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Dossier – Obésité et adipocytes

Dossier – Obésité et adipocytes

mt cardio 2007 ; 3 (1) : 18-23

L’obésité
est-elle une maladie inflammatoire ?
Rafaella Cancello, Karine Clément
INSERM UMRS U755 Nutriomique/Université Pierre et Marie Curie–Paris VI, Centre de Recherche en Nutrition Humaine Île-de-France, AP-HP,
Service de nutrition, Hôtel-Dieu, 1 place du Parvis Notre-Dame, 75004 Paris
<karine.clement@htd.aphp.fr>

Résumé. Il existe actuellement au moins deux raisons scientifiques pour que l’obésité soit une maladie inflammatoire chronique :
l’augmentation des facteurs inflammatoires circulants observée chez les patients obèses et l’identification récente d’une infiltration macropha-
gique dans le tissu adipeux blanc. Ces observations permettent une révision de la physiopathologie de l’obésité. Il a été suggéré qu’un état
inflammatoire de bas grade est associé aux complications métaboliques et cardiovasculaires de l’obésité. La réduction pondérale est capable
d’améliorer l’état inflammatoire en diminuant de façon significative les marqueurs inflammatoires circulants et l’infiltration macrophagique du
tissu adipeux. Les mécanismes du recrutement des macrophages du tissu adipeux blanc et le rôle de ce dernier dans les complications de
l’obésité ne sont pas encore bien définis. Cet article a pour objectif de mettre à jour les connaissances sur les cytokines inflammatoires et leur
rôle dans l’obésité, et plus particulièrement insister sur le rôle de l’infiltration macrophagique dans le tissu adipeux humain. Les interactions
entre les macrophages et les adipocytes seront certainement le sujet d’investigations importantes dans le futur.

Mots clés : inflammation, macrophage, obésité, tissu adipeux blanc

Abstract. Is obesity an inflammatory illness? There are at least two scientific indications that human obesity might be a chronic
inflammatory illness: first, the well-described moderate increase of inflammatory factors in the circulation in obese subjects, and second, the
recent identification of macrophage cells infiltrating the white adipose tissue (WAT). These observations led to a revision of the physiopathology
of obesity and its co-morbidities. It has been suggested that the “low-grade” inflammatory state associates with metabolic and cardiovascular
complications of obesity. Weight loss is able to improve this inflammatory state by both significantly decreasing circulating inflammatory
molecules and macrophage cell infiltration in WAT deposits. However, the mechanisms of WAT macrophage recruitment into the adipose tissue
and their role in obesity complications have not been defined. This review aims to point out the knowledge on inflammatory cytokines
associated with obesity and focuses on macrophage infiltration in human WAT, discussing their recruitment and role. The interactions of
macrophages with adipocytes will certainly be the subject of intense investigations in the future.

Key words: inflammation, macrophage, obesity, white adipose tissue

P our la première fois en 1993,


Hotamisligil et al. [1] ont établi
qu’il existait un lien entre l’inflamma-
ment de l’insulinorésistance associé à
l’obésité. Cette découverte a permis
d’ouvrir un nouveau champ de recher-
tion dans le tissu adipeux et le rôle che dans le domaine de l’inflamma-
potentiel de ce dernier dans l’obésité tion et de l’obésité, qui est devenu
et les complications qui y sont liées. plus important après la découverte en
Cette étude avait montré que le tissu 1994 d’une hormone adipocytaire
adipeux blanc synthétise une cytokine spécifique, la leptine. La leptine est
pro-inflammatoire dénommée TNFa une cytokine spécifiquement produite
(tumor necrosis factor ␣). L’expression et sécrétée par le tissu adipeux blanc
du TNFa est augmentée dans le tissu et qui joue un rôle fondamental dans
adipeux des animaux obèses et sa la régulation de la balance énergéti-
neutralisation par un anticorps anti- que [2]. Le concept d’adipocytokine
doi: 10.1684/mtc.2007.0048

TNFa permet d’améliorer l’insulino- ou adipokine a été proposé pour qua-


mtc sensibilité de ces animaux. Ces obser-
vations soulignent l’existence d’un
lifier des petites protéines ou cytoki-
nes produites et sécrétées spécifique-
lien important entre les cytokines pro- ment par le tissu adipeux blanc. Ces
Tirés à part : K. Clément inflammatoires, produites et sécrétées produits de sécrétion de l’adipocyte
par le tissu adipeux, et le développe- sont susceptibles de circuler dans le

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plasma et d’avoir alors une influence systémique. Parmi
ces protéines, il y a une distinction entre les molécules Cytokines
spécifiquement ou exclusivement produites par le tissu Adipocytokines inflammatoires
adipeux blanc, en particulier l’adipocyte (comme la lep- TNFalpha
Leptine
tine et l’adiponectine), et les autres molécules produites en IL6
Adiponectine IL1beta
abondance dans le tissu adipeux mais aussi par d’autres IL8
tissus (figure 1). IL1Ra
IL10
IL18
CRP
Rôle de l’inflammation chronique SAA
dans l’obésité et contribution Haptoglobine
du tissu adipeux
Le foie et les organes lymphoïdes sont les sites de
production majeurs des médiateurs inflammatoires. Des
données récentes ont montré que le tissu adipeux blanc
Tissu adipeux
exprimait aussi plusieurs facteurs pro-inflammatoires et
anti-inflammatoires et contribuait très probablement à
l’augmentation de ces molécules inflammatoires circulan- Figure 1. Molécules produites par le tissu adipeux seul (gauche) ou
également par d’autres tissus (droite).
tes dans l’obésité. En effet, il a été établi que le tissu
adipeux était capable de produire des cytokines inflam-
dans la production de cytokines inflammatoires circulan-
matoires (TNFa, transforming growth factor b et interféron
tes est difficile à déterminer dans l’obésité et durant les
c), interleukines (IL) (IL-1, IL-6, IL-10 et IL-8), des facteurs
différentes phases d’évolution. Ainsi, dans les cas extrê-
procoagulants (plasminogen activator inhibitor 1 ou
mes d’obésité où tous les dépôts de tissu adipeux sont
PAI-1, fibrinogène, angiopoïétine, métallothionine et fac-
augmentés en volume, la part relative de la masse des
teur du complément 3) et des cytokines chémo-attractante
deux tissus adipeux et des autres tissus dans la production
ou chémokines (monocyte chemotatic protein-1 ou
de ces facteurs pro-inflammatoires est inconnue.
MCP-1, et macrophage inflammatory protein 1␣) [3]. Cer-
taines de ces molécules sont des protéines inflammatoires
de la phase aiguë telles que IL-6, CRP et haptoglobine. On
a observé que différentes isoformes du serum amyloid A
Tissu adipeux sous-cutané
(SAA), habituellement connues pour être produites par le
ou viscéral ?
foie, sont aussi produites par le tissu adipeux. Le taux Classiquement, l’accumulation de tissu adipeux dans
circulant de SAA est augmenté en cas d’obésité, corrélé la partie haute du corps (aussi appelée obésité androïde ou
avec le volume du tissu adipeux et modulé par la perte de obésité centrale) est un facteur de risque de diabète de
poids. L’obésité est associée à une diminution de la pro- type II, d’hypertension artérielle, de dyslipidémies et de
duction d’adiponectine qui est considérée habituellement maladies cardiovasculaires [4, 5]. Les mesures de l’indice
comme un facteur ayant des propriétés anti- de masse corporelle et du périmètre abdominal sont deux
inflammatoires et insulinosensibilisatrices. Contrastant outils importants pour le clinicien et, d’un point de vue
avec les maladies inflammatoires habituelles, l’obésité est épidémiologique, définissent un risque associé aux co-
associée à une augmentation modérée mais chronique morbidités. La fréquence de l’intolérance au glucose est
d’un « cocktail » de plusieurs facteurs inflammatoires. La significativement plus importante chez les femmes avec
contribution relative des différents organes et tissus (foie, une obésité tronculaire que chez les femmes avec une
système lymphoïde, tissu adipeux sous-cutané et viscéral) obésité de la partie inférieure du corps. De même, le taux
de triglycérides plasmatiques est significativement plus
élevé chez les femmes présentant une obésité centrale [5].
Abréviations
À l’inverse, l’excès de tissu adipeux dans la partie infé-
CD87 : urokinase plasminogen activator receptor
rieure du corps, appelée obésité gynoïde, ne semble pas
CSF-3 : colony stimulating factor 3
HLF-1a : hypoxia inducible factor
avoir de conséquences métaboliques importantes [4, 5].
IL : interleukine Chez les femmes, les sites de localisation prédominante
MCP-1 : monocyte chemotatic protein- du tissu adipeux offrent un marqueur pronostique impor-
PAI-1 : plasminogen activator inhibitor 1 tant pour les complications métaboliques. Le tissu adipeux
SAA : serum amyloid A a des spécificités anatomiques, en particulier en ce qui
TNFa : tumor necrosis factor alpha concerne l’expression et la sécrétion de plusieurs adipo-
kines. La leptine est préférentiellement sécrétée par le tissu

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adipeux sous-cutané alors que l’expression de l’adiponec- tuellement en cours d’investigation. Une proximité entre
tine, PAI-1, IL-8 et IL1b, est plus importante dans le tissu le profil de l’expression des gènes des macrophages et des
adipeux viscéral [6]. Il existe en revanche des études préadipocytes a été établie, indiquant que les adipocytes
discordantes en ce qui concerne l’expression et la sécré- pourraient avoir des propriétés « macrophagiques », sur-
tion de IL-6. Les différences en termes de capacité de tout lorsqu’il sont placés dans un environnement pro-
sécrétion et de production de cytokines en fonction de la inflammatoire [10, 11]. Mais la transplantation de cellules
localisation du tissu adipeux sous-cutané ou viscéral et médullaires chez des souris irradiées permet d’établir que
leur abondance respective chez certains individus contri- l’infiltration macrophagique du tissu adipeux provient
buent certainement à augmenter le risque relatif des com- principalement de cellules d’origine médullaire. Notre
plications métaboliques et cardiovasculaires et le déve- équipe a montré que l’infiltration macrophagique du tissu
loppement d’autres complications telles que la stéatose adipeux chez les femmes obèses présente un aspect typi-
hépatique. Le rôle de certaines molécules liant l’obésité à que d’agrégation en couronne autour des adipocytes [9].
des complications spécifiques reste à identifier. D’autres Ces agrégats macrophagiques ressemblent étrangement
dépôts de tissu adipeux, en particulier au niveau de aux caractéristiques classiques de l’état inflammatoire
l’épicarde, expriment également des médiateurs inflam- chronique. Ces macrophages infiltrants expriment des
matoires en l’absence d’obésité et de diabète avéré. La marqueurs d’activation. Une infiltration par d’autres types
production locale par le tissu adipeux épicardique de de cellules inflammatoires chez des patients obèses tels
molécules inflammatoires et sa proximité avec les vais- que des lymphocytes, des granulocytes ou des cellules
seaux coronaires pourraient contribuer à la pathologie géantes, n’est pas exclue.
coronaire.

Adipocytes ou stroma vasculaire ? Mécanismes de l’infiltration


macrophagique dans le tissu adipeux
Le tissu adipeux est un tissu très hétérogène, composé
de plusieurs types cellulaires : les adipocytes matures, Les facteurs induisant l’infiltration et l’activation
plusieurs autres petites cellules (des préadipocytes, fibro- macrophagique au sein du tissu adipeux sont probable-
blastes, cellules endothéliales, histiocytes et macropha- ment multiples (figure 2). Les signaux paracrine, autocrine
ges), le plus souvent regroupées dans ce qu’on appelle la et endocrine ainsi que les modifications mécaniques (hy-
fraction stroma vasculaire. Tous les types cellulaires ne pertrophie et hyperplasie adipocytaire) semblent jouer un
sont pas identifiés. En raison de cette hétérogénéité tissu- rôle dans ce phénomène. Des cytokines chémo-
laire, l’origine cellulaire des différents facteurs inflamma- attractantes comme MCP-1, colony stimulating factor 3
toires sécrétés par le tissu adipeux est débattue. Certaines (CSF-3) et d’autres cytokines spécialisées pourraient inter-
études in vitro montrent que les adipocytes isolés peuvent venir dans le recrutement de macrophages au sein du tissu
exprimer plusieurs facteurs inflammatoires tels que le adipeux. Des études in vitro suggèrent que la leptine
TNFa mais que la production principale vient des cellules elle-même, à des doses supraphysiologiques, est un fac-
de la fraction stromale. En revanche, notre équipe a mon- teur induisant l’adhérence et la migration des macropha-
tré que la protéine SAA est surexprimée et sécrétée au ges de la moelle osseuse dans des cultures de cellules
niveau des adipocytes isolés par rapport au stroma vascu- endothéliales [8]. À l’inverse, l’adiponectine inhibe ce
laire. L’importance des cellules du stroma vasculaire dans processus dans un modèle de cultures de cellules endo-
la sécrétion des facteurs inflammatoires est maintenant théliales d’origine aortique. Ces différentes observations
assez bien reconnue, en particulier dans des états patho- permettent d’émettre l’hypothèse qu’il existe une action
logiques comme l’obésité. locale et double des différents types d’adipokines exerçant
un effet stimulateur ou inhibiteur du recrutement macro-
phagique au sein du tissu adipeux. Peu de choses sont
Infiltration macrophagique encore connues sur le rôle des sélectines et intégrines,
du tissu adipeux éléments d’adhésion de la matrice extracellulaire, dans
l’attraction macrophagique au sein du tissu adipeux.
De nombreuses études publiées par des équipes fran- L’analyse de l’expression génique à large échelle, telle que
çaises et nord-américaines mettent en évidence que le l’on peut le faire avec des puces à ADN par exemple,
tissu adipeux des patients ou des animaux obèses est la permet d’identifier des nouvelles cibles et acteurs molé-
cible d’une infiltration macrophagique importante et que culaires jouant un rôle dans ces processus. Grâce à ces
cette infiltration est proportionnelle à l’indice de masse approches, nous avons observé que le niveau d’expres-
corporelle et à l’hypertrophie adipocytaire [7-9]. L’origine sion de MCP-1, CSF-3 et du récepteur à l’urokinase
de l’infiltration macrophagique du tissu adipeux est ac- plasminogen activator (CD87) par exemple, était associé

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Endothélium
Activation et infiltration
macrophages
Effets systémiques

Leptine Effet local


IL-10
MCP-1
Hypoxie

Adipocytes OBÉSITE

Prise de poids Hypertrophie Perte de poids


Hypertrophie Hyperplasie Régression
Hyperplasie Adipocytaire Hypertrophie
Adipocytaire Infiltration Infiltration macrophagique
Macrophagique

Figure 2. L’obésité : une maladie inflammatoire ?

de manière concomitante et augmentait de façon impor- Rôle de l’infiltration macrophagique


tante dans le tissu adipeux de sujets présentant une obésité dans le tissu adipeux
morbide associée de plus à une infiltration macrophagi-
que importante [9]. MCP-1 (connus également sous le Dans le tissu adipeux, les macrophages semblent
nom de CCL2) est une cytokine chémo-attractante puis- contribuer au maintien de l’état inflammatoire chronique
sante et son action est transmise par le récepteur CCR2. de bas grade associé à l’obésité. Plusieurs observations
Des souris knock-out pour le gène CCR2 (CCR2-/-) présen- appuient l’hypothèse du rôle potentiellement délétère de
tent une diminution importante de l’infiltration macropha- l’infiltration macrophagique au sein du tissu adipeux dans
gique au niveau du tissu adipeux [12]. Chez ces souris, la genèse de l’obésité et des pathologies associées à celle-
l’expression de l’adiponectine est augmentée comparée ci. Malheureusement, le phénotype des macrophages du
aux témoins et une amélioration de la stéatose hépatique tissu adipeux humain n’a pas été défini précisément ni
et de l’homéostasique glucidique ainsi que de l’insulino- même leur rôle biologique exact dans les différents tissus
sensibilité sont observées. Il semble bien que le récepteur adipeux même s’il existe des pistes. En d’autres termes, ces
macrophages ont-ils réellement un rôle délétère ? Ne
CCR2 et la cytokine MCP-1 pourraient contribuer à l’accu-
participent-ils pas d’un processus d’adaptation associé à
mulation macrophagique au sein du tissu adipeux chez la
l’augmentation de la masse grasse, nécessaire au maintien
souris. Ceci reste à démontrer chez l’homme. Bien
tissulaire. Le développement de techniques permettant
d’autres candidats doivent être identifiés. Le rôle de l’hy-
d’isoler des macrophages au sein du tissu adipeux permet-
poxie adipocytaire locale pourrait aussi jouer un rôle
tra dans un futur proche de terminer leur phénotype. Une
important dans l’attraction et la rétention de macrophages. étude récente a établi que les agrégats macrophagiques au
Ainsi, notre équipe a établi que le facteur HIF-1a sein du tissu adipeux étaient localisés autour d’adipocytes
(hypoxia-inducible factor), qui est un facteur de transcrip- « morts » suggérant que l’une de leur fonction est de
tion induit habituellement par l’hypoxie, est surexprimé nettoyer les fragments nécrotiques adipeux [13]. Nous
dans le tissu adipeux de sujets obèses, et que cette expres- avons antérieurement montré, en utilisant une technique
sion diminue durant la réduction pondérale. L’hypoxie de microscopie électronique, que les adipocytes entourés
tissulaire locale est un inducteur établi l’attraction macro- par les macrophages contiennent dans leur cytoplasme
phagique dans les tumeurs solides ainsi qu’au sein des des granules de lipofuchsine suggérant un vieillissement
plaques athéromateuses. Ces observations suggèrent que accéléré de ces cellules [14-16]. Ceci est en accord avec
le tissu adipeux de sujets obèses pourrait présenter des les études montrant les effets des macrophages dans
aires hypoxiques avec une augmentation locale de l’ex- d’autres types de tissus lorsque l’inflammation locale est
pression de facteurs chémo-attractants stimulés par l’hy- présente. L’accumulation de macrophages semble néces-
poxie. Il est à noter que la leptine est elle-même un facteur saire pour la formation de nouveaux vaisseaux, notam-
connu d’induction du gène d’HIF1 présentant des proprié- ment au site de l’inflammation et des zones ischémiques.
tés chémo-attractantes. Les macrophages pourraient par exemple contribuer au

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L’obésité est-elle une maladie inflammatoire
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contrôle local de la croissance de la masse grasse et posants du syndrome des ovaires polykystiques qui est une
modifier sa biologie. Nous avons montré que la mise en cause d’infertilité chez la femme. Le rôle de l’inflamma-
présence de préadipocytes humains avec des milieux de tion chronique dans ces complications liées à l’obésité
macrophages humains entraînent un changement drasti- reste inexpliqué. La réduction pondérale même modeste
que du phénotype des préadipocytes qui acquièrent un améliore les complications liées à l’obésité. Ziccardi et al.
phénotype pro-inflammatoire, prolifèrent et se différen- [19] ont mis en évidence une amélioration du stress endo-
cient mal [18]. Ces modifications inflammatoires sont thélial après réduction pondérale. De nombreuses études
induites par des cocultures sans contact cellulaire direct indiquent que la diminution de la ration alimentaire et
suggérant un rôle important des facteurs solubles. C’est l’augmentation de l’activité physique sont des facteurs
ainsi qu’un effet double des macrophages du tissu adipeux réduisant l’inflammation globale [20]. Ceci a été établi
peut être envisagé : un effet « bénéfique » local dans le pour la CRP, le TNFa et l’interleukine 6 [21-24]. La
contrôle et dans la limitation du développement de la concentration plasmatique en PAI-1, CRP et alpha 1 acid
masse grasse et de façon simultanée un effet systémique glycoprotein est diminuée de façon importante chez les
délétère via l’augmentation de production et de sécrétion patients présentant une obésité morbide ayant subit une
de chémokines et de cytokines inflammatoires facilitant la chirurgie bariatrique [25]. Nous avons montré des modi-
genèse et la progression des complications de l’obésité fications biologiques dans une cohorte de 60 patients
[17]. Ce sont des hypothèses qu’il faudra confirmer in
obèses, un an après réduction pondérale (diminution de
vivo.
30 % du poids initial). Une réduction importante de la
CRP, de la SAA, de la protéine orosomucoïde, IL-6, TNFa,
fibrinogène et une augmentation du taux d’adiponectine
Conséquences systémiques circulante sont observées. La cinétique de ces modifica-
de l’accumulation macrophagique tions était différente d’une molécule à une autre. Par
au sein du tissu adipeux exemple, après intervention chirurgicale (chirurgie de
l’obésité), le taux d’IL-6 diminue lentement alors que le
L’accumulation de macrophages au sein du tissu
taux de SAA et/ou de CRP diminue très rapidement [26].
adipeux contribue à l’augmentation de concentration
Nous avons également établi l’amélioration de l’in-
systémique de cytokines inflammatoires. L’action de
flammation à bas grade systémique lors d’une réduction
certaines molécules inflammatoires tendrait à être le lien
moléculaire entre le tissu adipeux et les complications pondérale modérée, liée à un régime hypocalorique, et
métaboliques cardiovasculaires ou hépatiques de l’obé- ceci était associé à une modification d’expression des
sité. En particulier, il a été proposé que l’augmentation des gènes inflammatoires dans le tissu adipeux sous-cutané de
taux de TNFa, de l’IL-6 et de la résistine, et de bien femmes obèses [27]. Environ 100 gènes liés aux processus
d’autres facteurs produits par l’activation macrophagique inflammatoire ont été modifiés après 4 semaines de ré-
pourraient contribuer directement aux mécanismes de gime très hypocalorique (41 % en augmentation et 59 %
modification de l’insulinosensibilité dans les différents en diminution). Ces gènes appartenaient à 12 familles
dépôts de tissu adipeux. Des différences pourraient exister fonctionnelles incluant les cytokines, interleukines, la cas-
entre l’homme et le rongeur ; la spécificité, si elle existe, cade des facteurs de complément, les protéines de la
de chacun de ces molécules dans le développement des phase aiguë et certaines molécules mettant en jeu les
complications systémiques n’est pas encore déterminée. contacts cellulaires ou le remodelage de la matrice extra-
De même, un facteur circulant systémique qui pourrait cellulaire. Ainsi, après 4 semaines de régime très hypoca-
être corrélé avec l’infiltration macrophagique au sein du lorique ayant entraîné en moyenne une réduction pondé-
tissu adipeux n’a pas été trouvé. rale de 5 à 6 kg, le profil d’expression des gènes
inflammatoires du tissu adipeux sous-cutané chez des
patients obèses ressemblait à celui des patients non obè-
Effet de la réduction pondérale ses, malgré une différence persistante de phénotypes cli-
sur l’inflammation systémique de bas nique et biologique entre ces deux groupes. L’améliora-
grade et l’infiltration macrophagique tion de ce profil inflammatoire n’était pas seulement liée à
la réduction d’expression de facteurs pro-inflammatoires
L’obésité peut donc être considérée comme un état mais également à l’augmentation de l’expression de fac-
d’inflammation chronique de bas grade comme de multi- teurs anti-inflammatoire tels que l’IL-10 ou l’IL-1-Ra. Cette
ples pathologies associées telles que l’athérosclérose, le réduction de l’expression des gènes inflammatoires dans
diabète de type II et la stéatose hépatique non alcoolique. le tissu adipeux était associée à une diminution significa-
De la même façon que le diabète de type II, l’hypertension tive de l’infiltration inflammatoire macrophagique [9].
artérielle et les maladies cardiovasculaires, l’obésité est un Cette réduction était associée à un phénotype
facteur associé de réduction de la fertilité et un des com- pro-inflammatoire macrophagique modifié (augmentation

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