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(1972)
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des sciences sociales, un organisme à but non lucratif composé exclu-
sivement de bénévoles.
Nicos Poulantzas
Introduction [23]
[23]
INTRODUCTION
classes sociales n'existent que comme lutte des classes, ne saurait nous
conduire à réduire, de façon « volontariste », la détermination des
classes à la position des classes : il en découle des conséquences poli-
tiques d'une grande importance, que l'on mentionnera dans l'examen
du cas des techniciens et ingénieurs et de celui de l'aristocratie ou-
vrière.
— Le critère économique reste pourtant déterminant. Mais qu'en-
tend-on, dans la conception marxiste, par critère économique, et par
économique ?
I. CLASSES SOCIALES
ET RAPPORTS DE PRODUCTION
faite non pas directement, mais par le biais du travail incorporé dans
la marchandise, c'est-à-dire par l'accaparement de la plus-value.
Des conséquences importantes en découlent :
1.3.1. On voit bien que le procès de production n'est pas défini par
des données « technologiques », mais par des relations des hommes
aux moyens de travail, donc par l’unité du procès de travail et des rap-
ports de production. On ne peut parler, dans les sociétés divisées en
classes, de travail « productif » neutre en soi. Est « travail productif »,
dans chaque mode de production divisé en classes, le travail qui cor-
respond aux rapports de production de ce mode, c'est-à-dire celui qui
donne lieu à une forme spécifique d'exploitation. Production, dans ces
sociétés, signifie en même temps, et dans un même mouvement, divi-
sion en classes, exploitation et lutte de classe.
Ainsi, dans le mode de production capitaliste, est « travail produc-
tif » celui qui, sur la base toujours de la valeur d'usage, produit de la
valeur d'échange, des marchandises, donc de la plus-value. C'est pré-
cisément ce qui définit « économiquement », dans ce mode, la classe
ouvrière : le travail productif renvoie directement à la division de
classe dans les rapports de production.
Ce qui permet de résoudre certains problèmes, mais qui en pose
d'autres :
1.3.2. Ce n'est pas le salaire qui définit la classe ouvrière, car le sa-
laire est une forme juridique de répartition du produit par le « contrat »
d'achat et de vente de la force de travail. Si tout ouvrier est un salarié,
tout salarié n'est pas un ouvrier, car tout salarié n'est par forcément tra-
vailleur productif, c'est-à-dire produisant de la plus-value/marchan-
dises.
Ici Marx nous donne des analyses explicites : par exemple, les tra-
vailleurs des transports (SNCF, etc.) sont considérés comme tra-
vailleurs productifs, appartenant à la classe ouvrière. C'est parce
qu'une « marchandise » n'existe qu'à partir du moment où elle est pré-
sente sur le marché, et ce qui compte pour la définition du travail pro-
ductif, c'est la marchandise plus-value.
Nicos Poulantzas, “Les classes sociales.” (1972) 14
terminée : ceux donc qui occupent une place déterminée dans la divi-
sion sociale du travail.
C'est notamment en tenant compte de ces remarques que l'on es-
saiera de répondre ci-dessous à la question des « techniciens et ingé-
nieurs », à laquelle s'apparente d'ailleurs celle du groupe des « sur-
veillants » du procès de travail (agents de maîtrise, etc.). La seule ré-
férence au « procès technique » et à la division technique du travail ne
saurait suffire.
Ceci ne veut pas du tout dire, bien entendu, que cette politique
bourgeoise réussit effectivement à créer des différenciations politiques
au sein de la classe ouvrière, et qu'il faudrait considérer les ouvriers
les « mieux payés » comme suspects. Mais cela démontre, en re-
vanche, l'inanité d'une certaine politique syndicale de défense à tout
prix de la hiérarchie des salaires, politique qui est défendue sous pré-
texte que les différenciations salariales seraient des simples « nécessi-
tés économiques » tenant, de façon exhaustive, à des différences
réelles dans les coûts de reproduction de la force-travail. Ce serait
considérer le salaire, forme juridique, comme une donnée exclusive-
ment économique, voire « technique » : ce qui plus est, on lui attribue-
rait « presque » un rôle analogue aux rapports de production. D'une
certaine politique de défense à tout prix de la hiérarchie des salaires au
mythe de la « classe salariale », il n'y a qu'un pas.
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3.3.2. La « nouvelle » petite-bourgeoisie, qui a tendance à aug-
menter sous le capitalisme monopoliste : celle des travailleurs sala-
riés non productifs, que l'on a mentionnée et à laquelle il convient
d'ajouter les fonctionnaires de l'État et de ses divers appareils. Ces tra-
vailleurs ne produisent pas de la plus-value. Ils vendent, eux aussi,
leur force de travail : leur salaire est déterminé, lui aussi, par le prix de
reproduction de leur force-travail, mais leur exploitation se fait par
l'extorsion directe du sur-travail, et non pas par la production de la
plus-value.
Or maintenant, ces deux grands ensembles occupent dans la pro-
duction des places différentes, qui n'ont rien de commun. Peuvent-ils
être considérés comme constituant une classe, la « petite-bourgeoi-
sie » ?
On peut donner ici deux réponses :
d'une reproduction première dans et par la lutte des classes à tous les
étages de la division sociale du travail. Tout comme leur détermina-
tion structurelle, cette reproduction des classes sociales concerne éga-
lement les rapports (sociaux) politiques et les rapports (sociaux) idéo-
logiques de la division sociale du travail qui, dans leur relation aux
rapports sociaux de production, revêtent un rôle décisif. C'est parce
que la division sociale du travail elle-même ne concerne pas seule-
ment les rapports politiques et idéologiques, mais également les rap-
ports sociaux de production au sein desquels elle domine la « division
technique » du travail : ce qui est une conséquence de la domination
des rapports de production sur le procès du travail au sein du procès
de production.
Dire que cette reproduction première des classes sociales dépend
de la lutte des classes, c'est dire aussi que ses formes concrètes dé-
pendent de l’histoire de la formation sociale : telle ou telle reproduc-
tion de la bourgeoisie et de la classe ouvrière, des classes de la pay-
sannerie, de l'ancienne et de la nouvelle petite-bourgeoisie dépendent
de la lutte des classes dans cette formation. On n'a qu'à mentionner la
forme et le rythme spécifiques de reproduction, en France, de la pe-
tite-bourgeoisie traditionnelle et de la paysannerie parcellaire, sous le
capitalisme, tenant aux formes spécifiques de leur alliance, pendant
longtemps, avec la bourgeoisie. Le rôle des appareils dans cette repro-
duction ne peut donc être lui-même situé que par rapport à cette lutte :
le rôle particulier à cet égard de l'école en France ne peut être situé
notamment que par rapport à l'alliance bourgeoisie/petite-bourgeoisie
qui a longtemps marqué la formation sociale française.
C'est dire également par là que si la reproduction élargie des places
des classes sociales « fait appel », notamment dans le champ idéologi-
co-politique, aux appareils idéologiques d'État, elle ne s'y limite pas.
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Université de Paris-Vincennes
Fin du texte