Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
œuvres médicales
choisies 1
de l'utilité des parties du corps humain
M, gollimcird
COLLECTION TEL
Galien
Œuvres
médicales
choisies
TRADUCTION DE
CHARLES DAREMBERG
CHOIX, PRÉSENTATION ET NOTES
PAR ANDRÉ PICHOT
Tomel
De l'utilité des parties
du corps humain
Gallimard
© Éditions Gallimard, 1994.
INTRODUCTION
VIE DE GALIEN
traduction par É. Littré (JO volumes), Baillière, Paris, 1839-1861. Il existe une
traduction moderne d'un certain nombre de traités (par R. Joly et J. Jouanna),
aux éditions Les Belles Lettres, Paris.
XIV Galien - Œuvres médicales choisies
dies par excès de pituite, humeur froide). Il établit ainsi une sorte de
correspondance entre le corps et le monde. Cette correspondance est
très nettement affirmée dans certains traités, notamment celui Du
régime et celui Des semaines, où est esquissée une théorie du corps
comme microcosme au sein du macrocosme (avec des comparaisons
de la terre et de la chair, du sang et de l'eau des rivières, de la chaleur
du corps et de celle du soleil, etc.).
Par ailleurs, pour Hippocrate (comme pour toute la biologie jusqu'à
Descartes, y compris celui-ci), le cœur possède un feu inné (dans le
ventricule gauche); le rôle de la respiration est de le refroidir. L'air
inspiré est supposé gagner le cœur par la veine pulmonaire; il s'y
réchauffe et est alors envoyé à tout le corps par les artères qui
répartissent cette chaleur entre les différents organes. De ce que les
artères des cadavres sont souvent vides de sang (ce qu'ils avaient
observé), les anciens Grecs avaient conclu que ces artères véhiculaient
de l'air (c'est Galien qui montrera qu'elles contiennent du sang),
tandis que les veines transportaient le sang (que leur fournissait le foie
ou le cœur, selon les auteurs). Le sang servait à nourrir les organes.
L'air, réchauffé par le cœur et distribué par les artères, était considéré
comme ce qui vivifiait le corps. Il possédait en effet les caractéris
tiques traditionnelles de la vie, le souffle et la chaleur; de plus, il se
rattachait directement au cœur, centre vital par excellence, et, par
celui-ci, au sang, substance non moins attachée traditionnellement à
la vie.
Tout ceci se retrouvera, sous des formes variées, dans les physiolo
gies ultérieures, et existait déjà plus ou moins dans les physiologies
contemporaines, celles de Platon et Aristote. C'est par sa médecine
qu'Hippocrate innove véritablement, du moins pour autant qu'on
puisse en juger car la médecine grecque antérieure est assez mal
connue.
Comme en Mésopotamie et en Égypte, la médecine grecque a
d'abord été comprise dans un cadre magico-religieux. Apollon puis
Asclépios étaient les divinités qui présidaient à cet art exercé en leurs
temples par des prêtres. L'une des pratiques médicales les plus
remarquables était l'incubation : après avoir effectué les purifications
requises (jeûne, bain, etc.) et s'être acquitté des offrandes demandées,
le malade passait la nuit dans le temple, aux pieds de la statue du dieu;
celui-ci lui apparaissait en rêve pendant son sommeil et lui indiquait le
traitement approprié à sa maladie; au réveil, le malade racontait le
rêve aux prêtres qui, après interprétation, appliquaient ledit traite
ment (en général un régime, des bains, des massages, ou autre
traitement diététique ou hydrothérapique - ce type de soins étant le
plus fréquent dans la Grèce antique). Cette pratique était très vraisem-
Introduction XV
Pour faire les hommes, les dieux formèrent les corps et les asso
cièrent à une âme. Ils fabriquèrent les corps avec de la terre, de l'eau,
de l'air et du feu, c'est-à-dire les quatre éléments de la physique
d'Empédocle, que Platon intègre dans sa propre physique en leur
donnant une nature particulaire (sur un mode pythagoricien, puisque
ces particules sont censées avoir la forme de quatre des cinq solides
réguliers, le tétraèdre, le cube, l'octaèdre et l'icosaèdre).
Quant à l'âme, elle est multiple. L'homme est en effet caractérisé
par la possession de deux, voire de trois âmes :
- une âme pensante, rationnelle et immortelle dans la tête (dans
l'encéphale) ;
- une âme mortelle, responsable des fonctions végétatives et des
« bas instincts », dans le ventre ou, plus précisément, dans, ou devant,
le foie (ce « devant le foie » pourrait être compris comme l'estomac,
l'origine de l'appétit matériel alimentaire ; mais chez Galien, qui se
réclame de Platon en cette matière, la localisation du principe nutritif
est clairement le foie lui-même);
- une âme « intermédiaire » (entre les deux précédentes, entre la
pensée et la vie), mortelle elle aussi, siégeant dans le cœur. Plutôt
qu'une âme à part entière, cette âme intermédiaire est, semble-t-il,
une partie de l'âme mortelle; celle-ci serait alors scindée en deux, une
partie dans le cœur et l'autre dans le foie. La partie logée dans le cœur
serait responsable des « sentiments nobles » (le courage, par
exemple), sentiments qui, sans être purement intellectuels et ration
nels (le domaine de l'âme immortelle), ne sont cependant pas aussi
bruts et vils que les appétits de l'âme logée dans le foie.
crate, il est le siège d'une chaleur intense, un feu inné qui a un rôle
important dans les processus vitaux. Selon une tradition parallèle, la
respiration est chargée du refroidissement de ce feu, afin de le
maintenir dans une limite acceptable.
Le cœur exerce son rôle par l'intermédiaire du système vasculaire.
Platon compare ce système à un réseau d'irrigation grâce auquel le
sang nourrit le corps. Il ne connaît évidemment pas la circulation à
proprement parler, c'est-à-dire un mouvement circulaire (il faudra
attendre le XVIIe siècle et Harvey pour que la circulation générale soit
découverte), mais seulement un déplacement du sang selon une
modalité assez compliquée où une sorte de flux et reflux sanguin est
associée à la respiration, de la manière dont ils l'étaient déjà chez
Empédocle 1 • Grâce à ce mouvement, le sang (et sans doute l'air)
parvient jusqu'aux différentes parties du corps qui sont ainsi nourries,
échauffées et animées.
Dans ce processus, si l'air provient de la respiration, le sang, lui, est
fabriqué à partir des aliments. Ceux-ci sont digérés grâce au feu, à la
chaleur du corps, ce qui les transforme en sang. Platon ne précise pas
où se déroule cette élaboration du sang à partir des aliments ; chez
Aristote, ce sera dans le foie et le cœur ; chez Galien, dans le foie
seulement.Une fois élaboré, ce sang, irriguant le corps, sert lui-même
d'aliment aux différents tissus et organes.
La biologie d 'Aristote
Aristote, bien qu'il fût fils de médecin, ne traita jamais de la
médecine dans ses différents ouvrages; en revanche, la biologie y
occupe une place extrêmement importante, au point qu'on peut
considérer qu'elle sous-tend la plus grande partie de sa philosophie.
Les êtres vivants sont, pour Aristote, dotés d'une âme. L'âme
aristotélicienne, de manière encore plus nette que l'âme platoni
cienne, est un principe moteur, c'est véritablement ce qui anime l'être
vivant, ce qui lui donne son mouvement (au sens large qu'a ce terme
chez Aristote); et une grande partie de la biologie aristotélicienne est
l'étude de la manière dont l'âme procède pour ainsi animer le corps.
Le monde selon Aristote est presque aussi vivant que le monde de
Platon. Il possède, au-delà des astres, un principe moteur, « le premier
moteur immobile » (plus ou moins assimilé à la divinité), qui donne
aux astres leur mouvement, lequel, via divers intermédiaires, est à
l'origine de tous les mouvements du monde sublunaire. Les êtres
vivants, en ce qu'ils possèdent une âme, ont, eux, un principe moteur
autonome qui les fait échapper, partiellement, à cette dépendance
vis-à-vis du premier moteur.
Chez Aristote, le mouvement est de trois sortes, tant pour ce qui
concerne les êtres vivants que les objets inanimés. C'est d'abord le
mouvement local, le déplacement; mais c'est aussi le changement
quantitatif (accroissement et diminution) et le changement qualitatif
(altération). Dans les êtres vivants, ces trois types de mouvements sont
tous sous le contrôle de l'âme, au lieu que, pour les objets inanimés, ils
relèvent tous du premier moteur immobile.
1. C'est le sens littéral du mot grec pneuma (nveûµa), ou du latin spiritus (qui
a donné esprit).
Introduction XXIX
ment parler, car cette machine qu'est le corps fonctionne grâce à des
propriétés quasi miraculeuses (en tout cas, tout à fait « providen
tielles ») que Galien appelle les « facultés naturelles ». Ce n'est donc
pas un mécanisme au sens cartésien, mais c'est déjà une sorte de
machinisation de l'être vivant : une machine fonctionnant grâce à des
facultés naturelles, plutôt que grâce aux principes de la mécanique
(Descartes s'en souviendra dans sa physiologie, quelque abandon qu'il
fasse des facultés naturelles).
De l'utilité des parties du corps humain est le titre d'un des princi
paux ouvrages de Galien, et il est en soi tout un programme : à quoi
peuvent bien servir les différentes parties du corps? La connaissance
de l'utilité des parties du corps passe par la découverte de leur
fonction. Pour des parties comme la main, la bouche, etc., la fonction,
et donc l'utilité, est parfaitement claire. Mais ce n'est pas le cas pour
des organes comme les nerfs, le foie, etc., dont la fonction n'est pas
évidente (la nature ne faisant rien en vain, pourquoi a-t-elle fait les
nerfs, le foie, etc. ?). D'où la justification de ce grand traité de Galien :
déterminer qu'elle est l'utilité des parties.
Galien y étudie la fonction de chaque partie, en conclut à son utilité,
et montre que sa structure est justement celle qui convient le mieux;
que ce soit la main, le pied, le cerveau, l'œil, le foie ou l'estomac. Tous
ces organes sont toujours faits du mieux qu'il est possible de les faire
(sauf chez le singe qui est, pour Galien, un animal ridicule et très
imparfait, une caricature de l'homme; c'est aussi l'animal sur lequel
Galien a étudié l'anatomie). Il n'y a pas de gradation dans la perfection
des parties (même s'il y en a une dans leur utilité); ainsi le pied n'est
pas inférieur à l'œil ou au cerveau pour ce qui concerne l'adéquation
de sa structure à sa fonction.
LA MÉDECINE DE GALIEN
Anatomie et physiologie
Galien n'a sans doute que très rarement disséqué des cadavres
humains. En son temps, cette pratique, qui avait cours à l'époque
d'Hérophile et d'Érasistrate, avait disparu de la médecine, pour cause de
divers interdits. Son expérience de médecin des gladiateurs et l'enseigne
ment reçu à Alexandrie lui avaient sans doute apporté quelques notions
d'anatomie humaine, mais c'est sur l'animal, et surtout le singe, que
Galien étudia les différents organes et leurs dispositions.
Malgré quelques erreurs célèbres (l'attribution d'un plexus réticulé
à l'homme, la description d'orifices interventriculaires, voire d'un os,
dans le cœur... ), l'anatomie de Galien est assez bonne; c'est, en tout
cas, la meilleure à nous être restée de l'Antiquité (celles d'Hippocrate
et d'Aristote sont assez sommaires), et elle aura cours jusqu'à la
Renaissance, où Vésale la détrônera. Il est difficile de dire ce qui, dans
cette anatomie, revient à Galien et ce qui revient à ses prédécesseurs. Il
reste en effet très peu de chose de l'anatomie d'Hippocrate et d'Aris
tote, et quasiment rien de l'anatomie de la période hellénistique et
romaine d'avant Galien (et ce qu'on en sait, on le sait par l'inter
médiaire de Galien lui-même). Il est donc probable que, même s'il y a
lui-même considérablement contribué, l'anatomie exposée par Galien
reprend un certain nombre de travaux antérieurs, notamment ceux
d'Hérophile et d'Érasistrate. Cette anatomie galénique est exposée
dans divers traités, notamment dans celui De l 'utilité des parties du
corps humain et dans celui Des procédures anatomiques.
des siècles une très mauvaise réputation (c'est elles que Descartes
s'efforcera de faire disparaître), mais, à l'origine, elles avaient pour
but de naturaliser la vie, de la détacher de l'âme à qui ne revenait plus
que le domaine psychologique (c'est dire qu'elles amorçaient le mou
vement que Descartes conclura par sa physiologie mécaniste, totale
ment soustraite à une âme qui n'est plus que pensante).
Le corps, nous l'avons dit, est conçu par Galien comme une sorte de
machine composée de parties construites par le Créateur pour
accomplir certaines fonctions, dont la raison d'être est l'utilité. Et ces
fonctions, elles les accomplissent grâce à leurs facultés naturelles.
Les facultés naturelles sont extrêmement variées, certaines se
trouvent dans toutes les parties du corps, d'autres sont plus parti
culières à tel ou tel organe. Les noms que Galien leur donne sont très
expressifs, et indiquent clairement à quoi elles servent : ces facultés
sont attractrice, rétentrice, expulsive, altératrice, sanguinifique, neu
rifique, nutritive, agglutinatrice, augmentative, assimilatrice, configu
rative, etc. Une faculté naturelle peut être constituée par d'autres
facultés; ainsi la faculté nutritive comprend elle-même des facultés
altératrice, agglutinatrice, rétentrice, assimilatrice, augmentative.
Les principales facultés naturelles sont les facultés attractrice,
rétentrice, expulsive et altératrice, qui se trouvent dans la plupart des
parties du corps (celles-ci sont attractrices pour l'aliment, rétentrices
pour une partie de celui-ci, expulsives pour les substances dont elles
ont à se débarrasser, et altératrices pour les substances qu'elles
assimilent).
La faculté attractrice se trouve dans tous les organes : l'estomac
attire les aliments, le foie attire les produits de la digestion stomacale
et intestinale, la vésicule biliaire attire la bile, les différents organes
attirent leur nourriture à partir des veines, etc. Chacune des parties du
corps attire quelque chose, qu' elle prend dans une autre partie. Se
créent ainsi toutes sortes de flux (à vrai dire assez indéfinis) qui
traversent le corps; des flux dont le sens est régi par la puissance
d'attraction : une partie forte attire, une partie faible se vide. Chacune
des parties semble avoir un appétit propre plus ou moins spécifique
pour telle ou telle substance : « affamée », la partie attire cette sub
stance; « rassasiée », elle cesse de l'attirer et peut même en céder un
surplus aux autres parties. Comme en général (mais pas toujours,
ainsi l' attraction de la bile par la vésicule biliaire) ces flux concernent
la nourriture, la répartition de celle-ci est assurée dans les différents
organes selon leurs besoins du moment et selon leur importance dans
le corps.
Importante également, et partout répandue dans le corps, est la
XL Galien - Œuvres médicales choisies
risée par telle composition (du sang, du tissu nerveux, de l'os, etc.), les
facultés altératrices procèdent en produisant les quatre qualités dans
la proportion correspondante. Par exemple, si l'os se caractérise par
une certaine proportion des quatre qualités, la faculté ossifique est la
faculté qui produit chacune de ces quatre qualités dans la proportion
adéquate. La composition d'une partie détermine donc ses facultés
naturelles; mais cette composition dépend elle-même des facultés qui
ont contribué à la formation de la partie; il y a ainsi une sorte de
circularité.
Les facultés naturelles prennent donc plus ou moins le rôle que
jouaient l'âme nutritive et la chaleur chez Aristote. Au lieu d'une seule
âme et d'un seul agent transformateur (la chaleur), on a une multitude
de facultés naturelles spécialisées ayant chacune leur pouvoir propre
(indépendamment de l'âme). Il s'ensuit que les processus vitaux, qui
relevaient de cette âme et de la chaleur, sont « désanimisés » et
« naturalisés ». Ils perdent en même temps l'unité que leur donnait
leur regroupement sous le commandement d'une âme. Galien ne dit
rien de la nécessité d'une coordination de ces facultés naturelles dans
les processus vitaux. Il évoque bien deux principes, l'un nutritif et
l'autre vital, logés respectivement dans le foie et le cœur, mais sans
leur donner de rôle précis en rapport avec les facultés naturelles.
Peut-être considérait-il qu'elles étaient organisées dès l'origine par
une sorte d'harmonie préétablie?
Celle-ci est végétative, mais elle n' est pas nutritive (c'est le foie et le
sang qui ont cette fonction de nutrition). En quoi consiste alors cette
« vivification »? Est-ce que le principe cardiaque est une âme agissant
par la chaleur (via le pneuma vital qui serait une sorte d'air chaud)?
Est-ce une « nature » qui agit par des facultés naturelles (qui ne sont
pas précisées, car les facultés décrites pour le cœur sont surtout
attractrices et expulsives, il n'y en a pas qui soient spécialement
chargées de l'élaboration du pneuma vital ou de la chaleur)? On
retrouve ici une indécision comparable à celle déjà rencontrée pour le
principe nutritif logé dans le foie. Reste à voir le troisième principe,
celui logé dans l'encéphale.
moins bien reliées entre elles (tel déséquilibre des humeurs entraîne
telle ou telle altération de tel ou tel organe; telle altération de tel
organe entraîne tel déséquilibre des humeurs).
1. Dans la physique d'Aristote, c'est l'air qui est chaud et humide, l'eau qui
est froide et humide, la terre qui est froide et sèche, le feu qui est chaud et sec.
LIV Galien - Œuvres médicales choisies
(correspondant chacune à un trouble concernant deux qualités, sec
chaud, sec-froid, humide-chaud, humide-froid).
LA POSTÉRITÉ DE GALIEN
La bile jaune comporte des nuances variées : l'une est connue sous
le nom de fumeuse,
une autre est semblable au jaune d'œuf: elle n'est pas malsaine,
une autre encore est de couleur rouge et se trouve dans la vésicule
biliaire. À toutes est attribué le tempérament chaud.
L'origine du sang est le foie, les veines le transportent dans tout le
corps.
Il y a aussi du sang dans le cœur, il est de caractère chaud et
humide.
Le siège de l'atrabile est la rate, cette opinion est vraisemblable.
La nature du sang est complexe; sinon il n 'est pas normal.
Il résulte du mélange et de la combustion des quatre humeurs.
Les organes essentiels sont quatre, les autres en sont des expansions
semblables à des branches.
L'un d'eux est le foie : de lui dépend la nutrition du corps.
Le cœur, lui, donne la vie; sans lui, l'homme serait une plante,
il est le principe de la chaleur naturelle qui suit les deux grosses
artères.
Le cerveau, par l'intermédiaire de la moelle épinière et des nerfs,
empêche le cœur de s 'embraser.
C'est d'eux [moelle et nerfs] que part l'influx moteur des
articulations. Les testicules, eux, sont les organes de la
reproduction;
par eux, les espèces se perpétuent, leur absence les fait disparaître.
La chair, la graisse, les différentes espèces de glandes sont les agents
des fonctions du corps.
Les os, les membranes, les ligaments en sont les soutiens et la
protection;
Pour que s'achèvent la forme et la constitution, ils sont les
auxiliaires des organes principaux.
Les ongles sont aux extrémités comme outils, les poils éliminent les
résidus et ornent le corps.
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRAL E
D E LA MAIN
On dit que tout animal est un, parce qu'il se présente avec
une certaine circonscription propre et qu'il n'a aucun point de
jonction avec les autres animaux; de même on dit que chacune
des parties de l'animal, par exemple l'œil, le nez, la langue,
l'encéphale, est une, attendu qu'elle se présente aussi avec une
circonscription propre. Si ces parties ne tenaient point par
quelques côtés à ce qui les avoisine, et si au contraire elles
étaient complètement isolées, alors elles ne seraient pas du
tout parties, mais simplement unes ; de sorte que tout corps qui
n'a pas une circonscription propre complète, mais qui n'est
pas non plus uni de tous côtés à ceux qui l'environnent, est
appelé partie. S'il en est ainsi, il y aura beaucoup de parties
dans les animaux, celles-ci plus grandes, celles-là plus petites,
et celles-là enfin tout à fait indivisibles en d'autres espèces.
plantes : ce qui montre qu'ils ont l'âme pour fin. Double est l'acception du terme
"fin" : le but lui-même et le sujet pour qui ce but est une fin. »
Livre I - De la main 5
Ainsi l'homme est le plus sage de tous les animaux, ainsi les
mains sont des instruments qui conviennent à un être sage, car
l'homme n'est pas le plus sage des animaux parce qu'il a des
mains, comme le dit Anaxagore, mais il a des mains parce qu'il
est le plus sage, comme le proclame Aristote (Parties des
animaux, IV, x, 687a), qui juge très judicieusement. En effet,
ce n'est pas par ses mains, mais par sa raison, que l'homme a
appris les arts : les mains sont un instrument, comme la lyre
pour le musicien, comme la tenaille pour le forgeron ; de
même que la lyre n'a pas formé le musicien, ni la tenaille le
forgeron, mais que chacun d'eux est artiste en raison de
l'intelligence dont il est doué, et qu'il ne peut pas exercer son
art sans instruments, de même toute âme est douée, en vertu
de son essence, de certaines facultés ; mais il lui est impossible
d'exécuter ce à quoi sa nature la destine si elle est privée
d'instruments. On voit évidemment, en observant les animaux
nouveau-nés qui cherchent à agir avant que leurs parties
soient entièrement formées, que les parties du corps n'excitent
pas l'âme à être lâche, courageuse, ou sage. Ainsi j'ai souvent
vu un veau frapper à coups de tête avant que ses cornes fussent
poussées ; un poulain ruer, bien que ses sabots fussent encore
mous, et un tout petit porc chercher à se défendre avec son
groin dépourvu de ses grandes dents ; enfin un petit chien
s'efforçant de mordre avec ses dents encore tendres, car tout
animal a en lui, sans qu'on le lui ait appris, le sentiment des
facultés de son âme et de la puissance des parties de son corps.
Pourquoi donc le jeune porc pouvant mordre avec ses petites
dents, les laisse-t-il en repos et ne les emploie-t-il pas à
combattre, tandis qu'il cherche à se servir de celles qu'il n'a
pas encore ? Comment peut-on dire que les animaux
apprennent des parties elles-mêmes la manière de s'en servir,
puisque avant de posséder ces parties, ils en connaissent déjà
Livre I - De la main 7
1. Le texte d'Hippocrate (De l'aliment, Œuvres, IX, p. 113) dit : • Les natures
n'ont, en rien, de maître qui les instruise. » - Galien revient souvent sur la
spontanéité des actes instinctifs des animaux (par exemple : Utilité des parties,
XN, VII; Des facultés naturelles, I, XIII; Dogmes d'Hippocrate et de Platon, IX, VIII;
Des lieux affectés, VI, VI).
8 De l 'utilité des parties du corps humain
part. En effet, les très petits objets, on les saisit avec l' extré
mité des deux doigts, l'index et le pouce; les objets un peu plus
gros, on les prend avec les mêmes doigts ; mais non pas avec
l'extrémité ; pour les objets encore plus volumineux, on se sert
de trois doigts, le pouce, l'index et le médius ; pour ceux qui
sont encore plus gros, on met quatre doigts en œuvre, puis les
cinq doigts, puis toute la main ; puis on ajoute la deuxième
main pour les objets encore plus volumineux. La main n'eût
pu remplir aucun de ces offices, si elle n'eût été divisée en
parties de diverses formes. - Mais il ne suffisait pas que la
main fût simplement divisée en doigts : en effet, à quoi cela
eût-il servi, si un des cinq doigts n'eût pas été opposé aux
quatre autres comme cela a lieu, et si tous avaient été placés
sur le même rang les uns à côté des autres ? N'est-il pas évident
que le nombre des doigts deviendrait inutile ? car, pour être
maintenu fermement, tout corps doit être saisi de tous côtés
circulairement, ou, du moins, par deux points opposés. Cet
avantage eût été perdu si les cinq doigts eussent été rangés sur
la même ligne à la suite les uns des autres; mais dans l'état
actuel des choses, il est conservé, un des doigts pouvant être
opposé aux autres; car ce doigt est placé et se meut de telle
façon, qu'au moyen d'un mouvement de rotation très limité, il
peut agir de concert avec chacun des doigts qui lui est opposé.
Comme il était mieux que les mains pussent remplir les
fonctions qu'elles remplissent maintenant, la nature leur a
donné une structure qui les rend aptes à ces opérations.
utilité aux parties qui composent ces organes, les autres une
autre. Nous discuterons ces questions dans la suite de notre
traité, car en les soulevant ici, nous n'avions d'autre but que de
faire connàître le motif pour lequel nous avons entrepris
d'écrire Sur l 'utilité des parties, quoique beaucoup de bonnes
choses aient été dites par Aristote, et aussi, bien que peut-être
ils n'aient pas égalé Aristote, par un assez grand nombre de
médecins et de philosophes, parmi lesquels on doit compter
Hérophile de Chalcédoine ; enfin que les écrits d'Hippocrate
ne sont pas suffisants, attendu qu'il exprime obscurément
certaines choses et qu'il omet tout à fait certaines autres, car,
d 'après mon opinion, Hippocrate n'a rien écrit de mauvais ; pour
toutes ces causes, nous avons été poussé à écrire sur l'utilité
des parties; nous interpréterons ce qu'Hippocrate a laissé
d'obscur, et nous ajouterons ce qu'il a omis, en nous confor
mant à la méthode qu'il nous a transmise.
On n'a pas encore dit, pourquoi les ongles sont doués d'une
certaine dureté, et non pas d'une dureté plus grande, et
pourquoi ils sont ronds de tous côtés ; il est donc temps de
traiter ce sujet. S'ils avaient été plus durs qu'ils ne le sont
maintenant et semblables à l'os, ils seraient moins propres à la
préhension, car ils ne pourraient pas se plier un peu, et surtout
ils seraient facilement brisés, comme tous les autres corps
durs. Pourvoyant donc à leur sûreté, la nature les a faits
modérément durs, pour que rien ne nuise à l'utilité en vue de
laquelle ils ont été créés, et qu'eux-mêmes ne puissent pas être
facilement lésés. La structure de toutes les autres parties
semblables devra vous montrer avec quelle précaution la
nature a fait les ongles plus mous que les os, dans une
Par ce qui suit vous apprendrez que les os des doigts ont été
créés également pour le mieux. À la vérité les doigts pour
raient, sans le secours des os, se mouvoir de diverses
manières, comme les bras des poulpes, mais ils n'auraient
aucun soutien, s'ils étaient privés d'une partie résistante et
dure. Les os offrent précisément ces conditions dans le corps
des animaux; voilà pourquoi on trouve des os dans les doigts,
dans les bras, dans les jambes et dans beaucoup d'autres
parties du corps. La suite du traité montrera bientôt de quelle
utilité est le soutien fourni par les os à chaque partie. On peut
voir que les os servent à beaucoup des opérations des doigts,
en réfléchissant que si nous n'avions pas d'os nous ne ferions
pas mieux, soit en écrivant, soit en coupant, soit en nous
livrant à tout autre travail, que ceux qui tremblent ; car les
inconvénients qui résultent, pour ces derniers, d'une maladie,
tous nous les éprouverions naturellement, si les doigts étaient
flexibles et mobiles à cause de leur mollesse. Mais la nature
des os a été formée comme un soutien par le Créateur pour
donner de la force aux doigts dans chacune des formes qu'ils
prennent. En effet, cette faculté, très utile du reste, de pouvoir
prendre des formes diverses, résulte de ce que les doigts sont
composés de plusieurs os, et n'existerait pas, s'ils n'en avaient
qu'un seul; dans ce cas, en ,effet, on ne pourrait exécuter
convenablement que les actes réclamant l'emploi des doigts
dans l'extension. Il faut admirer en cela l'artifice de la nature,
construisant les doigts de façon qu'ils soient aptes à toutes les
fonctions; en effet, privés d'os ils n'eussent pu agir avec
Livre I - De la main 23
efficacité que dans les cas où nous sommes obligés de les plier
en rond autour de l'objet à saisir; s'ils n'avaient eu qu'un seul
os ils n'eussent pu nous bien servir que dans le cas où il faut
agir avec les doigts étendus ; n'étant ni privés d'os, ni pourvus
d'un seul os, mais construits avec trois os qui s'articulent les
uns avec les autres, ils prennent facilement toutes les formes
exigées pour l'accomplissement de leurs fonctions. Quand les
articulations sont toutes fléchies, nous nous servons des doigts
comme s'ils n'avaient point d'os ; quand elles sont toutes
étendues, les doigts sont comme s'ils n'avaient qu'un os.
Souvent nous n'avons pas besoin que les articulations soient
toutes étendues, ou toutes fléchies ; alors fléchissant ou éten
dant soit la première articulation seulement, soit la seconde,
ou la troisième, quelquefois la première avec la seconde, ou la
seconde et la troisième, ou la première et la troisième, nous
produisons six figures. Il est impossible de dire, mais on peut
facilement se représenter pour chacune de ces figures, quel
nombre de figures intermédiaires donne le plus ou le moins ;
car l'extrême flexion et l'extrême extension ne souffrent pas
une division en plus ni en moins, mais les mouvements
intermédiaires produisent un nombre en quelque sorte indé
terminé de figures par la flexion et l'extension successives,
tantôt en plus, tantôt en moins. Ainsi, par suite de cette
structure, les doigts ne prennent pas seulement six formes,
mais six formes générales, les particulières étant infinies. Les
deux autres modes de construction, je veux dire l'absence d'os,
ou la présence d'un seul os, ne peuvent donner aux doigts que
deux figures, la ronde et la droite, mais maintenant ils ne sont
pas privés de ces deux figures ; et de plus ils en ont six
générales et une foule de particulières. - Si les doigts eussent
été faits seulement d'os disposés en ligne droite, ils eussent pu
prendre exactement une figure rectiligne, mais jamais ils
n'eussent pu se former exactement en rond.
1 . Vésale (De corp. hum. fabrica, I, XXVII) reprochera à Galien d'avoir cru que
les os des doigts n'ont pas de moelle.
30 De l'utilité des parties du corps humain
cette disposition eût-elle servi ? Elle ne les a pas fixés non plus
sur l'extrémité de l'os placé en avant de l'articulation, il n'en
fût résulté aucun avantage ; mais elle les a insérés sur la tête du
deuxième os qui devait être mû. Cela se passe, je suppose, de la
même manière, pour les marionnettes mises en mouvement à
l'aide de ficelles 1 • En effet, pour les marionnettes, on fait
passer la ficelle par-dessus les jointures et on la fixe à la base
des parties situées au-dessous, afin que le membre obéisse
facilement quand on tire cette ficelle. Si jamais vous avez vu
des marionnettes, vous vous ferez une idée claire du mouve
ment imprimé à chaque articulation par chaque tendon. En
effet, l'os postérieur à l'articulation se mouvant autour de
celui qui est en avant et qui reste immobile, le doigt est étendu
quand c'est le tendon externe qui agit ; il est fléchi quand c'est
le tendon interne.
Pourquoi la nature a-t-elle produit de longs tendons et n'a
t-elle pas implanté les muscles sur le carpe ? Parce qu'il était
préférable que la main fût légère et mince, et qu'elle ne fût pas
surchargée d'une masse de chairs qui l'aurait rendue lourde et
épaisse, car elle eût fait plus mal et plus lentement beaucoup
des choses qu'elle fait maintenant promptement et bien.
Comme d'un côté il était nécessaire d'amener les tendons de
loin, et que, de l'autre, il y avait du danger pour ces tendons
nus et placés dans une région dépourvue de chair, d'être
facilement contus ou coupés, échauffés ou refroidis, elle les a
protégés en fabriquant une membrane dure dont elle les a
entourés de tous côtés, de telle façon qu'elle ne les a pas
seulement mis à l'abri des chocs extérieurs, mais aussi du
contact des os. Chaque tendon est exactement rond depuis sa
sortie des muscles jusqu'aux articulations, afin de n'être pas
1. Aristote, Mouvement des animaux, VII, 701b : « On connaît les automates
qui se meuvent sous une légère impulsion, les cordes tendues une fois libérées
déclenchant les rouages qui s'entraînent les uns les autres, et le petit char que
celui qui le monte pousse tout droit, et qui malgré cela prend un mouvement
circulaire parce que ses roues sont inégales (la plus petite joue le rôle d'un
centre, comme cela se produit pour les rouleaux). C'est de la même façon que se
meuvent les animaux. Ils ont, en effet, des organes du même genre, le système
des tendons et celui des os, ces derniers comparables aux morceaux de bois et au
fer des machines, tandis que les tendons sont comme les cordes : une fois qu'ils
sont libérés et se détendent, les animaux se meuvent. »
32 De l'utilité des parties du corps humain
1. Il s'agit ici du tendon que le fléchisseur profond envoie chez les singes au
pouce pour tenir lieu du long fléchisseur propre qui manque chez ces animaux.
Livre I - De la main 33
Il a déjà été dit que ce dernier tendon devait être simple, plus
mince que les autres, et qu'il devait se fixer à la deuxième
articulation du grand doigt ; mais ce qui n'a pas encore été dit,
c'est que chaque tendon étant fait pour tirer vers sa tête les
parties qu'il doit mouvoir, et que cette tête se trouvant juste
ment placée au milieu de l'articulation du carpe, si le pouce
était tendu vers cette partie, il lui arriverait toute autre chose
que d'être fléchi. Ici l'art de la nature est merveilleux, et vous
l'admirerez comme il convient si vous réfléchissez que la tête
du tendon chargé de fléchir le grand doigt, devait se trouver au
centre et dans le creux de la main. Mais s'il en eût été ainsi, le
muscle qui fait suite à cette tête du tendon pour continuer sa
direction, après lui, aurait dû arriver jusqu'au petit doigt et
prendre, de cette façon, une position étrange et peu conve
nable pour plusieurs raisons : et d'abord la main eût été privée
de la cavité qui sert en beaucoup de circonstanclis ; en second
lieu, sa légèreté eût été détruite ; en troisième lieu, la flexion
des doigts eût été gênée ; enfin, en quatrième lieu, et c'est là ce
qu'il y aurait eu de plus étrange et de plus impossible, c'est que
la tête du muscle eût été placée sur le petit doigt ; or s'il en eût
été ainsi, l'insertion sur la tête de ce muscle, du nerf venant
d'en haut, eût été difficile ou plutôt impossible, puisqu'il
pénétrerait d'abord dans ce muscle par l'extrémité, ou du
moins par le milieu. D'un côté, s'il n'était pas possible de
placer dans cet endroit le tendon qui devait présider pour le
pouce au mouvement de flexion, et si, de l'autre, ce mouve
ment ne pouvait s'accomplir, le tendon n'occupant pas cette
position, il y avait danger que le mouvement de flexion fût
supprimé ou tout à fait gêné. Comment la nature a-t-elle
triomphé d'une si grande difficulté ? Elle a fait naître le tendon
de l'aponévrose qui est à la région du carpe, car comment
pouvait-elle faire autrement ? Mais elle ne l'étendit pas directe
ment vers le pouce, et ne le fit pas non plus partir des parties
qui font directement suite à ce doigt : il prend son origine au
même point que celui qui se rend vers le doigt du milieu
(portion du fléchisseur profond) sur lequel il repose longtemps,
et auquel il est accolé par de fortes membranes ; il s' en sépare
en traversant ces membranes quand il est arrivé au creux de la
36 De l'utilité des parties du corps humain
CHAPITRE XXI . - Que les tendons ont été faits tels qu'ils sont anté
rieurement aux fonctions, contre les sectateurs d'Épicure et d'Asclé
piade (cf. VI, XIII). - Que les insertions tendineuses doivent différer
dans le pouce et, dans les autres doigts, rester les mêmes.
nous avons dit plus haut (chap. XVII), nous avons besoin dans
toutes ces fonctions, de deux mouvements du pouce, un pour
combler, en quelque sorte, l'espace vide qui existe vers l'indi
cateur, l'autre, lorsque nous plaçons le pouce sur les autres, les
serrant et les comprimant vers le dedans de la main
(chap. XXIII). Le premier de ces mouvements est sous la dépen
dance de l'un des deux tendons qui opèrent les mouvements
obliques du pouce (long extenseur) ; le second est accompli par
celui qui peut fléchir la deuxième articulation et que nous
avons dit provenir de la tête commune des tendons des -flé
chisseurs (profonds) des doigts, et s'insérer à la partie interne
du deuxième os du pouce. Ce qui a déjà été dit (cf. I, XVII) et la
suite de ce discours (II, III-IV) dévoilent la structure de ce
tendon et aussi celle de tous les autres.
CHAPITRE xxn. - De l'utilité du pouce ; origine de son nom (anti
main, avi:ixE1p). - Comparaison du pouce chez l'homme et chez le
singe. - Ce chapitre est encore dirigé contre Épicure et Asclépiade.
DU M E M B RE A B D O M INAL E T DE
SES DIVE R S E S PARTIES
[ ...]
Ne demandez donc plus pourquoi le muscle qui s'étend le
long du péroné et qui exécute le mouvement externe du pied se
porte de bas en haut ainsi que le muscle attaché au tibia et qui
opère le mouvement interne. Ces muscles devaient être placés
dans le sens des mouvements qu'ils exécutent. - Ne demandez
pas pourquoi le muscle externe est petit, ni pourquoi le muscle
qui s'étend à la partie interne de la jambe est beaucoup plus
grand. La nature, juste en tout, a mesuré leur grandeur à
l'utilité de la fonction que chacun d'eux devait remplir. Ne
demandez pas non plus pourquoi un tendon du muscle du
péroné s'insère aux parties externes du petit doigt, et un autre
tendon de celui du tibia, plus grand que l'autre du double, se
Livre III - Du membre abdominal 49
CHAPITRE III . - Si l'estomac élimine des aliments les parties les plus
grossières, le foie à son tour, quand il a reçu ces aliments, leur fait
subir une seconde purification. - Comparaison de la formation du
sang à la fabrication du vin.
1. Aristote, Parties des animaux, III, vn, 670b : « La rate, en effet, attire hors
du ventre les humeurs superflues, et comme elle est sanguine elle peut contri
buer à leur coction. »
Livre N - Des organes alimentaires et de leurs annexes 59
Cette humeur est alors reçue par une très grande veine qui,
née de la partie convexe du foie (par les veines hépatiques), se
porte aux deux extrémités supérieure et inférieure de l'animal
(veines caves) 2 . Vous diriez un aqueduc plein de sang, d'où
1. Platon, Timée, 80d-81b : « Or, le feu divise les aliments; ses fluctuations à
l'intérieur du corps suivent celles du souffle ; dans cette fluctuation commune, il
remplit les veines aux dépens de la cavité, où il puise les aliments par lui divisés;
et c'est ce qui fait que, par tout le corps, chez tous les vivants, les flots de la
nourriture vont ainsi porter leur inondation. Or, fraîchement cueillis et emprun
tés à des congénères, soit des fruits, soit des herbes, qu'un dieu à cette fin précise
a pour nous plantés, pour être notre nourriture, ces aliments divisés prennent
par leur mélange des couleurs bariolées; mais c'est la couleur rouge qui
principalement s'y répand : du feu, exerçant son action incisive et imprimant sa
marque dans l'humide, elle est l'ouvrage et la caractéristique. Aussi bien, le
liquide qui circule par le corps a-t-il la couleur et l'aspect que nous venons de
décrire; nous l'appelons le sang, pâture des chairs et du corps entier; c'est de lui
que toutes les parties qu'il irrigue tiennent de quoi combler leurs vides, réparer
leurs pertes. Or la manière dont s'accomplit la réparation ou déperdition est
pareille à ce qu'est dans le Tout le transport de toute chose, par quoi chacune,
suivant sa nature, se porte vers sa masse propre. Il faut savoir, en effet, que les
choses extérieures, qui nous environnent, ne cessent de nous dissoudre et de
distribuer nos ingrédients, les expédiant respectivement vers le genre où ils
s'apparentent ; mais, en compensation, les ingrédients du sang, finement morce
lés en dedans de nous et qu'enveloppe, telle la voûte céleste, l'organisme de
chaque vivant, sont eux-mêmes contraints d'imiter le transport qui s'effectue
dans le Tout; vers ce qui est de même nature se portent donc respectivement les
parcelles de l'intérieur, et le vide qui s'était fait se trouve de nouveau comblé. »
2. Pour Galien comme pour les modernes, le contenu de la veine porte se
dirige des viscères abdominaux vers le foie ; mais suivant Galien, cette veine, qui
elle-même part du foie, comme toutes les autres veines, transporte un aliment
qui a déjà subi un commencement d'élaboration que le foie est chargé d'achever.
- La veine cave naît des veines hépatiques; elle se porte en haut et en bas et ne
constitue en réalité qu'une seule veine, puisque l'oreillette droite n'en est qu'un
diverticu/um et, pour ainsi dire, une dilatation (cf. livre VI, IX, XI, xv). La portion
de la veine cave qui est au-dessus de l'insertion des veines hépatiques porte le
sang dans les parties supérieures, en sorte que, pour Galien, c'est la partie
ascendante, tandis que la portion située au-dessous de l'insertion de ces veines
hépatiques porte le sang aux parties inférieures, et constitue par conséquent la
partie descendante. Donc, pour Galien, la veine cave se comporte par rapport au
foie comme l'aorte par rapport au cœur. - Quand Galien dit que la veine cave
60 De l'utilité des parties du corps humain
naît de la face convexe du foie, il entend que c'est plus particulièrement dans
cette région qu'on trouve les grosses branches des veines hépatiques, car il savait
très bien que les ramifications de ces veines pénètrent dans tout le parenchyme
et s'anastomosent avec celles de la veine porte.
1. Hippocrate, De l'aliment, Œuvres, IX, p. 121 : « L'humidité, véhicule de
l'aliment. »
2. Aristote, Parties des animaux, III, IX, 671b : « Le canal qui vient de la veine
n'aboutit pas dans la cavité des reins, mais se perd dans la masse de ces viscères.
C'est pourquoi il ne se trouve pas de sang dans ces cavités et il n'y coagule pas
après la mort. De la cavité des reins partent vers la vessie deux robustes canaux
non sanguins, un de chaque rein, et de l'aorte en viennent d'autres qui sont forts
et continus. Cette disposition permet d'une part à l'humeur sécrétoire qui vient
de la veine de se rendre dans les reins, et d'autre part au dépôt d'humeur produit
Livre N - Des organes alimentaires et de leurs annexes 61
par les reins, après avoir filtré à travers la masse des reins, de se déverser au
centre, où le plus souvent les reins ont leur cavité. Et c' est pourquoi ce viscère est
celui qui dégage l'odeur la plus fétide. Enfin, à partir du centre et par ces canaux,
l'humeur qui déjà ressemble plutôt à un excrément, se distille dans la vessie. »
1 . Galien fait surtout allusion ici à son traité Des facultés naturelles, et à celui
De l'usage du pouls.
62 De l'utilité des parties du corps humain
dans les vaisseaux comme à travers des racines. Les plantes, elles, ont leurs
racines qui s'enfoncent dans la terre (car c'est de là qu'elles tirent leur nourri
ture); chez les animaux l'estomac et la puissance des intestins constituent la
terre d'où il leur faut tirer leur nourriture. C'est pourquoi le mésentère existe
avec les vaisseaux qui le traversent et qui ressemblent à des racines. »
1. Galien, Facultés naturelles, III, VI; Dogmes d'Hippocrate et Platon, VIII, IX.
64 De l 'utilité des parties du corps humain
1. Platon, Timée, 70a : « C'est donc dans la poitrine, en ce qu'on appelle 'le
thorax [en fait, le tronc], qu'ils [les dieux] attachèrent l'espèce mortelle de l'âme.
Et, comme il y avait en elle une partie naturellement meilleure, une autre pire,
ils font encore deux pièces dans la cavité du thorax; ils les séparent comme
l'appartement des femmes et, à côté, celui des hommes, et ils mettent au milieu
le diaphragme, comme une cloison. Ainsi, la partie de l'âme qui a part au
courage et à l'emportement, avide qu'elle est de dominer, ils l'établissement plus
près de la tête, entre le diaphragme et le cou [dans la poitrine, le cœur], afin que,
docile à la raison, elle pût de concert avec elle contenir par la force l'espèce des
appétits, lorsque du haut de l'Acropole, les ordres de la raison n'auraient plus
moyen d'obtenir d'eux une obéissance de bon gré consentie. »
80 De l'utilité des parties du corps humain
l. Cet avis d'Érasistrate était partagé par Rufus, comme il l'était déjà,
semble-t-il, par Aristote (Panies des animaux, III, VII, 670a-b).
Livre IV - Des organes alimentaires et de leurs annexes 8 1
fonction, car nous les avons exposées toutes dans notre traité
Sur les facultés naturelles ; nous avons expliqué aussi (Fac. nat.,
III, XIII, XIV et xv) comment les orifices des artères qui
pénètrent dans l'intestin, absorbent peu de nourriture, tandis
que la plus grande partie passe dans les veines. Ce fait même
que les artères contiennent naturellement le sang, est établi à
part dans un autre traité 1 •
Il ne nous reste maintenant qu'à achever la description de la
structure des intestins. Nous avons montré (chap. VIII ; cf Fac.
nat., III, x-xI) que toutes les fonctions, toutes les facultés dites
éliminatoires et propulsives résultaient du mouvement des
fibres transversales, comme les propriétés attractives du mou
vement des fibres droites. Si donc l'estomac, doué de ces deux
facultés, réclamait deux tuniques disposées en sens inverse,
chaque intestin n'ayant pas d'autre espèce de mouvement que
la propulsion, ne devait posséder qu'une espèce de tunique se
déroulant en fibres transversales et circulaires. Pourquoi donc
les intestins sont-ils pourvus de deux tuniques si elles se
comportent de la même façon ? L'une des deux paraît super
flue. Il n'en est rien. Si la tunique des intestins est double, c'est
pour exercer plus fortement la puissance d'expulsion, et pour
protéger les organes mêmes contre les lésions. De même que le
séjour prolongé des aliments dans l'estomac importait à leur
complète coction, de même le séjour dans les intestins était
préjudiciable. Il suffisait, en effet, de leur passage à travers un
conduit long et étroit, pour en opérer dans le foie une distribu
tion exacte.
La sécurité des intestins, leur résistance parfaite aux causes
perturbatrices ne trouve pas une protection médiocre dans la
présence des deux tuniques, c'est ce qu'on remarque surtout
dans les affections dysentériques. Nous avons vu maintes fois
beaucoup de malades depuis longtemps atteints d'affections
très graves, ayant une grande partie des intestins pourrie au
point qu'en beaucoup de places la tunique interne était
détruite. Ils vivaient cependant, et continuaient de vivre, grâce
1. Galien, Si du sang est contenu dans les artères; Manuel des dissect., VI, xvu;
Utilité des parties, V, XI, et XIV, XIV.
Livre N - Des organes alimentaires et de leurs annexes 89
l'appétit revienne également vite. [ ...] Car pour ainsi dire tous les animaux à
cornes ont des intestins de grande dimension pour l'élaboration de la nourri
ture. Chez ceux qui n'ont pas l'intestin droit, cette partie, à mesure qu'on avance,
devient plus large; ces animaux ont ce qu'on appelle le côlon, puis la partie du
gros intestin qui forme le crecum ; à partir de là l'intestin redevient plus étroit et
a davantage de circonvolutions ; enfin, après cette portion, il poursuit sa route
tout droit [le rectum] jusqu'à l'issue des excréments. » - Aristote, Génération des
animaux, I, IV, 717a : « De même qu'en ce qui concerne la nutrition, les animaux
à intestin droit sont plus avides de nourriture, de même ceux qui n'ont pas de
testicules mais de simples canaux, ou ceux qui, tout en ayant des testicules, les
ont intérieurement, tous ceux-là sont plus rapides dans l'acte d'accouplement. »
Livre IV - Des organes alimentaires et de leurs annexes 91
D E S O RGANES ALIMENTAIRES E T
D E L EU R S ANNEXE S (s u i te)
propres à chacun d'eux. - Il n'en est pas de même de la vessie, qui a été
créée, en vue de l'urine et non en vue de la bile que contient naturelle
ment l'urine, de telle sorte qu'elle serait lésée si elle n'évacuait pas
promptement son contenu.
D E S O R G A N E S R E S PI RAT O I R E S
cœur n'est pas situé en totalité dans le côté gauche, mais qu'il
occupe précisément le centre, dans le sens non seulement de la
largeur, mais aussi des deux autres dimensions, profondeur et
longueur du thorax. En effet, le cœur est à égale distance des
vertèbres, en arrière ; du sternum, en avant ; il est aussi éloigné
des clavicules fixées à la partie supérieure que du diaphragme
placé à la partie inférieure. On comprend qu' ainsi établi au
centre de la poitrine, selon toutes les dimensions, il attire
également l'air de toutes les parties du poumon et qu'il occupe
une position parfaitement sûre, étant si éloigné des corps
extérieurs qui, pour arriver jusqu'à lui devront pénétrer à
travers le thorax 1 .
sanguinifique. La veine cave (qui, pour Galien, est au foie ce qu'est l'aorte au
cœur) répartit ce sang dans tout le corps, et notamment au ventricule droit du
cœur, d'où une partie gagne le poumon par l'artère pulmonaire, et le reste
gagne, par de supposés orifices interventriculaires, le ventricule gauche où il se
mêle au pneuma (et repart par l'aorte).
1. Sur la position du cœur, Aristote écrit (Parties des animaux, III, IV, 666b) :
« Le cœur se trouve, chez les autres animaux, au milieu de la cage thoracique,
mais chez l'homme il se dirige légèrement vers la gauche, afin de compenser le
refroidissement de la partie gauche. Car l'homme est de tous les animaux celui
dont la partie gauche se refroidit le plus [N.B. : traditionnellement, au moins chez
les pythagoriciens, la droite, la chaleur, le caractère mâle et impair sont associés, en
opposition à la gauche, le froid, le caractère femelle et pair]. »
104 De l'utilité des parties du corps humain
1. Parce que c'est en elle qu'est élaboré le pneuma vital, à partir de l'air
supposé apporté par la veine pulmonaire et du sang provenant du ventricule
droit par les supposés orifices interventriculaires. Chez Hippocrate déjà, le
ventricule gauche avait une importance particulière car c'est lui qui était censé
contenir la chaleur innée. Le pneuma (c'est-à-dire le souffle) vital est assez
difficile à définir; le mot pneuma désigne d'ailleurs tantôt simplement l'air
respiré, tantôt un produit élaboré par le cœur à partir de l'air, du sang et de la
chaleur. Voici comment il était compris au xvt' siècle (où il est appelé esprit
vital; le grec pneuma correspondant au latin spiritus) ; Ambroise Paré, Œuvres,
p. 97 : « Lequel esprit [pneuma vital} n'est autre chose qu'une substance
moyenne entre sang et air, propre et convenable à la conservation de la chaleur
naturelle fluente ; à cause de quoi est appelé vital, c'est-à-dire conservateur de
l'auteur de vie, enclos en nos cœurs, qui est la chaleur naturelle préparée à
chacun, laquelle nous pouvons comparer à la flamme d'une lampe, et l'esprit à
l'huile. »
2. Galien tend souvent à considérer les oreillettes du cœur comme de simples
renflements des veines afférentes (veine cave et veine pulmonaire).
3. Le ventricule droit, qui reçoit le sang de la veine cave. C'est un ventricule
« veineux » et donc, comme les veines, consacré au sang ; tandis que le ventricule
gauche est « artériel », et donc, comme les artères, surtout consacré au pneuma
(füt-il mélangé au sang).
Livre VI - Des organes respiratoires 109
1. Dans le traité Des maladies (livre IV, § 40), Galien revient sur cette idée et
sur la sorte de résistance aux maladies que cela confère au cœur. Aristote avait
une opinion comparable (le cœur étant pour lui le siège de l'âme, principe vital)
et il écrivait (Parties des animaux, m, IV, 667a-b) : « Seul de tous les viscères et,
d'une manière générale, de toutes les parties du corps, le cœur ne supporte
aucun accident grave, et cela est dans l'ordre : en effet, si le principe même est
détruit, il ne reste rien d'où les autres parties qui dépendent de lui, peuvent
recevoir aide. Et ce qui prouve bien que le cœur ne peut supporter aucune
affection, c'est que dans aucune victime sacrifiée on n'a vu le cœur présenter des
lésions analogues à celles qu'on trouve dans les autres viscères. En effet, les reins
apparaissent souvent pleins de calculs, de tumeurs, d'abcès, ainsi que le foie : il
en va de même du poumon et surtout de la rate. Il est évident que bien d'autres
affections atteignent ces organes, mais elles sont plus rares pour le poumon près
de la trachée-artère, et pour le foie près de sa jonction avec la grande veine : et
cela aussi est rationnel. Car c'est par là surtout que ces organes sont en
communication avec le cœur. En tout cas tous les animaux qui meurent de
maladie et d'affections de ce genre présentent, à la dissection, des lésions dans
les environs du cœur. »
1 10 De l 'utilité des parties du corps humain
artères parce que la même fonction ne leur est pas confiée. Ces
dernières creusées par la nature pour recevoir le pneuma,
avaient besoin dans l'inspiration de se remplir aisément, et de
se vider promptement dans l'expiration et dans la formation
de la voix. Quant aux veines établies comme réservoirs de
l'aliment, elles n'ont besoin ni de se dilater dans l'inspiration,
ni de se contracter dans l'expiration. Il était donc bon de
donner une substance molle aux unes (veines pulmonaires},
dure aux autres (artères pulmonaires), s'il était préférable que
les unes obéissent promptement à la double action du thorax,
et que les autres ne s'y conformassent pas.
Si nous avons ailleurs (Facultés nat., I, XI et III, xv) démontré
convenablement que les corps se nourrissent du sang qu'ils
attirent à travers la tunique des vaisseaux, le poumon court
donc risque de manquer d'un vaisseau nourricier puisque la
tunique de la veine a été créée très épaisse. Mais il vous suffira,
je pense, pour découvrir une autre preuve de l'admirable
prévoyance de la nature, de vous rappeler à cet égard les
observations suivantes : que certaines parties dans les ani
maux réclament pour nourriture un sang plus épais et, pour
ainsi dire, bourbeux; que d'autres au contraire veulent un
sang plus léger et plus vaporeux ; que toutes les autres, y
compris les artères et les veines, participent à tous les genres
d'aliment [les uns plus les autres moins] ; les premières
demandent un sang peu abondant, ténu et vaporeux, tandis
que les veines réclament unpneuma peu abondant, mais épais
et nébuleux. S'il en est donc bien réellement ainsi et que la
substance du poumon, au lieu de réclamer comme le foie une
nourriture épaisse et bourbeuse pour ainsi dire, la veuille
ténue, légère et vaporeuse, on voit que le Créateur des ani
maux a tout disposé admirablement. En effet, chaque partie
est nourrie d'aliments analogues à sa nature, comme nous
l'avons démontré. Or, la substance du poumon est légère,
poreuse et comme formée d'une concrétion d'écume de sang;
elle a besoin, en conséquence, d'un sang vaporeux, léger, pur,
et non pas comme le foie, d'un sang épais et bourbeux. C'est
pourquoi ses vaisseaux ont une nature non seulement opposée
à celle des vaisseaux du foie, mais encore aux autres parties de
1 18 De l'utilité des parties du corps humain
sance plus complète au toucher et à la vue, qui seuls nous permettent d'appré
cier la couleur et la consistance d'une partie. Les oreillettes sont en quelque
sorte plus noires que le cœur, elles ressemblent évidemment à des épiphyses
membraneuses, et cela dans le but de former une cavité à l'entrée du cœur. .. une
en avant du ventricule droit, une autre en avant du ventricule gauche... Quand
on les ouvre on voit la substance du cœur. » Hérophile regardait les oreillettes
comme faisant partie du cœur, et c'est là l'opinion généralement reçue. Galien
les considère comme des parties de la veine cave et de la veine pulmonaire.
1. Galien, Facultés naturelles, III, xv.
Livre VI - Des organes respiratoires 137
1 . Cela suppose que certains vaisseaux sont le siège d'un courant dans les
deux sens; ici, la veine pulmonaire apporte au cœur un mélange de sang et d'air
depuis le poumon, et envoie, du cœur au poumon, les résidus fuligineux. Il existe
d'autres exemples de ce type chez Galien (notamment dans la veine porte).
Galien reconnait et justifie ce système à double courant dans Des facultés
naturelles, m. XIII (voir tome Il, p. 107).
140 De l'utilité des parties du corps humain
être lésé par les os. En conséquence, de même qu'il est situé au
milieu de corps de nature opposée, de même il possède une
substance intermédiaire entre les extrêmes. Car autant cette
substance est plus molle qu'un os, autant elle est plus dure que
le poumon. Aussi le voisinage du péricarde avec l'un et l'autre,
n'est-il cause d'aucune gêne; il n'est pas incommodé par les
os, et, à son tour, il ne blesse pas le poumon. Le péricarde a
donc droit à notre admiration.
Mais l'art éclate dans les orifices du cœur avec d'autant plus
d'évidence que leur action est plus puissante. Car presque
toutes les fonctions du cœur s'accomplissent par leur inter
médiaire. Revenons donc à elles pour éclaircir ce qui a pu
manquer de précision dans nos explications et pour y ajouter
les détails qui ont pu nous échapper. Le cœur, nous l'avons
déjà dit et démontré (chap. xv), pendant qu'il se dilate, en
tirant les racines des membranes, ouvre les orifices des vais
seaux qui amènent le sang et ferme ceux des vaisseaux qui le
renvoient. Nous avons dit aussi (chap. x) que tous les corps
plus légers obéissent plus aisément à l'attraction ; que dans
tous les orifices il existe trois membranes (chap. xv) ; que dans
l'orifice seul de l'artère veineuse (veine pulmonaire, valvule
bicuspide) il n'en est pas ainsi, parce que seule elle doit livrer
passage aux résidus brûlés transportés du cœur au poumon.
Peut-être conclurait-on de là que rien absolument ne
repasse dans les trois autres orifices des vaisseaux. Telle n'est
pas la vérité. Au moment où il arrive aux membranes (val
vules) de se fermer, le sang et le pneuma sont nécessairement
attirés dans le cœur, et quand elles se contractent avant de se
fermer, elles doivent les chasser en se fermant. Même ces
membranes fermées, il est possible que dans un mouvement
du cœur un peu violent, il s'échappe des particules non
seulement de vapeur et d'air, mais aussi de sang. A propos de
la trachée-artère, nous avons démontré qu'il était impossible
qu'il n'y filtrât pas une goutte des liquides avalés 1 , il faut se
persuader qu'il en est de même ici; car si la nature a su mettre
1 . Utilité des parties, VII, XVII; Dogmes d'Hippocrate et de Platon, VIII, IX;
Méthod. thérap.TV, vu; Médie. simpl., II, v.
142 De l'utilité des parties du corps humain
nous connaissons le fait, nous cherchons le pourquoi : par exemple, sachant que
le Soleil subit une éclipse et que la Terre tremble, nous cherchons le pourquoi de
l'éclipse ou le pourquoi du tremblement de terre. »
1 . Voir note 1, p. 108.
146 De l'utilité des parties du corps humain
Nous avons, dans le livre précédent (chap. VIII, IX, x), assez
longuement traité de la distribution des nerfs dans tous les
viscères, pour qu'en le lisant avec attention, il vous soit inutile
d'entendre dire pourquoi le cœur, ayant une action naturelle,
avait besoin de très peu de nerfs ; car si les muscles, organes
d'une action physique 1 , réclament tous de grands nerfs, le
cœur, à qui aucune action de ce genre n'est confiée, avait
besoin de nerfs semblables à ceux des viscères précités et aussi
à ceux du poumon. Généralement, tous ces viscères ont reçu
des nerfs pour participer à la sensibilité et pour ne pas être
complètement des plantes. Le foie et le cœur ont spécialement
reçu un nerf, parce qu'ils sont les principes de certaines
facultés, l'un des facultés de l'âme concupiscente, l'autre de
celles de l'âme énergique 2 • J'ai dit, dans mes Commentaires sur
les dogmes d 'Hippocrate et de Platon, qu'il faut que les principes
s'obéissent mutuellement, s'accordent entre eux et se rat
tachent par quelque lien commun.
Il dit (Part. des anim., III, IV) que cet os est le soutien et comme
le fondement du cœur, et que c'est pour cela qu'on le trouve
dans les gros animaux. Il est évident qu'un grand cœur,
suspendu dans un large thorax, avait naturellement besoin
d'une telle partie ; mais il eût été mieux de dire que partout la
nature attache les extrémités des ligaments à un cartilage ou à
un os cartilagineux. Elle ne devait donc pas non plus négliger
ni les ligaments du cœur, car les membranes (valvules) situées
aux orifices des vaisseaux sont de cette espèce, ni la tunique
des artères, dont la substance est semblable à celle du liga
ment ; loin de là, elle a attaché toutes leurs extrémités à cet os
cartilagineux, comme nous le démontrions dans le Manuel des
dissections (VII, x). Il existe donc un os cartilagineux dans les
gros animaux, et dans les très petits animaux, un corps neuro
cartilagineux (fibro-cartilage) . Donc tout cœur, chez tous les
animaux, possède au même endroit une substance dure, créée
pour les mêmes utilités.
Que les cœurs les plus volumineux aient besoin d'une sem
blable substance, plus dure, cela n'a rien d'étonnant. En effet,
pour rattacher plus solidement les extrémités des ligaments, et
pour affermir le cœur entier quand il est volumineux, la plus
dure substance est la plus convenable dans un grand cœur.
(aorte et artère pulmonaire) sont appendues à une substance, toujours dure, mais
non pas également dure chez tous les animaux : chez les petits animaux, elle est
médiocrement cartilagineuse, chez les plus gros c'est un cartilage parfait, chez
ceux qui sont tout à fait gros c'est un cartilage osseux ; plus l'animal est gros plus
ce cartilage participe à la nature de l'os. Aussi chez ces derniers faut-il l'appeler
un os cartilagineux et non un cartilage osseux, dans ces animaux ce qui naît
autour de cette substance n'est pas encore exactement cartilage mais un
neuro-cartilage. Il n'est pas étonnant que les gens inexpérimentés dans les
dissections, ignorent cette particularité sur les petits animaux puisqu'ils ne la
reconnaissent pas sur les gros. »
1 50 De l'utilité des parties du corps humain
Telles sont donc les parties du cœur qui existent dans les
êtres déjà formés. Chez ceux qui sont encore dans le sein
maternel, on voit certaines anastomoses des vaisseaux du
cœur. J'avais promis plus haut (chap. xm) d'en parler, je n'en
ai rien dit encore, pensant qu'il valait mieux terminer d'abord
ce que j'avais à dire sur les êtres déjà formés. Ce but paraissant
atteint, il nous faut remplir notre promesse.
Nous avons démontré (liv. VI, x) que le poumon possédait
des artères veineuses et des veines artérielles, d'abord pour
être nourri d'aliments convenables, ensuite pour avoir des
artères (veines pulmonaires) qui se contractent aisément, et
des veines (artères pulmonaires) qui se contractent difficile
ment. Au sujet des membranes (valvules) qui sont fixées à
chaque orifice du cœur, nous avons aussi montré (x, XI, et
surtout XIV) que celles qui sont tournées de dedans en dehors
(valvules sigmoides) ont pour but de prévenir le retour des
matières, et que celles qui s'ouvrent de dehors en dedans
(valvulès auriculo-ventriculaires), n'ont pas été créées pour
cette destination, mais pour être des organes de traction.
Toutes ces dispositions, si bien appropriées à des êtres formés,
semblent mal convenir à ceux qui sont encore renfermés dans
l'utérus. Aussi nos contradicteurs, qui estiment que la nature
n'a rien fait avec art, s'emparent précisément de cette parti
cularité et s'en font une arme avec laquelle ils pensent renver
ser complètement notre opinion. Ils disent, en effet, que, dans
les embryons, le pneuma vient non du poumon au cœur, mais
du cœur au poumon. En effet, comme l'animal ne respire pas
encore par la bouche, et que l'aliment aussi bien que l'air lui
est fourni par la matrice au moyen des vaisseaux de l'ombilic,
il est probable que l'air vient, non du cœur à la grande artère
de l'épine (aorte), mais de cette artère au cœur, et qu'il est
transmis du cœur au poumon même, non du poumon au
cœur. Or, disent-ils, si l'épiphyse membraneuse (valvule sig
moide), placée à l'orifice de la grande artère (aorte), est
disposée de telle sorte que rien ou presque rien ne revient par
elle dans le cœur, et que, d'un autre côté aussi, par l'orifice de
Livre VI - Des organes respiratoires 15 1
CHAPITRE XXI . - Chez le fœtus le cœur n'est pas moins bien partagé
que le poumon. - Admirables dispositions prises par la nature pour la
D E S O RGANES DE LA VOIX
D E LA T ÊT E , D E L ' E NC É PHALE
ET DES SENS
1. L'un des tout premiers à avoir associé les sens et l'encéphale est Alcméon.
C'était également l'opinion de Platon et d'Hippocrate. En revanche, Aristote
considérait le cerveau comme un organe de réfrigération du sang (Parties des
animaux, II, VII, 652a-653b), et associait la sensibilité à une âme sensitive logée
dans le cœur.
166 De l'utilité des parties du corps humain
CHAPITRE v. - La tête a été surtout créée en vue des yeux qui doivent
toujours exister sur une partie proéminente. Quant aux autres sens ils
ont été placés dans la tête à cause de l'encéphale. -Nécessité de deux
espèces de nerfs : mous, pour les sensations, durs, pour les mouve
ments. - Différence d'origine et de distribution de ces deux espèces.
CHAPITRE VI. - Comme il devait y avoir des nerfs mous et des nerfs
durs présidant, les uns aux sensations, les autres au mouvement
volontaire, les différentes parties de l'encéphale sont plus ou moins
molles suivant qu'elles donnent naissance à l'une ou l'autre espèce de
ces nerfs. - Disposition particulière des nerfs optiques, qui seuls sont
percés d'un conduit. - Pour que la sensation ait lieu, chaque sens doit
éprouver une modification, une altération, ressentie par le cerveau. -
Un objet sensible répond en conséquence à chacun des sens ; l'organe
lui-même et le nerf sont une substance en rapport avec cet objet, de
sorte que l'un des sens ne peut pas être modifié par ce qui modifie,
impressionne un autre sens. - Galien établit pour les yeux, les oreilles,
le nez et la langue, que leur structure est parfaitement en rapport avec
la fonction qu'ils ont à remplir, et qu'en même temps tout est prévu
pour leur sûreté. - Selon son habitude, la nature a fait servir un organe
né dans un but spécial, celui de l'odorat, à d'autres utilités. Ainsi
l'organe de l'odorat sert aussi à la respiration de l'encéphale et à
l'évacuation des superfluités qui sont engendrées dans ce viscère.
l'avons déjà déclaré mille fois, nous ne faisons ici sur les
fonctions aucune démonstration; seulement, comme il est
impossible de découvrir l'utilité de chacune des parties, si l' on
ignore encore la fonction, c'est un point que nous avons
démontré dès le principe (cf. I, VIII et XVI), il devient nécessaire
de rappeler les fonctions.
Ainsi donc, et pour revenir à notre sujet, le sens de la vue
devant être lumineux et brillant, un pneuma abondant lui est
avec raison transmis du principe, et il lui arrive de l' encéphale
même un prolongement net et distinct, lequel durant tout son
trajet jusqu'à l'œil, attendu qu'il doit traverser le crâne, est
plus dense et plus dur, par suite du refoulement de la sub
stance nerveuse, afin qu'il soit plus à l'abri des lésions. Dès que
ce prolongement pénètre dans les cavités placées sous les
sourcils, et que l'on nomme orbites de l'œil, il acquiert une
extension considérable en s'aplatissant et s'amincissant; il
reprend ainsi sa nature primitive, en sorte que l'encéphale
reparaît exactement en lui avec sa couleur, sa consistance, et
les autres particularités que nous ferons bientôt connaître
plus en détail, quand nous exposerons spécialement les utilités
des parties des yeux (X, I, II, VII; cf. aussi Dissection des nerfs,
chap. II; Dogmes d'Hippocrate et de Platon, VII, II) . Présente
ment, nous n'avons rappelé la structure des yeux qu'autant
qu'il était nécessaire pour nos explications sur les parties du
cerveau. En effet, si l'encéphale n'était le point de départ et de
retour de la modification survenue dans chaque sens, l'animal
demeurerait encore privé de sensation. Voyez les gens frappés
d'apoplexie, bien que tous leurs organes des sens soient
intacts, ces organes ne leur sont plus d'aucun usage pour
l'appréciation des choses sensibles. Dans les yeux, composés
de membranes closes de tous côtés, l'impression produite par
les couleurs atteint rapidement la portion d'encéphale (rétine)
qu'elles renferment. En effet, la cornée est mince, blanche,
nette, pour ne pas intercepter l'impression qui la traverse.
Après elle vient immédiatement l'humeur cristalline. La por
tion d'encéphale qui arrive aux yeux se soude à la pupille. On
comprend maintenant pourquoi, de l'encéphale, il arrive à
l'œil une substance pure; pourquoi elle se condense en traver-
1 82 De l'utilité des parties du corps humain
1. Hippocrate, Des lieux dans l'homme, Œuvres, VI, p. 279 : « Aux narines il
n'y a pas de pertuis, mais il y a quelque chose de mou comme une éponge. » -
Hippocrate, Des chairs, § 16 (Œuvres, VIII, p. 605) : « Le cerveau [...] s'étend
dans les cavités des narines. De ce côté, aucun os un ne lui oppose une barrière,
et il n'est borné que par un cartilage mou comme une éponge et qui n'est ni chair
ni os. »
Livre VIII - De la tête, de l'encéphale et des sens 187
plus, nous avons dit tout à l'heure (chap. vu) que par leurs
parties inférieures (lisez : ant'érieures) qui communiquent avec
les narines, ils sont à la fois un organe de l'odorat, et un canal
destiné à l'écoulement des superfluités.
Il était mieux qu'il existât deux ventricules et non pas un
seul, attendu que l'ouverture inférieure a été créée double, que
tous les organes des sens sont doubles, que l'encéphale lui
même est double. Cette gémination présente encore une autre
utilité dont nous parlerons quand nous arriverons aux organes
des sensations (IX, vm; X, 1; XI, x) . Mais la première utilité la
plus générale des organes doubles, c'est que si l'un vient à être
lésé, l'autre le supplée dans son office.
Nous avons été témoin à Smyrne, dans l'Ionie, d'un fait
merveilleux : nous avons vu un jeune homme, blessé à l'un des
ventricules antérieurs, survivre à cet accident, à ce qu'il sem
blait, par la volonté d'un Dieu. Il est certain qu'il n'eût pas
survécu un instant si tous deux eussent été blessés à la fois. De
même, si en laissant de côté les blessures, quelque mal sur
vient à l'un d'eux, l'autre n'étant pas affecté, l'animal sera
moins attaqué dans son existence que si tous les deux étaient à
la fois malades. Or s'il existe deux ventricules et que tous deux
soient atteints, c'est la même chose que si un seul existant dès
le principe, ce ventricule unique est affecté. L'existence d'un
organe double est donc, quand elle est possible, une garantie
plus sûre que celle d'un organe simple. Mais cela n'est pas
possible dans tous les cas. Ainsi l'existence de deux rachis sur
un seul animal était complètement impossible ; par
conséquent celle de deux moelles épinières ; par conséquent
encore, il ne pouvait y avoir une double cavité dans le cervelet,
puisque c'est de lui que sort la moelle épinière.
1 . Au XVI" siècle, avant donc que Descartes ne (re)mette l'âme dans la glande
pinéale (conarium), le « vermiformis » était toujours, sinon le siège de l'âme, du
moins le contrôleur du passage du pneuma psychique entre les ventricules (et le
« conarion » servait toujours de support aux vaisseaux allant former les plexus
choroïdes où le pneuma psychique est élaboré). Ambroise Paré, Œuvres, p. 1 1 0 :
« Son utilité [du conarion] est de renforcer la division des vaisseaux illec
conduits avec une apophyse de la pie-mère, pour la génération de l' esprit animal
[pneu ma psychique], et donner vie et nourriture au cerveau. [ ...] Son utilité [du
vermiformis] est de servir au dit conduit [entre les ventricules Ill et IV] comme de
portier, lequel en temps et lieu laisse passer les esprits, tant qu'il en est besoin au
ventricule postérieur. »
202 De l'utilité des parties du corps humain
1. Le supposé aqueduc de Sylvius. Voir note l, p. 194. C'est sur cette descrip
tion que C. Daremberg se fonde pour considérer le canal en question non
comme l'aqueduc de Sylvius, mais comme l'espace compris entre les tubercules
quadrijumeaux et l'arachnoïde.
Livre VIII - De la tête, de l'encéphale et des sens 203
DU C RÂ N E , DE L ' E N C É PHALE
E T DES N E RF S C RÂNIENS
seulement chez les grands mammifères. Cela n'empêchera pas Ambroise Paré
(comme les autres médecins de son temps) de le décrire et de lui attribuer,
comme Galien, l'élaboration du pneuma psychique (Œuvres, p. 114) : « Or de
l'esprit vital [pneuma vital] est fait l'esprit animal [pneuma psychique], envoyé
du cœur par les artères carotides internes au cerveau, pour ce qu'il était requis
qu'il fut mieux cuit et digéré, d'autant que l'action animale [= de l'âme] est plus
noble que la vitale. Et pourtant Nature a produit et bâti une division d'artères en
petits filets entrelacés ensemble en diverses formes, passant l'un par-dessus
l'autre, par plusieurs fois se coupant et divisant maintenant en une sorte,
maintenant en une autre, avec plusieurs circonvolutions et entortillures comme
un petit labyrinthe, faisant une merveilleuse texture en manière d'un filet ou
rets. Et pour cette cause a été appelé des anciens rets admirable ; et a été ainsi
fait afin que l'esprit y fît plus longue demeure, pour illec être mieux agité,
élaboré, subtilisé et mis en extrême perfection. »
Livre IX - Du crâne, de l'encéphale et des nerfs crâniens 207
CHAPITRE v . - Que dans toutes les parties les artères et les veines
marchent parallèlement et procèdent du même point. - Dans l'encé
phale seul, les artères marchent de bas en haut, et les veines de haut en
210 De l 'utilité des parties du corps humain
Ces nerfs sont très petits et un peu plus durs que ceux de la
troisième paire, parce que la tunique qui tapisse la bouche est
plus dure, non seulement que la langue, mais encore que
presque toutes les parties de la face. Aussi ces nerfs dérivent
ils de parties de l'encéphale un peu plus dures que celles d'où
part la troisième paire. En effet, plus nous allons en arrière,
plus dur nous trouvons l'encéphale ; les parties de la base sont
aussi plus dures que les autres. Naturellement donc la qua
trième paire de nerfs, pour qu'elle soit moins molle que la
troisième, non seulement dérive des parties postérieures, mais
aussi de la base de l'encéphale plus encore que la troisième
paire.
l'extrémité est l'os appelé sacrum par les uns, os large par les
autres. C'est là où nous avons dit que les nerfs se terminent.
Il eût été préférable, si cela eût été possible, que des nerfs
venant de la moelle épinière par un court chemin, se distri
buassent avec toute sécurité dans les viscères qui occupent ces
régions ; mais il n'est pas possible que la moelle épinière, étant
dure d'elle-même, soit le principe des nerfs mous, ni que
l'encéphale soit le principe des nerfs des membres, nerfs qui
ont atteint le plus haut degré de dureté, tandis que lui-même
est d'une excessive mollesse. En effet, il est d'une évidence
frappante qu'il fallait des nerfs très durs aux membres qui
servent à des actions combinées, fortes et violentes ; mais il
n'est pas moins évident qu'il était bon pour les viscères d'avoir
des nerfs mous. Expliquons-en cependant la raison pour qu'il
n'y ait pas de lacune dans notre discours (cf IV, XIII, et V, x).
D'abord aucun des viscères n'est doué de mouvement volon
taire ; ils n'ont besoin de nerfs qu'en vue de la sensation : il
était donc mieux de leur envoyer des nerfs sensitifs. Ensuite
leur substance étant d'une consistance molle, devait plus
facilement s'unir avec des nerfs mous, et les recevoir de
manière qu'ils en fussent entrelacés de tous côtés. En troi
sième lieu il fallait que l'estomac eût une sensation très exacte
du besoin d'aliments solides et liquides. La plus grande partie
des nerfs de ce viscère nous paraît donc se distribuer surtout à
l'extrémité supérieure dite orifice, puis en continuant, dans
toutes les parties, jusqu'au fond (cf IV, VII) . Une fois les nerfs
descendus de l'encéphale en vue de l'estomac, il était préfé
rable encore qu'ils se distribuassent dans toutes les autres
parties de cette région, lors même qu'il ne devait pas en
résulter pour elles une grande utilité. En effet l'estomac avait
absolument besoin d'une faculté appétente des aliments et des
boissons, faculté que devait nécessairement régir une certaine
puissance de sensation des besoins.
Quelques médecins veulent que les parties attenantes à
l'estomac éprouvent une sensation aussi précise, et prétendent
en conséquence que l' appétence n'est pas moindre en elles que
dans l'estomac (cf IV, VII) . Quant à moi il me semble que la
sensation est faible dans ces parties, mais puissante dans
Livre IX - Du crâne, de l'encéphale et des nerfs crâniens 2 1 9
Plus tard (cf. livre XVI) nous compléterons ce qui reste à dire
de leur fonction, nous en traiterons séparément au lieu de
jeter comme maintenant une observation incidente en pas
sant. Terminons d'abord ce qui regarde les nerfs qui vont à
l'orifice de l'estomac (pneumogastriques) et dont nous
commencions à parler. Comme il était nécessaire à l'œuvre de
la nature qu'après un court trajet fait ensemble, les nerfs de la
septième paire se séparassent pour se rendre à la langue, la
nature a fait marcher ces nerfs [dans une même gaine] avec les
artères carotides qui les avoisinent; elle leur a fait avec
celles-ci, traverser tout le cou, en les rattachant à elles par des
membranes communes ; dans le thorax, les artères étant ratta
chées au ventricule gauche du cœur, la nature en a séparé les
nerfs et les a fixés de chaque côté de l'œsophage. Au moment
où la nature allait les diviser dans l'estomac, elle a fait passer à
gauche celui de droite, et à droite celui de gauche, pensant
qu'il fallait d'abord leur donner une direction oblique, puis les
diviser. Ils étaient de cette façon bien moins exposés aux
lésions que si la séparation eût eu lieu quand ils se dirigeaient
en ligne droite. Elle rassemble de même tous les autres nerfs
qui se séparent de ceux-ci, les rattache aux corps voisins et les
conduit de tous côtés, corrigeant et rectifiant par des secours
étrangers leur facilité à être lésés qui résulte de leur mollesse.
Mais nous avons déjà traité de leur distribution (IV, vu), et le
reste sera dit dans la suite (cf. livre XVI).
CHAPITRE xv. - Des nerfs fournis aux diverses parties de la face par
la 3e paire (trifacial, se des modernes). - Intrication de la peau et des
muscles aux lèvres (cf. XI, vn). Conséquences qui en résultent par
l'insertion des deux espèces de nerfs mous et durs. -Cf. aussi VIII, v et VI.
D E S YEUX E T D E L E U R S
A N NEXE S
CHAPITRE 1 er. - Que les yeux ne peuvent pas être mieux placés qu'ils
ne le sont. - Impossible d'avoir des yeux par-derrière. - Que le
cristallin est le principal organe de la vision. - Substances du cristal
lin, ses rapports avec l'humeur vitrée; il ne reçoit aucun nerf, et il est
nourri par cette humeur.
D E S DIVERSES PARTI E S
D E L A F A C E E T E N PART I C U L I E R
D E S MÂCH OIRE S
quatre aux plus grandes? Car ici encore par un hasard merveil
leux le concours des atomes a produit une œuvre d'art, comme si
le Créateur le plus équitable les eût dirigés.
Si, parmi les molaires, celles du milieu sont les plus grandes, et
celles de chaque côté d'une dimension moindre, n'est-ce pas
encore une disposition admirable des atomes ? Car il ne fallait
pas, je pense, que la partie interne (profonde?) de la cavité
buccale, qui, ainsi que la partie antérieure, est plus étroite, eût
des dents aussi larges que la partie moyenne, laquelle est la plus
large eu égard aux joues. En effet, il eût été injuste de fixer aux
parties étroites de la bouche les grandes dents, et aux parties
larges les petites. En outre, la langue, ayant besoin d'être plus
large à sa racine, comme je l'ai démontré (cf. chap. x), il était
préférable que les grandes dents ne fussent pas situées à cet
endroit.
Et ces minces prolongements des os de chaque mâchoire
que l'on nomme râteliers (<pmv(a - alvéoles des modernes), par
analogie avec les râteliers qui servent aux troupeaux, n'est-ce
pas encore là une œuvre admirable du hasard? Elles enve
loppent chacune des dents, les pressent, les maintiennent
fortement pour qu'elles ne soient pas facilement ébranlées.
Avoir créé des cavités appropriées aux racines des dents,
grandes pour les grandes, petites pour les petites, cela me
paraît aussi l'œuvre d'une admirable équité. Il n'y a pas un
artisan, ni parmi ceux qui avec des chevilles attachent des
poutres les unes aux autres, ni parmi ceux qui travaillent la
pierre, qui ait jamais adapté les cavités aux saillies qu'elles
reçoivent avec autant de justesse que l'heureux tourbillon des
atomes l'a fait pour les racines des dents. Car, quoique privé de
raison, il savait, je pense, que des cavités trop larges ren
draient lâche l'emboîtement des os; que, trop étroites, elles ne
laisseraient pas pénétrer jusqu'au fond les racines des dents.
Et ces ligaments solides (périoste ?) qui attachent les dents aux
alvéoles, principalement à la racine où viennent s'insérer les
nerfs, n'est-ce pas aussi une chose admirable ? Bien plus
admirable encore si c'est l'œuvre du hasard, et non celle de
l'art !
Mais voici un phénomène beaucoup plus merveilleux; lors
Livre XI - De la face et en particulier des mâchoires 231
CHAPITRE XII . - Les oreilles et les ailes du nez ont été créées
cartilagineuses pour résister plus facilement aux chocs extérieurs. -
Les oreilles ont été faites proéminentes pour renforcer le son; elles ont
une figure variée pour leur sûreté et pour celle du conduit auditif.
l'air expiré est favorable au nez, en sorte que ces parties non
plus ne sont pas absolument délaissées. Vous pouvez aussi
toucher les yeux, surtout quand il fait froid, alors vous sentirez
très nettement qu'ils sont chauds. Les yeux donc non plus ne
sont pas complètement négligés ni dénués de protection
contre le froid, puisqu'ils ont pour défense propre leur chaleur
naturelle, qui n'a aucun besoin des téguments extérieurs.
Pour la femme, dont le corps est délicat, toujours semblable
à celui d'un enfant et glabre, cette absence de poils au visage
ne devait pas manquer de grâce ; d'ailleurs, comme ce sexe n'a
pas des mœurs aussi graves que le sexe mâle, il n'a pas non
plus besoin d'un extérieur grave (cf XN, VI) ; car nous avons
démontré souvent déjà (cf. I, II, III, IV, XXII et III, XVI) , sinon
dans tout l'ouvrage, que la nature a créé la figure du corps en
rapport avec les habitudes de l'esprit. Mais si les femmes étant
la plupart du temps renfermées dans leurs habitations,
n'avaient pas besoin d'un tégument spécial et protecteur
contre le froid, leur tête du moins réclamait une chevelure, à la
fois comme tégument et comme parure, et il leur en a été
donné une ainsi qu'aux hommes.
De plus, c'est en vue d'une autre utilité indispensable que
nous avons des poils aux joues et sur la tête. En effet, comme
l'exhalaison des humeurs se fait vers la tête, la nature en
emploie surtout les superfluités les plus grossières à la nutri
tion des poils. Si donc les hommes, à proportion qu'ils ont plus
de chaleur naturelle que les femmes, ont une plus grande
abondance de ces superfluités, la nature a pour celles-ci
imaginé une double évacuation, celle des poils de la tête et
celle des poils des joues. Il suffit de ces détails sur cette
matière.
Mais pourquoi le front n'a-t-il pas de poils comme la tête
tout entière, et pourquoi la peau à cet endroit se meut-elle
seulement par la volonté de l'animal ? C'est ce que nous allons
expliquer : Le front s' ombrage aussi des poils de la tête, autant
que nous voulons, il n'a donc nul besoin d'avoir lui-même des
poils, et s'il en produisait nous serions, je pense, obligés de les
raser constamment, attendu que le front domine les yeux. Or,
nous avons démontré ailleurs et spécialement à l'égard des
Livre XI - De la face et en particulier des mâchoires 235
procéder ainsi, il doit suivre les lois de la matière. Aristote, bien que sa matière
première fût indéterminée, le supposait implicitement en lui donnant une
certaine résistance à la forme et, explicitement, par des affirmations de ce genre
(Métaphysique, H, 4, 1 044a) : « Il est possible que d'une seule matière donnée,
naissent des êtres différents, en raison d'une différence de cause motrice : par
exemple, du bois peut procéder un coffret ou un lit [selon l'ouvrier, cause
motrice, sera fabriqué un coffret ou un lit en bois]. Cependant il y a des cas où la
matière est nécessairement autre pour des choses autres : une scie, par exemple,
ne saurait provenir du bois, cela n'est pas au pouvoir de la cause motrice
[l'ouvrier qui la fabrique]; elle ne fera jamais une scie à partir de la laine ou du
bois [l'ouvrier, cause motrice, ne peut fabriquer une scie en bois ni en laine]. Si
donc il est, en fait, possible de produire la même chose avec des matières
différentes, il faut évidemment que l'art, c'est-à-dire le principe pris comme
moteur, soit le même ; car si la matière et le moteur diffèrent, le produit sera
aussi différent. »
1. On pense à Leibniz, et à son meilleur des mondes possibles (d'autant plus
que Galien aura, lui aussi, recours à une sorte d'harmonie préétablie; voir
note 2, p. 263).
238 De l'utilité des parties du corps humain
eût fixés sur une substance molle et charnue, il eût été plus
inconséquent, non seulement que Moïse, mais qu'un mauvais
général qui dresserait un mur ou un retranchement sur un
terrain marécageux. Si les poils des sourcils se maintiennent
toujours dans le même état, cela résulte du choix même de la
matière. De même, en effet, que, parmi les herbes et les
plantes, les unes, sortant d'une terre humide et grasse, par
viennent à une hauteur considérable, tandis que les autres
naissant d'un terrain pierreux et aride, restent petites, dures et
privées d'accroissement ; de la même façon aussi, je pense, les
poils qui naissent des parties humides et molles prennent un
grand accroissement, comme sur la tête, aux aisselles et aux
parties génitales ; tandis que ceux qui sortent des parties dures
et sèches restent grêles et petits. C'est pourquoi la production
des poils, comme celle des herbes et des plantes, a une double
cause : l'une est la prévoyance du Créateur, l'autre la nature
du lieu où ils naissent.
On a souvent occasion de voir un champ à l'époque où le blé et
l'orge poussent encore comme une herbe simple et frêle, et
quelque autre terrain aussi bien fourni que le champ, mais
rempli de mauvaise herbe. Dans ce dernier terrain, c'est l'humi
dité nourricière qui a épaissi l'herbe ; dans le champ, c'est la
prévoyance du cultivateur. Pour ceux qui ne peuvent distinguer
de l'autre herbe les tiges des semences récemment sorties de
terre, l'alignement seul de la plantation suffit pour les
reconnaître. En effet, la hauteur égale des tiges et l'enceinte
extérieure tracée au cordeau indiquent de reste que c'est grâce à
l'art et à la prévoyance du cultivateur que le terrain s'est couvert
d'herbe. Pour celle qui croît spontanément, tout le contraire a
lieu. En effet, les tiges sont inégales de hauteur, et il n'existe pas
de bornes qui marquent les limites. Telle est la nature des poils
qui naissent aux aisselles et sur les autres membres, des lignes
précises ne les bornent pas comme ceux des sourcils, des
paupières et de la tête, mais ils ont des limites inégales, étant
disséminés au hasard. En effet, c'est l'humidité des parties qui
les engendre; ils ne sont pas l'œuvre de la prévoyance du
Créateur. Aussi naissent-ils abondants chez les tempéraments
chauds, tandis que chez les tempéraments froids ils manquent
Livre XI - De la face et en particulier des mâchoires 239
Ainsi donc, chez les animaux, une partie n'est pas mue
seulement par des nerfs, ni par des cartilages, ni par des
ligaments. En effet, le cartilage fournit aux articulations une
matière grasse utile (cf. XI, xvm et XVI, 11) 1 ; mais attaché seul
aux organes du mouvement, il deviendrait pour eux un poids
inutile, y étant suspendu comme une pierre. Le nerf est
sensible en proportion de sa mollesse (cf. IX, XIV) , mais il est
trop faible pour mouvoir ou transporter un membre tout
entier. Le ligament qui tient le milieu entre ceux-ci est capable
d'attacher solidement et de ne pas empêcher le mouvement
des membres, mais il ne pouvait être lui-même organe de
mouvement puisqu'il tire son origine, non pas, comme les
nerfs, du principe moteur de l'animal, mais des os. En effet,
nous avons démontré (VIII, v et v1) que rien de complètement
dur ne pouvait être engendré par le mou, ni rien de complète-
ment mou par le dur. Donc, pour ces motifs absolus, la nature
n'a pu se servir des ligaments seuls pour les mouvements
volontaires, attendu que les ligaments ne participent ni à la
sensation ni au mouvement, puisqu'ils ne sont pas rattachés à
la partie qui renferme l'âme dirigeante ; elle ne pouvait non
plus se servir des nerfs seuls, car leur mollesse les rend
incapables de transporter des poids aussi considérables.
En conséquence c'est avec raison que là où le membre a
seulement besoin d'attache, il se trouve un ligament seul, et
que là où il a seulement besoin de sensation, il se trouve un
nerf seul ; mais dans les membres, au contraire, pour lesquels
il est utile de jouir du mouvement volontaire, on voit les deux à
la fois : le nerf qui transmet l'ordre donné par le centre
pensant et fournit le principe du mouvement; le ligament qui
prête au nerf sa force pour porter les membres mis en mouve
ment. Il fallait donc, par leur assemblage, créer un organe de
mouvement (muscle) qui devait être absolument plus dur
qu'un nerf et plus mou qu'un ligament, qui devait participer
en conséquence à la sensation, moins que le nerf et plus que le
ligament, qui enfin devait offrir une moyenne de force et de
faiblesse et des autres qualités contraires qui se trouvent dans
le ligament et le nerf, puisqu'il participe de la substance de
l'un et de l'autre de ces corps qui le constituent sans contenir
exactement ni l'une ni l'autre substance seule et sans mélange,
mais qu'il est, au contraire, formé par leur combinaison. Or,
aucune substance ne peut s'unir intimement à une autre, si
d'abord elle n'est divisée en petits fragments ; aussi était-il
nécessaire de découper l'une et l'autre en fibres minces, puis
de les rattacher les unes aux autres pour engendrer l'organe
du mouvement dont la substance tient le milieu entre les deux
autres.
Mais si la nature eût fait cela seulement sans remplir les
intervalles d'une substance molle, comme est par exemple le
duvet du poterium épineux (espèce de bourre, à laquelle Galien a
comparé la chair du poumon, cf. VII, II), pour leur servir de
base solide, il n'eût été possible de préserver un instant ces
fibres des lésions et des ruptures. La nature, qui est toute
sagesse, loin de créer cette espèce de bourre sans lui donner
246 De l'utilité des parties du corps humain
DE LA S T R U C T U R E DU R A C H I S
D E S O RGAN E S G É NITAUX
lité réelle à ses œuvres, elle leur a donné une immortalité apparente,
en assurant la perpétuité de la race.
La nature a créé un col unique mais non pas une seule cavité
pour l'utérus ; chez les porcs et autres animaux dont la portée
devait être nombreuse, elle a établi plusieurs cavités 1 ; chez
l'homme et les animaux analogues, de même que le corps tout
entier est composé de deux parties, droite et gauche, de même
il a été établi pour l'utérus une cavité à droite et une autre à
gauche. En effet, la nature pourvoyant à ce qu'il ne dispartlt
aucune des espèces d'animaux qui, vu leur faiblesse cor
porelle, devaient ou vivre très peu de temps, ou servir de
pâture aux animaux plus forts, a inventé pour ceux-ci, comme
remède à une destruction continuelle, la génération multi
pare. C'est donc là une œuvre admirable de nature ; mais ce
qui, j'en suis convaincu, dépassera à vos yeux tout ce qu'il y a
de plus admirable, c'est que le nombre des cavités est égal à
celui des mamelles.
Les sophistes seraient mal venus à prétendre ici que c'est
une cause inintelligente, un hasard inhabile qui a créé deux
cavités utérines chez l'homme et un grand nombre chez le
porc : le fait qu'il existe autant de mamelles que de cavités
utérines, éloigne l'idée que cette disposition est fortuite. En
tenant comme nous avons fait dans tout ce qui précède, quand
nous exposions les utilités des parties, donnant pour base aux
raisonnements actuels les démonstrations faites ailleurs. En
effet, dans nos Commentaires sur ['Anatomie d'Hippocrate 1 ,
nous avons disserté longuement sur ce fait qu'un fœtus fémi
nin se trouve rarement renfermé dans la cavité droite.
Tous les jours on voit clairement le rapport des mamelles
avec les cavités utérines, soit qu'il s'agisse de l'avortement,
accident sur lequel Hippocrate (cf. ci-avant et aussi Apho
rismes V, 37 et 40) nous a donné des renseignements, soit aussi
que tout se passe naturellement ; car les mamelles sont petites
comme les cavités utérines pendant la croissance des femelles;
dans l'âge adulte et quand arrive l'âge d'engendrer, elles se
développent comme les cavités, jusqu'à ce qu'elles aient atteint
la dimension convenable ; les deux organes se maintenant
alors dans cet état, la fonction de l'utérus sera de recevoir le
sperme et d'amener l'embryon à l'état parfait, tandis que celle
des mamelles consiste à nourrir l'animal une fois qu'il a vu le
jour 2 •
Quand vous disséquez les animaux, si vous faites attention,
vous constaterez que la vessie est beaucoup plus volumineuse
que l'utérus pendant la croissance, tandis que c'est l'utérus qui
1 . Traité perdu.
2. À propos de la sympathie entre utérus et seins, Soranos d'Éphèse écrit
(Maladies des femmes, I, rv) : « Elle [la matrice] est aussi en rapport de sympathie
naturelle avec les seins : en tout cas, lorsqu'elle prend du volume lors de la
puberté, les seins se gonflent de leur côté; lorsqu'elle mûrit la semence, les seins
élaborent le lait destiné à nourrir les enfants qui naîtront ; lorsque les règles
réapparaissent, la sécrétion du lait se tarit, mais lorsque le lait monte, la
menstruation est suspendue. De façon comparable, chez les femmes d'un
certain âge, la matrice perd de son volume et, en même temps, les seins subissent
une sorte de flétrissement; quand l'embryon souffre, les seins rapetissent. De
toute façon, lorsque nous voyons chez des femmes enceintes les seins se fissurer
et s'atrophier, nous prédisons une fausse couche. » - Ambroise Paré, après avoir
vaguement décrit une relation vasculaire entre utérus et mamelles évoque, lui
aussi, mais de manière plus « légère », l'idée d'une sympathie entre ces parties
(Œuvres, p. 92) : « Or y a-t-il une sympathie des mamelles à la matrice. Car
chatouillant le tétin, la matrice se délecte aucunement, et sent une titillation
agréable, parce que ce petit bout de la mamelle a le sentiment fort délicat, à
cause des nerfs qui y finissent, à celle fin que même en cela les tétins eussent
affinité avec les parties qui servent à la génération, et aussi à ce que la femelle
offrît et exhibât plus volontiers les mamelles à l'enfant qui la chatouille douce
ment de la langue et bouche. »
Livre XIV - Des organes génitaux 263
est plus ample que la vessie quand les animaux ont atteint tout
leur développement 1 • En effet, la vessie croît dans la même
proportion que les autres parties du corps, puisqu'elle rend le
même service à tous les âges; mais la fonction de l'utérus ne
peut convenablement s'exercer ni dans la croissance, ni dans
la vieillesse des animaux, attendu que les fœtus vivent aux
dépens du superflu d'un aliment profitable, lequel ne peut se
trouver que chez les animaux arrivés à leur entier développe
ment. Au déclin de l'âge, comme la vigueur décroît, la coction
des aliments ne s'accomplit plus avec régularité, en sorte que
les animaux doivent se trouver heureux s'ils peuvent consom
mer une quantité de nourriture suffisante pour leur propre
usage. Au contraire, pendant leur croissance, les animaux sont
pleins de vigueur; aussi digèrent-ils une quantité considérable
d'aliment utile, mais comme cet aliment doit servir à la fois à
la nourriture et à l'accroissement de l'animal, il ne reste rien
de superflu. C'est donc seulement chez les animaux entière
ment développés, quand la période d'accroissement est termi
née et que leur force est encore entière, qu'il y a surabondance
d'aliment utile. C'est pourquoi la nature donne aux animaux, à
cette époque de la vie, un utérus très développé, tandis qu'elle
laisse l'utérus petit chez les animaux non encore entièrement
développés ou vieillissant, attendu qu'une dimension considé
rable est nécessaire aux uns pour la gestation, et que chez les
autres, dont l'utérus ne devait pas fonctionner, cette dimen
sion était complètement inutile.
1 . Soranos d'Éphèse, Maladies des femmes, I, IV : « Elle [la matrice] est située
dans l'espace limité par les hanches, entre vessie et rectum, au-dessus du rectum
et sous la vessie- tantôt tout entière, tantôt en partie seulement, puisque sa taille
est variable : chez les fillettes elle est plus petite que la vessie, qui la recouvre
entièrement; chez les filles vierges mais déjà formées, elle a les mêmes dimen
sions que la partie de la vessie placée au-dessus d'elle; chez les femmes plus
âgées et non vierges, et spécialement chez celles qui ont eu des enfants, elle est
plus grande que la vessie [...]. Après l'accouchement, la matrice diminue, en
restant d'ailleurs plus volumineuse qu'avant la grossesse; elle demeure alors, en
tout état de cause, plus grosse que la vessie, et la place que la matrice occupe
au-dessous de cet organe n'est plus tout à fait la même. »
264 De l'utilité des parties du corps humain
continue le mouvement formateur et réparateur reçu dès le principe. -
Galien se propose de compléter les recherches d'Aristote et d'Hippo
crate en ce qui concerne la nature du mâle et celle de la femelle.
des filles avec leurs maris ont eu des garçons avec d'autres hommes, et les
mêmes hommes qui avaient des filles avec ces femmes ont eu des garçons avec
d'autres femmes; et, au rebours, des hommes engendrant des garçons ont, avec
d'autres femmes, engendré des filles. Ce discours témoigne que l'homme,
comme la femme, a la semence femelle et la semence mâle. Chez ceux qui
engendraient des filles, la plus forte a été vaincue par la surabondance de la plus
faible, et le produit fut femelle; chez ceux qui engendraient des garçons, la plus
forte l'a emporté et le produit a été mâle. Le même homme ne fournit pas
constamment ni une semence forte ni une semence faible; mais il y a de
perpétuelles variations. Il en est de même de la femme. On ne s'étonnera donc
pas que les mêmes femmes et les mêmes hommes engendrent et des garçons et
des filles. La génération des mâles et des femelles se comporte semblablement
chez les bêtes. »
Livre XN - Des organes génitaux 267
externes, à partir de la région dite périnée 1 • Figurez-vous
celles qui s'offrent les premières à votre imagination,
n'importe lesquelles, retournez en dehors celles de la femme,
tournez et repliez en dedans celles de l'homme, et vous les
trouverez toutes semblables les unes aux autres. Supposez
d'abord avec moi celles de l'homme rentrées et s'étendant
intérieurement entre le rectum et la vessie ; dans cette supposi
tion le scrotum occuperait la place des matrices avec les
testicules situés de chaque côté à la partie externe ; la verge du
mâle deviendrait le col de la cavité qui se produit, et la peau de
l'extrémité de la verge qu'on nomme maintenant prépuce,
devient le vagin même de la femme. Supposez à l'inverse que
la matrice se retourne et tombe en dehors, ses testicules
(ovaires) ne se trouveraient-ils pas alors nécessairement en
dedans de sa cavité, ne les envelopperait-elle pas comme un
scrotum ? Le col jusque-là caché en dedans du périnée, pen
dant à cette heure, ne deviendrait-il pas le membre viril, et le
vagin [avec la vulve] de la femme qui est un appendice cutané
de ce col, ne tiendrait-il pas lieu de ce qu'on nomme le
prépuce ? Ce renversement serait suivi du changement de
position des artères, des veines et aussi des vaisseaux sperma
tiques ; car on ne saurait trouver dans l'homme une seule
partie en surplus, la position seule est changée : les parties
internes dans la femme sont externes chez l'homme.
On peut voir quelque chose de semblable dans les yeux des
asphalax-zemni (taupes) ; elles ont en effet l'humeur vitrée, le
1. Cette idée que les parties génitales de l'homme et de la femme sont
similaires, les unes externes et les autres internes, restera. L'idée que, si les
organes génitaux femelles restent internes, c'est parce que la femelle est trop
faible, imparfaite et trop froide pour les extérioriser se retrouve encore aux XVIe
et XVII" siècles, chez Ambroise Paré et Francis Bacon (1561-1626) par exemple. -
A. Paré, Œuvres, p. 86 : « Car ce que l'homme a au-dehors, la femme l'a
au-dedans, tant par la providence de nature que de l'imbécillité [faiblesse]
d'icelle, qui n'a pu expeller et jeter dehors les dites parties, comme à l'homme. »
- F. Bacon, Novum Organum, livre Il, aphorisme 27 : « Le scrotum chez les
animaux mâles et la matrice chez les animaux femelles sont d'autres instances
conformes qui suggèrent que ce remarquable agencement par lequel les sexes
diffèrent (du moins chez les animaux terrestres) se réduit à la différence entre
l'externe et l'interne : la chaleur, qui a plus de force dans le sexe masculin,
pousse à l'extérieur les parties génitales, alors que, dans la femelle, elle est trop
faible pour parvenir à ce résultat, en sorte que les parties génitales restent
renfermées à l'intérieur. »
268 De l'utilité des parties du corps humain
séparation], et que l'aliment change [de lieu] ; le lait, frère des règles, se
produisant lorsque la femme va vers dix mois, chose mauvaise. • - Voir aussi la
note 2, p. 261.
Livre XIV - Des organes génitaux 279
organes génitaux, dans un pneuma abondant et chaud qui cherche à
s'exhaler, dans le liquide prostatique, enfin dans le sperme lui-même.
1. Voir la note 1, p. 254. Platon. Timée, 91b-c : « Voilà pourquoi, chez les
hommes, ce qui tient à la nature des parties est un être indocile et autoritaire,
une sorte d'animal qui n'entend point raison, et que ses appétits toujours excités
portent à vouloir tout dominer. De même, chez les femmes, ce qu'on appelle
matrice ou utérus est, pour ces mêmes raisons, un animal au-dedans d'elles, qui
a l'appétit de faire des enfants; et lorsque, malgré l'âge propice, il reste un long
temps sans fruit, il s'impatiente et supporte mal cet état ; il erre partout dans le
corps, obstrue les passages du souffle, interdit la respiration, jette en des
angoisses extrêmes et provoque d'autres maladies de toutes sortes. » (Ce dernier
passage est l'explication antique de l'hystérie, au moins depuis Hippocrate ; voir
note 2, p. 293 et tome II, p. 252-266, ce qu'en dit Galien.)
280 De l'utilité des parties du corps humain
D E S O RGANE S G ÉNITAUX (s u i te ) .
D E S PARTIE S PR O PRE S AU FŒTU S .
D E L ' A RTICULATIO N
I S C H IO - F É M O RALE
CHAPITRE I I . - Suite du même sujet. - Des parties qui ont des nerfs,
et des parties qui n'en ont pas. -De celles qui ont des nerfs mous, et de
celles qui ont des nerfs durs.
rempart ; ce sont là les deux utilités mêmes des os. Les carti
lages lubrifient certaines parties des os, par exemple, les
articulations pour les rendre polies ; la nature s'en sert parfois
aussi comme de corps modérément élastiques. En consé
quence, il était superflu de douer les os et les cartilages de
sensation et de mouvement volontaires. Les ligaments, sorte
de liens qui rattachent certaines parties aux os et ces os à
d'autres parties comme des cordes, n'avaient non plus nul
besoin de sensation et de mouvement volontaires. Les nerfs
sont inutiles aussi à la graisse, étendue comme une huile
onctueuse sur les parties membraneuses et nerveuses
(fibreuses) de l'animal. Voici son origine et son utilité : pro
duite par la partie graisseuse du sang, versée par des vaisseaux
ténus, elle se répand sur les corps secs et minces, pour
humecter continuellement, d'une humeur onctueuse natu
relle, ces corps sujets à se dessécher et à se durcir rapidement
par suite d'une abstinence prolongée de travaux violents ou
par de fortes chaleurs. La substance des glandes qui sert à
consolider les vaisseaux, là où les ramifications se séparent (cf.
VI, IV) , n'a pour cet usage aucun besoin de nerfs, non plus que
de sensation ou de mouvement volontaire. Mais les glandes
destinées à produire des humeurs utiles à l'animal, pourvues
de veines et d'artères visibles et parfois grandes, reçoivent
aussi des nerfs de la même façon que toutes les parties que je
vais examiner.
La nature a disposé chez les animaux pour le mouvement
volontaire un genre d'organes qu'on nomme muscles. Aussi,
bien que tous les nerfs soient doués des deux facultés (je veux
dire la sensation et le mouvement), aucune des autres parties
qui reçoivent des nerfs ne se meut, elles ne font que sentir; tels
sont ; par exemple, la peau, les membranes, les tuniques, les
artères, les veines, les intestins et la matrice, la vessie et
l'estomac, tous les viscères et l'une des espèces de glandes.
Qu'est-il besoin de dire aussi que les organes des sens récla
maient des nerfs pour sentir? Nous l'avons déjà dit précédem
ment à propos de tous ces organes dans les livres qui les
concernent (cf. liv. VIII, IX et x).
Il est nécessaire maintenant de rappeler aussi que sur aucune
Livre XVI - Des nerfs, des artères et des veines 303
combine avec lui ; un corps unique, approprié au nôtre, se constitue tout le long
de la droite issue des yeux, en quelque direction que le feu jailli de l'intérieur
aille buter contre celui qui arrive des objets extérieurs. Susceptible des mêmes
impressions d'un bout à l'autre en raison de son homogénéité, quel que soit
l'objet dont il prenne lui-même contact ou qui vienne en contact avec lui, il en
transmet les mouvements dans tout le corps jusqu'à l'âme, et lui procure cette
sensation grâce à laquelle nous déclarons voir. »
Livre XVI - Des nerfs, des artères et des veines 307
qu'il avait besoin, nous l'avons démontré (VI, VI; IX, XI; cf.
aussi IV; VII), d'une sensation plus précise.
La voix étant la plus importante de toutes les opérations
psychiques, puisqu'elle énonce les pensées de l'âme ration
nelle, il fallait qu'elle aussi fût produite par des organes qui
reçoivent des nerfs de l'encéphale. C'est pour ces organes
surtout que des nerfs issus de l' encéphale se prolongent loin de
leur principe (cf VII, XIX) . Avec eux, comme nous l'avons dit,
de petites ramifications se distribuent sur les intestins, les
reins, la rate, le poumon et l' œsophage. Nous parlerons de ces
nerfs un peu plus loin (chap. v).
Après avoir donné sur les nerfs une explication assez longue,
il est temps de passer à la distribution des vaisseaux; et
d'abord il faut parler des artères. Il existe un vaisseau considé
rable (aorte), comme je l'ai dit précédemment, qui naît de la
cavité gauche du cœur et qui, semblable à un vaste tronc, se
ramifie [dans tout le corps]. Ce vaisseau considérable, aussitôt
après sa sortie, se divise en deux branches : l'une d'elles se
détourne vers le rachis pour envoyer des artères à toutes les
parties inférieures ; l'autre remonte à la tête et fournit des
ramifications à toutes les parties situées au-dessus du cœur.
Comme je le disais précédemment (chap. u), leur distribution
s'est faite inégalement, parce qu'il existe dans l'animal au
dessous du cœur plus de parties qu'au-dessus. La portion
descendante de l'artère dépasse d'autant la portion qui monte
au cou que le nombre des parties inférieures dépasse celui des
parties supérieures. Assurément ce sont là des œuvres qui
témoignent d'une équité et d'un art non médiocre. Voici
encore une disposition supérieure :
L'artère étant à son origine suspendue, et devant en consé
quence traverser tout le thorax de haut en bas et de bas en haut
sans appui, la nature a pourvu à sa sûreté en plaçant sous elle
le poumon comme un soutien (cf. VI, m) , en l'entourant de
membranes qui tiennent lieu de ligament, en la conduisant par
le plus court chemin vers les parties à la fois les plus fortifiées
et les plus solides. En effet, la partie descendante de l'artère
arrive [en marchant d'avant en arrière] à la région qui est
opposée au lieu de sa naissance, n'inclinant d'aucun côté,
mais allant par la route la plus directe et la plus courte à la
Livre XVI • Des nerfs, des artères et des veines 309
ÉPILO GUE
Ce livre est pour moi le dernier, sur l'utilité des parties qui
sont dans le corps humain; car il ne reste aucune partie dont je
n'aie parlé d'une manière générale. Comme l'utilité n'est ni
égale ni la même pour toutes les parties, il était mieux de
distinguer et de dire ce qui était propre à chacune des espèces
d'utilités. La fonction diffère donc de l'utilité d'une partie,
ainsi qu'il a été dit plus haut, en ce que la fonction est un
mouvement actif et efficace et que l'utilité n'est rien autre
chose que ce que le vulgaire appelle commodité. J'ai dit que la
fonction était un mouvement actif, parce que beaucoup de
mouvements sont passifs. On les appelle mouvements par
318 De l'utilité des parties du corps humain
crate l'a écrit dans son traité Des articulations (§ 60; Œuvres,
IV, p. 257) .
Outre les avantages qu'on vient d'énoncer, o n e n tire un
troisième de cet ouvrage : c'est contre les sophistes qui se
refusent à admettre que les crises soient l' œuvre de la nature,
et qui lui dénient toute prévoyance dans la construction des
animaux, en nous opposant, comme n'existant pas, l'utilité des
parties, utilité qu'ils ignorent. Ces gens semblent en effet, par
cette manœuvre, enlever tout art à la nature ; ils se moquent
ensuite d'Hippocrate qui nous recommande d'imiter ce que la
nature a coutume de faire au moyen des crises (cf Apho
rismes; Œuvres, N, p. 458-610 et passim). Nous sommes donc
forcés d'examiner l'utilité de chaque partie, lors même que
cela ne servirait à rien pour le diagnostic ou le pronostic des
maladies.
Le médecin retira encore de ce traité, et de la connaissance
des fonctions, un grand avantage pour la thérapeutique. En
effet, lorsqu'il s'agira de couper, de circonscrire, d'enlever une
partie qui est pour ainsi dire tombée en putréfaction, ou
d'extraire, soit une flèche, soit un trait, connaissant quelle est
l'utilité des parties, il saura quelle partie on peut tailler hardi
ment et quelle il faut ménager.
ùi postérité de Galien LV
Bibliographie des œuvres de Galien LX
Bibliographie générale LXXIIl
Ga lien ( 11• s. apr. J.-C.) est avec H i ppocrate la plus grande figure de la
médecine antique. Son œuvre, i m mense, a exercé une influence consi
dérable j usqu'au xv11 e siècle, tant dans le monde arabe que dans l'Occi
dent chrétien . Avicen ne, Jean Fernel, Ambroise Paré et bien d'autres
ont puisé en elle les principes de leur médecine. Descartes lui -même,
quelque critique qu'il ait été à son égard, s'en inspira largement dans sa
biologie. Dépassant le doma ine médical, Galien a marqué toute la phi
losoph ie par l'idée qu'il se fai sait de l'homme et du monde. Ses concep
tions, empruntant à Platon, Aristote et au stoïcisme, eurent un retentisse
ment d u rable ; à la fin du xv1 1e siècle, Leibniz vou lait encore qu'on
composât des hymnes en son honneur.
Cette a nthologie des œuvres de Galien est la prem ière offerte au public
depuis bien longtemps, et c' est la seule éd ition françai se qui soit actuel
lement d isponible.
tJ
9 782070 736843 00 94-1 A 73684 ISBN 2-07- 073684-9 75 FF te