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L
e 18 mai 1915, le soldat de deuxième vrent le feu à grande distance contre les
classe André Lecroq, originaire de 4 forts de l’entrée. Deux forts sont écra-
Blangy-sur-Bresle, est traduit devant sés par les tirs anglais et français.
le conseil de Guerre pour « abandon de Mais les tergiversations alliées laissent le
poste face à l’ennemi ». Condamné à mort, temps aux Turcs de se renforcer. Le dé-
il est exécuté dans l’après-midi et tombe barquement allié a finalement lieu sur
sous les balles de ses camarades de combat. l’île de Gallipoli le 20 avril. Le front se
Fusillé pour l’exemple, comme trois autres fige le 28 avril. Jusqu’à fin mai, les con-
soldats du 39e R.I en 1914 et 1915, dont la tre-attaques turques feront près de
base est à Rouen et dont le recrutement est 20.000 victimes chez les Alliés.
essentiellement normand. De nouvelles troupes alliées sont débar-
« Le craquement tragique d’une salve. Un autre quées pendant l’été, sans plus de résul-
coup de feu : le coup de grâce. C’était fini » écrit tats. Les troupes sont rembarqués pen-
Roland Dorgelès dans le chapitre IX de son dant l’hiver. Winston Churchill, premier
livre, Les Croix de bois, sorti en 1919. Car Lord de l’Amirauté, à l’origine du désas-
l’écrivain, originaire d’Amiens et lui-même tre, assume et démissionne.
mobilisé au 39e régiment d’infanterie, a Roland Dorgelès, en 1915 dans le secteur du Luxembourg collection Micheline Dupray
vécu comme d’autres camarades d’infor-
tune l’exécution de soldat Lecroq. « Jamais, au Bois de la mine » souligne Bruno Nion, ligne. En février 1915, il est stationné près de gnes sont parsemés de taches bleues et rouges. »
même aux pires heures, on n’a senti la Mort pré- auteur d’un livre sur le 39 R.I pendant la Reims, au lieu-dit de la ferme du Luxem- Bien avant les mutineries de 1917, trois sol-
sente comme aujourd’hui. On la devine, on la Grande guerre et qui relate tous ses événe- bourg, sur la nationale 44. Le 16 février, il est dats du 39e seront passés par les armes.
flaire, comme un chien qui va hurler. C’est un sol- ments. Le 11 mai, vers 20 h, André Lecroq envoyé à l’assaut du bois du même nom, Avant le soldat Lecroq au printemps 1915,
dat, ce tas bleu ? Il doit être encore chaud. ». abandonne ses armes et sa tranchée, hébé- tenu par les Allemands. « C’est l’époque de un soldat originaire de Formerie est fusillé
L’aumônier du régiment écrit à sa veuve, té. Il croise son chef de bataillon, une plainte l’offensive à outrance, » résume Bruno Nion, en septembre 1914 pour abandon de poste.
« J’ai vu pleurer les officiers et les gendarmes ». est déposée, Lecroq est arrêté. Pourtant, ses « sur les 1 000 soldats que comptait le régiment le Quelque temps plus tard, en 1915, c’est un
supérieurs tentent de la défendre, soulignent 15 février, 425 soldats ont été tués ou portés dispa- soldat de Barentin qui est fusillé. Le dernier
TROIS JOURS que le régiment a subi trois jours de bom- rus au soir du 16 février ». « Cette journée a influé du 39e RI avant la fin de la guerre.
bardements, « le soldat Lecroq a été victime sur mes méninges, » écrit le caporal Schnell-
DE BOMBARDEMENTS d’un moment d’aberration, » souligne le sous- bach, originaire de Dieppe, dans une lettre OLIVIER CASSIAU
lieutenant Coffin. Aujourd’hui, on parlerait à ses parents, « j’en suis encore effrayé, jamais je Un régiment normand dans la Grande guerre, par
Comment en est-on arrivé là ? Depuis une dans la langue de Shakespeare d’un shell- n’ai vu une chose pareille. Il n’y a pas de mots pour Bruno Nion, éditions Ysec, 28 €.
semaine, les combats sont très violents, les shoked, un choc traumatique dû aux bom- restituer ce carnage. Et maintenant, plus que ja- Bruno Nion prépare deux ouvrages, il recherche des
bombardements incessants. bardements. mais, je n’ai espoir d’en revenir. Sauvez-nous donc documents sur le 39 RI en 1939-1940, et sur le 239
« L’attaque a été déclenchée par les Allemands Depuis des mois, le 39 R.I est en première de cet enfer… Les champs qui séparent les deux li- R.I. bruno.nion@free.fr ou 02 35 63 40 44.
Tranchée de Redon, hiver 1915, le caporal Schenllbach observe les Le général Mangin observe les
tranchées ennemies collection André Schnellbach positions coll Charles Gibon Guilhem la fameuse ferme du Luxembourg, position du 39 e RI coll S..Morin