Dimanche 9 novembre 2014 L'ACTU / Histoire d'actu 13

D’hier à aujourd’hui 10 000 000

 A Fécamp, le musée abrite depuis hier et jusqu’au 9 mars les aqua-
relles de guerre d’un Fécampois, Édouard Renaud. en tonnes, il s’agit du trafic du port de
 Jusqu’au 26 novembre, une exposition intitulée 1914-1918, la guerre Rouen pendant l’année 1917. Cette
vue de Petit-Quevilly est visible à la bibliothèque François-Truffaut. année-là, 8 766 navires sont déchargés
 A partir du 14 novembre et jusqu’au 3 avril les Archives départemen- dans le port rouennais. A titre de compa-
tales de l’Eure proposent « L’Eure dans la guerre, vivre à l’arrière de raison, le trafic en 1913 est estimé à
1914 à 1918» 5 millions de tonnes et 3 000 navires.
 Les Archives départementales de Seine-Maritime organisent deux jour- La Havre voit passer en cinq ans plus
nées de collecte d’archives privées sur la Première et la Seconde Guerre de 11 000 navires, 20 millions de tonnes
mondiale. Vendredi 14 novembre de 14h à 17h et samedi 15 novembre de marchandises, près de 3 millions de
de 8h45 à 16h. Rendez-vous aux Archives départementales de Seine-Ma- soldats britanniques, 530 000 chevaux
ritime - Pôle culturel Grammont, 42, rue Henri II Plantagenêt à Rouen. et 7 000 canons.
Impressionnant rassemblement de matériel médical

Deux ports en première ligne

Arrières.
Durant l’automne 1914, Pendant ce temps-là
Rouen et Le Havre Le 10 novembre 1914, vingt jours
deviennent les deux têtes après l’offensive alliée, les Allemands
attaquent dans les Flandres autour
de pont de l’empire d’Ypres, en Belgique. Dixmude est
britannique prise le lendemain. Les Britanniques,
qui subissent le plus fort de l’attaque,
à proximité du front. parviennent à stopper les Allemands à
Deux bases stratégiques Ypres. Les deux partis s’immobilisent
pour la poursuite sur leurs positions le 15 novembre.
Les deux camps s’affairent maintenant
de la guerre. à consolider leurs positions en aména-
geant un système de tranchées qui

E
n une quinzaine de jours, du 9 au
24 août 1914, ce sont plus de cent ba-
teaux anglais qui accostent dans le
port de Rouen. Des navires qui transportent
des troupes, mais aussi des munitions et tout
le matériel nécessaire au corps expédition-
naire anglais. Ainsi commence « une incroya-
ble navette entre l’Angleterre et les ports de Seine
qui ne s’achèvera qu’en 1919 » souligne Yves
Buffetaud, historien et auteur d’un livre sur
le sujet. Le Havre devient la base n° 1,
Rouen, la base n° 2 et Boulogne la base
n° 3. « En quelques mois, Rouen va devenir le pre-
mier port de France. C’est la guerre qui en fait un
port important ». L’endroit est idéal. « Il est à
la fois loin et proche du front. Les terrains dispo-
nibles sur la rive gauche de la ville permettent de
construire campements et hôpitaux », ajoute l’au-
teur d’une thèse de doctorat d’histoire sur la
présence anglaise à Rouen entre 1914
et 1918. Tellement proche du front que fin
août, face à l’avancée allemande, les An-
glais se replient au sud de la Loire. Avant de
revenir et de s’installer définitivement à l’au-
tomne.
Et Rouen continue de prendre le leader-
ship sur Le Havre. « Rouen est plus près du
front et le port est le mieux protégé. »
Car tout au long de la Première guerre mon-
diale, la guerre sous-marine fait rage. Les
U-Boot allemands coulent les navires en
rade du Havre. En 1915, le contre-Amiral
Viard décide de construire un barrage flot-
Débarquement de matériel automobile sur les quais de Rouen
tant de filets métalliques de 24 km. La tâche
est titanesque, mais efficace.
Pendant ce temps, le trafic du port de Rouen
a doublé, comme la longueur des quais de
déchargement. La vitesse de déchargement
des navires passe de 9 000 tonnes par jour
en 1913, à 20 000 en 1917. La main-d’œuvre
manque, les prisonniers de guerre allemands
sont réquisitionnés, des travailleurs chinois
arrivent à Rouen et au Havre en 1916. Un
corps de forestiers canadiens est chargé de
ravitailler en bois le front, en coupant les ar-
bres des forêts normandes.
Si hommes de troupes et matériel montent
vers le front, Rouen doit aussi ravitailler
Paris en charbon. Des trains d’eau express
sont mis en place. Le temps de la remontée
vers la capitale passe de cinq à un peu plus
de deux jours.
Mais ce n’est pas seulement le port qui four-
mille d’Anglais. Des campements sont instal-
lés sur la rive gauche, comme de nombreux
hôpitaux. Jusqu’à une quinzaine. On comp-
te aussi sept boulangeries, cinq boucheries,
une poste, un bateau-prison…
Les quais sont encombrés aussi de navires-
hôpitaux, pour les blessés qui peuvent être
transportés. Ils font la navette avec South-
ampton. « L’exemple de l’Aberdonian est édi-
fiant. En janvier 1917, en période calme, il effec-
tue cinq traversées. En août et en septembre, lors de
la bataille d’Ypres, il en effectue douze » souligne
courront bientôt de la mer du Nord à
la frontière suisse.
La Première Guerre mondiale ne dure
que depuis six mois et l’étendue des
pertes humaines est sans précédent
dans l’Histoire. Rien que sur le front
occidental, les Français, les Belges et
les Britanniques ont perdu plus d’un
million d’hommes, dont une grande
majorité de Français. Les Allemands
comptent environ 675 000 soldats tués,
blessés ou disparus au combat.
Sur le front Est, les pertes humaines des
deux camps sont encore plus lourdes.
Yves Buffetaud.
Avec l’Armistice, commence à Rouen et
au Havre la période de rembarquement des
troupes et du matériel. Des camps de dé-
mobilisation sont installés. Si le matériel est
bien évacué à partir de Rouen, les hom-
mes, eux, prennent le bateau à Dieppe et
au Havre. Pas tous. 12 000 soldats britanni-
ques sont enterrés au cimetière Saint-Sever
de Rouen, à quelques pas des hôpitaux an-
glais installés sur la rive gauche pendant
quatre ans.
OLIVIER CASSIAU
 Rouen - Le Havre 1914-1918 : Deux ports nor-
mands en première ligne, par Yves Buffetaut, Ysec
éditions, 28 €. En librairie ou sur www.ysec.fr

Un navire-hôpital britannique dans le port de Rouen (photos Public Record Office Kew, Londres) La camp d’entraînement du Madrillet, près de Rouen