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NOUVELLES
APPROCHES
ORRIGER
DES COPIES
ÉVALUER POUR FORMER
O dile et Jean Veslin
Préface de Jean Cardinet
PEDAGOGIES POURDEMAIN
NOUVELLES
APPROCHES
VORRIGER
DES COPIES
Évaluer pour former
Odile et Jean Veslin
Préface de Jean Cardinet
HACHETTE
HÊ Education
Les auteurs ont suivi des carrières parallèles dont cet ouvrage est le
rejlet.
Odile Veslin, ancienne élève de l'E.N.S. de Sèvres, est agrégée de lettres
classiques, et professeur de lettres, d’abord en lycée, puis au collège
expérim ental de la Villeneuve de Grenoble depuis sa création. Elle
enseigne toujours dans cet établissement, qui appartient aujourd'hui à
une Z.E.P., et, parallèlement, elle anime des form ations sur le thème
«évaluation et apprentissage» à la MAFPEN de Grenoble.
Jean Veslin, ancien élève de l'E.N.S. de Saint Cloud, agrégé de sciences
naturelles, a enseigné en lycée, puis au collège expérimental de la Ville-
neuve de Grenoble. Il a participé à des recherches en didactique des
sciences expérimentales avec l'Institut National de Recherche Pédago
gique. Actuellem ent, il parta ge son tem ps entre des activités de
recherche en didactique, la form ation des enseignants (MAFPEN de
Grenoble, en collaboration avec l'Université J. Fourier) et l'enseignement
de la biologie et de la géologie en collège, dans une Z.E.P.
Remerciements.
Partie 5 : Et la notation ?
Comment se pose le problème .................................. 132
La notation en sommatif ......................................... 135
La notation en formatif ............................................ 144
Articuler sommatif et formatif.................................... 149
Bibliographie 155
Vers une pratique
évaluative raisonnée
Vue d'ensemble
dile et Jean Veslin nous présentent un ouvrage parfaitement
O équilibré, limpide dans son plan comme dans son style. Ils décri
vent d’abord comment la correction des copies est vécue par les
enseignants et par les élèves. Le constat affligeant qu’ils en tirent ju s
tifie la recherche, au chapitre 2, d'une façon de corriger les copies plus
utile à l'apprentissage, plus formative. Sa mise en pratique repose sur
l'explicitation par l'enseignant des critères d'une exécution correcte de
la tâche : c'est l’objet du chapitre 3. Mais l'appropriation de ces cri
tères par l'élève rend ce dernier autonome (chapitre 4). Le dernier cha
pitre traite de la certification finale du succès obtenu.
fi
C orriger des copies
fe
Vers une pratique évaluative raisonnée
Perspectives d'application
ous les efforts tentés jusqu'ici pour rationaliser l'évaluation scolai
fl
Corriger des copies
Jean Cardinet
Ne corrigeons plus idiot...
a
Représentations
SOMMAIRE
Du côté des
correcteurs.................... 12
Du côté des élèves...........22
Quelle relation entre
ces représentations ? ....... 30
Corriger des copies
Da
Un malaise ................................................................... 12
Évidence ? ................ .................................................... 13
Intimité....................................................................... 14
Présence de l'élève ? ................................................ .... ... 1 5
Le temps que ça prend...................................................... 15
Inutilité ........................... 16
Effet de miroir............... 17
Angoisse....................................................................... 18
Situation de pouvoir ........................................................ 20
Un malaise
e qui apparaît à l’évidence, tout d’abord, c’est la prédominance
A ctivité incontournable
Il est vrai que l’utilité de la correction de copies se voit un peu mieux
classée que son intérêt : 12 mentions négatives selon notre échelle,
contre 6 mentions positives, le reste correspondant à la valeur moyen
ne. Il y a donc un décalage : « Cela me pèse, mais cela sert tout de
même à quelque chose », pensent un certain nombre de professeurs.
C’est sans doute, outre la position incontestable que l’institution
assure à cette activité, l'une des raisons pour lesquelles les ensei
gnants, même accablés par la corvée, ne s’accordent généralement
pas le droit de s’en dispenser - ou, s’ils trouvent des biais divers pour
la réduire (devoirs moins fréquents, relevé d’une partie des copies
12
seulement), en ressentent une certaine culpabilité («On ne peut pas
faire autrement»... « Si les classes étaient moins chargées...»).
Entre enseignants, le fait d’avoir ou non des copies à corriger est sou
vent avancé comme un facteur important d'inégalité dans le travail :
les forçats, les bagnards, ce sont les professeurs des matières à
copies, la palme du martyre allant peut-être, dans le secondaire, aux
professeurs de Philosophie, qui en reçoivent un grand nombre, volu
mineuses par surcroît.
M Imagerie
L’imagerie ambiante confirme cette perception négative. Dans le film
« Une semaine de vacances », Nathalie Baye, interprétant le professeur
qui craque, jette au vide-ordures son paquet de copies, geste symbo
lique de sa lassitude, où certains reconnaîtront ce qu'ils ont parfois
rêvé de faire... Au détour d’une interview télévisée, Mme Gentzbittel,
proviseur du lycée Fénelon, énonce comme une évidence que devenir
proviseur, après avoir été professeur, comporte au moins l’avantage
d’échapper à la correction des copies ; elle ne s’y attarde pas autre
ment, cela va de soi !
Évidence ?
ais ce qui est surprenant, sur ce fond négatif, c’est, pourtant, un
S Le ju s te et le faux
Ou bien l'on se dit qu’il suffit d’être compétent quant au contenu pour
corriger. Tout se joue dans l’adéquation plus ou moins grande entre ce
que l’on attend et ce que l’on trouve. « Je confronte avec la réponse par
fa ite », écrit quelqu’un. Dans le meilleur des cas, ce que l’on trouve
serait le reflet de ce qu’on attend, et le correcteur, telle une vitre trans
parente, n’aurait rien à faire ; en général, il y a des erreurs : la vitre
comporte un appareil-détecteur qui se déclenche et reporte sur la
feuille un signe correspondant au dysfonctionnement perçu. Les caté-
C o rrig er des coptes
gories qui guident cette détection sont souvent évoquées, elles aussi,
dans une espèce d’évidence, et comme si elles ne relevaient d’aucun
choix ; pour les enseignants de Français, par exemple, s’imposent les
notions de form e et de contenu.
S Absence de technicité
Dans le même sens, on peut remarquer que, parmi les mots associés
par nos 26 professeurs à correction de copies, il y a peu de termes
techniques : évaluation 5 fois seulement, notation 2 fois, erreurs, solu
tion, bilan une fois chacun ; contrôle/vérification sont les plus fré
quents, avec 6 mentions, ce qui est tout de même peu comparé aux 72
expressions du vécu, dont 59 négatives. Est-ce trop charger le trait
que d’en déduire : « Face à la correction de copies, les enseignants ont
tendance à se percevoir en esclaves, en victimes, plutôt qu’en techni
ciens ? » C’est, en tout cas, une hypothèse possible. Y a-t-il relation de
cause à effet entre les deux, et dans quel sens ? Est-ce parce qu’on est
astreint à cette corvée par une condition déterminée de l’extérieur qu’il
paraît vain de chercher à s’en approprier une maîtrise technique ? Est-
ce l’absence de technicité qui produit l’accablement ? Sans doute les
deux choses s’alimentent-elles mutuellement. En tout cas, le couple
évidence/corvée nous semble assez pervers : on se trouve devant une
sorte de fatalité. Sur quoi pourrait-on bien agir ?
Intimité
Corriger ses copies, c’est aussi un acte secret, privé, intime - même si
la copie redevient ensuite publique.
14
i. Représentations
Cette correction produite dans l'intimité, elle est destinée à être lue,
mais à l’intérieur seulement de la relation pédagogique. On se sent un
peu indiscret quand, enseignant, on a accès aux corrections écrites
par un autre enseignant. Ainsi des professeurs, invités au cours d’un
stage à observer les annotations portées par des collègues sur des
copies anonymées, nous ont demandé si nous avions sollicité auprès
des collègues en question l’autorisation d’utiliser leurs copies. Le pro
blème n’a pas été soulevé pour les élèves, auxquels les copies apparte
naient autant, sinon davantage. Signe que quelque chose de l ’ensei
gnant se livre dans la correction.
Présence de l’élève ?
n autre point asse2 frappant, c’est que. dans les associations de
■ Une épreuve
Le temps passé à la correction de copies, à la différence des prépara
tions de cours qui sont plus élastiques et peuvent éventuellement
resservir, est en effet peu compressible. On a parfois l’impression que
les enseignants, souvent interpellés sur la souplesse et la légèreté de
leurs horaires, ne sont pas mécontents de se décrire comme des tra
vailleurs de force devant ces tas, ces paquets dévorateurs d’heures et
d’énergie. La correction prend quelquefois l ’allure d ’une véritable
épreuve physique : tel parle de mal au dos, tel autre de mal aux yeux
ou de mal à la tête.
Inutilité
Les choses s’aggravent quand, couplé avec l’idée du temps que cela
consomme, apparaît un sentiment d’inutilité. Inutilité, impuissance,
déception, découragement figurent comme associations dans la moitié
de nos questionnaires.
Effet de miroir
a correction de copies fonctionne aussi, pour l’enseignant, comme
Angoisse
angoisse n’est pas loin. Le terme figure, d’ailleurs, dans les
_ associations proposées par les enseignants qui ont répondu à
mm notre questionnaire.
Cette angoisse est multiple :
Situation de pouvoir
orriger, noter, c’est une situation de pouvoir, vécue, comme tout
Rituel
Vécu négatif
omme chez les enseignants, c’est la prédominance de réactions
C négatives qui nous frappe d’abord. Pour les 91 élèves sondés par
notre questionnaire, on obtient, à la question sollicitant 5 mots
associés à correction de copies, 93 mentions négatives, contre 6 seule
ment positives sans équivoque : angoisse, peur, crainte, désastre (ou
aïe !) apparaissent plusieurs fois ; jugement, contrôle, rouge représentent
le quart des mentions ; comme on pouvait s’y attendre, c’est le mot
faute(s) qui vient en tête (38 fois). Il nous intéressait de comparer les
occurrences de fau te et d’erreur, plus neutre, plus technique :fa u te
l’emporte, mais erreur est tout de même bien représenté (25 fois). Quand
il y a des commentaires, la faute, comme chez les enseignants, apparaît
plutôt comme ce qui ne devrait pas être. Plusieurs élèves regardent
d’abord, sur leur copie, s’il n’y a pas trop de rouge. Toutefois, l’idée de
comprendre ses erreurs est exprimée assez fréquemment (16 fois).
Fréquentes aussi des qualifications telles que dur, pénible, ennui, lon
gueur, dont on peut se demander la signification réelle : en effet, pour
1 . Représentations
La note
n ne surprendra personne en relevant ensuite que la majorité
pris en compte tel ou tel aspect sans que cela se traduise automatique
ment par une addition ou une soustraction de points. C'est pourquoi la
notation par lettres, qui rend impossible une comptabilité exacte, n'a
généralement pas leur faveur. Le correcteur qui utilise un barème chiffré
précis leur semble plus fiable. Dans ce cas-là, et surtout dans les tra
vaux où un barème est indiqué question par question, une partie non -s
négligeable du temps consacré à la correction en classe se passe en véri
fications arithmétiques (« Vous m ’avez oublié 1/2 point») ou en comparai
sons de sa copie avec les voisines.
Religion du résultat
L’élève a tendance alors à ne tenir compte que du résultat brut : « Nous
avions mis pareil, pourquoi a-t-il 1 point de plus ?» La vérification montre
à l’occasion une erreur toute simple de l’enseignant, mais aussi parfois
des différences réelles, par exemple dans la manière de formuler une
réponse, ou de justifier un résultat ; aux yeux de l’enseignant, cela légiti
me parfaitem ent une différence de note, alors que pour l’élève, et
d’autant plus qu’il est plus en difficulté, ces choses-là sont accessoires.
Il nous semble qu’un attachement fort à la note fait souvent système,
chez les élèves, avec des représentations telles que : « c ’est le résultat qui
compte, c ’est juste ou c’est fau x.» Peut-être un malentendu de ce genre
est-il sous-jacent à la remarque suivante :« En physique, elle note
n’importe comment. J ’avais eu 12/20 alors que j ’avais tout fa it et c'était
presque toutjuste. »
Z4
l. Représentations
Subjectivité
ertains élèves observent que leurs correcteurs « ne donnent pas
On rejoint l’idée que la correction n’est pas juste. Cette idée est expri
mée fréquemment. Ainsi, nos questionnaires invitaient les élèves,
facultativem ent, à rap porter un souvenir, une anecdote ou une
réflexion relatifs à la correction de copies. Sur les 40 qui ont traité ce
point, plus de la moitié parlent de l'arbitraire de l ’évaluation. Celui-
ci se manifeste de plusieurs manières.
C orriger des copies
Travail bâclé
es élèves se plaignent assez souvent (18 fois) que la correction
Injustice
■ La tête du client
Une autre cause d’injustice : les sympathies ou les antipathies par
lesquelles se laissent entraîner certains évaluateurs. Le cliché de la
tête du client fonctionne toujours. Il est parfois étayé d’anecdotes
dont nous ne citerons qu’un exemple : « En CM2, notre instituteur
nous avait donné un texte à trous. Je l’avais fait avec un copain (un
délinquant !) et nous avions rendu la même copie. Chose étrange :
j ’avais obtenu une note meilleure que la sienne. Je veux dire que cer
tains enseignants parfois corrigent avec leur sentiment. » Plusieurs
élèves sont choqués de voir certains enseignants corriger avec les
photographies des élèves sous les yeux ; pour eux, cela renforce, de
manière assez simpliste, l’idée que c’est la tête qui compte (alors qu’on
pourrait imaginer des raisons tout à fait légitimes de désirer identifier
l’auteur d’une production).
■ Travail et résultat
Certains élèves distinguent les enseignants qui tiennent compte du
travail fourni, et ceux qui ne considèrent que le résultat ; avec ceux-ci,
il n ’y a pas toujours de rapport d irect entre le travail et le
résultat. Cela peut être relativement bien compris, comme dans le
témoignage suivant : « Le plus difficile, c’est de s'apercevoir qu’on a une
mauvaise note alors qu’on a beaucoup travaillé. Bien sûr, travail achar
né ne veut pas forcément dire travail réussi.. »
Mais il arrive que l’élève, surtout s’il est en difficulté, et dans des
matières comme les langues, qui mobilisent en permanence des quan
tités de petites acquisitions parfois fort anciennes, admette très mal
que les efforts qu’il se met à faire n’obtiennent pas immédiatement un
bon résultat pour salaire. Cette attitude nous paraît le symétrique
exact de l’attitude d’enseignant qui consiste à attribuer les difficultés
scolaires au manque de sérieux, d’effort, de travail. Du danger de trop
faire croire à la moralité de la réussite... « La note ne correspond vrai
ment pas au travail, qu’elle soit positive ou négative », conclut un élève.
Plus les représentations de l’élève sur les qualités précises de la per
formance réussie restent floues, plus il est poussé à se référer au tra
vail comme méritant un salaire, et plus grand est le scandale si le
résultat ne correspond pas à l’effort fourni. On trouve fréquemment
cette façon de voir dans les milieux socio-culturels défavorisés : analo
gie avec le travail à l’usine, où l’on est payé à l’heure et non à la quali
té de la production ? ou protection contre le risque de désespérance
(« il suffit de s ’y mettre = il n’y a pas de handicap») ?
Délit d’opinion
n autre élément jugé responsable d'évaluations arbitraires serait la
En g ris et en rouge
Nous retrouvons ce cliché, un peu M'aurait-il attribué ma mauvaise
plus étayé, dans l'exemple suivant: note par rapport à ce que j'avais
« En Sixième, mon professeur de dit ?» ... L’anecdote laisse dans
Français nous avait donné une l’ombre plusieurs choses : l’ensei
rédaction. Le sujet était : Décrivez gnant a-t-il fourni d ’autres élé
vos souvenirs de camping. Alors ments d’évaluation ? Quel statut
j'ai fait ma rédaction, et j'ai précisé
avalt-il voulu donner à sa remarque
à maintes reprises que j'étais seule
lors de ce cam ping. A lo rs la (conseil véritable, humour, expres
réflexion de mon prof., écrite en sion personnelle) ? Mais reste-on
gros et en rouge, fut : Il ne faut maître du statut de ce qui est écrit
jamais à votre âge camper seule. en gros et en rouge ?
Rôle de la discipline
ouvent, les différences observées par les élèves parmi leurs cor
Evaluation utile ?
Nous avons tout de même trouvé nous font référer à notre livre. »
quelques élèves conscients de dif ■ « Mon professeur de Math barre
férentes techniques m ise s en l’opération quand elle est fausse, à
œuvre dan s la correction des moi de trouver l'erreur. Pour les
copies. Il s’agit d’une classe ayant bons élèves, c’est astucieux ; pour
affaire à des enseignants qui utili les mauvais, ça embrouille tout.
saient très diversement l’évaluation, Mon professeur d'Histoire souligne
ce qui a pu alerter les plus subtils. mes erreurs et me donne les
■ « Il y en a qui nous laissent cher réponses justes à côté ; c'est intelli
cher la faute et d'autres qui nous la gent dans cette matière, car
corrigent. D ’autres aussi nous font lorsqu'on ne sait pas, on ne va pas
autoévaluer pour mieux voir où l’on s'amuser à reparcourir 32 pages ;
fait nos erreurs. Il y en a aussi qui là, on connaît la réponse, on le
1. Représentations
r■ *sau
saura la prochaine fois. En Fran choses pouvant aider l’élève
çais, notre professeur souligne les concerné (critères de réussite, pro
erreurs, les nomme, mais, chose positions d'exercices sur les points
très importante, il nous souligne que l'élève a ratés, conseils :« Tu
aussi les bonnes choses. » Cette devrais faire ceci à la place de
élève n’est pas la seule à exprimer cela »). Une correction de copies
un intérêt pour la mention par sert à faire que les élèves ne refas
l’enseignant des réussites du tra sent pas la même bêtise qu'ils ont
vail. faite dans le devoir précédent. » La
■ Un autre : « Certains profs corri même élève mentionne l’utilité de
gent non seulement en citant ce qui
pistes pour corriger, assorties
est faux, mais en disant ce qu'il faut
d'« outils qui nous permettent de
faire pour que ça ne le soit plus.
nous repérer ». Le terme d’outils
Dans ce cas-là, ils écrivent beau
coup, mais pour ma part je préfère était utilisé par l'enseignant.
ça à un prof, qui mettrait juste la ■ Certes, ces représentations ne
note et soulignerait les fautes. » sont pas dominantes, pas plus que
■ Dans le même sens, voici un les pratiques d’enseignants qui leur
témoignage qui pourrait encourager correspondent et les rendent pos
des enseignants sceptiques sur sibles. Mais qu’elles existent auto
l'intérêt porté par les élèves à rise certains espoirs, sur lesquels
leurs commentaires : « Je pense nous reviendrons ultérieurement,
que pour bien faire une correction puisque c'est le propos même
de copies, il faut mettre le plus de cet ouvrage.
Révolte, rancœur
l reste que, le plus souvent, la position des élèves quant à la correc
Symétrie........................................................................ 30
Silence ..... 30
Équilibre ? ................................................... 31
Symétrie
i, considérant à la fois les représentations des correcteurs et des
Silence
l s’agit aussi d’une relation dans laquelle on ne se parle pas :
Équilibre ?
a relation ainsi conçue est en équilibre, même si personne n’y
C orrection de copies
Docum ent 1
Questionnaire proSesseur
3. Vous corrigez un paquet de copies - Décrivez comment vous vous y prenez (le
plus concrètement possible).
C o rriger des copies
Questionnaire é lè v e s
2. Quand on vous rend une copie, qu'est-ce qui vous paraît le plus important ?
3. Avez-vous remarqué des différences dans la façon dont vos enseignants corri
gent vos copies ? Faites vos observations et vos commentaires.
32
- r
33
Corriger des copies *
L
e temps et l'énergie consacrés par les enseignants à l’annotation
des copies, n'ont de sens que si les élèves u tilisen t leurs
remarques, c'est l'évidence même.
34
X 2 . Pour une attitude formative en correction
Difficultés de vocabulaire
La diversité des termes qui signalent une erreur dans la rédaction
peut aussi poser problème à un lecteur non averti : entre mal dit,
vague, confus, impropre, inexact, lourd, gauche, maladroit, peu clair, et
Corriger des copies
Tout un plat...
dy, élève de Troisièm e d ’un ment le passage incriminé, réécrit,
niveau moyen, écrit dans un récit docile : « Alors il grimpe à l'arbre
la phrase : « Alors il grim pe à plat qui se trouve dans l’allée... »
l’arbre qui se trouve dans Nous prions le lecteur de ne pas
l’allée... ». Plat, note rapidement le croire que cet exem ple ait été
professeur, dans l’interligne. Et inventé pour les b e so in s de
Cindy, corrigeant consciencieuse- cause.
De même les bien, assez bien, très bien, s’ils ont l’avantage de gratifier
l’élève, ne lui signalent en fait aucune réussite précise : l’idée est-elle
juste ? la formule heureuse ? S’agit-il d’une démarche délicate menée
à bien ? Il y a des chances pour que l’élève riaille pas au-delà d’un :
« Ça lui a plu », dont il ne tirera pas d’autre profit.
De toutes manières, les annotations positives, pour le maître comme
pour l’élève, apparaissent un peu comme luxueuses, tant il est vrai que
corriger, pour tout le monde, c’est avant tout pointer ce qui ne va pas.
Annotations vagues
arfois, c ’est le vagu e caractérisé, su rtou t au niveau des
M «F a ire des e f f o r t s !»
On observe ici une sorte de glissement, qui n’est pas rare, de la tech
nique à la morale : « Bien plat ; tu aurais pu fa ire un effort d ’imagina
36
Z. Pour une attitude formative en correction
P celui-ci d’être trop vague, que nous revoyons telle copie dont un
enseignant pointilleux a surchargé les marges, voire les inter
lignes, de remarques détaillées... Sans doute l’élève est-il assuré que
son travail a retenu toute l’attention du maître, et ce n’est pas rien.
Mais comment classer toutes ces observations ? Comment repérer,
parmi elles, ce qui est important ? Souvent, en pareil cas, l’élève cons
ciencieux se rabattra, pour se corriger, sur ce qu’il identifie aisément
(à la fois grâce au codage et par suite de représentations anciennes
sur la faute) : les erreurs d’orthographe, alors même qu’il peut s’agir
d’un travail où cet aspect n’est pas essentiel.
Annotations ambiguës
ertaines questions de nos propres élèves nous ont aussi alertés
C opie 1
Document 3
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ïs
Z. Pour une attitude formative en correction
Annotations agressives
expression personnelle de l’enseignant peut aussi se teinter
d'agressivité. Sans doute est-ce lié à la lourdeur même de la
tâche : il faudrait être un saint pour regarder avec la même
bienveillance l'erreur que l’on rencontre pour la vingtième fois dans un
paquet et pour laquelle, cependant, on avait cru si bien mettre en
place dans son cours les garde-fous adéquats. Car l’erreur de l’élève
détient aussi le redoutable pouvoir de nier l’efficacité du maître, de
remettre en cause un travail dont la qualité intrinsèque n’est rien si
elle n’est confirmée, ratifiée, par la réussite de celui qui apprend. Qui
s'étonnerait alors de l’agressivité ?... Ainsi, les «o h !» qui ponctuent cer
taines copies sont-ils rarement admiratifs. Plus explicitement, on trou
vera : « Des fau tes de verbes impardonnables », ou encore, ironique :
« 6 / 20, avec mes compliments !», ou, carrément blessant : « Tissu infâ
me d ’inepties racontées en charabia. » Il est rare que le ton soit aussi
hostile, mais on a vu tel élève réagir bien vivement au «Bof...» qui com
mentait avec négligence une de ses idées. Nul doute que tout cela, si
compréhensible, si humain que cela puisse être, ne constitue pas vrai
ment une aide à l’apprentissage, d’autant que nous pouvons nous
tromper en évaluant l’effort accompli par l’élève, et imputer à la désin
volture ce qui est difficulté réelle ou handicap.
Les clichés
Cela rejoint le problème des clich és, que l’enseignant perçoit comme
tels à la lumière d’une expérience de lecture que les élèves sont loin de
partager. Cette annotation, quand elle est comprise, est toujours res
sentie comme agressive : qui peut accepter qu’on lui dise que son lan
gage n’est pas le sien ? « Dans ce type de sujet, il fa u t éviter de redire ce
que tout le monde pense » : quels moyens l’élève a-t-il de distinguer sa
pensée, qu’il croit évidemment personnelle puisque c’est avec elle qu’il
juge, de celle de tout le monde ?
39
C o rrig er des copies
Annotations impersonnelles
n bon nombre, enfin, des annotations qu’on peut lire dans les
40
Z. Pour une attitude formative en correction
41
C orriger ties copies
C opie 2
Docum ent 4
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z. Pour une attitude {orm ativi encorrectioa
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43
Corriger des copies
■ Admettre l'erreur
Voici maintenant un enseignant de Géologie annotant un contrôle de
connaissances. A la question posée : « Qu’est-ce que le calcaire urgo-
nien nous apprend sur l’histoire de la région?», l’élève répond par
l’hypothèse d’un lac anciennement présent dans la vallée de l’Isère ;
or ceci est contredit par la nature des fossiles présents dans ce calcai
re, point étudié antérieurement en cours. L’enseignant, au lieu de
déplorer qu’une notion vue soit aussi mal assimilée, commente : « R y
a une qualité dans ton compte rendu : tufais marcher ton imagination,
mais... tu n'as pas compris comment, pour savoir ce qui s’est passé, il
faut contrôler ce qu'on imagine... or quand on contrôle ce qu'on imagi
ne,... on constate que ce que tu imagines est faux. Revois bien la liste
des critères (5.3) et travaille cela. »
C opie 3
IA
tent
htecta coyyi^x,
U fa- V )^ -
44
I. Pour une attitude formative en correction
Sur un autre devoir, on lit : « Je crois que tu n’as pas compris ce que
veut dire point de vue. Viens me voir pour m ’en parler. » L’élève a donc
le droit de ne pas avoir compris quelque chose qui a pourtant été
expliqué, le travail continue après que la copie a été rendue.
Rien d’extraordinaire là-dedans, rien qui ne soit à l’occasion fait par
l’un ou par l’autre. Mais systématiser les interventions de ce type, les
intégrer à un dispositif cohérent, leur donnerait une efficacité que,
ponctuelles, isolées, elles ne peuvent avoir.
C aractéristiqu es d 'u n e
a n n o tatio n des copies u tile
lent 6
à l'a p p re n tissa g e
C'est une annotation
- lisible
- cohérente avec elle-même, avec les objectifs poursuivis par l'enseignant dans
la tâche
- accompagnée éventuellement d'un barème
- qui désigne des points positifs, des réussites précises
- qui sélectionne, parmi les erreurs, celles qui sont « prioritaires »
- qui localise clairement l'erreur, en précise la nature (ex : lecture de la consi
gne), oriente la correction
- qui fait référence à des critères précis donnés préalablement
- qui renvoie au cours, à des apprentissages
- qui donne des conseils de méthode
- qui incite l'élève (éventuellement par des questions précises), à identifier ses
erreurs, à répertorier ses erreurs (par exemple sur une fiche de suivi ?),
s’autocorriger, s'autoévaluer
C aractéristiqu es d 'u n e
Docum ent 7
é v a lu a tio n u tile à
l'a p p re n tissa g e
1/ Annotations lisibles
2/ Annotations bien placées (indiquent où il y a erreur)
3/ Évaluation critériée
Critères précis, repérables par l'élève
4/ Remarques compréhensibles par l'élève
Repérage de types d'erreurs (code explicite, référence à un document en pos
session de l'élève)
Norme explicitée
Vocabulaire technique explicité et accompagné d'un travail d'appropriation
Référence à des objectifs précis
5/ Remarques individualisées
Annotation portant un jugement sur la production et non sur la personne
Encouragements
Repérage de types de réussites, d'acquis précis
Motivation à la correction : par exemple, corrections prises en compte dans la
notation
Évaluation réaliste : faire un tri, ne pas tout relever, ne pas demander que
tout soit corrigé
6/ Ouverture vers une remédiation, soit : conseils, consignes de travail, indica
tion des moyens de la correction
Remarques qui sont la base d'un travail postérieur, qui renvoient à un travail
antérieur
Renvoi à des fiches de suivi, à un plan de travail personnel
7/ Référence à la démarche de l'élève
Distinction entre résultats et démarche
8/ Hiérarchie des objectifs, donc des annotations
46
2. Pour une attitude formative en correction
C aractéristiqu es d 'u n e
é v a lu a tio n u tile à
Docum ent 8
l'a p p re n tissa g e
l'a p p re n tissa g e
47
C o rriger des copies
Document 9
Signalisation de ce qui ne va pas
Identification de l'erreur
Repérage des réussites
Absence de réponses fournies par l'évaluateur
Incitation à une activité ultérieure de l'élève (activité de correction)
Indication de la méthode pour corriger
Mise en relation avec les productions antérieures
Netteté, précision de l'annotation
Copies non gribouillées
Lisibilité des annotations
Cohérence dans le système d'annotations
Codage des erreurs ?
Présence d'une note ?
Manifester de la bienveillance
A autres mentions relèvent de la simple bienveillance. Il n’est
1. D’après Quintilien.
48
2 . Pour une attitude formative eu correction
S’adresser à la personne/évaluer le
produit
evenons à nos listes, où certaines des formulations proposées
Favoriser la décentration
En effet, il n’y a de correction possible que par une distance prise par
l'auteur relativement à sa production : si mon produit fait partie de
moi-même, je ne le vois pas vraiment ; je ne distingue pas ce qui en lui
peut être modifié, amélioré, de ce qui serait constitutif de ma personne
; qu’il soit bon ou mauvais, je m’identifie à lui. Nous connaissons tous
ces élèves qui auraient l’impression de perdre leur âme en déplaçant
une virgule, ou, à l’opposé, ceux qui ne conçoivent pas d’améliorer
partiellement un travail dont la nullité globale leur paraît d’autant
plus décourageante qu’ils craignent d'y reconnaître une image de la
leur. Il faut obtenir qu’ils se « décentrent » (1) de leur production, qu’ils
la traitent comme un objet extérieur à eux-mêmes, sur lequel ils peu
vent agir, et dans la réussite ou l'échec de quoi ils ne s’enferment pas.
49
Corriger des copies
50
%. Pour une attitude formative en correction
Je replace le devoir dans l'ensemble les sûrs d’eux qui ont imposé leur
de la classe. Je reconnais les petits point de vue et les timides qui
groupes qui ont travaillé ensemble, font...*
Qu’est-ce qu’apprendre ?
n modèle de l ’apprendre est ici sous-jacent. Sa clarification
1 Apprendre.».
Docum ent ÎO
52
2. Pour une attitude formative en correction
53
C o rriger des copies
I Modèle de la transmission/reproduction
II est marqué par une volonté de centrer l’apprentissage .sur celui qui
apprend. Les références ne sont plus simplement une description des
contenus, mais une description des caractéristiques de l’apprenant en
fin d’apprentissage.
54
z. Pour une attitude formative en correction
Behaviorisme (Comportementalisme)
« Conception de l'activité intellec dus de l'apprenant. Elle est aujour
tuelle qui s'attache aux corréla d'hui largement remplacé par le
tions entre les stimuli extérieurs et mentalisme » (Ph. Meirieu, 1988).
les comportements. Cette concep La stratégie pédagogique corres
tion a inspiré les premiers travaux
pondante utilise une forme de
de la «pédagogie par objectifs» qui
« conditionnement».
s'efforçaient de traduire systé
matiquement les contenus de pro Cette conception est courai
gramme en comportements atten- opposée au constructivisme.
• Statut de l'erreur
Pour l’essentiel, l’erreur conservera le même statut que dans le modèle
précédent. Peut-être même, dans la mesure où les entraînements sur
les composantes élémentaires auront été plus systématiques, plus
rigoureux, paraîtra-t-elle au maître encore plus ... aberrante. Selon
son degré d'optimisme ou sa propension à l'acharnement pédagogique,
l’enseignant fera reprendre plus ou moins de fois les points élémen
taires dont la maîtrise conditionne, selon lui, l’accès à des degrés plus
élevés de compétence. Si l’on privilégiait un fonctionnement collectif, il
pourrait alors arriver que la classe entière piétine sur la première
marche de l’escalier en attendant les lanternes rouges... Heureuse
ment, on baisse le plus souvent les bras avant d’en venir à ces extré
mités ! Voici enfin le modèle 3 qui, en bonne logique d’exposition, aura
nos préférences.
Modèle de la transformation
Le modèle psychologique de référence est le constructivisme : celui
qui apprend construit lui-même ses connaissances par une trans
form ation de ses m odèles spontanés, de ses représentations.
L’enseignant cherche à faciliter ces transformations ; il met en place
des situations adéquates.
Dans ce cadre, ce qu'il y a dans la tête de l’apprenant avant apprentis
sage n ’est pas considéré comme une partie des caractéristiques de
l’expert, mais comme des représentations,(1) des modèles spontanés
1. Le terme re p r é s e n ta tio n tend à être remplacé, par les spécialistes, par celui de c on ce p -
Dans cet ouvrage nous les utilisons comme synonymes.
tio n .
Corriger des coptes
• La tâche complexe
L’enseignant cherche à déclencher ces transformations. L’élève est
placé d’entrée devant des tâches complexes, dans des situations de
résolution de problèmes. On s’intéresse aux stratégies qu’il met en
oeuvre en utilisant ses conceptions, ses modèles spontanés.
• Traitement de l'erreur
Seul ce modèle, nous semble-t-il, permet de donner sa place à l’activité
dans laquelle l’élève apprend et de traiter l’erreur de manière satisfai
sante, dans la correction de copies ou ailleurs.
Quand nous disons satisfaisante, nous pensons, naturellement, à l’effi
cacité dans l’apprentissage, mais aussi à l’intérêt de l’enseignant. Quoi
de plus démoralisant, nous l’avons dit, que le retour obstiné, monoto
ne, d’erreurs indéracinables ? Quoi de plus irritant que l’erreur absur
de, monumentale, qui laisse le stylo muet, le maître démuni devant sa
panoplie de remédiations ?
56
1. Pour une attitude ïormative en correction
r Logique de l'erreur
■ Une classe de Cinquième en biolo eau de pluie sur plumes de canard ;
gie. Situation ouverte d'expérimen appliquant rigoureusement la dis
tations en petits groupes ayant pour tinction masculin/féminin, elle écrit,
objectif de faire progresser le niveau sans se tromper une fois : il travail
de formulation du concept de respi et elle travaille, il sommeil et elle
ration. Une fillette arrive, un bocal sommeille... Cette cohérence, une
béant à la main, et me demande : observation attentive de ses exer
« Jean, pour mon expérience, je vou cices aurait pu me la révéler, mais
drais que tu me mettes de ¡’air là- elle était si loin des repères gram
dedans... » Erreur à inspirer quelque maticaux que je faisais fonctionner
vertige... alors que je ne l’avais pas perçue.
■ Chadia, motivée pour progresser « Il n’y a qu’à regarder I Ils ne savent
en orthographe, a sollicité des pas observer», disons-nous parfois.
pages d’exercices destinés à venir à Mais ceci est une autre question... Je
bout de la confusion classique entre pourrai maintenant, à l’occasion,
sommeil et sommeille, travail et tra percevoir la logique de cette erreur,
vaille, etc. Elle me donne, en bout parce que je l'ai identifiée une pre
de course, l’impression de jouer ses mière fois, et aussi que je l’ai mise
réponses à pile ou face, car les en relation avec un phénomène
formes erronées et correctes s’équi comparable dans la langue arabe.
librent à peu près dans les phrases Cette expérience, pour moi, a été
qu’elle aligne. Irritée devant ce que exemplaire : ils font rarem ent
j’interprète comme faire n'importe n ’importe quoi ; la cohérence évi
quoi, je prends tout de même quel dente à celui qui sait n’est pas la
ques minutes pour lui en adresser le seule possible, le maître ne détient
reproche et... l’écouter me répondre. pas toutes les clefs, seul l’enfant
Et je découvre qu'elle ne fait pas du pourra vraiment dire ce qu’il a com
tout n’importe quoi : les exercices pris, c’est-à-dire comment il a arti
de discrimination entre noms et culé le nouveau savoir avec ceux
verbes ont glissé sur elle comme qu’il possède déjà.
Savoir qu'il existe une cohérence interne des erreurs ne simplifie pas
la tâche de l’enseignant, d'autant plus que l’interprétation n’est pas
toujours aussi aisée que dans le dernier exemple. Pour celui qui précè
de, comment la conception qui fondait la demande d’air se serait-elle
manifestée dans une situation d’écrit ? qu'est-ce que l’enseignant,
l’ayant repérée, pouvait envisager pour la mettre en échec ?
• Un autre regard
On peut corriger des copies avec ce regard-là. « Cette énorme bêtise, de
quel iceberg - auquel j e n'ai pas accès - est-elle l’émergence ? Comment
l’enfant, dans sa petite tête, arrange-t-il son affaire pour pouvoir écrire
cela?» L’intelligence y est gagnante : celle de l’enseignant, qui s’intéres
se aux erreurs ou à leurs conditions de production, qui fait des hypo
thèses à leur sujet, en observe l’évolution ; celle de l’élève, qui n’est plus
considéré comme un imbécile et qui peut être invité à expliciter ses
options, ses façons de faire, pour en trouver peut-être de meilleures. Le
plaisir aussi : il n’est agréable ni d’être méprisé, ni de mépriser ceux
pour qui on travaille. Et l’éthique, dirait Philippe Meirieu, doit égale
ment y trouver son compte.
S7
Corriger des copies
L'erreur
Docum ent i l
58
2 . Pour une attitude formative en correction
Docum ent i l
un mal relevant d’une remédiation un problème pour la résolution
unique duquel plusieurs hypothèses
sont possibles
la mise en évidence de l'ineffi un moyen de déterminer des
cacité de l’enseignant lieux de travail
une chose que l’enseignant quelque chose que l’apprenant
corrige seul peut réellement corriger
Le temps, encore
ela suppose, bien sûr, - et nous retrouvons l’idée de temps - que
59
Corriger des coptes
Quels risques ?
L'opinion des autres
Celui d’être m al perçu par un collègue, par l’inspecteur, par les
parents ?... On peut s’expliquer, se référer aux modèles qui fondent le
choix que l’on fait. Ce ne sera jamais qu’un cas de plus dans lequel
60
2. Pour une attitude ïormative en correction
B L'injustice de l'entraîneur
Erreur de diagnostic
Acceptons donc le risque d’être plus utiles, mieux compris par nos
élèves, plus stimulants, de à une tâche au demeurant peu évitable, de
nous ennuyer moins !...
Corriger -des copies
Des exemples ?
ssez nombreux sont les enseignants, en Langues, notamment,
On peut aller plus loin. Il nous est Si vous éliminiez déjà ces deux
arrivé d’obtenir un bel effet d’indi fautes, quel progrès !
gnation en communiquant à nos Quand vous avez fini d'écrire votre
stagiaires le premier devoir de copie, corrigez les fautes. »
Mathématiques rendu à Emmanuel,
élève de Math. Sup. Ce devoir, long D’appréciation sur la valeur mathé
de plusieurs pages, et qui avait matique, point de trace !... Dans
coûté à son auteur des heures de une perspective de vérification
travail, se voyait doté en guise finale de com pétences, cela
d’en-tête du commentaire suivant : n’aurait aucun sens. Mais il en va
autrement dans une perspective
«Encore 10 fautes en quelques
qu’on peut analyser ainsi :
pages. Je me suis arrêtée là. Il vous
faut apprendre certaines règles : - le devoir, soigné par ailleurs,
- a ou à : au passage à l'imparfait, manifeste de grosses négligences
à est conservé, a devient avait. orthographiques.
Débrouillez-vous pour apprendre - cet élève fait preuve de qualités
ce truc ou un autre. mathématiques.
- quel que soit cet élément, quelle - il se destine probablement à des
que soit la cause, quel qu'il soit, concours dans lesquels la maîtrise
etc... toujours en 3 mots. d’une langue correcte est non
62
z. Pour une attitude formative en correction
Docum ent 12
Ce n'est pas C’est plutôt
63
Lignes directrices
i l'on résume, pour conclure sur ce point, ce qui permettrait de
S corriger utilement une copie, ou, dit autrement, d’avoir une atti
tude formative en correction, on voit, - et cela décevra peut-être
tel lecteur qui s’attendait à des propositions plus techniques - qu’il
s’agit avant tout d’une attitude, dont les composantes essentielles
sont les suivantes :
1. J. Cardinet, « Une évaluation adaptée aux démarches souples », paru dans le n° 256 des
C a h ie r s P é d a g o g iq u e s .
64
L
Z. Pour une attitude formative en correction
<2. T o u te r e la tio n d ’a id e e x c lu t le ju g e m e n t.
(...) Le conseiller doit éviter de prendre des décisions à la place de son
client (...) Il ne doit pas exprimer de jugem ent de valeur personnel (...) «Il
doit susciter <> une prise de conscience libérante. En apercevant ses
erreurs, l’individu se dissocie d ’elles. (...) La confiance accordée par
l’éducateur est égalem ent l ’expression de ce refus d é ju g e r l’autre,
d ’enfermer son avenir dans son présent. C ’est sur cette négation du
sim ple con sta t et su r cet appel au dépassem ent que p eut alors
s'appuyer le développement de sa personne.
3. D o n c l ’é c o le d o it é v a lu e r les é lè v e s s a n s les ju g e r .
(...) L ’évaluation est l’apport d ’information en retour sur le résultat des
actions passées, qui permet au sujet d ’adapter la suite de ses actions
par rapport à son b u t »
Nous voilà loin de la correction des copies ? Sans doute, comme
chaque fois qu’on essaie d’inscrire une réalité concrète, limitée, dans
ce qui lui donne sens.
Changer d’attitude
egarder la correction de copies, ce boulet, cette corvée, comme
R
1.
une des actualisations dans la pratique enseignante de la
relation d ’aide, c’est redonner de l’air, du souffle, du sens, à1
65
Corriger des copies
66
Expliciter les critères
d'évaluation
Comment la correction de copies peut-elle mieux fonction
ner ? Nous avons vu qu’elle est perçue comme une charge
lourde et ennuyeuse par les enseignants, et que les élèves
ne tirent pas un profit suffisant de ce travail pénible. Per
sonne n’est fa u tif : c ’est la situation qui est ainsi. Par
contre chacun, enseignant comme élève, y a sa part de res
ponsabilité. Le changement, dans le sens d ’une améliora
tion, passe par une modification de la situation : arriver à
lui donner une nouvelle signification, former en corrigeant.
Pour cela, un moyen : l'explicitation des critères d’évalua
tion, qui constitue la cheville ouvrière de la communication
pédagogique.
SO M M A IR E
Former en corrigeant :
un outil, les critères.... ...68
Comment définir
les critères .............. ...76
C orriger des copies
Ces outils, ce sont les critères d’évaluation des tâches. Leur expli
citation par l’enseignant et l’installation de conditions favorables pour
que les élèves se les approprient seront l’objet de ce chapitre et du
suivant, lequel aboutira, logiquement, à l ’auto-évaluation.'11
1. Signalons ici que, dans les parties 3 et 4, nous nous référons à la démarche dite « éva
» (cf. bibliographie : G. Nunziati)
lu a tio n f o r m a t r i c e
68
3. Expliciter les critères d'évaluation
• Tâche : c’est l’ensemble des activités exercées par l’élève pour réali
ser cette production.
Nous aurons besoin de distinguer :
• La tâche concrète, précise, et le type de tâche auquel celle-ci
appartient. Par exemple « Faire le compte rendu de telle expérience réa
lisée aujourd’hui» est une tâche concrète, précise, réelle, unique.
« Faire un compte rendu d ’expérience » est un type de tâche, l’abstrac
tion correspondante.
En effet, le but n ’est pas qu’un élève réussisse un jour une tâche
concrète précise (tel compte rendu d’expérience), mais qu’il maîtrise
suffisamment de méthodes et de connaissances pour mener à
bien toute tâche de ce type (tout compte rendu d’expérience).
69
r C o rrig e r des cop ies
70
3. Expliciter les critères d'évaluation
r La norme
La norme c'est ce qui est attendu, moins maîtrisée, moins efficace.
ce qui est considéré comme va Connaître une norme, se l’appro
lable, comme réussi par la société prier, c’est sans doute au contraire
(du moins celle... des spécialistes, un excellent moyen pour s’en ser
en ce qui concerne les apprentis vir quand elle convient, pour la
sages scolaires). Le but de l’appren d é p asse r dans d’autres cas.
tissage est d’aider les élèves à (L’élève qui veut être reçu au bac
s'ap p ro p rie r la norme. S’agit-il calauréat a intérêt à connaître la
d’une normalisation comme on norme attendue à l’épreuve. Si,
l’entend souvent, de façon un peu dans la suite de ses études ou de
réductrice, voire péjorative ?
sa carrière, il trouve que cette
Pas du tout : il s'agit d’aider les
norme n’est pas la meilleure, libre
élèves à s'approprier con scie m
à lui de la laisser de côté et de se
ment cette norme ; c’est sûrement
le meilleur moyen de s’en échapper référer à autre chose).
si on le trouve nécessaire. Ignorer Il n’y a pas de connaissance alié
une norme est un bon moyen d’y nante. Seule l’ignorance est alié
tomber, de s’y faire piéger, ou... de nante, par exemple... l’ignorance
tomber dans une autre peut-être des limites d’une connaissance.
71
C orriger des copies
Le rouge- g o rg e
En cours de biologie, un élève de r é u s s i une c h o se : décrire le
Cinquièm e observe sur un film comportement de l'animal. Mais il
court le comportement d’un rouge- manque l’explication de ce com
go rge mâle qui en attaque un portement. S’il doit, une autre fois,
autre. On lui demande d’écrire un produire un texte de ce genre, il se
texte qui explique ce comporte souviendra (peut-être I) qu’il faut
ment. L'élève se contente de le recommencer à décrire ce qu'il a
décrire, de raconter ce qu’il a vu. observé, mais, en plus, fournir une
Ce n’est pas un devoir réussi. Le lui explication.
dire globalement ne l’aidera proba Décrire ce qui a été observé et expli
blement pas à faire mieux une quer ce qui a été observé sont deux
autre fois. Il est important de lui actions nécessaires quand on réalise
signaler que dans ce texte il a un texte de ce genre en biologie.
• Analyser une tâche, c'est repérer la liste des actions qu’il est néces
saire de mettre en œuvre quand on veut réaliser une tâche.
72
3. Expliciter les critères d'évaluattaa
Document 13
Par exemple, dans le cas de la page 72, on va chercher si les deux procédures
I décrire ce qui a été observé et expliquer ce qui a été observé sont présentes.
Leur absence est repérée comme un manque par rapport à ce qu’on attend : ce
sont bien deux éléments pris en compte pour évaluer, ce sont bien deux critères
d’évaluation.
• C epen dan t : p ou r évaluer, on ne v a pas se contenter de repérer la présen
ce ou l ’absence de telle et telle procédure. On va aussi regarder si chacune
est effectuée correctement.
Pour expliquer ce qui a été observé, il ne suffit pas de fournir n’importe quelle
explication - le mythe ou l’analogie anthropomorphique, si féconds en poésie, ne
conviendront pas en sciences - ; l’explication doit être valable d’un point de vue
scientifique (à définir aux élèves par ailleurs !). Valable d’un point de vue scien-
I tifïque indique la condition que doit remplir la procédure expliquer pour être
réussie. C’est un critère de réussite.
Souvent, dans la littérature qui diffuse les notions relatives à l’évaluation, on
réserve le terme de critères d’évaluation aux seuls critères de réussite.
• Ici nous appelons critère d ’é valuation l ’ensem ble q ui nom m e la procédure
et décrit les con dition s de sa réussite. Ce n’est pas une simple question de
vocabulaire : cela permet d’utiliser plus efficacement l’évaluation comme aide à
l'apprentissage, en multipliant les possibilités d’annotations utiles sur les
copies. Nous y reviendrons.
2) C om m ent utiliser ces critères
L’enseignant peut, au travers des annotations qu’il porte sur la copie, s’appuyer
sur les critères pour communiquer à l’élève quelque chose de précis. Par
exemple, s’il annote les productions de ses élèves en signalant :
- critère a : action faite et réussie111
- critère b : action non faite
- critère c : action faite et non réussie
L’élève devra traduire ces annotations par :
- la façon dont je m’y suis pris pour réaliser cette action-là est efficace : je conti
nuerai à la mettre en oeuvre
- il faudra que j’essaie de réaliser cette action
- j ’ai eu raison d’essayer cette action : je continuerai à penser à le faire ; mais il
faudra que j ’essaie de m’y prendre autrement si je veux la réussir.
Ce sont là des informations importantes pour l’élève.
Nous verrons que l’élève peut aussi utiliser les critères pour dire des choses à
son enseignant II peut, par exemple, annoncer ce qu’il a l’intention de faire ;
c’est une façon d’informer l’enseignant sur son tâtonnement :
« Je vais m’ejforcer, cette fois, d'expliquer et non seulement de décrire », ou bien :
« Je vais essayer de choisir de façon correcte la connaissance qui convient pour
expliquer. »
Bien sûr l'enseignant se doit ensuite de répondre avec précision à cette annonce.
Les types d'annotations signalés plus haut prendront, pour l’élève, encore plus
de valeur.
On voit qu’au travers de cette liste de critères un dialogue précis peut s'amorcer
| entre l’enseignant et l’élève.
Le fait d’annoncer ses intentions ouvre à l’élève les portes d’une autoévaluation
telle que nous la définirons et la décrirons plus loin. Les deux fiches suivantes
proposent des exemples de listes de critères : l’un emprunté à la biologie, l’autre
aux lettres121.1
2
74
y. Expliciter les critères d'évaluatien
D o c u m en t 15
Classe de Troisième.
Objectifs : Percevoir l'essentiel d’un texte d’idées.
Restituer sous forme écrite l’essentiel d’un texte d’idées.
1. Repérer
1.1 le thème général du texte
1.2 les mots-clefs - le repérage est exact
1.3 les éléments/parties du texte
1.4 les idées essentielles
les détails - il est complet (pas d’idées oubliées)
1.5 les liaisons logiques
1.6 l’énonciation
2. Supprim er
2.1 les éléments accessoires - pas d’erreur dans le choix des sup
2.2 les exemples s’ils sont courts pressions à faire (pas de détails)
3. Conserver
3.1 le sens général
3.2 les mots-clefs exactitude
3.3 les liaisons logiques
3.4 l’ordre du texte
3.5 les idées essentielles pas d’oubli
3.6 l’énonciation pas d’élément ajouté
- pas d’avis personnel
- pas d’introduction ajoutée
- pas de conclusion ajoutée
75
C orriger des copies
Des a p r io r i à dépasser
n premier élément, qui n'est pas strictement technique, mais
Le critère : un repère
À quoi donc aura servi le critère ? À pousser celui qui apprend à
repérer une décision importante, que doit prendre tout auteur d’un
récit ; il ne s’agit pas de le dispenser de cette réflexion, de ce choix
créateur, et l’on ne risque pas ainsi de pousser à des productions sté
réotypées - autre objection faite parfois à la définition de critères, et
qui ne devrait s’adresser qu’à des critères mal conçus. Un bon critère
n ’enferme pas, il ouvre !
accord avec l’argum ent». Notons bien qu’au niveau d’une classe de
Troisième la mention en accord avec l’argument n ’est pas un luxe :
certains élèves, sensibles à la seule nécessité d’exemples s’empressent
d’en proposer... qui ont peu à voir avec l’argument ! N’en concluons
pas trop vite qu’ils sont idiots : ils sont en cours d’apprentissage.
Nous avons fréquemment rencontré des cas comparables.
Le critère est donc, en quelque sorte, l'envers en positif du type
d’erreur.
Mais ce qu'on va d’abord trouver ainsi, ce sont des indicateurs. On va
repérer dans la tâche des signes tels que « il n'a pas cité correctement
la connaissance sur la photosynthèse», ou « le personnage de cette suite
de texte n'a plus le même âge que dans le texte support ». C ’est un indi
cateur dans cette tâche concrète-là. Le critère correspondant est « Citer
la connaissance utile sans erreur » ou « Conserver les caractéristiques
des personnages ». Le critère est abstrait : il correspond à un type de
tâche dont la production concrète, précise fait partie.
In d ic a te u rs et c ritè re s
« L'indicateur, c'est l’élément concret que l’on voit dans une tâche, un mot pré
H cis, une phrase précise, un paragraphe précis qui est présent ou dont on attend
** la présence. C’est une réalité, un élément concret de cette production-là. Dans
8 une production voisine, du même genre, ce ne sera pas le même indicateur.
«
Le critère au contraire se rapporte à un genre de production, à une catégorie. Il
S
sU est valable pour un type de tâche. C’est une notion abstraite. Dans telle pro
duction, concrète, précise, le critère s ’actualise sous la forme d’un indica
0 teur bien déterminé. Dans une autre, voisine, du même type, le même critère
fi s'actualise sous la forme d’un autre indicateur bien déterminé.
Exemples :
• En biologie
Type de tâche : «E x p liq u e r ce qu i s 'es t p a s s é .»
Un des critères : « C iter la con na issan ce scientifiqu e g é n éra le q u i convient
sans erreur. »
Indicateurs correspondants :
• pour une explication dans le domaine de la nutrition des végétaux :
« L e s s e ls m in é r a u x s o n t u n d e s a lim e n ts d e s v é g é ta u x c h lo r o
phylliens. »
• pour une explication dans le domaine du comportement animal :
« L e com portem ent d ’u n an im a l est déclen ch é p a r un e stim ulation. »
• En français
Type de tâche : « S u ite d ’un texte n a rra tif.»
Un des critères : « C on server dans le n ouveau récit les cara ctéristiqu es d es p e r
son n a ges d u texte-support. »
7S
3» Expliciter les critères d'évaluation
r Poésie
A in si je lis dans un recueil de propre découverte, quelque chose
poèmes produits par une classe de comme ceci :
collège : Une des caractéristiques de la
« La nuit et le jour, poésie, c’est de « créer la sur
Falaise de craie, (1) prise », invariant dont on explo
Dans le temps perdu rera ensuite des formes possibles -
S’arrêtent. » (2) et non obligatoires- qui seraient,
Ou : dans les productions citées ci-des-
« Les draps tumultent (3) dans le sus :
vent ». (1) : Utiliser la métaphore
Ou encore : (2) : Installer un rythme et produire
« Dans la jardin la langouste affo une rupture en accord avec le sens
lée (4) (3) : Changer un mot de catégorie
Effrayée par la nuit intime (5) grammaticale
Attend... » (4) : Rapprocher des éléments dis
On peut se contenter de faire sa tants dans le réel
vourer ces menues trouvailles, et (5) : Qualifier « non sans quelque
craindre de les détruire en y tou méprise». (On pourra le dire autre
chant davantage. Mais on peut m ent à l’élève no n fa m ilie r de
aussi préférer, à l’intouchable poé Verlaine)
sie, la joie de l'apprenti-poète qui Ici ce sont des réussites qui per
utilisera, comme instrument de sa mettent de dégager des critères.
80
r
3 . Expliciter les critères d'évaluation
M a c ro c ritè re s v a la b le s p o u r de
Document 17
n o m b re u ses tâches
type de tâche peut être testée à l’aide d’un paquet de copies : les réus
sites et les erreurs des élèves auront vite fait de montrer si la liste
fonctionne telle qu’on l’a conçue ou si elle doit être modifiée.
81
C orriger des copies
1. Signalons à ce propos que le présent travail n'a pas l'ambition d'outiller les enseignants
dans la didactique spécifique à leur discipline, mais qu'il y renvoie chacun vivement.
En tant qu'enseignants de lettres et de biologie, nous utilisons notamment les revues
P r a t iq u e s et A S T E R .
82
3 . Expliciter les critères d'évaluation
ve. En effet, il ne doit pas décrire relation avec ce qui peut être
tout ce qui était observable, mais observé. On considère dans ce
uniquement, dans cet observable, modèle que le résultat de l’obser
ce qui se rapportait à la discipline. vation n’est pas indépendant des
Par exemple, s'il s’agit d’une excur idées que l’on a. En quelque sorte,
sion géologique, il ne doit décrire on ne volt pas ce qu'il y a, mais
que ce qui concerne la géologie, et plutôt ce qu’on cherche, et même
laisser de côté ce qui touche à la ce q u ’on sait. Cette deu xième
botanique. C ’est une évidence. conception est loin d’être majoritai
Mais com m ent ch oisir ces élé rement admise par les enseignants
ments-là... si on n’a pas déjà une de sciences. Et pourtant c’est à elle
idée des connaissances spécifiques que se réfèrent les spécialistes qui
à la géologie ? On aborde ici des travaillent sur le sens des sciences,
réflexions qui vont être soulevées et la construction du savoir scienti
davantage dans l’exemple suivant. fique...
En se référant à ce deuxièm e
■ Dessin d’observation. modèle, on fera figurer, dans la
liste des critères, quelque chose
Il existe deux modèles de l'obser comme choisir des éléments de
vation, deux conceptions de cette l’objet observé qui soient en rela
activité, de son rôle. Les spécia tion avec les connaissances de la
listes disent qu’il y a deux épisté- discipline. Ou tout simplement
mologies de l’observation. Ce sont ch o isir les éléments de l’objet
deux conceptions directement en observé pertinents à ce qu’on veut
relation avec celle q u ’on a des montrer ou ... aux connaissances
sciences, de la construction du que l’on veut mettre en évidence.
savoir scientifique.
Si on fait un retour au premier
Dans la prem iè re co n ce p tio n exem ple (compte rendu d ’une
l’o b se rv a tio n e st le point de excursion), on peut remarquer
départ des connaissances scien qu’en fait, derrière le choix entre
tifiques ; elle permet de voir ce description seule et description sui
qu’il y a. Pour observer il suffit de vie d’une mise en relation avec des
regarder attentivement. Dans les connaissances, reparaissent proba
critères d’une observation qui se blement en filigra n e les deux
réfère à ce modèle (explicitement, modèles de l’observation présentés
ou le plus souvent implicitement, ci-dessus.
san s que la p ersonne en ait
conscience), il y aura repérer les Ces deux exemples illustrent (re
éléments de l’objet observé. Ce qui marquez que nous ne disons pas
revient à dire : Regarde bien ! démontrent : nous nous référons
Dans la deuxième conception, au second modèle de l’observa
l’observation est un élément de tion I) donc que :
la c o n stru c tio n des c o n n a is - le modèle théorique de référence
sances scientifiques, mais n’en conditionne le choix des critères ;
est pas le point de départ. Les - le travail d’explicitation des cri
connaissances scientifiques nais tères ... amène l’enseignant à se
sent d’idées, dans un contexte cul poser des questions sur sa propre
turel donné, et elles doivent à un conception de la tâche, et parfois
moment ou un autre être mises en le conduit à en changer.
83
C orriger des copies
fa it, le s r é fé r e n c e s s u r le s q u e lle s o n s ’a p p u i e p o u r d é c i d e r q u ’e l l e e s t a i n s i .
84
3. Expliciter le*-critères d’évgLuatiea
• Le temps disponible
Entrent également en compte les conditions de temps imparties à la
production : si le temps est court, la mise en œuvre de certains cri
tères ne sera pas exigée.
Même chose encore selon que le travail est fait à la maison ou en clas
se, avec la possibilité ou non d’utiliser des documents.
• Où la subjectivité réapparaît
Les éléments précédents - modèles didactiques, objectifs, conditions
de réalisation - sont objectivables, voire objectifs, même si, nous
l’avons vu à propos des modèles, ils peuvent donner lieu à des options
différentes.
Un autre élément intervient aussi dans la définition des critères, et
avec lui reparaît la subjectivité qu’on aurait peut-être espéré évacuer :
tel en seignant qui pense que le plus im portan t à l'école, c ’est
d’apprendre à se plier à des contraintes, aura tendance à poser
comme des exigences absolues des éléments que la logique de la tâche
ne rendrait pas absolument obligatoires ; il va insister sur les critères
relatifs à la mise en œuvre d’une norme. Celui qui, au contraire, voit
d’abord l’école comme un lieu privilégié pour construire l'autonomie,
insistera sur d’autres critères (ceux qui poussent à un choix) ou pré
sentera les premiers autrement. Un exemple, un peu simpliste, nous
en convenons : pour les critères relatifs à la présentation d’un dessin
d’observation, le premier enseignant mentionnera tracer à la règle les
lignes de rappel, et aligner le début des mots de la légende, critères qui
poussent à une exécution efficace du dessin, et permettent une lisibili
té rapide ; le second proposera plutôt choisir une présentation facilitant
la lecture, ou dans la réalisation, distinguer les éléments de la légende
des éléments du dessin proprement dit ; ces derniers critères seront
peut-être moins efficaces pour rendre immédiatement le dessin lisible,
mais ils poussent l’élève à un questionnement sur le sens de ce qu’il
fait et à des prises de décision au service de cette signification. Le pre
mier enseignant valorise l’exécutant efficace, le second valorise le déci
deur. Le type d’homme qu’ils souhaitent contribuer à former n’est
peut-être pas tout à fait le même...
Chacun peut sans doute se demander pour lui-même où et comment,
dans sa discipline, interviennent ces valeurs : rapport à l’exactitude, à
la rigueur, à la précision technique ? place de l’invention personnelle ?
goût du respect ou de la mise en question ? prédominance de l’efficace
sur le beau, du beau sur l’efficace ?...
86
3. Expliciter les critères d'évaluation
87
r C orriger des copies
• D ’abord, parce que c ’est une erreur : il est bien vrai qu’en évaluant
une production on regarde si telle procédure a été réussie. Mais on
oublie que si elle n’a pas du tout été mise en œuvre c’est encore pire !
Par exemple « Citer correctement la connaissance utile » est un critère
d’évaluation. « Citer une connaissance» est un critère procédural. Le
faire correctement (c’est-à-dire sans faire d’erreur en citant la connais
sance) et citer celle qui est utile (c’est-à-dire celle qui convient, à
l’exclusion de toute autre) sont des critères de réussite. Quand on cor
rige une copie, on pense surtout à repérer si la connaissance scienti
fique est exposée correctement. Mais on sanctionne encore plus lour
dement la copie dans laquelle ce n’est pas la connaissance adéquate
qui est utilisée, même si elle l’est correctement, et encore plus s’il n’y a
pas la moindre trace d’utilisation d’une connaissance. Et cela arrive :
des élèves à qui on demande d'expliquer d'une façon scientifique se
contentent de décrire.
• Ensuite, les seuls critères de réussite n'indiquent pas à l'élève,
en tout cas pas de façon assez explicite, ce qu’il doit faire.1
88
3- Expliciter les critères d'évaluation
89
r
C orriger des copies
90
i . Expliciter tes critères d ’évaluation
N
ous proposons ici quelques exemples de listes de critères, dans
différentes disciplines. Certaines de ces listes ont été produites
par des groupes d’enseignants en formation. Qu’on ne s’étonne
pas si elles ne se conforment pas toutes exactement à ce qui est pré
senté plus haut ; elles correspondent à un certain état d’appropriation
d’une démarche ; il ne s’agit pas, on l’a compris, de reproduire docile
ment une forme.
L'une d'entre elles est un peu particulière (La respiration). Certes elle
se rapporte comme les autres à une tâche (ici : faire un schéma), mais
il s'agit en même temps d'utiliser un concept précis. Nous donnons cet
exemple pour montrer que cet outil (liste de critères) ne se limite pas
à l'appropriation de méthodes, mais peut aussi aider à maîtriser des
connaissances (concepts).
R é so u d re u n p ro b lè m e d 'a lg è b r e
D o c u m en t 18
Rapport de stage
d*observation d'une classe
Document 19
Liste de critères d'évaluation
Cette liste a été communiquée en début d'année pour aider les étudiants de maîtri
se (Institut de Formation des Maîtres de l'Université J. Fourier) à orienter leurs
observations en stage dans des classes, à réaliser leur rapport de stage. Elle a été
utilisée par les formateurs pour évaluer ces rapports.
9Z
3. Expliciter les critères d'évaluation
L a re s p ira tio n
L iste de c ritè re s d 'é v a lu a tio n
D o c u m e n t ZO
Liste des critères d'un schém a résum ant la respiration d'un animal ou d'une
plante
• Respecter les règles du schéma communicable (titre, schéma bien centré, légende,
codes, traits nets, petite phrase d'accompagnement).
Il s'agit ici d’une liste de critères un peu différente des précédentes. En général la
liste est centrée sur un type de tâche et non sur une connaissance, un concept
particulier. Ici il y a bien un type de tâche (faire un schéma), mais la liste insiste
surtout sur le concept de respiration. C’est pourquoi elle comporte des indicateurs
qui sont les attributs du concept.
Elle a été constituée avec la participation des élèves. Le point de départ était une
série de travaux sur la respiration, avec, comme référence, des résumés établis en
cours ou issus du manuel utilisé. Le but était que les élèves parachèvent leur
appropriation de cette connaissance générale.
Pour distinguer une telle liste des autres nous l'appelions liste de critères d'évalua
tion d'un concept Elle n’a de sens que si les élèves, encore plus que dans le cas des
autres listes, ont largement participé à son élaboration.
93
C orriger des copies
Ces critères sont destinés à aider celui qui apprend à se représenter le but à atteindre
(type de production à réaliser) et les étapes pour y arriver.*
94
3. Expliciter les critères d'évaluation
Document 2 2
Ce type d’outil est également utilisable pour des tâches apparemment « petites »,
mais qui n’en sont pas moins des tâches complexes, car elles comportent des opé
rations d’analyse et de synthèse. En voici un exemple.
Avant
96
3 . Expliciter les critères d'évaluation
L iste de c ritè re s
Document 23
Pour RÉALISER un compte rendu narratif d'un sketch de langue
(allemand, anglais) Réalisation du texte
97
C orriger des copies
D o cu m en t 24 Liste de c ritè re s
p o u r ré a lis e r u n d o s sie r
(histoire/gêographie)
Objectifs de formation : faire une synthèse de connaissances sur un sujet donné
communiquer une somme de renseignements
Les deux types de critères (analyse et réalisation) sont mêlés. Cela correspond à un
certain état de la réflexion des enseignants qui ont établi la liste. Les critères d'ana
lyse prédominent. Peut-être était-ce intentionnel, en relation avec des carences
réellement constatées chez les élèves. Ou peut-être retrouve-t-on ici la manifesta
tion d’une erreur fréquente : considérer que si l'analyse est bien faite, la synthèse
va de soi !...
98
3. Expliciter les critères d'évaluation
L iste de c ritè re s p o u r
r é a lis e r u n d o s sie r de p resse
Document 25
(histoire/géographie)
Cet exemple, voisin du précédent en ce qui concerne le type de tâche, est présenté
sous une autre forme (la distinction entre procédures et réussite de ces procédures
est faite, mais non nommée) ; les procédures d’analyse sont introduites à la fin,
avec l’indication : «Pour réussir ces opérations, il est inspensable auparavant de..,».
Cette liste renvoie à un document du même genre pour réaliser une des grosses
procédures (faire un résumé).
99
Des critères pour l'élève
4
Nous venons de décrire un travail, dont l’enseignant peut
tirer lui-même bénéfice, mais qui se justifie essentiellement
par l’utilité qu’il présente pour l’élève. C’est donc sur l’utili
sation des critères par l’élève que nous allons nous centrer
maintenant. L ’enseignant ne s’effacera pas pour autant,
car son rôle, pour être différent du rôle traditionnel, n’y
perd rien en importance. Nous serons amenés à revenir
souvent à son action, mais dans l’optique : s’il est bon que
l’élève fasse «cela», quelle modification cela implique-t-il
dans les stratégies de l’enseignant ?
SOMMAIRE
IOX
C orriger des copies
102
4. Des critères pour l'élève
lier C a lp é r in e ) p r o p o s e n t des
ment jamais sur l'orientation de
leur action, rarement sur son éva
modélisations intéressantes sur ce luation (et en tout cas avec peu
qui se p a s s e q u a n d q u e l q u ’un d’outils). Il faudrait le faire, donc
accom plit une tâche, ou, d'un e passer un certain temps de travail
façon générale, une action. Ils dis s u r ces a s p e c t s -là à la place
tinguent plusieurs phases : d’autres choses : à la place, car le
• une p h ase d ’o rie n ta tion de temps n’est pas élastique - nous y
l’action, pendant laquelle on essaie reviendrons. La liste de critères est
de se représenter le produit final, un bon support pour ce type d'acti
et les différentes étapes pour le vités : elle guide l’orientation de
réaliser ; on commence également l’action, elle en permet l'évaluation.
à planifier son action (« je ferai
Ces p h ases ne sont pas forcé
ceci, puis cela...») ;
ment successives, m ais plutôt
• une phase de réalisation ; mêlées. Ainsi on peut commencer
• une p h a se d ’é v a lu a tio n de à réaliser un morceau de la tâche
l'action. (réalisation), puis penser que cela
D'après cet auteur il semble qu'une ne c o n v ie n d r a pas (évaluation)
orientation correcte soit primor parce que... (anticipation, orienta
diale pour la réussite de la tâche. tion), se dire qu'il vaudrait mieux
Or, classiquement dans l’enseigne s ’y prendre ainsi (planification,
ment, on fait surtout travailler les orientation) et se remettre à faire
élèves sur la réalisation : pratique (réalisation), etc.
103
C orriger des copies
L’enseignant a ajouté :
- Faire tout cela selon certaines normes.
Voilà par quoi le travail a démarré : on voit que beaucoup de choses
restaient à préciser, que certains éléments ne sont pas des critères
(« Réfléchir à un problèm e », qu’est-ce que c’est ?...). Mais quelques
balises étaient en place pour que les élèves commencent à orienter
leur action, et aussi pour qu’ils découvrent la possiblité de se donner
des repères : la notion de critères est en train de germer.
En bout de travail, la liste des critères utilisée par la même classe a
pris la forme présentée dans la fiche de la page 105.
Il n'était évidemment pas question de distribuer cela aux élèves d'en
trée. Nous allons maintenant proposer quelques travaux possibles.
104
4- Des critères -pour
D ocu m en t 16
Ce qu'il faut faire c'est réussi si...
tos
C orriger des copies
106
4. De* critère* pour l 'élève
Q u e lq u e s Idées p o u r under
le s élèves à s 'a p p r o p r ie r
D ocum ent 27
les c ritè re s
107
C orriger des copies
N
ous l’avons annoncé déjà plus haut, les critères ont pour fonc
tion de permettre à l'élève de repérer les problèmes qu’il
doit résoudre. Savoir que telle action est nécessaire ne lui dit
pas comment il doit s’y prendre pour la réaliser de façon correcte.
Pour cela il doit mettre en œuvre dans sa tête tout un ensemble de
mécanismes, de processus, que personne ne peut lui décrire.
Il est très difficile de savoir quels sont les processus mis en
œuvre pour exécuter telle action, c’est-à-dire pour réaliser une pro
cédure. En outre, dans le détail, cela semble bien varier d’une person
ne à l’autre : pour réaliser une même procédure, chacun met en
œuvre des processus variés, personnels. C’est du moins ce que pense
actuellement un chercheur comme Pierre Vermersch(1).
108
4. Des critères pour l'élève
Aussi n’y a-t-il qu’une solution : chacun doit trouver sa façon per
sonnelle de résoudre le problème que constitue la réalisation et la
réussite de chaque action !
Pour le novice, la prise de conscience de ce qu’il est en train
d’essayer, et les retours précis (réussite ? erreur ? sur quoi ?) que lui
fait le correcteur sont des aides précieuses. Cela peut suffire pour
que l’élève, peu à peu, construise ses propres processus, c’est-à-dire
pour qu’il devienne peu à peu expert
L’évaluation des copies est le moyen d’apporter une aide à cette auto-
construction du savoir,... à condition qu’elle s’appuie sur une liste de
critères à laquelle on renvoie l’élève. C’est la condition pour que les
problèm es à résoudre accèdent à la conscience : à quel critère
sommes-nous en train de nous intéresser ?
109
C orriger des copies
sus. Tant qu’on s’en tient aux critères, on dit, en somme, à l'élève : «
Voilà le problème que tu as à résoudre, débrouille-toi pour trouver ta
solution. » Nous l’avons vu, cela suffit souvent, nous insistons sur ce
point.
Mais, si c’est nécessaire, on peut tenter d’aborder le comment. Par
exemple en annonçant à l ’élève comment on s'y prend (ou com
ment on croit s ’y prendre) soi-même : « Tiens, pour fa ire cela, moij e
fa is comme ceci et comme cela»,... en essayant de lui décrire des pro
cessus possibles.
V a n e s sa en m athém atiques
Vanessa, élève de Cinquième, a de rangés devant vous, et que les
gros problèmes en mathématiques. nombres négatifs sont rangés der
En particulier elle maîtrise très mal rière votre tête ». La plupart des
les calculs (additions, soustrac élèves s ’y reconnaissent. Mais
tions) avec des nombres entiers l’entretien avec V anessa révèle
négatifs et positifs, du genre : q u ’elle range (en désordre,
(+5) - (-2) + (-3) - (+4) d’ailleurs) les nombres positifs sur
En posant quelques questions à sa droite et les négatifs sur sa
V a n e ssa et à q u elq u e s autres gauche... Mais n'arrive-t-elle pas à
élèves de la classe, j’apprends que, faire la transposition ? Eh bien non,
pour les aider, leur professeur de elle n’y arrive pas. Ainsi le conseil
mathématiques leur dit : « Im a de son enseignant l'em brouille
ginez que les nombres positifs sont complètement !
r
C orriger des copies
Correction individualisée
a façon d’aborder la correction des copies que nous décrivons
Exercice in dividue l
« Nomme une ou deux de tes réussites. Nomme une ou deux de tes
erreurs, et, pour chacune, propose une amélioration. »
Cela conduit à un travail individualisé, les élèves pouvant demander
de l’aide à leur enseignant sur les points qui leur posent problème.
C’est un type d’activité qui peut trouver un prolongement dans une
structure de soutien.
Exercice collectif
Il y a cependant une place pour des travaux qui s’adressent au collec
tif. Voici deux exemples de consignes données à l’ensemble de la clas
se :
- « À quoi, de fa çon précise, correspondait tel critère dans ce
112
4- Des critères pour l'élève
D ocum ent 28
\e peux ... »
• Pour distinguer dans l’énoncé les données de ce qu'on me demande défaire, je
peux :
- Lire l’énoncé en me disant : « Qu’est-ce qu’on me dit ?» et « Qu'est-ce qu’on me
demande ?»
- Souligner en vert les données, en rouge les questions et demander à mon pro
fesseur si j ’ai bien fait la différence.
- Repérer les verbes : ce sont eux qui me disent en général ce que j ’ai à faire.
113
C orriger des coptes
Du temps !
u i laisser du temps pour... Nous nous souvenons des réactions
■ O ù tro u ve r ce tem ps ?
• Le corrigé-type est-il utile ?
On peut peut-être en gagner en supprimant le traditionnel corrigé col
lectif, occupé par un long tem ps de parole de l’enseignant. Rien
n’empêche d’ailleurs, si on veut que les élèves aient à leur disposition
un exemple de ce q u ’il fa lla it fa ire, de renvoyer ceux qui ont raté
quelque chose à ceux qui l'ont réussi, voire même de mettre à la dis
position de la classe deux ou trois exemplaires d’une production qui
convient, rédigée ou non par l’enseignant. (Il serait préférable alors de
proposer deux exemples différents, si c’est réalisable, pour éviter le
risque de faire prendre l’exemple pour la loi. Des exemples de réalisa
tions possibles n ’ont pas le même statut qu’un corrigé type.)
• À la maison...
D’autre part, certains des travaux demandés peuvent se faire à la
maison. L ’am élioration d’un travail antérieur peut être largem ent
aussi utile qu’un exercice systématique dont on ne saisit - peut-être -
pas le sens.
• Privilégier l'apprentissage
Enfin, puisque ce travail fait partie de l’apprentissage, on va le traiter
com m e tel, et lu i accorder une partie du tem ps prévu pour cet
apprentissage : peut-être en passer moins à m ontrer d ’abord aux
élèves comment faire, et augmenter le temps de leurs essais, dont les
travaux qui suivent la remise des copies font partie.
4. Des critères pour i'élève
L
e lecteur voit sans doute que corriger les copies comme nous le
décrivons fait passer cette activité du monologue au dialogue. En
effet, même les annotations en forme de constats sont prévues
pour être suivies d’une réaction des élèves (essais d’amélioration,
engagements pour la suite). D’autres sont carrément des questions
auxquelles on invite l’élève à répondre. Nous verrons un peu plus loin
que la pratique de l'autoévaluation comme nous l’entendons conduit
l’élève à poser lui-même des questions auxquelles l’enseignant aura à
répondre.
Le travail de l’enseignant sur les copies est ainsi de plus en plus per
sonnalisé.
P o u r ré c a p itu le r...
Docum ent 29
En résumé, pour proposer quelques... critères à celui qui veut annoter des copies
pour aider à apprendre, on pourrait dire :
C’est plus intéressant, cela ouvre une porte sur la gestion de l’hétéro
généité... mais cela peut aussi, à nouveau, poser le problème du
temps, cette fois du côté du travail personnel de l'enseignant.
C orriger des copies
116
4. Des critères pour l'élève
P o u r o r ie n te r son action
Docum ent 30
d e c o rre c te u r
Si nous écrivons : « Et pour faire ceci, pour décider cela, comment t’y es-
tu pris ? », il n’est pas nécessaire de contrôler systématiquement l’effet
de la question. Souvent la réponse que se f a i t l ’élève suffit à provo
quer une prise de conscience, donc un changement. En voici un
exemple vécu. La remarque : « Comment as-tu décidé que cette connais
sance de science était en accord avec la consigne ? » a suscité la réac
tion : « Ah moi, j e mets une connaissance que j e connais, j e ne me
demande pas si c’est en accord avec la consigne ». Et cet élève écrit en
guise de correction : « La prochaine fo is j e regarderai si la connaissance
va avec la consigne ». La question « comment... ? » a sûrement été plus
efficace qu’une remarque rageuse du genre : « Relis l’énoncé ! » En
C orriger des copies
A id e r l'é lè v e à d é c id e r
Docum ent 31
Pour aider à décider, voici une description de l’élève qui prend en main son
apprentissage, de l'élève qui a un comportement autonome. C'est un idéal, des
tiné à préciser ce que nous visons.
• Il est conscient que c’est lui qui apprend, que son rôle est d’être actif
• Il repère ce qu’il a à faire pour réussir
• Il repère ce qu’il sait faire
• Il repère ce qu’il ne sait pas faire
• Il fait des essais
• Il utilise les remarques précises de son enseignant
• Il est conscient de ce qu’il doit conserver dans les essais suivants
• Il est conscient de ce qu’il doit modifier dans les essais suivants
• Il demande de l’aide quand il ne sait pas comment modifier quelque chose, ou
quand il ne comprend pas ce que quelque chose veut dire
• Pour tout cela... il se réfère aux outils à sa disposition (et tout particulièrement
à la liste de critères !)
L'autoévalualion
L’autoévaluation, au sens où nous train d'essayer, sur ce qu’on fait,
l’entendons Ici, sur la façon dont on s’y prend, sur
■ n’est ni l'autonotation (se mettre les actio ns dont on prend
soi-même une note), conscience, sur ce qu'on remarque
■ ni l’autobilan (constater à l’aide
en comparant ce qu’on a fait à la
d'une grille des acq u is et des
norme de référence, sur ce qu’on
manques, en portant des croix
dans des cases), conservera ou qu’on essaiera de
■ c'est « un discours sur sa pra modifier par la suite. Cela revient à
tique » (C. Nunziati, communication s’exprimer explicitement, de façon
orale), c'est-à-dire une verbalisation précise, sur s o i en face de la
(orale ou écrite) sur ce q u'on a tâche, dans le passé, dans l’ac
voulu réaliser, sur ce qu'on est en tuel, dans le futur.
• ... outillée...
Mais sans outil, cette expression risquerait fort de se limiter à des
choses comme : « La prochaine fo is j ’essaierai de faire mieux, et pour
cela je m'appliquerai !»
La liste de critères stimule une expression plus précise et en donne
les moyens.1
120
4. Des critères pour l'élève
Paroles d’élèves
ous voudrions livrer ici quelques exemples de cette parole de
122
4. Des critères pour l'élève
J ’ai seulement utilisé les données numériques que j ’ai essayé d ’analy
ser, mais dans un problème tout l’énoncé est important et la phrase V
est une suite géométrique qui fa isa it partie de l’énoncé. J ’aurais dû
l ’analyser aussi et com m encer mes recherches à partir du fa it que
c ’était une suite géométrique. J ’avais des connaissances que j ’aurais dû
poser sur le papier et analyser et ensuite utiliser ju s te les connais
sances ».
Elle dégage ensuite des règles pour sa conduite ultérieure.
• Vanessa : « Je pense que j ’ai bien réussi mon texte, mais j e n’ai pas
bien compris une connaissance scientifique. Alors j e pense que j ’ai
oublié quelque chose de scientifique».
On peut alors la renvoyer à un travail précis. Comme elle n’est pas la
seule dans ce cas, c’est l'occasion de lancer un petit débat entre élèves
à ce sujet.
• Samuel : « Je pense que mon texte est scientifique car j ’ai essayé d ’y
rassembler les principaux critères : y mettre un titre, des mots scienti
fiques, et il explique. Et puis j ’ai fa it la résumation (sic) du comporte
ment alimentaire. »
Il semble avoir compris le rôle de la liste de critères, et, signe qu’il se
l’approprie, il reformule certains points à sa façon : il n’a pas recopié
cette liste.
124
4. Des critères pour l'élève
Et aussi : « Est-ce que ce que j ’ai souligné c ’est bien mettre en relation
un événement et une connaissance de sciences ? »
Enfin, après avoir examiné sa copie évaluée par l’enseignant, elle com
prend qu’on attend d’elle une verbalisation non seulement des pro
blèmes qui se posent à elle (comme au cours de la rédaction du texte
précédent), mais aussi de ce qu’elle a compris, et elle écrit : « Pour
réussir à mettre en évidence ce qui est important, j e dois penser qu’une
personne (pas Jean, ni des élèves de la classe) doit lire mon texte (pen
sant qu’elle ne connaît presque rien). Je dois donc lui expliquer ce qui
est important. »
125
C orriger des copies
126
4- Des critères pour l'élève
Cela n’a rien d’ennuyeux non plus, de lire Claire (Troisième) exprimant
sa perplexité quant à la notion de point de vue dans un récit :
« J ’ai cherché à ne pas décrire les sentiments des autres pour ne pas
contredire mon je , mais j e l’ai peut-être un peu raté, car j ’ai beaucoup
interprété les humeurs des autres sans nommer que j e les interprétais.
J ’ai essayé au maximum de décrire les sentiments dans le point de vue.
Peut-être j e me suis trompée en croyant que c ’était la même chose?»
L’enseignant a répondu en situant de façon générale l’intervention des
sentiments dans le point de vue, et en précisant que, pour ce texte par
ticulier, il était pertinent de privilégier les sentiments. Il a choisi de
répondre assez longuement et de façon technique, pensant que cette
élève était capable d’en tirer profit, alors qu’une intervention de ce
type en collectif aurait eu peu d’utilité. (Cet exemple montre qu’abor
der la correction de copies comme nous le proposons ouvre des possi-
blités à exploiter pour gérer l’hétérogénéité.)
La réflexion des élèves n’a pas toujours cette finesse, l’enseignant n’est
pas tenu d’être toujours aussi prolixe. Nous voulions simplement
illu strer la possib ilité pour le correcteur de copies d ’échapper à
l’ennui...
C orriger des copies
La situation traditionnelle
En effet, la situation fréquente, quasiment classique, pourrait être
décrite ainsi, en grossissant à peine le trait.
• C ’est une situation d’affrontement entre l ’élève et l ’enseignant,
dans laquelle les problèmes de l’appropriation du savoir ne sont pas
vraiment posés ; les deux partenaires communiquent par renvois cul
pabilisants (« ils ne veulent rien fa ire » ; « il ne m'apprend rien»). L’élève
typique est passif, il essaie de faire croire à l’enseignant qu'il a tra
vaillé et qu’il mérite une bonne note aux contrôles. S’il a une mauvaise
note, il a tendance à penser que l’enseignant lui a mal expliqué, ou
bien que l’enseignant n ’était pas d ’accord avec ses idées, alors bien
sûr... De son côté l’enseignant a tendance à vouloir convaincre l’élève
que pour réussir il doit bien écouter et bien travailler.
• Il y a une incohérence entre le désir de former à l ’autonomie,
c’est-à-dire de travailler à ce que des relations directes s’établissent
entre l’apprenant et le savoir, et le type de comportement choisi
pour corriger. L’enseignant voudrait bien que l’élève soit autonome,
mais c’est lui qui prend tout en charge. « Regardez ce qu ’ils m'ont
fa it ! » se désespère-t-il en salle des professeurs ! Ou encore, pensant
stimuler les élèves au travail : «Je suis très triste de constater que vous
n ’aviez pas appris votre leçon. » Comment les élèves pourraient-ils
comprendre ensuite que ce n’est pas pour faire plaisir au maître, mais
pour eux-mêmes, qu’ils travaillent ? Ou encore, l’enseignant rectifie
1Z8
4. Des critères pour l'élève
lui-même les erreurs faites par les élèves et se lamente ensuite sur
leur répétition. Désespéré du peu d’efficacité de son travail de correc
tion, il l’aborde sans enthousiasme, voire avec la nausée ! Il finit par
en vouloir aux élèves. Ceux-ci le lui rendent bien ! Tout cela ne crée
pas un climat favorable à l’apprentissage.
• Peu de tem ps (voire pas de tem ps du tout) est consacré à
l ’apprentissage proprement dit. Celui-ci se limite souvent à la pré
sentation des connaissances, avec au mieux une participation active
des élèves ; ensuite toute activité de l’élève tombe sous le coup du
contrôle, dont le résultat est immédiatement pris en compte pour déci
der de son avenir. Pas de temps spécifique prévu pour apprendre,
pour s’exercer, pour se tromper sans risque, faire de nouveaux essais :
toute activité de l’élève risque d’être retenue contre lui !
129
I
C orriger des copies
l'analyse des tâches lui révélera des points un peu obscurs pour lui,
des apprentissages qu’il avait tendance à négliger, et le poussera
aussi vers une plus grande exigence quant aux spécificités de sa dis
cipline (concepts-clefs, démarches propres à chacune).
De l’affrontement, de la culpabilisation réciproque - et, éventuelle
ment, de l’autoculpabilisation pour l’un comme pour l’autre -, on peut
passer à une coopération finalisée par l ’appropriation que fait
l ’élève de savoirs et de savoir-faire. Cette dynamique a pour ressort
essentiel l’autoévaluation, de son apprentissage pour l’élève, et de sa
pratique pour l’enseignant(1).
Le pôle du savoir est bien présent : mais celui-ci n’appartient ni à l’un
ni à l’autre. Le rôle de l’enseignant serait plutôt de penser à instal
ler des médiations telles que le savoir se constitue réellement,
comme réponse à des questions, pour celui qui apprend : l’utilisa
tion de critères dans la correction des copies paraît être une
médiation particulièrement intéressante à utiliser.
1. La façon dont une prise de conscience de sa pratique chez l’enseignant entre en interac
tion avec la même démarche chez l'élève a été décrite par l'un de nous dans un article de
la revue A S T E R , n°12, « L’élève épistémologue » I.N.R.P, 1991.
130
Et la notation ?
SOMMAIRE
Comment se pose
le problème................ .132
La notation en sommatif ..135
La notation en formatif... .144
Articuler sommatif
et formatif................. .149
131
C orriger des copies
• Non à l'utopie
- « Vous nous tenez là un discours parfaitement idéaliste. Nous, qui
enseignons au quotidien, nous sommes au contact des dures réalités de
l’institution. Celle-ci nous demande des notes chiffrées, des moyennes ;
nous ne sommes pas libres de ne pas en donner. D ’ailleurs, parents et
élèves en réclam ent, et certains ne s ’intéressent même q u ’à cela.
L ’école, ça fa it partie de la société, ce n'est pas le royaume d ’Utopie. »
132
1
S. E t la n o ta tio n ?
r
satisfaisante du problème.
Form ative ou form atrice
Aux lecteurs qui auront remarqué autoévaluation ; un travail spéci
le term e fo rm a tric e et qui se fique vise à favoriser chez l'élève
demanderaient la relation qu'on une représentation plus correcte du
doit faire entre ce mot et le terme but à atteindre, une planification
formative, nous dirons simplement plus adéquate de son action, et une
que le mot formatrice a été pro appropriation progressive des cri
p o s é plus ta rd iv e m e n t d a n s le tères d'évaluation de l’enseignant.
cadre d ’une recherche conduite à La distinction n'est pas du tout
l'Université de Provence parJ.J. anodine, mais, dans ce chapitre
B o n n io l et G. N u n z ia t i ; cette consacré à la notation, nous n'en
recherche relevait d'abord de l'éva a vo n s pas besoin davantage, et
luation formative (concept introduit nous ne l’avons mentionnée que
en 1967), et le terme formatrice pour le cas où la lecture des deux
désigna un prolongement de celle- adjectifs aurait créé de la confu
ci : l’autoévaluation de l’élève y sion. Par contre, il faut préciser
devient l’élément central ; à son que les propositions des chapitres
rôle habituel le maître ajoute l’ins 3 et 4 relèvent essentiellement de
tallation dans le dispositif pédago la démarche d'évaluation forma
g iq u e des c o n d i t i o n s de cette trice.
» 3
C orriger des copies
F on ction s de r é v a lu a t io n
D o c u m en t 32
134
S. Et la notation ?
135
C orriger des copies
réalise dans certaines conditions (en temps libre ou limité, dans des
circonstances familières ou nouvelles...).
Le cube défini par ces trois plans peut parfaitem ent être objet de
mesure. Mais il suffit de modifier l’un des trois pour déterminer un
autre cube, pour lequel une nouvelle mesure serait nécessaire : par
exemple, si le temps donné change, la performance va changer aussi ;
ou encore tel élève parfaitement capable d’exposer les caractéristiques
du Romantisme se révélera incapable d’utiliser cette connaissance
dans l’analyse d’un texte ; tel autre m ettra en relation de façon
satisfaisante des faits relevés dans une observation et des connais
sances rencontrées dans le cours de biologie, mais n’y parviendra pas
s’il s’agit de faits textuels et de connaissances littéraires...
il Un sommatif différent ?
Ce n’est pas la seule possible, d’autres soutiennent des positions
beaucoup plus radicales : peut-être l’idée d’une notation sommative
correcte est-elle un mythe ? Certains recherchent d’autres modes de
certification, com m e Jean C ardinet, qui le rappelle ici, dans la
136
$. Et la notation ?
M Réalisme immédiat
Nous prenons donc délibérém en t ici une position de réalism e
immédiat : les enseignants français ont des notes à mettre, peut-
être pour longtemps, il ne nous paraît pas sans intérêt que cela se
fasse avec le maximum de rigueur.
■ï Sommatif de parcours
Ce ne sont pas seu lem ent les notes d ’exam en de fin d ’année,
d’ailleurs, qui relèvent du som m atif : chaque fois que l’enseignant
estime avoir fin i de travailler sur quelque chose (au sens tout à fait
trivial de : avoir épuisé le temps qu’il a décidé, compte tenu de tout le
reste, de consacrer à cet apprentissage), qu’il s’agisse de l’acquisition
du concept de chaîne alimentaire, d’un ensemble de connaissances
sur la Révolution française, ou de l’entraînement au commentaire
composé, il peut légitimement - certains iraient jusqu’à dire : il doit -
mettre en place une épreuve qui situera la classe, et chacun dans
celle-ci, à un certain degré de m aîtrise par rapport aux objectifs
considérés. Quoi que l’on ait fait avant, quoi qu’il se passe d’autre par
la suite, on s’arrête, on tire un trait, on fait l’addition : c’est un des
sens du mot : sommatif.
Un so m m a tif propre
'M Épreuve de contrôle et objectifs
D’abord, et l'on nous excusera si nous enfonçons des portes ouvertes,
il ne serait pas m au vais que l’épreuve ch oisie soit réellem ent
significative, c’est-à-dire consiste en une tâche correspondant bien
aux objectifs visés : ne choisissons pas une simple application si nos
objectifs sont de création ou de transfert, pas plus qu’une tâche
com portant synthèse ou invention s’il ne s’agit que de vérifier le
stockage d’un certain nombre de connaissances élémentaires.
C orriger des copies
« 8
5. Et la notation 7
^ Établir un barème
Enfin, une fois choisies les tâches en relation avec les objectifs, une
fois explicités les critères d’évaluation, peut être établi un barème :
« Quelle fraction des points vais-je décider d ’attribuer à tel critère et à tel
autre ?»
• Comment faire ?
Le plus pratique semble être d’attribuer des paquets de points à des
paquets de critères, et d’affiner ensuite à l’intérieur. Par exemple,
l’enseignant de français qui aura analysé comme nous l’avons fait plus
hau t la tâche « É crire la suite d ’un texte n a rra tif» peut décider
d’attribuer un tiers des points aux critères qui concernent la prise
d’inform ations dans le texte-support, un autre tiers à ceux qui
évaluent l’élaboration d’un nouveau récit, et le troisième aux critères
de maîtrise strictement linguistique ; il peut aussi opter pour une
autre répartition des points : rien n’oblige, bien entendu, à ce que les
trois aspects déterminés ici pèsent le même poids.
Barème et valeurs
Moins la tâche est définie par des normes institutionnelles, plus les
valeurs personnelles de l ’enseignant ont la latitude d’intervenir
dans le barème qu’il arrêtera. C’est peu évitable, peut-être même cela
comporte-t-il des aspects positifs (que nos élèves rencontrent des
maîtres authentiquement attachés à des valeurs différentes ne peut,
nous sem ble-t-il, qu’être bon pou r eux - c ’est, en tout cas, le
ju gem en t que nous in spiren t nos propres valeu rs). M ais il est
préférable que l'enseignant en soit conscient.
140
5. Et la notation ?
• Un moyen de régulation
En revanche, le fait de s’attaquer collectivement à ce travail permet à
chacun de prendre conscience de ce qu’il a tendance à oublier ou à
majorer sans l’avoir explicitement choisi ; cela peut donc introduire
une forme de régulation : telle collègue enseignante que je trouvais
laxiste est plutôt quelqu’un qui privilégie des objectifs d’invention, de
créativité, que j ’ai moi aussi en charge, mais auxquels j ’ai tendance à
renoncer (à tort?), tant l’urgence de l’outillage minimum à donner
envahit mon horizon. Ladite collègue acceptera peut-être de considérer
que ses objectifs de création, pleinement légitimes, ne la dispensent
pas d’enseigner la m aîtrise d’une langue correcte. (Quels risques
chacun ferait-il prendre à ceux dont il a la charge, si chacun se
contentait de suivre sa pente?...) Dans le barème, il y a du compromis,
et celui-ci est toujours suspect de résignation, de mollesse. Mais le
compromis, cela peut être aussi une pondération attentive entre des
exigences qui ont les unes et les autres leur légitimité, alors que peut-
être nos valeurs nous y rendent inégalement sensibles.
141
C orriger des copies
142
5- Et la notation ?
143
'
C orriger des copies
144
s . E t la n o tatio n ?
Pas de projet formatif, donc, pour celui qui apprend et pour l ’en
seignant, sans critères explicités. C’est une condition sine qua non.
Si note il y a, en formatif, elle doit être obtenue en référence à des
critères.
145
r C o rrig e r des cop ies
Notation relative
upposons que noter apparaisse comme une contrainte, selon la
146
S- Et la notation ?
Complémentarité........................................................... 149
Articuler et non choisir.................................................... 149
Comment en sortir ? ...................................................... 150
Complémentarité
es deux logiques peuvent aussi être complémentaires. D'une
Comment en sortir ?
abord, en voyant clairement que le problème se pose et que, s’il
n’a pas de solution unique et toute faite, il est indispensable
pour l’enseignant de lui en trouver une acceptable.
Ensuite, en cherchant à le résoudre non pas in abstracto, mais dans
la situation toujours particulière où, enseignant, on se trouve : selon
la discipline que l’on enseigne, l’âge de ses élèves, les habitudes de
l’établissement où l’on exerce, les cas de figure pourront être assez
différents.
IS O
5. Et la notation ?
151
Pensons au lecteur qui
commencerait à nous lire
par la fin...
ensons au lecteur qui commencerait à nous lire par la fin... Nous
P lui dirions que nous avons cheminé un moment parmi les repré
sentations de la correction de copies, côté cour (les correc
teurs) et côté jardin (les élèves). Nous y avons trouvé une complémen
tarité morose des deux en un système relativement stable : état des
lieux, théâtre des hostilités, cela constitue notre chapitre 1.
Nous avons ensuite essayé de nous dégager de ce champ clos pour
tracer les grandes lignes de ce que pourrait être une attitude forma
tive en correction : il s’agit de directions, de principes fondamen
taux, d’ouvertures. Cela « ne mange pas de pain », pourraient ironiser
les réalistes. Mais allez donc transformer une démarche sans regarder
un peu l’horizon...
Les chapitres 3 et 4 contiennent l’essentiel des propositions concrètes.
On y voit quel rôle jou e l’explicitation des critères d’évaluation,
comment on peut apprivoiser ce travail austère, puis comment aider
les élèves à faire leurs ces outils, et comment tout cela promeut
l'autoévaluation, conçue comme une parole de l’élève. Nous avons
cru bon d’apporter quelques justifications théoriques, mais surtout
nous avons tâché de rester proches du concret, avec des exemples de
documents, des descriptions de pratiques réelles.
Nous avons enfin abordé, dans le dernier chapitre, le problème de la
notation, moins pour lui-même que pour chercher comment rendre
celle-ci compatible avec les propositions précédentes.
Il faut bien dire nous, puisque cette mise en forme est la nôtre et
qu’elle est nourrie de notre pratique d’enseignants et de formateurs.
Mais nous avons pleinement conscience de devoir beaucoup à bien
d’autres : à l’équipe d’Aix-Marseille surtout - Georgette Nunziati tout
particulièrement, Jean-Jacques Bonniol, René Amigues, Michel Vial -,
à Pierre Vermersch, mais aussi à nos collègues et amis du Groupe
Évaluation et Apprentissage de la MAFPEN de Grenoble qui nous ont
aidés, dans la confrontation ou dans la coanimation de stages, à faire
que ces savoirs deviennent peu à peu les nôtres.
Avec ces maîtres ou ces compagnons de route, nous avons expérimen
té le fait que le savoir se construit en réponse aux questions qu’on
se pose, à l’intérieur d’une communication, médiation sociale. Cela
peut aussi se passer dans l’évaluation scolaire, et même, pourquoi
C orriger des copies
154
Bibliographie
AM IGUES R., La planification de l ’action, C.N.R.S., Aix-M arseille,
Document interne, 1982.
AMIGUES R., Contribution à l’étude des stratégies et du contrôle de
l’action dans une situation d ’évaluation des productions scolaires,
Thèse de troisième cycle, Université de Provence, 1982.
AMIGUES R., BONNIOL J.-J., CAVERNI J.-P., FABRE J. M., NOIZETG.,
« Le com portem ent d’évalu ation de productions scolaires : à la
recherche d’un modèle explicatif », Bulletin de psychologie 1975, 28,
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ARDOINO J. et BERGER G., « Évaluer n’est pas contrôler », in Journal
de laformation continue et de l’E.A.O., n° 208, nouvelle série.
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CAHIERS PÉDAGOGIQUES, n° 256 « L’Évaluation », septembre 1987.
CARDINET J., « Une Évaluation adaptée aux démarches souples », in
« L'Évaluation » p. 36, Cahiers Pédagogiques, n° 256, septembre 1987.
CARDINET J., « Évaluer sans juger », in Revue française de Pédagogie,
n° 88, p. 41-51, 1989.
CHUZEVILLE R., « Correction des devoirs de mathématiques », Bulletin
de l’Association des Professeurs de Mathématiques, septembre 1990.
GALPERINE P., « Essai sur la formation par étapes des actions et des
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Progrès, 1966.
GIORDAN A. et DE VECCHI G., Les origines du savoir : des concep
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Neuchâtel, 1987.
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n° 5 , I.N.R.P., 1988.
LEGRAND M., « Rationalité scientifique et rationalité quotidienne face
au problème de la preuve en mathématiques », Conférence, Université
J. Fourier, Grenoble.
MEIRIEU Ph., Apprendre... oui, mais comment, ESF, Paris, 1988.
MEIRIEU Ph., Enseigner, scénario pour un métier nouveau, ESF, Paris,
1989.
C orriger des copies
156
Bibliographie
Des listes de critères sont proposées dans cet ouvrage sur les
sujets suivants :
• Annotation de copies se donnant pour fonction d'être utilisable par
l'élève en train d’apprendre. Documents 4-5-6-7 pages 42-43-44-45-46.
• Écrire un texte scientifique (6e/5e) page 78.
• Résumer un texte d’idée (3e) page 79.
• Macrocritères valables pour de nombreuses tâches page 81.
• Résoudre un problème d’algèbre page 91.
• Rapport d’un stage : observation d’une classe (étudiants de maîtrise)
page 92.
• Respiration d’un animal d’une plante (6e/5e) page 93.
• Présentation organisée de connaissances (Bac C, biologie) page 94.
• Expliquer un mot dans un texte (français) page 95.
• Compte rendu narratif d’un sketch de langue page 97.
• Réaliser un dossier (hist/géo) page 98.
• Réaliser un dossier de presse (hist/géo) page 99.
• Argumentation en français page 105.
157
Pédagogies pour demain
Références
L'École du dedans, Georges Lerbet
Le Métier d'élève, René La Borderie
La Conversation enfantine, Jean-François Simonpoli
Agir pour la réussite scolaire, Daniel Pasquier
Les Manuels scolaires, histoire et actualité, Alain Choppin
Communiquer pour enseigner, Bruno Ollivier
Nouvelles approches
Le Projet d'établissement, Jean-Pierre Obin, Françoise Cros
Pédagogie différenciée, Halina Przesmycki
Des Méthodes pour mieux s'organiser, Roger Monti
Aider les élèves à apprendre, Gérard de Vecchi
Travailler en équipe, Pierre Mahieu
Enseigner en modules, Françoise Clerc
Centres de ressources
Le C.D.I. au cœur du projet pédagogique, Jacqueline Bayard-Pierlot,
Marie-José Birglin
Guides de l'éducation
Guide des métiers de l'éducation, ONISEP, René Dang
Guide du chef d'établissement, André Six
Guide du lycéen, Claude Coulon