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Bolsonaro n’a pas avancé masqué. Il n’a pas pris


part à la compétition démocratique en dissimulant ses
Aux origines du crash des démocraties
PAR THOMAS CANTALOUBE
idées et ses intentions. Il a été aussi franc que Trump
ARTICLE PUBLIÉ LE DIMANCHE 4 NOVEMBRE 2018 avant lui, ou Vladimir Poutine, ou Viktor Orbán, ou
Matteo Salvini, ou Rodrigo Duterte, ou Recep Tayyip
Erdogan, ou les frères Kaczynski, ou Nigel Farage
ou la famille Le Pen, et d’autres encore. Au-delà
des désignations souvent lapidaires et incomplètes
sous lesquelles on tente de les rassembler et sur
lesquelles nous ne nous attarderons pas (populistes,
L'armée brésilienne sous la dictature, un spectre que promet de ressusciter Bolsonaro nationalistes, démocrates illibéraux…), ces dirigeants
L’élection au Brésil de Bolsonaro succède à celles de politiques appartiennent tous à un vaste mouvement
Trump, de Duterte, de Salvini, d’Orbán, de Poutine conservateur, et souvent d’extrême droite, qui attaque
ou d’Erdogan. Ces accessions au pouvoir sont le signe les fondements de la démocratie, de la solidarité
inquiétant de l’affaiblissement des démocraties en et des libertés que l’on croyait solidement ancrés
raison de leurs dérives internes et de leurs politiques depuis la chute quasi concomitante du mur de Berlin,
favorisant les inégalités. de l’apartheid et des dictatures sud-américaines et
Quelques semaines après l’arrivée de Donald Trump asiatiques.
à la Maison Blanche, le vénérable quotidien Même si l’essai de Francis Fukuyama, La Fin de
de la capitale américaine, le Washington Post, l’histoire et le Dernier Homme, paru en 1992, a été
propriété depuis 2013 du multimilliardaire Jeff abondamment moqué à l’époque et depuis (quoique
Bezos, a décidé de se doter d’un slogan : rarement lu), il décrivait une situation bien réelle :
Democracy dies in darkness, la démocratie meurt le fait que les nations démocratiques, respectueuses
dans l’obscurité. Cette devise qui claque a été des libertés individuelles, guidées par des politiques
imaginée comme l’antidote au trumpisme, ce nid certes capitalistes, mais faisant place à un solide
de mensonges, d’idéologies troubles, d’incompétence État-providence, s’avéraient les plus riches, les plus
déguisée et d’enrichissement personnel. Mais cette paisibles et des exemples à imiter pour les autres,
formule de presse, aussi louable soit-elle, s’avère qu’il s’agisse du modèle nord-américain, japonais ou
malheureusement incomplète, car, ces temps-ci, la de celui présenté par la Communauté (puis l’Union)
démocratie succombe aussi en pleine lumière. européenne.
Le dernier exemple en date est l’élection au Brésil Qu’il s’agisse de la Russie et de ses satellites
de Jair Bolsonaro, politicien mineur nostalgique de la s’extirpant du joug soviétique, du Chili, de l’Argentine
dictature propulsé chef d’État du cinquième pays le ou du Brésil se débarrassant de leurs généraux
plus peuplé de la planète à la faveur d’une conjonction bourreaux, de la Turquie cantonnant les militaires à
de circonstances : opposant populaire emprisonné, leurs casernes, de la chute des dictatures philippines
corruption généralisée de la classe politique, crise ou indonésiennes, les décennies 1980 et 1990 ont
économique et violence endémique. L’homme promet été portées par les aspirations démocratiques des
un cabinet rempli de généraux, l’arrestation ou le populations de toutes couleurs et origines.
tabassage des militants syndicalistes et écologistes, la Mais derrière ce que l’on peut qualifier sans trop
bride lâchée aux policiers qui figurent déjà parmi les d’hésitation de progrès, à moins d’être un amoureux
plus brutaux de la région, et une politique économique des journaux caviardés, des élections truquées et
tout droit sortie des manuels de l’école néolibérale de des ongles arrachés, commençaient à s’incruster
Chicago. les ferments de ce qui arrive à maturation en

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ce moment : la contestation non pas de l’ordre sécurité » afin d’extraire le plus grand nombre d’une
démocratique et socio-économique libéral en tant que vie à la Zola, Dickens ou Steinbeck, ces systèmes de
tel, mais des conséquences de ses dérives. Bolsonaro, protection sociale et médicale sont désormais attaqués,
Trump, Duterte, Poutine, Erdogan, les néo-fascistes rognés, délégitimés.
européens, etc., sont la répercussion dangereuse de la Ces transformations ne sortent pas de nulle part. Elles
hausse des inégalités, du sentiment de déclassement, résultent de décisions politiques et surtout fiscales
de la tolérance à la corruption et des fausses promesses d’inspiration néo-libérale, dont l’archétype le plus
des élites politiques qui ont été orchestrées par les extrême est la « théorie du ruissellement » chère à
gouvernants de ces démocraties dites modèles et de Margaret Thatcher, Ronald Reagan et leurs héritiers,
celles qui leur ont emboîté le pas. qui n’a jamais été validée par aucun économiste
Si ces nouveaux dirigeants menacent aujourd’hui la sérieux. De nombreux travaux montrent aujourd’hui
démocratie en plein jour, c’est parce qu’ils ont la que la grande période de réduction des inégalités
volonté de pousser à fond les curseurs que leurs au milieu du XXe siècle s’accompagnait d’une
prédécesseurs ont déjà manipulés au-delà des limites taxation forte sur les hauts revenus et les entreprises,
supportables pour une grande partie de la population doublée d’un système de régulation, antitrust ou autre,
de leurs pays, et qui les ont amenés là. puissant.
Comment Emmanuel Macron peut-il s’étonner d’avoir
vu sa popularité chuter aussi rapidement alors que
ses premières mesures en tant que président, c’est-
à-dire les plus symboliques, ont été la suppression
de l’impôt sur la fortune et la dérégulation du travail
plutôt que, par exemple, la taxation des GAFAM,
Derrière la chromo, les années 50 étaient une époque où les inégalités
dont l’évasion fiscale représente un crachat au visage
sociales étaient moindres qu'aujourd'hui dans les pays démocratiques des gouvernements souverains ? Comment imaginer
Le grand phénomène de ce début de XXIe siècle que les Russes puissent avoir encore foi dans la
est l’accroissement des inégalités et le sentiment, transition démocratique qui a représenté pour eux
pour une grande partie des populations, que leur l’accaparement sans précédent de leurs richesses par
vie est bien moins confortable que celle de leurs une poignée d’aigrefins appuyés par les banques
parents. L’aspiration pavillon-voiture-deux enfants- occidentales ? Tout ce qu’ils ont récolté est une
bonne éducation-un seul salaire des fifties aux États- espérance de vie en berne.
Unis ou des « trente glorieuses » françaises devient Le creusement des inégalités est vécu
de plus en plus difficile à atteindre. Dans n’importe d’autant plus cruellement que tout le monde
quel pays aujourd’hui, rares sont les couples qui en est informé
peuvent subvenir aux besoins immédiats de leur foyer En Grande-Bretagne, les dégâts des politiques de
(logement, nourriture, transport, habillement, études) l’austérité conduites sous tous les gouvernements
sans avoir deux revenus. successifs depuis Thatcher, travaillistes compris, et
Les emplois sont de plus en plus précaires et mal encore renforcées par les conservateurs depuis 2012,
payés, les ouvriers syndiqués ont été remplacés par des commencent à montrer leurs effets : bibliothèques
robots, des intérimaires ou des « auto-entrepreneurs ». publiques fermées par centaines, droits d’inscription
Rester pauvre en travaillant était une notion en voie à l’université en hausse, enfants arrivant à l’école le
de disparition depuis la fin du XIXe siècle dans ventre vide.
les démocraties occidentales. Elle est désormais de
retour. Au sein des pays qui avaient bâti des « filets de

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Dans ce panorama, le Brésil devrait présenter un douée, mais qui a profité d’un système pipé en
visage différent puisque les politiques sociales sa faveur, surplombant ses contemporains qui se
poursuivies par Lula Inacio da Silva de 2003 à 2010 débattent pour surnager.
ont permis à des millions de foyers de sortir de la
pauvreté, de se loger, de s’alimenter correctement.
Mais, dans le même temps, les classes moyennes
brésiliennes ont souffert des mêmes maux que les
européennes : emplois moins bien payés, loyers en
hausse, économie en berne. Surtout, dans une société
inégalitaire, parfois à la limite de la féodalité, comme L'armée brésilienne sous la dictature un spectre que promet de ressusciter Bolsonaro

celle du Brésil, la progression des conditions de vie Ce creusement des inégalités est vécu d’autant
des plus pauvres a privé ceux qui étaient un cran au- plus cruellement que tout le monde est informé
dessus dans l’échelle sociale du bénéfice qu’ils tiraient comme jamais dans l’histoire de l’humanité. La
de cette situation : plus de jardinier, plus de cuisinier, révolution numérique de même que l’expansion de
de gardien ou de nounou à domicile à bas prix. l’alphabétisation ont fait reculer l’ignorance de ce qui
L’augmentation des inégalités n’est de toute manière se passe près ou loin de soi. Cela s’est également
pas le fait d’un appauvrissement des pauvres, mais accompagné de deux phénomènes qui affaiblissent
d’une explosion des richesses de quelques-uns qui les démocraties. Le premier est la maîtrise des codes
ont bénéficié des politiques mises en œuvre par les médiatiques par les citoyens. Les gouvernants qui
gouvernements démocratiques : taxation injuste des avaient l’habitude d’être crus sur parole lorsqu’ils
revenus du capital par rapport à ceux du travail, parlaient dans un microphone voient désormais leur
tolérance à l’égard de l’évasion fiscale, remise en sincérité remise en doute. Les ruses des spin doctors
cause de la progressivité de l’impôt. sont de plus en plus identifiables.
Si l’on compare le déclassement des classes moyennes Le revers de cette médaille est que les candidats
et la précarisation du plus grand nombre à la ou les élus qui « passent mal à la télévision »
situation démesurément confortable d’une petite élite sont écartés au profit de hâbleurs et de personnalités
plus connectée, plus maligne ou plus chanceuse charismatiques plus ou moins authentiques. Fernando
que la moyenne, ce phénomène est d’une violence Haddad, le candidat du parti des travailleurs brésilien,
symbolique incroyable. Quand des entreprises qui excellent maire de São Paulo, est jugé terne face
ne paient presque pas d’impôts tout en utilisant les à Bolsonaro, l’homme sans bilan mais qui parle
routes ou les câblages électriques bâtis par le budget fort. Hillary Clinton, corsetée par les conseillers en
national ont un chiffre d’affaires supérieur au PIB de communication, est jugée moins convaincante que la
certains États, quand des chefs d’entreprise gagnent star de la téléréalité Trump.
en une année plus que la majorité de leurs employés Le second impact de ce bouleversement médiatique
durant toute leur carrière, comment ne pas aboutir au est bien évidemment l’essor des réseaux sociaux, de
ressentiment né de ce sentiment d’injustice ? leurs silos de pensée et des « fake news ». Quand
Jair Bolsonaro ou Rodrigo Duterte ont fait campagne un individu peut presque tout lire ou regarder, il est
sur la violence physique, bien réelle, qui gangrène contraint à des choix et se rapproche de ce qu’il
leurs pays, Vladimir Poutine ne cesse de promettre connaît déjà ou de ce qui lui semble le plus attrayant.
« moi ou le chaos » à ses concitoyens, mais C’est le paradoxe d’une ère où tous ceux qui désirent
ces dirigeants tirent également le bénéfice de cette s’informer le peuvent mais ne le font pas de crainte
violence symbolique que représente une caste d’ultra- de s’y noyer. Des bidonnages envoyés via WhatsApp
riches pas nécessairement plus intelligente ou plus par Bolsonaro à ses supporters aux manœuvres de
Cambridge Analytica pour Trump en passant par les

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bonnes vieilles recettes de l’autocensure en Russie ou du business jusqu’à ce qu’une révélation perce la
en Turquie, il est devenu facile de désinformer des bulle d’impunité, d’Enron à Petrobras, de Gazprom
gens qui fuient la surinformation. à Lehman Brothers. Et que dire des programmes de
Les « fake news » sont devenues d’autant plus aisées licenciements rebaptisés « plans de sauvegarde de
à fabriquer et à disséminer que la parole des référents l’emploi », ou des parachutes dorés accrochés au
dans les démocraties – élus, grands entrepreneurs dos de PDG qui ont coulé la boîte ? Ceux qui sont
et journalistes – s’est démonétisée à coups de virés, qui peinent à conserver leur job ou à joindre
scandales et de fausses promesses. Aucun État n’a été les deux bouts, infiniment plus nombreux que ceux
épargné par des affaires de corruption politique, qu’il chiffrant leurs salaires en K€, sont les premiers à
s’agisse de financements de partis ou d’enrichissement voir au travers de cette rapacité et de cette novlangue
personnel. Des opérations Mani Pulite à Lava Jato, du entrepreneuriale.
financement opaque du Parti socialiste sous François Quant au journalisme, parfois qualifié de quatrième
Mitterrand à celui de la campagne de Nicolas Sarkozy pouvoir, il porte lui aussi son fardeau de responsabilité
en 2012, des élus au Congrès américain acceptant les dans cette détérioration de la confiance, soit parce
cadeaux de lobbyistes au président de la Commission qu’il fait des courbettes aux puissants, soit parce qu’il
européenne s’en allant cachetonner chez Goldman est à la main des dirigeants eux-mêmes (le modèle
Sachs, comment ne pas penser que le service du public Murdoch-Berlusconi-Dassault est répandu partout),
fait fonction de marchepied pour intégrer le club des soit parce qu’il s’est tiré une balle dans le pied
1% ? D’autant que quasiment tous ceux pris la main en laissant accroire que les mariages princiers, les
dans le sac plaident l’innocence quand bien même présentateurs-célébrités ou les armes de destruction
les preuves s’accumulent contre eux. Le mensonge massive de Saddam Hussein étaient de l’information.
corrompt même les aveux. Personne n’a jamais prétendu que la démocratie était
Les promesses qui n’engagent que ceux qui les croient un système vertueux par nature. Selon l’aphorisme de
sont l’autre facette de cette extorsion de l’argent Winston Churchill, il est même « le pire à l’exception
public. Combien de dirigeants admettent qu’ils n’ont de tous les autres ». Mais en menant des politiques
pas tenu leurs engagements de campagne électorale ? éloignées de l’intérêt du plus grand nombre, en
Combien apparaissent sur les écrans de télévision pour favorisant une petite élite à laquelle ils appartiennent,
proclamer que telle loi va servir à peindre en blanc en manipulant, en mentant et en s’enrichissant sur le
avec de la peinture rouge ? Les exemples de cette bien commun, les dirigeants démocrates ont balisé le
attitude orwellienne consistant à proclamer que « la terrain pour les antidémocrates, les « monstres » que
paix c’est la guerre » sont bien trop nombreux et sont les présidents brésilien, américain, turc, russe, etc.
fréquents pour être cités, mais leur pouvoir cumulatif Le paradoxe est que ces nouveaux venus ne sont
est tel que dès qu’un politicien ouvre la bouche, il est pas l’antidote de ceux qui leur ont préparé la voie.
aujourd’hui spontanément admis qu’une couleuvre va Ils sont même la plupart de temps bien pires. La
en sortir. corruption autour de Poutine, Trump ou Erdogan
Les dirigeants démocrates ont balisé le est effroyable. La violence verbale ou policière
terrain pour les antidémocrates véhiculée par Duterte, Orbán ou les trois précités
Les grands patrons, dont beaucoup considèrent, à est incommensurablement plus brutale que celle des
l’époque des multinationales et de la mondialisation, pires braillards démocrates. Malgré le qualificatif
qu’ils sont plus puissants que nombre de chefs d’État, populiste dont ils aiment s’affubler, aucun d’entre
ne s’en tirent pas mieux au jeu de la franchise eux n’a mené des politiques économiques vraiment
et de la transparence démocratique. Les fraudes, la profitables au peuple. Leurs mensonges et la distorsion
corruption, la subornation semblent parfois l’ordinaire de l’information sont leur pain quotidien. Ils œuvrent,

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de facto, à l’affaiblissement et à l’éradication de la depuis au moins le XIXe siècle. Ce ne sont pas les
démocratie et des libertés en utilisant les mêmes démocrates qui l’ont inspirée. Malheureusement, ils
outils que leurs prédécesseurs, mais poussés à leurs sont prêts aujourd’hui à s’y raccrocher pour combattre
extrêmes. les dérives dont ils sont responsables, dans la plus
grande confusion intellectuelle et politique.
Quand un président socialiste français (François
Hollande) propose une loi sur la déchéance de
nationalité et que son premier ministre (Manuel Valls)
devient le fer de lance de l’islamophobie galopante,
qu’est-ce qui les sépare du Front/Rassemblement
Donald Trump et Rodrigo Duterte en novembre 2017 : une coupe de national ? Quand la Maison Blanche décide de
Champagne pour célébrer les attaques contre la démocratie ? © Reuters s’affranchir des règles juridiques pour surveiller,
Comment, dans ces conditions, expliquer que ces kidnapper, emprisonner ou tuer des « terroristes »
dictateurs en puissance aient été élus et soient parfois supposés, au nom de la protection du « peuple
réélus haut la main alors qu’ils continuent de miner américain », quelle différence existe-t-il avec les
les terreau des libertés et d’enrichir une petite poignée pratiques des républiques bananières ?
de gens au détriment des autres ? Leur grand Quand un dirigeant politique de premier plan comme
talent d’illusionniste a été d’enrober toutes les failles Boris Johnson joue à pile ou face sa position lors du
démocratiques précédemment évoquées, dont ils sont référendum sur le Brexit puis accrédite des mensonges
les continuateurs maximalistes, dans l’habit des sur l’innocuité de la sortie de l’Europe au nom d’une
politiques identitaires, que l’on appelle aussi guerre vision désuète de l’Empire britannique, comment le
culturelle. C’est le « eux contre nous ». Les frictions distinguer des extrémistes d’UKIP ? Quand la quasi-
ordinaires de la vie démocratique sont poussées à leur totalité des gouvernants européens (représentant 512
paroxysme par une rhétorique enflammée qui laisse millions de citoyens) refuse d’accueillir un bateau
penser que l’on est confronté à un conflit existentiel. chargé de quelques dizaines de migrants sauvés de la
Les héritiers laïcs d’Atatürk ou les gülenistes mort, ou que le président des États-Unis (325 millions
menaceraient l’islam traditionnel turc. Les d’habitants) menace de faire ouvrir le feu sur une
homosexuels, les citadins, les immigrés hispaniques et caravane de 2 000 Sud-Américains marchant vers
les écolos voudraient imposer leurs modes de vie aux le Nord, où sont les principes d’humanité dont se
croyants ruraux et banlieusards du Midwest américain. réclament les démocrates ?
Les pauvres des favelas seraient des barbares à Les Bolsonaro, Orbán, Trump, Erdogan, Poutine ou
l’assaut de la forteresse de la classe moyenne blanche Salvini sont les symptômes des colères populaires
brésilienne. Les juifs, toujours eux !, se cacheraient qui les ont porté au pouvoir. Pour lutter contre
derrière différents complots visant à dissoudre les cette maladie antidémocratique, il convient d’abord
nations chrétiennes européennes. Et, bien entendu, d’arrêter de lui courir après en imaginant qu’on va
les immigrés représentent le mal absolu puisqu’ils l’éradiquer en copiant les discours qui lui sont propres,
volent les emplois, colportent la criminalité, importent car, comme l’a dit un jour Jean-Marie Le Pen dans
leurs religions et leurs coutumes : ils sont les boucs la seule citation de lui qui vaille la peine d’être
émissaires préférés, quoique non exclusifs, de cette reproduite : « Les gens préféreront toujours l’original
vague antidémocratique d’extrême droite. à la copie. »
Cette rhétorique de la menace existentielle à « nos Il faut, ensuite et en même temps, cesser de tolérer
valeurs » et « nos richesses » est la marque de fabrique les dérives démocratiques que sont la corruption,
authentique de la droite autoritaire et liberticide l’impunité, l’évasion fiscale et les mensonges publics

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(et leur version light : la langue de bois) des ne résolvent rien des maux qui ont conduit à leur
représentants élus ou désignés. Enfin, il faut renverser élection. Mais que restera-t-il alors des libertés, de la
les politiques économiques sources d’inégalités, qui solidarité et des institutions démocratiques quand ils
sont la matrice du « eux contre nous » et du rejet de auront achevé leur travail de sape ? Mieux vaut éviter
la démocratie. d’attendre pour le constater.
Ou alors on peut patienter le temps que les
antidémocrates se crashent et échouent, comme cela
se produira inéluctablement puisque leurs politiques

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