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Les premiers mois après son arrivée, en juin 2005, les diplomates
français vivaient dans la terreur de ses gaffes. En visite à Gaza, en
septembre, on le vit assurer que les Israéliens étaient prêts à
embaucher de jeunes Palestiniens, alors même que les permis de
travail, déjà en nombre très réduit, sont seulement attribués aux
hommes mariés de plus de 35 ans depuis plus de dix ans. La presse
israélienne, éberluée, l'a suivi jusqu'au musée Yad Vashem de la Shoah,
à Jérusalem. Long arrêt devant une carte d'Europe qui présente chaque
pays en deux colonnes figurant l'importance des communautés juives
"avant et après" la seconde guerre mondiale. Le ministre français : "Il
n'y a pas eu de juifs tués en Angleterre ?" Réponse gênée du
conservateur du musée : "Mais, M. le ministre, l'Angleterre n'a pas été
occupée par les nazis." M. Douste-Blazy n'a pas sourcillé et a repris :
"Mais il n'y a pas de juifs expulsés d'Angleterre ?"
A New York, après un dîner important à l'ONU entre ministres, sans les
conseillers, les diplomates français réclament, comme c'est l'usage, un
débriefing. Le ministre se montra si flou qu'il fallut réclamer un compte
rendu... à son collègue britannique. Dominique de Villepin, qui l'aime
pourtant bien, s'agace souvent de ses déclarations à contretemps. Et
Jacques Chirac a peu apprécié les propos très catégoriques de son chef
de la diplomatie quant aux aspects "militaires" présumés du nucléaire
iranien, propos qui ont valu au ministre une place de choix dans le New
York Times du lendemain.
Autant dire que son arrivée au Quai d'Orsay a désorienté bon nombre
de fonctionnaires. "Tenir" ce ministère est difficile. Les dossiers sont
multiples, complexes, mouvants. Les voyages sont nombreux. Tout
dérapage peut provoquer un incident. Ici, un ministre faible est vite
accusé de tous les maux : le déclin de la France dans le concert des
nations, les réductions budgétaires qui affectent le ministère depuis
déjà quatre ans. Mais au fond, on reproche surtout à "Douste" d'être le
syndrome de cette fin de règne élyséenne qui n'en finit pas.
Philippe Douste-Blazy n'ignore rien de tout cela. Depuis vingt ans qu'il
fait de la politique, il a toujours suscité l'engouement, puis le doute.
"Avec lui, dès qu'on gratte un peu, on sent tout de suite le Formica", a
souvent dit le député des Hauts-de-Seine André Santini, qui l'a côtoyé
des années à l'UDF. "Douste" est malin, rapide, drôle souvent. Mais il a
une incroyable légèreté intellectuelle qui fait à la fois son charme et sa
limite. Lui-même explique les choses franchement : "Quatre ou cinq
jours avant d'être nommé à Matignon, Dominique (de Villepin) m'a
demandé ce que je souhaitais. Je voulais un ministère régalien pour
compléter mon parcours. L'économie ou l'intérieur." L'exigence était
ambitieuse. Certes, Philippe Douste-Blazy a mené en 2002 une partie
de l'UDF dans le giron de l'UMP, alors chiraquien, et a pris fait et cause
pour Dominique de Villepin contre Nicolas Sarkozy.