – i.e. la mort de la
mère121.
Et nous sommes d’accord avec D. Hed pour dire que cette doctrine est incapable de
déterminer le choix entre la survie de la mère et celle du fœtus car tout dépend précisément de
l’intention du praticien, puisque l’« acte moral » peut être aussi bien de sauver la mère que de
sauver l’enfant, et « les conséquences fâcheuses indésirables » peuvent être aussi bien la mort
de la mère que celle du fœtus :
« Elle [la théorie du « double effet »] ne présente pas de caractéristiques pour distinguer entre
les conséquences directes et les conséquences indirectes d’une façon indépendante de
l’intention du praticien ; ainsi, il est possible de s’en servir indifféremment pour justifier les
deux possibilités qui s’opposent [la survie de la mère ou celle de l’enfant] »122.

120
V. Aptowitzer semble expliquer l’argument du « détachement » du fœtus pour retarder l’exécution de sa mère
par une certaine influence de la pensée grecque, via Philon, vis-à-vis de la « forme » du fœtus : ce
« détachement » correspondrait au stade où le fœtus est complètement formé et où il est donc interdit de
l’éliminer : « .‫ וזה כדברי פילון‬.(...) "‫( וטעם הדין השני "כיון דעקר גופא אחרינא הוא‬...) » (Aptowitzer, « The Status of the
Embryo in Jewish Criminal Law » (Heb.), Sinai, 11, 1942, p. 5).
121
Alors que la théorie du « double effet » l’autorise justement. C’est-à-dire qu’il est permis d’accomplir un acte
« moral » bien qu’il entraîne des conséquences fâcheuses indésirables, même la mort de la mère pour ce qui nous
concerne. Voir à propos de ce principe Ph. Foot, « The Problem of Abortion and the Doctrine of Double
Effect », in Ph. Foot, Virtues and Vices, Blackwell, Oxford, 1978, pp. 19-32. Cette opposition ressemble à celle
qui sous-tend philosophiquement le conseil d’Hillel : « Ce que tu hais, ne le fais pas aux autres » (Shabbat, 31a)
et celui qui se trouve dans les Évangiles : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le
de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. » (Matthieu, 7, 12 ; voir aussi Luc, 6, 31).
122
Cf. Hed, D., « ‘Ubarim kebney-’adam », in ’Etiqah urfu’ah, chapitre 5, dans la série « l’université
diffusée » (‫ )אוניברסיטה משודרת‬publié par le Ministère israélien de La Défense, 1989, p. 59.
49

En résumé, disons qu’en cas de complication, la vie de la mère l’emporte toujours sur celle du
fœtus sauf si la majeure partie de son corps est déjà sortie puisqu’il acquiert à ce moment là le
statut d’âme vivante (nefeš)123.

Voyons maintenant ce que les tannaïm entendent par « la plus grande partie [du fœtus] est
sortie » (‫)יצא רובו‬124 :
Cette expression n’est pas claire et demande à être explicitée125. Disons qu’il est possible de
distinguer deux situations classiques quant à la naissance d’un enfant : la première peut se
faire par la tête et la deuxième peut s’opérer par ce qu’il est communément admis d’appeler le
siège126. Si le fœtus se présente par la tête c’est le front qui constitue la majorité127 dont il est
question ici : c’est-à-dire qu’à partir du moment où l’on voit son front, il n’est plus permis de
lui porter atteinte fut-ce pour sauver la mère, puisqu’il est interdit d’ôter une vie pour en
sauver une autre. Et si le fœtus se présente autrement que par la tête (par le siège par
exemple), c’est le nombril qui constitue la majorité.
En un mot, pour qu’un enfant soit considéré comme né, il faut que la majeure partie de son
corps soit sortie. Cette dernière peut être définie de deux manières :

1) Soit son front est visible,


2) Soit son corps est sorti au delà du nombril.

Donc, si le front ou le nombril du fœtus sont visibles lors de l’accouchement, il n’est plus
possible d’éliminer le fœtus en faveur de sa mère :
Mishna, Nidda, 3, 5
.‫ ואיזהו רב ראשו? משתצא פדחתו‬.‫ עד שיצא רב ראשו‬,‫ יצא כדרכו‬.‫ הרי הוא כילוד‬,‫משיצא רבו‬
« À partir du moment où il est sorti en majorité, il doit être considéré comme né ; à
condition – s’il sort « normalement » – que la majorité de sa tête soit sortie, c’est-à-
dire à partir du moment où le front est apparent. » n.t.

123
La naissance est, pour reprendre les mots de V. Aptowitzer, « la limite qu’a fixée la nature [pour faire du
fœtus] un « homme » – ‫)…( – איש‬. » (Aptowitzer, ibid., p. 4).
124
Mishna, Aholot, 7, 6.
125
Cf. D. Hoffman, responsa : Melamed leho‘il, yoreh de‘ah, § 69 ; et Maïmonide, Hilkhot roceaḥ, chapitre 1,
règle 9.
126
D’autres cas existent mais ces deux cas suffisent pour comprendre le texte et établir les règles.
127
Voir aussi TJ, Nidda, chapitre 2, page 50, colonne B, règle 7 :
.‫( עד שיצא רוב ראשו אי זהו רוב ראשו משתצא פדחתו‬...) ‫זה כילוד‬
Et in Nidda, 29a Rabbi Yossi (AI4) pense que le critère est les tempes alors que d’autres pensent qu’il s’agit de
la calotte crânienne simplement.
50

Il existe même une version encore plus exigeante vis a vis des conditions à remplir pour qu’il
ne soit plus permis de favoriser la mère. Certains amoraïm Palestiniens ont ajouté que ces
deux conditions étaient nécessaires pour considérer qu’un fœtus est sorti du ventre de sa mère
et lui attribuer, de ce fait, le statut d’âme vivante. Ils ont donc exigé que la tête et la majorité
de son corps soient visibles pour accorder au fœtus le même statut que celui de sa mère :
Talmud de Jérusalem, Sanhedrin, chapitre 8, page 26, colonne C, règle 9
.‫יצא ראשו ורובו אין נוגעין בו שאין דוחין נפש מפני נפש‬
« Si sa tête et la majorité de son corps sont sortis, on ne le touche pas parce qu’une vie
ne l’emporte pas sur une autre. » n.t.
51

La notion du poursuivant/agresseur – rodef (‫)רודף‬128

Cette limite au-delà de laquelle il n’est plus permis de toucher à l’enfant inclut également une
autre notion développée plus tard par Maïmonide selon laquelle le fœtus est vu comme un
« poursuivant/agresseur »129 mettant en danger la vie de sa mère. Cette situation est résumée
dans la notion du « poursuivant » :
Il serait donc permis d’avorter une femme même sur le point d’accoucher (jusqu’à la limite
précédemment citée évidemment) dans la mesure où son enfant constitue un danger pour elle :
ne pas épargner la vie du « poursuivant » fait partie des commandements négatifs130.
Considérons à présent le cas d’une grossesse gémellaire où l’un des fœtus est en danger de
mort qui, de ce fait, met en danger la vie de la mère. Alors, le cas échéant, il est permis de
supprimer le fœtus malade et même celui qui ne l’est pas pour ne pas exposer la mère à un
danger de mort. Et ce jusqu’au stade ultime de la grossesse. C’est le sens de l’interprétation de
Sforno sur le verset131 :
.‫יְהוָ ה‬-‫כֵּן לָמָּ ה זֶּה אָנֹ כִ י וַ תֵּ לֶ� לִ ְדרֹשׁ אֶ ת‬-‫וַ יִּ תְ רֹצְ צוּ הַ בָּ נִים בְּ ִק ְרבָּ הּ וַ תֹּ אמֶ ר אִ ם‬
« Comme les fils s’entrechoquaient132 dans son sein, elle dit : « S’il en est ainsi,
pourquoi moi ?133 » Et elle alla consulter l’Éternel. »

.‫ויש לחוש שמא ימות אחד מהם ]מן המתרוצצים[ ואסתכן אני בלידה‬
« L’on peut craindre que l’un d’eux [des fœtus qui s’agitent] meure et je m’expose
alors au danger [notamment] lors de l’accouchement. » n.t.

Cela étant dit, la notion du « poursuivant » est assez limitée dans le cadre de l’avortement.
Pour qu’il soit permis d’éliminer l’agresseur (en état donc de légitime défense) il faut que ce
dernier soit réellement l’auteur de l’agression, ce qui n’est pas vrai du fœtus puisqu’il n’est
pas né et qu’il n’a donc pas choisi de le faire. Les Sages du Talmud rejettent ce raisonnement
et considèrent que ce serait plutôt « le ciel » (‫ – )דמשמיא קא רדפי לה‬la « nature » dirons-nous
aujourd’hui – qu’il faudrait incriminer le cas échéant :

128
Voir rodef (‫ )רודף‬dans le glossaire.
129
Pour faciliter la lecture nous retiendrons que le terme « poursuivant » pour parler du rodef au lieu de
« poursuivant/agresseur ».
130
Cf. Maïmonide, Hilkhot roceaḥ wešmirat hanefeš, chapitre 1, règle 9.
131
Genèse, 25, 22.
132
Les commentaires sur ce terme (traduit aussi par « s’agitaient »), qui attribuent une vie consciente à
l’embryon, viennent de R. Yoḥanan, R. Shimon ben Laqish et R. Levi. Cf. Urbach E., ibid., p. 255.
133
Traduction, ici, littérale de l’hébreu « ‫» למה אנוכי‬, c’est-à-dire « pourquoi est-ce à moi à qui cela arrive ? ».
52

Talmud de Babylone, Sanhedrin, 72b


‫ לא שנא גדול ולא שנא‬,‫ רודף אינו צריך התראה‬:‫ קסבר‬.‫ קטן הרודף ניתן להצילו בנפשו‬:‫אמר רב הונא‬
?‫ ואמאי‬.‫ לפי שאין דוחין נפש מפני נפש‬,‫ יצא ראשו – אין נוגעין בו‬:‫ איתיביה רב חסדא לרב הונא‬.‫קטן‬
.‫ דמשמיא קא רדפי לה‬,‫רודף הוא! – שאני התם‬

On peut également objecter qu’il est permis de tuer le fœtus même une fois sorti du ventre de
sa mère car un « poursuivant », selon la règle, reste un « poursuivant » : « If the operative
principle in therapeutic abortion is indeed the pursuer principle, then there should be no such
limit on sacrificing the fetus for the sake of its mother. The emergence of the fetus from the
womb should make no difference to its categorization as a pursuer: once a pursuer, always a
pursuer! »134.
C’est pourquoi il est important, avec la question du fœtus, de prendre en compte la notion de
l’intention : on peut dire qu’il existe un danger « en soi » (« an objective pursuit »135) et un
danger « délibéré » i.e. quelqu’un qui fait volontairement courir un danger à une autre
personne136.
Il est évident que le fœtus ne peut être qu’un danger « en soi », à moins de lui reconnaître la
faculté d’entreprendre et de lui accorder de ce fait le statut d’âme vivante (nefeš).
Maïmonide se sert quand même de la notion du « poursuivant » pour élaborer une justification
de l’avortement thérapeutique137 mais n’accorde pas au fœtus le statut légal d’âme vivante
(nefeš) et le considère comme un danger « en soi ».
Se pose alors la question de savoir comment Maïmonide, qui ne considère pas le fœtus
comme une âme vivante, peut le comparer à un « poursuivant » ? La réponse tient d’une part
dans le fait qu’il n’est question que d’une comparaison (‫ « כְּ רודף‬comme un poursuivant » ou
« comparable à un poursuivant ») et seulement bien sûr pour insister sur le fait que la vie de la

134
Sinclair D., Jewish Biomedical Law: Legal and Extra-legal Dimensions, Oxford Univ. Press, New York,
2003, p. 31. Le rabbin Y. Epstein est également du même avis, à savoir que l’argument du « poursuivant » pour
éliminer un fœtus qui menacerait la vie de la mère n’est pas recevable, parce que s’il l’était, que nous importe,
alors, de savoir si le fœtus a sorti la tête ou non ? La vraie raison pour laquelle il est permis de le faire c’est que
« le fœtus n’est pas encore une personne » (cf. Epstein Y., ’Arukh ha-šulḥan, ḥošen mišpaṭ, § 425, alinéa 7,
Jérusalem, 1962).
135
Voir Soloveitchik H., Ḥidušey rabi ḥayim ha-levi, hilkhot roceaḥ, 1, 9, New York, 1936 sur cette notion.
136
Sanhedrin, 74a. Voir aussi Frimer I. D., « L’intention dans la règle du poursuivant/agresseur »
(‫)בירור כוונת רודף‬, ’or ha-mizraḥ, 32, 1984, p. 309.
137
Voir là-dessus Roberg N., « Therapeutic Abortion », in N. Rakover (ed.), Jewish Law and Contemporary
Legal Problems, The Library of Jewish Law, Jérusalem, 1984, pp. 233-241.
53

mère l’emporte sur celle du fœtus quand elles s’opposent l’une à l’autre.138 Comparaison qui
corrobore le fait que le fœtus soit, le cas échéant, un danger « en soi »139.

138
C’est probablement l’idée, ici, de Maïmonide de comparer le fœtus à un « poursuivant » lorsqu’il menace la
vie de sa mère qui a conduit H. Soloveitchik à dire que le fœtus est un « demi poursuivant » parce qu’il n’a le
statut que d’une « demi personne » (cf. Soloveitchik H., Ḥidušey rabi ḥayim ha-levi, hilkhot roceaḥ, New York,
1936 ; cité in Schiff D., Abortion in Judaism, p. 109, n. 57). M. Washofsky exagère donc un peu lorsqu’il
affirme que cette conception du fœtus dans le cadre de la règle du « poursuivant » n’a jamais été pensée avant H.
Soloveitchik : « These are unprecedented concepts of Jewish law, for while the Talmud and the posqim speak at
length of the ‘pursuer’ and the ‘person’, never before has it been suggested that one can be ‘a pursuer who is
not a full pursuer’ or ‘a person who is not a full person’. » (Washofsky M., « Abortion and the Halakhic
Conversation », in Jacob W. & Zemer M. (eds.), The Fetus and Fertility in Jewish Law, Rodef Shalom Press,
Pittsburgh, 1995, pp. 50-51 ; cité in Schiff D., ibid., p. 111). L’apport de Soloveitchik est pour ainsi dire plus
formelle que conceptuelle, et nous pencherons donc davantage vers D. Schiff sur ce point : « Soloveitchik’s
alleged (…) ‘innovation’ is only different in degree – not manner – from some Soloveitchik’s predecessors who
essentially built ‘partial rodef’ arguments based on the fetus being ‘like a rodef’. » (Schiff D., ibid., p. 112).
139
À propos du caractère rabbinique de l’interdiction de l’avortement, voir aussi : Feldman D., Marital
Relations, Birth Control and Abortion in Jewish Law, New York, 1974, p. 276 ; Bleich J.D., « Abortion in
Halakhic Literature », in Rosner F. & Bleich J.D. (eds.), Jewish Bioethics, Hebrew Pub. Co., New York, 1979,
pp. 147-152 et Sinclair D., Tradition and the Biological Revolution, Edinburgh, 1989, p. 29.
54

Chapitre 4 : Qu’entend-t-on par bar qayama’ (‫? )בר קיימא‬

4.1. La notion de viabilité (bar qayama’) par rapport au fœtus humain.

Le verset biblique introduit deux possibilités suite au coup subi par la femme enceinte140.
Cependant, on ne sait pas précisément qui est concerné par le malheur (i.e. la mort) mentionné
dans le texte. On peut en effet penser que la femme comme les fœtus sont concernés par ce
malheur141.
Mais, à l’instar des tannaïm, nous optons pour une interprétation concernant la femme. Ils ont,
pour nous en convaincre, mentionné un autre verset de l’Exode où il est également question
de quelqu’un qui blesse mortellement quelqu’un d’autre :
Exode, 21, 12
.‫מַ כֵּה אִ ישׁ וָמֵ ת מוֹת יוּמָ ת‬
« Quiconque frappe un homme et celui-ci meurt, sera mis à mort. »

Le texte utilise le terme « homme » (‫ )איש‬pour montrer, selon eux, qu’il est question d’âme
vivante (nefeš) et non d’un fœtus.
L’auteur du Ṣifra envisage même l’hypothèse d’inclure les avortons142 au principe d’être
humain ayant prouvé sa viabilité (bar qayama’), mais la réfute aussitôt en insistant sur le sens
du terme « homme », qui implique justement une existence assurée que n’a pas
nécessairement l’avorton (nefel)143. Il précise, en plus, que certains avortons ne sont même
pas viables144 :

140
Welo’ yihyeh ’aṣon (‫ « )ולא יהיה אסון‬s’il n’y a pas de malheur » et we’im ’aṣon yihyeh (‫ « )ואם אסון יהיה‬s’il y a
malheur ».
141
Cela voudrait dire d’une part que si la femme ou les fœtus sont blessés, l’agresseur paiera une amende au
mari aux taux des magistrats et d’autre part que si la femme ou les fœtus meurent, l’agresseur sera passible de la
peine la plus lourde.
142
La différence entre le fœtus et l’avorton, comme nous venons de le voir, c’est que ce dernier est sorti du corps
de la mère ; et les anciens rabbins doivent, à cause de cette différence, statuer sur l’avorton. Les Tossafistes, plus
tard, se sont servis de cette différence et du statut de l’avorton pour argumenter en faveur d’une souplesse à
l’égard de l’avortement provoqué (voir infra p. 58).
143
Une existence ou une viabilité pas assurée au point que certains prématurés sont considérés, d’un point de vue
halakhique, comme un « corps inerte » (‫ )כגוף דומם‬ou comme une « pierre » (‫ ; )כאבן‬voir sur ce dernier point la
baraïta in Shabbat, 135a (infra p. 247 et surtout les notes 845 et 846 de la même page).
144
Le phénomène n’était pas si rare puisque, durant l’Antiquité, les femmes enterraient leurs avortons dans un
petit monticule de terre près de la ville (Tosefta, Aholot, 16, 1). Par ailleurs, les avortons mâles étaient aussi
55

Ṣifra, ’emor, chapitre 20, § 1


‫ יצאו נפלים שאינם‬,‫ מה איש מיוחד שהוא בן קיימא‬,‫ ת"ל איש‬,‫יכול אפילו הכה את הנפלים יהיה חייב‬
.‫בני קיימא‬
« On aurait pu croire que l’agresseur est passible aussi [de la peine capitale] s’il cause
la perte d’avortons. [Et bien non,] car il est écrit dans la Torah « un homme » pour
nous enseigner que ce qui caractérise un « homme » c’est qu’il a prouvé sa viabilité.
Des avortons ne sont [même] pas viables. » n.t.

On voit bien que ben qayama’145 est une expression au sens variable en fonction de ce dont on
parle. En effet, lorsqu’on en parle à propos du fœtus, cette expression signifie qu’il s’agit d’un
fœtus viable ou vu comme tel, mais lorsqu’on en parle à propos de celui qui est sorti du corps
de sa mère, c’est pour signifier qu’il s’agit de quelqu’un ayant prouvé sa viabilité.
On voit bien également par ailleurs que le terme « avorton » mérite lui aussi d’être explicité.
Dans tous les cas il signifie le statut du fœtus expulsé avant terme ; mais il peut désigner aussi
un prématuré aussi bien viable que mort.

A présent, lorsqu’on affirme que « quiconque frappe un homme » (‫ )מַ כֵּה אִ ישׁ‬ne concerne que
l’homme de sexe masculin et exclut par conséquent les femmes et les enfants, cela est en
contradiction avec l’expression d’« âme vivante humaine » (‫אָדם‬
ָ ‫ )נֶפֶ שׁ‬en Lévitique qui
repousse cette hypothèse et comprend quiconque, à condition qu’il soit justement vivant :
Lévitique, 24, 17
.‫אָדם מוֹת יוּמָ ת‬
ָ ‫נֶפֶ שׁ‬-‫וְ אִ ישׁ כִּ י ַיכֶּה כָּל‬
« Et l’homme qui frappe [à mort] toute âme vivante humaine sera mis à mort. » n.t.

Afin d’élaborer ce concept d’être humain ayant prouvé sa viabilité (bar qayama’), les
différentes générations de tannaïm essaient d’isoler ce qui caractérise précisément le statut
d’un tel être146 ; ce qui ne les empêche pas d’utiliser cette même expression pour ne parler que
de la viabilité d’un fœtus – i.e. de l’être qui n’est pas encore sorti du ventre de sa mère :

nombreux que les femelles (Bekhorot, 20b) et il est rapporté également que les païennes enterraient les leurs
dans « la chambre des menstrues » (‫ )בית המיוחד לנשים נידות‬cf. l’explication de H. Albeck sur beyt haṭum’ot
(‫ )בית הטומאות‬in Mishna, Nidda, 7, 4, Vol. 6 : Ṭahorot, p. 397) :
.‫ מפני שהם קוברין שם את הנפלים‬,‫ מטמאין באהל‬,‫בית הטמאות שלכותים‬
Voir aussi Rosenzweig A., Das Wohnhaus in der Mishnah, Lamm, Berlin, 1907, p. 84. De plus, les fœtus qui ne
sont pas viables ne survivent généralement pas, même en couveuse (P. Zbiḥi, responsa : ‘Aṭeret paz, Vol. 1, § 2).
145
Ce concept s’énonce généralement plutôt en araméen – bar qayama’ (‫ ; )בר קיימא‬il s’agit évidemment de la
même notion.
146
En établissant toujours leurs réflexions sur des versets bibliques.
56

Ainsi, dans la Mekhilta de-Rabbi Yishmael – toujours sur la base du premier verset biblique
(Exode, 21, 12) – l’auteur explique, comme celui du Ṣifra, que les fœtus (même âgés de huit
mois)147 sont également inclus dans la définition de l’avorton (nefel). Si bien qu’il ne les
considère pas comme des êtres ayant prouvés leur viabilité :
Mekhilta de-Rabbi Yishmael, mišpaṭim, section 4
.‫ מגיד שאינו חייב עד שיהרוג בן קיימא‬,‫ ת"ל מכה איש‬,‫שומע אני אף בן שמונה במשמע‬
« J’aurais pu comprendre que le fœtus de huit mois est inclus [dans « toute âme
vivante humaine » (kol nefeš ’adam).] [Et bien non,] car il est écrit dans la Torah « un
homme » pour nous enseigner que l’agresseur n’est pas passible [de la peine capitale]
à moins qu’il tue quelqu’un ayant prouvé sa viabilité. » n.t.

Certains amoraïm Palestiniens s’appuient sur le deuxième verset148 pour affirmer que le fœtus
né avant terme est exclu de la définition de l’être ayant prouvé sa viabilité puisque le terme
« homme » (’adam) ne peut pas inclure les avortons.
Et des amoraïm Babyloniens ont ajouté dans ce sens que si l’auteur de la Loi avait voulu
inclure les avortons149, l aurait préféré le terme « être qui vit »150 sans autre précision :
Talmud de Babylone, Sanhedrin, 84b
.‫ צריכי‬,‫ אפילו בן שמונה‬,‫ הוה אמינא אפילו נפלים‬,‫ואי כתב רחמנא כל מכה נפש‬
« Si le Miséricordieux avait écrit « quiconque frappe un être qui vit », on aurait pu y
inclure151 les avortons, même ceux âgés de huit [mois]. [Ce dernier point] est une
précision nécessaire152. » n.t.

Si la tradition rabbinique inclut également les fœtus âgés de huit mois parmi les avortons et
n’accorde donc pas non plus au fœtus le statut d’âme vivante, c’est parce que le texte en
Lévitique parle d’« âme vivante humaine » (nefeš ’adam) et pas d’« être qui vit » tout court.

147
Voir ben šmonah ḥodašim (‫ )בן שמונה חדשים‬dans le glossaire.
148
Lévitique, 24, 17.
149
RaSHi ajoute que les avortons dont il est question dans cet extrait de la gemara concernent aussi le fœtus âgé
de neuf mois avec la tête fermée (cf. ’aṭum (‫ )אטום‬dans le glossaire) et le fœtus avec deux colonnes vertébrales
qui ne peuvent pas survivre (Sanhedrin, 84b) : .‫ או שיש לו שני גבין דלא חיי‬,‫כגון בן תשעה וראשו אטום‬
150
Pour rendre ce passage cohérent, il nous semble nécessaire de comprendre le terme nefeš, ici, comme
l’expression d’un être vivant quelconque tel un animal des bois par exemple ; mais pas comme le sens de
l’expression « âme vivante » que nous avons explicitée plus haut (voir p. 29 note 50).
151
Cf. hawah ’amina’ (‫ )הוה אמינא‬dans le répertoire.
152
Cf. crikhi (‫ )צריכי‬dans le répertoire.
57

Quoiqu’il en soit, le Talmud n’admet pas de viabilité au fœtus avant six mois et demi de
grossesse : « The Talmud states that a child born after six and a half months of pregnancy,
but not less, is viable. »153.

153
Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 393.
58

4.2. La notion de viabilité par rapport aux animaux

Vis à vis de l’âme d’un animal l’on peut supposer que les fœtus ont le même statut que celui
des animaux dans la mesure où le meurtrier d’un animal se rend également redevable d’une
amende comme l’est celui qui a causé la perte d’un fœtus :
Lévitique, 24, 18
.‫בְּ הֵ מָ ה יְשַׁ לְּ מֶ נָּה נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬-‫וּמַ כֵּה נֶפֶ שׁ‬
« Et qui frappe [à mort] l’âme vivante d’une bête en restituera une : « âme vivante »
pour « âme vivante ». »154 n.t.

En résumé, si l’auteur de la Loi avait voulu inclure à la règle les avortons, il aurait dit
« quiconque frappe une âme vivante » sans autre précision. Or, il précise justement à chaque
fois de quel « être » il s’agit :

- D’abord, d’un homme (‫)מַ כֵּה אִ ישׁ‬155


ָ ‫)נֶפֶ שׁ‬156 – i.e. sans distinction de sexe
- Ensuite, d’âme vivante humaine en général (‫אָדם‬
- Enfin, d’âme vivante animale (‫בְּ הֵ מָ ה‬-‫)נֶפֶ שׁ‬157 – i.e. tous les animaux à l’exception des
humains.

Par la suite, les Tossafistes ajoutent à l’argument précédent des amoraïm (le terme « homme »
(’adam) exclut le fœtus et les avortons) qu’il est impossible de juger quelqu’un pour homicide
même dans le cadre d’un avortement (fût-il tardif). Même si l’on est passible, disent-ils, de la
peine capitale pour le meurtre d’un avorton, on ne pourrait l’être pour celui d’un fœtus car ce
dernier, contrairement à l’avorton, n’est pas encore venu au monde158. Ce qui indique bien, là
encore, qu’un nouveau-né a le statut d’avorton (nefel) jusqu’à l’âge d’un mois159.

154
Notre traduction est, ici, très proche du texte pour souligner que le terme nefeš peut s’employer tant pour les
animaux que pour les humains, et qu’il n’est pas superflu d’ajouter justement de quelle « âme vivante » on parle.
155
Exode, 21, 12.
156
Lévitique, 24, 17.
157
Lévitique, 24, 18.
158
Cf. le commentaire des Tossafistes sur hawah ’amina’ ’afilu nefalim (‫ « )הוה אמינא אפילו נפלים‬on aurait pu
croire même les avortons » : « on n’est pas passible [de la peine capitale pour des fœtus, puisqu’] ils ne sont pas
encore nés. » (‫( )קודם שנולד לא מיחייב‬Sanhedrin, 84b).
159
Cf. le commentaire de RaSHi sur kol šešahah šlošim yom (‫ )כל ששהה שלשים יום‬in Yebamot, 36b.
59

En d’autres termes, suivant l’avis des amoraïm, les Tossafistes excluent l’avortement du cadre
de l’homicide en avançant une nouvelle idée : à supposer que le meurtre d’un avorton soit un
homicide dans la mesure où il est né – bien qu’il n’ait pas le statut d’âme vivante (nefeš) –, il
est impossible d’admettre qu’un avortement le soit aussi puisque le fœtus, contrairement à
l’avorton, n’est même pas encore venu au monde.
60

Chapitre 5 : La « souffrance inutile » ‘inuy hadin (‫)עינוי הדין‬

À la lumière de tous les concepts évoqués précédemment, les anciens rabbins envisagent une
solution à l’égard d’une femme enceinte condamnée à mort.
La Mishna légifère donc sur le sort du fœtus d’une femme enceinte condamnée à la peine
capitale. Les tannaïm ne tiennent pas compte du fœtus puisqu’ils ne retardent pas l’exécution
de la peine, sauf si elle est sur le point d’accoucher160 :
Mishna, ‘Arakhin, 1, 4
.‫אשה שהיא יוצאה ליהרג אין ממתינין לה עד שתלד – ישבה על המשבר ממתינין לה עד שתלד‬
« La grossesse d’une femme ne repousse pas l’exécution de sa condamnation à mort ;
[sauf] si elle est sur le point d’accoucher161. » n.t.

Au-delà de la législation formelle sur le sort réservé à cette femme, c’est la primauté accordée
à la femme qui s’en dégage.
D’une façon générale c’est toujours le bien-être de la mère162 qui est privilégié par rapport au
fœtus : « the welfare of the pregnant woman is the sole significant in Jewish law. »163.
Hormis, peut-être, la volonté des tannaïm de ne pas faire souffrir quelqu’un inutilement
condamné à mort par le report de son exécution, ils estiment, en outre – afin de ne pas
reporter l’exécution de cette femme – que le fœtus fait partie d’elle – c’est le sens du concept
« fœtus viscère de sa mère » vu plus haut. De ce fait, exécuter, ici, cette femme enceinte ne
revient à tuer qu’une seule personne. Les rédacteurs de cette mishna ne considèrent donc pas
le fœtus comme une âme vivante puisqu’ils l’assimilent à sa mère. Autrement, un délai
d’application de peine lui aurait été accordé.

160
Cela correspondait au moment où elle était assise sur un siège prévu à cet effet.
161
Littéralement : « sur le siège ».
162
Des rabbins Palestiniens ont, par exemple, autorisé une femme enceinte à ne pas jeûner durant les sept
dernières semaines de sa grossesse (TJ, Ta‘anit, chapitre 1, page 64, colonne C, règle 5) La grossesse peut même
être interrompue en fonction de son état de santé physique ou mentale (c’est le sens du mot « confort » ici).
C’est-à-dire que si l’un des deux est vraiment menacé (selon l’appréciation des médecins), alors la grossesse peut
être évitée ou interrompue. À ce sujet voir Zaki M., « Psychologie et Droit – L’avortement provoqué : Aspects
juridiques, sociaux et psychologiques » (Heb.), Refua’ umišpaṭ, 22, (2000), pp. 117-120. Et pour une étude plus
large sur le concept assez nouveau de « bien-être » tel que nous l’entendons aujourd’hui (sans pour autant que le
statut du fœtus ni la place de la femme enceinte y soit abordés) voir Zohar J. N. (ed.), Quality of Life in Jewish
Bioethics, Lexington Books, Lanham, 2006.
163
Sinclair D., Jewish Biomedical Law, p. 28. Voir aussi Jakobovits I., « The Consideration of Human Pain in
Jewish Law », Harofe ha‘ivri, 32, 1, 1959, pp. 161-168.
61

Bien plus tard, au 11ème siècle, RYF (comme RaN d’ailleurs dans la mesure où il explicite
l’avis du RYF) ne se démarque pas de l’avis de ces tannaïm quant à ce qu’il faut faire vis-à-
vis d’une femme enceinte condamnée à mort. Il pense, comme eux, qu’une telle femme doit
être exécutée sans délai.
Cependant, RYF se distingue dans la mesure où il ne prend en compte que la femme. En effet,
la femme enceinte condamnée à mort doit être exécutée sans délai afin, dit-il, de ne pas
prolonger inutilement ses souffrances dues à la peine qui l’attend.
Autrement dit, là où certains amoraïm164 estiment que l’exécution de la mère peut être
retardée en raison du « détachement du fœtus », RYF, lui, semble écarter ce dernier argument
et voit tout en fonction de la mère. C’est-à-dire qu’au moment où une femme enceinte est en
travail, son esprit est tellement absorbé par l’accouchement qu’elle ne souffre plus de l’attente
d’être exécutée ; donc on attendra qu’elle accouche.
Pour résumer, si la seule raison de ne pas reporter l’exécution de quelqu’un c’est de lui éviter
la souffrance inutile due à l’attente de son exécution et si, justement, pour une femme enceinte
sur le point d’accoucher, cette souffrance disparaît parce qu’elle ne pense plus qu’à son
accouchement, il n’y a alors plus aucune raison de hâter son exécution et on la laissera
accoucher.
Donc, selon l’interprétation du RYF, seules les souffrances de la mère sont prises en compte
et jamais le fœtus ; contrairement à certains amoraïm qui accordent quand même à ce dernier
– au moment du travail – la capacité d’ajourner l’exécution de la mère.
Cet avis de Yitshaq Elfasi sur le statut du fœtus est confirmé par ce qu’il affirme au début de
son commentaire, à savoir : un fœtus ne compte pas, tant qu’il n’est pas « venu au monde »165.
En un mot, l’idée nouvelle du RYF est la suivante : si l’on considère qu’une femme est
totalement concentrée sur son accouchement, il n’y a plus de raison de hâter son exécution
parce qu’elle n’y pense plus ; elle n’en souffre donc plus.

164
Voir plus bas (‘Arakhin, 7a).
165
Cf. Ḥullin, 19a.
62

Deuxième partie : LE FŒTUS ET LA LITTÉRATURE HALAKHIQUE


63

A- LE FŒTUS DANS LE DROIT BABYLONIEN, HITTITE ET LE JUDAÏSME PRÉ-


RABBINIQUE

Nous présentons dans cette partie le droit rabbinique sur le fœtus dans toutes ses époques mais
nous commençons par ce qui a été écrit plus tôt à l’extérieur du monde rabbinique et au sein
du judaïsme hellénistique.

Chapitre 1 : Le Code de Hammurabi166

Hammurabi opère, à l’instar de ce que semble signifier le législateur de notre passage en


Exode, une distinction entre la mort de la femme (qui était) enceinte et la (simple) perte de ses
fœtus dans le cadre d’une agression – qui semble, ici, plutôt volontaire, contrairement au
contexte de notre épisode biblique – ; Hammurabi considère la mort de cette femme comme
un homicide mais pas celle des fœtus.
La société de ce roi était divisée en trois catégories : les hommes libres, les mushkenu167 et les
esclaves ; cette répartition se retrouve, précisément, dans son Code quand il évoque
l’« avortement », ce qui nous permet d’inférer sur le statut du fœtus dans cette société aux
règles parfois proches de celles des Hébreux168.
Notons quand même que ce Code, contrairement au texte biblique, ne précise pas que
l’amende à payer pour la perte des fœtus doit être versée au mari de la victime. Une autre
différence de taille entre le texte biblique et le Code de Hammurabi sur cette question est la
peine en cas de décès de la femme : le législateur en Exode demande, implicitement, que ce
166
Sixième roi de la première dynastie de Babylone, il règne 43 ans, de ~1792 à ~1750.
167
Un mushkenum est un citoyen intermédiaire entre l’homme complètement libre et l’esclave. Les mushkenu ne
font pas partie des classes dirigeantes, ecclésiastiques et militaires et ils représentent la masse de la population.
168
Il y avait d’autres similitudes avec les peuples voisins des Hébreux. En cas de stérilité, par exemple, l’enfant
d’une autre femme pouvait être vu comme celui de celle qui ne peut en avoir (cf. Genèse, 16, 2 et ibid., 30, 3) ;
des documents provenant de Nouzi (ville babylonienne sur la rive gauche du Tigre) attestent que cette méthode
était justement pratiquée par d’autres femmes du nord de la Mésopotamie. D’autres habitudes, communes aux
Hébreux et aux autres sociétés mésopotamiennes, ont été révélées par l’archéologie, tels que des noms propres,
des coutumes matrimoniales ou des lois d’acquisitions de terres (voir Finkelstein I. & Silberman N.A., Re’šit
Israel: ’arkhi’ologia, miqra’ we-zikhron hisṭori, Tel-Aviv University Press, 2003, p. 52).
64

soit l’agresseur lui-même qui paie de sa vie, alors que l’auteur du Code réclame,
explicitement, que ce soit la fille de l’agresseur169 qui soit mise à mort :

« 209. Si quelqu’un a frappé quelque femme libre et (s’) il lui a fait expulser le fruit de
son sein, il pèsera 10 sicles170 d’argent pour le fruit de son sein. 210. Si cette femme
est morte, on tuera sa fille. 211. Si c’est à quelque femme muskenum que, à la suite
d’un coup, il a fait expulser le fruit de son sein, il pèsera 5 sicles d’argent. 212. Si cette
femme est morte, il pèsera une demi-mine d’argent. 213. Si c’est une esclave de
particulier qu’il a frappée et à qui il a fait expulser le fruit de son sein, il pèsera 2 sicles
d’argent. 214. Si cette esclave est morte, il pèsera un tiers de mine d’argent171. »172

169
Ou une proche parente. Cf. Driver G.R. & Miles J.C. (eds.), The Babylonian Laws, Vol. 2, Clarendon Press,
Oxford, 1955, p. 29. et Cuq E., Études sur le Droit babylonien, librairie orientaliste Paul Geuthner, Paris, 1929,
p. 450.
170
Unité de poids valant un peu plus de 8 grammes.
171
C’est-à-dire environ 165 grammes d’argent-métal, soit le prix moyen d’un bon esclave sous le règne de
Hammurabi.
172
Le Code de Hammurabi, Introduction, traduction et annotation par A. Finet, Les Editions du Cerf, Paris, 2004
(5ème éd.), p. 117.
65

Chapitre 2 : Les lois hittites

Selon les lois hittites il y a comme nous l’avons vu plus haut une amende à payer pour la
fausse couche provoquée. Mais elles stipulent également que cette sanction monétaire doit
être évaluée en fonction de l’avancement de la grossesse173. Donc, plus la grossesse est
avancée plus l’amende que devra payer l’agresseur sera élevée.
Evaluer l’amende par rapport au stade de la grossesse est une idée à la fois cohérente et
nouvelle dans la mesure où le fœtus gagnait, à leurs yeux, de l’importance à mesure de son
développement.
Dans le même ordre d’idée, les lois hittites ont pris en compte la différence entre un fœtus
animé et un fœtus qui ne bouge pas comme critère d’importance accordé au fœtus.
Cette dernière idée se retrouve dans la loi hittite de Boghazkhoï, (~1300-1270 avant notre
ère)174.

173
Cuq E., ibid., p. 450.
174
Friedrich J., Hethitische Gesetze aus dem Staatarchiv von Boghazköi, Traduit du hittite par H. Zimmern, J.C.
Hinrichs, Leipzig, 1922, p. 8.
66

Chapitre 3 : La Septante175

Les auteurs de la Septante abordent l’épisode de la femme enceinte d’une manière différente.
Ils ne tiennent pas compte du pluriel « ses enfants sortent » ( ָ‫ )וְ יָצְ אוּ ְיל ֶָדיה‬puisqu’ils traduisent
« son enfant sort ». Cette traduction au singulier aurait pu conduire ses auteurs là où nous
sommes arrivés176 mais il semble qu’un autre terme attire davantage leur attention et
détermine, pour eux, la question du statut du fœtus.
En effet, au lieu de donner au terme ’aṣon (‫ « )אסון‬malheur » son sens commun, ils
choisissent de le traduire par « parfaitement formé »177. Cet écart de traduction semble
indiquer que les rédacteurs de la Septante voient dans ce passage l’endroit pour statuer sur le
fœtus et qu’ils sont surtout imprégnés de la pensée grecque en général et de celle d’Aristote
en particulier ; car le fait d’établir le critère déterminant sur le développement de l’embryon
est une frontière qui se trouve notamment chez Aristote178. Ajoutons et précisons, avant de
poursuivre, qu’Aristote parle bien du « complet achèvement » (tên teleiosin) de l’embryon,
mais qu’il n’utilise pas explicitement l’expression « forme humaine », pas plus que les auteurs
de la Septante ; si bien qu’il est difficile de savoir s’ils parlent de l’embryon à la fin de
l’embryogenèse (tous les membres et les organes sont visibles), de son apparence humaine ou
des deux à la fois. Or c’est justement cette idée de la forme humaine du fœtus qui est
longuement développée par les tannaïm en tant que critère décisif dans une certaine
appréciation du fœtus.
Ainsi, nos auteurs semblent supposer que le « malheur », ici, s’applique d’abord à la mère
puis aux fœtus s’ils sont « formés ».
Les rédacteurs de la Septante considèrent que l’élimination d’un fœtus avant qu’il ne soit
« parfaitement formé » n’est pas un homicide, mais dès lors qu’il l’est, oui.
Nous pouvons donc imaginer que les auteurs de la Septante, contrairement à ceux de la
Mishna, n’auraient pas autorisé la suppression d’un fœtus « parfaitement formé » même s’il
met en danger la vie de la mère. De ce fait, pour eux, le moment où il devient interdit de

175
3ème siècle avant notre ère.
176
Cf. la démonstration sur l’importance du pluriel weyac’u (‫ )ויצאו‬au début de la thèse.
177
Pour une liste des traductions de ce passage dans la littérature juive et non-juive cf. Aptowitzer, « The Status
of the Embryo in Jewish Criminal Law », p. 116.
178
Pour les références, voir un peu plus bas.
67

porter atteinte au fœtus n’est plus la naissance mais celui où le fœtus est complètement
formé :

« 22. Si deux hommes se battent et qu’ils frappent une femme enceinte, et que son
enfant sorte sans être formé, l’homme sera puni d’une amende ; il donnera selon ce
qu’imposera le mari de la femme, avec décision judiciaire. 23. S’il était déjà formé, il
donnera vie pour vie (…) »179

Les traducteurs de la Bible en grec apportent donc un éclairage différent sur le moment à
partir duquel le fœtus acquiert le statut d’âme vivante (nefeš) comme le conçoivent les rabbins
puisqu’ils traduisent le mot ’aṣon « malheur » par le mot « forme ». Par conséquent, au lieu
de lire « s’il n’y a pas malheur » ils lisent « s’il n’a pas de forme » et « s’il a une forme » par
« si malheur il y a ». Autrement dit, tant que le fœtus n’a pas la forme parfaite d’un être
humain, il n’accède pas au statut d’âme vivante180.
Cette traduction, on l’a vu, semble ne pas tenir compte du pluriel « ses enfants sortent »
( ָ‫ )וְ יָצְ אוּ ְיל ֶָדיה‬puisqu’elle dit pour ce passage « son enfant sort ». Nous ne sommes vraiment
pas sûr que les auteurs de cette traduction avaient en tête le raisonnement que nous tenons au
début de notre travail181 pour l’établissement d’un statut du fœtus dans la mesure où leur
critère pour y parvenir est la « forme »182 du fœtus plutôt qu’un raisonnement, répétons-le, sur
la présence de ce pluriel. Et nous ne comprenons pas toutes les motivations de leur traduction
au singulier tant ce pluriel nous semble déterminant.
Cette approche aristotélicienne est au fondement de la différence mishnique de statut entre un
fœtus « formé » et « non formé », surtout avant la date – récurrente – des quarante jours de
formation depuis la fécondation183. Aristote (comme Platon) préconise l’avortement, s’il est
nécessaire, avant que l’embryon ne soit justement « formé ». Tout en admettant la limitation
des naissances, Aristote penche en effet pour que l’avortement soit fait avant que le fœtus ne

179
La Bible d’Alexandrie : L’Exode, traduit du texte grec de la Septante par A. Le Boulluec et P. Sandevoir,
Editions du Cerf, 1989, in C. Dogniez et M. Harl, Le Pentateuque d’Alexandrie, Les Editions du Cerf, Paris,
2001, p. 389.
180
Alors que l’hébreu parle d’un accident, ’aṣon, survenu ou pas au fœtus, la Septante emploie le participe
exeikonismenon, formé sur eikon « image », qui renvoie au concept de l’homme créé à l’image de Dieu : si le
fœtus n’est pas encore bien formé, il n’est pas image de Dieu, donc il n’y a pas infanticide/homicide (cf. Freund
R., « The Ethics of abortion in Hellenistic Judaism », Helios, 10, 2, 1983, pp. 125-137).
181
Voir supra p. 26.
182
I.e. son « complet achèvement » pour reprendre la formulation d’Aristote.
183
« C’est aussi vers ce moment-là [quarante jours] que l’embryon se divise : auparavant il ne forme qu’une
masse de chair indistincte. » (Aristote, Histoire des animaux, VII, 3, P. Louis (ed.), p. 140). Voir aussi
Jakobovits I., Jewish Medical Ethics, p. 174.
68

soit « sensible » (aisthesin)184. Le moment de cette « animation » se situe donc, selon lui, au
quarantième jour pour les garçons et au quatre-vingt-dixième pour les filles185. Cette
différence de temps de formation entre les filles et les garçons se trouve déjà chez les
présocratiques, puisque Oribase, qui se référe à Empédocle, parle d’une part des quarante
jours de grossesse comme une première étape dans la formation du fœtus et d’autre part de cet
écart de temps entre celle des fœtus mâles et femelles186.

Sous cette influence aristotélicienne, une différence est donc faite dans la traduction de la
Septante entre le fœtus « formé » et « non formé » : dans le premier cas l’avortement mérite la
peine de mort, dans le second, une amende. Ainsi, pendant le temps qui sépare la fécondation
de l’« animation » du fœtus, celui-ci n’est, pour ainsi dire, qu’une partie des entrailles de la
mère – un viscère. Et il ne peut y avoir d’homicide en le supprimant. C’est cette idée
précisément – i.e. « fœtus viscère de sa mère » – que l’on retrouve, on l’a vu, chez les anciens
rabbins.

184
« Il faut, de fait, avoir fixé une limitation au nombre d’enfants à procréer ; et si, par suite de l’union de tel ou
telle malgré ces règles, quelque enfant est conçu, on doit, avant qu’il ait sensibilité et vie, pratiquer
l’avortement. » (Aristote, Politique, VII, 16, J. Aubonnet (ed.), p. 107). Pour l’avortement, ici, Aristote se réfère
à un critère purement physique. Car sur cette marque essentielle de la vie chez les animaux qu’est la sensibilité
voir plutôt les pages 19 et 20 de notre travail ; et Éthique à Nicomaque, IX 9, 1170a : « La vie se définit, dans le
cas des animaux, par une capacité de sensation, et, chez l’homme, par une capacité de sensation ou de pensée ».
Voir aussi Platon, Des lois, V, 740d, traduit par E. Chambry, Librairie Garnier Frères, Paris, 1946 : « On peut, en
effet, arrêter la génération quand elle est trop abondante ».
185
« En tout cas, pour les embryons de sexe masculin, leur mouvement se ressent (…) au bout d’environ
quarante jours ; quand il s’agit d’embryon féminin, c’est (…) vers le quatre-vingt-dixième jour. » (Aristote,
Histoire des animaux, VII, 3, P. Louis (ed.), p. 139). On note que ces chiffres se retrouve pour le compte des
procédures de purification d’une parturiente d’un garçon d’une part, et d’une fille (à dix jours près) d’autre part
(voir infra p. 115). On note également que les tannaïm qui s’opposaient à Rabbi Yishmael n’opéraient pas cette
distinction entre les sexes et considéraient que les embryons mâles et femelles étaient, tous les deux, « formés »
au bout de quarante et un jours : .‫( וחכמים אומרים אחד בריית הזכר ואחד בריית הנקבה – זה וזה לארבעים ואחד‬cf. Mishna,
Nidda, 3, 7, dans l’édition H. Albeck, Vol. 6 : Ṭahorot, p. 386).
186
« La configuration du fœtus commence à se manifester vers le quarantième jour. (…) vers le quarantième, on
voit, pour la première fois, tout le corps distingué [en parties]. Empédocle, le naturaliste, est aussi de la même
opinion par rapport à l’époque de l’organisation complète du fœtus, et il dit que le fœtus mâle arrive plus
rapidement à sa configuration que le fœtus femelle (…) » (Oribase, Collections Médicales, XXII, 9 dans
l’édition Ch. Daremberg, Œuvres d’Oribase, Tome 3, Imprimerie Impériale, 1858, Paris, pp. 78-79). Galien,
avant lui, affirme que « (…) tous ceux qui s’intéressèrent à ces problèmes (…) disent que le mâle est façonné et
modelé en un temps plus court, et la femelle plus long ; c’est ce qui apparaît dans les avortements et les
dissections d’animaux gravides. » (Galien, De semine, II, 5). Hippocrate, par exemple avant Galien, le pense
aussi, et en un temps de formation plus court que celui avancé par les rabbins de la période talmudique : « Voilà
l’enfant formé ; et à ce point arrivent la fille en quarante-deux jours au plus, le garçon en trente jours au plus. »
(Hippocrate, De la nature de l’enfant, 18, Littré (ed.), VII, p. 501). Les traductions en français des extraits des
œuvres de Galien citées dans ce travail sont toutes tirées de la thèse récente de Ch. Bonnet-Cadilhac qui a une
double formation d’helléniste et de médecin-gynécologue, car il n’existe pas de traduction en français de ces
oeuvres (cf. Anatomo-physiologie de la génération chez Galien, Thèse pour le doctorat de l’École Pratique des
Hautes Études (IVe section), sur le site de la Bibliothèque Interuniversitaire de Médecine, 1997, p. 2) ; seule la
traduction de Utilité des parties du corps est directement tirée de l’édition Ch. Daremberg, Œuvres anatomiques,
physiologiques et médicales de Galien, Tome I, J.B. Baillière, Paris, 1854.
69

Chapitre 4 : Philon d’Alexandrie187

Philon d’Alexandrie prend une position plus proche des auteurs de la Septante que de ceux de
la Mishna. En effet, il reste très réservé sur le concept de « fœtus viscère de sa mère »,
puisqu’il semble considérer le fœtus comme une âme vivante188 (dans le sens de nefeš des
rabbins), et n’admet donc pas que l’on exécute une femme enceinte condamnée à la peine
capitale, mais juge qu’il faut attendre qu’elle accouche pour le faire. Il compare, par exemple,
l’utérus à un atelier où Dieu façonnerait son œuvre ; si bien que quiconque tue un fœtus est
considéré comme ayant détruit une de Ses œuvres189.
Toutefois, sous l’influence de la pensée aristotélicienne, Philon opère quand même une
distinction de statut entre le fœtus « formé » et « non formé »190 :

« 108. Lorsqu’on en vient aux coups avec une femme enceinte et qu’on lui décharge
au ventre un horion qui la fait avorter, si l’avorton n’est qu’un fœtus informe et
indifférencié191, on aura une amende à payer en raison des sévices exercés et, aussi
bien, pour avoir empêché la Nature de procréer, alors qu’elle était en train de fabriquer
et de produire le plus beau des êtres vivants, l’homme. Mais si l’embryon était déjà
formé192 et que tous ses membres fussent en place avec leurs caractéristiques
propres193, ce sera la peine de mort. 109. Car un embryon de ce genre est un homme194

187
~20 avant e.c. à 54 en Égypte. Philon ne commente pas les textes législatifs dans l'ordre du Pentateuque, mais
il effectue un classement des lois par genre. Il émet l’idée que toutes les lois sont incluses dans le Décalogue
(Une idée qui se retrouvera aussi chez RaSHi : « L’ensemble des six cent treize commandements sont inclus
dans le Décalogue. » cité in G. Wigoder (ed.), Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme, Robert Laffont, Paris,
1996, p. 856). Ainsi il classe les versets d’Exode, 21, 12-36 dans le septième commandement : « Tu ne tueras
point. » Il expose le passage d’Exode, 21, 22-25 en expliquant que la volonté du Législateur était d’interdire
l’infanticide voire l’avortement.
188
Une sorte d’âme vivante (nefeš) en puissance.
189
Une expression semblable sera employée dans le Zohar : « There are three [persons] who drive away the
Shekhinah from the world, making it impossible for the Holy One, blessed be God, to fix God’s abode in the
universe and causing prayer to be unanswered. (…) [The third is] the one who causes the fetus to be destroyed
in the womb, for such a one destroys the artifice of the Holy One, blessed be God, and God’s workmanship.
(…) For these abominations the Spirit of the Holiness weeps (…). » (Ashlag Y. (ed.), Zohar, Exode, 3b, Tel-
Aviv, 1945-46, cité et traduit par Schiff D., Abortion in Judaism, p. 65, n. 31).
190
Les passages 108 à 118 qui seront cités sont tirés de Philon d’Alexandrie, De specialibus legibus, lib. III,
Introduction, traduction et notes par A. Mosès, Editions Du Cerf : Collection Les œuvres de Philon d’Alexandrie
25, Paris, 1970, pp. 129-135.
191
Il se réfère, sans citer le texte littéralement, à la traduction grecque sur ce passage : « mê exeikonismenon »
(Septante, Exode, 21, 22) ; voir supra p. 67.
192
Pareil, mais pour : « exeikonismenon » (Septante, Exode, 21, 23).
193
Philon semble parler de la durée de formation de l’embryon mâle (quarante jours) et celle de l’embryon
femelle (quatre-vingts jours), cf. Quaestiones et solutiones in Genesim, I, 25 ; II, 14 ; IV, 27 et 154 et De vita
70

qu’on a tué alors qu’il se trouvait encore dans l’atelier de la Nature195, aux yeux de qui
le moment n’était pas encore venu de le produire au grand jour, telle, dans l’ordre du
moulage, une statue qu’on a mise de côté et qui n’attend plus que d’être transportée
au-dehors pour faire l’objet d’un envoi. »

Il est à noter que, contrairement au texte original et à la LXX, Philon n’évoque pas le
caractère involontaire du coup porté à la femme enceinte (insinué par la lutte entre les
hommes dans le texte biblique et qui ne vise donc pas la femme enceinte) et ne parle pas non
plus du mari de cette femme à qui l’amende doit être versée. En plus de l’explication avancée
par D. Schiff196 et S. Belkin197, qui voient dans les « sévices exercés » et dans
« l’empêchement de la Nature à procréer » une différence de catégorie de préjudice qui
implique que l’amende soit, pour la première, versée au mari ; on peut également supposer
que Philon ne parle pas du mari parce qu’il le mentionne déjà quand il cite le verset de la
LXX sur ce passage198 et quand il précise que « la Nature a été empêchée de procréer », c’est
qu’il comprend l’expression biblique « les enfants sortent » ( ָ‫ )וְ יָצְ אוּ ְיל ֶָדיה‬par « les enfants
sortent » et ne survivent pas à leur expulsion (car ils auraient pu sortir et ne pas mourir) et
l’exprime d’une façon imagée. Cette précision, on l’a vu, ne se trouve pas dans le texte
biblique ; si bien que A. ibn Ezra (et personne d’autre, étrangement) a estimé utile de le
faire199.
Philon semble quand même ne pas exclure complètement le concept, déjà connu des stoïciens,
du « fœtus viscère de sa mère » :

« 117. (…) Encore dit-on que le fœtus, tant qu’il reste solidaire de la matrice, blotti au
creux du ventre, fait partie intégrante de la femme enceinte : c’est l’opinion des
philosophes de la nature200, qui consument leur vie dans l’étude, ainsi que des

Mosis, II, 84. Cette distinction (à dix jours près pour l’embryon femelle) est vraisemblablement due à l’influence
de la pensée d’Aristote ; voir supra p. 20 note 7.
194
Voir, ici, Belkin S., Philo and the Oral Law, Harvard University Press, Cambridge, MA, 1940, pp. 129-130.
195
Ce n’est pas la première fois que Philon emploie cette expression (cf. Philon, De specialibus legibus, III, 33,
p. 79 ; De vita Mosis, II, 84 ; Legatio ad Caium, 56 ; De aeternitate mundi, 66). L’image de l’« atelier de la
Nature » apparaît également, mais avec une valeur plus générale, in Cicéron, De natura deorum, I, 47, où
l’épicurien Velleius l’attribue aux Stoïciens : « vos quidem [i.e. Stoici] (…) cum artificium effingitis fabricamque
divinam (…). ».
196
Schiff D., ibid., p. 18.
197
Belkin S., ibid., p. 130.
198
Cf. Philon d’Alexandrie, De Congressu Eruditionis Gratia, 136-137, Introduction, traduction et notes par M.
Alexandre, Les Editions du Cerf, Collection « Œuvres de Philon d’Alexandrie » 16, Paris, 1967, p. 201.
199
Voir infra p. 111.
200
Il parle des stoïciens.
71

médecins les plus illustres, qui ont exploré la constitution du corps humain en étudiant
de très prés le visible et aussi l’invisible201 grâce à une dissection attentive (…). »

Mais, il reste, on s’en doute, intransigeant à l’égard de toute atteinte portée au nouveau-né dès
la naissance et rejoint, en cela, la pensée tannaïtique202 :

« 118. Mais le fruit qui a été mis au monde s’est dissocié de l’organisme avec lequel il
ne faisait qu’un, et dès lors qu’il s’est détaché, il devient un vivant pour soi, auquel ne
manque aucune des parties constitutives de la nature humaine. Aussi est-ce un
assassinat incontestable que d’ôter la vie à un nouveau-né, car la Loi ne fait pas
acception d’âge, mais se fâche lorsque le genre humain est victime d’une trahison de la
foi jurée. »

Ce statut qu’accorde Philon au fœtus l’amène, enfin, à croire, en contradiction partielle avec
les rédacteurs de la Mishna203, qu’une femme enceinte condamnée à mort ne doit pas être
exécutée, et exclut, ici, l’application du concept de « la souffrance inutile » (‘inuy hadin). Il
justifie cette position par un verset en Lévitique qui interdit d’égorger le même jour un taureau
– ou un mouton par exemple – avec son petit204 :

« 138. (…) Car c’est l’acte impie entre tous que de tuer au même moment, en un seul
jour, un petit et sa mère. 139. Quelques-uns des législateurs me paraissent s’être
inspirés de ces principes quand ils ont introduit la loi sur les femmes condamnées ;
cette loi exige que l’on ménage les femmes enceintes, si elles ont commis un crime
puni de mort, jusqu’à ce qu’elles aient accouché, afin de ne pas faire périr en même
temps l’enfant qu’elles portent. »205

Ce qui est défendu, ici, pour des animaux, l’est, selon lui, a fortiori, pour les humains ; donc
tant qu’une femme condamnée à mort est enceinte, elle ne peut pas être exécutée.

201
I.e. l’intérieur du corps.
202
Cf. Mishna, Aholot, 7, 6.
203
Dans la mesure où il ne distingue pas entre le moment où la femme est sur le « siège » et celui où elle ne l’est
pas (voir Mishna, ‘Arakhin, 1, 4).
204
Lévitique, 22, 28 : « Bœuf ou mouton, vous ne l’égorgerez pas avec son petit le même jour » :
.‫בְּ נ ֹו �א תִ ְשׁחֲטוּ בְּ יוֹם אֶ חָ ד‬-‫שֶׂ ה אֹ ת ֹו וְ אֶ ת‬-‫וְ שׁוֹר א ֹו‬
205
Philon d’Alexandrie, De Virtutibus, 139, Introduction et notes par R. Arnaldez, traduction de P. Delobre, Les
Editions du Cerf, Collection « Œuvres de Philon d’Alexandrie » 26, Paris, 1962, p. 103.
72

Chapitre 5 : Flavius Josèphe206

En distinguant la nature de la peine vis-à-vis de la mort de la mère et vis-à-vis de celle des


fœtus d’une part et en n’interprétant pas le terme ’aṣon comme le « complet achèvement » de
ces derniers d’autre part, Flavius Josèphe comprend le texte biblique concernant l’épisode de
la femme enceinte autrement que les traducteurs de la Septante et Philon d’Alexandrie mais
davantage dans l’esprit de la Mishna et comme l’interprèteront plus tard tous les rishonim. Il
affirme néanmoins, dans un autre texte (voir le deuxième extrait rapporté), que l’avortement
volontaire est un acte comparable à un infanticide.

« 278. Si quelqu’un donne un coup de pied à une femme enceinte, et que la femme
avorte, il sera condamné par les juges à une amende, pour avoir, en détruisant le fruit
de ses entrailles, diminué la population, et il payera aussi un dédommagement au mari
de cette femme. Si elle meurt du coup, lui aussi mourra, car la loi estime juste de
réclamer vie pour vie. »207

Flavius Josèphe apporte donc son interprétation du texte en Exode, 21, 22 et donne une
explication (déjà vu chez les Romains et reprise aussi par les rabbins contemporains)208 sur la
raison pour laquelle l’agresseur doit s’acquitter d’une amende. En effet, il comprend d’abord
que la femme perd ses fœtus, puis que l’agresseur doit payer, le cas échéant, une amende fixée
par les juges et enfin que cette somme doit être versée au mari de cette femme ; et il affirme,
précisément, que cette amende sert à punir l’agresseur d’avoir commis un acte qui freine la
croissance de la population.

Flavius Josèphe ne dit pas explicitement si le « coup de pied » porté à la femme enceinte est
volontaire209, car, le cas échéant, nous aurions pu, tout de suite, déduire que l’avortement

206
38-100 à Jérusalem.
207
Flavius Josèphe, Les Antiquités Juives, IV, 8, 33, Établissement du texte, traduction et notes par E. Nodet, Les
Editions du Cerf, Paris, 2004, p. 93.
208
Pour les Romains cf. Cicéron, Pro Cluentio (voir supra p. 22 note 23) et pour les Juifs cf. responsa : Piṣqey
‘uzi’el bišelot hazman « Propos d’Uziel sur des questions contemporaines », § 51 du rabbin Meir Uziel (voir
infra p. 169 note 587).
209
D’autres commentateurs sont plus explicites, pour ne pas dire qu’il se sont vraiment penchés sur la question,
quant à la qualification à donner au coup porté à cette femme enceinte : RaSHBY, par exemple contrairement à
F. Josèphe, estime ce coup involontaire car il n’est pas destiné à la femme, bien que l’agresseur voulût atteindre
73

volontaire est, pour lui, un acte répréhensible mais pas un homicide. Il nous semble,
néanmoins, qu’il en est bien ainsi car on peut difficilement croire que F. Josèphe réclame la
peine capitale pour une mort « accidentelle » sans distinguer, précisément, l’homicide
volontaire de l’homicide involontaire.
Par ailleurs, il n’est pas certain que l’infanticide, dont il parle dans un autre texte, se réfère à
l’avortement volontaire puisque si l’on y respecte l’équilibre de sa phrase, on peut associer
l’infanticide au « crime » de ne pas « nourrir tous ses enfants » d’une part, et la défense de
l’avortement volontaire – ainsi que toute perte volontaire de matière séminale – à un simple
« interdit » visant l’accroissement de la population210. Voici cette phrase avec des indications
(A/A’ – B/B’) qui ne sont pas dans le texte évidemment, mais qui illustre ce que nous venons
de dire :

« 202. La Loi a ordonné de (A) nourrir tous ses enfants et a (B) défendu aux femmes
de se faire avorter ou de détruire par un autre moyen la semence vitale ; car (A’) ce
serait un infanticide de supprimer une âme et (B’) d’amoindrir la race. » 211

Certains soutiennent que Flavius Josèphe a dit cela pour ne pas que les Peuples s’imaginent
que la Loi d’Israël autorise le « meurtre » des fœtus212. Et selon V. Aptowitzer213, l’approche
sévère de F. Josèphe n’est pas à prendre véritablement sur le plan de la législation mais
davantage sur celui de la morale ; il pense que Flavius Josèphe voyait les femmes qui
avortaient comme des « meurtrières » mais ne seraient pas jugées pour meurtre face à un

celui contre lequel il se battait (voir infra p. 76 et la note 218). Pour F. Josèphe, ici, on pourrait dire qu’il n’y a
que l’intention qui compte.
210
Sans ce « découpage » nous ne voyons justement pas comment Flavius Josèphe peut mettre sur un même pied
d’égalité la privation de nourriture de ses enfants (au risque donc de les tuer), l’avortement volontaire et la
simple perte volontaire de sperme. Nous n’avons donc pas, sur ce point, la même lecture que E. Nodet, puisqu’il
estime que « F. Josèphe réprouve l’avortement volontaire comme infanticide, donc passible de mort (…) » (cf.
Flavius Josèphe, Les Antiquités Juives, ibid., p. 93*, note 4). E. Nodet fait référence à Mishna, Sanhedrin, 9, 2
pour asseoir ce qu’il dit ; or, nous ne trouvons pas dans ce texte de quoi appuyer la thèse de l’avortement (même
volontaire) en tant qu’infanticide, puisque l’auteur de cette mishna affirme que si on « cogne » un fœtus non-
viable (nefel) – volontairement – et qu’on tue par ce coup – involontairement – un fœtus viable (ben qayama’),
on est exempt de la peine relative à l’homicide :
.‫נתכוין להרוג את הבהמה והרג את האדם לעכו"ם והרג את ישראל לנפלים והרג את בן קיימא פטור‬
211
Flavius Josèphe, Contre Apion, II, 24, 202, Texte établi et annoté par Th. Reinach, traduit par L. Blum, Les
Belles Lettres, Paris, 1972, p. 94. Notons, au passage, que Th. Reinach précise, ici, en note que « la Loi ne
renferme aucune disposition contre l’avortement » volontaire, pourrons-nous ajouter.
212
« .‫( » יש הטוענים כי דברים אלו נאמרים על ידי יוסיפוס כדי להגן על תורת ישראל בפני ההשקפות שרווחו באותה תקופה‬cf.
Sinclair D., « Les bases légales de l’interdiction de l’avortement dans le droit juif » (Heb.), šnaton ha-mišpaṭ ha-
ivri, 5, 1978, p. 188, note 56).
213
« .(...) ‫( » לפי אפטוביצר דברי יוסיפוס אלו הם מצד המוסר ולא המשפט‬cf. Aptowitzer V., « Le statut du fœtus dans la
loi juive » (Heb.), Sinai, 11, 1942, pp. 10-11, note 7 ; cité par D. Sinclair, idem) ; voir aussi Jakobovits I., Jewish
Medical Ethics, p. 179. Et comparer avec la version complémentaire des Tossafistes – à savoir qu’il n’y a pas
d’interdiction strictement légale à l’avortement –, également commentée par D. Sinclair (voir infra p. 177).
74

tribunal. Flavius Josèphe ne nous semble pas ainsi accorder au fœtus le statut d’âme vivante
(nefeš), mais affirme qu’il peut l’acquérir ; et c’est essentiellement dans la mesure où le fœtus
est un être humain en puissance qu’il s’oppose à son élimination214. Il est, sur ce point, assez
proche de la pensée de Philon.

214
Cette notion de « potentialité humaine » du fœtus est à double tranchant, selon ce que l’on veut souligner : on
peut insister aussi bien sur le fait qu’il s’agit d’une simple potentialité humaine que sur le fait qu’il s’agit d’une
potentialité humaine. Cela peut par conséquent être aussi bien être un argument contre ou en faveur de son
élimination : soit on insiste sur la potentialité, soit on insiste sur l’« humanité ». Si l’on pousse jusqu’au bout la
cohérence de la potentialité humaine du fœtus, on est forcé d’admettre qu’un couple fertile, en bonne santé et
ayant des rapports sexuels réguliers qui s’abstient sciemment de procréer « tue », très probablement, un être
humain en puissance. C’est, nous semble t-il, l’esprit de la baraïta suivante : « Tous ceux qui ne s’affairent pas à
la reproduction sont considérés comme s’ils avaient versé le sang. » (Yebamot, 63b)
(‫ ; )כל מי שאינו עוסק בפריה ורביה כאילו שופך דמים‬on peut donc les comparer à des meurtriers, mais en raison du fait
qu’ils empèchent un être humain possible de venir au monde.
75

B- LE FŒTUS DANS LE DROIT RABBINIQUE ANCIEN

Chapitre 1 : L’évolution du principe de l’indemnité

1.1. Établissement de l’argent en tant que réparation restreinte :

Un des rares textes tannaïtiques où l’on trouve une étude de nos deux versets fondamentaux
de l’Exode (21, 22-23) est dans la Mekhilta de-Rabbi Shimon bar Yoḥay.
En se basant également sur « Quiconque frappe un homme et celui-ci meurt, sera mis à mort »
(‫)מַ כֵּה אִ ישׁ וָמֵ ת מוֹת יוּמָ ת‬215, l’auteur de cette étude n’accorde pas au fœtus le statut d’âme
vivante (nefeš) puisque, pour lui non plus, le terme « homme » (‫ )איש‬ne peut inclure le fœtus.
De plus, l’auteur fait une interprétation de la suite du texte biblique qui ne sera jamais
contestée. La peine dont parle le texte en cas de non-malheur réside en une amende pécuniaire
dont l’agresseur doit s’acquitter. Et ce, dans la mesure où, à chaque fois que le texte biblique
mentionne le terme « sanction » (‫)עונש‬, c’est qu’il est question d’une peine monétaire216.
C’est le commentaire de cette étude sur ces deux versets qui est présenté dans son intégralité :
Mekhilta de-RaSHBY217 sur Exode, 21, 22
‫ כי ינצו אנשים ונגפו אשה הרה אין לי אלא בכי ינצו‬.‫וכי ינצו אנשים לעשות את שאין מתכוין כמתכוין‬
‫שעשה את שאין מתכוין כמתכוין מנין אף בכי יריבון נעשה את שאין מתכוין כמתכוין ת"ל כי ינצו וכי‬
‫יריבון מצות היא מריבה ומריבה היא מצות מה בכי ינצו נעשה את שאין מתכוין כמתכוין אף בכי יריבון‬
‫ כאן הוא נותן נזק וצער ולהלן הוא נותן שבת ורפוי מנין ליתן את‬.‫נעשה את שאין מתכוין כמתכוין‬
‫האמור שלזה בזה ואת האמור שלזה בזה ת"ל כי ינצו אנשים וכי יריבון אנשים והלא מצות היא מריבה‬
‫ כי ינצו אנשים אין לי אלא‬.‫ומריבה היא מצות אלא ליתן את האמור כאן להלן ואת האמור להלן כאן‬
‫אנשים מנין לרבות שתי נשים אשה ואיש ת"ל ענש יענש בין איש בין אשה מה ת"ל אנשים אנשים ולא‬
‫ אלו נאמר ונגפו אשה ויצאו ילדיה ולא‬.‫שוורים מכאן אמרו שורו שנגף את האשה פטור מדמי ולדות‬
‫יהיה אסון הייתי אומר עד שיהיו לה שני ולדות ובעל מנין יש לה בעל ואין לה ולדות יש לה ולדות ואין‬

215
Exode, 21, 12.
216
Le verset sur lequel s’appuie cette interprétation est en Deutéronome, 22, 19 (voir infra p. 84 et suivantes).
217
D. Hoffmann (ed.), Mekhilta de-Rabi Shimʻon ben Yoḥai, p. 176.
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‫ יכול אין כל הענין מדבר אלא בבת חורין מנין לרבות את‬.‫לה בעל ת"ל ונגפו אשה הרה מכל מקום‬
‫ ולא יהיה אסון שומע אני אסון באשה‬.‫הגיורת ואת השפחה המשוחררת ת"ל ונגפו אשה הרה מכל מקום‬
.‫או אסון בולדות ת"ל מכה איש )פסוק יב( פרט לולדות הא מה ת"ל ולא יהיה אסון באשה ולא בולדות‬
‫ ענוש יענש בין איש בין אשה ענוש יענש בכסף ובשווה‬.‫ולא יהיה אסון ענוש הא אם יש אסון אין נענש‬
‫ כאשר ישית עליו בעל האשה יכול אם אמר מנה הוא נותן מנה ואם אמר מאה מנה הוא נותן מאה‬.‫כסף‬
.‫מנה ת"ל ונתן בפלילים בדיינים אם כן למה נאמר כאשר ישית עליו בעל האשה לימד שדמי ולדות לבעל‬

Ce texte dit en substance :


‫ ִינָּצוּ ֲאנָשִׁ ים‬-‫ « וְ כִ י‬Quand des gens se disputent » désigne 1) un acte involontaire résultant d’une
action volontaire218 et 2) une dispute. Comment peut-on le savoir ? On le déduit par analogie
réciproque avec un autre verset219 où il est également question d’un affrontement220 entre
deux personnes :
.‫ ֵרעֵ הוּ בְּ אֶ בֶ ן א ֹו בְ אֶ גְ רֹף וְ �א יָמוּת וְ נָפַ ל לְ ִמ ְשׁכָּב‬-‫אִ ישׁ אֶ ת‬-‫י ְִריבֻן ֲאנ ִָשׁים וְ הִ כָּה‬-‫וְ כִ י‬
« Quand des hommes se querellent et que l’un a frappé son prochain avec une pierre
ou avec le poing, que celui-ci n’est pas mort, mais s’est mis au lit. »221

Par ailleurs, l’agresseur, ici (Exode, 21, 22), doit donner le « chômage » et les « frais
médicaux » (en sus si nécessaire) ; et là bas (Exode, 21, 18) le « dommage » et la
« souffrance »222. Comment peut-on le savoir ? En suivant la même logique223.

218
Il est, en effet, plutôt question d’un coup involontaire porté à la femme enceinte puisque le coup n’est pas
destiné à cette dernière : « the stricker did not intend to kill the pregnant woman but only to hit his assailant in
the brawl. » (cf. Sinclair, Jewish Biomedical Law, p. 19 et Sanhedrin, 79a/b.) Et pour une étude plus large sur la
législation biblique voir Jackson B., Essays in Jewish and Comparative Legal History, Leiden, 1975, p. 75) Et B.
Jacob justement (in The Second Book of the Bible: Exodus, Ktav Pub. House, 1992, p. 656) estime que le terme
« ’aṣon » dans notre épisode fait davantage référence à un coup porté accidentellement que volontairement, eu
égard aux trois autres mentions du terme (tous en Genèse, 42, 4 et 38 ; 44, 29) qui semblent indiquer le même
caractère involontaire : 1/« Quant à Benjamin, frère de Joseph, Jacob ne le laissa pas aller avec ses frères, parce
qu’il se disait : « il pourrait lui arriver malheur. » » ( ‫י ְִק ָראֶ נּוּ‬-‫אֶ חָ יו כִּ י אָמַ ר פֶּ ן‬-‫שָׁ לַח ַיעֲקֹ ב אֶ ת‬-‫בִּ ְני ִָמין א ֲִחי יוֹסֵ ף �א‬-‫וְ אֶ ת‬
.‫ ; )אָסוֹן‬2/« Jacob dit : Mon fils ne descendra point avec vous ; car son frère est mort, et il reste seul ; s’il lui
arrivait un malheur dans le voyage que vous allez faire, vous feriez descendre mes cheveux blancs avec douleur
dans le séjour des morts. » ( ‫בָ הּ וְ הו ַֹר ְדתֶּ ם‬-‫וּק ָראָהוּ אָסוֹן בַּ ֶדּרֶ � אֲשֶׁ ר תֵּ לְ כוּ‬
ְ ‫אָחיו מֵ ת וְ הוּא לְ בַ דּ ֹו נ ְִשׁאָר‬
ִ -‫י ֵֵרד בְּ נִי עִ מָּ כֶם כִּ י‬-‫ַויֹּאמֶ ר �א‬
.‫שֵׂ יבָ תִ י בְּ יָגוֹן ְשׁא ֹולָה‬-‫ )אֶ ת‬et 3/« Si vous me prenez encore celui-ci, et qu’il lui arrive un malheur, vous ferez
descendre mes cheveux blancs avec douleur dans le séjour des morts. » ( ‫זֶה מֵ עִ ם פָּ נַי וְ קָ ָרהוּ אָסוֹן‬-‫אֶ ת‬-‫וּלְ קַ ְחתֶּ ם גַּם‬
.‫שֵׂ יבָ תִ י בְּ ָרעָ ה ְשׁאֹ לָה‬-‫)וְ הו ַֹר ְדתֶּ ם אֶ ת‬.
219
En vertu d’un concept employé dans l’exégèse biblique : « d’où savons-nous que nous devons appliquer ce
qui est dit ici à celui-ci (ce cas-ci) et celui-ci à celui-là ? » (.‫( )מנין ליתן את האמור של זה בזה ושל זה בזה‬Rosh-ha
shana, 34a). En d’autres termes : d’où savons-nous que la loi déduite d’un premier verset, concernant un cas
spécifique, s’applique aussi au second cas, évoqué dans un autre verset (et vice versa) ?
220
‫( ִינָּצוּ‬yinacu) a pour racine .‫ה‬.‫צ‬.‫ נ‬qui forme ‫( מצות‬macut) « une dispute » ; c’est un synonyme de ‫( י ְִריבֻן‬yerivun)
ayant pour racine .‫ב‬.‫י‬.‫ ר‬qui forme ‫( מריבה‬merivah) « une dispute/une querelle ».
221
« Quand des hommes se querellent et que l’un a frappé son prochain avec une pierre ou avec le poing, que
celui-ci n’est pas mort, mais s’est mis au lit, s’il se lève et se promène avec sa canne, celui qui a frappé sera
innocenté, il n’aura qu’à payer son chômage et à assurer les soins. » (Exode, 21, 18) il y est question d’une
tentative d’homicide qui échoue. Dans les deux cas, il s’agit de la même idée.
77

« (…) des gens se disputent » peut être compris par des hommes, des femmes ou des hommes
et des femmes ; d’autant plus qu’il est écrit : « puni, il sera ! » (‫)עָ נוֹשׁ יֵעָ נֵשׁ‬, donc aussi bien un
homme qu’une femme224.
De plus, si le texte parle, ici, de « gens » (‫ ) ֲאנ ִָשׁים‬c’est pour préciser qu’il n’est pas question
d’animaux, comme des taureaux par exemple. De là225, les tannaïm disent que le propriétaire
d’un taureau qui heurte une femme enceinte est exempt226 de payer le « paiement des petits »
(demey weladot227).

A présent, notons que si le texte n’avait pas précisé qu’il est question d’une personne
enceinte, il aurait toujours été possible de dire qu’il ne s’agit pas, nécessairement, d’une
femme228 ou bien d’une femme qui n’est pas enceinte229.
Par ailleurs, comment savoir qu’il ne s’agit pas seulement de la femme libre mais que l’on
peut y inclure aussi la convertie et la servante libérée ? Simplement encore, parce que le texte
précise qu’elle est enceinte230.
Par « sans malheur » (‫)וְ �א יִהְ יֶה אָסוֹן‬, sans autre précision, on peut penser que cela concerne
soit le fœtus, soit la femme. Comme nous l’avons déjà vu plus haut, cela ne concerne que la
femme car on trouve dans le texte scripturaire cité plus haut231 que quiconque blesse
mortellement un homme, le paiera de sa vie ; or, le terme « homme » (‫ )איש‬peut inclure la
femme mais exclut les fœtus.
En outre, le terme « sanction » (‫ )עונש‬ne s’applique que s’il n’y a pas de malheur (i.e. pas
d’homicide) car, si malheur il y a, ce n’est pas ce terme que l’on emploie. On ne parle en effet
jamais de « sanction » pour un homicide.

222
Voir šabat (‫)שבת‬, ripui (‫)ריפוי‬, nezeq (‫ )נזק‬et ca‘ar (‫ )צער‬dans le glossaire.
223
Celle du parallélisme analogique ; cf. supra note 219. Parallèle utile pour appliquer l’injonction juridique de
la fin du verset 23 où il est simplement mentionné « puni, il sera » (‫)עָ נוֹשׁ יֵעָ נֵשׁ‬. Rappelons que dans le verset mis
en parallèle, la réparation est clairement énoncée : « donner le chômage et payer les frais médicaux » (‫)שבת ורפוי‬.
224
Ce genre de construction linguistique – comme mot yumat (‫ )מות יומת‬ou rapo’ yerape’ (‫ – )רפוא ירפא‬introduit
deux idées : l’insistance et le caractère impersonnel. Autrement dit, ici, la personne (homme ou femme) doit être
punie.
225
Terminologie talmudique ; mik’an ’amru (‫ « )מכאן אמרו‬De là ils [les tannaïm] ont dit » : conclusion légale
tirée de l’analyse d’un verset biblique.
226
Voir paṭur (‫ )פטור‬dans le glossaire.
227
Voir demey weladot (‫ )דמי ולדות‬dans le glossaire.
228
En effet, ‫ אשה‬peut être traduit par « une femme » ou par « son homme » si le ‫ ה‬comporte un mapiq. Or, en
ajoutant le mot hara (‫ « )הרה‬enceinte », on ne se trompe pas en comprenant qu’il s’agit d’une « femme » et non
du « mari de la femme ».
229
« ָ‫ » וְ יָצְ אוּ ְיל ֶָדיה‬peut être compris comme des enfants (déjà nés même depuis longtemps) qui sortent de quelque
part.
230
Par cette simple précision, notre auteur penserait donc que le législateur considère que cette femme n’est pas
une esclave, et fait partie du peuple d’Israël.
231
Exode, 21, 12.
78

Le terme ka’ašer (‫ ) ַכּאֲשֶׁ ר‬peut être compris également par « autant que le mari voudra »232.
Afin d’éviter cette confusion, le texte indique ensuite que l’amende doit être fixée par des
juges (‫)בִּ פְ לִ לִ ים‬. Mais pourquoi alors avoir parlé du mari ? Pour insinuer, le cas échéant, que
c’est à lui que l’amende doit être versée233.

En un mot, selon RaSHBY, les juges sont là pour éviter que le mari de la victime réclame une
réparation supérieure au dommage qu’elle a subi. Et si le mari est quand même mentionné
c’est pour signifier aux juges que le montant de l’indemnité ne revient pas à la femme (la
victime) mais à son époux.

232
Si l’on donne au ‫ כ‬sa valeur de mesure et non sa valeur de temps au sens de « lorsque » par exemple.
233
Cette idée a été reprise dans le Talmud de Babylone, cf. Baba Qama, 43a.
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1.2. Le non-cumul des peines et la règle élargie du non-cumul des peines :

Mekhilta de-RaSHBY sur Exode, 21, 23


‫ואם אסון יהיה ונתתה נפש יכול הרג אדם ובהמה כאחד וקטע ראשו שלזה ואצבעו שלזה כאחד יכול יהא‬
‫חייב מיתה ותשלומין ת"ל נפש תחת נפש )ויקרא כד יז( ולא נפש תחת נפש ובהמה ולא נפש תחת נפש‬
‫ אבל הרג אדם ואחר כך הרג בהמה קטע ראשו שלזה ואחר כך קטע אצבעו שלזה חייב שנ' נפש‬.‫ועין‬
‫תחת נפש ובהמה נפש תחת נפש ועין זה הכלל כל שיש בו עון מיתה ותשלומין כאחד נידון במיתה ופטור‬
.‫מן התשלומין‬

Ce texte dit en substance :


Si quelqu’un commet un acte qui le rend passible de deux peines différentes : l’une d’une
amende et l’autre de la peine capitale, il est jugé pour la dernière et exempt de la première. En
revanche, s’il commet un acte répréhensible de la peine capitale, puis un autre relevant d’une
amende il est redevable des deux peines.

Le texte de la Mekhilta s’appuie ici sur l’idée mishnique (voir plus bas) selon laquelle
quiconque commet un acte dont les conséquences le rendent passible de deux peines
différentes : l’une de la peine de mort et l’autre d’une amende, doit être jugé pour la première
et exempté de la deuxième. Si bien que dans l’épisode de la femme enceinte, dans le cas où
l’agresseur tue la femme enceinte (et par là même les fœtus), il doit être jugé pour la mort de
la femme mais n’est pas obligé de payer l’amende relative à la perte des fœtus.

Par la suite, le compilateur de la Mishna établit définitivement cette idée en tant que règle, à
savoir : est exempté de peine financière quiconque se trouve être également sous le coup
d’une inculpation répréhensible de la peine maximale. On ne parle donc pas d’argent quand
on est accusé d’un acte répréhensible de la peine mort :
Mishna, Ketubbot, 3, 2234
.‫כל המתחייב בנפשו אין משלם ממון‬
« Quiconque engage sa vie [en commettant un acte répréhensible de la peine de mort],
est exempt de payer quelque amende monétaire. »235 n.t.

234
Cf. aussi in Tosefta, Baba Qama, chapitre 9, règle 5.
235
L’idée élargie de la Mishna sera celle retenue par la suite : « Mais s’il y a malheur, le meurtrier ne paiera pas
d’amende puisqu’il est passible de la peine de mort (…) Pour un tel crime, qu’il soit volontaire ou pas, l’auteur
80

Il est possible que, par ce principe, le législateur cherche à souligner la différence de la nature
des crimes – i.e. ceux relevant du civil et ceux relevant du pénal – ; il est possible aussi qu’il
ne veuille pas, en outre, accabler un accusé à la peine de mort en lui infligeant en plus une
amende.

La remarque suivante est le corollaire de la règle236 précédemment formulée, à savoir qu’il


n’y a pas lieu de parler de peine de mort lorsqu’il est question de « sanction » (‫)תשלומין‬.
Ainsi, l’on peut comprendre ce passage de la gemara :
Talmud de Babylone, Baba Qama, 42a
.(...) ‫ יש אסון באשה לא יענשו‬,‫( אין אסון באשה יענשו‬...)
« (…) S’il n’y a pas de malheur à la femme, ils seront punis, [mais] s’il y a malheur à
la femme, ils ne seront pas punis (…). » n.t.

Ce passage semble être en effet paradoxal puisqu’il y est dit que si la femme enceinte ne
meurt pas, le ou les agresseurs doivent être punis, mais que dans le cas contraire (si la femme
meurt) les agresseurs n’ont pas à être punis. En tenant compte de ce que nous avons dit plus
haut, le paradoxe disparaît, car il n’est pas question de « sanction » (d’argent) pour un cas qui
relève d’une condamnation à mort. Or si la femme meurt, l’agresseur est passible de la peine
maximale de l’époque (la mort). Donc si la femme enceinte, qui à été heurtée, décède, ses
agresseurs ne seront pas punis en payant une somme d’argent puisque « quiconque engage sa
vie [en commettant un acte répréhensible de la peine de mort] est exempt de payer quelque
amende monétaire. »237.

est toujours dispensé de payer une amende. En revanche pour une faute passible de retranchement ou de
flagellation, [le coupable] n’est pas exempt de payer d’amende sauf s’il a été averti, devant témoins, de la peine
qu’il encourait ; [c’est à ces conditions] qu’il [pourra être] flagellé, et il sera, alors, exempté de payer une
amende. » n.t. (O. Mibartenura sur Mishna, Ketubbot, 3, 2) :
‫( בעבירה שחייבין עליה מיתת ב"ד בין שוגג למזיד‬...) ‫( לא יענש ההורג בממון שהרי הוא חייב מיתת בית דין‬...) ‫הא אם יהיה אסון‬
,‫ אבל בעבירה שחייבין עליה כרת או מלקות אינו פטור מן התשלומין עד שיהיה שם עדים והתראה וילקה‬.‫לעולם פטור מתשלומין‬
.‫ואז אינו משלם‬
236
Cf. Maïmonide, Hilkhot na‘ara beṭulah, chapitre 1, règle 14 in Mišneh torah : Maïmonide y confirme qu’il
n’y a pas lieu de parler d’argent pour un acte relevant d’une condamnation à mort :
.‫והוא הדין לכל עבירה שיש בה מיתת בית דין שאין בה תשלומין‬
237
A priori peut-être, et à condition, nous l’avons dit, que l’acte, ici, pour lequel il est redevable d’une amende
ait été commis dans le même élan que l’acte pour lequel il risque la peine capitale. Cette condition est nécessaire
pour que la règle de la Mishna, Ketubbot, 3, 2 soit applicable.
Cf. Maïmonide, Hilkhot na‘arah beṭulah, chapitre 1, règle 13 in Mišneh torah. Pour Maïmonide, dans l’épisode
de la femme enceinte, s’il y a homicide, volontaire ou non, le meurtrier doit être jugé pour un acte passible de la
peine capitale (quitte à ne pas l’exécuter) mais reste, de toutes les façons, affranchi de payer quelque amende
monétaire :
81

Maïmonide se fonde précisément sur cette règle de la Mishna et l’élargit davantage. En effet,
pour lui, tout meurtrier – quelle que soit son intention – doit être jugé pour homicide et
encourt, de ce fait, la peine maximale qui l’exempt de payer une amende monétaire.
Son raisonnement peut être décrit comme suit :
D’abord, Maïmonide ne conserve des versets de référence238 que la distinction entre : (1)
homicide et (2) non-homicide, sans tenir compte de l’intention de l’agresseur : pour ce faire, il
ne retient, du premier verset, que l’association entre l’agression et la sanction i.e. « une
amende sera exigée » et du deuxième verset, que l’association entre le décès de la femme et la
sanction i.e. « une vie pour une vie ». Ce qu’il faut donc comprendre, selon Maïmonide, de
cet épisode de la femme enceinte, c’est la marche à suivre en cas d’homicide ou de non-
homicide sans chercher à savoir s’il l’a tuée de manière volontaire ou non puisque le
législateur, lui-même, ne l’a pas dit explicitement. Maïmonide se sert de l’opposition « la
femme meurt »/« la femme ne meurt pas » et de leur sanction respective, pour la généraliser à
celle d’homicide/non-homicide.
Ensuite, Maïmonide interprète la sanction « âme vivante pour âme vivante » (‫)נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬
au sens propre, donc par la peine capitale.
Enfin, Maïmonide applique (1) sa distinction homicide/non-homicide et (2) son interprétation
de la sanction « âme pour âme » à la règle tannaïtique qui veut que « quiconque engage sa vie
(…), est exempt de payer quelque amende monétaire. », pour (3) conclure que cette démarche
doit s’appliquer à toute personne jugée pour homicide (volontaire ou non).

‫ הא למדת שלא חלק באסון בין שוגג למזיד‬,‫הא אם היה שם אסון אין שם עונש ואע"פ שהריגת האשה בשגגה שהרי לא נתכוונו‬
.‫לפטרו מן התשלומין‬
Cf. aussi Maïmonide, Hilkhot ḥovel umeziq, chapitre 4, règle 5 in Mišneh torah et Šulḥan ’arukh, (‫)חו"פ‬, § 423,
alinéa 1.
238
Exode, 21, 22-23.
82

La règle élargie de non-cumul des peines :

Cette règle vaut également pour les fautes qui relèvent, en principe, d’une condamnation à
mort par le tribunal céleste. L’idée, en effet, est qu’il est possible bien sûr d’encourir la peine
capitale pour des fautes commises à l’égard des hommes, mais qu’il est également possible de
l’encourir pour des fautes commises à l’égard du ciel (comme les transgressions relatives aux
lois du chabbat et du jour de Kippour)239 :
Talmud de Babylone, Ketubbot, 30a
‫ אף יום הכיפורים – מתחייב בנפשו ופטור מן‬,‫מה שבת – מתחייב בנפשו ופטור מן התשלומין‬
.‫התשלומין‬
« De même que pour chabbat, il engage sa vie mais reste exempt de payer quelque
amende monétaire ; de même pour le jour du Kippour, il engage sa vie mais reste
exempt de payer une amende monétaire. » n.t.

En d’autres termes, quiconque transgresserait les lois du chabbat n’a aucune somme d’argent
à payer, mais reste passible de la peine de mort ; ce deuxième point est la raison de la
première.

239
Selon R. Meir Simḥa il en est ainsi également pour le « meurtre injustifié de fœtus » (cf. Mešekh ḥokhma,
Exode, 35, 2). Pour une étude plus large sur la condamnation divine dans le judaïsme voir Elon M. (ed.),
Principles of Jewish Law, pp. 522-524.
83

1.3. Établissement de l’argent en tant que réparation générale :

Avant que Rabbi240 établisse définitivement l’argent comme réparation et que l’on n’applique
plus jamais la loi du Talion au sens propre, il faut distinguer deux situations : 1) celle des
« blessures » et 2) celle des « meurtres ». Dans la première situation, la plupart des rabbins
sont d’accord241 pour ne pas prendre cette loi à la lettre (i.e. exiger de l’agresseur une
compensation financière) ; dans la deuxième situation les avis sont plus partagés et c’est
justement là-dessus que l’essentiel des discussions se porte.
Rabbi soutient l’interprétation au sens figuré de l’expression « une vie pour une vie »
puisqu’il affirme que ce passage de la Torah (‫ )נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬doit correspondre à une pénalité
financière.
Donc, même dans un cas d’homicide, le meurtrier ne sera pas condamné à la peine capitale
mais se verra infliger une sanction en argent. On peut croire, pour ainsi dire, que le rédacteur
de la Mishna aurait été partisan de l’abolition de la peine de mort. Ch. Touati, au moins pour
la première situation (i.e. celle des blessures), nous le confirme : « la Mishna242 tient pour
définitivement acquis que ces mots [œil pour œil, dent pour dent, etc.] signifient l’obligation
d’indemniser la victime par une réparation pécuniaire proportionnée exactement au dommage,
au coupable et à la victime. »243.
Ainsi, l’agresseur, dans l’épisode de la femme enceinte244, doit, selon Rabbi, payer une
indemnité monétaire à la victime ou aux ayants droits puisque l’application au sens strict de
« donner une vie pour une vie » n’est pas retenue par le compilateur de la Mishna :
Talmud de Babylone, Sanhedrin, 79a
.‫ רבי אומר ונתתה נפש תחת נפש – ממון‬,‫דתניא‬
« Il a été enseigné245 : [par] Rabbi que [l’expression] tu donneras une vie pour une vie
[correspond] à de l’argent. » n.t.

240
Yehouda ha-Nassi (Le Prince), tanna de la sixième génération ayant mis par écrit la Mishna ; on l’appelle
aussi Rabbi.
241
Mentionnons, ici, par exemple une baraïta du Talmud de Babylone (Baba Qama, 84a) qui cite la thèse de
Rabbi Eliezer ben Horkenos qui, lui, prend au sens propre les mots de la Torah « œil pour œil, dent pour dent,
etc. » (Exode, 21, 24).
242
Mishna, Baba Qama, 8, 1.
243
Touati Ch., Prophètes, talmudistes, philosophes, p. 34.
244
Exode, 21, 22-23.
245
Cf. tanya’ (‫ )תניא‬dans le répertoire.
84

Cette baraïta, rapportée ici dans la gemara, représente le point de vue dominant des tannaïm
parce qu’elle est justement retenue par le compilateur de la Mishna. Ce dernier développe
ailleurs dans la gemara cette interprétation du texte biblique :
Talmud de Babylone, Ḥagiga, 11a246
‫ או אינו אלא נפש ממש? נאמרה נתינה למטה ונאמרה‬,‫ אתה אומר ממון‬.‫רבי אומר נפש תחת נפש – ממון‬
.‫ מה להלן ממון – אף כאן ממון‬,‫נתינה למעלה‬
« Rabbi dit : une vie pour une vie – de l’argent. Tu dis247 de l’argent, mais ne pourrait-
ce être vraiment une vie ? Il a été dit ici248 le terme « donner » et il a été dit plus haut
le terme « donner » ; de même qu’il a été dit plus loin « de l’argent » – de même a-t-il
été dit ici « de l’argent ». » n.t.

L’argument de Rabbi pour affirmer que donner « une vie pour une vie » équivaut en fait à de
l’argent, tient sur un principe d’herméneutique fondamental qu’est l’« analogie à partir de
l’identité des termes » (gezerah šawah)249. Si le verbe « donner », au verset 21, est employé
quand il est question d’argent (‫)וְ נָתַ ן בִּ פְ לִ לִ ים‬, alors le verbe « donner », au verset 22, signifie
également (dans la mesure où cela n’est pas dit explicitement) qu’il est question d’une
indemnité financière (‫)וְ נָתַ תָּ ה נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬.
Cependant, comment font-ils pour savoir que le premier verset250 auquel ils se réfèrent fait
effectivement allusion à de l’argent et non à une autre sanction ? Rabbi et les autres tannaïm
avant lui se basent sur le verset suivant pour affirmer que la sanction est toujours de nature
monétaire lorsque le terme « sanction » (‫ )עונש‬est utilisé :
Deutéronome, 22, 19
‫יוּכַל‬-‫תִ הְ יֶה לְ אִ שָּׁ ה �א‬-‫וְ עָ נְשׁוּ אֹ ת ֹו מֵ אָה כֶסֶ ף וְ נָתְ נוּ ַלאֲבִ י הַ ַנּע ֲָרה כִּ י הוֹצִ יא שֵׁ ם ָרע עַ ל בְּ תוּלַת י ְִשׂ ָראֵ ל וְ ל ֹו‬
.‫יָמָ יו‬-‫לְ שַׁ לְּ חָ הּ כָּל‬
« (…) et, parce qu’il a porté atteinte à la réputation d’une vierge d’Israël, ils le
condamneront à une amende de cent sicles d’argent, qu’ils donneront au père de la
jeune femme. Elle restera sa femme, et il ne pourra pas la renvoyer, tant qu’il vivra. »

Donc, en vertu des règles de l’« analogie à partir de l’identité des termes », si le texte
scripturaire précise que la sanction est une somme d’argent on peut déduire qu’il est

246
Comparer Sanhedrin, 87b.
247
Terminologie talmudique ; cf. '‫ אתה אומר א' או אינו אלא ב‬dans le répertoire.
248
Terminologie talmudique légèrement modifiée de : .‫ מה להלן אף כאן‬,...‫ ונאמר להלן‬...‫( נאמר כאן‬cf. le répertoire).
249
Voir gezerah šawah (‫ )גזרה שווה‬dans le glossaire.
250
Exode, 21, 22.
85

également question d’une somme d’argent dans le premier verset de l’épisode de la femme
enceinte et partout où le terme « sanction » (‫ )עונש‬est employé. Ils procèdent, nous l’avons
dit, de la même manière pour conclure que l’expression « donner une vie pour une vie »
correspond en réalité à un paiement d’une somme d’argent251.
Le rabbin J. Falk, dans son commentaire sur le Šulḥan ’arukh, se sert justement du fait que
c’est de l’argent qui est utilisé ici en tant que compensation afin d’établir que le fœtus n’est
pas une âme vivante (nefeš) : « And it is permitted [in a case of a danger to the mother’s life]
to dismember the fetus in its mother’s womb, even though it is a living being, since as long as
it has not emerged into the atmosphere of the world, it is not called a nefesh, i.e. a person.
The proof for this is that [according to the Bible] one who strikes a pregnant woman and
causes her to miscarry pays monetary compensation, but he is not called a killer, nor is he
liable to the death penalty. »252.

251
Cf. aussi II Rois, 23, 33 : « Pharaon Néco l’enchaîna à Ribla, dans le pays de Hamath, pour qu’il ne régnât
plus à Jérusalem ; et il mit sur le pays une contribution de cent talents d’argent et d’un talent d’or. » :
.‫כֶּסֶ ף וְ כִ כַּר זָהָ ב‬-‫הָ אָרֶ ץ מֵ אָה כִ כַּר‬-‫עֹ נֶשׁ עַ ל‬-‫ַויַּאַסְ ֵרהוּ פַ ְרעֹ ה נְכֹ ה בְ ִרבְ לָה בְּ אֶ ֶרץ חֲמָ ת במלך ) ִממְּ ��( בִּ ירוּשָׁ ִ ָלם וַיִּ תֶּ ן‬
252
Falk J., Ṣefer me’irat ‘einayim, in J. Falk, Beyt Israel, vol. 4, sur la partie ḥošen mišpaṭ, 425, 8.
86

Chapitre 2 : L’importance de la « forme humaine » du fœtus et ses malformations

Afin de montrer que même les fœtus qui ressemblent à des animaux peuvent, quand même,
êtres vus comme des humains, Rav Yehouda (AB2) qui cite Shemouel (AB1)253 réalise une
« analogie à partir de l’identité des termes » entre wayivra’ (‫ « )ויברא‬créa » à propos des
grands poissons (‫)תנינים‬254 et wayivra’ (‫ )ויברא‬énoncé plus loin mais cette fois à propos de la
création de l’homme (‫)אדם‬255. Rav Yehouda utilise cette analogie pour justifier l’impureté
d’une mère qui accoucherait d’un être ayant la forme d’un animal (celle d’un petit reptile par
exemple) dans la mesure où le même verbe est utilisé pour la création des animaux et pour
celle des hommes.
Il est possible d’établir une autre analogie du même type et qui va dans le même sens : mettre
en relation le wayicer (‫ « )ויצר‬forma » dans « L’Éternel Dieu forma de la terre tous les
animaux (…) »256 et le wayiycer (‫ )וייצר‬dans « L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière
de la terre (…) »257. Ainsi, ici aussi le même verbe est utilisé pour la conception des animaux
et pour la conception des hommes.
Rappelons qu’une analogie à partir de l’identité des termes ne peut être acceptée que si les
deux termes mis en parallèle sont « libres » (mufneh) – i.e. il faut qu’au moins un deux termes
qui fonde l’analogie soit apparemment superflu dans son contexte. Ce qui n’est évidemment
pas le cas des deux exemples ci-dessus258.
Ajoutons d’ailleurs que sur ces deux cas mentionnés ci-dessus Rabbi Yishmael d’une part et
ses pairs d’autre part ne sont pas d’accord sur ce qu’il faut faire avec une « analogie » comme
la nôtre259. Ainsi, le premier pense qu’il est inutile de réfuter les analogies entre deux termes

253
Nidda, 22b.
254
Genèse, 1, 21 : « Dieu créa les grands poissons et tous les animaux vivants qui se meuvent, et que les eaux
produisirent en abondance selon leur espèce ; il créa aussi tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela
était bon. » :
.‫טוֹב‬-‫עוֹף ָכּנָף לְ ִמינֵהוּ ַויּ ְַרא אֱ�הִ ים כִּ י‬-‫נֶפֶ שׁ הַ חַ יָּה הָ רֹמֶ שֶׂ ת אֲשֶׁ ר שָׁ ְרצוּ הַ מַּ יִם לְ ִמינֵהֶ ם וְ אֵ ת כָּל‬-‫הַ תַּ נִּינִם הַ גְּ דֹלִ ים וְ אֵ ת כָּל‬-‫וַיִּ בְ ָרא אֱ�הִ ים אֶ ת‬
255
Genèse, 1, 27.
256
Genèse, 2, 19 : « L’Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et
il les fit venir vers l’homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que toute âme vivante (n.t.) portât le
nom que lui donnerait l’homme. » :
‫אָדם נֶפֶ שׁ‬
ָ ָ‫ל ֹו ה‬-‫ל ֹו וְ כֹ ל אֲשֶׁ ר י ְִק ָרא‬-‫יִּ ְק ָרא‬-‫אָדם לִ ְראוֹת מַ ה‬
ָ ָ‫ה‬-‫עוֹף הַ שָּׁ מַ ִים ַויָּבֵ א אֶ ל‬-‫חַ יַּת הַ שָּׂ ֶדה וְ אֵ ת כָּל‬-‫הָ א ֲָדמָ ה כָּל‬-‫וַיִּ צֶ ר יְהוָה אֱ�הִ ים ִמן‬
. ‫חַ יָּה הוּא ְשׁמ ֹו‬
257
Genèse, 2, 7 : « L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un
souffle de vie et l’homme devint une âme vivante. » n.t. :
.‫אָדם לְ נֶפֶ שׁ חַ יָּה‬
ָ ָ‫הָ א ֲָדמָ ה וַיִּ פַּ ח בְּ אַ פָּיו נ ְִשׁמַ ת חַ יִּ ים ַויְהִ י ה‬-‫אָדם עָ פָ ר מִ ן‬
ָ ָ‫ה‬-‫וַיִּ יצֶ ר יְהוָה אֱ�הִ ים אֶ ת‬
258
Cf. le commentaire de RaSHi sur yecirah (‫ )יצירה‬in Nidda, 22b.
259
Celle où aucun des termes mis en relation n’est libre de son contexte.
87

motivés dans leur contexte, alors que les autres, au contraire, pensent qu’il est quand même
nécessaire de le faire. En un mot, ces derniers estiment, contrairement à Rabbi Yishmael,
qu’il est possible de tirer un enseignement même dans un cas comme le nôtre.
C’est la raison pour laquelle les anciens rabbins apportent une autre condition pour établir le
statut des fœtus qui ont une ressemblance avec les animaux. Cette nouvelle condition est ce
qu’ils nomment la « forme humaine ». C’est cette notion qui est à présent développée.
Sur ce dernier point, tous les Sages sont d’accord pour affirmer que c’est la tête qui
conditionne la naissance ; c’est-à-dire que si elle est sortie l’enfant est considéré comme né, et
inversement si elle ne l’est pas. Avec le critère de la respiration, la sortie de la tête suffit à
conférer au fœtus le statut d’âme vivante (nefeš). Dans le même ordre d’idées mais dans le
cadre de l’étude des règles de pureté, la tête joue également un rôle déterminant pour établir le
degré d’impureté d’une femme ; plus encore, certains rabbins pensent que la reconnaissance
humaine du visage du fœtus est le véritable critère, ici, de détermination260. Au point que les
Sages semblent dire que même si le fœtus a le corps semblable à celui d’un animal mais le
visage à celui d’un humain (‫ )מצורת האדם‬il est considéré comme une âme vivante (nefeš).
Car, inversement – i.e. le fœtus a un corps d’humain mais le visage d’un animal – il ne l’est
pas261.
Cela étant dit, Rabbi Meir est le seul à accorder le statut d’âme vivante (nefeš) au fœtus même
si son visage ne ressemble que partiellement à celui d’un homme alors que les Sages ne lui
accordent ce statut que si son visage ressemble totalement à celui d’un être humain262.

Qu’est-ce que avoir « les traits du visage humain » ou (ce qui revient au même) quelle est la
définition de la « forme humaine » pour les maîtres du Talmud ?

Toutes les parties du visage sont déterminantes à l’exception des oreilles, de la bouche et du
nez263. C’est-à-dire qu’un fœtus doit avoir le front, les mâchoires, les arcades sourcilières, les

260
Dans le cadre de l’étude des règles de pureté, à propos d’une femme qui perd, lors d’une fausse couche, une
masse de chair plus ou moins indistincte elle sera, pour Rabbi Yoḥanan, impure comme une parturiente puisque
la tête est sortie alors que ReSH Laqish pense que la « forme humaine » du visage doit être reconnaissable pour
que cette femme soit impure comme si elle avait accouché (TJ, Nidda, chapitre 3, page 50, colonne C, règle 2) :
‫אמר רבי יוחנן הלידה הזאת ככל הלידות שבתורה מה הלידות שבתורה עד שיצא ראשו ורובו וזו עד שיצא ראשו ורובו רבי שמעון בן‬
.‫לקיש אמר משונה היא הלידה הזאת מכל הלידות שבתורה כל הלידות שבתורה עד שיצא ראשו ורובו וזו עד שתצא הכרת פניו‬
Voir aussi Mishna, Bekhorot, 8, 1 (vis à vis des règles de droits de successions) et Mishna, Karetot, 1, 3 (vis à
vis des règles relatives aux sacrifices).
261
Nidda, 23b.
262
Cf. le commentaire de RaSHi sur weha’ ’ifkha’ taniya’ (‫ )והא איפכא תניא‬in Nidda, idem.
263
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 9. Cf. aussi le commentaire de RaSHi sur ḥuc min
ha’oznayim (‫ )חוץ מן האזנים‬in Nidda, idem.
88

lobes temporaux264 et les yeux d’un humain pour être vu comme une âme vivante (nefeš),
même si le reste de sa tête et de son visage ressemblent à ceux d’un animal.
En revanche, précisons bien que la bouche, le nez et les oreilles n’ont pas la capacité d’élever
le fœtus au rang d’âme vivante (nefeš) même s’ils ont l’apparence humaine.
Ainsi, la ressemblance de toutes ces parties déterminantes du visage du fœtus à celles d’un
être humain est une condition suffisante (et nécessaire) pour qu’il puisse être considéré
comme tel265.
La Halakhah, sur ce point, suit l’avis des Sages. Ce qui fait qu’un fœtus avec le visage d’un
être humain et le corps à l’allure d’un serpent, par exemple, est, quand même, vu comme une
âme vivante (nefeš)266, et l’inverse est vrai aussi. C’est-à-dire qu’un fœtus avec le visage
semblable à une tête de serpent et le corps d’un humain n’acquerrait pas le statut d’âme
vivante267.

Il existe même une situation où le fœtus a le statut d’une « demie âme vivante (nefeš) »268. En
effet, si la seule partie de son visage ayant l’apparence humaine est un œil et que celui-ci se
trouve à sa place, ce fœtus est vu comme une « demie âme vivante (nefeš) ». Mais si cet œil,
bien qu’ayant la forme humaine, ne se trouve pas à sa place (i.e. à la droite ou à la gauche du
nez) le fœtus n’est même plus considéré comme une « demi âme vivante (nefeš) »269, mais
comme une autre créature.

264
J. Preuss parle des « joues » (Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 416) Comparer la description
avec TJ, Nidda, chapitre 3, page 50, colonne C, règle 2 :
.‫ואילו הן הסימנין המצח והגבינין והעין והאוזן והלסת והחוטם והזקן וגומות הזקן‬
265
Rabbi Ḥanina ben Gamliel (T5) juge que la condition des Sages concerne surtout les fœtus qui
ressembleraient aux volatiles dans la mesure où leurs yeux ressemblent moins à ceux des humains que ne le sont
ceux des autres animaux (Tosefta (Zuckermandel), Nidda, chapitre 4, règle 5). Et Rav Yossef (AB3) (Bekhorot,
40a) précise que cette ressemblance ne concerne que la couleur des yeux – i.e. le noir de la pupille et le blanc de
l’œil. RaSHi, plus tard, affirmera que cette ressemblance ne peut, justement, être qu’à ce niveau dans la mesure
où la pupille des animaux n’est pas aussi ronde que celle des humains ; cf. le commentaire de RaSHi sur
be’okhma’ (‫ )באוכמא‬in Bekhorot, idem.
266
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 10.
267
Au point que Meiri rapportant un passage du Talmud de Jérusalem stipulant qu’on pourrait « égorger » un
fœtus ayant tout le corps à l’apparence humaine mais la tête à l’apparence d’un animal ; et ce même si « [le
fœtus] se tenait debout et lisait la Tora ». ‫ ; כולו אדם ופניו בהמה אפילו עומד וקורא בתורה אומרים לו בא לשחטך‬et son
corollaire : si un fœtus a « tout le corps semblable à celui d’un animal [mais] la tête à l’apparence humaine, on
l’invite à pratiquer le Lévirat » pour signifier qu’il compte bien parmi la communauté humaine :
.‫( כולו בהמה ופניו אדם עומד וחורש בשדה אומרים לו בוא וחלוץ יבם‬cf. pour ces deux citations in TJ, Nidda, chapitre 3,
page 50, colonne C, règle 2).
268
Les anciens rabbins ont décidé même dans un cas pareil de favoriser la partie humaine ; c’est la raison pour
laquelle la mère d’un tel enfant est impure comme une parturiente.
269
Toutefois, les Sages et Rabbi Meir s’accordent sur un point : celui concernant les droits de succession. En
effet, Rabbi Meir et les Sages refusent d’accorder la double part au fœtus qui ressemble à un animal puisque,
selon Raba (AB3), ils ne considèrent pas ce fœtus comme vivant (cf. le commentaire de RaSHi sur hamapelet
min behema weḥayah we‘of divrey rabi me’ir (‫ )המפלת מין בהמה וחיה ועוף דברי ר"מ‬in Nidda, 23b).
89

Par ailleurs, il convient d’ajouter ici, avant de conclure sur l’importance de la « forme
humaine » comme critère déterminant de l’attribution au fœtus du statut d’âme vivante
(nefeš), une règle de pureté, rédigée par Maïmonide, concernant la dépouille d’un être
humain :
Maïmonide270
‫ אבל אם נשרף‬,‫המת שנשרף ושלדו קיימת והוא השדרה והצלעות ה"ז מטמא כמת שלם ואצ"ל אם נחרך‬
.‫ וכן שפיר מרוקם שטרפו במים טהור שהרי נתבלבלה צורתו‬,‫עד שנתבלבלה צורת תבניתו טהור‬
« Un mort dont le corps a été brûlé mais dont la charpente demeure, à savoir : la
colonne vertébrale et les côtes, rend impur comme un mort intact ; et il est inutile de
parler de celui qui n’a que roussi271. Mais s’il a été brûlé au point que sa forme
s’altère, il est pur. Il en est de même pour le chorion (šafir) constitué corrompu par
l’eau : il est pur puisque sa forme s’est altérée. »

Maïmonide explique qu’un corps dont il n’est plus possible de reconnaître la forme humaine
ne rend plus impur. La même règle doit être appliquée pour un fœtus qui avait la forme
humaine : c’est-à-dire que s’il la perd, il perd avec elle sa capacité à rendre impur. Ainsi, tant
que la « forme humaine » demeure272, le cadavre et le fœtus restent impurs et gardent leur
capacité à rendre impur. Mais dès que la « forme humaine » disparaît273, le cadavre et le fœtus
ont, pour ainsi dire, le même statut que la poussière.

À la lumière de ce qui a été dit, nous pouvons avancer que les anciens rabbins accordent aux
parties qui structurent le visage (i.e. l’ossature du visage) la capacité d’élever le fœtus au rang
d’âme vivante (nefeš). Peut-être que leur idée est de ne pas accorder cette capacité aux parties
« molles » du visage. Quant aux oreilles particulièrement, leur incapacité à rendre impur
provient du fait que les anciens rabbins ne les jugent peut-être pas comme faisant partie du
visage.

De ce fait, Rabbi Yirmeya (AI3/4) rappelle que le fœtus qui ressemble à un animal, à une bête ou à un volatile,
n’hérite pas parce qu’il est écrit que :
« (…) c’est l’aîné, (…), qu’il reconnaîtra pour tel, en lui donnant double part de tout ce qui lui appartient, car il
est les prémices de sa vigueur (‫ )ראשית אונו‬: à lui le droit d’aînesse ! » (Deutéronome, 21, 17).
Les Sages interprètent « les prémices de sa vigueur » par la peine que pourrait avoir le père vis à vis de la perte
d’un tel fœtus. Ainsi, en dépit du fait que Rabbi Meir confère à ce fœtus le statut d’« enfant potentiel »
(‫( )ולד מעליא‬cf. Nidda, 23b), le fœtus qui ressemble à un animal, à une bête ou à un volatile n’a pas droit à
l’héritage parce que le père n’éprouve pas de peine quant à sa perte (cf. le commentaire de RaSHi sur mi šelibo
dawah ’alayw (‫ )מי שלבו דוה עליו‬in Nidda, idem).
270
Maïmonide, Hilkhot ṭum’at met, chapitre 3, règle 9.
271
Car il est moins consumé que le premier. Donc il rend, a fortiori, impur.
272
Cf. le commentaire de RaSHi sur wešlado qayemet (‫ )ושלדו קיימת‬in Nidda, 27b.
273
Cf. le commentaire de RaSHi sur šenitbalbelah (‫ )שנתבלבלה‬in Nidda, idem.
90

Les malformations du fœtus

Il existe quatre grandes malformations recensées par les anciens rabbins274 :

- La première est celle du fœtus « bouché » (’aṭum), terme qui peut aussi avoir le sens de
« manquant ».
- La deuxième est relative au visage à savoir le cas d’un fœtus dont le visage est « abîmé »
(muṣmaṣin), ou pire, « altéré » (ṭuḥot) i.e. pas de trait humain reconnaissable.
- La troisième est celle où les fœtus ressemblent à un animal.
- Et la dernière – la plus célèbre – est celle du ṣandal275.

Pour y voir plus clair, rappelons ici quelques définitions faites par Maïmonide de ces
différentes malformations fœtales et leurs conséquences sur la pureté de la femme.
Mais avant que Maïmonide ait défini ces malformations, rappelons que Rabbi a déjà dit, dix
siècles plus tôt, qu’un « fœtus bouché » (‫)ולד אטום‬276 est un fœtus à qui il manque une partie
indispensable à la vie (‫)שינטל מן החי וימות‬277. Et il y a d’ailleurs des divergences entre
certains amoraïm sur cette partie (i.e. un ou plusieurs organes) en question278 :

1) Rabbi Zakay par exemple, considère qu’un fœtus est « bouché » à partir du moment où son
corps s’arrête au genou.
2) Rabbi Yanay (AI1) pense que le fœtus est « bouché » s’il lui manque toute la partie
inférieure du corps (à partir du bassin avec l’appareil génital).
3) Rabbi Yoḥanan qui cite Rabbi Yosse ben Yehoshoua dit la même chose que Rabbi Yanay
mais il fixe la limite à partir du nombril.

274
Et pour avoir une idée globale de ce que l’on appelle aujourd’hui la tératologie voir Ornoy A., « Birth Defects
(Teratology) – Medical Background », First International Colloquium, Le compte-rendu, 1996, pp. 294-301.
Voir aussi Jakobovits I., « Review of Recent Halachic Periodical Literature: Deformed Babies and Thalimonide
Babies », Tradition, 5, 2, 1963, pp. 267-268. Quant au rapport entre le fœtus malformé et l’avortement voir
Block R.A., « A Matter of Life and Death: Reform Judaism and the Defective Child », Journal of Reform
Judaism, 31, 4, 1984, pp. 14-30.
275
Voir ṣandal (‫ )סנדל‬dans le glossaire.
276
Cf. I.M. Lau, responsa : Yaḥel Israel, § 86 commençant par wehine kayoce’ (‫)והנה כיוצא‬. Voir aussi au sujet
d’un « fœtus bouché » l’article assez complet de Malach D., « Celle qui perd un fœtus « bouché » n’est pas
impure comme une parturiente » (‫ אין אמו טמאה לידה‬- ‫)המפלת גוף אטום‬, Assia, 71-72, (2003), pp. 112-126.
277
Cf. Nidda, 23b.
278
Cf. Nidda, 24a.
91

Ainsi, pour le fœtus ’aṭum « bouché » (‫ )אטום‬et pour celui dont le visage est « altéré » (ṭuḥot)
(‫ )טוחות‬Maïmonide a rédigé ces définitions-ci :

A) Maïmonide279
‫ או שהיתה גלגלתו אטומה או שהיו‬,‫נברא ושט שלו אטום או שהיה חסר מטיבורו ולמטה והרי הוא אטום‬
,‫ או שהפילה בריית ראש שאינו חתוך‬,‫פניו טוחות ואין בהן הכר פנים או שיש לו שני גבין ושתי שדרות‬
‫ אבל אם הפילה יד חתוכה ורגל חתוכה‬,‫או יד שאינו חתוך כל נפל מאלו אינו ולד ואין אמו טמאה לידה‬
.‫הרי חזקתה מולד שלם ומצטרפין לרוב איבריו‬
« Un fœtus dont l’œsophage est bouché ou à qui il manque toute la partie du corps à
partir du nombril et en deçà ou dont la tête est bouchée, est un « bouché » (‫ )אטום‬Celui
dont la face est altérée, c’est-à-dire qu’elle n’a plus du tout de forme reconnaissable
(‫)טוחות‬. Celui qui possède deux dos et deux colonnes vertébrales, ou, si [une femme]
perd un semblant de tête non-coupée [non-disloquée] ou une main non-coupée sont
tous des cas d’avortons et ne sont pas considérés comme des « embryons développés »
ne rendent pas leur mère impure comme une parturiente. Mais, si [une femme] perd
une main coupée ou une jambe coupée, on suppose qu’elles faisaient partie d’un
embryon entier. On les associe [mentalement] au reste du corps. »

Maïmonide définit d’abord tous les cas de fœtus qui ne sont pas considérés comme des
« enfants » (‫)ולדות‬280 mais comme des avortons (‫)נפלים‬, qui ne rendent pas leur mère impure
comme une parturiente :

- Celui dont l’œsophage est « bouché », celui dont la partie du corps en-dessous du nombril
est manquante et celui dont la tête est « bouchée » sont appelés « fœtus bouché » (’aṭum)281.
- Celui dont le visage est « altéré » (ṭuḥot).
- Celui qui possède deux dos et deux colonnes vertébrales282.

279
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 11. Comparer avec Nidda, 28a.
280
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’eyno walad (‫ )אינו ולד‬in Bekhorot, 43b.
281
« ’aṭum » signifie aussi selon la plupart des commentateurs « manquant » : pour ce qui est de la tête par
exemple, J. Preuss estime qu’il s’agit du fœtus qui n’a de pas cerveau i.e. anencéphale (Preuss J., Biblical and
Talmudical Medicine, idem) ; voir aussi Nidda, 24a et TJ, Nidda, chapitre 3, page 50, colonne D, règle 2 :
.‫גולגולתו אטומה אינו וולד‬
282
Certains y voient une créature tel que le « bossu » interdit de service au Temple mentionné dans la Bible
(Lévitique, 21, 20).
92

Une femme reste également pure si elle perd : un semblant de tête283 sans que l’on puisse dire
qu’elle a été arrachée du corps, ou, une main (ou tout autre organe) ; à la même condition que
pour la tête.
Si cette femme reste pure c’est parce que ce qu’elle a perdu ne présente pas de signe de
déchirure d’un fœtus qui était entier284. Et il s’agirait, selon J. Preuss, d’agrégats produit par
l’utérus : « This case probably refers to tumors of the uterus which are aborted. »285.
En revanche, une femme est considérée impure comme une parturiente si elle perd ne serait-
ce qu’un membre du corps du fœtus, à condition, bien sûr, qu’il présente des signes
d’arrachements ; parce qu’on tient alors ce membre comme faisant partie d’une entité – i.e. le
fœtus.
Une femme qui avorte donc d’un fœtus dont le seul défaut est d’avoir le visage « abîmé »
(muṣmaṣin) – i.e. le visage est défiguré mais il conserve des traits humains – est impure
comme une parturiente.
Mais, si le visage du fœtus est « altéré », la femme qui l’a porté reste pure puisque ce fœtus
n’est nullement considéré comme un « enfant » et encore moins comme une âme vivante
(nefeš).

Quant aux fœtus qui ressemblent aux animaux, Maïmonide a rédigé cette définition-là :

B) Maïmonide286
‫ ואם אינה קשורה בו מטילין עליה‬,‫הפילה דמות בהמה חיה ועוף ושליא קשורה בו אין חוששין לולד‬
‫חומר שתי ולדות שאני אומר שמא נימוח שפיר מרוקם שהיה בשליא זו ושמא נימוחה השליא של שפיר‬
.‫זה שהוא דמות בהמה וחיה‬
« Si une femme perd quelque chose qui ressemble à un animal, à une bête ou à un
volatile et que le placenta lui est lié, on ne craint pas qu’elle ait perdu un « enfant ».
S’il ne lui est pas lié, [la femme] doit agir comme si elle avait perdu deux fœtus. Car il
est possible qu’un chorion constitué, à l’intérieur du placenta, se soit écrasé, et il est
possible [en plus] que le placenta du chorion qui ressemble à un animal et à une bête,
se soit écrasé. »

283
La tête tient une place plus importante que les autres parties du corps.
284
Voir Fortunatus Licetus, De Monstis, Amstelod, 1665, p. 56 et Hufeland, Harles Journal für die praktische
Heilkunde, Avril 1816.
285
Preuss J., ibid., p. 417.
286
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 16.
93

Maïmonide explique qu’une femme ne doit pas craindre d’avoir perdu un « enfant » si ce
dernier ressemble à un animal (‫)בהמה‬, à une bête (‫ )חיה‬ou à un volatile (‫ )עוף‬à condition qu’il
soit encore lié au placenta (šilya’)287.
En revanche, elle doit considérer qu’elle a perdu deux fœtus, si le fœtus mal formé en
question, n’est pas lié au placenta288. En effet, pour plus de rigueur, on juge qu’elle a perdu,
non pas un, mais deux fœtus289. Maïmonide justifie cette sévérité dans la mesure où il estime
qu’il y a peut-être un fœtus qui s’est désagrégé à l’intérieur du placenta, et, un autre fœtus,
dont le placenta s’est décomposé ; ce qui a provoqué la malformation du fœtus (celui qui
ressemble à un animal, à une bête ou à un volatile).
Autrement dit, le fœtus qui ressemble à un animal n’est pas considéré comme un « enfant »
s’il est encore attaché au placenta puisque l’on considère que c’est le sien. S’il ne l’est pas, la
règle est de faire comme s’il y avait deux fœtus :

1) Un premier fœtus qui a été corrompu dans son placenta (« écrasé » (‫ )נימוח‬comme le dit
Maïmonide).
2) Un second fœtus (celui qui ressemble à un animal), dont le placenta, cette fois, s’est
corrompu290 et qui est la cause de cette malformation.

Enfin, Maïmonide a rédigé la définition suivante pour le fœtus que l’on nomme ṣandal :

C) Maïmonide291
‫פעמים יקפה משאר הדמים שנוצר מהם האדם חתיכה כמו לשון השור ותהיה כרוכה על מקצת הולד‬
‫ אבל חתיכה שנוצרה לבדה בלא ולד אינה‬,‫והיא הנקראת סנדל ולעולם לא יעשה סנדל זה אלא עם ולד‬
‫ ופעמים יכה המעוברת דבר על בטנה ויפסד העובר‬,‫נקראת סנדל ורוב העוברים לא יהיה עמהם סנדל‬
‫ ופעמים ישאר בו הכר פנים ופעמים ייבש הולד וישתנה ויקפאו עליו הדמים עד שלא‬,‫ויעשה כסנדל זה‬
‫ישאר בו הכר פנים לפיכך המפלת זכר וסנדל עמו אע"פ שאין הכר פנים לסנדל הרי זו תשב לזכר ולנקבה‬
‫ וחומרא החמירו בו לטמאה בו משום ולד אע"פ שאין בו צורת פנים הואיל‬,‫שמא סנדל זה נקבה היה‬
.‫והיא טמאה לידה מפני הולד שעמו‬
« Il arrive parfois que parmi les différentes [matières] sanguines, grâce auxquelles un
être humain se forme, un morceau, de la forme d’une langue de taureau292, se coagule
287
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’awal qešurah bo (‫ )אבל קשורה בו‬in Ḥullin, 77b.
288
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’ela’ še’eynah qešurah bo (‫ )אלא שאינה קשורה בו‬in Ḥullin, idem.
289
C’est une ḥumrah (‫ « )חומרה‬rigueur » i.e. renforcer l’interdit ou la règle par plus de sévérité ; (cf. le
commentaire de RaSHi sur ḥumar šeney weladot (‫ )חומר שני ולדות‬in Nidda, 27a).
290
Šulḥan ’arukh, (‫)יו"ד‬, § 194, alinéa 7 et cf. aussi Ḥullin, idem.
291
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 12.
94

et s’enroule légèrement autour de l’embryon ; il se nomme ṣandal. Il se compose


toujours avec un embryon. Car un morceau non accompagné d’un embryon ne
s’appelle pas ṣandal. La plupart des embryons ne sont pas accompagnés de ṣandal. Il
arrive aussi parfois qu’à la suite d’un choc sur le ventre de la femme enceinte,
l’embryon devienne comme un ṣandal. Parfois l’embryon conserve une forme
reconnaissable, et parfois il s’assèche et se corrompt ; [s’assèche i.e.] se coagulent sur
l’embryon des [matières] sanguines, jusqu’à ce qu’il soit impossible d’identifier, chez
lui, une forme reconnaissable. C’est pourquoi, une femme qui avorte d’un mâle et d’un
ṣandal, bien qu’il ne soit pas possible d’identifier, chez ce dernier, de forme
reconnaissable, devra « attendre pour un mâle et une femelle », dans l’hypothèse où ce
ṣandal est une femelle. Et, même s’il n’est pas possible d’identifier, chez ce dernier,
de forme reconnaissable, [les anciens rabbins] ont décidé qu’elle est impure comme
une parturiente, puisqu’un ṣandal est toujours accompagné d’un embryon. »

Maïmonide donne donc la définition d’un ṣandal :


Ainsi, il explique qu’un ṣandal est, au sens strict, un agrégat de matières, de la forme d’une
langue de taureau293, qui s’enroule autour de l’embryon.
Maïmonide précise que cet agrégat de matières ne porte pas le nom de ṣandal s’il est isolé –
i.e. non lié à un embryon. Donc un agrégat de matières sans embryon, ne porte pas le nom de
ṣandal. Par abus de langage, on appelle aussi ṣandal l’embryon à qui cet agrégat de matières
s’est collé. C’est donc l’agrégat de matières et l’embryon que l’on nomme ainsi.

Cela étant dit, il arrive parfois qu’un embryon ressemble à un ṣandal sans cette adjonction de
matière mais à cause d’un traumatisme (ou d’une malformation), au point que l’identification
de son sexe est impossible. Par conséquent, une femme doit respecter une des procédures
spéciales de purification – celle que l’on nomme « attendre pour un mâle et une femelle »
(‫– )לשבת לזכר ולנקבה‬294 si elle perd, lors d’une fausse couche, un fœtus de sexe masculin et
un ṣandal295. Et ce, car ce dernier peut être de sexe féminin.

292
Selon l’avis de Rabban Shimon ben Gamliel in Nidda, 25b.
293
Selon l’avis du même tanna in Nidda, idem.
294
Quatorze jours d’impureté suivis de trente trois jours de pureté qui doivent être comptés à partir du début de
la deuxième semaine d’impureté ; cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 20 (voir infra p. 124).
295
Maïmonide a choisi d’étudier le cas d’un fœtus de sexe masculin et d’un ṣandal, parce que le fœtus de sexe
féminin oblige la femme à respecter la procédure de purification la plus longue. Donc, la question ne se pose que
dans le cas que Maïmonide mentionne.
95

Maïmonide ajoute enfin, qu’il a été décidé, pour plus de rigueur, de considérer impure comme
une parturiente296, toute femme qui perd un ṣandal.

Ajoutons un dernier cas de malformation fœtale et de son incidence sur la pureté féminine.
Une femme qui avorte d’« une forme démoniaque » (‫ )דמות לילית‬est impure comme une
parturiente. RaSHi297 explique qu’une forme démoniaque est en fait un fœtus avec deux
proéminences sur le dos qui lui donne l’allure d’un démon (lilit – leur reine) muni d’une paire
d’ailes298.

296
Comme une parturiente et pas autrement.
297
Cf. le commentaire de RaSHi sur demut lilit (‫ )דמות לילית‬in Nidda, 24b. On note, par ailleurs, dans le Talmud
de Babylone une brève description du démon en question qui serait, notamment, coiffé d’une longue chevelure
(‘Erubin, 100b). L’auteur de l’Alphabet de Ben Sirah (Steinschneider (ed.), 1858, 23a) suppose que Lilit serait la
femme qui a été créée en même temps qu’Adam et avant Ève ; cette hypothèse tenterait d’effacer la
contradiction du texte biblique relatant d’une part que Dieu a créé l’homme et la femme en même temps
(Genèse, 1, 27) et d’autre part qu’Ève serait née d’une côte d’Adam (ibid., 2, 21). Dieu ayant refusé d’attribuer à
Lilit une compensation pour la perte de sa place au profit d’Ève, Lilit prononça le nom de Dieu, s’enfuit et
commença une carrière démoniaque. G. Scholem rapporte, par ailleurs, que cette conception d’une femme créée
indépendamment d’Adam était déjà connue au 3ème siècle mais sans le motif démoniaque (Scholem G., La
Kabbale et sa symbolique, Traduit de l’allemand par J. Boesse, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1975, p. 184).
298
Cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 10.
96

Chapitre 3 : Matériaux complémentaires sur les animaux et un parallèle entre certaines règles
sur les animaux et celles sur le fœtus

Bien que Maïmonide tient, un peu plus loin, un chapitre à part plus grand encore que les
autres, la règle qui suit nous semble convenir pour introduire le paragraphe sur les animaux
dans la mesure où elle met en relation ce qui a pu être dit sur les animaux et ce que nous
savons du fœtus :

Maïmonide299
‫ אבל ולד‬,‫כבר ביארנו בענין נדה שהולד באדם נגמר לארבעים יום והמפלת לפחות מארבעים אינו ולד‬
‫ אבל אמרו שהמפלת טינוף אינה מתעברת אחריו ולא‬,‫בהמה לא עמדו חכמים על מניין הימים שיגמר בו‬
.‫מקבלת ולד אחר לפחות משלשים יום‬
« Nous avons déjà expliqué à travers les règles de la nidah300 (‫ )נִדה‬que l’embryon
humain est achevé au terme de quarante jours. Ce qui est perdu avant quarante jours
n’est pas un « enfant ». En revanche les Sages n’ont pas fixé le nombre de jours où
s’achève l’embryon animal. Néanmoins, ils ont dit qu’un [animal] qui perd un ṭinuf
(‫ )טינוף‬ne peut retomber enceinte et mettre bas à nouveau qu’après au moins trente
jours. »

De cette règle, il se dégage que le terme walad est employé tant pour les humains que pour les
animaux. Mais la durée de formation du fœtus animal n’est pas précisée alors que celle du
fœtus humain l’est (après quarante jours de grossesse). Elle nous aurait permis de distinguer –
au moins – deux statuts du fœtus animal comme cela l’est pour les humains.
Cela étant dit, il existe quand même un terme pour le fœtus d’un animal dont la forme n’est
pas identifiable – i.e. un ṭinuf301. Et Maïmonide conclut en attestant qu’une bête ne peut pas
retomber enceinte avant au moins trente jours302 après avoir mis bas.

Dans une autre règle mais toujours à propos du ṭinuf, Maïmonide affirme que ce dernier est
quand même considéré comme ayant fendu la matrice en dépit de sa forme non-identifiable.

299
Maïmonide, Hilkhot bekhorot, chapitre 4, règle 12.
300
Voir nidah (‫ )נידה‬dans le glossaire.
301
Maïmonide en donne une définition (cf. Maïmonide, ibid., chapitre 4, règle 10).
302
Cf. Šulḥan ’arukh, (‫)יו"ד‬, § 315, alinéa 7.
97

Et il en est de même pour tous les animaux nés avant terme, y compris lorsqu’ils ne sont qu’à
l’état de chorion (šafir)303.
Il est, par ailleurs, permis de manger un animal qui n’a pas encore le sabot fendu – qaluṭ
(‫)קלוט‬, la fente apparaît en principe à la naissance à partir du moment où il touche le sol304– à
condition, bien sûr, que sa mère fasse partie des animaux permis à la consommation (kašer) et
qu’elle eût été égorgée rituellement305.
En revanche, il est interdit de manger un animal né avant terme ; à moins qu’il ne vive au
moins sept jours à compter de sa naissance. Mais, s’il est né à terme, l’animal pourra être
consommé le jour même de sa naissance306.

Nous notons – tant à l’égard des malformations de l’animal (qaluṭ) que de la date, à compter
de la naissance, où il est permis de le manger s’il est prématuré (sept jours) – que les règles
concernant les animaux malformés d’une part et prématurés d’autre part sont plus souples que
celles concernant les fœtus humains malformés307 ou prématurés308. Mais on retrouve à
l’égard des animaux cette même approche bienveillante que l’on avait déjà rencontrée – dans
le cadre d’un autre sujet – quand on épargne au condamné des souffrances inutiles (‘inuy
hadin) (élargie pour nous à la femme enceinte condamnée à mort) dans la mesure où il est
également interdit de faire souffrir gratuitement un animal (ca‘ar ba‘aley ḥayim)309.

303
Cf. Maïmonide, idem.
304
Maïmonide, Hilkhot ma’akhalot ’aṣurot, chapitre 5, règle 14.
305
Cf. le commentaire de RaSHi sur parṣa’ mihe’ ’ika’ (‫ )פרסא מיהא איכא‬in Nidda, 23b.
306
Maïmonide, Hilkhot ma’akhalot ’aṣurot, chapitre 4, règle 4.
307
Même de graves malformations – qui déforment donc l’enfant considérablement – rendent quand même la
mère impure.
308
Il faut attendre un mois de vie (et pas sept jours) pour que le nouveau-né soit complètement sorti du cadre des
règles sur l’avorton (nefel) et qu’il soit alors possible, si c’est un mâle primipare, de le racheter au cohen (voir
infra p. 140 et suivantes).
309
L’expression ne se retrouve pas telle quelle dans la Bible mais de nombreux versets y font allusion :
Deutéronome, 5, 13 ; 22, 4, 6-7 et 10 ; 25, 4 ; Exode, 23, 5 et 12 ; Lévitique, 22, 23 et 28 ; Shabbat, 111a et 128b.
Voir aussi Cohen N.J., Tsa’ar Ba’ale Hayim: The Prevention of Cruelty to Animals: Its Bases, Development and
Legislation in Hebrew Literature, Catholic Univ. Press, Washington D.C., 1959. Réédité par I. Jakobovits,
Judaism, 9, 1960, pp. 188-89. Et à propos des experiences sur les animaux voir Cohen A.S., « Animal
Experimentation », Journal of Halacha and Contemporary Society, 11, 1986, pp. 19-32 ; Jakobovits I.,
« Medical Experiments on Animals », Journal of Medicine and Philosophy, 8, 3, 1983, pp. 223-224 et « The
Medical Treatment of Animals in Jewish Law », Journal of Jewish Studies, 7, 1956, p. 207.
98

C- LE FŒTUS À TRAVERS LE RESTE DE LA LITTÉRATURE JUIVE ET CELLE DES


CONSULTATIONS JURIDIQUES (RESPONSA) PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE

Chapitre 1 : Le bas Moyen-Âge

1.1. RYF310

Dans le cadre d’un des concepts que nous avons étudiés – celui de « la souffrance inutile »
(‘inuy hadin) – Yitshaq Elfasi avance ici une nouvelle idée. Pour lui, une femme enceinte
condamnée à mort ne souffre plus de la peine causée par le sort qui l’attend au moment du
travail, dans la mesure où son esprit est totalement absorbé par les souffrances de
l’enfantement. En un mot, les douleurs de l’enfantement couvrent celles provoquées par
l’attente de sa condamnation à mort.
Le commentaire suivant est celui que fait RYF de la gemara311 mais il est rapporté ici par
RaN312 :
‫כיון שלא יצא לאויר העולם לא חיישינן ולכן לא מענים את דינה של האשה בגללו עד ישיבתה על‬
.‫המשבר‬
« Puisqu’il n’est pas sorti à l’air du monde on n’en tient pas compte. Ainsi on ne
retarde pas la sentence de la femme à cause de lui à moins qu’elle soit sur le point
d’accoucher. » n.t.

RaN explique la raison de ce jugement : on ne prolonge pas la souffrance d’une femme


enceinte condamnée à mort à moins qu’elle soit sur le siège. En effet, si elle se trouve sur le
point d’accoucher, son esprit est occupé par les souffrances de l’accouchement. Ainsi, le
motif pour lequel on exécute la peine le plus vite possible n’est plus actuel.

310
Yitshaq Elfasi (1013-1103).
311
Ḥullin, 19a.
312
Nissim Gerondi (1320-1380).
99

En vertu de « la souffrance inutile » qui est l’interdiction de prolonger les souffrances induites
par la sentence d’un jugement313, on n’attend pas que la femme accouche sauf si elle est sur le
point d’enfanter.
Il est donc permis d’exécuter une femme enceinte condamnée à la peine capitale mais en
faisant en sorte que le délai qui sépare le verdict de l’exécution soit le plus court possible.
Néanmoins, il est permis d’attendre qu’elle accouche si elle est en travail. Parce que, le cas
échéant, on l’a dit, elle ne souffre plus de la peine causée par le sort qui l’attend dans la
mesure où son esprit est totalement absorbé par les souffrances de l’enfantement ; c’est-à-dire
que les douleurs de l’enfantement couvrent celles induites par sa condamnation à mort.
Ainsi, l’apport du RYF revient à dire qu’on ne prend en compte que le bien-être de la mère.
En un mot, selon le principe de « la souffrance inutile », il ne faut pas retarder l’application de
sa peine à moins qu’elle soit sur le point d’accoucher.
Or, selon RYF, si elle est sur le point d’accoucher, on attendra qu’elle enfante parce que la
règle de « la souffrance inutile » n’est justement plus actuelle dans la mesure où les douleurs
de l’enfantement l’emportent sur celles induites par sa condamnation à la peine capitale (et
non parce que le fœtus a une quelconque valeur) et il n’y a donc plus de raison de hâter son
exécution.

313
D’une manière générale, la peine doit être exécutée le plus rapidement possible après le verdict ; car la
souffrance qu’elle provoque ne doit pas être prolongée. À plus forte raison pour la peine capitale.
100

1.2. RaSHi314 sur Exode, 21, 22-23 et sur ‘Arakhin, 7a

Shelomo ben Yitshaq met l’accent, ici, sur deux points : le caractère involontaire de
l’agression et l’autorité du mari dans cet épisode de la femme enceinte.
RaSHi traite donc ce passage comme un avortement provoqué de manière involontaire. Mais,
son point de vue n’empêche pas de deviner l’opinion qu’il avait sur le statut du fœtus. Ainsi, à
l’instar de RaSHBY et Rabbi, il commence par dire que quand le texte parle de malheur (i.e.
la mort) il n’est question que de la femme et non des fœtus et que l’expression « puni, il sera »
(‫ )עָ נוֹשׁ יֵעָ נֵשׁ‬doit être comprise comme une sanction de nature monétaire. RaSHi ne suppose
pas pour autant que les fœtus sont sortis sains et saufs et qu’il faut imposer à l’agresseur une
amende parce qu’il a, simplement, blessé quelqu’un. Au contraire, il estime que les fœtus
n’ont pas survécu à leur expulsion – suite au coup subi par la femme – puisqu’il considère que
l’agresseur doit payer le « paiement des petits » (‫)דמי ולדות‬.
De plus, toujours comme l’a interprété RaSHBY, RaSHi considère que cette amende revient
au mari et qu’elle doit être fixée et imposée dans le cadre d’un tribunal. À ceci près que
RaSHi, contrairement à RaSHBY, précise clairement que l’agresseur ne peut être poursuivi
que si le mari porte plainte auprès du tribunal.

.(‫ זה עם זה ונתכוון להכות את חברו והכה את האשה )סנהדרין עט ע"ב‬.‫וכי ינצו אנשים‬
« Quand des hommes se disputent. L’un contre l’autre ; son intention était de frapper
son prochain mais il heurta la femme (Sanhedrin, 79b). » n.t.
RaSHi précise que les personnes qui s’affrontent, ici, le font l’une vis à vis de l’autre. Cette
remarque vise à exclure un contre-sens. Il est possible, en effet, d’imaginer qu’il est question
d’individus qui se liguent pour frapper la femme enceinte ; c’est pour éviter de comprendre
cet extrait dans ce sens là que RaSHi a fait sa remarque. De ce fait, il en conclut que la femme
enceinte a été frappée par inadvertance, dans la mesure où ceux qui se disputaient, le faisaient
entre-eux, avec l’intention, malgré tout, de tuer leur adversaire315.

‫ כמו "פן תגוף באבן רגלך" )תהלים צא יב( "ובטרם יתנגפו‬,‫ אין נגיפה אלא לשון דחיפה והכאה‬.‫ונגפו‬
.(‫רגליכם" )ירמיה יג טז( "ולאבן נגף" )ישעיה ח יד‬

314
Shelomo ben Yitshaq (1040-1105).
315
RaSHi sur bemacut šebemitah (‫ )במצות שבמיתה‬in Sanhedrin, 74a :
.‫במצות שבמיתה – שהוא מתכוין להרוג את חבירו והכה את האשה הכתוב מדבר‬
101

« Et heurtent. Heurter, ici, a le sens de pousser et cogner, comme dans « [Sur leurs
mains ils te porteront,] de peur que ton pied ne heurte contre une pierre. »
(Psaumes, 91, 12) ; « [Rendez gloire au Seigneur, votre Dieu, avant que n’arrivent les
ténèbres et] avant que vos pieds ne se heurtent [contre les monts du crépuscule,
quand vous attendrez la lumière et qu’il l’aura changée en ombre, transformée en
brume épaisse.] » (Jérémie, 13, 16) ; « [Il deviendra un sanctuaire,] une pierre que
l’on heurte [et un roc d’achoppement pour les deux maisons d’Israël, un filet et un
piège pour l’habitant de Jérusalem] (Isaïe, 8, 14). » n.t.
RaSHi clarifie le terme employé ici pour dire qu’il est bien question d’un choc subi par la
femme enceinte, mais insiste aussi sur le fait que le coup qui lui a été porté est bel et bien
involontaire (les exemples dont il se sert pour illustrer son propos vont justement dans ce
sens).

.(‫ באישה )סנהדרין עט ע"ב‬.‫ולא יהיה אסון‬


« Et qu’il n’y a pas de malheur. Pour la femme (Sanhedrin, 79b). » n.t.
RaSHi considère que le malheur (i.e. la mort) qu’il y aurait pu avoir ne concerne que la
femme et exclut les fœtus.

‫ שמין אותה כמה היתה ראויה להמכר בשוק להעלות בדמיה בשביל‬,‫ לשלם דמי ולדות לבעל‬.‫ענוש יענש‬
.(‫הריונה )ב"ק מט‬
« Une amende sera exigée. Payer le « paiement des petits » au mari ; on la met aux
enchères, au marché, pour savoir quelle somme [l’agresseur doit payer] pour cette
grossesse [en vain] (Baba Qama, 49). » n.t.
Cette sanction monétaire est faite pour indemniser le mari316 de la perte qu’il a subie. En
réalité, l’agresseur paye pour deux choses différentes : d’une part pour la perte des fœtus, et
d’autre part pour la perte de beauté subie par la femme à cause du coup qu’elle a reçu.
La manière dont cette somme à payer doit être évaluée est mentionnée dans la gemara et c’est
de là-bas que RaSHi l’a rapportée, à savoir :
Talmud de Babylone, Baba Qama, 49a
.‫ וכמה היא יפה משילדה‬,‫שמין את האישה כמה היא יפה עד שלא ילדה‬
« On voit à quel point la femme était belle avant qu’elle accouche, et à quel point elle
est belle après son accouchement. » n.t.

316
L’indemnisation revient au mari parce qu’il est le « propriétaire » (‫ )בעל‬de la femme – i.e. elle est sa femme.
102

La somme que l’agresseur doit payer est la différence entre le prix que son mari aurait touché
avant l’accident et celui qu’il touche après l’accident ; sachant bien sûr que plus la femme est
belle, plus elle coûte cher. Précisons que « l’accouchement » est, ici, la fausse couche qu’elle
a subie à cause du coup qu’elle a reçu.
En outre, cette amende monétaire (pour la fausse couche qu’il a provoquée) doit tenir compte
du supplément financier (demey ševaḥ weladot)317 dû au volume plus imposant de la femme.
Cette somme supplémentaire ne concerne pas directement les fœtus. En effet, nous l’avons
dit, l’agresseur paye pour deux choses différentes : d’une part pour la perte des fœtus, et
d’autre part pour la perte du « supplément de beauté » lorsque la femme est enceinte.
Autrement dit, il y a une quantité d’argent que l’agresseur paye pour les fœtus perdus et une
autre pour la beauté particulière relative à la femme enceinte.
Notons quand même que Rabban Shimon ben Gamliel n’accorde pas de supplément financier
à la femme primipare, car il considère qu’elle a moins de valeur qu’une autre ayant déjà
enfanté, dans la mesure où la vie de la première est davantage en danger. Ce n’est pas
paradoxal si on admet que la primipare n’a pas prouvé, contrairement à l’autre, sa capacité à
mener à bout sa grossesse et aurait plus de chance de mourir en couche. Cette plus grande
probabilité d’échec semble être la raison pour laquelle Rabban Shimon ben Gamliel n’accorde
pas à une femme enceinte pour la première fois le droit d’obtenir ce supplément financier :
Talmud de Babylone, Baba Qama, 49a
.‫ כאן בשאינה מבכרת‬,‫כאן כמבכרת‬
« Ici vis à vis de la femme primipare, là vis à vis de la femme qui n’est pas
primipare. » n.t.
Cette remarque de Rabban Shimon ben Gamliel n’est finalement pas retenue par la Halakhah
et le supplément financier doit être payé au mari par l’agresseur aussi bien pour une femme
primipare que pour une femme ayant déjà enfanté318.

.(‫ מכילתא‬,‫ כמו "וענשו אתו מאה כסף" )דברים כב יט‬,‫ יגבו ממון ממנו‬.‫ענוש יענש‬
« Une amende sera exigée. Ils percevront de l’argent de sa part, comme dans « Ils le
condamneront à une amende de cent sicles d’argent [qu’ils donneront au père de la
jeune fille, parce qu’il a occasionné une mauvaise renommée à une vierge d’Israël.
Elle deviendra sa femme, il ne pourra la répudier de toute sa vie.] (Mekhilta,
Deutéronome, 22, 19). » n.t.

317
Voir ševaḥ (‫ )שבח‬dans le glossaire.
318
Cf. Maïmonide, Hilkhot ḥovel umeziq, chapitre 4, règle 1.
103

RaSHi anticipe sur la suite du texte et précise qu’il s’agit d’une condamnation : c’est-à-dire
que cela doit se faire uniquement dans le cadre d’un tribunal et c’est également dans ce sens
que va la Mekhilta de-RaSHBY (c’est pour cette raison qu’il l’a mentionnée ici) :
.‫ כשיתבענו הבעל בבד' להשית עליו עונש על כך‬.'‫כאשר ישית עליו וגו‬
« Quand il lui imposera etc. Lorsque le mari portera plainte au tribunal afin de le
condamner pour ce qu’il a fait. » n.t.
Voilà ce que RaSHi a anticipé plus haut : à savoir que c’est un tribunal qui doit juger cette
affaire. Mais plus encore, sa remarque tend surtout à clarifier le sens qu’il donne à ka’ašer. Ce
terme peut introduire, en effet, deux notions différentes : la mesure d’une part et le temps
d’autre part. RaSHi favorise la deuxième. Il considère, ainsi, que l’agresseur peut être
poursuivi en justice seulement si le mari porte plainte. En un mot, si le mari ne porte pas
plainte il n’y a pas de procès possible319. Cette vision est identique à celle de la Mekhilta de-
Rabbi Shimon bar Yoḥay puisqu’il considère également que ce n’est pas au mari mais aux
magistrats d’évaluer et d’imposer une amende. Néanmoins, RaSHi précise clairement,
contrairement à RaSHBY, que l’agresseur ne peut être poursuivi que si et seulement si le mari
porte plainte.

.‫ המכה דמי ולדות‬.‫ונתן‬


« L’agresseur donnera le « paiement des petits ». » n.t.
Ce concept de « paiement des petits » qui signifie littéralement « une somme (d’argent) pour
la progéniture » a été forgé (et se trouve déjà dans la Mekhilta de-Rabbi Shimon bar Yoḥay)
pour définir la nature de la sanction mentionnée dans le texte biblique dans le cadre de
l’épisode de la femme enceinte.

.(‫ על פי הדיינים )מכילתא‬.‫בפללים‬


« Par des juges. Fixée par les magistrats (Mekhilta). » n.t.
Cette compensation monétaire (« le paiement des petits ») doit être évaluée et appliquée par
des juges dans le cadre d’un tribunal rabbinique.

319
Cf. le commentaire du MaLBYM sur ce point.
104

RaSHi sur Exode, 21, 23

.‫ באשה‬.‫ואם אסון יהיה‬


« Et s’il y a malheur. Pour la femme. » n.t.
RaSHi précise à nouveau – dans la mesure où il aurait pu s’agir des fœtus – que le malheur
dont parle le texte regarde la femme.

,‫ ויש אומרים ממון‬,‫ יש אומרים נפש ממש‬,‫ )סנהדרין עט( רבותינו חולקים בדבר‬.‫ונתת נפש תחת נפש‬
‫ ומשלם ליורשיו דמיו כמו שהיה‬,‫ ושהמתכוין להרוג את זה והרג את זה פטור ממיתה‬,‫אבל לא נפש ממש‬
.(‫ סנהדרין עט‬,‫נמכר בשוק )מכילתא‬
« Tu donneras vie pour vie. [Dans] (Sanhedrin, 79a) nos maîtres controversent sur le
sujet : les uns disent une vie au sens propre, les autres disent de l’argent mais pas une
vie au sens propre car celui qui avait l’intention de tuer untel mais en a tué un autre
n’est pas répréhensible de la peine capitale et paiera aux héritiers sa valeur selon le
prix du marché (Mekhilta). » n.t.
RaSHi rapporte la controverse qui se trouve dans le traité Sanhedrin, 79a/b (qui est
développée, plus bas, dans le commentaire d’Ibn Ezra) et semble prendre position pour la
version métaphorique quant à l’interprétation de cette formule. Pour lui, en effet, le passage
« tu donneras vie pour vie » (‫ )וְ נָתַ תָּ ה נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬ne revient pas, ici, à dire que l’agresseur
doit payer de sa vie, car il s’agit d’un homicide involontaire. En revanche, il doit s’acquitter
d’une amende équivalente à la somme qu’aurait rapportée cette femme – à son mari ou à ses
ayants droits si ce dernier décède – si elle était vendue.
105

RaSHi sur ‘Arakhin, 7a

La réflexion de RaSHi ici porte sur un autre concept que nous avons également étudié, à
savoir « le détachement du fœtus » (‘aqirat ha‘ubar) : RaSHi suit l’avis des amoraïm sur ce
qui fait, en effet, que le fœtus n’est plus une entité de la mère. Cette notion correspond à la
phase du travail lors de l’accouchement. Cependant, il n’accorde pas au fœtus un statut
suffisamment important pour éviter qu’on le mette en pièce s’il met en danger la vie de la
mère. Et ce, même après son « détachement », à moins qu’il n’ait déjà sorti la tête. Jusqu’ici,
sur ces deux limites (i.e. le « détachement du fœtus » et l’apparition de la tête) RaSHi ne se
distingue pas de la pensée talmudique.
En revanche, dans son commentaire sur cette deuxième limite, il apporte une nuance aux
propos des amoraïm dans la mesure où – contrairement à l’avis de ces derniers – il ne suffit
plus que le front ou le nombril soit visible pour éliminer le fœtus et donc sauver la mère, mais
il est nécessaire – en outre – que la tête soit dehors pour accorder au fœtus le statut d’âme
vivante (nefeš).
RaSHi semble quand même accorder au fœtus – encore entièrement dans le ventre de la mère
– un certain statut dans la mesure où il retarde l’exécution d’une femme enceinte condamnée à
mort à cause du fœtus. En effet, si cette dernière est sur le point d’accoucher, le fœtus est vu
comme un autre corps :
.‫ וגופא אחרינא הוא‬,‫דכוין דעקר ונע ממקומו‬
« Puisque [le fœtus] s’est arraché et a bougé de sa place, il est un autre corps. » n.t.
RaSHi reste quand même assez explicite quant à la question de savoir si le fœtus peut être
considéré comme une âme vivante. Sa réponse nous semble négative : elle se trouve dans son
commentaire de la gemara320 là où il relate l’épisode de la Mishna321 sur la raison pour
laquelle il est permis de mettre en pièces le fœtus pour sauver la mère ; pour RaSHi – selon
l’expression que l’on trouve aussi chez RYF – le fœtus acquiert le statut d’âme vivante (nefeš)
dès lors qu’il est « venu au monde » :
Talmud de Babylone, Sanhedrin, 72b
.‫כל זמן שלא יצא לאויר העולם – לאו נפש הוא וניתן להורגו ולהציל את אמו‬

320
Cf. Sanhedrin, 72b là où il commente « sa tête est sortie » (‫)יצא ראשו‬.
321
Mishna, Aholot, 7, 6.
106

« Tant qu’il (le fœtus) n’est pas sorti à l’air du monde322, ce n’est pas une âme
vivante ; on peut le tuer et sauver sa mère. » n.t.
En un mot, s’il est permis de sauver la mère aux dépens du fœtus qu’elle porte, c’est parce
que ce dernier n’est pas l’égal des êtres humains.

Dans le cadre d’un autre concept que nous avons déjà vu (i.e. bar qayama’) et vis-à-vis donc
du statut du fœtus en général, RaSHi met en parallèle deux versets de la Torah :
1) Le verset « Et l’homme qui frappe [à mort] toute âme vivante humaine n.t. sera mis à
mort »323 : .‫אָדם מוֹת יוּמָ ת‬
ָ ‫נֶפֶ שׁ‬-‫וְ אִ ישׁ כִּ י ַיכֶּה כָּל‬
Et
2) Le verset « Quiconque frappe un homme et celui-ci meurt, sera mis à mort »324 :
.‫מַ כֵּה אִ ישׁ וָמֵ ת מוֹת יוּמָ ת‬
Et sur cette base il affirme qu’à partir de l’expression « [quiconque] frappe un homme », le
texte scripturaire ne permet pas d’y inclure les fœtus :
‫ אינו חייב עד שיכה בן קיימא‬,‫ תלמוד לומר מכה איש‬,‫ועוד כי יכה כל נפש אדם אפילו נפלים במשמע‬
.‫הראוי להיות איש‬
« De plus, par « toute âme vivante humaine » il est possible d’y assimiler les avortons ; or la
Torah nous enseigne325 : « [quiconque] frappe un homme », [donc] il n’est coupable326 qu’à
partir du moment où il frappe un être pour qui « homme » est applicable. » n.t.
Il dit, en effet, que là où l’on aurait pu inclure les fœtus au passage biblique « toute âme
d’homme » (‫אָדם‬
ָ ‫נֶפֶ שׁ‬-‫)כָּל‬, l’on trouve un autre extrait de la Bible « frappe un homme »
(‫ )מַ כֵּה אִ ישׁ‬qui contredit cette hypothèse.
L’idée de RaSHi selon laquelle le fœtus n’accède au statut d’âme vivante (nefeš) qu’à partir
de la naissance se trouve déjà pour ainsi dire dans la baraïta suivante :
Talmud de Babylone, Shabbat, 151b
‫ דוד מלך ישראל מת – אין‬,‫ רבן שמעון בן גמליאל אומר בן יומו חי – מחללין עליו את השבת‬,‫תניא‬
‫ דוד מלך ישראל‬.‫ כדי שישמור שבתות הרבה‬,‫ אמרה תורה חלל עליו שבת אחד‬.‫מחללין עליו את השבת‬
.‫ בטל מן המצוות‬,‫מת – אין מחללין עליו – כיוון שמת אדם‬

322
Il est intéressant de noter que pour Diogène (4ème siècle avant e.c.), l’embryon n’est pas vivant puisqu’il ne
respire pas, l’âme étant associé à la respiration, signe de vie. Cf. Laks A., Diogène d’Apollonie : la dernière
cosmologie présocratique, dans la collection : Cahiers de Philologie, Presses Universitaires de Lille, 1983.
323
Lévitique, 24, 17.
324
Exode, 21, 12.
325
Cette expression signifie que ce qui suit est « un enseignement dérivant d’une exégèse biblique ».
326
Voir ḥayav (‫ )חייב‬dans le glossaire.
107

« Il a été enseigné, Rabban Shimon ben Gamliel dit : un nouveau-né d’un jour vivant –
on profane pour lui le chabbat, David le roi d’Israël mort – on ne profane pas pour lui
le chabbat. La Loi dit : on profane pour lui un chabbat, afin qu’il garde plusieurs
chabbat. David le roi d’Israël mort – on ne profane pas pour lui le chabbat – car
lorsqu’un homme meurt, il est affranchi des commandements. » n.t.
Autrement dit, à partir de la naissance d’un homme, ce dernier est considéré comme vivant et
il est permis de transgresser un des commandements du Décalogue pour lui sauver la vie ;
mais à partir du moment où il décède – fut-il un roi – il devient interdit de transgresser ce qui
était permis du vivant de cet homme.
Le raisonnement, succinctement dit, qui a donc conduit RaSHi, comme tous les autres avant
lui, à dire que le fœtus ne fait pas partie des hommes est le suivant. Il part du principe –
conformément à l’avis tannaïtique mentionné dans le Ṣifra327– qu’un avorton (nefel) n’est pas
un être humain ayant prouvé sa viabilité (bar qayama’) et que la Loi ne rend coupable
d’homicide que quiconque a tué un homme. Or, selon ce principe, ce qui distingue un fœtus
d’un homme, c’est que ce dernier a prouvé sa viabilité. Donc, on ne peut pas être accusé
d’homicide si l’on élimine un fœtus, puisqu’on ne peut parler d’homicide que si l’on tue un
être humain ayant prouvé sa viabilité – i.e. un « homme »/bar qayama’328.

327
Section ’emor, chapitre 20, § 1 (voir supra p. 55).
328
C’est le sens qui est donné à ’iš (‫)איש‬, bien que littéralement ce terme signifie un homme de sexe masculin.
108

1.3. RaSHBaM329 sur Exode, 21, 22-23

Shemuel ben Meir (le petit-fils de RaSHi) affirme que l’agresseur n’a pas à payer le
« paiement des petits » s’il a tué la femme. Cela présuppose deux choses.
La première est qu’il se base, lui aussi, sur la Mishna qui veut que « quiconque engage sa vie
[en commettant un acte répréhensible de la peine de mort], est exempt de payer quelque
amende monétaire. »330.
La deuxième c’est que Shemouel ben Meir considère les fœtus comme faisant partie de la
mère (‘ubar yerekh ’imo), car la peine de mort qu’il encourt couvre la perte des fœtus dans la
mesure où ils sont précisément assimilés à la mère :
.‫ באשה‬.‫ולא יהיה אסון‬
« Et qu’il n’y a pas de malheur. Pour la femme. » n.t.
RaSHBaM complète ce passage comme tous les autres commentateurs, à savoir que le
malheur dont parle le texte ne regarde que la femme et ne prend donc pas en compte les fœtus.
Il dit, à l’instar des autres, que si quelqu’un heurte, par inadvertance, une femme enceinte
provoquant la perte des fœtus sans qu’elle même ne meurt, il ne devra payer qu’une amende.

.‫ בשומת הדיינין‬.‫בפללים‬
« Par des juges. Selon l’appréciation des juges. » n.t.
RaSHBaM pense aussi que cette amende, dont est redevable l’agresseur de la femme enceinte
(à condition qu’elle ne meure pas), doit être laissée à l’estimation des juges. Ce n’est donc pas
au mari, mais au tribunal, de fixer la somme dont doit s’acquitter l’agresseur pour ce qu’il a
fait.

329
Shemuel ben Meir (1080-1158).
330
Voir supra p. 79.
109

RaSHBaM sur Exode, 21, 23

.‫ ופטור מדמי ולדות‬.‫ונתתה ]נפש תחת[ נפש‬


« Tu donneras vie pour vie. Et [l’agresseur] est exempt du « paiement des petits ». »
n.t.
En vertu de la règle du traité Ketubbot que nous venons de voir, à savoir que « quiconque
engage sa vie (…), est exempt de payer quelque amende monétaire », RaSHBaM affirme
aussi – dans le cas où la femme meurt du coup qu’elle a reçu – que l’agresseur est exempt de
payer l’amende relative à la perte des fœtus. De ce fait, il est possible de déduire qu’il
comprend, stricto sensu, l’injonction : « une vie pour une vie ».
Ainsi, il partage l’avis des premiers amoraïm dans la controverse talmudique331 rapportée plus
haut par Ibn Ezra : à savoir ceux qui considèrent l’expression « une vie pour une vie »
(‫ )נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬est applicable au sens propre.

331
Sanhedrin, 79a.
110

1.4. Avraham ibn Ezra332 sur Exode, 21, 22

Comme tous les commentateurs qui l’ont précédé, Avraham Ibn Ezra considère que le
malheur dont parle le texte ne regarde à chaque fois que la femme. Mais, contrairement aux
autres, il précise que les protagonistes dans cette histoire appartiennent au peuple d’Israël.
Cette remarque pourra d’ailleurs servir d’appui pour légiférer sur le sort des femmes enceintes
non juives. Ibn Ezra se démarque encore lorsqu’il écrit que l’agresseur doit être puni pour
avoir provoqué la mort des fœtus. En effet, il exclut complètement la possibilité que les fœtus
aient survécu à leur expulsion puisqu’il est le seul à dire explicitement que les fœtus sont
morts :
."‫ וכן כתוב )לעיל ב יג( "למה תכה רעך‬.‫ שהם נצים מכה זה את זה‬,‫ אלה האנשים הם עברים‬.‫וכי ינצו‬
« Quand [des hommes] se disputent. Ces gens sont des Hébreux, qui se querellent
[c’est à dire] qui se battent l’un contre l’autre ; comme il est écrit : « [Le second jour,
il sortit encore et voici que deux Hébreux se querellaient. Il dit au plus méchant :]
« pourquoi frappes-tu ton prochain ? » (Exode, 2, 13). » n.t.
Avraham ibn Ezra pense que les gens qui se disputent font partie du peuple d’Israël dans la
mesure où ils sont tenus d’appliquer les lois scripturaires, et qu’ils se battent l’un contre
l’autre. En un mot, il est question d’une rixe entre Hébreux.

‫ זאת או‬,(‫ וכן "באש ישרפו אותו ואתהן" )ויקרא כ יד‬.‫ כי פעם יהיה פירוש זה או זה‬,‫ כולל שניהם‬.‫ונגפו‬
.‫ וזאת האשה היא ישראלית‬.‫ ואם שניהם ישראלים דין אחד להם‬,‫זאת‬
« Et heurtent. Les deux y sont inclus, puisqu’il est toujours possible d’interpréter
pour l’un ou pour l’autre. Comme [en] (Lévitique, 20, 14) : « [L’homme qui prend une
femme et sa mère, c’est une impudicité :] on les brûlera par le feu, lui et elles, [il n’y
aura pas d’impudicité parmi vous.] » ; l’une ou l’autre. Comme les deux [personnes
qui se battent] sont juives, une seule et même règle devra leur être appliquée. [L’on
part du principe que] la femme [enceinte], dont il est question ici, est juive. » n.t.
Avraham ibn Ezra considère qu’il n’y a que deux personnes qui se battent et qu’ils sont tous
les deux fautifs. Si les deux portent la faute, c’est parce qu’il est, ici, injuste de n’en accuser
qu’un seul. Ils sont donc tous les deux responsables de la faute. Pour consolider son

332
Avraham ibn Ezra (1092-1167).
111

interprétation du premier verset, Ibn Ezra cite en exemple le passage biblique où la mère et la
fille sont brûlées parce qu’elles ont couché avec le même homme333.
Et il ajoute que les deux personnes qui se battent doivent êtres jugées en fonction de la même
loi, parce qu’elles appartiennent toutes les deux au même peuple. Après avoir insisté sur la
responsabilité mutuelle des deux « agresseurs », Ibn Ezra souligne – logiquement – qu’ils
doivent êtres traités de la même manière.
Enfin, comme le texte ne le précise pas, Ibn Ezra part du principe que la femme, aussi, fait
partie du même peuple que ceux qui se battent – i.e. le peuple d’Israël.

.‫ באשה‬.‫ולא יהיה אסון‬


« Et qu’il n’y a pas de malheur. Pour la femme. » n.t.
Ibn Ezra, à l’instar de RaSHi, considère que l’interprétation relative à la partie de ce verset ne
regarde que la femme et exclut donc les fœtus.

.‫ בעבור הילדים שיצאו ומתו‬.‫ענוש יענש‬


« Une amende sera exigée. Pour les enfants sortis qui sont morts. » n.t.
Les agresseurs doivent être punis pour avoir causé la perte des fœtus ; Ibn Ezra est le seul,
justement, à dire explicitement que les fœtus portés par cette femme meurent suite à son
agression. Voilà une précision utile de la part de notre auteur, puisqu’il est précisément
possible d’imaginer que les fœtus expulsés par l’agression, survivent.

"‫ כמו "ופללו אלוהים‬,‫ ואם לאו יתן על פי בית דין‬.‫ אבי הילדים אם יעשה כחפצו הנוגף‬.‫כאשר ישית עליו‬
.(‫)ש"א ב כה‬
« Quand le mari de la femme lui imposera ! Le père des enfants si l’agresseur paye
selon la volonté [du premier]. Sinon [l’agresseur] paiera [la somme] imposée par le
tribunal ; comme [dans] (I Samuel, 2, 25) : « [Si un homme pèche contre un homme],
Dieu le jugera, [mais si un homme pèche contre le Seigneur, qui interviendra pour
lui ?] » n.t.
Avraham ibn Ezra laisse le choix à l’agresseur de payer ce que lui réclame le père, ou, s’il ne
le veut pas, de payer la somme qui sera évaluée par le tribunal. Il cite un exemple où Dieu est
juge, pour insister sur le fait que c’est un tiers334 qui tranche dans une affaire lorsque deux

333
Lévitique, 20, 14. Même le mariage ne peut constituer une défense pour celle avec qui l’homme est marié.
Dans cet épisode, ce dernier aussi doit être brûlé.
334
I.e. une partie neutre.
112

personnes s’opposent. On peut dire que Dieu est à ces deux hommes là-bas, ce que le tribunal
est au père et à l’agresseur ici.
Enfin, Ibn Ezra ne dit pas explicitement que l’agresseur doit payer une somme d’argent ; cet
agresseur s’exposerait donc à une peine peut-être plus sévère de la part du tribunal335 s’il ne
s’arrange pas avec le père.

.‫ ויש מחלוקת אומרים כי ימות הנוגף בעבור שמחשבתו להרוג אחיו יומת‬.‫ לאשה‬.‫ואם אסון יהיה‬
‫ מה‬,‫ ואם הוא עונש‬,‫ ועל מות האשה כתוב ונתת נפש תחת נפש‬,‫וראייתם כי על הילדים כתוב ענוש יענש‬
‫ למה שינה הכתוב לומר נפש תחת‬,‫ ואם אמרנו שהם בני ענושים‬.‫יתרון למות האשה יותר מן הילדים‬
.‫נפש‬
‫ ושינה הכתוב לומר נפש תחת‬.‫ומחלוקת אחרת אומרת כי המתכוין להרוג את זה והרג את זה לא יומת‬
‫ שאינו‬,‫ וראייתם הכתוב הבא אחריו עין תחת עין‬.‫ כי עונש הנפש יותר מהילדים הרבה מאד‬,‫נפש‬
‫ כי אחריו כתיב המשפט עין‬,‫ שן תחת שן‬,‫ ונזכר זאת הפרשה בעבור עין תחת עין‬.‫ רק הוא כפר‬,‫כמשמעו‬
.‫העבד ושינו‬

Ce commentaire dit en substance :


Avraham ibn Ezra pense, comme RaSHi, que le malheur dont il est question ne regarde que la
femme. Ensuite – sans le dire explicitement et sans que cela concerne directement le passage
souligné qu’il commente – il rapporte aussi la controverse336 qui se trouve dans la gemara337.
Ainsi, (1) les uns pensent que l’agresseur doit être mis à mort du fait que son intention était de
tuer son prochain.
Leurs arguments sont : premièrement, pour les fœtus il est écrit : « puni, il sera » (‫)עָ נוֹשׁ יֵעָ נֵשׁ‬,
alors que pour la mort de la femme il est écrit : « tu donneras une vie pour une vie »
(‫)וְ נָתַ תָּ ה נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬. Or, si pour la mort de la femme on est redevable d’une amende comme
cela est le cas pour la mort des fœtus, se poserait la question de savoir en quoi la vie de la
femme est supérieure à celle des fœtus. Deuxièmement – le cas échéant – l’on peut se
demander (tout simplement) pourquoi le texte parle ensuite de donner « une vie pour une
vie », alors qu’il aurait pu confondre les deux cas et ne promulguer qu’une seule loi.
(2) Les autres, au contraire, pensent que celui qui a l’intention de tuer quelqu’un, mais qui
finalement – sans le faire exprès – tue quelqu’un d’autre, ne doit pas être mis à mort. Et que si

335
Le commentaire d’Ibn Ezra n’exclut pas explicitement la possibilité que le tribunal inflige à l’agresseur la
peine de mort.
336
Comme l’a fait RaSHi, mais Ibn Ezra la développe davantage. Par ailleurs, Ibn Ezra ne semble pas prendre
parti pour les uns ou pour les autres dans cette controverse.
337
Sanhedrin, 79a/b. Voir aussi Ketubbot, 33a.
113

le texte parle ensuite « d’une vie pour une vie », c’est seulement pour indiquer que la sanction
pour meurtre doit être beaucoup plus lourde que celle pour la perte des fœtus338. Leur
argument se trouve dans la suite du texte, puisqu’il y est écrit « œil pour œil ». Précepte qui ne
doit pas être interprété au sens propre, mais comme une compensation. Les différentes
atteintes corporelles sont si détaillées339 et énoncées de telle sorte340 qu’elles ne peuvent être
comprises que dans un sens symbolique341.
Cet épisode introduit le sens « d’un œil pour un œil » et « d’une dent pour une dent »342
puisque le texte parle ensuite du cas de l’œil de l’esclave et de sa dent. En effet, dans ce
passage, le texte fait explicitement mention d’une indemnisation. Ceux qui pensent que le
texte ne doit pas être compris à la lettre justifient leur position par l’épisode qui suit le nôtre
(celui du maître et de l’esclave) où il est, à proprement parler, question de dédommagement et
de rien d’autre.

Même si Ibn Ezra ne le dit pas expressément, l’on peut dire, à la lumière de deux de ses
remarques, que le fœtus n’a pas le statut d’âme vivante (nefeš). En effet :

1) L’absence de malheur ne regarde que la femme (il exclut les fœtus). Nous pouvons donc
dire qu’Ibn Ezra ne traite pas la femme et le fœtus de la même façon, parce qu’elle a un statut
qu’il n’a pas (celui d’âme vivante).
2) Pour la mort des fœtus, l’agresseur est censé se plier aux exigences du père ou, s’il refuse,
aller devant les juges. Dans un cas comme dans l’autre l’agresseur devra s’acquitter de sa
faute par une somme d’argent343. Or, on ne parle pas d’argent mais d’« une vie pour une
autre » au cas où ce serait la mère qui mourrait. Ibn Ezra ne semble donc pas placer les fœtus
au même rang que la mère.

338
C’est une des explications à la dispense de payer une amende « quiconque engage sa vie en commettant un
acte répréhensible de la peine de mort ».
339
Il serait, en effet, caricatural d’égratigner en retour, au même endroit et de la même manière, la personne qui
vous a égratigné en premier. D’autant plus qu’il est difficile, voire impossible, de rendre exactement la même
égratignure. Du reste, comment rendre la pareille à une personne qui vous blesse à la main si elle n’en a pas ?
340
Decrescendo dans leur gravité.
341
Indemnisation en argent.
342
Pour eux, ces expressions sont à prendre au sens figuré et sont des formules pour exprimer la justice, à
savoir : ni plus ni moins que ce qui est dû.
343
Ibn Ezra ne parle pas explicitement d’argent mais le verbe et l’exemple qu’il a utilisés nous portent à le
croire.
114

1.5. Moïse Maïmonide344

1.5.1. Le fœtus et les règles de pureté

L’impureté, ici, est provoquée par le sang qui coule du vagin. De plus, tout ce qui peut lui
ressembler engendre également l’impureté de la femme. Par ailleurs, plus une production
vaginale est « assimilable » à un être humain, plus elle peut engendrer l’impureté. Ce dernier
point est, nous semble t-il, un des grands principes qui se dégage des règles de pureté
féminine. Enfin, on ne connaît pas la ou les raisons fondamentales de la nidah : c’est-à-dire
qu’on ne sait pas vraiment pourquoi une femme qui a une quelconque hémorragie vaginale
(des menstrues ou autres) est impure et ne doit donc pas avoir de relations sexuelles345.
Avant de recenser systématiquement et au sens propre les règles relatives au fœtus – déjà sorti
– dans le cadre des lois de pureté, nous voulons rappeler quelques définitions de
Maïmonide346 vis à vis de la femme enceinte. La méthode utilisée pour classer ces définitions
est simple : on expose d’abord celles concernant le plus grand nombre puis celles moins
courantes qui touchent un nombre moins important de femmes.

- À propos de la parturiente d’une manière générale :

Maïmonide347
‫ אם זכר יושבת‬,‫ ואחד היולדת חי או מת או אפילו נפל‬,‫כל יולדת טמאה כנדה ואע"פ שלא ראתה דם‬
‫ ואין צורת הולד נגמרת לפחות מארבעים יום אחד‬,‫לזכר ואם נקבה יושבת לנקבה והוא שתגמר צורתו‬
.‫הזכר ואחד הנקבה‬
« Toute femme qui accouche est impure nidah même si elle ne voit pas de sang. Que
ce soit un vivant, mort ou même un avorton. Elle devra « attendre pour un mâle » si
c’est un masculin et « attendre pour une femelle » si c’est un féminin, [si] sa forme est
achevée. Or, le fœtus ne possède une forme achevée qu’à partir de la quarantième
journée. Aussi bien pour un masculin qu’un féminin. »

344
1135-1204 (Espagne)
345
Selon J. Preuss, il est permis de croire que des raisons sanitaires et psychologiques sous-tendent ces règles ;
voir Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, pp. 375-376.
346
Sur la dimension médicale dans l’œuvre de Maïmonide voir Rosner F., Medicine in the Mishneh Torah of
Maimonides, Ktav, New York, 1984.
347
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 1.
115

Maïmonide explique que toute femme juive qui enfante est nidah. C’est-à-dire qu’elle est
impure. Et ce dans tous les cas de figures. Autrement dit, une femme juive est nidah à partir
du moment où elle accouche quel que soit le stade de sa grossesse même si elle ne constate
pas d’hémorragie. De plus, elle devra respecter la procédure de purification de quarante jours
(i.e. sept jours d’impureté suivis de trente trois jours de pureté (dam ṭohar)348 si elle accouche
d’un garçon349, ou la procédure de purification de quatre-vingts jours (i.e. quatorze jours
d’impureté suivis de soixante six jours de pureté)350 si elle accouche d’une fille351. À
condition toutefois que la forme de ce nouveau-né soit achevée352. Et il précise que la forme
d’un embryon n’est pas achevée avant, au moins, la fin du quarantième jour de grossesse353.
Et ce, que ce dernier soit de sexe masculin ou féminin354.

- Vis à vis d’une fausse couche355 autour du fameux quarantième jour de grossesse et ce que la
femme doit faire si la « forme humaine » est reconnaissable chez le fœtus :

348
Cette procédure de purification se nomme « attendre pour un mâle » (‫)לשבת לזכר‬. Voir dam ṭohar (‫)דם טוהר‬
dans le glossaire.
349
Le 2 février est le jour de la purification de Marie ou « jour de la présentation du Christ au Temple » ; soit
quarante jours après le 25 décembre (i.e. la naissance de Jésus), cf. Luc, 2, 22.
350
Cette procédure de purification se nomme « attendre pour une femelle » (‫)לשבת לנקבה‬.
351
L’hémorragie que l’on peut constater durant les jours d’impureté et celle durant ceux de pureté proviennent,
selon Rav, de la même source. Mais d’aucuns pensent qu’il existe deux sources différentes lors d’hémorragies
vaginales durant ces deux périodes distinctes : l’une s’ouvre lorsque l’autre se ferme (Nidda, 11a).
352
C’est une des définitions, par les Sages, d’un walad.
353
Depuis la date du rapport sexuel concerné : « ‫( » לתשמישה‬cf. l’explication de H. Albeck sur leyom ’arba‘im
(‫ )ליום ארבעים‬in Mishna, Nidda, 3, 7, Vol. 6 : Ṭahorot, p. 385). Cette date des quarante jours ainsi que celle de
trois mois que nous retrouverons plusieurs fois ailleurs sont (nous avons vu pourquoi et nous continuerons
encore à le faire) des dates qui se détachent des autres ; notamment, ici, dans le cadre des lois de pureté. Voir V.
Aptowitzer, « The Status of the Embryo in Jewish Law », Jewish quarterly Review, 15, 1924, p. 85 et G.
Ellinson, « ha-‘ubar ba-halakhah », Sinai, 66, 1969, p. 20.
354
RaSHi, lui, affirme qu’un nouveau-né rend sa mère impure s’il a survécu au moins huit jours. Mais si le
nouveau-né n’a pas atteint la huitième journée de vie (Lévitique, 12, 3), sa mère ne sera pas impure. Nous
apportons ici cette remarque car nous pensons qu’elle peut pondérer un peu la dureté de la loi rabbinique et
consoler, peut-être, la perte d’un nouveau-né. RaSHi tente, sans doute, d’apaiser la peine provoquée par la perte
de cet enfant en affirmant que ce dernier n’a même pas atteint l’âge de la circoncision ; cette date est symbolique
car elle vaut aussi pour une fille. Cf. le commentaire de RaSHi sur weṭem’ah šiv‘at yamim uvayom hašemini
yimol (‫ )וטמאה שבעת ימים וביום השמיני ימול‬in Nidda, 24b (Cet extrait est une composition des versets 2 et 3 du
chapitre 12 du Lévitique).
355
On trouve dans le Talmud trois raisons à une fausse couche :
a) La peur soudaine due à l’agression d’un chien fou (Shabbat, 63b).
b) La forte odeur d’un gros morceau de viande brûlée (Mishna, Avot, 5, 5).
c) Le souffle du vent du sud (Giṭṭin, 31b).
Il est de plus fortement conseillé de ne pas jeter ses ongles n’importe où, de peur qu’une femme enceinte ne
marche dessus, se pique, en soit effrayée et fasse une fausse couche (Nidda, 17a et Mo‘ed Qaṭan, 18a). À noter
aussi que l’insalubrité de l’eau était également vue comme une cause de fausse couche (cf. II Rois, 2, 19).
116

Maïmonide356
‫ הפילה ביום ארבעים ואחד מאחר‬,‫והמפלת בתוך ארבעים יום אינה טמאה לידה אפילו ביום ארבעים‬
‫ היתה צורת האדם דקה ביותר ואינה ניכרת בעליל‬,‫התשמיש הרי זו ספק יולדת ותשב לזכר ולנקבה ולנדה‬
.‫הרי זו תשב לזכר ולנקבה וזהו הנקרא שפיר מרוקם‬
« Une femme qui avorte durant les quarante jours, le quarantième inclus, n’est pas
impure comme une parturiente. Mais, si elle a avorté le quarante et unième jour, après
la relation sexuelle, il y a un doute sur son statut et doit donc « attendre pour un mâle,
une femelle et la nidah ». Si [l’avorton] possède très légèrement la forme humaine,
sans qu’elle apparaisse distinctement, elle doit « attendre pour un mâle et une
femelle » ; et il se nomme un chorion constitué. »

Maïmonide explique qu’une femme n’est pas impure si elle fait une fausse couche pendant les
quarante premiers jours de sa grossesse. En revanche, si elle fait une fausse couche le
quarante et unième jour, elle doit, dans le doute, respecter une procédure spéciale de
purification357 (sept jours d’impureté, renouvelable à partir de chaque hémorragie) sans aucun
jour de pureté, jusqu’à une date limite, à savoir : le lendemain de la fin de la procédure de
purification la plus longue)358. Maïmonide ajoute qu’une femme doit, de toutes les manières,
respecter une autre procédure spéciale de purification (quatorze jours d’impureté suivis de
trente trois jours de pureté qui doivent être comptés à partir du début de la deuxième semaine
d’impureté)359 si l’avorton possède, même très légèrement, la « forme humaine » ; le cas
échéant, cet avorton est ce que l’on appelle un chorion constitué.

- Pour les naissances ou les fausses couches, la tête tient toujours un rôle prépondérant,
notamment bien sûr vis-à-vis des lois de pureté. C’est ce rôle à l’égard d’un cas difficile qui
est présenté ici :

356
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 2.
357
Cette procédure de purification se nomme « attendre pour un mâle, une femelle et la nidah »
(‫)לשבת לזכר לנקבה ולנדה‬, voir infra p. 125.
358
Soit au total quatre-vingts et un jours.
359
Cette procédure de purification se nomme « attendre pour un mâle et une femelle » (‫)לשבת לזכר ולנקבה‬, voir
infra p. 124. Cf. aussi le commentaire de RaSHi sur lezakhar ulneqevah (‫ )לזכר ולנקבה‬in Bekhorot, 40a.
117

Maïmonide360
‫ בין שיצא על סדר האיברים כגון שיצאה הרגל ואחריה השוק ואחריה‬,‫נחתך הולד במעיה ויצא אבר אבר‬
‫ ואם יצא ראשו כולו כאחד הרי זה‬,‫ בין שיצא שלא על הסדר אינה טמאה לידה עד שיצא רובו‬,‫הירך‬
.‫ ואם לא נחתך ויצא כדרכו משתצא רוב פדחתו הרי זה כילוד אף ע"פ שנחתך אחר כך‬,‫כרובו‬
« Un « enfant » qui s’est morcelé et dont les membres sortent dans l’ordre, par
exemple, le pied puis la cuisse puis la hanche, ou dans le désordre, ne la rend pas
impure comme une parturiente jusqu’à ce que la majeure partie de ses membres soient
sortis ou que sa tête soit sortie en totalité et solidairement, puisqu’elle est considérée
comme la majeure partie de son corps. S’il ne s’est pas morcelé et qu’il passe par la
voie naturelle, à partir du moment où la majorité de son front est sorti, il est considéré
comme né ; même s’il se démembre ensuite. »

Maïmonide explique qu’une femme n’est pas impure comme une parturiente si elle perd un
embryon ou un fœtus qui s’est désagrégé pendant qu’il était encore dans l’utérus361. Et ce, tant
que la majeure partie des membres de son corps n’est pas sortie ou tant que sa tête n’est pas
sortie entièrement et intacte. Autrement dit, la tête du fœtus suffit à rendre cette femme
impure, à condition qu’elle soit sortie totalement et de manière intacte ; même si le reste du
corps du fœtus est encore à l’intérieur de celui de la mère362 (la tête est considérée, ici, comme
la majorité du fœtus). La même règle doit être appliquée pour la majorité de ses membres,
même sans la tête. En revanche, une femme est impure comme une parturiente même si
l’embryon ou le fœtus s’est démembré après qu’il est sorti de l’utérus363 (pendant
l’accouchement) à condition, toutefois, qu’il soit passé par les voies naturelles.

- Pour un cas assez proche mais plus rare :

Maïmonide364
‫הוציא העובר את ידו והחזירה אמו טמאה לידה מדברי סופרים ואין לה ימי טוהר עד שיצא הולד כולו או‬
.‫רובו כמו שאמרנו‬

360
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 6.
361
Autrement dit elle est nidah, mais elle n’a pas de jours de pureté à respecter.
362
Même si sa tête est séparée de son corps, il faut que ce dernier puisse être constaté (même plus tard). Car une
tête sans corps n’est pas une condition suffisante pour rendre impure la mère (cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey
bi’ah, chapitre 10, règle 11).
363
Un fœtus est considéré sorti, à partir du moment où la majorité de son front (‫ )פדחת‬est visible de l’extérieur.
364
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 7.
118

« Un embryon qui sort une main puis la rentre, rend, selon certains, sa mère impure
comme une parturiente365. Mais elle sera tenue aux jours de pureté si ce fœtus sort
totalement ou en majorité par les voies naturelles. »

Dans les lignes suivantes, Maïmonide va d’abord énoncer la définition de ce que les Sages
entendent par « placenta (šilya’) » puis il expliquera ce qu’une femme doit faire si, lors d’une
fausse couche, elle croit n’avoir perdu que son placenta (šilya’) :

a) Maïmonide366
‫החותלת העבה שהיא כמו חמת שבתוכה נוצר הולד והיא מקפת אותו ואת הסנדל אם היה עמו סנדל‬
‫וכשיגיע זמנו לצאת קורע אותה ויוצא היא הנקראת שליא ותחלת ברייתה דומה לחוט של ערב וחלולה‬
.‫כחצוצרת ועבה כקרקבן התרנגולים ואין שליא פחותה מטפח‬
« L’épaisse guêtre qui ressemble un peu à une outre, à l’intérieur de laquelle, tout en
l’enveloppant, se forme le fœtus (et le ṣandal) se nomme placenta. Lorsque son temps
arrive, il le déchire et sort. Au début de sa formation, [le placenta] ressemble à un fil
d’une trame. [Il] est creux comme une trompette et épais comme le gésier des poules.
Il n’y a pas de placenta inférieur à une paume. »367

Maïmonide décrit certes le placenta (šilya’), mais il dit surtout qu’un placenta n’est jamais
inférieur à une paume (ṭefaḥ) soit 9,3 centimètres368. Autrement dit, la Halakhah ne considère
pas le placenta tant qu’il n’a pas atteint la taille d’une paume. Or, le placenta n’atteint cette
taille qu’après deux à trois mois de grossesse. Par conséquent, le fœtus doit avoir un statut
différent avant cette date369.

b) Maïmonide370
‫ הפילה נפל ואח"כ הפילה‬,‫ לא שהשליא ולד אלא שאין שליא בלא ולד‬,‫המפלת שליא תשב לזכר ולנקבה‬
‫שליא חוששין לשליא והרי הוא כולד אחר ואין אומרין זו שלית הנפל שאין תולין את השליא אלא בולד‬
‫של קיימא לפיכך אם ילדה ולד של קיימא והפילה שליא אפילו אחר כ"ג יום תולין אותו בולד ואין‬
.‫חוששין לולד אחר שהולד קרע השליא ויצא‬

365
C’est-à-dire qu’elle doit respecter la procédure de purification relative à sa situation.
366
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 13.
367
Comparer avec les descriptions du placenta faites in TJ, Nidda, chapitre 3, page 50, colonne D, règle 3.
368
Cf. le commentaire de RaSHi sur šeyo’aḥezenu beyado (‫ )שיאחזנו בידו‬in Nidda, 26a.
369
Cf. Nidda, idem.
370
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 14.
119

« Une femme qui perd un placenta devra « attendre pour un mâle et une femelle », non
pas que le placenta soit un fœtus, mais parce qu’il n’y a pas de placenta sans fœtus. Si
une femme perd un avorton puis perd un placenta, on tiendra compte du placenta
puisqu’il est considéré comme un autre fœtus, et il n’est pas celui de l’avorton, parce
que l’on ne considère le placenta que s’il appartient à un fœtus qui peut vivre. C’est
pourquoi, si une femme perd un fœtus qui peut vivre puis un placenta même 23 jours
plus tard, on le considère comme celui du fœtus et non comme celui d’un autre, en
raison du fait que le fœtus a déchiré le placenta et en est sorti. »

Maïmonide explique qu’une femme doit respecter une des procédures spéciales de
purification (celle que l’on nomme « attendre pour un mâle et une femelle »)371, si elle perd
un placenta (šilya’). Parce qu’il n’y a pas de placenta sans « enfant »372. Maïmonide explique
ensuite qu’il n’est possible d’utiliser le terme « placenta » que pour un fœtus viable (walad šel
qayama’)373. Et comme nous l’avons déjà dit par ailleurs, ce terme (placenta) n’est employé
que s’il mesure au moins la taille d’une paume soit 9,3 centimètres374. Or, un avorton n’est
pas toujours un fœtus viable375. Par conséquent, une femme qui perd un avorton puis un
placenta doit tenir compte du placenta dans la mesure où le premier est un fœtus insignifiant
alors que le deuxième est une notion qui réfère à un fœtus viable. Maïmonide sur ce point a en
effet retenu la version de Rabbi Meir376 à savoir : le lieu où une femme perd son placenta
devient impur en raison du concept de « la tente du mort » (’ohel hamet)377.
Le placenta (šilya’) suffit donc à rendre impur tout volume d’au moins une paume cube. Et
Maïmonide par ailleurs, rappelle justement les propos de Rabbi Meir sur la capacité du
placenta (šilya’) à rendre, par exemple, une maison impure : « Une femme qui perd son
placenta dans une maison, la rend impure. La preuve en est qu’il n’y a pas de placenta sans
fœtus. »378

371
Quatorze jours d’impureté suivis de trente trois jours de pureté qui doivent être comptés à partir du début de
la deuxième semaine d’impureté (voir plus bas p. 124).
372
Cf. Nidda, 26a.
373
« ‫( » שאין תולין את השליא אלא בולד של קיימא‬Maïmonide dans le texte). Comparer avec bedavar šel qayama’
(‫ )בדבר של קיימא‬in Nidda, 26b.
374
Le placenta atteint cette taille à partir de deux mois de grossesse.
375
Voir quelques définitions d’un avorton (nefel) mentionnées in Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 11.
376
Cf. Nidda, 27a.
377
Voir ’ohel hamet (‫ )אוהל המת‬dans le glossaire.
378
.‫ חזקה הוא שאין שליא בלא ולד‬,‫( האשה שהפילה שליא הבית טמא ודאי‬Maïmonide, Hilkhot ṭum’at met, chapitre 25,
règle 10).
120

Bien que la règle suivante ne soit pas directement liée au statut du fœtus, le concept de « la
tente du mort » est suffisamment important dans les règles de pureté pour rappeler ici ce que
Maïmonide en a dit :

Maïmonide379
‫ וחוצץ בפני הטומאה ומביא את הטומאה בין‬,‫כל טפח על טפח ברום טפח קרוי אהל כמו שביארנו‬
‫ כיצד אחד חור‬,‫שעשאהו להאהיל בין שנעשה מאיליו אפילו היה שלא בידי אדם ה"ז מביא וחוצץ‬
‫ או שצבר אבנים או קורות ונעשה בהן חלל טפח ה"ז אהל‬,‫שחררוהו מים או שרצים או שאכלתו מלחת‬
.‫ומביא וחוצץ‬
« Tout volume d’au moins une paume cube est appelé tente, comme nous l’avons
expliqué. Il fait obstacle à l’impureté et la délimite. Il la délimite et lui fait obstacle ;
qu’il ait été fait pour couvrir ou non. Même s’il n’a pas été fabriqué par l’homme :
comme quand l’eau des insectes ou la salinité font un trou, ou si des pierres ou des
bûches s’accumulent et qu’il se forme un espace d’une paume. Ce dernier est [alors]
un volume qui délimite et qui fait obstacle. »

Maïmonide explique que tout volume (’ohel), artificiel ou naturel, d’au moins une paume
cube fait obstacle à l’impureté et la délimite. C’est-à-dire que la source d’impureté rend impur
tout ce qui se trouve à l’intérieur de ce volume, mais préserve de l’impureté tout ce qui est à
l’extérieur (y compris les parois extérieures qui renferment ce volume).
En résumé, le placenta (šilya’) ne peut rendre impur le lieu où il se trouve qu’à partir de la
taille d’une paume, parce que ce n’est qu’à ce stade qu’il contient un fœtus viable380
(‫)ולד של קיימא‬.
En revanche, Maïmonide ajoute qu’une femme ne doit pas tenir compte du placenta qu’elle
perd après la naissance d’un enfant viable. Même si elle perd ce placenta jusqu’à trois
semaines après cet accouchement. Et ce parce qu’il considère que ce placenta (šilya’) est celui
du nouveau-né381. Il s’agit donc, ici, d’une naissance sans complications.

379
Maïmonide, Hilkhot ṭum’at met, chapitre 13, règle 1.
380
Rabbi Yishmael contrairement aux autres affirme que la maison, le cas échéant, n’est pas impure si on ne voit
pas de fœtus dans le placenta. Et si on ne le voit plus c’est parce qu’il se serait désagrégé avant de sortir et
mélangé au sang de l’hémorragie (cf. Mishna Berurah, § 447 et passim et le commentaire de RaSHi sur nimoq
hawalad (‫ )נימוק הולד‬in Nidda, 26a : ‫)ונעשה דם ונתערב בדם הלידה ובטל ברוב‬. Abaye pense à ce propos qu’il est
justement impossible (« comique » dans le texte) qu’un fœtus soit broyé in utero (Preuss J., Biblical and
Talmudical Medicine, p. 414).
381
Cf. aussi Šulḥan ’arukh, (‫)יו"ד‬, § 194, alinéa 4.
121

- Maïmonide nous dit ensuite ce qu’une femme doit faire si elle accouche de faux jumeaux382,
d’un fœtus asexué ou androgyne :

Maïmonide383
‫ ילדה‬,‫ ילדה טומטום או אנדרוגינוס תשב לזכר ולנקבה‬,‫מי שילדה זכר ונקבה תאומים תשב לנקבה‬
‫ האחת נקבה והשני טומטום או‬,‫תאומים אחד זכר והשני טומטום או אנדרוגינוס תשב לזכר ולנקבה‬
.‫ שהטומטום והאנדרוגינוס ספק הן שמא זכר הן שמא נקבה‬,‫אנדרוגינוס תשב לנקבה בלבד‬
« Une femme qui accouche de jumeaux mâle et femelle, doit « attendre pour une
femelle ». Une [femme] qui accouche d’un asexué ou d’un androgyne, doit « attendre
pour un mâle et une femelle ». Si elle accouche de jumeaux dont l’un est masculin et
le deuxième asexué ou androgyne, elle doit « attendre pour un mâle et une femelle ».
Si l’un est féminin et l’autre asexué ou androgyne, elle doit « attendre pour une
femelle » seulement, car l’asexué et l’androgyne peuvent être masculin comme
féminin. »

Maïmonide explique qu’une femme doit respecter la procédure de purification « pour une
femelle » (quatorze jours d’impureté suivis de soixante six jours de pureté) si elle accouche de
faux jumeaux (garçon et fille). Il explique aussi qu’une femme doit respecter la procédure
spéciale de purification « pour un mâle et une femelle »384 si elle accouche d’un asexué
(ṭumṭum)385 ou d’un androgyne (’androginoṣ)386. Ensuite, Maïmonide donne les règles vis à
vis des cas particuliers quant à la naissance de jumeaux :

1/ Une femme doit respecter une procédure spéciale de purification (quatorze jours
d’impureté suivis de trente trois jours de pureté) si elle accouche de jumeaux dont l’un est de
sexe masculin et l’autre asexué ou androgyne.
2/ Une femme doit respecter la procédure de purification de quatre-vingts jours (quatorze
jours d’impureté suivis de soixante six jours de pureté) si elle accouche de jumeaux dont l’un
est de sexe féminin et l’autre asexué ou androgyne.

382
À propos de la manipulation de jumeaux à leur naissance, on note dans le Talmud que leur cordons
ombilicaux doivent êtres coupés le plus vite possible afin qu’ils ne se les arrachent pas et qu’ils ne mettent donc
pas leur vie en danger (Shabbat, 129b).
383
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 18.
384
Nous l’avons déjà rencontrée plus haut mais voir plus bas les détails de cette procédure.
385
Voir ṭumṭum (‫ )טומטום‬dans le glossaire.
386
Voir ’androginoṣ (‫ )אנדרוגינוס‬dans le glossaire et les commentaires de RaSHBaM in Baba Batra, 127a. Voir
aussi Zevin S.Y. (ed.), Encyclopedia Talmudica, Vol. 2 : « L’androgyne » (Heb.), Yad ha-Rav Herzog,
Jérusalem, 1969, p. 386.
122

Enfin, Maïmonide justifie ces règles par la définition des termes « asexué » et « androgyne » :
En effet, un fœtus asexué ou androgyne ne peut être vu ni comme un garçon, ni comme une
fille. C’est la raison pour laquelle, une femme qui accouche d’un asexué ou d’un androgyne
doit respecter une procédure de purification plus longue que pour la naissance d’un garçon
seul387.

- Dans un cas où – bien qu’étant sûre d’avoir été enceinte – une femme fait une fausse couche
sans pouvoir vérifier ce qu’elle a perdu, Maïmonide rappelle ce qu’elle est tenue d’accomplir :

Maïmonide388
‫האשה שהוחזקה מעוברת וילדה ואין ידוע מה ילדה כגון שעברה לנהר והפילה שם או שהפילה לבור או‬
‫ אבל אם לא הוחזקה מעוברת‬,‫שהפילה וגררתו חיה הרי זו בחזקת שהפילה ולד ותשב לזכר ולנקבה‬
.‫והפילה ואין ידוע מה הפילה ה"ז ספק יולדת ותשב לזכר ולנקבה ולנדה‬
« Une femme qui est sûre d’être enceinte et qui perd quelque chose qu’elle ignore, par
exemple en traversant un fleuve ou une fosse ou qu’elle l’a écrasé vivant, est
considérée comme si elle avait perdu un « enfant » et doit « attendre pour un mâle et
une femelle ». Mais si elle n’est pas sûre d’être enceinte et qu’elle perd quelque chose
qu’elle ignore, il y a un doute sur son statut et elle doit « attendre pour un mâle, une
femelle et la nidah ». »

Maïmonide explique qu’une femme doit respecter la procédure spéciale de purification dont
nous avons déjà parlée (quatorze jours d’impureté suivis de trente trois jours de pureté à partir
de la deuxième semaine d’impureté)389 si elle fait une fausse couche sans pouvoir connaître le
sexe du fœtus ; à condition, toutefois, qu’elle ait été certaine d’être enceinte.
Par ailleurs, elle doit respecter une autre procédure spéciale de purification (sept jours
d’impureté – renouvelable à partir de chaque hémorragie – sans les jours de pureté, jusqu’à

387
Cf. Mishna, Nidda, 3, 5 (voir supra p. 49) et Baba Batra, 127a.
388
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 19.
389
Que nous avons traduit par « Attendre pour un mâle et une femelle » (voir plus bas la complète définition de
cette procédure p. 124).
123

une date limite, à savoir : la fin de la procédure de purification la plus longue)390 si elle a fait
une fausse couche dans les mêmes conditions391, mais cette fois sans être sûre d’être enceinte.
En un mot, on considère cette femme comme si elle était parturiente, seulement si elle était
sûre d’être enceinte.

390
« Attendre pour un mâle, une femelle et la nidah », cf. infra la définition complète de cette procédure p. 125.
391
Sans pouvoir connaître le sexe du fœtus.
124

a) Définitions approfondies des deux procédures spéciales de purification

Nous terminerons avec les définitions de deux procédures spéciales de purification. Leur nom
est, à chaque fois, énoncé en hébreu dans la mesure où aucune traduction véritablement
satisfaisante ne leur a été attribuée.
- La première procédure spéciale se nomme « attendre pour un mâle et une femelle »
(‫ )לשבת לזכר ולנקבה‬:

Maïmonide392
‫כל מקום שנאמר תשב לזכר ולנקבה כיצד דינה תהיה אסורה לבעלה י"ד יום כיולדת נקבה שבעה‬
‫ ואין נותנין לה ימי טוהר אלא עד ארבעים יום כיולדת זכר ואם‬,‫ והשבעה האחרונים ספק‬,‫הראשונים ודאי‬
‫ראתה דם אחר הארבעים עד שמונים אינו דם טוהר אלא ספק דם נדה או ספק דם זיבות אם בא מימי‬
‫ וכן אם ראתה דם יום אחד ושמונים בלבד הרי זו ספק נדה ותשב שבעת ימי הנדה‬,‫הזיבה כמו שביארנו‬
.‫שמא נקבה ילדה שאין לה וסת נדות עד אחר מלאות כמו שביארנו‬
« Partout où il est dit « attendre pour un mâle et une femelle », cela signifie qu’elle est
interdite à son mari pendant quatorze jours, comme une parturiente d’une fille. Sans
contestation les sept premiers jours [mais] pas les sept derniers. [Elle] ne devra
« attendre » pour les jours de pureté que jusqu’à quarante jours comme une parturiente
d’un garçon. Si elle voit du sang entre le quarantième et le quatre-vingtième jour, ce
n’est pas du sang de pureté mais éventuellement du sang de nidah ou du sang du flux,
si ce dernier répond [aux règles] du flux, comme nous l’avons expliqué. La même
règle doit être appliquée vis à vis du sang qu’elle voit le quatre-vingt et unième jour
uniquement ; c’est-à-dire qu’il s’agit peut-être de sang de nidah [car] il est possible
qu’elle ait accouché d’une fille. Elle doit « attendre » [alors] les sept jours
[d’impureté] car une femme n’a d’écoulement menstruel qu’après la procédure de
purification, comme nous l’avons expliqué. »

Maïmonide définit ici l’une des deux procédures spéciales de purification. Celle qui exige
quatorze jours d’impureté suivis de trente trois jours de pureté. En effet, une femme qui est
tenue de respecter cette procédure n’a pas le droit d’avoir de relations charnelles avec son
mari durant une période incompressible de quatorze jours. Cette procédure de purification se
décompose comme suit.

392
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 20.
125

Quatorze jours d’impureté, plus trente trois de pureté (« sang de pureté »393 (‫ – )דם טוהר‬à
compter de la deuxième semaine d’impureté). Cependant, la deuxième semaine d’impureté est
considérée comme incertaine, parce qu’il y a un doute sur le sexe du fœtus. De plus, cette
procédure spéciale de purification ne compte jamais plus de trente trois jours de pureté, que
l’on compte à partir de la fin des sept premiers jours d’impureté. Ce qui fait un total de
quarante jours. En effet, Maïmonide précise que toute hémorragie constatée entre la fin du
quarantième jour et la fin du quatre-vingtième peut être :

- Soit celle du « flux » (zawah), si le sang coule pendant trois jours394.


- Soit celle des menstrues (nidah), car – à partir de cette date – le fœtus est peut-être de sexe
masculin. Cette hémorragie peut être, en effet, le sang de ses règles car le cycle normal des
menstrues recommence uniquement après la fin de la procédure de purification395 de quarante
jours si c’est un garçon, et de quatre-vingts jours si c’est une fille396.

Maintenant, si cette femme constate une hémorragie uniquement le 81ème jour – et puisque le
fœtus est peut-être de sexe féminin – il est possible que le sang de cette hémorragie soit celui
de ses règles. Comme il est possible aussi qu’il ne le soit pas397. Donc, dans le doute, elle est
tenue de respecter les sept jours d’impureté relative aux menstrues. Résumons, puisque :
1) il n’est pas possible de connaître avec certitude l’origine de cette hémorragie ponctuelle (le
81ème jour seulement) ; 2) ses menstrues ne reprendront qu’après les quatre-vingts jours de la
procédure de purification si elle accouche d’une fille et 3) le fœtus peut effectivement être de
sexe féminin, cette femme doit – dans le doute – à partir de ce 81ème jour, observer les sept
jours de la nidah.

- La deuxième procédure spéciale se nomme « attendre pour un mâle, une femelle et la


nidah » (‫ )לשבת לזכר לנקבה ולנדה‬:

393
Il s’agit du sang qui coule pendant les jours de pureté (cf. Maïmonide, ibid., chapitre 4, règle 5).
394
Voir zawah (‫ )זבה‬dans le glossaire et cf. Maïmonide, Hilkhot meḥuṣarey kaparah, chapitre 1, règle 6.
395
« Toute hémorragie qu’une [femme] voit après la procédure de purification doit être vue comme le début de
ses menstrues. Et l’on ne considère pas les hémorragies antérieures [à la fin de la procédure de purification]
comme [étant celles de] ses menstrues. » :
.‫הא למדת שכל דם שתראה האשה אחר יום מלאת הוא תחלת נדתה ואין משגיחין על וסתות שמקודם‬
396
Cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 7, règle 12.
397
Ce doute n’étant légitime que peu de temps après le quatre-vingtième jour (durée de la procédure de
purification pour une fille), la limite a été fixée au quatre-vingt et unième jour.
126

Maïmonide398
‫ ואם‬,‫ תהיה אסורה לבעלה י"ד יום כיולדת נקבה‬,‫כל מקום שנאמר תשב לזכר ולנקבה ולנדה כיצד דינה‬
‫ וכן‬,‫ וכן אם ראתה ביום ע"ד וביום פ"א הרי זו ספק נדה‬,‫ראתה דם ביום אחד ושמונים הרי זו ספק נדה‬
‫אם ראתה ביום ארבעים ואחד אע"פ שראתה ביום ל"ד הרי זו ספק נדה ואסורה לבעלה עד ליל ארבעים‬
‫ וכל דם שתראה מיום‬,‫ והרי היא כמי שלא ילדה‬,‫ ואין נותנין לה ימי טוהר כלל כנדה‬,‫ושמונה כיולדת זכר‬
‫ ואם בא בימי זיבתה‬,‫שהפילה עד פ' יום אם בא בימי נדתה ה"ז ספק נדה מאחר השבעה מיום שהפילה‬
‫ וכן אם ראתה ביום אחד ושמונים עדיין היא מקולקלת‬,‫הרי זו ספק זבה שכל ימי מלאת אין בהן וסת‬
‫ותהיה ספק נדה כמו שביארנו אע"פ שלא ראתה אלא יום אחד וכשיקבע לה הוסת אחר השמונים יסור‬
‫ וכן מיום שהפילה עד ז' ימים ותהיה נדה ודאית אם‬,‫קילקולה ותחזור להיות נדה ודאית או זבה ודאית‬
.‫הפילה בתוך ימי נדתה כמו שביארנו‬
« Partout où il est dit « attendre pour un mâle, une femelle et la nidah », cela signifie
qu’elle est interdite à son mari pendant quatorze jours, comme une parturiente d’une
fille. Et si elle voit du sang le 81ème jour, elle est peut-être nidah.
Elle est peut-être également nidah si elle voit [du sang] le 74ème jour et le 81ème jour.
Elle est peut-être également nidah si elle voit [du sang] le 41ème jour, même si elle en a
vu le 34ème ; et elle sera interdite à son mari jusqu’à la quarante huitième journée. Elle
n’est [alors] aucunement tenue aux jours de pureté et elle n’est pas [considérée]
comme une parturiente.
Elle est peut-être également nidah si elle voit du sang suivant la première semaine
après l’avortement et jusqu’au 80ème jour ; à condition [que ce sang] coule pendant ses
menstrues.
Elle éprouve peut-être également le flux si ce dernier répond [aux règles] du flux399.
Une [femme] n’a jamais ses menstrues pendant une procédure de purification.
Cette règle s’applique également pour le 81ème jour, comme nous l’avons vu. Même si
elle n’a vu [du sang] qu’un seul jour.
Lorsqu’elle reprendra ses menstrues après le 80ème jour, elle sera de nouveau tenue,
d’une manière sûre, aux règles de la nidah ou du flux.
Elle est également [nidah d’une manière certaine] à partir de son avortement et
pendant les sept jours qui suivent.
Comme nous l’avons expliqué, elle est nidah si elle avorte pendant ses jours de
menstrues. »

398
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 21.
399
Cf. Maïmonide, Hilkhot meḥuṣarey kaparah, chapitre 1, règle 6.
127

Maïmonide définit ici la deuxième procédure spéciale de purification400. Celle qui exige de
respecter quatorze jours d’impureté ; mais à la différence de la première, la femme n’est tenue
à aucun jour de pureté. En revanche, elle devra observer sept jours d’impureté à chaque
constatation d’hémorragie vaginale. Le comptage de ces sept jours d’impureté est
renouvelable à chaque constatation d’hémorragie vaginale, même si elle vient de finir d’en
compter sept. C’est la raison pour laquelle Maïmonide dit qu’elle recomptera une semaine
d’impureté à partir du 81ème jour, même si elle vient d’en respecter une parce qu’elle a
constaté du sang le 74ème. À condition, toutefois, que cette hémorragie survienne le jour où
elle a habituellement ses menstrues. Comme dans l’autre procédure spéciale de purification401,
un délai supplémentaire de précaution d’une journée a été décidé, dans la mesure où le sang
d’une hémorragie vaginale juste après le 80ème jour n’est pas nécessairement celui du retour
des règles.

400
« Attendre pour un mâle, une femelle et la nidah ».
401
« Attendre pour un mâle et une femelle ».
128

b) Cas pratiques entraînant une impureté

Dans cette sous-partie nous verrons qu’une femme peut être impure à différents degrés – nous
avons fait un classement en fonction de ces degrés et relativement aux différentes situations
mentionnées dans les textes402 :

- Si elle perd quelque chose qui ressemble à une membrane, un cheveu403, de la poussière ou
des insectes teintés de rouge et susceptibles de se diluer dans de l’eau tiède courante404 ; ou
s’il est possible de les écraser sur un ongle405 ; car dans ce cas comme dans l’autre ces pertes
sont apparentées à du sang406. Mais dans le cas contraire (i.e. le produit de la fausse couche ne
s’effrite pas sous l’action de l’eau), la femme reste pure407. Raba (AB3) suppose que ce qui ne
s’effrite pas à l’aide des actions citées ci-dessus est une chose à part entière (‫)בריה בפני עצמה‬
et non du sang. De toutes les manières, à ce stade là, même si cette « chose à part entière » est
un embryon – en plus de ne pas rendre sa mère impure –, il n’hérite pas, ne prive pas le
suivant d’être racheté au Cohen et n’oblige pas la femme à offrir un sacrifice.

- Si elle perd un chorion (šafir) non constitué ; Rabbi Yehoshoua (T3) considère que cette
femme est impure comme si elle avait accouché. Et Rabbi Yishmael, qui cite Rabbi Yossi
(T5), qui lui-même cite son père, affirme qu’il est préférable d’abord d’ouvrir le chorion
(šafir) puis d’analyser le contenu, afin que la femme puisse savoir la procédure de purification
qu’elle est censée respecter. Mar Samuel ira même jusqu’à considérer que seul un chorion
(šafir) absolument clair – de sorte que l’on « puisse voir un cheveu à travers » – ne contient
pas de fœtus408 ; J. Preuss y voit là une môle hydatiforme409. En un mot, la moindre trace de

402
Par souci de clarté dans la rédaction, les quatre situations qui suivent ne sont pas classées par degré
d’impureté comme le seront les suivantes.
403
C’est sans doute à ce propos que les Sages ont consulté un jour des médecins de l’époque pour savoir ce
qu’une femme avait vraiment perdu. Ayant obtenu une réponse pas vraiment satisfaisante, ils ont recommandé à
la femme de laisser tremper le morceau en question dans l’eau tiède pendant vingt-quatre heures pour voir s’il se
désagrègeait. Si oui, ce n’était pas un cheveu (Nidda, 22b et Preuss J., ibid., p. 415).
404
Selon Rabbi Soumkhous (T6) in Nidda, 22a. Cf. aussi Šulḥan ’arukh, (‫)יו"ד‬, § 188, alinéa 4.
405
Selon Rabban Shimon ben Gamliel (cf. le commentaire de RaSHi sur ‘al yede hadaḥaq (‫ )על ידי הדחק‬in
Nidda, 22b).
406
Cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 5, règle 14.
407
Elle n’est pas impure nidah (cf. Tosefta (Zuckermandel), Nidda, chapitre 4, règle 1 et Nidda, 22b).
408
Nidda, 25a.
409
Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 414 ; cf. aussi Aristote, De la génération des animaux, IV, 7,
P. Louis (ed.), p. 169. La môle est une tumeur, le plus souvent bégnine, qui peut faire croire à une grossesse.
Dans le même ordre d’idée, le Talmud fait mention d’une femme qui a donné naissance à « du vent » (‫ )רוח‬alors
qu’elle se croyait enceinte (Nidda, 8b) i.e. grossesse nerveuse ? « wind eggs » (Preuss J., ibid., p. 418).
129

quoi que ce soit dans le chorion (šafir) est, selon Mar Samuel, synonyme de fœtus, et il
considère alors la femme en question comme une parturiente.
Finalement, on retiendra que si à l’intérieur du chorion (šafir) on ne trouve que du sang, elle
est simplement nidah ; mais si l’on y découvre également de la chair, elle doit agir comme si
elle avait accouché410. Maïmonide ajoute que si elle perd une chose de couleur blanche et que
l’on y trouve – après l’avoir ouvert – au moins un os, la femme est impure comme si elle avait
accouché411.

- Si elle avorte de quelque chose qu’elle ignore412 ; le cas échéant, elle doit respecter une
procédure spéciale de purification413.

- Si l’œsophage du fœtus est perforé ; car, le cas échéant, le fœtus est alors considéré comme
un « animal déchiré » (ṭreyfah)414. En revanche, si l’œsophage du fœtus est « bouché » (aṭum)
la mère reste pure. L’explication de cette règle tient dans le fait qu’une perforation
(contrairement à une obstruction) est assimilée à une blessure ; un fœtus dont l’œsophage est
perforé a, par ailleurs, plus de chances de survivre que celui dont l’œsophage est obstrué.

1) Impure simplement nidah :

- Si elle perd, lors d’une fausse couche, une masse informe415 ; car cette dernière n’est pas
considérée comme un « enfant »416. Même si cette masse informe est remplie de sang, à
condition que le sang ne provienne que du corps de la femme puisqu’il est écrit :
« Quand une femme éprouvera un flux, son flux étant du sang qui est en son corps (‫)בבשרה‬
elle sera sept jours dans sa souillure et quiconque la touchera sera impur jusqu’au soir. »417

410
Tosefta (Zuckermandel), Nidda, chapitre 4, règle 12 et Nidda, 8b.
411
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 4.
412
Mais en sachant quand même qu’il s’agit d’un fœtus (cf. le commentaire de RaSHi sur ’eyn yadu‘a mahu
(‫ )אין ידוע מהו‬in Nidda, 29a).
413
« Attendre pour un mâle et une femelle » i.e. quatorze jours d’impureté suivis de trente trois jours de pureté
qui doivent être comptés à partir du début de la deuxième semaine d’impureté (cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey
bi’ah, chapitre 10, règle 19) et voir aussi le commentaire de RaSHi sur lezakhar ulneqevah (‫ )לזכר ולנקבה‬in
Bekhorot, 40a et Nidda, 28a.
414
Voir ṭreyfah (‫ )טריפה‬dans le glossaire. Cf. aussi le commentaire de RaSHi sur wašṭo naquv ’imo ṭeme’ah
(‫ )ושטו נקוב אמו טמאה‬in Nidda, 23b.
415
Cf. le commentaire de RaSHi sur ḥatikhah (‫ )חתיכה‬in Nidda, 18b.
416
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’im yeš ‘imah dam ṭeme’ah (‫ )אם יש עמה דם טמאה‬in Nidda, idem.
417
Lévitique, 15, 19 : .‫הָ עָ ֶרב‬-‫הַ נֹּ גֵעַ בָּ הּ יִטְ מָ א עַ ד‬-‫תִ הְ יֶה זָבָ ה ָדּם יִהְ יֶה זֹבָ הּ בִּ בְ שָׂ ָרהּ ִשׁבְ עַ ת י ִָמים תִּ הְ יֶה בְ נ ִָדּתָ הּ וְ כָל‬-‫וְ אִ שָּׁ ה כִּ י‬
130

En dépit du doute – de savoir s’il s’agit du sang de la mère ou de celui de la masse informe –
les Sages418 s’accordent à dire que le sang est plutôt celui de la masse informe que celui de la
mère, en privilégiant le fait qu’il est écrit dans la Torah « en son corps ». Et RaSHi ajoute et
affirme que le sang doit couler par les parois de l’utérus pour qu’elle soit impure419.
Autrement dit, en fonction de ce verset biblique, l’impureté d’une femme – à condition, bien
sûr, que l’embryon qu’elle porte ne soit pas en mesure de la rendre impure – ne peut être
établie qu’à partir d’un « flux » provenant de son propre sang. Dans le cas présent, la
Halakhah, à travers Maïmonide, ne considère pas le sang de cette masse informe comme celui
de la femme420.

- Si le sang qu’elle perd du vagin est de couleur rouge, jaune (‫)קרן כרכום‬, ocre (‫ )מימי אדמה‬ou
rosé (‫)יין המזוג‬421 ; il n’y a que ces quatre couleurs qui sont apparentées au sang422. Par
conséquent, tout liquide blanc ou vert ne la rend pas impure (même s’il est aussi visqueux que
le sang)423. Et ce, car il est écrit à propos du sang et uniquement de lui : « Quand une femme
éprouvera un flux, son flux étant du sang qui est en son corps (…) »424.
Il est ainsi possible d’affirmer, à partir de cette règle, que ses rédacteurs n’ont peut-être jamais
eu connaissance d’une femme ayant eu une perte vaginale d’un liquide d’une autre couleur
que celles-là ; autrement, ils l’auraient mentionnée comme ils l’ont fait pour les autres.

2) Impure comme une parturiente si :

Elle perd, lors d’une fausse couche, une tête ou un membre coupé d’un corps425. Et ce, parce
que les membres coupés d’un corps sont vus comme des membres détachés d’un corps qui

418
Nidda, 21b.
419
Cf. le commentaire de RaSHi sur bivsarah (‫ )בבשרה‬in Nidda, idem.
420
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 5, règle 13.
421
RaSHi explique qu’il s’agit d’une couleur proche de celle du vin rouge coupé avec de l’eau (cf. le
commentaire de RaSHi sur wekhamazug (‫ )וכמזוג‬in Nidda, 19a). Voir aussi à propos de l’identification des
hémorragies vaginales Rosner F., « Blood Stain Identification as Described in the Talmud », Israel Journal of
Medical Sciences, 9, 1973, pp. 1077-1079.
422
On trouve en réalité dans la Mishna (Nidda, 2, 6) cinq couleurs qui sont considérées comme du sang et qui
rendent donc la femme concernée impure : ,‫ וכמימי אדמה‬,‫ וכקרן כרכום‬,‫ והשחור‬,‫חמשה דמים טמאים באשה האדום‬
.‫ ; וכמזוג‬mais RaSHi explique que les amoraïm ne parlent pas du noir puisqu’il est confondu avec le rouge (cf. le
commentaire de RaSHi sur šel ’arba‘ (‫ )של ארבע‬in Nidda, 18b) et voir aussi Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah,
chapitre 5, règle 7.
423
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 5, règle 6.
424
Lévitique, 15, 19.
425
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 11.
131

était entier (‫)מחותכת מצורתה‬426. Le corollaire est également vrai : i.e. une femme qui avorte
un membre ou une tête non-coupée d’un corps n’est pas considérée comme ayant accouché.
Cela étant dit, Rav427 (AB1) rapporte une baraïta pour affirmer qu’une tête ou un membre
« isolé » (i.e. sans signe de déchirure) peut être, en réalité, un embryon mal formé au point
qu’aucun de ses membres n’est apparent428 ; et il rend, par conséquent, la mère impure comme
si elle avait accouché.
Explicitons : Tout membre (y compris la tête) qui présente un signe de déchirure ou
d’arrachement, est considéré comme ayant fait partie d’un corps entier ; il rend, de ce fait,
celle qui l’a expulsé impure comme une parturiente. Inversement, un membre (même une tête)
sans signe de déchirure est vu comme autre chose qu’un embryon capable de rendre la mère
impure comme si elle avait accouché. Par ailleurs, une femme qui avorte un embryon sans
tête429 ou semblable à un palmier reste pure430. RaSHi explique que ce dernier cas est en fait
celui d’un fœtus avec des pieds et des mains déployés sur son épaule à l’image des branches
au-dessus de l’arbre431 en question. Dans tous les cas, une femme reste pure si ce qu’elle perd
n’est pas joint de sang. Donc, toute perte vaginale qui n’est pas accompagnée de sang
n’entraîne pas d’impureté. En conclusion, résumons par les quatre points suivants :

- Le degré d’impureté chez la femme enceinte peut dépendre de la nature de la perte vaginale,
ainsi que des circonstances et du stade de la grossesse (s’il en est question) au moment de la
fausse couche.
- Le premier degré d’impureté pour une femme est celui de nidah « une femme en état
d’écoulement menstruel ».
- Les degrés moyens d’impureté chez une femme correspondent à ceux induits par toutes les
naissances sauf celle d’une fille.
- Le dernier degré d’impureté pour une femme est justement celui qui est relatif à la naissance
d’une fille. La naissance d’une fille rend la mère impure pendant quatorze jours, puis elle doit
attendre encore soixante-six jours, afin de pouvoir, par exemple, franchir l’enceinte du
Temple et saisir des objets sacrés. Donc, une femme ayant accouché d’une fille ne redevient
pure qu’après une période d’au moins quatre-vingts jours.

426
Cf. le commentaire de RaSHi sur yad ḥatukhah (‫ )יד חתוכה‬in Nidda, 18a.
427
Celui, ici, que l’on appelle simplement Rav, est Aba Arikha.
428
Lisse comme une bille (cf. le commentaire de RaSHi sur še’eyno ḥatukh (‫ )שאינו חתוך‬in Nidda, 24b).
429
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’aṭumah (‫ )אטומה‬in Nidda, 24a.
430
Cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 11.
431
Cf. le commentaire de RaSHi sur kemin ’afqata’ dediqla’ (‫ )כמין אפקתא דדיקלא‬in Nidda, 24a.
132

1.5.2. Le fœtus et les sacrifices :

Rappelons d’abord qu’il y a trois grandes catégories de sacrifices : ceux offerts en signe de
soumission à Dieu, ceux qui le sont en signe d’actions de grâce, et ceux qui le sont pour le
repentir d’une faute commise par négligence ou par inadvertance. On peut aussi distinguer les
sacrifices obligatoires – ceux que l’on offrait quotidiennement (le matin et l’après-midi) – et
les sacrifices volontaires – offerts par des individus pour diverses raisons personnelles. Il
existe quatre types de sacrifices animaux : le ‘olah « le sacrifice de fumée » ; les šelamim
« les sacrifices pacifiques » ; le ḥaṭa’t « le sacrifice expiatoire » et le ’ašam « le sacrifice pour
le péché ». Seuls le « sacrifice de fumée » et le « sacrifice expiatoire » nous concernent ici.
Le premier (‘olah) est, entre autres, réservé aux parturientes et doit être entièrement brûlé (si
c’est un oiseau). Autrement la peau revient au prêtre et le reste est brûlé sur l’autel.
Le deuxième (ḥaṭa’t) est offert par un individu (ou par toute une communauté) qui a violé un
commandement par inadvertance. Lorsque ce sacrifice est offert pour l’expiation d’une faute
commise par un simple individu, la chair de l’animal ou du volatile n’est pas entièrement
brûlée mais mangée par les prêtres. En un mot, les sacrifices entièrement brûlés ne servent pas
à s’acquitter d’une faute, alors que ceux qui sont consommés, oui. Cette distinction –
applicable en fonction des différents cas exposés ci-dessous – permet d’affirmer que les cas
où la femme n’est pas tenue d’apporter un sacrifice, et ceux où le sacrifice est totalement
brûlé, correspondent à des situations où la nature de la perte vaginale est moins importante
que les cas où la femme doit offrir un sacrifice susceptible d’être mangé. Dans tous les cas, le
sacrifice devait être au moins deux volatiles432 (parmi eux, seuls les tourterelles et les pigeons
sont autorisés)433. Rabbi Shimon bar Yoḥay le suggère précisément pour la parturiente, car au
moment de l’accouchement les douleurs sont si fortes, qu’elle jure de ne plus jamais coucher
avec son mari. Or, c’est rarement ce qui se passe par la suite et elle est donc en faute pour ne
pas avoir tenue sa promesse434. Les rédacteurs de la Halakhah considèrent donc que les pertes
vaginales nécessitant un sacrifice dont la chair doit être consommée (ḥaṭa’t), constituent une
plus grande perte que celles nécessitant un sacrifice qui doit être entièrement brûlé (‘olah).
Ainsi, une femme n’est pas tenue d’apporter de sacrifice – puisque sa perte compte peu – si
elle perd :

432
Cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 6, règle 11.
433
Cf. Lévitique, 1, 14 : « Si son offrande à l’Éternel est un holocauste d’oiseaux, il offrira des tourterelles ou de
jeunes pigeons. » : .‫קָ ְרבָּ נ ֹו‬-‫בְּ נֵי הַ יּ ֹונָה אֶ ת‬-‫הַ תֹּ ִרים א ֹו ִמן‬-‫הָ עוֹף עֹ לָה קָ ְרבָּ נ ֹו לַיהוָה וְ הִ ְק ִריב ִמן‬-‫וְ אִ ם ִמן‬
434
Nidda, 31b.
133

- Un chorion (šafir) plein d’eau.


- Des morceaux de chairs.
- Quelque chose qui ressemble totalement à un poisson ou à des insectes : une sauterelle
(‫)חגבים‬, un cafard (‫ )שקצים‬ou à un rampant quelconque (‫)רמשים‬.
- Un embryon avant quarante jours de grossesse.

Et il en est ainsi, même pour un embryon qui nécessite un sacrifice ; à condition toutefois que
la perte de cet embryon ait lieu en même temps et au même endroit que celle d’un autre – par
une autre femme – qui ne nécessite pas de sacrifice. Il n’est alors plus possible d’identifier
l’appartenance des embryons, comme cela pourrait l’être dans un courant d’eau vive par
exemple435. C’est un « cas incertain » (‫)ספק יולדת‬, et l’offrande – apportée par les deux
femmes – doit être entièrement brûlée. La même règle doit être appliquée pour tout fœtus qui
n’est pas sorti par les voies naturelles, même s’il est né à terme et en bonne santé. Seul Rabbi
Shimon (T5) pense que la femme doit quand même, dans ce cas précis, apporter un
sacrifice436.
En revanche, une femme doit apporter en sacrifice deux tourterelles ; cette offrande doit être
consommée si :

- Elle perd un ṣandal437.


- Elle perd un chorion constitué.
- La majeure partie des membres du fœtus est sortie – que le fœtus sorte démembré ou qu’il
eût fallu le découper pour sauver la mère438. Cette règle s’applique aussi pour la servante439.
- Elle ignore ce qu’elle a perdu lors de sa fausse couche, mais elle sait qu’elle était enceinte440.
- Elle perd un fœtus qui ressemble à une bête, un animal ou à un volatile ; à partir du moment
où il possède – comme l’affirment les Sages – au moins partiellement la « forme
humaine »441.

Mais ce sacrifice ne peut pas être consommé si :

435
Mishna, Karetot, 1, 4 et Nidda, 18a.
436
Karetot, 7b.
437
On peut revoir la définition d’un ṣandal (supra p. 93).
438
Mishna, Karetot, 1, 4.
439
Si elle est cananéenne (cf. le commentaire de RaSHi sur wekhen šifḥah (‫ )וכן שפחה‬in Karetot, 7b).
440
L’exemple du courant d’eau vive est encore ici utilisé ; Cf. le commentaire de RaSHi sur wehipilah (‫)והפילה‬
in Nidda, 18b.
441
Mishna, Nidda, 3, 2 et Karetot, 7b.
134

- Tout en étant enceinte, elle ignore ce qu’elle a perdu442.

Et il en est ainsi, même si elle perd un embryon nécessitant un sacrifice susceptible d’être
consommé ; à condition toutefois que la perte de cet embryon ait lieu en même temps et au
même endroit que celle d’un autre – par une autre femme – qui ne nécessite pas de sacrifice. Il
n’est, alors, plus possible d’identifier l’appartenance des embryons443. Il est question, là aussi,
d’un « cas incertain » ; le cas échéant, l’offrande ne doit pas être consommée mais
entièrement brûlée.
Avant de conclure, mentionnons dans son intégralité ce que Maïmonide a dit là dessus :

Maïmonide444
‫ אם נפל שחייבת עליו קרבן או דבר שאינה‬,‫האשה שלא הוחזקה עוברה והפילה ולא ידעה מה הפילה‬
‫ וכן שתי נשים שהפילו שני‬,‫ הרי זו ספק יולדת ומביאה קרבן ואין חטאתה נאכלת‬,‫חייבת עליו קרבן‬
‫ כל אחת‬,‫נפלים נפל אחד ראוי להקריב עליו והנפל האחר פטורה עליו ואין אחת מהן מכרת נפלה‬
‫משתיהן מביאה קרבן מספק ואין חטאת אחת משתיהן נאכלת שחטאת העוף הבאה על הספק נשרפת‬
‫שמא אינה חייבת ונמצאת חטאת זו חולין שנשחטו בעזרה שהן אסורין בהנאה כמו שביארנו בהלכות‬
.‫שחיטה‬
« Une femme qui fait une fausse couche, sans savoir si ce qu’elle a perdu nécessite ou
pas un sacrifice, doit apporter un sacrifice et son offrande n’est pas consommée. Ainsi,
deux femmes qui font une fausse couche, l’une d’un avorton qui n’exige pas de
sacrifice et l’autre d’un avorton qui exige un sacrifice, et qu’elles sont incapables de
reconnaître le leur, doivent apporter, toutes les deux, un sacrifice et ce dernier n’est
pas consommé. Car un sacrifice expiatoire pour « un cas incertain » doit être brûlé. Et
ce, afin d’éviter que le sacrifice de celle qui n’était pas tenue d’en apporter soit
profane445. Car, comme nous l’avons expliqué dans les règles de l’abattage rituel446, il
est interdit de tirer profit447 d’un animal non consacré dans la cour du Temple448. »

442
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’eyn yadu‘a mahu (‫ )אין ידוע מהו‬in Nidda, 29a et Cf. le commentaire de
RaSHi sur ’eyn yadu‘a ’im walad hayah ’im la’w tešev lezakhar ulneqevah ulnidah ( ‫אין ידוע אם ולד היה אם לאו‬
‫ )תשב לזכר ולנקבה ולנדה‬in Nidda, idem.
443
RaSHi explique que cela peut arriver si les deux femmes se trouvent, par exemple, dans le noir ou dans un
bassin d’eau (cf. le commentaire de RaSHi sur wekhen štey našim šehipilu (‫ )וכן שתי נשים שהפילו‬in Karetot, 7b).
444
Maïmonide, Hilkhot meḥuṣarey kaparah, chapitre 1, règle 7.
445
Voir ḥulin (‫ )חולין‬dans le glossaire.
446
Voir šḥiṭah (‫ )שחיטה‬dans le glossaire.
447
Voir ’iṣurey hana’ah (‫ )איסורי הנאה‬dans le glossaire.
448
Voir ḥulin ba‘azarah (‫ )חולין בעזרה‬dans le glossaire.
135

Maïmonide explique qu’une femme ne peut pas consommer l’offrande449 qu’elle a apportée,
si elle fait une fausse couche sans pouvoir dire ce qu’elle a perdu. Et ce, même si elle a avorté
un fœtus nécessitant un sacrifice susceptible d’être consommé ; à condition toutefois, que cela
ait lieu en même temps et au même endroit que la perte d’un autre fœtus – par une autre
femme – qui ne nécessite pas de sacrifice. Si on ne consomme pas l’offrande du « cas
incertain » c’est parce qu’il doit être entièrement brûlé.

À partir des règles sur les sacrifices, il est possible d’affirmer qu’il y a effectivement une
corrélation entre la nature de la perte vaginale et le sacrifice à apporter, mais nous pensons
que ces règles ne sont que complémentaires pour l’établissement d’un statut du fœtus ; parce
que les sacrifices dépendent essentiellement des règles de pureté : un enfant né hors des voies
naturelles450 ne nécessite pas d’offrande bien qu’il ait le statut d’âme vivante.

449
Constitué en l’occurrence par, au moins, deux tourterelles ou deux pigeons.
450
Qui ne rend justement pas sa mère impure.
136

1.5.2.1. Les sacrifices et la pureté de la femme enceinte :

Une femme qui fait une fausse couche pendant une procédure de purification n’a pas à
apporter de sacrifice, même si cela lui arrive deux fois de suite avant la fin de la procédure451.
Elle ne devra offrir qu’un seul sacrifice – même si elle perd plus d’un fœtus (avant terme) – à
la fin de la procédure de purification452 ; et ce, même si les fœtus sont des jumeaux453. Une
seule offrande peut donc couvrir plusieurs fausses couches – ou accouchements, jumeaux
compris. De plus, une femme qui fait une fausse couche à la fin de sa procédure de
purification, sans être sûre de l’avoir achevée, est exemptée d’offrir un deuxième sacrifice.
L’école de Hillel diverge sur ce dernier point de l’école de Shamay454. Celle d’Hillel, en effet,
ne l’exempte pas.
Toujours en rapport avec les règles sur les sacrifices et la parturiente, il est un cas que nous
n’avons pas mentionné, celui d’une femme zawah – i.e. qui « éprouve le flux ». En effet, si
l’hémorragie vaginale d’une femme dépasse un certain temps (que nous verrons plus bas), elle
est considérée comme zawah et doit à ce titre apporter un sacrifice :

Maïmonide455
‫ וזו היא זבה גדולה שצריכה ספירת‬,‫ זו שזב דמה שלשה ימים זה אחר זה בלא עת נדתה‬,‫אי זו היא זבה‬
‫ וכבר ביארנו בענין הנדה אימתי תהיה האשה זבה בדמים שתראה ואימתי לא תהיה‬,‫שבעה וחייבת בקרבן‬
‫ כל מקום שאמרנו שהיא זבה וסופרת שבעה הרי היא‬,‫זבה אלא נדה או טהורה ומתי תהיה ספק זבה‬
‫ וכל מקום שאמרנו שהיא ספק זבה הרי זו מביאה קרבן ואין חטאתה‬,‫חייבת להביא קרבן וחטאתה נאכלת‬
‫ ושם ביארנו מה תלד האשה או מה תפיל‬,‫ שכבר ביארנו שחטאת העוף הבאה על הספק תשרף‬,‫נאכלת‬
‫ וכל מקום שאמרנו שהיא טמאה לידה הרי‬,‫ותהיה טמאה לידה ומה תלד או תפיל ולא תהיה טמאה לידה‬
.‫ וכל מקום שאמרנו שאינה טמאה לידה הרי זו פטורה מן הקרבן‬,‫זו מביאה קרבן וחטאתה נאכלת‬
« Quelle est la femme qui éprouve le flux ? C’est celle qui perd du sang pendant trois
jours, l’un après l’autre, en dehors de la période de ses menstrues. Cela est un cas de
grand flux. Elle sera impure pendant sept jours et devra apporter un sacrifice. Nous
avons déjà vu, à propos des règles de la nidah, à quel moment, par le sang qu’elle voit,

451
Tosefta, Karetot (Zuckermandel), chapitre 1, règle 9 et dans Karetot, 7b.
452
Cf. Maïmonide, Hilkhot meḥuṣarey kaparah, chapitre 1, règle 8.
453
Tosefta, Karetot (Zuckermandel), chapitre 1, règle 15 et dans Karetot, 9b. Du reste, peu importe leur sexe
puisque si elle doit apporter un seul sacrifice pour deux avortons de sexe féminin perdus en moins de 80 jours,
on ne peut pas, a fortiori, lui demander plus d’un sacrifice pour des jumeaux (même des faux jumeaux) avortons
de sexe masculin. Cf. Lévitique, 12, 1-8 pour les jours de puretés après l’accouchement.
454
Cf. Mishna, Karetot, 1, 6 et le commentaire de RaSHi sur bet šama’y poṭrin min haqorban
(‫ )ב"ש פוטרין מן הקורבן‬in Karetot, 7b.
455
Maïmonide, Hilkhot meḥuṣarey kaparah, chapitre 1, règle 6.
137

une femme éprouve un flux et à quel moment elle ne l’éprouve pas parce qu’[elle est]
nidah ou pure. Nous avons vu aussi à quel moment elle éprouve peut-être le flux.
- Partout où il est question de ce flux et de l’impureté durant sept jours, elle doit
apporter un sacrifice et son offrande est consommée.
- Partout où il est dit qu’elle éprouve peut-être le flux, elle doit apporter un sacrifice
mais son offrande n’est pas consommée ; puisque nous avons vu que l’offrande des
volatiles, relative à « un cas incertain », doit être brûlée. Nous avons vu aussi, au
même endroit, à quel moment une femme, en fonction de ce qu’elle accouche ou
avorte, est impure comme une parturiente et à quel moment elle accouche ou avorte
sans être impure comme une parturiente.
- Partout où il est dit qu’elle est impure comme une parturiente, elle doit apporter un
sacrifice et son offrande est consommée.
- Et partout où il est dit qu’elle n’est pas impure comme une parturiente, on l’exempt
de sacrifice. »

Maïmonide explique d’abord les règles relatives à la femme zawah : pour qu’une femme
puisse être considérée comme zawah, elle doit avoir une hémorragie vaginale pendant trois
jours consécutifs, hors de sa période menstruelle.
Ensuite, il évoque les règles relatives à la femme que l’on considère comme parturiente, en
précisant qu’elles ont déjà été étudiées456.
Enfin, Maïmonide ajoute qu’une femme qui n’est pas considérée comme parturiente n’a pas à
offrir de sacrifice. Ce dernier point est justement une des complémentarités essentielles –
parmi les règles sur les sacrifices – à l’établissement d’un statut au fœtus (in utero surtout).
Tous les cas, en effet, de fausses couches qui ne nécessitent pas d’offrande sont dues au fait
qu’elles ne rendent pas la mère impure. Or, si la mère n’est pas impure – dans ces cas très
précis : i.e. on pense ne pas avoir affaire à du sang ou à une quelconque expulsion de ce que
l’on peut considérer comme « humain », on pourrait dire – pour la formule et sous ces
conditions : pas d’offrande, pas « humain » !

456
Cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 2, 6, 7, 11 et 12.
138

1.5.2.2. Le fœtus et les lois sacerdotales (terumah)

Dans les deux cas suivants, le mari est décédé457 :

- Une femme née Cohen qui a épousé un non-Cohen, n’a pas le droit de manger de la terumah
(‫)תרומה‬, si elle a eu un enfant de lui.
- Une femme née non-Cohen qui a épousé un Cohen, a le droit de manger de la terumah, si
elle a eu un enfant de lui.
A présent, considérons ces mêmes veuves, mais seulement enceintes :
- Une femme née Cohen, enceinte d’un non-Cohen, ne peut pas manger de la terumah.
Autrement dit, un fœtus non-Cohen empêche sa mère, née Cohen, de manger de la terumah.
- En revanche, une femme née non-Cohen, enceinte d’un Cohen, ne peut pas manger de la
terumah jusqu’à ce que l’enfant naisse. Autrement dit, le fœtus Cohen ne permet pas à sa
mère, née non-Cohen, de manger de la terumah.

Si l’offrande (terumah) peut être exclusivement consommée par les prêtres (cohen), il en
ressort que les lois sacerdotales l’emportent sur l’importance accordée au fœtus stricto sensu,
puisque d’une part, un fœtus Cohen « ne suffit pas » pour permettre à sa mère – née non-
Cohen – de manger l’offrande458, et, d’autre part, un fœtus non-Cohen « suffit » pour faire
perdre à sa mère – née Cohen – son statut de Cohen459. En un mot, le statut de Cohen ne
supporte aucune entorse, pour ne pas dire aucune perturbation. Le respect de ces lois
sacerdotales est, pour ainsi dire, plus important que la prétendue « humanité » du fœtus.

457
Par ailleurs, une femme qui fait une fausse couche après la mort de son mari doit attendre trois mois (délai
maximal jusqu’au retour de couche) avant de se remarier afin d’être sûre, si elle tombe enceinte, que l’enfant soit
de son nouveau mari. Et il est de même pour toutes les veuves et les divorcées.
Cette mesure sert également à éviter certaines fraudes à l’héritage : le Talmud rapporte l’histoire d’une femme
enceinte fraîchement divorcée qui s’est remariée en cachant sa grossesse afin de permettre à l’enfant d’hériter
une partie des biens du second mari (cf. Yebamot, 42a).
D’ailleurs, le code civil allemand, au début du vingtième siècle, requérait à ces femmes dix mois avant de les
autoriser à se remarier (Bürgerliches Gesetzbuch, n° 1313) (Tosefta, Yebamot (Liebermann), chapitre 6, règle 6.
Comparer ‘Erubin, 47a et Ketubbot, 60b. Cf. aussi le commentaire de RaSHi sur crikhot lehamtin (‫)צריכות להמתין‬
in Yebamot, 34b).
458
Dans la mesure où il n’est encore qu’un fœtus.
459
« ‫ אינו מאכיל‬-‫ אינו יילוד‬,‫ מאכיל‬-‫( » יילוד‬Yebamot, 67a).
139

1.5.3. Le fœtus et les lois de successions :

Avant d’aborder les rapports qui existent entre le fœtus et les droits de succession, il est
préférable de mentionner la définition du chorion constitué. Celle de Maïmonide convient
bien puisqu’elle récapitule tout ce qui a été dit dessus460 :

Maïmonide461
,‫ שתי עיניו כשתי טיפי זבוב מרוחקות זו מזו‬,‫אי זה הוא שפיר מרוקם תחלת ברייתו של אדם גופו כעדשה‬
,‫ וחיתוך ידים ורגלים אין לו‬,‫ פיו פתוח כחוט השערה‬,‫שני חוטמיו כשתי טיפי זבוב מקורבות זה לזה‬
‫נתבארה צורתו יתר מזה ועדיין אינו ניכר בין זכר לנקבה אין בודקין אותו במים אלא בשמן שהשמן‬
,‫ ומביא קיסם שראשו חלק ומנענע באותו מקום מלמעלה למטה אם מסכסך בידוע שהוא זכר‬,‫מצחצחו‬
‫ וכל אלו הרקימות של נפלים אין‬,‫ואם ראה אותו מקום כשעורה סדוקה הרי זו נקבה ואינה צריכה בדיקה‬
.‫נותנין להן ימי טוהר עד שישעיר הולד‬

Dans cette règle462, Maïmonide va recenser certains des attributs de l’avorton que l’on appelle
chorion constitué. Le chorion constitué correspond au stade où :

1) L’embryon a la taille d’une lentille,


2) Ses deux yeux – de la taille d’une chiure de mouche – sont éloignés l’un de l’autre,
3) Ses narines – de la taille d’une chiure de mouche – sont rapprochées l’une de l’autre,
4) Sa bouche est fendue comme l’épaisseur d’un cheveu,
5) Ses mains et ses jambes ne sont pas identifiables, même si le reste du corps est légèrement
plus développé, et
6) Son sexe n’est pas déterminé.

« [Pour savoir, en cas de fausse couche, s’il s’agit bien d’un chorion constitué,] on ne
le trempera pas dans l’eau [car l’eau a sur l’embryon un effet corrosif463], mais dans

460
Ajoutons également en marge de ce chapitre qu’il existe un phénomène, rare et pas admis par tous, qui peut
troubler la filiation d’un enfant. Si une femme tombe enceinte quasiment en même temps de deux hommes
différents, alors l’enfant aura deux pères. Il n’y a que les amoraïm Palestiniens qui admettent une telle chose
possible mais seulement pendant les trois premiers jours qui suivent les premiers rapports sexuels ; au-delà de
cette date, si elle tombe enceinte, c’est qu’elle l’est du deuxième homme et la filiation se fera dans ce sens. Cette
limite s’explique par le fait que la semence de l’homme devient stérile après trois jours (voir TJ, Yebamot,
chapitres 4, page 5, colonne C-D, règle 2) :
.‫( משנסרח הזרע אין האשה מעוברת משני בני אדם‬...) ‫עד שלא נסרח הזרע האשה מעוברת משני בני אדם‬
461
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle 3.
462
Les points suivants sont les présupposés implicites contenus dans la règle en question.
463
Cf. la fin de Nidda, 25a.
140

l’huile [parce que l’huile est plus douce que l’eau464. De ce fait, l’huile] le débarrasse
[de ce qui ne lui appartient pas]. Ensuite, [pendant que l’embryon baigne dans l’huile,]
on lui remue les parties [génitales] de bas en haut à l’aide d’une tige, au bout
totalement lisse. Si quelque chose s’enchevêtre [autour de la tige465,] alors c’est un
[embryon de sexe] masculin466. [En revanche,] si [l’examinateur] constate [à l’endroit
du sexe quelque chose] comme un grain fendu, alors c’est un [embryon de sexe]
féminin467 et il n’est pas nécessaire [d’approfondir] l’examen [de cet embryon féminin.
La femme qui a porté] un avorton [répondant aux critères ci-dessus] n’est pas tenue de
respecter les jours de pureté468, tant qu’il n’a pas de duvet sur la tête469. »

Concernant donc les règles de l’héritage, la tête tient encore un rôle déterminant, comme nous
l’avons vu à propos des règles de pureté. En effet, le fœtus peut être apte à hériter, s’il a sorti
la tête et a commencé à vivre ; et ce, à n’importe quel mois de grossesse, ou s’il a vécu même
un instant, à condition qu’il soit né à terme. La Mishna traite également des lois de succession
et de la définition de l’aîné – vis à vis notamment du « rachat des premier-nés » (‫)פדיון הבן‬470.

Rappelons brièvement, avant de poursuivre, les conditions énoncées par Maïmonide qui
définissent le premier-né :

Maïmonide471
‫ בן שמנה חדשים שהוציא ראשו והוא‬,‫חתך העובר במעיה והוציאו אבר אבר הבא אחריו אינו פטר רחם‬
,‫ זה שילדה אינו פטר רחם‬,‫ וכן בן ט' שמת ויצא ראשו והחזירו ואח"כ יצא אחיו וילדה‬,‫חי והחזירו ומת‬
.‫ ומשתצא פדחתו פוטר הבא אחריו‬,‫שהרי נפטר בראשו של ראשון‬
« Un fœtus né normalement après un autre qui a été mis en pièce dans l’utérus, n’est
pas considéré comme le premier-né472. Un fœtus vivant de huit mois dont la tête est

464
Cf. le début de Nidda, 25b.
465
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’im mesakhmekh (‫ )אם מסכמך‬in Nidda, idem.
466
En raison d’un « tendon » (c’est un euphémisme pour indiquer le sexe mâle) qui retient, très légèrement, le
mouvement de la main, alors que si c’est un embryon de sexe féminin, rien ne gênerait le mouvement de la main.
Voir sur l’identification du sexe du fœtus Kass N., « Sex Determination, Medically and in the Talmud », Koroth,
7, 11/12, 1980, pp. 293-301, et Rosner F., « Sex Determination as Described in the Talmud », Intercom, 13, 2,
1972, pp. 17-20.
467
Cf. le commentaire de RaSHi sur milemaṭah lema‘lah (‫ )מלמטה למעלה‬in Nidda, 25b.
468
Elle doit néanmoins observer ceux d’impureté puisqu’un avortement de ce genre la rend au moins impure.
469
Cf. le commentaire de RaSHi sur lo’ ta‘avid ‘uvda’ (‫ )לא תעביד עובדא‬in Nidda, idem.
470
Le premier-né – qu’il soit de l’homme ou de l’animal – était considéré comme appartenant à Dieu (cf. Exode,
13, 2-3 ; ibid., 22, 28 ; Lévitique, 27, 26 et Nombres, 18, 15).
471
Maïmonide, Hilkhot bikurim, chapitre 11, règle 15.
472
Voir bekhor ’adam (‫ )בכור אדם‬dans le glossaire.
141

sortie puis rentrée et qui meurt ensuite, ou, un fœtus mort de neuf mois dont la tête est
sortie puis rentrée, empêchent le suivant d’être considéré comme le premier-né.
Puisque à partir du moment où le front est sorti, l’autre ne peut plus être vu comme le
premier-né. »

Maïmonide rappelle donc ce qui confère au fœtus le statut de premier-né473. En effet, il suffit
qu’un fœtus474 sorte son front du vagin – même s’il l’a rétracté – pour priver les autres du
statut de premier-né. Et ce, que le fœtus soit :

- Mort-né – après neuf mois de grossesse.


- Sorti démembré – à partir de huit mois.
- Sorti vivant – à partir de huit mois – une première fois, puis rentré et ressorti mort.

Ces propos comptent parce qu’ils mettent en évidence deux critères aidant à définir le statut
du fœtus : le terme de la grossesse et la respiration autonome du fœtus. Ces deux points sont
les conditions nécessaires à la sortie totale du nouveau-né du cadre de la définition de
l’avorton (nefel) et à l’obtention du statut d’âme vivante (nefeš) – le deuxième critère surtout.
Ces points, nous continuerons de le voir, ont évidemment aussi une incidence sur les lois de
succession.

Reprenons : D’une manière générale le langage juridique de la Mishna entend par le terme
« hériter » le fait que le fœtus est juridiquement capable de recevoir une partie de l’héritage et
éventuellement la double part475 – celle réservée aux aînés mâles – sans pour autant que l’on
procède au rachat du premier-né (si c’est un mâle) auprès d’un Cohen par une somme
équivalente à cinq ṣela‘im476). Parallèlement à cela, si le fœtus a fendu la matrice il prive les
autres à venir après lui du statut d’aîné à part entière477. Le premier à naître n’obtient donc pas
nécessairement le statut de premier-né de plein droit. De plus, les lois relatives à l’aîné
s’établissent en fonction du père. De sorte qu’un homme peut avoir plusieurs aînés de femmes
différentes, même si ces dernières ont déjà enfanté.
473
Celui pour qui on effectue le rachat à un Cohen si c’est un garçon (voir pidiyon haben (‫ )פדיון הבן‬dans le
glossaire).
474
Cf. Šulḥan ’arukh, (‫)יו"ד‬, § 305, alinéa 22.
475
Sur la double part, ainsi que sur les règles familiales et successorales au sein d’Israël dans les sources juives,
voir les chapitres que leur a consacrés A. Gulak in Yeṣodey ha-mišpaṭ ha-‘ivri, Vol. 3 (Torat ha-mišpaḥa we-ha-
yeruša), Devir, Jérusalem, 1923, pp. 71-145).
476
Le ṣela‘ (‫ )סלע‬est une ancienne unité monétaire.
477
Cf. les commentaires de RaSHi sur yeš bekhor lenaḥalah (‫ )יש בכור לנחלה‬et lekohen (‫ )לכהן‬in Bekhorot, 46a.
142

Ces critères sont fondés sur deux versets de la Torah. Le premier traite des droits de l’aîné et
le deuxième définit le premier-né :

« (…) c’est l’aîné, (…), qu’il reconnaîtra pour tel, en lui donnant double part de tout ce
qui lui appartient, car il est les prémices de sa vigueur (‫ )ראשית אונו‬: à lui le droit
d’aînesse ! »478
Et
« Consacre-moi tout premier-né : quiconque fend la matrice, chez les fils d’Israël,
qu’il s’agisse d’homme ou de bête, il est à moi ! »479

Avant de conclure, mentionnons la définition de l’aîné pour la succession :

Maïmonide480
‫ וכן בן תשעה שיצא ראשו‬,‫הבא אחר נפלים אע"פ שיצא ראש הנפל כשהוא חי הבא אחריו בכור לנחלה‬
‫מת הבא אחריו בכור לנחלה שזה שנאמר ראשית אונו הוא שלא נולד לו קודם לזה ולד שיצא חי לאויר‬
.‫ לפיכך בן תשעה שהוציא רוב ראשו חי הבא אחריו אינו בכור‬,‫העולם‬
« Celui qui suit un avorton, même si ce dernier est vivant, est considéré l’aîné vis à vis
de la succession481. Il en est ainsi même pour un fœtus de neuf mois mort-né. Puisque
celui pour qui il est dit : « il est les prémices de sa vigueur » implique qu’aucun avant
lui n’est sorti vivant à l’air du monde. C’est pourquoi un fœtus vivant de neuf mois,
dont la majorité de la tête est sortie, empêche le suivant d’être l’aîné. »

Maïmonide donne les conditions nécessaires pour être considéré comme l’aîné vis à vis des
lois de successions. Un fœtus né avant terme, même s’il est né vivant puis décédé, n’est pas
vu comme l’aîné pour l’héritage. Il en est ainsi pour un fœtus mort-né à terme. La raison tient
sur un verset de la Torah482 où le terme « prémices »483 (i.e. l’aîné) implique que l’enfant soit

478
Deutéronome, 21, 17 : « (…) mais c’est l’aîné, fils de celle qu’il n’aime pas, qu’il reconnaîtra pour tel, en lui
donnant double part de tout ce qui lui appartient, car il est les prémices de sa vigueur : à lui le droit
d’aînesse ! » : .‫אשׁית אֹ נ ֹו ל ֹו ִמ ְשׁפַּ ט הַ בְּ ֹכ ָרה‬
ִ ‫הוּא ֵר‬-‫יִמָּ צֵ א ל ֹו כִּ י‬-‫הַ ְשּׂנוּאָה יַכִּ יר לָתֶ ת ל ֹו פִּ י ְשׁ ַניִם בְּ כֹ ל אֲשֶׁ ר‬-‫הַ בְּ כֹ ר בֶּ ן‬-‫כִּ י אֶ ת‬
479
Exode, 13, 2 : .‫אָדם וּבַ בְּ הֵ מָ ה לִ י הוּא‬ ָ ָ‫ ֶרחֶ ם בִּ בְ נֵי יִשְׂ ָראֵ ל בּ‬-‫בְּ כוֹר פֶּ טֶ ר כָּל‬-‫לִ י כָל‬-‫קַ ֶדּשׁ‬
480
Maïmonide, Hilkhot naḥalot, chapitre 2, règle 10.
481
Voir bekhor lenaḥalah (‫ )בכור לנחלה‬dans le glossaire.
482
Deutéronome, 21, 17.
483
RaSHi sur bekhor lenaḥalah (‫ )בכור לנחלה‬in Ḥullin, 68a :
« Le premier à être né vivant et à terme est l’aîné pour les lois de successions. « Les prémices de sa vigueur »
reçoit une double part. Il est celui pour qui on a de la peine. Or, le père n’a pas de peine pour un fœtus non-viable
[ou mort-né]. Donc ce dernier n’est pas l’aîné. En revanche, il empêche le suivant d’avoir le statut de premier-
né ; [celui qui est racheté à un Cohen (‫])פדיון הבן‬. » n.t. :
143

né à terme et vivant484. En un mot, seul le premier qui naît vivant et à terme est l’aîné pour les
lois de successions.

S’appuyant justement sur les versets de la Torah que nous venons de mentionner, la Mishna
présente deux cas possibles485 :

A) Le premier à naître hérite – même de la double part –, mais n’est pas racheté au
Cohen486, s’il sort après :

- Un avorton (i.e. un fœtus qui n’est pas arrivé à terme), même s’il a vécu un seul instant – fut-
ce dans le temps où il a sorti sa tête avant de la rentrer et de mourir487.
- Un fœtus mort-né à terme, à la condition que ce dernier n’ait pas vécu un seul instant488.
- Un fœtus qui ressemble à un animal489, à une bête ou à un volatile.
- Un ṣandal, un placenta (šilya’)490 ou un chorion constitué491.
- L’extraction de la majeure partie des membres d’un autre fœtus, dans l’éventualité où ce
dernier est sorti en morceaux492.

Les fœtus, dans toutes ces situations, n’ont pas la capacité d’hériter, mais privent le suivant
d’être l’aîné à part entière493 (vis-à-vis de la succession et du rachat au Cohen), parce qu’ils
ont déjà fendu la matrice (‫)פטר רחם‬494.

Le corollaire de ce cas est le suivant : le premier à naître n’hérite pas du tout, mais prive
quand même les autres sortis après lui d’être rachetés au Cohen s’il est :

‫בענין ולד שיהא ראוי לחיות ואי לא ראוי לחיות לא מפקע את הבא אחריו מליטול פי שנים דכתיב "ראשית אונו" מי שלבו דוה עליו‬
.‫יצא ולד שאינו של קיימא שאין לב אביו דוה על מותו אבל מפדיון הבכור פוטר הוא את הבא אחריו שהרי זה פטר את הרחם‬
Voir aussi le commentaire de RaSHBaM sur umaqšinan ha’i (‫ )ומקשינן האי‬in Baba Batra, 111b.
484
Cf. Šulḥan ’arukh, (‫)חו"פ‬, § 277, alinéa 6.
485
Mishna, Bekhorot, 8, 1.
486
La double part et le rachat au Cohen ne sont possibles que si l’enfant est un mâle.
487
Cf. aussi Šulḥan ’arukh, (‫)חו"פ‬, § 277, alinéa 6.
488
Si le fœtus né à terme a vécu un instant il est considéré comme l’aîné à tous les égards (cf. le commentaire de
RaSHi sur uben ṭ šeyaca’ ro’šo met (‫ =ט'( )ובן ט' שיצא ראשו מת‬9 en valeur numérique) in Bekhorot, 46a).
489
On note dans la Tosefta qu’il y avait à Sidon une femme qui a trois fois donné naissance à un fœtus ayant la
forme d’un corbeau (Tosefta, Nidda, 4, 6)
490
Dans la mesure où, comme nous l’avons vu, il n’y a pas de placenta sans embryon (cf. Mishna, Nidda, 3, 4) :
.‫ אלא שאין שליא בלא ולד‬,‫לא שהשליא ולד‬
491
Cf. Nidda, 25a.
492
Lors d’une fausse couche ou d’un avortement volontaire. Cf. Šulḥan ’arukh, (‫)יו"ד‬, § 305, alinéa 22.
493
Parce que le père, selon RaSHi, n’est pas peiné pour leur perte.
494
Cf. le commentaire de RaSHi sur bekhor lenaḥalah (‫ )בכור לנחלה‬in Ḥullin, 68a.
144

- Avorton, même s’il a vécu un seul instant – fut-ce le temps de sortir sa tête, de la rentrer et
de mourir.
- Un fœtus mort-né à terme (donc non avorton), à condition qu’il n’ait pas vécu un seul
instant.
- Un fœtus qui ressemble à un animal, à une bête ou à un volatile.
- Un ṣandal, un placenta (šilya’) ou un chorion constitué.
L’extraction de la majeure partie des membres d’un autre fœtus – dans l’éventualité où ce
dernier est sorti en morceaux – implique les mêmes conséquences.

Ajoutons à cette catégorie le cas suivant : le fœtus n’hérite pas comme un aîné, mais prive
les autres sortis après lui d’être rachetés au Cohen, s’il n’est pas sorti par les voies naturelles
(‫ – )יוצא דופן‬lors d’une césarienne par exemple – même s’il est né à terme et en bonne
santé495. Inversement, dirions nous, l’enfant qui naît à terme, en bonne santé et par les voies
naturelles n’est quand même pas l’aîné (i.e. il ne recevra pas la double part et ne sera pas
racheté au Cohen), s’il sort après le premier en question.

Avant de voir le deuxième cas possible relatif aux droits de successions, rappelons ici, la règle
que l’on trouve dans le Mišneh torah concernant les enfants nés par césarienne :

Maïmonide496
.‫ הראשון לפי שלא יצא מן הרחם והשני מפני שקדמו אחר‬,‫יוצא דופן והבא אחריו כדרכו שניהם פטורים‬
« Un fœtus qui sort par la paroi497 et le suivant par la voie naturelle sont exemptés. Le
premier parce qu’il n’est pas sorti par la voie naturelle, et le deuxième parce qu’il y en
a un qui l’a précédé. »

Maïmonide explique justement qu’un fœtus né par césarienne, par exemple, ne peut avoir le
statut de premier-né mais en prive les suivants498, même s’ils sont nés normalement. Le
premier parce qu’il n’est pas sorti par les voies naturelles, et le deuxième parce qu’il n’est pas
le premier499. Ainsi, comme on vient de le voir, un premier enfant né par césarienne n’a pas le
statut de premier-né, et empêche les autres de l’avoir parce qu’ils sont – précisément – nés

495
Cf. Maïmonide, Hilkhot naḥalot, chapitre 2, règle 11.
496
Maïmonide, Hilkhot bikurim, chapitre 11, règle 16.
497
Voir yoce’ dofen (‫ )יוצא דופן‬dans le glossaire.
498
Nés de la même mère.
499
Cf. Šulḥan ’arukh, § 305, alinéa 22.
145

après lui. Cela nous rappelle que les lois de succession relatives aux lois sacerdotales (le
rachat des premiers-nés) n’admettent aucune dérogation. Donc :
1) Le premier à naître n’a pas toujours le statut de premier-né. Mais 2) Un premier-né –
racheté au Cohen – est toujours l’aîné.

B) Le premier à naître hérite et doit être racheté au Cohen, i.e. il obtient le statut
d’aîné à part entière ; à condition, on l’a vu, qu’il soit né à terme, qu’il ait vécu (même un
instant) et qu’il possède, au moins partiellement, la « forme humaine »500 ; autrement, ce sera
le deuxième (jumeau ou non) qui héritera du droit d’aînesse, sans être racheté au Cohen501.
Donc si le premier sorti n’a pas, en plus, la « forme humaine », il ne peut priver le suivant ni
de l’héritage – même la double part – ni même du rachat au Cohen502.

Le corollaire de ce cas est le suivant : le fœtus n’hérite pas et ne prive pas les autres sortis
après lui d’être rachetés au Cohen s’il :

- Ressemble totalement à un animal, à une bête ou à un volatile.


- N’est qu’une tête.
- N’est qu’un chorion (šafir) – qu’il soit plein d’eau ou de sang503.
- S’est désagrégé en morceaux de chairs (‫)גנינים‬.
- Ressemble totalement à un poisson, à des insectes – telle une sauterelle (‫ )חגבים‬ou un cafard
(‫ – )שקצים‬ou à un quelconque rampant (‫)רמשים‬.
- A été expulsé avant quarante jours de grossesse504.

Ainsi, ces six derniers cas ne suffisent pas pour dire que la matrice a été fendue, et le suivant
peut être racheté au Cohen (si, bien sûr, c’est un mâle né à terme par les voies naturelles).
Nous pouvons à présent conclure que pour être racheté au Cohen et jouir, de ce fait, du plus
haut degré de succession filiale, il faut être né mâle, le premier, à terme et avoir « forme
humaine ».

500
Dans ce chapitre, nous n’avons pas beaucoup insisté sur ce critère – bien qu’il soit plusieurs fois mentionné
dans le détail des règles relatives aux lois de succession –, parce que nous avons justement consacré à la « forme
humaine » tout un chapitre (voir supra p. 86).
501
Cf. Bekhorot, 46a.
502
Cf. le commentaire de RaSHi sur ‘ad šeyihe bo micurat ha’adam (‫ )עד שיהא בו מצורת האדם‬in Bekhorot, idem.
503
Cf. Bekhorot, 47b et le commentaire de RaSHi sur šafir (‫ )שפיר‬in Bekhorot, idem.
504
Le quarantième jour inclus (cf. le commentaire de RaSHi sur leyom ’arba‘im (‫ )ליום ארבעים‬in Bekhorot, 47a).
146

1.6. Nahmanide505 sur Exode, 21, 22

Moshe ben Naḥman, à l’instar de RaSHi, affirme clairement que « le paiement des petits »
(‫ )דמי ולדות‬ne peut être réclamé à l’agresseur et versé au mari, que si ce dernier dépose plainte
auprès des juges. Nahmanide pense également que ce sont ces derniers qui doivent fixer et
imposer le montant de cette amende.
En revanche, c’est dans la formulation de ses motivations que la pensée de Nahmanide sur le
statut du fœtus se devine. Il commence par dire que si l’on verse l’amende au mari, c’est parce
que la femme n’a aucun droit sur les enfants ; et il affirme ensuite que ces derniers (i.e. les
fœtus) n’ont aucune valeur connue car personne ne peut dire s’ils arriveront à terme.
Ainsi, pour Nahmanide non plus, le fœtus ne semble pas avoir le statut d’âme vivante (nefeš) :
‫ וכן‬.‫ כשיתבענו הבעל בבד' להשית עליו עונש על כך לשון רשי' ונכון הוא‬.‫כאשר ישית עליו בעל האשה‬
‫ והכוונה כי הוא חייב בדמי הולדות כאשר ישית עליו‬.‫ ורבים ככה‬,(‫"כאשר ייטב לך" )בראשית מ יד‬
.‫ אבל אנקלוס אמר כמה דישוי עלוהי‬.‫הבעל ולא כאשר תשית עליו האשה כי אין לה חלק וזכות בהם‬
‫ כאלו אמר שיתפשר עמו לרצונו או ישלם כדי‬.‫ואמר רא' ככל אשר ישית עליו בעל האשה או יתן בפללים‬
‫ כי מי‬,‫ ולפי דעתי בעבור שאין בולדות היזק ניכר‬.‫ ואיננו נכון כי מה טעם להזכיר זה‬,'‫דמיהם על פי בד‬
‫ והוא כמו קנס וממון‬,‫ נשים עליו עונש‬,‫ אמר הכתוב אע"פ שאין כאן ממון תשלומין‬,‫יודע אם יצליחו‬
.(‫ וכן "ויתן עונש על הארץ" )מ"ב כג לג( "ויין ענושים ישתו" )עמוס ב ח‬.‫שיטילו אחרים עליו על כרחו‬
‫יתן זה‬506‫ ו‬,‫ שהוא חפץ בילדיו וחשובים הם אצלו‬,‫ואמר שיהיה העונש ככל אשר ישית עליו בעל האשה‬
‫ שומע אני כל מה‬,‫ ובמכילתא ]כאן[ כאשר ישית עליו‬.‫בפלילים שלא יתן עליו עונש יותר מכדי דמיהן‬
.‫שירצה תל' ונתן בפלילים ואין בפלילים אלא דיינים‬
« Quand le mari de la femme [victime de l’agression] lui imposera ! Lorsque le
mari portera plainte au tribunal afin de le condamner pour ce qu’il a fait ; [voilà ce
qu’a] dit RaSHi et il a raison. [Le sens du « k » dans ka’ašer, ici, est] le même que
dans « Que si tu te souviens de ce que je fus avec toi, quand il t’arrivera du bien, et
si tu daignes user de bienveillance envers moi, alors tu me rappelleras au souvenir de
Pharaon et tu me feras sortir de cette maison. » (Genèse, 40, 14), et nombreux sont [les
« k » qui ont ce sens]. L’intention [du texte] est de nous dire que l’[agresseur] est
redevable de l’amende pour l’avortement [qu’il a] provoqué [que] lorsque le mari
portera plainte et non lorsque la femme portera plainte, car elle n’a pas de part ni de

505
Moshe ben Naḥman (1194-1270).
506
On pourrait remplacer ce ‫ ו‬par ‫ לכן‬qui signifie « c’est pourquoi », « ainsi », « donc ».
147

droit sur eux507. Cependant Onqelos dit : « en fonction de ce que (kema) le mari
évaluera »508. Rabbi Avraham509 a dit : « autant que lui imposera le mari ou, il paiera
au taux des magistrats ». Autrement dit, soit il s’arrange avec lui, soit il paye l’amende
exigée par le tribunal ; [or] ceci est faux, car quel est l’intérêt de rappeler cela ? Selon
moi510 : étant donné que les fœtus n’ont pas de valeur connue, car qui peut savoir s’ils
arriveront à terme, la Torah, bien que ne parlant pas [explicitement] de paiement en
argent, impose à l’agresseur une sanction telle une amende infligée par d’autres. [Le
sens de « sanction », ici, est] le même que dans « Le Pharaon Néchao l’enchaîna à
Riblah, au pays de Hamath, pour qu’il ne règne pas à Jérusalem. Puis il imposa au
pays une contribution de cent talents d’argent et un talent d’or. » (II Rois, 23, 33) [et
que dans] « Ils s’étendent sur des vêtements pris en gage, à côté de tout autel, et ils
boivent le vin des gens mis à l’amende, dans la maison de leur Dieu. » (Amos, 2, 8).
[Ibn Ezra] a dit que la sanction doit être au gré du mari, qui désire ses enfants et pour
qui ils sont importants, [c’est pourquoi] la somme doit être imposée par les juges afin
qu’elle ne soit pas surestimée. Dans la Mekhilta (sur ce verset) [il est écrit] autant que
le mari lui imposera ; on pourrait penser par-là tout ce qu’il désire, c’est pourquoi la
Torah vient [nous corriger] et nous enseigne que wenatan biflilim ne signifie pas autre
chose que « les magistrats ». » n.t.

Nahmanide favorise dans « ka’ašer » (‫ )כאשר‬le sens introductif de temps plutôt que celui de
la mesure. Ainsi, il considère que l’agresseur devra payer l’amende, lorsque le mari portera
plainte. Parce qu’il pense que la femme n’a aucun droit sur la progéniture.
Donc, si le mari ne porte pas plainte, l’agresseur n’a rien à payer. Son interprétation du terme
ka’ašer s’inscrit dans la lignée de RaSHi. En revanche, il s’oppose à Onqelos et à Ibn Ezra.
Au premier, parce qu’il ne pense pas que la somme à payer doit être évaluée au gré du mari
(« autant que » (‫ )כְּ מָ ה‬en araméen) et au deuxième, parce qu’il ne pense pas que l’agresseur
peut se mettre d’accord avec le mari sur la somme à payer, ou aller devant les juges s’ils ne
s’entendent pas. Et ce, car pour Nahmanide le texte scripturaire est la loi, et, de ce fait, elle ne
donne pas le choix de ce qu’il est possible de faire mais dicte la règle à suivre. Il ne voit pas
donc ici, d’éventualité possible ; car si, selon Nahmanide, l’auteur de cette loi avait voulu –
malgré tout – offrir le choix aux intéressés, il l’aurait dit clairement.

507
La progéniture.
508
Pour la valeur de sa femme ; et non pas quand i.e. « lorsque » (‫ )כאשר‬le mari portera plainte.
509
Avraham ibn Ezra.
510
Nahmanide va énoncer ses arguments en suivant la position de RaSHi.
148

Nahmanide est, ici, plus explicite que RaSHi vis à vis du statut des fœtus, puisqu’il dit
clairement qu’il n’y a pas lieu d’imposer à l’agresseur une sanction monétaire
(‫ ; )אין כאן ממון תשלומין‬et ce car les fœtus n’ont aucune valeur reconnue, dans la mesure où
personne ne sait s’ils arriveront à terme (‫)כי מי יודע אם יצליחו‬. Nahmanide semble admettre le
paiement d’une somme d’argent même pour un véritable homicide – et envisage alors
l’expression « une vie pour une vie » (‫ )נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬dans son sens figuré (i.e. une
compensation en argent) – ; ou bien il estime qu’on est en fait même pas vraiment redevable
d’une sanction monétaire (au sens où le législateur l’entend) mais qu’il faut malgré tout
imposer au responsable d’une fausse-couche une sorte d’amende (‫)כמו קנס‬, comme celle
relevant du droit civil511.
Les références qu’il indique vont d’ailleurs tout à fait dans ce sens : c’est-à-dire que les
évènements qu’il mentionne ne dépendent pas du droit pénal512. En effet, dans les versets
qu’il cite du deuxième livre des Rois, le Pharaon Néchao n’impose à la population du pays
qu’une contribution. Et dans le second verset qu’il évoque du livre d’Amos, il est question
d’un vin des gens mis à l’amende. C’est-à-dire un vin saisi à des gens endettés.

Nahmanide considère donc que pour la perte de fœtus on peut tout juste parler de sanction
monétaire, et elle doit être imposée par des juges afin que la somme exigée de l’agresseur soit
équitable ; car 1/ le fœtus n’est vraisemblablement pas pour lui une âme vivante (nefeš), et 2/
celui qui dépose plainte ne doit pas être à la fois juge et partie.

511
Nahmanide semble dire que la sanction de l’agresseur n’est tout juste qu’une simple amende.
512
À noter justement qu’en matière de droit pénal, il existe une forte relation entre la peine encourue et la nature
du crime : « In criminal matters in particular, there is a strong connection between the provision of a penalty
and the existence of an offence. » (Sinclair D., Jewish Biomedical Law, p. 14).
149

1.7. Meiri513

Menahem ben Shelomo ne se démarque pas de la pensée traditionnelle vis à vis de


l’interprétation du texte biblique relatif à la femme enceinte. Mais, il dit clairement qu’il n’y a
pas meurtre tant que l’être tué n’est pas né, et l’avortement (dans l’épisode biblique de la
femme enceinte) n’est pas, selon lui, un homicide puisqu’on « ne peut pas dire que l’on a ôté
une âme ». L’argument principal de Meiri tient dans la notion de viabilité (bar qayama’) :
‫ ונמצא שאם הכה את האשה‬,"‫ כדכתיב "ולא יהיה אסון‬,‫כל שלא נולד אינו ראוי לומר בו נטילת נשמה‬
.‫והפילה – אינו משום נטילת נשמה‬
« Tant qu’il n’est pas né, on ne peut pas dire que l’on a ôté une vie, puisqu’il est écrit :
« et il n’y aura pas de malheur », [cela signifie] que si la femme qu’il a frappée avorte,
on n’apparente pas cela au fait d’ôter la vie. »514 n.t.

Ainsi, à l’instar de RaSHi, Menahem ben Shelomo pense qu’il n’est pas possible de parler de
meurtre tant que le fœtus n’est pas né. La naissance confère au fœtus le statut d’âme
vivante515, et ce n’est qu’à partir de ce moment là que la notion de meurtre est envisageable ;
pas avant.

513
1249-1316 (France).
514
Cf. in Bet habeḥirah (le commentaire du Talmud de M. ben Shelomo en trente-six volumes) : Sanhedrin, 72,
2 et Shabbat, 107, 2.
515
Meiri introduit certes, ici, le terme nešama mais vise, selon nous, le même sens que celui de nefeš des rabbins.
150

1.8. Yaaqov ben Asher516 « baal haturim » sur Exode, 21, 22

S’il fallait introduire très brièvement l’essentiel du commentaire de l’auteur des Quatre
colonnes, nous dirions qu’il établit l’argent en tant que réparation, et qu’il ne semble pas, de
ce fait, accorder au fœtus le statut d’âme vivante :
‫ דדרשינן )ב"ק‬,‫ ואידך "וכי ינצו אנשים יחדיו איש ואחיו" )דברים כה יא( ממון‬.‫ הכא‬.'‫ ב‬.‫וכי ינצו אנשים‬
‫ דנתכוין להרוג את זה והרג את זה פטור ממיתה וחייב‬,‫ אף הכא נמי ממון‬,‫( וקצותה את כפה ממון‬.‫כח‬
.(‫ממון )סנהדרין עט‬
« Quand des hommes se disputent. Ici et là-bas517 : « Quand des hommes se battent
l’un contre l’autre518 [et que la femme de l’un s’approche pour sauver son homme de
la main de celui qui le frappe, si elle étend sa main et saisit ce dernier par ses parties
honteuses, tu lui trancheras la main, ton œil ne s’apitoiera pas.] » S’ils interprètent519
« tu lui trancheras la main » [par] « de l’argent », alors ici aussi, [il est question]
d’argent. Si quelqu’un a l’intention de tuer untel mais en tue un autre, [il] est exempt
de la peine de mort, mais doit de l’argent520. » n.t.

En se référent à l’interprétation de certains amoraïm sur un verset similaire à celui-ci, Yaaqov


ben Asher affirme que l’agresseur n’a pas à payer de sa vie mais à s’acquitter de sa faute par
une somme d’argent. D’autant plus que l’agresseur n’a pas tué cette femme volontairement.
Puisqu’il y a des amoraïm qui interprètent l’injonction « tu lui trancheras la main » au sens
figuré, alors, selon Y. ben Asher, l’expression « une vie pour une vie » peut aussi être
comprise dans un sens imagé. Et notre auteur ajoute que cet agresseur ne doit pas être puni de
mort, puisqu’il n’a pas heurté la femme enceinte volontairement. De ce fait, il partage l’avis
des seconds dans la controverse talmudique521 ; à savoir la position de ceux qui comprennent
l’expression « une vie pour une vie » (‫ )נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬au sens figuré.

516
1270-1340 (Allemagne).
517
Deutéronome, 25, 11 :
.‫אִ ישָּׁ הּ ִמיַּד מַ כֵּהוּ וְ שָׁ לְ חָ ה ָי ָדהּ וְ הֶ חֱזִ יקָ ה בִּ ְמבֻשָׁ יו‬-‫אָחיו וְ קָ ְרבָ ה אֵ שֶׁ ת הָ אֶ חָ ד לְ הַ צִּ יל אֶ ת‬
ִ ְ‫ ִינָּצוּ ֲאנ ִָשׁים י ְַח ָדּו אִ ישׁ ו‬-‫כִּ י‬
518
« Un homme avec son frère » littéralement.
519
Dans Baba Qama, 28a.
520
On trouve le débat sur cette question in Sanhedrin, 79a.
521
Sanhedrin, idem.
151

Chapitre 2 : La Renaissance

À partir du 15ème siècle, on remarque que les rabbins abordent plus directement la question de
l’avortement. Bien que les Tossafistes au 12ème siècle se fussent déjà exprimés sur
l’avortement provoqué522, le sujet a toujours été compris en tant que fausse couche plutôt que
comme un acte délibéré ; sauf lorsque la vie de la mère est en danger à cause du fœtus.
L’avortement jusqu’à cette date était donc vu surtout comme la conséquence d’un accident.
Il a toujours été étudié en fonction des préoccupations de son époque. Donc, vis-à-vis d’abord
de l’indemnisation en tant que réparation pour la perte subie par le père523 ; puis vis-à-vis des
règles de la pureté et des lois de succession.
Ces préoccupations se sont sans doute chevauchées dans le temps et elles étaient mêmes
toutes probablement d’actualité à un moment donné. Toutefois, celle de l’indemnisation en
tant que réparation à l’égard du père (propriétaire de sa femme et de ses enfants) pour la perte
de sa progéniture, est certainement la préoccupation la plus ancienne et la plus répandue524.
Ainsi, à partir de la Renaissance, l’avortement est appréhendé de façon plus moderne, i.e. en
tant qu’interruption volontaire de la grossesse. Les rabbins des générations suivantes
s’efforcent, à leur tour, d’adapter les textes législatifs juifs aux nouvelles interrogations
imposées par l’évolution de leur environnement.

522
Cf. Nidda, 44b. Voir aussi Rabin J., « Medical Matters in the Tosafot », Harofe ha‘ivri, 31, 2, 1958, pp. 188-
191.
523
Cette indemnisation en tant que réparation est en réalité une expression de la justice. Cette dernière semble
être, de toutes les façons, une des premières préoccupations de l’humanité civilisée.
524
Cette indemnisation est attestée dans les plus anciens documents en notre possession (notamment ceux de
références i.e. nos versets en Exode) et dans ceux des autres civilisations de la région.
152

2.1. RaDBaZ525

David ben Zimra est celui qui affirme de la manière la plus manifeste que l’avortement même
volontaire, ne constitue pas un homicide, dans la mesure où le fœtus « n’a pas la vie »
(‫ )חזקת חיות‬puisqu’il « n’est pas venu au monde ». À l’instar de Meiri, un des arguments
principaux de RaDBaZ vis-à-vis de la question du fœtus, tient dans la notion de viabilité (bar
qayama’). Par les deux citations suivantes extraites d’une de ses consultations rabbiniques
(responsa) à l’égard d’un Cohen, D. ben Zimra affirme d’une part que l’avortement n’est pas
un meurtre, et d’autre part que le fœtus n’est pas une âme vivante :
‫ שעדיין לא היה לו חזקת חיות כיוון שעדיין לא יצא‬,‫ שאין זה הורג נפש‬,(‫לא נפסל )כלל אפילו במזיד‬
.‫לאוויר העולם‬
« Il n’est pas inapte (même s’il l’a fait intentionnellement), parce qu’il n’a pas tué une
âme vivante, dans la mesure où cette dernière ne possédait pas la vie, puisqu’elle
n’était pas encore sortie à l’air du monde. » n.t.
Et
‫( ולא מצינו שהגזלן ובעלי זרוע יהיו‬...) ‫אין )זה הכהן( חייב לבעל האשה או ליורשיו אלא דמי ולדות‬
.‫פסולין לברכת כהנים‬
« (Ce Cohen) ne serait redevable que de l’amende, pour avortement provoqué, au mari
ou aux ayants droits (…), et nous n’avons vu nulle part qu’un voleur ou un homme
violent est inapte à la bénédiction sacerdotale. »526 n.t.

Ces deux remarques de RaDBaZ interviennent, on l’a dit, dans le cadre d’une réponse527 à une
question qui lui a été posée, afin de savoir si un Cohen peut encore pratiquer la bénédiction
sacerdotale même s’il a provoqué un avortement. Ainsi, David ben Zimra ne considère pas un
Cohen – ni quiconque par conséquent – ayant provoqué volontairement un avortement comme
un meurtrier ; mais, tout au plus, comme un voleur qui doit être condamné à payer une
compensation pécuniaire.
Donc, ce Cohen ne perd pas son statut et garde tous ses droits ; c’est la raison pour laquelle
RaDBaZ l’autorise, par exemple, à monter sur l’estrade de la synagogue et bénir l’assemblée.

525
David ben Zimra (1479-1573).
526
Voir birkat kohanim (‫ )ברכת כהנים‬dans le glossaire.
527
Cf. D. ben Zimra, responsa : Radbaz, partie 8, § 22.
153

2.2. ReMA528

Moshe Isserles dit en substance, vis à vis du statut du fœtus, la même chose que RaDBaZ, à
savoir : « il n’est pas une âme vivante tant qu’il est à l’intérieur »529 :
.‫ דכתיב ויצאו ילדיה ענוש יענש‬,‫כל זמן שהוא בפנים לאו נפש הוא ולא חסה עליו התורה‬
« Tant qu’il (le fœtus) est à l’intérieur il n’est pas une âme vivante, et la Torah ne
s’applique pas à lui, puisqu’il est écrit : « ses enfants sortent (…) il sera puni ». » n.t.

Pour ReMA, le fœtus n’est donc pas une âme vivante (nefeš) tant qu’il est à l’intérieur du
corps de la mère. Il se justifie par le fait que le fœtus n’est pris en compte par la Torah qu’au
moment où il est dehors, dans la mesure où le texte n’envisage de « sanction » (‫)עָ נוֹשׁ יֵעָ נֵשׁ‬
que si les fœtus sont sortis. M. Isserles met en relation directe, pour ainsi dire, la sortie des
fœtus (i.e. leur existence) avec la sanction exigée par la Loi. En un mot, la Torah ne parle pas
des fœtus tant qu’ils sont à l’intérieur, et si elle n’en parle pas, c’est parce qu’ils ne comptent
pas.
De plus, bien que Moshe Isserles ne le dise pas, nous pouvons penser qu’il ne croit pas à la
survie des fœtus après leur expulsion, et que la condamnation dont il est ici question
correspond à une amende. Or, nous avons déjà vu que la Torah ne prévoit jamais de peine
monétaire pour un homicide. Donc, par ce que ReMa dit explicitement et implicitement, nous
pensons qu’il exclut le fœtus de la définition d’âme vivante (nefeš).

528
Moshe Isserles (1525-1572).
529
Cf. in Yad rama, Sanhedrin, 72b.
154

2.3. MaHaRYṬ530

Les Tossafistes sont les premiers à dire implicitement que l’avortement provoqué n’est pas
défendu, même quand le fœtus ne met pas en danger la vie de la mère531. Puis, c’est dans une
réponse de RaDBaZ (15ème siècle) sur les lois sacerdotales que la question de l’avortement
provoqué volontairement est distinctement évoquée, sans que ce soit pour sauver la vie de la
mère. Mais, ce n’est qu’au début du 17ème siècle que la question sur l’avortement – en tant
qu’interruption volontaire de grossesse – est explicitement posée532.
Yossef Trani dit clairement que la pratique de l’avortement n’est pas apparentée au meurtre,
puisque le fœtus n’est pas considéré comme une âme vivante (‫)לאו נפש הוא‬. Pour y parvenir,
Y. Trani soulignera d’abord que le texte scripturaire n’exige qu’une simple amende pour la
perte des fœtus, et il apportera ensuite une règle (celle du niwul) qui nous permettra également
de conclure dans ce sens :
‫ דחייְב‬,‫להתעסק עם )גויה( שתפיל פרי בטנה איבוד נפשות אין כאן דאפילו בישראל נפלים לאו נפש הוא‬
.‫רחמנא דמי וולדות לבעל‬
« Ce n’est pas un meurtre que de pratiquer l’avortement (sur une non-juive). Car
même pour les juifs, les avortons ne sont pas vus comme des êtres vivants ; puisque le
Miséricordieux a exigé que soit payée pour leur perte une amende, pour fausse couche
provoquée, au mari. »533 n.t.

En vertu du principe que tout ce qui est permis aux juifs ne peut être interdit aux non-juifs534,
Yossef Trani affirme qu’il est permis de faire avorter une non-juive dans la mesure où la Loi
juive ne considère pas les fœtus comme des êtres vivants.
MaHaRYṬ poursuit dans ce sens et évoque le passage de la Mishna535 qui interdit le report de
l’exécution d’une condamnée à mort, uniquement parce qu’elle est enceinte. Au point,
mentionne t-il, que Rav Yehouda536, qui cite Shemouel, va jusqu’à dire que l’on doit frapper
sur le ventre de cette femme afin qu’elle perde ses fœtus, pour qu’il n’y ait pas

530
Yossef Trani (1568-1639).
531
C’est exact mais c’est un argument dans un raisonnement. L’avortement n’est pas la question qu’ils étudient.
Cf. Nidda, 44b.
532
Pour une non-juive certes mais posée quand même.
533
Cf. Y. Trani, responsa : Maharyṭ, partie 1, § 99.
534
Sanhedrin, 59a.
535
Mishna, ‘Arakhin, 1, 4.
536
In ‘Arakhin, 7a.
155

d’« ignominie »537 (niwul), sans cela les fœtus pourraient être encore vivants après le décès de
la condamnée (i.e. la mère), et sortiraient alors d’une morte538 :
‫ואמרינן התם האשה שהיא יוצאה ליהרג מכין אותה כנגד בית הריון שלה כדי שימות תחילה שלא תבא‬
.‫( הורגים הולד בידים לא חשו משום איבוד נפשות‬...) ‫לידי ניול אלמא בשביל ניול‬
« Et ils ont dit là-bas que l’on doit battre une femme enceinte sur le ventre avant
qu’elle ne soit exécutée pour que [le fœtus] meure avant elle. Et ce, afin d’éviter une
ignominie. Donc, [s’]ils tuent le fœtus pour éviter une ignominie, c’est qu’ils ne
craignaient pas l’homicide. »539 n.t.

Aujourd’hui, bien sûr, cette règle existe toujours, mais elle n’est pas retenue quand il est
question de sauver la vie du fœtus – quand la mère décède en couche par exemple540. Cela
nous pousse à penser que Y. Trani préfère ne pas enfreindre la règle du niwul plutôt que
favoriser les fœtus. Il ne peut, par conséquent, accorder au fœtus le statut d’âme vivante
(nefeš).

En un mot, si ces amoraïm541 affirment qu’il est permis de supprimer le fœtus d’une femme
enceinte, avant qu’elle ne soit mise à mort – afin d’éviter d’enfreindre l’interdiction de
l’« ignominie » – c’est qu’ils ne craignent pas, selon Yossef Trani, de transgresser
l’interdiction du meurtre en éliminant ces fœtus.

537
RaSHi sur liydey niwul (‫ )לידי ניוול‬in ‘Arakhin, idem : « S’il y a « de la vie » dans le fœtus et qu’il sort après la
mort de sa mère, c’est une « ignominie ». » : .‫שאם יהא חיות בולד יצא לאחר מיתת אמו וניוול הוא‬
538
Voir à ce propos et au sujet, par la suite, du tuteur légal (l’apotropos) le verdict du juge Y. Bazak, « La
pratique de la césarienne après la mort clinique de la mère » (Heb.), Assia, 65-66, 1999, pp. 13-19.
539
Cf. Y. Trani, responsa : Maharyṭ, partie 1, § 99.
540
Voir éventuellement la réponse du rabbin Y. Shafran sur cette apparente contradiction : Shafran Y.,
« Extraction du fœtus d’une morte » (Heb.) (‫)הוצאת וולד מגופה של נפטרת‬, Assia, 51-52, 1992, pp. 189-191 et celle
d’Halperin M., « Opérations post-mortem sans « ignominie » » (Heb.), Assia, 41, 1986, pp. 90-91. Voir aussi
Bleich J.D., « Survey of Recent Halachic Periodical Literature: Post-Mortem Caesarean », Tradition, 12, 2,
1971, pp. 114-115.
541
Rav Yehouda et Shemouel.
156

Chapitre 3 : Les aḥaronim

3.1. Ya’ir Bakhrakh542

À la question de savoir si l’avortement est apparenté au meurtre, Y. Bakhrakh, contemporain


de MaHaRYṬ, répond par la négative. Mais, il souligne que la progression de la grossesse est
un facteur à prendre en considération – i.e. plus la grossesse est avancée, plus l’avortement
pose problème. Et il se sert justement du concept du « détachement du fœtus » (‘aqirat
ha‘ubar), pour souligner l’extrême limite au-delà de laquelle l’avortement ne peut vraiment
plus être toléré. Bien qu’il n’apparente pas l’avortement au meurtre, Y. Bakhrakh tente d’en
fonder l’interdiction sur celle de la « vaine émission de la semence » (zera‘ lebaṭalah), et il
appuie ce dernier point sur l’obligation – à laquelle la femme est également tenue – de peupler
la terre. Ce sont ces points que nous développons maintenant :
?‫( אחר שנתעברה לקלקל העובר ולהמיתו ולהפילו‬...) ‫האם יש עון איבוד נפש‬
« Y a-t-il la faute du meurtre, (…) si étant enceinte elle détruit le fœtus, le tue et
l’avorte ? »543 n.t.

Ya’ir Bakhrakh tente donc, à partir de cette question, d’établir un fondement à l’interdiction
de l’avortement. Il commence par distinguer trois étapes différentes dans la grossesse :
(1)
‫ובזה היה אפשר לחלק כמה חילוקים אם כבר עברו ארבעים יום‬
« Pour ce faire, il est possible d’effectuer quelques différences : est-ce que la
[grossesse] a dépassé quarante jours (…) ? » n.t.
Il s’est basé sur la Mishna544 pour distinguer cette première étape : les tannaïm, en effet,
s’accordent à dire, on l’a vu, que la formation du fœtus s’achève au terme de quarante jours de

542
1638-1702 (Allemagne).
543
Cf. Y. Bakhrakh, responsa : Ḥawat ya’ir, § 31.
544
Mishna, Nidda, 3, 7 : .‫ אינה חוששת לולד‬,‫ המפלת ליום ארבעים‬Et H. Albeck explicite bien, lui aussi, que la
formation d’un fœtus n’est achevée, selon les tannaïm bien sûr, qu’après le quarantième jour de grossesse ; il
précise, en outre, qu’une fausse couche jusqu’à cette date ne rend pas la femme impure comme une parturiente :
« .‫ ואין היא טמאה לידה‬,‫( » שאין נגמרת יצירת הוולד עד סוף ארבעים יום‬cf. l’explication de H. Albeck sur ’eynah ḥošešet
lewalad (‫ )אינה חוששת לולד‬in Mishna, idem, Vol. 6 : Ṭahorot, p. 385).
157

grossesse ; et les amoraïm de comparer précisément un tel fœtus « à de l’eau »


(‫)מיא בעלמא‬545.
(2)
‫או אם כבר עברו על הריונה ג' חודשים שהוא זמן הכרת העובר וזמן הבחנה‬
« (…) ou si la grossesse a déjà atteint trois mois qui correspondent à la date de la
constatation du fœtus i.e. la grossesse est manifeste (…) » n.t.
Y. Bakhrakh fixe cette deuxième étape pour deux raisons. À cette date la femme sait – avec
certitude – qu’elle est enceinte, et son corps est – à partir de ce moment là précisément –,
visuellement, transformé : i.e. on peut voir clairement qu’elle est enceinte546.
(3)
‫או אם הרגישה בבטנה תנועת העובר המאוחר קצת אחר ג' חדשים‬
« (…) ou si elle a senti dans son ventre le mouvement du fœtus peu après trois mois
[de grossesse] (…) » n.t.
Cette troisième et dernière étape se situe autour de la fin de la deuxième, mais est surtout
marquée par un éventuel mouvement du fœtus ressenti par la mère547. Cette étape se prolonge
jusqu’au « détachement du fœtus », i.e. la limite au-delà de laquelle, selon lui, aucun
avortement n’est permis – sauf pour sauver la mère.
En dépit de ces considérations morphologiques, Y. Bakhrakh veut et doit fonder légalement
ses motivations à l’interdiction de l’avortement :
.‫מ"מ אין זה מבוקשינו לדון מדעת נוטה וסברת הכרס רק ע"פ דין תורה‬
« En tout état de cause, nous devons considérer [la situation], non pas à partir de
préjugés ou sans fondement, mais selon la Loi. » n.t.
Il apporte donc son premier argument dans ce sens :
.‫( מאיסור הוצאת שכבת זרע לבטלה‬...) ‫דודאי אסור לכתחילה‬
« [L’avortement] est, d’office, un interdit (…) : celui de « vaine émission de la
semence »548. » n.t.

545
Cf. Yebamot, 69b.
546
La grossesse de Tamar a également été reconnue à ce stade : « Environ trois mois après, on vint dire à Juda :
Tamar, ta belle-fille, s’est prostituée, et même la voilà enceinte à la suite de sa prostitution. Et Juda dit : Faites-la
sortir, et qu’elle soit brûlée. » (Genèse, 38, 24) :
.‫ְהוּדה הוֹצִ יאוּהָ וְ ִתשָּׂ ֵרף‬
ָ ‫יהוּדה לֵאמֹ ר ָזנְתָ ה תָּ מָ ר ַכּלָּתֶ � וְ גַם הִ נֵּה הָ ָרה לִ זְ נוּנִים ַויֹּאמֶ ר י‬
ָ ִ‫ַויְהִ י כְּ ִמ ְשׁ�שׁ ח ֳָד ִשׁים ַויֻּגַּד ל‬
547
Pour les Pères de l’Église, ce moment correspond à l’« entrée de l’âme dans le corps », et il a servi d’élément
déterminant dans les jugements relatifs à la question de l’avortement. Cf. Blackstone W., Commentaries on the
laws of England, 3ème édition établie et annotée par T.M. Cooley, Callaghan & Co, Chicago, 1884, Vol. 1, p. 129.
Thomas d’Aquin y voyait, notamment, le signe de l’achèvement de la formation du fœtus. Cf. Lader L.,
Abortion, Bobbs-Merrill, Indianapolis, 1966, p. 78.
548
Cf. Yebamot, 34b ; Nidda, 13a et Feldman D., Marital Relations…, pp. 109-131.
158

En vertu du fait qu’il est interdit d’utiliser sa semence pour autre chose que la reproduction,
Y. Bakhrakh pose ici le principe de l’interdiction de l’avortement549. Et il ajoute que la
femme, non plus, n’a pas le droit de détruire la semence qu’elle reçoit de son mari :
.‫מ"מ אחר שקלטה הזרע ודאי אסור לה לקלקלה‬
« En tout état de cause, à partir du moment où elle a reçu la semence, elle n’a
certainement pas le droit de la détruire. » n.t.
Bien que le commandement de « croître et multiplier » (‫)פרו ורבו‬550 s’applique
traditionnellement à l’homme, Y. Bakhrakh affirme que la femme aussi est concernée par ce
commandement, dans la mesure où il existe, ailleurs551, une autre injonction qui va dans le
même sens et qui inclut aussi la femme :
'‫שייך בה קצת מצוה 'לשבת יצרה‬
« Elle est également quelque peu concernée par le commandement « d’habiter [la
terre] » » n.t.
Cette loi se trouve dans le verset suivant :
‫כי כה אמר ה' בורא השמים הוא האלוהים יוצר הארץ ועושה הוא כוננה לא תהו בראה לָשֶ בֶ ת יְצָ ָרהּ אני‬
.‫ה' ואין עוד‬
« Car ainsi a dit L’Éternel, le créateur du ciel, c’est lui qui est Dieu, celui qui a formé
et fait la terre ; c’est lui qui l’a fondée. Il ne l’a pas créée vide, il l’a formée pour
qu’on y habite : « Je suis L’Éternel, il n’en est point d’autre ». »

Ya’ir Bakhrakh conclut enfin sa réponse en nous faisant comprendre que l’avortement n’est
certes pas un homicide, et qu’une femme enceinte peut – si nécessaire552– éliminer son fœtus,
mais elle n’a aucunement le droit de le faire à sa guise :

549
« R. Bachrach found [the prohibition of non-therapeutic abortion] in the prohibition on deliberately
frustrating the process of procreation. » (Sinclair D., Jewish Biomedical Law, pp. 28-29).
550
Genèse, 1, 22. C’est également à travers et grâce à ce commandement que A. Lindemann expliquera
l’absence d’interdit explicite de l’avortement à l’époque biblique, et donc peu ou pas pratiqué : « seen from this
faith perspective, I think that abortion was absolutely inconceivable. This not means that forced abortion could
not have occured in Israelite families at all; but the necessity of an explicit legal regulation pertaining to this
matter obviously did not exist. » (Lindemann A., « Do Not Let a Woman Destroy the Unborn Babe in Her Belly.
Abortion in Ancient Judaism and Christianity », Studia Theologica, 49, 2, 1995, p. 258). Ce commandement est
aussi la traduction, dans le droit Romain, de l’objectif du mariage : « matrimonium est societas liberorum
procreandorum et educandorum causa ».
551
Isaïe, 45, 18 : « Car ainsi parle l’Éternel, Le créateur des cieux, le seul Dieu, Qui a formé la terre, Qui l’a faite
et Qui l’a affermie, Qui l’a créée pour qu’elle ne fût pas déserte, Qui l’a formée pour qu’elle fût habitée : Je
suis l’Éternel, et il n’y en a point d’autre. » :
.‫תֹ הוּ בְ ָראָ הּ לָשֶׁ בֶ ת יְצָ רָ הּ ֲאנִי יְהוָה וְ אֵ ין עוֹד‬-‫יְהוָה בּו ֵֹרא הַ שָּׁ מַ יִם הוּא הָ אֱ�הִ ים יֹצֵ ר הָ אָרֶ ץ וְ עֹ שָׂ הּ הוּא כ ֹו ְננָהּ �א‬-‫כִּ י כֹ ה אָמַ ר‬
Et voir aussi Giṭṭin, 41b.
552
Auerlich Dov, « Le cadre médical de l’avortement en tant qu’introduction au débat halakhique » (Heb.),
Assia, 1, 1979, pp. 70-77 ; et Steinberg A., « Avortement en cas de rubéole pendant la grossesse » (Heb.), Assia,
1, 1979, pp. 98-106.
159

‫( מ"מ לעשות מעשה לא שרינן‬...) ‫אע"ג דמותר לה לשתות כוס עיקרין‬


« Bien qu’il lui soit permis de boire une potion abortive553 (…) il ne lui est, de toutes
les manières, pas permis de transgresser [sans justification] un interdit [i.e.
avorter]. »554 n.t.
Et encore moins si le fœtus s’est détaché :
.‫אבל אסור להורגו בדעקר‬
« Mais il est interdit de le tuer après son détachement. » n.t.

En un mot, le rabbin Ya’ir Bakhrakh affirme que l’avortement volontaire ne constitue pas un
homicide, mais n’en demeure pas moins défendu.
En dépit du fait qu’il est interdit de détruire la semence humaine (‫ )השחתת זרע‬et que cela est
une des bases sur lesquelles se fonde Y. Bakhrakh pour établir l’interdiction de l’avortement,
nous voulons rappeler que Rav Bebay (AB4) rapporte une baraïta selon laquelle certaines
femmes sont en droit d’agir contre cet interdit. La contraception féminine est, en effet,
acceptée dans certaines situations. Ainsi, la petite fille mineure555, la femme enceinte et celle
qui allaite, peuvent utiliser de l’ouate comme contraceptif en la plaçant dans le col de l’utérus
(‫)משמשות‬556 :

1) La mineure afin de prévenir son éventuel décès en cas de grossesse557.


2) La femme enceinte afin d’éviter que son fœtus ne devienne un ṣandal en raison d’une
superfétation558.

553
Cette potion n’est pas à l’origine abortive : elle avait pour but de stopper les hémorragies vaginales. La
composition de cette boisson, selon Rabbi Yoḥanan, est un mélange de gomme d’Alexandrie, d’alun et de
crocus : « According to Rabbi Yochanan, ‘the cup of roots’ consists of a ground mixture of the weight of one zuz
of Alexandrian gum, alum and garden crocus. » (Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 379).
Toutefois, J.M. Riddle confirme la propriété abortive ou contraceptive de certaines herbes ou plantes utilisées à
l'époque ; un savoir qui selon lui se serait perdu par la suite : « What separates us from our ancestors is that
today this knowledge is mainly in the hands of the experts: there are few modern women who know the
antifertility plants in their environment, whereas women in the past did know them. » (Riddle, J.M., Eve's Herbs:
A History of Contraception and Abortion in the West. Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1997). Pour
plus de détails sur les méthodes abortives pratiquées dans l’Antiquité, voir le chapitre « Methods of Abortion:
Science and Superstition » in Kapparis K., Abortion in the Ancient World, Duckworth, London, 2002.
554
’iqarin (‫ )עיקרין‬ici prend l’acception d’une potion abortive (étymologie populaire) ; le sens littéral du mot est
celui de « racine » mais il probablement question d’une herbe médicinale contre l’hémorragie et non abortive (cf.
l’encyclopédie hébraïque in ‫ « הריון‬grossesse »). Et dans Shabbat, 110a/b, on trouve toute la liste des
prescriptions contre l’hémorragie vaginale.
555
Voir qeṭanah (‫ )קטנה‬dans le glossaire.
556
Cf. le commentaire de RaSHi sur mešamšot bemokh (‫ )משמשות במוך‬in Ketubbot, 39a. Pour plus
d’informations sur la contraception dans le Talmud voir Kass N., « The Talmud on Contraception », Harofe
ha‘ivri, 34, 1, 1961, pp. 251-257.
557
Voir šema’ tit‘aber wetamut (‫ )שמא תתעבר ותמות‬dans le glossaire.
160

3) La femme qui allaite afin d’éviter qu’une nouvelle grossesse interrompe la lactation et
qu’elle soit obligée alors de sevrer son enfant.

Cela nous pousse à dire que les rabbins de cette époque (et même de celle de RaSHi) pensent
qu’une femme pouvait être fécondée pendant sa grossesse559.

558
Les amoraim Babyloniens et Palestiniens n’étaient d’ailleurs pas d’accord sur ce sujet. Les premiers
estimaient qu’une femme ne peut pas tomber enceinte quand elle l’est déjà (voir Nidda, 27a), alors que les
seconds pensaient qu’une telle chose était possible seulement durant les quarante premiers jours de la grossesse
(voir TJ, Yebamot, chapitre 4, page 5, colonne C, règle 2) : .‫ – שהאשה מעוברת וחוזרת ומתעברת‬C’est un phénomène
dont la réalité n’est pas absolument certaine.
559
Cf. le commentaire de RaSHi sur šema’ ya‘aseh ‘ubrah ṣandal (‫ )שמא יעשה עברה סנדל‬in Ketubbot, 39a.
161

3.2. Shabtay Bass (Ṣiftey ḥakhamim)560 sur RaSHi, Exode, 21, 22

Les remarques du rabbin Shabtay Bass tendent à expliciter le commentaire de RaSHi que
nous avons vu plus haut.
.‫ ועוד ונתנו בפללים מיבעי ליה‬,‫ אבל לא שניהם עם אשה דא"כ אפילו אחד נמי‬."‫"זה עם זה‬
« L’un contre l’autre, mais pas les deux contre elle. Ainsi, même s’il n’y avait qu’un
seul agresseur561, [il devrait] également [être condamné] par un tribunal. » n.t.
Même si cela nous paraît évident, Sh. Bass veut d’abord souligner le fait qu’il n’y a que deux
personnes qui se battent, et surtout qu’elles se battent entre-elles et non contre la femme. Elles
ont donc une co-responsabilité en cas d’atteinte à l’intégrité de cette femme. Or, ce qui est
valable, ici, pour deux, doit également l’être pour un. Donc, même si une seule personne
venait à provoquer (involontairement) l’avortement d’une femme, elle serait traité de la même
façon : payer une amende, imposée par le tribunal, pour la perte de ces fœtus.

‫ ואי בולדות הא כתיב‬,‫ דהא כתיב ואם אסון יהיה ונתתה נפש תחת נפש‬,‫ דאין לומר בולדות‬."‫"באשה‬
.‫מכה איש )שמות כא יב( ולא נפל‬
« À la femme. En cas de malheur tu donneras « une vie pour une vie », il n’est
question ici que de la femme562 ; car le texte évoque ailleurs le cas pour un homme
sans y mentionner l’avorton563. » n.t.
Sh. Bass insiste sur le fait que le malheur (i.e. la mort) dont il est ici question, ne concerne que
la femme et pas les fœtus. Il argumente dans ce sens en rappelant l’interprétation que nous
avons déjà vue, à savoir que pour l’homicide, la Loi mentionne explicitement le terme
« homme » (‫)איש‬, et exclut donc les fœtus.

.‫ ולא יפרע‬,‫ לכן אמר לשון יגבה‬,‫ מדכתיב ונתן בפללים משמע שעדיין לא פרע‬."‫"יגבו ממון ממנו‬
« Ils lui réclameront une somme d’argent. S’il est écrit « tu donneras, au taux des
magistrats », c’est parce qu’il n’est pas encore quitte ; ainsi [RaSHi] a utilisé le verbe
« réclamer » [de l’argent, pour qu’il puisse s’affranchir]. » n.t.
L’agresseur n’aura réparé sa faute que lorsqu’il aura payé l’amende fixée par le tribunal, dans
la mesure où c’est précisément ce que réclame la Loi. Sh. Bass souligne564, ici, le fait que seul

560
1641-1718 (Kalich).
561
Qui par inadvertance porterait un coup à la femme enceinte.
562
Si décès il y a.
563
« Quiconque frappe un homme et celui-ci meurt, sera mis à mort. » (Exode, 21, 12) : .‫מַ כֵּה אִ ישׁ וָמֵ ת מוֹת יוּמָ ת‬
162

un tribunal, « mandaté » par la Loi, est en mesure d’acquitter l’agresseur. Il y a donc deux
conditions pour que l’agresseur s’acquitte de sa faute : qu’il paye une amende, et que
l’amende soit évaluée par un tribunal. En un mot, l’agresseur ne s’affranchira (‫ )יפרע‬que
lorsqu’il aura réglé l’amende fixée par les juges.

‫ מאי ונתן‬,‫ דאי פירושו כפי מה שישית הוא‬."‫"כשיתבענו הבעל בבית דין להשית עליו עונש על כך‬
.‫ דמשמע שאין הדבר תלוי בבעל‬,‫בפלילים‬
« Lorsque le mari portera plainte au tribunal afin de le condamner pour ce qu’il
a fait. Si c’est « autant que le mari lui imposera », [alors] quel est le sens de « tu
donneras, au taux des magistrats », sinon que cela565 ne dépend justement pas du
mari. » n.t.
Pour ne pas se tromper et bien comprendre, ici, le sens de ka’ašer566, Sh. Bass rappelle que ce
terme introduit la notion du temps, et pas celui de la mesure567. Si le législateur voulait, en
effet, insinuer que la pénalité est à la convenance du mari de la victime, il n’aurait justement
pas ajouté qu’elle doit être évaluée par les juges (‫)וְ נָתַ ן בִּ פְ לִ לִ ים‬.

.568‫ והרי זה מקרא קצר‬,‫ לאפוקי דמים של האשה המוכה‬."‫"המכה דמי ולדות‬
« L’agresseur [doit payer] « le paiement des petits ». Pour l’effusion de sang de la
femme frappée ; c’est justement le sens de cette formule. » n.t.
Sh. Bass interprète RaSHi en nous faisant comprendre que les fœtus n’ont pour lui, semble
t-il, pas de valeur, car l’agresseur ne doit payer d’amende que pour « l’hémorragie » de la
femme, sans inclure donc les fœtus. La suite de ce qu’il dit est ambiguë, c’est pourquoi nous
en donnons maintenant deux interprétations, mais les deux vont dans le sens de ce qu’il dit
juste avant. 1/ Il précise que l’expression « le paiement des petits » ne relève justement pas
d’une faute plus grave que celle d’une blessure – i.e. la perte des fœtus est assimilable à une
blessure provoquée. 2/ Il affirme que le texte scripturaire est ici un peu court (i.e. elliptique),
car le législateur aurait pu préciser que l’agresseur doit payer une amende pour avoir causé la
perte des fœtus, mais il ne l’a pas précisé car il parle ensuite de sanction, et cette dernière ne
prend effet que lorsqu’il est question de la femme et non des fœtus.

564
Suivant l’interprétation de RaSHi.
565
I.e. : La somme à verser.
566
In Exode, 21, 22.
567
Qu’il a aussi précisément et avec lequel on peut le confondre ; voir le développement de Nahmanide là-
dessus, supra p. 147.
568
La fin n’est, ici, pas très claire ; nous présenterons donc deux interprétations, bien que nous n’ayons choisi
qu’une seule traduction.
163

3.3. Ḥayim ben Atar (’Or haḥayim)569 sur Exode, 21, 22-23

‫ בזה הוא שאמר כל צדדי‬,‫ ובאה המכה באשה‬,‫ פירוש וכל אחד מתכוין להרוג את חבירו‬.‫וכי ינצו אנשים‬
.‫הדינים האומרים בענין‬
« Quand des hommes se disputent. Explication : chacun d’eux a l’intention de tuer
l’autre, mais le coup est arrivé sur la femme. C’est pourquoi, les conséquences
pénales, ici, concernent les deux parties.570 » n.t.
Ḥayim ben Atar comprend cet extrait comme Ibn Ezra : il pense que ceux qui se battent ont
l’intention de s’entre-tuer. C’est la raison pour laquelle il estime, à l’instar d’Ibn Ezra, que les
deux personnes qui se querellent571, ici, sont toutes les deux responsables de la faute.

‫ וכמו שכתב רמב"ם‬,‫ משלשין ביניהם‬,‫ ונגפוה‬,‫ לומר שאם שניהם נפלו עליה‬,‫ אמר לשון רבים‬.'‫ונגפו וגו‬
.‫בפרק א' מהלכות חובל ומזיק‬
« Et heurtent etc. Le pluriel a été employé ici pour signifier que si tous les deux lui
tombent dessus, on les condamne tous les deux ; comme l’a écrit Maïmonide au
chapitre 1 de ses règles ḥowel umeziq. » n.t.
Sans répéter ce qu’il a dit plus haut, Ḥ. ben Atar ajoute que le texte est au pluriel « heurtent »
(‫)נגפו‬, pour souligner le fait qu’ils doivent être punis de la même manière – sans chercher à les
départager – s’il arrivait qu’ils la heurtent ensemble. Et il fait, à ce propos, référence à
Maïmonide572.

‫ ונגפוה בלא ידיעה פטורים‬,‫ אבל אם באה ועמדה בגבולם‬,‫ פירוש המצויה שם בידיעתם‬.‫אשה הרה‬
‫ מדין שכתוב בירושלמי ופסקו רמב"ם בפרק א' מהלכות חובל ומזיק )הלכה יא( וז"ל אם היה‬,‫מכלום‬
.‫אחד ישן ובא אחד ושכב בצדו הרי זה פטור הישן גם מהנזק כי זה אונס מקרי‬
« Une femme enceinte. Explication : Ils savent qu’elle est présente et qu’elle se tient à
l’écart. Mais, si elle s’approche trop près sans qu’ils s’en n’aperçoivent, ils seraient
exempts de toutes charges. [Et cela] en raison de la règle écrite dans le [Talmud de]
Jérusalem et [comme] le fixe Maïmonide au chapitre 1, règle 11, de ses règles ḥovel

569
1696-1743 (Maroc).
570
I.e. : les deux personnes qui se battent.
571
Ou tous ceux qui s’affrontent s’ils sont plus de deux dans la mesure où le texte en Exode n’exclut pas la
possibilité que les gens qui se battent soient plus de deux.
572
« Deux personnes qui agressent ensemble une troisième, sont autant responsables l’une que l’autre et doivent
êtres condamnées à la même peine. » n.t. : .‫( שנים שחבלו באחד כאחת שניהם חייבין ומשלשין ביניהן‬Maïmonide,
Hilkhot ḥovel umeziq, chapitre 1, règle 13).
164

umeziq. Et voici ce qu’il dit : si quelqu’un qui dort écrase quelqu’un d’autre venu près
de lui, il n’est pas coupable en cas de dommage car c’est une agression accidentelle. »
n.t.
Ḥayim ben Atar pense que le ou les agresseurs ne sont responsables des dommages, que s’ils
sont conscients de la présence de la femme enceinte à leur proximité. Mais, si elle ne l’est pas,
ils ne le sont pas. Cela veut dire que si les agresseurs ne peuvent pas atteindre cette femme au
moment de leur dispute, et qu’elle s’est suffisamment approchée d’eux sans qu’ils s’en
rendent compte, ils ne seraient pas responsables de leur agression – ni même de sa mort. Et
notre auteur cite un autre passage du Mišneh torah, où il est précisément question d’un
préjudice causé par quelqu’un qui dort : si quelqu’un s’endort là où il est possible qu’il cause
un dommage durant son sommeil, il sera responsable de son dommage. En revanche, si
quelque chose ou quelqu’un s’est porté à proximité, et qu’un dommage leur est causé, celui
qui dormait n’est pas fautif de son préjudice.

‫ לקחת‬,‫ הוא יהיה בעל דינו בעונש זה‬,‫ פירוש לצד כי הוא הנוטל דמי ולדות‬.‫כאשר ישית עליו בעל האשה‬
.‫ממנו הראוי לו‬
« Quand le mari lui imposera. Car c’est lui qui touche le « paiement des petits » ; il
sera [donc] dans cette affaire la partie civile, afin de percevoir ce qui lui revient. » n.t.
Ḥayim ben Atar considère – contrairement à ceux que nous avons vus jusqu’à présent – que
c’est au mari de la victime (i.e. la femme qui était enceinte) de décider de la somme qui lui
revient. En un mot, l’auteur du’Or haḥayim semble estimer que l’agresseur doit se plier à la
décision du mari.
165

Ḥayim ben Atar sur Exode, 21, 23

‫ הגם שנתכוין להרוג את זה והרג את‬,‫ יש אומרים מיתה‬,‫ נחלקו רבותינו ז"ל במכילתא‬.'‫ונתתה נפש וגו‬
‫ ולמאן דאמר‬,‫ ולדבריו ידוייק אומרו "ונתתה" על נכון שהוא דבר הניתן מיד ליד‬.‫ ויש אומרים ממון‬,‫זה‬
‫ ואין כאן‬,‫ כשלא יהיה אסון תהיה זו‬,‫ כי במקום נתינה האמורה בסמוך‬,‫ לומר‬,‫ אמר ונתתה‬,‫נפש ממש‬
‫ כגון שאמדו המכה‬,‫ והוא בדרך שאינו חייב‬,‫ זולת אם היה אסון‬,‫ כי פטור מדמי ולדות‬,‫נתינה אחרת‬
.‫ וכמו שכתבו )לעיל יח( בפסוק וכי יריבון‬,‫שאינה כדי להמית הרי זה חייב‬
« Tu donneras une vie etc. Nos maîtres, de mémoires bénies, se sont opposés [là-
dessus] dans la Mekhilta. Les uns disent que cela correspond effectivement à la mort,
bien que son intention était de tuer quelqu’un d’autre ; les autres [en revanche] disent
[que cette expression correspond à de] l’argent. Ces derniers se justifient par le fait que
le verbe « donner » est employé pour une chose qui se passe de main en main [donc de
l’argent et pas une vie]. Et ceux qui disent [au contraire] qu’il faut vraiment payer de
sa vie, se justifient [par le fait que le législateur] a déjà parlé d’argent quand il n’était
pas question de malheur. [Je pense pour ma part que] cette expression est
effectivement à prendre au sens propre, car [l’agresseur] est exempt du « paiement des
petits » quand il y a malheur ; [mais, cet agresseur ne sera pas mis à mort], car son acte
est involontaire. Il est [de ce fait] comparable à celui qui a frappé [quelqu’un] sans
intention de le tuer, [et se trouve] alors redevable [du chômage et des soins], comme
nous l’avons écrit dans [notre commentaire du] verset « quand [des hommes] se
querellent ». » n.t.
Le rabbin Ḥayim ben Atar rappelle, lui aussi, qu’il y a une controverse573 sur l’injonction « tu
donneras une vie pour une vie » (‫)וְ נָתַ תָּ ה נֶפֶ שׁ תַּ חַ ת נָפֶ שׁ‬. Les uns disent que le verbe « donner »
est ici employé pour désigner une chose censée se transmettre d’une main à l’autre. Les
autres, en revanche, pense que cette expression doit être comprise stricto sensu, car le
législateur a déjà parlé d’argent, et il l’a fait dans la première partie du texte quand il n’était
pas question de malheur – i.e. la femme ne meure pas. Donc, si elle décède, l’agresseur doit
être jugé pour homicide et engage donc – pénalement – sa vie ; de ce fait, il n’est pas
redevable du « paiement des petits », car « quiconque engage sa vie [en commettant un acte
répréhensible de la peine de mort], est exempt de payer quelque amende monétaire. »574.
Néanmoins, cet agresseur ne sera pas condamné à mort car il a agi involontairement ; mais il

573
Voir aussi Sanhedrin, 78b.
574
Mishna, Ketubbot, 3, 2 (voir supra p. 79).
166

reste – à l’égard de la femme – redevable des cinq indemnités575, en fonction de la nature des
blessures qu’il a éventuellement provoquées.

Notre auteur fait rarement mention des fœtus, mais semble s’inscrire dans le courant dominant
quant à leur statut, puisqu’il ne voit de victime qu’en la femme, et ne parle pour eux que
d’une amende (le « paiement des petits »). Il prend, par ailleurs, position pour une
interprétation plus littérale du texte quant à la fameuse controverse dont nous venons de
parler, mais il exclut, ici, toute condamnation à mort en raison du caractère involontaire de
l’homicide dont cette femme est victime.

575
Le dommage, la souffrance, les frais médicaux, l’indemnité du chômage forcé et la honte ; voir ḥamišah
devarim (‫ )חמישה דברים‬dans le glossaire, et Maïmonide, Hilkhot roceaḥ, chapitre 4, règle 3.
167

3.4. Yaaqov Emden576

Yaaqov Emden adopte la même position que tous les rishonim sur le statut du fœtus, et elle
rappelle, d’une part, celle de Nahmanide dans la mesure où il dit, comme lui, qu’on ne peut
pas savoir si le fœtus arrivera à terme, et, d’autre part, celle de D. ben Zimra dans la mesure
où il se rapproche de sa souplesse quant à la pratique de l’avortement.
Si on n’attend pas l’accouchement d’une condamnée à mort577, c’est bien parce qu’on ne
considère pas le fœtus comme une âme vivante (nefeš) ; c’est l’argument principal dont Y.
Emden se sert pour justifier l’avortement. Il semble même montrer encore plus de souplesse à
l’égard de l’avortement, puisqu’il l’autorise pour éviter à une femme de trop souffrir. Nous ne
sommes pas, ici, face à une autorisation de l’avortement dit de « confort », mais nous pouvons
certainement dire que Y. Emden n’accorde précisément pas le même statut à la mère et au
fœtus.

‫ שמא תעשה עוברה סנדל‬...‫ וספק אם יבוא בכלל ולד גמור‬,‫לא מחכים לה עד שתלד כיון דלא ולד הוא‬
.‫וכיוצא בו שאינו ולד‬
« On n’attend pas qu’elle accouche parce que [le fœtus qu’elle porte] n’est pas un
« enfant », et [tant qu’il n’est pas né] on ne sait même pas s’il atteindra un jour ce
stade… puisqu’il peut [s’abîmer] et devenir un ṣandal, ou assimilé, qui ne sont
[précisément] pas des « enfants ». » 578 n.t.
Yaaqov Emden nous rappelle donc qu’on n’attend pas l’accouchement d’une condamnée à la
peine capitale579, car le fœtus qu’elle porte n’a pas le statut de l’enfant né, et, on ne sait même
pas, en outre, tant qu’il est à l’intérieur, s’il l’aura un jour580. Il peut, en effet, subir une
malformation qui l’empêcherait d’atteindre ce statut, ou tout simplement mourir avant de
naître ou même à la naissance.
Nous comprenons donc qu’il ne tienne pas compte du fœtus qu’elle porte :
.‫פשיטא דאין חוששין לו‬
« Il est évident qu’on ne craindra pas pour le [fœtus]. » n.t.

576
1697-1776 (Allemagne).
577
Cf. Mishna, ‘Arakhin, 1, 4 (voir supra p. 60).
578
Cf. Emden Y., responsa : Še’elat yavec, § 43.
579
Une femme coupable d’adultère par exemple, était censée être mise à mort. Cf. Nombres, 5, 11-31 et Ṣoṭa,
8b-9a.
580
Cf. le commentaire de Nahmanide sur ka’ašer yašit ‘alayw ba‘al ha’išah (‫ )כאשר ישית עליו בעל האשה‬in Exode,
21, 22.
168

Sans aller jusqu’à de telles situations, Y. Emden permet l’interruption de grossesse pour des
situations plus banales :
‫ אלא להציל לה מרעתו שגורם לה כאב‬,‫ אפילו אינו משום פקוח נפש אמו‬...‫יש צד להקל לצורך גדול‬
.‫גדול‬
« On peut favoriser [la pratique de l’avortement] pour une raison importante… sans
qu’elle soit pour autant une question de vie ou de mort581 de la mère, si c’est pour la
soulager [par exemple] d’une grande souffrance causée par cette [grossesse]. » n.t.
Bien que nous ayons dit qu’il autorise l’avortement pour des situations plus courantes, nous
devons quand même signaler qu’il parle ici d’une grossesse illégitime582. Mais nous parions
que Ya‘VeC, d’une façon générale, opterait plus volontiers en faveur du bien-être de la mère
que de « celui » des fœtus.

Ainsi, le rabbin Yaaqov Emden ne considère pas (lui non plus) le fœtus comme une âme
vivante (nefeš), mais plutôt comme faisant partie du corps de la mère. Car, comme nous
l’avons vu, il ne retient pas l’exécution d’une femme enceinte condamnée à mort, et autorise
l’avortement même si ce n’est que pour éviter une trop grande « gêne » à la mère. Nous
utilisons ici cette formule, pour souligner le fait qu’il est inadmissible d’assassiner quelqu’un,
uniquement parce qu’il nous fait honte.

581
Voir piquaḥ nefeš (‫ )פקוח נפש‬dans le glossaire.
582
Cf. Y. Emden, responsa : Še’elat ya‘vec, chapitre 1, § 43.
169

Chapitre 4 : Les contemporains

4.1. Benzion Meir Uziel583

À partir du 20ème siècle, les avis rabbiniques deviennent plus contrastés, car la question de
l’avortement devient incontournable ; et son interdiction – ou son autorisation – reste quelque
chose qu’il faut toujours établir, car la Loi n’est pas absolument explicite là-dessus : « Many
authorities classify it as a ‘rabbinic’ prohibition, without further elaboration. »584. Bien que
l’avortement ne soit pas un homicide, Yeḥiel Weinberg585 affirme justement qu’on ignore la
nature exacte de son interdiction : « Although foeticide is clearly not a form of homicide, it is
nevertheless prohibited, but we are simply unaware of the precise nature of the
prohibition. »586.
Parmi les contemporains, Meir Uziel s’oppose précisément à l’avortement dans la mesure où
c’est un acte qui va à l’encontre du commandement positif de croître et se multiplier587 ;
Shneour Zalman588 avait également utilisé le même argument pour affirmer son opposition à
l’avortement : « enrichir d’une vie juive le peuple d’Israël revient à construire un monde ».
Selon M. Uziel (et Sh. Zalman) donc, la pratique de l’avortement est un meurtre en
puissance589 :
.‫בן עזאי היה אומר מי שאינו עוסק בפריה ורביה כאלו שופך דמים‬
« Ben Azay avait coutume de dire que celui qui ne s’affaire pas à la reproduction est
comparable à un meurtrier. »590 n.t.
En effet, dans cette réponse – à la question de savoir si une femme peut avorter pour éviter de
devenir complètement sourde de ses deux oreilles – M. Uziel rapporte l’argument de Rabbi
Shimon ben Azay (T4), qui s’est précisément appuyé sur le commandement de la

583
1880-1953 (Tel-Aviv).
584
Sinclair D., Jewish Biomedical Law, p. 30. Voir aussi Bleich J.D., « Abortion in Halakhic Literature », in
Rosner F. & Bleich J.D. (eds.), Jewish Bioethics, p. 137.
585
1878-1966 (Berlin).
586
Weinberg Y., responsa : Seridey ’esh, 3, § 127 citée in Sinclair D., ibid., p. 29.
587
Cf. Uziel M., responsa : Piṣqey ‘uzi’el bišelot hazman « Propos d’Uziel sur des questions contemporaines »,
§ 51 p. 268. Voir aussi Daube D., The Duty of Procreation, Edinburgh Univ. Press, Edinburgh, 1977.
588
1745-1813 (Liozna).
589
C’est une idée que nous n’avions pas rencontrée depuis Philon d’Alexandrie et Flavius Josèphe.
590
Cf. Uziel M., idem.
170

reproduction – « croissez et multipliez » – pour apparenter l’avortement à une forme de


meurtre.
Voici comment Meir Uziel formule son raisonnement contre l’autorisation de l’avortement :
‫ על אחת כמה וכמה במי שעושה פעולה‬,‫אם דברים אלה נאמרו במי שאינו עושה שום מעשה בפעל‬
‫ ואין זה ספק כי לזה כִּ וונו התוספות באומרם שישראל אסור‬,‫שממעטת אפשרות קיום נפש מישראל‬
.‫בהמתת עוברין‬
« Si ces propos concernent quelqu’un qui n’a rien fait en acte, alors, que dire de celui
qui agit en faveur d’une diminution de la nation juive. Il n’y a aucun doute que les
Tossafistes pensaient à cela, pour dire que les juifs n’ont pas le droit de tuer les
fœtus. » n.t.
Le commandement de se reproduire est donc la base légale pour interdire l’avortement. Et
c’est, selon lui, un des principaux arguments dont se sont servis les Tossafistes pour empêcher
l’avortement au sein du peuple juif. Shneour Zalman donnait précisément le même argument,
mais à l’affirmatif : « celui qui ajoute une âme au peuple d’Israël, est [considéré] comme
ayant construit un monde. »591 ; il précisait et rappelait néanmoins, que l’interdiction de
l’avortement n’a pas de source biblique, mais rabbinique592.
On peut ainsi résumer là-dessus la pensée de notre auteur et celle de Sh. Zalman, en citant une
phrase de l’œuvre de ce dernier :
.‫אין לאבד עובר שעתיד להיות נפש מישראל‬
« On n’élimine pas un fœtus suceptible de faire partie du peuple d’Israël. »593 n.t.
Nous voulons croire qu’ils admettent l’extrapolation de cette phrase à l’ensemble des peuples.
En un mot, bien que l’avortement ne soit pas un homicide, il peut lui être comparé ; c’est ce
que fait Meir Uziel en l’assimilant à l’élimination d’une vie humaine en puissance.

591
« .‫ » המוסיף נפש מישראל כאילו בנה עולם‬Cf. Zalman Sh., Torat ḥeṣed, dans la partie ’even ha‘ezer (‫)אה"ע‬, Vol.
11, § 42, Jérusalem, 1909.
592
Et D. Schiff ajoute que Sh. Zalman n’était vraiment pas le seul des rabbins du 19ème siècle à voir l’élimination
du fœtus comme une interdiction rabbinique plutôt que biblique : « Zalman was by no means alone among
nineteenth-century rabbis in regarding the killing of the fetus as a rabbinic rather than a Toraitic
transgression. » (Schiff D., Abortion in Judaism, n. 47, p. 107) On peut aussi mentionner Ḥaim Pallagi, pour
avoir très clairement adopté cette opinion sur la nature de l’interdiction. Cf. Pallagi H., responsa : Ḥaim
wešalom, Vol. 1, § 40, Smyrne, 1872.
593
Zalman Sh., idem.
171

4.2. Moshe Yona Zweig594

Moshe Y. Zweig adopte une attitude proche de celle de Meir Uziel, puisqu’il voit, lui aussi, le
fœtus comme « une âme en puissance ». Mais, M.Y. Zweig n’élève pas le statut du fœtus au
rang d’âme vivante, puisqu’il exclut le fœtus de la définition d’« âme vivante humaine »
(‫ )נפש אדם‬dans le verset traitant précisément d’homicide595. M.Y. Zweig, à l’instar de M.
Uziel, interdit l’avortement, mais ne le considère pas vraiment comme un homicide :
."‫אין בהריגת העובר משום "ואיש כי יכה כל נפש אדם‬
« L’élimination du fœtus n’entre pas dans le cadre du verset : « Et l’homme qui frappe
[à mort] toute âme vivante humaine. » » 596 n.t.
Il dit ici clairement que l’avortement n’est pas condamnable au même titre que le meurtre,
dans la mesure où il ne considère pas le fœtus comme une âme vivante. En revanche, son
élimination reste interdite si elle n’est pas nécessaire, parce qu’il voit dans le fœtus un être
humain en puissance597 :
.‫ מפני שהוא בגדר נפש בכוח‬,‫ ב( להרוג עובר בעלמא‬,‫ קנא‬,‫אסור מזה )בבלי שבת‬
« Il est interdit, sur la base (Shabbat, 151b), de tuer un fœtus en général, car il est
défini comme une vie [humaine] en puissance. »598 n.t.
Sur l’avis des tannaïm qui ont autorisé la transgression du chabbat pour sauver la vie d’un
nouveau-né – qui a le statut d’âme vivante (nefeš) bien qu’âgé d’un jour – afin qu’il puisse en
respecter de nombreux autres, M.Y. Zweig (comme les deux autres)599 a choisi de mettre
l’accent sur ce que l’on peut déduire de leurs propos, afin de justifier la valeur du fœtus.
C’est-à-dire qu’il s’est servi de cet argument, pour souligner la potentialité du fœtus à devenir
une âme vivante (nefeš). Ainsi, pour lui, le fœtus est avant tout une âme vivante en puissance,
même s’il autorise l’avortement lorsqu’il est nécessaire.

594
Milieu du 20ème siècle (Belgique).
595
« Et l’homme qui frappe [à mort] toute âme vivante humaine sera mis à mort. » (Lévitique, 24, 17) :
.‫אָדם מוֹת יוּמָ ת‬
ָ ‫נֶפֶ שׁ‬-‫וְ אִ ישׁ כִּ י ַיכֶּה כָּל‬
596
Cf. Zweig M.Y., « Sur l’avortement volontaire » (Heb.), No‘am, 7, 1964, p. 36.
597
Et qu’il pourrait un jour, respecter de nombreux chabbat par exemple (cf. Yoma, 85b). Il y est question
d’autoriser la profanation du chabbat pour sauver la vie d’un homme (‫)פיקוח נפש‬, afin qu’il puisse, selon Rabbi
Shimon ben Menasiya (T6), en respecter de nombreux autres. Et comparer justement avec la référence apportée
par notre auteur (Shabbat, 151b) où il est question de la même transgression, mais pour sauver un nouveau-né
âgé d’un jour. Voir là-dessus Rosner F. & Wolfson W., « Returning on the Sabbath from a Life-Saving
Mission », Journal of Halacha and Contemporary Society, 9, 1985, pp. 53-67. Et concernant quelques règles
supplémentaires à propos de la grossesse et de l’accouchement vis à vis du chabbat, voir Avraham S. Avraham,
Halachot for the Patient on the sabbath Festivals and Yom-Kippur, 1995, § 153-163.
598
Comparez cette idée avec l’avis de Philon d’Alexandrie sur la question (voir supra p. 69).
599
Shneour Zalman et Meir Uziel.
172

Le rabbin M.Y. Zweig met en avant une autre idée pour justifier l’interdiction de
l’avortement : il tient à ce que le judaïsme fasse office de modèle. Il pense, pour ainsi dire,
que les juifs ne peuvent pas, moralement (éthiquement), cautionner l’avortement600 ;
autrement, on pourrait croire que le judaïsme n’accorde aucune importance au statut du fœtus.
Cette interdiction en raison du « qu’en dira-t-on » parmi les non-juifs, est ainsi exprimée par
Sinclair : « (…) Jewish law would appear to suffer from a serious moral lacuna, especially in
the light of comparison with other religious legal system. »601

En un mot, la considération du fœtus en tant qu’âme vivante (nefeš) potentielle, et


l’exemplarité que se doit d’avoir le judaïsme, ont permis à Moshe Yona Zweig de fonder son
interdiction de l’avortement, tout en ne le voyant pas comme un homicide.

600
Zweig M.Y., ibid., p. 45.
601
Sinclair D., Jewish Biomedical Law, pp. 19-20.
173

4.3. Isser Yehouda Unterman602

Yehouda Unterman s’inscrit également dans l’optique que le fœtus est une âme vivante
potentielle, et interdit donc l’avortement. Il ne l’autorise, que si la vie de la mère est en danger
de mort. Y. Unterman va néanmoins plus loin que les autres, dans la mesure où il élève cette
interdiction presqu’au même rang que celle du meurtre603 ; et s’il ne la hisse pas aussi haut,
c’est parce qu’il estime quand même que l’avortement ne relève pas d’une interdiction de
« première catégorie » – i.e. celle pour laquelle il est préférable de se laisser mourir plutôt que
de la transgresser604. Nous n’apportons ici qu’un résumé des propos de Y. Unterman, qui ne
fait pas état de tous les points que nous venons de voir, mais nous développerons, juste après,
ce qui fonde l’essentiel de sa pensée sur la question du fœtus :
‫ שאפילו עובר אשר הוא עכשיו בבחינת‬,‫השקפה זו לדון על דברים כאלה מתוך אַסְ פַ ְקלָריָא של העתיד‬
‫ היא‬,‫'מיה בעלמא' )דהיינו לפני ארבעים יום של הריון( רק עומד להתראות נפש חי שאסור לפגוע בו‬
.‫השקפת התורה הקדושה שניתנה לישראל‬
« Cette perspective est de juger ce genre de chose à travers le miroir du futur. Et ce,
même pour le fœtus qui est comme de l’eau (avant quarante jours de grossesse) et qui
ne sera seulement, que plus tard, quelqu’un de vivant que l’on n’aura pas le droit de
toucher. Cette perspective est celle de la sainte Torah qui a été donnée à Israël. »605 n.t.
Yehouda Unterman pense, en un mot, que la question du fœtus doit être traitée comme si l’on
avait déjà à faire à une âme vivante (nefeš).
L’argumentation de Y. Unterman qui soutient cette idée se base sur deux points : 1/
l’interprétation de Rabbi Yishmael du verset : « Celui qui verse le sang de l’homme, par
l’homme son sang sera versé ; car Dieu a fait l’homme à son image. »606, duquel on peut
isoler « ’adam ba’adam » (‫)אדם באדם‬, et le traduire littéralement par « l’homme dans
l’homme », i.e. le fœtus607, 2/ sur le principe talmudique que « rien n’est permis aux juifs, et
dans le même temps interdit aux non-juifs. » n.t.608 ; donc, tout ce qui est interdit aux non-

602
1886-1976 (Jérusalem).
603
Cf. Unterman Y., « Sur la préservation de la vie du fœtus » (Heb.), No‘am, 7, 1963, pp. 1-12.
604
Voir yehareg we’al ya‘avor (‫ )יהרג ואל יעבור‬dans le glossaire.
605
Cf. Unterman Y., responsa : Ševeṭ miyehuda, partie 1, Jérusalem, 1959, p. 10.
606
Genèse 9, 6 : .‫אָדם‬
ָ ָ‫ה‬-‫אָדם ָדּמ ֹו יִשָּׁ פֵ � כִּ י בְּ צֶ לֶם אֱ�הִ ים עָ שָׂ ה אֶ ת‬
ָ ָ‫אָדם בּ‬
ָ ָ‫שֹׁפֵ � ַדּם ה‬
607
Voir le développement que nous en avons fait dans l’introduction, supra p. 25.
608
Sanhedrin, 59a : .‫ליכא מידעם דלישראל שרי ולבן נוח אסור‬
Cet interdit explicite du fœticide pour les Gentils et pas pour le juifs aurait également sa source dans
l’interprétation de Rabbi Yishmael du passage (‫ )האדם באדם‬du verset en Genèse, 9, 6. Pour s’en convaincre il
faut d’abord admettre, comme nous l’avons vu, que cette expression désigne le fœtus, et que le terme « ’adam »
ensuite, ne vise précisément que les Gentils, car ce serait d’autres versets (Exode, 21, 22-23) qui concernent les
174

juifs, est censé l’être aussi aux juifs609. Or, les non-juifs n’ont pas le droit de pratiquer
l’avortement610, donc un juif n’a pas le droit non plus de le faire611.

Pour résumer, on peut dire que le commandement de la reproduction et la considération du


fœtus en tant qu’âme vivante (nefeš) potentielle, sont les deux axes qui permettent aux rabbins
Shneour Zalman, Meir Uziel, Moshe Y. Zweig et Yehouda Unterman de poser les principes
de l’interdiction de l’avortement.
Cela étant dit, ce statut d’âme vivante potentielle reste, nous l’avons dit, équivoque : il peut
servir d’argument pour autoriser la transgression du chabbat afin de sauver un éventuel futur
juif pratiquant qui en observera de nombreux autres612. Mais il peut aussi, au contraire, servir

juifs ; il n’y est justement question que d’une peine monétaire, pour la mort des fœtus (cf. la Mekhilta de-Rabbi
Yishmael (Horowitz&Rabin), section mišpaṭim, chapitre 8, pp. 275-276 ; comparer avec la Mekhilta de RaSHBY
(Hoffmann), p. 129). Le développement y est, en réalité, un peu plus long, mais c’est en substance, pour nous ici,
ce qu’il faut retenir ; cette différence de traitement trouve sa formulation dans la conclusion suivante de D.
Sinclair : « .(...) ‫( » ממדרשים אלה ניתן איפוא להוכיח כי יהודי הגורם להפלה אינו נחשב כרוצח אלא רק חייב ממון‬Sinclair,
D., « Les bases légales de l’interdiction de l’avortement dans le droit juif » (Heb.), šnaton ha-mišpaṭ ha-ivri, 5,
1978, p. 183). On pourrait aussi dire qu’il y a – par cette opposition juifs/non-juifs – une volonté de rendre
cohérent des versets qui – en raison de cette interprétation de Genèse, 9, 6 – s’opposent. Pour I. Weiss, en
revanche, cet interdit du fœticide pour les Gentils, n’est là que pour marquer la forte désapprobation des Sages
du Talmud à l’égard de l’avortement volontaire (par ingestion d’une potion abortive) très répandu au sein de la
société Romaine : « ‫( אין כוונתם כי אם נגד מנהג הרומים להמית העוברין בסם‬...) ‫אין כל ספק כי באמרם בן נח נהרג על העוברין‬
.‫( » של עיקרים‬Weiss I., dor dor we-doršaw, Vol. 2, Ziv Editions, Jérusalem, p. 22). A. Geiger pense pour sa part
que R. Yishmael – par cette interprétation – se fait le témoin, pour ainsi dire, d’une école non-rabbinique proche
de la version grecque de la Bible (voir Geiger A., hamiqra we-tirgumaw, Mossad Bialik, Jérusalem, 1948, p.
280). Cette hypothèse n’est pas impossible puisque les auteurs de la Septante, on l’a vu, attribuent au fœtus le
statut d’âme vivante (nefeš) à condition que sa forme soit achevée (voir supra pp. 66-67). Citons enfin A.
Lichtenstein, quant à l’importance de ce principe pour l’élaboration d’une interdiction de l’avortement : « in my
opinion, (…) it is (…) an explicit halakha: Sanhedrin 57b cites the view of R. Yishmael that a Noachide who
aborts a fetus has the legal status of a murderer. (…) In other words, no action forbidden to a non-Jew, of whom
the Torah requires a less exacting moral standard, can be permitted to the Jew. (…)I definitely favor adopting
the first possibility, based on the proof-text regarding the Noachide. (…) Therefore, it seems clear that in any
case where a Noachide abortionist is liable for murder, a Jew is considered a murderer as well. » (Lichtenstein
A., « A Halakhic Perspective on Abortion », Teḥumin, 21, 1991, pp. 93-95).
609
Mais l’inverse, évidemment, est faux : tout ce qui est interdit aux juifs, l’est aussi aux non-juifs.
610
À propos de règles (les sept lois noahides) auxquelles les non-juifs sont tenus, voir ševa‘ micwot beney noaḥ
(‫ )שבע מצוות בני נוח‬dans le glossaire.
611
Là aussi, l’accent doit être davantage mis sur la dimension morale que légale de cette règle, ainsi que des lois
noahides en général : « It is important to emphasize that the nature of the Noahide laws (…) is moral rather than
legal. » (Sinclair D., Jewish Biomedical Law, p. 40).
Ce que cette règle semble dire c’est que les juifs doivent en tenir compte sur un plan moral bien qu’elle ne soit
pas intégrée à la Halakhah. Pour plus d’informations sur le rapport entre les lois noahides et la Halakhah voir :
Rakover N., « The ‘law’ and the Noahides », Jewish Law and Association Studies, 4, 1990, pp. 169-180 ; et
Frimer D., « Israel, the Noahide Laws and Maimonides », Jewish Law Association Studies, 2, 1986, pp. 89-102.
Et ce, même s’il est toujours possible d’aller plus loin et d’être encore plus « moral » que ne l’exige la Halakhah
notamment vis-à-vis de la non-interdiction formelle de l’avortement : « (…) it is always possible to improve
moral conduct by aiming higher and not taking advantage of halakhic permissions, as in the case of foeticide. »
(Sinclair D., ibid., p. 41). Voir aussi Lichtenstein A., « Does Jewish Tradition recognize an Ethic Independent of
Halakha? », in M. Kellner (ed.), Contemporary Jewish Ethics, Sanhedrin Press, New York, 1978, p. 102.
612
C’est parce que I. Jakobovits ne se fonde pas sur ce genre de règles mais plutôt – implicitement ici – sur la
non actualisation « humaine » du fœtus qu’il refuse de lui accorder un statut égal à l’homme : « None of these
175

d’argument en faveur de son élimination si l’on insiste sur le fait que le fœtus n’est
actuellement pas une âme vivante (nefeš) ; dit autrement et pour la formule : éliminer ce qui
n’est pas encore n’est pas éliminer ce qui est !

regulations necessarily prove that the fœtus enjoys human inviolability. » (Jakobovits I., Jewish Medical Ethics,
p. 183).
176

4.4. Eliezer Y. Waldenberg613 et Moshe Feinstein614

Eliezer Y. Waldenberg interprète l’épisode de la femme enceinte comme tous les rishonim et
se base sur la Mishna615 pour permettre l’avortement dans trois situations :

1) Jusqu’à sept mois si le fœtus est atteint de la maladie de Tay-Sachs616.


2) Jusqu’à trois mois617 pour des cas moins graves que la maladie de Tay-Sachs.
3) Plus facilement jusqu’à quarante jours de grossesse.

Le rabbin Waldenberg ajoute, par ailleurs, dans l’esprit du texte biblique, que le mari doit,
dans tous les cas, donner son accord à l’avortement de son épouse, car les fœtus sont
considérés, on l’a vu, comme partie de sa propriété :
‫משנתנו בזה לא זזה ממקומה הן ג"ש להתיר הפסקת הריון בגלל המחלה הנקראת טיי סקס עד שבעה‬
‫ ומהם עד ג' חדשים‬,‫ והן ביתר דרכי ואופני ההיתר לצורך גדול אחר ומהם עד מ' יום‬.‫חדשים להריונה‬
.(‫)דהיינו במקרים שאינם קשים כמו מחלת טיי סקס או כיוצא בזה‬
« Là-dessus notre Mishna n’a pas changé ; ainsi, l’avortement est autorisé dans les
trois situations suivantes. Jusqu’à sept mois si [le fœtus] est atteint de la maladie de

613
1917-2006 (Jérusalem).
614
1895-1986 (New-York).
615
Mishna, Aholot, 7, 6 et ‘Arakhin, 1, 4.
616
Elle fut, partiellement, découverte par Warren Tay en 1881 puis complétée par Bernard Sachs en 1887 qui la
nommèrent « idiotie amaurotique familiale ».
Cette maladie génétique rare fait partie du groupe des dyslipoïdoses. Elle correspond à une accumulation de
lipides, principalement dans le système nerveux de l’organisme, qui entraînera des tableaux neurologiques
sévères, puisqu’elle aboutit à la cécité puis à la mort durant l'enfance.
Le rabbin Josef Eckstein qui a eu quatre enfants décédés de la maladie de Tay Sachs a créé en 1983 à New York
une association nommée « Hevrat Dor Yeshorim (Generation of the Righteous) » Elle a pour but de détecter les
maladies autosomiques récessives mortelles fréquentes dans la communauté des juifs ashkénazes : la maladie de
Tay Sachs surtout. Cette détection est Principalement réalisée au sein des familles ultra-orthodoxes (dont les
mariages sont souvent arrangés par les familles, et qui refusent l’avortement quand la vie de la mère n’est pas en
danger). Dor Yeshorim propose donc un test « Tay Sachs » prénuptial au futur couple. Ces derniers ne sont
prévenus que s’ils sont tous les deux porteurs du gène défectueux. Les personnes concernées risquent d’avoir à
vivre avec ce que le rabbin Shafran appelle « le fardeau affectif d’un savoir, qui ne peut être qu’accablant ». La
fréquence de cette maladie a nettement diminué chez les ashkénazes depuis ces tests. Le rabbin Moshe Tendler
n’est pas pour puisqu’il considère ces tests comme une violation de la vie privée : « You violate my privacy if you
know more about me than I know about myself. » (Source : Syndicat National des Ophtalmologistes de France,
2002). Voir aussi à propos cette maladie dans la perspective du judaïsme l’article de F. Rosner et sa riche
bibliographie sur ce sujet : « Tay Sachs Disease: To Screen or Not to Screen », in F. Rosner & J.D. Bleich (eds.),
Jewish Bioethics, pp. 197-208 ; Jakobovits I., « Tay Sachs Disease and the Jewish Community », L’Eylah, 1, 2,
1976, pp. 17-20 ; Bleich J.D., « Survey of Recent Halachic Periodical Literature: Tay Sachs Re-Examined »,
Tradition, 16, 1, 1976, p. 160.
617
Nous avons déjà souvent évoqué cette date ainsi que celle des quarante jours en tant que synonymes de
« changements » dans différentes catégories notamment celle de la pureté. Ces dates, devenues symboliques,
servent également aujourd’hui comme charnière dans le cadre de l’avortement provoqué et la Halakhah.
177

Tay-Sachs. Plus facilement jusqu’à quarante jours et jusqu’à trois mois si cela est
nécessaire (c’est-à-dire même pour des cas qui ne sont pas aussi graves que la maladie
de Tay-Sachs ou du même genre). »618 n.t.
Cet extrait de E.Y. Waldenberg vient en réponse aux arguments du rabbin Moshe Feinstein.
Ce dernier est, en effet, bien moins permissif que E.Y. Waldenberg – et que la plupart des
rabbins619– sur l’avortement. M. Feinstein s’oppose à l’avortement, en développant une
certaine argumentation contre les Tossafistes620 et MaHaRYṬ621 :

1) lorsque E.Y. Waldenberg rappelle que les Tossafistes autorise, malgré tout,
l’élimination du fœtus :
.‫מכל מקום משום פקוח נפש מחללין עליו את השבת אף ע"ג דמותר להרגו‬
« Bien qu’il soit permis de le tuer, on doit transgresser le chabbat pour le sauver. »622
n.t.
Pour résoudre cet apparent paradoxe entre « la préservation de la vie » du fœtus, et le fait qu’il
soit « permis de le tuer » (‫)מותר להרגו‬, D. Sinclair propose de comprendre l’utilisation du
terme « permis » sur un plan strictement légal, et l’obligation de le préserver sur un plan
moral ; il « oppose », pour résoudre ce paradoxe, la dimension juridique à la dimension
éthique. En effet, selon lui, chez les Tossafistes, il n’y a pas d’interdiction formelle de
l’avortement : « Tosafot emphasize that in purely legal terms, there is no prohibition on
killing a fetus in any situation, even a non-therapeutic one, i.e. killing a fetus ‘is
permitted’ »623. Mais, sur le plan moral, les Tossafistes ne permettent pas (« not allowed ») de
tuer un fœtus – c’est l’expression (‫ )לא שרי‬qu’ils utilisent pour qualifier le fœticide624 –, et
c’est précisément la raison pour laquelle ils pensent qu’il est quand même possible de
transgresser le chabbat afin de sauver un fœtus625.

618
Cf. E. Waldenberg, responsa : Cic eli‘ezer, partie 14, § 101, chapitre 1.
619
M. Feinstein est aussi connu pour être un fervent opposant à l’interruption volontaire de la grossesse. Nous en
développerons, plus loin, en partie pourquoi.
620
In Nidda, 44b.
621
Dans sa responsum, § 99 où il autorise l’avortement d’une non-juive.
622
Soulignons quand même qu’il n’existe aucune autorité rabbinique qui se base sur le fait qu’il soit permis de
transgresser le chabbat pour sauver la « vie » du fœtus – que certains assimilent précisément à l’obligation de
« préserver la vie » (‫– )פקוח נפש‬, afin de lui accorder le statut d’âme vivante (nefeš) et de ne pas favoriser la vie
de la mère si besoin est : « (…) none of the authorities who base their stringent abortion rulings on permission to
break the Sabbath in order to save fœtal life adopt the view that the fœtus has the same status as a full person
and that its life is to be preferred to that of the mother. » (cf. Sinclair D., Jewish Biomedical Law, p. 17).
623
Sinclair D., ibid., pp. 34-35.
624
Cf. Sanhedrin, 59b et Ḥullin, 33a.
625
L. Roth suggère même que l’utilisation de cette expression « pas permis » (‫ )לא שרי‬à la place de « interdit »
(‫ )אסור‬par les Tossafistes indique un changement de conception des idées : le passage du « légal » vers le
« moral » (cf. Roth L., « Moralization and Demoralization in Jewish Ethics », Judaism, 11, 1962, p. 294).
178

Quoi qu’il en soit, le rabbin Feinstein s’attache uniquement au terme « permis » et répond :
.'‫פשוט וברור שהוא טעות סופר וצריך לגרוס 'פטור' במקום 'מותר‬
« Il est simple et clair que c’est une faute de copiste, [car] il faut lire ici « exempté » au
lieu de « permis ». »626 n.t.

2) Lorsque MaHaRYṬ écrit :


‫ דחייְב‬,‫להתעסק עם ]גויה[ שתפיל פרי בטנה איבוד נפשות אין כאן דאפילו בישראל נפלים לאו נפש הוא‬
.‫רחמנא דמי וולדות לבעל‬
« Ce n’est pas un meurtre que de pratiquer l’avortement sur une non-juive. Car même
pour les juifs, les avortons ne sont pas des âmes vivantes ; puisque le Miséricordieux
n’a exigé que le « paiement des petits » [pour leur perte] à verser au mari. »627 n.t.,

Le rabbin Feinstein répond :


.‫אין להשגיח בתשובה זו כי וודאי תשובה מזויפת היא מאיזה תלמיד טועה וכתבה בשמו‬
« Il ne faut pas prêter attention à cette réponse, car elle a sûrement été falsifiée par un
mauvais élève qui l’a écrite en son nom. » n.t.
Cette dernière réponse de M. Feinstein est, nous semble t-il, légitime, car, comme nous
l’avons vu plus haut, les non-juifs n’ont pas le droit à l’avortement628, or en vertu du principe
que tout ce qui interdit aux non-juifs est censé l’être aussi aux juifs, on peut donc s’étonner du
rapport logique de l’affirmation de Y. Trani. Mais, si l’on suppose que ce dernier accorde aux
juifs un rôle de modèle, et si, comme on le sait, les fœtus n’ont effectivement pas pour eux le
statut d’âme vivante (nefeš), on comprend que MaHaRYṬ l’autorise aussi pour les non-juifs.
Toujours est-il que E.Y. Waldenberg qualifie ainsi l’attitude du M. Feinstein vis à vis de ces
sources rabbiniques :
.‫הוא דרך לא מקובל עפי"ד גאוני הדורות‬
« Ce ne sont pas des manières très acceptables de la part des grands rabbins de chaque
génération. » n.t.
Par ailleurs, malgré son attitude plutôt souple vis à vis de l’avortement, E.Y. Waldenberg
ajoute une condition dans la droite ligne du texte biblique, rarement précisée, et toujours
actuelle dans la législation de l’État d’Israël :
.‫גם במקום שהדין נותן להתיר הפלה מכל מקום יש לקבל על כך גם הסכמת הבעל כי ממונו הוא‬
626
Cf. Feinstein M., « Règles sur le meurtre du fœtus » (Heb.), in Y. Boksbaum (ed.), Le rabbin Yeḥezqel
Abramski – Memorium Volume (Heb.), Jérusalem, 1975, p. 462.
627
Cf. Y. Trani, responsa : Maharyṭ, partie 1, § 99, Lemberg, 1861.
628
Toujours sur la base de l’interprétation de Rabbi Yishmael du verset en Genèse, 9, 6 (voir Sanhedrin, 57b).
179

« Même là où l’avortement est autorisé, l’accord du mari est toujours nécessaire, car
[le fœtus] est de lui. »629 n.t.

Développons maintenant une partie des raisons pour lesquelles M. Feinstein s’oppose
fermement à l’avortement. La question, dans le pays où il vit (les États-Unis), est l’objet de
grandes tensions sociales, morales et politiques630, et il ne peut donc pas, compte tenu de
l’autorité halakhique qu’il représente, cautionner ouvertement l’interruption, non-
thérapeutique, de la grossesse. M. Feinstein est, de plus, très attaché à la règle talmudique de
dresser une haie autour de la Torah631 – i.e. protéger l’essentiel de la Loi par des interdits
« préventifs ». Cela peut consister, ici, à défendre le commandement de « croître et se
multiplier », en interdisant les avortements qui ne sont pas nécessaires. La légalisation de
l’avortement dans les pays concernés (Israël inclus) a, souligne t-il, empéché de très
nombreuses naissances : « I have written all this in the light of the fact that many
governments, including that of the State of Israel, have sanctioned foeticide and as a result,
countless foetuses have already been destroyed. At such a time, it is most necessary to erect a
fence around the Torah and to avoid issuing lenient rulings in an area as serious as that of
homicide. »632.

629
Cf. E. Waldenberg, responsa : Cic eli‘ezer, partie 9, § 51, chapitre 3, Jérusalem, 1963.
630
Au point que dans un article du Time daté du 9 mars 1998, Everett Koop, l’ancien Medecin-Chef de l’armée
des États-Unis, a déclaré, à propos de la polémique sur l’avortement qu’elle était le précurseur d’une guerre
civile si ce n’est déjà pas le cas. Et que rien n’a autant divisé la société américaine depuis l’esclavage. Pour une
analyse plus étendue sur le débat autour de l’avortement aux États-Unis, voir Mensh E. & Freeman A., The
Politics of Virtue, Duke University Press, Duke, NC, 1995.
631
Cf. Mishna, Avot, 1, 1.
632
Feinstein M., responsa : ’Igrot moše, ḥošen mišpaṭ, partie 2, § 69, New York, 1961.
180

Troisième partie : LE FŒTUS ET LA LITTÉRATURE AGGADIQUE


181

Dans cette troisième et dernière partie, la traduction du texte hébreu n’est ni complète ni
systématique ; seul est traduit ce qui met en valeur le message de l’auteur et ce qui en facilite
la lecture.
La principale méthode d’interprétation des auteurs du Midrash Aggadah est, comme nous
l’avons déjà dit, le jeu de mots : c’est-à-dire, pour l’essentiel, l’utilisation de la polysémie et
de l’homonymie des termes pour donner un nouveau sens au texte633.
La présence du texte en hébreu se justifie pour l’hébraïsant, dans la mesure où il lui permet de
comprendre le contexte du midrash et d’éventuels détails complémentaires, telles que
certaines références ; mais, quoiqu’il en soit, le texte en français est rédigé de sorte à ne rien
faire perdre à ceux qui ne lisent pas l’hébreu.
Il existe parmi les textes que nous avons étudiés deux grands recueils de midrashim qui
reprendront, pour l’essentiel, des textes que nous aurons déjà vus. Par conséquent, leur apport
substantiel – vis-à-vis de la connaissance du fœtus et de son univers – qui aurait pu nous
permettre d’en dire davantage sur son statut, est mince. Il ne faudra donc pas être surpris du
peu de nouvelles informations qu’on en tirera. Ces deux collections de midrashim sont le
‘Ocar hamidrašim et le Yalquṭ šim‘oni, et elles ne contiennent pas de textes postérieurs au
13ème siècle. Nos auteurs, ici, citent parfois un verset en Lévitique qui mérite d’être souligné ;
et même si nous ne le mentionnons pas systématiquement, nous le rapportons quand même
dans le texte en hébreu634. Ce verset parle de la femme qui « conçoit » : « Parle aux fils
d’Israël, en disant : Quand une femme aura été fécondée et aura enfanté un mâle, elle sera
impure durant sept jours ; comme aux jours de la souillure provenant de son indisposition elle
sera impure. »635 :
.‫בְּ נֵי י ְִשׂ ָראֵ ל לֵאמֹ ר אִ שָּׁ ה כִּ י תַ זְ ִריעַ וְ יָלְ ָדה ָזכָר וְ טָ מְ אָה ִשׁבְ עַ ת י ִָמים כִּ ימֵ י נ ִַדּת ְדּוֹתָ הּ תִּ ְטמָ א‬-‫ַדּבֵּ ר אֶ ל‬
Il arrive qu’à la fin d’un midrash l’auteur cite précisément cette partie du verset, précédé de
l’abréviation (‫)הה"ד‬636, où il est justement question de l’« ensemencement » de la femme, afin
de justifier une quelconque particularité – qui ne se justifie pas autrement – à l’égard des
garçons et de leur naissance.

633
Pour une introduction à la littérature midrashique voir Banon D., Le Midrach, PUF, Paris, 1995. Voir aussi
l’ouvrage d’Avigdor Shinan radiodiffusé en plusieurs fois en Israël (Broadcast University Series) la première
fois en hébreu en 1987 puis publié en anglais en 1990 : Shinan A., The World of the Aggadah, Traduit de
l’hébreu par J. Glucker, Ministry of Defence Books, Tel-Aviv, 1990.
634
Nous le signalons en gras dans le texte hébreu.
635
Lévitique, 12, 2. Là aussi, répétons-le – puisqu’il s’agit d’un verset qui a été souvent et longuement interprété
– sa traduction en français ne rend pas toute la richesse du texte contenue dans sa littéralité.
636
Cf. hada’ hu’ dikhtiv (‫ )הדא הוא דכתיב‬dans le répertoire.
182

Ce qu’il y a d’étonnant dans ce verset c’est le fait qu’une femme « sème »637 : ’išah ki tazriya‘
– littéralement – « une femme qui ensemence », et la corrélation qui en est faite avec
l’accouchement d’un garçon : weyaladah zakhar – littéralement – « aura accouché d’un
mâle ». Ce parallèle peut en effet indiquer que la femme, comme l’homme, fournit de la
semence, et que ce serait, le cas échéant, la condition de la conception d’un garçon.
Les deux points principaux développés dans ces textes aggadiques sont des théories sur l’âme
et des théories sur la formation du fœtus. Concernant le premier point, nous en saurons, pour
ainsi dire, un peu plus sur l’« itinéraire » de l’âme humaine avant la naissance et jusqu’à la
résurrection ; et concernant le deuxième point – abordé par nos auteurs d’une façon plus
tangible, plus proche de nous – nous ne trouverons rien qui aille dans le sens contraire : il n’y
a pas dans ces textes d’éléments qui nous indiquent que leurs auteurs accordent vraiment au
fœtus le statut d’âme vivante (nefeš).
Le classement de l’ensemble des textes aggadiques essaie de suivre un développement
chronologique du cours des événements : i.e. avant, pendant et après la grossesse.

637
Hippocrate dit quelque chose d’assez semblable à propos de la génération humaine : « La femme a aussi une
éjaculation fournie par le corps et se faisant tantôt dans les matrices (alors les matrices deviennent humides),
tantôt en dehors, quand les matrices sont plus béantes qu’il ne convient. » (Hippocrate, De la génération, 4,
Littré (ed.), VII, p. 475).
183

Chapitre 1 : Avant la grossesse

1.1. La prédestination du fœtus (Le mariage)

Yalquṭ šim‘oni638
,‫אלהים מושיב יחידים ביתה מוציא אסירים בכושרות אמר רבה בר בר חנה קשה לזווגן כקריעת ים סוף‬
‫ בת קול יוצאת ואומרת בת פלוני לפלוני לא‬,‫איני האמר רב יהודה אמר רב ארבעים יום קודם יצירת הולד‬
‫ מטרונא שאלה את רבי יוסי לכמה ימים ברא הקב"ה את עולמו‬.‫קשיא הא בזווג ראשון הא בזווג שני‬
‫ א"ל‬.‫ ומאותה שעה במה הוא עסוק אמר לה יושב ומזווג זווגים איש לאשה ואשה לאיש‬,‫אמר לה לששה‬
‫ עמדו והכו אלו את‬,‫ עשתה כך‬.‫ יכולה אני לזווג מאה עבדים ומאה שפחות בלילה אחת‬,‫אם הדבר קשה‬
‫ למחר שלחה וקראה לו‬.‫ וזאת אומרת אני נוטלת את זה‬,‫ זה אומר אני נוטל את זו‬,‫אלו ופצעו אלו את אלו‬
.‫ קשה הוא לפני הקב"ה כקריעת ים סוף‬,‫ אמר לה אם הדבר הזה קל בעיניך‬.‫וספרה לו כל הדברים‬

Ce texte reprend partiellement une aggadah du Talmud de Babylone639 sur ce qui se passe
dans le ciel avant la formation du fœtus. Quarante jours avant la fécondation, on dit que le
nom des époux est connu ; donc le nom de la future épouse de celui qui n’est même pas
encore conçu est déjà fixé.
Voici cette aggadah640 :
« Rabba bar Bar Ḥana (AB3) a dit au nom de Rabbi Yoḥanan : il est aussi difficile de marier
les gens que de fendre la Mer Rouge, car il est écrit : « Dieu qui fait habiter les solitaires dans
une maison, fait sortir les prisonniers enchaînés (…). »641 :
.(...) ‫אֱ�הִ ים מו ִֹשׁיב ְי ִח ִידים בַּ יְתָ ה מוֹצִ יא אֲסִ ִירים בַּ כּוֹשָׁ רוֹת‬
[Dans ce passage,] il ne faut pas lire bakošarot (‫ « )בכושרות‬enchaînés » mais bekhi weširot
(‫ « )בכי ושירות‬pleurs et chants ». [Donc au lieu de comprendre ce verset tel qu’il est, il nous
indique que lorsque Dieu marie les célibataires, ces derniers pleurent d’abord et rient ensuite.
Mais reste] t-il exact [qu’unir les gens est une chose difficile, alors que] Rabbi Yehouda ben
Yeḥezqel (AB2) a dit pourtant, au nom de Rav (AB1), que quarante jours avant la conception

638
Yalquṭ šim‘oni, Psaumes, remez 794 (‫)תשצד‬.
639
Nidda, 22a.
640
Sanhedrin, 22a.
641
« Dieu qui fait habiter les solitaires dans une maison, fait sortir les prisonniers enchaînés ; les rebelles seuls
habitent des lieux arides. » (Psaumes, 68, 7) : .‫אֱ�הִ ים מו ִֹשׁיב י ְִח ִידים בַּ יְתָ ה מוֹצִ יא אֲסִ ִירים בַּ כּוֹשָׁ רוֹת אַ � סו ְֹר ִרים שָׁ כְ נוּ צְ ִחיחָ ה‬
184

d’un enfant une voix céleste annonce : cette fille est pour untel ; [et bien] il n’y a [quand
même] pas [ici] de contradiction [car] il s’agit [en fait] du premier mariage, et non du
deuxième [qui est en effet une chose bien difficile]. »
C’est peut-être en raison de la difficulté de rendre compte du terme bakošarot (‫)בכושרות‬642,
que Rabba bar Bar Ḥana s’est appuyé sur la sonorité presque similaire des mots bekhi weširot
(‫ « )בכי ושירות‬pleurs et chants », afin de souligner toute la difficulté, d’abord, que l’on
éprouve à trouver un époux, et la joie, ensuite, que l’on a, une fois qu’on l’a rencontré.
L’auteur du midrash ajoute une autre parabole, pour consolider le fait que ce n’est vraiment
pas évident d’y parvenir sans l’aide de la Providence. Une noble Romaine voulut prouver à
Rabbi Yossi qu’il n’y a rien d’extraordinaire dans le fait de marier deux personnes ; elle
ordonna donc à ses serviteurs d’épouser ses servantes, et cette entreprise fut, on s’en doute, un
terrible échec. Rabbi Yossi lui répondit alors, que c’est justement Dieu – après avoir créé le
monde – qui se charge de la difficile tâche d’unir les gens.

Les deux idées principales qui se dégagent de ce midrash, sont celles que l’on retrouve
souvent dans nos récits : la préexistence des âmes et la sollicitude divine.

642
Au lieu de qošarot (‫ « )קושרות‬liens/attaches » – d’où la présence de « enchaînés » (‫ – )אֲסִ ִירים‬il est donc aussi
possible de lire košarot (‫)כושרות‬, traduisible par « succès/bonheur ». Voir justement pour cet autre sens de
bakošarot, la traduction de L. Second : « Dieu donne une famille à ceux qui étaient abandonnés, Il délivre les
captifs et les rend heureux ; les rebelles seuls habitent des lieux arides. » (Psaumes, 68, 7).
185

1.2. Comment éviter d’accoucher un chabbat ?

Rut rabba643
,‫ רות בת ארבעים שנה היתה ולא נפקדה וכיון שנתפלל עליה אותו צדיק מיד נפקדה‬,‫א"ר שמעון בן לקיש‬
‫ הריון בגימטרייא רע"א ימים שהולד‬.(‫ יג‬,‫ויאמר ברוכה את בתי לי"י ויתן י"י לה הריון ותלד בן )רות ד‬
.‫ תלמידי חכמים אין משמשין מטותיהן אלא בלילי רביעיות ובלילי שבתות‬,‫ מכאן אמרו‬.‫דר במעי אמו‬

« Ainsi Boaz prit Ruth et elle devint sa femme, il vint vers elle et Dieu lui donna de
concevoir, puis elle enfanta un fils. »644

La valeur numérique du mot herayon (‫ « )הריון‬grossesse/conception » correspond à la durée


théorique du nombre de jours d’une grossesse humaine (deux cent soixante et onze jours), et,
par le calcul des dates, l’auteur rappelle que les hommes pieux ont pour habitude de coucher
avec leur femme que deux fois par semaine, afin qu’elle n’accouche pas le jour du chabbat ;
ce qui leur permettra d’éviter de le transgresser. En effet, si l’on considère que :

1) Une semaine compte sept jours.


2) La durée normale d’une grossesse est de deux cent soixante et onze jours.
3) Le sperme perd sa capacité fécondante au delà de deux jours pleins – i.e. même si la femme
n’a pas été fécondée le jour du rapport sexuel, le sperme reste encore actif le lendemain et le
surlendemain645.

Alors, on peut arriver à déduire, grâce à un calcul précis, que les hommes pieux ne couchent
avec leur épouse que le mercredi et le vendredi646, pour éviter qu’elle accouche un samedi. Si
toutes ces conditions sont respectées, nos auteurs affirment que le deux cent soixante et

643
Rut rabba (Lerner), section 6, § 4. Ce passage du midrash ne figure pas dans les autres versions. Sa rédaction
date du milieu du 9ème siècle de l’ère commune.
644
Ruth, 4, 13 : .‫ל ֹו לְ אִ שָּׁ ה ַו ָיּבֹא אֵ לֶיהָ וַיִּ תֵּ ן יְה ָוה לָהּ הֵ ָריוֹן וַתֵּ לֶד בֵּ ן‬-‫רוּת וַתְּ הִ י‬-‫וַיִּ קַּ ח בֹּעַ ז אֶ ת‬
645
Cf. le commentaire de RaSHi sur ’o ler‘g (‫ = רע"ג( )או לרע"ג‬273 en valeur numérique) in Nidda, 38a. Cette
idée existe depuis le début du deuxième siècle de notre ère, puisqu’on la trouve déjà mentionnée par Rabbi
Elazar ben Azaria (T4), et explicitement formulée dans le commentaire de RaSHi sur šepiršah min ha’išah
(‫ )שפירשה מן האישה‬in Shabbat, 86b. Cf. aussi Maïmonide, Hilkhot še’ar ’avot haṭum’ah, chapitre 5, règle 12.
646
Pour les relations précisément permises au-delà du quatrième jours voir le commentaire de RaSHi sur ’ela’
mirvi‘i we’ilakh (‫ )אלא מרביעי ואילך‬in Nidda, 38b.
186

onzième jour et les deux jours suivants – qui correspondent à la capacité fécondante du
sperme au-delà de la date du rapport sexuel –, ne tomberont jamais le jour de chabbat647.

Ce qui nous concerne le plus, à travers ces calculs, est que nos auteurs comprennent qu’une
femme peut tomber enceinte quelques jours après avoir eu des rapports sexuels ; ils saisissent
donc la persistance du pouvoir fécondant du sperme648.

647
Cf. Nidda, 38a/b.
648
À partir de l’affirmation suivante d’Hippocrate, il nous semble que cette persistance au-dela du jour des
rapports sexuels est apparemment mieux comprise par nos rabbins « La femme (…) remarque-t-elle quand la
semence, ne sortant pas, est restée, alors elle sait le jour où elle a conçu. » (Hippocrate, De la génération, 5,
Littré (ed.), VII, p. 477).
187

1.3. Théories sur la semence

Lévitique rabba649
‫ארחי ורבעי זרית וכל דרכי הסכנת ר' יוחנן וריש לקיש ורשב"ל ר"י אמר אין הקב"ה צר את האדם אלא‬
‫מטפה של לבנות וריש לקיש אמר זרית כאדם שזורה ונותן תבן בפני עצמו וקש בפ"ע עד שמעמיד הדגן‬
‫על בריו רשב"ל אמר אף אינו מאבד את הטפה אלא זורה מטפה למוח ומטפה לעצמות ומטפה לגידים‬
.‫וביותר אם היה זכר הה"ד אשה כי תזריע וילדה זכר‬

« Tu m’examines, quand je voyage et quand je me couche ; de toutes mes voies tu es


le témoin assidu. »650

L’auteur du midrash rapporte les commentaires divergents de Rabbi Yoḥanan (AI2), de


ReSH651 Laqish et de Rabbi Shimon ben Laqish (AI2), à partir d’une variation sur le sens et la
sonorité du terme zarita (‫ )זרית‬du verset des Psaumes que nous avons cité : ces divergences
sont justement basées sur, d’une part, le rapprochement de la prononciation de ce mot avec
yacarta (‫ « )יצרת‬créé », et d’autre part, sur les deux sens possibles de ce terme : hormis
« savoir »/« examiner », il peut aussi signifier « disperser »/« sélectionner »652.
- Pour le premier – qui rapproche les prononciations des termes zarita et yacarta – l’homme
n’est conçu par Dieu qu’avec une seule goutte de semence.
- ReSH Laqish pense, lui, que la semence est triée, à l’image de l’agriculteur qui sépare le bon
grain de l’ivraie.
- Rabbi Shimon ben Laqish, suggère, au contraire, que les différents membres et organes du
corps sont extraits (par Dieu) de cette goutte sans que rien ne soit perdu : une partie pour faire
le cerveau, une autre pour les os, une troisième pour les nerfs, etc. ; et ce d’autant plus quand
il est question d’un garçon, considéré comme plus complet qu’une fille.

Il y a ici une idée forte : on trouve tout le fœtus, même dans la plus petite partie de semence.
Donc, une goutte de sperme est, justement, suffisante pour la fécondation.

649
Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 6.
650
Psaumes, 139, 3 :.‫ ְדּ ָרכַי הִ סְ ַכּנְתָּ ה‬-‫אָ ְר ִחי וְ ִרבְ עִ י ז ִֵריתָ וְ כָל‬
651
ReYSH (‫ )ריש‬dans le texte, est en réalité l’abréviation de Rabbi Shimon.
652
Comme dans le verset suivant : « Et ils sauront que je suis l’Éternel, quand Je les répandrai parmi les nations,
quand Je les disperserai en divers pays. » (Ezéchiel, 12, 15) :
.‫ ֲאנִי יְהוָה בַּ הֲפִ יצִ י אוֹתָ ם בַּ גּ ֹויִם וְ ז ִֵריתִ י אוֹתָ ם בָּ א ֲָרצוֹת‬-‫וְ י ְָדעוּ כִּ י‬
Voir aussi Ezéchiel, 30, 26.
‫‪188‬‬

‫‪Chapitre 2 : Pendant la grossesse – La formation du fœtus‬‬

‫)‪2.1. Formation du fœtus (Parallèle entre la formation de l’homme et celle du monde‬‬

‫‪Midraš tanḥuma653‬‬
‫ד"א כתיב ה' בחכמה יסד ארץ וגו' )משלי ג( ואומר ואמלא אותו רוח אלהים בחכמה )שמות לא(‪ ,‬ללמדך‬
‫שהמשכן שקול כנגד כל העולם וכנגד יצירת האדם שהוא עולם קטן כיצד כשברא הקב"ה את עולמו‬
‫כילוד אשה בראו‪ ,‬מה ילוד אשה מתחיל בטבורו ומותח לכאן ולכאן לארבעה צדדין כך התחיל הקב"ה‬
‫לבראות את עולמו מאבן שתיה תחלה וממנה הושתת העולם‪ ,‬ולמה נקרא שמה אבן שתיה‪ ,‬מפני שממנה‬
‫התחיל הקב"ה לבראות את עולמו‪ ,‬וברא בית המקדש למעלה שנאמר )שמות טו( מכון לשבתך פעלת ה'‪,‬‬
‫אל תקרא מכון אלא מכוון לשבתך כנגד כסא הכבוד כמש"ל‪ ,‬ויצירת הולד כיצירת העולם‪ ,‬כנגד יצירת‬
‫הולד במעי אמו‪ ,‬א"ר יוחנן מאי דכתיב עושה גדולות עד אין חקר נפלאות עד אין מספר )איוב ט( )‪(...‬‬
‫אלו גדולות שעושה הקב"ה ביצירת הולד אלא בשעה שבא אדם לשמש עם אשתו רומז הקב"ה למלאך‬
‫הממונה על ההריון ושמו לילה והקב"ה אומר לו דע שזו הלילה נוצר אדם מזרע פלוני דע לך והשמר בזו‬
‫הטיפה וטול אותה בכפך וזרע אותה בגורן לשס"ה חלקים והוא עושה לו כן‪ ,‬מיד נוטל בידו ומביא לפני‬
‫מי שאמר והיה העולם ואומר לפניו עשיתי ככל אשר צויתני וטיפה זו מה תהא נגזר עליה‪ ,‬מיד הקב"ה‬
‫גוזר על הטיפה מה יהא בסופה אם זכר אם נקבה אם חלש אם גבור אם עני אם עשיר אם קצר או ארוך‬
‫אם מכוער או נאה אם עבה או דק אם בזוי או גס‪ ,‬וכן גוזר על כל קורותיו‪ ,‬אבל אם צדיק אם רשע לא‪,‬‬
‫אלא הדבר ההוא נותנו בידו של אדם בלבד שנאמר )דברים ל( ראה נתתי לפניך היום את החיים את הטוב‬
‫ואת המות ואת הרע‪ ,‬מיד רומז הקב"ה למלאך הממונה על הרוחות ואומר לו הבא לי רוח פלוני שהיא‬
‫בגן עדן ששמו פלוני ותארו כך וכך לפי שכל הרוחות שעתידין להבראות כולן הן נבראות מיום שברא‬
‫העולם עד שיכלה כל העולם הם מזומנין בבני אדם דכתיב )קהלת ו( מה שהיה כבר נקרא שמו‪ ,‬מיד הולך‬
‫המלאך ומביא את הרוח לפני הקב"ה וכשהיא באה מיד כורעת ומשתחוה לפני המלך מלכי המלכים‬
‫הקב"ה אותה שעה אומר הקב"ה לרוח הכנסי בטיפה זו שביד פלוני פתח הרוח פיו ואומר לפניו רבונו‬
‫של עולם די לי העולם שהייתי דר מיום שבראתני למה רצונך להכניסני בטיפה זו סרוחה שאני קדושה‬
‫וטהורה ואני גזורה מגזרת כבודך‪ ,‬מיד אומר הקב"ה לנשמה עולם שאני מכניסך בו יפה יהא לך ממה‬
‫שהיית דר בו ובשעה שיצרתיך לא יצרתיך אלא לטיפה זו‪ ,‬מיד מכניסו הקב"ה לשם בעל כרחו‪ ,‬ואחר‬
‫חוזר המלאך ומכניס הרוח לתוך מעי אמו ומזמנין לו שני מלאכים ושומרין אותו שלא יצא משם ושלא‬

‫‪653‬‬
‫‪Midraš tanḥuma (Warsa), section pequdey, § 3. Le Midraš tanḥuma est le nom donné à trois recueils de textes‬‬
‫‪aggadiques sur le Pentateuque. Sa rédaction daterait du 5ème siècle de l’ère commune ; et certains de ces‬‬
‫‪midrashim sont même antérieurs à la rédaction du Talmud de Babylone.‬‬
‫‪189‬‬

‫יפול ומכניסין אותו שם נר דלוק על ראשו‪ ,‬זש"ה מי יתנני כירחי קדם כימי אלוה ישמרני בהלו נרו עלי‬
‫ראשי וגו' )איוב כט( ומביט ורואה מסוף העולם ועד סופו‪ ,‬נוטלו המלאך משם ומוליכו לגן עדן ומראה‬
‫לו הצדיקים יושבין בכבוד ועטרותיהם בראשיהם‪ ,‬ואומר המלאך לאותו הרוח תדע לך מי הם אלו‪ ,‬א"ל‬
‫הרוח לא אדוני‪ ,‬חוזר המלאך וא"ל הללו שאתה רואה נוצרו בתחלה כמותך בתוך מעי אמן ויצאו לעולם‬
‫ושמרו התורה והמצות לפיכך זכו ונזדמנו לטובה זו שאתה רואה דע לך שסופך לצאת מן העולם ואם‬
‫תזכה ותשמור התורה של הקב"ה תזכה לכך ולישיבת של אלו ואם לאו דע וראה שתזכה למקום אחר‪,‬‬
‫לערב מוליכו לגיהנם ומראה לו שם את הרשעים שמלאכי חבלה מכים אותן במקלות של אש וקוראין וי‬
‫וי ואינם מרחמים עליהם‪ ,‬ואומר לו עוד אותו מלאך לאותו הרוח תדע מי הן אלו‪ ,‬ואומר לא אדוני‪ ,‬ואומר‬
‫לו המלאך אלו הנשרפין נוצרו כמותך ויצאו לעולם ולא שמרו התורה וחוקותיו של הקב"ה לכך באו‬
‫לחרפה זו שאתה רואה ואתה דע לך שסופך לצאת לעולם והוי צדיק ואל תהי רשע ותזכה ותחיה לעה"ב‪,‬‬
‫ומנין שהוא כן שנאמר )משלי ד( כי בן הייתי לאבי רך ויחיד לפני אמי ויורני ויאמר לי יתמוך דברי לבך‬
‫שמור מצותי וחיה‪ ,‬כי בן הייתי לאבי קודם שיצאתי ממעי אמי הייתי בנו של הקב"ה כי כן יסרני כמו האב‬
‫שמייסר את בנו‪ ,‬רך ויחיד לפני אמי העת שהייתי רך והייתי יחיד‪ ,‬שלא היה שום אדם בחבורתי לפני אמי‪,‬‬
‫ויורני המלאך ויאמר לי יתמוך דברי לבך שמור מצותי וחיה כמו שנאמר לעיל‪ ,‬ולכך על הכל מזהירו‬
‫הקב"ה ומטייל אותו המלאך מן הבקר ועד הערב‪ ,‬ומראה לו מקום שהוא עתיד למות בו ובמקום שהוא‬
‫עתיד להקבר בו‪ ,‬ואח"כ מוליכו ומטיילו על כל העולם ומראה לו את הצדיקים ואת הרשעים ומראה לו‬
‫הכל‪ ,‬ובערב חוזרו לתוך מעי אמו והקב"ה עושה לו שם בריח ודלתים שנאמר )איוב לח( ויסך בדלתים‬
‫ים‪ ,‬וכתיב )ישעיה נא( ואשים דברי בפיך ובצל ידי כסיתיך עומד ואומר לו הקב"ה עד פה תבא ולא תוסיף‬
‫וגו'‪ ,‬והולד הוא מונח במעי אמו תשע חדשים‪ ,‬ג' חדשים הראשונים הולד הוא דר במעי אמו במדור‬
‫התחתון‪ ,‬והג' חדשים השניים דר במדור האמצעי‪ ,‬והאחרונים דר במדור העליון‪ ,‬וכשמגיע זמנו לצאת‬
‫לאויר העולם הוא מתגולל ויורד ברגע אחת מן העליון לאמצעי ומן האמצעי לאחרון‪ ,‬ומכל מה שאמו‬
‫אוכלת ושותה בראשונה הוא אוכל ושותה ואינו מוציא רעי‪ ,‬לפיכך נאמר עושה גדולות עד אין חקר‬
‫נפלאות עד אין מספר‪ ,‬לסוף מגיע זמנו לצאת לאויר העולם מיד בא אותו המלאך ואומר לו באותה שעה‬
‫מגיע זמנך לצאת לאויר העולם והוא אומר לו למה אתה רוצה להוציאני לאויר העולם אומר לו המלאך‬
‫בני תדע שעל כרחך אתה נוצר ועכשיו דע שעל כרחך נולדת ועל כרחך אתה מת ועל כרחך אתה עתיד‬
‫ליתן דין וחשבון לפני מלך מלכי המלכים הקדוש ברוך הוא ואינו רוצה לצאת משם עד שמכהו ומכבה לו‬
‫את הנר שהוא דלוק על ראשו ומוציאו לאויר העולם בעל כרחו‪ ,‬מיד שוכח התינוק כל מה שראה‬
‫ביציאתו וכל מה שהוא יודע ולמה התינוק בוכה ביציאתו על מה שאבד מקום הנחה והרוחה ועל העולם‬
‫שיצא ממנו‪ ,‬באותה שעה מתחלפים עליו שבעה עולמות‪ ,‬עולם ראשון דומה למלך שהכל שואלין‬
‫בשלומו ומתאוין הכל לראותו‪ ,‬ומחבקין ומנשקין אותו מפני שהוא בן שנה‪ ,‬עולם שני דומה לחזיר שהוא‬
‫שוגש באשפות כך הולד שוגש בצואה כשהוא בן שנתים‪ ,‬עולם שלישי דומה לגדי שהוא מרקד לכאן‬
‫ולכאן במרעה טוב לפני אמו כך התינוק מתענג לפני אביו ואמו ומרקד לכאן ולכאן ומשחק והכל שמחים‬
‫בו‪ ,‬עולם רביעי דומה לסוס שהוא מהלך בסטריות ואימתי כשהגיע על פרקו‪ ,‬כשהוא בן י"ח כשם שהסוס‬
‫‪190‬‬

‫רץ ומשתבח כך הנער משתבח בבחרותו‪ ,‬עולם חמישי דומה לחמור שמניחין עליו אוכף‪ ,‬כך לבני אדם‬
‫מניחין לו אוכפו עליו נותנין לו אשה ומוליד בנים ובנות חוזר והולך לכאן ולכאן ומביא מזון ומפרנס‬
‫לבניו ומכלכל ונותנין עליו משא והוא מעומס מן בנים ובנות ואימתי כשהוא בן ארבעים שנה‪ ,‬עולם ששי‬
‫דומה לכלב שהוא חצוף לכאן ולכאן ונוטל מזה ונותן לזה ואינו מתבייש‪ ,‬עולם שביעי דומה לקוף‬
‫שנשתנה דמותו מכל הבריות שואל על כל דבר ודבר ואוכל ושותה כמו נער ומשחק כמו תינוק וישוב‬
‫לימי עלומיו בדעת אבל לא בדבר אחר ואפילו בניו ואנשי ביתו מלעיגין עליו ומקללין אותו ושונאין אותו‬
‫וכשהוא דובר שום דבר אומרים לו הניחו לו כי הוא נער וזקן והוא דומה לקוף בכל עניניו ובכל דבריו‬
‫ואפילו התינוקות מלעיגין עליו ומשחקין בו ואפילו צפור דרור ינערנו משנתו לסוף הגיע זמנו בא לו‬
‫אותו המלאך ואומר לו תכירני אומר לו הן ואומר לו למה באת לי היום מכל שאר הימים אומר לו המלאך‬
‫כדי להוציאך מן העולם‪ ,‬כי הגיע זמנך להפטר מיד מתחיל בוכה ומשמיע קולו מסוף העולם ועד סופו‪,‬‬
‫ואין הבריות מכירין ולא שומעין את קולו חוץ מן התרנגול בלבד ואומר למלאך הלא כבר הוצאתני משני‬
‫עולמות והכנסתני בזה העולם וא"ל המלאך והלא כבר אמרתי לך שעל כרחך נוצרת ועל כרחך נולדת ועל‬
‫כרחך אתה חי ועל כרחך אתה עתיד ליתן דין וחשבון לפני הקב"ה‪ ,‬והן הן ארבעה מחנות הראה הקב"ה‬
‫לאליהו ז"ל שנאמר )מלכים א‪ ,‬יט( צא ועמדת בהר וגו'‪ ,‬א"ל אליהו מה הן אלו ארבעה מחנות שאתה‬
‫רואה‪ ,‬א"ל רבון העולמים איני יודע‪ ,‬א"ל הקב"ה אלו ארבעה עולמים שאדם עובר עליהם אלו הם רוח‬
‫גדולה וחזק הוא העולם הזה שהוא דומה לרוח שהוא עובר‪ ,‬ואחר הרוח רעש אחר העולם הזה יום‬
‫המיתה שדומה לרעש שמרעיש כל גופו של אדם‪ ,‬ואחר הרעש אש‪ ,‬הוא אחר המיתה דינה של גיהנם‬
‫שהוא כלו אש‪ ,‬ואחר האש קול דממה דקה‪ ,‬אחר דינה של גיהנם זה יום הדין הגדול שנאמר )יואל ב( כי‬
‫גדול יום וגו'‪.‬‬

‫‪C’est un des textes les plus complets et les plus célèbres sur la conception et la formation de‬‬
‫‪l’homme654. Afin de montrer que l’homme est comparable au monde, le ou les auteurs de ce‬‬
‫‪midrash655 effectuent, précisément, un parallèle entre la formation du monde et celle de‬‬
‫‪l’homme. Ce texte aggadique donne donc une description de ce qui se passe peu de temps‬‬
‫‪avant, pendant et après la conception du fœtus ; à ce titre nous le plaçons au début de ce‬‬
‫‪chapitre un peu comme une « introduction par les textes »656. Nous suivons657 et commentons‬‬
‫‪ce texte, jusqu’aux conclusions que nous avons pu en déduire :‬‬

‫‪654‬‬
‫‪Comparer avec ‘Ocar hamidrašim (Eisenstein), infra p. 237 et suivantes.‬‬
‫‪655‬‬
‫‪Il semblerait que se soit à l’école de R. Yoḥanan qu’il faille attribuer la compilation de ces lignes sur la‬‬
‫‪formation de l’homme. Bien que le texte nous soit parvenu à partir de sources tardives, presque toutes ses idées‬‬
‫‪et tous ses thèmes émanent cependant de contemporains et de disciples de R. Yoḥanan (cf. Urbach E., Les sages‬‬
‫‪d’Israël, p. 255).‬‬
‫‪656‬‬
‫‪Afin d’« encadrer » ce long chapitre sur la formation du fœtus, nous avons placé à la fin de ce même chapitre‬‬
‫‪un autre midrash très similaire à celui-ci, bien que moins complet.‬‬
‫‪657‬‬
‫‪En essayant de rendre le style du texte.‬‬
191

Lorsque le Saint, béni soit-Il, a créé le monde, Il l’a fait à l’image de la formation de l’homme
dans le sein de sa mère. En effet, tout comme Dieu a créé le monde en le tendant vers quatre
coins à partir de la pierre angulaire (‫)אבן שתיה‬, l’être humain se forme aussi autour de son
nombril et s’étire de part et d’autre en quatre coins658.
Rabbi Yoḥanan rapporte le verset suivant afin de suggérer qu’il fait allusion au
développement du fœtus in utero : « Il fait de grandes choses, insondables, et des merveilles
innombrables ! »659. S’ensuit donc une description de tout ce que fait Dieu, à partir de
l’accouplement des parents et jusqu’à la naissance de l’enfant660 :

- Au moment où le mari s’accouple avec sa femme, Dieu appelle l’ange en charge de la


grossesse661 (dont le nom est layila662), lui dit qu’un tel fécondera son épouse, et lui ordonne
alors de surveiller la goutte fécondante, de la (prendre dans sa main et de l’implanter) dans la
grange663 en trois cent soixante cinq parties. L’ange apporte la goutte en question devant
(Celui qui a dit que le monde soit), et lui demande ce qu’Il a (décrété pour cette goutte).
Aussitôt, Dieu fixe si elle (sera mâle ou femelle, faible ou forte, pauvre ou riche, petite ou
grande, laide ou belle, grosse ou mince, opprimée ou oppressante et tout ce qui lui arrivera) ;
mais il ne fixe pas si l’être qu’elle sera, deviendra (juste ou méchant, car c’est la seule chose
qui soit entre les mains de l’homme), comme il est écrit : (« Vois ! J’ai mis aujourd’hui devant
toi la vie et le bien, la mort et le mal »)664.
Ensuite, Le Saint, béni soit-Il, appelle l’ange en charge des esprits, lui ordonne de lui apporter
l’esprit (d’un tel qui se trouve dans le jardin d’Eden dont le nom est un tel et les
caractéristiques sont telles et telles, et ce dans la mesure où toutes les âmes existent depuis le
début de la création puisqu’il est écrit : « De ce qui est le nom a déjà été appelé »665. L’ange
s’exécute et apporte l’esprit en question devant Le Saint, béni soit-Il. L’esprit se prosterne
devant Le Saint, béni soit-Il) et se voit ordonner de pénétrer dans la goutte d’un tel. Sur ce,
658
Notre auteur doit probablement faire allusion aux deux membres supérieurs et aux deux membres inférieurs.
659
Job, 9, 10 : .‫אֵ ין ִמסְ ָפּר‬-‫אֵ ין חֵ קֶ ר וְ נִפְ לָאוֹת עַ ד‬-‫עֹ שֶׂ ה גְ דֹלוֹת עַ ד‬
660
Comparer avec ṣefer ḥibuṭ haqever (‫ )ספר חיבוט הקבר‬in Semaḥot, chapitre 1, règle 2. Comparer aussi avec
Nidda, 16b.
661
Ce qui est entre parenthèses n’est pas mentionné (ou différemment) dans le ‘Ocar hamidrašim, (Eisenstein),
infra à partir de la p. 239.
662
Layilah « nuit », comme si l’auteur voulait peut-être dire que l’on s’accouple d’habitude la nuit. Un ange
appelé Nuit est aussi mentionné par R. Yoḥanan en Sanhedrin, 96a.
663
« La grange » est un euphémisme pour l’utérus.
664
Deutéronome, 30, 15 : .‫הָ ָרע‬-‫הַ מָּ וֶת וְ אֶ ת‬-‫הַ טּוֹב וְ אֶ ת‬-‫הַ חַ יִּ ים וְ אֶ ת‬-‫ְראֵ ה נָתַ תִּ י לְ פָ נֶי� הַ יּוֹם אֶ ת‬
Notons que dans le midrash, ce choix est possible après la naissance. Alors que dans le mythe de Platon, les
âmes choisissent, parmi les différents modes de vie, le chemin de vie « qui sera par nécessité le sort de
l’individu », et ce choix est fait « en fonction de ce à quoi l’âme a été habituée dans son existence précédente »
(cf. Platon, La République, 10b, 614 sq., G. Leroux (ed.), Paris, 2002, pp. 512 et suivantes).
665
Ecclésiaste, 6, 10 : .‫יוּכַל ל ִָדין עִ ם שֶׁ תַּ ִקּיף ִממֶּ נּוּ‬-‫אָדם וְ �א‬ ָ ‫הוּא‬-‫שֶּׁ הָ יָה כְּ בָ ר נ ְִק ָרא ְשׁמ ֹו וְ נו ָֹדע אֲשֶׁ ר‬-‫מַ ה‬
192

l’esprit répond qu’il est bien là où il est, et qu’il ne désire pas pénétrer dans cette goutte fétide
car il est saint et pur (puisqu’il est issu de Sa Gloire). Alors, Le Saint, béni soit-Il, lui répond
que le monde où il va est meilleur que le monde où il se trouve et qu’Il ne l’a créé que dans
l’intention de résider dans cette goutte ; puis Le Saint, béni soit-Il, l’introduit dans la goutte,
malgré la volonté de l’esprit. L’ange en charge des grossesses le ramène donc dans le sein
maternel – deux autres veillent à ce qu’il ne glisse pas à l’extérieur – et lui place une lampe
allumée sur la tête666, c’est la raison pour laquelle il est écrit : (« Qui me rendra tel qu’aux
mois d’antan667, aux jours où Dieu me sauvegardait,) alors qu’il faisait briller sa lampe sur ma
tête »668, et l’esprit contemple le monde entier, d’un bout à l’autre ; comme lorsque quelqu’un
est en train de rêver, car quand on rêve être ailleurs, on se « trouve » ailleurs669.
L’ange, ensuite, lui montre le jardin d’Eden670 ainsi que tous les justes qui y résident,
(couronnés de leur diadème,) et là, l’ange, en désignant un juste, demande à l’esprit qui devra
résider dans la goutte, s’il sait quel esprit a habité ce corps. L’esprit l’ignore, et l’ange lui
répond que l’esprit du juste qu’il a désigné a connu le même début que lui, et que s’il
respecte, à son tour, les lois et les commandements du Saint, béni soit-Il, il pourra également
se retrouver au même endroit. Sinon, il finira (ailleurs)… Alors, le soir, l’ange (l’emmène) à
la Géhenne, et lui montre les mauvais qui y résident ainsi que les anges malfaisants qui les
(frappent avec des bâtons de feu et bien que les autres hurlent aïe aïe, les anges n’ont pas de
pitié), et là, l’ange demande à l’esprit s’il sait où étaient ces esprits-ci avant de se retrouver
ici. L’esprit qui devra résider dans la goutte l’ignore ; alors, l’ange lui répond que ces mêmes
(esprits qui brûlent ont été conçus et sont venus au monde, comme cela le sera pour lui, mais
n’ont pas observé la Loi et les commandements du Saint, béni soit-Il. De ce fait) ils se
trouvent dans cet endroit infâme. (Par conséquent,) tâche de ne pas être mauvais mais juste,
lui dit l’ange, afin que tu vives dans le monde à venir.
(Nous savons cela, dit l’auteur du midrash, par l’analyse du verset suivant : « J’ai été, en effet,
un fils pour mon père, tendre et unique aux yeux de ma mère.) Il m’instruisait et me disait :
Que ton cœur retienne mes paroles, garde mes préceptes et tu vivras »671.
(Ainsi :

666
Le thème de la lampe qui brûle au-dessus de la tête du fœtus n’a pas d’équivalent chez Platon.
667
« Aux mois d’antan » i.e. ceux de la grossesse.
668
Job, 29, 2-3 : .� ֶ‫ֹאשׁי לְ אוֹר ֹו אֵ לֶ� חֹ שׁ‬
ִ ‫ בְּ הִ לּ ֹו נֵר ֹו ֲעלֵי ר‬.‫קֶ ֶדם כִּ ימֵ י אֱלוֹהַּ י ְִשׁ ְמ ֵרנִי‬-‫יִתְּ ֵננִי כְ י ְַרחֵ י‬-‫ִמי‬
669
Cf. Nidda, 30b.
670
Le thème de la promenade au jardin d’Eden et dans la Géhenne apparaît aussi dans l’anecdote des deux
hommes pieux à Ashkelon (cf. TJ, Ḥagiga, chapitre 2, page 77, colonne D, règle 2).
671
Proverbes, 4, 3-4 : .‫ ְדּבָ ַרי לִ בֶּ � ְשׁמֹ ר ִמצְ וֹתַ י ו ְֶחיֵה‬-� ָ‫ ַויּ ֵֹרנִי ַויֹּאמֶ ר לִ י יִתְ מ‬.‫בֵ ן הָ יִיתִ י לְ אָבִ י ַר� וְ י ִָחיד לִ פְ נֵי אִ מִּ י‬-‫כִּ י‬
Rabbi Simlay (AI2) s’appuie sur ce dernier verset pour affirmer plutôt que c’est ainsi que l’on sait que le fœtus
apprend toute la Torah.
193

1) « J’ai été, en effet, un fils pour mon père » correspond à la période où j’étais le fils du
Saint, béni soit-Il, dans le sein de ma mère.
2) « Tendre et unique aux yeux de ma mère » est à prendre au sens propre ; c’est-à-dire que
j’étais mou et seul dans le sein de ma mère.
4) « Il m’instruisait et me disait : Que ton cœur retienne mes paroles », c’est l’ange qui le
faisait.
5) « Garde mes préceptes et tu vivras » correspond à ce qui a été dit plus haut, à savoir : le
monde à venir pour les justes.

De la sorte Le Saint, béni soit-Il, le met en garde pour l’ensemble des choses qui l’attendent.
Ainsi,) du matin jusqu’au soir, l’ange lui montre le lieu où il (mourra) et l’endroit où il sera
enterré. (L’ange le promène ensuite sur toute la surface du globe, lui montre les justes, les
méchants et tout le reste.) Le soir, l’ange le ramène dans le sein maternel, et Le Saint, béni
soit-Il, place des portes et des verrous à l’endroit voulu, ainsi qu’il est écrit : « Qui enferma, à
deux battants, la mer, quand elle jaillissait, quand elle sortait du sein ? »672. On lui y enseigne
toute la Torah, comme il est écrit : « J’ai mis mes paroles dans ta bouche et je t’ai abrité dans
l’ombre de ma main, en déployant les cieux, en fondant la terre et en disant à Sion : tu es mon
peuple »673.

- Le « fœtus » est donc placé dans le sein maternel – pendant neuf mois674 :

1) Pendant les trois premiers mois de la grossesse, l’embryon occupe la chambre la plus basse
de la matrice.
2) Pendant les mois intermédiaires, il occupe la chambre du milieu.
3) Pendant les derniers mois, la chambre haute.
4) (Puis, au moment de naître, il passe d’un coup de la chambre haute à celle du milieu et de
cette dernière à la première.)

Durant toute la grossesse, le fœtus mange de ce que mange sa mère et boit de ce qu’elle boit,
sans pour autant faire d’excréments, c’est pourquoi il est écrit : « Il fait de grandes choses,
(insondables et des merveilles innombrables !) »675. Lorsque, enfin, le moment de sortir à l’air

672
Job, 38, 8 (voir infra p. 229 note 785).
673
Isaïe, 51, 16 : .‫אָ תָּ ה‬-‫אָרץ וְ לֵאמֹ ר לְ צִ יּוֹן עַ מִּ י‬
ֶ ‫וָאָ ִשׂם ְדּבָ ַרי בְּ פִ י� וּבְ צֵ ל י ִָדי כִּ סִּ יתִ י� לִ ְנ ֹטעַ שָׁ מַ יִם וְ לִ יסֹד‬
674
Les différentes étapes que l’auteur du midrash mentionne figurent in Nidda, 31a.
675
Job, 9, 10 : .‫אֵ ין ִמסְ ָפּר‬-‫אֵ ין חֵ קֶ ר וְ נִפְ לָאוֹת עַ ד‬-‫עֹ שֶׂ ה גְ דֹלוֹת עַ ד‬
194

du monde arrive, l’ange lui ordonne de sortir, mais le fœtus lui demande pourquoi faire une
telle chose. Sur ce, l’ange lui répond qu’il a été placé dans le sein maternel (malgré sa propre
volonté, qu’il mourra malgré sa volonté, et qu’il sera amené à rendre des comptes devant Le
Roi des rois, Le Saint, béni soit-Il. Mais comme le fœtus ne veut pas sortir, l’ange) le frappe,
lui éteint la lampe au-dessus de sa tête, (et le fait sortir à l’air du monde malgré sa volonté.

- Aussitôt, le nouveau-né) oublie tout ce qu’il a vu (et ce qu’il sait. Et s’)il pleure, (c’est parce
qu’il quitte un endroit spacieux et confortable, ainsi que le monde antérieur dont il est issu). À
cet instant, on lui fait défiler les sept mondes qui l’attendent :

1) Le premier monde est semblable à celui des rois, dans la mesure où tout le monde
s’inquiète pour lui, l’embrasse et le choie (parce qu’il n’est âgé) [que] d’un an.
2) Le deuxième monde est semblable à celui des cochons, dans la mesure où l’enfant traîne
dans les ordures et les excréments – (lorsqu’il a) deux ans.
3) Le troisième monde est semblable à celui des caprins, dans la mesure où (comme le
chevreau) il danse deci delà, (devant sa mère, dans un environnement agréable).
4) Le quatrième monde est semblable à celui des chevaux, dans la mesure où, (à l’âge de) dix-
huit ans, il marche avec fierté et se réjouit de sa fiancée.
5) Le cinquième monde est semblable à celui des ânes, dans la mesure où, (vers l’âge de
quarante ans), on le charge d’une femme et d’enfants qu’il devra nourrir.
6) Le sixième monde est semblable à celui des chiens, dans la mesure où (comme le chien, il
est insolent, car) il devra arracher à l’un pour donner à l’autre, sans avoir honte.
7) Le septième monde est semblable (à celui des singes, car il ressemble peu à peu au singe,
dans la mesure où son allure s’altère. Il pose trop de questions676, mange et boit comme un
adolescent, et s’amuse comme un enfant.) Les membres de sa famille le maudissent et
attendent sa mort, même les enfants se moquent de lui.

- (Enfin,) au moment où il doit mourir, le même ange du début s’approche de lui et lui
demande s’il le reconnaît. Le vieil homme acquiesce en lui demandant la raison pour laquelle
il vient chez lui aujourd’hui (plutôt que les autres jours). L’ange lui répond que c’est pour le
retirer du monde (car son heure est arrivée.) Aussitôt, l’homme pleure, et pousse un cri qui

676
Comme le font les enfants.
195

s’entend d’un bout à l’autre du monde, mais qu’aucun être, hormis le coq677, n’est capable
d’entendre. Alors le mourant dit à l’ange : « tu m’as déjà sorti de deux mondes678 pour me
mettre dans celui où je vis », et l’ange lui répond : « je t’ai déjà dit que, malgré toi, tu as été
conçu, puis tu es né et tu as vécu, et que tu devra rendre des comptes devant le Roi des rois,
Le Saint, béni soit-Il. ».

À partir d’ici dans le texte, l’auteur se sert du passage concernant les différents mondes que
l’ange montre au fœtus, pour rappeler ceux que Dieu a montrés au prophète Élie. Il cite Rabbi
Yoḥanan, qui interprète un verset biblique679, en suggérant que Dieu a fait voir à Élie les
quatre mondes par lesquels peut passer tout être humain.
Ainsi, s’appuyant sur le verset : « Et voici que L’Éternel passe. Un vent fort secoue les
montagnes et brise les rochers par devant L’Éternel ; mais L’Éternel n’est pas dans le vent. Et
après le vent, un tremblement de terre ; mais L’Éternel n’est pas dans le tremblement de
terre. Et après le tremblement de terre, un feu ; mais l’Éternel n’est pas dans le feu. Et après le
feu, le son d’une brise légère », Rabbi Yoḥanan dit donc que :

1) Le vent fort est comme ce monde-ci, dans la mesure où il est semblable à un vent680.
2) Le tremblement de terre est comme la mort, parce qu’elle fait trembler tout le corps du
mourant.
3) Le feu est comme les flammes de la Géhenne.
4) Et le son d’une brise légère est comme le jour du grand jugement, qui est léger murmure681,
comme il est écrit : « (…) car le jour de l’Éternel est grand, il est terrible : qui pourra le
soutenir ? »682.

677
Job, 38, 36 : .‫נָתַ ן לַשֶּׂ כְ וִ י בִ ינָה‬-‫שָׁ ת בַּ טֻּ חוֹת חָ כְ מָ ה א ֹו ִמי‬-‫ ִמי‬. Dans ce verset, selon les Sages, le coq y est vu comme un
symbole d’intelligence ; cf. le commentaire de RaSHi sur lasekhwi (‫)לשכוי‬.
678
Le monde des esprits et celui du sein maternel.
679
I Rois, 19, 11 :
ַ‫וּמשַׁ בֵּ ר סְ לָעִ ים לִ פְ נֵי יְהוָה �א בָ רוּחַ יְהוָה וְ אַחַ ר הָ רוּח‬
ְ ‫ַויֹּאמֶ ר צֵ א וְ עָ מַ ְדתָּ בָ הָ ר לִ פְ נֵי יְהוָה וְ הִ נֵּה יְהוָה עֹ בֵ ר וְ רוּחַ גְּ ד ֹולָה וְ חָ זָק מְ פָ ֵרק הָ ִרים‬
.‫ַרעַ שׁ �א בָ רַ עַ שׁ יְהוָה‬
680
Veut t-il dire par là que la vie peut être aussi vive et rapide qu’un coup de vent ?
681
Veut t-il dire que le son de Sa voix peut être à peine audible, mais la sentence qu’Il prononce – à ce moment-
là- terrible ?
682
« L’Éternel fait entendre sa voix devant son armée ; car son camp est immense, et l’exécuteur de sa parole est
puissant ; car le jour de l’Éternel est grand, il est terrible : qui pourra le soutenir ? » (Joël, 2, 11) :
.‫וּמי יְכִ ילֶנּוּ‬
ִ ‫יְהוָה וְ נו ָֹרא ְמאֹ ד‬-‫גָדוֹל יוֹם‬-‫וַיהוָה נָתַ ן קוֹל ֹו לִ פְ נֵי חֵ יל ֹו כִּ י ַרב ְמאֹ ד מַ ֲחנֵהוּ כִּ י עָ צוּם עֹ שֵׂ ה ְדבָ ר ֹו כִּ י‬
196

Les représentations de la vie intra utérine, dans l’esprit des auteurs de ce midrash, peuvent se
résumer en trois points :
1) Le fœtus est préservé de toutes les contingences du monde. L’auteur du midrash prend
comme argument le verset : « Qui me rendra tel qu’aux mois d’antan, aux jours où Dieu me
sauvegardait ? »683.
2) L’« âme » du fœtus apprend et contemple le monde. Propos fondés sur les versets
suivants : « J’ai mis mes paroles dans ta bouche et je t’ai abrité dans l’ombre de ma main
(…) »684 et « alors qu’il faisait briller sa lampe sur ma tête »685. À propos précisément de
l’apprentissage de la Torah par le fœtus et de son oubli au moment de sa naissance, on note,
avec A. Jellinek686, le parallèle entre cette idée et l’anamnèse du mythe platonicien687.
3) Le fœtus est nourri par sa mère comme la terre par la pluie. Cette image n’est pas la nôtre,
mais rapportée plus loin par l’auteur688. Il pense, en effet, que le fœtus absorbe la nourriture à
travers les parois du ventre de sa mère, comme la pluie pénètre la terre pour l’irriguer ; il tire
cette interprétation du verset : « Tel que j’étais aux jours de mon hiver689 quand Dieu
protégeait ma tente. »690.

683
Job, 29, 2 : .‫קֶ ֶדם כִּ ימֵ י אֱלוֹהַּ י ְִשׁ ְמ ֵרנִי‬-‫יִתְּ ֵננִי כְ י ְַרחֵ י‬-‫ִמי‬
684
Isaïe, 51, 16.
685
Job, 29, 3 : .� ֶ‫ֹאשׁי לְ אוֹר ֹו אֵ לֶ� חֹ שׁ‬ ִ ‫בְּ הִ לּ ֹו נֵר ֹו ֲעלֵי ר‬
686
Voir l’introduction de son Beyt ha-midraš, Vol. 1, chapitre 27 et Joel M., Blicke, I, p. 119.
687
Cf. Platon, ibid.
688
Cf. in Midraš tanḥuma (Warsa), section tazriya‘, § 1 et comparer avec Yalquṭ šim‘oni, Lévitique, section
šemini, remez 547 (‫)תקמז‬, § 12 (voir infra p. 219).
689
Puisque en hiver, en général, il pleut. De plus, l’auteur joue avec le double sens de ḥorpi (‫ « )חרפי‬mon hiver »
et « ma force/ma jeunesse ».
690
« Ma tente » est ici une image qui désigne l’utérus de sa mère. Job, 29, 4 :
.‫ַכּאֲשֶׁ ר הָ יִיתִ י בִּ ימֵ י חָ ְרפִּ י בְּ סוֹד אֱלוֹהַּ ֲעלֵי אָהֳלִ י‬
197

2.2. La fécondation (Théories sur la fécondation)

Lévitique rabba691
‫הוי חיים וחסד עשית עמדי אם של אשה מלא דם עומד וממנו יוצא למקום נדתה וברצונו של הקב"ה‬
‫הולכת טפה של לבנות ונופלת לתוכה מיד הולד נוצר משל לחלב שנתון בקערה אם נותן לתוכו מסו‬
‫ לשני ציירין זה צר דמותו של זה וזה צר דמותו של זה לעולם הנקבה‬,‫נקפא ועומד ואם לאו הולך רופף‬
‫ ד( ואשתו היהודיה ילדה את ירד‬,‫מן איש והזכר מן האשה הזכר מן האשה מנין שנא' )דברי הימים א‬
‫וכתיב )בראשית כב( ופילגשו ושמה ראומה ותלד גם היא וגו' הה"ד אשה כי תזריע וילדה זכר ונקבה מן‬
‫האיש שנאמר )בראשית כב( ובתואל ילד את רבקה )בראשית מו( ואת דינה בתו )במדבר כו( ושם בת‬
‫אשר סרח א"ר אבין לית ספר דמספר לגרמיה משל לשנים שנכנסו למרחץ זה שמזיע ראשון יצא ראשון‬
‫אמר ר' אבהו טובה גדולה עושה הקב"ה עם אשה זו בעוה"ז שלא התחיל בצורת הולד בגידים ועצמות‬
.‫שאלו התחיל כן היה מבקיע כריסה‬

« Puis de la vie tu m’accorda la grâce, tu m’as conservé par tes soins et sous ta
garde. »692

L’auteur du midrash rapporte ce que disent les Sages sur ce verset et le verset 10 du livre de
Job, pour exposer la manière dont la vie d’un être humain commence :
Il suppose que la matrice est pleine de sang stagnant, puis, au moment des menstrues, du sang
se dirige vers le vagin, et dès qu’une goutte de semence parvient à entrer en contact avec ce
sang, un embryon est aussitôt créé. La métaphore qu’il rapporte sur sa conception de la
fécondation, est précisément celle du caillement du lait par la présure693.
L’auteur rapporte aussi ce que dit Rabbi Ḥiya bar Aba (AI3) sur la grossesse, à savoir que la
fécondation n’est possible qu’aussitôt après les règles ou peu après.
Ensuite, l’auteur rappelle que le garçon ressemble à sa mère et la fille à son père :

691
Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 9.
692
« Puis de la vie tu m’accorda la grâce, tu m’as conservé par tes soins et sous ta garde. » (Job, 10, 12) :
.‫רוּחי‬
ִ ‫חַ יִּ ים וָחֶ סֶ ד עָ ִשׂיתָ עִ מָּ ִדי וּפְ קֻ ָדּתְ � שָׁ מְ ָרה‬
693
Comparer avec Midraš agada (Buber), Lévitique, chapitre 12.
198

1) Le garçon à sa mère puisqu’il est écrit : « Et sa femme, la Judéenne, enfanta Yéréd


(…) »694 et « Sa concubine, du nom de Réouma, enfanta, elle aussi : Tébakh, Gakham,
Takhash et Maacah. »695.
2) La fille à son père puisqu’il est écrit : « Et Bethuël engendra Rébecca. (…) »696 et « Et le
nom de la fille d’Asher était Sérakh »697.

Enfin, l’auteur du midrash rapporte la réflexion de Rabbi Ḥanina (AI1), citée par Rabbi
Abahou (AI3) : « Dieu a accordé une grâce particulière à la femme en faisant en sorte que la
conception du fœtus ne commence pas par les nerfs et les os ; autrement il percerait le ventre
de sa mère. »698.

L’idée principale est la suivante : les rabbins mentionnés dans ce midrash soulignent que
l’homme et la femme participent à la fécondation, mais pas obligatoirement de façon égale.
Ce midrash n’est en effet pas nécessairement contradictoire avec le précédent, si l’on admet
que le sein maternel est, précisément, le lieu unique où la fécondation est possible. Un
midrash relatant une conception extra-utérine, pour ne pas dire in vitro, nous forcerait
davantage à admettre qu’ils se doutaient de la participation sine qua non de la femme – au
sens génétique que nous en savons aujourd’hui – dans la conception du fœtus.

694
« Et sa femme, la Judéenne, enfanta Yéréd, père de Guedor, Héber, père de Sokoh, et Yeqouthiël, père de
Zanoakh. Et ceux-ci sont les fils de Bithyah, fille de Pharaon, que Méred prit [pour femme]. » (I Chroniques, 4,
18) : .‫פַּ ְרעֹ ה אֲשֶׁ ר לָקַ ח מָ ֶרד‬-‫יְקוּתִ יאֵ ל אֲבִ י זָנוֹחַ וְ אֵ לֶּה בְּ נֵי בִּ תְ יָה בַ ת‬-‫חֶ בֶ ר אֲבִ י שׂוֹכ ֹו וְ אֶ ת‬-‫י ֶֶרד אֲבִ י גְ דוֹר וְ אֶ ת‬-‫וְ אִ ְשׁתּ ֹו הַ ְיה ִֻדיָּה יָלְ ָדה אֶ ת‬
695
Genèse, 22, 24 : .‫מַ ֲעכָה‬-‫תַּ חַ שׁ וְ אֶ ת‬-‫גַּחַ ם וְ אֶ ת‬-‫טֶ בַ ח וְ אֶ ת‬-‫הִ וא אֶ ת‬-‫וּשׁמָ הּ ְראוּמָ ה וַתֵּ לֶד גַּם‬ ְ ‫וּפִ ילַגְ שׁ ֹו‬
696
« Et Bethuël engendra Rébecca. Ces huit sont ceux qu’enfanta Milkas à Nakhir, frère d’Abraham. » (Genèse,
22, 23) : .‫ ִרבְ קָ ה שְׁ מֹ נָה אֵ לֶּה יָלְ ָדה ִמלְ כָּה לְ נָחוֹר א ֲִחי אַבְ ָרהָ ם‬-‫וּבְ תוּאֵ ל ָילַד אֶ ת‬
697
Nombres, 26, 46 : .‫אָ שֵׁ ר שָׂ ַרח‬-‫וְ שֵׁ ם בַּ ת‬
698
Comparer avec Midraš agada (Buber), Lévitique, chapitre 12.
199

2.2.1. Conseils durant la grossesse

Midraš agada699
‫ אמרו רבותינו ז"ל כי האיש מזריע זרע‬,(‫ י‬,‫זה שאמר הכתוב הלא כחלב תתיכני וכגבינה תקפיאני )איוב י‬
‫ אום של אשה לעולם מלא דם‬,‫ ומהם הולד נוצר‬,‫לבן והאשה מזרעת זרע אדום ומתערבין זה עם זה‬
‫ וכשיגיע‬,‫ וברצונו של הקב"ה ]הולכת[ טיפה אחת של לבן בתוך המקור‬,‫שממנו דם נדה יוצא מן המקור‬
‫ כיון שנפלה בו טיפה‬,‫ לחלב שהוא מוטל בקערה‬,‫ משלו למה הדבר דומה‬,‫הזרע לשם מיד קופה ועומד‬
‫ כמו‬,‫ ומיד עולה עליו גידים ובשר‬,'‫ כמו שנאמר הלא כחלב תתיכני וגו‬,‫של קיבה מיד קופא אותו ועומד‬
‫ רבי‬.(‫ ח‬,‫שנאמר ביחזקאל וראיתי והנה עליהם גידים ובשר עלה ויקרם עליהם עור מלמעלה )יחזקאל לז‬
‫ ואחר כך נגמר‬,‫ מה פירות הללו קליפה שלהם נגמרת תחלה‬,‫חנינא אומר אין יצירת העובר אלא כפירות‬
‫ ואם אתה אומר עצמות נבראו‬,‫ ואחר כך נוצר בשר וגידים ועצמות‬,‫ כך העובר נוצר תחלה‬,‫האוכל בתוכה‬
‫ מארבעים ועד ששים‬,‫ ואמרו רבותינו ז"ל עד ארבעים יום הולד נוצר‬,‫ כבר בוקעין מיעיה של אשה‬,‫תחלה‬
‫ ואם שימש‬,‫ ויום תשעים אסור לשמש‬,‫ מששים ועד תשעים בית הולד נסתם‬,‫הולד ניכר בין זכר בין נקבה‬
‫ שלשה בינונים‬,‫ שלשה חדשים הראשונים רע לאשה ורע לולד‬,‫ תשמיש המטה כיצד‬.‫הרי זה שופך דמים‬
‫ ועד שלשה חדשים הראשונים מתפללים‬:‫ שלשה אחרונים יפה לאשה ויפה לולד‬,‫רע לאשה ויפה לולד‬
‫ מששה ועד תשעה‬,‫ משלשה ועד ששה מתפללים עליו כדי שלא יהא נפל‬,‫עליו כדי שלא יהא בו מום‬
.‫מתפללים כדי שיצא בשלום‬

« Ne m’as-tu pas versé comme du lait ? Et comme le fromage ne m’as-tu point caillé ?
De peau et de chair tu me vêtis, et d’os et de nerfs tu me tissas. »700

L’auteur du recueil rapporte l’interprétation des Sages sur ce verset. Et ce sont des textes que
nous avons déjà partiellement vus, mais qui méritent quand même leur place puisqu’ils
apportent de nouvelles informations701.
Cette interprétation fait donc dire, au verset sus cité, que l’utérus, on l’a vu, est un lieu plein
de sang, puis, au moment des menstrues, du sang se dirige vers le vagin, et dès qu’une goutte
de semence parvient à entrer en contact avec ce sang, un embryon est aussitôt créé.
La parabole qui est donnée à leur conception de la fécondation est également celle de la
coagulation du lait par de la présure. La formation de l’embryon commence, on l’a vu aussi,

699
Midraš agada (Buber), Lévitique, chapitre 12. C’est le nom d’un recueil de textes aggadiques tirés d’un
manuscrit d’Alep et édité par Salomon Buber à Vienne en 1894. La rédaction de ces textes doit également dater
de la même époque que celle du Midraš tanḥuma – i.e. entre le 5ème et le 7ème siècle de notre ère.
700
Job, 10, 10-11 : .‫ עוֹר וּבָ שָׂ ר תַּ לְ בִּ ישֵׁ נִי וּבַ עֲצָ מוֹת וְ גִ ִידים תְּ שֹׂכְ ֵכנִי‬.‫הֲ�א כֶחָ לָב תַּ תִּ י ֵכנִי וְ כַגְּ בִ נָּה תַּ ְקפִּ יאֵ נִי‬
701
Comparer donc ce recueil avec Lévitique rabba (Tora la‘am), section 14, § 9.
200

par les nerfs et la chair puisqu’il est écrit : « Je regardai et voici qu’il y avait sur eux des nerfs,
de la chair croissait et il étendit sur eux de la peau par-dessus (…) »702.
Ensuite, l’auteur du Midraš rapporte la réflexion de Rabbi Ḥanina sur la formation du fœtus,
qui la compare à celle d’un fruit. Pour lui, en effet, comme l’écorce du fruit se forme avant sa
chair, l’enveloppe de l’embryon (sa peau) constitue sa chair, ses nerfs et ses os. Il justifie ce
sens par le fait que si la formation de l’embryon commençait par les os, ces derniers
transperceraient le sein maternel dans lequel il se trouve.
L’auteur énonce ensuite les différentes étapes qu’il voit dans la grossesse, et c’est précisément
de ce nouvel apport que nous tirerons de nouvelles informations :

1) Jusqu’au quarantième jour inclus l’embryon se forme703.


2) Du quarantième au soixantième son sexe se détermine704.
3) Du soixantième au quatre-vingt-dixième le « sein maternel » (‫ )בית הולד‬se ferme.
4) Et le quatre-vingt-dixième jour uniquement toute relation sexuelle est interdite puisque cela
équivaudrait à verser le sang705.

Ce dernier point lui sert de transition pour rapporter, sans le préciser, la baraïta706 suivante
quant aux moments opportuns pour avoir des relations sexuelles avec une femme quand elle
est enceinte :

- Durant les trois premiers mois de la grossesse les rapports sexuels nuisent à la femme et à
l’enfant707.
- Durant les mois intermédiaires les rapports sexuels nuisent à la femme mais sont
bienfaisants pour l’enfant.
- Durant les derniers mois ils sont bienfaisants pour la femme et pour l’enfant.

702
Ezéchiel, 37, 8 : .‫ ֲעלֵיהֶ ם גִּ ִדים וּבָ שָׂ ר עָ לָה וַיִּ ְק ַרם ֲעלֵיהֶ ם עוֹר ִמלְ מָ עְ לָה וְ רוּחַ אֵ ין בָּ הֶ ם‬-‫וְ ָראִ יתִ י וְ הִ נֵּה‬
703
Comparer avec Avot de Rabbi Natan, § 2, chapitre 42 (Les Petits Traités).
704
Comparer avec Berakhot, 60a où il est dit qu’à partir du troisième jour et jusqu’au quarantième le père doit
prier pour que l’enfant soit de sexe masculin.
705
Comparer avec Nidda, 31a où il y ait ajouté : « Comment savoir [exactement quel jour est le quatre-vingt
dixième] ? Qu’on agisse comme à l’accoutumée a dit Abaye [car] : « L’Éternel veille sur les simples ; j’étais
malheureux et Il m’a sauvé. » (Psaumes, 116, 6) » : . ַ‫ ; שֹׁמֵ ר פְּ תָ איִם יְהוָה ַדּ�תִ י וְ לִ י יְהו ִֹשׁיע‬cf. le commentaire de
RaSHi sur leyom tiš‘im (‫ )ליום תשעים‬in Nidda, 31a vis à vis de l’interdiction particulière ce jour-là de relations
charnelles.
706
Nidda, idem.
707
Car, comme nous le rappelle RaSHi, l’embryon se trouve dans la chambre basse de l’utérus. Et Comparer
avec ṣefer ḥibuṭ haqever (‫ )ספר חיבוט הקבר‬in Semaḥot, chapitre 1, règle 2.
201

Enfin, reprenant la division de la grossesse en trois trimestres, il évoque les complications


concomitantes – et peut-être observées – avec cette division, et contre lesquelles on
s’efforcera de prier. Cette division et ces complications sont tirées d’une autre baraïta708 :

- Jusqu’à trois mois, on prie pour que le fœtus n’ait pas de malformation709.
- De trois à six mois, on prie pour qu’il ne soit pas avorton710.
- De six à neuf mois, on prie pour qu’il sorte sans problème.

708
Berakhot, 60a.
709
Comparer avec Berakhot, idem : « Pour qu’il ne soit pas ṣandal ».
710
Autrement dit pour que sa mère ne fasse pas une fausse-couche.
202

2.3. Formation du fœtus (Influence de la vue sur le fœtus)

Genèse rabba711
‫ כך היה אבינו יעקב נותן את המקלות‬,‫ חוטר חיור דלוז ודדליף‬,‫ויקח לו יעקב מקל לבנה לח ולוז וערמון‬
‫בשקתות המים והיתה בהמה באה לשתות ורואה את המקלות ונרתעת לאחוריה והזכר רובעה והיתה‬
,‫ א"ר הושעיה נעשו המים זרע בתוך מעיהם ולא היו חסירות אלא צורת הולד בלבד‬,‫יולדת כיוצא בו‬
‫ תפס האב לבן ובא לו אצל ר' א"ל שמא‬,‫מעשה בכושי אחד שנשא לכושית אחת והוליד ממנה בן לבן‬
‫ א"ל מיכן שהיה לך בן‬,‫אינו בני א"ל היה לך מראות בתוך ביתך א"ל הן א"ל שחורה או לבנה א"ל לבנה‬
‫ א"ר הונא דבית חורון מלאכי השרת היו טעונים מתוך צאנו של לבן באים ונותנים בתוך צאנו של‬,‫לבן‬
‫ הה"ד שא נא עיניך וראה כל העתודים העולים על הצאן עולים על הצאן אין כתיב כאן אלא‬,‫יעקב‬
‫ ובהעטיף הצאן לא‬,‫ רבנן אמרי ענני כבוד‬,‫ ר' תנחומא אמר שטף של גשמים‬,‫העולים מאליהם היו עולים‬
‫ ריש לקיש אמר לקישיא‬,‫ רבי יוחנן אמר בכירייא דלבן‬,‫ ר' יוחנן וריש לקיש‬,‫ישים והיו העטופים ללבן‬
.‫דלבן‬

« Jacob se procura de fraîches baguettes de peuplier, d’amandier et de platane. Il y


écorça des raies blanches, en mettant à nu le blanc qui est sur les baguettes. Puis il mit
les baguettes, qu’il avait écorcées dans les auges où s’abreuvent les brebis. Quand les
brebis entraient en chaleur devant ces baguettes qui étaient sous leurs yeux, les brebis
mettaient bas des rayés, des pointillés et des tachetés. »712

Jacob commence par transformer des baguettes simples en baguettes bariolées, qu’il dépose
ensuite dans les auges où les brebis viennent boire avant d’entrer en chaleur et de s’accoupler
avec les mâles. Ainsi, il agit sur la vue des femelles et sur leur conception. Les portées seront
donc volontairement transformées dans le sens profitable à Jacob. Rabbi Hoshaya (TA) ajoute
que même l’eau s’est transformée en semence dans le ventre des brebis, et qu’il ne lui
manquait plus que la forme embryonnaire713.
Suivant la même idée, l’auteur du midrash rapporte l’histoire d’un homme noir et de son
épouse noire qui a accouché d’un enfant blanc. Pour expliquer ce phénomène, Rabbi Hoshaya
711
Genèse rabba (Vilna), section 73, § 10. Sa rédaction s’échelonne entre le début du 5ème siècle et le courant du
ème
6 siècle de l’ère commune.
712
Genèse, 30, 37-39 :
‫הַ מַּ ְקלוֹת אֲשֶׁ ר פִּ צֵּ ל‬-‫ ַויַּצֵּ ג אֶ ת‬.‫הַ מַּ ְקלוֹת‬-‫ל ֹו ַיעֲקֹ ב מַ קַּ ל לִ בְ נֶה לַח וְ לוּז וְ עַ ְרמוֹן ַויְפַ צֵּ ל בָּ הֵ ן פְּ צָ לוֹת לְ בָ נוֹת מַ ְחשֹׂף הַ לָּבָ ן אֲשֶׁ ר עַ ל‬-‫וַיִּ קַּ ח‬
‫הַ מַּ ְקלוֹת וַתֵּ ל ְַדן ָ הַ צֹּאן עֲקֻ ִדּים‬-‫ ַו ֶיּחֱמוּ הַ צֹּאן אֶ ל‬.‫בָּ ְרהָ ִטים בְּ ִשׁ ְקתוֹת הַ מָּ יִם אֲשֶׁ ר תָּ בֹאן ָ הַ ֹצּאן לִ ְשׁתּוֹת לְ נֹ כַח הַ צֹּאן ַויֵּחַ ְמנָה בְּ בֹאָן לִ ְשׁתּוֹת‬
.‫וּטלֻאִ ים‬ְ ‫נְקֻ ִדּים‬
713
Comparer avec Sekhel ṭov (Buber) sur Genèse, 31 et aussi avec Yalquṭ šim‘oni, Genèse, section wayece’
(‫)ויצא‬.
203

demanda au noir s’il a des objets de couleur blanche chez lui, et l’homme acquiesce. Alors,
Rabbi Hoshaya lui rétorqua que la vue d’objets de couleur blanche a précisément provoqué la
naissance de cet enfant blanc.

Ces textes semblent indiquer qu’à l’époque de Rabbi Hoshaya (3ème siècle) on supposait déjà
une influence de la vue, comme du psychisme en général sans doute, sur le fœtus714. Rabbi
Hoshaya semble, en outre, attribuer à la matière même (l’eau ici) une certaine capacité dans la
formation du fœtus.

714
Rabbi Yoḥanan d’ailleurs, connu pour sa beauté, s’asseyait à la sortie des bains rituels afin que les femmes
qui le voyaient fassent des enfants aussi beaux que lui (voir Berakhot, 20a). De même que l’on préconise de ne
pas penser à quelqu’un d’autre qu’à son partenaire lors de relations sexuelles afin de ne pas avoir des « bâtards »
i.e. l’enfant ressemble à celui auquel on a pensé (Nedarim, 20b).
204

2.3.1. La bienveillance divine 1

Lévitique rabba715
‫( אמר רבי שמואל בר אידי בשם רב‬...) ‫)בראשית כב( וישא אברהם את עיניו וירא את המקום מרחוק‬
‫אחא הפסוק הזה אם אליהוא אמרו מאליו שבח ואם ברוח הקדוש אמרו שבחי שבחים רבי לוי אמר תלת‬
‫בנוהג שבעולם מפקיד אדם אצל חבירו ארנקי של כסף בחשאי ומחזיר לו ליטרא של זהב בפרהסיא אינו‬
‫מחזיק לו טובה כך הקב"ה מפקידין לו הבריות טיפה של לכלוכית בחשאי והקב"ה מחזיר להם נפשות‬
‫משובחות שלמות בפרהסיא ואין זה שבח הוי )איוב לו( אשא דעי למרחוק ולפועלי אתן צדק רבי לוי‬
‫אמר אוחרי בנוהג שבעולם אדם חבוש בבית האסורין אין כל בריה משגחת עליו בא אחד והדליק לו שם‬
(‫נר אינו מחזיק לו טובה כך הקב"ה הולד שרוי במעי אמו ומאיר לו שם נר הוא שאיוב אומר )איוב כט‬
‫בהלו נרו עלי ראשי אין זה שבח הוי ולפועלי אתן צדק ר"ל אומר אוחרי בנוהג שבעולם אדם חבוש בבית‬
‫האסורין ואין כל בריה משגחת עליו בא אחד והתירו והוציאו משם אינו מחזיק לו טובה כך הולד שרוי‬
.‫במעי אמו ובא הקב"ה והתירו והוציאו משם‬

« (…) Abraham leva les yeux et vit l’endroit au loin »716

Rabbi Shemouel bar Idi, qui cite Rav Aḥa, affirme qu’il est possible de voir à travers ce verset
les merveilles qui s’opèrent à notre insu, et Rabbi Levi (TA) donne précisément l’exemple de
la formation de l’être humain dans le ventre de sa mère : l’homme, dit-il, dépose une goutte de
semence en secret, et Dieu lui rend un être louable et complet en public. Rabbi Levi illustre
cette dernière idée par l’exemple suivant : quand Dieu donne un être louable et complet à
quelqu’un qui n’a fait que déposer sa semence dans le corps de sa femme, cela ressemble à un
homme à qui l’on confierait en secret quelques pièces d’argent, et qui rendrait en public des
dizaines de pièces d’or. Il développe ensuite une métaphore quant à l’attitude de Dieu envers
le fœtus durant la grossesse :
À partir du verset : « Alors qu’il faisait briller sa lampe sur ma tête et qu’à sa lumière je
traversais les ténèbres ! »717, Rabbi Levi compare la situation du fœtus dans le sein de sa mère
à celle d’un homme en prison, dans la mesure où :

715
Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 2. Sa rédaction date du milieu 7ème siècle de l’ère commune.
716
« Au troisième jour, Abraham leva les yeux et vit l’endroit au loin. » (Genèse, 22, 4) :
.‫הַ מָּ קוֹם מֵ רָ חֹ ק‬-‫עֵ ינָיו ַויּ ְַרא אֶ ת‬-‫ישׁי וַיִּ שָּׂ א אַבְ ָרהָ ם אֶ ת‬
ִ ִ‫בַּ יּוֹם הַ ְשּׁל‬
717
Job, 29, 3 : .� ֶ‫ֹאשׁי לְ אוֹר ֹו אֵ ֶל� חֹ שׁ‬
ִ ‫בְּ הִ לּ ֹו נֵר ֹו ֲעלֵי ר‬
205

1) Dieu protège le fœtus durant la grossesse puisqu’Il fait briller une lampe au-dessus de sa
tête ; c’est à dire que Dieu amène le fœtus jusqu’à son terme.
Et
2) Dieu le libère du sein maternel puisqu’Il lui fait traverser les ténèbres.

L’axe central, pour nous, de ce midrash est la mise en valeur de l’aspect prodigieux de la
grossesse et de la naissance.
‫‪206‬‬

‫‪2.3.2. La bienveillance divine 2‬‬

‫‪Lévitique rabba718‬‬
‫)איוב י( חיים וחסד עשית עמדי ופקדתך שמרה רוחי רבי אבא בר כהנא אמר תלת בנוהג שבעולם אם‬
‫נוטל אדם ארנקי של מעות ונותן הפה למטה אין המעות מתפזרות והולד שרוי במעי אמו והקב"ה‬
‫משמרו שלא יפול וימות אין זה שבח הוי חיים וחסד עשית עמדי ר' אבא בר כהנא אמר אוחרי בנוהג‬
‫שבעולם בהמה זו מהלכת רבוצה והולד נתון בתוך מעיה כמין שק והאשה זו מהלכת זקופה והולד נתון‬
‫בתוך מעיה והקב"ה משמרו שלא יפול וימות הוי חיים וחסד עשית עמדי רבי אבא בר כהנא אמר אוחרי‬
‫בנוהג שבעולם בהמה זו דדיה במקום רחמה והולד יונק במקום בשתה והאשה זו דדיה במקום נאה‬
‫והולד יונק במקום כבודה ואין זה חיים וחסד הוי חיים וחסד עשית עמדי אמר ר"א אם ישהה אדם בחמין‬
‫שעה אחת אינו מת ומעיה של אשה מרותחין והולד נתון בתוך מעיה והקב"ה משמרו שלא יעשה שפיר‬
‫ושלא יעשה שליא ושלא יעשה סנדל ואין זה חיים וחסד הוי חיים וחסד עשית עמדי אמר רבי תחליפא‬
‫דקסריא אם אכל אדם פרוסה אחר פרוסה לא שניה דוחה את הראשונה האשה הזו כמה מאכל היא אוכלת‬
‫וכמה משקים היא שותה ואינו דוחה הולד אין זה חיים וחסד אמר רבי סימון מעיה של אשה עשויה קינין‬
‫קינין פיקין פיקין חכילין חבילין בשעה שהיא יושבת על המשבר אינה משליכתו בבת אחת במתלא אמר‬
‫אשתרי חד חבל אשתרי תרין חבלין אמר ר"מ כל תשעה חדשים שאין האשה רואה דם בדין הוא שתהא‬
‫רואה מה הקב"ה עושה מסלקו למעלה לדדיה ועושהו חלב כדי שיצא הולד ויהיה לו מזון לאכול וביותר‬
‫אם היה זכר שנאמר אשה כי תזריע וילדה זכר‪.‬‬

‫‪Sur la base du verset : « Puis de la vie tu m’accordas la grâce et ta sollicitude sauvegarda mon‬‬
‫‪souffle ! »719, l’idée principale est toujours la même, à savoir : la bienveillance divine à‬‬
‫‪l’égard du fœtus in utero.‬‬
‫‪L’auteur du midrash voit donc, ici, une allusion à la grâce de Dieu vis à vis du fœtus dans la‬‬
‫‪mesure où ce dernier s’accroche bien à l’utérus de sa mère. Il argumente son propos à travers‬‬
‫‪l’exemple d’un panier tenu à l’envers (l’ouverture vers le sol) duquel tomberait tout ce qui s’y‬‬
‫‪trouve ; ce qui est censé être le cas du fœtus in utero. Mais comme ce dernier ne glisse pas‬‬
‫‪vers l’extérieur, l’auteur du midrash y voit précisément une grâce particulière de Dieu à‬‬
‫‪l’égard du fœtus. Et Rabbi Aba bar Kahana énonce une suite d’arguments à la faveur de cette‬‬
‫‪sollicitude ; à cet égard, il compare ce qui se passe chez les animaux avec la manière dont cela‬‬
‫‪se déroule pour les êtres humains :‬‬
‫‪718‬‬
‫‪Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 3.‬‬
‫‪719‬‬
‫רוּחי‪Job, 10, 12 : .‬‬
‫‪ La vie, ici, est due au souffle qui vient de Dieu (cf.‬חַ יִּ ים וָחֶ סֶ ד עָ ִשׂיתָ עִ מָּ ִדי וּפְ קֻ ָדּתְ � שָׁ ְמ ָרה ִ‬
‫‪Genèse, 2, 7). Il existe aussi une courte description du développement de l’embryon dans le livre de la Sagesse‬‬
‫‪de Salomon 7, 1-2.‬‬
207

1) Comme ces derniers marchent debout, la protection est encore plus flagrante puisque le
fœtus a plus de chance de tomber. Chez les animaux, en revanche, si le fœtus ne tombe pas,
l’on peut toujours supposer que c’est parce qu’ils marchent à quatre pattes. Ils pensent que le
fœtus est recroquevillé dans le ventre de sa mère, comme pourrait l’être un sac (‫)כמין שק‬720.
2) Cette grâce à l’égard des humains se précise quand le nouveau-né tète le lait maternel d’un
endroit noble, alors que l’animal le fait à proximité des parties honteuses.
3) Cette protection se manifeste enfin, dans la mesure où Dieu veille à ce que le fœtus
n’étouffe pas de chaleur dans le corps de sa mère, ni ne devienne un chorion (šafir), un
placenta (šilya’) ou un ṣandal.

Rabbi Taḥlifa de Césarée voit cette grâce dans l’espace qui est réservé au fœtus, puisque sa
mère peut manger et boire tant qu’elle veut sans que le fœtus soit pour autant privé d’espace.
Rabbi Simon enfin, pense que la grâce faite par Dieu au fœtus réside dans le fait que ce
dernier ne sort pas de l’utérus d’un seul coup mais progressivement721. Cela est possible car
l’utérus est constitué, rappelle t-il, de plusieurs chambres (‫)קינין קינין‬722 par lesquelles passe le
fœtus, où il y est attaché par plusieurs liens (‫ )חבילין חבילין‬qui se détachent progressivement.

720
Comparer avec Lévitique rabba (Margaliyot), section 14 § 3 : comme peut l’être une « draperie »
(‫)כמין סקופסתי‬.
721
Afin, sans doute, qu’il ne soit pas traumatisé.
722
Cf. Nidda, 31a.
208

2.3.3. La bienveillance divine 3

Talmud de Babylone723
‫ מאי דכתיב עושה גדולות עד אין חקר ונפלאות עד אין מספר )איוב ט( – בא‬:‫דרש רב חיננא בר פפא‬
‫ נותן חפץ בחמת צרורה ופיה למעלה – ספק‬:‫וראה שלא כמדת הקב"ה מדת בשר ודם; מדת בשר ודם‬
‫ דבר‬.‫ פתוחה ופיה למטה – ומשתמר‬,‫ צר העובר במעי אשה‬,‫ ואילו הקב"ה‬.‫משתמר ספק אין משתמר‬
‫ ואילו הקב"ה – כל זמן שמכביד‬,‫ כל זמן שמכביד – יורד למטה‬,‫ אדם נותן חפציו לכף מאזנים‬:‫אחר‬
.‫הולד עולה למעלה‬

‫ מאי דכתיב אודך ה' על כי נוראות נפליתי נפלאים מעשיך ונפשי יודעת מאד‬:‫דרש רבי יוסי הגלילי‬
‫ אדם נותן זרעונים בערוגה‬:‫)תהלים קלט( – בא וראה שלא כמדת הקב"ה מדת בשר ודם; מדת בשר ודם‬
:‫ דבר אחר‬.‫ ואילו הקב"ה – צר העובר במעי אשה וכולם עולין למין אחד‬,‫– כל אחת ואחת עולה במינו‬
‫ ואילו הקב"ה צר העובר במעי אשה – כל אחת ואחת‬,‫צבע נותן סמנין ליורה – כולן עולין לצבע אחד‬
.‫עולה למינו‬

Nous avons ici deux textes, dans lesquels il y a quatre paraboles, fondées sur deux versets
bibliques (2x2), qui visent à rendre compte du caractère prodigieux de la grossesse. Nous
avons déjà vu la première, mais elle est maintenue ici pour conserver l’équilibre du texte :

1/ « Rabbi Ḥanina a fait le commentaire suivant : que signifie « Il fait de grandes choses,
insondables et des merveilles innombrables ! »724 ? [Et bien] regarde [pour le comprendre]
comme la dimension du Saint, béni soit-Il, est différente de la dimension de l’être humain ! :
si un homme met quelque chose dans une outre fermée dont l’orifice est dirigé vers le haut,
l’objet sera peut-être conservé, mais ce n’est pas certain ; alors que le Saint, béni soit-Il,
façonne l’embryon dans [un lieu]725 ouvert par le bas, et il [y] est [pourtant] préservé.
Autre commentaire : si un homme met des objets sur le plateau d’une balance, plus les objets
sont lourds, plus le plateau descend ; alors que le Saint, béni soit-Il, [a fait que] plus
l’embryon prend du poids, plus [paradoxalement] il monte726.

723
Nidda, 31a.
724
Job, 9, 10 : .‫אֵ ין ִמסְ ָפּר‬-‫אֵ ין חֵ קֶ ר וְ נִפְ לָאוֹת עַ ד‬-‫עֹ שֶׂ ה גְ דֹלוֹת עַ ד‬
725
Littéralement : « dans les entrailles d’une femme ».
726
C’est une observation exacte du déroulement de la grossesse.
209

2/ « Rabbi Yossi le Galiléen (T4) a fait le commentaire suivant : que signifie « Je te rends
grâce de m’avoir si merveilleusement distingué ; tes œuvres sont prodigieuses, et mon âme le
sait bien. »727 ? [Et bien] regarde [pour le comprendre] comme la dimension du Saint, béni
soit-Il, est différente de la dimension humaine ! : Lorsqu’un homme met des graines dans une
couche de terre, chacune pousse selon son espèce ; alors que le Saint, béni soit-Il, façonne
l’embryon dans le corps d’une femme [de telle sorte que les deux semences] se fondent en
une seule.
Autre commentaire : Le teinturier met différents produit dans son chaudron et tous se fondent
en une seule couleur ; alors que le Saint, béni soit-Il, façonne l’embryon dans le corps d’une
femme [de telle sorte que] chacune des deux [semences] se développe selon sa fonction. » n.t.

À la lecture de ces trois derniers textes, on constate que leurs auteurs conçoivent la vie intra
utérine comme un séjour plutôt confortable. Toutes leurs remarques présupposent, en effet,
que le fœtus, dans l’utérus, est entouré d’espace et de conditions privilégiées. Il en ressort
également une attitude particulièrement – et toujours – laudative à l’égard de Dieu vis-à-vis
de ce mystérieux processus qu’est la grossesse728 ; bien que nous en sachions aujourd’hui un
peu plus sur ce processus, il reste, justement, fondamentalement mystérieux : nous voulons
parler de l’apparition – qu’elle soit graduelle ou ponctuelle – de la vie. Il est probable que les
« merveilles innombrables » commentées par nos auteurs sont précisément celles qui
conduisent, ou contribuent du moins, à cet avènement – i.e. la vie729.

727
Psaumes, 139, 14 : .‫ ; או ְֹד� עַ ל כִּ י נו ָֹראוֹת נִפְ לֵיתִ י נִפְ לָאִ ים מַ עֲשֶׂ י� וְ נַפְ ִשׁי י ַֹדעַ ת ְמאֹ ד‬lire aussi les versets suivants du
même psaume.
728
Rabbi Meir, dans le même sens, pense que si la femme n’a pas ses règles pendant le temps de la grossesse
c’est parce que Dieu fait remonter le sang des menstrues vers les seins et le transforme en lait afin qu’à terme
elle puisse nourrir le nouveau-né.
729
Les Grecs aussi semblent reconnaître les « prodiges et merveilles innombrables » dans la formation de
l’homme : « (…) j’avoue ignorer aussi la cause de la formation de l’embryon et je vois bien la science et la
puissance extrême qu’il y a dans cette formation. » (Galien, De foetuum formatione libellus, VI) ; « Et moi, je
l’ai dit, je ne pourrais croire à leur existence sans un créateur très sage et très savant. » (Galien, De foetuum
formatione libellus, VI).
« Je pense que la piété véritable consiste (…) à connaître (…) combien grande est la sagesse, la puissance et la
bonté du Créateur. S’il a donné, autant que possible, à chaque être sa parure appropriée, si rien n’échappe à ses
bienfaits, je déclare que c’est la marque d’une bonté achevée (…). S’il a su trouver en tout les dispositions les
plus parfaites, c’est le comble de la sagesse ! S’il a fait tout comme il l’a voulu, c’est la preuve d’une puissance
invincible. » (Galien, Utilité des parties du corps, III, 10, dans l’édition Ch. Daremberg (ed.), Œuvres
anatomiques, physiologiques et médicales de Galien, p. 261).
210

2.3.4. Observations

Lévitique rabba730
‫תנא צורת הולד כיצד תחלת ברייתו דומה לרשון ב' עיניו כב' טיפין של זבוב וב' חוטמיו כשתי טיפין של‬
‫זבוב ושתי אזניו כשתי טיפין של זבוב ושתי זרועותיו כשתי חוטין של זהורית פיו דומה לשעורה גויתו‬
‫כעדשה ושאר אבריו מצומצמים בו כגולם ועליו הוא אומר )תהלים קלט( גלמי ראו עיניך ואם היתה‬
‫ כיצד הולד שרוי במעי אמו מקופל ומונח כפנקס‬,‫נקבה סדוקה כשעורה לארכה נתוח ידים ורגלים אין בה‬
‫ראשו מונח לו בין ברכיו שתי ידיו על שני צדעיו שני עקביו על שני עגבותיו פיו סתום טיבורו פתוח‬
‫ואוכל ממה שאמו אוכלת ושותה ממה שאמו שותה ואינו מוציא רעי שמא יהרוג את אמו יצא לאויר‬
.‫העולם נפתח הסתום ונסתם הפתוח‬

Là, l’auteur du midrash rapporte un passage du Talmud de Jérusalem sur la formation du


fœtus731 :
« Au début, l’embryon ressemble à une espèce de sauterelle, ses yeux, ses narines et
ses oreilles sont comme deux points de la taille d’une chiure de mouche
(‫)כשתי טיפין של זבוב‬, ses bras sont comparables à deux fils cramoisis
(‫)כשתי חוטין של זהורית‬732, sa bouche à celle de l’épaisseur d’un cheveu, son corps à la
taille d’une lentille et le reste de ses membres à une masse informe recroquevillée. »
n.t. ; et il ajoute une citation rapportée par Rabbi Yonatan (T5) au sujet de
l’embryon733 : « Tes yeux ont vu ma masse informe (…) »734 (�‫)גָּלְ ִמי ָראוּ עֵ ינֶי‬.
Il complète et précise que si l’embryon est de sexe féminin, il a une fente, de la taille d’un
cheveu, dans le sens de la longueur ; et, qu’il soit de sexe masculin ou féminin, on ne
distingue ni ses mains ni ses pieds.

730
Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 8.
731
Cf. TJ, Nidda, chapitre 3, page 50, colonne D, règle 3 et Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah, chapitre 10, règle
3. Comparer la description avec Nidda, 25a/b.
732
Le zehurit (‫ )זהורית‬est un type de soie.
733
Cf. Genèse rabba (Albek), section 8, § 5 et Lévitique rabba (Margaliyot), section 14, § 5. Nombreux sont
ceux en effet qui ont vu dans cette masse informe une désignation du fœtus pour ne pas dire de l’embryon ; mais
cette interprétation ne fait pas l’unanimité puisque G. Scholem, par exemple, est convaincu que rien ne prouve
que golem ait ici cette signification : « [Dans les Psaumes] golem signifiait probablement non formé, amorphe.
Quoi qu’il en soit, telle est certainement la signification de ce mot dans des sources postérieures. Mais rien ne
prouve que ce terme signifiait « embryon », comme cela a été soutenu parfois. » (cité par M. Idel, le Golem,
traduit de l’anglais par C. Aslanoff, Les Editions du Cerf, Paris, 2007, p. 371).
734
« Tes yeux ont vu ma masse informe ; et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui m’étaient destinés,
avant qu’aucun d’eux existât. » (Psaumes, 139, 16) : .‫סִ פְ ְר� ֻכּלָּם ִיכָּתֵ בוּ י ִָמים יֻצָּ רוּ ולא )וְ ל ֹו( אֶ חָ ד בָּ הֶ ם‬-‫גָּלְ ִמי ָראוּ עֵ ינֶי� וְ עַ ל‬
Aristote aurait probablement qualifié cette masse informe par « une masse de chair indistincte » – anarthron
sunestêke kreôdes – (Histoire des animaux, VII, 3, P. Louis (ed.), p. 140).
211

L’auteur de ce midrash expose enfin une description incomplète de la condition du fœtus in


utero735 :
« À quoi ressemble un embryon dans le ventre de sa mère ? À un livret plié736. Sa tête
repose entre ses genoux, ses mains sur les tempes et ses talons contre les fesses. Sa
bouche est close et son nombril ouvert. Il mange de ce que mange sa mère et boit de ce
qu’elle boit. Il ne fait pas d’excréments, autrement il tuerait sa mère. Aussitôt qu’il
sort à l’air du monde, les organes qui étaient fermés s’ouvrent et ceux qui étaient
ouverts se ferment. » n.t.

Ce qu’il est possible de dire à la lecture de ce dernier midrash c’est que les amoraïm donnent
une description assez exacte du fœtus et de sa position in utero ; elle est en effet assez proche
de ce que l’on peut observer aujourd’hui.

735
Pour la description intégrale du fœtus in utero voir Nidda, 30b.
736
Nous avons vu, dans le midrash précédent, que le fœtus a aussi été comparé à « un sac » plié.
212

2.3.5. Parallèle avec la résurrection

Lévitique rabba737
‫בית שמאי ובית הלל בית שמאי אומרים לא כשם שיצירת הולד בעולם הזה כך יצירתו לעולם הבא‬
‫בעוה"ז מתחיל בעור ובבשר וגומר בגידים ועצמות אבל לעתיד לבא מתחיל בגידים ועצמות וגומר בעור‬
‫שכן כתיב במתי יחזקאל )יחזקאל לז( וראיתי והנה עליהם גידים ובשר עלה ויקרם עליהם עור מלמעלה‬
‫ורוח אין בהם אמר ר' חייא בר אבא אין פרשת יחזקאל ראיה למה מתי יחזקאל דומין למי שנכנס למרחץ‬
‫זה שפשט אחרון לבש ראשון בית הלל אומרים כשם שיצירתו של אדם בעוה"ז כך יצירתו בעולם הבא‬
‫ ולעתיד לבא כמו כן שכן איוב אומר )איוב י( זכר‬.‫בעולם הזה מתחיל בעור ובשר וגומר בגידים ועצמות‬
‫נא כי כחומר עשיתני )איוב י( הלא כחלב תתיכני התכתני אינו אומר אלא תתיכני כגבינה תקפיאני‬
‫הקפיאתני אינו אומר אלא תקפיאני עור ובשר תלבישני הלבשתני אינו אומר אלא תלבישני ובעצמות‬
.‫וגידים תסוככני סככתני אינו אומר אלא תסוככני‬

« Je regardai et voici qu’il y avait sur eux des nerfs, de la chair croissait et il étendit
sur eux de la peau par-dessus, mais il n’y avait pas d’esprit en eux. »738

À partir de ce verset relatif à la résurrection, les disciples de l’école de Shamay affirment que
ce verset donne une description de la formation du fœtus dans le monde futur et qu’il est
possible d’en déduire celle dans ce monde, en inversant l’ordre de la formation qui y est
décrite.
Ainsi, si l’on suppose que la formation de l’homme dans ce monde commence par la peau et
la chair, et se termine par les nerfs et les os, alors, au moment de la résurrection, sa formation
commencera par les nerfs et se terminera par la peau. En un mot, la formation d’un être
humain dans le monde futur commencera par ce qu’il est resté de lui dans ce monde – i.e. les
os.
Les disciples de l’école d’Hillel pensent, au contraire, que la formation de l’homme lors de la
résurrection se fera de la même manière qu’elle s’est faite dans ce monde. Sur la base du
verset : « Souviens-toi donc que tu m’as fait comme avec de l’argile »739, l’argument des
disciples de l’école d’Hillel est de dire qu’au moment de la résurrection, Dieu façonnera les

737
Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 9.
738
Ezéchiel, 37, 8.
739
Job, 10, 9 : .‫עָ פָ ר תְּ ִשׁיבֵ נִי‬-‫כַחֹ מֶ ר ע ֲִשׂיתָ נִי וְ אֶ ל‬-‫נָא כִּ י‬-‫זְ כָר‬
213

êtres humains avec de la terre, comme il l’a fait dans ce monde-ci pour le premier homme. Et
cette élaboration débutera par la peau et la chair.
Malgré ce désaccord sur la formation de l’homme dans le monde futur, il n’en demeure pas
moins qu’ils sont tous du même avis quant à sa conception dans ce monde-ci.
Ainsi, pour les disciples des deux écoles, la constitution d’un être humain dans ce monde
commence par la peau et la chair, et se termine par les nerfs et les os. Ils fondent leur propos
sur le parallèle qu’il est possible d’établir entre les deux premiers et les deux derniers
hémistiches des versets suivants740 ; leur analyse est introduite par une formule d’analyse
exégétique741 :

- « Ne m’as-tu pas versé comme du lait ? » (‫)הֲ�א כֶחָ לָב תַּ תִּ י ֵכנִי‬


- « Et comme le fromage ne m’as-tu point caillé » (‫)וְ כַגְּ בִ נָּה תַּ ְקפִּ יאֵ נִי‬

Selon la règle exégétique mentionnée, une seule interprétation de ces versets est donnée et
aucune autre pour la contrebalancer : il s’agit bien sûr à chaque fois d’une allusion assez
claire à la semence de l’homme.

- « De peau et de chair tu me vêtis » (‫)עוֹר וּבָ שָׂ ר תַּ לְ בִּ ישֵׁ נִי‬


- « Et d’os et de nerfs tu me tissas » (‫)וּבַ עֲצָ מוֹת וְ גִ ִידים תְּ שֹׂכְ ֵכנִי‬

Donc, suivant toujours la même logique, l’auteur du midrash pense que l’ordre dans lequel les
versets sont exposés indique l’ordre dans lequel le fœtus est constitué.

740
Job, 10 : .‫ הֲ�א כֶחָ לָב תַּ תִּ י ֵכנִי וְ כַגְּ בִ נָּה תַּ ְקפִּ יאֵ נִי‬et Job, 11 : .‫עוֹר וּבָ שָׂ ר תַּ לְ בִּ ישֵׁ נִי וּבַ עֲצָ מוֹת וְ גִ ִידים תְּ שֹׂכְ ֵכנִי‬
741
Ils utilisent la forme contractée de la terminologie talmudique suivante : '‫ « אתה אומר א' או אינו אלא ב‬Tu dis A,
mais ne pourrait-ce être B ? », voir cette expression dans le répertoire.
‫‪214‬‬

‫‪2.3.6. Son « visage » – intervention divine‬‬

‫‪Nombres rabba742‬‬
‫איש איש כי תשטה אשתו וגו' הה"ד )דברים לב( צור ילדך תשי וגו' צור ילדך הה"ד )איוב כד( ועין נואף‬
‫שמרה נשף וגו' הנואף אומר אין בריה יודעת בי לפי שכל מעשיו אינן אלא בחשך וכה"א )משלי ז( עובר‬
‫בשוק אצל פנה ודרך ביתה יצעד בנשף בערב יום באישון לילה ואפלה הוא סבור לפי שעושה מעשיו‬
‫בחשך שהקב"ה לא ידע בו וכה"א )ישעיה כט( הוי המעמיקים מה' לסתיר עצה והיה במחשך מעשיהם‬
‫ויאמרו מי רואנו ומי יודענו שכן דרך כל עוברי עבירה הם חושבים שהקב"ה לא יראה במעשיהם וכה"א‬
‫)איוב כב( הלא אלוה גובה שמים וראה ראש כוכבים כי רמו ואמרת מה ידע אל וגו' )איוב כב( עבים סתר‬
‫לו ולא יראה וגו' )איוב כב( האורח עולם תשמור וגו' וכה"א ועין נואף שמרה נשף לאמר לא תשורני עין‬
‫אינו אומר לא יראני אדם אלא לא תשורני עין לא עין של מטה ולא עין של מעלה מהו וסתר פנים ישים‬
‫הקב"ה שהוא יושב סתר ישים פנים של נואף באותו העובר לפי שהנואף והנואפת רוצין שלא תתעבר‬
‫אלא שיעשו תאותן בלבד והקב"ה מפרסמן בעולם כדי שידעו הבריות ויאמרו פנים של זה הם פני הנואף‬
‫שצר צורת העובר בדמות הנואף הוי וסתר פנים ישים ולפיכך נקרא זמה לפי שהן כופרין שניהם ואומרים‬
‫לא עברנו עבירה והבריות אומרים א"כ זה מהו ולא תאמר בזמן שהיא מתעברת מן הנואף אותה שעה‬
‫דומה צורת הולד לצורת הנואף אלא אפילו היא מעוברת מבעלה ובא עליה הנואף הקב"ה מהפך צורת‬
‫הולד לצורת הנואף וכה"א )דברים לב( צור ילדך תשי א"ר יצחק הנואף הזה כביכול מרשל כח השכינה‬
‫כיצד העובר שהיא מתעברה מן האיש צר צורתו בתוך מ' יום לאחר מ' יום הנואף בא עליה והקב"ה עומד‬
‫ותוהה ואומר של מי אצור של צורת הבעל או של צורת הנואף כביכול צור ילדך תשי יו"ד של תשי זעירה‬
‫תש ידי הצייר אמר ר' אבהו למה"ד לצייר שהיה צר איקונין של מלך בא לגמור הפרצוף אמרו לו מת‬
‫המלך ועמד מלך אחר כיון ששמע הצייר כך נתרשלו ידיו התחיל אומר מה אעשה מאלו הסימנין אם‬
‫אצור אותו בצורת המלך הראשון או בצורת השני התחיל תמה כך האיש משמש הקב"ה צר צורת העובר‬
‫בדמות אביו חזר הנואף ובא עליה הרי נתערבו הסממנין הה"ד )הושע ד( אלה וכחש ורצוח וגנוב ונאוף‬
‫פרצו ודמים בדמים נגעו מה עשה הקב"ה כביכול חזר והפך את הצורה שצר בתחלה בדמות האיש‬
‫לדמות הנואף לקיים מה שנאמר וסתר פנים ישים הוי צור ילדך תשי ותשכח אל מחוללך משל‬
‫לארכיקיטין קטאדיקוס על אותה מדינה התחילו בני המדינה מטמינים כספם וזהבם לתוך המטמונים אמר‬
‫להם הארכיטיקון אני בניתי את המדינה ואני עשיתי את המטמונים ממני אתם מטמינים כך אמר הקב"ה‬
‫למנאפים ממני אתם מסתירים את עצמכם והלא אני הוא שבראתי את הלבבות הה"ד )ירמיה יז( אני ה'‬
‫חוקר לב בוחן כליות וגו' לכך נאמר ותשכח אל מחוללך אני בראתי אתכם ועשיתי אתכם מחילים‬
‫מחילים אלו הלבבות והכליות ואתם שוכחין אותי ומשקרין בי כי איני רואה ואיני יודע מעשיכם‪ ,‬וכן רמז‬
‫משה דבר זה בפרשת סוטה הה"ד )במדבר ה( איש איש כי תשטה אשתו וגו'‪.‬‬

‫‪742‬‬
‫‪Nombres rabba (Vilna), section 9.‬‬
215

« Parle aux fils d’Israël et tu leur diras : Quand un homme743 a une femme qui se
débauche et lui est infidèle, un autre homme a épanché en elle un épanchement de
semence et c’est chose cachée aux yeux de son mari, car elle s’est dissimulée tandis
qu’elle se rendait impure, il n’y a pas de témoins contre elle et elle n’a pas été
surprise. »744

C’est à partir de ce verset, que l’auteur rapporte le midrash qui inclut l’idée que Dieu peut
modifier les traits du visage du fœtus :
Ceux qui commettent l’adultère en secret pensent que nul ne les voit et qu’ils pourront
toujours, vis à vis des autres, nier leur méfait comme il est écrit : « Et l’œil de l’adultère épie
le crépuscule, il se dit : « Un œil ne m’aperçoit point ! » Et il met un voile sur sa face. »745.
Mais par cette action, ils mésestiment l’omnipotence divine ; il est, en effet, aussi ridicule de
croire que Dieu n’en saura rien, que de dissimuler de l’argent à un architecte dans les
fondations qu’il a lui-même dessinées. Dieu, en plus, rendra publique cette faute en changeant
le visage du fœtus ; c’est-à-dire que Dieu fera en sorte que le fœtus ne ressemble plus au mari
de la femme mais à l’auteur de l’adultère, c’est le sens de la fin du verset : « Et il met un voile
sur sa face. ».
Dans le même esprit, l’auteur donne à un passage d’un verset746 (cur yeladkha teši) une
interprétation qui va dans le même sens. Il joue en effet sur le double sens du mot cur (‫)צור‬,
« rocher » et « forme », et peut donc lire : « La forme de tes enfants s’affaiblira », au lieu de
« Tu dédaignes747 le Rocher qui t’a engendré ».
Ensuite, l’auteur rapporte les propos de Rabbi Yitshaq comme quoi Dieu s’occupe de la forme
du visage de l’embryon pendant les quarante premiers jours de la grossesse, et si cette femme
enceinte couche avec un autre homme que son mari, même après cette période, Dieu
s’interroge pour savoir s’Il ne va pas modifier les traits du visage du fœtus en ceux de celui
avec qui elle a commis l’adultère.
Enfin, sur ce dernier propos, l’auteur ramène une autre parabole, celle de Rabbi Abahou :

743
Littéralement « homme, homme », pour signifier « tout homme ».
744
Nombres, 5, 12-13 :
‫ז ֶַרע וְ נֶעְ לַם מֵ עֵ ינֵי אִ ישָׁ הּ וְ נִסְ תְּ רָ ה‬-‫ וְ שָׁ כַב אִ ישׁ אֹ תָ הּ ִשׁכְ בַ ת‬.‫תִ ְשׂטֶ ה אִ ְשׁתּ ֹו וּמָ ֲעלָה ב ֹו מָ עַ ל‬-‫בְּ נֵי י ְִשׂ ָראֵ ל וְ אָמַ ְרתָּ ֲאלֵהֶ ם אִ ישׁ אִ ישׁ כִּ י‬-‫ַדּבֵּ ר אֶ ל‬
.‫וְ הִ יא נ ְִטמָ אָה וְ עֵ ד אֵ ין בָּ הּ וְ הִ וא �א נִתְ פָּ שָׂ ה‬
745
Job, 24, 15 : .‫שׁוּרנִי עָ יִן וְ סֵ תֶ ר פָּ נִים י ִָשׂים‬ ֵ ְ‫ת‬-‫וְ עֵ ין נֹ אֵ ף שָׁ ְמ ָרה נֶשֶׁ ף לֵאמֹ ר �א‬
746
« Tu dédaignes le Rocher qui t’a engendré et tu oublies le Dieu qui t’a mis au monde. » (Deutéronome, 32,
18) : .�ֶ‫צוּר ְיל ְָד� תֶּ ִשׁי וַתִּ ְשׁכַּח אֵ ל ְמחֹ לְ ל‬
747
Ici « dédaigner » ou « abandonner », mais ce mot comporte surtout l’idée d’« affaiblissement ».
216

Ce dernier dit que, lors d’un adultère avec une femme enceinte, Dieu, qui façonne le visage
des fœtus dans le sein de leur mère, est aussi embarrassé qu’un peintre dans l’obligation de
modifier un portrait déjà bien entamé748.

L’idée directrice qu’il nous semble possible d’extraire à partir de ces textes, est l’influence du
père sur les traits du visage du fœtus, au point que même un embryon de quarante jours peut
déjà, selon notre auteur, posséder une forme suffisamment identifiable, au point d’en
reconnaître le géniteur précisément.

748
En plus du caractère humoristique de cette dernière parabole, nous tenons à donner ici le nom de l’ange
chargé d’effectuer cette modification. En effet, l’ange investi pour façonner le visage du fœtus est Sandalfon. Il y
a deux références qui attestent de cette mission : une dans le Sefer ha-temuna et l’autre dans le ’Ocar hakavod de
Todros Abulafia. Dans la première, on note que l’ange « Matatron [est celui qui] apporte les âmes dans les corps,
et Sandalfon [celui qui] imprime et façonne une forme au fœtus, qu’il soit de sexe masculin ou féminin. » n.t. (cf.
Margaliyot R., Mal’akhey ‘elyon, Mossad Harav Kook, Jérusalem, 1964, p. 153) :
.‫ וסנדלפון מביא דפוס וצורה בוולד אם זכר אם נקבה‬,‫מטטרון מביא נשמות לגוף‬
Dans la deuxième référence, T. Abulafia rapporte la même idée et ajoute que le nom même de cet ange comporte
la finalité de sa mission : .‫( קבלתי שסנדלפון ממונה על צורת הולד במעי אמו ויעיד עליו אתיות שמו‬Idem).
217

2.3.7. Son « visage » – l’influence du père

Peṣiqta de-rav kahana749


‫ ר' יודה בר' סימון בשם ר' יהושע בן לוי‬.(‫ יב‬,‫גן נעול אחתי כלה גל נעול מעיין חתום )שיר השירים ד‬
‫ והלך לו למדינת הים ועמדו הבנות ונתעסקו בעצמן‬,‫למלך שהיו לו בנות בוגרות ולא הספיק להשיאן‬
‫ לאחר ימים בא‬.‫ והיתה כל אחת ואחת מהן נוטלת חותמו של בעלה וסימנטירין שלו‬,‫ונישאו לאנשים‬
‫ הוציא‬,‫ מה עשה‬.‫המלך ממדינת הים ושמע קול הבריות מליזות על בנותיו ואומרין שזינו בנותיו של מלך‬
‫ הוציא חתמו אמ' לו‬,‫ אמ' לו אני חתנך‬,‫ קרא לחתנו הראשון אמ' לו מי את‬.‫כרוז ואמר כל עמה לקומפון‬
‫ וכן לשני וכן‬.‫ אמ' לו שלי‬,‫ הוציא סימנטרין שלו אמ' לו של מי הוא זה‬,‫ אמ' לו שלי‬,‫של מי הוא זה‬
‫( א"ר‬...) .‫ אמ' המלך בנותיי נתעסקו בעצמן ונישאו ואתם אומרים שזינו בנותיו של מלך‬.‫לשלישי‬
‫הושעיה באותה שעה קרא הקב"ה למלאך שהוא ממונה על ההריון אמ' לו לך וצייר לי צורת הולד‬
.‫ לשמ' משפחת השמעני‬,‫ הד"ה דכת' )במדבר כו( לראובן משפחת הראובני‬,‫בדמות אבותם‬

« C’est un jardin fermé, ma sœur, ma fiancée, une source close, une fontaine
scellée. »750

Suivant la même idée que dans le midrash précédent, l’auteur de ce midrash commente le
terme ḥatum « marqué », pour indiquer que le fœtus est « sculpté » à l’image de son père.
C’est la raison pour laquelle il cite Rabbi Hoshaya, selon qui Dieu appelle l’ange chargé des
grossesses et lui ordonne justement de façonner le visage de l’enfant à l’image de ses pères. Et
cela se voit puisque, on l’a vu, les fils ressemblent aux pères : « Fils de Siméon d’après leurs
familles (…) Fils de Gad d’après leurs familles »751.
L’auteur termine et utilise l’autre sens de ḥatum « scellé », pour suggérer que Dieu protège le
peuple d’Israël en l’isolant des autres : « la fontaine scellée » est le peuple d’Israël, protégé
par Dieu.

749
Peṣiqta de-rav kahana (Mendelbaum), section 11, § 6. C’est un recueil de textes aggadiques édité, ici, par
Bernard Mendelbaum dont la rédaction se situe autour du 8ème siècle de l’ère commune voire plus tôt (6ème s.).
750
Cantique des Cantiques, 4, 12 : .‫ַגּן נָעוּל אֲחֹ תִ י ַכלָּה גַּל נָעוּל מַ עְ יָן חָ תוּם‬
751
« Fils de Siméon d’après leurs familles : de Yemouël la famille des Yemouëlites ; de Yamin la famille des
Yaminites ; de Yakin la famille des Yakinites ; de Sokhar la famille des Sokharites ; de Saül la famille des
Saülites. Telles sont les familles des Siméonites : vingt-deux mille deux cents. Fils de Gad d’après leurs
familles : de Sephon la famille des Sephonites ; de Haggi la famille des Haggites ; de Shouni la famille des
Shounites » (Nombres, 26, 12-15) :
‫ לְ ז ֶַרח ִמ ְשׁפַּחַ ת הַ זּ ְַר ִחי לְ שָׁ אוּל ִמ ְשׁפַּחַ ת‬.‫בְּ נֵי ִשׁ ְמעוֹן לְ ִמ ְשׁפְּ חֹ תָ ם לִ נְמוּאֵ ל ִמשְׁ פַּ חַ ת הַ נְּמוּאֵ לִ י לְ י ִָמין ִמשְׁ פַּ חַ ת הַ יָּמִ ינִי לְ יָכִ ין ִמ ְשׁפַּ חַ ת הַ יָּכִ ינִי‬
‫ בְּ נֵי גָד לְ ִמ ְשׁפְּ חֹ תָ ם לִ צְ פוֹן ִמ ְשׁפַּ חַ ת הַ צְּ פ ֹונִי לְ חַ גִּי ִמ ְשׁפַּ חַ ת הַ חַ גִּי לְ שׁוּנִי‬.‫ אֵ לֶּה ִמ ְשׁפְּ חֹ ת הַ ִשּׁ ְמעֹ נִי ְשׁ ַניִם וְ עֶ ְשׂ ִרים אֶ לֶף וּמָ אתָ יִם‬.‫הַ שָּׁ אוּלִ י‬
.‫ִמ ְשׁפַּ חַ ת הַ שּׁוּנִי‬
218

De l’affirmation de Rabbi Hoshaya752, nous pouvons conforter l’idée selon laquelle le père a
un rôle prééminent dans la formation du fœtus : si l’enfant doit ressembler à quelqu’un, il le
sera plus au père qu’à la mère753. On peut également croire que l’auteur de ce midrash essaie
de justifier la ressemblance des enfants aux parents.

752
Début du 3ème siècle de notre ère.
753
Mais cette ressemblance est somme toute limitée : on note en effet dans le Talmud que les membres d’un
enfant ne sont pas la reproduction exacte de celle du père. Autrement, un cul-de-jatte aurait un enfant sans jambe
et un aveugle, un malvoyant (Ḥullin, 69a).
‫‪219‬‬

‫‪2.3.8. Dieu sculpteur‬‬

‫‪Yalquṭ šim‘oni754‬‬
‫אשא דעי למרחוק ולפועלי אתן צדק ר' לוי אמר בנוהג שבעולם אדם מפקיד אצל חברו ארנקי של כסף‬
‫בחשאי ומחזיר לו ליטרא זהב אינו מחזיק לו טובה כך הקב"ה מפקידין לו הבריות טפה לבנונית בחשאי‬
‫והקב"ה מחזיר להם נפשות שלמות משובחות בפרהסיא אין זה שבח הוי ולפועלי אתן צדק‪ ,‬ר' לוי אמר‬
‫חורי בנוהג שבעולם אדם חבוש בבית האסורין ואין בריה משגחת עליו בא אחד והתירו והוציאו משם‬
‫אינו מחזיק לו טובה כך הולד שרוי במעי אמו והקב"ה מתירו ומוציאו משם א"צ להחזיק לו טובה‬
‫וביותר כשהוא זכר הה"ד אשה כי תזריע וילדה זכר‪ ,‬חיים וחסד עשית עמדי ופקודתך שמרה רוחי‪ ,‬ר'‬
‫אבא בר כהנא אמר בנוהג שבעולם אם נוטל אדם )מפוריא( ]ארנקי[ של מעות ויתן פיה למטה אין המעות‬
‫מתפזרות והולד שרוי במעי אמו והקב"ה משמרו שלא יפול וימות אין זה חיים וחסד ר' אבא בר כהנא‬
‫אמר חורי בנוהג שבעולם בהמה זו מהלכת רבוצה ונתון ולדה בתוך מעיה כמין שק ואשה זו מהלכת‬
‫זקופה והולד נתון במעיה והקב"ה משמרו שלא יפול וימות אין זה חיים וחסד‪ ,‬ר' אבא בר כהנא אמר‬
‫חורי בנוהג שבעולם בהמה זו דדיה נתון במקום רחמה והולד יונק במקום בושתה והאשה הזו דדיה נתון‬
‫במקום נויה והולד יונק במקום כבודה אין זה חיים וחסד‪ ,‬אמר ר' אליעזר אם ישהא אדם בחמין אינו מת‬
‫ומעיה של אשה מרותחין והולד נתון בתוך מעיה והקב"ה משמרו שלא יעשה שפיר שלא יעשה שיליא‬
‫שלא יעשה סנדל אין זה חיים וחסד א"ר תחליפא דקסרי אם אכל אדם פרוסה אחר פרוסה לא שניה דוחה‬
‫את הראשונה והאשה הזו כמה מאכל היא אוכלת וכמה משקין היא שותה ואינו דוחה את הולד אין זה‬
‫חיים וחסד א"ר סימון מעיה של אשה עשוין )כוננין כוננין( ]קנין קנין[ פיקון פיקון חבלין חבלין בשעה‬
‫שהיא יושבת על המשבר אינו משליכתו בבת אחת )אלא( ]במתלא[ אמרין אשתרי חד חבל אשתרי תרין‬
‫חבלין‪ ,‬אמר ר' מאיר כל תשעה חדשים שאין האשה רואה דם בדין הוא שתהא רואה מה הקב"ה עושה‬
‫מסלקו למעלה מדדיה ועושה אותו חלב כדי שיצא הולד ויהיה לו מאין לאכול וביותר אם היה זכר הה"ד‬
‫אשה כי תזריע וילדה זכר‪ ,‬תניא צורת הולד כיצד תחלת ברייתו דומה לרשון שתי עיניו כשני טפין של‬
‫זבוב שתי אזניו כשני טפין של זבוב שני זרועותיו כשני חוטין של זהורית‪ ,‬פיו משוך כשעורה‪ ,‬גויתו‬
‫כעדשה‪ ,‬ושאר אבריו מצומצמים בו כגולם ועליו הוא אומר גלמי ראו עיניך‪ ,‬אם היתה נקבה גויתה‬
‫כשעורה לארכה )פיתוח( ]חיתוך[ ידים ורגלים אין לה‪ ,‬כיצד הולד שרוי במעי אמו מקופל ומונח כפנקס‬
‫ראשו מונח לו בין ירכיו ושתי ידיו על שני )צלעיו( ]צעדיו[ שתי עגבותיו על שתי עקביו פיו סתום טבורו‬
‫פתוח ואוכל מה שאמו אוכלת ושותה מה שאמו שותה ואינו מוציא רעי שמא יהרוג את אמו‪ ,‬יצא לאויר‬
‫העולם נסתם הפתוח ונפתח הסתום‪ ,‬ב"ש וב"ה ב"ש אומרים לא כיצירת הולד בעוה"ז יצירתו לעוה"ב‬

‫‪754‬‬
‫‪), § 12. Le Yalquṭ šim‘oni est un recueil de textes‬תקמז( ‪Yalquṭ šim‘oni, Lévitique, section šemini, remez 547‬‬
‫)‪aggadiques classés selon l’ordre des livres de la Bible. Ainsi, le Pentateuque est divisé en 963 parties (ou remez‬‬
‫‪et le reste de la Bible en 1085 parties. L’auteur du Yalquṭ est probablement le rabbin Shimon Caro (le père de‬‬
‫‪Yossef Caro) et il l’aurait donc rédigé au début du 13ème siècle. Et là aussi, il reprend des midrashim antérieurs à‬‬
‫‪son époque.‬‬
‫‪220‬‬

‫בעוה"ז מתחיל בעור ובשר וגומר בגידין ועצמות ולעה"ב מתחיל בגידין ועצמות וגומר בעור ובשר שכן‬
‫כתיב במתי יחזקאל וארא והנה עליהם גידים ובשר עלה ויקרם עליהם עור מלמעלה‪ ,‬אמר ר' חייא בר‬
‫אבא אין פרשת יחזקאל ראיה‪ ,‬למה מתי יחזקאל דומין לזה שנכנס במרחץ זה שפושט ראשון לובש‬
‫אחרון‪ ,‬ב"ה אומרים כשם שיצירתו של אדם בעוה"ז כך יצירתו לעוה"ב בעוה"ז מתחיל בעור ובשר‬
‫וגומר בגידין ועצמות אף לעתיד לבא מתחיל בעור ובשר וגומר בגידין ובעצמות‪ ,‬שכן איוב אומר זכר נא‬
‫כי כחומר עשיתני וגו' הלא כחלב תתיכני‪ ,‬תתכני אין כתיב כאן אלא תתיכני‪ ,‬וכגבינה הקפיתני אין כתיב‬
‫כאן אלא תקפיאני‪ ,‬עור ובשר הלבשתני אין כתיב כאן אלא תלבישני‪ ,‬ובעצמות וגידים סוככתני אין כתיב‬
‫כאן אלא תשוככני חיים וחסד עשית עמדי וגו'‪ ,‬אום של אשה מלא דם וממנו יוצא למקור נדתה וברצונו‬
‫של הקב"ה הולכת טפה של לבנונית ונופלת לתוכו ומיד הולד נוצר‪ ,‬משל לחלב שהוא נתון בקערה עד‬
‫שלא נתן לתוכה מסו הוא רופף אם נתן לתוכה מסו קופה ועומד‪ ,‬אשה כי תזריע וילדה זכר משל למה"ד‬
‫לשני ציירים זה צר דמותו של זה וזה צר דמותו של זה וכו' לעולם הזכר מן האשה והנקבה מן האיש‪ ,‬זכר‬
‫מן האשה מנין ואשתו היהודיה ילדה את ירד וגו' ופילגשו וגו' ותלד וגו' אשה כי תזריע וילדה זכר‪ ,‬נקבה‬
‫מן האיש מנין שנאמר ובתואל ילד את רבקה ואת דינה בתו ושם בת אשר שרח‪ ,‬אמר ר' אבין לית ספר‬
‫דמספר לגרמיה‪ ,‬משל לשנים שנכנסו למרחץ זה שמזיע ראשון יצא ראשון‪ ,‬אמר רבי אבהו טובה גדולה‬
‫עשה הקב"ה עם אשה זו בעוה"ז שלא התחיל בגידין ובעצמות שאילו התחיל בגידין ובעצמות היה‬
‫מבקע כרסה ויוצא לפי שבעוה"ז יולדת בצער אבל לעתיד לבא מה כתיב בטרם תחיל ילדה בטרם יבא‬
‫חבל לה והמליטה זכר‪ ,‬זה שאמר הכתוב מי יתנני כירחי קדם כימי אלוה ישמרני אלו ימים שהייתי במעי‬
‫אמי מלמד שהתינוק משתמר במעי אמו‪ ,‬כאשר הייתי בימי חרפי אמר ר' אבהו התינוק יוצא ממעי אמו‬
‫מלא רירין ומלא דם והכל מחבקין אותו ומנשקין אותו וביותר כשהוא זכר הה"ד אשה כי תזריע וילדה‬
‫זכר‪ ,‬התינוק הזה עד שלא יצא ממעי אמו הקב"ה מצוה עליו ואומר לו מזה תאכל ומזה לא תאכל זה לכם‬
‫הטמא ומשהוא מקבל עליו את כל המצות אח"כ נולד אשה כי תזריע וילדה זכר‪ ,‬זש"ה ואין צור כאלהינו‬
‫ב"ו צר צורה הוא מדבר צורתו אין מדברת הוא משבח צורתו והצורה אינה משבחת אותו אבל הקב"ה‬
‫הוא צר צורה וצורתו עומדת ומשבחת לפניו‪ ,‬ב"ו מבקש לצור צורה כמה סממנין צריך להביא עד שלא‬
‫יצור אותה אבל הקב"ה צר האדם מתוך טפה אחת‪ ,‬בוא וראה טווס הזה שס"ה גוונין יש בו והוא נוצר‬
‫מטפה אחת של לובן הוי אין צור כאלהינו אין צייר כאלהינו‪ ,‬ולא תאמר בעוף אלא אפי' אדם מטפה אחת‬
‫של לובן נוצר שנא' אשה כי תזריע וילדה זכר‪.‬‬

‫‪Le rédacteur du Yalquṭ šim‘oni reprend, à son tour, plusieurs commentaires déjà vus ci-‬‬
‫‪dessus. Nous avons donc uniquement relevé les références bibliques mentionnées dans ce‬‬
‫‪texte755 qui servent de support aux paraboles que nous avons précisément déjà rencontrées‬‬
‫‪dans les autres midrashim. L’intérêt est ainsi de résumer les idées clés fondées sur ces versets‬‬

‫‪755‬‬
‫‪Marquées en italique dans le texte hébreu.‬‬
221

et que nous avons rédigées en notes. Ce recueil contient quand même une parabole inédite –
pour nous jusqu’à présent – que nous développons par la suite :

- « Au troisième jour, Abraham leva les yeux et vit l’endroit au loin. » (Genèse, 22, 4)756 :
.‫הַ מָּ קוֹם מֵ ָרחֹ ק‬-‫עֵ ינָיו וַ יּ ְַרא אֶ ת‬-‫ישׁי וַ יִּ שָּׂ א אַבְ ָרהָ ם אֶ ת‬
ִ ִ‫בַּ יּוֹם הַ ְשּׁל‬

- « Puis de la vie tu m’accordas la grâce et ta sollicitude sauvegarda mon souffle ! » (Job, 10,
12)757 : .‫רוּחי‬
ִ ‫חַ יִּ ים וָחֶ סֶ ד עָ ִשׂיתָ עִ מָּ ִדי וּפְ קֻ ָדּתְ � שָׁ ְמ ָרה‬

- « Tes yeux ont vu ma masse informe ; et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui
m’étaient destinés, avant qu’aucun d’eux existât. » (Psaumes, 139, 16)758 :
.‫סִ פְ ְר� ֻכּלָּם ִיכָּתֵ בוּ י ִָמים יֻצָּ רוּ ולא )וְ ל ֹו( אֶ חָ ד בָּ הֶ ם‬-‫גָּלְ ִמי ָראוּ עֵ ינֶי� וְ עַ ל‬

- « Je regardai et voici qu’il y avait sur eux des nerfs, de la chair croissait et il étendit sur eux
de la peau par-dessus, mais il n’y avait pas d’esprit en eux. » (Ezéchiel, 37, 8)759 :
.‫ ֲעלֵיהֶ ם גִּ ִדים וּבָ שָׂ ר עָ לָה וַ יִּ ְק ַרם ֲעלֵיהֶ ם עוֹר ִמלְ מָ עְ לָה וְ רוּחַ אֵ ין בָּ הֶ ם‬-‫וְ ָראִ יתִ י וְ הִ נֵּה‬

- « Souviens-toi donc que tu m’as fait comme avec de l’argile » (Job, 10, 9) :
.‫עָ פָ ר תְּ ִשׁיבֵ נִי‬-‫כַחֹ מֶ ר ע ֲִשׂיתָ נִי וְ אֶ ל‬-‫נָא כִּ י‬-‫זְ כָר‬
« Ne m’as-tu pas versé comme du lait ? Et comme du fromage ne m’as-tu point caillé ? »
(Job, 10, 10)760 : .‫הֲ�א כֶחָ לָב תַּ תִּ י ֵכנִי וְ כַגְּ בִ נָּה תַּ ְקפִּ יאֵ נִי‬
et « Tu m’as revêtu de peau et de chair, Tu m’as tissé d’os et de nerfs. » (Job, 10, 11) :
.‫עוֹר וּבָ שָׂ ר תַּ לְ בִּ ישֵׁ נִי וּבַ עֲצָ מוֹת וְ גִ ִידים תְּ שֹׂכְ ֵכנִי‬

- « Qui me rendra tel qu’aux mois d’antan, aux jours où Dieu me sauvegardait, alors qu’il
faisait briller sa lampe sur ma tête, et que Sa lumière me guidait dans les ténèbres ! » (Job, 29,
2-3)761 : .� ֶ‫ֹאשׁי לְ אוֹר ֹו אֵ לֶ� חֹ שׁ‬
ִ ‫ בְּ הִ לּ ֹו נֵר ֹו ֲעלֵי ר‬.‫קֶ ֶדם כִּ ימֵ י אֱלוֹהַּ י ְִשׁ ְמ ֵרנִי‬-‫יִתְּ ֵננִי כְ י ְַרחֵ י‬-‫ִמי‬

- « Tel que j’étais aux jours de mon hiver quand Dieu protégeait ma tente » (Job, 29, 4)762 :

756
À propos des merveilles qui s’opèrent à notre insu cf. Lévitique rabba, section 14, § 2 (voir supra p. 204).
757
À propos de la grâce que Dieu accorde au fœtus pendant la grossesse cf. idem, § 3 (voir supra p. 206).
758
À propos de la « masse informe » et de la description du fœtus in utero cf. idem, § 8 (voir supra p. 210).
759
À propos de la formation du fœtus dans le monde futur et dans ce monde-ci cf. idem, § 9 (voir supra p. 212).
760
Toujours à propos de la formation du fœtus dans ce monde-ci mais selon l’école d’Hillel cf. idem.
761
À propos du « confort », pour ne pas dire du séjour idéal qu’est le temps passé dans le ventre de sa mère cf.
Midraš tanḥuma, section pequdey, § 3 (voir supra p. 192).
222

.‫ַכּאֲשֶׁ ר הָ יִיתִ י בִּ ימֵ י חָ ְרפִּ י בְּ ס ֹוד אֱלוֹהַּ ֲעלֵי אָהֳלִ י‬

Une dernière parabole que nous n’avons pas encore vue est rapportée dans ce recueil
concernant la formation du fœtus, sur la base du verset biblique suivant : « (…) il n’y a point
de rocher comme notre Dieu. »763. En effet, là aussi, il y a un jeu sur le double sens du mot
cur (‫ )צור‬pour affirmer la gloire de Dieu : cur peut signifier « rocher » comme cela l’est dans
ce verset, mais peut aussi signifier « façonner/former » ; et l’auteur, justement, au lieu de lire
le verset dans sa traduction classique, lui donne un autre sens et comprend qu’« il n’y a point
de sculpteur comme notre Dieu », en parlant bien sûr de la « sculpture » du fœtus pendant la
grossesse. Il ajoute enfin – toujours pour rendre compte de la grandeur de Dieu – que là où le
sculpteur (humain) a besoin de nombreuses matières et divers outils pour réaliser son œuvre,
Dieu, Lui, n’a besoin que d’une petite goutte de « blancheur »764 pour façonner une œuvre
bien plus complexe : l’être humain.

En résumé, l’auteur comprend, lui aussi, la formation du fœtus comme une œuvre
extraordinaire orchestrée par Dieu, et souligne la prédominance de l’« apport » du père (sa
semence) dans cette formation765.

762
L’auteur joue ici avec le double sens de ḥorpi (‫ « )חרפי‬mon hiver » et « ma honte » pour souligner qu’en dépit
de l’aspect repoussant d’un nouveau-né, tout le monde le choit et le chérit ; comparer et voir justement
l’interprétation de Rabbi Ibo à partir d’un autre verset in Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 4 :
.‫לפי שהולד הזה כשהוא יוצא יוצא מלא גללין וכל מיני סירוחין והכל מחבקים אותו ומנשקין אותו‬
763
« Nul n’est saint comme l’Éternel, il n’y a point d’autre Dieu que toi ; il n’y a point de rocher comme notre
Dieu. » (I Samuel, 2, 2) : .‫קָ דוֹשׁ כַּיהוָה כִּ י אֵ ין בִּ לְ תֶּ � וְ אֵ ין צוּר כֵּא�הֵ ינוּ‬-‫אֵ ין‬
764
Une goutte de « blancheur » est un euphémisme bien sûr pour parler de la semence.
765
On retrouve chez les tragiques Grecs un écho à cette idée de la prédominance, pour ne pas dire l’exclusivité,
du père dans la formation de l’enfant : « Une mère n’est pas l’enfanteuse de son prétendu fils, elle est la nourrice
d’un germe dans son sein. Le saillissant engendre et, en étrangère, elle garde le rejeton (…). » (Eschyle, Les
Euménides, v. 658-659, Traduit par J. Grosjean, Introduction et notes par R. Dreyfus, Bibliothèque de la Pléiade,
Gallimard, Paris, 1967, p. 396-397. « Sans un père jamais n’existerait d’enfant. J’ai donc conclu que l’auteur de
ma vie avait plus de droit à mon aide que celle qui m’a donné nourriture. » (Euripide, Oreste, v. 554-555, Texte
présenté, traduit et annoté par M. Delcourt-Curvers, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 1962, p. 1146).
223

2.3.9. Le début de sa formation et la participation des parents

‘Ocar hamidrašim766
‫ ברצונו של‬,‫ר' אלעזר אומר האיש מזריע לבן והאשה מזרעת אדום ומתערבין זה בזה ומהם הולד נוצר‬
‫ כיון שהולכת ונופלת לתוכו מיד קפא כחלב שנאמר הלא‬.‫הקב"ה הולכת טיפה סרוחה ונופלת לתוכו‬
‫ שנאמר‬,‫ ומנין שאין הולד נוצר אלא מראשו‬,'‫כחלב חתיכני וכגבינה תקפיאני עור ובשר תלבישני וגו‬
.‫ אבא שאול אומר מטבורו משלח שרשיו אילך ואילך‬,‫ממעי אמי אתה גוזי‬

Rabbi Elazar est le premier, ici, à insinuer clairement une égale participation du père et de la
mère dans la formation du fœtus ; il dit deux choses qui nous poussent à le penser : l’homme
comme la femme « ensemencent » tous les deux, et leur semence se mélange, l’une avec
l’autre (‫)מתערבין זה בזה‬767.
Il va également tenter de justifier la raison pour laquelle on rapporte que l’embryon se forme à
partir de la tête768. Rabbi Elazar réalise, pour ce faire, un parallèle entre le vocable gozi
« sortir » dans un contexte relatif au sein maternel, et le même vocable gozi « couper » dans
un contexte relatif à la tonte de la tête d’un homme ; par ce rapprochement entre l’utérus,
duquel le fœtus a été tiré, et la tête, Rabbi Elazar conclut que l’embryon se forme à partir de la
tête. Voici le développement de ce parallèle :

Rabbi Elazar (AI3) dit : comment savons-nous que l’embryon se forme à partir de la tête769 ?
Et bien, parce qu’il est écrit d’une part :

- « Sur toi je me suis appuyé, dès le sein, des entrailles de ma mère tu m’as tiré (gozi),
constamment ma louange s’inspire de toi »770 :
.‫עָ לֶי� נִסְ מַ כְ תִּ י ִמבֶּ טֶ ן ִמ ְמּעֵ י אִ ִמּי אַ תָּ ה גוֹזִ י בְּ � תְ הִ לָּתִ י תָ ִמיד‬
Et d’autre part :

766
‘Ocar hamidrašim (Eisenstein), page 243 § 2.
767
Cette double participation est également attestée par Galien « Mais s’il est vrai que les règles proviennent
uniquement de la mère, (…) il est par contre faux de dire que la semence vient du père seulement. » (Galien, De
semine, II, 1).
768
Cf. Ṣoṭa, 45b. Comparer avec Yoma, 85a.
769
Aba Shaoul pense lui aussi que le fœtus est formé à partir de la tête, mais il existe une autre version du même
auteur où il la voit plutôt à partir du nombril (voir le midrash suivant) ; voir aussi là-dessus Midraš tanḥuma
(Warsa), section pequdey, § 3 : .‫ילוד אשה מתחיל בטבורו ומותח לכאן ולכאן לארבעה צדדין‬
770
Psaumes, 71, 6.
224

- « Tonds (gozi) ta chevelure et jette-la au loin ; monte sur les hauteurs, et prononce
une complainte ! Car l’Éternel rejette et repousse la génération qui a provoqué sa
fureur »771 :
.‫דּוֹר עֶ בְ ָרת ֹו‬-‫ ְשׁפָ יִם ִקינָה כִּ י מָ אַס יְהוָ ה וַ יִּ טֹּשׁ אֶ ת‬-‫וּשׂאִ י עַ ל‬
ְ ‫גָּזִּ י נִזְ ֵר� וְ הַ ְשׁלִ יכִ י‬

Nous ne voulons pas dire que cette parabole est « tirée par les cheveux », mais c’est vrai
qu’elle n’est pas très convaincante. Néanmoins, c’est peut-être à cause de l’incertitude du
terme gozi772 dans ce verset des Psaumes que Rabbi Elazar veut accomplir ce parallèle.

771
Jérémie, 7, 29.
772
Il est possible qu’il faille lire goḥi (‫ « )גוחי‬Tu m’as tiré » – au lieu de gozi (‫ )גוזי‬qui n’a pas de sens a priori
dans Psaumes, 71, 6 – suivant ainsi le sens du verset in Psaumes, 22, 10-11 : « Tu m’as fait sortir du sein
maternel, tu m’as mis en sûreté sur les mamelles de ma mère. Dès le sein maternel j’ai été sous ta garde, dès le
ventre de ma mère tu as été mon Dieu. » : .‫ עָ לֶי� הָ ְשׁלַכְ תִּ י מֵ ָרחֶ ם מִ בֶּ טֶ ן אִ מִּ י אֵ לִ י אָ תָּ ה‬.‫ ְשׁ ֵדי אִ מִּ י‬-‫יחי עַ ל‬
ִ ‫אַ תָּ ה גֹ ִחי מִ בָּ טֶ ן מַ בְ ִט‬-‫כִּ י‬
225

2.3.10. Description du fœtus

Talmud de Babylone773
‫ מרוחקין זה‬:‫ תני רבי חייא‬.‫ תחלת ברייתו מראשו ושתי עיניו כשתי טיפין של זבוב‬:‫אבא שאול אומר‬
,‫ ופיו מתוח כחוט השערה‬.‫ ומקורבין זה לזה‬:‫ תני רבי חייא‬.‫ שני חוטמין – כשתי טיפים של זבוב‬.‫מזה‬
.‫ וחתוך ידים ורגלים אין לו‬.‫ ואם היתה נקבה – נדונה כשעורה לארכה‬,‫וגויתו כעדשה‬

« Aba Shaoul (T4/5) dit [qu’un embryon] se forme à partir de la tête774, et que ses yeux
ressemblent à des chiures de mouche ; Rabbi Ḥiya (TA) [ajoute et] enseigne qu’ils sont
éloignés l’un de l’autre. [Aba shaoul dit, de plus, que] ses narines ressemblent [aussi] à des
chiures de mouche ; [mais] Rabbi Ḥiya [ajoute et] enseigne [qu’]elles sont [là, au contraire,]
rapprochées. Sa bouche est aussi fine qu’un cheveu ; son sexe a la taille d’une lentille, [et] si
c’est une fille, il a l’apparence d’un grain d’orge [vu] dans sa longueur. Les mains et les pieds
[de l’embryon] ne sont pas [encore formés]. » n.t.

773
Nidda, 25a.
774
On note dans le Talmud de Jérusalem (Nidda, chapitre 3, page 50, colonne D, règle 3) la même baraïta, mais
avec une autre version d’Aba Shaoul, puisqu’il y propose d’imaginer la formation du fœtus à partir du nombril :
.‫אבא שאול אומר מטיבורו אדם נוצר ומשלח שרשין מיכן ומיכן‬
Il est possible qu’Aba Shaoul ait pensé cela après avoir observé la même chose que Hippocrate et Galien : « Ce
que décrit Hippocrate comme arrondi et rouge à l’intérieur du chorion dans la semence de six jours serait le foie
encore indistinct et informe ; et dans les avortements qui surviennent après trente jours, (…) le foie [est de
dimension nettement supérieur au cœur et au cerveau]. » (Galien, De foetuum formatione libellus, III). Le foie a
un volume effectivement très important chez le fœtus puisqu’il occupe presque la moitié de la cavité abdominale,
ceci est lié à son activité hématopoïétique intense pendant les deux premiers tiers de la gestation.
226

2.3.11. La durée de la formation du fœtus

‘Ocar hamidrašim775
,‫ שבארבעים יום נוצר הולד ובארבעים יום נתנה התורה‬,‫ שאותו היום שבא ארוך ארבעים יום‬,‫היום הבא‬
‫ שיומו של הקב"ה אלף‬,‫לכך נדוני' באותו היום שהוא ארבעים יום כיומו של אדם ולא כיומו של הקב"ה‬
.‫ שהכל ברשותו של הקב"ה והכל בדברו‬,(‫שנים שנאמר כי אלף שנים בעיניך כיום אתמול )תהלים צ‬

L’auteur du midrash se sert du nombre de jours – mentionnés dans la Mishna776 – pour la


formation d’un embryon, afin de souligner que ceux passés par Moïse sur le mont Sinaï pour
écrire la Torah777, sont effectivement des jours comme nous les entendons (i.e. vingt quatre
heures), et pas comme Dieu peut les concevoir : le temps étant relatif, l’auteur de ce midrash
rappelle qu’une journée pour Dieu peut correspondre à mille jours pour les hommes.

Ce midrash confirme surtout que l’idée de la formation d’un embryon (de sexe masculin du
moins) en quarante jours a bien pénétré les esprits778.

775
‘Ocar hamidrašim (Eisenstein), page 407, § 50.
776
Mishna, Nidda, 3, 7.
777
« [Moïse] resta là avec l’Éternel quarante jours et quarante nuits, il ne mangea pas de pain et ne but pas d’eau,
il écrivit sur les tables les paroles de l’Alliance, les dix paroles. » (Exode, 34, 28) : ‫אַרבָּ עִ ים יוֹם‬ ְ ‫יְהוָה‬-‫שָׁ ם עִ ם‬-‫ַויְהִ י‬
.‫הַ לֻּחֹ ת אֵ ת ִדּבְ ֵרי הַ בְּ ִרית עֲשֶׂ ֶרת הַ ְדּבָ ִרים‬-‫אַרבָּ עִ ים ַל ְילָה לֶחֶ ם �א אָכַל וּמַ יִם �א שָׁ תָ ה וַיִּ כְ תֹּ ב עַ ל‬
ְ ְ‫ ; ו‬comparer avec Exode, 24, 18.
Voir par ailleurs dans l’épisode du Déluge que le même chiffre se retrouve : « Il y eut averse sur la terre quarante
jours et quarante nuits. » (Genèse, 7, 12) : .‫אַרבָּ עִ ים ָל ְילָה‬ ְ ְ‫אַרבָּ עִ ים יוֹם ו‬
ְ ‫אָרץ‬
ֶ ָ‫ה‬-‫ַויְהִ י הַ גֶּשֶׁ ם עַ ל‬
778
La gynécologie actuelle montre ce que Hippocrate et Galien ont aussi remarqué, à savoir que « la première
période critique de la grossesse est la première quarantaine pendant laquelle surviennent, autrefois comme
aujourd’hui, la plupart des avortements. » (Ch. Bonnet-Cadilhac, ibid., p. 175) ; et voir précisément la
formulation d’Hippocrate sur ce problème : « (…) les quarantaines jugent pour les fœtus ; ceux qui passent les
quarante premiers jours échappent en général aux avortements ; car il se fait plus d’avortements dans la première
quarantaine que dans les autres. » (Hippocrate, Du fœtus de sept mois, 9, Littré (ed.), VII, p. 449). Cette cause est
peut-être une explication supplémentaire à la récurrence de ce chiffre (40) chez nos rabbins quant à la formation
du fœtus.
227

2.3.12. Comparaison entre la durée de formation du fœtus de sexe masculin et féminin

’Ocar hamidrašim779
‫למה גזר הקב"ה על יולדת זכר שטמאה ז' ימים ואם נקבה שבועים? אלא להזכירך יצירת אדם הראשון‬
‫( למה גזר‬...) ‫שנברא בז' ימי בראשית של שבת ראשון ויצירת חוה שנטלה מצלעותיו בשבת שניה‬
‫הקב"ה שהיולדת זכר אחר ארבעים יום ויולדת נקבה אחר פ' יום תבא לבית המקדש? להזכירך מה פעל‬
‫ לכן היולדת זכר לאחר מ' יום שהוא שיעור יצירת‬,‫אל עם אדה"ר שנברא חוץ מגן עדן ואח"כ נכנס לג"ע‬
.‫ ופ' יום לנקבה שהוא שיעור ליצירת הנקבה תכנס לבית המקדש להביא קרבנות‬,‫הולד לזכר‬

L’auteur commence par se demander pourquoi la parturiente d’un garçon est impure pendant
sept jours alors que si elle accouche d’une fille elle le sera pendant deux fois plus de temps –
i.e. quatorze jours. Et il répond qu’il en est ainsi pour nous rappeler que le premier homme
(i.e. Adam) à été créé, lors de la Création, au bout de sept jours alors que la première femme
le fut une semaine plus tard780.
L’auteur tente ensuite de justifier la raison pour laquelle une accouchée doit se rendre au
Temple après quarante jours si elle accouche d’un garçon, et après quatre-vingts jours si elle
accouche d’une fille. Autrement dit, essayer de justifier pourquoi la procédure de purification
dure quarante jours pour un nouveau-né mâle, et quatre-vingts pour un nouveau-né de sexe
féminin. Il avance que la réponse tient, là aussi, dans l’opposition mâle et femelle, mais cette
fois vis-à-vis de leur temps de formation. Si, en effet, la formation d’un fœtus de sexe
masculin dure quarante jours, et celle d’un fœtus de sexe féminin quatre-vingts781, alors on
comprend, selon l’auteur, que la procédure de purification pour la naissance d’un garçon dure
quarante jours, et celle pour la naissance d’une fille quatre-vingts.

Comme le précédent782, ce midrash conforte la pensée comme quoi la conception d’un fœtus
dure quarante jours, d’autant plus qu’aucune autre durée, en dehors de celle vis à vis de la
formation d’un fœtus de sexe féminin783, n’a été évoquée. Nous avons en effet ces deux

779
‘Ocar hamidrašim (Eisenstein), page 474, § 15.
780
La tradition ne retient pas cet avis puisque les Sages pensent qu’ils ont été créés, tous les deux, en même
temps.
781
Pour les quatre-vingts jours en question il se base sur l’avis de Rabbi Yishmael in Mishna, Nidda, 3, 7 :
.‫ והנקבה לשמונים ואחד‬,‫( הזכר נגמר לארבעים ואחד‬...) ‫רבי ישמעל אומר‬
782
I.e. ‘Ocar hamidrašim (Eisenstein), page 407, § 50.
783
Qui n’a d’ailleurs pas été retenue par la Halakhah.
228

chiffres (quarante et quatre-vingts jours) pour indiquer respectivement le temps que met un
fœtus de sexe masculin et un fœtus de sexe féminin pour se former.
L’auteur de ce texte croyait qu’un fœtus était achevé, au plus tard, au bout de quatre-vingts
jours de grossesse ; le reste du temps ce dernier apprend la Torah.
229

2.3.13. Chorion (šafir) et placenta (šilya’)

Lévitique rabba784
‫)איוב לח( ויסך בדלתים ים בגיחו מרחם יצא ר"א ור' יהושע ור"ע ר"א אומר כשם שיש דלתות לבית כך‬
‫יש דלתות לאשה הה"ד )איוב ג( כי לא סגר דלתי בטני ורבי יהושע אומר כשם שיש מפתחות לבית כך‬
‫לאשה הה"ד )בראשית ל( וישמע אליה אלהים ויפתח את רחמה רבי עקיבא אומר כשם שיש צירים לבית‬
‫ בגיחו מרחם יצא על ידי‬,‫כך יש צירים לאשה הה"ד )שמואל א ד( ותכרע ותלד כי נהפכו עליה ציריה‬
‫ ואשבור‬,‫שמתגאה לצאת )איוב לח( בשומי ענן לבושו זה השפיר )איוב לח( וערפל חתולתו זה השליא‬
‫ ואשים בריח ודלתים אלו שלשה חדשים האמצעים ואומר עד‬,‫עליו חוקי אלו שלשה חדשים הראשונים‬
‫ ופה תשית בגאון גליך רבי איבו אמר בעון גלליך לפי‬,‫פה תבא ולא תוסיף אלו ג' חדשים האחרונים‬
‫שהולד הזה כשהוא יוצא יוצא מלא גללין וכל מיני סירוחין והכל מחבקים אותו ומנשקין אותו וביותר‬
.‫אם הוא זכר הה"ד אשה כי תזריע וילדה זכר‬

« Qui a fermé la mer avec des portes, lorsqu’elle sortit impétueuse du sein maternel ;
quand je lui donnai les nuages pour vêtements, et pour langes d’épais brouillards ;
quand je lui imposai ma loi, que je lui mis des portes et des verrous, et que je lui dis :
« Tu viendras jusqu’ici, non au-delà ; ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ! » »785

Ce verset tend à rendre compte de la puissance divine, à travers sa capacité de contrôle des
éléments : l’auteur de ce verset traduit, d’une façon imagée, les différentes étapes de la
maîtrise d’une tempête maritime786. Seulement, ce qui est particulier avec ce verset, c’est qu’il
se prête bien à la parabole vis-à-vis de la grossesse : en raison des autres images auxquelles il
renvoie, et du vocabulaire commun qu’il a avec la maternité. Voici justement les réflexions,

784
Lévitique rabba (Vilna), section 14, § 4.
785
Job, 38, 8-11 ; la traduction choisie pour ce verset est celle du chanoine A. Crampon (La Sainte Bible,
Desclée et Cie, Tournai, 1938, p. 700) :
‫פֹּ ה תָ בוֹא וְ �א‬-‫ וָאֹ מַ ר עַ ד‬.‫ וָאֶ ְשׁבֹּר עָ לָיו ֻח ִקּי וָאָ ִשׂים בְּ ִריחַ ְוּדלָתָ יִם‬.‫שׂוּמי עָ ָנן לְ בֻשׁ ֹו ַוע ֲָרפֶ ל ֲח ֻתלָּת ֹו‬
ִ ְ‫ בּ‬.‫ַויָּסֶ � בִּ ְדלָתַ יִם יָם בְּ גִ יח ֹו מֵ רֶ חֶ ם יֵצֵ א‬
.�‫י ִָשׁית בִּ גְ אוֹן ַגּלֶּי‬-‫תֹ סִ יף וּפֹ א‬
786
Nous proposons ici un bref commentaire des différentes parties du sens « traditionnel » de ce verset – celui,
précisément, relatif à la tempête :
« Qui enferma (…) quand elle sortait du sein ? » – ‫ ַויָּסֶ � בִּ ְדלָתַ יִם יָם בְּ גִ יח ֹו מֵ ֶרחֶ ם יֵצֵ א‬: Dieu ferme la mer à double
portes lorsqu’elle se démonte ; Il l’empêche, pour ainsi dire, de se déchaîner davantage.
« Quand je mis (…) pour son maillot. » – ‫שׂוּמי עָ נָן לְ בֻשׁ ֹו ַוע ֲָרפֶ ל ֲח ֻתלָּת ֹו‬
ִ ְ‫ בּ‬: Les nuages et le brouillard (termes plus
proches du sens littéral) cernent la mer ; la mer se trouve en eux comme dans un écrin.
« Puis je lui imposais ma limite (…) » – ‫ וָאֶ ְשׁבֹּר עָ לָיו חֻ ִקּי‬: C’est ainsi – par ces phénomènes que Dieu maîtrise –
que la mer n’inonde pas justement toute la terre.
La fin du verset qui nécessite aussi quelques éclaircissements se trouve plus bas.
230

relatives à la grossesse et au fœtus, que ce verset a inspiré aux rabbins suivants : Rabbi Eliezer
(T3), Rabbi Yehoshoua (T3), Rabbi Aqiva (T4) et Rabbi Ibo (AI3) :

1) Rabbi Eliezer. Dieu a posé des « portes » à la mer comme il en a posé à la femme enceinte ;
et il s’appuie sur un autre verset du même livre pour consolider cette image :
« Car [Il] n’a pas fermé les portes du ventre où j’étais (…) »787.

2) Rabbi Yehoshoua. Une femme a des « ouvertures » que Dieu seul peut ouvrir et la rendre
du coup fertile ; et il cherche à asseoir cette leçon sur un autre verset biblique :
« Dieu (…) la rendit féconde. »788.

3) Rabbi Aqiva. Il en profite pour rapprocher précisément les portes et la grossesse ! Il y


arrive par un jeu de mot fondé sur l’homonymie : les portes ont des cirim « gonds », et les
femmes qui accouchent ont aussi des cirim « douleurs d’accouchement » ; et il rappelle cette
réalité de l’accouchement en citant, lui aussi, un verset de la Bible789 :
« (…) elle se courba et accoucha, car les douleurs la surprirent. »790.
Rabbi Aqiva propose ensuite une lecture visant à rapprocher notre verset initial du livre de
Job de la grossesse :

- « lorsqu’elle sortit impétueuse du sein maternel » (‫ – )בְּ גִ יח ֹו מֵ ֶרחֶ ם יֵצֵ א‬la mer rappelle la
sortie du fœtus au moment de l’accouchement.
- « je lui donnai les nuages pour vêtements » (‫שׂוּמי עָ נָן לְ בֻשׁ ֹו‬
ִ ְ‫ – )בּ‬le nuage au-dessus de la mer
rappelle le chorion fœtal.
- « pour langes d’épais brouillards » (‫ – )ע ֲָרפֶ ל ֲח ֻתלָּת ֹו‬le brouillard rappelle le placenta791.

787
Si Dieu avait justement fermé les « portes » du ventre de la mère de l’auteur du livre qu’il cite, il ne serait pas
né et n’aurait pas souffert autant qu’il souffre : Job, 3, 10 : « Car [Il] n’a pas fermé les portes du ventre où j’étais,
ni dérobé la souffrance à mes regards. » : .‫כִּ י �א סָ גַר דַּ לְ תֵ י בִ טְ נִי ַויַּסְ תֵּ ר עָ מָ ל מֵ עֵ ינָי‬
788
Genèse, 30, 22 : « Dieu se souvint de Rachel, il l’exauça, et il la rendit féconde. » :
.‫רַ חְ מָ הּ‬-‫ ָרחֵ ל וַיִּ ְשׁמַ ע אֵ לֶיהָ אֱ�הִ ים וַיִּ פְ תַּ ח אֶ ת‬-‫וַיִּ זְ ֹכּר אֱ�הִ ים אֶ ת‬
Sur cette capacité divine sur la fécondité et la stérilité féminine, voir aussi : Genèse, 20, 18 ; 29, 31 ; 30, 22 ; I
Samuel, 1, 5.
789
Le terme « porte » n’y est, hélas, pas mentionné.
790
I Samuel, 4, 19 : « Sa belle-fille, femme de Pinekhas, était enceinte et sur le point d’accoucher. Lorsqu’elle
entendit la nouvelle de la prise de l’arche de Dieu, de la mort de son beau-père et de celle de son mari, elle se
courba et accoucha, car les douleurs la surprirent. » :
. ָ‫נֶהֶ פְ כוּ עָ לֶיהָ צִ רֶ יה‬-‫הִ לָּקַ ח אֲרוֹן הָ אֱ�הִ ים וּמֵ ת חָ ִמיהָ וְ אִ ישָׁ הּ וַתִּ כְ ַרע וַתֵּ לֶד כִּ י‬-‫הַ ְשּׁמוּעָ ה אֶ ל‬-‫פִּ ינְחָ ס הָ ָרה ָללַת וַתִּ ְשׁמַ ע אֶ ת‬-‫וְ ַכלָּת ֹו אֵ שֶׁ ת‬
791
Maïmonide, notamment, utilise ce terme pour le placenta : il le compare à une outre épaisse – ḥotelet ‘avah
(‫– )חותלת עבה‬, dans lequel, comme nous le savons, le fœtus se développe. Cf. Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey bi’ah,
chapitre 10, règle 13.
231

- « je lui imposai ma loi » (‫ – )וָ אֶ ְשׁבֹּר עָ לָיו חֻ ִקּי‬cette loi est comparée au premier trimestre de la
grossesse ; « je lui mis des portes et des verrous » (‫וּדלָתָ יִם‬
ְ ַ‫ – )וָ אָ ִשׂים בְּ ִריח‬ces portes et ces
verrous sont comparés au deuxième trimestre de la grossesse et « Tu viendras jusqu’ici, non
au-delà » (‫פֹּ ה תָ בוֹא וְ �א תֹ סִ יף‬-‫ – )עַ ד‬cette dernière limite est comparée au troisième et dernier
trimestre de la grossesse.

4) Rabbi Ibo suggère enfin – en tordant un peu la sonorité des termes afin de les rapprocher –
de lire la fin de notre verset : « ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots » – wupo’ yašit big’on
galeykha (�‫י ִָשׁית בִּ גְ אוֹן ַגּלֶּי‬-‫ – )וּפֹ א‬par « Ici tu laisseras, par ta faute, tes excréments »792 –
wupoh tašit be‘awon gelaleykha (‫– )ופה תשית בעון גלליך‬, et cela dans la mesure où le
nouveau-né est plein d’excréments et de puanteurs ; malgré cela, précise t-il, tout le monde le
choie et l’embrasse793. Il ajoute, pour finir, qu’on le choie encore plus si c’est un garçon ; le
verset sur lequel il se base pour asseoir cela est le suivant : « (…) Quand une femme aura été
fécondée et aura enfanté un mâle (…) »794.

Eu égard à leur analyse du fœtus, on constate qu’ils ont déjà des connaissances établies sur les
annexes fœtales : Rabbi Aqiva fait justement la distinction entre le chorion (šafir) et le
placenta (šilya’). Or, s’il est assez simple de différencier le fœtus du placenta – dans la mesure

792
Le texte actuel yašit big’on (‫ « )ישית בגאון‬il mettra à l’orgueil » est probablement dû à une mauvaise coupure
de yištaber ge’on (‫ « )ישתבר גאון‬se brisera l’orgueil » ; leçon soutenue par la Septante et la Vulgate.
793
Comparer cette parabole avec celle de Rabbi Abahou in Yalquṭ šim‘oni, Job, remez 923 (‫ )תתקכג‬: Au lieu de
lire « il mettra à l’orgueil tes flots » (�‫)י ִָשׁית בִּ גְ אוֹן ַגּלֶּי‬, il lit « il te mettra de force dans tes excréments »
(‫)ישית בעוז גלליך‬. Cette version se réfère, comme celle de Rabbi Ibo, aux premiers jours de la vie du nouveau-né
qui sans aide extérieure vivrait dans ses propres défécations. Donc, là où Rabbi Ibo voit « la faute », Rabbi
Abahou voit « la force » ; ce n’est pas nécessairement contradictoire, mais les deux sont d’accord pour modifier
le terme galeykha (‫ « )גליך‬tes flots » en glaleykha (‫ « )גלליך‬tes excréments ».
794
Lévitique, 12, 2 : « Parle aux fils d’Israël, en disant : Quand une femme aura été fécondée et aura enfanté un
mâle, elle sera impure durant sept jours ; comme aux jours de la souillure provenant de son indisposition elle
sera impure. » : .‫בְּ נֵי י ְִשׂ ָראֵ ל לֵאמֹ ר אִ שָּׁ ה כִּ י תַ זְ ִריעַ וְ יָלְ ָדה ָזכָר וְ טָ ְמאָה ִשׁבְ עַ ת יָמִ ים כִּ ימֵ י נ ִַדּת ְדּוֹתָ הּ תִּ ְטמָ א‬-‫ ַדּבֵּ ר אֶ ל‬Le rapport, ici,
entre les deux idées n’est pas évident mais d’une façon générale, à l’époque talmudique, la naissance d’un
garçon était plus appréciée que celle d’une fille, car selon Rabbi Ami (AI3) « la paix vient avec lui » (il
l’interprète à partir d’un verset (Isaïe, 16, 1) où figure l’unité graphique « ‫ » כר‬qui compose aussi le mot zakhar
(‫ « )זכר‬mâle » : « Envoyez les agneaux au souverain du pays, envoyez-les de Séla, par le désert, à la montagne de
la fille de Sion. » : .‫צִ יּוֹן‬-‫הַ ר בַּ ת‬-‫אֶ ֶרץ ִמסֶּ לַע ִמ ְדבָּ ָרה אֶ ל‬-‫כַר מֹ שֵׁ ל‬-‫ ) ִשׁלְ חוּ‬et qu’« il porte son pain avec lui » (même
méthode mais avec un autre verset (II Rois, 6, 23) : « Alors le roi leur fit servir un grand banquet. Ils mangèrent
et ils burent, puis il les congédia, et ils s’en allèrent vers leur maître. Et les troupes d’Aram ne recommencèrent
plus à envahir le pays d’Israël. » : ‫דוּדי א ֲָרם‬ ֵ ְ‫יָסְ פוּ עוֹד גּ‬-‫ ֲא ֹדנֵיהֶ ם וְ �א‬-‫וַיִּ כְ ֶרה לָהֶ ם כֵּרָ ה גְ ד ֹולָה ַויֹּאכְ לוּ וַיִּ ְשׁתּוּ ַויְשַׁ לְּ חֵ ם ַויֵּלְ כוּ אֶ ל‬
.‫( )לָבוֹא בְּ אֶ ֶרץ יִשְׂ ָראֵ ל‬cf. Nidda, 31b).
232

où ce dernier est une masse charnue et spongieuse richement vascularisée795 –, il est plus
difficile d’isoler le chorion, car ce n’est que la membrane extérieure de l’embryon796.

795
Qui adhère à l’utérus par un grand nombre de prolongements et communique avec le fœtus par le cordon
ombilical.
796
Qui assure un contact intime avec l’utérus et joue un rôle dans la nutrition de l’embryon.
233

2.3.14. Le rôle du père, de la mère et de Dieu

Qohelet rabba797
‫ אביו מזריע בו לובן שממנו‬,‫תני בזמן שהולד נוצר במעי אמו שלשה הם שותפין בו הקב"ה ואביו ואמו‬
‫ אמו מזרעת אודם שממנו הדמים והעור‬,‫הלובנים והמוח והצפרנים ולובן שבעין והעצמות והגידין‬
‫ והקב"ה יתברך שמו ויתרומם זכרו נותן בו עשרה דברים ואלו הן רוח‬,‫והבשר ושער ושחור שבעינים‬
‫ונשמה וקלסתר פנים ומראית עינים ושמיעת אזנים ודבור שפתים ונשיאות ידים והילוך רגלים וחכמה‬
‫ובינה ועצה ודעת וגבורה וכשבא שעת פטירתו הקב"ה נוטל חלקו ומניח חלק אביו ואמו לפניהם ואביו‬
‫ אומרים לפניו‬,‫ אמר להם הקב"ה מה לכם בוכין כלום נטלתי משלכם לא נטלתי אלא שלי‬,‫ואמו בוכין‬
‫רבש"ע כל זמן שהיה חלקך מעורב בחלקנו היה חלקנו שמור מן רמה ותולעה ועכשיו שנטלת חלקך‬
.‫מתוך חלקנו הרי חלקנו מושלך ונתון לרמה ותולעה‬

« Comme il est sorti du sein de sa mère, nu il s’en retournera, tel qu’il est venu et il ne
retire rien du tout de son travail qu’il puisse emporter dans sa main. »798

Ce midrash799 met en valeur les deux points que nous venons de voir : le clivage âme-corps et
la prévalence que ces auteurs semblent accorder à la question de l’âme, sans dénigrer –
comme toujours – celle du corps. Il rappelle également un troisième point que nous avons
déjà vu : la participation du père et de la mère dans la conception du fœtus, sans donner
d’avantage au père. Nos auteurs, ici, ne méprisent pas non plus la question du corps puisqu’ils
détaillent l’apport des parents dans la formation d’un fœtus. L’apport le plus déterminant dans
cette formation semble être, néanmoins, celui du troisième « partenaire » – i.e. Dieu ; sans que
soit explicitement donné l’instant précis de Son intervention – capitale, on s’en doute, dans la
question du statut du fœtus.
Voici le développement de ce midrash :

« Il y a trois partenaires pour faire un être humain : le Saint, béni soit-Il, son père et sa mère :
1) Son père sème la matière blanche dont seront faits son cerveau, le blanc de ses yeux, ses
ongles, ses nerfs, et ses os.

797
Qohelet rabba (Vilna), section 5, § 10, alinéa 2. Sa rédaction s'échelonne entre le 6ème siècle et le 8ème siècle
de l’ère commune.
798
Ecclésiaste, 5, 14 : .‫יִשָּׂ א בַ עֲמָ ל ֹו שֶׁ ֹיּלֵ� בְּ יָד ֹו‬-‫וּמאוּמָ ה �א‬
ְ ‫ַכּאֲשֶׁ ר יָצָ א ִמבֶּ טֶ ן אִ מּ ֹו עָ רוֹם יָשׁוּב ָל ֶלכֶת כְּ שֶׁ בָּ א‬
799
Fondé sur une baraïta in Nidda, 31a.
234

2) Sa mère sème la matière rouge qui formera son sang, sa peau, sa chair, ses cheveux et le
noir de ses yeux.
3) Le Saint, béni soit-Il, lui donne dix qualités : l’esprit et l’âme, les traits du visage, la vue,
l’ouïe, la parole, l’habileté manuelle, la faculté de marcher, la capacité de comprendre et de
discerner (‫)חכמה‬800, la possibilité de réfléchir et de penser et enfin le courage801.
Lorsque vient le moment de quitter le monde, le Saint, béni soit-Il, reprend Sa part et laisse la
part de son père et de sa mère devant eux. ».
Et l’auteur affirme que la mort est un retrait – fait par Dieu – de l’âme du corps, afin de
souligner, vraisemblablement, l’origine divine de l’âme et le clivage âme-corps802.

Les différentes conclusions qu’il est donc possible de tirer à partir de ce texte sont les
suivantes :

- L’homme et la femme participent activement dans la formation du fœtus803.


- Seul Dieu donne le principe vital (l’âme) qui, pour nous804, conférerait au fœtus le statut
d’âme vivante (nefeš).
- Le moment précis où ce principe vital s’unit au corps n’est pas précisément mentionné, et
peut donc l’être à la naissance – justement admise, on l’a vu, comme l’instant concomitant
avec l’obtention du statut d’âme vivante par le fœtus.

800
Le terme ḥokhmah (‫ )חכמה‬remplace, ici, le terme haskel (‫ )השכל‬que l’on trouve in Nidda, 31a. Les deux
termes peuvent être traduits par « intelligence », mais le terme ḥokhmah signifie aussi la « sagesse », la
« prudence », l’« art » et l’« adresse ».
801
Comparer justement avec Nidda, 31a car « l’habileté manuelle », « la possibilité de réfléchir et de penser »
ainsi que le « courage » n’y sont pas mentionnés.
802
C’est en ce sens que nos auteurs rapprochent le verset biblique de l’Ecclésiaste (5, 14) que nous avons cité,
avec le dernier extrait, ici, du midrash : « Tant que ta part était combinée à la notre, elle était protégée des vers et
des asticots ; mais maintenant qu’elle est partie, elle est donnée aux vers et aux asticots. » :
‫כל זמן שהיה חלקך מעורב בחלקנו היה חלקנו שמור מן רמה ותולעה ועכשיו שנטלת חלקך מתוך חלקנו הרי חלקנו מושלך ונתון‬
.‫לרמה ותולעה‬
803
Nous notons que nos auteurs associent la couleur du liquide séminal de l’homme aux parties claires du corps
humain, et celle du sang de la femme (celui des menstrues quand elle n’est pas fécondée) aux parties plus
foncées. On remarque précisément une observation similaire de la part de Galien : « Tout ce qui a l’aspect de la
chair est né du sang [de la mère], mais tout ce qui est membraneux est fait à partir du sperme [du père]. »
(Galien, De Semine, I, 9).
804
Pour eux aussi semble t-il.
235

2.3.15. Le serment prénatal

Yalquṭ šim‘oni805
‫ מדבר בולד שאינו יוצא ממעי אמו עד שמשביעין אותו שנאמר כי לי תכרע כל ברך‬,‫כי לי תכרע כל ברך‬
‫ תשבע כל לשון זה יום הלידה אשר לא נשא לשוא‬,‫זה יום המיתה שנאמר לפניו יכרעו כל יורדי עפר‬
‫ ומה שבועה משביעין אותו אומרים לו הוי צדיק ולא תהא רשע ואפילו כל‬,‫נפשי ולא נשבע למרמה‬
‫העולם אומרים עליך צדיק הוי בעיניך כרשע והוי יודע שהקב"ה טהור ונשמה שנתן לך טהורה אם אתה‬
.‫משמרה בטהרה מוטב ואם לאו הרי הוא נוטלה ממך‬

Les versets bibliques contenus dans cet extrait font référence, selon l’auteur du midrash, au
serment que prêterait l’âme avant la naissance. L’âme serait, en effet, exhortée, avant de
quitter le sein maternel, à jurer d’être juste et pas méchante806 ; car elle arrive sainte et pure de
Dieu, et la souiller entraînerait sa fuite – i.e. la mort. Ainsi, l’auteur rapproche deux versets
bibliques différents et les commente dans l’optique de cette leçon : « toute langue jurera »807
même celle du fœtus – avant sa naissance – parce qu’il est écrit dans le livre des Psaumes :
« (…) qui ne se livre pas au mensonge, et ne jure pas pour tromper »808.

Il y a une difficulté à rendre cohérent ce midrash : si le fœtus a une âme (il aurait pour ainsi
dire le statut d’âme vivante !), et qu’il doit impérativement jurer d’être bon – condition sine
qua non à sa naissance809 – nous ne comprenons plus le libre-arbitre. Pour lever cette
incohérence, nous proposons deux possibilités : 1/ Le fœtus n’a pas d’âme et ce midrash,
comme les autres, n’est qu’une image pour illustrer l’étape précise où l’âme, dans son
« itinéraire », n’est qu’exhortée à prêter serment, mais pas obligée. 2/ Que le fœtus ait ou non
une âme importe peu du moment qu’on admet, au moins, que ce qui semble être une condition

805
Yalquṭ šimo‘ni, Isaïe, remez 464 (‫)תסד‬.
806
Ce serment n’est pas contradictoire avec le libre-arbitre.
807
Isaïe, 45, 23 : Je le jure par moi-même, la vérité sort de ma bouche et ma parole ne sera point révoquée : Tout
genou fléchira devant moi, toute langue jurera par moi. » :
.‫לָשׁוֹן‬-‫בֶּ ֶר� תִּ שָּׁ בַ ע כָּל‬-‫לִ י תִּ כְ ַרע כָּל‬-‫בִּ י נ ְִשׁבַּ עְ תִּ י יָצָ א ִמפִּ י צְ ָדקָ ה ָדּבָ ר וְ �א יָשׁוּב כִּ י‬
808
Psaumes, 24, 4 : « Celui qui a les mains innocentes et le coeur pur ; celui qui ne livre pas son âme au
mensonge, et ne jure pas pour tromper. » : .‫נָשָׂ א לַשָּׁ וְ א נַפְ שִׁ י וְ �א נִשְׁ בַּ ע לְ מִ ְרמָ ה‬-‫לֵבָ ב אֲשֶׁ ר �א‬-‫נ ְִקי כַפַּ יִם וּבַ ר‬
Il fait la même chose avec la mort ; il rapproche une autre partie du premier verset : « (…) tout genou fléchira
devant moi (…) » (Isaïe, 45, 23) avec le segment d’un autre verset du livre des Psaumes : « (…) devant lui
s’agenouillent tous ceux qui descendent dans la poussière (…) » (Psaumes, 22, 30) : « Tous les puissants de la
terre mangeront et se prosterneront aussi ; devant lui s’agenouillent tous ceux qui descendent dans la poussière,
ceux qui ne peuvent conserver leur vie. » : .‫יו ְֹרדֵ י עָ פָ ר וְ נַפְ שׁ ֹו �א ִחיָּה‬-‫אֶ ֶרץ לְ פָ נָיו יִכְ ְרעוּ כָּל‬-‫ ִדּ ְשׁנֵי‬-‫אָכְ לוּ וַיִּ ְשׁתַּ חֲווּ כָּל‬
809
« (…) le fœtus ne sort pas du ventre de sa mère tant qu’il n’a pas prêté serment (…) » :
.(...) ‫( הולד אינו יוצא ממעי אמו עד שמשביעין אותו‬...)
236

sine qua non à la naissance, n’est qu’une façon de parler pour fortement insister sur la
conduite à tenir.

L’idée du serment prénatal n’est pas nouvelle810, mais qu’il soit la condition sans laquelle le
fœtus ne naîtra pas est inédite, et reste, pour nous, le seul endroit où on la trouve.

810
Cf. Nidda, 30b et passim.
‫‪237‬‬

‫‪2.3.16. Parallèle entre la formation de l’homme et celle du monde‬‬

‫‪‘Ocar hamidrašim811‬‬
‫כיצד יצירת הולד‪ ,‬אמר ר' יוחנן מאי דכתיב עושה גדולות אין חקר נפלאות עד אין מספר‪ ,‬אלו גדולות‬
‫ונפלאות שהקב"ה עושה ביצירת הולד‪ .‬שבשעה שאדם בא לשמש מטתו עם אשתו הקב"ה קורא למלאך‬
‫הממונה על ההריון ואומר לו דע כי פלוני מזריע הלילה יצירת האדם ואתה לך ושמור אותה טיפה וטול‬
‫אותה בספל וזרה אותה בגורן לשלש מאות וששים וחמשה חלקים‪ ,‬והוא עושה כך ונוטל הטיפה ומביאה‬
‫לפני הקב"ה ואומר לפניו רבש"ע עשיתי ככל אשר צויתני וטיפה זו מה תהא עליה גזור עליה כרצונך‪,‬‬
‫מיד הקב"ה גוזר עליה אם גבור או חלש או ארוך או גוץ זכר או נקבה טיפש או חכם עשיר או עני‪ ,‬אבל‬
‫צדיק או רשע אינו גוזר דאמרינן הכל בידי שמים חוץ מיראת שמים‪ .‬מיד רומז הקב"ה למלאך הממונה‬
‫על הרוחות ואומר לו הבא לי רוח פלוני‪ ,‬שכך וכך הם עושים בהבראם מיום שנברא העולם עד שכלה‬
‫העולם‪ .‬תיכף בא לפני הקב"ה ומשתחוה לפניו‪ ,‬באותה שעה אמר לו הקב"ה הכנס בטיפה זו‪ ,‬מיד פותח‬
‫הרוח את פיו ואומר לו רבש"ע די לי בעולם שהייתי מיום שנבראתי‪ ,‬אם רצונך אל תכניסני בטיפה זו‬
‫סרוחה כי קדושה וטהורה אני‪ ,‬א"ל הקב"ה העולם אשר אני מכניסך הוא טוב מן העולם אשר היית‪,‬‬
‫וכשיצרתיך לא יצרתיך אלא לטיפה זו‪ ,‬מיד מכניסו הקב"ה על כרחו בתוך אותה טיפה‪ ,‬וחוזר המלאך‬
‫ומחזיר הרוח בתוך מעי אמו ומזמן שם שני מלאכים ושומרים אותו שלא יפול‪ ,‬ומניחים לו נר דלוק על‬
‫ראשו שנאמר בהלו נרו עלי ראשי‪ ,‬ומביט ורואה מתחלת העולם ועד סופו‪ ,‬ובבקר נוטלו המלאך ומוליכו‬
‫לגן עדן ומראה לו הצדיקים היושבים בכבוד ואומר לו תדע למי היה אותו רוח? א"ל לאו‪ ,‬א"ל אותו‬
‫שאתה רואה באותו כבוד ובאותה מעלה נוצר כמותך במעי אמו‪ ,‬וכן זה וזה ושמרו חוקי ומשפטי הקב"ה‪,‬‬
‫אם תעשה כמותם אחר מותך כאשר מתו הם תזכו למעלה הזאת ולכבוד הזה כאשר אתה רואה‪ ,‬ואם לאו‬
‫סופך לילך אל המקום אשר אראך‪ .‬לערב מוליכו לגיהנם ומראה לו הרשעים שמלאכי חבלה מטרידין‬
‫אותם וחובטין ומכין אותם במלקות של אש והם צועקין אוי ואבוי ואין מרחמין עליהם‪ ,‬ואומר לו המלאך‬
‫בני הידעת מי המה אלו הנשרפין? ואומר לאו‪ ,‬א"ל תדע שאלו נוצרו מטיפה סרוחה במעי אמן כמוך‬
‫ויצאו לעולם‪ ,‬אך לא שמרו עדות וחקות הקב"ה לכך באו לחרפה זו‪ .‬ועתה בני תדע כי סופך לצאת מן‬
‫המקום הזה ולמות‪ ,‬לכן אל תהי רשע אך תהי צדיק ותחיה לעולם הבא‪ ,‬ומנין שכך הוא שנאמר יתמך‬
‫דברי לבך שמר מצותי וחיה‪ ,‬ומטייל אותו מן הבקר ועד הערב ומראה לו כל מקום שידרוך כף רגלו‬
‫ומקום שעתיד לדור בו ומקום שעתיד ליקבר בו ואח"כ מראה לו עולם הטובים והרעים‪ ,‬לערב מחזיר‬
‫אותו למעי אמו והקב"ה עושה לו דלתים ובריח שנאמר ויסך בדלתים ים בגיחו מרחם יצא‪ ,‬וכתיב ואשים‬
‫דברי בפיך ובצל ידי כסיתיך ואומר לו הקב"ה עד פה תבא ולא תוסיף‪ .‬ומונח הולד במעי אמו ט' חדשים‪,‬‬
‫ג' חדשים הראשונים הוא דר במדור התחתון וג' אמצעיים במדור האמצעי וג' האחרונים במדור העליון‪,‬‬

‫‪811‬‬
‫‪‘Ocar hamidrašim (Eisenstein), page 243 § 1. C’est le nom d’un recueil de deux cent textes aggadiques‬‬
‫‪mineurs édité par Julius D. Eisenstein à New York en 1915. La rédaction de ces textes est ultérieure au 13ème‬‬
‫‪siècle. Chacun d’eux est une reprise, pour nous, d’autres textes aggadiques.‬‬
‫‪238‬‬

‫ואוכל מכל מה שאמו אוכלת ושותה ממה שאמו שותה ואינו מוציא רעי שאלמלא כך תמות אמו‪ ,‬ולכך‬
‫נאמר עושה גדולות וגו'‪ .‬וכאשר הגיע זמנו לצאת בא אותו המלאך ואומר לו צא כי הגיע זמנך לצאת‬
‫לעולם‪ ,‬והוא משיב והלא כבר אמרתי בפני מי שאמר והיה העולם שדי לי בעולם אשר הייתי דר בו‪,‬‬
‫ואומר לו עולם שאני מכניסך יפה הוא‪ ,‬ועוד שעל כרחך אתה נוצר במעי אמך ועל כרחך אתה נולד ותצא‬
‫לעולם‪ .‬מיד בוכה הוא‪ ,‬ולמה הוא בוכה? מאותו עולם שהיה בו שמניחו‪ .‬וביציאתו מכה אותו המלאך‬
‫תחת חוטמו ומכבה הנר שעל ראשו ומוציאו על כרחו ושוכח כל אשר ראה‪ .‬ועוד ביציאתו הוא בוכה‬
‫ולמה‪ ,‬מפני שמחליפין לו שבעה עולמות באותה שעה‪ :‬עולם ראשון דומה למלך שהכל שואלין בשלומו‬
‫ומתאוים לראותו ומנשקין ומחבקין אותו עד שהוא שנה‪ ,‬עולם שני דומה לחזיר שהוא תדיר בתוך‬
‫אשפתות כך הוא בשתי שנים תדיר בצואה ובפרש‪ ,‬עולם שלישי דומה לגדי שהוא מרקד במרעה כך הוא‬
‫מרקד לכאן ולכאן עד שהוא בן חמש שנים‪ ,‬עולם רביעי דומה לסוס כשהוא הולך בסרטיא בגסות הרוח‬
‫כך התינוק מהלך בגסות ומשתבח בבחרותו עד שהוא בן י"ח שנים‪ ,‬עולם חמישי דומה לחמור שנותנין‬
‫אוכף על כתפו כך מניחין עליו ונותנין לו אשה ומוליד בנים ובנות ומחזר אחר פרנסת בניו ובני ביתו‪,‬‬
‫עולם ששי דומה לכלב שמחזר אחר פרנסתו וחוטף לכאן ולכאן כחצוף למזונותיו וגונב מזה וגוזל לזה‬
‫ואינו מתבייש‪ ,‬עולם שביעי אינו דומה לכלום כי נשתנה מכל דבר‪ ,‬גם בני ביתו מקללין אותו ומבקשין‬
‫מיתתו ואפילו תינוקות משחקין ממנו‪ .‬לסוף הגיע זמנו למות ואז בא המלאך אצלו ואומר לו מכיר אתה‬
‫לי? והוא אומר הן‪ ,‬א"ל ולמה באת היום אצלי‪ ,‬וא"ל להוציאך מן העולם‪ ,‬מיד בוכה ומשמיע קולו‬
‫מתחילת העולם ועד סופו ואין כל בריה יכולה לשמוע קולו אלא תרנגול בלבד‪ ,‬ואומר למלאך והלא‬
‫הוצאתני משני עולמות והנחתני בעולם הזה אשר אני דר בו‪ ,‬ואומר לו המלאך והלא כבר אמרתי לך שעל‬
‫כרחך נוצרת ונולדת ותמות ועתיד אתה ליתן דין וחשבון לפני מלך מלכי המלכים הקב"ה‪.‬‬

‫‪Ce midrash contient des textes concentrés sur l’« itinéraire » de l’âme avant, pendant et après‬‬
‫‪la grossesse ; il contient également quelques points précis plus proches de la formation du‬‬
‫‪fœtus au sens propre. Ces textes se retrouvent essentiellement dans le Midraš tanḥuma ; ils‬‬
‫‪sont moins détaillés mais méritent, ici, leur place parce qu’ils le complètent malgré tout812.‬‬
‫‪Par ailleurs, nous souhaitions terminer ce long chapitre sur la formation du fœtus avec ce‬‬
‫‪midrash « jumeau » à celui du début de chapitre, afin, pour ainsi dire, de l’« encadrer ». Nous‬‬
‫‪suivons le texte, en essayant là aussi d’en rendre le style :‬‬

‫‪Rabbi Yoḥanan s’interroge sur le verset suivant : « Il fait de grandes choses, insondables et‬‬
‫» ‪des merveilles innombrables ! »813. Et il pense que les « grandes et merveilleuses choses‬‬
‫‪sont celles que Dieu fait à travers la formation d’un enfant :‬‬

‫‪812‬‬
‫‪Nous avons ajouté ces informations complémentaires là où il le fallait.‬‬
‫‪813‬‬
‫עֹ שֶׂ ה גְ דֹלוֹת עַ ד‪-‬אֵ ין חֵ קֶ ר וְ נִפְ לָאוֹת עַ ד‪-‬אֵ ין ִמסְ ָפּר‪Job, 9, 10 : .‬‬
239

- Au moment où le mari s’accouple avec sa femme, Dieu appelle l’ange en charge de la


grossesse, lui dit qu’un tel va féconder son épouse, et lui ordonne de surveiller la goutte
fécondante, de la déposer dans la coupe et de la disperser dans la grange en trois cent soixante
cinq parties814. L’ange apporte la goutte en question devant Le Saint, béni soit-Il, et Lui
demande ce qu’Il a décidé pour son avenir. Aussitôt, Dieu fixe si cette goutte sera un être fort
ou faible, grand ou petit, mâle ou femelle, sot ou sage, riche ou pauvre ; mais Il ne fixe pas si
cet être sera bon ou mauvais, ainsi qu’il est écrit : « Tout est entre les mains du ciel, sauf la
crainte du ciel. »815.
Ensuite, Le Saint, béni soit-Il, appelle l’ange en charge des esprits, lui ordonne de lui apporter
tel esprit et de pénétrer dans la goutte en question. Sur ce, l’esprit répond qu’il est bien là où il
est et qu’il ne désire pas pénétrer dans cette goutte fétide, car il est saint et pur. Alors, Le
Saint, béni soit-Il, lui répond que le monde où il va est meilleur que le monde où il se trouve,
et qu’Il ne l’a créé que dans l’intention de résider dans cette goutte ; puis Le Saint, béni soit-
Il, l’introduit, malgré la volonté de l’esprit, dans la goutte. L’ange en charge des grossesses
l’apporte ensuite dans le sein maternel, et deux autres anges veillent à ce qu’il ne glisse pas à
l’extérieur. Ils lui placent une lampe allumée sur la tête, ainsi qu’il est écrit : « Alors qu’il
faisait briller sa lampe sur ma tête et qu’à sa lumière je traversais les ténèbres ! »816, et l’esprit
contemple alors le monde entier d’un bout à l’autre.
L’ange, ensuite, le matin, lui montre le jardin d’Eden ainsi que tous les justes qui y résident, et
là, l’ange, en désignant un juste, demande à l’esprit qui devra résider dans la goutte, s’il sait
quel esprit a habité ce corps. L’esprit l’ignore, et l’ange lui répond que l’esprit du juste qu’il a
désigné a connu le même début que lui et que si, à son tour, il respecte les lois et les
commandements du Saint, béni soit-Il, il pourra également se retrouver au même endroit.
Sinon, il finira ailleurs… et l’ange lui montre donc, le soir, la Géhenne, les mauvais qui y
résident ainsi que les anges malfaisants qui les persécutent. L’ange demande alors à l’esprit
s’il sait où étaient ces esprits avant de se retrouver ici. L’esprit qui devra résider dans la goutte
l’ignore ; et, l’ange lui répond que ces esprits ont résidé dans des gouttes fétides que l’on a
placées dans le sein maternel et qui sont sorties au monde, comme cela le sera pour toi. Or,
poursuit l’ange, ces derniers n’ont pas préservé l’alliance et les préceptes du Saint, béni soit-
Il ; c’est la raison pour laquelle ils se trouvent dans cet endroit infâme.

814
Cette idée nous fait penser au nombre de muscles dont parle Galien : « Ainsi, dans le corps il y a bien plus de
trois cents muscles qui font bouger les parties (…). » (Galien, De foetuum formatione libellus, VI).
815
Berakhot, 33b. L’auteur, in Midraš tanḥuma, cite, lui, Deutéronome, 30, 15.
816
Job, 29, 3 : .� ֶ‫ֹאשׁי לְ אוֹר ֹו אֵ לֶ� חֹ שׁ‬
ִ ‫בְּ הִ לּ ֹו נֵר ֹו ֲעלֵי ר‬
240

A présent, lui dit l’ange, sache qu’un jour tu quitteras le monde vers lequel on t’emmène ;
c’est pourquoi tâches de ne pas être mauvais mais juste afin que tu vives dans le monde à
venir, ainsi qu’il est écrit : « Il m’instruisait et me disait : Que ton cœur retienne mes paroles,
garde mes préceptes et tu vivras »817. Puis du matin jusqu’au soir l’ange lui montre toutes les
places où il ira, le lieu où il habitera et l’endroit où il sera enterré, ainsi que la société des
justes et celle des mauvais818.
Ce [même] soir, l’ange le ramène dans le sein maternel et Le Saint, béni soit-Il, place des
portes et des verrous à l’endroit voulu, ainsi qu’il est écrit : « Qui enferma, à deux battants, la
mer, quand elle jaillissait, quand elle sortait du sein ? »819. Et, on lui y enseigne toute la Torah,
ainsi qu’il est écrit : « J’ai mis mes paroles dans ta bouche et je t’ai abrité dans l’ombre de ma
main, en déployant les cieux, en fondant la terre et en disant à Sion : tu es mon peuple »820.

- Le « fœtus » est donc placé dans le sein maternel pendant neuf mois821 :

1) Pendant les trois premiers mois de la grossesse, l’embryon occupe la chambre basse de
l’utérus.
2) Pendant les mois intermédiaires, il occupe la chambre du milieu.
3) Pendant les derniers mois, il se trouve dans la chambre haute de la matrice.

Il y mange de ce que mange sa mère et boit de ce qu’elle boit, sans, pour autant, faire
d’excréments ; autrement il la tuerait, c’est notamment la raison pour laquelle il est écrit qu’Il
fait de grandes choses.
Lorsque le moment de sortir à l’air du monde arrive, l’ange lui ordonne de sortir, mais le
fœtus lui répond que le monde dans lequel il se trouve actuellement lui suffit. Sur ce, l’ange
lui répond que le monde où il va est beau, et que de toutes les manières il n’a pas le choix car
il a été placé dans le sein maternel et en sortira bon gré mal gré. À l’annonce de cette
nouvelle, le fœtus pleure le monde dans lequel il était jusqu’à présent. L’ange éteint alors la

817
Proverbes, 4, 4 : .‫ ְדּבָ ַרי לִ בֶּ � ְשׁמֹ ר מִ צְ וֹתַ י ו ְֶחיֵה‬-� ָ‫ַויּ ֵֹרנִי ַויֹּאמֶ ר לִ י יִתְ מ‬
818
Sur Terre.
819
Job, 38, 8 : .‫ַויָּסֶ � בִּ ְדלָתַ יִם יָם בְּ גִיח ֹו מֵ ֶרחֶ ם יֵצֵ א‬
820
Isaïe, 51, 16 : .‫אָ תָּ ה‬-‫אָרץ וְ לֵאמֹ ר לְ צִ יּוֹן עַ מִּ י‬ ֶ ‫וָאָ שִׂ ם ְדּבָ רַ י בְּ פִ י� וּבְ צֵ ל י ִָדי כִּ סִּ יתִ י� לִ נְטֹ עַ שָׁ מַ יִם וְ לִ יסֹד‬
821
Cf. Nidda, 31a. Ce passage concernant les différentes chambres figure aussi in Lévitique rabba (Vilna),
section 14, § 3 et, bien sûr, in Midraš tanḥuma (Warsa), section pequdey, § 3.
241

lampe qui brillait au-dessus de sa tête822 et lui donne une tape sous le nez qui lui fait oublier
tout ce qu’il a vu823.

- Aussitôt sorti, le nouveau-né pleure encore. [Mais] la raison de ses pleurs c’est qu’à cet
instant on lui fait défiler les sept mondes qui l’attendent824 :

1) Le premier monde est semblable à celui des rois, dans la mesure où tout le monde
s’inquiète pour lui, l’embrasse et le choie jusqu’à l’âge d’un an.
2) Le deuxième monde est semblable à celui des cochons, dans la mesure où l’enfant traîne
dans les ordures et les excréments pendant deux années.
3) Le troisième monde est semblable à celui des caprins, dans la mesure où il danse deci delà
jusqu’à l’âge de cinq ans.
4) Le quatrième monde est semblable à celui des chevaux, dans la mesure où il marche avec
fierté et se réjouit de sa fiancée jusqu’à l’âge de dix-huit ans.
5) Le cinquième monde est semblable à celui des ânes, dans la mesure où on le charge d’une
femme avec laquelle il aura des enfants qu’il devra nourrir.
6) Le sixième monde est semblable à celui des chiens, dans la mesure où il devra arracher à
l’un et voler à l’autre sans avoir honte, pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.
7) Le septième monde n’est semblable à rien825 car il devient étranger à tout ce qui l’entoure :
les membres de sa famille le maudisse et attendent sa mort, même les enfants se moquent de
lui.

- [Enfin,] au moment où il doit mourir, le même ange du début s’approche de lui et lui
demande s’il le reconnaît. Le vieil homme acquiesce en lui demandant la raison pour laquelle
il vient chez lui aujourd’hui ; l’ange lui répond que c’est pour le retirer du monde. Aussitôt,

822
Il fait référence au verset : « Alors qu’il faisait briller sa lampe sur ma tête et qu’à sa lumière je traversais les
ténèbres ! » (Job, 29, 3).
823
Nous notons que l’endroit où est porté le coup – sous le nez : taḥat ḥoṭamo (‫ – )תחת חוטמו‬n’est pas précisé
dans le midrash jumeau en question (Midraš tanḥuma). En outre, dans le récit midrashique, l’oubli est total et
identique pour tous (faute d’autre précision), alors que, dans le mythe platonicien, « chacun est obligé de boire
une certaine mesure de cette eau, mais celui dont l’entendement est impuissant à le sauver boit plus que la
quantité prescrite et, ce faisant, il oubli tout » (cf. Platon, ibid.). M. Güdemann a tenté de relier le thème de la
lampe allumée et de la tape sous le nez du fœtus avec le mythe égyptien d’Horus Harpocrates (cf. Güdemann M.,
Religionsgeschichtliche Studien, Leipzig, 1876, p. 9) ; voir aussi Meyer R., Hellenistisches in der rabbinischen
Anthropologie, Stuttgart, 1937, p. 108.
824
L’auteur, in Midraš tanḥuma, note que l’âme pleure parce qu’elle quitte un monde spacieux et confortable –
i.e. l’utérus. Pour un texte plus complet concernant les différents mondes que l’ange fait voir à l’âme avant de
sortir à l’air du monde, cf., là aussi, Midraš tanḥuma (Warsa), section pequdey, § 3.
825
Dans le Midraš tanḥuma on compare ce dernier monde à celui des singes.
242

l’homme pleure, et pousse un cri qui s’entend d’un bout à l’autre du monde mais qu’aucun
être n’est capable d’entendre, hormis le coq. Alors le mourant dit à l’ange : « Tu m’as déjà
sorti de deux mondes pour me mettre dans celui où je vis », et l’ange lui répondit : « Je t’ai
déjà dit que malgré toi tu as été formé et né, et que malgré toi [aussi] tu mourras et devras
rendre des comptes devant le Roi des rois, Le Saint, béni soit-Il ».

Les deux points principaux développés dans ces textes aggadiques sont 1/ des théories sur
l’âme et 2/ des théories sur la formation du fœtus. Concernant le premier point, nous en
savons, en somme, un peu plus sur l’« itinéraire » de l’âme humaine avant la naissance et
jusqu’à la résurrection, bien que nous étions évidemment concentrés sur la période qui
correspond à la grossesse. Nous avons cru en lisant ces textes que le fœtus est « conscient »,
voire « vivant », pendant toute la durée de la grossesse, mais nous pensons que les auteurs de
ces textes n’envisagent pas que le fœtus est vraiment « animé », au sens où le sont ceux qui
ont le statut d’âme vivante (nefeš) – ce statut que nous avons développé dans les deux
premières parties de ce travail. Nous pensons cela pour deux raisons. La première est, comme
nous l’avons souligné, que ces textes parlent essentiellement de l’âme sans véritablement se
pencher sur le statut du fœtus : leurs auteurs n’utilisent quasiment qu’un seul terme pour le
désigner (walad), alors qu’ils en ont d’autres à leur disposition, et ce parce qu’ils s’occupent,
précisément, du parcours de l’âme plus que du statut du fœtus ; nous voulons souligner par là
que ce qui est « vivant » pour eux, paraît être davantage l’âme que le fœtus. Une telle attitude
semble, en effet, indiquer qu’ils ne travaillent pas sur la question du fœtus, et n’en cherchent
pas les nuances autant qu’il est possible de le faire comme nous l’avons vu. La deuxième
raison qui nous pousse dans ce sens, est que même concernant le deuxième point (la
formation du fœtus) – abordé par eux de surcroît d’une façon plus tangible, plus proche de
nous – nous ne trouvons rien qui aille dans le sens contraire : i.e. il n’y a pas dans ces textes
d’éléments qui nous indiquent que leurs auteurs accordent vraiment au fœtus le statut d’âme
vivante (nefeš).
Par ailleurs, il y a chez les amoraïm – principaux auteurs de nos textes aggadiques –, à l’instar
de la philosophie platonicienne et contrairement à la pensée tannaïtique (du début au moins),
une plus grande dichotomie entre l’âme et le corps ; cette dernière est une idée, en effet,
mieux installée dans les esprits de la fin de la période talmudique826. Cette séparation entre les
deux peut justifier qu’ils s’intéressent, ici, plus à la question de l’âme qu’au statut du fœtus827.

826
Bien que les amoraïm n’allèrent jamais jusqu’à la négation du corps, il y a en effet une grande différence
entre leur enseignement et celui des premier tannaïm ; ces derniers unifiaient bien plus le corps et l’âme. « Il y a
243

Notre conviction finalement semble sur ce point se rapprocher davantage de celle des
premiers tannaïm. Nous pensons, comme eux, que l’« âme » et le corps sont indissociables
dans la mesure il n’y a pas d’âme sans substrat, c’est-à-dire que l’« âme » dont on parle
habituellement ne peut « s’exprimer » qu’avec un corps. Et s’il est exact que nous avons
l’expérience de ce que peut être un corps sans âme (i.e. un cadavre), l’inverse n’est pas
démontré : nous n’avons pas la preuve d’une « âme » sans une quelconque matérialité.

un fossé profond entre l’enseignement des amoraïm sur l’homme et la pensée des premiers tannaïm, [car]
l’amalgame corps-âme s’est désintégré [chez les amoraïm] » (Urbach E., ibid., p. 258).
827
Nous voulons surtout souligner que nos auteurs semblent traiter, dans ces textes aggadiques, d’un point
somme toute assez précis des questions au sujet de l’âme : son « parcours ».
244

Chapitre 3 : Après la grossesse

3.1. Conditions de l’accouchement

Exode rabba828
‫( וראיתן על‬...) .(‫ויאמר בילדכן את העבריות ]וראיתן על האבנים אם בן הוא והמתן אתו[ )שמות א‬
‫ שהקב"ה עושה איבריה של אשה קשים כאבנים בשעה שיושבת על‬:‫ ר' יהודה ב"ס אמר‬- ‫האבנים‬
,‫ אין אבנים אלא סדן‬:‫ ור' פנחס החבר בשם ר' יונה מסייע לר' יהודה ב"ס‬.‫ שאלולא כן מתה‬,‫המשבר‬
:‫ אמר ר' חנין‬.(‫ וארד בית היוצר והנה הוא עשה מלאכה על האבנים )ירמיהו יח‬:‫ שנאמר‬,‫שהוא דבר קשה‬
‫ אף אשה ירך מכאן‬,‫ מה היוצר הזה ירך מכאן וירך מכאן וסדן באמצע‬:‫ אמר להם‬.‫סימן גדול מסר להם‬
.‫ ירכותיה מצטננות כאבנים‬,‫ בשעה שיושבת לילד‬:‫ ואית דאמרי‬.‫וירך מכאן וולד באמצע‬

« Quand vous accoucherez les femmes des Hébreux829 et que vous verrez sur le double
siège que c’est un fils, vous le ferez mourir ; mais si c’est une fille, elle pourra
vivre. »830.

L’auteur du midrash s’attarde sur le terme ha’ovnayim « le double siège ». Une première
interprétation tend simplement à rappeler que le lieu où se constitue l’enfant est bien l’utérus :
le terme ’ovnayim, « double-siège » sur lequel accouchaient les femmes831, rappelle –
uniquement dans sa prononciation bien sûr – le terme nivna de l’infinitif livnot « construire ».
Une deuxième interprétation se base aussi sur le mot ’ovnayim : littéralement ce terme signifie
« les deux meules de pierre » ; ainsi, Rabbi Yehouda ben Shimon (AI4) fait dire au texte que
Dieu rend les membres de la femme qui se trouve sur ce double-siège aussi durs que la
pierre ; autrement, elle mourrait au moment de la délivrance832. Sur ce, Rabbi Pinḥas (AI4),

828
Exode rabba (Shinan), section 1, § 1, alinéa 14. Sa rédaction s'échelonne entre le 11ème siècle et le 12ème siècle
de l’ère commune.
829
Ha‘ivriyot (‫ « )העבריות‬Les [femmes] Hébreux » dans le texte.
830
Exode, 1, 16 : .‫בַּ ת הִ וא וָחָ יָה‬-‫בֵּ ן הוּא ַוה ֲִמתֶּ ן אֹ ת ֹו וְ אִ ם‬-‫הָ אָבְ ָניִם אִ ם‬-‫הָ עִ בְ ִריּוֹת ְוּראִ יתֶ ן עַ ל‬-‫ַויֹּאמֶ ר בְּ ַילּ ְֶדכֶן אֶ ת‬
831
D. Schapiro fait remarquer que d’anciennes tribus faisaient accoucher leurs femmes sur deux pierres et il
pense que les « pierres » du texte ici sont les mêmes que celles-ci (voir Schapiro D., Obstétrique des Anciens
Hébreux d’après la Bible, les Talmuds et les autres sources rabbiniques, comparée avec la tocologie Gréco-
romaine, H. Champion, Paris, 1904, p. 108).
832
Les fortes contractions musculaires de la femme au moment de l’accouchement, d’une façon générale, ont
peut-être incité nos auteurs à rassurer les futures mères.
245

qui cite Rabbi Yona (AI4), va dans le même sens que Rabbi Yehouda ben Shimon puisqu’il
cite un verset biblique où le terme ’ovnayim est effectivement utilisé pour désigner une pierre
où se construit quelque chose : « Je descendis donc à la maison du potier et voici qu’il faisait
un travail sur les deux roues. »833 – celles qui constituent le tour du potier. Rabbi Ḥanin
affirme, enfin, qu’en mettant en parallèle nos deux versets (Exode, 1, 16 et Jérémie, 18, 3), on
trouve, dans ce dernier, un sens allusif clair à la description d’un accouchement : lorsque le
potier travaille, son œuvre se trouve entre ses jambes sur deux meules de pierre comme une
femme vis-à-vis de son futur enfant sur le double-siège. En un mot, la position du potier face
à son œuvre rappelle celle de la femme enceinte au moment de l’accouchement834.

833
Jérémie, 18, 3 :.‫הָ אָבְ ָניִם‬-‫הוּא( עֹ שֶׂ ה ְמלָאכָה עַ ל‬-‫וָאֵ ֵרד בֵּ ית הַ יּוֹצֵ ר והנהו )וְ ִהנֵּה‬
834
Pour d’autres acceptions du terme ’obnayim (‫ )אבנים‬voir la Mekhilta sur Exode, 15, 5.
246

3.2. Règles et théories pour le traitement des prématurés

Nombres rabba835
‫מבן חדש ומעלה תנינן תמן תינוק שנולד לח' חדשים אין מחללין עליו את השבת ואין חותכין את טיבורו‬
‫ואין מטלטלין אותו ממקום למקום אלא אמו גוחנת עליו ומניקתו והמטלטלו בשבת כמטלטל אבן בשבת‬
‫בן שבעה וספק שהוא בן שמונה אין מחללין עליו את השבת ואין חותכין את טיבורו ואין טומנין שלייתו‬
‫ואין מטלטלין אותו ממקום למקום ואם דבר בריא שהוא בן שבעה חי מחללין עליו את השבת וחותכין‬
‫טיבורו וטומנין שלייתו כדי שלא יצטנן הולד ומטלטלין אותו ממקום למקום למה מחללין את השבת על‬
‫הנולד בן ז' מפני שהוא של חיים אבל הנולד לח' לא כלו חדשיו ואינו של חיים לפיכך אין מחללין עליו‬
‫את השבת שאלו לרבי אבהו מנין לנולד בן ז' שהוא חי א"ל מדידכון אנא ממטי לכון זיט"א אי"פטא‬
‫אי"טא אוכ"טי ואיזהו בן שמונה כל שאין צפרניו ושעריו גמורים רשב"ג אומר כל שאינו חי ל' יום לא‬
.‫כלו חדשיו אבל נפל הוא‬

« L’Éternel dit à Moïse : recense tout premier-né mâle des fils d’Israël, depuis l’âge
d’un mois et au-delà, et relève le nombre de leurs noms. »836

Trois baraïtot sont rapportées dans ce midrash : la première et la troisième dans le Talmud de
Babylone837 et la deuxième dans le Talmud de Jérusalem838.
- La première baraïta fut justement introduite dans cette partie du Talmud de Babylone pour y
inclure839 la permission de transgresser le chabbat pour un enfant spécifiquement né à sept
mois de grossesse.
- La deuxième est une réponse de Rabbi Abahou afin de savoir justement la raison pour
laquelle on opère un distinguo entre les prématurés nés à sept mois de grossesse et ceux nés à
huit mois.
- Et la troisième est celle de Rabban Shimon ben Gamliel dans le cadre des règles sur le
lévirat lors d’une discussion afin de savoir si une veuve enceinte (voire avec un nouveau-né)

835
Nombres rabba (Vilna), section 4, § 3. Sa rédaction date du 12ème siècle de l’ère commune.
836
Nombres, 3, 40 : .‫חֹ ֶדשׁ וָמָ עְ לָה וְ שָׂ א אֵ ת ִמסְ פַּ ר ְשׁמֹ תָ ם‬-‫בְּ כֹ ר ָזכָר לִ בְ נֵי י ְִשׂ ָראֵ ל ִמבֶּ ן‬-‫מֹ שֶׁ ה פְּ קֹ ד כָּל‬-‫ַויֹּאמֶ ר יְהוָה אֶ ל‬
837
Respectivement in Shabbat, 135a et Yebamot, 36b – comparer aussi cette dernière référence avec l’autre
intervention de Rabban Shimon ben Gamliel in Shabbat, 135b où il est également question d’une discussion afin
de savoir s’il est permis de transgresser le chabbat pour sauver un fœtus.
838
TJ, Yebamot, chapitre 4, page 5, colonne D, règle 2.
839
Terminologie talmudique ; cf. le’atuye ma’i (‫ )לאתויי מאי‬dans le répertoire.
247

peut se remarier. Il mentionne le statut de l’avorton (nefel)840 en tant qu’argument dans le


cadre de cette discussion841.
Ainsi, l’auteur du midrash rappelle qu’il est interdit de transgresser le chabbat pour un enfant
né à huit mois de grossesse, mais pas, paradoxalement, pour un enfant né à sept mois de
grossesse, car ce dernier est « de la vie » (‫ ; )מן החיים‬il faut comprendre par là que l’enfant
vivra842. Il est, par conséquent, permis de couper (pendant le chabbat) son cordon ombilical,
d’enfouir le placenta (šilya’) – afin qu’il ne prenne pas froid843 –, et de déplacer le prématuré
d’un endroit à l’autre. Toutes ces actions sont interdites pour les prématurés nés à huit mois de
grossesse844 – puisque l’enfant né avant terme à huit mois de grossesse est comparé, dans
cette baraïta, à une pierre845 (sic) –, et la même règle doit être appliquée pour tous ceux qui
sont peut-être nés à huit mois de grossesse846.
Lorsque l’on demanda à Rabbi Abahou pourquoi justement un prématuré né à sept mois de
grossesse est considéré « de la vie » et pas celui né à huit mois de grossesse847, il répondit par
ces termes : « zita hepta, ita okhta ».
Nous pensons que l’origine de cette formule de Rabbi Abahou provient de plusieurs jeux de
mots en grec et en latin :

840
L’avorton, rappelons-le, est le statut de celui dont la viabilité n’est pas assurée ; contrairement à celui dont on
dit qu’il est viable (bar qayama’).
841
Il s’appuie pour l’apporter sur les versets bibliques qui interdisent le rachat des premiers-nés avant l’âge d’un
mois : « Tout premier-né de toute chair, qu’ils offriront à l’Éternel, tant des hommes que des animaux, sera pour
toi. Seulement, tu feras racheter le premier-né de l’homme, et tu feras racheter le premier-né d’un animal impur.
Tu les feras racheter dès l’âge d’un mois, d’après ton estimation, au prix de cinq sicles d’argent, selon le sicle du
sanctuaire, qui est de vingt guéras. » (Nombres, 18, 15-16) :
.‫הַ בְּ הֵ מָ ה הַ ְטּמֵ אָה תִּ פְ ֶדּה‬-‫אָדם וְ אֵ ת בְּ כוֹר‬
ָ ָ‫לָּ� אַ � פָּ דֹה תִ פְ ֶדּה אֵ ת בְּ כוֹר ה‬-‫אָדם וּבַ בְּ הֵ מָ ה יִהְ יֶה‬
ָ ָ‫י ְַק ִריבוּ לַיהוָה בּ‬-‫בָּ שָׂ ר אֲשֶׁ ר‬-‫פֶּטֶ ר ֶרחֶ ם לְ כָל‬-‫כָּל‬
.‫חֹ ֶדשׁ תִּ פְ ֶדּה בְּ עֶ ְרכְּ � כֶּסֶ ף חֲמֵ שֶׁ ת ְשׁקָ לִ ים בְּ שֶׁ קֶ ל הַ קֹּ ֶדשׁ עֶ שְׂ ִרים גּ ֵָרה הוּא‬-‫וּפְ דוּיָו ִמבֶּ ן‬
842
Cette expression ne désigne pas un statut, et elle ne doit pas être confondue avec le statut de bar qayama’.
843
Pour qu’il ait plus chaud (cf. commentaire de H. Zundel, responsa : ’Ec yoṣef in Midraš tanḥuma, Merkaz ha-
Sefer, p. 130).
844
La même règle doit être appliquée pour ceux nés à six mois de grossesse (cf. Midraš tanḥuma (Warsa),
section pequdey, § 3).
845
La comparaison avec une pierre veut dire qu’on n’a pas le droit de transporter l’avorton de huit mois pendant
chabbat ; RaSHi précise même que le commandement de la circoncision ne s’applique pas sur lui puisque ce
serait comme couper de la chair morte et le considère de toutes les façons comme mort (cf. le commentaire de
RaSHi sur ben šmonah ’eyn meḥalelin ‘alayw (‫ )בן שמונה אין מחללין עליו‬in Shabbat, 135a.
846
Il est assez admis, auprès des rabbins, que le prématuré de huit mois n’est pas viable : « Un fœtus né après
huit mois de grossesse « ne vivra pas » » ‫( אם לשמונ' אינו חייה‬TJ, Yebamot, chapitre 4, page 5, colonne D, règle
2). J. Preuss semblait le croire aussi : « a baby born after height months of pregnancy is non-viable. » (Preuss J.,
ibid., p. 393) ; cf. également Tosefta, Shabbat, 15, 5.
847
L’idée, paradoxale, que les fœtus nés à huit mois de grossesse ont moins de chance de survivre que ceux nés à
sept est déjà connue ailleurs au cours de l’Antiquité ; seul Aristote rapporte que des prématurés de huit mois
même malformés, sont viables, mais pas partout ! : « Les enfants nés à huit mois, en Égypte et dans quelques
contrées où les femmes sont de bonnes mères qui ont de nombreuses grossesses faciles et de nombreux
accouchements, et où les enfants réussissent à vivre même s’ils naissent avec des monstruosités, en ces pays les
enfants nés à huit mois vivent et s’élèvent, tandis qu’en Grèce on n’en voit survivre un tout petit nombre, et la
plupart périssent. » (Histoire des animaux, VII, 4, P. Louis (ed.), p. 143). Pour quelques détails historiques et
techniques au sujet des prématurés voir Eidelman I. Arthur, « Ethical Aspects in Neonatology », The First
International Colloquium: Medicine, Ethics & Jewish Law, Jérusalem, 1993, pp. 302-306.
248

1) zita rappelle le zo’on grec « la vie », et, toujours en grec, « sept » se dit hepta. De plus, la
lettre grecque zêta (ζ) est proche dans sa prononciation de zita ; et la lettre hébraïque
équivalente au zêta grecque est le zayin (‫)ז‬, dont la valeur numérique est aussi égale à sept.
2) ita rappelle thanatos « la mort », et, en latin cette fois, « huit » se dit octo qui est proche,
dans sa prononciation, de okhta.
Rabbi Abahou résume donc l’ensemble de ces points sous la paronomase : zita hepta, ita
okhta848.
L’avis de Rabbi Shimon ben Gamliel est, pour finir, rapporté dans la troisième baraïta de ce
midrash : un nouveau-né reste un avorton jusqu’à ce qu’il ait vécu au moins trente jours, et il
justifie sa leçon par le verset du livre des Nombres que nous avons cité : « (…) recense tout
premier-né (…) depuis l’âge d’un mois et au-delà (…) »849.

Il y a une croyance tenace qui se dégage de ce midrash : celle que les prématurés de sept mois
ont plus de chance de survivre que ceux de huit850, et qu’il y a, pour ainsi dire, deux dates
idéales pour l’accouchement : l’une au bout de sept mois et l’autre au bout de neuf851.

848
Il ajoute, par ailleurs, qu’un fœtus né à huit mois de grossesse est identifiable parce que ses ongles et ses
cheveux ne sont pas achevés. Il rapporte la réponse de Rabbi in Yebamot, 80b (Comparer avec Tosefta, Shabbat,
15, 7).
849
Nombres, 3, 40. À propos de ces trente jours de vie de l’enfant, RaSHi précise que le nouveau-né exempte sa
mère de la ḥalicah « extraction/désistement » (voir ḥalicah (‫ )חליצה‬dans le glossaire) seulement s’il vit plus de
trente jours (voir le commentaire de RaSHi sur ’eyno nefel (‫ )אינו נפל‬in Yebamot, 36b).
850
La croyance, persistante aujourd’hui encore, que les fœtus nés à sept mois ont plus de chance de survie que
ceux nés à huit, était apparemment répandue ; Hippocrate en est un franc témoin : « (…) l’enfant né au bout de
sept mois (…) vit (…) ; mais, des enfants nés à huit mois, aucun ne vit jamais (…). » (Hippocrate, Des chairs,
19, Littré (ed.), VIII, p. 613). Cette croyance peut éventuellement s’expliquer de deux façons : 1/ Le septième
mois est bénéfique par rapport au huitième, car ce dernier est pour la femme enceinte une période où surviennent
« les souffrances du huitième mois » qui peuvent être préjudiciables à l’enfant comme à sa mère : « Toutes n’ont
qu’une voix là-dessus ; elles disent qu’au huitième mois elles portent le plus difficilement leur ventre, et elles ont
raison. » (Hippocrate, Du fœtus de sept mois, 3, Littré (ed.), VII, p. 441). 2/ Les maladies infectieuses – le
syndrome toxémique surtout – qui surviennent fréquemment les deux derniers mois (cf. Ch. Bonnet-Cadilhac,
ibid., p. 175). Ce dernier point est précisément corroboré par Hippocrate dans le même ouvrage : « (…) plusieurs
femmes ont de la fièvre [quand elles accouchent au huitième mois] ; il en est même qui succombent avec leur
fruit. » (Hippocrate, ibid., 3, Littré (ed.), VII, p. 439-441) ; « [les fœtus de sept mois] sont sortis du sein de la
mère avant les maladies du huitième mois. » (Hippocrate, ibid., 2, Littré (ed.), VII, p. 439) ; « Les maladies et les
souffrances qui frappent les fœtus de huit mois se prouvent (…) par les fœtus de neuf, qui viennent au monde
chétifs, déduction faite du temps en sus et de leur taille, ce qui tient aux maladies souffertes ; au lieu que les
fœtus de sept mois viennent au monde charnus et bien nourris, vu qu’ils n’ont éprouvé aucune maladie tout le
temps qu’ils ont passé dans la matrice. » (Hippocrate, ibid., 8, Littré (ed.), VII, p. 447). Sur cette spécificité du
fœtus de sept mois on peut aussi lire Walzer R., « Galens schrift ‘über die siebenmonatskinder’ », Riv. Studi
Orient., 15, 1935, pp. 323-357 et Weisser U., « Thâbit ibn quraa’s epitome of Galen’s book on seven-month
children », Stud. Hist. Med., 6, 1982, pp. 67-75.
851
« It was assumed that there are two types of ‘creations’ in the modern sense, one of nine months’ duration,
and one of seven months’ duration (…) both are potentially viable. » (Preuss J., ibid., p. 393).
249

3.3. Sur le statut du nouveau-né de moins d’un mois

Midraš Agada852
‫ לפי שלא צוה‬,‫ ולמה לא מנאם מבן עשרים שנה ומעלה‬,(‫ כו‬,‫שנאמר ויאספו אליו כל בני לוי )שמות לב‬
‫ שהביא הקב"ה‬,‫ אלא משום מכת בכורות‬,‫ וגם בכורות לא נתקדשו‬,‫ אלא לפדות בהם הבכורות‬,‫למנותם‬
‫ אבל‬,‫ יהיו במנין גדולים וקטנים‬.‫ כך‬,‫ וכשם שהיו בהצלה גדולים וקטנים‬,‫ והציל בכורי ישראל‬,‫במצרים‬
.‫ עד שיהיה לו חדש‬,‫פחות מחודש אינו נחשב כולד‬

« Recense les fils de Lévi selon leurs maisons paternelles, selon leurs familles, tu les
recenseras de l’âge d’un mois et au-delà, tous les mâles »853

L’auteur du midrash rappelle que le recensement biblique des enfants d’Israël s’appliquait
pour tous les mâles à partir de l’âge d’un mois ; cela lui fait dire qu’en dessous de cet âge, un
nouveau-né n’est pas encore considéré comme un « enfant » (walad), et il ne sera ainsi pas
compté dans ce recensement.
L’apport de ce texte, pour nous, réside dans l’information qu’on dégage à partir d’une de ses
phrases : « [un petit] de moins d’un mois n’est pas considéré comme un « enfant ». » :
.‫)קטן( פחות מחודש אינו נחשב כולד‬
Notre auteur semble, donc, s’inscrire dans la tradition juridique classique qui n’accorde le
statut d’âme vivante (nefeš) qu’au nouveau-né, tout en le considérant, de la façon dont a l’a
vu, « avorton » (nefel) jusqu’à l’âge d’un mois – i.e. prématuré jusqu’à cet âge854.
Bien que c’est ce que nous soutenons, c’est quand même la première fois, pour ainsi dire, que
nous rencontrons un texte aggadique qui, explicitement, n’attribue pas au fœtus le statut
d’âme vivante.

852
Midraš agada (Buber), Nombres, chapitre 3, § 12.
853
Nombres, 3, 15 :.‫חֹ ֶדשׁ וָמַ עְ לָה תִּ פְ ְק ֵדם‬-‫ ָזכָר מִ בֶּ ן‬-‫בְּ נֵי לֵוִ י לְ בֵ ית ֲאבֹתָ ם לְ ִמ ְשׁפְּ חֹ תָ ם כָּל‬-‫ ; פְּ קֹ ד אֶ ת‬aussi les versets : 22, 28, 34,
39, 40 et 43.
854
Ces deux statuts, nous l’avons vu dans les deux premières parties de notre étude, ne sont pas contradictoires.
250

3.4. Traitement des nouveau-nés

Talmud de Babylone855
‫ ליתרחו ליה עד דאיבלע ביה‬,‫ האי ינוקא דסומק – דאכתי לא איבלע ביה דמא‬:‫ אמרה לי אם‬,‫ואמר אביי‬
‫ אמר‬,‫ דתניא‬.‫ ולימהלוה‬,‫ דירוק ואכתי לא נפל ביה דמיה – ליתרחו עד דנפל ביה דמיה‬.‫דמא ולימהלוה‬
‫ שלישי‬,‫ שני ומת‬,‫ שמלה בנה ראשון ומת‬,‫ פעם אחת הלכתי לכרכי הים ובאת אשה אחת לפני‬:‫רבי נתן‬
‫ המתינה לו עד שנבלע בו‬.‫ המתיני לו עד שיבלע בו דמו‬:‫ אמרתי לה‬,‫ ראיתיו שהוא אדום‬.‫הביאתו לפני‬
,‫ שוב פעם אחת הלכתי למדינת קפוטקיא‬.‫ והיו קורין אותו נתן הבבלי על שמי‬.‫ ומלה אותו וחיה‬,‫דמו‬
‫ הצצתי‬,‫ ראיתיו שהוא ירוק‬.‫ שלישי הביאתו לפני‬,‫ שני ומת‬,‫ שמלה בנה ראשון ומת‬,‫ובאת אשה אחת לפני‬
‫ והיו‬,‫ ומלה אותו וחיה‬,‫ והמתינה לו‬.‫ המתיני לו עד שיפול בו דמו‬:‫ אמרתי לה‬.‫בו ולא ראיתי בו דם ברית‬
.‫קורין שמו נתן הבבלי על שמי‬

« Abaye (AB4) a dit : selon ma mère, si un nouveau-né est tout rouge, c’est que son
sang n’a pas encore été assimilé [par tous ses organes]. Il faut, avant de le circoncire,
attendre que cela ait eu lieu ; si un nouveau-né est pâle, c’est qu’il n’a pas encore assez
de sang. Il faut attendre qu’il en ait plus avant de le circoncire. On nous enseigne en
effet que Rabbi Nathan (T5) a raconté :
« J’étais allé dans les villes du Sud. Un jour, une femme se présenta à moi : son
premier et son second fils étaient morts peu après avoir été circoncis. Elle avait amené
avec elle son troisième fils ; et je remarquai que le corps de l’enfant était rouge. Je lui
recommandai d’attendre que son sang soit bien absorbé par tous ses organes avant de
le faire circoncire. Elle suivit mon conseil, et l’enfant vécut. Il fut nommé Nathan le
Babylonien en mon honneur.
Une autre fois, j’étais allé dans la région de Cappadoce. Une femme vint me voir, qui
avait perdu ses deux premiers fils peu après les avoir fait circoncire. Elle me présenta
son troisième fils, qui me parut bien pâle. Je l’examinai mieux : il n’avait visiblement
pas assez de sang pour être circoncis. Je dis à la mère : « Attends qu’il ait assez de
sang » ; ce qu’elle fit. Ensuite elle fit circoncire son enfant et il vécut. On l’appela
Nathan le Babylonien en mon honneur. » n.t.

855
Shabbat, 134a.
251

3.5. L’opposition vie/mort

Talmud de Babylone856
– ‫ דוד מלך ישראל מת‬,‫ תינוק בן יומו חי – מחללין עליו את השבת‬:‫תניא רבן שמעון בן גמליאל אומר‬
‫ חלל עליו שבת‬:‫ אמרה תורה‬.‫ תינוק בן יומו חי מחללין עליו את השבת‬.‫אין מחללין עליו את השבת‬
‫ בטל מן‬,‫ דוד מלך ישראל מת – אין מחללין עליו – כיון שמת אדם‬.‫ כדי שישמור שבתות הרבה‬,‫אחד‬
.‫ כיון שמת אדם – נעשה חפשי מן המצות‬,(‫ במתים חפשי )תהלים פח‬:‫ והיינו דאמר רבי יוחנן‬.‫המצות‬

‫ אבל‬,‫ תינוק בן יומו חי – אין צריך לשומרו מן החולדה ומן העכברים‬:‫ רבי שמעון בן אלעזר אומר‬,‫ותניא‬
‫ שנאמר ומוראכם וחתכם יהיה )בראשית‬,‫עוג מלך הבשן מת – צריך לשומרו מן החולדה ומן העכברים‬
.‫ כיון שמת – בטלה אימתו‬,‫ כל זמן שאדם חי – אימתו מוטלת על הבריות‬,(‫ט‬

Il est question ici de deux paraboles : l’une de Rabbi Shimon ben Gamliel et l’autre de Rabbi
Shimon ben Elazar ; ce dernier illustre, en plus, sa leçon sur la base d’un verset biblique,
grâce à un jeu de mot entre ḥitekhem (‫ « )חיתכם‬votre effroi » et ḥiyutekhem (‫ « )חיותכם‬votre
vie ». Et les deux soulignent le caractère radicalement différent de la mort :

1/ « On nous enseigne que Rabbi Shimon ben Gamliel disait : pour un nouveau-né
d’un jour il est permis de violer le chabbat857 ; la Torah dit qu’il est permis de le faire
pour lui, afin qu’il puisse honorer de nombreux chabbat. Mais, on ne viole pas le
chabbat pour un mort, fût-il David le roi d’Israël, [car] dès qu’un homme meure, il est
quitte des commandements. C’est aussi l’opinion de Rabbi Yoḥanan qui cite « libre
parmi les morts » : dès qu’un homme est mort, il est libéré des commandements. »858
n.t.

856
Shabbat, 151b.
857
Voir supra p. 106.
858
Psaumes, 88, 6 : « Je suis étendu parmi les morts, semblable à ceux qui sont tués et couchés dans le sépulcre,
à ceux dont tu n’as plus le souvenir, et qui sont séparés de ta main. » :
.‫בַּ מֵּ תִ ים חָ פְ שִׁ י כְּ מ ֹו ֲחלָלִ ים שֹׁכְ בֵ י קֶ בֶ ר אֲשֶׁ ר �א זְ כ ְַרתָּ ם עוֹד וְ הֵ מָּ ה ִמיּ ְָד� נִגְ זָרוּ‬
La traduction ici (L. Segond) ne rend pas la connotation à la « liberté » interprétée par Rabbi Yoḥanan et
justement contenue dans le terme ḥofši (‫ ; )חפשי‬néanmoins la LXX (87, 5) traduit par « libéré » :
« προσελογίσθην μετὰ τῶν καταβαινόντων εἰς λάκκον ἐγενήθην ὡς ἄνθρωπος ἀβοήθητος ἐν νεκροῖς
ἐλεύθερος » ; la Vulgate aussi « inter mortuos liber sicut interfecti et dormientes in sepulchro quorum non
recordaris amplius et qui a manu tua abscisi sunt » et la version anglaise (King James Bible) également : « Free
among the dead, like the slain that lie in the grave, whom thou rememberest no more: and they are cut off from
thy hand. ». Le doute a été levé par l’ougaritique où l’expression « libre parmi les morts » a été complètement
élucidée. Voir Cassuto U., The Godess Anath (Heb.), Mossad Bialik, Jérusalem, 1965 (4ème éd.), p. 22.
252

2/ « Et on nous enseigne que Rabbi Shimon ben Elazar (T6) disait : un enfant vivant,
fût-il né la veille, n’a aucun besoin qu’on le protège contre les belettes ou les souris,
c’est pour cela qu’il est dit : « La crainte et l’effroi que vous inspirerez s’imposeront à
tous les animaux de la terre et à tous les oiseaux des cieux. »859, [i.e.] : tant qu’un
homme est vivant, il inspire la terreur aux animaux ; quand il meurt, il n’en inspire
plus. » n.t.

859
Genèse, 9, 2 :.‫ ְדּגֵי הַ יָּם בְּ י ְֶדכֶם נִתָּ נוּ‬-‫עוֹף הַ שָּׁ מָ יִם בְּ כֹ ל אֲשֶׁ ר תִּ ְרמֹ שׂ הָ א ֲָדמָ ה וּבְ כָל‬-‫אָרץ וְ עַ ל כָּל‬
ֶ ָ‫חַ יַּת ה‬-‫וּמ ֹו ַר ֲאכֶם וְ ִחתְּ כֶם יִהְ יֶה עַ ל כָּל‬
253

La parabole suivante est pour nous inédite et n’a, apparemment, pas été reprise ailleurs dans la
littérature aggadique. Nous avons à ce titre – et pour sa « concision » – décidé de la
mentionner ici pour clore toute cette troisième et dernière partie :

Talmud de Babylone860
‫ שוקע‬,‫ אדם נותן אצבעו עליו‬,‫ למה ולד דומה במעי אמו – לאגוז מונח בספל של מים‬:‫אמר רבי אלעזר‬
.‫לכאן ולכאן‬

« Rabbi Elazar a dit : À quoi ressemble un embryon dans le sein de sa mère ? À une
noix dans une bassine d’eau : [car, comme l’embryon dans le ventre de sa mère,] si
quelqu’un la touche du doigt, elle s’enfonce d’un côté ou de l’autre. » n.t.

860
Nidda, 31a.
254

CONCLUSION

S’il fallait résumer en une phrase le statut du fœtus, nous dirions que pour les penseurs juifs,
le fœtus n’a pas le statut d’âme vivante (nefeš) mais il a quand même des incidences dans
notre vie. On peut aussi le dire à l’envers : le fœtus compte pour nous mais n’est pas l’égal
des hommes. Toute la difficulté pour définir son statut trouve son issue dans cette phrase
apparemment paradoxale.

Fondamentalement, le fœtus pose la question de l’origine, et celle de la vie. Or, c’est parce
que le fœtus est un exemple de « l’entre-deux », une illustration de l’indéfini, une étape
intermédiaire, un être à la « couture », que la question de son statut peut provoquer de vives
réactions voire un certain malaise. C’est donc pourquoi lorsque l’on demande si le fœtus est
un être humain (sans plus de précisions), il est impossible de répondre par oui ou par non.
C’est aussi pourquoi la réponse à une telle question nécessite des définitions, des articulations,
de la réflexion et de l’observation ; en un mot, de l’élaboration. Et c’est justement ce qui s’est
fait dans la pensée juive vis-à-vis de cette question depuis l’époque biblique jusqu’à
aujourd’hui. Alors, bien sûr, cette pensée a évolué. c’est-à-dire qu’elle a changé et qu’elle
s’est enrichie. Elle a changé tout simplement parce qu’on ne réfléchit plus de la même
manière vis-à-vis du fœtus ; essentiellement parce qu’on ne le pense plus aujourd’hui en
terme de propriété du père comme aux temps bibliques ou en fonction des règles de pureté ou
des lois de successions comme à l’époque talmudique. Et elle s’est enrichie parce qu’elle a
emprunté, transformé, imaginé et conservé des concepts et des idées. Et c’est cette richesse
qui sert aujourd’hui d’aliment pour les nouvelles questions d’éthique médicale relatives au
fœtus861.

C’est sans doute à cause de la difficulté à donner au fœtus un statut (en raison probablement
de son caractère sensible et insaisissable) qu’il a, nous semble t-il, toujours été compris dans
un contexte. C’est-à-dire que dans la littérature biblique d’abord, le fœtus était inclus dans la
question globale des préjudices à l’égard des biens plutôt que des personnes, dans la mesure
où la sanction prévue à l’encontre de quelqu’un ayant provoqué un avortement était identique

861
Nous pensons surtout aux questions posées par tous les travaux qui se font sur les cellules souches.
255

à celle prévue pour une atteinte à la propriété – c’est justement pourquoi la peine de mort n’a
pas été évoquée vis-à-vis du fœtus.
Ensuite, à l’époque talmudique, le statut du fœtus était envisagé dans le cadre des règles de
pureté et de successions (donc accessoirement aussi à celles des sacrifices). C’est-à-dire que
les tannaïm et les amoraïm se sont essentiellement demandé si tel fœtus rendait impur ou si
tel autre pouvait hériter et, le cas échéant, comment.
Mais, c’est à eux aussi que l’on doit une certaine élaboration des concepts fondamentaux pour
l’étude du statut du fœtus. Celui – déjà chez les grecs – qui ne voit dans le fœtus qu’un viscère
de sa mère (‫)עובר ירך אמו‬, « le détachement du fœtus » (‫)עקירת העובר‬, le développement du
concept de la « viabilité » (‫)בר קיימא‬, l’application au fœtus du concept de « poursuivant »
(‫ )רודף‬et celui de « la souffrance inutile » (‫ )עינוי הדין‬qui sera élargie, après la période
talmudique, à la femme enceinte condamnée à la peine capitale. Cette assimilation et le
développement de ces concepts ont été réalisés en accordant toujours, jusqu’à la naissance,
une préférence pour la vie de la mère plutôt que pour celle du fœtus. Quant à la littérature
(aggadique) qui semble, a priori, accorder au fœtus une « conscience », voire la vie, nous
avons finalement acquis la conviction qu’elle s’occupe de la question de l’âme (son
« itinéraire ») et qu’elle ne se préoccupe pas du statut juridique du fœtus.

Bien que la question du fœtus en tant qu’« homme » eût été probablement consciente depuis
toujours (et même clairement formulée par Rabbi Yishmael), ce n’est qu’à partir du onzième
siècle que la question, esquissée déjà chez RaSHi, s’est réellement posée en un sens plus
« moderne » par les Tossafistes. Dès lors, les cinq axes (fœtus/propriété, fœtus/pureté,
fœtus/succession, fœtus/concept et fœtus/âme vivante) à travers lesquels la question du fœtus
a été appréhendée, se retrouveront dans le corpus juif avec plus ou moins de force ; en
fonction probablement de la conviction et de la sensibilité de l’auteur862. Ainsi, on trouvera
presque toujours, à travers le corpus juif863, des personnalités qui avaient un avis différent de

862
Lorsqu’une loi n’existe pas, comme cela l’est pour la question du statut du fœtus, il est parfois nécessaire de
l’établir. Même quand elle existe, d’ailleurs, elle demande à être réexaminée, modifiée voire abrogée. Cet
établissement se fait par des discussions sur la base d’Écrits divergents qui peuvent aboutir à l’élaboration de
concepts. Or, le plus souvent, ces discussions, entre personnes d’une même génération, sont surtout le reflet des
différentes sensibilités : « Apparent conflicts between halakhic authorities, (…) are simply the result of differing
orientations. » (Jacobs L., A Tree of Life : Diversity, Flexibility, and Creativity in Jewish Law, Oxford
University Press, Oxford, 1984, pp. 60-61).
863
Précisons quand même que ceux qui accordent une certaine importance au statut du fœtus sont toujours
minoritaires, voire inexistants parmi les rishonim. Ce n’est qu’à partir du début du 20ème siècle que le statut du
fœtus acquiert une importance plus significative, sans doute avec l’accentuation de la pratique de l’avortement,
la multiplication des connaissances biologiques sur le fœtus et du développement technique dans l’investigation
obstétricale et gynécologique.
256

leurs contemporains. Pendant l’Antiquité, par exemple, Philon ne partageait pas l’avis
dominant des tannaïm ; un peu plus tard, R. Yoḥanan, contrairement à la majorité des autres
amoraïm de son temps, voyait le fœtus comme un être séparé de sa mère. À l’opposé, durant
la Renaissance, on a vu que RaDBaZ s’est fortement démarqué des autres en n’accordant
quasiment aucune importance au fœtus.
Aujourd’hui aussi on retrouve des divergences assez nettes quant à la question du statut du
fœtus avec d’une part, par exemple, la législation de la plupart des pays occidentaux (dont
Israël) qui tendent vers une certaine souplesse, et de l’autre côté des personnalités tel que le
rabbin M. Feinstein qui accordent au fœtus un statut considérable et condamnent fermement
l’avortement.

Toutefois, il y a deux idées partagées – et cohérentes entres elles – par l’ensemble des auteurs
de la pensée juive : la première est la que la vie de la mère l’emporte toujours sur celle du
fœtus, et la deuxième est que le fœtus n’a pas le statut de l’enfant né vivant.
257

BIBLIOGRAPHIE

En règle générale, les ouvrages cités dans la bibliographie sont utilisés dans le corps même de
notre étude, à l’exception d’un certain nombre d’articles que nous citons par souci de donner
au lecteur l’ensemble de ce qui est disponible au sujet de notre étude et parfois même sur des
thèmes qui peuvent lui être associés sans le concerner directement.

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‫)של איסור הפלה במשפט העברי‬, Šnaton ha-mišpaṭ ha-ivri, 5, 1978, pp. 177-207

STEINBERG, Avraham, « Avortement en cas de rubéole pendant la grossesse »


(‫)ההפלה המלאכותית במקרה של אדמת בהריון‬, Assia, 1, 1979, pp. 98-106

- « Induced Abortion in Jewish Law », Journal of Halacha and Contemporary Society, 1, 1,


1981, pp. 29-52

TARNESBY, H. Peter, « Fertility of the Jewish People: Birth Control and Abortion »,
L’Eylah, 2, 4, 1982, pp. 27-31
281

THOMSON, J. Judith, « A defense of Abortion », Philosophy and Public Affairs, 1, 1,


1971, pp. 47-66

THOMAS, Yan, « Le « ventre ». Corps maternel, droit paternel », La nature, 14, 1986,
pp. 211-236

UNTERMAN, Yehouda, « Sur la préservation de la vie du fœtus »


(‫)בענין פקוח נפש של עובר‬, No‘am, 7, 1963, pp. 1-12

WASHOFSKY, Mark, « Abortion and the Halakhic Conversation », in W. Jacob & M.


Zemer (eds.), The Fetus and Fertility in Jewish Law, Rodef Shalom Press, Pittsburgh,
1995, pp. 50-51

- « Abortion, Halacha and Reform Judaism », Journal of Reform Judaism, 28, 4, 1981,
pp. 11-18

ZAKI, Moshe, « L’avortement provoqué : Aspects juridiques, sociaux et psychologiques »


(‫ חברתיים ופסיכולוגיים‬,‫ היבטים משפטיים‬:‫)ההפלה המלאכותית‬, Refua’ umišpaṭ, 22, 2000, pp.
117-120

ZEVIN, S. Yossef, « La femme stérile » (‫)אילונית‬, p. 639 ; « On ne supprime pas une vie
au profit d’une autre » (‫)אין דוחין נפש מפני נפש‬, p. 3 ; « L’androgyne » (‫)אנדרוגינוס‬, p.
386, in S.Y. Zevin (ed.), Encyclopedia Talmudica, Yad Ha-Rav Herzog, Jérusalem, 1969

- « L’homme » (‫)אדם‬, p. 165, in S.Y. Zevin (ed.), Encyclopedia Talmudica, Yad Ha-Rav
Herzog, Jérusalem, 1969

ZILBERSTEIN, Yitshaq, « La diminution de fœtus » (‫)דילול עוברים‬, chapitre 6 :


« Combien de fœtus faut-il éliminer ? » (?‫)כמה עוברים להפחית‬, Assia, 45-46, 1989, pp. 62-68

ZWEIG, M. Yona, « À propos de l’avortement volontaire » (‫)על הפלה מלאכותית‬, No‘am,


7, 1964, pp. 36-57
282

GLOSSAIRE

1) LES SOURCES :

‫( ברייתא‬baraïta)
De l’araméen : « enseignement extérieur » ; au pluriel : baraïtot.
Parmi les nombreuses traditions des diverses écoles, le compilateur de la Mishna a opéré un
choix. Celles qui ont été omises sont appelées baraïta. Un grand nombre d’entre elles est cité
dans les deux Talmud pour être confronté avec la mishna correspondante ; elles ont été
classées méthodiquement par M. Higger en six volumes à New York en 1938 sous le titre
’Ocar ha-baraytot. Les baraïtot constituent les midrash halakha et la Tosefta.
La force juridique d’une baraïta est moindre que celle d’un énoncé de la Mishna. Les baraïtot
tannaïtiques peuvent être classées en plusieurs catégories. Il y a celles qui complètent la
Mishna, celles qui citent une halakhah qui n’est pas dans la Mishna et celles rédigées dans
une version différentes de la Mishna. Ces baraïtot-là sont précédées par les formules : tanya
« il a été enseigné » ou tanu rabanan « nos maîtres ont enseigné ».
Les nombreuses baraïtot d’origine amoraïque sont généralement de brèves explications ou
bien des additions à la Mishna. Différentes des baraïtot tannaïtiques, elles ne contiennent pas
d’opinions contradictoires. Les Sages du Talmud accordaient peu d’importance à de telles
baraïtot. Bien que la plupart des baraïtot soient de nature halakhique, un nombre important
(tannaïtiques et amoraïques) présentent un caractère aggadique. Certains recueils de baraïtot,
datant de l’époque tannaïtique, forment des entités en eux-mêmes. Parmi ces principaux
recueils figurent la Baraïta de-Rabbi Meir, se rattachant au traité Avot de la Mishna ; la
Baraïta de-Rabbi Yishmael, souvent imprimé après le traité Berakhot du Talmud de
Babylone.

‫( מדרש אגדה‬Midrash Aggadah)


D’innombrables matériaux aggadiques de diverses provenances et de dates très différentes ont
été mis bout à bout pour former un commentaire suivi des livres de la Bible hébraïque, mais
dont le lien avec le texte est plus ou moins lâche. La rédaction de ces commentaires
283

homilétiques s’étend du 5ème siècle au 12ème siècle : les uns ont été compilés en Palestine,
d’autres en Babylonie, ou dans l’Empire byzantin, ou même en Languedoc. Nous les citerons
en suivant l’ordre de la Bible :
1) Genèse : a) Berešit rabba, édition critique de Y. Theodor et H. Albeck en trois volumes à
Berlin de 1912 à 1936. b) Berešit rabati, édition critique de H. Albeck à Jérusalem en 1940. c)
Agadat berešit, édition de S. Buber à Cracovie en 1903.
2) Exode : Šemot rabba, pas d’édition critique ; le texte est imprimé dans un recueil de textes
intitulé Midraš rabba.
3) Lévitique : Wayiqra’ rabba, édition critique de M. Margulies en trois volumes à Jérusalem
de 1953 à 1958.
4) Nombres : Bamidbar rabba, pas d’édition critique ; le texte est imprimé dans le recueil
Midraš rabba.
5) Deutéronome : Devarim rabba, en deux recensions, l’une imprimé dans le recueil Midraš
rabba et l’autre éditée par S. Lieberman à Jérusalem en 1940.
6) Sur l’ensemble du Pentateuque : Midraš tanḥuma, dont il existe deux recensions : la
vulgate, dont l’édition princeps a été publiée à Constantinople en 1522 et l’autre éditée par S.
Buber à Vilna en 1885.
7) Samuel : Midraš tehilim ou šoḥer ṭob, édité par S. Buber à Vilna en 1891.
8) Psaumes : Midraš mišley, édité par S. Buber à Vilna en 1893.
9) Cantique des Cantiques : a) Šir ha-širim rabba ou Midraš ḥazita, imprimé dans le recueil
Midraš rabba. b) Agadat šir ha-širim, édité par S. Schechter à Cambridge en 1896 et par S.
Buber dans le Midraš zuṭa (voir ci-dessous). c) Midraš šir ha-širim, édité par J. Greenhut à
Jérusalem en 1897 (une nouvelle édition a été éditée avec additions par J.H. Wertheimer à
Jérusalem en 1971).
10) Ruth : Rut rabba, imprimé dans le recueil Midraš rabba.
11) Lamentations : ’Eykha rabba, imprimé dans le recueil Midraš rabba et édité par S. Buber
à Vilna en 1899.
12) Ecclésiaste : Qohelet rabba, imprimé dans le recueil Midraš rabba.
13) Esther : Ester rabba, imprimé dans le recueil Midraš rabba.
14) Sur les Megilot ou l’ensemble des Cinq « Rouleaux » : Midraš zuṭa, édité par S. Buber à
Berlin en 1894.
Deux recueils regroupent les commentaires aggadiques sur les lectures synagogales de
certains chabbats et jours de fêtes : la Peṣiqta de-rav kahana, la plus ancienne, qui a dû être
compilée au 5ème siècle en Palestine, édité par S. Buber à Lyck en 1898 puis par B.
284

Mandelbaum en 2 volumes à New York en 1962 ; et la Peṣiqta rabbati, plus récente, dont la
rédaction date du 8ème siècle, éditée par M. Friedmann à Vienne en 1880.
Le Ṣeder ‘olam rabba, chronique historique qui va d’Adam à Bar Kokhba, a été attribué à
Rabbi Yosse ben Ḥalafta ; il a été édité par B. Ratner à Vilna en 1897. Le Ṣeder ‘olam zuṭa,
qui descend jusqu’aux exilarques, a été édité par M.J. Weinstock à Jérusalem en 1957.
Le Pirqey de-Rabbi Eliezer, attribué au tanna Eliezer ben Horkenos, relate l’histoire
hébraïque depuis la création du monde jusqu’à l’époque de Moïse, avec quelques digressions
sur des personnages tels que Nabuchodonosor ou Haman. C’est un ouvrage important, entre
autres pour les coutumes qu’il cite et son interprétation de la vision du char céleste par le
prophète Ezéchiel. Le texte, imprimé à Varsovie en 1852, contient un bon commentaire du
rabbin D. Louria. Une édition critique préparée par C.M. Horovitz a été reproduite en fac-
similé après sa mort à Jérusalem en 1972.
Deux ouvrages sont attribués à l’école du prophète Élie : Tana de-ve Eliyahu rabba et Tana
de-ve Eliyahu zuṭa, qui portent sur les cycles historiques depuis la création du monde jusqu’à
l’avènement messianique et exaltent les grandes vertus morales et religieuses ; ils ont été
édités par M. Friedman à Vienne entre 1900 et 1903.
On possède deux anthologies qui suivent de très près les livres de la Bible hébraïque : le
Yalquṭ šim‘oni qui date du 13ème siècle et qui est fréquemment réédité ; le Yalquṭ makhiri de
Makhir ben Aba Mari qui date vraisemblablement du 14ème siècle, incomplet et dont diverses
portions ont été publiées au 20ème siècle.
Citons encore un midrash retrouvé au Yémen et qui contient aussi des matériaux anciens, le
Midraš ha-gadol : sur Genèse, on peut retenir l’édition de S. Schechter à Cambridge en 1902 ;
sur Exode, celle de D. Hoffmann à Berlin entre 1913 à 1921 ; sur Nombres, celle de S. Fisch
en deux volumes à Jérusalem entre 1957 et 1963. On doit, d’une part, à M. Margulies une
édition critique de Genèse et Exode à Jérusalem entre 1947 et 1956, et, d’autre part, à Z.M.
Rabinowitz une édition critique du Midraš ha-gadol sur Nombres à Jérusalem en 1967.
Enfin, des collections de midrashim et d’aggadot d’époques diverses ont été rassemblées par
1) A. Jellinek dans son Bet ha-midraš en six volumes à Leipzig puis à Vienne entre 1853 et
1877 ; 2) H.M. Horowitz dans son Qobec midrašim à Berlin en 1881 et 3) S.A. Wertheimer
dans son Batey midrašot dans une nouvelle édition effectuée par A.J. Wertheimer en deux
volumes à Jérusalem entre 1948 et 1953.

Tous ces textes sont des récits, légendes et paraboles ayant pour but de dispenser un
enseignement moral et dont les héros sont, pour la plupart, des personnages bibliques.
285

La Bible donne rarement la raison ou le contexte des évènements, des commandements, ou les
états d’âmes des personnages. Le Midrash Aggadah aime à combler ces vides. Ainsi par
exemple, après le récit du combat et de la victoire d’Abraham sur les cinq rois (Genèse, 14), il
est écrit en Genèse, 15, 1 qu’après ces évènements, la parole divine s’adressa à Abraham en
ces termes : « Ne crains pas, Abraham… » Le Midrash Aggadah se demande pourquoi
Abraham avait peur. Et il répond : « Abraham se demandait, inquiet : « Et s’il y avait eu un
homme juste parmi ceux que j’ai frappés ». » (Genèse rabba, 44, 4)
La littérature midrashique est presque entièrement composée de fragments de sermons que
l’on pouvait entendre à la synagogue le vendredi soir et le samedi après-midi. Mais il y a au
moins un midrash aggadah (Lévitique rabba) où chaque homélie dans laquelle un thème est
mené jusqu’au bout constitue un sermon complet.
Selon le Talmud de Jérusalem (TJ, Pe’a, chapitre 2, page 17, colonne A, règle 4 et comparer
avec TJ, Ḥagiga, chapitre 1, page 76, colonne D, règle 8), il ne faut pas tirer de conclusions
halakhiques du Midrash Aggadah. Néanmoins, certains halakhistes ultérieurs ne s’en
privèrent pas dans la littérature des Responsa.
Citons pour conclure sur le commentaire aggadique ces quelques mots éclairants de Ch.
Touati : « Selon les rabbins, la parole de Dieu, tel le roc que fait éclater le marteau (cf.
Jérémie, 23, 29, interprété par Shabbat, 88b), explose en une infinité de sens. La Aggadah va
s’employer à rechercher d’ingénieuses explications de l’Écriture : les rabbins rivaliseront de
zèle, convaincus qu’il « n’y a pas de session d’une académie, du bet ha-midrash, sans une
neuve interprétation de la Bible » (Ḥagiga, 3a) » (Touati Ch., Prophètes, talmudistes,
philosophes, Les Editions du Cerf, Paris, 1990, pp. 47-48).

‫( מדרש הלכה‬Midrash Halakhah)


Commentaires ayant pour objectif de mettre en lumière et de résoudre les problèmes de loi
juive. En règle générale, ce terme désigne les midrashim tannaïtiques des quatre derniers
livres du Pentateuque. On y trouve aussi, selon les livres, plus ou moins de midrash aggadah.
Si le Ṣifra est presque exclusivement halakhique (législatif), la Mekhilta de-Rabbi Yishmael
est plus qu’à moitié aggadique. On peut se rendre compte, grâce à un certain nombre
d’indications, que les rédacteurs du Midrash Halakhah se sont tous inspirés d’un procédé
d’interprétation antérieur, le drash, déjà enseigné dans les diverses académies. Aussi chaque
académie a teinté ce procédé de sa méthode et de sa terminologie propres. Si les midrashim de
l’école de Rabbi Yishmael aiment à résoudre les points de Loi par la méthode herméneutique,
286

ceux de l’école de Rabbi Aqiva aiment à les résoudre par le biais d’une interprétation littérale
des textes bibliques.
Les midrash halakhah de l’école de Rabbi Yishmael sont : la Mekhilta de-Rabbi Yishmael sur
l’Exode ; des fragments sur le Lévitique ; Ṣifre sur le livre des Nombres et le Deutéronome.
A ces œuvres correspondent, pour l’école de Rabbi Aqiva : la Mekhilta de-Rabbi Shimon bar
Yoḥay sur l’Exode donc ; Ṣifra ; Ṣifre zuṭa et Midraš tana’im.
Pour la Mekhilta de-Rabbi Yishmael mentionnons l’édition critique classique : celle de H.S.
Horowitz & I.A. Rabin éditée à Breslau en 1931 ; et pour la Mekhilta de-Rabbi Shimon bar
Yoḥay mentionnons celle de J.N. Epstein & E.Z. Melamed éditée à Jérusalem en 1955.
Il n’existe pas encore d’édition critique du Ṣifra sur le Lévitique, mais un bon texte avec le
commentaire d’Avraham ben David de Posquières et d’Isaac Hirsch Weiss à Vienne en 1862.
Sur le livre des Nombres, nous avons l’édition critique du Ṣifre par H.S. Horovitz à Leipzig en
1917, auquel est joint dans le même volume le Ṣifre Zuṭa qui, d’après Saül Liebermann, aurait
été édité par l’académie de Lydda au 3ème siècle.
Sur le Deutéronome, nous avons l’édition critique du Ṣifre de-be Rab par Louis Finkelstein à
New York en 1969 ; conjecturant qu’il devait avoir existé sur le Deutéronome un
commentaire halakhique provenant de l’autre école (i.e. celle de Rabbi Aqiva), David
Hoffmann l’a reconstitué sous le titre Midraš tana’im à Berlin en 1909.

‫( משנה‬Mishna)
Le terme est dérivé de l’hébreu shana, qui signifie : répéter. Sous l’influence du mot araméen
tanna, il s’élargit au sens d’« étudier ».
Il s’agit de la première compilation exhaustive de la « loi orale », reflétant environ cinq
siècles de tradition halakhique (législative), allant de l’époque des scribes jusqu’à celle des
tannaïm (-300 à 200). Elle constitue le document religieux le plus important après la Bible et
représente également la base de ce qui sera le Talmud à l’époque des amoraïm. La Mishna fut
mise par écrit entre les années 200 et 220 en terre d’Israël. L’objectif du compilateur était de
fournir aux enseignants et aux juges un guide des lois juives. La loi non écrite risquant de se
perdre parmi les différents cercles où elle était dispensée, une codification écrite semblait
s’imposer. Le compilateur (Rabbi Yehouda ha-Nassi) a classé la Mishna par sujets. Elle
comporte six ordres (ṣeder), chaque ordre se divise en traités (maṣekhet), 63 en tout, chaque
traité est divisé en chapitres (pereq) et chaque chapitre est subdivisé en paragraphe appelé
(mishna). Excepté le sixième chapitre du traité Avot, ajouté ultérieurement, la Mishna
287

comporte en tout 523 chapitres. Voici, sommairement décrit, le contenu des six ordres
mishniques :
1) Zera‘im « Semences » : traite d’abord des bénédictions et des prières quotidiennes,
puis essentiellement des lois concernant l’agriculture.
2) Mo‘ed « Temps fixé » : expose les lois d’observance du chabbat, des fêtes et des jours
de jeûne.
3) Našim « Femmes » : traite du mariage, du divorce, des vœux et autres problèmes de ce
genre.
4) Neziqin « Dommages » : discute des lois civiles et criminelles, du châtiment, de
l’idolâtrie, et commente les enseignements moraux du traité Avot.
5) Qodašim « Choses saintes » : est consacré à l’abattage rituel des animaux, aux
sacrifices et offrandes, ainsi qu’au Temple et à son service.
6) Ṭohorot « Puretés » : étudie les lois de pureté et d’impureté.
A l’exception d’assertions prononcées par des sages plus anciens, la Mishna est rédigée dans
un hébreu concis, sensiblement différent de l’hébreu biblique tant par la grammaire que par le
vocabulaire. L’hébreu mishnique représente un prolongement direct de celui parlé par les
derniers prophètes et de l’époque d’Ezra et Néhémie. Il compte environ deux cents mots
empruntés au grec et au latin.
Il existe plusieurs éditions de la Mishna, mais celles d’Albeck (1959) et de Danby (1933) sont
considérées comme des classiques.

‫( ספרא‬Ṣifra)
De l’araméen : « le livre »
Midrash halakhique sur le Lévitique. La méthode exégétique mise en œuvre dans le Ṣifra est
celle qui avait cours à l’école de Rabbi Aqiva, et il semble acquis que l’ouvrage émane de
cette école (même si Rabbi Yishmael s’y trouve fréquemment cité).
La langue utilisée est un pur hébreu mishnique mais il contient quand même des mots grecs.
Sa datation devrait se situer entre la seconde moitié du 3ème siècle et le début du 5ème.

‫( תוספתא‬Tosefta)
De l’araméen : « addition », « complément ».
288

Collection d’enseignements tannaïtiques complétant ceux de la Mishna. La Tosefta, qui est


environ six fois plus développée que la Mishna, se divise de la même manière. Elle contient
les six mêmes « ordres » et les mêmes subdivisions en traités. La Tosefta se compose de
baraïtot qui sont une source importante pour la discussion talmudique d’un sujet donné.
Certaines de ces baraïtot sont des versions alternatives du texte de la Mishna, d’autres
expliquent la Mishna ; d’autres encore ajoutent à la Mishna ou apportent des éléments
nouveaux.
L’origine de la Tosefta et les critères déterminant la prise en compte de son matériau ont été
longuement controversés. Le Talmud en attribue la rédaction à Rabbi Neḥemya (T5) et
déclare que la Mishna est l’œuvre de Rabbi Meir (T5). Si cette affirmation était vraie, on
aurait là l’explication des nombreux points communs entre les deux œuvres, puisque les deux
hommes étaient des disciples de Rabbi Aqiva. Cependant, il n’existe pas de preuve de la
rédaction de la Tosefta par Rabbi Neḥemya. D’autres considèrent cette collection comme
éclectique, comme une compilation de différentes traditions provenant de sources diverses,
voire contradictoires. Comme la Mishna, la Tosefta rapporte souvent les deux opinions en
opposition, sans trancher entre elles. La recherche soutient que la Tosefta, telle qu’elle a été
transmise, était inconnue des auteurs du Talmud babylonien comme ceux du Talmud de
Jérusalem puisque, à de nombreuses reprises, le Talmud cherche à éclaircir des questions qui
ont été expliquées clairement dans la Tosefta. Néanmoins, il semble que l’auteur, ou les
auteurs, de la Tosefta habitaient en terre d’Israël, puisque le style et le contenu de la Tosefta
sont plus proches de ceux du Talmud de Jérusalem. Les baraïtot qui se trouvent dans la
Tosefta offrent le plus souvent un texte identique à celui de la Mishna. Toutefois, des
divergences existent ; parfois dans la formulation, mais aussi dans le contenu. Souvent même
le matériau que l’on trouve dans la Tosefta n’a pas d’équivalent dans la Mishna. En règle
générale, le Talmud considère la Mishna comme la source première de toute interprétation et
lorsqu’un baraïta est en désaccord avec la Mishna, on accepte l’autorité de cette dernière.
Lorsqu’il y a une lacune dans la Mishna, on accepte généralement l’autorité de la baraïta.
L’édition critique de la Tosefta est celle de M.S. Zuckermandel éditée à Pasewalk en 1881 et
rééditée à Jérusalem en 1963 ; et nous devons également mentionnée celle de S. Lieberman,
Tosefta ki-pešuta, éditée à New York entre 1955 et 1987 soit trois ans après sa mort.
289

‫( תלמוד‬Talmud)
Corpus des enseignements comprenant les commentaires et les discussions des amoraïm sur
la Mishna.
L’étude de la Mishna qui se poursuivit assidûment dans les deux centres en terre d’Israël et de
Babylone conduisit à l’émergence des deux Talmud : le Talmud de Jérusalem et le Talmud de
Babylone. Ce corpus est le fondement de l’autorité des lois et traditions juives qui furent
accumulées pendant une période de sept siècles, depuis environ -200 jusqu’à environ 500. Le
Talmud comprend donc la Mishna et les discussions rabbiniques qui s’y rapportent (gemara,
de l’araméen « gemar » : « ce que l’on apprend de la tradition »).
La Mishna se consacre presque exclusivement à la Halakhah, et ne contient que le résultat
final des discussions et polémiques tannaïtiques et ce sont les amoraïm qui tentent de les
expliquer (gemara). Quand les amoraïm se rassemblaient pour étudier la Mishna, en terre
d’Israël ou en Babylonie, les méthodes étaient quasiment les mêmes. L’aspect le plus
remarquable de la gemara est la description du va-et-vient des discussions polémiques qui se
déroulaient autour d’une mishna ou passage biblique ou d’un aspect d’une loi.
L’objectif principal de la discussion consiste à élucider le texte de la Mishna. Un chapitre type
du Talmud s’ouvre par une seule Mishna qui ne dépasse pas la longueur d’un paragraphe. Suit
la gemara, qui couvre le plus souvent plusieurs pages. Ensuite est citée une autre mishna et
ainsi de suite. Après des attaques périodiques de l’Église catholique, la première édition
intégrale fut imprimée à Venise par l’éditeur chrétien Daniel Bomberg (1520). Mais la version
classique utilisée aujourd’hui fut publiée à Vilna au 19ème siècle.
Nous voudrions ajouter, ici, ces quelques lignes du rabbin Ch. Touati que nous partageons
totalement à propos du Talmud : « Le Talmud est, à côté, de la Bible, l’œuvre la plus
gigantesque du judaïsme. Produit de plusieurs siècles d’intense activité intellectuelle, il
renferme non seulement le compte rendu très vivant de discussions très variées, mais encore
une masse de matériaux qui permettent, à condition d’être soigneusement critiqués, de
reconstituer la civilisation juive sous tous ses aspects pendant une longue et riche période de
son histoire, sans parler de la lumière qu’il projette sur les origine du christianisme. Son étude
a constitué l’objet principal, sinon exclusif, de l’enseignement dans tous les pays du monde
juif. Dans certains d’entre eux, en particulier en Europe centrale et orientale, il a supplanté la
Bible elle-même, sous prétexte qu’il l’impliquait toute entière. » (Touati Ch., Prophète,
talmudistes, philosophes, p. 53).
290

2) TERMES GÉNÉRAUX :

‫אבר מן החי‬
Le membre d’un être vivant.
Interdiction de manger un membre arraché d’un animal vivant. Il est en effet interdit aussi
bien aux juifs qu’aux non-juifs de consommer la chair d’un animal vivant.

‫אוהל המת‬
La tente du mort.
Concept fondamental dans les lois de l’impureté. Toute structure d’un volume d’au moins une
coudée cube où se trouve la dépouille d’un individu (ou une partie d’un cadavre : chair, os ou
membre) devient ’ohel hamet, conférant à tout ce qu’elle contient le statut de ’av haṭum’ah
« principale source d’impureté », lequel est susceptible de transmettre l’impureté aux
personnes et aux objets. Inversement, le ’ohel hamet préserve de son impureté les hommes et
les objets qui sont à l’extérieur (cf. le commentaire de RaSHi sur habayit ṭame’ in Nidda, 18a
et Maïmonide, Hilkhot ṭum’at met, chapitre 25, règle 10).

‫אחרונים‬
Littéralement : les Derniers.
Nom de certains codificateurs et autorités en matière de loi juive qui, à partir de la fin du
Moyen Âge, prirent la suite des rishonim. La ligne de partage entre les rishonim et les
aḥaronim n’est pas claire : selon une première école, la période des aḥaronim daterait de la
publication du Šulḥan ’arukh. Alors que d’autres considèrent qu’elle a commencé un siècle
plus tôt, après la mort de Jacob Möllin et celle d’Israël Isserlein, voire au 12ème siècle. Quoi
qu’il en soit, c’est le Šulḥan ’arukh qui a exercé une influence majeure sur les aḥaronim,
déterminant la nature et le contenu de leur travail d’élucidation de la Halakhah. Quelques
aḥaronim ont toutefois critiqué ou rejeté les décisions de Joseph Caro ; le plus souvent, ils ont
fait montre d’une approche novatrice à l’intérieur du cadre existant, même s’ils se sont
bornés, dans leur responsa, à appliquer des règles ordinaires à des situations nouvelles.
291

‫אילונית‬
Une femme dont les attributs sexuels ne sont pas normalement développés.
Cette femme est par conséquent stérile. Ce terme s’applique à toutes les femmes dont les
fonctions génitales sont déficientes. Une telle femme est dispensée du lévirat (‫)יבום‬.

‫איסורי הנאה‬
Les choses dont il est interdit de tirer profit.
Il s’agit des choses dont il est interdit de tirer profit en les mangeant ou les vendant, même à
un non-juif. Certaines de ces « choses interdites au profit » sont d’origine biblique, d’autres,
d’origine rabbinique. Ces biens, dont on ne peut tirer aucun profit, doivent être brûlés ou
enterrés selon le cas. Les idoles et les objets de culte païen, le premier-né mâle d’une ânesse
avant qu’il ait été racheté ou après qu’on lui ait brisé la nuque (‫)פטר חמור‬, l’animal condamné
à être lapidé (‫)שור הנסקל‬, la génisse à la nuque brisée (‫ )עגלה ערופה‬entre dans la catégorie de
ces « choses interdites au profit ». De nos jours, la viande cachère cuite dans du lait
(‫ )בשר בחלב‬et la pâte levée à Pessah (‫ )חמץ‬sont les « choses interdites au profit » les plus
courantes.

‫( אמורא‬amora)
Orateur ou interprète ; au pluriel : amoraïm.
Terme désignant les sages, tant babyloniens que palestiniens, actifs depuis la rédaction de la
Mishna (200) jusqu’à la rédaction finale du Talmud de Babylone (500). Les discussions de
ces sages qui se déroulèrent sur huit générations à Babylone et cinq en terre d’Israël, occupent
la majeure partie des deux Talmud et du Midrash Aggadah. L’autorité de l’amora était
limitée, dans la mesure où il ne pouvait contredire les décisions de ses prédécesseurs, les
tannaïm, à moins qu’il ne trouvât un autre tanna pour soutenir son point de vue. Les amoraïm
pouvaient être en désaccord mutuel, et ils l’étaient souvent. Au centre de leurs débats se
trouvait l’interprétation de la Mishna. À de rares exceptions près, les tannaïm n’indiquaient
pas le fondement scripturaire de leurs opinions ou le raisonnement qui les y conduisait. Ce
sont les amoraïm qui assumèrent cette tâche.
Tandis que les amoraïm palestiniens (comme les tannaïm avant eux) portaient le titre de
rabbi, la plupart des amoraïm babyloniens s’intitulaient Rav. L’origine de cette différence,
tient au fait que l’ordination n’était donnée qu’en terre d’Israël. Les amoraïm babyloniens se
292

soumettaient à leurs collègues palestiniens qu’ils considéraient comme les successeurs


légitimes des tannaïm.

‫בוגרת‬
Une adulte.
Lorsqu’une fillette atteint l’âge de la puberté, elle perd le statut de « mineure » (qeṭanah) pour
prendre celui de « jeune fille » (na‘arah). Six mois après, elle est considérée légalement
comme une « adulte » (bogeret) et son père n’a plus le droit de prendre de décisions à sa
place.

‫ברכת כהנים‬
La bénédiction sacerdotale.
Les trois versets (Nombres, 6, 24-26) que les Cohen récitent à la synagogue, les mains tendues
vers l’assemblée, au cours de la répétition de la prière (’amidah) afin que Dieu bénisse la
communauté. Avant de répéter, après l’officiant, chaque mot du passage biblique, ils
prononcent une bénédiction rappelant que Dieu leur a ordonné de bénir le peuple avec amour.
En terre d’Israël, la bénédiction sacerdotale est récitée à tous les offices de la prière du matin
et de muṣaf, alors que dans les communautés de la Diaspora, ce rite n’est plus pratiqué
quotidiennement depuis longtemps.

‫גזרה שוה‬
Une analogie à partir de l’identité des termes.
Principe d’herméneutique fondamental apparaissant dans toutes les listes courantes de règles
exégétiques. Si le même mot ou la même phrase apparaît à deux endroits différents dans la
Torah, la loi énoncée dans l’un de ces passages s’applique également à l’autre. Cette
extrapolation repose sur les similitudes du langage biblique – et non sur une quelconque
relation conceptuelle comme dans l’« interprétation par induction » (binyan ’av). Par
exemple : la Torah (Lévitique, 20, 27) statue que ceux qui se livrent à des évocations et à des
sortilèges « seront mis à mort : on les lapidera, leur sang [retombera] sur eux » ; le sages du
Talmud déduisent, alors, par « analogie à partir de l’identité des termes » que la peine de
lapidation doit être appliquée dans tous les cas où apparaît l’expression « leur sang
293

[retombera] sur eux ». On établit, généralement, « une analogie à partir de l’identité des
termes » que si le même mot ou la même phrase figure dans les deux versets, mais cette
« analogie » peut aussi tenir compte des synonymes.
Dans sa forme la plus simple, cette « analogie » est une interprétation linguistique qui permet
d’éclairer un mot ou une phrase par le sens qu’il a dans un autre contexte. En réalité elle a une
portée bien plus grande puisqu’elle permet « le transfert » d’une loi d’un cas à un autre. De ce
fait, et pour éviter des conclusions erronées, son application a été subordonnée à certaines
conditions, et, en particulier, celle qui invalide l’établissement d’une « analogie » de ce genre
si elle n’appartient pas à une tradition établie. De plus, il faut qu’au moins un des deux termes
qui fonde une « analogie à partir de l’identité des termes » soit « libre » (mufneh) (i.e.
apparemment superflu dans son contexte) afin d’être en droit de penser qu’il a été consigné
pour servir à genre d’« analogie ». La notion de terme « libre » est multiple :
1) « Libre des deux côtés » : les deux termes de l’« analogie » sont superflus dans leur
contexte respectif ; dans ce cas l’« analogie » est inattaquable, ou, pour reprendre les termes
du Talmud, « on apprend et on ne réfute pas » (‫)למדים ואין מושיבים‬.
2) « Libre d’un côté » : seul l’un des termes de l’« analogie » paraît inutile dans son contexte.
3) « Pas libre » (lo’ mufneh), c’est le cas de notre exemple : dans ce cas, l’« analogie » peut
être réfutée par une argumentation logique (‫)למדים ומשיבים‬.
Ajoutons pour être complet une dernière règle, à savoir qu’« il ne peut y avoir de « demi-
analogie » » ; parce que l’« analogie à partir de l’identité des termes » joue nécessairement
dans les deux sens : on applique à B la loi énoncée dans A et vice versa. Les Sages sont
divisés sur la question de savoir si ce type d’« analogie » (gezerah šawah) implique le
transfert de toutes les implications d’une loi – « déduis d’elle et d’elle » (‫– )דון מינה ומינה‬, ou
si la loi commune reste soumise dans chaque cas à des règles particulières tenant compte de
leurs spécificités – « déduis d’elle et laisse à sa place » (‫)דון מינה ואוקי באתרא‬.

‫( הלכה‬Halakhah)
Jurisprudence rabbinique.
Branche de la littérature rabbinique qui traite des obligations religieuses auxquelles doivent se
soumettre les juifs, aussi bien dans leurs relations avec leur prochain que dans leur rapport à
Dieu. Elle englobe pratiquement tous les aspects de l’existence : la naissance et le mariage, les
joies et les peines, l’agriculture et le commerce, l’éthique et la théologie.
294

Le mot halakhah est dérivé de la racine .‫כ‬.‫ל‬.‫ ה‬qui a donnée notamment le verbe lalekhet
(‫ « )ללכת‬marcher ». Et ce système de lois enseigne justement la voie que doit suivre le peuple
juif, terme basé sur le verset : « Tu élucideras pour eux les décrets et les lois et tu leur feras
connaître la voie par laquelle ils marcheront, ainsi que la façon dont ils doivent agir » (Exode,
18, 20). Au sens plus restreint où l’employaient les tannaïm, une halakhah était une décision
rabbinique transmise par la tradition. Par la suite, le sens de ce terme évolua pour désigner
l’opinion admise ou autorisée, lorsqu’une question restait en suspens. Le terme est également
utilisé pour désigner les parties juridiques de la tradition juive, par opposition à la Aggadah,
ensemble des homélies des sages, les deux ayant bien entendu subi des influences
réciproques.

‫חולין‬
Profane.
Ce qui n’appartient pas au Temple ou qui n’est pas consacré. Se réfère aussi à un produit
dont on a déjà prélevé la dîme ou qui en est exempté. Plusieurs interdictions et différentes
règles (où ce terme est employé) ne s’appliquent qu’à des objets consacrés (par exemple,
toutes les lois des sacrifices). Les modes d’acquisition des biens consacrés répondent à des
règles spécifiques. Certaines lois particulières ne s’appliquent qu’aux biens profanes,
comme les prélèvements obligatoires sur la récolte ou l’interdiction du prêt à intérêt.

‫חולין בעזרה‬
Un animal non consacré dans la cour du Temple.
Il est interdit d’apporter et même d’égorger des animaux non consacrés dans la cour du
Temple. Les Sages débattent pour savoir s’il s’agit d’un interdit spécifique de la Torah
(la’w), mais ne contestent pas le principe même de l’interdiction.

‫חטאת‬
Offrande [expiatoire] du péché.
Celui qui, par inadvertance a commis une faute passible du retranchement (karet) dans le cas
d’une désobéissance intentionnelle, doit apporter une brebis ou un bouc de moins d’un an
295

pour sacrifice expiatoire. La chair était consommée par les Cohen. Ces offrandes faisaient
également partie du processus de purification.

‫חייב‬
Il est tenu de…, passible de…, coupable.
Ce terme a diverses significations. Dans un litige financier, il indique qu’une partie a été
reconnue coupable et doit payer la somme fixée par le tribunal. Au plan de la pratique
religieuse, il implique une obligation encore plus impérieuse que « il doit » (‫ )צריך‬ou « il
est soumis au commandement de… » (‫)מצוּוְ ה‬. Dans le domaine des infractions religieuses,
il signifie que la personne s’est rendue coupable d’une transgression évidente, qui la
condamne dans la plupart des cas à apporter une offrande expiatoire. On explicite alors
« il est tenu d’apporter une offrande expiatoire » (‫ )חייב חטאת‬ou on précise la
condamnation de cette désobéissance.

‫חייב מיתה‬
Il est passible de mort.
Dans la littérature talmudique, cette expression ne doit pas toujours être prise à la lettre :
elle ne signifie pas obligatoirement que la personne a commis un crime puni par la peine
capitale, mais une transgression qui mérite une sanction très sévère.

‫חליצה‬
Le fait d’enlever.
Cérémonial de désistement qui libère la veuve d’un homme mort sans enfant de
l’obligation d’épouser l’un des frères de son mari défunt. Le mot ḥalicah désigne le rite
principal de cette cérémonie : la veuve retire une sandale spéciale du pied de l’un de ses
beaux-frères devant trois juges rabbiniques. Les lois de ce cérémonial sont exposées dans
le traité Yebamot.

‫חמישה דברים‬
Les cinq choses.
296

Les cinq catégories d’indemnités que doit payer l’auteur d’un dommage (‫ )חובל‬: le
dommage (nezeq), la souffrance (ca‘ar), les frais médicaux (ripui), le manque à gagner
causé par le chômage forcé (ševet) et la honte (bošet).

‫יהרג ואל יעבור‬


Qu’il soit tué mais qu’il ne désobéisse pas.
Injonction qui exhorte à donner sa vie pour sanctifier le nom de Dieu plutôt que
d’enfreindre certains interdits. En règle générale, une personne forcée de transgresser un
commandement sous peine de mort a le droit (et, selon plusieurs décisionnaires, a même
le devoir) de contrevenir à l’interdit pour sauver sa vie. Il est également permis de passer
outre aux lois de la Torah pour préserver la vie d’un malade en danger. Il existe
néanmoins quelques exceptions majeures :
Un juif doit accepter de sacrifier sa vie lorsqu’on veut l’obliger à s’adonner à l’idolâtrie,
commettre un meurtre ou s’adonner à des relations charnelles interdites. Ainsi que dans
tous les cas d’une transgression, destinée à être publique, dont l’oppresseur ne tire aucun
bénéfice : il désire uniquement que le fidèle renie sa foi. Aux époques de persécutions
dont l’objet est d’obliger une communauté à apostasier, il faut être prêt à sacrifier sa vie,
même lorsqu’il ne s’agit que de renoncer à une coutume spécifique mais sans importance.

‫( מדרש‬midrash)
Interprétation.
Commentaire rabbinique de la Bible ayant pour but d’expliciter divers points juridiques ou de
prodiguer un enseignement moral en recourant à divers genres littéraires : récits, paraboles et
légendes.
A l’époque des tannaïm, le midrash se divise en deux branches bien distinctes : Midrash
Halakhah et Midrash Aggadah. Le Midrash Halakhah comporte des textes rédigés à partir des
enseignements dispensés dans les académies, et ayant pour objectif de dégager des lois des
textes écrits et de les expliciter dans les moindres détails.
Le Midrash Aggadah s’élabore à partir de sermons que l’on pouvait entendre dans les
synagogues. Il s’agit de récits homilétiques visant à tirer des enseignements moraux de la
Bible et dont les héros sont des personnages de la Bible ou des sages.
297

‫נידה‬
Une femme à l’époque de sa menstruation.
Par rapport aux lois de l’impureté : une femme est impure, selon la loi biblique, pendant les
sept jours qui suivent le début de ses règles ; le soir du huitième jour, elle doit se plonger
dans une source ou dans un bain rituel (miqweh) pour se purifier. À l’origine, la nidah
pouvait donc se purifier à l’entrée du huitième jour, même si ses menstrues s’étaient
prolongées jusqu’au septième jour. Mais les sages ont décrété que toute femme ayant eu un
« flux » sanguin, devait attendre sept jours après cet écoulement, avant de pouvoir se
purifier dans un bain rituel. Tant que la femme est nidah (c’est-à-dire depuis le début des
règles jusqu’au bain rituel) elle rend impurs les personnes et les objets qu’elle touche. La
personne qui, pendant cette période, entretient avec elle une relation charnelle devient elle
aussi impure pendant sept jours. Par rapport aux lois des interdits sexuels : il est défendu
sous peine de retranchement d’avoir des relations avec une femme nidah. Le fait que la
mariée soit nidah n’empêche pas la célébration du mariage – même si, par ailleurs, les
engagements matrimoniaux interdits sous peine de retranchement (pour cause d’inceste par
exemple) sont nuls et non avenus. Mais bien évidemment le mariage ne sera consommé
qu’après la purification. L’enfant conçu par une femme nidah n’est pas assimilé à un
« bâtard » (mamzer) et pourra se marier normalement.

‫נזק‬
Dommage.
L’une des cinq indemnités que l’auteur d’un dommage doit payer à la victime et, plus
exactement la dépréciation de sa valeur marchande, calculée en fonction de ses aptitudes
professionnelles avant et après le dommage. Le paiement dû à une femme déshonorée par
un viol (‫ )פגם‬est inclus dans cette catégorie.

‫עולה‬
Un holocauste, offrande totalement brûlée sur l’autel.
On peut apporter en guise d’« offrande brûlée » des bovins ou des ovins mâles, des boucs ou
des colombes. En général, l’holocauste est une offrande volontaire individuelle. L’animal est
égorgé, dépecé (la peau devient la propriété des Cohen) et découpé en morceaux brûlés sur
l’autel.
298

‫פטור‬
Exempté.
Contraire de « passible » (ḥayav), à qui il fait pendant dans toute la littérature talmudique.
Le terme « exempté » a différentes significations suivant le contexte. Dans le droit
financier, il signifie que le défenseur a été acquitté et n’est pas condamné à payer. Dans le
domaine de la pratique religieuse, il signifie qu’une personne est dispensée d’une
obligation, par exemple celle d’apporter un sacrifice, ou qu’elle n’est coupable en regard de
la justice des hommes (même si elle le reste devant le tribunal céleste). Il faut toujours se
rappeler que le mot « exempté », surtout dans le contexte des lois du chabbat mais aussi
dans d’autres domaines, doit être pris dans son sens strict, à savoir que l’acte accompli n’est
passible d’aucun châtiment spécifique mais qu’a priori il est néanmoins interdit
(‫)פטור אבל אסור‬. Dans de rares occasions, il a le sens de (‫ « )פטור ומותר‬une action qui n’est
passible d’aucun châtiment spécifique, permise a priori ».

‫פיקוח נפש‬
La préservation de la vie.
Pour sauver une vie humaine, la menace serait-elle incertaine, il est permis de transgresser
tous les commandements positifs et négatifs de la Torah, à l’exception de l’idolâtrie, du
meurtre et des interdits sexuels définis comme ‘arayot. Lorsque la vie d’un être humain est en
danger, il ne faut pas perdre son temps à délibérer, mais agir immédiatement. Les Sages et les
personnages les plus éminents de la communauté, sont tenus de donner l’exemple afin de
montrer que cette autorisation ne prête pas au doute (voir pour plus de détails là-dessus
Encyclopaedia Judaica, 13, pp. 509-510).

‫צער‬
La souffrance.
L’une des cinq indemnités versées par l’auteur d’un dommage. Il doit la payer à sa victime
en compensation de la souffrance causée, indépendamment ou pas des quatre autres
versements. La cinquième indemnité, qui n’est pas citée ici, est la « honte » C’est-à-dire que
même si la victime n’a subit aucun dommage corporel, une humiliation suffirait pour exiger
réparation. On tiendra compte du statut social de la victime et de l’agresseur. Néanmoins, un
299

outrage exclusivement verbal ne demande pas réparation dans le cadre cette loi ; à moins
que la victime ne soit un sage.

‫קטנה‬
Une petite fille mineure.
Fillette avant la puberté. À l’instar du garçon mineur, elle est considérée comme
irresponsable au sens juridique du terme, mais soumise à certaines lois. Les sommes
promises dans le cadre du contrat de mariage lui reviennent et son père est seul habilité à
recevoir à recevoir l’acte de divorce en son nom. Cependant, il perd tous les droits sur sa
fille après son entrée au domicile conjugal, même si elle est encore mineure. Les Sages
ont décrété que les proches parents (la mère ou les frères) d’un fillette mineure orpheline
de son père pourraient la marier, mais qu’elle pourra rompre ces liens matrimoniaux
fragiles en déclarant à n’importe quel moment, tant qu’elle est mineure, qu’elle refuse de
rester mariée. Les relations sexuelles avec une petite fille âgée de plus de trois ans, sont
prises en compte dans tous les domaines de la Halakhah. Ainsi, qui a une relation
incestueuse avec une fillette de cet âge est passible de la peine capitale, alors qu’elle ne
sera pas sanctionnée puisqu’elle n’est pas responsable de ses actes. La relation sexuelle
avec une petite fille de plus de trois ans a les mêmes effets juridiques qu’avec une adulte.
Cela étant dit, la séduction (‫ )פיתוי‬dans ce cas-là est assimilée à un viol.

‫ראשונים‬
Littéralement : les Premiers, les Anciens.
Premières autorités de l’histoire de la Halakhah. Ce terme est généralement utilisé pour
désigner les grands érudits et commentateurs du Talmud ayant vécu entre la fin de la période
des geonim (11ème siècle) et la publication du Šulḥan ’arukh de Joseph Caro (1565). Il sert à
définir, dans la littérature rabbinique, la période qui s’étend des geonim jusqu’à celle du
rabbinat qui constitue, en quelque sorte, la période moderne, celle des aḥaronim (cf.
glossaire). D’un point de vue historique, les rishonim s’inscrivent entre la disparition des
académies babyloniennes et le début des centres indépendants de diaspora.
300

‫ריפוי‬
Les frais médicaux.
L’une des cinq indemnités que l’auteur d’un dommage doit payer à sa victime. Il ne peut se
dédouaner en lui trouvant un médecin qui accepte de la soigner gratuitement ou en
proposant ses services (même s’il est un praticien de renom), en vertu du dicton populaire
cité par le Talmud (Baba Qama, 85a) : « Un médecin qui ne perçoit pas [ses honoraires] ne
vaut rien ! ».

‫שבח‬
Plus-value.
Dans les transactions commerciales et les contrats, c’est l’augmentation de la valeur d’un
bien, à la suite des transformations qui ont été apportées (comme lors de la grossesse en ce qui
nous concerne, voir p. 102) ou simplement en raison des fluctuations du marché. Pour
déterminer la valeur ajoutée effective, il convient parfois d’établir le rapport entre
l’augmentation du prix et les impenses i.e. les dépenses faites par le possesseur pour
l’amélioration du bien dont il avait la jouissance.

‫שבע מצוות בני נוח‬


Les sept commandements [donnés] aux descendants de Noé.
Sept lois universelles s’appliquant à toute l’humanité : 1) Interdiction de l’idolâtrie 2) du
meurtre 3) de l’inceste et de l’adultère 4) du vol 5) de blasphémer 6) de manger la chair d’un
animal vivant 7) obligation d’instaurer des tribunaux. Même selon les autorités qui dressent
des listes plus longues comprenant jusqu’à trente commandements, seule la transgression des
sept premiers est passible de la peine capitale.

‫שֶ בֶ ת‬
Indemnité pour le chômage forcé.
L’une des cinq réparations que l’auteur d’un dommage doit verser à sa victime pour la
dédommager du manque à gagner pendant la période d’inactivité consécutive à sa blessure.
L’indemnité est calculée en fonction du salaire perçu jusque-là par le plaignant, mais doit
prendre aussi en considération la diminution irréversible de sa capacité de travail.
301

‫שחיטה‬
L’abattage rituel.
Seule méthode d’abattage permettant de manger un animal ou un oiseau propre à la
consommation (kašer). Elle consiste à trancher la gorge de l’animal avec un couteau
parfaitement aiguisé ne comportant pas la moindre aspérité, sans l’appuyer sur le cou de la
bête et sans le faire glisser en dessous de sa peau ou de sa chair. L’abatteur doit faire un
mouvement de va-et-vient avec son couteau et couper la plus grande partie de la trachée artère
et de l’œsophage (pour la volaille, l’un des deux suffit). L’abatteur récite une bénédiction
avant d’égorger l’animal, mais s’il ne l’a pas fait, l’abattage reste valable. Il faut couvrir le
sang des oiseaux et des animaux sauvages abattus rituellement.

‫תמיד‬
Perpétuel.
Le sacrifice quotidien de l’agneau offert dans le Temple, matin et soir (Nombres, 28, 1-8).

‫( תנא‬tanna)
D’un verbe araméen qui signifie répéter ou enseigner ; au pluriel : tannaïm.
Appellation des maîtres de la « loi orale » dont la période d’activité s’étendit d’environ l’an
20 jusqu’en l’an 200. Leurs prédécesseurs immédiats furent Hillel et Shamay. On doit aux
tannaïm la première mise par écrit de la « loi orale » : la Mishna, la Tosefta et le Midrash
Halakhah. Plus de 120 tannaïm se trouvent nommés dans la Mishna, d’autres sont mentionnés
dans les baraïtot. Hormis quelques exceptions, tous étaient natifs de la terre d’Israël. On
distingue généralement six générations de tannaïm dont les premiers sont Rabban Shimon ben
Gamliel et Rabbi Yoḥanan ben Zakay ; leur centre d’enseignement se trouvait à Jérusalem.
Après la destruction du deuxième Temple (70), c’est principalement grâce aux efforts de
Rabbi Yoḥanan que l’enseignement tannaïtique fut ravivé à Yavné et que la structure du
judaïsme demeura indemne. Par la suite, d’autres centres d’enseignement furent établis en
terre d’Israël. La persécution anti-juive sous l’empereur romain Hadrien et l’échec de la
révolte de Bar Kokhba (135) eurent une influence profonde sur l’activité et l’enseignement
tannaïtiques. En tant que porte-parole de la communauté juive de la terre d’Israël, Rabban
Gamliel de Yavné (T3), Rabbi Yehoshoua (T3) et Rabbi Eliezer (T3) voyagèrent à l’étranger
afin de prendre contact avec la communauté juive de Rome qui était en pleine croissance et
302

pour intercéder auprès des autorités romaines. Rabbi Aqiva (T4), visita également d’autres
communautés de la diaspora. Les midrashim halakhiques proviennent des académies de Rabbi
Aqiva et de Rabbi Yishmael, lesquels avaient formulé des principes herméneutiques pour
l’interprétation des Ecritures qui favorisèrent le développement de la loi rabbinique (la
Halakhah). Parmi les élèves de Rabbi Aqiva, on peut signaler Rabbi Shimon bar Yoḥay,
Rabbi Yossi ben Ḥalafta et Rabbi Meir (qui avait étudié avec Rabbi Yishmael). Ils donnèrent
une nouvelle impulsion aux études rabbiniques après 135. Rabbi Yehouda ha-Nassi (appelé
aussi Rabbi) compila la Mishna, et la période des tannaïm prit fin ; même si on s’accorde à
dire qu’une génération de transition entre la période tannaïtique et amoraïque (les rabbins de
la gemara), composée notamment de Bar Kapara, Rabbi Ḥiya ou Rabbi Hoshaya, eut lieu et
rassembla des éléments halakhiques et des baraïtot.
303

3) TERMES PLUS SPÉCIFIQUES AU STATUT DU FŒTUS :

‫בן שמונה חדשים‬


Un enfant du huitième mois.
Il est question d’un nouveau-né un mois avant terme. Tant que sa viabilité est incertaine, ses
parents ne sont soumis à aucune obligation religieuse à son égard. De même, lorsqu’un animal
domestique doit mettre bas au bout de neuf mois de gestation, son maître n’est astreint à
aucune obligation concernant le petit né au huitième mois.

‫בכור לנחלה‬
Le premier-né par rapport à l’héritage.
À la mort du père, son fils aîné reçoit une double part d’héritage (Deutéronome, 21, 17),
même si, vis à vis de la mère, il n’est pas né en premier. Le fils aîné reçoit une double part
même s’il est illégitime (mamzer). Cependant, il s’agit uniquement des biens patrimoniaux et
non des revenus à venir ; les autres biens sont divisés en part égales entre les héritiers.

‫דם טוהר‬
Sang de pureté.
C’est le sang qui peut couler par le vagin pendant les jours de pureté (33 ou 66), après ceux
d’impureté (7 ou 14).
Une accouchée ayant un écoulement sanguin vaginal entre le huitième et le quarantième jour
suivant la naissance d’un garçon, et entre le quinzième et le quatre-vingtième jour pour une
fille, n’était pas impure d’après la loi biblique. Aujourd’hui elle est assimilée à une femme
impure nidah.

‫דמי ולדות‬
Paiement des petits.
Ainsi appelle-t-on l’indemnité que doit verser l’auteur d’un coup involontaire qui a provoqué
un avortement. L’indemnité est remise au mari de la victime (Exode, 21, 22).
304

‫( ולד‬walad)
Ce terme a plusieurs sens. Il peut désigner le fœtus achevé d’une grossesse humaine ou
animale (cf. le commentaire de RaSHi sur hika’ leḥumra’ in Nidda, 25a).
Il peut aussi désigner un fœtus simplement viable, voire même un nouveau-né (Midraš agada
(Buber), Nombres, chapitre 3, § 12). Ce terme est également souvent employé pour désigner
le fœtus qui entraîne une certaine impureté de la mère.
Enfin, les Sages emploient assez souvent ce terme pour désigner un embryon qui a plus de
quarante jours ; mais dans la mesure justement où il entraîne – dans le cadre d’un domaine
donné – une réglementation spécifique. Sans pour autant signifier qu’il accède de jure au
statut d’âme vivante (nefeš) (cf. Maïmonide, Hilkhot bekhorot, chapitre 4, règle 12).

‫חתיכה‬
Masse informe.
Une masse sans aucune forme identifiable qui sort par le vagin.

‫טוחות‬
Altéré.
Un embryon dont le visage est totalement déformé et vis à vis duquel il est impossible
d’identifier la « forme humaine ».

‫טומטום‬
Couvert, caché.
Une personne (ou un animal) dont les organes sexuels sont masqués depuis la naissance ou si
peu développés qu’il est impossible de connaître son sexe.

‫יוצא דופן‬
Qui sort par la paroi.
Un être (viable ou pas) qui n’est pas sortit par les voies naturelles (donc par césarienne ou
autrement). Son statut est différent de celui d’un enfant né par accouchement naturel,
notamment en ce qui concerne les lois suivantes : s’il est l’aîné, le père n’est pas tenu de le
305

racheter. La mère n’est pas soumise aux lois de la pureté qui s’appliquent à une accouchée
ordinaire. Les naissances en dehors des voies naturelles n’étaient pas rares même durant
l’Antiquité. Un commentaire talmudique relate le fait que le premier empereur romain fut
justement extrait par « coupure » (caesus) directement du ventre de sa mère (cf. Tosafoth
in ‘Aboda Zara 10b ; Siebold, Geschichte der Geburtshilfe, 2, 135 et Osiander, Handbuch
des Entbindungskunst, 2, 279 dans les notes).
Ces opérations (la césarienne surtout et sans doute aussi parfois la laparotomie) avaient un
taux de réussite (i.e. la mère et l’enfant survivent) assez élevé : « (…) the Talmud mentions a
type of birth other than by way of the normal birth canal, with a happy outcome for both
mother and child. It is likely that laparotomy for an abdominal pregnancy, and perhaps also
cesarian section on a living woman (…). »864. Ce fœtus n’est pas considéré comme l’aîné (s’il
est extrait le premier évidemment) et ne rend pas sa mère impure. (Pour le droit d’aînesse, cf.
Maïmonide, Hilkhot bekhorot, chapitre 2, règle 4 ; et pour les règles de pureté, cf. Maïmonide,
Hilkhot ’iṣurey biya’, chapitre 10, règle 5).

‫כוס עיקרין‬
Potion abortive.
Voir p. 159 note 553.

‫מוסמסין‬
Abîmé.
Un embryon dont le visage est déformé mais qui possède malgré tout un aspect humain.

‫מלאות‬
Pleines.
Terme d’ensemble qui désigne la procédure de purification. Cette dernière correspond aux
jours d’impureté (‫ )ימי טומאה‬plus les jours de pureté (‫)ימי טהרה‬.

864
Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 426.
306

‫צורת האדם‬
La « forme humaine ».
Embryon ou fœtus qui possède la « forme humaine ». La discussion détaillée sur les attributs
qui confère au fœtus la « forme humaine » se trouve dans l’étude.

‫נפל‬
Avorton.
Embryon ou fœtus ayant ou pas la « forme humaine » mais qui n’est pas arrivé à terme. Aussi
vu comme le fœtus avorté non-viable (Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 413).
Le nouveau-né jusqu’à trente jours de vie est également considéré comme nefel (Shabbat,
135b).

‫( סנדל‬ṣandal)
RaSHi dit que le ṣandal est un fœtus plat comme la sole (le poisson) (cf. Ketubbot, 39a et son
commentaire sur dag šel yam in Nidda, 25b et comparer avec TJ, Nidda, chapitre 3, page 50,
colonne D, règle 4). Rabban Shimon ben Gamliel, lui, compare le ṣandal à une large langue
de bœuf865 (cf. Nidda, idem).
Cela se produit toujours en cas de grossesse gémellaire ou de superfétation (phénomène non
confirmé mais possible). Un des embryons, dont le développement a été entravé par l’autre, se
présente à la naissance aplati « comme une sole ». Il est donc question de deux embryons,
mais dont l’un des deux s’est développé au détriment de l’autre en l’aplatissant (cf. le
commentaire de RaSHi in Nidda, 23b ; celui de Maïmonide in Hilkhot ’iṣurey biya’, chapitre
10, règle 12 et la brève description faite par Rabbi qui cite Rav Yehouda in TJ, Nidda, idem) ;
Rabbi y précise qu’un ṣandal est bien le résultat de deux embryons du fait que l’un à écrasé
l’autre : .(...) ‫רבי בא בשם רב יהודה אין סנדל אלא שרצמו חי‬

‫עובר ירך אמו‬


Un fœtus est [considéré] comme la hanche de sa mère. Rendu par « cuisse » ou « viscère de
sa mère ».

865
Probablement le Bouglossos des Grecs (Preuss J., ibid., p. 417).
307

Le fœtus est considéré comme faisant parti de la femme qui le porte (voir le chapitre qui
porte le nom supra p. 41). C’est un organe de sa mère et non pas une entité séparée. Ainsi,
lorsqu’un animal est interdit à la consommation parce qu’il présente une lésion mortelle
(ṭreyfah), son petit le sera également ; de même, si c’est un animal consacré, sa
caractéristique est transmise au fœtus. Lorsqu’on effectue l’abattage rituel d’une femelle, la
loi biblique (dont les Sages refusent l’application) permet de manger le petit né après
l’égorgement de sa mère, même s’il devait mourir de mort naturelle et n’a pas été abattu
rituellement. Le principe du « fœtus viscère de sa mère » peut aussi s’appliquer au genre
humain : le fœtus peut donc être également considéré comme partie de la mère (et non
comme un être indépendant). Par exemple, si une femme enceinte se convertit au judaïsme,
son enfant naît juif ; pour la même raison, un enfant ne peut hériter avant sa naissance.

‫פדיון הבן‬
Le rachat du fils prmier-né.
La Torah (Exode, 13, 12-13) exige que le fils premier-né soit racheté à un Cohen. Ce
commandement positif s’applique au premier-né d’une femme qui n’est pas fille de Cohen
ou de Lévite et dont le mari n’est pas lui-même Cohen ou Lévite. L’obligation ne prend
effet que si l’enfant est né de manière naturelle et non par césarienne.

‫ראש אטום‬
La tête bouchée.
Le fœtus qui n’a pas de cerveau i.e. anencéphale. Ce terme (’aṭum) peut aussi correspondre
à d’autres fœtus malformés étudiés dans le chapitre des malformations du fœtus ; ce terme
signifie également selon la plupart des commentateurs « manquant » (voir Nidda, 24a et
Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 416).

‫רודף‬
Poursuivant. (C’est-à-dire un agresseur)
Quelqu’un ou quelque chose qui menace la vie d’une personne. Tous les moyens sont
alors bons pour lever cette menace.
308

Pour empêcher un individu sur le point de commettre un viol ou un meurtre d’accomplir


son forfait, tous les moyens sont bons ; il est même permis de le tuer. Le « poursuivant »
n’est pas responsable des dommages matériels qu’il a causés pendant qu’il poursuivait sa
victime, parce qu’il est passible d’un châtiment plus sévère qu’une simple peine
pécuniaire – ‫( המתחייב בנפשו אין משלם ממון‬Mishna, Ketubbot, 3, 2). Afin d’encourager à
porter secours à autrui, cette dispense a été accordée aussi à qui poursuit l’« agresseur »
pour le mettre hors d’état de nuire.

‫שיליא‬/‫שיליה‬
Placenta.
Les tannaïm ajoutent qu’il renferme toujours un walad (Mishna, Nidda, 3, 4).

‫שפיר שאינו מרוקם‬


Chorion non-constitué.
La plus extérieure des membranes qui enveloppent le fœtus (cf. Caullery M., Les progrès
récents de l’embryologie expérimentale, Flammarion, Paris, 1939, p. 114). On peut aussi
parler de la membrane amniotique.

‫שפיר מרוקם‬
Chorion constitué.
Un état plus avancé de cette membrane dans laquelle les membres de l’embryon commencent
à se distinguer (cf. le commentaire de RaSHi sur meruqam (‫ )מרוקם‬in Nidda, 23b et voir aussi
Maïmonide, Hilkhot ’iṣurey biya’, chapitre 10, règle 2). Et J. Preuss la décrit comme un tissu
organique qui est entouré d’une membrane : « A cohesive mass of tissue surrounded by a
membrane. » (Preuss J., Biblical and Talmudical Medicine, p. 414).
309

ANNEXES

1) CHRONOLOGIE DES MAÎTRES DU TALMUD :

- Sages antérieurs aux tannaïm

Shimon le juste : 3ème siècle avant notre ère


Antigonus de Sokho : début du 3ème siècle avant notre ère
Premier couple (zug) : 2ème siècle avant notre ère
Deuxième couple : 2ème siècle avant notre ère
Troisième couple : 1er siècle avant notre ère
Quatrième couple : 1er siècle avant notre ère
Cinquième couple : 30 avant notre ère jusqu’à 20 de notre ère

- Tannaïm

Première génération : 40 jusqu’à 80


Deuxième génération : 80 jusqu’à 110
Troisième génération : 110 jusqu’à 135
Quatrième génération : 135 jusqu’à 170
Cinquième génération : 170 jusqu’à 200
Génération intermédiaire entre les tannaïm et les amoraïm : 200 jusqu’à 220

- Amoraïm

Générations des amoraïm babyloniens et palestiniens :

Première génération : 220 jusqu’à 250


Deuxième génération : 250 jusqu’à 290
Troisième génération : 290 jusqu’à 320
Quatrième génération : 320 jusqu’à 350
310

Cinquième génération : 350 jusqu’à 375

À partir de la sixième génération les amoraïm sont babyloniens :

Sixième génération : 375 jusqu’à 425


Septième génération : 425 jusqu’à 460
Huitième génération : 460 jusqu’à 499
311

1bis) TABLEAU SYNTHÉTIQUE DES MAÎTRES DU TALMUD :

DATE TANNAÏM AMORAÏM EN TERRE AMORAÏM EN


D’ISRAËL BABYLONIE
80-110 Eliezer ben Hyrcan ;
(T3) Eliezer ben Yaaqov ;
Ṭarfon ; Yehoshoua

110-135 Aqiva ; Shimon ben Azay ;


Elazar ben Azaria ;
Yishmael ;
Yossi « le Galiléen »

135-170 Shimon ben Gamliel ;


Shimon bar Yoḥai ;
Ḥanina ben Gamliel ; Meir ;
Nathan ; Yonatan ; Yossi

170-200 Shimon ben Elazar ; Shimon


ben Menasiya ; Pinḥas ben
Ya’ir ; Soumkhous ; Yehouda
Ha-Nassi

200-220 Bar Kapara ; Ḥiya ; Hoshaya;


(TA) Levi

220-250 Ḥanina ; Yanay Rav = Aba Arikha


(A1)
250-290 Shimon ben Laqish ; Ketina ; Yehouda ben
Simlay ; Yoḥanan (ben Yeḥezqel
Napaḥa)

290-320 Abahou ; Ami ; Elazar Yossef


312

(ben Pedat) ; Ḥagai ;


Ḥanina bar Papa ; Ḥiya
bar Aba ; Ibo ; Yirmeya

320-350 Pinḥas ; Yehouda ben


Shimon ; Yona ; Yossi
313

2) RÉPERTOIRE DES TERMINOLOGIES TALMUDIQUES :

Sont expliquées ici, pour l’essentiel, les terminologies talmudiques araméennes.

‫א‬
‫אטו‬
A cause de…/Est-ce que vraiment… ?
Ce terme a donc deux sens distincts. Le premier (à cause de…) introduit, simplement, une
cause, comme dans le traité Giṭṭin, 40b : « nous décrétons ceci à cause de… ». Le deuxième,
lui, marque un réel étonnement car l’explication apportée ne paraît pas logique.

[‫איידי ]מתוך‬
Etant donné que…
En faisant le parallèle avec cela nous pouvons expliquer ceci.

‫איכא‬
Il y a.
Abrégé de « il y a ici » (‫)אית כא‬.

‫אי נמי‬
Ou bien (littéralement : si aussi)
Ce terme sert d’introduction à une nouvelle proposition, à une explication ou à une réponse
différentes.

‫אית‬
Il y a.

‫אכתי‬
Encore.

‫אלמא‬
Donc.
314

‫אמתלא‬
Cause/Raison.

‫אתה אומר א או אינו אלא ב‬


Tu dis A, mais ne pourrait-ce être B ?
Dans une analyse exégétique, le Talmud use de cette formule afin de prouver que
l’interprétation donnée est la seule possible : « Tu dis que le verset fait référence à A, mais
comment sais-tu qu’il ne s’applique pas au cas B ? ». Généralement, une autre citation permet
de rejeter cette hypothèse.

‫ב‬
‫בָּ דוי‬
Inventé.

‫ברישא‬
Au début de l’énoncé ou du paragraphe.

‫בעי‬
Il a besoin.

‫בעלמא‬
Littéralement : dans le monde.
1) Après un substantif, ce terme a le sens de « simple » avec, parfois, une nuance péjorative.
2) Au début d’une phrase, ce terme signifie : « généralement, d’habitude ».

‫ד‬
‫דילמא‬
Peut-être.

‫דמי‬
Semblable/Considéré comme.

‫דסבירא ליה‬
Qu’il interprète.
315

‫ה‬
‫הא‬
Mais pourtant…
Souvent préfixé au mot suivant, il marque le début d’une objection.

‫הא איפכא תניא‬


Et si les Sages ont voulu dire le contraire.

‫הדא הוא דכתיב‬


C’est ce qui est écrit.
Dans le Talmud de Jérusalem et les déductions herméneutiques de la Halakhah et de la
Aggada, cette expression introduit une citation biblique qui a pour objet de confirmer
l’enseignement précédent.

‫הוה אמינא‬
J’aurais dit.
La précision était nécessaire pour éviter une erreur d’interprétation : « sans cette indication,
j’aurais dit que… » Les commentateurs du Talmud utilise cette expression pour désigner une
hypothèse première rejetée par la suite.

‫היינו הך‬
C’est la même chose que ceci ?
Puisque les deux cas sont identiques, à quoi rime la répétition.

‫הכא‬
Ici.

‫הכי‬
Ainsi.

‫הכי גרסינן‬
[C’est] ainsi qu’ils étudient.
316

...‫ הכא‬...‫הכי השתא? התם‬


[Tu dis] cela maintenant ? Là… Ici…
Rejet d’une comparaison : « Comment peux-tu les comparer ? Là, dans le cas A, les
circonstances sont telles, alors qu’ici, dans le cas B, elles sont tout à fait différentes ? »
(Shabbat, 81a).
‫ו‬
‫ומשני‬
Et la réponse.

‫ט‬
‫טפי‬
Plus/Supplémentaire.

‫י‬
‫ילפינן‬
Nous apprenons.

‫כ‬
[‫כהאי גוונא ]כעין זה‬
Ce que nous avons dit pour cela, nous pouvons le dire pour ceci.

‫ל‬
‫לא פוקי מדר' פלוני‬
Retirer du rabbin untel les propos…

...‫ ולא שנא‬...‫לא שנא‬


[X] n’est pas différent… [Y] n’est pas différent…
Autrement dit, la Mishna a énoncé la même loi pour deux cas différents. Ayant tranché sans
faire de distinction entre X et Y, la gemara remarque que la démarche est raisonnable pour X,
mais pourquoi l’appliquer aussi à Y ?
317

‫לאתויי מאי‬
Pour inclure (littéralement : amener) quoi ?
Que viennent ajouter ce mot, cette phrase et plus particulièrement, cet enseignement de la
Mishna ?

‫ליכא‬
Il n’y a pas.

‫לית‬
Il n’y a pas.

‫מ‬
‫מאי שנא‬
Quelle différence y a t-il entre ?

‫מאן דאמר‬
Celui qui dit.
C’est-à-dire l’autorité qui soutient le point de vue précédemment cité.

‫מידעם‬
Quelques choses.

‫מילתא‬
Un mot.

‫מיתיבי‬
Ils (des Sages anonymes) soulèvent une objection.
Objection contre l’enseignement d’un amora qui vient d’être cité sur la base de l’avis
contraire d’un tanna, étant entendu qu’un amora ne peut s’opposer à une Mishna ou à une
baraïta.

‫מקמי‬
Avant.
318

‫נ‬
...‫ אף כאן‬...‫ מה להלן‬,...‫ ונאמר להלן‬...‫נאמר כאן‬
Il a été dit ici… et il a été dit plus loin… de même qu’il a été dit plus loin… de même a-t-il été
dit ici…
Formule type d’une « analogie à partir de l’identité des termes », voir là-dessus le glossaire.

‫נהי‬
Même s’il est vrai que.

‫ניחא‬
Elle est bien fondée.

‫נימא‬
Nous dirons/Il est dit.

‫נמי‬
Aussi.

‫נפקא‬
Elle sort.

‫ס‬
‫סברא‬
Une explication logique.
1) Argumentation halakhique fondée sur l’analyse logique et non sur une tradition.
2) Une idée sensée et logique qui ne repose sur aucun texte (ni un verset, ni une mishna, ni
une baraïta).

‫סבירא ליה‬
Nous pouvons en penser que…

‫סגי‬
Suffisant.
319

‫סלקא דעתך אמינא‬


Tu aurais pu penser.

‫פ‬
‫פְּ ַרך‬
A objecté.

‫פרק קמא‬
Premier chapitre.

‫פשיטא‬
Evident.

‫צ‬
‫צְ ריכֵי‬/‫צריכא‬
C’est nécessaire/Ils sont nécessaires.
1) Lorsqu’une mishna ou une baraïta (et, parfois, même la Torah ou un amora) présentent des
cas apparemment similaires, la gemara explique que chacun en ce qui le concerne comporte
un aspect unique ou permet d’éviter des conclusions erronées.
2) Dans le Talmud de Jérusalem, ce terme signifie « incertain ». Une question irrésolue est
désignée par le mot crikha’ (‫)צְ ריכָא‬.

‫צריכותא‬
Une nécessité.
Lorsqu’une idée est répétée implicitement ou explicitement dans plusieurs phrases d’une
même mishna, ou par différents amoraïm, la gemara s’efforce de montrer que chaque
enseignement est novateur et permet d’éviter des interprétations erronées. L’explication de
ces redites est une crikhuta’ (‫)צריכותא‬.

‫ק‬
‫קא משמע לן‬
Il nous fait entendre.
320

Conclusion d’une crikhuta’. La précision apparemment inutile de la Mishna ou de la baraïta


apporte tel enseignement et évite une interprétation erronée.

‫קאי‬
Il se tient.

‫קרי‬
Une pollution.

‫ר‬
‫רשון‬
Une espèce de sauterelle.

‫ש‬
‫שאני‬
Différent.

‫שמע מינה‬
Entends de ceci, déduis-en.
1) Au début d’une argumentation : « Tire cette conclusion légale de l’enseignement
précédent ».
2) À la fin d’une argumentation, confirme l’exactitude de la conclusion ou de l’explication
donnée.

‫שַ פּיר‬
Bon/Bien.

‫שֹרי‬
Permis.

‫ת‬
‫תא חזי‬
Viens voir
321

‫תורמוס‬
Lupin (plante herbacée)

‫תְ יוּבְ תָ א‬
Réponse.
Réfutation définitive de l’enseignement d’un amora par l’avis contradictoire d’un tanna. Le
mot est dérivé de la racine .‫ב‬.‫ו‬.‫ ת‬qui a le sens de rejet d’une affirmation précédente.
Lorsqu’un amora soulève une objection contre l’opinion d’un autre amora en citant
l’enseignement d’un tanna, la gemara emploi l’expression ’eytiveyh (‫ « )איתיביה‬il lui a
objecté » ; si un amora soulève une objection contre l’avis anonyme d’un amora, la gemara a
recours à l’expression metiv (‫ « )מתיב‬il a objecté ». Quand la gemara elle-même soulève
l’objection, le terme consacré est meytivey (‫ « )מיתיבי‬on a objecté ». Lorsque la réfutation est
définitive, teyuvta’ (‫ « )תיובתא‬réponse » marque la fin du débat.

‫תניא‬/‫תנא‬
Il a enseigné/Il a été enseigné dans une baraïta au nom d’un certain Sage.
Introduit des baraïtot, généralement courtes qui clarifient ou limitent le champ d’application
de la Mishna.

‫תנו רבנן‬
Nos maîtres ont enseigné.
Sert à introduire une baraïta, généralement extraite d’un long passage anonyme de la Tosefta,
de la Mekhilta, du Ṣifra ou du Ṣifre (midrash aggadique et halakhique sur le Deutéronome
datant de l’époque tannaïtique).

‫תניא נמי הכי‬


On a également enseigné ainsi.
Citation d’une baraïta qui sert de confirmation.
322

INDEX

1) INDEX GÉNÉRAL :

Cassuto U., 251


Caullery M., 308
’ Chroniques, 198
’androginoṣ, 121 Cicéron, 22, 70, 72
’aṭum, 56, 90, 91, 307 Congourdeau M.-H., 29, 33
’ohel hamet, 119, 290 Costa J., 29
Crahay R., 38, 41
Cuq E., 38, 64, 65

‘aqirat ha‘ubar, 105, 156 D
‘Arakhin, 43, 45, 61, 105, 154
‘Erubin, 95, 138 Dan Y., 36
‘inuy hadin, 60, 71, 98 Daube D., 169
‘ubar yerekh ’imo, 35, 41, 108 Delcourt M., 37
demey weladot, 77
Deutéronome, 75, 84, 89, 97, 102, 142, 150, 191, 215,
A 239, 283, 286, 303, 321
Aba Ḥanin, 42 Dreiffuss-Netter F., 38
Aba Shaoul, 223, 225 Driver G.R., 64
Abaye, 250
Adam S., 37 E
Alon G., 26
Amos, 147, 148 Ecclésiaste, 191, 233, 283
Aptowitzer V., 42, 48, 49, 66, 73, 115 Eckstein J., 176
Aristote, 19, 20, 29, 41, 66, 67, 70, 128, 210, 247 Eidelman I.A., 247
Auerlich D., 158 Eisenberg D., 26
Avraham S., 171 Ellinson G., 115
Elon M., 47, 82
Emden Y., 167, 168
B Epstein Y., 52
Baba Batra, 121, 143 Esther, 283
Baba Qama, 43, 78, 80, 83, 101, 102, 150, 300 Etienne R., 22, 23
Bakhrakh Y., 156, 157, 158, 159 Exode, 22, 23, 25, 26, 27, 31, 34, 37, 42, 54, 56, 58, 63,
Banon D., 181 69, 72, 75, 76, 77, 79, 81, 83, 84, 97, 100, 104, 106,
Bar Kapara, 302 108, 109, 110, 140, 142, 146, 150, 151, 161, 162, 163,
bar qayama’, 54, 55, 106, 107, 149, 152, 247 165, 167, 173, 226, 244, 245, 283, 284, 286, 294, 303,
Bass Sh., 161, 162 307
Bekhorot, 55, 88, 91, 116, 129, 141, 143, 145 Eyben E., 41
Belkin S., 70 Ezéchiel, 37, 187, 200, 212, 221
ben qayama’, 73
Berakhot, 200, 201, 203, 239, 282 F
Blackstone W., 157
Bleich J.D., 53, 155, 169 Falk J., 85
Block R.A., 35, 90 Feen R., 20
Bonnet-Cadilhac Ch., 68, 226, 248 Feinstein M., 176, 177, 178, 179, 256
Brody B., 35 Feldman D., 53, 157
Brun J., 20 Festugière A.J., 20
Finet A., 64
Fishbane M., 27
C Flavius Josèphe, 72, 73, 74, 169
Cantique des Cantiques, 217, 283 Foot Ph., 48
Carrick P., 19 Freedman D.N., 37
Freeman A., 179
323

Freund R., 67 Laks A., 106


Friedrich J., 65 Lalande A., 36
Frimer I.D., 52, 174 Lau I.M., 90
Lauterbach J.Z., 27
Levi Y., 43
G Lévitique, 29, 55, 56, 58, 71, 91, 97, 106, 110, 111, 115,
Galien, 22, 68, 209, 223, 225, 226, 234, 239 129, 132, 136, 140, 171, 181, 231, 283, 286, 287, 292
Geiger A., 174 Lichtenstein A., 174
Genèse, 24, 25, 29, 30, 35, 51, 63, 76, 86, 95, 146, 157, Lindemann A., 158
158, 173, 174, 178, 198, 202, 204, 206, 221, 226, 230, Lubarsky B.S., 35
252, 283, 284, 285
Germain L.R.F., 37 M
Giṭṭin, 43, 115, 158, 313
Gordis R., 35 M ‘Arakhin, 60, 71, 154, 167, 176
Gourevitch D., 41 M Aholot, 32, 47, 49, 71, 105, 176
Grazi V.R., 26 M Avot, 115, 179, 282, 286
Greenberg B., 35 M Baba Qama, 83
Güdemann M., 241 M Bekhorot, 87, 143
Gulak A., 141 M Karetot, 87, 133, 136
M Ketubbot, 79, 80, 109, 165, 308
M Makot, 23
H M Nidda, 24, 31, 49, 55, 68, 115, 122, 130, 133, 143,
Halevy H.D., 25, 26 156, 226, 227, 308
Halperin M., 25, 155 M Sanhedrin, 73
Hammurabi, 63, 64 MaHaRYṬ, 154, 155, 156, 177, 178
Hed D., 34, 48 Maïmonide, 29, 49, 51, 52, 53, 80, 81, 87, 89, 90, 91, 92,
Hillel, 48, 136, 212, 221, 301 93, 94, 95, 96, 97, 102, 114, 116, 117, 118, 119, 120,
Hippocrate, 21, 41, 68, 182, 186, 225, 226, 248 121, 122, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 132, 134,
136, 137, 139, 140, 142, 144, 163, 166, 185, 210, 230,
290, 304, 305, 306, 308
Ḥ Malach D., 90
Ḥagiga, 84, 285 MaLBYM, 103
Ḥayim ben Atar, 163, 164, 165 Mar Samuel, 129
Ḥullin, 43, 61, 93, 98, 142, 143, 177, 218 Mibartenura, 80
Meir Simḥa, 82
Meiri, 88, 149, 152
I Mensh E., 179
Meulders-Klein M.-Th., 21
Ibn Ezra, 70, 104, 109, 110, 111, 112, 113, 147, 163
Miles J.C., 64
Idel M., 210
Mo‘ed Qaṭan, 115
Isaïe, 101, 158, 193, 196, 231, 235, 240
muṣmaṣin, 90, 92
Isserles M., 153

J N
Nahmanide, 146, 147, 162, 167
Jacob B., 27, 76
Nazir, 43
Jacobs L., 255
Nedarim, 203
Jakobovits I., 26, 60, 67, 73, 90, 97, 175, 176
nefel, 26, 30, 32, 54, 56, 58, 73, 97, 107, 119, 141, 247,
Jellinek A., 196, 284
249, 306
Jérémie, 101, 224, 245, 285
nefeš, 24, 26, 29, 30, 31, 32, 35, 36, 43, 47, 49, 52, 54,
Job, 191, 192, 193, 195, 196, 197, 199, 204, 206, 208,
56, 58, 59, 67, 69, 74, 75, 85, 87, 88, 89, 92, 105, 106,
212, 213, 215, 221, 229, 230, 238, 239, 240, 241
113, 141, 146, 148, 149, 153, 155, 167, 168, 171, 173,
Joël, 195
174, 175, 177, 178, 182, 234, 242, 249, 254, 304
nidah, 96, 114, 116, 117, 122, 124, 125, 126, 129, 131,
K 136, 297, 303
Nidda, 49, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 93, 94, 97, 115, 118,
Kapparis K., 159 119, 120, 128, 130, 131, 132, 133, 139, 143, 151, 154,
Karetot, 133, 136 157, 160, 177, 183, 185, 186, 191, 192, 193, 200, 207,
Kasher A., 37 208, 210, 211, 225, 231, 233, 234, 236, 240, 253, 290,
Kass N., 140, 159 304, 306, 307, 308
Ketubbot, 82, 112, 138, 159, 306 niwul, 154, 155
Kirschner S.R., 35 Nombres, 32, 140, 167, 198, 215, 217, 246, 247, 248,
Kottek S., 33 249, 283, 284, 286, 292, 301, 304

L O
Lader L., 157 Oribase, 68
324

Ornoy A., 90 Rabbi Yosse ben Yehoshoua, 90


Rabbi Yossi, 49, 128, 184, 209
Rabbi Yossi ben Ḥalafta, 302
P Rabbi Zakay, 90
Pallagi H., 170 Rabin J., 151
Philon, 48, 69, 70, 71, 72, 169, 171, 256 RaDBaZ, 152, 153, 154, 167, 256
Platon, 41, 67, 68, 191, 192, 196, 241 Rakover N., 52, 174
Preuss J., 57, 88, 91, 92, 114, 120, 128, 159, 247, 305, RaN, 61, 98
306, 307, 308 RaSHBaM, 108, 109, 121, 143
Proverbes, 192, 240 RaSHi, 23, 25, 29, 47, 56, 58, 69, 86, 87, 88, 89, 91, 93,
Psaumes, 101, 183, 184, 187, 200, 209, 210, 221, 223, 95, 97, 100, 101, 103, 104, 105, 106, 108, 111, 112,
224, 235, 251, 283 115, 116, 118, 120, 128, 129, 130, 131, 133, 136, 138,
140, 141, 142, 143, 145, 147, 148, 149, 155, 159, 160,
161, 185, 195, 200, 247, 248, 255, 290, 304, 306, 308
R Rav, 115, 131, 183
Raba, 88, 128 Rav Aḥa, 204
Rabba bar Bar Ḥana, 183, 184 Rav Bebay, 159
Rabban Shimon ben Gamliel, 43, 94, 102, 107, 128, 246, Rav Yehouda, 86, 154, 306
301, 306 Rav Yossef, 88
Rabbi, 83, 84, 90, 100, 248, 302, 306 Reinach Th., 23, 73
Rabbi Aba bar Kahana, 206 ReSH Laqish, 87, 187
Rabbi Abahou, 198, 215, 246, 248 Reviv H., 37
Rabbi Ami, 231 Rials S., 21
Rabbi Aqiva, 23, 230, 231, 286, 287, 288, 302 Riddle J.M., 21, 159
Rabbi Elazar, 223, 224, 253 Roberg N., 52
Rabbi Elazar ben Azaria, 185 rodef, 25, 35, 47, 51
Rabbi Eliezer, 42, 230, 302 I Rois, 195
Rabbi Eliezer ben Horkenos, 83 II Rois, 85, 115, 147, 148, 231
Rabbi Ḥanin, 245 Rosenzweig A., 55
Rabbi Ḥanina, 198, 200, 208 Rosh-ha shana, 76
Rabbi Ḥanina ben Gamliel, 88 Rosner F., 32, 53, 114, 130, 140, 169, 171, 176
Rabbi Ḥiya, 197, 225, 302 Roth L., 177
Rabbi Hoshaya, 202, 217, 218, 302 Ruth, 185, 283
Rabbi Ibo, 222, 230, 231 RYF, 61, 98, 99, 105
Rabbi Issa, 44
Rabbi Levi, 51, 204 S
Rabbi Meir, 87, 88, 89, 119, 209, 288, 302
Rabbi Nathan, 250 Sadka R., 37
Rabbi Neḥemya, 288 šafir, 31, 89, 97, 128, 129, 133, 145, 207, 229, 231
Rabbi Pinḥas, 244 Safrai S., 36
Rabbi Shemouel bar Idi, 204 Samet T., 37
Rabbi Shimon, 133 Samuel, 111, 222, 230, 283
Rabbi Shimon bar Yoḥay, 27, 72, 75, 78, 100, 103, 132, Sandalfon, 216
302 Sanhedrin, 25, 27, 33, 43, 47, 52, 56, 58, 76, 83, 84, 100,
Rabbi Shimon ben Azay, 169 101, 104, 105, 109, 112, 149, 150, 154, 165, 173, 177,
Rabbi Shimon ben Elazar, 251, 252 178, 183, 191
Rabbi Shimon ben Gamliel, 248, 251 Sarna N., 27
Rabbi Shimon ben Laqish, 51, 187 Schapiro D., 244
Rabbi Shimon ben Menasiya, 171 Schiff D., 35, 37, 53, 69, 70, 170
Rabbi Simlay, 192 Scholem G., 95, 210
Rabbi Simon, 207 Semaḥot, 191, 200
Rabbi Soumkhous, 128 Sforno, 25, 51
Rabbi Taḥlifa de Césarée, 207 Shabbat, 48, 54, 97, 106, 115, 121, 149, 159, 171, 185,
Rabbi Ṭarfon, 23 246, 247, 250, 251, 285, 306, 316
Rabbi Yanay, 90 Shafran Y., 155, 176
Rabbi Yehoshoua, 128, 230, 302 Shamay, 136, 212, 301
Rabbi Yehouda ben Shimon, 244, 245 Shapiro-Libai N., 35
Rabbi Yehouda ben Yeḥezqel, 183 Shemouel, 86, 154
Rabbi Yirmeya, 89 Shinan A., 181
Rabbi Yishmael, 24, 25, 30, 56, 68, 87, 120, 128, 173, Shneour Zalman, 169, 170, 171, 174
174, 178, 227, 255, 285, 287, 302 šilya’, 31, 93, 118, 119, 120, 143, 144, 207, 229, 231,
Rabbi Yitshaq, 215 247
Rabbi Yoḥanan, 43, 44, 51, 87, 90, 159, 183, 187, 190, Sinclair D., 52, 53, 60, 73, 76, 148, 158, 169, 172, 174,
191, 195, 203, 238, 251, 256, 301 177
Rabbi Yoḥanan ben Zakay, 301 Soloveitchik H., 52, 53
Rabbi Yona, 245 Steinberg A., 158
Rabbi Yonatan, 210
325

Ṣ U
ṣandal, 90, 93, 94, 118, 133, 143, 144, 159, 167, 201, Unterman Y., 171, 173, 174
207, 306 Urbach E., 42, 43, 51, 190, 243
Ṣoṭa, 167, 223 Uziel B.M., 72, 169, 170, 171, 174

T V
Temura, 43 Villers R., 37
Tendler M., 176
terumah, 138
Thomas Y., 36
W
Thomas d’Aquin, 157 walad, 24, 30, 31, 96, 115, 242, 249, 308
Thomson J.J., 35 Waldenberg E.Y., 176, 177, 178
TJ Baba Qama, 43, 44 Washofsky M., 35, 53
TJ Ḥagiga, 36, 192, 285 Weinberg Y., 169
TJ Nidda, 49, 87, 88, 91, 118, 210, 225, 306 Wolfson W., 171
TJ Pe’a, 36, 285 Wolowelsky B.J., 26
TJ Sanhedrin, 50
TJ Ta‘anit, 60
TJ Yebamot, 139, 160, 246, 247 Y
Touati Ch., 36, 83, 285, 289 Yaaqov ben Asher, 150
Tsf ‘Arakhin, 46 Yebamot, 42, 43, 58, 74, 138, 157, 246, 248, 295
Tsf Aholot, 54 Yoma, 171, 223
Tsf Baba Qama, 79
Tsf Karetot, 136
Tsf Makot, 47 Z
Tsf Nidda, 88, 128, 129, 143
Zafrani H., 36
Tsf Shabbat, 247, 248
Zaki M., 60
Tsf Yebamot, 47, 138
zawah, 125, 136, 137
Zevin S.Y., 25, 47, 121
ṭ Zilberstein Y., 25
Zohar J. N., 60
ṭinuf, 96 Zundel H., 247
ṭuḥot, 90, 91 Zweig M.Y., 171, 174
ṭumṭum, 121
326

2) INDEX DES SOURCES BIBLIQUES :

Il n’est tenu compte, ici, que des livres de la Bible hébraïque ; ceux, mentionnés, de la Bible
chrétienne ne figurent pas dans cet index.

A J
Amos, 147, 148 Jérémie, 101, 224, 245, 285
Job, 191, 192, 193, 195, 196, 197, 199, 204, 206, 208,
C 212, 213, 215, 221, 229, 230, 238, 239, 240, 241
Joël, 195
Cantique des Cantiques, 217 ,283
Chroniques, 198
L
D Lévitique, 29, 55, 56, 58, 71, 91, 97, 106, 110, 111, 115,
129, 130, 132, 136, 140, 171, 181, 231, 283, 286, 287,
Deutéronome, 75, 84, 89, 97, 102, 142, 150, 191, 215,
292
239, 283, 286, 303, 321

N
E
Nombres, 32, 140, 167, 198, 215, 217, 246, 247, 248,
Ecclésiaste, 191, 233, 234, 283
249, 283, 284, 286, 292, 301
Exode, 22, 23, 25, 26, 27, 31, 34, 37, 42, 54, 56, 58, 63,
67, 69, 72, 75, 77, 76, 79, 81, 82, 83, 84, 97, 100, 104,
P
106, 108, 109, 110, 140, 142, 146, 150, 151, 161, 162,
163, 165, 167, 173, 226, 244, 245, 283, 284, 286, 294, Proverbes, 192, 240
303, 307 Psaumes, 101, 183, 184, 187, 200, 209, 210, 221, 223,
Ezéchiel, 37, 187, 200, 212, 221 224, 235, 251, 283

G R
Genèse, 24, 25, 29, 30, 31, 35, 51, 63, 76, 86, 95, 146, I Rois, 195
157, 158, 173, 174, 178, 198, 202, 204, 206, 221, 226, II Rois, 85, 115, 147, 231
230, 252, 283, 284, 285 Ruth, 185, 283

I S
Isaïe, 101, 158, 193, 196, 231, 235, 240 Samuel, 111, 222, 230, 283
327

3) INDEX DES SOURCES TALMUDIQUES :

Il arrive qu’un même nom de traité (maṣekhet) soit cité dans la Mishna et dans la gemara ;
pour ne pas les confondre, nous avons ajoutés un « M » quand il s’agit de la Mishna. Par
ailleurs, dans le corps du texte, nous rappelons que pour la gemara on distingue le recto et le
verso d’une même page par les lettres (a et b) ; ces lettres complémentaires n’existent pas
dans la Mishna à proprement parler puisqu’elle est divisée en chapitres et en règles
(mišnayot).

M Ketubbot, 79, 80, 109, 165, 308


A Ketubbot, 82, 112, 138, 159, 160, 306

M ‘Arakhin, 60, 71, 154, 167, 176


M
‘Arakhin, 43, 45, 61, 100, 105, 154, 155
M Avot, 115, 179, 282, 286, 287 M Makot, 23
Mo‘ed Qaṭan, 115
B
N
Baba Batra, 121, 122, 143
M Baba Qama, 83 Nazir, 42, 43
Baba Qama, 41, 43, 78, 80, 83, 101, 102, 150, 300 Nedarim, 203
M Bekhorot, 87, 143 M Nidda, 24, 31, 49, 55, 68, 115, 122, 130, 133, 143,
Bekhorot, 55, 88, 91, 116, 129, 141, 143, 145 156, 226, 227, 308
Berakhot, 200, 201, 203, 239, 282 Nidda, 49, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 93, 94, 95, 97, 115, 118,
119, 120, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 139, 140,
E 143, 151, 154, 157, 160, 177, 183, 185, 186, 191, 192,
193, 200, 207, 208, 210, 211, 225, 231, 233, 234, 236,
‘Erubin, 95, 138
240, 253, 290, 304, 306, 307, 308

G O
Giṭṭin, 43, 115, 158, 313
M Aholot, 32, 47, 49, 71, 105, 176

Ḥ R
Ḥagiga, 84, 285
Rosh-ha shana, 76
Ḥullin, 43, 61, 93, 98, 142, 143, 177, 218

S
K
M Sanhedrin, 73
M Karetot, 87, 133, 136
Karetot, 133, 134, 136
328

Sanhedrin, 25, 27, 33, 43, 47, 52, 56, 58, 76, 83, 84, 100, Y
101, 104, 105, 109, 112, 150, 154, 165, 173, 174, 177,
178, 183, 191 Yebamot, 42, 43, 58, 74, 138, 157, 246, 248, 295

Shabbat, 48, 54, 97, 115, 121, 106, 159, 171, 185, 246, Yoma, 171, 223

247, 250, 251, 285, 306, 316


Ṣoṭa, 167, 223

T
Temura, 43
329

4) INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES ET TALMUDIQUES :

Index des citations bibliques et talmudiques. Sont ici mentionnées les références des livres,
des chapitres et des versets cités dans notre étude, suivies de la page et, si nécessaire, du
numéro de la note de bas de page :

BIBLE

Genèse
1, 21 86 n. 254
1, 22 158 n. 550
1, 27 86 n. 255 ; 95 n. 297
1, 28 35 n. 73
2, 7 29 n. 50 ; 86 n. 257 ; 206 n. 719
2, 19 86 n. 256
2, 21 95 n. 297
7, 12 226 n. 777
9, 2 252 n. 859
9, 6 24 ; 25 ; 25 n. 37 ; 30 n. 52 ; 173 n. 608 ; 174 n. 068 ; 178 n. 628
11, 30 30 n. 55
14 285
15, 1 285
16, 2 63 n. 168
20, 18 230 n. 788
22, 4 204 n. 716 ; 221
22, 23 198 n. 696
22, 24 198 n. 695
25, 22 51 n. 131
29, 31 230 n. 788
30, 3 63 n. 168
30, 22 230 n. 788
30, 37-39 202 n. 712
31 202 n. 713
38, 24 157 n. 546
40, 14 146
42, 4 76 n. 218
42, 38 76 n. 218
44, 29 76 n. 218

Exode

1, 16 244 n. 830 ; 245


1, 17-20 37 n. 86
2, 7 31 n. 56
2, 9 31 n. 56
2, 13 110
13, 2 142 n. 479
13, 2-3 140 n. 470
13, 12-13 307
15, 5 245 n. 834
18, 20 294
21, 12 54 ; 56 ; 58 n. 155 ; 75 n. 215 ; 77 n. 231 ; 106 n. 324 ; 161 n. 563
21, 12-36 69 n. 187
330

21, 18 76 ; 76 n. 221
21, 22 22 ; 27 n. 46 ; 42 ; 69 n. 191 ; 72 ; 75 ; 76 ; 84 n. 250 ; 110 ; 146 ; 150 ; 161 ; 162 n. 566 ; 167 n. 580 ;
303
21, 22-23 25 ; 26 ; 34 ; 81 n. 238 ; 83 n. 244 ; 100 ; 108 ; 163 ; 173 n. 608
21, 22-25 69 n. 187
21, 23 69 n. 192 ; 79 ; 104 ; 109 ; 165
21, 24 83 n. 241
23, 5 97 n. 309
24, 18 226 n. 777
34, 28 226 n. 777
35, 2 82 n. 239

Lévitique

1, 14 132 n. 433
12, 1-8 136 n. 453
12, 2 181 n. 635 ; 231 n. 794
12, 3 115 n. 354
15, 19 129 n. 417 ; 130 n. 424
20, 14 110 ; 111 n. 333
20, 27 292
21, 20 91 n. 282
22, 28 71 n. 204
22, 23 97 n. 309
22, 28 97 n. 309
24, 17 55 ; 56 n. 148 ; 58 n. 156 ; 106 n. 323 ; 171 n. 595
24, 17-18 29 n. 50
24, 18 58 ; 58 n. 157
27, 26 140 n. 470

Nombres

3, 15 32 n. 63 ; 249 n. 853
3, 22 249 n. 853
3, 28 249 n. 853
3, 34 249 n. 853
3, 39 249 n. 853
3, 40 249 n. 853
3, 43 249 n. 853
3, 40 246 n. 836 ; 248 n. 849
5, 11-31 167 n. 579
5, 12-13 215 n. 744
6, 24-26 292
18, 15 140 n. 470
18, 15-16 247 n. 841
26, 12-15 217 n. 751
26, 46 198 n. 697
28, 1-8 301

Deutéronome

5, 13 97 n. 309
21, 17 89 n. 269 ; 142 n. 478 et n. 482 ; 303
22, 4 97 n. 309
22, 6-7 97 n. 309
22, 10 97 n. 309
22, 19 75 n. 216 ; 84 ; 102
25, 4 97 n. 309
25, 11 150 n. 517
30, 15 191 n. 664 ; 239 n. 815
32, 18 215 n. 746
331

I Samuel

1, 5 230 n. 788
2, 2 222 n. 763
2, 25 111
4, 19 230 n. 790

I Rois

19, 11 195 n. 679

II Rois

2, 19 115 n. 355
6, 23 231 n. 794
23, 33 85 n. 251 ; 147

Isaïe

8, 14 101
16, 1 231 n. 794
45, 18 158 n. 551
45, 23 235 n. 807 et n. 808
51, 16 193 n. 673 ; 196 n. 684 ; 240 n. 820

Jérémie

7, 29 224 n. 771
13, 16 101
18, 3 245 ; 245 n. 833
23, 29 285

Ezéchiel

4, 4-7 37 n. 86
12, 15 187 n. 652
30, 26 187 n. 652
37, 8 200 n. 702 ; 212 n. 738 ; 221

Joël

2, 11 195 n. 682

Amos

2, 8 147

Psaumes

22, 10-11 224 n. 772


22, 30 235 n. 808
332

24, 4 235 n. 808


68, 7 183 n. 641 ; 184 n. 642
71, 6 223 n. 770 ; 224 n. 772
88, 6 251 n. 858
91, 12 101
116, 6 200 n. 705
139, 3 139 n. 650
139, 14 209 n. 727
139, 16 210 n. 734 ; 221

Proverbes

4, 3-4 192 n. 671


4, 4 240 n. 817

Job

3, 10 230 n. 787
9, 10 191 n. 659 ; 193 n. 675 ; 208 n. 724 ; 238 n. 813
10, 9 212 n. 739 ; 221
10, 10 221
10, 10-11 199 n. 700
10, 11 221
10, 12 197 n. 692 ; 206 n. 719 ; 221
24, 15 215 n. 745
29, 2 196 n. 683
29, 2-3 192 n. 668 ; 221
29, 3 196 n. 685 ; 204 n. 717 ; 239 n. 816 ; 241 n. 822
29, 4 196 n. 690 ; 221
38, 8 193 n. 672 ; 240 n. 819
38, 8-11 229 n. 785
38, 36 195 n. 677

Cantique des cantiques

4, 12 217 n. 750

Ruth

4, 13 185 n. 644

Ecclésiaste

5, 14 233 n. 798 ; 234 n. 802


6, 10 191 n. 665

I Chroniques

4, 18 198 n. 694
333

MISHNA

Ketubbot

3, 2 79 ; 80 n. 235 et n. 237 ; 165 n. 574 ; 308

Baba Qama

8, 1 83 n. 242

Makot

1, 10 23 n. 32

Avot

1, 1 179 n. 631
5, 5 115 n. 355

Bekhorot

8, 1 87 n. 260 ; 143 n. 485

‘Arakhin

1, 4 60 ; 71 n. 203 ; 154 n. 535 ; 167 n. 577 ; 176 n. 615

Karetot

1, 3 87 n. 260
1, 4 133 n. 435 et n. 438
1, 6 136 n. 454

Aholot

7, 6 32 n. 64 ; 47 ; 49 n. 124 ; 71 n. 202 ; 105 n. 321 ; 176 n. 615

Nidda

2, 6 130 n. 422
3 31 n. 57
3, 2 24 n. 35 ; 133 n. 441
3, 4 143 n. 490 ; 308
3, 5 49 ; 122 n. 387
3, 7 68 n. 185 ; 115 n. 353 ; 156 n. 544 ; 226 n. 776 ; 227 n. 781
7, 4 55 n. 144
334

TALMUD DE BABYLONE

Berakhot

20a 203 n. 714


33b 239 n. 815
60a 200 n. 704 ; 201 n. 708

Shabbat

31a 48 n. 121
63b 115 n. 355
81a 316
86b 185 n. 645
88b 285
110a/b 159 n. 554
111a 97 n. 309
128b 97 n. 309
129b 121 n. 382
134a 250 n. 855
135a 54 n. 143 ; 246 n. 837 ; 247 n. 845
135b 246 n. 837 ; 306
151b 106 ; 171 ; 171 n. 597 ; 251 n. 856

‘Erubin

47a 138 n. 457


100b 95 n. 297

Yoma

85a 223 n. 768


85b 171 n. 597

Rosh-ha shana

34a 76 n. 219

Mo‘ed Qaṭan

18a 115 n. 355

Ḥagiga

3a 285
11a 84

Yebamot

34b 138 n. 457 ; 157 n. 548


36b 58 n. 159 ; 246 n. 837 ; 248 n. 849
335

42a 138 n. 457


63b 74 n. 214
67a 138 n. 459
69b 157 n. 545
78a 43 n. 111
78a/b 42 n. 102
80b 248 n. 848

Ketubbot

30a 82
33a 112 n. 337
39a 159 n. 556 ; 160 n. 559 ; 306
60b 138 n. 457

Nedarim

20b 203 n. 714

Nazir

51a 42 n. 101 ; 43 n. 111

Ṣoṭa

8b-9a 167 n. 579


45b 223 n. 768

Giṭṭin

23b 43 n. 111
31b 115 n. 355
40b 313
41b 158 n. 551

Baba Qama

28a 150 n. 519


42a 80
43a 78 n. 233
49a 43 n. 111 ; 101 ; 102
78a 41 n. 100
78b 43 n. 111
84a 83 n. 241
85a 300

Baba Batra

111b 143 n. 483


127a 121 n. 386 ; 122 n. 387
336

Sanhedrin

22a 183 n. 640


57b 25 ; 174 n. 608 ; 178 n. 628
59a 154 n. 534 ; 173 n. 608
59b 177 n. 624
72b 47 n. 115 ; 52 ; 105 n. 320 ; 105 ; 153 n. 529
74a 27 n. 45 ; 52 n. 136 ; 100 n. 315
78b 165 n. 573
79a 83 ; 104 ; 109 n. 331 ; 150 n. 520
79b 100 ; 101
79a/b 74 n. 218 ; 104 ; 112 n. 337
80b 43 n. 111
84b 56 ; 56 n. 149 ; 58 n. 158
87b 84 n. 246
91b 33 n. 66
96a 191 n. 662

Ḥullin

19a 43 n. 111 ; 61 n. 165 ; 98 n. 311


33a 177 n. 624
68a 142 n. 483 ; 143 n. 494
69a 218 n. 753
77b 93 n. 287

Bekhorot

20b 55 n. 144
40a 88 n. 265 ; 116 n. 359 ; 129 n. 413
43b 91 n. 280
46a 141 n. 477 ; 143 n. 488 ; 145 n. 501
47a 145 n. 504
47b 145 n. 503

‘Arakhin

7a 43 n. 108 ; 45 ; 45 n. 114 ; 61 n. 164 ; 100 ; 105 ; 154 n. 536

Temura

19a 43 n. 110
25a 43 n. 111

Karetot

7b 133 n. 436, n. 439 et n. 441 ; 134 n. 443 ; 136 n. 451 et n. 454


9b 136 n. 453

Nidda

8b 128 n. 409 ; 129 n. 410


11a 115 n. 351
13a 157 n. 548
16b 191 n. 660
337

17a 115 n. 355


18a 131 n. 426 ; 133 n. 435 ; 290
18b 129 n. 415 ; 130 n. 422 ; 133 n. 440
19a 130 n. 421
21b 130 n. 418
22a 128 n. 404 ; 183 n. 639
22b 86 n. 253 et n. 258 ; 128 n. 403, n. 405 et n. 407
23b 87 n. 261 ; 88 n. 269 ; 89 n. 269 ; 90 n. 277 ; 97 n. 305 ; 129 n. 414 ; 306 ; 308
24a 90 n. 278 ; 91 n. 281 ; 131 n. 429 et n. 431 ; 307
24b 95 n. 297 ; 115 n. 354 ; 131 n. 428
25a 128 n. 408 ; 139 n. 463 ; 143 n. 491 ; 225 n. 773 ; 304
25b 94 n. 292 ; 140 n. 464 et n. 467 ; 306
25a/b 210 n. 731
26a 118 n. 368 ; 119 n. 372 ; 120 n. 380
26b 119 n. 373
27a 93 n. 289 ; 119 n. 376 ; 160 n. 558
27b 89 n. 272 et n. 273
28a 91 n. 279 ; 129 n. 413
29a 49 n. 127 ; 129 n. 412 ; 134 n. 442
30b 192 n. 669 ; 221 n. 735 ; 236 n. 810
31a 193 n. 674 ; 200 n. 705 et n. 706 ; 207 n. 722 ; 208 n. 723 ; 233 n. 799 ; 234 n. 800 et n. 801 ; 240 n. 821 ;
253 n. 860
31b 132 n. 434 ; 231 n. 794
38a 185 n. 645
38b 185 n. 646
38a/b 186 n. 647
44b 151 n. 522 ; 154 n. 531 ; 177 n. 620
338

TALMUD DE JERUSALEM

Pe’a

Ch. 2, p. 17, A, 4 36 n. 78 ; 285

Ta‘anit

Ch. 1, p. 64, C, 5 60 n. 162

Ḥagiga

Ch. 1, p. 76, D, 8 36 n. 78 ; 285


Ch. 2, p. 77, D, 2 192 n. 670

Yebamot

Ch. 4, p. 5, D, 2 246 n. 838 ; 247 n. 846


Ch. 4, p. 5, C, 2 160 n. 558

Baba Qama

Ch. 5, p. 5, A, 5 43 n. 111 ; 44 n. 113

Sanhedrin

Ch. 8, p. 26, C, 9 50

Nidda

Ch. 2, p. 50, B, 7 49 n. 127


Ch. 3, p. 50, C, 2 87 n. 260 ; 88 n. 264 et n. 267
Ch. 3, p. 50, D, 2 91 n. 281
Ch. 3, p. 50, D, 3 118 n. 367 ; 210 n. 731 ; 225 n. 774
Ch. 3, p. 50, D, 4 306

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