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l’ensemble des autres clubs et de leurs supporters,


condamnés à voir leur équipe perdre contre plus gros
L’UEFA discréditée, le football en péril
PAR YANN PHILIPPIN
qu’eux.
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 8 NOVEMBRE 2018

Aleksander Ceferin, président de l'UEFA depuis 2016. © Reuters

Aleksander Ceferin, président de l’UEFA depuis 2016. © Reuters Les chiffres sont vertigineux. Entre la fraude
Nos révélations Football Leaks sur le fair-play du PSGmade in Qatar (1,8 milliard d’euros), du
financier et le cartel des gros clubs montrent que Manchester City d’Abou Dhabi (2,5 milliards), des
l’UEFA s’est soumise à l’emprise des plus riches, alors clubs subventionnés par la Russie de Poutine (1,65
qu’elle est parfaitement consciente de l’explosion des milliard) et de quelques autres comme l’AS Monaco
inégalités, qui mine les compétitions et risque de faire de l’oligarque russe Dmitri Rybolovlev, l’UEFA a
fuir les fans. blanchi plus de 6 milliards d’euros d’injections de
Cinq jours après les premières révélations des Football cash. Ces privilégiés ont pu vivre au-dessus de leurs
Leaks, l’UEFA se mure dans le silence. Aucune moyens, en dehors de toute rationalité économique et
réaction de son président Aleksander Ceferin. Pas en violation des règles du fair-play financier.
même un communiqué de presse. C’est le signe de Les Football Leaks montrent le vrai visage de
l’immense embarras de la fédération européenne, qui l’UEFA : faible avec les forts, forte avec les
a couvert le dopage financier massif des plus grands faibles. L’organe judiciaire interne de l’organisation,
clubs du continent, trahissant les valeurs du football et l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC),
les règles qu’elle avait elle-mêmes établi. s’est montré impitoyable avec les petits clubs. En
2013, le Partizan Belgrade est exclu des compétitions
européennes pour un an. Son crime : 2 millions de
dettes envers d’autres clubs et envers l’administration
serbe.
Nos révélations montrent à quel point les plus hauts Toujours en 2012, l’UEFA a poursuivi huit clubs
dirigeants du foot (Ceferin, son prédécesseur Michel roumains, pour des impayés allant de quelques
Platini et l’actuel patron de la Fifa Gianni Infantino) se centaines de milliers d’euros à 2,6 millions d’euros,
sont mis à genoux devant l’argent, offrant l’impunité et a exclu trois d’entre eux des compétitions
aux clubs les plus riches, par le biais d’une série européennes. « Ce qu’a fait l’UEFA avec les gros
de compromissions et d’arrangements secrets. Et clubs est immoral, réagit Valeriu Iftime, propriétaire
ont ainsi renforcé leur domination, au mépris de du club roumain de Botosani. Les petits clubs n’ont
pas voix au chapitre, ils n’ont aucune chance. »
Même avec les gros, l’arbitraire règne, comme nous
le révélons aujourd’hui grâce aux Football Leaks.
Il s’agit du derby italien entre le Milan AC et
l’Inter Milan. En 2015, l’Inter, qui avait un déficit
excessif de 165 millions, s’en est sorti avec 6 millions

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d’euros d’amende et quelques restrictions. Malgré En clair, parce qu'elle a valorisé un contrat bidon à 100
un dépassement inférieur (121 millions), le Milan millions, l’UEFA risque de créer une jurisprudence,
AC a été banni en juin 2018 des compétitions qui légaliserait le dopage financier à travers le
européennes pendant un an (sentence annulée en sponsoring gonflé, tout du moins à hauteur de celui du
appel). Incompréhensible. PSG et de Manchester City.
Ces iniquités flagrantes ont été permises par l’opacité
de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC),
l’organe soi-disant « indépendant » de l’UEFA chargé
de punir les violations du fair-play financier. Les
procédures sont totalement secrètes et les accords
amiables signés avec les clubs sont publiés en version
censurée, sans le montant des déficits ni la nature des
Michel Platini a présidé l’UEFA de 2007 à 2016. © Reuters
éventuelles fraudes découvertes.
« C’est cette opacité qui a permis à l’UEFA de prendre Le fair-play financier, créé par Michel Platini en 2010,
des décisions politiques. On s’en doutait, mais on ne était pourtant une belle idée. Il s’agissait de limiter
pouvait pas le prouver. Avant vos enquêtes basées drastiquement les déficits des clubs pour éviter les
sur les Football Leaks, les clubs ne pouvaient pas faillites et la spéculation. Et rétablir l’équité sportive,
savoir qu’il y avait de telles iniquités de traitement », en empêchant les États et les milliardaires de dépenser
explique l’universitaire Antoine Duval, spécialiste du à fonds perdus pour rafler les meilleurs joueurs.
droit du sport au centre de recherches néerlandais Selon l’UEFA, le premier objectif a été en grande
Asser. partie atteint, puisque la dette des clubs européens a
À la suite de nos révélations, l’UEFA est discréditée. fortement baissé depuis 2010, passant de 60 % à 35 %
Et le fair-play financier pourrait ne pas y survivre. de leur chiffre d’affaires. Le second est un échec total,
Comment l’ICFC pourra-t-elle désormais condamner faute de volonté politique.
un club pour 50 millions de déficit, quand la fraude Si cela n’enlève rien à la fraude qu’il a commise, le
à 1,8 milliard d’euros du PSG a été blanchie ? « Il PSG a raison de dire qu’il y a des injustices dans les
sera désormais beaucoup plus facile pour les clubs règles du fair-play financier (FPF). Le FPF ne prend
d’attaquer les sanctions devant le Tribunal arbitral du pas en compte le niveau de cotisations sociales, ce qui
sport (TAS) et de demander que leurs sanctions soient désavantage beaucoup la France. Selon une étude de
réduites en proportion de celles négociées avec le PSG la Ligue de football professionnel, pour un footballeur
et Manchester City », indique Antoine Duval. payé 600 000 euros brut, un club français paie 186.000
Le PSG, dont l’affaire est toujours en cours, a euros de charges, contre 81.000 en Angleterre, 33.000
d’ailleurs déposé un recours devant le TAS pour en Italie, et 12 à 14.000 euros seulement en Espagne
contester le fait que sa sentence est en cours de et en Allemagne, où les cotisations sont plafonnées.
réexamen afin d’être durcie. L’argument du club : Le fair-play n’a pas pris non plus en compte le niveau
comme l’UEFA a accepté de valoriser son contrat de d’endettement. Un énorme avantage pour les clubs
sponsoring avec le Qatar à 100 millions d’euros par espagnols, qui se sont endettés au-delà du raisonnable
an (malgré une valeur réelle de 3 millions maximum), et ont vu une partie de leurs créances effacées par
elle n’a pas le droit de se dédire. Une source proche du l’État ou les collectivités locales. Après l’achat des
dossier à l’UEFA a confirmé à l’EIC que l’argument « galactiques » (Zidane, Beckham, Ronaldo), la dette
risquait bien d’être recevable. du Real Madrid a culminé à plus de 600 millions
d’euros.

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À l’actif du président de l’UEFA Aleksander Ceferin, particulier les français (lire ici). Au risque que la Ligue
la plupart des trous dans la raquette ont été bouchés des champions finisse par devenir de facto une ligue
par une réforme du fair-play financier votée il y a six d’élite fermée.
mois, en mai 2018. Elle limite la dette et le montant
annuel des achats de joueurs (100 millions maximum
par an, plus le montant des ventes).
Mais les règles d’application ne sont toujours pas
parues. La réforme ne s’appliquera au mieux qu’à l’été
2019. Et elle arrive déjà trop tard. La première page de la présentation confidentielle de
l'UEFA sur la hausse des inégalités dans le foot. © EIC
En limitant les investissements, le fair-play financier
a créé une barrière à l’entrée qui a donné un avantage Cette compromission est d’autant plus lâche que
massif aux « vieux riches » du continent, dont certains l’UEFA est très consciente de la gravité du problème.
ont été largement dopés par le passé, comme le Real (à Une présentation confidentielle, montrée le 19
la dette) ou Chelsea (l’oligarque Roman Abramovich septembre 2017 aux membres du « Top executive
y a englouti 2 milliards d’euros). programme » de l’UEFA, s’inquiète du niveau
sans précédent des inégalités entre clubs. Au risque
Le PSG se plaint de ne pas pouvoir faire la même
d’abîmer le jeu et de lasser les amoureux du foot. À
chose. Les Football Leaks démontrent au contraire
l’opposé des compétitions « vibrantes et équilibrées »
qu’en couvrant les milliards du Qatar et d’Abou Dhabi,
qui constituent l’objectif officiel de l’UEFA.
l’UEFA a offert au PSG et à Manchester City un ticket
d’entrée au sein du premier cercle. Celui de la « Money La présentation reconnaît qu’on se dirige lentement
League » (« ligue de l’argent »), du nom du classement mais sûrement vers une domination écrasante des
des clubs les plus riches du cabinet Deloitte. « gros clubs d’élite », qui pourrait se révéler
« irréparable ». De 2010 à 2016, la part des recettes
Avec le FPF, l’UEFA a contribué à la création
totales captée par les douze clubs les plus riches est
d’un cartel de fait des dix clubs les plus riches,
passée de 27 à 32 %.
qui dominent, voire écrabouillent, leurs championnats
nationaux et trustent les places en phase finale de la Les gros grossissent plus vite, au point d’écraser
Ligue des champions. les autres. La présentation de l’UEFA pointe la
« concentration dramatique dans les plus gros
Pour être équitable, le fair-play financier aurait dû
transferts ». Le prix des joueurs des équipes du top 12
s’accompagner d’une forte redistribution des revenus
a doublé en six ans, pour atteindre 6 milliards d’euros.
au bénéfice des autres clubs, l’écrasante majorité.
Parmi les 250 meilleurs joueurs du monde, 61 % jouent
Mais l’UEFA, là encore, a trahi ses valeurs. Comme dans un club du top 13. Les gros raflent aussi des
l’ont révélé les Football Leaks, son secrétaire général, réservistes de luxe qu’il utilisent peu, et les meilleurs
Theodore Theodoris, a accepté de se faire dicter la
réforme de la Ligue des champions par un cartel de
quatre « vieux riches » (Real, Barça, Juve, Bayern),
qui ont obtenu encore plus d’argent au détriment
de tous les clubs petits et moyens du continent, en

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jeunes joueurs. De ce fait, il y a trop de « très bons Boite noire


joueurs sur le banc », ce qui « mine la compétition »,
reconnaît l’UEFA.

Après une première saison en 2016, quinze


journaux européens regroupés au sein du réseau
de médias European Investigative Collaborations
(EIC), révèlent à partir du vendredi 2 novembre la
La présentation confidentielle de l'UEFA montre que les gros
clubs accroissent leur domination sur les achats de joueurs. © EIC
deuxième saison des Football Leaks, la plus grande
fuite de l’histoire du journalisme. Plus de 70 millions
Et, surprise, les gros gagnent plus sur le terrain. «
de documents obtenus par Der Spiegel, soit 3,4
Il a été académiquement et empiriquement prouvé
téraoctets de données, ont été analysés pendant huit
qu’il existait un très haut niveau de corrélation entre
mois par près de 80 journalistes, infographistes et
l’argent dépensé et le fait de gagner. En d’autres
informaticiens.
termes, plus vous dépensez face à votre concurrent,
plus vous avez de chances de gagner », indique la Corruption, fraude, dopage, transferts, agents, évasion
présentation confidentielle de l’UEFA. fiscale, exploitation des mineurs, achats de matches,
influence politique : les Football Leaks documentent
Il existe une solution simple : le « cap », c’est-à-dire le
de manière inédite la face noire du football. Nos
plafonnement du montant total du budget des clubs ou
révélations d’intérêt public, qui reposent sur des
des salaires des joueurs. Il est en vigueur dans la ligue
documents authentiques et de nombreux témoignages,
de foot américaine, un pays pourtant ultralibéral. Mais
s’étaleront de façon simultanée pendant trois
selon la présentation de l’UEFA, « cela ferait souffrir
semaines.
sévèrement les top clubs », les très riches, et n’aurait
« aucun sens financièrement pour eux ». Sans oublier Outre Mediapart, les médias membres du
« les mesures de contrôle et les coûts administratifs projet sont Der Spiegel (Allemagne), Expresso
requis pour imposer une telle mesure ». (Portugal), L’Espresso (Italie), Le Soir (Belgique),
NRC Handelsblad (Pays-Bas), The Black Sea/
La messe est dite. Pas question de toucher au business
RCIJ (Roumanie), Politiken (Danemark), Nacional
et au cartel des très riches. Les Football Leaks
(Croatie), Tages Anzeiger/Tribune de Genève
provoqueront-ils un déclic ? Jusqu’à présent, très peu
(Suisse), Reuters (Royaume-Uni), De Standaard
de voix s’élèvent parmi les clubs plus modestes, signe
(Belgique), VG (Norvège), Premières Lignes/France 2
de l’omerta, des intérêts croisés et de la crainte que les
(France) et NDR Television (Allemagne).
gros inspirent. La balle est dans le camp du président
de l’UEFA, Aleksander Ceferin. À l’heure où nous
publions, il n’a toujours pas dit un mot.

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