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Plusieurs enquêtes s’intéressent à l’argent
du «bad boy» du Brexit
PAR AMANDINE ALEXANDRE
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 8 NOVEMBRE 2018
Arron Banks, le 12 juin 2018, à Londres. © Simon Dawson/Reuters
L’entrepreneur britannique Arron Banks assure avoir
versé de sa poche plus de 8 millions de livres à
Leave.EU, la plateforme qui joua un rôle crucial dans
la victoire du Brexit en 2016. Mais la Commission
électorale le soupçonne désormais de ne pas être «
la vraie source » de cette manne financière. Plusieurs
enquêtes sont en cours. Lui dément des liens avec la
Russie.
Londres (Royaume-Uni), correspondance.– Parti de
rien, Arron Banks est parvenu à amasser une fortune
colossale, suffisamment importante en tout cas pour
effectuer le don le plus élevé de l’histoire politique du
Royaume-Uni – environ 8 millions de livres (plus de
9,1 millions d’euros). C’est ce que prétend cet homme
d’affaires britannique qui a œuvré à la victoire du
Brexit dans les urnes lors du référendum du 23 juin
2016. Mais la légende du chef d’entreprise autodidacte
devenu multimillionnaire grâce à un sens des affaires
hors norme est en train de se fissurer.
Au terme d’une enquête d’un an, la Commission
électorale a estimé, le 1er novembre, que des «
questions persistaient concernant l’étendue de la
fortune de M. Banks ». Sur la base de cette conclusion,
la National Crime Agency, l’agence nationale chargée
de la lutte contre le crime organisé, a lancé à son
tour une investigation sur l’origine des fonds versés
par Arron Banks à Leave.EU, la plateforme de la
campagne non officielle en faveur du Brexit emmenée
par l’eurodéputé et ex-leader du UKIP Nigel Farage.
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Le Sunday Times a par ailleurs révélé que la Financial
Conduct Authority, le régulateur du secteur financier,
avait contacté M. Banks vendredi dernier au sujet de
ses activités dans le secteur des assurances.
Depuis plus d’un an, le montant de la fortune de cet
ex-employé de la Lloyd’s of London, la plus grande
bourse aux assurances au monde, aujourd’hui à la tête
d’un nébuleux réseau d’entreprises, enregistrées
pour beaucoup dans des paradis fiscaux, a été
disséqué à plusieurs reprises par la presse. Le
Financial Times par exemple a pointé du doigt un
décalage significatif entre les 145 millions de livres
qu’Arron Banks s’est vanté d’avoir retirés de la vente
de Brightside, une compagnie d’assurances cotée en
Bourse, et les 6,16 millions qu’il a effectivement
empochés en février 2013 pour la cession de ses parts
dans l’entreprise.
Arron Banks, le 12 juin 2018, à Londres. © Simon Dawson/Reuters
Le site d’investigation openDemocracy a également
décelé plusieurs discordances très troublantes entre la
version des faits donnée par le chef d’entreprise et la
réalité concernant la solidité de ses affaires, mais
aussi sa trajectoire professionnelle. Alors qu’Arron
Banks prétend avoir dirigé une équipe de Norwich
Union après son passage chez Lloyd’s of London,
l’assureur n’en a retrouvé aucune trace dans ses
archives. La société du magnat américain Warren
Buffett ne dispose, elle non plus, d’aucun élément
concernant le recrutement du même Banks.
Si le quinquagénaire n’a pas de scrupules à gonfler
sa fortune et à enjoliver son CV, à l’inverse,
l’autoproclamé « bad boy of Brexit » (mauvais garçon
du Brexit) s’est fait très discret sur ses nombreux
contacts avec des diplomates russes dans les mois
qui ont précédé le référendum sur le Brexit. Interrogé
à ce sujet en juin dernier par une commission
parlementaire, le chef d’entreprise, qui a épousé
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en 2001 une Russe suspectée d’espionnage par les
services de renseignement intérieur britanniques, a
admis avoir rencontré à « deux ou trois reprises » des
représentants de Moscou.
Mais le journal dominical The Observer a
comptabilisé pour sa part onze rencontres, dont une
le 17 novembre 2015, le jour exact du lancement de
la campagne de Leave.EU en faveur de la sortie du
Royaume-Uni de l’Union européenne. Toujours selon
The Observer, en février 2016, Arron Banks se serait
même rendu en Russie pour y discuter de l’achat d’une
mine d’or en Afrique avec des financiers russes.
Banks affirme avoir décliné les multiples propositions
d’investissement qui lui ont été faites par des
diplomates et hommes d’affaires russes. Il nie aussi
vigoureusement avoir reçu de l’argent de Moscou pour
financer la campagne en faveur du Brexit. « Il n’y a pas
eu d’argent russe, ni aucune interférence de ce type »,
s’est défendu l’homme d’affaires lors d’une interview
donnée sotto voce à la BBC.
Sur Twitter, l’entrepreneur controversé fait usage d’un
ton beaucoup moins feutré. Celui qui « déteste le
politiquement correct et les politiciens de carrière »,
dixit son ami Nigel Farage, conspue les journalistes
qui s’intéressent de trop près à l’origine de sa supposée
fortune. Lundi, Arron Banks s’en est pris une fois de
plus au Financial Times, l’une de ses bêtes noires.«
Tu as l’air légèrement obsédé, Lionel », a t-il écrit
à l’adresse du rédacteur en chef du journal, Lionel
Barber, qui avait publié un message renvoyant à un
long portrait de l’argentier du Brexit, publié en début
de semaine. « Le syndrome d’aliénation du Brexit
risque de prendre racine », a encore prévenu Arron
Banks.
Renvoyé de deux établissements scolaires dans sa
jeunesse et dépourvu de tout diplôme universitaire, le
soi-disant multimillionnaire propriétaire d’un manoir
du XIXe siècle près de Bristol se moque éperdument
des conventions en vigueur à Westminster.
En juin dernier, face aux membres de la commission
parlementaire chargée des médias, de la culture et du
sport qui l’interrogeaient sur les fausses informations
répandues par Leave.EU pendant la campagne, Arron
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Banks, 52 ans, s’était montré très offensif, voire
menaçant. « Êtes-vous le député qui s’est soûlé à la
Chambre des communes et qui a harcelé une femme
et qui s’est aussi enivré lors d’une soirée karaoké ?
C’est l’un d’entre vous mais je ne sais pas lequel »,
avait lancé l’argentier du Brexit aux parlementaires.
« Je me vois comme un mauvais génie revêtu d’une
cape blanche, qui détient le contrôle du monde
démocratique occidental », avait déclaré le même jour
Arron Banks aux députés. Avant d’ajouter : « Mais
c’est absurde. » Les ambitions de cet entrepreneur,
ancien soutien du parti conservateur, devenu partisan
du UKIP en 2014, dépassent l’horizon du Brexit.
Les États-Unis de Donald Trump, avec lequel il a posé
dans la Trump Tower en novembre 2016, trois jours
après la victoire de l’homme d’affaires et présentateur
télé dans la course à la Maison Blanche, sont une
source d’inspiration pour Arron Banks, qui se glorifie
de mépriser les institutions politiques britanniques.
« Nous avons été plus intelligents que les régulateurs
et les responsables politiques », s’enorgueillissait le
Brexiter en avril 2017 dans une interview donnée
au Guardian. Le grand orchestrateur de la campagne
pour le Brexit, qui promettait aux Britanniques de «
reprendre le contrôle » de leur pays, a peut-être crié
victoire trop tôt.
L’enquête lancée à l’encontre d’Arron Banks par
l’agence nationale contre le crime organisé se déroule
sur fond d’impasse des négociations du Brexit entre
Londres et Bruxelles, et d’une recrudescence des
appels concernant un second référendum sur la place
du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne.
Lundi 5 novembre, lors d’une émission spéciale
consacrée au Brexit, la chaîne Channel 4 News a
assuré que 54 % des 20 000 personnes interrogées par
l’entreprise de sondages Survation étaient désormais
hostiles au Brexit. L’information, révélée en direct sur
le plateau de la chaîne, aussi fragile soit-elle, a fait
blêmir l’eurodéputé UKIP Nigel Farage. Arron Banks,
lui, ne s’est même pas embarrassé pour commenter le
résultat du sondage. Sur Twitter, il a traité Channel 4
de « chaîne des fake news ». Une réaction digne de
Donald Trump.
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