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N o te s autobiographiques
I. — ENFANCE ET JEUNESSE proclamations et accomplir les besognes de chaque
(Suite) jour.
Mes premiers articles sur la Finlande parurent en II. — LA RE V O LU TIO N DE iqog
1900, dans la revue économique allemande Sosial
Praxis , dans la Revue Scientifique et dans Y Ins La fin de T903 et toute l ’année 1904 marquent le
truction. la Richesse Russe accueillit égale réveil du libéralisme. C ’ est l'époque de fameux
ment un article, à proprement parler, de banquets, de discours, de réunions littéraires et poli
statistique. Fin même temps, danis les années 1900- tiques, le temps des salons politiques. Les « liber
1903, je réunissais les matériaux d'un grand ouvrage taires » — futurs cadets — fêtaient leur lune de
miel. Mais c’est justement contre eux que les social-
économique et statistique sur la Finlande, et qui de
démocrates engaigèrent la lutte principale.
vait paraître sous un titre inoffensif pour la cen A côté de la floraison du libéralisme, sous la
sure : La Vie des Ouvriers finlandais. N aturelle « bienveillante tolérance » de Sviatopolk-Mirsky (1),
ment, le travail littéraire et scientifique n ’était pas s’ accomplissait fiévreusement le travail d’organisa
le seul que je dusse accomplir au cours de ces an tion des forces du prolétariat, du renforcement de
nées. Je militais aussi illégalement, mais la plupart l ’influence social-démocrate dans les masses. Sous le
du temps en dehors de la capitale même. J ’organi prétexte inoffensit de « leçons de géographie », je
sais des réunions régulières dans les quartiers situés dirigeai à cette époque dans une école de dimanche,
derrière la porte de Nevsky, rédigeais des appels,
derrière la porte de Nevsky, un cercle de 25-30
ouvriers. Plus tard, lors des journées d’Octobre, il
concentrais et répandais la littérature illégale, etc... m’est advenu de voir plusieurs d’entre eux partici
En 1901, je partis pour l ’étranger. Là, je me lmi per activement à la révolution. Dans les revues lé
avec Kautsky, Rosa Luxembourg, les Lafargue S. gales (la Vérité, VInstruction et autres) je luttais
Paris, Plekhanov à Genève. Dans VAube parut un contre le révision!sme et le ministérialisme. Une
article de moi non signé sur la Finlande et dans la brochure que j ’écrivis à cette époque : La lutte de
Neue Zeiti de Kautsky, un article de moi également, classe, fut interdite par la censure et ne parut qu’en
signé Hélène Moline. 1905, pour être confisquée peu après.
A mesure qu’approcthait la rafale révolutionnaire
Au début de 1903 parut mon étude sur la situa
de 1005, mes liens avec les bolchéviks se renfor
tion des ouvriers finlandais et le développement de çaient. Il est vrai que je n’avais pas rompu mes
l ’économie nationale en Finlande. Ecrit dans un es relations personnelles avec Plekhanov, mais déjà,
prit marxiste, ce livre fut favorablement accueilli au cours de l ’hiver 1904-1905, je militais franche
par les militants illégaux et) n’ eut pas le don de ment à côté des bolcheviks : Bogdanov, Bazarov,
plaire à un très grand nombre de marxistes protégés Roumiantzev, Avilov. Stassova et autres
par la loi. En 1903, le 12 janivier exactement, je Nous primesi une part active à la manifestation
pris pour la première fois la parole dans une réu des étudiants, en novembre 1904. En guise de dé
monstration. nous organisâmes sur-le-champ, dans
nion publique, organisée par des étudiants, et dans
leur prison, le ravitaillement des camarades arrêtés,
mon discours j ’opposai les conceptions socialistes aux ce qui étonna désagréablement la police qui se ren
conceptions idéalistes. L ’été de la même année, je dait ainsi compte que nous agissions d’un commun
partis de nouveau pour l ’étranger. C ’était l ’époque accord et « suivant iun plan ». Le jo'ur de la mani
des insurrections paysannes en Russie ; les ouvriers festation fut organisé, dans les salles de l ’Institut
du Midi se soulevaient ; la pensée était en ébullition ; technologique, à Pétersbourg, un meeting monstre,
tout fermentait. Les deux forces ennemies : la Russie avec la participation des représentants de tous les
illégale marchant vers la révolution, et l ’autocratie groupes politiques. Seuls, les bolichéviks étaient
absents. Pour faire contre-poids au meeting où
sce cramponnant opiniâtrement au pouvoir, allaient prenaient la parole les représentants de toutes les
se heurter de front. La position intermédiaire était tendances, nous organisâmes dans un autre amphi
occupée par le groupe des « libertaires », ayant théâtre (celui de la physique, si je ne me trompe)
Struve à sa tête. Nombre de mes meilerurs amis un meeting exclusivement ibolchévilk. Les camarades,
allaient vers ces « libertaires », dans lesquels, esti dont j ’étais, prirent la parole sous des noms d’em
mant que pour la Russie d’ alors le socialisme pur prunt et certains étaient grimés. Cette démarcation
était une utopie, ils voyaient une « force réelle ». établie entre groupes politiques fut due à mon ini
Il fallait se séparer brutalement de ci-devant colla
tiative.
Le dimanche sanglant de 1905, j ’étais dans la rue.
borateurs et coreligionnaires politiques. J’allais avec les manifestants vers le Palais
Dans l ’émigration socialiste, la dispute n’ était plus d’ Hiver et le tableau de la féroce décharge à mi-
entre les narodnihi et les marxistes, mais entre les ti aille, exécutée contre les ouvriers désarmés, est
« memehéviks » et lés « bolchéviks ». J ’avais des resté pour toujours gravé dans ma mémoire. Un
amis dans les deux camps. Le bolchevisme, avec soleil de janvier, exceptionapllement clair, des
son intransigeance et son esprit nettement révolu figures confiantes, attentives... L ’implacable signal
tionnaire, me tentait le plus, mais la séduction per aux troupes massées autour du Palais... Les flaques
de sang sur la neige blanche... Les nagaïki de la
sonnelle de Plekhanov m’empêchait de condamner le
gendarmerie tsariste, les tués, les blessés, les en
menchévisme. Retour de l ’étranger en 1903. je
fants fusillés.....
n ’ adhérai à aucune des deuix fractions du parti et me
mis au service de toutes les deux, pour répandre les (1) Ministre de l’Intérieur de l’époque. — .Y, cl l II
BULLETIN COMMUNISTE. 11
Le Comité du Parti avait pris alors à l’égard de les passions, que je favorisais la » voyoucratie » et
la manifestation du 9 janvier une attitude méfiante h FFnion du peuple russe » (1). La femme de lettres
et circonspecte. Aux réunions ouvrières spécialement Kran.diev'ska se jeta vers moi avec le cri: » Ce
organisées, de nombreux camarades cherchaient à serait trop peu que de vous étrangler ! » Seule, une
dissuader les ouvriers de prendre part à cette mani ouvrière, mêlée au mouvement de Gapone et dont
festation, dans laquelle ils voyaient une « provoca je ne me souviens plus le nom, me soutint. Je me
tion » et rui guet-apens. Quant à moi, il me sem rappelle que, tout en exigeant la séparation, la plus
blait qu’il fallait « marcher ». C ’était un acte auquel nette d’ avec les féministes, et l'union complète dans
la classe ouvrière se déterminait, un acte qui serait le mouvement révolutionnaire du prolétariat des deux
une leçon d'activité révolutionnaire. Et j ’approuvais sexes, je demandai cependant au Parti d’accorder
entièrement, à cette époque, le.s résolutions du Con une plus grande attention au sort misérable des ou
grès d’Amstci dam sur la question des « actions'de vrières, et du fait qu’elles sont doublement privées
masse ». de tous droits. Mon discours porta ses’ fruits; les
Après les journées de janvier, le travail illégal ouvrières vinrent à moi. Elles cherchaient à utiliser
reprit avec une force et une énergie accrues. Les leurs foires, mai? n'étaient, pas encore mûres peur
bolcheviks commencèrent à faire paraître leur jour prendre une part active à la vie du Parti. Et nous
nal illégal (dont je ne me souviens pas le titre) et aussi, nous ne savions pas encore en ce temps com
auquel ie collaborais, non seulement en qualité de ment les utiliser, comment éveiller leur initiative
journaliste, mais comme collaboratrice technique de et leur conscience de classe.
l'imprimerie. Parmi les proclamations que j ’écrivis En septembre 1905, je milite activement dans les
dans cette période, celle dirigée contre le « Concile masses. Je fais de la propagande dans les grandes
des Zemstvos » et pour l ’Assemblée Constituante eut usines et fabriques — surtout à la porte de Nevsky,
particuHcrement du succès. à Okhta. à Vassilievski-Ostrov. Mon souci constant
Maintenant durant ces années des liens vivants était de faire assister les ouvrières à nos réunions et
avec la Finlande, je contribuai alors à l ’unificarion causeries. Elles prenaient bien part aux assemblées,
d’action des devtxPartis social-dcmocrates (russe et mais on ne les rencontrait que rarement dans les
finlandais) luttant contre le tsarisme. réunions plus intimes. Et encore, quand elles ve
Dans le domaine du journalisme révolutionnaire, naient a celles-ci, après une fois ou deux on ne les
j’ ai travaillé, au cours de la période 1904-1905, dans voyait plus.
une série de revues marxistes légales de ce temps: Ce furent mes « élèves » des usines qui m ’appri
la Vérité de Moscou, VInstructiont le Courrier des rent l ’imminence de la grève d’ Octobrc. Et les
Fabriques, revue supéciale celle-là, etc... A cette memes liens vivant? avec les masses me permirent
époque egalement parurent mes articles sur la d ’assister à la première réunion du » Soviet des
question agraire, sur la protection du travail et sur Députés Ouvriers », siégeant dans les journées d 'o c
le mouvement en Finlande, En réponse à un re tobre 1905 à l ’ Institut technologique, et qui avait
cueil philosophique de Berdiaev et Boulga'kov, je alors la tâche bien modeste encore de soutenir les
publiai un article sur « Les problèmes de la morale grévistes et de <i diriger la grève ». A l’ une des
du point de vue positif ». séances suivantes du « Soviet Ouvrier », je rencon
Avec le réveil de la vie publique les féministes trai pour la première fois Trotsky, qui, après s’être
bourgeoises russes commencèrent à se remuer. Les >endu compte de la composition du1 Soviet, saisit,
inoffensifs « cercle féminin » et « société féminine flaira son importance et, dans un discours très net
de bienfaisance mutuelle » prirent une teinte ooli- (>t très clair, traça les tâches de ce nouvel o r g a
tique et posèrent la question des drorisi politiques nisme de groupement des ouvriers qui n’avait pas
de la femme. De nombreuses femmes social-démo- encore eu le temps de se rendre compte de toute son
crates et socialistes-révolutionnaires étaient prêtes importance. Là, je fis également connaissance de
à adopter les mots d’ordre des féministes bourgeoi Khroustalev (2). ,
ses et à collaborer avec elles sur la plate-forme du Pour soutenir la grève générale, de? collectes lu
« suffrage démocratique ». « L ’union pour l ’égalité rent organisées, dont le montant était versé soit au
de ia femme », à caractère politique cadet, et ayant Comité du Parti, soit directement à la caisse du
à sa tête: Tyrkova, Kalmanovitcih et Mirovitdh, com Soviet. T’estimais que, d’une part, les collectes par
mença à fonctionner. Des femmes bolchévistes, l ’intermédiaire du Comité causaient des longueurs
comme: Tiazarova, Anna Gourevitoh; menohévistes, et que. d'autre part, elles comprimaient l ’initiative,
comme : Maiguliès ; socialistes-révolutionnaires, de? masses qui donnaient plus volontiers directe
comme: Volkenstein, et d’autres encore, fréquen ment an Soviet. A ce sujet, j ’eus quelques polémi
taient les réunions de F » union pour l’égalité » et ques avec des membres du Comité du Parti.
entraînaient à ces réunions des ouvrières. Dans Il me fallait rendre au Soviet des services pure
les cercles féministes, elles formèrent les » groupes ment techniques: lui trouver un local, lui procurer
de femmes socialistes ». Les ouvrières, que les des moyens financiers. |e prenais goût à ce travail
grands événements en cours avaient profondément également, sans cesser pour cela de participer acti
secouées et qui avaient leur déléguée officielle dans vement aux innombrables meetings en plein air qui
la commission de conciliation de Chidlovsky, ac réunissaient des dizaines de milliers d’auditeurs.
couraient aux meetings et réunions politiques et C ’ était une période particulière où l ’on se grisait
cherchaient où adhérer. de politique comme d’un vin. Le Soviet siégeait
En avril 1905, à Pétcrsbourg, fut convoqué, sur nuit et jour, sa force politique croissait à vue d ’œil
l ’in’ tiative des groupements féministes de toutes et rivalisait déjà avec le pouvoir officiel. l e s
nuances politiques, le premier meeting où ne parti 11 unions » (Syndicats ouvriers) surgissaient de tous
cipaient que des femmes. Y prirent la parole les côtés comme des champignons après la pluie ; dan?
représentants du mouvement féministe bourgeois, toutes les unions et groupements, on élaborait des
mais aussi les femmes social -démocrates, pour dé .< plate.formes » ; au choc des opinions s’y accom
fendre .« une plate-forme féminine unique ». plissait un travail fébrile de pensée.
Je dus aussi intervenir et. de la façon la plus
nette, dénoncer la fausse idylle de collaboration en A lexandra Kollontaï.
tre les femmes révolutionnaires socialistes et les (A suivre.)
égalitaires bourgeoises. Mon discours fut accueilli (1) Organisation réactionnaire antisémite.— N. d. !. R.
par une tempête d’ indignation. On .me criait que je (S Le premier président du Soviet, auquel succéda
« faisais le jeu .dos cent-noirs », que je déchaînais Trotsky. - - V. d. I R.
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BULLETIN COMMUNISTE 91
lations et de tâtonnements, il n'y a rien de complètement en accord, comme on le voit,
plus facile que d'entraîner la foule, dont seules sur cette maladie : la démagogie.
les épreuves les plus amères parviendront en Lorsqu'un de nos Partis est rongé par ce
suite à dessiller les yeux. » fléau — et les maladies se développent quand
Trotsky aussi a donné son avis à oe sujet, la faiblesse a envahi le corps — on peut se
dans le Cours Nouveau « Mais an ne saurait demander si c’est la démagogie qui a donné
confondre le sens révolutionnaire avec le flair naissance à la crise ou si c’eSt la crise exis
démagogique. Ce dernier peut donner des tante qui a enfanté le mal démagogique.
nuées éphémères, parfois même sensationnel La force d’un parti vient du concours et de
les. Mais c'est là un instinct politique d'un l’action consciente de la majorité de ses adhé
ordre inféneur. Il tend toujours Vers la ligne rents. entraînée par une direction capable.
de moindre résistance. Alors que le léninisme Le bluff n’ajjoute rien, ni à la valeur, ni au
tend à poser et à résoudre les problèmes révo prestige. Le Parti doit être forgé dans la lutte
lutionnaires fondamentaux, à surmonter les de chaque jour et dans l’examen approfondi
principaux obstacles, sa contrefaçon démago des phénomènes politiques et sociaux. S’écar
gique consiste à éluder les problèmes, à ter de cette voie, c’est le désastre. » Aucun
susciter un apaisement illusoire, à endormir oiseau ne peut voler au-dessus de lui-même »,
la pensée critique. La démagogie est inconci dit un proverbe allemand...
liable avec l'esprit d'un parti prolétarien par Les essais démagogiques qu’on a fait parmi
ce qu'elle est mensongère : donnant telle ou nous peuvent nous servir d’expérience dou
telle solution simplifiée des difficultés de loureuse. La lutte contre les démagogues, « les
l'heure présente, elle sape inévitablement pires ennemis de la classe ouvrière » (Lénine
l’avenir prochain, affaiblit la confiance du dixit), est un grand service que nous rendons
parti en soi-même. » au Communisme.
Les. pensées de Lénine et de Trotsky étaient TAURUS.
Souvemrs et M L
emoires révolutionnaires
N o te s autobiographiques
IV. — L A P E R I O D E D 'E M I G R A T I O N traies de notre Parti à l ’étranger, mais je me trou
{Suite) vais en relations constantes avec la Centrale men-
chéviste, exécutais les missions dont elle me char
En Liebknecht, chacun sentait avant tout le cama geait et assistais aux réunions avec les camarades.
rade, et le chef seulement après. Les Russes abusaient Il est caractéristique qu’ en travaillant avec les
et le chef seulement après. Les Russes abusaient men-chéviks. je ne rompais pas mes liens personnels
souvent de cette qualité de « Karl » comme on l ’ap avec les boichéviks du groupe En avant, ni avec le
pelait par abréviation dans l ’émigration, ou de groupe de trotskystes, et que dans le centre berli
« notre Karl » comme le nommaient les ouvriers nois de l ’ émigiation politique, nous maintenions,
allemands. L ’organisation de la protestation m’a probablement grâce à l ’influence ipersonnelle du
mena à rencontrer aussi des Allemands ayant une camarade Bouchgoltz et à la mienne, un certain
situation dans la politique, les sciences et les arts. contact dans le travail de tous les groupements
C'est alors que j ’ai connu de près une intéressante social-démoct ates.
militante du mouvement féminin bourgeois, ftîinna Quand fut créée en 1911 à Bologne (Italie) la
Kauer, une vieille de 72 ans qui ne connaissait deuxième école du Parti dirigée par Loun.atcharsky
pas le poids des années et savait, par sa parole et Bogdanov (boichéviks du groupe En avant) je
pleine de séduction, subjuguer quelquefois un au fus invitée par eux (février-mars) à y faire des con
ditoire de plusieurs milliers de personnes, parfois férences sur la question finlandaise et sur Révolu
politiquement hostile. tion de la famille et des formes économiques.
Pendant toute ces années, je conservai mes liens Je ne perdais pas non plus contact avec la Ru-,
amicaux avec Kautsky et Rosa Luxembourg. En sie. Sur la demande du groupe de Moscou de I»
même temps, s’établissaient et se consolidaient mes fraction social-démocrate de la 3e Douma, je réuni»
liens avec de nombreux ouvriers allemands. Je ren des matériaux et rédigeai un projet de loi concer
contrai aussi Lili Braun qui, peu à peu, abandon nant la protection et l ’assurance de la maternité en
nait le travail actif du Parti, mais je l ’étudiais corrélation avec la campagne déclanchée dans
avec curiosité comme un type remarquable et ori toute la Russie au sujet de la loi sur les assurances
ginal. Avec Clara Zetkin, Louise Zietz et Bader ouvrières. La rédaction de ce projet de loi donna
s’établirent des relations non seulement de travail l'impulsion à cet autre de mes ouvrages sur la
et de camaiades, mais aussi personnelles, amicales question de l ’ assurance de la maternité: La société
jusqu’à ce que 1912 survînt l ’incident provoqué par et la maternité.
la parution A travers l'Eurofe ouvrière. Mais de En ron, le 19 mars, pour la première fois tut
ce: incident, je parlerai plus bas. organisée la journée internationale des ouvrières Je
Pour compléter la caractéristique de cette période pris part à la préparation de cette journée ainsi
de ma vie ét de mon travail avant 1912, il est né qu’aux manifestations de la journée même, à Franc-
cessaire de s’arrêter sur les rapiports que j ’entrete fori-sur-le-Mein. En même temps, j ’insistais avec
nais avec la Russie. Comme je l ’ai déjà indiqué je force pour que les ouvrières russes marquassent
ne prenais pas'une part active au travail des Ce» cette journée d’une façon ou d’ une autre en Russie.
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Mais il n'y avait pas d’organisation, pas de centre science. Cette atmosphère d’ élégance et de haute
qui eût pu assure.' l’ accomplissement de cette tâche. culture qu’on y trouvait contrastait singulièrement
Le cercle des ouvrières était fermé par la police. avec les tableaux de paupérisme, de dur labeur et
De nombreuses ouvrières actives étaient en prison de misérables conditions d’existence des masses ou
ou déportées. D ’autre part, les dirigeants du Parti vrières, tableaux que j ’ai pu observer pendant mes
n’accordaient pas d’importance à la journée des voyages de piopagande à travers la Belgique. Je
femmes et mes insistances ne reçurent pas un ac me souviens comment un jour, à peine débarquée,
cueil favorable. Malgré cela, je fis ressortir dans après plusieurs jours passés dans de petites loca
la presse russe la signification de cette journée en lités industrielles, en train ou à pied par des che
cherchant à préparer les esprits pour son organisa mins de traverse où l’on enfonçait dans la boue
tion l’ année suivante. automnale, je dus aller vo-ii Vanderveîde pour affai
Au printemps de 1911, je vivais à Passy, où res politiques. Le laquais en habit, longtemps hésita
j ’écrivais avec passion mon livre A travers l ’ Eu à m’ « annoncer » ; avec quel dédain il accrocha du
rope ouvrière. A cette époque, je visitais souvent bout des doigts mon manteau sali par la boue des
P. Lafargiue et sa femme, Laura Marx, qui habi chemins. Alors déjà, je me demandais: comment les
taient Diaveil. Les journées et surtout les soirées ouvriers rencontrent-ils donc leur chef? De quelle
passées à m’entretenir avec les Lafargue, ces vété façon se conduit-il envers eux ? Où est la direction
rans du mouvement, brillants d’esprit, d’intelli fraternelle?
gence et de savoir, sont restées fortement gravées Par contre, j ’ ai gardé un bon souvenir de la fa
dans ma mémoire. Leur suicide, la même année, çon vraiment cordiale dont j ’étâis reçue par les
fut pour moi une épreuve personnelle. ouvriers, des soins dont ils entouraient les propa
En automne, à Paris et dans une série de villes gandistes, de leur désir de partager leur dernier
du nord de la France, éclata la fameuse grève des bien avec ceux-ci. Un jour, à Tourcoing — où le chô
ménagères. La grève, provoquée par la cherté de mage était pourtant intense, et où les familles ou
la vie, fut assez violente: les femmes des ouvriers vrières ne mangeaient pas à leur faim — les cama
saccageaient les marchés, s’ en retournaient à la rades, en me reconduisant à la gare, m’apportèrent
maison les paniers vides, mais n’achetaient pas les en guise de provisions de route un grand sac plein
produits à des prix exorbitants. Elles luttaient sur de petits pains achetés grâce à une collecte. Dans
tout contre les hauts prix du lait et de la viande, une. autre localité, quelqu’un m’avait subtilisé pen
en exigeant leur réglementation. On les arrêtait dant le meeting mes caoutchoucs ; deux kilomètre;
et elles répondaient par des manifestations et des environ séparaient le lieu de notre réunion de la
meetings bruyants. Ce mouvement a été décrit par station, et il fallait prendre un chemin boueux; les
moi dans les articles parus la même année dans organisateurs étaient très émus de l'incident. Quel
Notre Aube. ques jours aprè?, je recevais à Bruxelles 5 francs et
La grève des ménagères me surprit dans le Midi une lettre des ouvriers m’informant que pour me
de la France. Mais je rentrai immédiatement à dédommager de la perte, ils m’envoyaient de quoi
Pari? pour participer à ce mouvement. Chaque jour, acheter d’autres caoutchoucs. Il faut prendre en
il y avait plusieurs réunions sur les places publi considération que les salaires étaient extrêmement
ques, aux marchés, dans de grandes salles et dans bas.
de petits restaurants 'sombres où l ’on se tenait La presse cléricale engagea une campagne -contre
collées les unes contre les autres. J’allais partout moi, sous prétexte de mes entretiens sur la reli
faire de la propagande. L ’état d’ esprit des esclaves gion. On posa la question de mon expulsion et les
en révolte du foyer domestique était excellent. Il camarades belges me conseillèrent de partir afin de
y avait parmi elles plusieurs figures de femmes ne pas me fermer l’accès de la Belgique pour
étonnantes de force et d’énergie. Certaines possé l ’avenir.
daient des facultés oratoires qu’elles ne se soup En janvier 1912, je revins à Berlin où je travaillai
çonnaient pas. Les ouvriers appuyaient le mouve à l ’ouvrage: La société et la maternité. Ce livre ne
ment et, dans certains endroits, déclarèrent la fut achevé qu’ en 1914. Il parut en 1915 à Péters-
grève, en revendiquant la réglementation des prix. bourg,aux éditions du camarade Bontch-Brouevitch :
Vers la fin de septembre, le mouvement s’apaisa. Vie et Savoir. Je fis naturellement de la propagande
Les ménagères remportèrent une victoire partielle : dans le Parti allemand.
le gouvernement bourgeois consentit à réglementer En automne r9T2, l ’union suédoise des jeunesses
les prix par l ’intermédiaire des municipalités et socialistes (l’aile gauche du Parti, avec Hœglun-d en
s’empressa de passer des commandes d’achat de tête) m’invita à faire une tournée -de propagande en
viande en Argentine. Je restai à Paris seulement Suède. Dans ce pays était à l’ordre du jour la ques
jusqu’en janvier 1912, prenant part au mouvement tion du militarisme et dru- nouveau système d’appel
contre le service de trois ans et contre le milita au service militaire. L ’aile gauche se proclamait
risme. A deux reprises, je fis un voyage en Belgique nettement antimilitariste. Branting était pour le ren
pour y faire de la propagande, Organisant, sur la forcement de la puissance militaire de la Suède.
demande de Tchitchérine-Ornatsky, des conférences Une fois de plus, toute la presse bourgeoise du pays
dans les colonies russes et faisant de l ’ agitation sur fut mobilisée contre moi, répondant sur mon compte
les questions courantes (c’était le moment d’une âpre toutes sortes d’insanités.
lutte contre les cléricaux) sur l ’invitation diu Parti Revenue de Suède, je fus engagée dans un conflit
belge. Une impression particulièrement profonde inattendu au sujet de mon livre : A travers l'Europe
me fut laissée par le travail dans la région du Bo ouvrière. J’y avais noté la déviation opportuniste et
rinage, centre charbonnier de la Belgique, où, à le bureaucratisme croissant du Parti social-démo
cette époque, une grève était en vue et à laquelle crate allemand. Par endroits, je ridiculisais l ’autori
il fallait préparer d’une façon prudente, mais avec tarisme, l ’emphase et la trop bonne opinion de soi
insistance, les esprits. Cette grève éclata bientôt des chefs, opposant le sain instinct de classe des
après mon départ et se termina par une victoire masses à la raideur bureaucratique des dirigeants.
partielle des ouvriers; elle dura six semaines. Les camarades allemands n’avaient pu lire mon
livre, publié en russe, mais les camarades russes
A Bruxelles, j allai quelquefois chez Vanderveîde,
s’empressèrent de le leur présenter comme un pam
dans l'élégante et riche maison où l ’on rencontrait
tout ce que la Belgique comptait de « notoriétés » phlet calomnieux faisant le jeu des ennemis de la
classe ouvrière. Les dirigeants se cabrèrent. Kautsky
dans le domaine de l’ art, de la littérature ou de la
m’adressa une lettre qui n’était qu’une longue
BULLETIN COMMUNISTE 93
semonce et nos relations personnelles finirent là. sidérée comme une offense à Sa Majesté la social-
De diféients côtés, je reçus de mes amis allemands démocratie. Dans tout trait nomque à l ’ égard de
de la veille des lettres froides parlant de mon geste Schultz ou de Meyer, on voyait une preuve tangible
indélicat à l’ égard de la social-démocratie. On de « trahison du socialisme ».
racontait qu’en ma personne, le Parti allemand Une réponse au compte rendu rut rédigée par
avait accueilli une vipère, qu’on m’avait admise dans Liebkneclit. Mais l'auteur anonyme ne se tint pas
le Parti pour y travailler en camarade, qu’on m’avait coi. Il écrivit un nouvel article où il faisait des allu
permis de regarder dans les moindres recoins de sa sions personnelles non équivoques : « Comment se
vie, et que la calomnie était ma façon de le récom fait-il, écrivait cet individu, que la police allemande
penser. C ’est en vain que je demandais que les tolère la présence à Berlin d’une émigrante politi
camarades prennent connaissance du livre. La pré que russe ? Il y a quelque chose de suspect. » A cette
vention engendrée par la calomnie avait fait son ignominie, les camarades dirigeants russes répondi
œuvre. Les camarades allemands se détournaient de rent par une lettre collective de protestation, signép
moi ; ils se sentaient offensés pour « le plus fort et aussi bien par les menchéviks que par les bolchéviks
le meilleur Parti du monde ». et les trotskystes.
Seul Licbknecht, qui lut mon malheureux livre, En novembre 1912, en presence des complications
s’indigna du parti pris des dirigeants et de leur peur menaçantes des rapports internationaux des puissan
de la critique. Il s’expliqua à mon sujet devant le ces et de la guerre aux Balkans, fut convoqué le
Comité Central, mais comme on ne prenait pas Congrès international extraordinaire de Baie. On
contre moi de mesures pratiques, son intervention m’envoya deux mandats: un du syndicat du textile
ne put m’aider: la prévention resta. et un des ouviières de l ’aiguille. Le jour de l ’ou
Je passai l ’été de 1912, très déprimée, dans une verture du Congrès, je pris la parole au meeting
petite localité ouvrière près de Berlin (Zeitin), cen officiel au nom des deux fractions du Parti russe.
tre des métallurgistes, en travaillant à mon livre : Après le Congrès, je restai quelque temps en Suisse
ha société et la maternité. Le Parti allemand ne pour y faire de la propagande.
m’employait plus pour la propagande. En septem En féviier 1913, le Parti suisse me demanda de
bre, je reçus des camarades anglais l ’invitation venir de nouveau pour l ’organisation de la journée
d’aller au Congrès des Trades-Unions. J ’acceptai des femmes. C ’est î’aile gauche, avec le camarade
cette invitation d’autant plus que les matériaux de Platten, qui proposa de m’inviter. De Suisse, je
source anglaise me manquaient. partis pour Paris.
Pendant mon séjour en Angleterre, en 1912, j ’étu
diai surtout la participation des femmes au mouve (A suivre.)
ment coopératif. Je fis connaissance de Marguerite
Bonfield et Dawis et nouai des relations avec les
Alexandra Kollontaï.
jeunesses ouvrières des universités ouvrières socia
listes. Quoiqu’on enseignât dans ces universités
conformement à « l’école de Marx », il régnait parmi
les jeunes une tendance syndicaliste, ce qui n’em
pêchait pas de sentir chez eux une hardiesse révolu
Bulletin Communiste
tionnaire et un esprit de décision qui manquaient ORGANE DU COMMUNISME INTERNATIONAL
aux chefs du vieux trade-unionisme.
Au Congrès, il y avait lutte sur la nouvelle tacti
que des Trades-Unions et du Labour Party. La Lm numéro i 76 centime
it gauche » défendait la nécessité de pratiquer la
politique de classe avec une plus grande netteté et A bonnem ents : France Etranger
d’appuyer le 3 « actions de masses ». 11 me fallut
non seulement prendre la parole pour soutenir la 3 m o is........................ lcT fr. 1 5 fr.
<c gauche », mais encore batailler contre les vieux 6 m o is........................ 1 8 fr. 2 5 fr.
trade-unionùstes dans une série de conférences préa
lables. Henderson, alors secrétaire du Labour Party,
1 a n ............................. 3 5 fr. 4 5 fr.
retarda de toutes les manières la teconnaissance de
mon- mandat, mais Tom Man et d’autres représen
Prière d adresser :
tants de la gauche d’alors l ’imposèrent. Tout ce qui concerne la Rédaction à Boris
Le travail au British Muséum me procura une S O U V A R IN E , 123, rue Montmartre, Paris.
riche documentation pour mon livre, et je revins à Tout ce qui concerne l ’Administration à
Berlin avec une ferme intention d’achever d’urgence G U IL L O U , 123, rue Montmartre, Paris.
l ’ouvrage commencé. Mais il fallut de nouveau
s’occuper de l ’affaire créée autour de: A travers
VEurofe ouvrière. Pendant mon absence, quelqu’un
écrivit sous un nom d’emprunt (on sut plus tard
que c’était un Russe), dans l'organe central des Le “ B U L L E T IN C O M M U N IS T E ”
syndicats d’Allemagne, un compte rendu dans le
quel il démontrait que l ’ouvrage comportait une est en vente dans les principaux kiosques des
renonciation à la social-démocratie, ne pouvait être quartiers ouvriers parisiens.
dû qu’à la plume d’ une renégate « déclarée », etc... Dem andez à votre marchand habituel son expo
Je dus non seulement entamer une polémique,
mais aller aussi m’expliquer avec les chefs du mou sition en bonne place.
vement syndical. Legien fut particulièrement indi Les camarades qui consentiraient à vendre
gné du fait que j’ avais osé « soupçonner » le Parti
allemand d’ « opportunisme ». chaque semaine quelques numéros du “ BUL
Mon explication avec lui demanderait à être fixée
sur le papier, en tant que trait caractéristique des L E T I N C O M M U N I S T E ” dans leur atelier,
mœurs de l ’époque. En ce temps-là, déjà, les diri leur groupe communiste, leur syndicat sont priés
geants du Parti s’étaient abaissés à tel point que
toute parole de critique, même justifiée, était con de s adresser à notre administrateur.
110 BULLETIN COMMUNISTE
cc
77
/
eur 1enmisme
« Le régime capitaliste OBLIGE LE TRA VAIL Notre camarade Leroy, des chauffeurs de taxi,
LEUR A EPARGNER ! nous a envoyé la lettre suivante, à propos de notre
allusion aux simili-opposants :
Paris, 17 novembre 1025.
« Verser cette épargne à la B. O. P., c’est lutter
contre ce régime. » Cher camarade,
L. P ichon. En ne mentionnant pas, dans les articles d’opposants
{Humanité, 30 octobre.) parus celui que j’ai écrit sur la nouvelle QrLau.sation
des fractions syndicales, vous avez semblé me ranger
dans les opposants « agréés ».
« Travailleurs, la B. O. P. est UNE NOUVELLE Je protesterais contre cela si telle avait été votre in
ARME entre vos mains pour lutter contre vos ex tention ; jamais je n'ai fait partie de cette catégorie.
ploiteurs. Soutenez-là (sic) de tous vos moyens. » J’ajoute que si j’avais cru que l'appel du Comité centrai
n’était qu’un bluif, je n’aurais pas envoyé cet article.
S émard. D’ailleurs, quand je m’en suis rendu compte, j’ai
{Humanité, 30 septembre.) cessé d’en envoyer d’autres.
G. L ero y .
En effet, la lecture de l’ Humanité est un exer
« Que tous ceux qui comprennent LA GRAN cice si pénible que l ’article de Leroy nous était
DEUR DE CETTE TACHE aident par tous les passé inaperçu, parmi tant d’ autres. D'où notre
moyens à sa réalisation. » oubli, que notre correspondant nous pardonnera.
M. C achin.
{Humanité, 29 septembre.)
!
BULLETIN COMMUNISTE 141
pensée de convoquer le i6r Congrès pannusse des femmes dans le Comité pour la propagande à la
ouvrières. Sveraiov appuya cette idée. Le Congrès campagne.
fut convoqué en novembre 1918 et de lui date le Une grave maladie m’éloigna du travail actif en
commencement du travail organisé diu Parti dans tre novembre 1919 et avril 1920. Au 7e Congrès des
la population féminine laborieuse. Le Congrès Soviets, je fius de nouveau élue membre du Comité
adopta le projet tracé par Inessa et par moi et Je Central Exécutif. Au printemps de 1920, je procédai,
Comité Central confirma la constitution des « com par l'intermédiaire du Comité Exécutif de l'inier-
missions » féminines qui, plus tard, furent transfor nationale Communiste, à la convocation de la pre
mées en sections. mière conférence internationale des femmes commu
Je passai l ’hiver 19X8-1919 à Moscou, militant nistes. Je passai le mois de mai et une partie de
parmi les femmes comme membre de la Commission juin au Caucase septentrional. A Kislovodsk, je mis
Centrale des ouvrières et faisant de la propagande sur pied l ’organisation féminine et contribuai à l ’or
générale. J'éciivais dans la Pravda, les Isvustia, ganisation d’une école du Parti. Une seconde grave
la Page Centrale des Ouvrières, le Communard. maladie m’éloigna de toute activité pour la période
J’écrivis deux brochures: La Famille et la Société juillet-octobre 1920.
Communiste et YOuvrière après rené année de Révo Depuis lors, j ’ai dirigé la section des femmes au
lution et en préparai trois autres pour leur réédition près du Comité Central. J’ai été adjointe au Secré
(Comment les ouvrières luttent pour leurs droits, tariat International des femmes auprès de l ’Interna
La morale nouvelle et Les Congrès internationaux), tionale Communiste, et en cette qualité membre de
écrivis sur Rpsa Luxembourg, etc. Je pris part au l ’Exécutif de l ’ I. C. Je fus membre aussi de la
i,r Congrès de l ’Internationale Communiste et y Commission contre la prostitution, créée sur mon
proposai une résolution sur la participation des ou initiative, dès 1919; son activité se ranima en au
vrières au mouvement, adoptée par le Congrès. Au tomne 1920. Les thèses sur la lutte contre la prosti
8e Congrès du Parti, je fis un rapport sur la propa tution ont été également élaJiorées par moi. Je sou
gande parmi les femmes et fis admettre certaines levai une discussion sur la « nouvelle morale ».
additions au programme révisé du Parti concernant Mes thèses sur la « nouvelle morale » furent pu
la reconnaissance aux femmes des mêmes droits bliées dans le numéro 12 de La femme communiste.
qu’aux hommes. Par contre, les points concernant Pendant l’ hiver 1920-1921, je travaillai surtout
les relations familiales et matrimoniales ainsi que dans la section des femmes auprès du Comité Cen
la prostitution fuient repoussés par la Commi sion. tral et au Secrétariat International des femmes. J’ai
Après ce Congrès, je partis pour l ’ Ukraine où je contribué activement à la propagande parmi les
lestai jusqu’en septembre 1919. Je militai à Alexan- femmes d’ Orient, à la convocation de la iro confé
drovsk, dans les syndicats, dans les Jeunesses Com rence des femmes communistes de l’Orient et de la
munistes et pour l ’organisation des ouvrières. 2e conférence internationale, ainsi qu’à l ’adopt’on
J’allai aussi faire de la propagande au front. Je fus par le Conseil des Commissaires du Peuple de la
déléguée au Congrès panukranien des syndicats à résolution du 8e Congrès des Soviets recommandant
Kharkov par le syndicat des métallurgistes. Dans de faire jouer aux ouvrières et paysannes un rôle
cette ville, je restai près d’un mois et demi, tra actif dans l ’édification économique. Mon rapport à
vaillant en contact étroit avec la Concordia Saruoï- la conférence internationale des femmes, ratifié par
lova. Nous jetâmes ensemble les bases de l ’organi-a- le Congrès de l ’I. C., constitue la base du travail
tion des ouvrières de Kharkov. parmi les femmes dans les Partis communistes de
La situation devenant jnquiétante et Dénikine tous les pays.
prenant de nouveau l’offensive, j ’allai en mai mili J’ai pris part au 10e Congrès du Parti dans le
ter dans le Donetz: à Bakbmout, Lougansk et au groupe de l ’opposition ouvrière publiant à l ’époque
tres grands et petits charbonnages. Je vins au mo une brochure: VOpposition ouvrière. Au 3® Congrès
ment de la rupture du front, fis la retraite avec de l ’ Internationale Communiste, je suis intervenue
les armées. Les terribles tableaux de la retraite Comme déléguée du Parti communiste russe. Je res
m’incitèrent à faire à ce sujet une communication tai membre du Comité Central Exécutif, du Secréta
à Trotsky. Mais la situation était déjà sans issue. riat international des femmes et représentante de
Kharkov était à la veille de l ’évacuation. De Khar celui-ci au Comité Exécutif de l ’Internationale
Communiste.
kov, je partis pour la Crimée où je fus nommée au
poste de Président de la Direction Politique de la Alexandra Kollontaï.
République de Crimée. J ’avais commencé à orga {Fin)
niser un journal, ainsi qu’une école de mil'tant s
politiques, essayé aussi de grouper les internationa
listes et à rétablir les relations "avec les ouvriers des
Etats du sud de l ’Europe, mais l ’évacuation de la
Crimée interrompit le travail commencé. 'IN.otre première page
A Kiev, je fus nommée Commissaire du Peuple
pour la propagande et l ’agitation en Ukraine. Je ne Antonov-Ovsèicnko, dont nous donnons le beau por
travaillai cependant que deux mois dans le gouver trait dessiné par Annenkov, est un des hommes de la
nement ukranjen, créant et organisant le nouveau Révolution d’Oclobre. Il fut un des plus proches colla
Commissariat et participant au travail de la Com
mission interdépartementale chargée de délimiter borateurs de Trotsky dans l’opération insurrectionnelle.
les fonctions des différents Commissariats. Avec C'est lui qui mena victorieusement l'attaque du Palais
Maïrova et Tchernycheva, nous jetâmes à Kiev les d’Hiver, à Pétrograd.
fondements de l ’organisation féminine. Une nou Pendant la guerre, son dévouement avait assuré ''exis
velle évacuation die Kiev coupa court au début de tence du journal russe internationaliste de Péris, Roche
l ’activité du Commissariat pour la propagande en Slovo, dont Trotsky fut le collaborateur principal.
Ukraine. En septembre rçt9, je revins à Moscou L’an dernier, il fut un des ardents de /opposition
(ayant réussi, entre parenthèses, à faire évacuer de dans le Parti bolchévik, et cela lui valut d’être évincé
l ’Ukraine les deux bateaux et un train de propa de son poste de f'armée rouge dont fl fut un des orga
gande du Commissariat) pour me mettre au travail
dans la section féminïne du Comité Central. Je fus .j nisateurs.
désignée pour représenter le Comité Central à M Aujourd’hui, il est à Prague le représentant de la
l ’Union des Jeunesses Communistes et la section d e s f l jRépublique des Sovlete.