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Toujours selon la presse nippone, c’est Nissan, sa


propre entreprise, qui l’accuse d’avoir dissimulé
La chute de Carlos Ghosn, le patron
des revenus mais aussi d’avoir utilisé des « biens
français qui se croyait intouchable de l'entreprise à des fins personnelles ». Le
PAR MATTHIEU SUC
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 20 NOVEMBRE 2018 constructeur automobile a annoncé qu’il allait mettre
fin rapidement aux fonctions de Carlos Ghosn, son
Suspecté de fraudes fiscales et d’avoir utilisé des «
président. Quelques heures plus tard, c'est Mitsubishi
biens de l'entreprise à des fins personnelles », le patron
Motors qui a exprimé son intention de démettre
de Nissan a été arrêté au Japon. Jusqu'ici, celui qui
Carlos Ghosn de ses fonctions de président du conseil
dirige aussi Renault, ainsi que l’alliance réunissant les
d'administration.
deux constructeurs automobiles, avait toujours réussi
à étouffer les polémiques. Nissan a précisé dans un communiqué avoir mené
une enquête interne à la suite d’une information
dénonçant des pratiques inappropriées de la part de
Carlos Ghosn. « L’enquête a montré qu’au fil des ans,
Ghosn [avait] déclaré des montants de rémunération
inférieurs aux montants réels dans des rapports à la
Bourse de Tokyo afin de réduire le montant déclaré de
la rémunération de Carlos Ghosn », a déclaré Nissan
© Reuters/Gonzalo Fuentes
dans son communiqué.
Le manga qui lui était consacré en 2001 lui donnait Interrogé depuis Bruxelles, le président français
respectueusement du Ghosn-san (monsieur Ghosn, en Emmanuel Macron est resté très prudent, alors que
japonais). La première scène le montre enfant – il l'État est actionnaire à hauteur de 15 % du capital
est adossé à une barrière, bras croisés, yeux fermés. de Renault. « Il est trop tôt pour se prononcer
Une voiture approche. On entend le moteur vrombir. « sur la réalité et la matérialité de faits sur lesquels
Cadillac Eldorado ! », affirme-t-il, très sûr de son fait. je ne dispose pas d'éléments supplémentaires », a
Dix-sept ans après cette scène inaugurale douteuse – dit le chef de l'État. « Par contre, l’État en tant
l’homme est plus réputé pour ses talents de dirigeant qu'actionnaire sera extrêmement vigilant à la stabilité
que pour ceux d’ingénieur automobile –, Carlos Ghosn de l'alliance et au groupe », a-t-il ajouté, ainsi qu’« à
a-t-il vu venir sa chute ? la stabilité nécessaire pour l'ensemble des salariés du
groupe, auxquels je veux ici dire que l’État actionnaire
Lundi 19 novembre, le patron non exécutif de Nissan
assurera tout son soutien ».
et PDG de Renault, âgé de 64 ans, a été arrêté
par la justice japonaise pour fraude fiscale, selon
le quotidien japonais Asahi Shimbun. Le patron de
l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi est soupçonné
d’avoir minoré une partie de sa rémunération, issue de
l’achat et de la vente d’actions.
Selon l’agence de presse japonaise Jiji, Carlos Ghosn
aurait sous-évalué sa rémunération de près de la Carlos Ghosn, le patron de Renault et de Nissan,
moitié, déclarant un peu moins de 5 milliards de yens a été arrêté au Japon. © Reuters/Gonzalo Fuentes

(38,82 millions d’euros) alors qu’il aurait dû déclarer Il est loin le temps où tout ce que touchait Carlos
10 milliards. À l’issue de son interrogatoire, Carlos Ghosn au pays du Soleil-Levant se transformait en
Ghosn pourrait être emprisonné. or. Renaissance, son autobiographie, s’y était écoulée
à 150 000 exemplaires le mois suivant sa parution.

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Dans les librairies de Tokyo, quatorze ouvrages lui qu’il touchait un salaire sept fois supérieur à celui de
étaient consacrés. En mars 2001, le grand quotidien son homologue chez Toyota, numéro 1 mondial des
japonais Asahi Shimbun faisait de lui le « ministre des constructeurs automobiles…
infrastructures et des transports » d’un gouvernement Entre Nissan et Renault, Ghosn percevait au total
virtuel de « renaissance du Japon ». Il avait été entre 10 et 15 millions d’euros chaque année. Et
élu trois fois de suite meilleur manager de l’année. encore, ceci ne concerne que les chiffres connus. À en
Le britannique The Economist l’avait surnommé « croire l’enquête en cours qui lui vaut d’être interrogé
l’homme qui vaut 10 milliards de dollars ». aujourd’hui, il aurait sous-déclaré ses revenus japonais
Carlos Ghosn faisait même figure de demi-dieu au depuis 2011.
Japon. Au début des années 2000, il a redressé En France, Proxinvest, un cabinet de conseil aux
Nissan, une entreprise jugée moribonde. « Nissan actionnaires qui passe au crible les rémunérations des
fait aujourd’hui du cash. Tellement de cash que la dirigeants, a dénoncé durant une décennie l’opacité
question est de savoir comment bien le dépenser ! », des salaires de Carlos Ghosn. Pierre-Henri Leroy,
triomphait-il quatre ans après qu’on eut prédit la fin le président de Proxinvest, avait beau s’écrier que
du constructeur et de sa propre carrière par la même Carlos Ghosn se rendait coupable de « dissimulation
occasion. volontaire d’informations », il prêchait dans le désert.
Né au Brésil d’une famille libanaise, ayant effectué ses Lorsque la presse révèle qu’en octobre 2012, sa fille
études en France, Carlos Ghosn parle sept langues, il a Caroline Ghosn bénéficiait des moyens et du stand de
fait l’X-Mines. À 26 ans, il dirige sa première usine ; à Renault et de la cheffe de cabinet personnel de son père
30, il a la responsabilité d’un continent pour Michelin ; pour promouvoir sa propre entreprise au Women’s
à 43, il est le numéro 2 de Renault ; à 45 le numéro 1 Forum de Deauville, personne ne s’en émeut.
de Nissan.
« Une affaire de Bibi Fricotin et de barbouzes
Il régnait sur un empire opérant sur les cinq continents de troisième division »
et dont les deux sièges sociaux sont distants de quelque
En 2011, Renault est ébranlée par une affaire de faux
10 000 kilomètres. Il présidait à la destinée de 470 000
espions : l’entreprise a licencié trois hauts cadres
salariés. Carlos Ghosn se croyait intouchable.
accusés d’espionnage industriel au profit de la Chine,
Il faut dire que jusque-là le patron avait toujours accusations qui se révéleront infondées et nées de
réussi à tuer la contestation dans l’œuf. Durant l’imagination fertile d’un ou plusieurs barbouzes du
plusieurs années, la rémunération de Carlos Ghosn service de sécurité de la marque au Losange (l’affaire
suscite des débuts de polémiques en France, l’État doit être jugée prochainement).
– qui détient toujours 15 % de Renault – refusant
Carlos Ghosn, qui n’a pas hésité à se séparer de trois
systématiquement de voter en sa faveur lors des
fidèles sur la foi de preuves pour le moins fantaisistes,
assemblées générales. Mais cela ne remet jamais en
est un temps sur la sellette. François Baroin, alors
cause le salaire fixé à l’avance. Même en 2016, quand
ministre du budget et porte-parole du gouvernement,
les actionnaires avaient voté contre lors de l’AG, le
dénonce « l’amateurisme invraisemblable » des
conseil d’administration lui était resté fidèle.
dirigeants de Renault. « Je ne trouve pas normal
Il avait pourtant fallu attendre 2011 pour découvrir, par qu’une immense entreprise comme celle-ci ait basculé
le biais d’une nouvelle réglementation japonaise qui dans un amateurisme et une affaire de Bibi Fricotin et
imposait de le rendre public, que le PDG de Renault de barbouzes de troisième division », poursuit-il.
touchait entre 7 et 10 millions d’euros chez Nissan, ce
Le scandale est tel qu’un audit interne est déclenché.
qui en faisait le PDG le mieux payé de l’archipel. Il
Tous les dirigeants ayant été impliqués dans la
assurait que c’était normal. En juin 2012, on apprendra
gestion – désastreuse – de la crise sont interrogés.

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Tous, excepté Carlos Ghosn. À l’issue de l’audit, les Nissan assurant plus de 30 % des profits de Renault,
têtes tombent. Toutes, sauf celle de Carlos Ghosn. le chantage d’un départ de Nissan de l’alliance qui
Le conseil d’administration considère que l’enquête affaiblirait le constructeur français a toujours été très
a blanchi le PDG, oubliant de préciser qu’aucune dissuasif pour les gouvernements de droite ou de
question n’a été posée sur sa responsabilité éventuelle gauche ayant songé à se débarrasser de ce PDG qui
aux autres protagonistes… n’en faisait qu’à sa tête.
À chaque fois qu’il est en danger, c’est sur l’argument Au Japon, un haut cadre de Nissan a dû, lui, esquisser
d’un Carlos Ghosn incontournable au Japon que un sourire en apprenant les déboires de Carlos Ghosn.
s’appuie le plan de sauvetage du grand patron. Il s’appelle Toshiyuki Shiga, arbore une sage raie sur
Ainsi, dans un mail du printemps 2011 de l’agence le côté et des fossettes prononcées. Fin 2010, sur la
de communication qui gère Renault, il est rappelé base de fausses accusations, celui qui était le numéro
l’argument massue : « Déstabiliser la direction, c’est 2 du constructeur nippon a été l’objet d’une enquête
déstabiliser Renault, c’est déstabiliser l’Alliance. interne commanditée par son n + 1, Carlos Ghosn.
L’Alliance est vitale pour Renault. [...] L’Alliance En cause : de supposés comptes bancaires maltais
repose également sur le choix des hommes : C. Ghosn. et singapouriens sur lesquels Shiga aurait déposé 5,9
» millions de dollars.
Un argumentaire que l’on retrouve volontiers dans la En réalité, ces comptes et cet argent n'ont jamais
presse complaisante. Ainsi de cette chute d’un article existé. Mais l'enquête avait révélé que, dès 2010,
du Point, datant du 3 mars 2011, sur l’alliance Renault- le diplômé de la faculté d’économie d’Osaka avait
Nissan qui serait en danger : « “Rien ne dit que les demandé à des analystes japonais ce qui se passerait
Japonais ne voudront pas un jour reprendre leurs si Carlos Ghosn partait. On lui avait répondu que les
billes”, assure un connaisseur. […] Tant que le PDG investisseurs japonais seraient rassurés si c’était lui,
de Nissan est également celui de Renault, cela semble Shiga, qui lui succédait.
difficilement réalisable. Mais quand Carlos Ghosn ne Finalement, il sera rétrogradé par Ghosn, deux ans
sera plus là... » plus tard. On ignore aujourd'hui si Toshiyuki Shiga est
toujours candidat. Une chose est sûre, la succession,
elle, est bien ouverte.

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